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Localisation des industries et enjeux urbains dans l’agglom´ eration du Grand Tunis Riadh Soussi To cite this version: Riadh Soussi. Localisation des industries et enjeux urbains dans l’agglom´ eration du Grand Tu- nis. History. Universit´ e Paul Val´ ery - Montpellier III, 2013. French. <NNT : 2013MON30042>. <tel-00958830> HAL Id: tel-00958830 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00958830 Submitted on 13 Mar 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

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  • Localisation des industries et enjeux urbains dans

    lagglomeration du Grand Tunis

    Riadh Soussi

    To cite this version:

    Riadh Soussi. Localisation des industries et enjeux urbains dans lagglomeration du Grand Tu-nis. History. Universite Paul Valery - Montpellier III, 2013. French. .

    HAL Id: tel-00958830

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00958830

    Submitted on 13 Mar 2014

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a` la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

  • UNIVERSIT PAUL-VALRY MONTPELLIER III Arts et Lettres, Langues et Sciences Humaines et Sociales

    COLE DOCTORALE Territoire, Temps, Socits et Dveloppement

    DOCTORAT DE LUNIVERSIT PAUL-VALRY MONTPELLIER III

    Riadh SOUSSI

    Localisation des industries et enjeux urbains dans lagglomration du Grand Tunis

    Thse dirige par Jean-Marie MIOSSEC

    Soutenue le 14 mai 2013

    Jury :

    Bernadette MERENNE, Professeur des Universits, Universit de Lige, Rapporteur

    Adnane HAYDER, Professeur, Facult des sciences humaines et sociales de Tunis, Rapporteur

    Raffaele CATTEDRA, Professeur, Universit Paul-Valry Montpellier III, Examinateur

    Laurent CHAPELON, Professeur, Universit Paul-Valry Montpellier III, Examinateur

    Jean-Marie MIOSSEC, Professeur, Universit Paul-Valry Montpellier III, Directeur de thse

    Olivier TORRES, Professeur, Universit Montpellier I, Examinateur

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    UNIVERSIT PAUL-VALRY MONTPELLIER III Arts et Lettres, Langues et Sciences Humaines et Sociales

    COLE DOCTORALE Territoire, Temps, Socits et Dveloppement

    DOCTORAT DE LUNIVERSIT PAUL-VALRY MONTPELLIER III

    Riadh SOUSSI

    Localisation des industries et enjeux urbains dans lagglomration du Grand Tunis

    Thse dirige par Jean-Marie MIOSSEC

    Soutenue le 14 mai 2013

    Jury :

    Bernadette MERENNE, Professeur des Universits, Universit de Lige, Rapporteur

    Adnane HAYDER, Professeur, Facult des sciences humaines et sociales de Tunis, Rapporteur

    Raffaele CATTEDRA, Professeur, Universit Paul-Valry Montpellier III, Examinateur

    Laurent CHAPELON, Professeur, Universit Paul-Valry Montpellier III, Examinateur

    Jean-Marie MIOSSEC, Professeur, Universit Paul-Valry Montpellier III, Directeur de thse

    Olivier TORRES, Professeur, Universit Montpellier I, Examinateur

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    A mes parents

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    Remerciements

    Je souhaite tout dabord exprimer toute ma gratitude mon directeur de thse, Jean-Marie MIOSSEC qui, mes yeux, est bien plus quun simple directeur de recherche.

    Que soient remercis galement les membres du jury qui ont accept dvaluer cette thse.

    Je tiens galement remercier mes collgues du ministre de lindustrie qui mont aid sur le plan des informations et des changes (Mme Ben Amara, Moujahed, Adel, Taoufik, Radhouane, Bouthena) ainsi que Mohamed Hdhili expert auprs du projet RECAPZI, le personnel de lAgence Foncire Industrielle, de lAgence de Promotion de lIndustrie, du Registre Central du Commerce, de la Direction Gnrale de lAmnagement du Territoire, de la FIPA et tous les professionnels et praticiens qui mont aid la ralisation des enqutes, des entrevues et des tudes danalyse fonctionnelle et de prospective.

    Je suis galement reconnaissant envers mes collgues Kamel Mellah et Mohamed Saied qui mont beaucoup aid sur le plan informatique. Leur apport sest avr trs pertinent.

    Une pense reconnaissante va aussi mes copains doctorants pour leur soutien et leur encouragement. Je pense particulirement Gilles Ardinat, Ada Tarhouni, Emna Jedidi, Zeneb, Khalifa et Jean-Charles Denain pour sa relecture attentive de la version finale.

    Un grand Merci Manel et Hla qui se sont fortement mobilises au moment de la phase de rdaction.

    Pour finir, comment pourrais-je oublier mes parents, mes frres, mes surs et ma famille qui je dois d'en tre arriv l ? Quils trouvent ici ma profonde reconnaissance.

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    Table des abrviations

    AFA : Agence Foncire Agricole AFI : Agence Foncire Industrielle AFT : Agence Foncire Touristique AMVPPC : Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de la Promotion Culturelle ANEP : Agence Nationale dExploitation et de mise en valeur du Patrimoine ANGED : Agence Nationale de Gestion des Dchets ANPE : Agence Nationale de la Protection de lEnvironnement APAL : Agence de Protection et dAmnagement du Littoral API : Agence de Promotion de lIndustrie ARRU : Agence de Rhabilitation et de Restauration Urbaine AUGT : Agence Urbaine du Grand Tunis BCT : Banque Centrale Tunisienne BFPME : Banque de Financement des Petites et Moyennes Entreprises BIRD : Banque Internationale pour la Construction et le Dveloppement CIAT : Commission Interdpartementale dAmnagement du Territoire CMF : Conseil du March Financier CNEL : Caisse Nationale dEpargne Logement DT : Dinar Tunisien FIPA : Foreign Investment Promotion Agency FMI : Fonds Montaire International FOPRODI : Fonds de Promotion et de Dcentralisation Industrielle FOPROLOS : Fonds de Promotion de Logement pour les Salaris FONAPRAM : Fonds National de la Promotion de l'Artisanat et des Petits Mtiers GMG : Groupement de Maintenance et de Gestion IDE : Investissement Direct Etranger INS : Institut National de la Statistique INSEE France : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques JORT : Journal Officiel de la Rpublique Tunisienne ONAS : Office National de lAssainissement PDU : Plan Directeur dUrbanisme PRF: Plan de Rserves Foncires PIF: Plan dInterventions Foncires PVDT: Plan Vert du District de Tunis SDA : Schma Directeur dAmnagement SDATN : Schma Directeur dAmnagement du Territoire National SNAT : Schma National dAmnagement du Territoire SNCFT : Socit Nationale des Chemins de Fer Tunisiens SONEDE : Socit Nationale dExploitation et de Distribution des Eaux SPLT : Socit de Promotion du Lac de Tunis STIA : Socit Tunisienne d'Industrie Automobile STEG : Socit Tunisienne d'Electricit et du Gaz UTICA : Union Tunisienne de lIndustrie du Commerce et de lArtisanat

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    Table des matires

    INTRODUCTION GENERALE ....................................................................................................................... 13

    PREMIERE PARTIE : POLITIQUE DE LOCALISATION DES ACTIVITES INDUSTRIELLES DANS

    LAGGLOMERATION DU GRAND TUNIS ................................................................................ 29

    CHAPITRE I : PROGRAMMATION ET REALISATION DES STRUCTURES DACCUEIL POUR LINDUSTRIE ........ 31

    1. LE FAIT INDUSTRIEL DANS LAGGLOMERATION TUNISOISE ....................................................................................... 31

    1.1. Lindustrie et les activits industrielles ............................................................................................ 31 1.2. Gense et volution du fait industriel ............................................................................................. 34

    a) Les principales activits industrielles avant lindpendance .......................................................................... 34 b) La mise en place dune industrie nationale .................................................................................................... 35

    1.3. Naissance et volution des espaces ddis lindustrie ................................................................. 42 a) Naissance du concept zones industrielles ...................................................................................................... 42 b) Evolution des zones industrielles ................................................................................................................... 43 c) A quoi servent les zones industrielles ? .......................................................................................................... 43 d) Les premires formes des implantations industrielles tunisoises .................................................................. 44

    1.4. Typologie des espaces daccueil de lindustrie ................................................................................ 46 a) Sites des grandes units industrielles isoles ................................................................................................. 46 b) Zones dindustries manufacturires ............................................................................................................... 47 c) Zone dactivits .............................................................................................................................................. 49 d) Zones franches conomiques ......................................................................................................................... 50 e) Zone Industrielle lie une Plate forme Logistique ....................................................................................... 51 f) Zone Industrielle corridor ............................................................................................................................... 53 g) Zones industrielles lies aux technopoles, aux ples de comptitivit et aux complexes industriels et

    technologiques ................................................................................................................................................... 54 h) Parc dactivits ............................................................................................................................................... 57 i) Btiments industriels....................................................................................................................................... 57

    2. POLITIQUE INDUSTRIELLE ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE : LA CONJONCTION ? ...................................................... 59

    2.1. Champ dinteraction entre socit industrielle et socit urbaine .................................................. 59 2. 2. Imbrication de la politique industrielle dans les politiques publiques ............................................ 63 2.3. Orientations en matire damnagement industriel ....................................................................... 67

    a) Elaboration et mise en uvre dune politique de localisation ....................................................................... 67 b) La politique de localisation post-rvolution ................................................................................................... 69

    2.4. Programmation des zones industrielles .......................................................................................... 71 a) Programme initial ........................................................................................................................................... 71 b) Programme actualis ..................................................................................................................................... 73

    3. MODALITES PRATIQUES DE REALISATION DES STRUCTURES DACCUEIL DE LINDUSTRIE .................................................. 77

    3.1. Procdure de ralisation des zones industrielles ............................................................................. 77 a) Ralisation des zones industrielles par lAFI et les promoteurs privs ........................................................... 77 b) Ralisation des zones industrielles par les collectivits locales ..................................................................... 81

    3.2. Les diffrents intervenants institutionnels dans la ralisation dune zone industrielle ................... 86 3.3. Cycle de vie dune zone industrielle ................................................................................................. 87

    CHAPITRE II : LOCALISATION DE LINDUSTRIE DANS LAGGLOMERATION TUNISOISE ............................... 91

    1. LA CONCENTRATION INDUSTRIELLE TUNISOISE ...................................................................................................... 91

    1.1. Les ports: un atout pour le dveloppement de lespace industriel ? ............................................... 91 1.2. Dnombrement des zones industrielles de lagglomration tunisoise ............................................ 93 1.3. La Structure du parc productif de lagglomration du Grand Tunis ................................................ 96 1.4. Les principaux lments caractristiques de la structure industrielle ........................................... 104

    2. ATTRACTIVITE TERRITORIALE ET ATTRACTIVITE SECTORIELLE DES ZONES INDUSTRIELLES DE LAGGLOMERATION TUNISOISE .. 113

    2.1. Caractristiques sectorielles des zones industrielles ..................................................................... 113 a) Comment mesurer lattractivit et la spcialisation ? .................................................................................. 113 b) Profil sectoriel des zones industrielles tunisoises ........................................................................................ 114

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    2. 2. Etude des zones industrielles en rapport avec leur appartenance spatiale ................................. 115 a) Dnombrement des zones industrielles en fonction de leur positionnement gographique ...................... 115 b) Profil sectoriel des zones territoriales de lagglomration tunisoise .......................................................... 119

    2.3. Analyse structurelle gographique (Shift and Share) de lattractivit des zones industrielles ...... 120 3. CRITERES DE LOCALISATION DE LINDUSTRIE TUNISOISE ........................................................................................ 126

    3.1. Bref aperu sur les modles thoriques de localisation industrielle .............................................. 126 3.2. Facteurs ou critres de localisation ? ............................................................................................ 128 3.3. Portrait des critres dcisionnels de localisation industrielle ........................................................ 129 3.4. Nouvel outil daide la dcision de localisation : le modle squentiel crois ............................. 133

    CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ................................................................................................... 141

    DEUXIEME PARTIE : SYSTEME FONCIER ET LOCALISATION DES INDUSTRIES ........................................... 143

    CHAPITRE III : SYSTEME FONCIER : PROCEDURES ET ACTEURS ................................................................ 145

    1. PROBLEMATIQUE DU FONCIER DANS LAGGLOMERATION TUNISOISE ....................................................................... 145

    1.1 Aperu sur le systme foncier tunisien ........................................................................................... 145 1.2. Systme foncier et estimation des besoins de lindustrie .............................................................. 148 1.3. Loffre de terrains industriels : une affaire plus publique que prive ............................................ 151

    2. LA MAITRISE DU FONCIER INDUSTRIEL ............................................................................................................... 153

    2.1. Politique foncire : les principaux outils ........................................................................................ 153 2.2. Rgles damnagement ................................................................................................................ 161 2.3. Les prescriptions durbanisme dans les zones industrielles ........................................................... 166

    3. LENJEU DU FONCIER INDUSTRIEL : UNE ANALYSE PAR LES JEUX DES ACTEURS ............................................................ 169

    3.1. MACTOR : acteurs, enjeux et objectifs .......................................................................................... 169 3.2. Prsentation des acteurs : leurs enjeux et objectifs ...................................................................... 171 3.3 Donnes dentres.......................................................................................................................... 173 3.4. Livrables, commentaires et interprtations .................................................................................. 176

    CHAPITRE IV : QUID DE LIMPACT DU SYSTEME FONCIER SUR LESPACE INDUSTRIEL ? ........................... 187

    1. LE FONCIER, GOULOT DETRANGLEMENT POUR LA CREATION DE LESPACE INDUSTRIEL ................................................ 187

    1.1. Le dumping foncier des zones industrielles ................................................................................... 187 1.2. Laccs la proprit et lcueil du foncier ................................................................................... 191 1.3. Raret du sol urbain et spculation foncire ................................................................................. 195

    2 . LE POIDS DES CONTRAINTES FONCIERES SUR LACTIVITE INDUSTRIELLE .................................................................... 199

    2.1. Exurbanisation de lindustrie tunisoise ......................................................................................... 199 2.2. Densification spatiale des zones industrielles ............................................................................... 205 2.3. Le cas de la zone industrielle Ariana Aroport : une occupation du sol bouleversante ............... 212

    3. DES DISPONIBILITES FONCIERES MAL EXPLOITEES PAR LINDUSTRIE ......................................................................... 219

    3.1. Le stock foncier ............................................................................................................................. 219 3.2. Les lots non remplis dans les zones industrielles ........................................................................... 223 3.3. Changement de vocation des terres agricoles : le grignotage ...................................................... 225

    CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE : ................................................................................................. 229

    TROISIEME PARTIE: INTEGRATION URBAINE ET PROMOTION DES ZONES INDUSTRIELLES DE

    LAGGLOMERATION DU GRAND TUNIS .............................................................................. 231

    CHAPITRE V : ACTIVITES INDUSTRIELLES ET ESPACE URBAIN : SOLIDARITE OU RUPTURE ? ..................... 233

    1. INTEGRATION URBAINE DES ZONES INDUSTRIELLES .............................................................................................. 233

    1.1. Eclairage sur lintgration urbaine ................................................................................................ 233 1.2. Intgration des implantations industrielles avant les annes 1960 ............................................. 236 1.3. Intgration des zones industrielles des annes 1960-1980 ........................................................... 240 1.4. Intgration des zones industrielles des annes 1980-2000 ........................................................... 241

    2. ELABORATION DUN OUTIL DEVALUATION DE LINTEGRATION URBAINE ACTUELLE DES ZONES INDUSTRIELLES .................. 244

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    2.1. Cahier des charges de loutil ......................................................................................................... 244 2.2. Elaboration dune grille danalyse ................................................................................................. 246

    a) Choix des rfrences .................................................................................................................................... 246 b) Pondration de la grille ................................................................................................................................ 261

    2.3. Elaboration dun nouvel indice de suprmatie : application lintgration urbaine .................... 263 a) Rsultats obtenus ......................................................................................................................................... 265 b) Apprciation gnrale des zones industrielles ............................................................................................. 269 c) Freins lintgration urbaine des zones industrielles .................................................................................. 270 d) Prconisations .............................................................................................................................................. 275

    3. FONCTIONNEMENT URBAIN DES ZONES INDUSTRIELLES : UNE APPROCHE PAR LANALYSE FONCTIONNELLE ...................... 279

    3.1. Dtermination du besoin fondamental ......................................................................................... 280 3.2. Recherche de fonctions : le graphe des interacteurs..................................................................... 281 3.3. Evaluation du fonctionnement urbain des zones industrielles ...................................................... 289

    CHAPITRE VI : ETUDE PROSPECTIVE DE LA PROMOTION DES ZONES INDUSTRIELLES DE

    LAGGLOMERATION DU GRAND TUNIS .............................................................................. 293

    1. APPREHENDER LA PROMOTION DES ZONES INDUSTRIELLES : QUELLE DEMARCHE ADOPTER ? ........................................ 293

    1.1. Aperu gnral sur la promotion des zones industrielles .............................................................. 293 1.2. La dmarche adopte ................................................................................................................... 296

    2. LE BILAN DES EFFORTS DE PROMOTION DES ZONES INDUSTRIELLES TUNISIENNES ........................................................ 297

    2.1. Le Projet de Renforcement des Capacits de la gestion durable des Zones Industrielles.............. 297 2.2. Les effort de la FIPA....................................................................................................................... 303

    3. ETAT DE LA PROMOTION DES ZONES INDUSTRIELLES ............................................................................................ 304

    3.1. Les exemples de Mgrine Z4, Borj Cdria et Ksar Sad .................................................................. 304 a) Cas de la zone industrielle Mgrine Z4 ......................................................................................................... 304 b) Cas de la zone industrielle de Borj Cedria .................................................................................................... 307 c) Cas de la zone industrielle de Ksar Sad ........................................................................................................ 310

    3.2. Le diagnostic par lanalyse SWOT ................................................................................................. 312 a) les forces ...................................................................................................................................................... 314 b) les faiblesses ................................................................................................................................................ 316 c) Les Opportunits .......................................................................................................................................... 320 d) Les Menaces ................................................................................................................................................. 322 e) Synthse de lanalyse SWOT ........................................................................................................................ 324

    3.3. Analyse structurelle laide du logiciel MICMAC .......................................................................... 324 a) Bref aperu sur la mthode Micmac ............................................................................................................ 324 b) Recensement et choix des variables ............................................................................................................ 325 c) Matrice des Influences Directes Potentielles (MIDP) ................................................................................... 327 d) Utilits et limites des rsultats ..................................................................................................................... 330

    4. ANALYSE MORPHOLOGIQUE ET PERSPECTIVES STRATEGIQUES ................................................................................ 332

    4.1. Travaux pralables ........................................................................................................................ 333 4.2. Perspectives stratgiques .............................................................................................................. 334

    a) Vision de la promotion des zones industrielles ............................................................................................ 334 b) Options stratgiques .................................................................................................................................... 335 c) Dtermination des politiques et actions entreprendre ............................................................................. 336

    CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE : ................................................................................................ 346

    CONCLUSION GENERALE : ....................................................................................................................... 349

    BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................................... 353

    ANNEXES.. ......................................................................................................................................... 377

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  • 13

    Introduction Gnrale

    La localisation des activits a toujours fait lobjet, dun nombre croissant de travaux, tant sur le plan thorique, que sur le plan empirique. En effet, les premiers lments d'une thorie conomique de la localisation ont t poss par Von Thnen ds 1826. Cependant, "le modle de Von Thnen, qui a trait aux activits agricoles, vise expliquer les diffrences de rentes entre terres agricoles plus que la localisation des activits conomiques en elle-mme" 1. Les efforts de ces chercheurs et dautres comme A. Weber pour la localisation des activits industrielles ont t poursuivis ce qui a permis dlaborer des modles de localisation des activits conomiques et des schmas thoriques qui rgissent la relation activit / espace et qui tentent de mieux dcrire et comprendre cette relation.

    Ces modles mettent en avant des analyses spatiales de la localisation et de lorganisation des activits dans lesquelles lespace nest plus considr comme un simple rceptacle passif des firmes mais plutt comme "un ensemble spatialement concentr et historiquement constitu, dactivits techniques productives, institutionnelles mises en uvre et coordonnes de manire variable, par une pluralit dorganisations : firmes, centres de recherche, collectivits locales, organismes professionnels" 2.

    Cependant, ces modles demeurent, par quelques aspects, limits, dans la mesure o les dcisions entourant les choix de localisation sont trs complexes et l'tude des facteurs de localisation des industries na jusquici pas russi crer un consensus certain, que ce soit au niveau de la dmarche suivie ou des conclusions. Les schmas proposs se sont avrs incapables de rsoudre tous les problmes dans la mesure o "ils connaissent certaines faiblesses qui pourront tre rsumes notamment dans la simplicit des explications des choix de localisation et lintroduction, sans preuve tangible, de lexistence de relations structurelles entre ltablissement et son environnement sur la seule base de la proximit physique" 3. Si ces modles concernent plus les grandes mtropoles des pays dvelopps, il nen demeure pas moins vrai pour les pays du Tiers Monde. Dailleurs, Bernadette Merenne-Schoumaker dans son ouvrage "La localisation des industries" confirme ce constat en prcisant que " Depuis une trentaine danne, les changements de localisation concernent aussi le Tiers Monde dont lindustrialisation progresse et qui regroupe sans conteste de nouveaux espaces industriels" 4.

    Lagglomration de Tunis na pas chapp ce constat et la localisation de ses industries a connu plusieurs phases dvolution, de recomposition et de redploiement. Ce processus a volu, semble-t-il, selon une trajectoire complexe et dsordonne. En effet, lvolution des formes dorganisation des activits productives dans lespace urbain et les divers changes et flux quengendre chacune delles est, priori, difficilement lisible.

    Il ne serait donc pas facile, par-del le dsordre apparent qui caractrise ce processus, de mettre en vidence la trajectoire - ou du moins une trajectoire de lvolution de la

    1 SERGOT B., 2004, p.42.

    2 DUPUY C. et GILLY J.P.,1995, p.137.

    3 FISHER A., 1994, p.93

    4 MERENNE-SCHOUMAKER B.,1991, p.36.

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    localisation : une trajectoire qui savre tre la fois et de manire indissociable comme une conjonction dune recomposition simultane de lappareil productif et de lespace urbain.

    La dmarche nest gure vidente. Parmi les recherches ralises concernant lindustrie en Tunisie et son rapport avec lespace urbain, le champ particulier de la localisation industrielle est rest un domaine pour lequel, on rencontre peu de travaux de recherche de la part des urbanistes, des gographes, des conomistes ou des sociologues.

    Les analyses de la dynamique dinstallation des activits industrielles ont t toujours difficiles puisque, selon ltude du Groupe Huit-Dirasset sur les zones industrielles "les relations entre lindustrie et la ville sont faites dattraction et de rpulsions rciproques varies et complexes" 5. Cette tude prcise que la ville traditionnelle, que ce soit la mdina arabe ou la ville europenne dancien rgime, avait une structure corporative, chaque mtier avait sa rue (la rue des bouchers, la rue des tanneurs, la rue des foulons etc..) et lensemble tait organis selon une double logique : conomique et technique. Les corporations se situaient en fonction des donnes du terrain, et en fonction de leur puissance respective, les plus riches occupaient les meilleurs emplacements.

    De nos jours, la relation entre la ville et lindustrie se complexifie du fait que lindustrie est" une activit anti-urbaine, qui entre en conflit direct avec la ville. Elle cre un nouveau type dtablissement, lusine, qui exige de grands espaces et des facilits de communication ce qui est incompatible avec les structures urbaines traditionnelles" 6. Ceci a engendr une complexit accrue de la relation qui rgit les interactions conomiques et sociales des activits industrielles avec lespace urbain ainsi que du processus de leur volution et de leur rapport avec les enjeux du dveloppement urbain.

    En outre, le nombre et la diversit des ressources, notamment des rseaux et des externalits autour des sites productifs, constituent un milieu propice laccroissement et lacclration des flux matriels et immatriels, la densification des possibilits relationnelles, larticulation du local dans le global et, par suite, lvolution et la diversit, voire la complexit des processus dintgration de ces diffrents sites dans lespace urbain.

    Dautre part, et sur le plan macroconomique, les espaces industriels gnrent des disjonctions spatiales, des diffrences conomiques et sociales remarquables entre les rgions. Ltablissement de ces espaces, loin de susciter luniformit, a tendance, sur le plan conomique et social aussi bien quen matire dorganisation de lappareil productif, se manifester sous la forme dune mosaque dsordonne et ingalitaire. Dailleurs, Belhedi A. dans son ouvrage "Espace et Socit en Tunisie : dveloppement, organisation et amnagement de lespace en Tunisie depuis lindpendance", en se basant sur une classification des centres urbains selon leur vocation industrielle, a montr que lindustrie contribue renforcer la place de certains centres aux dpens dautres crant ainsi une certaine perturbation du systme urbain.

    5 Ministre de lEnvironnement et de lAmnagement du Territoire, 1997, p.8.

    6 Ministre de lEnvironnement et de lAmnagement du Territoire, 1997, p.8.

  • 15

    En raison de toutes ces difficults et de la complexit de la relation entre lindustrie et la ville, aucune tude urbaine denvergure na t entame sur la question croise de la localisation des industries et du dveloppement urbain dans lagglomration de Tunis. Les tudes qui ont t ralises ont laiss dans lombre cette question : elles ont opr dans une logique sectorielle privilgiant lune ou lautre des composantes du binme industrialisation-urbanisation pour reprendre lexpression dAlain DUBRESSON. Elles nont pas articul dans une seule et mme dmarche dynamique lobservation des volutions conjointes, concurrentes ou entrecroises des activits industrielles en filiation par rapport au dveloppement et aux enjeux de lespace urbain.

    Mais ce qui est a t prouv inluctablement par la quasi totalit de ces travaux, cest que la trajectoire de l'appareil productif de la Tunisie na connu que des formes lgres de concentration dtablissements dentreprises tant donn labsence de formes massives et complexes tels que les sites industrialo-portuaires ou les ville-usines.

    Ceci tait bien videmment la consquence dun choix dlibr de ladministration coloniale qui a esquiss sa guise lamorce des premires installations industrielles sous forme dunits industrielles peu regardantes sur les conditions de leur localisation. Dans ce choix fait par le colonisateur, les villes ctires, dont notamment Tunis, ont t les plus favorises en termes dindustries par comparaison aux autres villes du pays.

    A ces ralisations inities par le colonisateur, "un effort a t poursuivi par le gouvernement tunisien aprs lindpendance tmoignant dune volont politique de crer des ples de croissance valorisant les ressources rgionales" 7, visant rquilibrer lintrieur du pays par rapport aux zones littorales. Ainsi, partir des annes 60, de grands projets voient le jour : alfa Kasserine (1963), betterave sucre Bja (1962), acirie Menzel Bourguiba (1966), construction et rparation navale : SOCOMENA (1964), les ateliers Mcaniques du Sahel (1963), lindustrie automobile : STIA (1961), etc. signalant le fondement dune industrie nationale pour diminuer les importations et exprimant clairement cette volont de modifier lensemble de larmature urbaine hrite et de diversifier les productions rgionales8.

    Ce souci dquit entre les rgions et cette volont de lutter contre les disparits rgionales constituent un lment dterminant dans le choix des localisations industrielles, qui ne correspondent pas toujours aux critres habituellement retenus en termes dconomie et de proximit. Ceci a donn lieu une rpartition htrogne des implantations industrielles selon des mouvements de concentration et dtalement au profit dun nombre rduit de sites priphriques ou centraux des villes.

    Dautre part, les nouveaux besoins et les nouvelles contraintes de localisation qui apparaissent dans un contexte de comptition et dincertitude accrues, et, de manire plus gnrale, en raison des mutations dordre conomique et technique modifient lenvironnement et lorganisation de lentreprise. Afin dassurer le bon dveloppement de

    7 BELHEDI A., MIOSSEC J-M. et al., 1980, p.15.

    8 Ministre de lEnvironnement et de lAmnagement du Territoire, 2001.

  • 16

    leur activit et conserver leur comptitivit, "la localisation est devenue pour les entreprises et les dcideurs un choix de plus en plus stratgique" 9. Immanquablement, la stratgie de localisation des tablissements soulve pour les pouvoirs publics dimportants enjeux conomiques et urbanistiques. Ils sont appels supporter les cots induits par les oprations dimplantation et accompagner les mutations technologiques et le dveloppement industriel par diffrentes actions qui relvent de leur domaine : amnagement industriel, formation de la main duvre, transport, etc. "Ils doivent faire face galement aux mouvements migratoires vers les villes engendrs par les entreprises favorisant ainsi la dislocation du tissu social et gnrant des dsquilibres et des dchirements tant individuels que familiaux" 10.

    En effet, lemploi industriel exerce une forte attraction sur les ruraux, les manuvres et les non qualifis. Loffre demploi si minime soi-t-elle, dclenche un mouvement migratoire qui se poursuit au del du processus qui lui a donn naissance. "Cest le cas des mouvements qui se dclenchent avec la cration dune usine ou plus gnralement dun ple dattraction conomique" 11.

    De plus lespoir conomique, linnovation, le dveloppement et la modernit qui caractrisent la ville lui confrent une image positive que les pouvoirs publics sont appels prserver travers un bon fonctionnement et un quilibre adquat entre cadre de vie, dveloppement industriel et environnement.

    Ctait dailleurs le cas de la ville de Tunis. En effet, limage de plusieurs villes coloniales, Tunis a vu apparatre trs tt des implantations industrielles. "Limplantation des premiers espaces industriels de la capitale remonte lavant premire Guerre Mondiale" 12. De grosses units industrielles se sont fixes dans la zone Sud de Tunis proximit du port, du chemin de fer et des gisements de carrires quelles utilisaient donnant lieu une banlieue industrielle o sont mls la fois usines et habitats ouvriers13.

    Ce nest quen 1964 que fut signale, "par une tude pilote par la municipalit de Tunis, la ncessit de crer des zones industrielles en vue daccueillir la fois de nouveaux projets industriels et des units devant faire lobjet dun transfert vers la priphrie de la ville" 14.

    Suite aux recommandations de cette tude, la municipalit de Tunis sest alors engage dans la cration et lamnagement des zones industrielles et cest ainsi que furent cres dans les annes soixante les zones industrielles de Charguia, Ben Arous, Mgrine, Jebel Jelloud et Mannouba.

    En 1973, lEtat a cr lAgence Foncire Industrielle marquant ainsi sa volont dappuyer la structuration et le dveloppement de lamnagement industriel en Tunisie. Depuis cette date et jusqu 2010, lAgence a amnag 83 zones industrielles couvrant une superficie

    9 TARONDEAU J-C., 998), p.211.

    10 MUTIN G., 1982, p.143.

    11 Ministre de lEnvironnement et de lAmnagement du Territoire, 2001, p.130.

    12 DLALA H., 1993, p.144.

    13 MINISTERE DE LINDUSTRIE, 1997, p.1.

    14 DLALA H., 1993, p.145.

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    de 2431 ha, soit 63% de la superficie totale amnage dans tout le pays. Parmi ces 83 zones, 16 ont t amnages dans lagglomration du Grand Tunis. Ainsi le nombre total de zones industrielles dans cette agglomration a t lev 44 zones couvrant une superficie totale de 1768 ha.

    Le tableau et la carte ci-aprs montrent la rpartition des diffrentes zones industrielles dans les quatre gouvernorats du Grand Tunis15.

    Tableau 1: Rpartition des zones Industrielles dans le Grand Tunis Gouvernorat Nombre

    de zones16 Superficie en (ha)

    Tunis 7 335 Ben Arous 22 1068 Ariana 7 203 Mannouba 8 102 Total Grand Tunis 44 1708

    Sources : Rapports de suivi du 11me Plan de Dveloppement Economique et Social, Ministre de lIndustrie et de la Technologie.

    15 Le primtre du Grand Tunis est situ entre la latitude Nord de 36 25 et 37 5 et la longitude Est de 9

    40 et 10 25 sur une superficie totale de 257.178 ha dont une surface en eau (lac, sebkha, barrage) de 10.900 ha. Il couvre les quatre gouvernorats : Tunis, Ariana, Ben Arous et Mannouba. 16

    Ce tableau regroupe uniquement les zones industrielles amnages soit par les collectivits locales, soit par lAgence Foncire Industrielle ou par les amnageurs privs. Les autres implantations industrielles non amnages ont t exclues.

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    Figure 1 : Localisation des zones industrielles dans le Grand Tunis

    Source : Synthse ralise par SOUSSI R. partir des donnes AFI, APII, INS, RCC et GMG Conception et ralisation : SOUSSI R., 2011.

    Il est donc clair que la localisation des industries a connu une forte volution et un important dveloppement dans lagglomration de Tunis, voire de fortes implications et de rapports avec lespace urbain de cette agglomration. Les activits industrielles, en croissance depuis plus dune trentaine danne, ont fait apparatre de nouveaux besoins et de nouvelles ncessits dorganisation spatiale et damnagement de structures pour leur accueil. En fait, les exigences spatiales du dveloppement de lindustrie, et particulirement des nouvelles crations industrielles, sajoutent aux configurations urbaines prexistantes, et contribuent modifier et recentrer laction spatiale.

    Cependant, en Tunisie, les publications universitaires et tudes consacrs aux relations et rapports entre la localisation des industries et les enjeux urbains demeurent assez rares. Cest pour cette raison que nous nous sommes intresss mener un travail de recherche qui se veut comme une contribution lanalyse de la localisation des industries en rapport

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    avec les enjeux du dveloppement urbain. Lagglomration du Grand Tunis servira comme cadre danalyse et primtre dtude de cette recherche.

    Lobjectif de notre travail est de contribuer lidentification et la comprhension de la localisation des activits industrielles et dtablir ses principales caractristiques en rapport avec le dveloppement de lespace urbain de lagglomration de Tunis et lvolution rcente de lindustrie. Ce ne sont pas les activits industrielles en elles-mmes, prises de faon abstraite, qui vont nous intresser au premier chef, mais cest avant tout leur matrialisation travers les zones industrielles o elles semblent plus prsentes. Il va sagir pour nous de contribuer une analyse plus spatiale de la question croise de lindustrie et de l'urbain et plus particulirement le lien entre la localisation industrielle et les enjeux du dveloppement urbain.

    La problmatique qui guide notre travail pourrait, ainsi, se rsumer par la formule suivante : "Quel est ltat de la localisation de lindustrie dans lagglomration du Grand Tunis travers lexemple des zones industrielles et quel est le processus qui sous-tend cette localisation face aux enjeux imposs par le dveloppement de son espace urbain?" Pour que cette problmatique gnrale soit plus prcise et opratoire, elle doit tre traduite sous forme dun ensemble de questions de recherche. Ainsi, nous nous sommes attachs apporter des lments de rponse aux questions suivantes:

    - En quoi consiste la politique de localisation des industries dans lagglomration de Tunis ?

    - Comment se localisent les industries dans les zones industrielles ? - Quels sont les facteurs et les conditions de la localisation industrielle ? - Parmi les modles existants de localisation des industries, y a-t-il un modle

    applicable dans le cas de lagglomration Du Grand Tunis ? - A dfaut, serait-il possible dlaborer un nouveau modle spcifique la localisation

    des industries dans lagglomration du Grand Tunis ? - Quels sont les principaux enjeux du dveloppement urbain qui influent sur la

    localisation industrielle ? - Quels est le processus qui rgit les liens entre la localisation de lindustrie et loffre

    foncire? - Quel est le rle des acteurs dans la rgulation du foncier industriel ? - Quel est le degr dintgration des zones industrielles dans le tissu urbain de

    lagglomration tunisoise17 ? - Quels sont les moyens engags et/ou mobiliser et les mesures mises en uvre et/ou

    prvues pour la promotion des zones industrielles.

    Localisation et enjeu en tant que concepts

    Pour mieux aborder notre problmatique principale et les questions de recherche qui en dcoulent, nous avons mobilis deux concepts principaux que nous avons jugs utile

    17 Dsormais lorsque nous utiliserons ladjectif "tunisois", cest de lagglomration du Grand Tunis dont

    nous parlerons.

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    dlucider tout fait au dbut de ce travail. Il sagit des concepts qui constituent les pendants de notre sujet savoir :"localisation" et "enjeu". Lexpression "localisation des activits" dans son acception la plus large recouvre lensemble des configurations spatiales rsultant des ouvertures et des fermetures dtablissements. Dans notre langage courant la localisation est synonyme dune position fixe et dlimite dans lespace. En tant que concept, elle dsigne la fois "le processus spontan par lequel les activits choisissent une implantation lchelle internationale, interrgionale et locale" et "les actions volontaires des pouvoirs publics pour corriger les facteurs spontans prcdents" 18. Mais cette dfinition demeure, par quelques aspects incomplte, dans la mesure o le mot implantation rappelle lacte de simplanter et donc louverture dun nouvel tablissement tandis que le mot localisation est plus gnral et recouvre non seulement les ouvertures nouvelles, mais aussi les fermetures dtablissements.

    Dautre part, si les activits choisissent une implantation, cela veut dire quil y a eu un acte de choix, une dcision prise suite une rflexion, une analyse et par consquent le caractre spontan voqu dans cette dfinition est bien loin de la ralit. Dailleurs, pour BRUNET R. et al. (1993, p. 304), la localisation dsigne la fois l" acte de choisir un lieu, pour exercer une activit, implanter un quipement, une demeure " et l" emplacement (dune ville, dune usine, dune activit), envisag du point de vue de sa situation dans lespace gographique" 19. Donc, la localisation correspond, bien videmment, un acte de choix rflchi et fond.

    Mais si la premire dfinition qualifie la localisation de processus, la deuxime la rduit au simple acte de choisir un lieu et denvisager lemplacement adquat dans lespace gographique. Pour couvrir tous les aspects du concept de la localisation, nous retiendrons, tout au long de notre travail, la dfinition suivante : la localisation est le processus par lequel, une entreprise dcide du choix dun lieu gographique pour les besoins de ses activits.

    Quant lenjeu, si on consulte le dictionnaire Le Robert, on trouve la dfinition suivante : cest ce que lon peut perdre ou gagner, dans une comptition, dans une entreprise. Dans le contexte urbain, il sagit bien de gagner ou de perdre la ville par la matrise dun de ses traits marquants20. L'analyse des enjeux urbains vise ici enrichir la comprhension du processus et la liste des variables sur lesquelles se base le modle de localisation des industries. Par enjeux urbains, l'on veut dire l'intrt pour la ville et de faon gnrale lintrt pour tous les acteurs de lespace urbain. Les acteurs de la ville sont des personnes, des groupes homognes ou des organismes qui jouent un rle dans le processus de localisation par lintermdiaire des variables qui caractrisent leurs choix et leurs intrts. Ils peuvent, par des stratgies et des moyens daction, influer sur les rsultats du processus tudi.

    18 MERLIN P. et CHOAY F., 2005, p.494.

    19 BRUNET R. et al., 1993, p. 304.

    20 Pour reprendre lexpression de Guy BURGEL.

  • 21

    Michel Godet dfinit un acteur comme suit : " un acteur est un groupe homogne ayant des objectifs et des moyens daction communs et mettant en uvre une mme stratgie et affichant un rapport de force face aux autres acteurs" 21.

    Chaque acteur dispose dun projet, de variables de commande et subit un systme de contraintes relles hrites du pass et issues des projets des autres acteurs. Lvolution des rapports de force (des capacits dinfluences et dactions) est souvent source de conflits entre les diffrents acteurs. La localisation des activits est un processus complexe dans lequel interviennent plusieurs acteurs : Etat (par ses diffrentes institutions), entrepreneurs, investisseurs, entreprises nationales, entreprises multinationales, socit civile, syndicats, partis politiques, organisations professionnelles, etc.

    Ces acteurs couvrent un large ventail dactivits et dinterventions. Le succs ou lchec des projets davenir dcoulera pour une large mesure des relations qui vont se tisser entre ces acteurs, de la confrontation de leurs projets, de leurs rapports de force ainsi que de leurs actions. Do lintrt dune rflexion sur le jeu des acteurs et de ltude de leurs convergences et divergences vis--vis dun certain nombre denjeux et dobjectifs.

    En effet, les enjeux sont les implications que pourraient avoir les rsultats des conflits des acteurs pour l'volution de lespace urbain. C'est de l'examen de tous ces aspects que l'on peut dduire des renseignements qui enrichissent la connaissance du processus qui rgit le champ urbain. Une analyse des enjeux est souvent lance une tape sensible de l'volution d'un espace urbain : un problme persistant, des ambitions nouvelles, des mutations de l'environnement urbain, un changement stratgique, etc.

    Un enjeu peut tre dclin en plusieurs objectifs. Ces derniers sappellent les objectifs associs lenjeu.

    Dans le contexte urbain, les enjeux sont nombreux. Nous nous limiterons aux trois suivants : - la rgulation foncire : cet enjeu est central pour toute opration durbanisme et

    damnagement. Il sagit de chercher la satisfaction des demandes en foncier industriel en tenant compte des stratgies des divers acteurs impliqus, damnager lespace correspondant ces besoins et de matriser ensuite laffectation et lusage du sol.

    - lintgration urbaine visant amliorer laccessibilit des sites de production, assurer lintgration des activits industrielles au sein de lespace urbain et requalifier les anciennes zones industrielles.

    - la promotion des zones industrielles : cet enjeu consiste amliorer limage des zones industrielles travers notamment le renforcement des infrastructures et des quipements, le dveloppement des comptences, de services et de structures dappui lindustrie et la recherche et innovation et enfin au respect de lenvironnement.

    21 GODET M., 2000, p.70.

  • 22

    Le cadre analytique dans lequel notre problmatique de recherche sera examine est illustr par la figure suivante :

    Figure 2: Cadre analytique

    Source : Conception et ralisation par SOUSSI R., 2010

    Ce cadre est dclin en une grille analytique qui va permettre de comparer les rsultats de notre analyse de la situation actuelle en matire de localisation industrielle aux diffrents objectifs fixs par la politique en la matire. Par lintermdiaire de cette comparaison, certains faits vont correspondre aux objectifs et seront ainsi mis en relief. Par ailleurs, dautres faits ne parviendront pas immdiatement atteindre les objectifs voulus.

    Nanmoins, eux aussi seront mis en relief par leur cart par rapport ces objectifs. Cette grille se prsente ainsi :

  • 23

    Tableau 2: Grille analytique Sujet Objectifs associs Indicateurs

    Loca

    lisa

    tion

    Elaboration et mise en uvre dune politique de localisation

    programmation de structures daccueil pour lindustrie

    - orientations du 11me plan de dveloppement conomique et social - programmation physique et financire des zones industrielles

    ralisation des structures daccueil

    - tudes pralables la cration des zones industrielles - procdure de ralisation des zones industrielles

    Mo

    dlis

    atio

    n

    Conception dun modle de localisation

    estimation de la concordance entre loffre dun site et la demande dune entreprise

    - domaines de comparaison entre les conditions dimplantation et les critres dcisionnels des entreprises - structure du modle (outil daide la dcision)

    Enjeu

    x du

    d

    vel

    opp

    emen

    t urb

    ain

    Rgulation foncire

    satisfaction des demandes en foncier

    - coordination des stratgies des acteurs publics et privs - renforcement des disponibilits foncires - amnagement des zones et construction des btiments industriels

    matrise de laffectation et de lusage du sol urbain

    - pratiques et moyens de la planification urbaine - densification spatiale des zones industrielles - respect du cahier des charges des zones industrielles

    Intgration urbaine

    Transport et accessibilit - localisation proximit des axes routiers, ferroviaires et des grands quipements - desserte des zones dactivits par les moyens de transport

    intgration des activits - rseautage et accs aux comptences - prsence de services aux entreprises - lisibilit et image des zones industrielles - respect du paysage et de lenvironnement

    Promotion des zones industrielles

    renforcement des infrastructures et des quipements

    - amlioration du cadre de vie - renforcement des capacits de gestion -satisfaction des tablissements implants

    requalification des zones industrielles dgrades

    - maintenance des zones industrielles - rhabilitation des zones industrielles

    Source : Conception et ralisation par SOUSSI R., 2010

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    Lagglomration comme primtre dtude

    Laire de notre tude est celle de lagglomration du Grand Tunis. Cest sans aucun doute une dlimitation qui mrite dtre prcise. En effet, la dfinition courante de lagglomration dans la plupart des dictionnaires voque un ensemble constitu par une ville ou un village et ses environs. Lon parle par exemple de la capitale et de son agglomration. A fortiori, lagglomration dsigne un ensemble urbain regroupant diffrents espaces btis (habitations, bureaux, locaux, etc.) incluant une ou plusieurs villes ainsi que leurs banlieues. Le terme "agglomration", dans son acception actuelle, est indissociablement li lacclration de lurbanisation c'est--dire "la concentration croissante dans les villes (autrefois) et dans les agglomrations urbaines (aujourdhui)" 1. Depuis plusieurs annes, les villes stendent loin du centre urbain dorigine, englobant campagnes environnantes et petites villes secondaires dans un phnomne de priurbanisation. Lagglomration est donc "un ensemble constitu par une ville et ses banlieues" 2. Plus ou moins rcentes, ces banlieues dpendent troitement de la ville, sur le plan conomique essentiellement. Cette complmentarit se manifeste par des migrations pendulaires quotidiennes entre les quartiers centraux o se trouvent les emplois, en particulier dans le secteur tertiaire, et les zones dhabitat, devenues parfois des "banlieues-dortoir". Lextension des agglomrations atteint son paroxysme aux tats-Unis, o les lieux de rsidence sont parfois loigns de plusieurs dizaines de kilomtres des Central Business Districts, ou quartiers daffaires.

    En France, les derniers recensements ont montr, au sein des agglomrations, un dpeuplement des centres urbains anciens au profit des lotissements et des zones pavillonnaires situs en proche et lointaine banlieues. En outre, lorsque deux ou plusieurs agglomrations deviennent contigus, elles appartiennent une conurbation.

    Le territoire dune agglomration dpasse toujours les limites des circonscriptions communales et peut tre contrl par une mme autorit. Toutefois, labsence relative de structure administrative ddie spcifiquement lagglomration en tant quentit urbaine peut entraner des difficults, notamment au niveau des statistiques. Il y a absence de correspondance entre le territoire socio-conomique des agglomrations et le territoire des communes et par ricochet, entre les donnes administratives et les donnes relles de lagglomration.

    En somme, le terme agglomration est ambigu, "Lvolution des dfinitions de la ville ne fait que reflter la mutation du monde urbain lui-mme. A lorigine, claire et nette, la rupture semble aujourdhui plus confuse ; la ville devient une agglomration et lagglomration une aire urbaine" 3. Ce terme couvre, en principe, un ensemble urbain compos dune ville principale et de ces banlieues ou exceptionnellement plusieurs villes centres.

    1 MERLIN P. et CHOAY F., 2005, p.910.

    2 MERLIN P. et CHOAY F., 2005, p.910.

    3 ENAULT C.,2003, p.120.

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    En Tunisie, larticle 7 du Code de lamnagement du territoire et de lurbanisme prvoit la fixation dune liste des agglomrations urbaines ncessitant llaboration de Schmas Directeurs dAmnagement (SDA). Cette liste a fait lobjet du dcret n98-2092 du 28 octobre 1998, fixant la liste des grandes agglomrations urbaines et des zones sensibles qui ncessitent llaboration de SDA1.

    Larticle premier de ce dcret, numre 10 agglomrations urbaines ncessitant llaboration dun SDA. La liste de ces agglomrations est fixe comme suit :

    1. le Grand Tunis : les circonscriptions territoriales des gouvernorats de Tunis, Ariana et Ben Arous2.

    2. le grand Sousse : les circonscriptions territoriales des communes de Sousse, Hammam-Sousse, M'saken, Kala Kebira, Kala Sghira, Akouda, Kssibet-Thrayet, Zaouiet Sousse, Ezzouhour, Messadine.

    3. le grand Sfax : les circonscriptions territoriales des communes de Sfax, Sakiet Eddaer, Sakiet Ezzit, El An, Gremda, Chihia, Thyna.

    4. Monastir : la circonscription territoriale du gouvernorat de Monastir. 5. Bizerte : les circonscriptions territoriales des communes de : Bizerte, Menzel Jemil,

    Menzel Abderrahmen. 6. le grand Gabs : les circonscriptions territoriales des communes de grand Gabs,

    Ghannouch, Chenini-Nahal, El Matouiya, Ouedhref. 7. Nabeul : les circonscriptions territoriales des communes de Nabeul, Dar Chabane El

    Fehri, Beni Khiar, El Mamoura, Hammamet. 8. les agglomrations urbaines des villes de Bja, Jendouba, El Kef, Siliana, Zaghouan,

    Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid, Mehdia, Gafsa, Tozeur, Kbili, Medenine, Tataouine.

    9. l'agglomration urbaine de Menzel Bourguiba - Tinja : les circonscriptions territoriales des communes de Menzel Bourguiba et Tinja.

    10. l'agglomration urbaine de Grombalia - Soliman Menzel Bouzelfa - Beni Khalled : les circonscriptions territoriales des communes de Grombalia, Soliman, Menzel Bouzelfa, Beni Khalled.

    Lexamen de cette liste confirme la difficult de donner une dfinition unifie et prcise de la notion dagglomration et den dgager des critres bien explicites. On y trouve une oscillation entre les primtres dun ensemble de gouvernorats, cest le cas de lagglomration de Tunis ou dun seul gouvernorat (cas de Monastir) ou encore quelques communes regroupes, voire une seule commune (cas des 14 villes chefs-lieux des gouvernorats).

    Pour autant, nous avons adopt la dfinition prvue par ce dcret. Ainsi, le primtre dtude choisi dans le cadre de ce travail est lagglomration du Grand Tunis qui regroupe les circonscriptions territoriales des quatre gouvernorats de Tunis, Ariana, Ben Arous et Mannouba. Cet espace urbain semble constituer un primtre dtude pertinent pour notre recherche tant donn quil prsente plusieurs caractristiques fort intressantes pour mener bien ce travail et ce, pour diverses raisons :

    1 JORT du 3 novembre 1998, p.2170.

    2 A noter qu la date de parution de ce JORT, le Gouvernorat de Mannouba ntait pas encore cr.

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    - lagglomration du Grand Tunis a connu les premires formes de localisation industrielle. Elle dispose par consquent dune histoire industrielle longue, riche et varie et na cess de concentrer une part considrable de lactivit industrielle de la Tunisie. De surcrot, cette rgion dispose dune varit de sites productifs allant des units de production isoles jusquaux grandes concentrations dtablissements industriels sous formes de zones industrielles et/ou dactivits. "La rgion de la capitale tunisienne est incontestablement le thtre dune forte concentration dtablissements industriels" 1. Elle peut tre considre comme un espace privilgi par lindustrie puisquelle concentre 37.6 % des entreprises industrielles et 26 % de lemploi industriel.

    - le Bassin de Vie Economique (BVE)2 de cette agglomration est le bassin du pays le plus important en termes de population, demplois et dactivits. Il est constitu de quatre bassins : le BVE de Tunis, le BVE de Ben Arous, le BVE de la Mannouba et le BVE de lAriana. Il comprend 45 dlgations et stend sur une surface de 2573,55 km2. La population compte environ 2 millions et demi, soit un peu moin du 1/4 de la population totale du pays. Cette rgion constitue le principal ple conomique du pays. Elle concentre une part importante demplois industriels et tertiaires.

    - lagglomration du Grand Tunis voit la naissance de grands projets structurants synonymes dun dveloppement urbain assez remarquable. En tant quespace ayant le statut de capitale et de future mtropole, cette agglomration saffirme comme "la capitale politique, administrative, conomique et culturelle du pays et comme la seule mtropole de niveau international" 3. Elle renferme divers quipements tels que, les centres de formation, les tablissements universitaires, les structures de recherche, les ports, laroport entrant parfaitement en jeu dans la dynamique dchange quentretiennent activits industrielles avec la ville.

    Priode danalyse et sources dinformations

    Quant la priode danalyse de la problmatique propose, elle couvrira principalement les quatre dernires dcennies. Ce choix se justifie par le fait que les principaux changements ayant affect lindustrie et lespace urbain en Tunisie ont eu lieu durant cette priode. Nanmoins, cela ne nous empcherait pas de se rfrer aux premires annes de lindpendance, voire lpoque coloniale qui sont, certes, des priodes riches denseignements.

    Pour parvenir cerner les divers lments caractrisant le processus de localisation industrielle dans lagglomration tunisoise, nous avons utilis plusieurs sources dinformations. Les premires sources sont en provenance des institutions publiques et

    1 METRAL A., 2000, p.27.

    2 Le BVE est un concept qui a t dfini par le bureau dtudes Dirasset dans ltude "Amnagement du

    territoire et zones dactivits" comme tant un cadre territorial local adapt aux problmes socio-conomiques. On lit dans cette tude p.11" la territorialisation de la vie conomique ne seffectue pas la mme chelle que celle de la vie administrativeLa solution rside dans le regroupement pertinent dun certains nombres de dlgations en bassins de vie conomiques". Un bassin de vie conomique est ainsi "une entit territoriale de base dote dun minimum de cohrence conomique et susceptible de servir de cadre la cohsion des acteurs socio-conomiques". 3 Ministre de lEnvironnement et de lAmnagement du Territoire, 1997, p.164.

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    prives (documents administratifs, tudes, rapports dactivits, fichiers statistiques, bases de donnes, etc.). Elles constituent un filon important dinformations statistiques et de donnes socio-conomiques et politiques notables. Nous avons bnfici galement de lapport des travaux de recherche antrieure (thses, masters et articles), dans la mesure o ceux-ci soulvent des problmatiques trs diversifies travers des approches diffrentes.

    Nous avons procd ensuite llaboration dune enqute auprs dun chantillon dtablissements implants dans lagglomration de Tunis qui a permis dlucider les aspects de la distribution spatiale des activits ainsi que la dynamique qui rgit le processus de leur localisation. Cette enqute a tent dapporter des lments dinformation sur les points suivants :

    1) les caractristiques gnrales de l'tablissement: raison sociale, adresse, nombre demploys, activit principale, date de cration, anne dentre en production, statut (locataire ou propritaire) etc.

    2) les conditions doccupation spatiale : surface au sol, surface couverte, nature des travaux de ramnagement des locaux, mode dusage du sol, difficults lies au transport de marchandises, au parcage, etc.

    3) la localisation de ltablissement : localisation actuelle et motifs lorigine des choix de cette localisation, rle des acteurs, localisation prcdente, ventuelle localisation future et ses raisons, etc.

    4) les enjeux et les perspectives : volution de la zone industrielle et son impact sur ltablissement, services offerts par la zone, respect de lenvironnement et enfin les recommandations et les suggestions.

    Les rponses aux questionnaires de lenqute ont t traites et analyses statistiquement. Une base de donnes est constitue puis exploite dans le but de faire ressortir les aspects profonds et les spcificits indispensables la comprhension des logiques dorganisation spatiales des tablissements de lagglomration du Grand Tunis. En outre, nous avons ralis des entretiens l'aide dun guide de recherche auprs des responsables des institutions publiques et prives concernes par notre domaine dtude. Il s'est agi des responsables des dpartements ministriels chargs de lindustrie, de lquipement et de lamnagement du territoire, de lenvironnement, etc., des responsables de lAgence Foncire Industrielle, des responsables de lUnion Tunisienne de lIndustrie, du Commerce et de lArtisanat, des professionnels de lurbanisme et de lamnagement, des reprsentants des collectivits publiques locales, etc. Les informations qui nous ont t fournies par les divers intervenants nous ont aid apprcier les diffrents aspects qui influencent la localisation des industries, ainsi que les stratgies des divers acteurs du dveloppement conomique, de lurbanisme et de lamnagement du territoire notamment dans le domaine de lamnagement industriel.

    Ces entretiens sont guids par un questionnaire semi-directif qui constitue une technique dentrevue situe mi-chemin entre la directivit dun questionnaire ferm et lentretien libre. L'entretien est semi-directif en ce sens qu'il n'est ni entirement ouvert, ni canalis par un grand nombre de questions prcises. "Gnralement, le chercheur dispose d'une

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    srie de questions guides, relativement ouvertes, propos desquelles il est impratif qu'il reoive une information de la part de l'interview" 1. Cette technique est un moyen important dans le cas de notre travail. Elle nous permet dapprofondir et de mieux comprendre les aspects lis la problmatique de notre recherche. Tout au long de ces entrevues, nous avons veill encourager nos rpondants exprimer librement leurs ides, leurs opinions, voire les difficults et les problmes quils rencontrent et les solutions quils suggrent. Chaque entretien effectu est immdiatement transcrit et analys. Lanalyse consiste en des lectures frquentes et systmatiques faisant ressortir les caractristiques communes et les diffrences entre les informations fournies par les rpondants, ce qui permet de relier les points de concordance et de discordance entre les diffrents discours. Ce nest qu partir de multiples lectures, dun tri et dune mise en rapport des faits, des situations et des thmes que nous avons pu faire apparatre la pertinence des donnes recueillies et identifier les aspects profonds, les enjeux et les rgles qui rgissent la localisation des industries dans lagglomration de Tunis. Compte tenu de notre problmatique, du cadre analytique dfini prcdemment, de la mise au point faite sur les concepts que nous avons engags et au regard des divers documents et informations rassembls, analyss et exploits ainsi que des rsultats de nos enqutes et investigations, nous avons divis notre travail en trois parties. La premire partie est consacre la politique de localisation des activits industrielles. Il s'agit dabord de comprendre la gense et le dploiement spatial de lappareil industriel dans lagglomration du Grand Tunis, la distribution des activits industrielles dans les zones industrielles et le processus qui rgit cette localisation. En second lieu, nous tentons de dlimiter les contours de la structure industrielle et danalyser ses principaux lments. Cette partie sera taye par llaboration dun modle (nouvel outil daide la dcision) qui permettra dorienter les investisseurs vers le site daccueil le plus commode leurs activits. La deuxime partie fait le point sur la problmatique du foncier industriel. Lapproche adopte dans cette partie privilgie une entre par les acteurs : identification des principaux acteurs dans le domaine du foncier, leurs rles, leurs stratgies ainsi que le contexte qui influe sur la problmatique foncire et les techniques damnagement pouvant matrialiser, caractriser voire rsoudre lquation du foncier industriel. La troisime partie a pour but didentifier, de comprendre et de mesurer le degr dintgration des zones industrielles dans le tissu urbain. Plusieurs facteurs entrent en jeu dans larticulation de lindustrie avec la ville. Nous souhaitons identifier quelques uns susceptibles de faciliter ou au contraire dentraver linsertion des zones industrielles dans le tissu urbain. En dernier lieu, nous aborderons la question de la promotion des zones industrielles qui sattache faire connatre ces zones et les singulariser de par leurs situations, leurs sites, leurs ville-supports, leurs vocations et leurs quipements.

    1 QUIVY R. et VAN CAMPENHOUDT L., 1995, p.185.

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    Premire partie :

    Politique de localisation des activits industrielles dans

    lagglomration du Grand Tunis

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    Chapitre I : Programmation et ralisation des structures daccueil pour lindustrie 1. Le fait industriel dans lagglomration tunisoise

    1.1. Lindustrie et les activits industrielles

    a) Clarification des concepts : industrie, activits industrielles En tant quun ensemble dactivits conomiques, lindustrie consiste lexploitation des matires premires en les transformant en des produits fabriqus. Ce terme est galement utilis pour dsigner une branche dactivits, un secteur dactivits ou mme une entreprise. Lindustrie forme le secteur secondaire du classement de Colin CLARK entre le primaire qui lui fournit des intrants, et le tertiaire qui distribue ses produits. Le secteur secondaire tant dfini comme le secteur de toutes les activits qui transforment les matires premires en des biens et produits. Selon DUBRESSON "lindustrie regroupe lensemble des activits qui produisent des richesses par la mise en uvre de matires premires : il sagit ici dactivits de transformation et de fabrication de biens manufacturs (branche 3 de la classification internationale ONU)"1. Ceci exclut les activits de stockage, les bureaux, les services, le btiment et les travaux publics, les services de prservation de lenvironnement, lartisanat et les activits de production et dindustries culturelles.

    Si lon se rfre au code tunisien dincitation aux investissements, on trouve la classification suivante :

    - les industries agricoles et alimentaires - les industries textiles, dhabillement et du cuir - les industries des matriaux de construction, de la cramique et du verre - les industries chimiques - les industries mcaniques, mtalliques, mtallurgiques et lectriques - les industries diverses.

    La classification adopte par lAPI distingue les branches dactivits suivantes : Lindustrie agro-alimentaire, lindustrie des matriaux de construction, cramique et verre, lindustrie mcanique et mtallurgique, lindustrie lectrique, lectronique et lectromnager, lindustrie chimique (plastique non inclus), lindustrie du textile et de lhabillement, lindustrie du bois, du lige et de lameublement, lindustrie du cuir et des chaussures. Le reste des activits industrielles non couvertes sont classes dans la catgorie "industries diverses".

    1 DUBRESSON A., 1989, p.128

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    En sappuyant sur toutes ces classifications et sur celle de la NAT : Nomenclature dActivits Tunisiennes : NT 120.01 (octobre 1996)1 , il est possible deffectuer des regroupements de branches pour des fins statistiques et cartographiques. Cest ainsi que nous retenons tout au long de ce travail les banches industrielles suivantes :

    - les industries agro-alimentaires : dont notamment les industries du lait et drivs, le travail des grains et farines, la conserverie et la semi-conserverie, le schage, la dshydratation, la lyophilisation, la sucrerie, la chocolaterie et drivs, les boissons, les liquides alcooliss et les vinaigres, les industries du froid, daliments composs, le conditionnement des produits alimentaires agricoles et de pche.

    - Les industries textiles et dhabillement dont notamment leffilochage, le finissage, le moulinage et la texturation, la teinturerie, louaterie, la broderie, la fabrication des fibres synthtiques et artificielles,

    - Les industries du cuir et de la chaussure dont notamment la tannerie et la mgisserie, la maroquinerie, la fabrication de vtements en cuir,

    - les industries des matriaux de construction, de la cramique et du verre : dont notamment les industrie du marbre, de la chaux, du bton, des carreaux, des ciments, des briques, des tuiles tuyaux en terre cuite, des articles sanitaires, de la vaisselle, des faences, des isolants pour btiments, du verre et de la cristallerie,

    - les industries chimiques : dont notamment la transformation des phosphates, la production de lazote et les engrais, la production du soufre, du fluor, de la soude, des acides minraux, des drivs du ptrole, des solvants et diluants, des matires colorantes, la polymrisation, la polyaddition et la polycondensation, lindustrie du caoutchouc et pneumatique, la fabrication denduits , de mastics, de produits dtanchit, de gaz usage industriel et mdical, de composs aromatiques, dextraits tonnants, de produits usage pharmaceutique ou vtrinaire, de pesticides, de produits dentretien, dencres, de peintures, de colles, de lubrifiants et de graisses.

    - les industries mcaniques, mtalliques, mtallurgiques et lectriques : dont notamment la fabrication de produits sidrurgiques primaires, de produits mtallurgiques, mtalliques, lectriques, dquipements et de composants lectroniques, dappareils de tlcommunication, etc.

    - Les industries diverses : dont notamment les industries du bois et de lameublement, la transformation du lige, la vannerie et sparterie, les industries du papier et arts graphiques, les industries plastiques.

    P. Merlin et F. Choay dfinissent lindustrie comme "lensemble des activits collectives de production de biens partir de matires brutes, laide de travail et de capital : ce sont celles qui correspondent au secteur secondaire, y compris lindustrie du btiment et

    1 Cette norme nest plus une norme homologue (c'est--dire dapplication obligatoire) et ce, depuis la

    parution de larrt du ministre de l'industrie et de la technologie du 15 septembre 2010, portant annulation de l'arrt du ministre de l'industrie du 2 juillet 1996, portant homologation de la norme tunisienne relative la nomenclature d'activits. De surcrot, un projet de rvision de cette norme est en cours dlaboration suite la rvision majeure des nomenclatures dactivits et de produits de lONU durant la priode 2000- 2006.

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    des travaux publics"1 . Cependant plusieurs classifications excluent le btiment et travaux publics. Certains auteurs parlent aussi dindustrie traditionnelle par opposition aux industries "High-tech" alors que dautres voient quune grande partie de lindustrie "High-tech" se chevauche avec le secteur tertiaire. On comprend ds lors que la distinction entre les deux nest souvent pas sans quivoque. Dailleurs, MAYHEW et PENNY proposent mme "l'largissement du terme industrie l'ensemble de l'activit conomique, y compris des secteurs comme la musique"2, et suggrent, au-del de la classification de Clark, "un secteur quaternaire qui renferme des activits tertiaires de haut niveau" 3, ou haute teneur informationnelle telles que la recherche, linnovation, les mdias, etc. Cette acception large est adopte par les anglo-saxons qui attribuent au mot "industy" une signification couvrant aussi bien l'industrie manufacturire que les services.

    b) Quappelle-t-on Petite et Moyenne Entreprise en Tunisie ?

    Prcisons demble quil nexiste pas une dfinition lgale de la PME en Tunisie, quand bien mme ce mot est utilis dans le discours et les documents officiels. On relve des dfinitions implicites adoptes par la BCT, le FOPRODI, le FONAPRAM, la BFPME et le CMF. En effet, en se rfrant la circulaire n86/42 en date du 1er dcembre 1986 et notamment son article 27, " la Banque Centrale considre comme PME, toute entreprise relevant du secteur des industries manufacturires et dont le total des investissements lors de la cration nexcde pas 500.000 D fonds de roulement compris ou dont les investissements dextension ne font porter les immobilisations nettes damortissement au-del de ce plafond " 4.

    Le dcret 99-484 relatif la promotion des PME par le Fonds de Promotion et de Dcentralisation Industrielle (FOPRODI) dfinit les petites et moyennes entreprises du secteur industriel et du secteur tertiaire comme celles ayant un investissement total de moins de 3 millions de dinars, alors que le dcret 94-814 relatif aux critres pour le financement par le Fonds National de Promotion de lArtisanat et des Petits Mtiers (FONAPRAM) dfinit les petites entreprises comme celles ayant un cot dinvestissement total (fonds de roulement inclus) qui nexcde pas 50 000 DT.

    Quant la BFPME ddie exclusivement financer les PME, elle contribue au financement de la cration des entits productives hors secteur touristique et promotion immobilire dont le cot total est compris entre 80 mille et 4 millions de dinars. Pour le CMF, sont considres comme PME, les entreprises dont les critres dactifs immobiliss5 nets et deffectif natteignent pas les seuils suivants : 4 millions de dinars en ce qui concerne les actifs immobiliss et 300 personnes en ce qui concerne leffectif total1.

    1 DUBRESSON A., 1989, p.128.

    2 MAYHEW S. & PENNY A., 1992, p. 116.

    3 Ibid.

    4 BENNASR A., 1993, p.95.

    5Le " montant dimmobilisations nettes" sentend "actifs nets immobiliss" conformment au systme comptable des entreprises et englobe les immobilisations incorporelles, les immobilisations corporelles et les immobilisations financires.

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    La dfinition retenue de la PME dans le cadre de llaboration du rpertoire national des entreprises se rfre au nombre de salaris embauchs et classe dans la catgorie des Petites Entreprises (PE) celles qui emploient entre 6 et 49 salaris, dans celle des moyennes entreprises (ME) celles qui emploient entre 50 et 199 salaris et les Grandes Entreprises (GE) 200 salaris et plus. En revanche, une dfinition plus rcente a t introduite par le Dcret n 2008-388 du 11 fvrier 2008, portant encouragement des nouveaux promoteurs, des petites et moyennes entreprises, des petites entreprises et des petits mtiers. Ce dcret stipule dans son article 2 la dfinition suivante "Est considre petite et moyenne entreprise . toute entreprise ralisant ses investissements dans les activits des industries manufacturires et les activits de lartisanat .. et dans les activits des services .., sans que le montant de son investissement ne dpasse cinq millions de dinars fonds de roulement inclus".

    Pour autant, une dfinition consensuelle semble exister au niveau de ladministration. Elle indique que toute entreprise ayant entre 10 et 300 employs est considre comme une PME. Nous y ajoutons le critre relatif linvestissement introduit rcemment par le Dcret n 2008-388 du 11 fvrier 2008 pour en dgager la dfinition suivante spcifique aux entreprises du secteur industriel: "est considr comme PME industrielle, toute entreprise ayant entre 10 et 200 employs et dont le montant de son investissement ne dpasse pas cinq millions de dinars fonds de roulement inclus". Cette dfinition, quand bien mme non officielle, sera la dfinition que nous adoptions tout au long de ce travail de recherche.

    1.2. Gense et volution du fait industriel

    a) Les principales activits industrielles avant lindpendance

    Les anciennes implantations industrielles ont exist dans la plupart des villes tunisiennes sous plusieurs formes allant des petites industries ou des activits pseudo industrielles jusquaux grandes industries caractrisant notamment les exploitations minires. Elles se sont localises dans plusieurs endroits de la ville : la priphrie, proximit des axes de transport ou dans des sites en prsence des ressources naturelles en eau.

    "Ce type dimplantations a annonc lamorce dune industrie de transformation en Tunisie, une industrie qui na commenc construire vritablement son chemin quau lendemain de ltablissement du Protectorat" 2 et ce, dans le cadre " des Rserves Industrielles Stratgiques prvues par la France pour encourager limplantation industrielle dans ses colonies" 3. Cest donc un hritage pour la plupart du pass et notamment de la priode coloniale que soient implantes les premires units industrielles en Tunisie. "Les usines ont t fortement concentres dans lagglomration tunisoise qui reprsentait le principal centre

    1 Communiqu du CMF relatif la dfinition de la notion des Petites et Moyennes Entreprises oprant dans

    les secteurs libres la constitution au sens de larticler 21 bis du dcret n77-608 du 27 juillet 1977, tel que modifi et complt par les textes subsquents et notamment par le dcret n2005-2397 du 31 aot 2005. 2 SEBAG P., 1951, p.89.

    3 BELHEDI A., 1989, p.31.

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    industriel du pays" 1. Ce centre a tout dabord connu quelques fabriques de bire, de glace et de briques, puis des units de transformation des mtaux, de produits agricoles (minoterie, vinification, huilerie). "Ensuite, avec le dveloppement de lurbanisation, ce fut le tour des industries de matriaux de construction, de peintures et de colles" 2, et avec la deuxime Guerre Mondiale, quelques units relatives aux ptes alimentaires, aux conserves et aux emballages ont t cres et lindustrie mcanique commena se dvelopper (tableau 3):

    Tableau 3: Rpartition des entreprises tunisiennes par branche dactivits en 1955

    Branche/ Secteur Nombre dentreprises Total Europennes Tunisiennes Mtallurgie 3 - 3 Transformation de mtaux 9 - 9 Matriaux de construction 17 - 17 Chimie, caoutchouc 7 - 7 Industrie alimentaire 32 9 41 Textile et habillement 5 1 6 Cuir et peau 4 1 5 Bois et ameublement 3 - 3 Papier et divers 9 - 9 IInndduussttrriieess mmaannuuffaaccttuurriirreess 89 11 100 Btiment et travaux publics 72 10 82 Commerce 30 3 33 Transport 15 10 25 TToottaall 206 34 240 Source : BEST, Recensement de 1953,1955 in "Espace et Socit en Tunisie : dveloppement, organisation et amnagement de lespace en Tunisie depuis lindpendance", Thse :Go., Amor Belhedi, FSHS, Tunis : 1989, p30.

    Daprs ce tableau, le nombre dentreprises en Tunisie comptant plus de 50 salaris tait de 240 entreprises dont 100 entreprises dans le secteur des industries manufacturires et 134 taient dans lagglomration tunisoise soit environ 60% de lensemble des tablissements industriels employant plus de 50 salaris, toutes branches confondues.

    b) La mise en place dune industrie nationale

    Durant les annes 1960, la Tunisie a connu une crise qui a frapp fort le pays. Pour pallier cette crise, lEtat a labor un projet de perspectives dcennales3 qui sinscrivait dans une vision globale caractre socialiste. Dans le cadre de ces perspectives dcennales de

    1 DLALA H.,1993, p.34.

    2 BELHEDI A., 1989, p.31.

    3 LEtat tunisien a d faire appel aux services de M. Ahmed Ben Salah charg par le Prsident Bourguiba en

    1961 de la planification et des finances, pour prparer un plan de perspectives dcennales 1962-1971, puis un plan triennal ayant pour but de mettre en place les structures nouvelles. Les perspectives dcennales, dont le prambule affirme que " la Tunisie opte rsolument pour le socialisme ", visent dcoloniser l'conomie nationale et entendant assurer un auto-dveloppement du pays.

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    dveloppement, l'industrialisation est prsente comme un volet important du dveloppement conomique de la Tunisie, comme un instrument fondamental de la dcolonisation quand bien mme le pays est dclar indpendant. Selon les pouvoirs publics, lindustrie doit transformer et valoriser les ressources du pays, fournir l'essentiel des produits industriels consomms par la population et contribuer rsoudre les problmes de l'emploi. Le rle de lindustrie comme vecteur de dveloppement a t jug par DLALA H. "ncessaire dans cette poque" 1. De mme BELHEDI A. a fait voir que lindustrie est indispensable au dveloppement et au progrs puisquelle "a un rle central et une vocation universelle comme mode de dveloppement, elle est imprative et initiatrice du changement socio-conomique progressif " 2, cest pour cette raison quelle a t toujours perue par lEtat comme la condition de dveloppement, destine rsorber le chmage aussi bien urbain que rural.

    Dans cette recherche de dveloppement industriel, ltat a exprim clairement sa volont de rquilibrer lintrieur du pays par rapport aux zones littorales dans le but de modifier lensemble de larmature urbaine hrite. Ltat sest donc lanc dans une lutte contre le dsquilibre rgional qui a ls surtout les rgions de louest et du sud du pays, comme la dj prcis SIGNOLES P. en affirmant que: "lordre colonial a contribu gauchir fortement le systme urbain" 3. Ainsi, cette volont de lutter contre ces disparits rgionales a constitu un lment dterminant dans le choix des localisations industrielles, des types d'industries, de leur taille et du volume des investissements. "Leffectif des tablissements tunisois de toutes les dimensions sest accru de 8% entre 1962 et 1972 contre 76% pour le reste du pays" 4. Ainsi la concentration industrielle de Tunis fut attnue : la structure de la rpartition gographique de lactivit industrielle cette poque sest nettement amliore par rapport ce quelle tait dix ans auparavant.

    Il y a lieu de signaler, par ailleurs, que limportant effort dinvestissement public a t ralis grce des capitaux trangers, fournis sous forme de crdits, et rarement sous forme dinvestissements directs. C'est ainsi que l'tat a pu contrler la localisation des investissements et procder un largissement du tissu industriel travers les rgions. Cest ce que BEN AMARA S. a voulu constater lorsquelle a affirm que : "A laube de lindpendance sans crer de vritables zones industrielles, dimportantes units industrielles ont t cres par les pouvoirs publics pour jeter les bases dune industrie rgionalise" 5.

    Cependant malgr cet effort d'industrialisation sur le littoral et les quelques ralisations l'intrieur du pays, la rgion de Tunis demeure toujours un gros ple de dveloppement industriel, le dsquilibre industriel rgional sest transform, mais il tait loin d'tre rsolu. "De nombreuses terres agricoles et de multiples vergers du Grand Tunis ont cd la place soit aux zones dquipements industriels soit aux complexes touristiques" 6, engendrant llaboration de certains projets annexes tels que laroport, les routes, les centres commerciaux, etc.

    1 DLALA H., 1993, p.38.

    2 BELHEDI A., 1989, p.97.

    3 SIGNOLES P., 1978, p.71.

    4 DLALA H., 1993, p.62.

    5 BEN AMARA S., 1999, p. 10.

    6 BEN MAHFOUDH H., 1999, p.57.

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    Il y a lieu de signaler galement que le tissu industriel cr durant cette priode ntait fond ni sur le zoning industriel ni sur le dveloppement des relations de sous-traitance ou sur la promotion de lintgration urbaine. La logique adopte dans la localisation des units industrielles cres dans les villes intrieures cette poque visait surtout une meilleure rpartition gographique des units de production et leur implantation ne se posait pas encore en termes damnagement1. En outre, ces grosses units industrielles nont pas pu impulser limplantation de nouvelles industries en aval ce qui a empch la formation de vraies zones industrielles.2

    Par ailleurs, les nouvelles orientations de la politique industrielle dans les annes 7