7. l'analyse linguistique des textes litteraires, ](dominique maingueneau)

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  • L'analyse linguistique des textes littraires

    Dominique Maingueneau Universit d'Amiens

    La nature des relations entre linguistique et littrature constitue un sujet de discussion scientifique traditionnel en France et en Europe. Mais on peut considrer que nous sommes en train de vivre une priode de profonde transformation des termes de ce dbat

    On commencera par se demander quel titre la linguistique doit s'intresser la littrature. A cette question on apporte habituellement deux ordres de rponses.

    Selon le premier, les linguistes considrent la littrature comme un corpus parmi d'autres: les pomes, les pices de thtre, les romans ... sont des ralisations de la langue, des noncs, et mritent donc d'tre pris en considration par le linguiste. Cela dit, l'attitude des linguistes l'gard des corpus littraires est ambivalente. Tantt il les survalorisent, tantt ils les dvalorisent Pour ceux qui les dvalorisent les noncs littraires ne sont pas des donnes linguistiques fiables, car elles sont soumises une vise esthtique qui les dnaturent comme faits de langue; pour ceux qui les survalorisent, au contraire, les crivains sont des gens qui matrisent leur langue mieux que les autres

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    locuteurs et leurs productions verbales exploitent au mieux les possibilits de son systme. Cette attitude ambivalente des linguistes n'est pas sans relation avec l'histoire de la grammaire occidentale. En occident la grammaire est apparue dans le monde hellnique, au mo sicle avant Jsus-Christ, pour tudier et prserver les textes littraires classiques, ceux d'Homre en particulier. Et pendant trs longtemps, surtout dans l'enseignement, il y a eu une relation privilgie entre grammaire et littrature; l'tude de la langue se rduisait l'tude de la langue des bons crivains. Quand la linguistique moderne s'est dveloppe au dbut du XXme sicle, elle a dnonc cette emprise de la littrature et a fait de cette dnonciation une sorte de mot de ralliement: ce qui nous qualifie comme linguistes, ont-ils dit en substance,c'est d'avoir rompu avec les textes littraires, de prendre en compte les productions de la masse des locuteurs, et non celles de quelques crivains dont les oeuvres ne refltent pas l'tat effectif de la langue.

    Le second type de rponse apporte notre question consiste avancer que la linguistique peut aider comprendre les textes littraires. Si l'ide que la littrature puisse fournir des donnes empiriques aux linguistes fait problme, en revanche l'ide qu'on puisse s'appuyer sur la linguistique pour mieux comprendre les textes littraires ne suscite qure de dbats, du moins en France. Pourtant, dans beaucoup de pays les

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    dpartements de linguistique et de littrature n'ont que peu ou pas du tout de contacts. C'est surtout l'Europe continentale qui dfend traditionnellement le principe d'une approche linguistique des textes littraires. Ce type d'approche a pris le nom de "stylistique" au XIXme sicle. En France il existe dans les concours pour devenir professeur de franais une preuve de commetaire stylistique intgre l'preuve de grammaire franaise. n y a donc une reconnaissance institutionnelle du fait que la grammaire a quelque chose dire sur les textes littraires.

    Dans la stylistique hrite du XIXme sicle la grammaire est au service de l'interprtation littraire, elle a un rle auxiliaire. C'est peut-tre cela qui est en train de changer en ce moment. De plus en plus, en effet, on voit se rpandre l'ide que la linguistique peut tre davantage qu'un auxiliaire de l'interprtation littraire, qu'elle peut, travers une science du "discours littraire", jouer un rle de premier plan. Voil le sujet sur lequel j'aimerais insister aujourd'hui. Pour ce faire, je dois oprer un petit rappel de la situation qui prvalait auparavant.

    Je vais tout d'abord considrer l'approche traditionnelle, c'est--dire celle qui a domin en Europe jusqu'aux annes 1960, jusqu'au structuralisme donc. Je me limiterai, par ignorance, l'aire occidentale, en vous priant de m'excuser pour ce regard quelque peu europo-cenmque. Cette approche "traditionnelle" est

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    celle de la stylistique; cette dernire n'est pas trs ancienne: elle date du dbut du XIXme sicle, quant ses fondements thoriques, qui sont ceux de l'esththique romantique. Elle est encore dominante dans l'enseignement car elle est trs enracine dans la culture. En fait, on doit distinguer deux courants trs diffrents dans cette stylistique:

    - 1) n existe une stylistique qu'on pourrait dire "atomiste"; c'est une stylistique scolaire, pratique en France ds le collge, c'est--dire ds le dbut de l'enseignement secondaire. Elle consiste tudier les "procds" par lesquels un auteur parvient crer un certain "effet" sur son lecteur. C'est une dmarche d'analyse: on part d'un texte, on repre un certain nombre d'"effets" et on les analyse en essayant de comprendre par quels procds l'crivain est parvenu les produire. On postule ainsi qu'on peut tablir des rapports systmatiques entre des "procds" linguistiques et des "effets" sur le lecteur. J'ai parl de stylistique "atomiste" parce qu'on part de faits localiss, considrs isolment; on considre le texte comme une somme d'effets de style, qui rsultent de la bonne utilisation d'une sorte de bote outils. Les traits de stylistique traditionnels classaient ainsi les procds en diffrentes rubriques (les exclamations, l'antposition de l'adjectif, les mtaphores .. '> en essayant de leur associer des catgories dtermines d'effets de sens. Une telle dmarche se place dans la filiation de l'''inventio'' de la

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    rhtorique antique, conue comme art de trouver les moyens verbaux les mieux adapts une certaine fmalit. C'est d'ailleurs dans cette perspective que se placent spontanment ceux qui aujourd'hui ont produire de la publicit, par exemple; ils dfinissent une "cible" et cherchent la meilleure voie pour l'atteindre. On pourrait parler d'une stylistique des "moyens d'expression".

    La seconde grande tendance de la stylistique est la stylistique que je dirais "organique", qui provient directement de l'esthtique romantique. Cette fois l'oeuvre littraire est conue comme l'expression de la conscience d'un sujet individuel, l'crivain, qui "exprime" travers son oeuvre une "vision du monde" personnelle. Etudier une oeuvre consistera donc remonter de cette oeuvre vers la conscience qui la fonde, retrouver l'homme derrire sa vision du monde. On peut parler ici d'une stylistique "organique" parce que l'oeuvre y est apprhende comme une totalit organique qu'il est impossible de dcomposer, projection d'une conscience qui manifeste son "energeia" travers cette totalit. Le dfenseur le plus fameux de cette conception de la stylistique est peut-tre Marcel Proust, dans. son livre Contre Sainte-Beuve et diffrents articles, en particulier dans son tude du style de Flaubert!). On peut lui associer le nom du clbre

    1. "A propos du style de Flaubert" (1920>, repris dans Chroniques, Paris, Gallimard, 1928, p.193-206

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    philologue allemand Lo Spitzer, qui, en s'opposant aux perspectives des historiens de la littrature, a dvelopp cette thorie du style comme expression de la conscience de l'crivain. Une telle stylistique a encore beaucoup de prestige aujourd'hui parce qu'elle est consubstantielle l'esthtique romantique, qui domine largement nos reprsentations de l'art. Qui songerait rcuser l'ide qu'une oeuvre littraire est l'expression de la conscience de son auteur, le reflet de sa vision du monde? que "le style n'est pas une affaire de technique, mais de vision", pour reprendre une fonnule clbre de Proust?

    Cette approche organique du style entretient des relations ambigus avec la linguistique, mme si Spitzer se rclamait de la linguistique. Elle peut aborder la vision du monde d'un crivain en tudiant des phnomnes linguistiques; ainsi Proust s'est-il intress l'usage de l'imparfait chez Flaubert pour montrer que l'auteur de Madame Bovary utilisait ce temps de l'indicatif en le mettant au service de sa vision du monde particulire, pour donner une certaine couleur et une certaine substance la ralit. Mais Proust aurait aussi bien pu entrer dans cette vision du monde de Flaubert en tudiant l'intrigue, les mtaphores, les personnages, etc. La stylistique organique n'entretient pas un rapport essentiel la langue parce que pour elle la notion de "style" est beaucoup plus large, elle ne se rduit pas un certain maniement de la langue. Cela se

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    comprend, car en dernire instance l'objet vritable de cette stylistique n'est pas le discours littraire mais la conscience de l'crivain, exprime dans son oeuvre. Catgorie qui n'est pas verbale, mais psychique.

    En rsum, la stylistique traditionnelle est partage entre deux courants. Le premier, qui prolonge la rhtorique, s'appuie sur des "technique d'expression", un art de dterminer quels sont les moyens verbaux permettant de produire certains effets. A ct, on trouve une stylistique organique, qui part de l'ide que l'oeuvre littraire constitue une totalit dont la cohrence vient du fait qu'elle exprime la vision du monde d'un gnie crateur. Ces deux courants ont domin les relations entre linguistique et littrature jusque dans les annes 1960. A ce moment-l, il s'est produit une mutation importante dans l'tude de la littrature. Les recherches des formalistes russes des annes 1910-20 et le structuralisme linguistique ont fcond le structuralisme littraire des annes 1960, qui a impos un nouvel abord des textes littraires.

    C'est cette poque que s'est produit un malentendu en ce qui concerne le rle de la linguistique. Les spcialistes de littrature ont proclam partout qu'ils taient victimes d'un "imprialisme" linguistique, que les linguistes cherchaient leur imposer des concepts, . des mthodes qui ne convenaient pas pour la littrature. En ralit, les choses sont plus compliques. Si l'on considre ce qui s'est rellement pass, on est en droit

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    de penser que la linguistique a t accuse tort. Si l'on entend par "linguistique" une science des langues naturelles, on doit s'attendre ce qu'une approche se rclamant de la linguistique traite de phrases, d'adjectifs, de modes et de temps, de phontique, etc. Or, quand on regarde le soi-disant "imprialisme linguistique" on ne constate rien de tel. Dans la "nouvelle critique" on trouve de la sociocritique, de la psychocritique, de la lexicologie, de la narratologie, de la smiotique ... , mais pas ou presque pas de recherches sur des faits de langue (de la syntaxe, de la morphologie, etc.).

    Comment expliquer ce paradoxe? L'aile la plus avance de la Nouvelle critique, le structuralisme, affirmait s'appuyer sur la linguistique structurale. Le projet structuraliste visait dgager les invariants des systmes de signes les plus divers; or si l'on veut souligner ce qui est commun entre les textes littraires, les codes de politesse, la mode, etc. on est invitablement amen mettre en sourdine ce qu'il y a de spcifique dans la langue. Rflchir sur les adjectifs, la phontique ou la dtennination nominale, c'est se condamner ne traiter que de textes, et pas de signes non-verbaux. Aussi, pour mener bien le projet structuraliste, a-t-on prfr utiliser des concepts comme signifiant/signifi, paradigme/syntagme, actants, etc. qui ont l'intrt de pouvoir circuler entre la littrature et d'autres types de productions smiotiques.

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    Ce n'est pas par hasard si les recherches narratologiques ont connu un dveloppement si remarquable cette poque: la narratologie n'est pas rserve la littrature, elle traverse le film, la bande dessine, le mythe ... , elle constitue une dimension fondamentale de la psych humaine. On avait beau parler de "grammaire narrative" ou de "grammaire du rcit", ce n'tait une "grammaire" que par mtaphore; cela n'avait rien voir avec une grammaire du franais ou du coreen. De mme, quand on parlait de "proposition narrative", cela n'avait pas grand chose voir avec une phrase en syntaxe des langues naturelles.

    A ct de ces approches structuralistes de la littrature se sont dveloppes, au sein de la Nouvelle critique, des approches de type psychanalytique, qui ne se rclamaient pas de la linguistique. Se sont aussi dveloppes des tudes dites "thmatiques", illustres en particulier par des auteurs comme Jean-Pierre Richard, Georges Poulet, Jean Starobinski, Jean Rousset .. Ces approches thmatiques se situaient dans le prolongement immdiat de la stylistique organique que j'voquais plus haut En effet, une approche thmatique vise montrer quels sont les schmes profonds qui structurent un texte littraire, des schmes qui informent les couches les plus obscures de l'imaginaire d'un crivain. Roland Barthes, par exemple, dans une tude thmatique qu'il a mene sur l'oeuvre de l'historien du XIXme sicle Jules Michelet2>, s'est

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    attach montrer que derrire la colossale Histoire de France de cet crivain on peut restituer un rseau d'obsessions caches qui opposent l'humide au sec, le chaud au froid, l'organique et le mcanique, etc. Autrement dit, derrire la complexit des enchanements historiques on retrouve des "thmes" rcurrents, obsdants. fi n'est pas besoin d'insister sur le fait que ces approches thmatiques n'ont rien de linguistique. fi s'agit, par-del le texte, de dgager des catgories profondes de la psych cratrice. Hritiers de la stylistique organique, ces travaux n'ont pas contribu renforcer les liens entre linguistique et littrature.

    Le domaine de la linguistique qui cette poque a eu le plus d'incidence sur l'tude de la littrature, c'est la lexicologie, en particulier travers la statistique lexicale. fi s'agissait une fois encore de caractriser la vision du monde d'un auteur en traquant des prfrences statistiques inconscientes dans l'usage qu'il fait du lexique de la langue. Si l'on compare par exemple Corneille et Racine, on verra que tel type d'adjectifs apparru"t plus frquemment chez l'un que chez l'autre, que chez l'un le mots "soleil" est plutt associ "lune", etc. Ce type d'approche est intressant, mais il ne doit pas grand chose la linguistique, puisqu'on ne prend pas en compte l'inscription des mots dans des structures linguistiques. La lexicologie prenait nanmoins un tour plus linguistique quand elle

    2. Michelet par lui-mme, Paris, Seuil, 1954.

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    recourait l'analyse smique; elle croisait aussi la smiotique comme dans sa Snuttique structurale d'A. l Greimas, o l'auteur essayait de caractriser l'univers d'un auteur travers un rseau d'oppositions entre smes. Mais ici encore le recours la linguistique a tourn court, puisque l'analyse smique faisait l'impasse sur les organisations morpho-syntaxiques, les processus nonciatifs et les agencements textuels.

    Le domaine o la linguistique est intervenue de la manire la plus remarquable est certainement la potique, entendue comme science de la posie. Les travaux de Roman Jakobson, en Particulier, constituent sur ce point un apport dcisif, un acquis scientifique. Le problme est alors de savoir pourquoi les recherches linguistiques ont t productives dans ce domaine de la littrature et pas dans les autres. On peut inVOQuer pour cela deux raisons majeures.

    Tout d'abord, la technicit trs grande de la potique. Aucun spcialiste de littrature dou de culture et de sensibilit ne pourra rflchir srieusement sur ce qu'est une syllabe, un accent, la dure d'une voyelle, etc. La potique, en ce qu'elle s'appuie massivement sur les propits phoniques des langues, ne peut pas tre trangre la linguistique. D'ailleurs, en Europe on plaait l'tude de la versification dans les ouvrages de grammaire, non dans les manuels de littrature. A ce propos, on peut mentionner un dtail rvlateur; dans les annes 1960 un certain nombre de

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    chercheurs se disaient spcialistes la fois de linguistique et de littrature et, progressivement, on a vu la sparation s'effectuer entre les deux corporations. En revanche, la potique est reste l'apanage des linguistes. Cela s'explique par la trs forte technicit de la potique, mais aussi par les relations trs troites que la posie en tant que telle entretient avec la langue.

    La seconde raison qui, mon sens, explique le succs de la potique structualiste, c'est que la posie est par nature, visiblement mme, soumise un principe d'organisation structural. Un pome est fond sur des rseaux d'quivalences entre vers, strophes, entre des positions distingues (la rime, par exemple); le principe mme de projection de l'axe des slections sur l'axe des combinaisons, dans lequel Jakobson voit la caractristique de la "fonction potique, est un principe structural, le principe fondateur du structuralisme linguistique. TI n'est donc pas surprenant que le structuralisme littraire ait trouv un espace de dveloppement privilgi dans la potique. Mais ce qui fait le succs de l'analyse de la posie s'est avr d'un rendement trs faible quand on a cherch tudier un roman, un essai ou une pice de thtre. Ce sont en effet des genres de textes qui ne sont pas fonds sur des principes d'organisation structuraux.

    Faisons le point Nous avons repr un paradoxe: celui d'une linguistique qui est dnonce dans les

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    annes 1960 conune "imprialiste" l'gard de la littrature, mais qui apparat trangement absente lorsqu'on considre ce qui s'est rellement pass. Pour dnouer ce paradoxe il faut garder l'esprit la diffrence entre "structuralisme" et "Nouvelle critique", que l'on confond souvent, et tort.

    Le structuralisme est un courant qui a travers l'ensemble des scierices humaines, qui est aussi une thorie de la culture. La Nouvelle critique, en revanche, est spcifiquement oriente vers la littrature et s'est dfinie par rapport aux tudes littraires pratiques en France auparavant. Les tudes littraires taient domines jusqu'aux annes 1960 par ce qu'on appelle l'''histoire littraire", qui s'intresse au contexte de la cration des oeuvres mais ne considre pas les oeuvres "en elles-mmes et pour elles-mmes", suivant une formule structuraliste. On a donc appel "Nouvelle critique" l'ensemble des recherches qui prtendaient rompre avec cette histoire littraire et considrer les oeuvres de faon "inunanente". Mais dans cette Nouvelle critique se trouvaient en fait mles deux approches trs diffrentes:

    - les approches "structurales", qui taient nouvelles; elles voyaient dans les oeuvres la ralisation de codes arbitraires qui n'avaient de pouvoir de reprsentation du monde que sur le mode de l'illusion. Ds lors, le travail de l'analyste consistait dgager les rgles de ce code, arracher la littrature une idologie de la

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    reprsentation du "rel". - les approches qui se situaient dans le prolongement

    de tendances anciennes; bien antrieures au structuralisme. La psychocritique, la critique thmatique, la critique sociologique de Lucien Goldmann ... cherchaient la source du texte dans la conscience du crateur ou dans la conscience d'une classe sociale. On se trouvait ici aux antipodes des approches structurales.

    On peut quand mme tre tonn que ces dernires approches, dont on trouve les fondements au XIXme sicle aient pu apparaJ'.tre comme subversives dans les annes 1960. Le fait est qu'il s'est produit la fin du XIXme sicle un dveloppement ingal des tudes littraires: l'tude des oeuvres comme reflet d'une poque, d'une mentalit collective ou de l'existence de leur auteur a occup la plus grande partie du terrain, relguant dans les marges l'tude des modes de cohsion des oeuvres. Le rsultat de ce dcalage est que le dveloppement, dans les annes 1960, de la critique thmatique ou de la psychocritique a t peru comme une nouveaut, alors qu'il n'en tait rien. On n'a pas suffisamment soulign que les approches structuralistes et non-structuralistes appartenaient des poques et des univers thoriques disjoints, et l'on a parl de "la Nouvelle critique" comme d'un mouvement, certes divers, mais cohrent

    Comme on avait associ le structuralisme littraire un "imprialisme linguistique", quand ce structuralisme,

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    et avec lui l'ensemble de la Nouvelle critique, a reflu on en a conclu que la linguistique ne donnait pas de rsultats intressants en matire d'tude de la littrature et que ce n'tait pas la peine que les littraires perdent leur temps tudier la linguistique. Conclusion d'autant plus absurde, on l'a vu, qu'en ralit la linguistique n'avait jou pratiquement aucun rle dans ces approches du texte littraire des annes 1960.

    A partir des annes 1970 il s'est produit un double phnomne. La linguistique structurale a t marginalise; elle a t supplante par les courants gnrativistes, les thories de l'nonciation, lies aux courants pragmatiques, et les linguistiques du texte. En fait, l'action de ces courants tait dj perceptible ds les annes 1960. Les travaux fondateurs d'mile Benveniste sur l'nonciation datent des annes 1950, de mme que le livre de N. Chomsky Structures Syntaxiques, qui ruinait les fondements du structuralisme. En d'autres tennes, le structuralisme littraire s'est appuy sur une linguistique structurale qui tait dj dpasse sur le plan pistmologique. A l'poque o les littraires dnonaient ce fameux "imprialisme" de la linguistique structurale, cette dernire tait dj condamne.

    Les littraires se sont coups de la linguistique en invoquant une exprience rate, qui en fait... n'a pas eu lieu: la rencontre entre linguistique et littrature ne s'est pas faite, les linguistes n'ont pas rellement pu

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    investir leur travail sur la langue dans l'tude des textes littraires. Aujourd'hui le terrain est donc encore en friches, tout est possible. La question est alors de savoir si la linguistique actuelle dispose de concepts, de mthodes qui permettent d'aller plus loin qu'auparavant, de vritablement entrer dans la littrature, li me semble que oui. L'volution de l'tude de la langue depuis les annes 1960 est positive pour l'apprhension des textes littraires, surtout si l'on prend en compte les courants pragmatiques, et plus particulirement les thories de l'nonciation linguistique.

    TI n'est pas facile de clarifier les relations entre ce qu'on appelle la pragmatique et les thories de l'nonciation. En simplifiant beaucoup, on peut dire qu' la diffrence des autres courants pragmatiques, les thories de l'nonciation sont des problmatiques de linguistes qui cherchent rsoudre des problmes d'analyse des langues. La clbre distinction tablie par Benveniste entre "discours" et "histoire", par exemple, est au dpart une rponse au problme que pose le statut du pass simple en franais. De mme, la conceptualisation des "embrayeurs" (en anglais "shifters") chez Jakobson est mene propos de la morphologie des verbes russes. La plupart des autres courants pragmatiques, en revanche, relvent plutt de la philosophie du langage, de la sociologie, de la psychologie... Ce sont des problmatiques qui

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    concernent l'ensemble des sciences humaines, qui ne sont 'pas exclusivement orients vers l'tude de la structure du langage. Plutt que d'un courant homogne, il s'agit de l'entrecroisement d'un certain nombre d'ides forces comme le primat de l'interaction dans la communication, le caractre actif de la parole, le caractre coopratif de l'activit verbale, la rflexivit foncire du langag, qui reprsente le monde en reprsentant sa propre nonciation, etc.

    En quoi cette nouvelle configuration des sciences du langage peut-elle influer sur la comprhension des oeuvres littraires? L'intervention des sciences du langage sur l'tude de la littrature peut se faire sur deux plans complmentaires: un plan proprement "grammatical", o peut tre analys le travail que les oeuvres littraires oprent sur les catgories de la langue, et un plan "discursif", o l'on tudie les oeuvres comme type d'activit verbale, institution de parole spcifique.

    Pour entrer linguistiquement dans une oeuvre littraire, on ne peut en effet se contenter d'tudier des phnomnes de morphologie ou de syntaxe. Une rflexion sur l'nonciation permet d'aller beaucoup plus loin, car elle place au centre de l'analyse la prise en charge du discours par l'nonciateur, ou plutt par les "co-nonciateurs", c'est--dire le couple que forment les interlocuteurs. n y a la prise en charge qui concerne les embrayeurs (quand l'nonciateur se pose en point de

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    repre de marques conune celles de personne et de temps); il y a aussi la prise en charge modale (par laquelle l'nonciateur se pose en responsable de ce qu'il dit). Or ce phnomne de prise en charge est tout autant valide pour l'nonc complexe qu'est une oeuvre littraire que pour un nonc lmentaire. Les concepts de l'nonciation passent sans solution de continuit d'une linguistique de la phrase une linguistique du discours, de l'oeuvre littraire en tant qu'nonc, agencement de marques linguistiques, l'oeuvre en tant qu'activit qui s'exerce dans le cadre d'une institution de parole. Cette situation est trs diffrente de celle qui prvalait dans les approches stylistiques traditionnelles o il fallait procder en deux tapes: tout d'abord mobiliser un savoir sur la langue, ensuite chercher l'adapter un objet (l'oeuvre littraire) pour lequel il n'avait pas t labor. Quand on rflchit en termes d'nonciation, on a en outre accs des phnomnes linguistiques d'une grande finesse (modalits, discours rapport, polyphonie, temporalit, dtermination nominale, mta-nonciation .. .) o se mlent troitement la rfrence au monde et l'inscription de l'nonciateur dans son propre discours. Or la littrature joue normment de ces dtails linguistiques, qu'un commentaire littraire traditionnel n'a pas les moyens d'analyser.

    Le structuralisme a postul qu'il fallait tudier les oeuvres d'une manire "inunanente", ce qui revenait

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    liminer tout ce qui n'tait pas rductible aux modes d'agencement des lments du texte. Ce faisant, il a rendu trs difficile la comprhension de l'mergence des oeuvres littraires dans le monde. Comment se fait-il qu'il y ait des noncs que l'on dit "littraires"? qui nonce et pour qui dans ces oeuvres? L'un des avantages majeurs de la problmatique de l'nonciation est de permettre d'entrer dans ce type de questionnement La notion mme de "sujet d'nonciation" dsigne une frontire: ce sujet ne se rduit pas au "je", qui en est la trace linguistique, ni un individu que l'on pourrait voir dans la ralit. tre frontire, le sujet d'nonciation rend possible l'activit nonciative sans se laisser enfenner dans l'ordre des choses ni dans l'ordre du langage. Placer l'nonciation au centre, c'est placer au centre une activit; une activit bien singulire, au point que pendant longtemps on a sous-estim ou ignor le fait qu'il s'agissait d'une activit. Cette activit est la fois ce qui rend possible les noncs et ce par rapport quoi ils se structurent. Activit qui n'est en un sens ni l'intrieur ni l'extrieur de la langue, qui s'organise partir d'elle.

    TI y a l une manire d'envisager le discours, le langage comme discours, qui pennet de concevoir la littrature non pas simplement comme des textes, mais comme un processus qui dstabilise la distinction spontane entre "texte" et "contexte". TI se produit avec ces nouvelles problmatiques un dcentrement de

  • Analyse Iinguist1Que des textes littraires 161

    l'tude de la littrature. Dans l'espace esthtique ouvert par le romantisme, c'est--dire en fait jusqu'aux annes 1960, l'unique objet de l'tude tait l'auteur, de manire directe ou indirecte. Directement quand on tudiait sa vie; indirectement quand on tudiait le "contexte" de sa cration. Mme quand on procdait une analyse stylistique, qu'on explorait l'organisation des textes, c'tait pour y lire la vision du monde de son crateur. Avec le structuralisme le centre de l'investigation s'est dplac vers le texte. On a dcid de mettre l'auteur entre parenthses et de lire le texte en lui-mme et pour lui-mme. Aujourd'hui on a sans doute renonc dfmir un centre, ou, du moins, s'il y a un centre c'est en un sens bien diffrent, puisque c'est le dispositif de comminucation lui-mme.

    Ce dispositif est quelque chose d' la fois textuel et socio-historique. On remet ainsi implicitement en cause l'ide, chre au structuralisme, qu'il existerait une "littrarit", une caractrisation purement textuelle de la littrature. L'impossibilit de dgager cette fameuse "littrarit" a t l'un des signes de l'chec du structuralisme littraire. Par exemple, il est trs difficile de caractriser la littrarit de beaucoup de textes de Voltaire, d' y mettre en vidence des structures textuelles qui seraient spcifiquement littraires. On prfre prsent parler de discours littraire; ce passage de texte discours indique que l'on renonce l'ide de faire de la littrarit une proprit attache

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    un texte. Parler de discours littraire, c'est en effet assumer le fait que les noncs littraires sont indissociables d'institutions de parole, qu'on ne peut pas sparer l'institution littraire comme dispositif institutionnel et l'nonciation comme configuration d'un monde fictif.

    L'importance accorde la notion de genre de discours est un symptme probant de ce changement. En effet, pourquoi parle-t-on tellement de "genre de discours" depuis quelques annes? Pas pour reconduire purement et simplement les dbats issus de la Potique d'Aristote. La tentation est toujours grande de rduire les genres de simples moules pour les noncs; comme la plupart des gens n'ont accs la littrature qu' travers l'cole, ils finissent par avoir l'illusion que les grands crivains ont crit des textes... qui figurent dans des manuels scolaires. En fait, Corneille ou Racine n'ont pas crit des oeuvres destines figurer dans un manuel ct de posies, de comdies ou de mmoires: ils ont plac leurs oeuvres dans une vie littraire o se produisaient un grand nombre d'vnements, de reprsentations thtrales, de publications, de rcitations ... Leurs oeuvres sont la fois des ensembles de signes sur des pages et des noncs qui s'inscrivent l'intrieur de genres d'activits prtablies. Plutt que de poser les genres l'extrieur de la socit pour se demander ensuite comment ils s' y inscrivent, il est donc prfrable de penser d'emble ces genres comme des

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    activits sociales d'un type trs singulier; non pas seulement comme un certain mode d'organisation textuelle, mais encore comme une activit sociale dtennine qui implique un moment, un lieu, des partenaires d'un certain type. Une tragdie par exemple n'est pas seulement une manire de dire la destine de 1 'homme, c'est un certain rite nonciatif qui se droule dans certaines circonstances et l'intrieur d'un certain dispositif spatial, pour certaines catgories de public; de ce fait, envelopper dans la mme essence les oeuvres de Sophocle et de Racine sous prtexte que tous deux ont crit des "tragdies" ne va pas de soi; on peut toujours rapprocher les crivains que l'on veut rapprocher, mais on ne peut pas s'appuyer sur une dfinition des genres qui en fassent de simples moyens pour exprimer une vision du monde personnelle.

    Lorsque l'on renonce ainsi placer le centre dans la subjectivit cratrice ou dans le texte, on manipule alors des notions beaucoup plus complexes qu'auparavant, mais mieux adaptes la littrature. Les oeuvres littraires ne peuvent pas tre la chasse garde des approches traditionnelles, organises autour de la biographie d'auteur et du commentaire de texte. Ce qu'on pourrait appeler le phnomne littraire excde de beaucoup les seuls textes. Les courants pragmatiques sont mieux mme d'aborder ce phnomne littraire dans ses multiples dimensions parce qu'ils sont eux-mmes transdisciplinaires. TI en va de mme pour

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    une discipline conune l'analyse du discours, qui aborde la diversit des genres de discours d'une socit: elle n'apprhende pas la littrature en opposant de manire rductrice textes littraires et textes non-littraires, mais en replaant le discours littraire dans la multiplicit des nonciations qui traversent 1/ espace social. TI s'agit donc de renoncer l'opposition consacre par l'esthtique romantique entre une parole "intransitive" (la littrature), qui n/aurait pas d'autre vise qu'elle-mme (on parle de vise "autotlique"), et des paroles "transitives", c'est--dire en fait le reste des noncs, qui seraient au service de finalits places 1/ extrieur d' elles-mmes. Cette opposition mise en place la fm du XVllIme sicle est progressivement devenue un dogme, que le structuralisme n / a d / ailleurs pas remis en cause. Une telle opposition est solidaire d'une poque o l'artiste, en l'occurrence l'crivain, tait pos en Sujet suprme, o la littrature se posait " l'exception de tout", pour reprendre une formule du pote S. Mallann. Le dveloppement des recherches en analyse du discours porte atteinte ce dogme en prenant pour objet d'tude n'importe quel type d'nonc. Alors qu'auparavant l'tude minutieuse des textes tait rserve la littrature, on dcouvre aujourd'hui que toutes les fOIIDes d/activit verbale sont soumises des structurations multiples que l'on retrouve l'oeuvre dans le discours littraire. Par exemple, les clbres "maximes converstionnelles" de P.

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    Grice, sont valides non seulement pour une conversation dans la rue mais encore dans les oeuvres littraires, quoique de manire spcifique. On assiste ainsi un retournement intressant: les textes littraires qui absorbaient traditionnellement l'essentiel des entreprises d'analyse de texte ne sont plus aujourd'hui qu'un sous-ensemble du champ des tudes du discours.

    On insiste galement de plus en plus sur le fait que la littrature vit d'changes permanents avec les autres formes de discours d'une socit. La littrature n'a pas des formes flges, elle se nourrit de multiples genres d'noncs qu'elle dtourne, parasite. On en a une illustration particulirement nette avec la littrature classique franaise. A cette poque le modle implicite de rfrence pour la littrature, c'est la conversation de salon, la conversation raffme. Madame de Svign, La Bruyre, La Fontaine, Molire... sont hants par ce modle. Avec le romantisme les choses basculent: la conversation devient un repoussoir; on se met au contraire s'inspirer de genres de discours comme la lgende, la chanson populaire ... De la mme manire, on ne peut pas comprendre les romans d'mile Zola si on ne les rfre pas aux genres de discours que pratique la science de son temps.

    Cette importante volution dans les sciences du langage a, selon moi, des consquences trs positives pour les relations entre linguistique et analyse des

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    oeuvres littraires. Auparavant les relations entre ces deux champs taient trop souvent "anecdotique": selon le bon vouloir de l'analyste on allait chercher tel ou tel segment de savoir linguistique qui semblait susceptible d'tre clairant pour l'interprtation. Cette faon de dfinir le statut des sciences du langage par rapport au discours littraire est prime. Comme auparavant la linguistique se limitait pour l'essentiel au domaine de la phrase, le texte littraire tait constamment dcale par rapport elle. Or il existe prsent de plus en plus de recherches qui excdent le domaine traditionnel de la "grammaire" et de la "lexicologie", qui s'inscrivent dans l'orbite d'une linguistique du discours. Aujourd'hui les disciplines qui se rclament d'une linguistique du discours ont un accs beaucoup plus naturel la littrature, considre comme forme de discours et non comme un domaine clos sur soi dont on se demande par quel biais on pourrait bien l'aborder.

    Les sciences du langage confrontes au discours littraire sont ainsi appeles jouer un rle plus important que par le paas; elles ne vont plus se contenter d'aider tirer des interprtations, elles vont dire quelque chose sur l'oeuvre elle-mme en tant que discours. Le grand dfaut de nombre de commentaires stylistiques traditionnels est qu'ils ne recourent des concepts linguistiques qu'en passant, les traitant comme des instruments qu'on prend et qu'on laisse. A notre sens, les sciences du langage doivent au contraire

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    permettre de dcouvrir des choses nouvelles, et pas seulement de valider des interprtations qui ont t labores indpendanunent d'elles; et ceci et vrai de l'tude de dtails de la structure linguistique comme de celle de l'oeuvre comme dispositif de communication.

    Une des voies les plus productives en matire d'analyse du discours littraire est de considrer les mises en scne nonciatives que montent les crivains. Trop souvent on apprhende l'esthtique des oeuvres en lisant les propos que leurs auteurs ont tenus sur l'art, la littrature, la posie... Zola, par exemple, a beaucoup crit sur le roman naturaliste; il a pleinement jou le rle de chef d'cole. Quand on veut tudier le roman naturaliste on est donc trs tent de se reporter ses textes thoriques pour voir comment ses romans illustrent les thses qu'il a dfendues sur le roman. Une autre manire de procder, c'est de prendre en considration non ces propos sur le roman mais les dispositifs d'nonciation qu'il faut mettre en place pour pouvoir produire un roman comme "naturaliste". crire un roman naturaliste, c'est trouver des solutions un certain nombre de problmes d'nonciation: introduire des personnages, dcrire, employer les temps, rapporter des paroles, etc. Dvelopper un mouvement littraire, ce n'est pas seulement laborer une doctrine, c'est aussi mettre au point des techniques de production verbale qui soient rptables, qui ouvrent un espace de cration bien au-del de ses promoteurs. Pour saisir ce type de

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    fonctionnement on ne peut pas se contenter d'examiner de loin les textes; il faut entrer dans le dtail des noncs et mobiliser des savoirs linguistiques trs prcis; il faut en outre s'appuyer sur les acquis de l'analyse du discours, au lieu de jeter un regard "innocent", qui en fait n'est pas innocent, mais inform par des catgorisations dont on n'a pas conscience.

    Pour terminer, j'insisterai sur l'ide que les rapports entre sciences du langage et littrature ne sont vritablement intressants que si l'on sort du modle que l'on peut dire "applicationniste", o les littraires ne feraient qu'''appliquer" les concepts des sciences du langage un corpus qui serait leur chasse garde et qu'ils devraient maintenir pur de toute contamination extrieure. Avec l'volution rcente des sciences du langage, les choses sont devenues beaucoup moins simples qu'au temps de la stylistique triomphante; nous assistons aujourd'hui une reconfiguration gnrale du champ des tudes littraires et nul ne peut dire prcisment quel visage il va prendre. Une chose est sOre, l'ge d'or de la stylistique, qui s'est ouvert avec le romantisme, est en train de se fermer sous nos yeux.