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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
ABBATIALE DE CONQUES, APPORT DE LA GEOPHYSIQUE A LA COMPREHENSION DES TERRASSEMENTS DU XIEME SIECLE
ABBATIAL CHURCH OF CONQUES (AVEYRON, FRANCE), CONTRIBUTION OF GEOPHYSICS TO THE 11TH CENTURY EARTHWORKS UNDERSTANDING
Jean-David VERNHES1, Pascale LUTZ2, Louis CAUSSE3
1 Institut Polytechnique LaSalle, Beauvais, France 2 Institut Polytechnique LaSalle, Beauvais, France 3 Service Territorial de l'Architecture et du Patrimoine de l'Aveyron, Rodez, France
RÉSUMÉ — L’abbatiale Sainte-Foy de Conques, édifiée sur le flanc sud d’un puech
schisteux du Rouergue, est l’une des plus belles œuvres de l’art roman en France.
Pièce maîtresse de l’abbaye éponyme, sa construction aux XIème et XIIème siècles. a
nécessité de considérables travaux de terrassement et de fondation, rendus
nécessaires par l’escarpement du site et la hauteur prévue de l’ouvrage. Une
campagne de reconnaissance menée dans les années 1980 pour la reprise en sous-
œuvre d’une partie de l’église est à l'origine d'un dossier géotechnique peu fréquent
dans un tel contexte. Dans le cadre d’activités pédagogiques encadrées par l’Institut
LaSalle Beauvais, ce dossier a été complété en 2012 puis 2013 notamment par deux
campagnes de mesures par sismique réfraction. L’article a pour but, en croisant
l’ensemble des observations et mesures aujourd’hui disponibles, de définir à
Conques un modèle de sol qui affine le modèle de référence proposé en 1990, tout
particulièrement pour la question des terrassements des années 1030.
ABSTRACT — The abbatial church of Conques, built on the southern slope of a
schistose hill in today's French department of Aveyron, is one of the great
achievements of the Romanesque monumental art. As the abbey for which it was
made, the church was gradually rebuilt during the XIth and XIIth centuries and needed
remarkable excavation and foundation works as a consequence of its projected
height and the steepness of the site. During the 1980', geotechnical investigations for
the underpinning design of some of the church's foundations produced an infrequent
case history for such a context. Thanks to geoscientific training projects organised by
the LaSalle Beauvais institute for its students, refraction seismic data collected on
site in 2012 and 2013 were added to the file. The article shows how the combination
of all kinds of observations and measurements available today helped to refine the
reference geological model of the site that was introduced in 1990, particularly as
regards the historical question of the 1030' earth works.
1. Introduction : une construction exceptionnelle dans un site escarpé
L'église abbatiale Sainte-Foy de Conques (Fig. 1a), située dans le nord-ouest de
l'actuel département de l'Aveyron, est une œuvre architecturale majeure léguée par
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le Moyen Age roman, dernier vestige d'un grand monastère. Elle figure sur la
première liste des Monuments Historiques en France, celle de 1838, et fut classée au
patrimoine mondial de l'UNESCO en 1998, au titre des chemins de Saint-Jacques-
de-Compostelle. Le site de Conques est chaque année l'un des plus fréquentés de la
région Midi-Pyrénées. L'église que les visiteurs voient aujourd'hui est, à quelques
modifications structurelles et restaurations près, le résultat de travaux qui se sont
étendus des années 1030 aux années 1110. Pour l'époque, l'originalité de son plan
et sa hauteur sous voûtes centrales de plus de 22 m auraient suscité l'admiration
même en plaine, combien plus en considérant l'isolement et l'escarpement des lieux,
avec une pente générale du puech de 20° et des pentes locales jusqu'à 30°.
(a) (b)
Figure 1 . (a) Vue de l'abbatiale Sainte-Foy depuis le nord-ouest, (b) Localisation de
Conques. [Carte géologique interactive au 1/1000000 (BRGM), modifiée]
2. Des instabilités dans l'abbatiale à l'origine d'un modèle stratigraphique
En 1979, le Service Départemental de l'Architecture et du Patrimoine de l'Aveyron
fait le constat de désordres architecturaux inquiétants dans les parties hautes de
l'église. Une part d'entre eux est attribuée à la "faiblesse des fondations" et aux
propriétés du sol porteur. C'est le point de départ de reconnaissances géotechniques
puis de travaux de reprise en sous-œuvre par micropieux. Les travaux ne concernent
finalement que les quatre piliers de la croisée du transept, jugés prioritaires par
rapport aux murs et aux autres piliers. Ces travaux n'ont jamais été poursuivis et, en
l'absence de signes manifestes de nouveaux désordres, la surveillance du bâtiment
a progressivement été relâchée.
Les études nécessaires à la reprise en sous-œuvre ont donné lieu à l'élaboration
d'un modèle stratigraphique de site (Bâtiments de France 1990, Fig. 2a et 2b). Bien
que très schématique - ou du fait même de sa simplicité ? - ce modèle a attiré
l'attention au-delà du milieu des géotechniciens. Pour archéologues et historiens du
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bâti, il donnait notamment à réfléchir sur les conditions de réalisation des travaux de
terrassement et fondations des années 1030 (Vergnolle et al., 2009). L'hypothèse
principale est alors que la moitié sud de l'abbatiale repose sur des remblais et la
moitié nord sur des déblais. Mignon (2007) retenait ainsi, encore récemment, que "le
bâtiment fut construit en partie sur une surface excavée, dont les déblais servirent de
remblai pour l'autre partie et pour le cloître", reliant à ces faits la nécessité de reprise
en sous-œuvre de l'abbatiale, "la partie sud de l'édifice, construite sur la zone en
remblais, menaçant de s'affaisser en disloquant la voûte". Une deuxième hypothèse
est que le cloître, situé au sud de l'abbatiale, est une terrasse gagnée sur une pente
générale régulière, avec une épaisseur colossale de remblais "sur le socle" pouvant
atteindre une vingtaine de mètres (Fau, 2009).
(a) (b)
Figure 2 . (a) Vue en plan avec courbes de niveau et localisation de coupe, (b)
Modèle stratigraphique Bâtiments de France 1990
En 2012 puis 2013, l'existence du dossier géotechnique de Conques a offert à
l'Institut Polytechnique LaSalle Beauvais la possibilité de confier à quelques
étudiants une étude de cas originale, en partenariat avec le Service Territorial de
l'Architecture et du Patrimoine de l'Aveyron. Comprenant une synthèse de données
et des calculs a posteriori, l'étude s'est également appuyée sur une campagne
d'observations géologiques, topographiques et géotechniques ainsi que des mesures
géophysiques. Les mesures géophysiques, et plus particulièrement sismiques, ont
apporté des éléments permettant de réviser le modèle de sol de 1990.
3. Données documentaires et observations
3.1. Données géologiques
Conques est située dans le domaine de la Châtaigneraie (faciès dit des Schistes
verts, Fig. 1b), série du Lot, et repose sur des schistes gris sériciteux. Une étude
géochimique régionale a montré que ces schistes résultaient de la métamorphisation,
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au début du Paléozoïque, de pélites de composition argileuse à tendance illitique et
montmorillonitique (Bogdanoff et al., 1987). Ils se caractérisent par de nombreux
niveaux de quartz d'exsudation, d'épaisseur centimétrique à pluri-centimétrique (Roig
et al., 2001). On les retrouve à l'affleurement le long des interfluves bordant le talweg
de Conques, les plus proches de l'abbatiale sont à quelques mètres à l'est de son
chevet (Fig. 3a). Ils permettent l'observation de la foliation S1-S2 basculée de 40° à
70° vers le sud-ouest (synforme de Grand-Vabre). Le socle primaire a été creusé
durant le Quaternaire ancien par l'encaissement progressif du réseau
hydrographique alimentant le Lot (Roig et al., 2001). A Conques, le ruisseau de
l'Ouche a creusé le socle schisteux sur une hauteur de près de 300 m. Il est situé au
sud du village, 50 m en contrebas.
(a) (b)
(c) (d)
Figure 3 . (a) Affleurement schisteux à l'est de l'abbatiale, (b) Schiste altéré en place,
commune de Conques, (c) Colluvions/éboulis de schiste, route d'accès à Conques
depuis l'est, (d) Remblais de schiste, travaux d'assainissement au nord de la nef
Le modèle de 1990 ne précise pas le type de formation comprise entre le socle et les
remblais. L'observation montre que le village repose en fait assez largement sur un
schiste dégradé, soit par altération en place (altérites) soit après transport
(éboulis/colluvions). D'une manière générale, les auteurs de la carte géologique n'ont
pas envisagé de cartographier les produits de l'altération récente du schiste à cause
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de leur caractère à la fois trop diffus et limité pour être individualisés (Roig et al.,
2001). Les altérites sont reconnaissable au fait qu'elles conservent apparente la
foliation du schiste massif (Fig. 3b). Les éboulis se caractérisent comme des sols à
granularité très hétérogène, avec une matrice argileuse et sableuse issue de
l'altération du schiste et des niveaux quartzeux, cette matrice contenant des graviers,
cailloux et blocs de schiste (Fig. 3c). Naturellement, si les deux formations
coexistent, la première (altérite) est rencontrée sous la deuxième (éboulis). Il existe
un dernier ensemble issu du schiste sériciteux de Conques, amplement signalé par
le modèle de 1990, les remblais (Fig. 3d), de terrassement ou anthropiques. Ils sont
produits par les travaux d'aménagement du site mais aussi par l'activité humaine du
monastère puis du village. Bien que mis en place à des époques et dans des
conditions bien distinctes, les éboulis et remblais ont des caractéristiques difficiles à
distinguer, notamment en forage : leur granularité s'étend de l'argile aux blocs,
produits de la dégradation et du remaniement du schiste.
3.2. Données hydrogéologiques
D'après Astruc (2001), les formations du Paléozoïque sont imperméables dans leur
masse. Des circulations d'eau peuvent exceptionnellement s'y produire à la faveur de
la fracturation, éventuellement en association aux filons de quartz. Seules les franges
d'altération superficielle de ces formations rocheuses peuvent présenter une certaine
perméabilité et constituer un réservoir aquifère. Selon la topographie, elles donnent
de nombreuses petites sources (débit < 1 l/s). Ces constats sont applicables à
Conques où les affleurements rocheux ne montrent guère que des suintements
tandis que des fontaines ont été aménagées pour exploiter des venues d'eau
régulières en plusieurs endroits du village, dont la célèbre fontaine du Plô, sous le
parvis de l'église. Ces sources sont alimentées par le talweg faiblement encaissé
vers le bas duquel est situé Conques - ce nom imagé venant probablement du mot
latin signifiant coquille.
3.3. Données historiques, architecturales et topographiques
La première installation sur le site de Conques est le fait d'un ermite (à la fin du
VIIIème siècle). Vivant près de la source du Plô, située pratiquement dans l'axe
principal du talweg, il est rejoint au début du IXème siècle par des moines. Au départ
de l'ermite, un abbé est élu et c'est alors, en 819, qu'est fondée une première église
abbatiale. A priori située sous l'abside de l'église actuelle, les moines avaient décidé
de l'édifier 50 m environ vers l'est de la source du Plô, en un endroit moins exposé à
l'aléa hydrographique car plus proche de l'interfluve (en 1826, on rapporte encore
qu'une coulée de boue s'est produite et a touché la nef). Le deuxième état de
l'abbatiale remonte aux années 950, implanté en lieu et place du premier. On sait
grâce aux observations faites en 1879 et 1986, lors de la réfection du dallage et des
reconnaissances précédant la reprise en sous-œuvre, qu'il occupait une aire encore
modeste (Fig. 4). Pour l'ambitieux troisième état de l'édifice, dont la construction
commence après 1031 par le pignon et la partie sud du chevet, de grands travaux de
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terrassements devenaient inévitables. En aménagement quatre terrasses de niveaux
différents du nord de l'abbatiale au cloître, avec des décalages altimétriques de 1 à 4
m entre celles-ci, et en affectant un rôle de soutènement à la base des murs de
l'église, le volume des travaux de terrassement a été limité. A en juger par la hauteur
du grand mur de soutènement à quelques mètres au nord de l'édifice (5 à 12 m) et la
taille de l'esplanade que constitue le cloître, on conçoit que ce volume a dû être
considérable. Cependant, pour quantifier l'ampleur des travaux, un critère du premier
ordre est le profil du terrain naturel en 1030, que le modèle de 1990 schématise
comme une pente droite parallèle au socle. La vérification d'une telle hypothèse
nécessite au moins un critère distinctif entre remblais et éboulis/colluvions de schiste.
4. Prise en compte des données des reconnaissances 1984-2001 et 2012-2013
Le dossier géotechnique de Conques comprend les rapports CEBTP 1984 et 1988,
Hydro-technique 1989, SIMECSOL 2001 (pour des travaux de confortement au sud
du cloître). Ils totalisent trente et un sondages, soient dix-neuf destructifs dont dix
pressiométriques, sept à la pelle mécanique, deux au pénétromètre dynamique et
trois carottés, sans compter les procès-verbaux de réalisation des trente-deux
micropieux. A ces éléments se sont ajoutés un sondage carotté en 2012 et deux
sondages à la pelle mécanique en 2013, associés aux projets des étudiants.
4.1. Données géotechniques
Les sondages listés ci-dessus ont traversé les différents états du schiste observables
sur le terrain par le géologue : substratum, altérites, éboulis/colluvions et remblais. Le
substratum compact est, d'après les quatorze sondages qui l'ont atteint, localisé à
des profondeurs allant de 8 à 20 m. Il est, de fait, plus proche de la surface au nord
qu'au sud de l'église. Il a été atteint à une quinzaine de mètres de profondeur sous le
carré du transept lors de sa reprise en sous-œuvre. Le modèle de 1990 restitue
correctement ces éléments. Tous les autres états mécaniques du schiste sont décrits
de façon ambiguë. La terminologie varie d'une société à l'autre voire d'un sondeur à
l'autre, elle est lithologique et seulement parfois stratigraphique. Sur cette seule
base, il paraît difficile de se faire une idée générale des épaisseurs relatives des
altérites, des éboulis/colluvions et du remblai. Les difficultés d'identification
soulignées ci-dessus ont été constatées lors de la réalisation d'un sondage carotté
au sud de l'église en octobre 2012. La présence d'éléments grossiers de diamètre un
peu supérieur à celui du carottier (101 mm) agissant comme poinçon sur la matrice
et la perte des fines par délavage (forage à l'eau) n'a pas permis d'obtenir un taux de
récupération supérieur à 50% jusqu'à la profondeur de 15 m environ, sans compter la
désorganisation des matériaux remontés. Aucun des échantillons en caisse n'a pu
être considéré comme intact, si ce n'est dans le substratum. Au pressiomètre, cet
ensemble composite de trois formations présente des caractéristiques mécaniques
mauvaises (Em < 3 MPa, pl < 0,3 MPa) à satisfaisantes (pl de 1 à 2 MPa avec Em/pl
de 3 à 10) à peu près à toutes les profondeurs. Ainsi, les essais pressiométriques ne
permettent pas de distinguer les trois états altérés ou remaniés du schiste mais
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montrent l'hétérogénéité de leurs propriétés mécaniques. En conclusion, les
reconnaissances intrusives n'ont pas permis de distinguer les remblais des
éboulis/colluvions.
4.2. Données hydrogéologiques
Les sept sondages équipés pour des mesures piézométriques ont montré des
fluctuations modérées des niveaux d'eau (1 à 2 m) en vingt-cinq ans, sans évolution
notable. Ces niveaux d'eau sont influencés par le régime général d'écoulement de
pente mais perturbées par l'urbanisation. Le tracé des isopièzes dans la zone de
l'abbatiale met en évidence une surface piézométrique dont la pente moyenne de 10°
vers le SSW est moins prononcée que celle du puech (20°). Ainsi, les profondeurs
d'eau au moment des interventions sur sites en 2012-2013 étaient de moins de 2 m
au nord de l'abbatiale et de l'ordre de 8 m au sud du cloître.
5. Mesures géophysiques en 2012 et 2013
Parmi les méthodes géophysiques mises en œuvre par les étudiants et leur
encadrement à l'automne 2012 et 2013, nous retenons dans le cadre de cet article
les mesures par sismique réfraction à la masse, obtenues avec des lignes de vingt-
quatre géophones séparés de 1 à 2 m. Ces campagnes sismiques ont permis
l'investigation du sous-sol sur une dizaine de mètres de profondeur maximale,
insuffisante pour atteindre le substratum schisteux massif mais adaptées pour
estimer des variations de vitesse dans les niveaux récents et altérés.
Tableau 1 . Tableau de synthèse des vitesses sismiques interprétées
Secteur Gamme de vitesses Vp (m/s)
Hypothèse de stratigraphie associée
Abbatiale 750-950 Remblais du XIe s. ou récents
1400-2150 Eboulis / Colluvions
2600 Altérites
Cloître 350-500 Remblais récents (XIXe-XX
e s.)
500-700 Remblais du XIe s.
1150-1700 Eboulis/Colluvions
En rapprochant les données de sondage (descriptions lithologiques, niveaux d'eau)
et en intégrant dans l'analyse l'histoire du site, il a été possible de proposer une
interprétation stratigraphique des vitesses Vp. Pour cela nous avons dû distinguer
deux zones, celle de l'abbatiale et celui du cloître, car les vitesses sont globalement
supérieures autour de l'abbatiale, ce probablement parce que les sols y sont plus
humides voire saturés à des profondeurs plus faibles, notamment par capillarité.
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Figure 4 . Planche de synthèse des bases de sismique réfraction
Les terrains entre l'abbatiale et le cloître présentent des caractères intermédiaires.
Les contrastes de vitesse sont suffisants pour ne pas laisser d'ambiguïtés, et
corroborent de façon satisfaisante le fait que les sols les plus récents sont dans des
états de consolidation plus faibles que les plus anciens. Ce serait donc la compacité
de la seule matrice des matériaux qui jouerait le plus grand rôle dans les vitesses
sismiques, ce que la charpente de cailloux et blocs de schistes rendait difficile à
apprécier par des reconnaissances directes.
Il est à noter que les remblais du XIème siècle peuvent correspondre à deux fonctions
distinctes : de comblement des tranchées talutées creusées pour construire les
larges fondations superficielles de l'abbatiale (murs et piliers), ou de surélévation du
niveau de sol quand nécessaire. La présence du premier type de remblais explique
pourquoi il en est trouvé presque partout, même dans les lieux où l'abbatiale est
censée reposer sur le terrain en place ou déblayé. On constate dans ces conditions
qu'il n'y a pas de surépaisseur de remblais sous la nef au sud par rapport au nord, ce
qui indiquerait que l'abbatiale du XIème siècle était construite sur un replat naturel.
Dans le cloître, l'épaisseur de remblais de 1-2 m à 8 m en allant vers le sud contredit
les suppositions actuelles (jusqu'à 20 m) et en définitive rejoint la logique de
dispositions des murs de soutènement construits au sud de l'abbaye.
Des calculs de cubature rudimentaires ont permis d'estimer que les volumes de
déblais gagnés en partie nord de l'abbatiale sont de 3500 à 5000 m3. Selon les
épaisseurs de remblais de nivellement estimées par mesures sismiques, cette
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quantité de matériaux est très suffisante pour les travaux de terrassement du cloître,
et pourrait être excédentaire jusqu'à 2000 m3. On peut dans ce cas penser que cet
excédent a servi dès le XIème siècle à créer d'autres esplanades, à l'est du cloître.
6. Conclusion
L'étude géophysique par sismique réfraction menée en 2012 et 2013, dans et autour
de l'abbatiale de Conques, a permis d'apporter des précisions sur la topographie du
site au moment où les travaux de terrassement des années 1030 commençaient.
Figure 5 . Modèle stratigraphique 2014 de l'abbaye de Conques
Selon cette interprétation, l'étude a conduit à montrer que l'important volume de
déblais gagnés au nord de l'abbatiale, de l'ordre de 4000 m3, a dès cette décennie dû
être disposé sur une pente non négligeable de l'ordre de 15° pour former l'espace du
futur cloître. Néanmoins, il apparaît que, contrairement à ce que laissait supposer le
modèle de 1990, les travaux ont été amoindris par le recours judicieux à plusieurs
niveaux de terrassement et par une topographie favorable, avec un replat naturel
dans l'axe de l'église. Il convient par ailleurs d'insister sur la difficulté qu'a été pour ce
site d'établir en forage une différence entre remblais de schiste et éboulis/colluvions
de schiste, à cause de leur hétérogénéité et de la similarité de leur composition.
Cette différence est marquée par des vitesses Vp allant du simple au double et
s'explique par une différence de compacité des matrices argileuses de ces
matériaux. Le résultat de l'ensemble des observations et reconnaissances des trente
dernières années est synthétisé dans la figure 5.
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Remerciements
Les auteurs remercient M. Stéphane Fortier, ingénieur ayant participé à la reprise en
sous-œuvre de 1989, co-rédacteur de l'article de 1994 qui a servi de point de départ
au projet pédagogique LaSalle, co-encadrant de la première intervention sur site des
étudiants à l'automne 2012. Les auteurs remercient également les 16 étudiants des
trois promotions de l'Institut LaSalle Beauvais (073, 074 et 075) ayant participé avec
enthousiasme à ces projets. Ils remercient enfin très vivement la Mairie de Conques
pour son soutien matériel et financier et les Pères prémontrés, affectataires de
l'abbatiale, pour leur accueil et leurs encouragements à chaque intervention.
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