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    Immunologie

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    Les mécanismes immunologiques complexes du rejet d’uneallogreffe et de la maladie du greffon contre l’hôte fontintervenir les différents éléments du système immunitairequi concourent au rejet du non-soi par deux processus com-plémentaires : l’immunité cellulaire, dépendant principa-lement des cellules T et des cytokines, et l’immunité humo-rale, médiée par les anticorps produits par les cellules B.Le système immunitaire, dont le rôle est de protéger l’in-dividu contre toute substance étrangère, est caractérisé parsa spécificité pour l’antigène, sa capacité à distinguer les

    antigènes du soi et du non-soi et enfin par sa mémoire pourpermettre une réponse anamnestique plus forte lors de laréintroduction de l’antigène initial. Parmi les nombreusessubstances antigéniques faisant l’objet d’un polymor-phisme au sein de l’espèce (allotypes), la principale cibledu rejet de greffe est l’ensemble des antigènes itssulaires,codés par des gènes exprimés à la surface des membranescellulaires, définissant les systèmes d’histocompatibilité.Trois principaux systèmes interviennent dans le rejet degreffe : 1) le système des groupes sanguins ABO et Lewiscorrespond à des molécules tissulaires très fortement anti-géniques ; 2) le système HLA (Human Leucocyte Antigen)

     Mécanismes et expression

    clinique du rejet de la greffeet de la maladie du greffon contl’hôteDr Stéphane VIGNES, Pr Dominique FARGE (Mme)Service de médecine interne, hôpital Saint-Louis, 75475 Paris cedex 10

    • Les antigènes d’histocompatibilité du donneursont les principales cibles du rejet de greffed’organes.• La réaction du greffon contre l’hôte est lemécanisme « inverse» du rejet d’allogreffe: lesantigènes du receveur deviennent la cible descellules du donneur.• L’IL-2, produite par les lymphocytes CD4+, est laprincipale cytokine au cours de la réaction de

    rejet.

    Points Forts à comprendre code pour l’identité du soi (HLA classe I) et le contrôle durejet du non-soi (HLA classe II); 3) un ensemble d’autressystèmes d’histocompatibilité appelés mineurs qui codentpour des antigènes de transplantation présentés sous formede peptides en association avec les produits du complexemajeur d’histocompatibilité (CMH) du donneur ou du rece-veur.L’expression clinique du rejet d’allogreffe est étroitementliée à la nature de l’organe greffé, à l’intensité du rejet (sur-aigu, aigu ou chronique) et aux possibilités de manipulerla réponse immunologique du receveur afin d’éviter la réac-tion de rejet par le receveur en cas de greffe d’organe, ou

    par le greffon lui-même vis-à-vis de son hôte en cas degreffe de moelle.

    Définitions• Autogreffe: greffe d’organe ou de tissus lorsque donneur et rece-veur sont le même individu.• Greffe syngénique (jumeaux homozygotes): greffe d’organe ou detissus d’un donneur à un receveur génétiquement identique.• Allogreffe : greffe d’organe ou de tissus d’un donneur à un receveurgénétiquement différent au sein d’une même espèce.• Xénogreffe (ou hétérogreffe) : greffe d’organe ou de tissus d’un don-neur à un receveur appartenant à deux espèces animales différentes.

    Principaux élémentsdu système immunitaire impliquésdans le rejet de greffeet de la maladie du greffoncontre l’hôte

    Cellules

    1. Cellules présentant l’antigène

    Les cellules de la lignée monocytes-macrophages, com-prenant les monocytes du sang circulant et les macrophages

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    tissulaires, constituent les principales cellules présenta-trices d’antigènes aux lymphocytes T. L’antigène étrangerest capté, internalisé, puis dégradé par une action enzy-matique. Cette transformation produit des peptides allo-géniques, qui sont ensuite exprimés à la surface des mono-cytes-macrophages en association avec les molécules HLAde classe II. Cette étape s’accompagne, entre autres, de lasécrétion de cytokines (tumor necrosis factor α, interleu-kine 1, interleukine 6) et d’enzymes (protéases, lysozyme)par le monocyte-macrophage. D’autres cellules non pha-gocytaires peuvent intervenir dans la présentation de pep-tides allogéniques, notamment les cellules dendritiques duthymus et des tissus, les cellules de Langerhans de l’épi-derme et des lymphocytes B.

    2. Lymphocytes

    Ils ont un rôle majeur dans la réponse immunitaire cellu-laire et agissent directement comme cellules effectrices.Chez l’homme, tous les lymphocytes T expriment le récep-teur CD2, mais la voie majeure d’activation lymphocytaire

    T dépend de l’acquisition d’un récepteur TCR (T Cell Receptor) spécifique de l’antigène et couplé au CD3 sousla forme d’un complexe CD3/TCR à la surface cellulaire,qui rend les cellules T immunologiquement fonctionnelles.Le complexe CD3 transmet à l’intérieur de la cellule unsignal d’activation lorsque le TCR est stimulé par l’anti-gène.• Trente pour cent des lymphocytes T circulants expri- ment le récepteur CD8, qui reconnaît les antigènes d’his-tocompatibilité de classe I. Deux types de lymphocytes Tportent le marqueur CD8: les lymphocytes T cytotoxiquesexerçant une cytotoxicité directe sur les cellules cibles sansl’intermédiaire d’une cellule présentatrice d’antigènes et

    les lymphocytes T suppresseurs qui modulent l’activité descellules B et T.• Soixante-dix pour cent des lymphocytes T circulantsexpriment le marqueur CD4. Ils sont appelés lymphocytesT auxiliaires ou «helper » et reconnaissent les antigènesd’histocompatibilité de classe II. Ils participent à la trans-formation des lymphocytes B en cellules productrices d’an-ticorps et à la différenciation des cellules T cytotoxiques.On distingue 2 types de sous-populations lymphocytairesCD4+ selon leur profil de sécrétion de cytokines après sti-mulation antigénique : 1) les CD4+ Th1 sécrètent de l’in-terleukine 2 (IL-2), de l’interféron γ  (IFγ ), activent lesmacrophages et sont également responsables de l’hyper-sensibilité retardée ; 2) les lymphocytes CD4+ Th2 secrè-

    tent de l’IL-4, de l’IL-5 et de l’IL-10, entraînent la pro-duction d’IgE, la stimulation des éosinophiles et desmastocytes. Les lymphocytes T CD4+ Th1 exercent uneaction inhibitrice sur les Th2 et réciproquement.• Molécules d’adhésion : les interactions cellulaires fontintervenir avec l’adhésion des lymphocytes T, différentstypes de cellules : les macrophages, les cellules B avec les-quelles ils coopèrent, et les cellules-cibles d’une réactionde cytotoxicité. Le CD3/TCR établit une liaison spécifiqueavec ces différentes cellules, mais d’autres molécules ouadhésines favorisent l’adhésion en se fixant sur leursligands spécifiques: LFA I (lymphocyte function associa-

    ted antigen) avec ICAM 1 (inter cellular adhesion mole-cule), CD2 avec LFA3, CD4 avec HLA II et CD8 avec HLAI.

    Les molécules d’adhésion.

    Les adhésines augmentent la liaisondu recépteur des cellules T à l’antigène

    3. Lymphocytes B

    Les lymphocytes B matures expriment à leur surface desimmunoglobulines IgM ou IgD, qui jouent le rôle de récep-teurs spécifiques de l’antigène, et différents marqueurs desurface, dont les molécules HLA de classe I et de classe II.Après stimulation antigénique, ils prolifèrent en présence

    d’IL-4, puis se différencient en plasmocytes en présenced’IL-6. Le plasmocyte sécrète initialement des immuno-globulines de type M, de même spécificité que l’IgM desurface exprimée par le lymphocyte B, puis lors d’uneseconde stimulation antigénique (réponse secondaire) desIgG ou d’autres immunoglobulines d’isotype différent (IgAou E) exprimant la même région variable qui caractérise lareconnaissance de l’antigène.

    4. Cellules NK (natural killer)et cellules K (killer)

    Les cellules NK représentent environ 2 % des lymphocytespériphériques circulants. Non restreintes par le système

    majeur d’histocompatibilité, elles nadhèrent pas et ne pha-gocytent pas, mais peuvent reconnaître par leur récepteurpour le fragment Fc des immunoglobulines, différentes cel-lules cibles recouvertes d’anticorps. Leur cytotoxicité cor-respond alors au phénomène de cytotoxicité dépendantedes anticorps (ADCC: antibody dependent cellular cyto-toxicity), à médiation cellulaire en l’absence de complé-ment. Ces cellules sont alors appelées cellules K.

    CytokinesLes cytokines, glycoprotéines solubles, sont sécrétées parcertaines sous-populations lymphocytaires T et par les

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    monocytes. Elles agissent à distance lors d’une réactioninflammatoire mais surtout permettent l’activation des cel-lules du système immunitaire (lymphocytes B, T, macro-phages), des cellules responsables des réponses cyto-toxiques et de celles liées à l’hypersensibilité retardée.• L’interleukine I (IL-1), sécrétée par les monocytes-macrophages, est la première cytokine intervenant dans lamaturation et l’activation des lymphocytes B et T aprèscontact antigénique et contrôle l’induction des récepteursde l’IL-2.• L’interleukine 2 (IL-2) est au centre de la réaction derejet de greffe et représente la cible de plusieurs traitementsimmunosuppresseurs (ciclosporine, anticorps monoclo-naux). Elle est produite par les lymphocytes T CD4+ Th1après stimulation antigénique en présence d’IL-1. L’IL-2n’agit que sur les lymphocytes T activés exprimant unrécepteur de haute affinité pour cette cytokine (IL-2 R).Elle stimule leur prolifération, ainsi que la production decytokines par les lymphocytes T CD4+ et la cytotoxicitédes lymphocytes T CD8+. Elle est indispensable à l’ex-

    pression de l’hypersensibilité retardée. Elle stimule égale-ment la prolifération des lymphocytes B et la productiond’immunoglobulines.• L’interleukine 4 (IL-4) synthétisée par les lymphocytesT CD4+ Th2, agit sur la prolifération des lymphocytes B,la production d’immunoglobulines et induit l’expressiondes antigènes de classe II. L’IL-4 peut également agir surles macrophages en augmentant leur cytotoxicité.• L’interleukine 6 (IL-6) synthétisée par les monocytes-macrophages et les lymphocytes B et T, induit la prolifé-ration des lymphocytes B et la différenciation en plasmo-cytes avec production d’immunoglobulines. Elle active leslymphocytes T, induit la différenciation des lymphocytescytotoxiques et des monocytes en macrophages avec aug-mentation de la phagocytose.• L’interféron γ  (IFN γ   ), produit par les lymphocytes T acti-vés, est un puissant activateur des macrophages. Il aug-mente l’expression des molécules de classe II à la surface

    des macrophages et des lymphocytes B. Il augmente éga-lement l’activité des lymphocytes cytotoxiques et des cel-lules NK ainsi que sa propre synthèse.

    Antigènes expriméspar les cellules du greffon

    Trois groupes d’antigènes exprimés en abondance à la sur-face des membranes cellulaires sont impliqués dans lesmécanismes immunologiques du rejet de greffe.

    1. Antigènes du complexe pajeurd’histocompatibilité (CMH)

    Les gènes codant les antigènes d’histocompatibilité, quiinterviennent dans l’identité du soi (HLA classe I) et lecontrôle du rejet du non soi ou régulation de la réponseimmune (HLA classe II), sont situés sur le bras court duchromosome 6 et réunis dans le complexe majeur d’histo-compatibilité (CMH) découvert par Jean Dausset en 1958.Le typage HLA d’un individu, initialement par technique

    sérologique ou de microlymphotoxicité et maintenant parbiologie moléculaire, permet de définir les produitsgéniques issus de chaque chromosome parental et donc ses2 haplotypes. Les antigènes HLA de classe I, sont la ciblede la lymphototoxicité due aux cellules T CD8+. Les anti-gènes HLA de classe II, qui présentent l’antigène aux cel-lules T CD4+, induisent la transformation blastique descellules T dans la réaction lymphocytaire mixte.Les antigènes HLA de classe I sont constitués de 2 chaînespolypeptidiques : une chaîne lourde de 45 kDa, codée dansle CMH, qui porte la variabilité et est associée de façon noncovalente à une chaîne légère, codée en dehors du CMH(chromosome 5), identique pour toutes les molécules: la β2microglobuline. Les antigènes HLA A et B sont les princi-paux antigènes HLA de classe I et correspondent aux pro-duits des 2 locus majeurs de classe I du CMH: HLA A etHLA B. Il existe un troisième locus de classe I, HLA C, situéentre HLA A et B. Les antigènes HLA C sont moins immu-

    Cellules productrices des cytokineset principales actions

    Cytokines Cellules sécrétrices Actions principales

    IL-1 Lymphocytes B, T, macrophages Prolifération des lymphocytes T activés par l’antigène

    Prolifération des lymphocytes CD4+IL-2 Lypohocytes T CD4+Différenciation en lymphocytes cutotoxiques

    Prolifération des lymphocytes BIL-4 Lymphocytes T CD4+ Augmentation de l’expression du HLA classe II

    à la surface des lymphocytes B

    IL-6 Monocytes-macrophages Différenciation en lymphocytes cytotoxiquesDifférenciation des lymphocytes B en plasmocytes

    IFγ  Lymphocytes T activés Augmentation de l’expression du HLA classe IIà la surface des macrophages et des lymphocytes B

    TNFα Monocytes-macrophages, Activation et chimiotactismelymphocytes T des polynucléaires neutrophiles

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    nogéniques et, en pratique, ont une importance moindre dansles typages tissulaires réalisés. Les antigènes HLA de classeI sont exprimés par toutes les cellules nucléées de l’orga-nisme. Les cellules lymphoïdes expriment beaucoup plusd’antigènes HLA de classe I que les cellules parenchyma-teuses. À ce jour, plus de 120 allèles de HLA classe I ont étémis en évidence. De nouveaux gènes appartenant au sys-tème HLA classe I ont été récemment mis en évidence: E,F, G, H, J et pourraient avoir un rôle dans le rejet de greffe.Les antigènes HLA de classe II sont des glycoprotéinestransmembranaires, hétérodimériques comportant unechaîne α et une chaine β associées de manière non cova-lente. La région du CMH codant les antigènes de classe II,appelée HLA D, est subdivisée en 3 sous-régions : HLADP, DQ et DR. Les antigènes HLA de classe II sont expri-més par certaines types cellulaires seulement: lymphocytesB, macrophages, cellules endothéliales et cellules dendri-tiques. À ce jour, plus de 150 allèles ont été mis en évi-dence. L’expression des antigènes HLA, notamment declasse II, est augmentée pendant le rejet. Les infections

    virales associées à un rejet jouent le rôle d’inducteur puis-sant pour l’expression des antigènes HLA par l’intermé-diaire d’une sécrétion d’IFNγ .

    2. Antigènes des groupes sanguins

    • Système ABO: les antigènes de groupes sanguins éry-throcytaires ABO sont de puissants antigènes de trans-plantation. Le locus ABO a 3 allèles A, B et O : gènes Aet B condominants, gène O récessif avec 4 génotypes pos-sibles (A, B, AB, O). Les antigènes A et B sont présentssur les hématies, mais aussi sur certaines cellules épithé-liales et endothéliales. Des anticorps anti-A ou anti-Bimmuns, encore appelés allo-anticorps, peuvent apparaîtreà la suite d’une immunisation (grossesse, transfusions). Lacompatibilité dans le système ABO doit être rigoureuse-ment respectée pour toute transplantation d’organe.• Autres systèmes antigéniques des groupes sanguins : denombreux autres alloantigènes sont portés par les globulesrouges notamment antigène Rhésus, antigènes des groupesKell, Duffy et Kidd. À la différence des antigènes A et B,il n’existe pas d’anticorps naturels contre ces autres sys-tèmes antigéniques érythrocytaires, qui peuvent être néan-moins responsables d’allo-immunisation. En pratique, lacompatibilité dans tous ces autres systèmes antigéniquesdes groupes sanguins n’est pas requise pour réaliser unetransplantation d’organe.

    3. Antigènes mineurs d’hostocompatibilitéLe rôle de certains antigènes indépendants du CMH et dusystème ABO dans le rejet des greffes est démontré par lasurvenue de rejet chez des receveurs d’allogreffe HLAidentiques. La nature des antigènes mineurs d’histocom-patibilité est encore mal connue. Il s’agit principalementd’antigènes exprimés par les cellules endothéliales vascu-laires et par les monocytes du donneur. Les cellules endo-théliales qui expriment les antigènes de classe I et II, lesantigènes du système ABO sont des cibles privilégiées desréactions de rejet. Le rôle des antigènes mineurs d’histo-compatibilité est variable selon l’organe greffé. L’antigène

    érythrocytaire Lewis et des antigènes mâles, codés par lechromosome Y, pourraient être impliqués dans le rejet degreffe d’organe et dans la maladie du greffon contre l’hôte.

    Mécanisme du rejet de greffeL’étape initiale majeure de la réaction de rejet est la recon-naissance des antigènes étrangers du greffon par les élémentsdu système immunitaire après présentation par les cellulesprésentatrices d’antigènes aux lymphocytes T CD4+ qui per-met alors l’activation en cascade et la différenciation des dif-férentes cellules du système immunitaire. L’importance rela-tive des différents mécanismes effecteurs du rejet est difficileà apprécier, mais tous concourent à l’apparition des lésionshistologiques caractéristiques du rejet d’allogreffe.

    Anticorps et complément :mécanisme humoralLes anticorps présents chez le receveur se fixent sur un anti-gène du greffon. Le complexe antigène-anticorps active le

    système du complément, avec afflux et activation des poly-nucléaires neutrophiles et des macrophages, aboutissant à lalyse cellulaire qui représente l’étape finale. Ce mécanismeexplique le rejet vasculaire suraigu. Les anticorps préformésaprès sensibilisation préalable aux alloantigènes (notammentHLA de classe I et groupes sanguin A, B, O) sont détectéspar la positivité du cross match avant la transplantation(sérum du receveur mis en présence avec les lymphocytes Bet T du donneur) qui contre-indique la greffe.

    Cellules t cytotoxiquesLes cellules T CD8+, en collaboration avec les cellules TCD4+ qui sécrètent de l’IL-2, détruisent les cellules du

    greffon par reconnaissance des antigènes HLA de classe I(ou parfois de classe II), après contact, synthèse de perfo-rine et lyse de la membrane de la cellule-cible, ou bien parinduction d’une apoptose (mort cellulaire programmée).Ce type de rejet, fréquent, avec infiltration du greffon pardes cellules mononucléées, notamment des cellules T acti-vées, peut entraîner une fibrose mutilante.

    Cytotoxicité dépendante des anticorps :ADCCLes cellules NK sont en nombre très important dans le gref-fon au cours des réactions de rejet. Les cellules K du rece-veur se fixent, par l’intermédiaire de leur récepteur du frag-ment Fc, sur les cellules du greffon recouvertes d’anticorps

    et entraînent leur lyse sans intervention du complément.Ce mécanisme pourrait être mis en jeu dans les lésions devascularite observées au cours du rejet chronique.

    Hypersensibilité retardéeLes lymphocytes CD4+ reconnaissant les antigènes HLAde classe II du greffon permettent de recruter et d’activerdes macrophages. Ces derniers libèrent des enzymes lyso-somiales et entraînent la luse de la cellule cible du greffon.Peu de lymphocytes T sont nécessaires pour recruter ungrand nombre de macrophages et entraîner des dégâts cel-lulaires importants.

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    Expression cliniquedu rejet d’allogreffe d’organe

    Le rejet est un phénomène constant, sans périodicité, dontle diagnostic est avant tout histologique. L’expression cli-nique du rejet de greffe varie selon des facteurs génétiqueset la nature de l’organe transplanté.

    Rejet suraiguIl se manifeste dans les heures qui suivent le rétablissementde la continuité vasculaire par un infarctus du transplant,parfois associé à une coagulopathie de consommation. Desrejets suraigus peuvent survenir en l’absence d’anticorpspréformés détectés par le cross match.

    Rejet aiguIl survient à partir du 4e jour après la greffe et se traduit pardes signes généraux, fonctionnels et biologiques qui varientselon l’organe transplanté.

    1. Après transplantation rénaleLe rejet aigu précoce plus fréquent au cours des premiersmois peut associer : fièvre, augmentation du volume ou dela sensibilité du greffon, prise de poids avec chute de ladiurèse, apparition ou majoration d’une hypetension arté-rielle. Biologiquement, apparaissent une insuffisancerénale, une baisse de la natriurèse et parfois une protéinu-rie. La biopsie rénale affirme le diagnostic et apprécie lagravité et l’étendue des lésions.

    2. Après transplantation cardiaque

    Le rejet aigu, plus fréquent dans les 6 premiers mois, estle plus souvent asymptomatique diagnostiqué par la sur-veillance échographique (diminution de la contractilité seg-

    mentaire ou globale) et histologique systématiques. Lessignes cliniques ou électriques, beaucoup trop tardifs,témoignent d’un rejet aigu gravissime. La biopsie endo-myocardique permet d’affirmer le diagnostic et de classerle rejet selon sa gravité histologique.

    3. Après transplantation pulmonaire

    Le rejet reste souvent asymptomatique et est diagnostiquépar la surveillance systématique clinique, spirométrique(baisse du peak-flow et les débits distaux) et radiologique(infiltrats interstitiels parfois seulement visibles au scan-ner). Les biopsies transbronchiques avec lavage bronchio-alvéolaire permettent de différencier l’infection du rejet,qui peuvent coexister, et d’apprécier la sévérité histolo-gique des lésions.

    4. Après transplantation hépatique

    Le rejet aigu peut être asymptomatique ou se traduire cli-niquement par une asthénie, une fièvre, une hépatoméga-lie, une ascite ou un ictère. Souvent, seules des anomaliesbiologiques isolées, cholestase ou cytolyse, motivent labiopsie qui va confirmer la diagnostic.

    5. Après transplantation pancréatique

    La survenue du rejet pose un problème diagnostique enl’absence de marqueur précoce du rejet du pancréas endo-

    crine. En cas de greffe combinée rein-pancréas, l’élévationde la créatininémie est considérée comme le marqueur leplus fiable du rejet pancréatique. La biopsie à l’aiguille,délicate techniquement et non dénuée de risques, reste d’in-terprétation difficile.

    Rejet chroniqueLe rejet chronique, d’étiologie multiple mais avant toutimmunologique, est responsable d’une altération progres-sive et irréversible de la fonction du greffon. Histologi-quement, il réalise une vasculopathie chronique spécifiquede l’organe greffé, essentiellement fibrosante et prolifé-rante. Les lésions d’artériosclérose accélérée du greffondiffèrent de celles de l’athérome classique, car elles sontdiffuses et circonférentielles, avec hyperplasie concentriquede l’intima, respectant la limitante élastique interne etd’évolution rapide en quelques mois.La symptomatologie du rejet chronique varie selon l’or-gane greffé. Après transplantation rénale, il se traduit parune insuffisance rénale lentement progressive et une hyper-

    tension artérielle parfois associées à une protéinurie. Aprèstransplantation cardiaque, se développe une coronaropa-thie chronique indolore, car l’angor est asymptomatiquesur un cœur dénervé. L’apparition de signes cliniques d’in-suffisance cardiaque est très tardive. Après transplantationpulmonaire, apparaissent des lésions de bronchiolite obli-térante avec symptômes d’insuffisance respiratoire chro-nique (dyspnée, surinfection). Après transplantation hépa-tique, le rejet chronique se traduit par une cholestasebiologique isolée, puis par un ictère progressif évoluantvers une insuffisance hépatocellulaire. Après transplanta-tion pancréatique, réapparaissent une insulinodépendanceet (ou) une insuffisance rénale en cas de transplantationrein-pancréas.Dans tous les cas, le seul traitement du rejet chronique estla retransplantation avec un risque de récidive accrue surle deuxième greffon. Le meilleur traitement est avant toutpréventif par le diagnostic et le traitement précoces des épi-sodes de rejet aigus et la lutte contre les autres facteurs derisque de la maladie athéromateuse.

    Mécanismes et expression cliniquede la maladie du greffon contre l’hôte

    Lorsque le receveur est incapable de rejeter une greffe allo-génique, par déficit immunitaire pathologique ou consé-

    cutif à l’immunosuppression, et si le greffon contient deslymphocytes T, ces derniers peuvent reconnaître les anti-gènes du receveur et induire une réaction du greffon contrel’hôte (GVHD: graft versus host disease). La GVHDnécessite : 1) une différence d’histocompatibilité entre don-neur et receveur; 2) la présence de cellules immunocom-pétentes dans le greffon capables de réagir contre les anti-gènes d’histocompatibilité de l’hôte et 3) une impossibilitédu receveur de rejeter la greffe.Les mécanismes immunologiques sont incomplètementconnus, mais la GVHD est liée à l’activation des lympho-cytes T matures du greffon (donneur) qui reconnaissent les

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    antigènes majeurs et mineurs différents du système HLAdu receveur. L’activité cytotoxique est, soit directe par leslymphocytes CD8+, soit indirecte par le recrutementd’autres cellules effectrices et la sécrétion de cytokines(IFNγ , IL-1, TNF). Certains agents microbiens, notammentà partir de la flore digestive, pourraient avoir une antigé-nicité croisée avec des alloantigènes de l’hôte ou causerune activation non spécifique des macrophages ou des cel-lules présentatrices d’antigènes.

    GVHD aiguë

    Elle survient généralement dans les 100 jours suivant lagreffe, la plupart du temps entre 2 et 5 semaines, avec unefréquence de 30 à 70 % selon la greffe considérée malgréle traitement préventif. Les trois organes cibles sont : lapeau, le foie et le tube digestif. La GVHD aiguë est clas-sée en 4 grades de gravité croissante, selon le degré d’at-teinte des 3 organes-cibles et avec altération plus ou moinsmarquée de l’état général : grades I et II de pronostic favo-rable, grade III de pronostic réservé, grade IV presque tou- jours mortel.

    1. Peau

    Il s’agit d’une éruption maculopapuleuse, puririgineuse,inflammatoire, d’évolution fluctuante, touchant le visage,la paume des mains et la plante des pieds, doulouruse dansles deux derniers territoires. Elle peut s’étendre au tronc,à la racine des membres puis à l’ensemble du tégument.Toutes les formes sont possibles depuis l’éruption locali-sée jusqu’au syndrome de Lyell. Les muqueuses peuventêtre atteintes (conjonctive, organes génitaux externes). Le

    diagnostic de certitude est histologique : foyers de nécrose,vacuolisation des cellules basales de l’épiderme, œdème etinfiltration du sous-épiderme et habituellement maisinconstamment e immunomarquage, des lymphocytes TCD8+.

    2. Tube digestif 

    L’atteinte du tube digestif est souvent retardée. Elle s’ex-prime typiquement par une diarrhée à quantifier, avec dou-leurs abdominales et vomissements. Des hémorragiesdigestives sont possibles. En cas d’atteinte colique basse,un syndrome rectal peut être au premier plan. Les biopsies,rarement indiquées, peuvent révéler une atrophie villosi-taire, une destruction des cryptes intestinales et une infil-tration lymphocytaire de la lamina propria.

    3. Foie

    L’atteinte hépatique se traduit par un ictère d’intensitévariable, avec dytolyse initiale régressant progressivement

    alors que se développe une cholestase sans insuffisancehépatocellulaire. L’histologie retrouve des foyers denécrose éosinophile, une destruction des canaux biliaires,une hypertrophie des cellules de Küpffer et des infiltratslymphocytaires péribiliaires. Elle est indispensable au pro-nostic et guide le traitement.

    GHVD chroniquePar définition, la GHVD chronique, généralement mais nonconstamment précédée par une GVHD aiguë, apparaît plusde 100 jours après la greffe, mais ses manifestations peu-vent être plus précoces. Elle survient chez environ 50 %

    Score clinique de sévérité de l’atteinte de l’organes-ciblesau cours de la GVHD aiguë

    Sévérité Peau Foie Tube digestif  

    + Éruption < 25 % SC Bilirubine : 10-30 mg/L Diarrhée > 500 ml/24 h

    ++ Éruption 25-50 % SC Bilirubine : 30-60 mg/L Diarrhée > 1 000 ml/24 h

    +++ Éruption généralisée Bilirubine : 60-150 mg/L Diarrhée > 1 500 ml/24 h

    ++++ Épidermolyse bulleuse Bilirubine : > 150 mg/L Douleurs abdominales sévèresou hémorragies

    Grades de sévérité de la GVHD aiguë

    Grade Peau Foie Tube digestif Altération de l’état général

    I + à ++ 0 0 0

    II + à +++ + Foie ou tube digestif Discrète

    III ++ à +++   ≥ ++ Foie ou tube digestif Marquée

    IV Toute atteinte ≥ ++ avec retentissement sévère sur l’état général Sévère

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    7/8

    L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s )

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    Immunologie

    des patients et atteint, à des degrés variables, la peau, lesmuqueuses et le foie. Elle est classée en formes limitées(peau et (ou) maladies hépatiques) ou extensives. La symp-tomatologie de la GVHD chronique évoque certaines mala-dies systémiques, dites «auto-immunes» (sclédermie, syn-drome de Gougerot-Sjögren ou cirrhose biliaire primitive).La GVHD chronique entraîne la persistance d’un déficitimmunitaire responsable d’infections tardives potentielle-ment mortelles (infections à CMV, aspergillose).

    1. Peau et muqueuses

    L’atteinte cutanée est quasi constante avec des zones d’hy-per ou d’hypopigmentation, planes (type lichen plan) ouassociées à des papules, avec de formes lichéniennes ouscléreuses. Il peut s’agir d’une éruption érythémateuse dif-fuse avec desquamation survenant après exposition solaire,sur un territoire irradié ou sur des lésions infectieuses(zona). L’atteinte muqueuse entraîne un syndrome sec buc-cal et oculaire de type syndrome de Gougerot-Sjögren. His-tologiquement, existent une nécrose péithéliale, un infil-

    trat mononucléé riche en cellules CD8+ et une fibroseépithéliale et sous-épithaliale.

    2. Foie

    L’atteinte hépatique, très fréquente (95 % des cas), se tra-duit par une cytolyse hépatique d’intensité variable et unecholestase parfois responsable d’un ictère. Elle peut mimerune cirrhose biliaire primitive. Le diagnostic est surtouthistologique: atteinte des canaux biliaires mejure avec par-

    fois leur destruction complète, infiltrats inflammatoirespéribiliaires avec différenciation plasmocytaire et destruc-tion hépatocytaire au contact des lymphocytes.

    3. Autres manifestations

    La GVHD chronique s’accompagne de l’apparition d’auto-anticorps dans 10 à 60 % des cas : anticorps antinucléaires,anticorps anti-DNA et anti-muscle lisse, plus récemmentanticorps anticytosquelette et antinucléolaires. Destableaux évolués peuvent être observés avec différentesatteintes évocatrices d’une maladie systématique prochede la sclérodermie. L’atteinte oculaire, parfois asympto-matique dépistée par le test de Shirmer, est caractérisée parune kérato-conjonctivite sèche avec irritation et photo-

    phobie. L’atteinte pulmonaire grave réalise un tableau debronchiolite oblitérante avec pneumopathie obstructive

    GVHD cutanée chronique: forme lichénienne.2

    GVHD cutanée chronique: forme scléreuse.3

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    8/88 L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s )1 9 9 7 , 4 7

    M É C A N I S M E S E T E X P R E S S I O N C L I N I Q U E D U R E J E T D E L A G R E F F E E T D E L A M A L A D I ED U G R E F F O N C O N T R E L ’ HÔ T E

    résistante aux bronchodilatateurs, qui assombrit le pro-nostic vital. L’atteinte digestive est rare au cours de laGVHD chronique, mais peut entraîner des troubles de lamotricité œsophagienne. Des neuropathies périphériques,polymyosites voire myasthénies sont possibles. Les arthro-pathies sont secondaires aux rétractions tendineuses et àl’amyotrophie d’origine mixte, spécifique liée à la GVHD,et cortisonique.  

    POUR APPROFONDIR

    Principe de traitement du rejet aigudu greffon après transplantation d’organeIl dépend de la sévérité et de la nature de l’organe transplanté et reposeclassiquement sur une corticothérapie à fortes doses en bolus intravei-neux pendant 3 jours. L’efficacité du traitement est jugée rapidement surla régression des signes cliniques ou biologiques, échographiques ouradiologiques et (ou) sur les résultats d’une biopsie de contrôle. En casd’échec, un traitement immunosuppresseur plus important par répétitiondes bolus de corticoïdes intraveineux seuls ou associés à une cure de 3 à10 jours de sérum anti-lymphocytaire poly- ou monoclonal, parfois suivid’une augmentation de la corticothérapie per os à la dose de 1 mg/kg par jour avec décroissance secondaire, permet en règle générale de contrôlerle rejet. Les rejets suraigus irréversibles sont extrêmement rares et sur-viennent soit très précocement soit en cas de retard diagnostique. La pré-vention du rejet aigu repose sur le maintien du traitement immunosup-presseur de fond et l’acquisition progressive d’une tolérance du greffon.

    • Les manifestations cliniques du rejet d’allogreffesont tardives après transplantations d’organes etle diagnostic de rejet aigu repose avant tout surl’histologie du greffon.

    • Dans la forme aiguë de la GVHD, les organes-cibles sont : la peau, le foie et le tube digestif.• Dans la forme chronique de la GVHD, lesorganes-cibles principaux sont la peau et le foie.Les manifestations cliniques et biologiquespeuvent prendre l’aspect de maladies systémiquestelles qu’un syndrome de Gougerot-Sjögren, unesclérodermie ou une cirrhose biliaire primitive.

    Points Forts à retenir 

    Glotz D, Weiss L. Immunologie et mécanismes du rejetd’allogreffe. In : Carpentier A, Farge D (eds). Transplan-

    tation d’organes. Paris : Flammarion Médecine Sciences,1992: 15-33.Charpentier B. Généralités sur les mécanismes immu-nologiques du rejet des greffes. Rev Prat (Paris) 1994 ;44 : 669-73.Blaise D, Fisher A, Gluckman E, Maraninchi D, StoppaAM, Vernant JP. Greffe de moelle osseuse allogénique.In : Breton-Gorius J, Reyes F, Rochant H, Rosa J, Vernant

     JP (eds). L’hématologie de Bernard Dreyfus. Paris : Flam-marion Médecine Sciences, 1992 : 1361-99.Ribaud P, Gluckman E. Greffe de moelle allogénique. In :Godeau P, Piette JC, Herson S (eds). Traité de Médecine.

    POUR EN SAVOIR PLUS