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Zéroatre Revue semestrielle d’art contemporain en Rhône-Alpes Gratuit No 7, Automne 2010 Sophie Dejode et Bertrand Lacombe : a. The world, the flesh and the devil, 2010 ; b. Projet de cabane, 2010 ; c. Projet pour deux architectures, 2010 ; d. Floating bowl, Attitudes, Genève, 2003. b d c a

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Automne 2010, Revue semestrielle d’art contemporain en Rhône-Alpes

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ZéroQuatreRevue semestrielled’art contemporainen Rhône-AlpesGratuit

No 7, Automne 2010

Sophie Dejode et Bertrand Lacombe : a. The world, the flesh and the devil, 2010 ;b. Projet de cabane, 2010 ;c. Projet pour deux architectures, 2010 ;d. Floating bowl, Attitudes, Genève, 2003.

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Sophie Dejode et Bertrand Lacombe : e et f. Vues de l’exposition Floating bowl, Attitudes, Genève, 2003 ; g. Vue de l’exposition Kamikaze 2089, Confort moderne, Poitiers, 2005 ; h. Kippen’s burger, Art sur la place, Biennale de Lyon. Projet réalisé en colla boration avec Sabina Lang et Daniel Baumann, 2003 ; i. The world, the flesh and the devil, 2010. 2nd Biennale for young art, Ncca, Moscou ;j et k. Off the wall, 2009. Xe Biennale de Lyon, fondation Léa et Napoléon Bullukian. Photographies : Jean-Paul Lacombe (g), Zacharie Roy (j) et Gerhard Vormwald (k).

portrait de Sophie dejode et bertrand Lacombe par arnaud maguet

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proposée par le New Museum of Contemporary Art, New York, avec le soutien de Terra Foundation for American Art, dans le cadre du

exposition du 16 octobre au 28 novembre 2010

Brion Gysin avec la Dreamachine au Musée des Arts Décoratifs, Paris, 1962.© Harold Chapman/Topham/The Image Works

design graphique : deValence

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4. Portrait de Sophie Dejode et Bertrand Lacombe : Je t’aime moi non plus trop par Arnaud Maguet 7. À pro-pos du jt, de l’art et de l’utopie : Un tel phénomène est sans doute dû à une explication par Fabien Pinaroli 10. Essai : Quelques cas d’accrochages par Caroline Soyez-Petit homme 14. Entretien : Destination Saint-Étienne 2010 par Alexandra Midal.

14. Revues d’expositions : Spacificity à Francheville par Guillaume Mansart, Determinacy à Lausanne par Carine Bel, How not to make an exhibition à Grenoble par Lélia Martin-Lirot, Guillaume Linard-Osorio à Lyon par Guillaume Mansart, Pierre Malphettes à Mon-télimar par Pierre Tillet, Before Present à Annemasse par Florence Meyssonnier, H2O à Evian par Aude Launay, Tutta la memoria del mondo à Turin par Filipa Ramos, Regards croisés à Shanghai par Sylvie Lagnier, Samuel Rousseau à Alex par Carine Bel.

26. Focus, à venir : Grenoble, Vénissieux, Fontaine, Saint-Étienne, Lyon, Valence, Saint-Fons, Sablons & Turin…

Édition : Associations 04 et 02 Directeur de la publication : Patrice Joly Rédactrice en chef : Florence Meyssonnier . www.zeroquatre.fr [email protected] . Comité de rédaction : Nicolas Garait, Guillaume Mansart, Lélia Martin-Lirot, Caroline Soyez-Petithomme . Rédacteurs : Carine Bel, Aude Launay, Arnaud Maguet, Guillaume Mansart, Lélia Martin-Lirot, Florence Meyssonnier, Alexandra Midal, Fabien Pinaroli, Filipa Ramos, Caroline Soyez-Petithomme, Pierre Tillet . Graphisme : Ariane Bosshard & Olivier Huz Typographies : Henry Pro de Matthieu Cortat (2009) et Jacno de Jacno (1948) Impression : Imprimerie de Champagne, Langres . Comité partenaires : Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes ; École nationale des beaux-arts de Lyon ; Musée d’art moderne de Saint-Étienne Métropole ; Fondation Léa et Napoléon Bullukian, Lyon ; Villa du Parc, centre d’art contemporain d’Annemasse ; La Cité du design, Saint- Étienne ; École supérieure d’art et design de Saint-Étienne ; Fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, Alex. Remerciements à Nadège Dumas, Céline Muller, Sandrine Nicoletta, Thomas Huot-Marchand . ZéroQuatre est un supplément à 02 Nº55, édité par Zoo Galerie, 4 rue de la Distillerie, 44000 Nantes, www.zerodeux.fr . ZéroQuatre bénéficie du soutien de la Région Rhône-Alpes

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Au pays des géantsIl est une série télévisée américaine dont en-fant je tâchais de ne manquer aucun épisode. Au début des années 1980, elle en était déjà à sa énième rediffusion, même en France, mais pour moi, c’était la première. L’émission du sa-medi après-midi dans laquelle passait, ou ne pas-sait pas cette série, proposait aux téléspectateurs de voter par téléphone pour choisir, parmi un panel de programmes, celui qui serait effective-ment diffusé. Je n’ai jamais appelé. Méfiance pré-

monitoire pour cette parodie de démocratie, interdiction pa-rentale ou refus de trop influer sur le cours des choses, les trois me semblent excuses valables. Au pays des géants était le titre français de cette série, et quand les autres avaient suffisam-ment voté pour elle, j’étais aux anges. Les héros, un groupe de femmes et d’hommes qui à la suite d’une expérience scien-tifique malheureuse avaient vu leur taille réduite à celle de sol-dats de plomb, se débattaient

dans un monde hors d’échelle. La simple traver-sée d’une cuisine devenait aventure picaresque, le quotidien devenait obstacle, le merveilleux comme l’horrible surgissait du banal. Escalader la table, traverser l’évier, résister aux secousses sismiques provoquées par les pas de la maîtresse de maison, et surtout survivre à l’inévitable ren-contre avec le chat, tout cela me ravissait. L’idée d’être écrasé par un simple pot de moutarde me paraissait fascinante. J’étais petit, mais moins qu’eux, c’était déjà ça. Cette sensation surpre-nante de distorsion sensible de ce qui nous sert de réalité ne se produit aujourd’hui qu’avec plus de parcimonie. Cela arrive quand, très rarement, je me rends dans un supermarché Métro et me

surprends à rester en admiration devant un pot de cinquante kilogrammes de condiment. Cela arrive quand, encore plus rarement, je pénètre dans une exposition de Sophie Dejode et Ber-trand Lacombe. On y trouve parfois de la mou-tarde, parfois des hot-dogs aussi.

Utopie n’a qu’un œilAlors que je commence à écrire ce texte de com-mande dans le train à grande vitesse qui me ramène vers Nice dans la nuit, je repense à Dreamland, l’exposition que je viens de visiter au Centre Pompidou. Je me dis que j’aurais dû acheter le catalogue, ou tout au moins le supplé-ment de Beaux-Arts Magazine qui me semblait moins onéreux. j’aurais pu, plus ou moins dis-crètement, y prélever quelques idées et références sur l’architecture utopique et ses dérives dans la réalité de l’Histoire (sujets que je ne maîtrise que très superficiellement) et les transformer en commentaires originaux du travail dont je suis censé faire le panégyrique. Cela collait parfai-tement au sujet et tout le monde le fait, pour-quoi m’en priver ? Pas pour des raisons éthiques, loin s’en faut, je n’y pense que maintenant, voi-là tout. Mais, est-ce d’utopie dont il est réelle-ment question dans cette production ? Si l’expo-sition est une fiction complète, si dès le pas de la porte de la galerie, du musée ou du centre d’art franchi, nous pénétrons dans un monde uchro-nique où la réalité a depuis longtemps divergé de nos vies et pris une direction autre, disons que oui. Si le travail a quelques velléités de défou-railler avec les contingences du réel (le politique par exemple), qualifions le de dystopique, cela sera à mon sens plus correct. Car, quel monde nous propose exactement Sophie Dejode et Ber-trand Lacombe ? Un monde que je n’aime pas. Je n’aime pas les jeux vidéo. Je n’aime pas les fast food. Je n’aime pas les mangas. Je n’aime pas les motocyclettes. Je n’aime pas l’esthétique relationnelle, elle a déjà plus vieilli qu’un disque de Björk ou de Massive Attack. Néanmoins, il y a une part de naïveté qui me touche dans leurs propositions. Naïveté feinte, cela se peut.

Je t'aime

moi non plus

trop—

portrait de Sophie dejode et bertrand Lacombe par arnaud maguet

 Sophie Dejode et Bertrand Lacombe : Vis-à-vis, la jeune création franco russe, exposition au Réfectoire de l’En-ba, Lyon, du 15 octobre au 11 décembre 2010.

Comment imaginez-vous quelqu’un comme moi dans ce rôle, est-ce que ça ne pourrait pas être un atout cette gaucherie ? Après tout, l’Esprit souffle plutôt où il y a une fêlure et une imperfection,

Là où c’est un peu raté.

Jean-Jacques Schuhl in Entrée des fantômes, 2010

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Je feindrais alors à mon tour de ne pas croire à cette falsification, sinon, c’est ici que cet article s’arrêterait.

Force de frappePour moi qui suis terriblement paresseux, leur force de travail est un cas fascinant (autre cas d’étude fascinant, bien que dans un tout autre style, est celui de Pascal Pinaud ; j’y reviendrai dans un autre texte, mais probablement pas dans le présent organe). Lorsque j’entre dans un des espaces saturés de Sophie Dejode et Bertrand Lacombe, ce que je vois en premier, ce n’est pas les lumières qui clignotent, les engins qui vrom-bissent, les fourneaux qui chauffent et les slogans qui claquent. Ce qui me saute aux yeux, c’est le travail fourni pour en arriver là. « Tout ça pour ça » diront, méprisants, certains. Ce n’est pas cela que je dis. Ce que je dis, c’est que plu-tôt que l’enfant en moi qui serait touché et lâ-cherait un « Ah ! » de contentement à la vue de l’univers merveilleux de parc d’attraction, c’est plutôt un « Oh ! » que je lâche, celui du touriste à Versailles quand le guide lui indique, sûr de son effet, le nombre d’heures de travail néces-saire à dorer à la feuille la galerie des Glaces. Je ne peux affirmer, comme F. Scott Fitzgerald le faisait de l’une de ses héroïnes, que leur pratique est une suite ininterrompue de gestes réussis. Je ne peux l’affirmer que de peu de personnes qui, en général, m’ennuient. Ce que je peux affirmer en revanche, c’est que cette longue accumulation de gestes précis souvent empruntés à l’indus-trie a, ici dans sa complète inutilité capitaliste, quelque chose d’héroïque. Pour vous avouer la vérité, les nom-breuses techniques usitées par So-phie Dejode et Bertrand Lacombe me sont en grande partie inconnues, c’est le désir de percer les secrets de cette ingénierie absurde et vaine qui est pour moi la porte d’entrée de leur pratique. Je me souviens d’une soirée éthylique à Lyon où, dans un char-

mant établissement de nuit suranné, nous étions cinq à tenter de retenir Bertrand Lacombe qui, sans rentrer dans des détails qui ne vous regar-dent absolument pas, avait décidé de ne pas être retenu. C’est cette force morale et physique qui est à l’œuvre dans la pratique de ce duo d’artistes, la plupart du temps dans une dynamique plus sobre j’en conviens. Il semble que rien ne leur paraisse impossible. Leur choix va continuelle-ment à la complication, à l’épreuve de force, à la confrontation au trivial, à l’assujettissement du métal, du bois, du plastique et autres matériaux. Ils se donnent du mal, c’est manifeste, quel exo-tisme pour moi !

Les lois du parc d’attractionJe ne saurais trop vous conseiller la lecture de l’excellent dernier livre de Bruce Bégout, Le ParK. Cet ouvrage d’anticipation décrit, à la ma-nière d’une enquête journalistique, un parc d’at-tractions situé sur une île privée dans l’Océan Indien. Un oligarque russe a confié à un archi-tecte mégalomane, on pense ici fortement à Al-bert Speer, la construction d’un complexe de divertissement compilant tous les modes de par-cage de l’être humain au cours des siècles. Ce florilège architectural juxtapose et mélange ma-nèges et secteurs concentrationnaires, parades clownesques et défilés militaires, touristes tarifés et population condamnée, zoo et fauves en liber-

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té, douleur et plaisir – pas dans le savant équi-libre requis dans la pratique experte du sado-ma-sochisme, mais plutôt dans la pénible maladresse du néophyte qui s’y essaie. Souvent pour moi aujourd’hui, les expositions de Sophie Dejode et Bertrand Lacombe, sous leur vernis pop mul-ticolore qui ne semble là que pour énerver les petits écoliers de Francfort, se rapprochent du propos de ce récit par l’implacable efficacité des installations proposées et des pièges, physiques et intellectuels, qu’elles renferment.

Je lis dans le passéJe me souviens d’un sous-marin Volskwagen sus-pendu au milieu du hall du musée d’art contem-porain de Lyon. Après avoir contourné un fortin de sacs de sable, on y accédait par une passerelle de corde et de bois. Il y avait à l’intérieur une vi-déo projetée. Je me souviens de carreaux de salle de bain devenus pixels colorés qui ne représen-taient rien, mais annonçaient des choses à venir auxquelles peu croyaient alors. Je me souviens d’une course de mini-motos dont le circuit pas-sait du dedans au dehors, encore et encore, sous les regards incrédules d’un jury de profession-nels de l’art. Ensuite, il y eut un concert puis des gens firent écouter des disques vinyles à la communauté qui s’était créée lors de cet événe-ment et à d’autres gens à un volume relative-ment élevé. Ces scènes se passaient dans le can-ton de Genève. Je me souviens d’une course de mini-motos dont le circuit complexe serpentait entre les œuvres-structures et l’odeur de poulet au Coca-Cola. Quelqu’un se blessa et ce fut drôle. Le fantôme de Rainer Werner Fassbinder était là dans ce qu’il avait de plus ridicule, les franges de sa carrière. Ensuite, il y eut un concert puis des gens firent écouter des disques vinyles à la communauté qui s’était créée lors de cet événe-ment et à beaucoup d’autres gens à un volume très élevé. Ensuite encore, si vous vous souvenez exactement ce qui s’est passé, c’est que vous n’y étiez pas. Ces scènes se passaient autour de la ville de Poitiers. Je me souviens

d’une sorte de caverne sinueuse dans une gale-rie. La progression y était pénible, les rencontres parfois agréables. Je me souviens d’un château. Il était gigantesque et inattendu. Dans un recoin de la cour de la fondation Bullukian à Lyon, il était là, à la fois caché et terriblement imposant, agrippé comme un parasite à la façade aveugle de l’immeuble adjacent. À l’intérieur, une céré-monie païenne avait commencé. On y tatouait le cadavre d’un cochon (cela se fait paraît-il), puis on le fractionnait en divers morceaux afin qu’il devienne ragoût. À heure précise et dans un chaudron qui ressemblait à une miniature pour jeux de rôle agrandie, le plat sortait sur des rails de la gueule de l’édifice et était servi. Le public en avait plein les pupilles et les papilles, le spon-sor pour son argent. Je me souviens avoir vu des photos et lu des textes qui rapportaient diverses autres propositions de Sophie Dejode et Ber-trand Lacombe, elles avaient l’air intéressantes, parfois belles. Je pense ici précisément à un rou-leau compresseur poussé par ceux qui souhaitent imprimer une linographie sous sa masse.

Conclure sur un work in progressEn avant-dernier recours, je pourrais dire que So-phie Dejode et Bertrand Lacombe nous hurlent au visage que leurs initiales écrites sur une ba-nane valent bien nos prénoms écrits sur un grain de riz. C’est un régime de pensée auquel certains pourraient souscrire, mais ça ne serait qu’une question de point de vue, un jeu de perspective peut-être ou la force du gros plan. En dernier re-cours je pourrais finalement paraphraser Guy Debord et dire que « l’avenir est, si l’on veut, dans des Luna-Parks bâtis par de très grands poètes », mais cela serait ici un peu excessif et surtout fort contre-productif. Ils savent bien que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute, ou le lit .

portrait de Sophie dejode et bertrand Lacombe par arnaud maguet

oSophie Dejode et Bertrand Lacombe : L. Vue de l’exposition Lee 3 Tau Ceti Central Armory Show, Villa Arson, Nice, 2003 ;m. Vue de l’exposition Le rêve du pantin, Halle Nord, Genève, 2008 ; n. Le sous-marin, 2001. Coll. Frac Alsace ;o. Vue de l’exposition Floating land, musée d’art contemporain de Lyon, 2002. Photographies : Julien Gregorio (m) et Jean-Paul Lacombe (o).

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Selon les époques, la façon dont l’art s’est mani-festé dans l’espace public est significative des rap-ports entre la société, les citoyens et les artistes. Aujourd’hui semblent épuisées les formes d’un art aux valeurs progressistes hérité du passé telles la statuaire classique fédératrice autour de la Ré-publique ou la sculpture moderne émancipatrice pour le citoyen. Comment l’art peut-il encore en-trer dans une relation dynamique avec la sphère publique ? Les collectivités, friandes d’œuvres monumentales et éphémères s’adressent à des artistes qui ont, certes, les moyens d’endosser ce rôle, mais à quel prix ? D’un autre côté, les stratégies moins ostentatoires comme celles de l’artiste infiltré dans l’espace public ou celles de

l’anthropologue récolant des témoignages n’en comportent pas moins certains pièges. L’en-jeu est de taille, il concerne au-tant les pouvoirs publics que les artistes mais surtout les ci-toyens longtemps tenus pour de simples récepteurs passifs. Comment l’art donc, peut-il ap-paraître à la croisée, ou mieux, à l’initiative de certains désirs des citoyens ? Deux initiatives en cours de réalisation dans les quartiers de Valence et de Saint-Fons vont servir de sup-

port à la réflexion. Venant d’artistes ou d’habi-tants, leur intérêt est qu’elles ne cherchent pas à ajouter des œuvres au milieu du béton déjà pré-sent mais plutôt à agir sur les représentations col-lectives qui stigmatisent les banlieues. Puisque tout à première vue les distingue, il est nécessaire de décrire les artistes, les enjeux et les méthodes afin d’en éclairer quelques aspects et d’en mesu-rer, le cas échéant, le bénéfice.

À Saint-Fons, Nicolas Boone et Olivier Bos-son ont proposé à Anne Giffon-Selle, directrice du centre d’arts plastiques, d’amener les ha-bitants des quartiers à participer au tournage d’un film extravagant. Une fiction dans laquelle l’image d’un monde banlieue est omniprésente :

un no man’s land hyper animé et multifonction-nel. L’urbanisation des années 1950 rassemble une ville, une campagne, un lieu de villégiature et plus encore. Les barres d’immeubles ne fournis-sent pas d’autre perspective qu’elles-mêmes, si ce n’est le trop vide qui alterne éternellement avec le trop plein. En deux mots : 200%. D’ailleurs, c’est le titre du film. Des histoires s’entrecroisent à la façon d’un film choral avec une trentaine d’acteurs amateurs recrutés sur place et quelque 500 figurants. Les références choisies ne sont pas anodines, de Bosch à Buñuel en passant par Goya. Les deux co-réalisateurs mettent les pieds dans le plat. Ils ont décidé de puiser leur force esthétique dans une banlieue foyer de peur / foyer d’énergie. Conjurer la première, sublimer la se-conde. Au passage, la souffrance sociale et l’uni-vers « bagnole » sont traités avec cette même énergie à l’emporte-pièce. Ce programme pé-rilleux s’est déplié à chaque phase de la résidence, depuis les balises posées dans les administrations, centres sociaux et associations jusqu’aux ateliers organisés avec les habitants. Le respect, dont il est souvent question dans le film a été également présent tout au long du tournage qui a pu tenir de la performance publique et libératrice. Les ate-liers-casting, la multiplicité des rôles principaux et les nombreuses scènes de foules vont donner à voir une communauté de personnes attachantes et solidaires, sans hiérarchie, ni vedettariat. Ci-nématographiquement parlant, le respect, c’est aussi 200% dans le jeu des acteurs, 100% soi, 100% le rôle : donc rester soi-même et ne pas être écrasé par le rôle qu’on porte. C’est d’ailleurs ce qui donne au cinéma de Nicolas Boone, aux vi-déos de Olivier Bosson cette distance critique vis-à-vis du cinéma, et de la vidéo 1..L’action Nouveaux commanditaires a été initiée par la Fondation de France en 1993. Elle vise à un renouvellement des relations entre la so-ciété et ses artistes par le biais de la commande d’œuvres. C’est une innovation de taille qui a depuis essaimé dans plusieurs pays d’Europe. À la place des traditionnelles instances politiques,

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à propoS du jt, de L’art et de L’utopie par fabien pinaroLi

 Nicolas Boone et Olivier Bosson : résidence au centre d’arts plastiques de Saint-Fons, d’octo-bre 2009 à juin 2010.

Alejandra Riera : Enquête sur le / notre dehors, associa-tion le Mat, habitants de Fontbarlettes à Valence,2008-2011.

Un telphénomèneest sans doutedû à uneexplication *

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toute personne peut désormais assumer la res-ponsabilité d’une commande d’œuvre à un ar-tiste dans l’intérêt général 2. Citoyens « com-manditaires », artistes, partenaires administratifs et financiers sont réunis par un médiateur qui suit depuis le début le long processus de la com-mande. Car c’est la négociation et non l’autorité entre les parties qui prévaut. À Valence, la de-mande vient d’un groupe de personnes concer-nées par le quartier de Fontbarlettes (habitants, travailleurs sociaux, anciens étudiants et direc-teur de l’école des beaux-arts) et est portée par l’association le Mat. Coupé du centre ville par une rocade, le quartier tend à être stigmatisé. Il s’agit de tisser une ébauche d’histoire collective à partir d’expériences individuelles, de relire les différentes strates d’occupation historiques et géographiques et de prendre en compte les usages ou non-usages faits de cet espace en mu-tation. Valérie Cudel, médiatrice pour les Nou-veaux commanditaires a proposé de travailler avec Alejandra Riera. L’approche de cette artiste prend la forme d’investigations autour de cer-taines luttes sociales, de la souffrance psychique, de la précarité ou de la condition des femmes. Sa recherche artistique engage la photographie et le film dans leurs rapports à l’écriture et à l’histoire tout en restant très sensible aux histoires indivi-duelles. En résultent des agencements disconti-nus de photographies et de légendes, de textes et de récits de pratiques. Fruits de multiples colla-borations transdisciplinaires, la paternité de ces documents reste résolument floue.

À Fontbarlettes, elle mène depuis 2007 une enquête à plusieurs voies dont le processus se précise à mesure que s’approfondissent les in-teractions avec les habitants. Partant de longs échanges transcrits puis rediscutés avec les per-sonnes, elle a créé des situations, consigné ses propres réflexions et procédé à un archivage de données iconographiques. Elle puise dans les sciences humaines. Dans le même temps, elle s’en distingue et invente une méthodologie dyna-mique pour mieux se prémunir des apories d’un art de la collecte instrumentalisant les partici-

pants 3. Enquête sur le / notre dehors (Valence-le-haut) doit produire une image de pensée collective du lieu qu’on habite. « Habiter » devient alors la notion centrale. Mais l’artiste propose de désenclaver nos formes de perceptions habituelles et de mul-tiplier les angles d’approche : elle s’intéresse par exemple à la façon qu’a l’individu d’habiter ou de déjouer les infrastructures imposées. La réflexion, par ailleurs, s’adresse aux habitants du quartier, à l’artiste autant qu’aux médiateurs. Le désen-clavement s’est aussi produit à un autre niveau. Alejandra Riera a impliqué les habitants dans le processus même de la commande et de l’élabora-tion de l’enquête dont ils étaient les sujets. En les conviant à des rencontres, projections de films, marche et, pour certains, aux réunions du groupe de commanditaires, elle a permis une dissolution des rôles habituellement plus clivés dans la com-mande d’une œuvre publique. Celle-ci, un film-document, sera présentée en mars 2011 dans le quartier et divers lieux culturels de Valence. .Ces projets artistiques ne visent pas directement une transformation de la société, il est pourtant intéressant de tenter un parallèle entre ce qui s’y joue et les utopies réalisables décrites par Yona Friedman dans les années 1970 4. Il constate que les hommes, insatisfaits d’une situation au sein d’un groupe ont toujours cherché à améliorer leur condition en formulant des utopies. D’après lui beaucoup se sont réalisées. On ne les voit plus car elles sont notre quotidien pendant que les gros ratages de type universalistes cachent la forêt. Il analyse théoriquement les conditions d’émergence, de mutation, de stabilisation ainsi que les causes de ratages. Entre autres, il revient souvent sur les deux principaux facteurs de réus-site que sont la petite échelle du groupe et le feed-back constant à l’intérieur de celui-ci. Ces deux facteurs sont présents dans les méthodes mises en œuvre par les artistes (groupe d’une trentaine de personnes et prise en compte de ce qu’ils im-pulsent). Pour continuer la comparaison, on peut ensuite parler de configurations peu hié-rarchiques et d’une grande importance donnée

* Dernière phrase de Les appareils sont populaires parce qu’ils ont des amis, scénario htmL d’Olivier Bosson, 2008.

1. Le premier est cinéaste et a fait de nombreux films-performances à la manière des free-parties pour libérer le cinéma de son statut d’industrie culturelle aliénante. Le second est performeur et réa-lisateur, il s’intéresse aux mul-tiples formes de bio-pouvoirs qui forgent nos comportements.

2. L’historique du programme, la diversité des commanditaires et des réalisations sont sur le site : www.nouveauxcommanditaires.eu.

3. Hal Foster, Le retour du réel, La Lettre volée, coll. Essais, Bruxelles, 2005, p.213-248.

4. Yona Friedman, Utopies réali-sables (nouvelle édition), Éditions de l’éclat, Paris-Tel-Aviv, 2000.

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à chacun. Enfin, l’initiative n’est pas paterna-liste selon l’expression de l’architecte utopiste car le profit des changements envisagés va directe-ment à ceux-là même qui sont les acteurs du pro-jet. Mais de quels changements parle-t-on exac-tement ? Avec l’aide des habitants, ces artistes cherchent à renouveler certaines représentations. Se peut-il que ce faisant, la réalité dans laquelle ces personnes évoluent soit elle-même changée ? Dans le monde actuel où le média est roi, on est en droit de se demander s’il n’y a pas parfois substitution entre la réalité et ses représentations. Concernant ces quartiers appelés « banlieues », c’est particulièrement le cas du jt qui, chaque soir, orchestre et simplifie des images qui s’incorporent au final à nombre de ses habitants. Si l’on ac-cepte cette idée, on peut également convenir que les œuvres élaborées à Saint-Fons et à Valence opérant éga-lement dans le champ de la repré-sentation, contribuent à opposer à ces discours simplificateurs une ré-sistance dont on peut espérer qu’elle s’incorpore, au final, à nombre de ses habitants .

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Nicolas Boone et Olivier Bosson : a. Teasing pour la scène Les retraités font du stop ;b. Tournage de la scène Les retraités font du stop ;c. Tournage de la scène La fête de la voiture.

Alejandra Riera : d. Pensée collective, 28 mars 2008 ;e. Hors Temps, vue partielle, jardin Oasis Rigaud, 11 août 2008 ;f. Photographie du centre ville de Valence prise en 2005 par Leon Liu Wenyang étudiant d’origine chinoise, pendant ses études à l’école régionale des beaux-arts de Valence, section arts plastiques.

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un eSSai de caroLine Soyez-petithomme

Une exposition temporaire consiste à rassembler des œuvres d’art dans un lieu x pendant une pé-riode y, dans le but de les présenter au public. L’énoncé paraît simple, mais la conception et la réalisation d’un tel événement résultent de la combinaison d’un nombre variable de modalités (inhérentes ou extérieures au propos même de l’exposition). Cette entité complexe, objet rhéto-rique essentiel de la mécanique de l’art contem-porain, influe à tous les niveaux du processus créatif : production, diffusion, intention de l’ar-tiste, réception par le public, signification, for-tune critique ou devenir de l’œuvre.

La nomenclature de l’exposition est pour le moins flexible, tant par la nature du contenu, des

œuvres rassemblées, que par les rôles interprétés par les dif-férents personnages – curators, commissaires, conservateurs, ar-tistes, scénographes, architectes, décorateurs, designers – qui, comme au théâtre, sont inter-changeables ou peuvent être joués par un seul et même ac-teur. Si ces fonctions sont claire-ment distinctes sur le papier, il n’est pas rare qu’elles se superpo-sent ou se confondent. Quant au contenu, c’est-à-dire aux œuvres, elle sont, au sens propre comme

au figuré, manipulées par les différents interve-nants qui investissent l’espace qui les lie entre elles.

John Armleder : Jacques Garcia (Centre cultu-rel suisse, Paris, 2008), The Art of This Century (AoTC, galerie de Peggy Guggenheim à New York, 1942) et Rolywholyover : A Circus (com-missariat : John Cage, MoCA, Los Angeles en 1993 et MoMA, New York, antenne de Soho en 1994), sont trois cas d’expositions dont le contenu et la scénographie ont été délégués à un intervenant ou à un protocole extérieur. Ainsi, John Armleder a invité Jacques Garcia, décora-teur et architecte d’intérieur, à réaliser son ex-position (par une sélection d’œuvres, d’objets et de mobilier), Peggy Guggenheim avait commis-

sionné Frederick Kiesler pour la scénographie de sa galerie new-yorkaise The Art of This Century en 1942 et John Cage, en tant que commissaire d’exposition, conçut Rolywholyover : A Circus, en utilisant son outil standard de composition : le principe d’indétermination inspiré par la philo-sophie orientale du I Ching.

Ces trois exemples induisent un jeu sur la flexibilité des positions de l’artiste, du commis-saire, du scénographe ou de l’architecte d’inté-rieur, et sur celle du statut de l’œuvre d’art. Kies-ler souhaitait maximiser la perception de l’art et pour cela, considérait l’œuvre comme partie inté-grante d’un environnement total, d’un espace tri-dimensionnel. Les peintures n’étaient donc plus de simples éléments accrochés sur des murs bi-dimensionnels. Ces principes se matérialisaient notamment par l’utilisation de bras mobiles qui maintenaient les châssis éloignés du mur et présentaient activement la peinture au visiteur. Autre composante scénographique de la Galerie abstraite : les cloisons de bois étaient incurvées et donnaient l’impression que les peintures flot-taient, leur plan pictural n’étant plus parallèle au mur. Mis à part la « Daylight gallery » (Galerie de jour ou Espace de vente), les trois autres gale-ries – surréaliste, abstraite et cinétique – étaient éclairées par des lumières fluorescentes, certains murs et certaines parties du sol étaient peints avec des teintes plus claires de façon à moduler l’espace. Dans la Galerie cinétique, une expérience totalement nouvelle était offerte au public. Les spectateurs devaient tourner une roue surdimen-sionnée en forme de spirale afin de voir La boîte-en-valise de Marcel Duchamp (1935-41) pièce par pièce, ou encore ouvrir un volet afin de voir une peinture cachée de Paul Klee. Un paternos-ter servait de dispositif pour une série de pein-tures du même artiste. Chacun de ces environ-nements était développé en relation à un script que les acteurs, c’est-à-dire les œuvres d’art, per-formaient. En ce sens, les diverses sections s’or-ganisaient comme les trois actes d’une pièce dra-matique, les visiteurs déambulant sur et autour de la scène.

Quelquescas

d'accro-chages

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« L’installation et le système ont autant de valeur que les œuvres elles-mêmes. » Ces propos de Frederick Kiesler concernant AoTC impli-quent que les œuvres soient des accessoires, mais cela ne doit pas être entendu comme péjoratif ou dépréciatif. Les trois présentes expositions sont ici étudiées pour la singularité du rapport aux œuvres qu’elles entretiennent. Jacques Gar-cia a livré un intérieur domestique richement orné, transformant l’espace d’exposition en un lieu cosy aux allures de demeure de collection-neur, d’intérieur d’hôtel de luxe ou de magasin de décoration. C’est donc d’une manière dé-complexée qu’œuvres d’art et objets divers sont ici mêlés, dans un ensemble indissociable qui certes, et cela peut en irriter certains, est décoratif, mais dont le but n’a rien de cynique, et qui ne té-moigne pas non plus d’un jugement catégorique ou d’un strict parti pris de la part de l’artiste. Au contraire, comme dans l’exposition de John Cage, les possibilités restent ouvertes, rien n’est figé, chaque objet peut être regardé pour ce qu’il est, pour ce qu’il apporte de plaisir et de sens. Ro-lywholyover : A Circus était une exposition en per-pétuel changement, échantillonnage ou sampling aléatoire des richesses culturelles de la ville. Cent soixante œuvres avaient été choisies par Cage (des avant-gardes modernistes à des œuvres des années 1950 dont certaines du Black Mountain College) et une multitude d’objets provenant de quarante-cinq musées de New York ou de Los Angeles avaient été sélectionnés selon le I Ching. Les quatre sections étaient raccrochées plusieurs fois par jour, selon les propositions aléatoires d’un programme informatique créé pour l’occasion, la scénographie apparaissait progressivement en né-gatif grâce aux traces laissées par le déplacement des œuvres. La section Museumcircle accueillait entre autres du mobilier de style Shakers, deux tables et quatre meubles pour stocker des grains (seed cabinets), similaires à ceux qui décoraient l’appartement de John Cage. Les visiteurs étaient invités à jouer aux échecs, à ouvrir les tiroirs, à y laisser des objets ou à y consulter des notices d’œuvres potentiellement présentes dans l’expo-

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sition. La signalétique de l’exposition suivait le principe de non hiérarchisation de l’accrochage. Dans son article publié par le New York Times le 6 mai 1994, Roberta Smith évoquait des œuvres de Barbara Kruger présentées au coude à coude avec un boîtier d’alarme à incendie du XiXe siècle provenant du New York City Fire Museum et des éclairages de métro du New York Transit Museum. Rolywholyover juxtaposait donc indif-féremment œuvres et objets, nivelant ainsi leurs statuts et pointant l’impossibilité d’étiqueter ces productions humaines qui sont autant d’œuvres, d’accessoires que de marqueurs culturels.

Les scénographies des trois environnements totaux ici étudiés ont en commun d’investir l’es-pace propre à chaque œuvre. La réception d’une telle forme d’appropriation de l’œuvre d’art est aujourd’hui problématique et soulève bien des considérations éthiques quant à l’intégrité de l’œuvre. Le recul et l’espace sacré qui entourent l’œuvre sont devenus aujourd’hui des normes in-dispensables à la délectation. Mais de telles ré-flexions ne sont-elles pas simplement le résultat du formatage dû à l’avènement du white cube ?

« Le traditionnel objet d’art, qu’il soit pein-ture, sculpture ou élément architectural », écrit Kiesler à la fin de sa vie, « n’est plus considéré comme une entité isolée mais doit être considé-ré dans le contexte de son environnement élar-gi. L’environnement devient aussi important que l’objet, voire plus parce que l’objet respire dans son environnement et en aspire les réa-lités, peu importe l’espace, les intervalles petits ou grands, en plein air ou à l’intérieur 1. » La pratique de John Armleder poursuit, certes pour des motifs diffé-rents, l’idée de ce regard qui invite à reconsidérer les cô-tés de l’œuvre, son contexte visuel, recadrant ainsi l’inté-rêt porté aux objets. L’artiste suisse parle de refocusing pour qualifier ses stratégies de re-virements ou de remises en

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1. Frederick Kiesler, « Second Manifesto of Correalism », Art International 9, mars 1965, cité par Dieter Bogner dans « Staging works of art, Frederick Kiesler’s exhibitions 1924-1957 », in The Story of The Art of This Century, Guggenheim Museum Publica-tions, New York, 2004, p.42.

2. Cf. Lionel Bovier, « De la théorie de la surcharge à l’œuvre comme décor », in John Armelder, éditions Flam-mation, Paris, 2005, p.143.

3. Contemporary Art applied to The Store and its Display, Bren-tano’s Publishers, New York, 1930, p.74 et 102, cité par An-drew Otwell, « Frederick Kies-ler as a commercial designer », www.heyotwell.com / work / arthis-tory / KielserDesign.html, 1997.

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un eSSai de caroLine Soyez-petithomme

jeu, par lesquelles il empêche la fixation d’une image de son travail 2, ménageant ainsi des ef-fets de surprise. La pertinence du pied de nez et l’efficacité du retournement de John Armleder : Jacques Garcia implique une remise en cause du standard, de l’exposition, qui est ici un outil ré-flexif autant qu’un médium artistique à part en-tière. Les frontières entre scénographe, artiste, décorateur, designer et architecte demeurent éga-lement floues dans la pratique pluridisciplinaire de Kiesler (qui au cours de sa carrière occupa ces différentes fonctions, sans jamais strictement les dissocier). Cela lui permit de développer des théories communes à tous ces domaines. En 1930, il publia Contemporary Art applied to the Store and Its Display qui préfigurait douze ans avant la conception scénographique de AoTC. Le titre de cet ouvrage est pour le moins explicite et rejoint certains aspects du projet esthétique de John Armleder. Les formes (par exemple celles des avant-gardes) ou les objets que ce dernier s’ap-proprie ont souvent été employés ou appliqués dans d’autres domaines que ceux de la sphère ar-tistique et sont donc sujet à une réappropriation via ses œuvres. Armleder joue ainsi sur la persis-tance et le recyclage perpétuel des images.

En 1942, lorsque Peggy Guggen-heim fit appel à Kiesler, la fonction même de la galerie restait indéfinie. Il s’agissait soit d’un musée présen-tant une collection permanente, soit d’une galerie commerciale. Kiesler devait donc tenir compte de cette hy-bridité temporaire. Au fil du temps, le projet devint plutôt un espace d’exposition ou d’expérimentation à but non commercial. Dans son cha-

pitre Contemporary art reached the masses through the store, Kiesler explique que l’industrie intégre-ra progressivement les progrès sociaux dévelop-pés et véhiculés par l’esthétique et les modes de productions des avant-gardes. Selon lui, le maga-sin est le meilleur vecteur pour rendre le moder-nisme accessible à un large public, tout comme AoTC promeut l’enrichissement des relations

entre les objets inanimés et les visiteurs deman-deurs d’un contact direct avec les œuvres.

La superposition des rôles entre artiste, desi-gner, architecte d’intérieur ou scénographe est un paramètre commun aux trois cas ici analy-sés. La réflexion de Kiesler sur la vitrine et sur le directeur des expositions du magasin est parti-culièrement significative : « La décoration des vi-trines et des magasins est devenue une science et un art. […] Le directeur des expositions (display manager) d’un magasin est lui-même un artiste qui a peint une image pour le public. Sa toile est l’espace, ses pigments sont les marchandises et la décoration, ses pinceaux sont les lumières et les ombres 3. » De tels propos font rétrospec-tivement écho à la dynamique des compositions de Rolywholyover et à la radicalité du geste de John Armleder qui, par le truchement de Jacques Garcia, af-franchit l’exposition de son carcan traditionnel. L’exposition fait œuvre et inversement – ce qui paraît somme toute classique, relevant de l’instal-lation – mais c’est davantage le fait que l’artiste fasse et défasse l’exposi-tion qui nous intéresse ici. Le pro-cessus de création devient extérieur à l’artiste lui-même, comme s’il avait fait table rase de sa propre intention. Comme le titre l’indique, un rap-port d’équivalence ou effet miroir lie le scénographe et l’artiste. La signa-ture de l’œuvre est collective, mais la proposition demeure ambivalente en termes d’objectivité, car l’artiste reste évidemment l’initiateur du projet. De façon comparable, Cage prend une décision, celle de s’en remettre au principe d’indétermination, rem-plaçant ainsi le statut de l’auteur par celui de déclencheur.

Chez Armleder, l’externalisation partielle du processus ne relève pas de la sous-traitance, mais comme dans Rolywholyover : A Circus, de l’alé-

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atoire (c’est-à-dire de ce qui est lié au hasard, à l’imprévisible). Ainsi, des peintures d’Armleder appartenant à des collectionneurs privés ont été intégrées à l’accrochage de Jacques Garcia, sans que l’artiste en ait fait la demande. Aucun ca-hier des charges n’avait d’ailleurs été fourni, sauf celui du budget. Ce procédé de mise à distance, proche du libre-arbitre laissé à l’interprétation dans la musique expérimentale de Cage, consiste à dépsychologiser le processus créatif. Cette éco-nomie de gestes, par laquelle Armleder procède, est également empruntée à Duchamp et elle en conserve toute la légèreté, la finesse d’esprit et l’humour, perpétuant avec brio la critique systé-matique de la rhétorique, des conventions et des hiérarchies esthétiques .

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a. Vue de la Galerie de jour (Daylight gallery) ou Espace de vente, AoTC.b. Mécanisme du Shadow Box permettant de visualiser Magic Garden de Paul Klee (1926), Galerie cinétique, AoTC.c. Vue de la Galerie abstraite (Frederick Kiesler & Peggy Guggenheim), AoTC. d. Dispositif de visualisation de La boîte-en-valise de Marcel Duchamp (1935-41), Galerie cinétique, AoTC.

e, g et h. Vues de l’exposition Rolywholyover : A Circus, MoCA, Los Angeles, 1993. © Paula Goldman.

f. John Armleder : Jacques Garcia, Centre culturel suisse, Paris, 2008. © Marc Domage.

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converSation autour de La biennaLe de deSign par aLeXandra midaL

Gare de Lyon : conversation croisée entre Emma-nuel Tibloux (e.t.), directeur de l’école supérieure d’art et de design de Saint-Étienne, entité fonda-trice de la Biennale de design, et Constance Ru-bini (c.r.), commissaire générale de l’édition 2010.Dans une conversation récente, Elsa Francès, la di-rectrice de la Cité du design faisait le constat que le modèle de la Biennale n’était vraisemblablement plus pertinent, et que sous cette forme, elle n’avait plus de raison d’être. En ce sens, on pourrait se demander si votre commissariat général, Constance Rubini, ne clô-ture pas une époque ?

c.r. Il est vrai qu’avec l’ouverture de la Cité, les enjeux se sont naturellement modifiés et né-cessitent de penser autrement.

e.t. La relation étroite qui préva-lait originellement entre la Bien-nale et le territoire se trouve en effet distendue, depuis que la Cité du design joue ce rôle tout au long de l’année, et que l’école se trouve maintenant sur le site de la Biennale.

Vous avez un regard muséo-graphique puisque vous organisez depuis au moins 10 ans des expo-sitions au musée des Arts décora-tifs. Pourriez-vous préciser de quelle manière cette biennale de design se distingue des autres ?

c.r. J’enseigne également, donc j’ai différents points de vue ; surtout celui d’une personnalité extérieure à la Biennale. Ici, on hérite à la fois d’un lieu et de son histoire. Les premières bien-nales étaient généreuses et partaient dans tous les sens. Mon point de référence tient plus à l’his-toire des différentes biennales, à l’univers de Saint-Étienne, qu’à mon expérience des musées.

Seriez-vous d’accord pour dire que la spécificité de l’exposition de design par rapport à d’autres modèles, ne se pose pas ?

c.r. En effet. Je réfléchis d’abord à la thé-matique et la question de son exposition vient ensuite, découlant de la matière récoltée et des personnes à qui elle s’adresse. Le sujet de la Bien-

DestinationSaint- Étienne

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nale 2010 proposé par Elsa Francès est la télé-portation. Très vite, j’ai compris que mon parti pris serait avant tout de porter un regard sur le design à un moment donné.

e.t. On se trouve pour la première fois au-delà d’une dimension historique explicitement rétros-pective célébrée lors de la dernière édition, avec un catalogue qui concourait à asseoir cette position. Pour se pencher sur ce sujet clairement prospectif, il n’est pas anodin d’inviter une historienne du de-sign et non plus un designer comme sur les précé-dentes éditions. Quelque chose d’important est en train de se jouer, on est à un deuxième niveau de la Biennale. Cette évolution se voit critiquée par les nostalgiques qui la trouvent moins généreuse, et défendue par les thuriféraires de l’époque présente, la considérant plus professionnelle.

Dans ses premières versions, la Biennale ne figu-rait-elle pas comme l’héritière des modèles historiques du design que sont ceux de la foire et de l’exposition universelle ?

e.t. À ses débuts, elle était volontairement proche de ces formes, tandis que maintenant, elles agissent comme des anti-modèles.

c.r. L’invitation du regard d’un commissaire permet de sortir de ces registres. J’ai cherché à me positionner au regard de la culture et de l’histoire de la Biennale de Saint-Étienne. L’exposition La ville mobile, dont je suis commissaire, interroge les nouveaux modes de vie. Il s’agit de mettre en relation le design et la question sociale. Ce ques-tionnement est aussi porté par Elsa Francés à Saint-Étienne. Même si en tant qu’historienne, je ne défends pas une ligne précise, celle-ci fait partie des directions qui m’intéressent.

J’aimerais revenir sur le thème générique de la Biennale : la téléportation. Les travaux du physi-cien Zeilinger sur la téléportation quantique font état d’un processus destructif : le premier photon est détruit pour permettre à son double d’être. Pour cette raison, et comme il s’en explique dans une interview menée par Hans-Ulrich Obrist, Zeilinger estime que la télé-portation ouvre sur une crise de l’original. Un tel sujet pour une biennale de design n’est-il pas une manière de soulever la question de la crise de l’objet ?

La Biennale internatio-nale de design de Saint-Étienne : du 20 novembre au 5 décembre 2010.biennale2010.citedudesign.com

aa. Aldo Cibic : The Gates of the city, Microréalités, 2004. © Aldo Cibic.b. Happy Metropolis, monorail suspendu de Wuppertal, Allemagne. © Dietmar Fritze. c. Miguel Ciro : Roosevelt Island.d. Twike : Twike classique, voiture à pé-dale à assistance électrique. © Twike.

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c.r. Je m’intéresse à la téléportation dans son rapport aux médiums virtuels, moins au design lui-même qu’à des contextes sociaux, scienti-fiques et à une situation du monde. Je m’inter-roge aussi sur le rêve de téléportation. Grâce aux outils de télécommunication, nous sommes dans l’ubiquité, parcourant des distances immenses sans véritablement se déplacer. L’ensemble de ces progrès a des incidences notables sur la manière et les désirs d’être ou de créer. Pour moi, le de-sign est une chose matérielle. Il y aura toujours des objets et leur forme est une des issues impor-tantes du design, même si on virtualise de plus en plus. Reste à mesurer ce que le design peut révéler de ces manières de vivre.

e.t. Il s’agit d’une rencontre objective entre le design et la notion de téléportation qui qua-lifierait la forme actuelle du progrès, conciliant métaphysique et fantasmatique. Les conditions mêmes de notre être au monde synthétisent les grandes transformations des formes de l’espace et du temps. Cette conception Kantienne est au cœur de (N-1.2), l’une des deux expositions que je présente à la Biennale, qui rassemble des réali-sations où les formes canoniques opèrent un dé-règlement des sens avec l’aide de nouveaux outils technologiques.

Dans la première version de la série télévisée Star Trek, la célèbre formule magique « Prêt pour la télé-portation ! » illustre peut-être ce que cette notion évoque pour le grand public. En fait, elle permettait de réduire les coûts de la réalisation télévisuelle. Une pirouette in-génieuse qui renvoie à Vilém Flusser qualifiant le de-signer de perfide et d’astucieux. En ce sens, le thème n’engage-t-il pas à sortir des paradigmes modernistes pour réinventer le design ? Et ce dans un déplacement qui fait écho à la remarque initiale d’Elsa Francès an-nonçant une période charnière de la Biennale ?

c.r. Les designers et les scientifiques ont pour moi le point commun d’être de grands créateurs. Ils prennent le risque de la découverte.

e.t. Le designer se rapproche de ce qu’on ap-pelle l’ingenium ou la capacité d’invention. La si-tuation actuelle pose des questions comme celle de savoir ce qu’il en est de la fonction de l’ar-

tiste, à un moment où la position d’auteur n’est plus son apanage, mais revendiquée par d’autres, comme le graphiste ou le designer. Ce change-ment ouvre sur une situation passionnante qui se joue ici. Dans les écoles, l’art occupe habituel-lement une position prédominante par rapport aux autres disciplines enseignées. J’ai eu cette attitude à mon arrivée, je considérais le design depuis le champ de l’art mais il a été nécessaire d’opérer une petite révolution copernicienne pour considérer l’art du point de vue du design… (N-1.2) évoque les états modifiés de la sensibilité. Elle rassemble des projets qui utilisent des opé-rations traditionnelles de déformation, d’efface-ment, de répétition, et proposent des images alté-rées de la réalité.

Vous inscrivez-vous de ce fait dans la position d’un design qui se rattache, via ses modes de représen-tation, à la fiction cinématographique ?

e.t. Exactement, d’autant qu’un personnage fictif a été inventé afin de proliférer sur le net. L’Entreprise, autre exposition co-curatée avec Michel Philippon, met en jeu l’adossement des écoles au milieu des entreprises, et soulève la question de la prise de conscience politique, qui, dans ce contexte, est variable.

c.r. La notion de téléportation circule ainsi entre toutes les expositions : outre l’exposition de Claire Fayolle, Demain, c’est aujourd’hui – Part 3, la prospective de Dunne & Raby ouvre des scé-narios futurs. Konstantin Grcic offre un contre-poids au thème général car il y est question de confort et si une projection dans l’espace a lieu, le corps reste ancré au sol. Benjamin Loyauté est invité à revisiter l’appel à projet de la Bien-nale et enfin, Felipe Ribon, en tant que desi-gner et photographe, envisage la lumière comme une matière, jouant sur le corps et le psychisme. Pour donner un parfum d’ensemble à la multiplicité des commissariats et événe-ments autour de la télépor-tation, une seule et même équipe sera cette année en charge de la scénographie .

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Il y a comme une atmosphère de siège au centre d’art du Fort du Bruissin. Mises à part l’histoire et l’architecture de ce bâtiment singulier (un fort construit en 1881, devenu obsolète avant même la fin de sa construction du fait de l’augmentation de la portée des canons, réquisitionné par les nazis pour en faire un site stratégique, « bunkerisé »), dès l’arrivée sur les lieux, l’am-

biance semble… posée. Cela tient sans doute à la présence de l’œuvre de Joris Van de Moor-tel consistant en l’ob-turation à l’aide de briques de toutes les fenêtres de la façade. D’emblée le lieu paraît se refermer sur l’expo-sition et annonce ainsi ce qui attend le visiteur qui déciderait d’aller

à l’intérieur, à la rencontre des œuvres de TTrioreau.Il n’est pas tout à fait anodin qu’au premier regard le lieu parle de concert avec l’œuvre tant la question du site specific habite l’exposition centrale. Comment une pièce créée dans un contexte peut-elle exister par-delà son origine ? Com-ment réactiver des créations

spécifiques sans les faire tomber dans le géné-rique ? Comment faire en sorte qu’on ne regarde pas les œuvres « comme autant d’invalides inani-més attendant le verdict du critique qui les pro-noncera curables ou non »

(pour citer Robert Smithson dont le fantôme hante les couloirs) ? Bref, montrer des œuvres et tenter de préser-ver ce qui les rend actuelles. Si les pièces de TTriorreau ren-dent ici compte de près de 15 ans de production, il convient néanmoins de se défendre de la rétrospective. Car, plus qu’un regard vers le passé, c’est la question du présent qui se pose. Le présent à travers le corps du spectateur qui visite l’œuvre en tête à tête en ouvrant une porte et en la fermant derrière lui. Alors les conditions de la ren-contre semblent rassemblées.BP 297 – 9 rue Édouard-Branly, 18006 Bourges cedex… est sans doute l’exemple le plus évident de ce désir de faire exister l’in-tention de l’œuvre par-delà les expositions. Constituée d’un ensemble d’éléments qui si-gnalent différentes étapes de son développement (2001-2004-2010), la pièce s’organise comme une structure protéi-forme composée de caissons lumineux, de formes sculptu-rales, de catalogue et de mobi-lier de présentation. L’artiste procède par cristallisation et l’œuvre développe ses branches à chacune de ses réactivations.

Dans la salle d’exposition, la concrétion des différentes étapes écrit la dynamique d’un projet en constante redéfini-tion. Les œuvres de TTrioreau renvoient à quelques grandes figures de l’histoire récente de l’art, de Robert Smithson à Brian O’Doherty en passant par Le Corbusier. À travers elles, c’est la question de l’ana-lyse des territoires qui survient, le territoire de l’œuvre, de l’art, de la ville… Mais par-delà sa nature spatiale, l’exposition dé-veloppe également une dimen-sion temporelle. Elle compose une trame cinématographique en mettant côte à côte un en-semble d’œuvres-séquences construites sur la durée. Une scène avec son unité de temps et d’espace renvoyant à une autre, l’histoire s’écrit peu à peu dans les transversalités et les correspondances. Et le travail de TTrioreau s’offre alors en amplitude en évitant avec vivacité l’écueil de la monographie rétrospective .

rioreau : le spécifique au carré—

Spacificity à francheviLLe par guiLLaume manSart

Spacificity : TTrioreau, Joris Van de Moortel et Camilo Yáñez, Fort du Bruissin, Francheville, du 28 mars au 4 juillet 2010.

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a. Joris Van de Moortel : The Day After Tomorrow, 2010. Courtesy de l’artiste. © Nicolas Durand. TTrioreau : b. 2 rue Gaston Guillemet, 85200 Fontenay-le-Comte, 2004. Courtesy de l’artiste, © Hervé Trioreau ; c. Extensible Mezzanine, 2003. © Nicolas Durand.

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determinacy à LauSanne par carine beL

Determinacy : exposition collective sur une propo-sition de Josef Hannibal, galerie 1 m3, Lausanne, du 29 avril au 13 juin 2010.

Processus de réacti-

vation—Errance dans un lieu aban-donné pour une plongée dans un monde investi par les objets et les matériaux : 1 m3 présente Determinacy. L’exposition de l’espace d’art lausannois réunit Gilles Furtwängler, Cyprien Gaillard, Gyan Panchal, Aloïs Godinat et Raphaël Julliard au-tour des prototypes de Charles et Ray Eames, trouvés dans leur atelier à la mort de Ray. Que deviennent les prototypes de ces chaises entrées dans l’his-toire du design quand ils ont perdu leur valeur d’usage et ont atteint l’âge de la retraite ? Sont-ils des œuvres à part en-tière ? Les œuvres sont-elles des objets entamant un cycle de vie autonome ? Determinacy crée un espace de décontextua-lisation dans lequel les objets se détachent de leur statut,

permettant la construc-tion mentale d’autres ob-jets possibles. Du gravier, une planche, une feuille de papier-calque en équi-libre, des murs et plafonds peints à la cendre. Tout est art et rien n’est ex-

posé. L’accrochage tient plutôt du dépôt, voire de la répertori-sation. On pourrait être dans un atelier mais il manque les outils et les traces d’un travail en cours. Nous serions plutôt au sein d’un lieu de germina-tion où les objets et les maté-riaux sont mis en culture et les formes prennent une vie nou-velle. Le mystère est présent, l’atmosphère éminemment poétique. Dans une confronta-tion spatiale entre le design mo-derniste d’après-guerre et l’art d’aujourd’hui, des œuvres histo-riques méconnues entrent en ré-sonance avec le travail d’artistes émergents sur la scène interna-tionale, initiant une sorte d’ar-chéologie de l’objet. Épures en acier, les Experimental tilt-back base et Base study de Charles et Ray Eames combinent des

formes simples. Raphaël Jul-liard allonge au sol 100 m2 de Pavatex, panneau isolant à base de fibre de bois utilisé dans la construction. L’Eau & cendres de Gilles Furtwängler déroule une fresque murale sur mur et plafond. Avec une feuille de papier-calque pliée, Gyan Panchal réduit l’objet à une seule fonction : tenir debout. Cyprien Gaillard installe sur le rebord de la fenêtre les gra-vats d’un vieux moulin détruit pour recouvrir une allée du châ-teau de Voiron. Poète du mo-deste, Aloïs Godinat pratique l’écart avec subtilité, il présente pour le lieu une seconde ver-sion du rouleau de fil en acier noirci Puisqu’il n’est point-z-à vous et pas-t-à vous, ma foi, je ne sais pas-t-qu’est-ce. Distorsion, appropriation, détournement, poétique, romantisme : Deter-minacy énonce une proposition ouverte qui perd le regard et invite à l’observation. Placés dans un environnement à l’abandon, les objets bougent, se déterminent, dialoguent les uns avec les autres et rede-

viennent aléatoires. L’inachèvement leur donne un potentiel de création. Les formes adviennent, trouvant ici ou là d’autres sujets qui les nourrissent et les mettent en mou-vement. À suivre à la galerie 1 m3, deux pro-chaines expositions sur la réactivation d’objets historiques .

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Determinacy :a. Vue d’exposition ;

b. Charles & Ray Eames : Experimental

tilt-back base, 1945.

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how not to make an eXhibition à grenobLe par LéLia martin-Lirot

How to…—Le programme pluridiscipli-naire composé par la session 19 de l’École du Magasin propo-sait aux visiteurs d’accompa-gner le groupe de curatrices sur deux axes de réflexion : le format de l’exposition et les tactiques de fiction. Deux jour-nées d’étude, finalisées par une publication téléchargeable.Si l’assemblage de discussions, éditions, installations et activa-tions de protocoles artistiques tenait davantage du workshop que de l’exposition, la question-titre How not to make an exhi-bition ne pouvait toutefois se résoudre par cette simple subs-titution formelle. Seules cer-taines propositions semblaient d’ailleurs s’y frotter réellement. La pièce Vexations de Fouad Bouchoucha, inspirée de la composition d’Erik Satie, joue bien d’un retournement des statuts de l’œuvre, du lieu d’ex-position, de l’artiste et du spec-tateur. Composée de matériaux bruts et d’un schéma de construction, cette ins-tallation situe le « pas fait » comme résultat et le spectateur comme fi-nisseur potentiel d’une œuvre auto-exposable. Par ailleurs, exploitant judicieusement le ver-nissage de l’exposition du Magasin, des proto-coles d’Ikhéa©Service et de Christophe

André ont été activés en toute discrétion ; soit un serveur extrême-ment lent et des flûtes

à champagne trouées, provo-quant de micro-événements en pervertissant la producti-vité des objets et services.Ce dernier mode opératoire établissait l’articulation avec le second axe de recherche : comment appliquer au proces-sus curatorial les tactiques de fiction utilisées par les artistes pour affecter le réel plutôt que de le représenter ? Sur cette piste, l’une des curatrices a par-tagé son intérêt pour l’histoire de Maria Teresinha Gomes, une portugaise accusée d’es-croquerie après s’être fait pas-ser pendant 17 ans pour un homme, général de l’armée de surcroît. Cette présenta-tion, renforcée par celle du duo d’artistes espagnoles Ca-bello / Carceller, a suscité une discussion sur les procédures fictionnelles appliquées à la transgression des genres. Enfin, la Bibliothèque périplasticienne d’Émilie Ibanez proposait une

sélection d’ouvrages liés au projet, dont l’incontournable Bartleby de Melville. On y trouvait aussi une édition li-mitée, produite par l’hybrida-tion du livre L’art en théorie et en action de Nelson Goodman et de la série photographique My newspaper d’Ivars Gravlejs.En attendant la post-produc-tion How to en pdf, si l’on peut saluer la richesse des ques-tionnements lancés par cette recherche in progress, on peut aussi s’interroger sur son ac-cessibilité pour un public non professionnel. Le concept de « public en apprentissage » a bien été abordé lors d’une table ronde autour des groupes Bruce High Quality Foun-dation et Claire Fontaine, étudiant les ressorts de l’ac-tion artistique dans la sphère publique. Néanmoins, une excursion du projet hors du cadre de l’école en aurait sans doute renforcé l’ouverture .

How not to make an exhibition : Le Maga-sin – Cnac, Grenoble, 29 et 30 mai 2010.www.ecoledumagasin.com / session19

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Fouad Bouchoucha : Vexations, 2010.

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L'œuvre comme architec-ture condi-tionnelle—

guiLLaume Linard-oSorio à Lyon par guiLLaume manSart

Si pour la plupart des archi-tectes l’interstice représente la contrainte qu’il convient de surpasser afin d’élaborer un projet (voir les architectes ja-ponais, de Shuhei Endo à l’ate-lier Bow-Wow), il se définit au contraire chez Guillaume Li-nard-Osorio comme l’endroit de réserve des possibles. Pour son exposition à la galerie Ro-ger Tator, l’artiste (architecte de formation) présente une ins-tallation composée de cinq tas de 500 kg de matériaux bruts (minerai de fer, sable, char-bon, calcaire et argile) qui font face à l’agrandissement de per-mis de construire, de détruire, d’aménager. D’un côté, une matérialité pure 1, de l’autre, un agrément administratif, entre les deux, un interstice que l’ar-tiste désigne comme le lieu de l’œuvre. Pour lui, c’est pré-cisément entre la validation juridique et la concrétude des éléments bruts que se situe le domaine du réalisable. C’est exclusivement dans le non-lieu de l’édification que se joue encore l’utopie. Le propos est réprobateur, Le champ des

possibles semble dire la fin consumée des illusions portées par l’architecture.Loin des empilements de Lara Almarcegui qui appellent à la conscience d’un lieu, l’œuvre de Guillaume Linard-Oso-rio, malgré ses tas de matières, s’offre parado-xalement dans une ab-sence. C’est une œuvre

en puissance qui préserve l’es-pace de la théorie et signifie la défaillance du bâti à pro-duire du sens et à s’inscrire dans un projet de société.Tout ce que nous ne construi-rons pas joue également sur la non-réalisation en proposant un assemblage plus ou moins organisé de maquettes de bâ-timents non-retenus lors de concours. Stade, faculté de Lettres, gymnase, bureaux… les non-bâtiments paraissent s’ar-ticuler sans règle et dessinent une ville chaotique. C’est une sorte d’uchronie qui se déploie sur un plateau de 2×2 m, une ville fantôme ayant fait de l’échec, de l’accumu-lation et du rapproche-ment formel les moyens de sa réalisation. La collection de maquettes se donne comme la promesse non tenue d’un autre monde. Il se dégage de l’expo-sition un sentiment étrange. Non seule-ment il s’y signale la fin des utopies mais il s’y confirme également

Guillaume Linard- Osorio : Le champ des possibles, galerie Roger Tator, Lyon, du 1er avril au 30 juin 2010.

Guillaume Linard-Osorio : a. Le champ des possibles, 2010 ;b. Tout ce que nous ne construirons pas, 2010.© Simon Deprez.

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l’avènement d’un modèle standardisé de société. Les maquettes programmatiques filmées lors du salon de l’im-mobilier et qui se succèdent dans l’installation vidéo Drone illustrent assez bien ce propos. Sur quatre moniteurs défilent les images basse définition du survol d’une ville implacable. L’œuvre reproduit le disposi-tif de surveillance et place le regardeur au cœur d’un sys-tème panoptique inquiétant. Maurice Blanchot, à propos du livre de Marguerite Du-ras Détruire dit-elle, écrivait « quelque chose disparaît ici, apparaît ici, sans que nous puis-sions décider entre apparition et disparition, ni décider entre la peur et l’espérance, le désir et la mort, la fin et le commence-ment des temps, entre la vérité du retour et la folie du retour. » C’est définitivement cette im-pression contradictoire qui sai-sit en traversant Le champ des possibles, une exposition ancrée à un réel en panne d’idéaux .

1. Les cinq matières brutes pré-sentées servent à la réalisation de l’ensemble des matériaux utilisés dans la construction occiden-tale (le verre, le béton, l’acier).

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Dans son essai intitulé « Les grandes villes et la vie de l’es-prit » (1903), Georg Simmel pressentait déjà les effets actuels de l’emprise conjuguée de la culture et de la technique sur la nature. Selon lui « le combat avec la nature que l’homme doit mener pour sauver son existence a désormais atteint sa forme ultime 1. » Analysant les conditions psycho-senso-rielles de la vie dans les métro-poles « entièrement vouées à produire pour le marché » et où règne « l’exactitude calcula-trice 2 », Simmel décrivait un sujet blasé, anesthésié, indif-férent aux questions de l’ori-gine et de la destination de son être, radicalement séparé de la nature. Sans s’avancer sur le terrain miné d’un retour à une naturalité post-hippie chic, Pierre Malphettes remet à jour cette problématique dans son œuvre. Ce qui fait la spécificité de sa démarche est qu’il n’entend pas réintroduire l’écologie dans le corps rigide de la culture, mais propose plutôt une nouvelle entente de l’idée de nature par des moyens artificiels, ce qui relève d’une sorte d’oxymore processuel.

Dans le premier espace de son exposition au Château des Adhémar, le spectateur est d’abord confronté à Un tas de sable composé de claus-tras en béton assemblés en rosaces, créant un

monticule à la fois décoratif et d’inspiration minimale. Puis se présente Un nuage de verre, constitué de feuilles de ce maté-riau suspendues verticalement, évoquant une essence de nuage modélisé en tranches. De fins néons entrelacés s’élèvent à la manière d’une vapeur fixée et stylisée (La fumée blanche), tandis qu’une imitation de roc en fonte d’aluminium reposant sur trois pieds fait penser à un insecte primitif ou futuriste (Tripode). La seconde salle ne présente qu’une vaste sculpture-fon-taine (Le ruissellement de l’eau) comprenant une succession d’aqua-riums, de plaques d’alu-minium convexes, de tubes biseautés ou une chaîne d’anneaux doubles qui condui-sent chacun à leur manière l’eau de haut

en bas. Les rapports entre élé-ments porteurs, bac de récu-pération, flacon d’écoulement, etc., sont soigneusement équi-librés dans cette structure dont le rôle est de « garder l’eau en l’air le plus longtemps pos-sible, d’ordonner sa chute », comme l’indique Malphettes. Ici, le naturel est ramené au physique, à la simple gravité, faisant de Ruissellement de l’eau une sculpture à la fois médi-tative, rétinienne (peut-être trop : on est au seuil du déco-ratif ), cinétique et sonore .

Super-naturel / artificiel—

pierre maLphetteS à montéLimar par pierre tiLLet

Pierre Malphettes : Paysage avec chute d’eau, Château des Adhémar, centre d’art contempo-rain, Montélimar, du 26 juin au 10 octobre 2010.

1. Georg Simmel, « Les grandes villes et la vie de l’esprit », in Die Grossstadt : Vorträge und Aufsätze zur Städteaustellung, Gehe-Stif-tung, Dresde, hiver 1902-1903, p.185-206, reproduit in Art en théorie. 1900-1990. Une an-thologie par Charles Harrison et Paul Wood, Hazan, Paris, 1997, p.163, trad. du texte allemand par Martine Passelaigue. 2. Ibid., p.164.

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Pierre Malphettes : a. Un tas de sable, 2009 ;b. La fumée blanche, 2010 ; Un nuage de verre, 2009 ; Tripode, 2010 ;c. Le ruissellement de l’eau, 2010.

Courtesy l’artiste et galerie Ka-mel Mennour, Paris. Toutes les photographies : André Morin pour les châteaux de la Drôme.

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Alors que les problématiques environnementales inondent désormais les discours et condi-tionnent autant nos modes de vie, de consommation ou de production, la récente multi-plication des expositions mo-bilisées par la question éco-logique témoigne-t-elle de la propagation d’un consensus ou de réelles prises de position ? Entre urbanité et nature, la Villa du Parc réunit toutes les conditions pour ouvrir le propos environnemental qui constitue le point de départ de Before Present. Pourtant, dès son entrée, l’exposition s’extrait d’un évident rapport homme / nature et de ses consé-quences, pour élargir la pensée écologique à une dynamique inhérente à l’écosystème de l’art, qui en ses lieux, n’a de cesse d’activer un vaste champ de relations métaphoriques ou réelles avec son environne-ment. Au mur, dans un jouissif brouillage, les commentaires illustrés de Dan Perjovschi sur l’actualité, appellent à un nécessaire positionnement, au-quel la salle suivante souhaite nous faire prendre part. Ac-cessories to an event, ensemble d’éléments de mobilier réalisés à partir du recyclage de divers déchets par Dan Peterman, nous installe au milieu de la sé-rie de posters Public information de Liam Gillick, confrontant

before preSent à annemaSSe par fLorence meySSonnier

Recyclage—

l’impact du slogan à celui du graphisme. Sous les signes de la massification, la conscience écologique

ne trouve donc pas sa traduc-tion dans la nostalgie d’une réalité dégradée, mais dans les tentatives de remédier à l’épui-sement des ressources, par di-verses formes de recyclages ou substituts. Didier Marcel do-mestique le végétal dans une série d’arbres blancs en résine montés sur roulettes, et Soleil Public d’Édyth Dekyndt fige un phénomène dans une mi-nimaliste série de néons. Le naturel et l’artificiel ne sont pas ici en antagonisme, mais pris dans ce même principe de transformation (et non de subordination), que la pensée écologique souhaite insuffler à l’action humaine sur son en-vironnement. Au positionne-ment romantico-militant, se substituerait ainsi une pensée réapropriatio-niste post-moderne dont la maxime serait bel et bien « rien ne se perd, tout se crée », assimilant la matière polluante aux dessins de BP, comme à la surface de l’eau et des photos de la série Gowa-nus d’Édyth Dekyndt. Tout appareil critique nous alarmant du « pé-ril » écologique, semble-rait alors être soluble dans diverses transfi-gurations poétiques, ou absorptions esthétiques (voire cosmétiques)

d’œuvres à la plasticité patente. Pourtant, ces transformations sont autant de digressions non moins éloquentes, évitant même à l’exposition les écueils d’un trop-plein didactique. Par les détours, elles rendent fina-lement explicite l’écologie non pas comme l’objet d’un consen-sus maintes fois manipulé, mais comme une conscience créative du monde, qui aurait davan-tage à voir avec un positionne-ment éthique que moral. Celui-ci ne reste néanmoins que très peu mis en œuvre dans l’envi-ronnement immédiat, à l’excep-tion de minces interventions dans l’espace urbain 1. Si la « vague verte » n’est pas portée jusque dans les expositions par un vent d’activisme, elle réus-sit toutefois à jeter un trouble, sur cette frontière ténue qui sépare la projection onirique d’une inquiétante réalité .

Before Present : exposition collective, la Villa du Parc, Annemasse, du 4 juin au 19 septembre 2010.

Didier Marcel : Arbres, 2008. Courtesy galerie

Blancpain, Genève.

1. Outre les marquages « Un autre monde est possible » de Ka-tharina Hohmann, sur quelques murs de la ville, le centre d’art nous invitait les premiers jours d’ouverture, à découvrir les in-terventions d’étudiants de l’école supérieure d’art d’Annecy sur la parcelle d’un quartier en friche.

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h2o à evian par aude Launay

Il est vrai que dans ce défer-lement de vert que l’on nous inflige, il n’est certainement pas suffisamment question du bleu, que dans toute cette fraîche considération pour la déforestation, les sanglots longs versés sur les arbres bles-sés, dévastés par les tempêtes ou abondamment arrachés aux plantations centenaires pour se voir transformés en ravissant mobilier de jardin, on oublie encore malheureusement trop souvent que l’eau, qui est à la base de notre petite personne et fait justement pousser ces jolis arbres, est un produit naturel exceptionnel. Bien sûr quand en plein mois d’août on insiste pour que nous stoppions l’ar-rosage de nos plantes et le rem-plissage de nos piscines, nous sommes atterrés par la santé chancelante de nos géraniums et alors là, peut-être que si l’on venait à nous parler de la fonte de la banquise et du manque d’eau potable au Bangladesh, peut-être oserions-nous enfin arrêter de faire l’autruche la tête dans notre arro-soir ? Alors, bien évi-demment, une exposi-tion intitulée H2O et réunissant la crème des stars internationales de

l’art contemporain aux cô-tés de plus jeunes artistes, ça donne envie d’aller y voir de plus près, et quand c’est à Danone City, eh bien que voulez-vous, ça fait sourire. Le Palais Lu-mière d’Evian-les-bains ac-

cueille cet été sa première expo-sition d’art contemporain et fait pour cela les choses en grand en s’associant avec la fondation Sandretto Re Rebaudengo pour présenter des œuvres de sa col-lection. Le listing est très chic, Carsten Höller, Damien Hirst, Jeppe Hein, Doug Aitken… les œuvres soigneusement choi-sies, le discours, un peu trop policé, peut-être, tend plus à la mélancolie qu’à la fronde écolo-giste, mais souhaite refléter les différents rapports de l’homme à l’élément fondamental, entre contemplation placide, effroi, mystère et protection, dans une tentative de circonscription de la question. La mise en espace pèche parfois un peu (on a vu plus audacieux à la fondation) jusqu’à certaines œuvres qui ne fonctionnent que partiellement ou certaines vidéos montrées de travers (ce que l’on a tout de même du mal à excuser) mais il faut avouer que l’exposition faisant la part belle à la photo-graphie, l’accrochage est aussi linéaire par nécessité. L’on

aurait adoré voir la fontaine de Karen Kilimnik en action, tant cette pièce, fontaine de jou-vence poétique et pathétique, dont les motifs de jardin à la française sont découpés dans une odieuse moquette-fausse pelouse de plastique vert, dont le bassin central est une cuvette à vaisselle sur les bords de la-quelle se balancent des petits chevaux dorés, dont l’eau est colorée à l’encre bleue, dont les alentours sont peuplés d’échan-tillons de crèmes liftantes, de parfums, savonnettes et autres après-shampooings, tous pro-duits aux promesses de jeunesse et beauté éternelles, est absolu-ment drôle et tragique dans le même mouvement. De belles découvertes (Enzo Obiso) ou redécouvertes (Flavio Favelli, Lina Bertucci) et des évidences bienvenues (le poignant dyp-tique de Sharon Lockhart, le très troublant News from the near future de Fiona Tan et un Charles Ray spectral), la collec-tion Sandretto démontre une fois encore l’excellence de ses choix et conclut H2O sur une note humoristique inattendue : la série de photos de flaques d’urine de jeunes filles de No-ritoshi Hirakawa. « Pour ceux qui entrent dans les mêmes fleuves, autres et toujours autres sont les eaux qui s’écoulent 1 » .H2O : œuvres de la col-

lection Sandretto Re Rebaudengo. Commis-sariat : Irene Calde-roni, Palais Lumière, Evian, du 11 juin au 19 septembre 2010.

Evian, source de jeunesse—

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Karen Kilimnik : Fountain of Youth (Cleanliness is Next to Godliness), 1992. Courtesy Fondation San-

dretto Re Rebaudengo, Turin.

1. Héraclite, Fragment No12, traduction de Simone Weil, in La source grecque, Librai-rie Gallimard, 1953.

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En 1956, quand le cinéaste français Alain Resnais tourna Toute la mémoire du monde, un documentaire dédié à la Bi-bliothèque nationale de Pa-ris, il célébra l’importance de l’un des plus grands déposi-taires matériels de la culture du monde moderne et souleva l’impossibilité de donner la capacité d’archivage néces-saire à une telle institution. Elena Volpato, commissaire de l’exposition, a clairement utilisé cette référence ciné-matographique pour situer sa réflexion. Point de départ conceptuel et formel, l’œuvre de Resnais (dont la projection du film est le premier élément présenté au visiteur) donne le ton à toute l’exposition qui, avec son esthétique achroma-tique et un air rétro, nous in-troduit dans un film en noir et blanc. Paradoxalement, les sept artistes présentés ont tous moins de quarante ans, comme si Volpato avait intentionnelle-ment sélectionné ceux qui sont le plus loin du passé, et donc, ceux qui doivent obligatoire-ment y accéder de façon indi-recte. Et cela se voit confirmé par un questionnement qui traverse l’exposition, sur l’im-possibilité et l’inutilité de tracer

une démarcation entre le documentaire et la fiction. James Beckett et Haris Epaminonda créent tous deux des displays inspi-rés par les musées. Bec-kett présente des pièces archéologiques associées

à l’histoire récente du passé in-dustriel de Turin, alimentées de notes et de références qui rendent impossible la distinc-tion entre réalité et fiction alors que le manque d’information dans les œuvres d’Epaminonda questionne l’authenticité des vieux objets tribaux qu’il ex-pose dans un environnement hautement attrayant. En mé-langeant la sphère personnelle et publique, les sculptures fic-tives ready-made de Simon Fu-jiwara connectent des éléments de sa famille avec des actions politiques, en insistant un peu plus sur les concepts de vé-rité, réalité et documentation. Différemment, les œuvres de Rossella Biscotti, Dani Gal et Sean Snyder ne focalisent pas sur le display muséogra-phique, mais sur les implications sociocul-turelles de l’archive. Record Archive de Gal est un projet de docu-mentation audio des événements politiques et historiques qui ont marqué le xxe siècle. Une collection de disques en vinyle nous porte à réfléchir sur la capacité de moments cruciaux à devenir des

biens de consommation, ou encore celle des traces audio à activer et informer la mé-moire collective. De son côté, l’installation Undercover Man de Biscotti confond réalité et fiction avec culture populaire et imagerie. L’artiste présente une série de photos en noir et blanc qui documentent un pro-jet où elle demande à l’agent du FBI Joe Pistone de rejouer son propre personnage, tel qu’il a été représenté dans la superproduction Donnie Brasco. Snyder montre, quant à lui, comment le médium altère le sujet représenté et influence ainsi notre interprétation. Enfin, avec l’installation The Secret Proceedings in the Trial at Benghazi, 15 September 1931, Patrizio Di Massimo prouve sa capacité à inven-ter une réponse artistique à la faible (sinon à l’inexis-tante) pensée postcoloniale italienne, et par conséquent démontre cette incroyable ap-titude qu’ont les artistes à for-ger toute la mémoire du monde .

Tutta la memoria del mondo : Galleria d’Arte Moderna, Turin, du 25 fevrier au 23 mars 2010.

Toute la mémoire du monde —

tutta La memoria deL mondo à turin par fiLipa ramoS

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a. Patrizio Di Massimo : As every artist I’m first of all a painter of women, 2009. Courtesy de l’artiste et T293, Naples.

Haris Epaminonda : b. Untitled #01 l / g, 2009. Courtesy de l’artiste et Rodeo Gallery, Istanbul ;  c. Untitled #07 l / g, 2009. Collection privée, Espagne.

Traduction : Sandrine Nicoletta

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auréLie pétreL et Lu yuanmin à Shangai par SyLvie Lagnier

L’exposition Regards croisés au pavillon de la région Rhône-Alpes à Shanghai résulte de la résidence d’Aurélie Pétrel dans la mégalopole chinoise et de celle de Lu Yuanmin sur le territoire rhônalpin. Au-delà des différences de points de vue culturels et généra-tionnels, les œuvres réalisées confrontent des conceptions différentes de la photographie et réactualisent un débat sen-sible entre l’auteur et l’artiste. Lu Yuanmin entretient un rapport nostalgique à la pho-tographie : enregistrer ce qui est sur le point de disparaître. Sa photographie est d’essence documentaire. Elle conserve au sein d’esthétiques distinctes – une composition classique, statique, généralement en noir et blanc et une image prise sur le vif, en couleur et en mouve-ment – l’immuable, c’est-à-dire l’image du souvenir lui-même. Depuis la fin des années 1970, Lu Yuanmin consacre son tra-vail à un sujet exclusif ; sa ville natale, Shanghai. Son usage du noir et blanc pendant plus de vingt ans s’est imposé pour traduire sa perception

des rapides mutations de Shanghai et avec elles, à la fois la disparition d’une identité spatio-temporelle et l’apparition d’un deve-nir présent. L’usage du noir et blanc lui permit de contracter ces deux réalités en une même temporalité. Lors de sa

résidence, muni de son Lomo bleu, il multiplie les prises de vues, joue de cette apparente facilité pour faire tomber en quelque sorte la tension qui l’anime lors de son arrivée à Lyon. L’inconnu auquel il s’est confronté l’a amené à saisir une réalité en couleur. Mais son regard a choisi de saisir des images qui, par leur lumière et leur cadrage, dématérialisent en quelque sorte l’identité du lieu et témoignent de ce souci d’une image rassurante et vibrante.Le travail d’Aurélie Pétrel est d’un tout autre ordre, tant dans le processus, que dans sa conception du photographique. La finalité du travail d’Aurélie réside dans une inter-relation entre l’image, le support et l’es-pace, avec laquelle non seule-ment elle questionne la place et le statut de chacun, mais encore, multiplie les possibles par l’introduction de disposi-tifs tels que Foucault les avait définis : « des stratégies de rap-ports de force supportant des

types de savoir, et supportés par eux 1. » La fonction du support n’est pas seulement dans la mise en valeur d’une lisibilité, il devient une part du visible. Poursuivant son interrogation sur les conventions régulatrices qui stabilisent le sens – le mur blanc, la position de l’image sur le mur, l’encadrement, etc. – Aurélie Pétrel manipule, dans un geste d’ordre performatif, des plans de matériaux bruts, impossibles cimaises dont ils semblent pourtant mimer l’un des enjeux, faire œuvre en lieu et place de l’image. Tout est rapport à un espace scénique, celui de la scène, de l’écran, des systèmes de représentation où l’humain, dans son appa-rent second rôle, est l’objet qui légitime toute illusion .

Regards croisés : Aurélie Pétrel et Lu Yuanmin, expositions du 16 au 22 août 2010 au musée Xu Hui et du 25 au 31 oc-tobre 2010 au Pavillon Rhône-Alpes, dans le cadre de la parti cipation de la Région Rhône-Alpes à Shanghai 2010.

Regards croisés : Shanghai 2010—

a. Lu Yuanmin, 2010. Aurélie Pétrel : b. Mogashan, 2010 ;c. J-21, exposition univer-selle de Shanghai, 2010.

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1. Michel Foucault, Dits et écrits, 1954-88, tome 3, 1976-79, Gallimard, Paris, 2001.

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canevas… La vidéo devient matière. Qu’y a-t-il derrière l’émerveillement ? Un conte philosophique sur la place de l’homme dans l’environne-ment qu’il construit et un ar-tiste inclassable, désireux de faire partager son appétit pour la vie. Chacune des œuvres est à la fois une performance technologique, un œil décou-vrant des paysages fantastiques dans des corps familiers et une attention dédiée au visiteur. Samuel Rousseau énonce une poétique du ravissement telle une incitation à l’épicurisme .

Samuel Rousseau : fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean- Marc Salomon, Alex, du 10 juillet au 7 novembre 2010.

a, b et c. Samuel Rouseau : Maternaprima, 2006. © Samuel Rousseau, 3d : Raphaël Bot-Gartner. Courtesy Aeroplas-tics contemporary, Bruxelles.

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SamueL rouSSeau à aLeX par carine beL

Samuel Rousseau habite la fondation Salomon avec une vingtaine de séries d’œuvres vi-déo, produites de 1996 à 2010. Invitation dans un château en-chanté ou plongée dans la fabu-leuse aventure du quotidien ? Le parcours fonctionne sur le mode de l’émerveillement, pro-posant une perception physique de l’espace à partir d’œuvres retravaillées pour le lieu. Au pied d’un escalier trop grand pour lui, l’artiste apparaît sous la forme d’un P’tit bonhomme tentant d’escalader la marche pour passer à l’étape suivante. La pièce est une métaphore de sa démarche plastique et le point de départ d’une balade interactive qui aménage des passages de l’infiniment grand à l’infiniment petit, cultive les anecdotes, combine les temps jusqu’à perdre le narratif dans le cyclique. On avance sur les trois étages du château, de pa-raboles en vanités. Le festin des délices – table pour deux avec assiettes et papier peint vidéo coquins – est dressé dans la salle d’apparat. Sans titre (L’arbre et son ombre) aménage un temps de méditation devant le cycle du végétal. Ici et là, des personnages miniatures se suivent,

s’entretiennent, s’accor-dent ou se contredisent dans une Plastikcity. D’autres tentent de s’éva-der des blisters dans une Chemical House, circulent

en boucle dans les réseaux ico-niques d’un tapis d’Orient ou grimpent en continu sur une Montagne d’incertitude. Samuel Rousseau collecte des éléments du réel auxquels il ajoute des doubles virtuels comme des vies rêvées dans lesquelles les échelles et les champs sont déplacés. Du micro au méga comme de l’élémentaire à l’hy-bride, il multiplie les visions du monde contemporain. Le parcours grouille de charmes et distille de la poésie. Il passe de-vant des mégapoles frénétiques tournant sur elles-mêmes ou une série de mains traversées par des lignes de couleurs dont le mouvement semble déformé par le relief. Il finit sous une Constellation de baisers, bouches faisant des bisous dont le bruit évoque étrangement des ga-zouillis d’oiseaux. Pas d’écran mais des projections murales, une diffusion dans l’objet ou une incrustation dans un

Ode à la vie—

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h. Julia Cottin

focuS, à venir, brèveS

ContaminationOlivier Nottellet : J’y pense et puis j’oublie, Vog, Fontaine, du 8 septembre au 16 oc-tobre 2010. Des car-nets à l’exposition, la pratique du dessin d’Olivier Nottellet glisse d’un espace à l’autre, à l’épreuve des situations. Chaque nouvelle étape du tran-sit arrime cette œuvre au réel tout en étant absorbée dans une graphie abstraite.–

Galeries nomades (h)De septembre à dé-cembre 2010. En co-production avec cinq structures, l’Institut d’art contemporain reconduit le dispositif des Galeries nomades, permettant à de jeunes artistes issus des écoles d’arts rhônalpines de bénéficier du soutien à la production de leurs premières expositions et d’une édition. Avec Nicolas Tilly au 9bis (Saint-Étienne) ; Yan-nick Vey à la Cha-pelle Sainte-Marie,

Bois massif (a)Stephan Balkenhol : musée de Grenoble, du 30 octobre 2010 au 30 janvier 2011. À l’image de ses sculp-tures, Stephan Bal-kenhol est une figure singulière de l’art contemporain. À tra-vers un large choix de pièces, jusqu’aux plus récentes, réalisées pour l’occasion, le musée de Grenoble donne à voir les multiples facettes de cette œuvre massive.–

Compilation (e)Allan McCollum : Each and Every One of You, la Salle de bains, Lyon, du 22 novembre 2010 au 22 janvier 2011. Each and Every One of You d’Allan Mc-Collum, est une œuvre composée des 1200 prénoms les plus cou-ramment attribués aux États-Unis. Les traitant selon leur popularité, cet ensemble forme à la Salle de bains une im-posante installation qui révèle notre investisse-ment individuel dans le champ du commun.–

L’épaisseur des images (f)Marie Voignier : art3, Valence, du 10 dé-cembre 2010 au 22 janvier 2011.

Gac (Annonay) ; Ju-lia Cottin au centre d’art contemporain de Lacoux (Hauteville-Lompnes) ; François Daillant à Angle art contemporain (Saint-Paul-Trois-Châteaux) ; Camille Llobet à l’At-trape-Couleurs (Lyon). Informations et détails sur le site www.i-ac.eu. –

USa (g)Lyon Septembre de la Photographie : Us To-day After, divers lieux, Lyon, du 9 septembre au 4 novembre 2010. Pour sa 6e édition, Lyon Septembre de la Photographie nous plonge dans l’Amé-rique, des clichés aux regards périphériques, et nous propose un nouveau parcours pho-tographique à travers l’agglomération lyon-naise (www.9ph.fr).–

Modification (c)Matt Coco : Suggestion de présentation, Espace d’arts plastiques, Vé-nissieux, du 16 oc-tobre au 18 décembre 2010. À partir d’une mixité de matériaux et de référents, Matt Coco développe une œuvre combinatoire qui amorce de possibles scénarios en attente de notre imagination.

Entre documentaires et mises en scène, les films de Marie Voi-gnier laissent trans-percer dans l’ambi-guïté, une mordante acuité sur le réel.–

Prix (d)Anne-Laure Sacriste : lauréate du 2e prix des Partenaires, mu-sée d’art moderne de Saint-Étienne, du 18 décembre 2010 au 20 février 2011. L’œuvre graphique et pictu-rale d’Anne-Laure Sa-criste est imprégnée d’énigmes et de ma-tière sensible. Lau-réate du 2e prix des Partenaires du mu-sée d’art moderne de Saint-Étienne, l’artiste est invitée à y exposer ses œuvres récentes.–

Documents d’artistes en Rhône-AlpesAprès avoir été dé-veloppé en régions Paca et Bretagne, Do-cuments d’artistes Rhône-Alpes constitue un fonds documen-taire sur des artistes de la région, consul-table en ligne, un site à découvrir lors d’une soirée de lancement le 23 septembre 2010 à la fondation Léa et Napoléon Bullukian, Lyon (www.dda-ra.org).

Focus, à venir, brèves—

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04 : No7, Automne 201004 : No 7, Automne 2010

Nouveau Cap (b)Didier Courbot : It was situated about half a day’s journey up the valley from the river, du 4 septembre au 6 novembre 2010. Au cœur du quartier des Clochettes, Didier Courbot est invité à inaugurer les nou-veaux murs du centre d’arts plastiques de Saint-Fons, mais aussi à les dépasser, en pro-longeant ses réflexions sur le paysage et l’or-nement par des inter-ventions dans les jar-dins privés de la ville. Nouvelle adresse : Centre Léon Blum, place du Pentacle à Saint-Fons.–

RésidencesLa fondation Albert Gleizes poursuit sa po-litique de soutien à la création par l’accueil d’artistes sur le site de Moly-Sabata, ancienne maison de bateliers si-tuée en bord de Rhône à Sablons dans l’Isère.Toutes les propositions de résidences (d’une durée maximum de

6 mois), workshops et séminaires autour de l’art contemporain et de l’écriture, sont sou-mises à un comité d’ex-perts (www.moly-sabata.com, 04 74 84 28 47).–

ArtissimaOval Lingotto Fiere, Turin, du 5 au 7 novembre 2010. La dynamique foire internationale d’art contemporain de Tu-rin, sous la nouvelle direction artistique de Francesco Manacorda, réunit pour la première fois les différents as-pects de l’événement dans l’Oval Lingotto Fiere. Cette 17e édi-tion d’Artissima s’atta-chera à en faire valoir la dimension expéri-mentale, notamment à travers un programme culturel transdicipli-naire et un projet édi-torial impliquant le public de la foire .

artissima 17International Fairof ContemporaryArt in Torino

h. Julia Cottin

g. Andrew Bush

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RENDEZ­VOUS 2010 à SHANGHAI, Biennale d’art contemporain 23 octobre 2010 ­ 28 février 2011Exposition au Musée d’art de Shanghai

Delphine Balley Chourouk Hriech Marlène Mocquet Vincent Olinet RÉSIDENCE CROISÉE

« Better city, better life » Shanghai / Rhône­Alpes25 ­ 31 octobre 2010Exposition à Shanghai, dans le pavillon Rhône­Alpes de l’Exposition Universelle

Yuamin Lu Aurélie Petrel VIS­À­VIS,

la jeune création franco­russe15 octobre – 11 décembre 2010 Exposition au Réfectoire de l’Enba Lyon

Cédric AlbyDelphine Balley Elise Cam Sophie Dejode et Bertrand LacombeVladimir Logutov Milk and Vodka Mishmash Vincent Olinet Ivan Plusch et Irina Drozd Laurent Proux Alexandra Sukhareva Sarah Tritz Ilya Trushevsky Arseniy Zhilyaev

En partenariat avec le Centre d’art contemporain de Moscou, le Musée d’art contemporain de Lyon, l’Institut d’art contemporain Villeurbanne/ Rhône­Alpes et la Municipalité de Shanghai.Avec le soutien de la Région Rhône­Alpes, de la Ville de Lyon, de CulturesFrance et du club des mécènes de l’Année croisée France­Russie

Plus d’informations sur WWW.ENBA­LYON.FRÉcole nationale des beaux­arts de Lyon8 bis quai saint Vincent 69001 Lyon­ France infos@enba­lyon.net

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4 SEPT —6 NOV 2010

LE CAP DE SAINT-FONS INVITE DANS SON NOUVEL ESPACE :

Une série d’interventions dans des jardins privés de la ville et une exposition.

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Musée d’art contemporain Cité internationale 81 quai Charles de Gaulle 69006 LYON

Inauguration de l’expositionvendredi 10 septembre à 18h, en présence d’Olivier Mosset

Horaires d’ouverturedu mercredi au dimanche de 12h à 19h

T +33 (0)4 72 69 17 [email protected]

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La Région Rhône-Alpes a initié et accompagne ce projet. Il reçoit également le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication - DRAC Rhône-Alpes.En partenariat avec la Fondation Léa et Napoléon Bullukian, cicenter et le Département de la Drôme.

contact : [email protected]

Documents d’artistes Rhône-Alpes inaugure son fonds documentaire en ligne dédié à des artistes de Rhône-Alpes. Une documentation approfondie et actualisée rendra compte de la qualité et la diversité de leur travail.

Le site Internet présentera les dossiers réalisés en collaboration avec Pierre-Olivier Arnaud, Marc Desgrandchamps, Laurent Pernel, Slimane Raïs, Jean-Baptiste Sauvage et intégrera de nouveaux artistes tout au long de l’année.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bretagne, Rhône-Alpes et Aquitaine, Documents d’artistes travaille en réseau pour favoriser la visibilité de la création contemporaine en France et à l’international.

Mise en ligne le 23 septembre 2010

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Soirée de lancement - 23.09.2010 - 19hFondation Léa et Napoléon Bullukian26 place Bellecour, 69002 Lyon

photo : Laurent Pernel, 2001

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Guillaume DurandExposition du 4 novembre au 23 décembre 2010Vernissage le jeudi 4 novembre à 18 h 30En partenariat avec l’Université Lumière Lyon 2Fondation Bullukian26, place Bellecour • 69002 LyonEntrée libre du mercredi au samedi de 13 h à 19 h ©

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