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Marketing de l’informatique auprès des décideurs SEPTEMBRE 1999

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Marketingde l’informatiqueauprès des décideurs

SEPTEMBRE 1999

LE CIGREF

Le Cigref, Club informatique des grandes entreprises françaises, existedepuis 1970. Sa finalité est la promotion de l’usage des systèmesd’information comme facteur de création de valeurs pour l’entreprise.Il constitue un lieu privilégié de rencontre et d’échanged’informations entre les responsables des grandes entreprisesfrançaises ou européennes utilisatrices d’importants systèmesd’information. Ce partage d’expériences vise à faire émerger lesmeilleures pratiques. Chaque année, le Cigref réalise des études surdes sujets d’intérêt commun.

Rapports publiés par le Cigref en 1999 :

Benchmarking informatique

Commerce électronique (en anglais et en français)

Contrat d’interchange EDI (en anglais et en français)

Coût de possession du poste de travailRapport d’étape

Maîtrise d’internet

Nomenclature 2000Les emplois-métiers du système d’information dans les grandes entreprises utilisatrices

Observatoire des télécoms

Passage à l’an 2000Le jour J

Retours d’expérience ERP

Ces rapports peuvent être obtenus en se connectant sur le site web duCigref : www.cigref.fr

PARTICIPANTS

Un groupe de réflexion animé par Guy Lapassat,directeur des systèmes d’information du CCF, a étéconstitué au Cigref, avec la participation active despersonnes et entreprises suivantes :

Sébastien Bachollet SNCFJacky Bendayan Société GénéralePatrick Brunel DanoneJean-Louis Cailhol MGENPhilippe Dupont UsinorPatrick Giraudeau LVMHJean-Michel Guillaumond Société GénéraleFranziska Kuntz Hoffmann La RocheMichèle-Annick Marois CNCAJean-François Martin Louis Vuitton MalletierOlivier Mimaud SNCFJacques Miquel EDF-Gaz de FranceAlain Mugnier Société GénéraleMarc Rocher Mairie de ParisJacques Roger Société GénéraleJean-Luc Tardy AXADominique Thierry Crédit Foncier de FranceYann Xoual CGU France

La production de ce document a été assurée parOlivier Porte, du Cigref.

Nous remercions tout particulièrement les membres quiont bien voulu présenter leur expérience du marketingdes TIC et dont nous retrouverons le témoignage dans cerapport.

SOMMAIRE

1. GENÈSE DES TRAVAUX / OBJECTIFS DE L’ÉTUDE 9

1.1 Quelques explications préalables 91.2 L’enquête Cigref-Sofres 111.3 Comment parcourir ce rapport ? 13

2. LE MARKETING DE L’INFORMATIQUE, C’EST QUOI ? 17

2.1 L’opinion des dirigeants 172.2 L’équation à résoudre 182.3 Marketing : principes, méthodes et usages 182.4 Le marketing stratégique 212.5 Le marketing opérationnel 242.6 Le marketing des services 252.7 Le marketing interne 262.8 Le marketing interne de l’informatique 28

3. L’ÉTAT DU MARCHÉ 33

3.1 Des économies de plus en plus ouvertes 333.2 Les TIC sont au cœur du changement 353.3 Et en France ? 383.4 Le chemin qui reste à parcourir 38

4. LE MARKETING STRATÉGIQUE DE L’INFORMATIQUE 45

4.1 L’opinion de dirigeants 454.2 L’équation à résoudre 454.3 Le cas pratique : le service en ligne du Cigref 454.4 Les fondements théoriques 534.5 Les points à retenir 61

5. LE MARKETING OPÉRATIONNEL DES INNOVATIONS EN INFORMATIQUE 63

5.1 L’opinion des dirigeants 635.2 L’équation à résoudre 645.3 Le cas d’une grande entreprise : la SNCF 645.4 Les fondements théoriques 695.5 Les points à retenir 73

6. LE MARKETING OPÉRATIONNEL DES SERVICES EN INFORMATIQUE 75

6.1 L’opinion des dirigeants 756.2 L’équation à résoudre 756.3 Le cas d’une grande entreprise : Le CCF 766.4 Les fondements théoriques 806.5 Les points à retenir 85

7. LE MARKETING OPÉRATIONNEL ET LA MESURE DE L’EFFICACITÉ 87

7.1 L’opinion des dirigeants 877.2 L’équation à résoudre 877.3 Le cas d’une grande entreprise : EDF 887.4 Les fondements théoriques 917.5 Les points à retenir 95

8. LES LIMITES DU MARKETING 97

8.1 L’opinion des dirigeants 978.2 Critique du marketing interne de l’informatique 988.3 Les fondements théoriques 1038.4 Les points à retenir 106

9. LE LEADERSHIP TECHNOLOGIQUE DANS L’ENTREPRISE 107

9.1 L’opinion des dirigeants 1079.2 Le leadership, la nouvelle frontière du DSI ? 1079.3 Les fondements théoriques 1129.4 Les points à retenir 117

10. PERSPECTIVES : Y A T IL UNE VIE INFORMATIQUE APRÈS L’AN 2000 ? 119

10.1 Les dix règles d’or… ou la preuve par neuf 11910.2 Si loin, si proche… 121

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 9

1. GENÈSE DES TRAVAUX / OBJECTIFS DE L’ÉTUDE

1.1 Quelques explications préalables

Ce groupe de travail est né d’un constat et d’une volonté.

Le constat, c’est la pénétration massive des technologiesde l’information et de la communication (TIC) dansl’ensemble des activités économiques et la sommed’incompréhensions qui en a souvent résulté, notammentchez certains décideurs.

La volonté, c’est celle exprimée en 1998 par lesdirecteurs de systèmes d’information (DSI) membres duconseil d’administration du Cigref, de lancer des étudesavec l’objectif suivant :

Comment tirer le meilleur parti des TIC dansl’entreprise, en réduisant l’écart de perception sur lesTIC entre les responsables de l’informatique et lesautres acteurs, car ces différences constituent tropsouvent un frein aux meilleurs usages.

Le thème du « marketing des TIC vers les décideurs » adès lors émergé assez naturellement comme une desconditions préalables à l’optimisation de la contributionnette de l’informatique à la réalisation des objectifsmétiers des grandes entreprises.

Le sujet couvre en effet trois points essentiels :

• Les missions des directions de systèmes d’information(le développement de ces fameuses TIC qui font peur àcertains) ;

• Les cibles capables de donner aux DSI les moyensd’exercer leurs missions de la façon la plus efficacepour l’entreprise (les décideurs) ;

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• Et enfin les outils qui vont permettre aux DSId’atteindre plus souvent leur cible (le marketing).

Pour cette raison, un groupe de travail a été constitué fin1998, s’adressant en priorité aux directeurs des systèmesd’information et à leurs collaborateurs directs, c’est-à-direà des personnes amenées à se retrouver dans dessituations où se prennent des décisions sur l’évolution dusystème d’information de leur entreprise.

Le présent rapport se veut un résumé aussi fidèle quepossible des débats qui ont eu lieu au sein de ce groupependant le premier semestre 1999.

Chaque fois que nécessaire, ces derniers ont étépositionnés dans un cadre d’analyse plus global afin demettre en lumière les apports les plus pertinents dumarketing et de répondre à trois objectifs :

• permettre au décideur d’une grande entreprise decomprendre de façon plus systémique les enjeuxpropres aux technologies de l’information et de lacommunication ;

• présenter au DSI des démarches concrètes etdiversifiées pour traiter les différentes situations où desdécisions d’investissement ou des initiatives avec unecomposante technologique importante relèvent desdirigeants de l’entreprise ;

• proposer aux décideurs et au DSI une référencecommune pour évaluer les bénéfices des TIC.

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Tel quel, ce rapport s’adresse à tous ceux, décideurscomme DSI, qui sont conscients des enjeux sous-tendus par le marketing de l’informatique et croient aubien-fondé de la démarche, mais ont eu du maljusqu’ici à convaincre leur entourage de s’y engager.

Il s’adresse aussi à ceux qui hésitent à qualifier cephénomène de tendance de fond ou de phénomènede mode, et souhaitent se forger un premier « corps dedoctrine ».

Quant à ceux qui pensent que c’est un faux débat, nousles invitons quand même à nous accompagner, ne serait-ce que pour conforter leur opinion. Qu’ils sachent en toutcas qu’ils sont aussi les bienvenus. Car par la grâce dumarketing, ils deviendront ipso facto un segment demarché à couvrir…

1.2 L’enquête Cigref-Sofres

Le Cigref a cherché à en savoir plus sur l’opinion desdirigeants par rapport aux technologies de l’informationet à voir si la situation était figée ou si au contraire desévolutions notables étaient enregistrées dans certainsdomaines.

Nous avons donc mené fin 1998, en association avec laSofres, une étude auprès de dirigeants de grands groupesfrançais, pour évaluer plus précisément la façon dont seprenaient les décisions liées aux grands projetsinformatiques et télécoms.

Les résultats détaillés de cette enquête nous serviront de« fil rouge », puisque chaque chapitre débutera parquelques citations choisies à dessein, afin d’illustrer la

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nature des enjeux tels qu’ils sont perçus par lesdirigeants.

En tout, nous avons sélectionné 40 citations de directeursgénéraux de grandes entreprises françaises que vousretrouverez au long de ce rapport : Aérospatiale, Banquede France, BNP, CEA, Crédit Agricole, Dassault, FranceTélécom, Michelin, Rhône-Poulenc, Seita, Total, Usinor.

Pour l’instant, voici un premier extrait, qui reflète assezbien l’état d’esprit qui prévaut aujourd’hui et les troistypes de comportements que l’on rencontre le plussouvent chez les dirigeants lorsqu’on leur demande de seprononcer sur les technologies de l’information :

Question Cigref-Sofres : En pensant à la stratégie dedéveloppement de votre entreprise, quelle importanceest accordée aux systèmes d’information et auxtechnologies de l’information par votre directiongénérale ?

Les convaincus :

• « Notre entreprise est basée sur l’information donc onne peut vivre sans ; il faut une informatiqueperformante, fiable, souple ; il n’y a pas de nouveauxproduits sans informatique, pas de business sansinformatique. L’information gouverne. »

• « Le SI n’est pas encore très important mais va ledevenir dans le cadre de la refonte des SI et de ladécentralisation par enseigne. »

Les réticents :

• « Les SI sont importants, bien sûr mais nous faisons uneapproche pragmatique ; il n’y a pas de doctrine. »

• « L’informatique est un facteur de productivité. »

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Les fatalistes :

• « Les technologies de l’information sont importantes,sans plus. Il y a trop d’évolution pour suivre. »

• « Les technologies de l’information sont trèsimportantes : il faut les surveiller pour trouver latechnologie adéquate. Mais c’est dangereux de leurdonner trop d’importance car l’avancée est trop rapideet nous avons toujours un temps de retard. »

1.3 Comment parcourir ce rapport ?

Ce document a été conçu pour permettre uneappropriation rapide par chaque lecteur. Pour cela, nousavons fait l’hypothèse que les besoins en marketinginformatique ne surviennent ni en même temps ni dans lemême ordre dans les différentes entreprises. Nous avonsessayé de développer, autour d’un mélange de retoursd’expérience et d’explications plus théoriques, deséléments de réponse adaptables à une grande variété desituations.

Au passage, cela nous a conduit à ne pas décrire lesaspects organisationnels, car compte tenu de la diversitédes métiers et des cultures d’entreprise, il aurait fallu unrapport entier sur le sujet. Exemple type de la questionnon abordée dans cette étude : « Faut-il, pour mieux fairepasser le discours sur l’informatique auprès desdécideurs, que le DSI soit membre du comité exécutif deson entreprise ? »

Ce rapport se décompose donc en quatre parties :

• Le chapitre 2 est un préalable sur les différentes formesde marketing, qui nous a paru indispensable pour éviterles malentendus ultérieurs. Les familiers des techniquesde marketing pourront aller directement au chapitre 3de ce rapport.

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• Le chapitre 3 est un prolongement de l’introduction etrevient un peu plus en détail sur la vague qui porte lestechnologies de l’information.

• Les chapitres 4, 5, 6 et 7, axés spécifiquement sur lemarketing, traitent de la pertinence des différentsaspects de cette démarche dans le domaine des TIC.Nous avons retenu quatre dimensions essentielles auxyeux des membres du groupe de travail, en considérantque les « produits » de l’informatique d’entrepriseparticipent de deux catégories, les innovations et lesservices :

Ø le marketing stratégique (tous produits confondus),

Ø le marketing opérationnel de l’innovation,

Ø le marketing opérationnel des services,

Ø la mesure de l’efficacité (tous produits confondus) ;

• Les chapitres 8 et 9 reviennent sur les précautions àprendre pour utiliser le marketing de l’informatique àbon escient et sur le statut de leader des technologiesde l’information qu’il faut rechercher dans sonentreprise pour maximiser la portée de son discours.

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Sur la forme, le lecteur retrouvera à partir du chapitre 4une décomposition en cinq sous-chapitres organisés de lafaçon suivante :

Numéro et titre Ce que vous pouvezdu sous-chapitre en retirer…

1. L'opinion des dirigeants Positionnement du thèmesous forme de phrases dans la carte mentale

très explicites d'un DG

2. L'équation à résoudre Les bonnes questionsLe chemin à parcourir à se poser

de la théorie à la pratique

3. Le cas pratique Une illustration, une visionL'expérience d'un membre contradictoire à confronter

du Cigref à vos propres objectifs

4. Fondements théoriques Des outils éprouvésLes principaux apports pour instrumenter

des praticiens du marketing vos projets de marketing

5. Les points à retenir Une check-listCe que le groupe du Cigref qui devrait vous servir

a jugé prioritaire (avis aux lecteurs pressés)

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2. LE MARKETING DE L’INFORMATIQUE, C’EST QUOI ?

2.1 L’opinion des dirigeants

Question Cigref-Sofres : Quelles actions decommunication sont nécessaires pour présenter lesgrands projets informatiques avant leur mise en œuvre ?

Les convaincus :

• « Communiqués internes, lettre mensuelle de la DI,lettre mensuelle du projet (pour les plus gros), desréunions d’avancement pour les utilisateurs concernés,s’expliquer au comité d’entreprise avant ou pendant.Mais on ne communique jamais assez… »

• « C’est 90 % du succès du projet : la lettre du projet, lecomité de déploiement qui veille à ce qu’il n’y ait pasde collision et de saturation ; tout projet implique deschangements, il faut communiquer et former bienavant ; utilisation de sites pilotes pour faire dupréventif. »

Les réticents :

• En interne : « Le conseil d’administration confirme lastratégie au comité de direction. Le DSI informe(réunion physique) les DO et les utilisateurs du plandes projets, présente et définit les objectifs. Il n’y a pasde presse interne qui reprend les projets enprésentation. » En externe : « Aucune action decommunication à ce jour. »

• En interne : « La feuille de choux du groupe juste pourêtre quitte avec les obligations d’information. Petitséminaire de présentation des projets aux DOconcernés. » En externe : « Très peu, d’autant que nousn’avons pas à présenter les projets à l’extérieur… »

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2.2 L’équation à résoudre

Le constat d’un DG : on ne communique jamaisassez…

Les pratiques : communication interne tournée versl’écrit, peu d’audiovisuel ou d’intranet, réunionsrégulières des partenaires sociaux puis des utilisateurs,communication externe à peu près inexistante. Quantaux réflexions marketing…

2.3 Marketing : principes, méthodes et usages

Les principes et les techniques de marketing ont faitl’objet de trop nombreuses publications pour qu’il soitutile de refaire dans ce rapport un manuel de marketing.Notre propos consiste plus à justifier l’existence d’unedémarche de marketing en informatique et, mieux, d’uncomportement marketing.

Pour y parvenir, nous présentons dans un premier tempsau lecteur les principes et composants majeurs de ladémarche marketing de l’entreprise face à ses clientsexistants et potentiels et les spécificités du marketing desservices.

Nous abordons ensuite la question du marketing interne,et les justifications du marketing informatique, pourconclure par une réflexion critique sur le marketing : faut-il le limiter à un effort indispensable de communication,ou est-ce même une simple composante de la gestion desactivités informatiques de l’entreprise ?

Ceux qui auront été convaincus par les propositions dece rapport pourront utilement se reporter aux manuels demarketing déjà publiés.

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Pour notre part, nous avons validé nos propos dansplusieurs ouvrages, dont les deux plus récents sont lessuivants :

• Marketing, mode d’emploi (Gilles Marion, FrankAzimont, François Mayaux, Daniel Michel, PhilippePortier, Robert Revat – Éditions d’Organisation –octobre 98),

• Marketing des services (Béatrice Bréchignac-Roubaud –Éditions d’Organisation – août 98).

D’autres manuels pourront être utiles aux pluspassionnés, en particulier les publications décrivant plusen détail les techniques proposées à chacune des étapesdu marketing, qu’il s’agisse de stratégie (étude deportefeuille, étude de marchés, analyse sociologique,création du produit, etc.), d’opérations (publicité, gestiondu point de vente,…) ou de mesure (statistique, test duproduit, enquête de satisfaction,…).

Quelques rappels sur l’objectif du marketing

Le marketing est plus une pratique utilisant des méthodeset des outils de sciences humaines qu’une science enelle-même. Il est essentiellement destiné à gérerl’échange marchand en situation concurrentielle, maisplus largement, son objectif est de présenter auxconsommateurs, aux usagers et aux citoyens les produits,les services et les règles de vie ou d’action que lessociétés et les institutions sont chargées de promouvoir.

Le marketing n’existe donc pas uniquement dans unenvironnement concurrentiel. Il existe également dansdes univers de monopoles, d’oligopoles et des économiesdirigées. Bien évidemment, certains pourront considérerque le marketing est alors dévoyé en techniques depropagande ou devient un instrument politique. Nous en

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retiendrons les objectifs et laisserons au lecteur laqualification des méthodes.

Fondamentalement, le marketing vise à répondre à lademande du client, pourvu que celle-ci soit solvable etparticipe à la rentabilité de l’entreprise. Le marketing desinstitutions à but non lucratif a pour but de convaincre del’utilité de l’offre ou de la nécessité de respecter les loisou des règles de conduite.

La démarche marketing comprend deux phases majeures,chacune se composant de plusieurs tâches conduites enparallèle ou séquentiellement, selon les entreprises, lesproduits, l’environnement économique, l’organisation dumarketing ou les simples contraintes pratiques. Lesauteurs proposent des découpages différents du cycle demarketing, les tâches élémentaires se retrouvent dans tousles modèles. Le découpage ci-après et le diagramme detâches qui l’illustre sont une des représentationspossibles :

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Produits/services Entreprise

stratégied ’entreprise

définitionde l ’offre

choixdes cibles

définitionde l ’entreprise

analyse del ’environnement

analysedes clients

analyse de laconcurrence

Marketing stratégique

Marketing opérationnel

Cigref9907_1.ppt

définition duprocessuscommercial

définition desactions de

communication

campagnesde publicité

campagnesde promotion

actioncommerciale

campagnesde publicité

mesuresd ’efficacité

diagnosticde notoriétéet d ’image

diagnosticde notoriétéet d ’image

conceptiondes produits

Les deux phases majeures du marketing.

2.4 Le marketing stratégique

La phase de marketing stratégique a pour but de situerl’entreprise et son offre (produits et services) dans sonunivers économique : marchés, concurrence, consom-mateurs, d’une part, profil de l’entreprise et clientsd’autre part.

La première tâche consiste à étudier l’environnementéconomique dans lequel l’entreprise se situe : structure

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du marché (type de produits et de services, volumes,modes de distribution, réglementation, etc.), évolution dedivers paramètres.

La deuxième tâche permet d’analyser le marché, c’est-à-dire les clients actuels et potentiels des secteurs visés. Ladiversité des comportements et le nombre même de cesconsommateurs conduit classiquement à utiliser uneméthode de classification statistique – la segmentation –pour analyser le comportement de classes d’individus àl’égard de l’offre et de la demande. Le choix des critèresde regroupement en segments de clientèle (critèressocioprofessionnels, habitudes de vie, localisation, etc.)fait partie de la palette des connaissances et del’expérience des spécialistes du marketing.

Il en est de même pour la segmentation des produits etdes services en familles (caractéristiques intrinsèques deproduit, catégories de prix).

Le troisième volet du marketing stratégique a pour rôled’étudier la concurrence (entreprises existantes,nouveaux entrants, innovation, etc.).

Ces trois tâches réalisées, il reste à décider dupositionnement de l’entreprise dans son univers, encommençant par choisir cet univers :

• Définir l’entreprise consiste à décider des marchés oùelle veut être présente et des produits qu’elle veutdévelopper.

• Mais il s’agit aussi de définir un projet d’entreprise, une« image » qui devient de plus en plus importante dansle monde actuel (offre haut ou bas de gamme,phénomènes de mode et de notoriété, considérationséthiques – vis-à-vis de l’écologie, de la santé, des droitsde l’Homme…).

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• Ce travail se base souvent sur des études stratégiquespréalables telles que « FFOM » (forces/faiblesses,opportunités/menaces – en anglais « SWOT ») et desétudes de portefeuille dont la plus connue est celle duBoston Consulting Group (regroupement des produitsen quatre catégories : les vaches à lait, les canardsboiteux, les étoiles et les points d’interrogation).

Définition de l’offre de produits et services

• L’entreprise devra s’efforcer de définir lepositionnement de chacun de ses produits et gammesde produits dans l’offre existante et à venir, mais aussipour les marques (nom de produit ou de gamme deproduits) et les enseignes (nom de points de vente ounom d’entreprise tel qu’il est connu du consommateur).

• Ainsi, une même entreprise peut décider de vendre desproduits distincts ou parfois identiques sous différentesmarques ou sous différentes enseignes, par exemplepour éviter des problèmes entre canaux de distribution(auto concurrence, pression sur les prix, etc.).

• Choix des cibles, c’est-à-dire des populationsauxquelles l’entreprise décide de vendre ses produits etservices.

Les diverses tâches qui composent le marketingstratégique ne sont pas totalement indépendantes les unesdes autres. Elles peuvent nécessiter des cycles deréflexion et des révisions avant de parvenir à définir lescomposantes stratégiques du marketing.

Par ailleurs, dans un univers de plus en plus évolutif,cette réflexion ne peut s’arrêter. Les divers paramètresconsidérés doivent être revus régulièrement, sinon enpermanence, pour tenir compte des changements quis’opèrent sur les marchés (consommateurs, concurrence,situation économique, etc.).

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2.5 Le marketing opérationnel

Le marketing opérationnel regroupe toutes les actionsissues des décisions stratégiques, depuis la définition et lacréation du produit commercial jusqu’à la mesure desrésultats obtenus, en passant par les opérations decommunication et de vente proprement dites :

• conception des produits (caractéristiques détaillées,packaging, prix – tarifs et conditions de ventegénérales…) ;

• définition du processus commercial (circuits de vente etcanaux de distribution, caractéristiques de la force devente…) ;

• définition des actions de communication (publicitémédia et publicité sur les lieux de vente, promotions,relation avec le client, aide à la vente par lescommerciaux…) ;

• réalisation des campagnes de publicité ;

• gestion des campagnes de promotion (par le lancementde produits et la création d’autres événementscommerciaux pour développer les ventes) ;

• action commerciale proprement dite ;

• mesures d’efficacité des opérations de marketing et deventes (enquêtes quantitatives et qualitatives sur leterrain, statistiques de vente et corrélation avec lesactions marketing, etc.)

• Mesures de notoriété et d’image des produits, desmarques et des enseignes.

Le marketing opérationnel gère le marketing mix(produit, prix, distribution, communication), que lesanglo-saxons appellent 4 P’s (Product, Price, Place,Promotion).

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En parallèle au marketing des produits, il existe unmarketing de l’entreprise, bien évidemment fortementdépendant du premier, consistant à gérer l’image et lanotoriété de l’entreprise (publicité institutionnelle,communication financière...).

2.6 Le marketing des services

Les entreprises de services ont adopté les techniques demarketing plus lentement et moins systématiquement queles secteurs de la distribution, de biens de consommationou de production industrielle.

Les raisons en sont multiples : économiques (moindrepression concurrentielle, méthodes de vente différentes,etc.), culturelles (dirigeants moins formés ou moinsconvaincus de l’utilité des méthodes), techniques(spécificité du marketing des services).

Le marketing des services présente quelques différencessignificatives avec le marketing des produits :

• L’offre est composée de biens immatériels qui peuventdonc être difficiles à représenter, voire à différencier.L’image de l’entreprise, sa notoriété peuvent alors jouerun rôle déterminant.

• La perception du service par le client répond parfois àun besoin fondamental ou essentiellement technique(services médicaux, transports de marchandises…),mais plus souvent à d’autres besoins fortementdépendants du comportement individuel.

• La production et la consommation du service sontsimultanées et non successives. Il est donc impossible,malgré tous les efforts de normalisation, de garantir leniveau de service avant son exécution, lequel dépenden grande part du prestataire, sinon du client lui-même.Le développement des normes ISO 9000 est un des

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éléments visant à maîtriser l’offre de services et àgarantir un niveau donné de prestation.

• S’il est toujours possible de trouver des servicespackagés, bien souvent, le service requiert uneadaptation spécifique à un client donné. C’estnotamment le cas pour les services aux entreprises. Lestechniques usuelles de marketing de masse ont alorsune utilité limitée ou doivent être adaptées. Le rôle dela relation individuelle (one to one marketing) devientalors prépondérant.

• On imagine facilement que, dans une entreprise deservices plus encore que dans une entrepriseindustrielle, le comportement du personnel et toutparticulièrement des « interfaces client » est un atoutmajeur de la réussite.

2.7 Le marketing interne

2.7.1 L’espace marchand externe

Le marketing interne a d’abord été un concept visant à« retourner » les méthodes de marketing vers les servicesinternes pour garantir que l’ensemble de l’entrepriseparticipe à l’effort de vente, et que chacun devient lepromoteur effectif ou potentiel de l’image de l’entrepriseet de ses produits.

L’objectif est d’obtenir de l’ensemble du personnel uneidentification et une adhésion suffisantes pour au moinsne pas contrecarrer les projets et les actions del’entreprise, sinon pour les accompagner.

On voit bien sûr des entreprises organiser des concoursde promotion internes. Ces actions relèventessentiellement du marketing proprement dit, puisquel’objectif est de gagner des clients par recommandationpersonnelle.

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Mais il y a d’autres actions dont l’objet est de faireparticiper l’ensemble de l’entreprise au développementdes actions de marketing. Ces démarches sontparticulièrement développées dans les entreprises deservices, dans lesquelles l’ensemble de la chaîne devaleur (les divers départements de l’entreprise) peutcontribuer à constituer l’offre et à renforcer ladifférenciation des services.

La sensibilisation du personnel aux attentes des clients,au positionnement de l’entreprise, à son image, la miseen œuvre de règles visant à aligner l’organisation, lesprocessus et les comportements internes sur la stratégiemarketing peuvent également se classer dans la catégoriedes actions de marketing interne.

Dans ce domaine, la direction de la communication estamenée à jouer un rôle fondamental, enaccompagnement ou à la place de la direction dumarketing.

Ces actions restent toutefois directement liées audéveloppement de la base de clientèle ou àl’amélioration de l’offre aux clients.

2.7.2 L’espace marchand interne

Une autre forme de marketing interne s’est développée,consistant à définir et promouvoir les produits et services(presque exclusivement ces derniers) d’une directionauprès d’autres directions et de la direction générale.

Une telle démarche peut avoir un ou plusieurs objectifsparallèles, notamment :

• Faire connaître les services offerts par une direction ausein de l’entreprise ou, plus souvent encore, au seind’un groupe, pour que directions et filiales sachentqu’elles peuvent utiliser une expertise ou un savoir-

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faire interne. La direction se trouve plus ou moins dansune situation de fournisseur face à des clients libres defaire eux-mêmes ou de sous-traiter à l’extérieur.

• Justifier l’existence d’une direction ou de ses moyensen montrant son efficacité, en faisant connaître sesservices.

• Construire une image positive ou redresser une imageternie par des erreurs de gestion, déformée par unemauvaise compréhension de la situation, par despréjugés.

• Rétablir à l’intérieur de l’entreprise une informationcorrigée du discours « marketing » des fournisseurs, desmédias, voire des concurrents internes, dans desentreprises où ces derniers existent (par exemple dansdes « galaxies » de PME, dans des structures trèsdépartementalisées).

• Faire adopter par l’entreprise des règles de gestion, desnormes, des comportements de natures diverses (parexemple des règles d’accueil des nouvelles recrues, lerespect de la loi sur le tabac, l’utilisation destéléphones mobiles ou la sécurité).

• Nous excluons de la liste et de notre propos lesopérations de « marketing personnel » qui peuventaccompagner les actions de marketing interneproprement dites, de façon ouverte ou, plusgénéralement, masquée.

2.8 Le marketing interne de l’informatique

La DSI plus que d’autres directions, l’informatique plusque d’autres activités ont besoin de marketing interne :

• L’informatique est une activité participant à lalogistique de l’entreprise et, à ce titre, apparaît souventcomme un centre de coût et une contrainte plus quecomme un acteur essentiel participant à la création de

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valeur pour l’entreprise. Son rôle est méconnu, voiredéprécié. À bien regarder le fonctionnement desentreprises, on découvre que l’informatique partagecette situation inconfortable avec le marketing lui-même, la communication, les ressources humaines oula direction juridique ; en fonction de l’histoire desentreprises et de leurs dirigeants.

• L’informatique est une technique complexe, à très forteévolution, qui reste incomprise de la plupart desutilisateurs et des dirigeants tant dans ses principes quedans les modes d’emploi et de fonctionnement deséquipements et des logiciels. L’effort didactique estconsidérable.

• L’évolution porte non seulement sur les équipements etles logiciels, mais aussi sur les missions de la DSI et,plus largement, sur les métiers de l’informatique. Enparticulier, la complexité et la diversification destechnologies imposent de créer de nouvelles fonctionset de nouveaux services (intégrateurs, supportstechniques spécialisés, webmasters,…). Il est nécessairede promouvoir les nouveaux services offerts auprès deséquipes de développement et des utilisateurs, et d’enjustifier l’existence auprès des décideurs.

• L’écart s’agrandit entre la réalité technique et laperception qu’en ont les utilisateurs et les responsables.Les technologies s’empilent plus qu’elles ne seremplacent. La complexité disparaît derrière lesinterfaces multimédias conviviales. Les micro-ordinateurs ont mis à portée de tous une technologiejusqu’alors réservée à des spécialistes. Cette innovationa ancré dans l’esprit de la plupart des utilisateurs et desresponsables l’idée que l’informatique était devenuemoins chère et plus simple.

• Nous sommes ainsi passés en moins de 30 ans d’ununivers où l’informatique était perçue par les dirigeants

30 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

et les utilisateurs comme une technique nouvelle,pleine de promesses, pionnière et complexe,hermétique, alors qu’elle était en fait relativementélémentaire et rudimentaire, à la perception d’unetechnique simple, conviviale, bon marché, alors qu’elleest devenue complexe, omniprésente, indispensable.Elle pèse plus sur les budgets et crée des exigences sanscesse accrues de la part de l’entreprise.

• Cet écart est d’autant plus important que lesfournisseurs et les médias, pour des raisons distinctes,contribuent à convaincre les dirigeants et les individusque les technologies nouvelles répondent à leursattentes et incitent à surconsommer les derniersproduits apparus sur le marché. Ce faisant, ils occultentla nécessité pour l’informatique de gérer les contraintesopérationnelles : l’héritage des années passées, lacompatibilité des solutions, l’évolution des versions,etc.

• L’image des informaticiens a subi en 40 ans desévolutions radicales. Après avoir été excessivementportés au pinacle dans les années 60-70, puis vouésaux gémonies au début des années 90, ils semblentretrouver un climat plus serein. Toutefois, les cicatricesdemeurent, et les dirigeants restent perplexes quant àl’usage des TIC, à la valeur des informaticiens, à laplace qu’ils doivent leur accorder et la valeur qu’ilspeuvent leur reconnaître.

• Ce constat réalisé, il ne s’agit pas de donner desrecettes pour supprimer le spleen des informaticiens,mais plutôt d’éliminer les freins au bon emploi del’informatique.

• Si un directeur informatique se voit refuser un budgetd’infrastructure ou si un chef de projet ne parvient pasà lancer un chantier de développement parce que sesinterlocuteurs ne comprennent pas les enjeux ou basent

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 31

leurs conclusions sur des préjugés, s’ils doivent passerbeaucoup de temps à convaincre, l’entreprise perd enefficacité et, pire, elle peut même manquer desoccasions majeures.

• Le marketing interne de l’informatique doit s’évaluer àcette seule mesure : « Comment le marketing permet-ild’accroître l’efficacité de la gestion des TIC ? »

• Son objectif n’est pas d’accroître la consommationd’informatique (plus de budget, plus de projets, etc.)mais d’en maximiser la valeur ajoutée, en construisantsur la communication et les relations humaines plutôtque sur la course à la technicité.

• En ce sens, il se différencie du marketing externe, qui apour objectif de maximiser les ventes et de pousser à laconsommation.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 33

3. L’ÉTAT DU MARCHÉ

3.1 Des économies de plus en plus ouvertes

À l’heure de la mondialisation, la bonne santé de laplupart des entreprises, en tout cas des plus grandesd’entre elles, se mesure à leur aptitude à s’adapter auchangement.

Pour cela, elles privilégient cinq axes, d’après une étudemenée en 1998 par EDS auprès de dirigeants européens :

• l’innovation ;

• la relation et l’écoute client ;

• l’excellence de l’organisation ;

• les investissements informatiques ;

• la diminution des coûts.

L’attitude des dirigeants vis-à-vis de ces cinq axes restefortement contrastée suivant les pays.

Sur la stratégie tout d’abord :

• l’innovation est jugée fondamentale à 94 % en Grande-Bretagne et à 60 % en Allemagne ;

• l’écoute du client est jugée comme un facteur majeurd’amélioration à 92 % en France et à 56 % en Italie ;

Sur la gestion des compétences et des ressourcesensuite :

• la capacité des dirigeants à transmettre leur savoir estessentielle à 86 % en Grande-Bretagne et 64 % enFrance ;

• le rôle des TIC dans l’orientation client est jugéimportant à 90 % en France et 50 % en Italie ;

34 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

• l’outsourcing a 78 % de fidèles en Grande-Bretagne etseulement 26 % en France.

Ce que l’on peut dire sur un plan plus général, c’est quechaque grande entreprise, suivant sa culture et sa positionsur le(s) marché(s), cherche à apporter la meilleureréponse à ce que l’on peut appeler le paradoxe du globalet du local.

On assiste en effet à l’émergence d’un nouveauparadigme technico-économique : s’appuyer sur unenvironnement de proximité (le local) pour participer àl’économie mondiale (le global).

Le paradoxe n’est qu’apparent : en effet, la nouvelleéconomie se bâtit autour de réseaux d’acteurs où laflexibilité est la clé. Dans ce contexte, les entreprisesréactives et innovantes se voient offrir de réellesoccasions.

C’est pourquoi un concept est en train de percer : l’agilitédes entreprises. Suivant les secteurs et les culturesd’organisation, elle peut revêtir plusieurs formes :

• la capacité à reconfigurer rapidement les processus ;

• la capacité à prendre des décisions et à gérer les risquesde façon appropriée ;

• la capacité à saisir les occasions favorables dans leszones à forte croissance et à gérer une expansioninternationale ;

• la capacité à nouer des alliances efficaces avec despartenaires aux savoir-faire complémentaires.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 35

3.2 Les TIC sont au cœur du changement

Nous ne reviendrons pas ici en détail sur le cheminemprunté au cours des deux dernières décennies parl’informatique et les télécommunications, qui ontaccompagné et facilité le passage de l’économie demarché de l’ère de la taylorisation et de l’automatisme àla personnalisation des produits et services et àl’entreprise en réseau.

Des projets comme l’an 2000 ou l’euro rappellent, peut-être un peu abruptement parfois, que l’informatique estpartout.

Ainsi le passage à l’euro des banques françaises le1er janvier 1999 a-t-il constitué une occasion majeure demontrer la contribution de l’informatique aux métiers. Ils’agissait en effet ni plus ni moins pour les banques depasser tous les tests de place de façon conforme, pourêtre toujours considérées comme des établissementsfinanciers accrédités après le 1er janvier 1999.

Ce basculement a été géré « haut la main », et la plupartdes banques ont volontiers ouvert leurs portes pourmontrer les conditions grandeur nature de l’opération. Lepoint commun entre toutes les banques, c’est lamobilisation hors normes de tous les acteurs concernés.Le cas du CCF nous a semblé assez significatif des effortsdéployés pour que l’informatique se mette entièrementau service du business pour l’occasion.

36 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Un exemple particulier : le projet Euro au CCF

Par l’ampleur du volume de travail (plus de 400 hommes-ans) et des effectifs concernés (plus de 800 personnes,informaticiens et maîtres d’ouvrage), par ses contraintesfortes (délais, tests de place, rareté des ressources sur lemarché, concurrence avec le projet an 2000, utilisationmassive de sous-traitants, etc.), le projet Euro a nécessitéune mobilisation exceptionnelle.

Les actions de promotion, confiées en grande partie à ladirection de la communication, sont venues répondre àce besoin vital :

• Force Euro : nom donné à l’ensemble des équipes Eurodu CCF, informaticiens du CCF, maîtres d’ouvrage,sous-traitants, responsables chargés de domainesEuro…

• Eurocom : diffusion d’une lettre hebdomadaire parmessagerie intranet. Elle comprenait des informationssur le projet, mais aussi sur l’euro, sur les pays del’« Euroland », un concours hebdomadaire primé, unconcours sur le taux définitif Franc-Euro, (objectif desconcours : inciter à lire chaque numéro)…

• cocktail de lancement et soirée de clôture ;

• publication de nombreux articles dans les revuesinternes du CCF ;

• rencontres avec les équipes de terrain (petits-déjeuners,visites de grands responsables…) ;

• accompagnement et information des équipes pour lesjours exceptionnels de tests, puis pour le week-end debascule à l’euro (brochures, buffet, cadeau, cassettevidéo souvenir, etc.).

Le fait est que ces technologies ont pénétré enprofondeur le cœur des entreprises, et ont souvent atteint

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 37

le même statut que les processus métiers eux-mêmes,avec lesquels elles interagissent de plus en plus souvent.

Les TIC, au même titre que les processus, peuvent ainsiêtre décrites comme un des piliers de l’entreprise sanslequel l’ensemble de l’édifice serait bancal. Ce piliers’appuie sur le « socle » des ressources et contribue ainsià mettre en œuvre la stratégie de l’entreprise.

En simplifiant, on obtient le modèle de fonctionnementsuivant :

ConnaissancesProcessus / SI

Ressources / TIC

Stratégie

Représentation d’entreprise

Modèle de fonctionnement de l’entreprise.

Une précision sur ce schéma : les connaissances sontl’autre volet essentiel de l’entreprise permettant de tirer lemeilleur parti des ressources disponibles pour mettre enœuvre la stratégie. À ce titre, processus et système

38 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

d’information interagissent fortement avec lesconnaissances.

Car une technologie de l’information ou un processussont rarement les meilleurs dans l’absolu : il revient àchaque entreprise de dire s’il sont adaptés, voireadaptables, en fonction de ses connaissances et de saculture.

3.3 Et en France ?

Sur les résultats de l’enquête EDS déjà citée, on constateque le comportement externe (les orientationsstratégiques) des entreprises françaises emprunte unemajorité de caractéristiques à l’Europe du Nord, engardant les traits de l’Europe du Sud pour ce qui relèveplus des aspects internes comme la gestion des savoirs etdes ressources.

Si l’on raisonnait sur l’activité, on constaterait égalementune grande dispersion sectorielle.

Tout se passe comme s’il y avait une carte mentale dudirigeant qui évoluait en fonction de son environnementconcurrentiel et culturel. Les actions de promotion desTIC qui veulent maximiser leur impact doivent doncs’inscrire dans cette carte mentale, et reposer sur unecommunication vers les décideurs ciblée.

3.4 Le chemin qui reste à parcourir

Si l’on regarde de façon synthétique les résultats del’enquête Cigref-Sofres, quels enseignements peut-on entirer ?

Les systèmes d’information deviennent un axe dedéveloppement stratégique de l’entreprise, mais lestechnologies restent un domaine réservé aux DSI.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 39

Pour un nombre croissant de directeurs opérationnelsmais surtout de directeurs généraux, les systèmesd’information sont d’une importance stratégique pour ledéveloppement de leur entreprise.

Si cette opinion est largement répandue dans les banqueset certaines entreprises de services, elle commence justeà apparaître dans l’industrie et la distribution.

Les dirigeants de ces secteurs ont désormais prisconscience que les systèmes d’information constituent unfacteur de compétitivité et permettent de réaliser desgains de productivité.

Mais l’importance des technologies de l’informationapparaît comme plus relative.

Mis à part le cas des banques où elles sont intégrées à laréflexion stratégique, les directeurs généraux etopérationnels perçoivent rarement les technologies del’information comme un moyen de prendre un avantagecompétitif.

Aussi, les technologies de l’information restent encore engrande partie le domaine de la DSI.

Pourtant, les systèmes d’information ont basculé dans undomaine de compétence plus large et relèvent à la fois dela compétence de la DSI, de la direction générale et desdirections opérationnelles.

40 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Rôle des systèmes d'information dans la stratégie de développement

50%44%

6%

Partie intégrante des axes de développement

Accompagnement de la mise en œuvre des projets stratégiques

Aucun rôle (stratégie indépendante des systèmes d'information)

Quelle que soit l’entreprise, la DSI demeure un centred’expertise technique qui assure également la veilletechnologique.

Cependant, selon l’entreprise, les attentes vis-à-vis de ladirection des systèmes d’information et son rôle varient.

Il semble exister différents « degrés de maturité » pourune direction des systèmes d’information, allant d’unedirection des systèmes d’information maître d’œuvre àune direction des systèmes d’information fortementimpliquée dans la stratégie des systèmes d’information.

Dans le secteur public et les entreprises de services ou dedistribution peu internationalisées, la direction dessystèmes d’information est le plus souvent un simplemaître d’œuvre qui met son expertise technique auservice des utilisateurs.

La direction des systèmes d’information doit alors êtrecapable de dire ce qui est possible et ce qu’il faut, c’est-à-dire de proposer des solutions adaptées aux besoins desutilisateurs et les mettre en œuvre rapidement. Elle doitadopter une orientation service.

Dans certaines entreprises, cette logique de service àl’utilisateur est étendue à une logique de satisfactionclient. La direction des systèmes d’information doit secomporter comme une société de services (SSII) interne

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 41

qui a affaire à des clients : les autres directions del’entreprise. Elle doit leur proposer des servicescompétitifs correspondant à leurs besoins et s’engager surdes délais et des coûts. En résumé, elle doit être fiable etefficace :

• « Souplesse, flexibilité, adaptabilité, rapidité, réactivité,disponibilité, pragmatisme. »

• « Son rôle est d’être maître d’œuvre intelligent, lepartenaire de conception d’un projet, le formateur. »

On le voit une large panoplie de besoins à satisfaire danstous les cas. Autant avoir quelques outils à sadisposition…

La DSI doit devenir une force de proposition

Le rôle de la direction des systèmes d’information ne selimite pas à une fonction d’exécution, mais il tend vers leconseil en interne.

Nombre de directeurs généraux expriment le souhaitd’une DSI qui soit force de proposition en matière desystèmes d’information. Pour cela, la DSI doit connaîtreet comprendre les métiers et la stratégie générale del’entreprise.

Elle doit promouvoir des idées et des outils. Elle doit êtreouverte au changement et tournée vers l’avenir. Elle doitanticiper les besoins des métiers en matière de systèmesd’information et proposer des solutions quiaccompagnent l’évolution de ceux-ci.

La DSI doit savoir prendre des initiatives et donnerl’impulsion à des projets. Elle doit évoluer avecl’entreprise mais également pousser l’entreprise àévoluer. Elle est donc actrice du changement. D’ailleurs,un mot revient souvent : la DSI doit assurer le leadership.

42 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

L’entreprise doit soutenir l’évolution de la DSI

Les directeurs généraux estiment devoir s’impliquer pourfaire reconnaître et accepter, par l’ensemble desdirections, l’importance croissante de la fonctioninformatique et le rôle stratégique des systèmesd’information.

Cela rejoint la préoccupation des DSI qui attendent deleur direction générale qu’elle leur donne les moyens dejouer leur rôle et qu’elle donne l’impulsion de projetsstratégiques.

Les directeurs généraux doivent donc créer les conditionsd’une coopération constructive entre la direction dessystèmes d’information et les directions opérationnelles.

« L’évolution c’est de rendre les directionsopérationnelles plus participatives : maturation plusgrande, capacité à énoncer leurs besoins, à raisonner enregard des systèmes d’information. »

Prises d'initiatives des Directeurs Généraux et Opérationnelsen matière de technologies de l'information

67%

24%41%

9%

4%

55%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Directeur Général DirecteurOpérationnel

S'impliquepersonnellement

Laisse la DirectionInformatique donnerl'impulsion

Ne se prononce pas

Désormais, tout se joue de plus en plus dans l’associationde compétences et le partage des responsabilités entre ledirecteur général, le DSI et les directions opérationnelles.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 43

Les DSI ne doivent pas tout attendre de leur DG

On assiste à une évolution du profil du DSI, évolutionparallèle à celle de la fonction.

Ce dernier n’est plus forcément un informaticien maisplutôt un homme de métier disposant d’une bonneculture informatique. Il doit être moins technicien et plusgénéraliste.

Le DSI doit être un manager des systèmes d’information.Il doit être acteur du changement, devenir plusparticipatif et capable d’animer une équipe.

De leur côté, les directeurs généraux et les directeursopérationnels doivent acquérir une certaine connaissanceen matière de systèmes d’information pour assumer leursresponsabilités respectives.

• Corollaire de leur rôle de supervision des systèmesd’information, les directeurs généraux doivent acquérirune plus grande compétence pour être en mesure desaisir les occasions favorables qui se présentent.

• De même, afin de remplir pleinement leur rôle demaître d’ouvrage, les directions opérationnelles doiventacquérir une meilleure connaissance des systèmesd’information.

Mais ces évolutions ne sont perceptibles aujourd’hui quedans un nombre restreint d’entreprises.

Et l’on constate même des différences d’appréciationnotables entre les DSI et les DG sur le niveau minimumde connaissance du sujet que devraient posséder cesderniers pour mesurer précisément les enjeux dessystèmes d’information dans leur propre entreprise.

44 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

N iv e a u d e c o n n a i s s a n c e d e la D i r e c t io n G é n é r a le d e s S y s t è m e s d ' I n f o r m a t i o n

9 4 %

6 0 %

6 %

4 0 %

0 %

1 0 %

2 0 %

3 0 %

4 0 %

5 0 %

6 0 %

7 0 %

8 0 %

9 0 %

1 0 0 %

D i re c te u r G é n é r a l D i r e c te u r d e s S y s tè m e sd ' In fo r m a t io n

A s s e z o u t rè s p r é c i s

P e u o u p a s v r a i m e n tp r é c i s

Ainsi 40 % des DSI, contre 6 % des DG seulement,jugent les compétences de la direction générale enmatière de systèmes d’information limitées.

Le propos de la suite de ce document, c’est de voircomment réduire cette différence de perception dessystèmes d’information et encore plus des technologiesde l’information entre les DSI et les DG, afin d’aboutir àterme à un alignement stratégique de ces technologies etde ces systèmes avec les orientations générales del’entreprise.

Pour cela, nous nous appuierons sur plusieurs logiques,examinées par le groupe de travail pendant l’année etque nous allons restituer maintenant.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 45

4. LE MARKETING STRATÉGIQUE DE L’INFORMATIQUE

4.1 L’opinion de dirigeants

Question Cigref-Sofres : Comment abordez-vous lesnouveaux projets informatiques qui ne sont pas associésà une rentabilité immédiate ?

• « Il y a ceux liés à une nécessité (sécurité, an 2000)sinon on ne fait pas d’investissement non lié à unerentabilité déterminée à terme. »

• « De la même façon que les autres mais avec moins decomplexes puisqu’on n’est pas lié par la rentabilitéimmédiate. »

• « Il n’y a pas de projets non rentables chez nous. »

• « Dialectique : on a tendance à appeler stratégique toutce qui n’est pas rentable... »

4.2 L’équation à résoudre

Comment maximiser la valeur ajoutée du systèmed’information ? Quelle politique produits mettre enplace et quelle organisation de stratégie clientèleprivilégier ?

4.3 Le cas pratique : le service en ligne du Cigref

Le Cigref s’est retrouvé à partir de 1995 dans une phasede croissance forte (+ 40 % de membres en quatre ans).Pendant cette période, la mise en place d’un service enligne a joué un rôle important pour accompagner etfavoriser la croissance. À cette occasion, nous avons misen place une démarche de marketing vis-à-vis des clientsinternes de l’association, c’est-à-dire nos membres.L’ajustement régulier de cette démarche a permis de

46 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

franchir les différentes étapes du développement quenous allons décrire maintenant.

Le service en ligne du Cigref.

Amorçage avec « pionniers »

Trouver des pionniers en 1995 pour amorcer un nouvelusage n’a pas été le plus difficile. Par son activitéd’association et son fonctionnement en groupes detravail, le Cigref est en effet amené à entretenir desrelations étroites avec un certain nombre d’expertsrépartis chez ses membres. Ce sont ces experts, à la foissuffisamment bien disposés à l’égard du Cigref pourmettre en place une nouvelle plate-forme (Lotus Notes enl’occurrence) et capables de produire et d’échanger ducontenu en mode coopératif, qui ont constitué le « noyaudur » pendant la première année.

Montée en charge - Difficultés d’hétérogénéité desmembres

Pour dépasser le simple cercle d’initiés, qui avait eul’immense mérite de participer à la mise au pointtechnique du service et à la validation fonctionnelle deses principaux modules, le Cigref décida d’axer ses efforts

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 47

sur les « acheteurs » plutôt que sur les « utilisateurs », end’autres termes sur les DSI plutôt que sur leurscollaborateurs.

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

1995 1996 1997 1998 1999

N b r e d ’ a b o n n é s

Croissance du service en ligne du Cigref sur 5 ans.

Mais provoquer le désir pour un service qui à l’époquerelevait essentiellement de l’armoire électronique dedocuments n’allait pas de soi. Le Cigref fit donc le pariqu’en envoyant sur place, chez chaque DSI qui lesouhaitait, un ingénieur qualifié chargé de l’installationd’un premier poste client, il ferait d’une pierre deuxcoups et transformerait chacun de ces DSI en promoteurdu service en ligne du Cigref au sein de son entreprise.

Cette phase fut un demi-succès (et donc un demi-échec),pour deux raisons principales :

• Elle induisait une subvention de l’accès par l’envoid’un technicien qualifié sur site. Une telle subvention

48 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

de l’accès terminal, que l’on retrouve très fréquemmentdans les phases de décollage des nouveaux services deréseaux comme le Minitel dans les années 80 ou leGSM dans les années 90, était forcément vouée àplafonner dans le cas du Cigref, qui ne pouvait en tirerde recettes supplémentaires (le service en ligne étantbien évidemment gratuit et exempt de tout bandeaupublicitaire).

• Elle présupposait un certain type d’équipementtechnique chez les membres, ce qui ne pouvaitsatisfaire certaines grandes entreprises ayant faitd’autres choix par ailleurs.

Enfin, elle avait pour conséquence d’empêcher dans laplupart des cas le Cigref d’identifier l’utilisateur final duservice, qui accédait aux informations par l’intermédiairede la passerelle de son entreprise.

Passage à une logique de « self-service »

Devant la croissance trop molle en 1997, et la montée enpuissance du phénomène internet, le Cigref décida dedélaisser une approche centralisatrice et normalisatrice,pour passer à une logique de « self-service ».

En migrant le service sur le web, l’objectif était de ne plusavoir qu’à vérifier à chaque nouvelle demanded’abonnement que le membre concerné disposait biend’un des logiciels d’accès à internet standards du marché.

Ce fut une étape décisive qui fut ainsi franchie, car dèslors le Cigref eut connaissance de l’identité desutilisateurs finaux (sans pour cela court-circuiter les DSI« acheteurs » comme nous le verrons plus loin) et, ainsilibéré des contraintes liées aux postes clients, putconcentrer ses efforts sur l’ergonomie de son service enligne et la qualité de son contenu.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 49

À partir de cette date, le nombre d’abonnés commença àcroître à un rythme trois à quatre fois supérieur, rythmequi ne s’est pas démenti depuis.

Renforcement du lien avec le reste de l’activité duCigref

Accès Accueil Membres

Nov

Déc

Janv Fév

Mar

s

Avril

Mai

Juin

Juil

Aou

t

Sept

embr

e

Oct

obre

Nov

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e

Déc

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e

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Févr

ier

Mar

s

Avril

Croissance du service en ligne du Cigref sur 5 ans.

Le schéma ci-dessus montre les évolutions du traficenregistrées sur les parties réservées aux membres etcouvre la période allant de novembre 1997 à avril 1999.Ce schéma appelle plusieurs commentaires :

• Le trafic augmente régulièrement de novembre-décembre à avril, période de pleine activité desgroupes de travail du Cigref, qui témoigne de la venuerégulière sur le site (confirmée par les statistiquesindividuelles) de participants des groupes qui viennenty chercher des compléments d’information.

50 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

• La période de mai à septembre est en revanche pluscalme, car elle correspond à la phase de productiondes rapports d’étude des groupes de travail, et donc àdes séances plénières beaucoup plus espacées.

• Enfin, le pic de septembre-octobre correspond à lapointe de fréquentation du site consécutive àl’assemblée générale du Cigref de la deuxièmequinzaine de septembre, qui suscite un regaind’attention aussi bien de la part des membres que dureste de la communauté informatique et télécoms.

Ces évaluations de trafic permettent donc de se faire unepremière idée du degré de fidélité des abonnés auservice, et de leur propension à venir y chercher desinformations suivant les périodes.

Pour aller plus loin dans l’analyse, il faut avoir recours àd’autres méthodes. Le Cigref utilise pour sa part lesenquêtes de satisfaction, comme nous allons le voirmaintenant

Suivi de la satisfaction des clients du service

Le Cigref procède annuellement à une enquête auprèsdes abonnés à son service en ligne, pour évaluer :

• L’évolution des pratiques de ses membres par rapportaux services en ligne en général, et à internet enparticulier.

• L’évolution des connexions au service en ligne duCigref (les valeurs déclarées étant par ailleurscomparées aux valeurs mesurées par les outils destatistique du site du Cigref), et la satisfaction desmembres par rapport à l’ergonomie générale et aucontenu.

• La nature des demandes spontanées d’évolution duservice, volet complètement ouvert qui permet à

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 51

chacun d’exprimer ses désirs et de participer à laproduction d’un service encore plus adapté.

La dernière enquête réalisée à l’été 1999 a ainsi montréque :

• L’abonné moyen va plus de deux fois par semaine surl’internet, passe entre 30 et 60 minutes par jour sur samessagerie et utilise majoritairement un navigateurvieux de plus d’un an.

• Il trouve le service en ligne à plus de 90 % adapté à sesbesoins, c’est-à-dire informatif et pratique, ce qui esteffectivement la vocation initiale du service. Mais ilprécise qu’il y viendrait plus souvent s’il pouvaitaccéder à un annuaire plus détaillé des membres, ourépondre à des enquêtes en ligne et visualiser en directles résultats.

• Enfin, il nous rappelle gentiment mais fermement quele Cigref passe encore trop souvent par un flux papier,qui vient se superposer au service en ligne, ce qui faitun peu désordre. Ce faisant, il touche sans s’en rendrecompte un point sensible, puisqu’il demande, en tantque familier de l’internet, qu’on ne le dérange plusavec du papier, sans voir (mais est-ce son problème ?)que d’autres membres ne fonctionnent encore quecomme cela.

Introduction de la personnalisation

Le principal problème auquel doit faire face le service enligne du Cigref est un problème d’appétence. En effet,compte tenu du fait que ses membres ont déjà lapossibilité de venir aux réunions, de disposer par écritdes comptes rendus de ces réunions, et de contacter leCigref (par téléphone ou par messagerie) lorsqu’ils ont unrenseignement particulier à demander, on ne peut pasdire qu’ils éprouvent un réel besoin.

52 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Tout le défi consiste donc à susciter du désir et àpersuader l’abonné (et celui qui ne l’est pas encore)que le service crée de la valeur, en proposant quelquechose d’unique, inaccessible aux membres parquelque autre moyen ou à un coût d’usage prohibitif.

Comment procéder ? le Cigref a décidé d’aller versl’interactivité du service, et cela en plusieurs étapes :

• Tout d’abord, en permettant à chaque abonné des’enregistrer sous un certain profil, afin de recevoirdans sa boîte aux lettres électronique les documents(ou plus précisément les pointeurs des documents) lesplus susceptibles de lui servir.

• Ensuite, en lui proposant des enquêtes en ligne afinqu’il puisse plus facilement exprimer son point de vue.

• Enfin, en lui donnant la possibilité à brève échéanced’avoir une personnalisation dynamique de la paged’accueil du site, afin que cela devienne réellement« son » service en ligne.

Multiplication - segmentation des sites

La personnalisation à partir d’une base commune a seslimites. On n’imagine pas un constructeur automobile,qui a pourtant de plus en plus d’options et de finitionspossibles pour chaque modèle, travailler sur un seulchâssis pour l’ensemble de sa gamme, de la petitecitadine à la grande routière.

Il en est de même pour les services en ligne. Au-delà desmicrosegmentations individuelles se construisent descommunautés d’intérêt, qui ont la masse critiquesuffisante pour justifier la mise en place d’une nouvelleplate-forme de service, sur une durée à géométrievariable.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 53

Au cours des mois écoulés, le Cigref a ainsi mis enservice deux sites, l’un (en français) consacréexclusivement au passage à l’an 2000, l’autre (en anglais)dédié à la gestion des noms de domaines internet, etenvisage d’en créer un supplémentaire pour les échangesentre acheteurs informatiques.

Adaptation des accès aux organisations, par gestion deniveaux de mots de passe

Nous ne serions pas complets si nous n’évoquions pas cequ’il est advenu des « acheteurs » de la première phase :ils sont toujours là, avec une autorité intacte, c’est-à-direqu’ils sont toujours informés des demandes d’accès dansleur entreprise et qu’ils ont toujours le droit de s’yopposer. Ils ont aussi un devoir : prévenir le Cigreflorsqu’un de leurs abonnés quitte l’entreprise, et ne doitdonc plus accéder au service.

Mais ils ne sont dorénavant plus sollicités pour redonnerleur accord pour les collaborateurs qu’ils ont déjà inscritsdans les groupes de travail, puisque le service en ligne seveut un témoignage des travaux des groupes, ce quiallège considérablement les procédures. Surtout, c’est àl’utilisateur qu’il revient de vérifier que sonenvironnement technique lui permet d’accéder au serviceen ligne, et plus à l’acheteur qui peut ainsi se recentrersur son rôle de pilotage de la relation.

4.4 Les fondements théoriques

La DSI est de plus en plus placée dans une relation client-fournisseur. Dans ce type de relation, sa légitimité se bâtitd’abord sur le savoir-faire et l’excellence dans lesnouveaux produits, plus que dans la relationhiérarchique.

54 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Le but pour la DSI est de montrer comment elle peutcontribuer à la réalisation des objectifs métiers de sesclients.

Cela suppose aussi que la DSI soit consciente qu’ellen’est plus en situation de monopole et donc qu’elle sepréoccupe de la concurrence, c’est-à-dire qu’elle soitcapable de reconnaître ses points forts et ses pointsfaibles, de savoir pourquoi elle est choisie ou pourquoises clients restent fidèles. C’est une authentiquedémarche marketing qu’il faut mettre en œuvre, et nonune simple amélioration de la qualité.

Le point de départ d’une relation saine consiste donc àformaliser l’offre existante de services. Cet exercice estencore trop souvent incomplet dans beaucoupd’entreprises.

Par habitude de son métier, de son organisation, de sonsavoir-faire, de ses clients, on n’éprouve pas toujours lebesoin de formaliser ses services.

Pour remédier à cet oubli, le plus commode est dedistinguer :

• les services de base, offerts à tous les clients ;

• les services complémentaires, qui permettent dedifférencier l’offre sur certains segments.

Au passage, on peut aussi se poser la question de lapolitique de marques correspondante, ainsi que de sonpatrimoine d’image (image voulue, image déposée).

On aboutit ainsi à un portefeuille d’offres, dont la raisond’être est d’adresser les demandes variées d’unportefeuille de clients.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 55

Le processus de constitution du portefeuille de clientspasse généralement par la segmentation, processus quenous allons maintenant décrire rapidement.

À ce stade, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ce quiconstitue l’un des principaux objectifs du marketing engénéral, et qui dans le cas du marketing des services où laprestation est « coproduite » par le fournisseur et le client,peut parfois constituer le seul objectif : ce n’est ni devendre ni de faire la promotion d’un produit, maisd’organiser sa stratégie clientèle.

Un des outils les plus répandus pour organiser sa stratégieclientèle et procéder à la segmentation la plus proche dela réalité est la constitution de la matrice attrait /pérennité des clients. La construire suppose d’êtrecapable de répondre à deux questions :

• qu’est ce qui fait que nous voulons que cette entitéreste un client ?

• qu’est ce qui fait que ce client veut partir ou changerde solution ?

On aura intérêt à lister plusieurs critères pour chaquequestion, car celles-ci n’appellent pas de réponsesbinaires. Parmi les critères applicables dans une grandevariété de situations, on peut citer :

• pour qualifier la pérennité du client :

Ø l’ancienneté (l’âge) de la relation,

Ø la qualité de la relation avec les décideurs,

Ø la satisfaction des utilisateurs,

Ø la stabilité de l’entreprise et de son management,

Ø l’absence de relations avec des concurrents ;

• pour qualifier l’attrait du client :

56 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Ø le volume (la contribution) de la relation, qui peut secomptabiliser en chiffre d’affaires ou en profit pourune entreprise lucrative, mais plus généralement enparticipations du client aux (co)productions dufournisseur de services,

Ø la diversité des produits et services consommés,notamment par rapport à la distinction entre projetsinnovants et projets de diversification opérée auchapitre 5 de ce rapport,

Ø la qualité de la référence constituée par l’entreprisecliente, tant en terme d’image qu’en ce qu’ellereprésente comme source de diversification,

Ø le potentiel de croissance du client et sa capacité àentamer le développement de projetssupplémentaires.

On aboutit ainsi à une catégorisation en trois grandesfamilles :

• les clients prioritaires ;

• les clients critiques ;

• les clients secondaires.

Les clients critiques et les clients prioritaires sont ceuxpour lesquels la DSI devra consacrer le plus deressources, les premiers parce qu’ils sont volatiles et queleur départ nuirait à l’activité ou à la représentativité de laDSI, les seconds parce que la solidité des relationsnouées avec eux est vitale pour le développement de laDSI.

Prenons le cas du service en ligne du Cigref commeillustration, dont on a vu que le Cigref souhaitait en faireun reflet fidèle de son activité. Dans ce contexte, lesclients critiques pourraient être constitués par lesnouveaux membres, ou les membres éloignésgéographiquement (province, étranger) qui pour ces

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 57

raisons n’ont pas eu l’occasion d’avoir une relation aussidense que des membres basés à Paris et adhérents depuisplusieurs années à l’association. Veiller à ce que cesmembres soient fidèles au service en ligne et trouventl’information qu’ils viennent y chercher, c’est se donnerune chance supplémentaire pour qu’ils deviennent plusrapidement des membres actifs.

Les clients prioritaires pourraient être recherchés sur descritères classiques de proximité ou d’ancienneté, maisaussi sur des critères comme le niveau de contribution àl’élaboration des prises de position du Cigref sur certainssujets placés sous les feux de l’actualité, par exemple lepassage à l’an 2000 ou la libéralisation destélécommunications.

Dans le cas d’une DSI, la segmentation des clients pourrase faire, suivant le contexte, à partir de plusieurs critèresconcurrentiels :

• par fonction :

Ø direction générale,

Ø directeurs opérationnelles,

Ø maîtres d’ouvrage,

Ø utilisateurs,

Ø informaticiens ;

• par rôle :

Ø décideur,

Ø prescripteur,

Ø relais d’opinion,

Ø producteur de service concurrent (autre serviceinformatique, organisateur, etc.),

Ø producteur de service sous-traitant,

Ø producteur de service,

58 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Ø utilisateur de service ;

• par type de comportement :

Ø niveau de satisfaction (de très à pas du tout satisfait),

Ø type de relation (positive à conflictuelle),

Ø mode d’action (proactif, suiveur, frein…).

On a souvent critiqué les approches de segmentation dumarché comme étant trop réductrices et forcémentsujettes à interprétation, puisque fortement influencéespar la personnalité de ceux ayant procédé à lasegmentation.

Il est vrai qu’une segmentation est au sens strict du termeune vue de l’esprit, mais peut-il en être autrement sur desoffres souvent complexes, en tout cas pour la plupart trèsloin de leur phase de maturité ?

Pour remédier à cette limite intrinsèque, nous conseillonsde recourir à deux méthodes éprouvées une fois que latechnologie ou l’offre considérées ont commencé àtrouver leurs premières applications :

• l’enquête de satisfaction client ;

• le panel d’utilisateurs.

L’étude de satisfaction reste l’outil fondamental pour :

• produire annuellement un indice de satisfaction ;

• mesurer les attentes des clients ;

• comprendre les raisons de satisfaction etd’insatisfaction ;

• comprendre les besoins d’évolution ;

• donner les grands objectifs d’amélioration pourl’année.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 59

Cependant, par sa structure, l’enquête de satisfactioninduit généralement une sur-représentation des décideurset des payeurs.

C’est pourquoi il est bon de la compléter par des panelsd’utilisateurs, auprès de qui on va recueillir la valeurfinale du service rendu. Ces études sont plus légères ennombre de questions, plus fréquentes et portent sur plusde personnes. Bien faites, elles peuvent être un fortvecteur de notoriété et d’image.

Les enquêtes de satisfaction et les panels sont despréalables à la connaissance des clients. La différence sefait sur l’analyse des résultats : des traitements plus oumoins exhaustifs sont envisageables, mais cette analyseest le point de passage obligé pour dresser la typologiedes comportements clients.

Suivre cette méthode augmente les chances d’aboutirà une bonne définition de sa stratégie clientèle, etpermet en tout état de cause d’identifier précisémentles clients critiques et les clients prioritaires, c’est-à-dire l’ensemble des clients que l’on ne veut surtout pasperdre.

Mais cela ne suffit pas à garantir le succès de la mise enœuvre de la stratégie.

D’une part parce que les mutations technologiques dansle domaine de l’informatique et des télécoms sont trèsrapides, et que l’on peut se retrouver très vite en dehorsdu marché.

D’autre part parce qu’il faut tenir compte d’une autrelogique complémentaire du marketing : l’étude descomportements et l’analyse des sources de motivation.

60 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Ce terrain est aujourd’hui l’un des domaines les plus enfriche dans les nouvelles technologies, et l’analysemarketing traditionnelle peine à expliquer pourquoi unstandard informatique ou une norme detélécommunications s’imposent alors que leur voisins ontsur le papier beaucoup plus de qualités.

Sans trancher sur le sujet, il est probable que desexpériences aussi différentes que le succès mondial deMicrosoft Word, le décollage du GSM ou, bien plusmodestement, la croissance du service en ligne du Cigref,sont à mettre en grande partie sur le compte d’un mêmephénomène : les « externalités » de réseau. On signifiepar ce terme que le service en réseau considéré estd’autant plus utile que le nombre de personnes quil’utilisent est grand. La valeur du service estproportionnelle au nombre de clients. Cet « effet club »profite au fournisseur, qui bénéficie généralement defortes économies d’échelle, mais aussi aux clients,puisque la propension à payer des nouveaux clientsaugmente avec la valeur acquise par le service.

À partir d’un certain seuil, on a sur le marchéconcerné un phénomène d’éviction qui se produit auprofit du service dominant, car il devient plus coûteuxaux réfractaires de ne rien faire que de basculer sur leservice.

Voilà pour le « comment ? », thème sur lequel lesrecherches commencent à abonder. Quant au« pourquoi ? », il est évidemment beaucoup plus difficilede se référer à une recette miracle qui permettrait à coupsûr d’inventer le produit qui sera plébiscité par le marché(et quel marché, d’ailleurs ?).

Un phénomène mérite cependant l’attention dans ledomaine des technologies de l’information : c’est celui

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 61

des communautés d’intérêt, qui renforce les chancesd’arriver à une masse critique de clients ou d’utilisateurs,et qui passe au minimum par le rassemblement autour devaleurs fédératrices, et de façon tout aussi importanteautour d’un vocabulaire commun, ce qui réduit d’autantles coûts d’apprentissage et les barrières à l’entrée.

Un gain de temps et d’énergie précieux qui vouspermettra peut-être d’avoir « le bon produit, au bonendroit et au bon moment ».

4.5 Les points à retenir

La technologie n’est pas une fin en soi. Ce qui comptec’est le service, voire l’usage.

Savoir organiser sa stratégie clientèle est une conditionclé du succès.

Il n’y a pas de place pour toutes les technologies. Il nefaut donc pas hésiter à provoquer de phénomènesd’éviction en organisant des communautés d’intérêtautour d’un produit jugé stratégique.

C’est ce « club de clients » fidèles qui imposera in finele produit, pas le DSI.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 63

5. LE MARKETING OPÉRATIONNEL DES INNOVATIONS EN

INFORMATIQUE

5.1 L’opinion des dirigeants

Question Cigref-Sofres : Jusqu’où la DSI doit-elles’impliquer dans la stratégie générale de l’entreprise ?

Les (à moitié) convaincus :

• « La DSI doit s’impliquer dans la stratégie générale del’entreprise jusqu’à faire des propositions de solutionsen regard des objectifs stratégiques fixés aux différentsDO. »

• « La DSI doit être une force de proposition pourl’entreprise mais doit être contrôlée politiquement. Ilspeuvent faire péter la baraque même avec la meilleurevolonté du monde. »

Les (franchement) réticents :

• « Pas utile d’aller plus loin que la stratégie des SI : c’estdéjà une lourde tâche. La stratégie générale doit êtrebien perçue et comprise, sans pour autant s’yimpliquer. Ne mélangeons pas tout ! »

• « Que la DSI s’implique déjà dans une stratégie des SIet nous verrons où se situera le degré d’implicationdans la stratégie de l’entreprise. »

64 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

5.2 L’équation à résoudre

Comment faire prendre conscience aux métiers despossibilités introduites par les nouvelles technologies ?

Comment faire comprendre que les rupturestechnologiques qui font partie intégrante de la stratégiedu système d’information ont aussi une influence surla stratégie générale de l’entreprise ?

5.3 Le cas d’une grande entreprise : la SNCF

© SNCF

Une politique d’entreprise volontariste :INFORM@TIQUE COMMUNIC@NTE pour tous

Bien sûr, plus personne ne conteste aujourd’hui (dumoins ouvertement) les mérites de la mise en réseau del’entreprise.

Mais pour passer du discours à l’acte et de l’expériencevitrine à une transformation en profondeur des processusd’une grande organisation, il faut plus que de simplesparoles, comme nous allons le voir maintenant, avecSébastien Bachollet, adjoint à la direction du pilotage dusystème d’information et des télécommunications (PSIT)et responsable du programme Inform@tiquecommunic@nte.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 65

Cigref : Pouvez vous tout d’abord nous rappeler lepérimètre et les objectifs du programme dont vous avezla responsabilité ?

Sébastien Bachollet : les objectifs d’informatiquecommunicante correspondent à trois axes dedéveloppement :

• pour l’internet : passer de l’ère de l’information à celledu commerce électronique ;

• pour l’intranet : passer du foisonnement des projets audéveloppement coordonné ;

• pour la messagerie électronique : passer de l’isolementdes services à l’interopérabilité.

Ces trois axes s’appuient bien entendu sur une évolutionnécessaire et complémentaire des infrastructures detransport (capacité du réseau longue distance, bandepassante avec Internet…) et des infrastructures de serviceslogiciels (garde-barrière, interconnexion demessageries…).

Cigref : Comment passer d’un projet « Recherche » à unprojet dont le comité exécutif se sente responsable etorienté vers toutes les populations de l’entreprise ?

S.B. : Ce point conditionnait en effet la réussite duprogramme.

Nous avons franchi cette étape en organisant une journéenationale au siège de l’entreprise le 9 février 1998,avec au programme :

• l’inauguration du site intranet de l’entreprise ;

• la participation d’un millier de cheminots, dont centcinquante de province ;

• la venue de tous les correspondants informatiques ;

66 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

• la présence de dirigeants de l’entreprise, invitésspécialement et guidés personnellement à traversl’exposition.

Au soir de cette journée, les principaux dirigeants del’entreprise avaient vu beaucoup de visiteurs et desprésentations très concrètes dont ils avaient pucomprendre très rapidement l’utilité d’un déploiement àplus grand échelle. La conséquence directe est qu’ils ontdemandé :

• d’équiper les membres du comité exécutif ;

• de répliquer la journée pour les responsablesd’établissement.

Dans le bilan, on aura garde de ne pas oublier lescheminots qui ont pu à cette occasion voir desréalisations et des projets, se faire présenter les normes etpréconisations liées aux projets d’Inform@tiqueCommunic@nte et ainsi avoir la possibilité et la volontéd’en devenir les acteurs et les promoteurs.

Cigref : Après avoir suscité autant d’attentes, avec unevitrine aussi brillante, n’existe-t-il pas un risque degénérer des déçus de l’informatique communicante, enn’étant pas capable de répondre aux demandes par lamise en place de services correspondants ?

S.B. : Pour gérer ce risque qui existe toujours, il faut serappeler que le marketing de l’informatique ne se résumepas à la promotion de nouvelles technologies.

Sans même parler de la mise en œuvre d’uneinfrastructure assez solide et flexible pour absorber denouveaux projets, le marketing de l’informatiqueemprunte à la fois au marketing industriel pour ladéfinition d’un produit normé, et au marketing desservices pour la forte composante relationnelle et le

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 67

caractère de « coproduction » du service par le client et lefournisseur.

C’est cette double dimension que chacun doit garderprésente à l’esprit. Prenons un exemple : les sitesintranets à la SNCF.

La définition d’un produit normé

Elle s’appuie sur une charte intranet en trois tomes :

Tome 1 : Principes et éléments directeurs de l’intranetSNCF.

- organisation humaine à mettre en place

Tome 2 : Préconisations techniques pour la mise en placede sites intranet.

- solutions techniques normatives

Tome 3 : Charte électronique (traitant de l’identitévisuelle, « navigationnelle » et multimédia)

- être homogène au niveau de l’entreprise

- intégrer son site à l’ensemble des autres

L’enrichissement par le relationnel

Pour déployer et faire vivre un site intranet, il faut :

• Mettre en place l’équipe en charge du site

Ø le commanditaire (Directeur de l’entité),

Ø le rédacteur en chef,

Ø le sitemestre ;

• Participer aux séminaires d’accompagnement pour :

Ø partager les règles de l’intranet (Charte de l’intranet),

68 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Ø obtenir le référencement du site ;

• Identifier le contenu utile du site.

Cigref : Quelle importance attachez-vous à la présencede relais, et quelle organisation auriez-vous tendance àpréconiser pour maximiser l’impact d’une gamme deproduits et services comme « inform@tiquecommunic@nte » à tous les niveaux de la structure ?

S.B. : Compte tenu de la diversité des métiers, descultures et des organisations dans les grandes entreprises,il est délicat de prétendre détenir la vérité sur le sujet. Ennous en tenant plus modestement au seul cas de la SNCF,nous avons mis en place une organisation à troisniveaux :

• Des comités de pilotage pour chaque grand axe duprojet, associant des décideurs de tous les secteursconcernés : la direction du pilotage du systèmed’information et des télécommunications (PSIT) et ladirection de la communication, mais aussi lesdirections des branches métiers concernées, et desreprésentants des régions.

• Une maîtrise d’ouvrage à deux facettes : la directionPSIT et la direction de la communication : c’est bien lemoins pour un programme baptisé « inform@tiquecommunic@nte »…

• Enfin, une maîtrise d’œuvre interne, en première lignepour le déploiement et l’exploitation sur tout leterritoire national d’une infrastructure sans laquelle ledéroulement du programme serait impossible. Elleassure aussi un support technique de qualité auprès desnombreux acteurs locaux.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 69

5.4 Les fondements théoriques

Comme l’a montré le rapport Veille stratégique du Cigrefparu en septembre 1998, l’introduction de technologiesde pointe passe par trois phases :

• l’identification, qui découle d’une démarche d’état del’art et de la consultation d’experts ;

• l’évaluation, qui permet de préciser les conditionsd’acquisition de la technologie concernée, lesavantages, inconvénients et risques associés, et enfin lapérennité et la solidité ;

• la décision, où les dirigeants sélectionnent, parmi lestechnologies qui leurs sont proposées, celles qui leursemblent les plus adaptées aux métiers de leurentreprise et les plus à même d’en soutenir ledéveloppement par l’innovation.

La DSI doit adopter un comportement en adéquationavec les métiers de l’entreprise : avance technologiquedans certains cas ou retard relatif dans d’autres, il n’y apas de meilleur choix en valeur absolue.

La plupart des grandes entreprises ont d’ailleurs unevision duale de l’introduction des NTIC et oscillent àraison entre deux attitudes : coups marketing et logiqued’infrastructure.

70 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Quels en sont les avantages et inconvénients ?

Coup marketing Infrastructure

☺☺ Facile à justifier, peucoûteux au départ

LL ROI souvent lointain etincertain

☺☺ Peut démarrer avecquelques clients internesmotivés

LL Remet en cause deshabitudes, repose sur dessynergies

LL Imitation facile etrapide pour les concurrents

☺☺ Offre de solidesbarrières à l’entrée

LL Difficulté à passer ducoup isolé au déploiement,et à intégrer à l’existant

☺☺ Cohérence de lasolution, économiesd’échelle

LL La prolifération denouveautés peut êtreruineuse

☺☺ Promesse deminimisation des coûtsd’entretien à long terme

Le marketing opérationnel de l’innovation eninformatique doit donc aller puiser dans le domaine dumarketing industriel, en travaillant sur les moyens defaire de ses innovations et de ses mises à niveaud’infrastructure des normes et standards pour l’entreprise.Lorsque la DSI y parvient, c’est l’ensemble de l’entreprisequi pourra en tirer le bénéfice, notamment économique,et la DSI pourra envisager l’innovation suivante. Si ellen’y parvient pas, il lui faudra en comprendre les raisonset redéfinir sa stratégie en conséquence.

On l’a vu dans le cas de la SNCF, le marketing industrieln’est pas la seule source d’inspiration à considérer. Il enest une autre qui constitue un vecteur essentiel pourrenforcer le degré d’acceptation des projets de normes etstandards de la DSI : c’est le marketing relationnel, quenous décrivons plus en détail au chapitre suivant.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 71

Les normes et standards s’inscrivent en effet dans laperspective plus générale de gestion d’un portefeuilled’offres par la DSI. Or si connaître son offre, c’est bien,savoir la faire évoluer, c’est mieux.

Comment ? En maîtrisant le processus d’innovation.L’innovation évoque des ruptures et laisse présager unfort degré de nouveautés. En fait, elle s’inscrit souventdans une continuité par rapport à l’existant.

La qualification des innovations repose sur le croisementde deux critères : la nouveauté pour le client et lanouveauté pour le fournisseur.

• Les projets innovants, les seuls à être nouveaux pour leclient et le fournisseur. Leur succès reposera sur un fortinvestissement mutuel. Exemple type : le datawarehouse. Compte tenu des phases d’apprentissage etde réglage inhérentes à de tels projets, une mise enœuvre efficace passe impérativement par une fortecollaboration de tous les acteurs concernés.

• Les projets de diversification, qui ne sont nouveauxque pour le fournisseur, alors que le client peut trouveraussi bien ailleurs. Exemple type : monter un réseauprivé de toutes pièces. Ce type de projet peut êtreaccepté, mais il faut s’attendre à de fortes tensions dèsque le fournisseur interne sera vu par certains de sesclients comme prenant du retard technologique parrapport au marché.

• Les projets de croissance, qui ne sont nouveaux quepour le client et permettent de réutiliser des savoirstechniques présents dans l’entreprise. L’internet, et plusgénéralement la mise en réseau de l’entreprise,tombent dans cette catégorie chaque fois que la DSI asu y bâtir un pôle d’excellence.

72 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

• Les projets d’amélioration continue. Dans ce derniercas, plus que l’innovation de service, c’est ledéveloppement de l’usage qui devra être examiné.

On obtient ainsi la grille d’analyse suivante :

Innovation client

Innovation fournisseur

PROJETSDE DIV ERSIFICATION

PROJETSDE CROISSANCE

PROJETSD’AM ÉLIORATION

PROJETSINNOVANTS

Existant fournisseur

Existant client

Grille d’analyse des innovations.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 73

5.5 Les points à retenir

De l’amélioration continue à l’innovation en passantpar la diversification et la croissance, il n’y a pas unemais des stratégies possibles pour chaque SI.

Les normes et standards restent un point d’ancragefort. La DSI a tout intérêt à en montrer les avantageséconomiques aux décideurs, même dans les stratégiesde rupture.

Chaque nouvelle technologie considérée commestratégique par la DSI doit pouvoir se décliner, aubesoin par une logique de « coups marketing », enservices où les branches métiers qui le souhaitentpourront s’instaurer coproducteurs.

Les clients n’ont rien en particulier contre lesinfrastructures, mais détestent être pris pour descontribuables, c’est-à-dire payer pour des choses qu’ilsne comprennent pas. Au DSI de savoir en vendre lesmérites (économies d’échelle, facteur de différence parrapport à la concurrence, entretien réduit…), de lesfondre dans des gammes de services « packagés » ouen dernier ressort d’obtenir l’accord de la directiongénérale pour avancer envers et contre tout…

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 75

6. LE MARKETING OPÉRATIONNEL DES SERVICES EN

INFORMATIQUE

6.1 L’opinion des dirigeants

Question Cigref-Sofres : Globalement, comment jugez-vous votre direction informatique ?

• « Plutôt bien : Ils travaillent de plus en plus avec lesutilisateurs et ils ont fait d’énormes efforts pourécouter. »

• « Gestionnaire et suiveuse : Ne sont pas à la pointetechnologique, n’ont pas les moyens nécessaires pourêtre suffisamment fiables. »

• « Efficace et solide mais pas assez réactive : Il n’y a pasde projets inférieurs à 18 mois ; lourdeur du dispositifet beaucoup de vieux applicatifs. »

• « Ils se défoncent, bossent, sortent des choses, portentle chapeau dans tous les dysfonctionnements del’entreprise. »

• « Bonne en tout. Support indispensable. Bon relationnelinterne. Capacité à résoudre les problèmes. »

• « Très grande compétence, peu participative, tropchère. »

• « En progression constante, mais pas assez proche desutilisateurs. »

6.2 L’équation à résoudre

Dans des entreprises où le budget est le plus souventdans les branches opérationnelles, comment fairetravailler ensemble l’informatique et les métiers pourcoproduire les meilleurs services ?

76 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

6.3 Le cas d’une grande entreprise : Le CCF

© Marc Riboud

Cigref : Pouvez-vous nous rappeler le contexte danslequel est apparu le besoin de faire du marketinginformatique au CCF ?

Guy Lapassat, DSI : Au CCF, comme dans la plupart desautres entreprises, les informaticiens ont dû accorder unepart croissante de leur temps à communiquer avec lesutilisateurs, les maîtres d’ouvrage et les responsables.

L’écart s’est creusé sur de nombreux sujets entre laperception des informaticiens et celle des décideurs, quiattendent plus de puissance et de simplicité pour un prixréduit.

Cigref : Comment avez-vous fait face à cette nouvelledonne ?

G.L. : Il ne suffisait plus aux informaticiens de livrer dessystèmes opérationnels pour satisfaire leursinterlocuteurs. Il fallait également convaincre de l’utilitédes projets, de l’intelligence des choix d’infrastructure, dela nécessité de nouvelles méthodes de travail, et prouverla valeur ajoutée de l’informatique. Ce comportement,nouveau pour les informaticiens, s’est imposé par la forcedes choses, sous la pression des utilisateurs et des maîtresd’ouvrage, mais aussi par une volonté d’informer, de

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 77

communiquer et de promouvoir une image positive del’informatique.

Les actions s’inscrivent dans un plan plus large de gestiondes ressources humaines « BEST », dont l’acronymerappelle qu’un informaticien doit penser « banque »,« enjeux » et « services » autant que « technologie ». Leplan est progressivement mis en œuvre, mais, comme ils’agit de conduire un changement culturel profond, rienn’est jamais fini...

Cigref : Par quoi avez-vous commencé ?

G.L. : Les premières mesures relevaient simplementd’exigences indispensables à une administration desservices informatiques. Il s’agissait de mettre en œuvredes méthodes de gestion de projet, de reporting desactivités informatiques, de gestion des incidents (gestionde crise, portefeuille d’incidents, SVP...).

Toutefois, il était clair, dès la mise en œuvre de chacunde ces processus, que l’accent devait être mis sur cequ’on appellerait le « design » dans la conception d’unproduit : la nécessité d’accorder la priorité aux points devue du métier, à la circulation de l’information versl’utilisateur et le maître d’ouvrage.

De plus, il ne suffisait pas de rédiger et de mettre enpratique des procédures pour qu’elles aient leur pleineffet. Il fallait aussi en assurer la promotion auprès desutilisateurs et des maîtres d’ouvrage, les adapter pour lesfaire admettre et prouver que le monde informatiquetenait à être au service de ses clients.

Somme toute, cependant, ceci n’était rien d’autre que letravail minimum attendu d’un service logistique, mêmes’il représentait un progrès significatif.

78 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

En parallèle, nous avons également entrepris de mieuxvendre nos projets et nos services.

Cigref : Pouvez-vous nous expliquez les actions plusspécifiques que vous avez appliquées sur les projets ?

G.L. : Ce sujet est le plus connu des domaines oùs’exerce l’art de la communication et de la promotion, etil sort pour partie du cadre de cette étude.

Toutefois, le succès d’un projet, puis du système qu’il afait naître, tout comme l’entente entre maître d’œuvre,maître d’ouvrage et utilisateur, sont des élémentsimportants pour la promotion directe et indirecte del’informatique auprès des décideurs.

Au-delà des besoins d’efficacité de gestion du projet,l’objectif du marketing du projet est quadruple :

• faire adhérer chacun des participants au projet ;

• souder l’équipe de projet pour garantir son efficacité ;

• créer des liens qui amélioreront la relation humainehors du cadre du projet ;

• informer le personnel et les décideurs de l’entreprisepour convaincre des atouts du projet.

La mise en œuvre et l’amélioration régulière de méthodesde gestion de projet, très proches de celles qu’utiliseraitun sous-traitant, a permis de répondre à l’essentiel desbesoins et des attentes (notes de définition de projet, desuivi de projet, de fin de projet, planification, etc.).

Cigref : Avez-vous quelques « secrets de fabrication »pour rendre cette promotion plus efficace ?

G.L. : La tradition veut que les applications et lesdomaines applicatifs reçoivent un nom, souventacronyme : Contact pour la base clients, Topaze pour les

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 79

crédits, Profil pour la gestion des risques de taux et demarché, Orient pour les télécommunications, etc.

Certains objectent qu’il serait plus compréhensible dedonner comme nom la fonction elle-même, Crédits aulieu de Topaze, par exemple. Il est vrai qu’un utilisateurnon initié ne peut comprendre sans explication la finalitédu système d’information à la seule lecture de son nom.Par contre, l’expérience confirme ce qu’affirmait unancien directeur informatique du CCF : « Un projet sansnom n’existe pas. »

Nous savons que dans la grande distribution, un produitgénérique sans marque ne se vend pas comme un produitde marque. La communication et le marketing sont plusfaciles à réaliser quand on dispose d’une marque. Unprojet ou un service disposant d’un nom est plus facile àidentifier.

Le nom lui-même, s’il est bien choisi, apporte un élémentpositif à la communication. Enfin il n’y a plus deconfusion possible entre le processus lui-même et lelogiciel qui le traduit.

Cette tradition a favorisé la création de logos propres àchaque service. Quand ils existent, ces logos sont utilisésdans le cadre du projet, mais, surtout, ils servent àidentifier les documents produits – manuels d’utilisation,de formation, etc., ils servent d’icônes sur les bureauxvirtuels et de repère sur les sites intranet, etc.

Plus rarement, la promotion d’un projet ou d’un services’accompagne de « signes de reconnaissance » : plaquetteexplicative, accessoire portant le logo (t-shirt, pins…),tapis de souris, cocktails de lancement ou de conclusion,etc. La présence ou le soutien de hauts responsables estbien évidemment un facteur additionnel majeur demotivation.

80 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Pour certains projets critiques par leur impact sur laclientèle ou leurs conditions d’exécution (dates de finimposée, complexité du projet, etc.), des séminaires, desréunions de concertation et d’information peuventcompléter le dispositif d’animation.

Cigref : Êtes-vous satisfait du dispositif que vous avez misen place ?

G.L. : Notre promotion des projets peut encores’améliorer :

• en enrichissant l’information fournie à la maîtrised’ouvrage, aux utilisateurs et aux partenaires sociaux, eten étendant le principe d’information aux systèmesmajeurs, notamment sur la justification et les modalitésde lancement du projet ;

• en gérant un journal du projet ;

• en généralisant la création de sites intranet regroupanttoute l’information utile sur chaque projet et chaquesystème ;

• en généralisant les bilans de fin de projet ;

• en mettant en œuvre des mesures de satisfaction, viades enquêtes ponctuelles ou des panels ;

• en accroissant la fréquence des entretiens avec lesutilisateurs finaux, notamment les agences bancaires.

6.4 Les fondements théoriques

6.4.1 Techniques de promotion, vente et marketing

Le marketing est parfois réduit à l’une de sesmanifestations : la vente, la promotion ou les études demarché. Ces réductions permettent de critiquer à boncompte le marketing, soit pour pointer son excès depouvoir, soit plus fréquemment pour en pointer les

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 81

limites. Quelques définitions sont donc indispensablespour clarifier le débat.

La vente est une notion différente du marketing.L’objectif du vendeur est de faire du chiffre d’affaires encherchant à recruter des clients pour une offre déjàconstituée. Ce n’est donc qu’un moment dans la mise enœuvre d’une stratégie marketing.

La promotion est une forme particulière de vente quisubstitue au vendeur en chair et en os un dispositif dediffusion de messages informatifs et persuasifs au traversde supports disposant d’une large audience.

Au fur et à mesure que les techniques de promotion seperfectionnent, le niveau d’exigence du client (décideurou utilisateur) augmente, et il faut faire attention à ne pasdonner une impression contre-productive de déjà-vu.

Parmi les réalisations qui sortent du lot et que lesmembres du Cigref ont eu l’occasion de rencontrer, onpeut en citer une : l’Échangeur.

• L’Échangeur a été créé sous forme de GIE européen parLaser (Lafayette Services, qui comprend Cofinoga etTelemarket) et Cetelem, auxquels se sont jointsl’Espagnol El Corte Ingles et le Britannique Sears.

• C’est un laboratoire d’expérimentation du commerceélectronique, qui présente sur 2 000 m2 l’état de l’artdes nouvelles technologies de l’information appliquéesaux échanges commerciaux, aussi bien sous forme dedémonstration d’applications que de conférences.

• La puissance de l’Échangeur, c’est son caractèreéminemment réel, dans un domaine où les approchesfuturistes et virtuelles sont devenues la norme etfinissent par toutes se ressembler.

82 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

• Mais c’est aussi l’histoire d’une création voulue pardeux hommes complémentaires : Messieurs Lemoine,vice-président des Galeries Lafayette et Jean-ClaudePelissolo, stratège informatique du groupe. Un exempleà suivre ?

Pour conclure, on citera les études de marché, autreforme très connue de marketing, même si elles neconstituent pas un passage obligé de la démarche.

Car heureusement, l’intuition et la prise de risques sontaussi une manière de faire du bon marketing opérationnelet de concevoir un produit qui trouve son public. À unecondition cependant que nous allons voir maintenant : leprix.

6.4.2 La tarification et la facturation des services

Quand une DSI s’interroge sur son plan marketing, il luiest naturel de réfléchir à son marché, à ses services, à sesclients, et encore plus à son mode de communication.Ces sujets constituent trois des quatre composantes dumarketing mix (produit, distribution, communication). Lequatrième élément (prix) est rarement pris en comptecomme un paramètre modulable, chacun pensant qu’ils’agit d’une règle de gestion analytique imposée par lesméthodes de contrôle de gestion de l’entreprise. Mais est-ce vraiment le cas ? La DSI ne peut-elle pas l’inclure dansson approche marketing ?

Perception des clients

• Quel DSI n’a jamais eu la moindre critique sur le prixexcessif des informaticiens ?

• Avez-vous déjà vu une direction opérationnellepréférer une SSII à la DSI « parce que son tarifquotidien était inférieur » (en fait parce que le taux de

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 83

facturation hors taxes était inférieur au coût completanalytique interne) ?

• Qui a eu à faire à une direction ou une filiale qui seplaignait des dépassements de budget et refusait de lespayer ?

Bien sûr, le monde n’est pas parfait. Il arrive que leséquipes informatiques commettent des erreurs, coûtenttrop cher pour le service fourni, ou dépassent indûmentles délais ou les budgets, et même les deux à la fois.

Il est plus rare, pour ne pas dire impossible, que le tauxde base d’une SSII soit inférieur au taux équivalent, àcharge et prestations égales, d’une informatique internetoute notion de niveau de service, de qualité ou de valeurajoutée exclue.

Fondamentalement, les décideurs qui posent ce genre deproblème se trompent dans leur analyse et leursconclusions. Sauf à renoncer à expliquer et à justifier lesmodalités de facturation, le marketing de la DSI peutessayer de changer le point de vue de ses vrais ou faux« clients internes », au minimum en expliquant laconstitution, ou, même, en modifiant son système detarification et de facturation.

Les solutions possibles

Quand les produits informatiques ne sont pas immatériels(programmes, architectures, etc.), leur prix au kilo ou aumètre cube est considérable. Comment expliquer que lafacture des équipements ou des télécoms augmente alorsque le prix unitaire du Mips et du gigaoctet s’effondre ?

Il n’est pas plus naturel d’admettre qu’un programmecorrespond en fait au travail sur mesure réalisé par unartisan, un exemplaire unique, dont il faut comparer lecoût au prix de fabrication et non au prix de vente

84 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

unitaire d’un progiciel distribué à des dizaines ou à desmillions d’exemplaires.

Un maître d’ouvrage ne connaît pas le mode defabrication des programmes. Sait-il que les tarifs d’uneSSII n’incluent pas – sauf clause explicite et facturée – lesupport logistique (locaux, bureaux, poste de travail,outils de développement, hébergement, etc.) et technique(équipes systèmes, administration de réseau, architecture,etc.), alors qu’un coût complet interne en tient compte ?

Comprend-il qu’une DSI qui facture analytiquement seséquipes ne prévoit en général ni marge bénéficiaire, nialéa pour dépassement divers de charge, délais oubudget, et, de ce fait ne prévoit aucune réserve depersonnel pour parer aux erreurs d’estimation et degestion de projet qui ont pour origine aussi bien seséquipes que les demandeurs eux-mêmes ?

Face à ces différentes questions, deux solutions sontenvisageables :

• L’une, traditionnelle dans son esprit et dans sonapplication : se contenter d’appliquer les règles internesconcernant les modalités d’imputation analytique descentres de coût (« Après tout, la DRH, les servicesd’immeuble ou la direction juridique ou le trésorier nese posent pas de question »), en espérant que ladirection générale ou la lassitude feront taire lescritiques, mais n’étoufferont pas les rancœurs.

• L’autre, beaucoup plus novatrice et proche desmétiers : se pencher vraiment sur la question et sedemander comment, sans tricher avec la réalité descoûts, modifier la structure des tarifs et les modes defacturation pour parvenir à une réaction desinterlocuteurs conforme aux intérêts de l’entreprise.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 85

6.5 Les points à retenir

Les clients attendent de leur DSI le meilleur del’informatique.

La réponse, le « BEST » de l’informatique d’entreprise :business, enjeux, services et technologies. Unnouveau mode de pensée pour satisfaire les clients dela DSI.

Un service qui marche est un service que les clientss’approprient.

Un service sans nom n’existe pas.

Un service, cela se vend. Et cela a un prix.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 87

7. LE MARKETING OPÉRATIONNEL ET LA MESURE DE

L’EFFICACITÉ

7.1 L’opinion des dirigeants

Question Cigref-Sofres : Quand vous prenez unedécision concernant vos SI, de quelle information avez-vous besoin ? Que vous manque-t-il ? De qui vousentourez-vous ?

• « Toutes les informations sont collectées par le DSI. Ilne manque que le retour sur investissement, difficile àévaluer. »

• « On rassemble les responsables au sein d’unecommission dite informatique. Chacun apporte lesinformations nécessaires, mais il manque souvent ladéfinition de la stratégie de l’information et la politiquedes SI (la coordination des SI entre eux, la répartitionbudgétaire et la dimension transversale). »

7.2 L’équation à résoudre

Comment catégoriser les investissements infor-matiques, et en évaluer les bénéfices attendus, enparticulier les bénéfices financiers ?

Sur quels indicateurs et quelles méthodes s’appuyerpour mesurer ces bénéfices et comment surmonterl’apparente intangibilité des projets informatiques dansdes organisations complexes ?

88 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

7.3 Le cas d’une grande entreprise : EDF

Photo D.R.

Face à une dégradation des indicateurs de satisfactionclientèle (valeur négative) de son activité infogérancebureautique, malgré un budget important etchroniquement déficitaire (plus de dépenses que derecettes) de l’activité, le service du traitement del’information d’EDF et de Gaz de France a souhaitémieux connaître les raisons d’un tel hiatus. Leresponsable du marketing, Jacques Miquel, a choisi uneapproche d’analyse de la valeur et a lancé une étude desvaleurs de sa clientèle interne.

Cigref : quelle est la finalité d’une étude des valeurs devos clients ?

Jacques Miquel : C’est de connaître les valeursdécisionnelles des acheteurs ou des prescripteurs afin desatisfaire pleinement leurs attentes et de concentrer lesefforts du service du traitement de l’information d’EDF etde Gaz de France (investissements, communication, forcede vente, services) sur les composants à forte valeurajoutée.

La valeur d’un produit ou d’un service est toujours larésultante d’au moins trois composants que sont le prix,

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 89

la qualité et la relation tissée entre le client et leproducteur du produit. Chaque composant est lui-mêmela somme de plusieurs attributs intervenant dans la chaînede valeurs et perceptible par le client.

La valeur attribuée par le client à un produit ou serviceest en réalité une notion subjective et par conséquentrelative. Donc, la valeur sera différente selon lesdifférents segments de clientèle (par exemple, les VIPn’ont pas les mêmes attentes que les agents commerciauxde proximité). Plus la segmentation est fine, plus l’analysedes valeurs est pertinente.

Cigref : Comment s’y prend-on pour faire une telleétude ?

J.M. : Pour chaque segment de clientèle, les attentesexprimées par les clients et leur importance sontévaluées, puis pondérées et hiérarchisées. La pondérationdes valeurs attribuées par les clients aux différentscomposants de l’offre permettra de déterminer lesproduits ou services perçus comme innovants oudifférenciateurs. Il est alors plus aisé de valoriser dansl’offre finale les attributs du produit les plus appréciés, enfocalisant la communication et les services sur les critèresde choix les plus importants pour les clients.

Plus concrètement, comment faites-vous?

Avec les exploitants, en groupes de travail (de deux àtrois heures). On va décomposer l’offre de service en unecentaine d’items selon une arborescence basée sur lestrois piliers classiques du marketing mix : la nature desservices offerts, leurs prix, la nature de la relation avec leclient. Puis, toujours avec les exploitants, on évalue,pondère et hiérarchise les composantes de l’offre. Ce quibien sûr est influencé par l’énergie et les moyens mis enœuvre par les équipes.

90 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Dans une deuxième phase avec les clients en groupes detravail de 6 à 10 personnes par segment, on réalisel’évaluation, la pondération et la hiérarchisation descomposantes de l’offre vue évidemment sur l’angle desattentes.

Les différences entre la vision des exploitants et celledes clients nous indique les endroits ou il faut porterles efforts :

• les composantes jugées prioritaires par les clientsdoivent faire l’objet d’efforts immédiats, surtoutlorsque l’évaluation du service rendu est inférieureaux attentes ;

• les moyens à mettre en œuvre sont à rechercher enpriorité là où l’exploitant dépense sur descomposantes jugées non prioritaires par les clients.

Cigref : Quelles sont les conditions du succès ?

J.M. : La première condition est le soutien de ladirection : la première expérience doit être commanditéepar le DSI. la maîtrise d’œuvre de l’étude doit êtreconfiée au marketing qui, lui, doit impliquer lesexploitants.

La deuxième est de se faire assister par un spécialiste qui,outre l’apport méthodologique, peut s’avérer unmédiateur précieux avec les clients (qui se « lâcheront »plus facilement avec un tiers pour exprimer leurssouhaits).

La troisième condition est de procéder sans trop de délai :toute l’étude doit durer moins de trois mois.

Cigref : Tout ceci semble s’appliquer à une régulationinterne des dépenses informatiques par une relation

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 91

client-fournisseur forte. Appliqueriez-vous la méthodedans un système de régulation moins marchand et avecun pouvoir de décision plus centralisé ?

J.M. : Quel que soit le système de régulation, la questionse pose de choisir les dépenses les plus pertinentes. Ledécideur, quel qu’il soit (client ou manager), souhaitedépenser le moins possible pour obtenir la satisfactionmaximum des besoins fonctionnels.

La méthode d’analyse de la valeur est particulièrementbien adaptée à l’établissement de référentiels (besoins,fonctions, moyens/coûts) donnant au décideur deséléments d’orientation pour ses choix.

Le fait que la méthode implique un dialogue organiséentre les exploitants et les clients (ou utilisateurs) permeten outre de solidifier les dossiers de décision.

7.4 Les fondements théoriques

La première source de motivation du dirigeant apparaîtplus que jamais être la création de valeur, dont les deuxmesures les plus répandues sont l’EVA© (Economic ValueAdded) et la MVA© (Market Value Added).

Deux formes de création de valeur prédominent, l’unedurable, l’autre moins :

• la réduction des coûts, qui explique que les annoncesde plans sociaux sont presque toujours suivies enbourse d’une hausse du titre concerné ;

• le développement d’un avantage concurrentiel, dontPorter a montré dès 1986 qu’il était la seule façondurable de ne pas détruire de la valeur.

C’est donc d’abord dans l’utilisation de l’informatique etdes télécoms comme catalyseur de création de valeur quedoit s’inscrire la communication avec les décideurs.

92 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Il ne faut cependant pas se cacher la difficulté qu’il y a àvouloir mesurer l’impact de technologies du XXIe siècleavec des indicateurs du XXe siècle, voire du XIXe.

Ainsi, lors du petit déjeuner Cigref-Les Échos organisé fin1998 sur le thème de la prise de décision dans lesinvestissements informatiques, Denis Kessler, vice-président du Medef (Mouvement des entreprises deFrance), s’est étonné de voir que les règles decomptabilité classiques amenaient la plupart desentreprises à faire entrer les réaménagements de locauxdans les investissements, et les développements logicielsdans les dépenses courantes.

Aussi, sans attendre une hypothétique révision desnormes comptables, nous conseillons d’avoir égalementrecours à des approches complémentaires à la création devaleur permettant de mieux traiter les actifs intangibles,notamment l’approche de réalisation des bénéfices. LeCigref en a débattu lors d’une réunion avec le cabinetd’études spécialisé DMR.

Le cadre d’analyse de cette méthode développée il y aplusieurs années doit permettre non seulementd’identifier un maximum de bénéfices, mais aussi de biencomprendre la façon dont ils peuvent être réalisés, engardant présent à l’esprit que :

• les résultats immédiats d’un investissement représententrarement l’ensemble des bénéfices escomptés ;

• les bénéfices ne se réalisent pas aux endroits prévus niaux moments prévus ;

• il est difficile d’identifier clairement, au départ,l’ensemble des bénéfices potentiels ;

• les organisations ont des compétences limitées enmatière de gestion du changement ;

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 93

• les organisations ne savent pas gérer les grandsprogrammes pour lesquels il leur faut réalisersimultanément et de façon intégrée des projetsmultiples.

Ce qu’un certain nombre d’économistes ont repris sous leterme de « paradoxe de Solow », du nom du plus connud’entre eux qui a déclaré au milieu des années 1990 :

« Les chiffres de l’informatique et des télécommunicationssont partout dans l’économie américaine, sauf dansl’augmentation des gains de productivité. »

La méthode de réalisation de bénéfices ne permet pasd’apporter une réponse globale à cette interrogationmacroéconomique, mais elle permet en revanche àchaque entrepreneur, au niveau microéconomique quiest le sien, de mesurer les conséquences de ses décisionsdans les technologies de l’information.

Pour cela, l’élément central est le programme danslequel s’inscrit un ensemble de projets.

Les projets ont vocation à délivrer des résultats, suivanten cela les préconisations d’un cahier des charges.

Le programme a lui vocation à délivrer des bénéficesdirectement mesurables par le décideur.

Pour montrer les bénéfices concrets qu’une telle méthodepeut engendrer, prenons le cas de Sollac, la brancheaciers plats du groupe Usinor, qui a mis en œuvre cettedémarche il y a quelques années, et écoutons letémoignage de Jean-Pierre Corniou, DSI d’Usinor.

• Sollac est parti du constat que l’approche historiqueconsistant à utiliser les mêmes plates-formes etapplications pour l’ensemble de ses clients n’était plus

94 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

adaptée au niveau d’exigence de ses plus grandspartenaires, en particulier dans l’industrie automobile.

• Décision fut donc prise de définir un programme surmesure pour satisfaire les besoins des constructeursautomobiles, programme induisant des changementsdans onze des douze systèmes d’information del’entreprise, d’un bout à l’autre de la chaîned’approvisionnement, aussi bien pour la prise decommandes que pour la production, pour l’inventaireet la facturation.

• Ce programme, majeur pour Sollac, a permis d’arbitrerentre les projets, de fixer de nouvelles priorités, et enrendant les technologies de l’information plus visibles,d’obtenir le soutien de l’organisation, aussi bien desdirigeants de Sollac que des autres acteurs concernés.

À l’arrivée, ce programme a permis d’améliorer de façontrès significative la qualité du service fourni aux grandsclients de Sollac dans le secteur automobile.

On voit là un exemple de la puissance du concept, etl’intérêt qu’il peut y avoir pour beaucoup d’entreprises àmettre en œuvre de telles démarches. Mais en soi, DMRconsidère qu’il ne s’agit que d’une étape, qui ouvre desperspectives sur les deux volets suivants :

• la gestion de portefeuilles de programmes ;

• la gestion des cycles de vie des programmes.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 95

7.5 Les points à retenir

Si le coût de l’informatique peut être évalué par leDSI, la valeur de l’informatique est toujoursdéterminée par le client.

La raison d’être fondamentale de l’informatique estd’être un catalyseur de création de valeur.

Le calcul de la valeur et son amélioration passent parune segmentation de la clientèle, car il y a autant devaleurs élémentaires que de segments de clientèle.

Le DSI peut influer fortement sur la création devaleur : il lui faut pour cela prendre l’initiative deprogrammes d’action ciblés qui, en fédérant plusieursprojets de façon cohérente, permettront de délivrer desbénéfices parfaitement identifiés par le décideur.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 97

8. LES LIMITES DU MARKETING

8.1 L’opinion des dirigeants

Question Cigref-Sofres : Quels sont les changementssouhaitables dans le rôle de votre directioninformatique ? Qu’en attendez-vous ?

• « La mise en œuvre des technologies les plus avancées,les plus sûres ; mais ce n’est pas à la technologie dedicter ce que seront les systèmes de demain. »

• « Son rôle, c’est d’être à l’écoute de toutes lesaméliorations du processus d’entreprise, de faire uneffort de réflexion sur les grands applicatifs et leursévolutions et de mesurer en permanence le degré desatisfaction des utilisateurs. »

• « Davantage architecte en organisation globale de labanque et pas seulement architecte informatique ;chaque DO le fait mais il y a un problème decohérence. »

• « Son rôle, c’est maintenant de superviser les SI,d’assurer la veille technologique, de proposer dessolutions, de conseiller les utilisateurs. »

• « Elle ne doit pas se cantonner, dans la mesure dupossible, a une fonction d’exécution. Elle doit être unecellule de proposition donc être près des DO et enconnaître leurs activités. »

• « Son rôle est de coordonner les systèmes du groupe,de les concevoir en s’appuyant sur la compétence desDO et des utilisateurs. J’en attend davantage decommunication en interne et beaucoup plusd’anticipation. »

98 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Question : Qu’est-ce qui change dans vos attentes vis-à-vis de votre directeur des systèmes d’information ?

• « Mon degré d’impatience. Il y a urgence à être plusparticipatif, à prendre le goût du partage desresponsabilités. »

• « Il doit apporter plus d’informations technologiques àl’ensemble des participants. Communiquer pourconvaincre de l’importance des SI dans le groupe(formation, initiation). Prendre en compte uniquementla fonction transversale. Reporter les charges sur lesDO. »

• « Essentiellement, plus de flexibilité et plus decommunication avec les utilisateurs. »

• « Il doit participer à la prise de décision et faire despropositions, s’éloigner de la technique informatique etdevenir le conseil de la DG. »

8.2 Critique du marketing interne de l’informatique

Le marketing interne, celui de l’informatique enparticulier, est loin d’avoir acquis droit de cité dansl’entreprise.

Non seulement il est peu répandu, même quand les DSIen font sans le savoir, mais il n’a pas de doctrinereconnue. Tout au plus peut-il se prévaloir des méthodesde marketing des services, dont nous avons dit qu’ellesétaient relativement peu pratiquées.

Surtout, les dirigeants, les directeurs opérationnels et biensouvent les directeurs informatiques considèrent cettepratique comme inutile, inadaptée, voire inacceptabledans une entreprise. Certains peuvent même reprocher àses tenants des dépenses indues en ce domaine. S’il estparfois facile d’obtenir les budgets de communicationpour un projet (lettre d’information sur le projet,

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 99

animation des équipes, etc.), il est plus souvent délicat dejustifier une telle dépense. On lit parfois qu’il est fondéde consacrer 5 % des charges totales d’un projet à sonmarketing.

Un autre type de critique se base sur le constat que,habituellement, une DSI n’est pas dans une situation demarché concurrentiel, et que soit les règles de marketingne s’appliquent pas, soit elles ne sont applicables que sila DSI accepte, de gré ou de force, l’idée de se mettredans un contexte client-fournisseur, et se mette enconcurrence réelle avec d’autres, qu’il s’agissed’informatiques internes, de SSII ou autres entrants dansun marché plus ouvert.

Nous avons pris soin, dans les paragraphes précédents,de montrer que les techniques de marketing s’appliquentaussi dans ces situations de marché monopolistique ousemi-captif, même si ces conditions particulières exigentdes adaptations ou, plus exactement, une utilisationmodulée des techniques de marketing.

À bien examiner les composantes du marketing mix, unDSI aura toujours à s’interroger sur le type de servicesofferts (product), la tarification (price), les exécutants etles bénéficiaires de ses actions (place), et les modes decommunication avec ces derniers (promotion).

Les plus positifs, parmi ceux qui jugent inutile ladémarche marketing, considèrent qu’il n’y a làqu’habillage de pratiques.

Selon eux, ce marketing n’est autre qu’un ensembled’actions de communication plus ou moinsindispensables, voire un élément indissociable desméthodes informatiques (gestion de projets, d’incidents,de dossiers d’investissement), qui doivent s’enseigner ets’imposer au sein des équipes dans le cadre de la

100 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

formation aux méthodes, aux relations humaines, à lamaîtrise de la qualité, et certainement pas sous un labelspécifique de « marketing ».

Les défenseurs du marketing peuvent déjà répondre que,si la meilleure façon de faire du marketing est de luidonner un autre nom, la fin justifiant les moyens, autantl’appeler plan qualité ou projet de communication,pourvu que la démarche soit celle consistant à tirer lemeilleur parti des ressources informatiques et que lesméthodes de marketing soient utilisées.

En effet, l’intérêt de classer sous l’étiquette « marketing »cette approche des problèmes mentionnés au chapitreprécédent vient de la prise de conscience qu’un DSI et,plus largement, tout informaticien, ou toute personneayant à traiter d’un sujet informatique, peut tirer profit deméthodes de marketing pour structurer son action :

• comprendre un problème, en se positionnant commeun offreur de services face à un consommateur ;

• faire comprendre son offre, en analysant lecomportement et les réactions de sa cible ;

• développer l’écoute (mesures de satisfaction, enquêtessur le terrain, mesures de résultats, etc.) ;

• intégrer les méthodes de communication et demotivation dans la gestion des projets ;

• définir les règles de tarification et de facturation ;

• etc.

Les méthodes de marketing offrent « une grille delecture » aux actions de communication et aux pratiquesde gestion de l’informatique.

Cela étant, peu importe que les diverses manifestationsd’une démarche marketing soient intégrées sous uneautre appellation dans les méthodes de gestion de projet,

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 101

de veille technologique, d’études d’opportunité,d’analyse de la valeur, de techniques de management oude gestion des ressources humaines.

En fait, la démarche marketing relève plus d’un étatd’esprit de la DSI que de l’application d’une méthodeparticulière.

Elle offre non seulement l’avantage de structurer laréflexion et la décision (phases de marketing stratégiqueet opérationnel), de mieux comprendre les choix decommunication et les réactions des cibles (décideurs,maîtres d’ouvrage, utilisateurs), mais elle peut aussi faireécole pour opérer des changements culturels et réduireles écarts entre informaticiens et utilisateurs.

Il est en effet plus facile, bien souvent, de sensibiliser etde former les informaticiens à la communication avecleurs interlocuteurs en employant le langage et lesméthodes du marketing qu’avec celui et celles desressources humaines, plus abstraites.

Enfin, à ceux qui objectent que seule la DSI s’inquiète defaire du marketing, faut-il conseiller non pas d’arrêter ceteffort méritoire, mais plutôt de l’étendre à l’ensemble desdirections en déficit de communication ?

Sans aller jusque-là, notons que le Gartner Group, dontune des missions est d’évaluer l’évolution des TIC enanalysant les réalisations et les projets des entreprises, apublié plusieurs notes sur le marketing de l’informatique,révélant ainsi que cette pratique existe, etl’encourageant :

• « Despite the respect IS is finally getting for gains andproductivity and company valuation, the gap betweenIS and the business is still deep and wide. »

102 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

• « Marketing the IS Organization is... an important issuein today’s climate. »

• « Common misperception about most ISorganizations…: late, unresponsive, does not reallyunderstand the needs of our business. »

• « Primary reason of marketing: ... reverse thesemisperceptions. »

• « Fundamentally marketing is communication. »

Extraits de « Marketing the IS Organization » - GartnerGroup – Talking Technology – CD-ROM décembre 98

Les Américains, en avance sur l’Europe de quelquesannées, ont critiqué plus tôt leurs DSI, mais ont aussi vuplus vite revenir le balancier. Aujourd’hui, la déferlanteInternet et la crise de l’an 2000 favorisant la prise deconscience (?) des dirigeants, l’informatique a denouveau les faveurs des CEOs. Ceci n’empêche pas lesCIOs, peut-être prévenus des dangers de ne parler quetechnique, de se préoccuper de leur marketing.

Certains n’ont pas hésité à se doter d’un spécialiste àplein temps : « R. Carayol, CIO d’IPC, a pris la décisionpeu ordinaire d’engager un responsable communicationet marketing à plein temps pour faire comprendre auxautres unités et aux grands responsables le champd’activités de la DSI et la façon de l’employer pour créerdes opportunités dans toute l’entreprise. » (R. Sykes, inComputer Business Review – août 1999).

Bien sûr, aucune campagne de marketing ne réussirajamais si la DSI ne fournit pas des services de qualité.Tout au plus permettra-t-elle de réduire le degréd’insatisfaction ou l’intensité des protestations. Pourtant,elle fera au moins passer le message que la DSI est prêteà écouter ses interlocuteurs, qu’ils soient décideurs,maîtres d’ouvrage ou utilisateurs.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 103

Le piège — ou le bon côté — est que, une fois lancé dansune telle entreprise, la DSI devra impérativementpoursuivre cet effort de communication et de promotionsi elle ne veut pas ternir son image.

Il semble que les années à venir vont obliger les DSI àdécider de mettre en pratique une politique de marketingmûrement pensée. Qu’ils lui donnent le nom de planqualité, programme de communication efficace oumission marketing, ou qu’ils la pratiquent sans lui donnerd’étiquette, il faudra bien se lancer dans l’arène.

Il vaudra mieux, dans ce cas, savoir comment on joueaux jeux qui s’y pratiquent…

8.3 Les fondements théoriques

Le lecteur est en droit de se poser la question suivante :faut-il généraliser la relation client-fournisseur dansl’entreprise ?

Pour répondre à cette question, il faut avoir conscienceque, poussée à sa limite, la généralisation de la relationmarketing au sein de l’entreprise transforme tous lesmembres de l’organisation en fournisseurs et clients.

Si on accepte totalement la notion de client interne, ilfaudra être capable d’assumer son choix jusqu’au bout.

L’une des premières conséquences est que le client dansl’entreprise, comme le client externe, aura toute latitudepour choisir un fournisseur en fonction de son intérêtindividuel.

Conséquence concrète : chaque membre de l’entreprisepourra en toute indépendance soit passer commande eninterne, soit sous-traiter à l’extérieur.

104 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

C’est le cas dès aujourd’hui pour des projets dans ledomaine de l’internet, pour lesquels la direction dessystèmes d’information peut parfois être mise enconcurrence.

On voit poindre les limites d’une telle conception :fragmentation de l’organisation, marchandage permanent,opportunisme éventuel des acteurs, et montée des coûtsde transaction.

Une seconde conséquence, et non des moindres, c’est lerisque de détruire les conditions mêmes de l’innovationqui, nous l’avons vu au chapitre 5, repose sur unéquilibre fragile.

On est en effet loin d’avoir démontré que lasystématisation d’une relation client-fournisseur au seinde l’entreprise contribue à la circulation de l’information,favorise la motivation et suscite l’innovation.

Bien au contraire, une innovation est une nouvellecombinaison de ressources qui, par définition, n’est pasdisponible sur le marché, sauf à être une imitation.

Faire de chaque membre de l’entreprise le client de sonvoisin de bureau, c’est renvoyer toujours sur d’autres lasource de l’innovation. Attendre systématiquement lesinnovations d’un fournisseur, c’est condamner à plus oumoins brève échéance l’entreprise à imiter ou acheter lesnouveaux produits et les nouveaux processus créés pard’autres.

Cela ne veut pas dire qu’il faut jeter le marketing des TICaux orties, mais qu’il faut le remettre dans la perspectivede ce qui fait la spécificité d’une entreprise : unecombinaison unique de ressources et de compétences.

Par « ressources », nous entendons notamment tous lesactifs matériels ou immatériels comme les équipements,

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 105

le système d’information et les brevets ou les marques.Par compétences, nous signifions l’ensemble des routinespropres à l’organisation, aussi bien dans les domaines dela conception que de la mise en production.

Ces ressources et compétences résultent del’accumulation d’un savoir spécifique au moyen del’expérience passée : C’est dans la durée que l’onapprend à mieux gérer ses stocks et à optimiser sa chaînelogistique, à faire fructifier ses marques et son capitalimage, à développer un système d’information vraimentorienté client.

Si l’on accepte cette représentation de l’entreprisecomme un organisme engagé dans un processuspermanent d’apprentissage collectif, il paraît difficile detransformer radicalement ce milieu en une place demarché interne, car l’apprentissage collectif est plus quela somme des apprentissages individuels.

Renoncer à cette représentation pour une DSI et setransformer en simple SSII ou opérateur télécoms interne,c’est prendre le risque que des fonctions aussi vitalespour la bonne marche de l’entreprise que l’architectureou l’urbanisme du système d’information soientcomplètement délaissées.

Dès lors, où se situe l’apport essentiel du marketing ?

À notre sens, à deux niveaux essentiels :

• Tout d’abord, pour identifier clairement les besoinsdes métiers de l’entreprise, et à partir de là, rassemblerles savoirs dans des pôles d’excellence technologiques.Cela constitue pour les DSI une occasion majeure decontribuer à la réalisation des objectifs de l’entreprise, àla condition expresse de savoir assurer le leadershiptechnologique et d’utiliser cette position de leader nonpour brider les initiatives des autres, mais au contraire

106 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

pour permettre aux meilleures d’entre elles d’exprimertout leur potentiel.

• Ensuite, pour une autre raison tout aussi fondamentale :pour redonner le pouvoir de décision en informatiqueaux décideurs.

Car entre contraintes techniques et contraintes decalendrier, entre nécessité de faire plaisir à toutes lesbranches et de préserver la continuité avec l’existant, leschoix informatiques sont encore trop souvent des non-choix opaques pour le décideur.

Il en résulte des décisions subies par l’ensemble desacteurs, parce que le bénéfice de faire et le risque de nepas faire n’ont pas été suffisamment expliqués au départ.

Pour ces deux raisons, il nous a semblé important deregarder de plus près une dernière dimension, qui est unecondition sine qua non à la mise en œuvre d’actionsmarketing d’envergure par le DSI vers les autresdécideurs de l’entreprise : le leadership technologique.

8.4 Les points à retenir

Malgré la pression des résultats à court terme, toutdans l’entreprise ne se résume pas à une relationclient-fournisseur.

Le marketing interne de l’informatique permet, parl’identification des besoins des métiers de l’entreprise,de constituer les pôles d’excellence technologique lesplus adaptés.

Et il permet, aussi et surtout, de redonner le pouvoirde décision en informatique aux décideurs.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 107

9. LE LEADERSHIP TECHNOLOGIQUE DANS L’ENTREPRISE

9.1 L’opinion des dirigeants

Question Cigref-Sofres : Jusqu’où la direction généraledoit-elle s’impliquer dans l’évolution des SI ?

• « Jusqu’à vendre la DSI aux grandes instances dugroupe. »

• « Jusqu’à soutenir l’informatique par des actionspersonnelles permettant de faire contrepoids auxnombreux freins, à la non-acceptation, voire à l’hostilitémanifestée par un certain nombre d’acteurs en internecomme en externe. »

• « La gestion et le management n’ont pas besoin de monimplication. Il faut que je m’implique dans l’évolutionde la mentalité des acteurs. »

• « Je dois m’impliquer le moins possible ou alors c’estque je n’ai pas choisi le bon DSI. Mon implicationdevrait se limiter à l’aide et l’appui permanent qu’ilmérite ; ne pas le désavouer ; le faire admettre, le fairereconnaître par toute l’entreprise comme l’un desmoyens de la stratégie récemment mise en place. »

• « Il faut que je m’implique beaucoup. En attendant quemon DSI le fasse, il faut que je soutienne les SI dansleur capacité à bien répondre aux demandes desolutions informatiques. La gestion et le managementne m’inquiètent pas, le DSI peut faire face, mais jem’impliquerai fortement dans l’évolution par lerecrutement de généralistes de l’information, decommunicants et de conseils. »

9.2 Le leadership, la nouvelle frontière du DSI ?

Au vu des déclarations de la page précédente, on pourraitpenser que le chemin est encore long à parcourir.

108 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

D’une certaine façon, le nombre relativement restreint departicipants au groupe de travail du Cigref pourraitaccréditer cette thèse. Pourtant, un certain nombre designes avant-coureurs nous laissent penser que noussommes en bonne voie.

Pourquoi ?

• Parce que la prise de conscience des directeursgénéraux de la nécessité de faire monter en puissancela fonction de DSI, même si elle est lente, estindéniable.

• Parce que le développement des alliances etl’expansion internationale des grands groupes françaisfavorise les remises en question et permet de faireémerger plus rapidement les fortes personnalités à l’aisedans les recompositions et la recherche de synergie.

• Parce que les DSI sont de plus en plus conscients queleur mission ne consiste pas seulement à bien maîtriserla technique, mais bien à être à l’écoute des utilisateurset à réaliser l’alignement du système d’information surla stratégie de l’entreprise.

C’est dans ce contexte que les DSI doivent s’attacher àdeux axes de développement majeurs pour leurlégitimité :

• l’image de l’informatique dans l’entreprise ;

• la compréhension de l’informatique par les dirigeants.

Gérer l’image de l’informatique

L’impression de puissance souvent dégagée parl’informatique, sa complexité, son coût, les problèmesqu’elle crée aux utilisateurs et aux décideurs, la pressiondes médias, des fournisseurs et de l’environnementexterne à l’entreprise (autres décideurs, environnementfamilial, etc.) sont autant de facteurs qui créent d’eux-

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 109

mêmes une image de l’informatique décalée par rapport àla réalité. Dans certains cas, ce décalage crée même desincompréhensions et des préjugés qui nuisent à la bonnemarche des projets ou conduisent à des décisions nonoptimales.

Il est nécessaire de faire savoir et de démontrer quel’informatique est composée de professionnels au servicede l’entreprise pour contrebalancer des effets usuels :

• Quelle que soit la qualité des services offerts, lacommunication naturelle porte plus sur les difficultésrencontrées que sur les succès obtenus.

• Il existe un écart – mesurable et mesuré – entre laréalité et la perception du service fourni. Les progrèsobtenus au fil des ans, et mesurés, en matière deproductivité et de niveau de service ne sont pastoujours perçus comme tels par des utilisateurs et desdirigeants qui subissent de leur côté une forte pressionde leur environnement professionnel.

• Les services offerts par l’informatique évoluent pourrépondre aux attentes de l’entreprise.

Dans ce domaine, le rôle des relais d’opinion estfondamental, ainsi que celui des sources externes àl’entreprise. Soit celles-ci montrent que l’informatique estreconnue par des tiers, a priori neutres, soit ellesfournissent des points de comparaison a priori objectifs :

• benchmarking de production, de télécommunication,de projets, et comparaison des coûts avec d’autresentreprises françaises et étrangères ;

• présence dans les journaux professionnels (interviews,participation à des tables rondes) ;

• participation active à des associations professionnelles ;

• publications professionnelles.

110 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

Des actions purement internes sont égalementnécessaires :

• présence dans les revues d’entreprise ;

• diffusion et valorisation des meilleurs dossierstechniques, dont la présentation permet d’identifierl’origine et doit souligner le caractère professionnel del’émetteur ;

• séminaires mixte maîtres d’œuvre – maîtres d’ouvrage ;

• rencontres avec les utilisateurs ;

• diffusion de revues de presse ;

• enquête de satisfaction.

L’effort à faire en ce domaine reste permanent :

• développer les rencontres (hors projets et travauxcourants d’exploitation) entre informaticiens, maîtresd’ouvrage et utilisateurs ;

• favoriser la promotion indirecte par les appuis externeset internes ;

• contrôler l’image de l’informatique et faire connaîtrel’enseigne « Informatique » et les diverses marquesassociées.

Comprendre l’informatique

La tâche des responsables informatiques consiste àapporter aux décideurs l’information nécessaire auxgrandes décisions comme aux choix techniques propres àun projet particulier :

• expliquer ce que sont les technologies de l’informationdisponibles, en montrer l’utilité pour l’entreprise ;

• assurer une veille technologique (équipements,logiciels, méthodes,…) ;

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 111

• assurer la veille fonctionnelle en coordination avec lesdivers métiers de l’entreprise ;

• démontrer la nécessité de la relation entre stratégied’entreprise et choix informatiques ;

• analyser les grands dossiers d’investissementinformatiques et en expliquer les incidences sur leschoix stratégiques de l’entreprise ;

• présenter les métiers de l’informatique et leurévolution ;

• réduire les écarts culturels entre informaticiens etdécideurs, ce qui implique des actions des deux côtés.

Ces tâches peuvent être difficiles, tant du fait de lacomplexité des technologies de l’information que du peude temps que peuvent y consacrer les grandsresponsables. Quelques actions qui se sont déjà révéléesefficaces sont à retenir :

• entretiens entre responsables et grands fournisseurs surles orientations informatiques et l’offre du marché ;

• séminaires internes sur des sujets ciblés (Internet,télécommunications…) ;

• projets pilotes concernant de nouvelles technologies(sécurité, internet, poste de travail…) ;

• enquêtes auprès des dirigeants sur le rôle detechnologies ;

• formation de dirigeants « à la carte » ;

• études spécifiques ponctuelles à la demande.

En revanche, plusieurs tentatives d’information via une« lettre des technologies » ont donné peu de résultats,l’offre des éditeurs de la presse professionnelle et dessociétés de service ne parvenant pas à s’adapter auxattentes des dirigeants. Les axes de progrès sont connus :

112 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

• développer des rencontres avec des spécialistesexternes et des « références » ;

• identifier les messages porteurs ;

• améliorer l’information sur les conclusions de la veilletechnologique et fonctionnelle ;

• identifier les projets pilotes essentiels.

Comme on le voit, ces deux axes de développementsupposent pour le DSI de se mettre en situation dedélivrer des messages stratégiques vers les décideurs surles technologies de l’information. Notre analyse est quecela est d’autant plus facile et reconnu si le DSI aégalement entrepris de se positionner en leadertechnologique, comme nous allons le voir maintenant.

9.3 Les fondements théoriques

Le Cigref a eu l’occasion de débattre des enjeux duleadership technologique et des moyens de le développeravec Bernadette Lecerf Thomas, dirigeante du cabinetMC2, spécialisé dans la communication, les démarchesde changement et le coaching des cadres à fort potentiel.

MC2 part d’un constat : sur le thème devenu central destechnologies de l’information, les frontières del’entreprise sont désormais ouvertes de façon irréversible,et ce sont les médias, les grands fournisseurs et quelquesgourous qui contribuent de façon grandissante à forgerl’opinion des décideurs sur le sujet.

Regretter cet état de fait, c’est s’exposer pour le DSI à undécalage croissant entre les promesses entrevues àl’extérieur et le réalisme technique qui s’impose eninterne. À plus ou moins brève échéance, c’est secondamner à une attitude défensive.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 113

Pour en sortir, il faut donc être capable de passer d’uneposition réactive à une position innovatrice.

Mais être reconnu comme innovateur ne se décrète pas.Pour obtenir cette reconnaissance, MC2 préconise depasser par un certain nombre d’étapes :

Tout d’abord, rentrer dans une démarche d’innovationsuppose de remplir deux préalables :

• être prêt à communiquer ;

• être soi-même irréprochable dans la recherche de lasatisfaction des clients sur les services existants.

Dit sous cette forme, cela semble aller de soi, aussiprésenterons-nous un peu plus ces deux points afin qu’ilsprennent toute leur signification :

la communication, c’est ce que l’autre a compris, etpas forcément ce que l’on a dit ;

la perception de la qualité est un jugement cognitif,alors que la satisfaction des clients est plusrelationnelle voire affective. Fournir un service perçu(et pas seulement « mesuré ») comme de qualitéimpose donc de jouer sur les deux tableaux.

Dans ce contexte, la méthode générale pour aller versune communication efficace vers les décideurs peut serésumer par le processus itératif suivant :

114 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

QUALITE DE LA RÉALISATION - Créativité - Innovation - Réalisation - Diffusion

GESTION DES MOYENS - RETOUR SUR INVESTISSEMENT

SAVOIR ET COMPÉTENCE

Écoute

observation Stratégie

Maintenance

Suivi

InformationInfluence

Transformation

Mémorisation

ÉVALUATION

Source : MC2

La connaissance du processus de communication.

L’expérience montre néanmoins que connaître lefonctionnement du processus de communication etappliquer la méthode décrite ci-dessus ne suffit pas.

Il faut en effet être crédible vis-à-vis des autres acteurspour que l’application d’une telle méthode paraisselégitime.

Pour acquérir cette crédibilité, le spécialiste del’informatique doit donc se transformer progressivementen leader technologique.

Cette transformation est une transformation lourde.Plusieurs années sont souvent nécessaires pour passer durang de spécialiste à celui de leader.

Les différentes dimensions de la transformation à réalisersont décrites sur le tableau ci-dessous :

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 115

Position SPÉCIALISTELui-même et son

métier

MANAGERLes autres et la relation

LEADERL’intégration de l’autre etde la vision à la fonction

Polarité Contenu Processus SensValeurs Technique Organisation BusinessMode depensée

Linéairequoi et quoi faire ?

Systémiquequoi et comment faire

faire ?

HolistiquePourquoi, et pour quoi

faire ou faire faire ?

Les méthodes de coaching individuel permettent detravailler en profondeur sur plusieurs dimensions del’identité amenées à évoluer :

• l’identité personnelle ;

• l’identité managériale ;

• l’identité relationnelle.

Mais pour éviter de se trouver au terme du processusavec un DSI visionnaire coupé du reste de l’organisation,il ne faut pas oublier de travailler sur deux autresdimensions :

• la satisfaction client qui, comme nous l’avons déjà vu,ne peut souffrir aucune dégradation ;

• une évolution dans l’équipe du DSI. Être capable defaire évoluer la culture de l’équipe par des approchesde dynamique de groupe pourra en effetconsidérablement renforcer le statut du DSI, qui seravalorisé dans l’entreprise par la compétence et la visionreconnues de ses proches collaborateurs.

C’est donc bien d’un projet de changement qu’il s’agit,qui comme tout changement doit s’articuler autour dephases de formation, d’opérations et de régulation.

La progression se fait par étapes et passe par uneévolution des compétences et un changement progressifde statut. Cela n’est pas donné à tout le monde, et

116 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

l’environnement notamment organisationnel ne le permetpas toujours. Dans ces cas, trois recours sont possiblespour se positionner peu à peu comme celui qui fait rêversur les technologies de l’information :

• Se mettre en situation de risque en allant au devant desautres, ce qu’un des directeurs généraux interrogé dansle cas de l’enquête Cigref-Sofres résumait à sa manièrepar la phrase déjà citée : « Il y a urgence à être plusparticipatif, à prendre le goût du partage desresponsabilités. »

• Faire appel à des ressources externes pour déployerune communication innovante et adaptée àl’environnement.

• Rechercher des alliés en interne pour développer unevision pouvant ensuite être soutenue par le reste del’entreprise.

Ce que le diagramme ci-dessous reprend de façonrésumée :

Si aujourd’hui vous ne voussentez pas en position pour

être leader de l’entreprise(pour les évolutions NTIC/Business)et que vous pensez être légitimepour ce rôle.

Rêve

Réalisation

Critique

Ø Le désirerØ Prendre vos responsabilitésØ Trouver des ressources et des alliés

Trois recours pour se positionner comme leader sur les TIC.

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 117

Le créneau des technologies de l’information n’a sansdoute jamais été aussi porteur qu’aujourd’hui. À chacund’évaluer le rôle qu’il entend y jouer demain…

9.4 Les points à retenir

Le DSI soit s’attacher à mieux faire comprendrel’informatique et à gérer l’image de sa direction.

Changer le regard des autres, c’est aussi se changersoi.

La démarche assumée de recherche du leadership parle DSI apparaît aujourd’hui comme un outil puissantpour faire entrer l’informatique à l’âge adulte dans lesentreprises.

Il y a urgence à être plus participatif, à prendre le goûtdu partage des responsabilités (dixit un DG).

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 119

10. PERSPECTIVES : Y A-T-IL UNE VIE INFORMATIQUE APRÈS

L’AN 2000 ?

10.1 Les dix règles d’or… ou la preuve par neuf

Les dix règles d’or

• savoir reconnaître les différentes approches possibles etretenir les plus appropriées dans un contexte donné ;

• faire inlassablement comprendre le rôle devenuincontournable des TIC et identifier les bonnesoccasions à saisir par l’entreprise ;

• se rappeler que la valeur, c’est celle perçue par leclient, et en tirer les leçons ;

• apprendre à faire la promotion de gammes de solutionsqui dégagent de la valeur ajoutée ;

• recevoir l’appui de la direction générale ;

• organiser sa stratégie clientèle ;

• impliquer les DO le plus en amont possible ;

• ne pas tout ramener à une relation client-fournisseur ;

• travailler à la reconnaissance d’un rôle de leader ;

• redonner le pouvoir de décision aux décideurs.

En gardant présent à l’esprit qu’il faut trouver le justeéquilibre entre le « tout communication » et le « touttechnique ». Nous conseillons ainsi à chacun de réaliserune courbe de satisfaction sur le modèle ci-dessous, maisen prenant en compte le contexte particulier de sa propreentreprise, afin de mettre en œuvre la stratégie la plusefficace possible.

120 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

« tout-communication »

« tout-technique »satisfaction

problèmes étouffésrelations difficiles

les problèmescommencent à filtrer

les utilisateursn’apprécient pasles effortstendance au gadget

discussion efficacedes problèmesconflits évités

les utilisateurs peuventne pas apprécier ouconnaître les solutions

les utilisateurs manquent de repères pour mesurer la qualité des solutions

résolution des problèmes optimale satisfaction des utilisateurs technique utile

« juste-équilibre »

Les courbes d’iso-satisfaction des utilisateurs.

La preuve par neuf

Pour les rétifs au prêt à penser, un outil par chapitre pourleur permettre d’instrumenter leur propre visionstratégique de l’informatique dans les meilleuresconditions :

• utilisez les sondages dirigeants ;

• faites régulièrement des analyses de la valeur etadaptez vos programmes d’action en conséquence ;

• ancrez vos démonstrations dans le réel ;

• prenez l’initiative de normes et de standards ;

• dressez la matrice attrait / pérennité de vos relationsclients ;

• procédez à des enquêtes de satisfaction ;

Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs 121

• travaillez à la constitution de pôles d’excellencetechnologique ;

• travailler votre processus de communication ;

• passez l’an 2000.

10.2 Si loin, si proche…

Ce rapport a été écrit en l’an de grâce 1999, à quelquesmois de ce que certains observateurs ont prédit être laplus grande catastrophe informatique de tous les temps,voire pour certains la plus grande catastrophe de tous lestemps tout court.

Loin de nous l’idée de suggérer à notre lecteur de brandircet ouvrage comme un remède miracle pour chasser auloin les bogues informatiques, fussent-ils de l’an 2000(mais d’autres ouvrages du Cigref ont pu aider à trouverle chemin de la rédemption à temps, à condition de nepas avoir raté le premier épisode qui date, rappelons-le,de 1996).

Nous croyons en revanche qu’il y a une vie après l’an2000, et que les défis des technologies de l’informationseront plus excitants qu’ils ne l’ont jamais été, par lesimplications en profondeur qu’ils auront dans la vie desentreprises et dans la mise en place d’une société enréseau.

Nous savons bien évidemment que tous, y compris chezles responsables informatiques, ne partent pas forcémentavec un environnement immédiat très favorable. Maisnous espérons que chacun lecteur dans son contexte quilui est propre, aura trouvé dans les différents chapitres dece rapport des axes de développement pour lui, pour sesclients et pour son entreprise.

Dans cette société en mouvement, nous pensons que lesapports du marketing à l’informatique et aux

122 Cigref – Marketing de l'informatique auprès des décideurs

télécommunications d’entreprise devraient revêtir uneimportance fondamentale dans les programmes d’actiondes années à venir.

Et si nous n’avions qu’un conseil à faire ressortir de cetteétude, il serait celui-ci : faites du marketing informatique,pour redonner le pouvoir de décision en informatiqueaux décideurs.

Car décider en connaissance de cause, c’est une desmeilleures choses qui puisse arriver à chacun d’entrenous.