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651 Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999, pp 651-662 1359-5997/99 © RILEM SCIENTIFIC REPORTS Prévision du comportement en flexion de consoles courtes en béton armé. Prise en compte de l’endommagement du béton (Fluxural behaviour prediction of reinforced concrete corbels, taking in account the concrete damage) A. Khadraoui 1 , M. Bourget 1 , F. Buyle-Bodin 2 et Y. Delmas 1 (1) Groupe de Mécanique, Matériaux et Structures, Université de Reims Champagne-Ardenne, I.U.T. de Reims, Rue des Crayères BP 1035, 51687 REIMS cedex 2, France (2) Laboratoire de Mécanique de Lille, Université de Lille 1, Cité Scientifique, 59655 VILLENEUVE D’ASCQ cedex, France Toutefois les codes de calculs actuels les utilisent pour la conception des consoles courtes en introduisant des coefficients de pondération. Ces codes permettent la conception des consoles courtes avec une bonne marge de sécurité, mais aux dépens d’un excès dans les quanti- tés du béton et de l’acier. Nous présentons, dans cet article, une analyse expéri- mentale plus fine du comportement mécanique des consoles courtes en béton armé. Ensuite, nous propo- sons une modélisation, qui prend en compte un plus grand nombre de paramètres inf luents, et permettant d’améliorer la prévision du comportement en f lexion des consoles courtes en béton armé. 1. INTRODUCTION Dans une console courte en béton armé le rapport entre la portée de cisaillement et la hauteur de la section d’encastrement est inférieure à 1. Par conséquent, la théorie conventionnelle des poutres f léchies qui donne des résultats acceptables pour les poutres élancées, n’est plus justifiée pour une telle structure. De ce fait, plu- sieurs chercheurs ont modélisé le comportement méca- nique des consoles courtes en utilisant des méthodes empiriques ou semi-empiriques fondées sur des schémas de fonctionnement mécanique globaux simples [1-6]. Ces modèles ne permettent pas de prévoir la résistance des consoles courtes avec une précision satisfaisante. ABSTRACT An experimental analysis shows that the global mecha- nical behaviour of the corbels is linear until the beginning of interface corbel-column damage. For the corbels carried out and tested at the laboratory, the ultimate failure occurs at the interface corbel-column after extensive yielding of the tension reinforcement developed by the bending or at the diagonal by the shearing of concrete. A model of the bending behaviour of the interface cor- bel-column is proposed. This model is based on a heuristic method. First, the interface corbel-column behaviour is determined by the conventional flexural beam theory taking account of the stirrups and considering concrete as an elastic-damaging material and the steel of the reinforce- ments perfectly elasto-plastic. Then, the behaviour, thus obtained, is corrected using the calculation-experiment comparisons. This model gives a good agreement with the experimental results. RÉSUMÉ Nous montrons par une analyse expérimentale que le comportement mécanique global des consoles courtes en béton armé est linéaire jusqu’au début de l’endommage- ment de la section d’encastrement. Pour les consoles réa- lisées et testées au laboratoire, la rupture finale se produit à l’encastrement, par la plastification du tirant sous l’effet de la traction développée par la f lexion, ou à la diagonale par le cisaillement du béton. Nous proposons un modèle du comportement en flexion de la section d’encastrement fondé sur une méthode heuristique. Dans un premier lieu, le comportement de la section d’encastrement est déterminé dans le cadre de la théorie générale des poutres fléchies, en tenant compte des armatures réparties et en considérant le béton comme élas- tique endommageable et l’acier des armatures comme élasto-plastique parfait. Ensuite, le comportement, ainsi obtenu, est corrigé à partir des comparaisons calcul-expé- rience. Ce modèle permet de reproduire assez fidèlement le comportement expérimental du tirant à l’encastrement. Article reçu : le 11 janvier 1999 ; Article accepté : le 16 juin 1999 Editorial Note Prof. Buyle-Bodin is a RILEM Senior Member.

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Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999, pp 651-662

1359-5997/99 © RILEM

SCIE

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REP

OR

TSPrévision du comportement en flexion de consoles courtes enbéton armé. Prise en compte de l’endommagement du béton(Fluxural behaviour prediction of reinforced concrete corbels, taking in account the concrete damage)

A. Khadraoui1, M. Bourget1, F. Buyle-Bodin2 et Y. Delmas1

(1) Groupe de Mécanique, Matériaux et Structures, Université de Reims Champagne-Ardenne, I.U.T. de Reims, Rue des Crayères BP 1035,51687 REIMS cedex 2, France(2) Laboratoire de Mécanique de Lille, Université de Lille 1, Cité Scientifique, 59655 VILLENEUVE D’ASCQ cedex, France

Toutefois les codes de calculs actuels les utilisent pour laconception des consoles courtes en introduisant descoeff icients de pondération. Ces codes permettent laconception des consoles courtes avec une bonne margede sécurité, mais aux dépens d’un excès dans les quanti-tés du béton et de l’acier.

Nous présentons, dans cet article, une analyse expéri-mentale plus f ine du comportement mécanique desconsoles courtes en béton armé. Ensuite, nous propo-sons une modélisation, qui prend en compte un plusgrand nombre de paramètres inf luents, et permettantd’améliorer la prévision du comportement en f lexion desconsoles courtes en béton armé.

1. INTRODUCTION

Dans une console courte en béton armé le rapportentre la portée de cisaillement et la hauteur de la sectiond’encastrement est inférieure à 1. Par conséquent, lathéorie conventionnelle des poutres f léchies qui donnedes résultats acceptables pour les poutres élancées, n’estplus justifiée pour une telle structure. De ce fait, plu-sieurs chercheurs ont modélisé le comportement méca-nique des consoles courtes en utilisant des méthodesempiriques ou semi-empiriques fondées sur des schémasde fonctionnement mécanique globaux simples [1-6].Ces modèles ne permettent pas de prévoir la résistancedes consoles courtes avec une précision satisfaisante.

A B S T R A C T

An experimental analysis shows that the global mecha-nical behaviour of the corbels is linear until the beginningof interface corbel-column damage. For the corbels carriedout and tested at the laboratory, the ultimate failure occursat the interface corbel-column after extensive yielding of thetension reinforcement developed by the bending or at thediagonal by the shearing of concrete.

A model of the bending behaviour of the interface cor-bel-column is proposed. This model is based on a heuristicmethod. First, the interface corbel-column behaviour isdetermined by the conventional f lexural beam theorytaking account of the stirrups and considering concrete asan elastic-damaging material and the steel of the reinforce-ments perfectly elasto-plastic.

Then, the behaviour, thus obtained, is corrected usingthe calculation-experiment comparisons. This model givesa good agreement with the experimental results.

R É S U M É

Nous montrons par une analyse expérimentale que lecomportement mécanique global des consoles courtes enbéton armé est linéaire jusqu’au début de l’endommage-ment de la section d’encastrement. Pour les consoles réa-lisées et testées au laboratoire, la rupture finale se produità l’encastrement, par la plastification du tirant sous l’effetde la traction développée par la f lexion, ou à la diagonalepar le cisaillement du béton.

Nous proposons un modèle du comportement enflexion de la section d’encastrement fondé sur une méthodeheuristique. Dans un premier lieu, le comportement de lasection d’encastrement est déterminé dans le cadre de lathéorie générale des poutres f léchies, en tenant compte desarmatures réparties et en considérant le béton comme élas-tique endommageable et l’acier des armatures commeélasto-plastique parfait. Ensuite, le comportement, ainsiobtenu, est corrigé à partir des comparaisons calcul-expé-rience. Ce modèle permet de reproduire assez fidèlement lecomportement expérimental du tirant à l’encastrement.

Article reçu : le 11 janvier 1999 ; Article accepté : le 16 juin 1999

Editorial NoteProf. Buyle-Bodin is a RILEM Senior Member.

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Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999

2. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE

2.1 Corps d’épreuve

Les consoles courtes en béton armé sont des élémentsde construction fréquemment utilisés dans le bâtiment etles travaux publics. Elles servent d’appui à un chemin deroulement d’un pont roulant ou à une poutre souventpréfabriquée. Une console courte en béton armé com-porte des armatures supérieures appelées aussi armaturesdu tirant et des armatures réparties sous forme de cadreshorizontaux (Fig. 1). Les armatures supérieures sont des-tinées à résister aux contraintes de traction développéespar la f lexion. Les cadres horizontaux servent à fretter labielle inclinée comprimée de béton pour minimiser lafissuration et éviter la rupture fragile.

Pour faciliter le dispositif d’essai, nous avons choisi uncorps d’épreuve constitué par deux consoles identiquesencastrées dans un poteau symétriquement par rapport àson axe vertical (Fig. 2). Le poteau a pour dimensions 15× 30 × 100 cm et suffisamment rigidifié par des armatureslongitudinales et transversales afin d’assurer une parfaitetransmission des efforts verticaux aux consoles. Le corpsd’épreuve est soumis à un essai de f lexion en positioninversée par rapport à la réalité (Fig. 3). La charge estappliquée au corps d’épreuve par la base du poteau aumoyen d’un vérin alimenté par un groupe hydraulique.Chaque console du corps d’épreuve est soumise à unecharge verticale équivalente à la réaction de l’appareild’appui, soit la moitié de la charge du vérin. Cette chargeest répartie par l’intermédiaire d’une plaque d’appui enacier d’épaisseur 25 mm et centrée sur l’appui. Pour éviterl’écrasement local du béton sous l’appui, on interposeentre la console et la plaque d’appui une plaque de boisdur d’épaisseur 3 mm. L’appareil d’appui est constitué parun cylindre en acier qui peut effectuer une rotation

autour de son axe de révolution. La plaque d’appui estcentrée sur ce cylindre. Ces conditions d’appui autorisentla rotation et le déplacement horizontal de la console, cequi permet d’éviter les efforts horizontaux.

Fig.1 - Géométrie d’une console courte en béton armé etdisposition des armatures.

Fig. 2 - Dimensions et ferraillage du corps d’épreuve.

Fig. 3 - Dispositif d’essai.

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Toutes les consoles sont de forme trapézoïdale et ontla même géométrie avec une épaisseur de 15 cm et unehauteur de la section d’encastrement de 36 cm (Fig. 2).

Les armatures du tirant de l’une des deux consolesd’un corps d’épreuve traversent le poteau horizontale-ment pour constituer les armatures du tirant de l’autreconsole. Cette disposition assure, d’une part, un ancragedroit suffisant, et d’autre part, une meilleure symétriedes efforts de traction transmis aux consoles. L’ancragedes armatures du tirant, du côté de la face libre de laconsole, est constitué par une barre de même diamètreque celles-ci. Cette barre est soudée perpendiculaire-ment aux armatures du tirant.

Tous les corps d’épreuve sont fabriqués par un bétonclassique dosé à 400 Kg de ciment (CPJ-CEM II/A 32.5R) par mètre cube. Les résistances caractéristiques à lacompression (fc) et à la traction (ft) sont respectivementde 34 et 2.8 MPa. Les modèles des comportements encompression et en traction simples sont donnés par lescourbes des Figs. 9 et 10.

Nous avons utilisé des armatures à haute adhérence(Nersid). Elles sont constituées d’acier laminé à chaudnaturellement dur (type 1 dans la norme NFA35-016).Le comportement mécanique de l’acier des armatures estde type élasto-plastique parfait. La contrainte conven-tionnelle (fy) et la déformation à la limite élastique (εe)sont respectivement de 550 MPa et 0,275%. Le moduled’Young (Es) est égal à 200 000 MPa.

2.2 Méthode expérimentale

Nous mesurons les déformations du béton à la surfacede la console, au moyen de jauges électriques. Les positionsdes jauges sont indiquées sur la Fig. 4. Les jauges J1, J2, J3et J4 sont collées au voisinage de la section d’encastrement

de telle manière qu’elles soient traversées par la fissure quiapparaît à l’encastrement de la console. Elles sont disposéeshorizontalement et mesurent des allongements relatifs.Une jauge Jt est placée, au même niveau que la jauge J1, surl’une des deux barres du tirant. Elle permet de mesurer lesallongements relatifs des armatures supérieures à l’encastre-ment et d’en déduire les contraintes sur celles-ci (Fig. 4).

Les conditions d’appui jouent un rôle très importantsur l’équilibre statique des structures en béton armé etsur la distribution des contraintes au voisinage de l’appui.Dans le cas de l’application de la charge par l’intermé-diaire d’un cylindre en acier, la distr ibution descontraintes au voisinage de l’appui est très complexe etdifficile à déterminer expérimentalement et théorique-ment. De plus, le matériau béton, par la nature de cesconstituants, ne résiste pas à des contraintes concentréesélevées. De ce fait, il se produit un écrasement local pré-maturé du béton au voisinage de l’appui. Ceci a poureffet de créer localement, au niveau de l’appui, un efforthorizontal de traction provoquant une rupture prématu-rée suivant la diagonale de la console. Afin de minimiserces effets, on répartit la charge appliquée par l’intermé-diaire d’une plaque d’appui plus rigide que le béton.Cette plaque d’appui repose elle-même sur un appareild’appui selon la Fig. 3.

Nous analysons, expérimentalement, le comporte-ment de consoles courtes en béton armé en fonction dela longueur de la plaque d’appui. Trois corps d’épreuveidentiques à celui de la Fig. 1 sont testés. Le premier estappuyé directement sur le cylindre de l’appareil d’appui(console A). Les trois autres corps d’épreuve (consoles Bet C) sont appuyés par l’intermédiaire de plaques enacier, de longueurs respectives (lp) de 3 et 5 cm, quireposent elles même sur le cylindre de l’appareil d’appui.

Cette étude est fondée sur la comparaison, entre dif-férents corps d’épreuve, des déformations de points cri-tiques (les plus sollicités) en fonction de la charge appli-quée.

2.3 Résultats et discussion

Pour tous les corps d’épreuve, lors de la mise en char-gement, la première fissure (Fig. 5) s’amorce à la partiesupérieure de la jonction de la console avec le poteau àune charge voisine de 65 kN. Au fur et à mesure que lacharge augmente, cette fissure se propage vers l’intérieurdu poteau avec un angle d’inclinaison, par rapport à lasection d’encastrement, égal en moyenne à 19 degrés.Elle change de direction à la charge de 80 kN en se pro-pageant parallèlement à la section d’encastrement, sui-vant l’interface entre l’armature longitudinale du poteauet le béton.

Dans la suite du chargement, la f issuration sous laplaque d’appui dépend de la largeur de la plaque :– Pour la console A (Fig. 5), une fissure pratiquementrectiligne apparaît d’une manière instable entre le pointd’application de la charge et la base de la section d’encas-trement à la charge de 150 kN. Cette fissure est appeléefissure diagonale. La rupture de la console se produit sui-

Khadraoui, Bourget, Buyle-Bodin, Delmas

Fig.4 - Positions des jauges de déformation à la surface de la console.

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Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999

vant cette dernière fissure à une charge égale à 197 kN.– Pour les autres consoles B et C (Fig. 5), une fissures’amorce au voisinage de l’extrémité de la plaque d’appuise trouvant du côté de l’encastrement, et se propage versla base de la section d’encastrement.

La charge du début de fissuration à l’encastrement(≈ 65 kN) ne semble pas dépendre de la longueur de laplaque d’appui.

Puisque l’observation des f issures s’effectue à l’œilnu, le relevé des charges d’apparition et de propagationdes fissures ne peut être que subjectif. Afin de procéder àune étude plus détaillée de l’amorce, de l’ouverture et dela propagation des fissures, nous analysons les courbes dela charge appliquée en fonction des déformations desjauges J1, J2, J3, J4 et Jt

Les courbes charge-déformation des jauges J1, J2, J3et Jt (Fig. 6) sont identiques pour toutes les consoles.L’analyse de ces courbes montre que le comportementmécanique à l’encastrement des 3 corps d’épreuve est

élastique linéairejusqu’à l’amorce de lapremière f issure àl’encastrement à lacharge de 52 kN(Jauge J1, Fig. 6).Durant cette pre-mière phase les arma-tures du tirant (àl’encastrement) et lebéton se trouvant à lamême hauteur subis-sent la même défor-mation (Jauges Jt etJ1, Fig. 6).

À partir de lacharge de 52 kN, onobserve le début d’une

deuxième phase (phase de transition) qui correspond à unendommagement progressif du béton de la partie supé-rieure de la section d’encastrement. Cette phase prend fin àla charge de 64 kN. Puisque le chargement est croissant, lacharge imposée de 64 kN provoque une propagation rapi-de en régime instable de la fissure à l’encastrement jusqu’àune position située au voisinage de la jauge J4. Ce régimeinstable est dû à la recherche d’un nouvel équilibre inté-rieur dans lequel la perte des contraintes de traction sur lebéton à l’encastrement est reprise par les armatures dutirant.

On remarque qu’à la charge de 64 kN les jauges J1, J2et J3 rompent sous l’effet des déformations excessives dubéton tendu de peau.

Dans la suite du chargement (F > 64 kN), on observeune troisième phase dans laquelle la courbe charge-déformation des armatures du tirant (Jauge Jt, Figs. 6 et7) devient linéaire. Ce qui montre que cette phase cor-respond à la propagation et l’ouverture en régime stable

Fig. 5 - Fissuration des consoles courtes en béton armé en fonction de la largeur de la plaque d’appui.

Fig. 6 - Comportement à l’encastrement de la console A : CourbeCharge-déformation des jauges J1, J2, J3, J4 et Jt.

Fig. 7 - Évolution des déformations du tirant, à l’encastrement,en fonction de la charge appliquée pour les différents appuis (lp =0 ; 3 et 5 cm).

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de la fissure à l’encastrement. Dans cette phase la courbecharge-déformation du tirant de la console A (Jauge Jt,Fig. 7) présente un palier horizontal à la charge de 150kN qui correspond à l’apparition de la fissure diagonale.Ce palier est absent pour les consoles B et C soumises àune charge par l’intermédiaire d’une plaque d’appui.

Cette phase prend fin à la charge de la rupture de laconsole par cisaillement du béton à la diagonale (consoleA) ou par plastif ication du tirant à l’encastrement(console B et C).

La comparaison des courbes charge-déformation dela jauge J4 (Fig. 8) des consoles A, B et C montre que lecomportement à la base de la section d’encastrement estglobalement identique pour toutes les consoles jusqu’àl’apparition de la fissure diagonale à la charge de 150 kN.Au-delà de cette charge les comportements des consolesA, B et C à la base de la section d’encastrement devien-nent différents.

La charge de la rupture croît en fonction de la largeurde la plaque d’appui (Tableau 1). De plus, la console (A)a subi une rupture par cisaillement à la diagonale tandisque les consoles B et C ont subi une rupture par f lexion-traction à l’encastrement. Par conséquent, il faut appli-quer la charge à une console courte en béton armé par

l’intermédiaire d’une plaque d’appui suff isammentlongue afin de minimiser la fissuration au voisinage de ladiagonale et d’éviter la rupture fragile et prématurée sui-vant cette diagonale.

3. MODÉLISATION

Lorsqu’une console courte est soumise à une chargeverticale concentrée ou répartie par l’intermédiaire d’uneplaque d’appui, l’endommagement et la f issuration seproduisent principalement dans la zone située au voisi-nage de la section d’encastrement. Cette zone se dégradeau fur et à mesure que la charge augmente malgré l’appa-rition de la fissure diagonale. Pour les consoles réaliséeset testées au laboratoire, la rupture finale se produit àl’encastrement, par la plastification du tirant sous l’effetde la traction développée par la f lexion, ou à la diagonalepar le cisaillement du béton.

L’analyse expérimentale à l’aide de jauges électriquesd’extensométrie a montré que le comportement de lasection d’encastrement possède trois phases :1- une phase linéaire jusqu’au début de l’endommage-ment du béton tendu à la partie supérieure de la sectiond’encastrement ;2- une phase d’endommagement ;3- une phase de propagation et d’ouverture de la fissure àl’encastrement.

Nous proposons un modèle du comportement enf lexion de la section d’encastrement fondé sur uneméthode heuristique. Dans un premier lieu, le compor-tement de la section d’encastrement est déterminé dansle cadre de la théorie générale des poutres f léchies(modèle de référence), en tenant compte des armaturesréparties et en considérant le béton comme élastiqueendommageable et l’acier des armatures comme élasto-plastique parfait. Ensuite, le comportement, ainsiobtenu, est corrigé à partir des comparaisons calcul-expérience.

Nous supposons que toute une zone au voisinage dela section d’encastrement subit un endommagementhomogène et isotrope malgré l’apparition de la fissure àl’encastrement qui crée une discontinuité locale doncune non-homogénéité et une anisotropie. Le diagrammedes déformations de la section d’encastrement est consi-déré comme linéaire. Le matériau béton est considérécomme élastique endommageable jusqu’à la rupture.

3.1 Loi de comportement du béton

La loi du comportement du béton utilisée et issue dela théorie d’endommagement développée par J. Lemaître[7] et appliquée au béton par J. Mazars [8] :

3.1.1 Traction simple

σ = Eb[1 - Dt (ε)]ε (1)

Khadraoui, Bourget, Buyle-Bodin, Delmas

Console Charge de Type de rupturerupture (kN)

A 195 Cisaillement à la diagonale

B 225 Rupture à l’encastrement par la plastification du tirant

C 237 Rupture à l’encastrement par la plastification du tirant

Tableau 1 - Charges et types de rupture des consoles A, B et C

Fig. 8 - Évolution des déformations de la jauge J4 en fonction dela charge appliquée pour les consoles A, B et C.

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Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999

où Dt représente la variable d’endommagement en trac-tion simple :

(2)

εd0 est la déformation correspondant au seuil initiald’endommagement en traction simple ; At et Bt sont lescaractéristiques d’endommagement en traction.

L’identification en traction se fait de façon indirectesur un essai plus adapté en l’occurrence l’essai de f lexiontrois points [8]. Cet essai conduit certes à une rupturelocalisée mais, du fait du conf inement, il fournit uncomportement plus stable. Il est d’autre part plus facile àmettre en œuvre qu’un essai de traction directe.

Les paramètres issus de l’identif ication avec la loiexpérimentale obtenue à partir d’essais de f lexion3 points sur des éprouvettes 7 × 7 × 28 cm sont :

εd = 0,8 10-4, At = 0,8, Bt = 20 000, Eb = 35 500 MPa,ft = 2,8 MPa

Nous avons tracé la courbe de comportement uni-axial (Fig. 9) pour ce jeu de paramètres.

Le comportement en traction simple issu du modèled’endommagement montre que lorsque la déformationvarie de εd0 à 0,5‰, la contrainte décroît rapidement de2,8 MPa à 0,57 MPa. Pour les déformations supérieures à0,5‰, la contrainte reste pratiquement égale à 0,57 MPa.

Dans la modélisation du comportement des consolescourtes, nous pouvons considérer que malgré un impor-tant degré d’endommagement de la zone tendue, celle-cicontinue à supporter des contraintes de traction pour desdéformations supérieures à 0,5‰. Pour les déformationssupérieures à 0,5‰, la loi de comportement en tractiondonne une contrainte faible et pratiquement constante(0,57 MPa)

Cette considération permet de ne pas tenir compte desdiscontinuités qui se créent dans la zone endommagée

D A A

Bt d t t

t d

ε

ε εε

ε ε εε ε( ) =

≤ ≤−( )

−−( )( ) ≥

0 01

0

00

si

1 - si

d

0d

exp

sans pour autant inf luer sur le résultat théorique du com-portement des consoles courtes. En effet, lorsque la fibresupérieure du béton tendu atteint une déformation supé-rieure à 0,5‰, la zone tendue est tellement endommagéeque les efforts de traction supportés par le béton tendudeviennent négligeables devant les efforts supportés par lebéton comprimé et les armatures à l’encastrement.3.1.2 Compression simple

σ = Eb[1 - Dc(ε)]ε (3)

où Dc représente la variable d’endommagement encompression simple :

(4)

εdc0 est la déformation correspondant au seuil initiald’endommagement en compression simple :

(5)

Ac et Bc sont les caractéristiques d’endommagementen compression.

Nous avons déterminé les paramètres d’endommage-ment en compression du béton utilisé à partir d’uneidentif ication avec le comportement expérimental encompression simple (Fig. 10). Les paramètres d’endom-magement en compression issus de l’identification sont :

εd0 = 0,8 10-4, Ac = 1,21, Bc =2 190, Eb = 35 500 MPa,fc =33 MPa

Il n’est pas utile de connaître la courbe du comporte-ment en compression au-delà de la déformation corres-pondant au pic des contraintes. Dans les simulations, ladéformation de la fibre la plus comprimée des consolestestées n’atteindra pas celle correspondant à ce pic.

ε εdc

d

v0

0

2=

D A A

B vc dc c c

c dco

=

≥ ≥ −−( )

−− +( )[ ] ≤ −

0 01

2

0

0

si

1+ si

dc

0dc

exp

ε εε

ε ε εε ε

Fig. 9 – Comportement en traction issu de l’identification.

Fig. 10 - Identification des paramètres d’endommagement encompression.

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3.2 Modèle de référence

Dans le but de simplifier le calcul et par le fait que lafissure à l’encastrement s’amorce à une distance par rap-port à l’appui connue (la distance a), nous raisonnons surl’équilibre de la section d’encastrement, là où le momentde f lexion est maximal. Notre approche est basée sur leshypothèses suivantes :– Les sections planes restent planes après déformation(hypothèse de Navier-Bernoulli). La distribution desdéformations dans la section d’encastrement est considé-rée comme linéaire.– La section d’encastrement est soumise principalementaux contraintes de traction dues au moment f léchissant.On néglige l’effet de l’effort tranchant.– Le principe de Saint-Venant est vérifié tant que la zonesous la plaque d’appui n’est pas trop dégradée. Nous dis-cuterons la limite de validité de cette hypothèse lors de laconfrontation avec l’expérience.– Le glissement relatif acier-béton est négligé.– Le matériau béton est élastique endommageable dansles parties tendues et comprimées.– Le comportement de l’acier est considéré commeélasto-plastique parfait.

On raisonne au niveau de la section d’encastrementet on détermine les éléments de réduction du torseur descontraintes généralisées pour un chargement donné.

Le calcul se fait en trois étapes (Fig. 11) :1- Au début du chargement, les endommagements dansles parties tendues et comprimées Dt et Dc sont nulles.Toutes les fibres tendues et comprimées ont un compor-tement élastique linéaire.2- Puis, l’endommagement commence dans la f ibre laplus tendue et progresse vers l’axe neutre de la sectiond’encastrement. La position ydo, correspondant à ladéformation εdo, sépare la partie tendue en une zoneendommagée et l’autre saine (Fig. 11).3- Ensuite l’endommagement apparaît aussi dans la fibrela plus comprimée et progresse vers l’axe neutre de lasection d’encastrement. De la même manière, la positionydc correspondant à la déformation εd c o sépare la partiecomprimée en une zone endommagée et l’autre saine.

On résout le pro-blème dans le cas oùles déformations dansle tirant (εs t) et dans lafibre du béton la pluscomprimée (εbc) véri-fient :

(6)

où εe est la limiteélastique des arma-tures et εpic est ladéformation corres-pondant au pic decontraintes du com-

portement en compression.La linéarité des déformations de la section d’encastre-

ment nous permet d’exprimer la déformation en unpoint quelconque de la section d’encastrement en fonc-tion de sa position par rapport à l’axe neutre (y), de ladéformation du tirant (εst) et de la position de l’axeneutre (y0) :

(7)

Pour une déformation du tirant εst fixée, exprimonsque la résultante du torseur des contraintes généraliséesest nulle :

(8)

As et Ah sont respectivement la section totale dutirant et la section d’un cadre ; d et b sont respectivementla hauteur utile à la section d’encastrement et l’épaisseurde la console.

La contrainte dans un cadre (i) situé à la position (yi = y0 - ish) par rapport à l’axe neutre est :

(9)

sh est l’espacement entre deux cadres consécutifs.L’équation (8) devient :

(10)

avec :

(11)

où : m est le nombre de cadres, Ash (= As + mAh) représentela section totale du tirant et des cadres et n = Es /Eb repré-sente le coefficient d’équivalence entre l’acier et le béton.

Exprimons que le moment résultant du torseur descontraintes généralisées est égal au moment fléchissant ennégligeant le béton tendu au dessus de l’armature du tirant :

(12)A y A y b ydy aFs st h si i d y

y

i

m

σ σ σ ε01 0

0+ + ( ) =− −( )=∫∑

S y n A y m m A ssh h h1 0 0 21( ) = − +( )

S y by D dyst d y

y

o1 0 0 1 0

0( ) + − ( )[ ] ⋅ =− −( )∫ε ε ε

σ εsi

s sth

Ey

y is= −( )0

0

A A b dys st h si d y

y

i

m

o

σ σ σ ε+ + ( ) =− −( )=∫∑ 0

0

1

ε εy

yyst( ) =

0

ε εε ε

st e

bc pic

≤≤

Khadraoui, Bourget, Buyle-Bodin, Delmas

Fig. 11 - Diagrammes des déformations et des contraintes à la section d’encastrement en fonction del’évolution de l’endommagement.

658

Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999

or :

(13)

Donc l’équation (12) devient :

(14)

avec :

(15)

La solution du problème posé revient donc à déter-miner les inconnues y0 et F du système d’équationsconstitué par les équations (10) et (14) :

(16)

avec :

3.3 Solution du modèle de référence

Pour un chargement monotone croissant, le systèmed’équations (16) permet de déterminer le comportementdu tirant à l’encastrement (charge appliquée en fonctionde la déformation du tirant) et d’en déduire celui detoute la section d’encastrement :– On détermine la position de l’axe neutre y0 par l’équa-tion (10) en fonction de la déformation du tirant.– Puis on reporte ce résultat dans l’équation (14) pourdéterminer la charge appliquée correspondant à cettedéformation.

3.3.1 Phase linéaire élastique Les endommagements dans les parties tendues et

comprimées sont nulles, dans ce cas :

- εdc0 ≤ ε ≤ εd0 pour tout - (d - y0) ≤ y ≤ y0

et la résolution du système d’équation est aisée. Ontrouve une forme analytique des expressions de l’axeneutre et de la charge appliquée :

(17)

(18)

Dans cette phase l’expression (7) montre que la posi-tion de l’axe neutre (y0) est indépendante de la déforma-tion du tirant et l’expression (18) montre que F est bienproportionnelle à la déformation du tirant.

FEay

S y b y d ybst= ( ) + + −( )

0

2 0 03

03

y

bd nm m s A

bd nAh h

sh0

2 1

2=

+ +( )+( )

ε ε ε ε εyy

y D D Dstt c( ) = ( ) = ( ) + ( )

0 et

S ybE

ay D dy

FEay

S y bbE

aD ydy

stb

d y

y

bst

bd y

yo

1 0 0

02 0

1 0 10

1 14

0

0

0

( ) + − ( )[ ] ⋅ =

= ( ) + − ( )[ ] ⋅

− −( )

− −( )

∫∫

ε ε ε

ε ε ε

( )

( )

S y nA y nA m m m s y ssh h h h2 0 02 1

62

01 2 1( ) = + +( ) +( ) −[ ]

F

Eay

S ybE

aD ydyb

stb

d y

y= ( ) + − ( )[ ] ⋅

− −( )∫0

2 0 10

0ε ε ε

A yA E

y

my m m s y

m m m sh si i

h s st h

hi

m

σ ε=− +( )

+ +( ) +( )

=

∑0

02

0

16

21

1

1 2 1

3.3.2 Phase d’endommagement de la partie tendueL’endommagement commence à évoluer dans la par-

tie tendue de la section d’encastrement lorsque εstdevient supérieure à εd0. Dans cette partie l’endommage-ment s’amorce dans la fibre supérieure (la plus tendue) etse propage vers la f ibre neutre. La partie compriméereste saine jusqu’à ce que la déformation de la fibre dubéton la plus comprimée εbc atteint (- εdc0). Dans ce cas

L’équation de l’axe neutre (10) devient :

(19)

avec :

et

L’expression de la charge appliquée (14) devient :

(20)

avec :

Pour une déformation donnée εst, la relation (19) estune équation du second degré à une seule inconnue y0.La position de l’axe neutre dépend donc de εst ; ce quisignifie que l’évolution de l’endommagement modifie laposition de l’axe neutre.

Pour une déformation du tirant donnée εst, on cal-cule y0 et on l’injecte dans l’expression (20) pour calculerla charge appliquée correspondante.

3.3.3 Phase d’endommagement des parties tendue etcomprimée

L’endommagement continue à évoluer dans la partietendue. À partir d’une déformation du tirant qui

ξ ε εε

εε

εε

εε

dt st tst

d

t t

t tst

dt

st

dt

t

st

d

A

A a

a a a a

a

( ) = −( ) −

++ +( ) − + +

12

2

02

2

02

0

0

1 1

1 2 1 2

1 1

exp

FEay

S y by

d y

b d dt stst st= ( ) +

+ ( )( )

+ −( )

02 0

03 0

3

03

3

1 3ε ξ εε ε

aBt

t d= 1

χ ε εε

εε

εε

dt st tst

d

t t tst

dt

t

st

d

A

A a a aa

( ) = −( ) −

+ + − +

1 1

1 1 1

0

0 0 exp

S y b yd yd dt

st1 0 0

2 02

02

21 2 0( ) + +( )

− −( )

=ε χε

ε εε ε ε

ε ε

≥ ≤ ≤≤ ≤ ( ) ≤ ≤

=

d d

d d

d st

y y y

y y

y y

0 0 0

0 0

0 0 0

pour tout

- pour tout - d - ydc0 0

d /

659

L’expression de la charge appliquée (14) devient :

(22)

avec :

L’équation (21) montre que y0 est une fonction impli-cite qui dépend de εst. Pour la résoudre, on se donne unedéformation εst et on détermine numériquement la posi-tion de l’axe neutre qui lui correspond. Ensuite, on injectey0 dans l’expression (22) pour calculer la charge appliquéecorrespondante à cette déformation.

Pour déterminer le comportement total du tirant (lestrois phases), on augmente sa déformation (εst ), pas à pas,à partir de zéro jusqu’à la limite élastique (εe). Pour cha-que εst, on calcule la position de l’axe neutre (y0) puis ondéduit la charge appliquée. Mais pour un εst donné, il faut

savoir dans quelle phaseon doit effectuer le cal-cul. Pour cela, il fautcomparer εst avec εd 0 etεbc avec εd c0. La compa-raison de εst avec εd0 estévidente car εst est donnépar contre la comparaisonde εbc avec εd c0 avant dedéterminer y0 est impos-sible car εbc dépend de y0.Mais comme la succes-sion des phases considé-rées se fait naturellement(phase 1, 2 puis 3), nousprocédons numérique-ment selon l’organi-gramme de la Fig. 12.

ξ ε εε

εε

εε

εε

dc st cbc

dc

c c

c cbc

dcc c

bc

dc

c

bc

dc

A

A a

a a a a

a

( ) = −( ) −

++ +( ) − + −

+

12

2

02

2

02

0

0

1 1

1 2 1 2

1 1

exp

=− −( )

et ε εbc st

d y

y0

0

FEay

S y b

y

y

bd dt

st

dc dcdc

st

st= ( ) ++( )

+ +( )

02 0

03 0

3

03 0

33

1 3

1 3

ε ξε

ε ξε

ε

Khadraoui, Bourget, Buyle-Bodin, Delmas

Fig. 12 - Organigramme decalcul de la charge appliquéeen fonction de ladéformation du tirant.

entraîne une déformation εbc de la fibre la plus compri-mée inférieure à (- εdc0), l’endommagement commenceaussi à évoluer dans la partie comprimée de la sectiond’encastrement. Dans cette partie l’endommagements’amorce dans la fibre inférieure (la plus comprimée) etse propage vers la fibre neutre. Dans ce cas :

L’équation de l’axe neutre (10) devient :

(21)

avec :

χ ε εε

εε

εε

εε ε

dc st cbc

dc

c c cbc

dcc

c

bc

dc

cc d

bc st

A

A a a aa

aB

d y

y

( ) = − −( ) +

+ + + −

+

= =− −( )

1 1

1 1 1

1

0

0 0

0

0

0

exp ,

et

S y b

y

y

d dtst

dc dcdc

st

1 0

02 0

2

02 0

22

1 2

1 2

0( ) ++( )

− +( )

=ε χ

ε

ε χε

ε εε ε ε

ε εε εε ε

≥ ≤ ≤≤ ≤ − ≤ ≤

≤ − − −( ) ≤ ≤==

d d

dc d dc d

dc dc

d st

dc st

y y y

y y y

d y y y

y y

y

0 0 0

0 0 0

0 0 0

0 0 0

0 0

pour tout

- pour tout

pour tout

y

0

d

0 dc

/

/

660

Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999

3.4 Correction du modèle de référence :confrontation avec l’expérience

Nous avons effectué une série d’essais, pour mettreen évidence les aptitudes du modèle de référence àdécrire les résultats expérimentaux obtenus aussi biensur le plan local (comportement du tirant) que sur le planglobal (charge de rupture).

Toutes les consoles de ces séries sont soumises à unecharge verticale par l’intermédiaire d’une plaque d’appuide longueur égale à 5 cm. Nous avons mesuré la chargede rupture et observer le type de rupture pour chaqueconsole essayée. Les résultats de ces essais sont consignésdans le Tableau 2. Les consoles de la série C ont, de plus,fait l’objet de mesures des déformations du tirant en fonc-tion de la charge appliquée. Elles serviront à identifier lafonction de correction du modèle de référence. Lestirants des séries C, H et I sont constitués respectivementde 2 HA10, 2 HA8 et 3HA8. Chaque série contient aumoins deux consoles qui diffèrent par l’absence ou la pré-sence de cadres horizontaux. Les consoles des séries H etI serviront à valider la méthode proposée.

Nous avons comparé les courbes de comportementsthéorique et expérimental du tirant pour les consolesC1, C2 et C3. Nous avons illustré cette comparaisonpour la console C3 par la Fig. (13).

Les courbes de comportement théorique et expéri-mental, pour les tirants de toutes les consoles des sériesC, ont la même allure. Cependant, elles présentent undécalage qui dépend de la déformation du tirant. Eneffet, pour une déformation donnée du tirant, la chargethéorique est supérieure à la charge expérimentale. Cerésultat s’explique par les hypothèses simplificatrices surlesquelles s’appuie le modèle de référence. En effet, dansla modélisation de référence nous avons négligé l’effet del’effort tranchant et nous avons appliqué les principes deNavier-Bernoulli et de Saint-Venant, bien que l’élance-ment des consoles courtes ne le permette pas (a/h < 1).Néanmoins, la courbe de comportement du tirant, issuede cette approche, a la même allure que la courbe decomportement expérimentale. Ce qui semble montrerqu’il est aisé de corriger le modèle de référence en intro-duisant une fonction de correction qui dépend de εst.Cette fonction tient compte, d’une part, de l’effet de ladistribution des contraintes sous la charge appliquée et

d’autre part, du gauchissement de la section d’encas-trement dû à l’effort tranchant.

Le rapport entre la charge théorique et expéri-mentale dépend de la déformation du tirant (Fig. 14) :

(23)

f (εst) est la fonction de correction du modèle deréférence.

La courbe de f (εst) (Fig. 14) montre que f (εst) tendvers une constante α lorsque εst tend vers 0 et tendvers 1 lorsque εst devient grand. De plus f (εst) décroîtcomme l’inverse d’une fonction exponentielle, ellepeut donc se mettre sous la forme suivante :

f (εst) = 1 + αexp(-βεst) (24)

fF

Fstthε( ) =

exp

Console a λ As Ah sh m Fu,exp Fu,exp / Fu,cal(cm) (cm) (kN)

C1 17.5 0,486 2HA10 0 * 0 169 1,03

C2 17.5 0,486 2HA10 2HA6 11 1 190 1,04

C3 12.5 0,347 2HA10 2HA6 11 1 238 0,93

H1 17.5 0,486 2HA8 0 * 0 124 1,08

H2 17.5 0,486 2HA8 2HA6 11 1 141 1,05

H3 17.5 0,486 2HA8 2HA6 8.5 2 169 1,14

I1 17.5 0,486 3HA8 0 * 0 175 1,04

I2 17.5 0,486 3HA8 2HA6 11 1 185 1,09

Tableau 2 – Caractéristiques géométriques et charges de rupture des consoles testées

Fig. 13 - Comparaison entre les comportements théorique etexpérimental du tirant de la console C3.

Fig. 14 - Identification des constantes de la fonction de correctiondu modèle à partir du comportement expérimental du tirant de laconsole C3.

661

Les constantes α et β sont déterminées à partir d’uneidentif ication avec le comportement expérimental dutirant de la console C3. La Fig. (14) montre le résultat del’identification. On trouve : α = 0,45 ; β = 6,10-4

Nous avons utilisé ces constantes pour tracer lescourbes de comportements des tirants des consoles C1,C2 et C3 qui ont fait l’objet de mesures des déforma-tions. Les Figs. 15, 16 et 17 montrent que le comporte-ment théorique corrigé du tirant présente un très bonaccord avec le comportement expérimental. Il y a unebonne adéquation entre les trois phases de comporte-ment théorique et expérimental.

Nous avons aussi comparé les charges de rupture cal-culées par le modèle corrigé et celles expérimentales desconsoles qui ont subi la rupture par f lexion-traction.Nous considérons que la rupture d’une console parf lexion-traction est atteinte lorsque le tirant atteint sadéformation élastique limite. Le tableau (2) illustre cettecomparaison et montre une concordance satisfaisanteentre la théorie et l’expérience. Ceci confirme la validitédu modèle corrigé.

4. CONCLUSION

Nous avons proposé un modèle du comportement enf lexion de la section d’encastrement d’une consolecourte en béton armé. Dans ce modèle, nous avonsconsidéré qu’au voisinage de la section d’encastrement,les sections planes restent planes après déformation etnous avons négligé l’effet de l’effort tranchant. Nousavons mis en équation l’équilibre de la section d’encas-trement en utilisant la théorie générale des poutres f lé-chies. Bien que nous ayons appliqué cette théorie au casdes consoles courtes en béton armé, nous avons montré,expérimentalement, qu’il suffit d’introduire une fonc-tion de correction dépendant exponentiellement de ladéformation du tirant pour que le modèle donne une

solution satisfaisante du comportement du tirant. Cettefonction, identifiée dans le cas de deux consoles symétri-quement encastrées dans un poteau, est aussi valablepour une seule console encastrée dans un poteau. Ellepeut être également utilisée pour les consoles dontl’ancrage courbe des armatures du tirant est réalisé sui-vant les dispositions de l’annexe E6 du B.A.E.L 91. Lescoefficients α et β de cette fonction de correction ontété identifiés pour des consoles de portée relative égale à0,347 ou 0,486, ils dépendent probablement de celle-ci.

Le modèle proposé, par le fait qu’il tient compte del’endommagement du béton, a permis de montrerl’inf luence de la charge appliquée sur l’évolution et lapropagation de l’endommagement à la section d’encas-trement. De plus il permet de décrire les trois phases ducomportement du tirant à l’encastrement.

Khadraoui, Bourget, Buyle-Bodin, Delmas

Fig. 15 - Comparaison entre les comportements expérimental etthéorique du tirant de la console C1.

Fig. 16 - Comparaison entre les comportements expérimental etthéorique du tirant de la console C2.

Fig. 17- Comparaison entre les comportements expérimental etthéorique du tirant de la console C3.

662

Materials and Structures/Matériaux et Constructions, Vol. 32, November 1999

Les différentes comparaisons que nous avons effec-tuées avec l’expérience conf irment la validité de cemodèle et montrent l’intérêt de l’utiliser pour dimen-sionner, à la f lexion, les consoles courtes en béton armé.

RÉFÉRENCES

[1] Niedenhoff, H., ‘Recherches sur le comportement et la résistancede consoles et de poutres en porte à faux courtes’, Thèse deDocteur-Ingénieur, École Supérieure Technique de Karlsruhe, 5 juin 1961 (disponible uniquement en allemand).

[2] Kriz, L. B. and Raths, C. H., ‘Connections in precast concretestructures-strength of corbels’, Journal of the Prestressed ConcreteInstitute, 10 (1) (Feb. 1965) 16-61.

[3] Mehmel, A. and Freitag, W., ‘Détermination expérimentale de lalimite de charge de consoles en béton armé’, L’Ingénieur de laConstruction 42 (feuillet 10) 362-369 (disponible uniquement enallemand).

[4] Robinson, J. R., ‘L’armature des consoles courtes, Aus theorieund praxis des stahlbetonbaues’, Wilhelm Ernst u. Sohn,Berlin/München, 1969.

[5] Mattock, A. H. and Chen C., ‘The behavior of reinforcedconcrete corbels’, Journal of the Prestressed Concrete Institute 21 (2)(Mars-Avril, 1976) 52-77.

[6] Mattock, A. H., ‘Design proposals for reinforced concrete cor-bels’, Ibid. 21 (2) (Mai- Juin, 1976) 18-42.

[7] Lemaitre, J. et Chaboche J. L., ‘Aspect phénoménologique de larupture par endommagement’, Journal Méc. Appl. 2 (3) (1978)317-365.

[8] Mazars, J., ‘Application de l’endommagement au comportementnon linéaire et à la rupture du béton de structures’, Thèse deDoctorat d’État, Univ. Paris 6. Juin 1984.