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Coexistence et concurrence entre les
langues : de ltrusque au latin
Gilles VAN HEEMS (universit Lumire Lyon 2 & UMR 5189 HiSoMA)
gilles.van-heems@mom.fr
1. INTRODUCTION
1.1. trusque et latin in contact
La question de la coexistence et de la concurrence entre les langues a beaucoup intress les linguistes du XXe sicle, comme en
tmoigne la batterie de concepts labors cette poque pour rendre compte dun phnomne dont la complexit et luniversalit
sont peu communes pensons aux vieilles notions demprunt, de
calque, dadstrat/substrat/superstrat, mises lhonneur par la dialectologie, ou celles, plus rcentes, de bilinguisme et de
diglossie1. Il faut dire que, depuis Babel et mme dans les tats qui promeuvent activement un monolinguisme officiel , toute
langue ne se comprend quen interaction avec une ou plusieurs autres langues avec lesquelles elle est en contact ; or tout contact
de langues implique une dynamique quon est en droit de modliser selon un schma daction et raction que rend bien le terme de
concurrence qui sera au cur de notre rflexion sur le passage linguistique de ltrusque au latin sur le territoire de lancienne
trurie. On pourrait stonner de ce que soient convoques, pour rflchir
des notions relativement rcentes, des situations linguistiques de lAntiquit. Ce nest l un paradoxe quapparent : le monde
mditerranen antique, en effet, caractris par lunification
politique despaces appartenant des domaines linguistiques diffrents, nchappe pas cette question de la coexistence et/ou
concurrence linguistique ; bien mieux, quoique ou peut-tre mme parce que ? ces langues de corpus que sont les langues
anciennes offrent au linguiste des conditions dapprhension trs particulires, elles sont susceptibles dapporter un clairage
1 Sans tre exhaustif tant sen faut ! , on signalera quelques travaux ayant fait
date dans lhistoire de ce secteur de la linguistique ou dans lapplication des
concepts de la linguistique gnrale des langues de corpus (en particulier
celles de lItalie) : DEROY 1956 ; WEINREICH 1963 ; BYNON 19832 : 216-261 ;
CAMPANILE 1988 ; THOMASON-KAUFMAN 1988 ; PROSDOCIMI 1989 ; WHATMOUGH 1997 ;
THOMASON 2001 ; COOLEY 2002 ; LANGSLOW 2002 ; ADAMS 2003 ; MATRAS 2009.
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indispensable la question en raison de lampleur diachronique
laquelle elles donnent accs et la grande varit de situations quelles attestent2.
De ce point de vue, lItalie antrieure et contemporaine la conqute romaine que lon fera provisoirement concider avec la
prise de Volsinies en 264 av. J.-C. prsente la fois une situation quelque peu spcifique et un cadre tout fait reprsentatif pour la
question qui nous occupe : lItalie prromaine est en effet un territoire o coexistent, sur une priode de temps longue (poques
orientalisante, archaque, classique et hellnistique de la priodisation traditionnelle), des langues trs diffrentes, et
ltrusque lui-mme (qui apparat comme la langue dominante de la Pninsule quant sa diffusion et son prestige avant la conqute
romaine) se trouve tre en contact avec des idiomes aussi varis3 que nombreux4. Pour nous limiter aux deux langues qui retiendront
notre attention, savoir ltrusque et le latin, il nest pas inutile de
rappeler que leurs premires attestations remontent, respectivement aux alentours de 700 (inscription vasculaire de
Tarquinia5) et de 670 (fibule de Prneste6) et restent crites, du moins pour la premire, jusqu laube de notre re.
1.2. Dune langue de culture lautre
2 On trouvera un bon aperu de cette varit et une excellente mise au point sur
la question du bilinguisme dans le monde romain dans la rcente somme de J.
ADAMS (2003).
3 On rappellera que ltrusque est une langue non indo-europnne (ce qui ne
lempche pas davoir dvelopp, la suite dun contact fort long avec des
langues indo-europennes, de nombreux traits linguistiques communs avec ces
dernires). Sur cette question, voir, dernirement, M. CANUTI (2008).
4 Les zones de contacts sont : ltrurie padane avec le celte, le ligure et le
vnte ; ltrurie proprement dite avec les langues sabelliques (principalement
lombrien), le falisque, le latin et le ligure ; ltrurie campanienne avec les
langues sabelliques (principalement losque) et le grec.
5 ET Ta 3.1 : il sagit dun graffite port sur la paroi dun cotyle proto-corinthien
rdig autour de lan 700 av. J.-C.
6 Dont lauthenticit fait de moins en moins dbat depuis les tudes technico-
scientifiques conduites par E. Mangani entre 2009 et 2011 : les rsultats sont sur
le point dtre publis dans un ouvrage collectif faisant le point sur ce document
exceptionnel ( paratre dans le Bullettino di Paletnologia Italiana, sous la
direction de E. MANGANI). Nous laissons en revanche de ct la question de
lidentit linguistique (et la lecture !) du graffite port sur le vase globulaire de la
t. 482 de la ncropole dOsteria dellOsa (Gabies, VIIIe sicle), gnralement
considr comme grec (avec lecture ), mais rcemment interprt comme
latin par G. COLONNA (2004 : 478-483 ; ni lue ne me dtache pas ).
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Seules nous intresseront ici deux langues, ltrusque et le latin, et
un processus complexe : celui qui a conduit le latin remplacer, sur le territoire trusque, la langue indigne. Ce choix sexplique
dabord en raison de lampleur de la documentation crite fournie par la rgion : nous pourrons ainsi esprer suivre avec une certaine
prcision ce processus et, surtout, nous attendre trouver toutes sortes de nuances dans la documentation, donnant ainsi une vision
dtaille de ce passage linguistique. Mais il tient aussi et ensuite au statut mme de ltrusque : en effet, contrairement bon nombre
de langues de lItalie prromaine qui nont quune tradition crite secondaire, ltrusque peut tre lgitimement considr comme une
langue de culture nous entendons par l une langue jouissant dun prestige vident lchelle de lItalie, du moins durant une
certaine priode. Cest trs clair lpoque orientalisante, o ltrurie a jou un rle essentiel dans la transmission non seulement
de lcriture, mais aussi des formulaires pigraphiques7 ; mais il ne
parat pas exagr de faire durer ce rle de langue de culture, tout au moins vis--vis du monde romain, jusquau dernier quart du IVe
sicle : on invoquera ici un passage fameux et maintes fois comment du livre IX de Tite-Live, o lauteur voque, propos de
lexpdition de M. (ou K.) Fabius au nord de la fort Ciminienne, pour expliquer sa parfaite matrise de la langue trusque, un cas de
fosterage apparemment fort rpandu dans la nobilitas de lpoque :
Caere educatus apud hospites, Etruscis inde litteris eruditus erat linguamque Etruscam probe nouerat. Habeo auctores
uulgo tum Romanos pueros, sicut nunc Graecis, ita Etruscis litteris erudiri solitos (LIV., IX, 36)8.
Or cette importance des litterae dans le monde trusque est un
point assur et corrobor par au moins trois phnomnes :
1) la prcocit de ladoption de lcriture dans le monde trusque : les trusques sont le premier peuple dItalie apprendre crire ;
ils lapprennent auprs des Eubens de Pithcusses et Cumes au cours du VIIIe sicle ; la rception de lcriture se fait de manire
peu prs contemporaine, indpendante, mais sans doute concerte, dans les mtropoles dtrurie mridionale et septentrionale ;
7 Ds le VIIe sicle, les cits trusques (surtout celles dtrurie mridionale) font
figure de centres de rception particulirement actifs de lcriture : pour le seul
VIIe sicle av. J.-C. on dispose denviron 120 inscriptions trusques (alors que le
monde latinophone en fournit peine une demi-douzaine).
8 Comme il avait t lev Caer chez des htes, il stait form aux lettres
trusques et connaissait parfaitement cette langue. Je dispose de sources qui
attestent quil tait rpandu chez les Romains dalors denvoyer leurs enfants se
former aux lettres trusques, comme on le fait aujourdhui pour les lettres
grecques .
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2) lampleur de la production pigraphique : avec plus de 10000
inscriptions stalant du VIIe sicle laube de notre re, le corpus trusque savre tre le corpus pigraphique le plus fourni dItalie,
devanant celui des inscriptions latines pour la mme priode ; 3) limportance, qui na aucun quivalent dans les religions de
lAntiquit classique, de lcriture dans la doctrine religieuse trusque9.
Par consquent, la substitution du latin ltrusque ou, pour reprendre le titre de louvrage qui, il y a plus de 30 ans, a offert une
base de travail non encore remplace sur cette question lviction de ltrusque par le latin (en anglais The Ousting of Etruscan by
Latin in Etruria ; = Kaimio 1975), nest pas un phnomne qui va de soi et lon ne peut invoquer le caractre inluctable de la
domination linguistique lissue dune domination politique et militaire : aprs tout, le latin na jamais remplac le grec dans les
provinces orientales de lEmpire, et mme en Occident, il na su se
substituer partout aux idiomes indignes. Il est donc lgitime den tudier les tapes et les mcanismes.
1.3. Lpigraphie comme reflet du changement linguistique ?
Si un tel programme est louable, il convient nanmoins de se
demander dans quelle mesure il est ralisable : comme on ne le sait que trop bien, les sources notre disposition, pour lessentiel
pigraphiques, ont beau tre relativement nombreuses, elles nen sont pas moins fragmentaires et partiales, et lon peut se demander
dans quelle mesure elles refltent la situation effective de ltrusque en tant que langue parle, et non pas seulement les pratiques
scripturaires dune portion de la socit trusque. En outre, une documentation crite ne prjuge pas dune survie orale de la
langue, dont lusage peut ainsi persister trs longtemps aprs la
disparition de toute tradition crite10 ; il est vrai que le territoire trusque, qui offre peu de poches enclaves, disolats
gographiques propices au maintien darchasmes linguistiques, mais est au contraire largement inerv par un systme capillaire de
routes et se trouve tout prs du centre (politique et linguistique) du pouvoir, ne prsente a priori pas les conditions idales pour une
survie de la langue parle longtemps aprs la disparition dune production crite ; mais il faut tenir compte, par principe, de la
probable non-concidence entre tmoignage crit et situation parle.
9 V., entre autres, JANNOT (1998 : 20-27) ; BRIQUEL (1999 : 29-38).
10 Ainsi, les spcialistes estiment que le gaulois a pu survivre oralement et par
endroits bien longtemps aprs la disparition de toute attestation directe de la
langue (LAMBERT 1997 : 10-11).
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Quant aux sources littraires, leur apport est pour le moins limit :
daprs elles, il est difficile dinfrer mme un terminus pour lexistence de ltrusque en tant que langue parle, surtout si lon
entend distinguer trois degrs de vitalit pour une langue11 : - un degr dusage courant : jentends par l le statut de langue
maternelle unique ou seconde dans un contexte diglossique ; sur ce point, les sources littraires sont muettes.
- un degr dusage savant : de ce point de vue, le dernier personnage pour lequel on peut infrer une connaissance de
ltrusque, au moins lcrit, est lempereur Claude, qui tait assurment un bon connaisseur des res Etruscae. La tradition
littraire et un passage de la Table Claudienne de Lyon12 (dans laquelle il fait rfrence des [auctores] Tuscos) suggrent que
lempereur avait accs des sources locales, probablement mme si ce nest pas sr rdiges en trusque13.
- enfin, un degr dusage cultuel, bien attest pour ltrusque,
dont la doctrine religieuse repose sur un corpus crit (Etrusca disciplina). Lusage des livres religieux trusques persiste jusqu
une date fort avance ; le dernier tmoignage interprtable en ce sens descend jusquau dbut du Ve sicle, lors des incursions
dAlaric en Italie centrale et notamment Rome, si lon en croit Zosime :
, ,
. [] [scil. le
pape Innocent] .
(Zosime, V, 41, 1-2)14.
11 Si les critres labors par les linguistes actuels pour valuer lchelle de
vitalit dune langue (tels que les utilise lUNESCO, par exemple : rapport non
dat disponible ladresse url
http://portal.unesco.org/culture/fr/files/35646/12007683043Vitalit%E9_et_dispar
ition_des_langues.pdf/Vitalit%E9%2Bet%2Bdisparition%2Bdes%2Blangues.pdf)
sont peu pertinents pour aborder une Restsprache, la triple distinction que nous
proposons ici et quillustrent dautres langues classiques recoupe certains
critres sus-mentionns, notamment la transmission inter-gnrationnelle (critre
n. 1), ou la proportion de locuteurs dans la population globale (critre n. 3).
12 CIL XIII, 1668.
13 BRIQUEL (1988) ; HADAS-LEBEL (2004 : 45-49), sur la connaissance de ltrusque
dans les milieux savants de lVrbs la fin de la rpublique.
14 Cependant quils en taient ces rflexions, le prfet de la ville Pompianus
rencontra quelques hommes arrivs dtrurie Rome, qui affirmaient avoir libr
une ville nomme Narni des dangers qui la menaaient et chass les Barbares qui
la pressaient grce aux prires adresses la divinit et aux crmonies
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Que des haruspices trusques aient eu encore leur disposition une date si tardive des livres rituels nest pas tonnant ; mais il doit
sagir, bien entendu, de la traduction latine de ces textes, promue par ltat romain ds la fin de lpoque rpublicaine15, et
malheureusement il est impossible de dterminer ce quil subsistait dtrusque dans ces traductions et dans quelle mesure ces
ventuels reliquats taient compris par les haruspices16. Cest donc vers lpigraphie que doivent se tourner nos attentes, car
les inscriptions peuvent nous donner un panorama fidle et chronologiquement articul de la situation linguistique en vigueur
sur le territoire trusque au moment du passage dune langue lautre (IIe av. J.-C.-Ier ap. J.-C.). Dans ces conditions, mon but est
doffrir une mise au point sur la question en partant des travaux fondamentaux, commencer par la synthse de J. Kaimio (1975)
en lillustrant par une srie de case-studies. Afin de renouveler
lapproche traditionnelle, je mintresserai moins aux causes historiques de la mort de ltrusque, qui sont bien connues et sont
pour lessentiel lies dune part la politique de dductions coloniales menes par Rome la suite de la conqute militaire de
ltrurie et dautre part au comportement des aristocraties locales17, qu ses tapes et ses modalits ; je tcherai notamment
dappliquer la situation trusque certains acquis de la socio-linguistique, plus particulirement, en ce qui concerne le
bilinguisme, une perspective diglossique, qui est en mesure dexpliquer, partir dune varit trs large de situations
dinterfrences, comment le latin a fini par supplanter ltrusque. On peut en effet schmatiser ces situations dinterfrences comme un
continuum entre deux ples, allant dun idal trusque pur un tout aussi idal latin pur :
religieuses clbres selon les rites ancestraux, aprs que se furent produits des
coups de tonnerre et clairs extraordinaires. () celui-ci [le pape Innocent]
prfra le salut de la ville sa propre croyance et autorisa les trusques
accomplir en secret les rites quils connaissaient. (trad. Paschoud, CUF).
15 HADAS-LEBEL (2004 : 46-47).
16 On notera que ce nest pas l un fait propre ltrusque : le carmen des frres
Arvales offre, Rome, un exemple similaire de texte religieux conserv
scrupuleusement par la tradition, mais presque totalement incompris : cf. ERNOUT
(1957 : 107-109) ; VARR., L., V, 49 (Itaque Salii quod cantant : Mamuri Veturi
significat memoriam ueterem), donne un bon exemple de ce que pouvaient
donner ces recherches rudites mens par les savants de la fin de la Rpublique
sur ce texte obscur entre tous.
17 Sur la romanisation de lItalie et de ltrurie, on se rfrera aux tudes
rassembles dans BRUUN et al. (1975) et la synthse de J.-M. DAVID (1994).
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+ - - +
trusque trusque latin latin
Par consquent, on est en droit dattendre de trouver, a priori, des documents crits permettant dillustrer cette situation complexe et
mouvante (dans lespace territorial, dans le temps et dans lespace social), de situation dinterfrence bilinguistique. Aussi porterai-je
une attention toute particulire aux phnomnes demprunts (lexical et morphologique), de calques (morphologique et
smantique) et de code-switching reprables dans les inscriptions, ainsi qu deux types singuliers de production pigraphique : les
inscriptions dites digraphes et les inscriptions bilingues.
2. LE CADRE CHRONOLOGIQUE
On commencera par une question dj amplement dbattue, celle non pas des modalits ou des causes de lviction de ltrusque par
le latin, mais celle de sa chronologie.
2.1. Les premires inscriptions latines dtrurie
Quoique lon ait affaire deux langues gnalogiquement et typologiquement trs diffrentes, ltrusque et le latin sont en
contact ds le dbut de la tradition crite (et mme bien avant), puisque le Tibre sert de frontire linguistique et culturelle entre le
monde truscophone (rive droite) et le monde latinophone (la ville mme de Rome a une partie de son territoire en terre trusque) ;
lager Faliscus est dailleurs une enclave latine en terre truscophone. Lindice le plus vident de ce contact culturel et
linguistique au dbut de la tradition crite est offert par les
systmes dcriture employs par les peuples latins, qui drivent de lalphabet labor par les trusques partir de lalphabet rouge
euben. Mais si la coexistence entre les deux langues est trs ancienne, la concurrence, elle, semble nettement plus rcente :
laissant de ct le problme pos par lemploi de ltrusque Rome, dont la prsence linguistique, suggre par les sources littraires
ds lpoque des rois trusques de Rome, est partiellement corrobore par lpigraphie trusque de lVrbs (de Simone (1981) ;
Cristofani (1990 : 16-17)), nous commencerons par nous intresser aux premires inscriptions latines dtrurie18 : si lon arrive
dterminer la prsence dinscriptions latines produites sur place, et non importes avec lobjet-support, par exemple, on aura un
prcieux tmoignage de la prsence de latinophones installs
18 Sur la question, CRISTOFANI (1993) reste indispensable.
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durablement en trurie et donc dune concurrence possible de la
langue latine face la langue locale. On notera dabord que ces inscriptions, lexception de celle porte
sur lolla dite de Tita Uendia (qui remonte aux dernires dcennies du VIIe sicle)19, ne sont pas antrieures au IIIe sicle av. J.-C.,
lpoque donc o Rome tend sa domination politique toutes les cits trusques. De ce groupe dinscriptions, je laisserai de ct les
textes arrivs en trurie par voie de migration , que ce soit une migration dobjet comme pour les pocola deorum ou le graffite
eco lou[ port sur une amphore20 ou une migration que lon peut estimer momentane de son auteur : les deux grands sanctuaires
de Vies, la ville trusque la plus proche de Rome, celui du Portonaccio et celui des Campetti, ont livr 4 ddicaces latines
datant du IIIe sicle au nom dun certain L. Tolonios. Or on sait bien que de tels sanctuaires sont, ds une poque trs haute, en quelque
sorte, internationaux , en ce quils attirent des plerins venus de
toute ltrurie et non de la seule Vies ; il doit sagir doffrandes laisses par des plerins qui ntaient pas ncessairement installs
en trurie. Quant la prsence dinscriptions latines Vies ds le IIIe sicle, elle ntonnera pas, puisque son territoire fut annex par
Rome ds 396 av. J.-C.21 En revanche, dautres inscriptions sont nettement plus intressantes
pour notre propos.
(1.1)22 C. Cenucio(s) Clousino(s) prai(tor)
Il sagit de la toute premire inscription publique rdige en latin sur le sol trusque. Linscription est grave sur le mur dun
complexe souterrain, peut-tre dot de fonctions cultuelles, de la cit de Caer et nous fournit une datation assez sre, puisquelle
mentionne un prteur connu dans les sources sous le nom de G.
Genucius Clepsina (pr. 273 av. J.-C.). La prsence dun magistrat romain dans la Caer de la premire moiti du IIIe sicle ne doit pas
tonner : nous sommes dans une cit qui a tiss des liens anciens et durables avec Rome et qui jouit probablement depuis quelques
annes de la ciuitas sine suffragio23. Lemploi du latin reste 19 Il sagit dune olla deux anses retrouve Caer, mais certainement de
fabrication latine (Gabies). Elle porte le texte eco urna tita uendias mamar[---
m]ed vhe[ced ---] ; sur ce texte, v. CRISTOFANI (1990 : 101 [n. 4.4.]) ; CRISTOFANI
(1993 : 25-27).
20 Agostiniani, dans : REI 56, 1989-90 : 448-451.
21 DE SIMONE (1989) ; BRIQUEL (1991).
22 La numration adopte renvoie aux inscriptions rassembles infra en annexe.
23 Sur la question des relations romano-crites (et la question de la date de
loctroi de la ciuitas sine suffragio aux Crites), cf. CAMPOREALE (2000 : 227-229).
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toutefois dans ce cas limit un individu de nationalit et de langue
latines, mme sil a des liens personnels avec le monde trusque24. Plusieurs groupes de marques de fabrique, provenant aussi bien
dtrurie mridionale que dtrurie septentrionale, attestent cependant linstallation de latinophones (propritaires dateliers
vasculaires lis aux exploitations agricoles) en trurie dans le courant du IIIe sicle, la faveur des implantations coloniales
romaines successives la conqute de ltrurie25. Mais durant cette phase, le contact de langues nest pas encore bilinguisme : les
trusques crivent et, probablement, parlent leur langue (ce qui nexclut pas, ds cette poque, une connaissance, chez certains
individus, de la langue latine). Ces inscriptions nous apprennent nanmoins par o le latin sest diffus en trurie.
2.2. Lenqute de J. Kaimio : la date de lviction de
ltrusque
J. Kaimio a tudi de prs le passage pigraphique du latin ltrusque, et a pu ainsi dterminer quelle date, pour chaque cit
trusque, le latin a remplac ltrusque comme langue crite exclusive. Bien entendu, cette date nest quindicative elle ne
prjuge pas de lventuelle survie orale de ltrusque, sous une forme plus ou moins altre ou latinise. Ses conclusions (Kaimio
1975 : 193-219) sont les suivantes :
Caer : fin du IIe s. av. J.-C. Tarquinia : fin IIe-db. Ier s. av. J.-C.
Ferento : dbut Ier s. av. J.-C. Volsinies : 1re moiti du Ier s. av. J.-C.
Vulci : 1re moiti du Ier s. av. J.-C. Chiusi : Ier s. av. J.-C.
Prouse : Ier s. av. J.-C. Arezzo : Ier s. av. J.-C.
Volterra : 2nde moiti du Ier s.-db. du Ier s. ap. J.-C.
ager Saenensis : fin du Ier s. av. J.-C.
On devra tirer de ce tableau que les nouvelles dcouvertes nont pas modifi en substance des conclusions peut-tre paradoxales :
on sera attentif dun ct la diversit des situations (ainsi de Caer Volterra, la date du changement linguistique intervient
des dates radicalement diffrentes), mais on notera de lautre que
lviction de ltrusque par le latin intervient dans un laps de temps
24 Comme lindique son cognomen (Clousinos = Clusinus).
25 CRISTOFANI (1993 : 31-32).
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assez cohrent, concentr autour du Ier sicle av. J.-C. Lautre
intrt de ce tableau est quil renforce la logique chronologique qui sen dgage par une logique gographique et
historique : comme aiment le souligner les spcialistes de variation linguistique, le changement linguistique peut tre li des
donnes spatiales, que lon peut schmatiser, propos de la situation trusque, selon la corrlation : plus on sapproche de
Rome, plus la latinisation est prcoce . Nous verrons toutefois que la ralit est certainement plus complexe : le gnrique Ier
sicle des cits du Nord (Chiusi, Arezzo, Volterra et ager Saenensis), mme sil est souvent nuanc par le savant finlandais
(qui date la latinisation de Chiusi lpoque de Sylla, mais celle dArezzo ou Volterra seulement dans la seconde moiti du sicle ;
Kaimio 1975 : 220-221) cache en ralit une distribution trs particulire du matriel pigraphique ; la production pigraphique
de ces cits est trs difficile dater et se concentre, pour les urnes
de terre cuite et de pierre, entre la fin du IIIe et le Ier sicle, sans quil soit possible de proposer une datation vritablement prcise ;
en outre, les tombeaux sont, dans cette rgion, majoritairement collectifs, ce qui empche de proposer une datation relative des
pitaphes quon y trouve partir du stemma familial. Aussi, ce tableau doit-il tre considr comme purement indicatif, du moins
pour les cits septentrionales, tout fait juste sur certains points (ainsi Volterra, cit dailleurs la plus enclave dtrurie, est la
cit qui a fourni les inscriptions trusques les plus tardives), mais trop incertain pour la datation exacte du passage de ltrusque au
latin (en particulier pour interprter correctement limpact de la guerre sociale sur lemploi du latin dans les cits dtrurie
mridionale).
3. CASE-STUDIES
Si lencadrement chronologique du passage de ltrusque au latin est relativement satisfaisant, si on en peroit bien certains facteurs
acclrateurs (la concession de la ciuitas Romana a de toute vidence jou un rle fondamental), il reste prciser quelles
modalits exactes ce changement linguistique a suivi. Les bilingues et quasi-bilingues montrent combien la gamme de varits
linguistiques issues de ce contact de langues est grande, si bien quon peut lgitimement considrer avoir affaire un continuum
volutif allant dun ple idal trusque pur un autre ple idal latin pur , et passant par diffrentes situations diglossiques
(trusque plus ou moins latinis et latin plus ou moins truscis). Afin de bien percevoir la varit des situations documentes, je
proposerai dtudier quelques dossiers pigraphiques bien
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particuliers, qui nous aideront percevoir la complexit de la
situation linguistique en vigueur en trurie autour du Ier sicle.
3.1. La tombe des Inscriptions de Caer
Caer est la cit trusque la plus mridionale avoir un riche patrimoine pigraphique lpoque rcente. Il y aurait beaucoup
dire sur les inscriptions de cette cit, o linfluence pigraphique de Rome est perceptible ds la deuxime moiti du IVe sicle dans
lpigraphie locale. Le signe le plus manifeste de cette interfrence de lpigraphie officielle romaine se repre dans la nomenclature :
Caer suit trs tt la norme romaine consistant abrger le prnom du pre et le mot filius (abrg f), type v(elus) c(lan) ou r(amas)
s(e), tradition quon ne retrouve dans aucune autre cit trusque26. La prcocit de linfluence romaine sexplique par
lhistoire particulire de la cit, qui, daprs la tradition, tisse
dexcellentes relations avec lVrbs ds une date haute (ainsi, cest Caer qui accueille les sacra de la ville, ainsi que les vestales, lors
du sige de Rome par les Gaulois en 390), bonnes relations qui prendront la forme juridique de la ciuitas sine suffragio une date
trs haute, quoiquencore dbattue27. Il est certain que loctroi de la ciuitas a d impliquer un recensement de la population selon les
normes romaines, qui ont ainsi pu tre adoptes par la population. Ltude de la fameuse tombe des Inscriptions permet de dater assez
prcisment le passage de ltrusque au latin dans les classes dominantes de la cit. Cette tombe hypoge deux chambres de
niveau diffrent, relies par un escalier et un couloir, appartient lultime phase de la ncropole de la Banditaccia, et peut tre date,
sur la base de critres architecturaux, au dbut du IIIe sicle (Cristofani 1965 : 15-24). Cest une tombe gentilice, proprit de la
gens Tarna, et son nom moderne lui vient de son riche apparat
pigraphique, constitu de 69 inscriptions (59 peintes dans les niches qui recouvrent les parois des deux chambres ; 10 portes sur
des cippes). Ces inscriptions sont majoritairement trusques, mais on note qu peu prs 1/5e de ces inscriptions (14, dont 5 sur
cippes) sont rdiges en latin. Lintrt de cet ensemble pigraphique est vident : il nous permet de suivre sur huit
gnrations les pratiques pigraphiques dune gens aristocratique de la cit lpoque romaine.
Ces inscriptions (2.1-2.70) appartiennent principalement aux membres de la gens : 45 dentre elles sont relatives des membres
(masculins et fminins) de la gens tarna (cest--dire des personnes portant le gentilice tr. tarna, sa transcription lat.
26 VAN HEEMS (s.p.a).
27 Cf. supra.
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Tarcna ou sa latinisation Tarquitius) ; elles comptent toutefois
galement 10 femmes allognes (portant un gentilice diffrent), maries des membres de la gens, 1 affranchi dun membre de la
gens (portant le gentilice Tarquitius), ainsi quau moins 6 dfunts non identifis cause de la dgradation des inscriptions (paritales
ou sur cippes). Sur les 42 tarna recenss, enfin, on compte 33 hommes, 8 femmes et 1 dfunt de sexe indtermin.
On dispose, grce aux nombreuses tudes auxquelles elle a donn lieu, dun stemma relativement satisfaisant et riche de la gens pour
permettre un encadrement chronologique relatif et absolu trs prcis. Le stemma que nous utilisons est peu prs celui propos
par Cristofani (1965 : 60-64), quelques menues modifications prs. Cest ainsi quon peut reconstituer huit gnrations de
personnages, quon fixera approximativement (sur la base de gnrations de 35 ans) entre les bornes suivantes : 290-255 av. J.-
C. pour la premire et 45-10 av. J.-C. pour la dernire. Ce dernier
terminus est relativement sr : il se fonde sur la prsence dun cognomen (Stra(bo)) dans linscription latine 2.3, relative un
dfunt appartenant lavant-dernire gnration, ce qui permet de lui fixer comme bornes approximatives les annes 80-45 : en effet,
lemploi du cognomen Rome, quoiquattest ds le IVe sicle av. J.-C., ne se dveloppe massivement quaprs lpoque de Sylla28 ;
la date de 45, elle, est celle de la lex Iulia Municipalis, qui rend lemploi de ce membre onomastique obligatoire aussi pour les
habitants des municipes. On peut ainsi reconstituer les 8 gnrations suivantes :
I gn. : 290-255 a.C.
II gn. : 255-220 a.C. III gn. : 220-185 a.C.
IV gn. : 185-150 a.C.
V gn. : 150-115 a.C. VI gn. : 115-80 a.C.
VII gn. : 80-45 a.C. VIII gn. : 45-10 a.C.
Dans ce cadre, on se rend compte que le passage de ltrusque au
latin se fait au seuil du IIe-Ier s., ca. 115-80 av. J.-C., avec une hsitation significative : les pitaphes de cette gnration, relatives
deux frres (2.58 et 2.20), montrent des choix linguistiques diffrents, quil est difficile de justifier (cart chronologique ? choix
personnel ? apparition dune norme nouvelle ?). Mais la gnration suivante, il ny a plus dhsitation linguistique (cf. 2.3,
2.6, 2.55, 2.34). On notera encore une diffrence de taille entre la VIe et la VIIe gnration, et un nouveau saut qualitatif : le
28 LASSRE (2005 : 89-90).
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gentilice de la famille, tarna, est dans un premier temps purement
et simplement transcrit en alphabet latin, Tarcna (2.20) ; conformment aux emprunts de cette poque, tr. -- est rendu par
-c- et non -ch- en latin ; quant la finale -na, qui nest certes pas
inconnue des gentilices latins, elle marque le nom ipso facto comme
trusque ; en revanche, la gnration suivante, les membres bilingues de la famille commencent opter pour une latinisation
pousse de leur gentilice, sous la forme dun nom bien plus latin,
Tarquitius (cp. 2.3 et 2.55 ; la gnration suivante (2.9 et 2.67) gnralise la forme Tarquitius). On tient l, mon sens, un indice
tendant prouver que les membres de cette famille taient, cette gnration, dans une situation de diglossie largement favorable au
latin, alors qu la gnration prcdente la diglossie semble encore favorable ltrusque. Mais surtout, cette tombe, comme du reste
lensemble de la documentation de la cit, montre que les familles aristocratiques ont jou un rle de premier plan dans la latinisation
de la cit ; cela ne signifie pas que les classes plus modestes nont pas adopt le latin, mais ltude du matriau pigraphique que lon
peut avec une bonne marge de probabilit rapporter aux classes ayant accs lcriture, mais nappartenant pas laristocratie,
montre que ces dernires taient tributaires des choix pigraphiques adopts par les classes suprieures, sur les pratiques
desquelles elles modelaient leurs propres pratiques. Loriginalit de
Caer, par rapport aux autres cits dtrurie mridionale, nest donc pas tant chronologique le passage de ltrusque au latin advient
peu prs au mme moment Tarquinia, dans la rgion des ncropoles rupestres ou Vulci , mais dans le fait que lpigraphie
trusque de la cit porte trs tt de profondes traces dinterfrences avec les pratiques pigraphiques romaines, voire avec le latin, qui
conduisent postuler une certaine connaissance du latin chez les membres des familles aristocratiques une poque assez haute ;
cette familiarit prcoce avec le latin saccorde aussi avec un dernier trait caractristique de lpigraphie latine de la cit : un
nombre relativement bas dinterfrences avec ltrusque.
3.2. Les Salvii de Ferento
Ferento est une bourgade situe au nord de Viterbe, dans la rgion
des ncropoles rupestres, qui est lpoque hellnistico-romaine principalement sous linfluence tarquienne. Ce centre na donn
quun nombre trs restreint dinscriptions trusques (16 en tout, dont seulement 10 postrieures au Ve sicle) ; en revanche, on y a
dcouvert en 1921 une tombe chambre, proprit des Salvii, contenant 20 sarcophages, dont 4 inscrits, et remontant aux
dcennies centrales du Ier sicle av. J.-C. (entre 80 et 30 av. J.-C.)29. Si la typologie du tombeau et des sarcophages est pleinement 29 DEGRASSI (1961-62), sur la tombe et ses inscriptions.
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trusque, en revanche, les quatre pitaphes ont toutes t rdiges
en latin et sont mme, pour deux dentre elles, datables trs prcisment (grce des datations consulaires30). Or, malgr leur
petit nombre, ces inscriptions ont beaucoup nous dire sur les pratiques linguistiques et pigraphiques de cette famille de
laristocratie locale.
(3.1) Sex. Saluius A. f. / vix(it) annos XXCIIX / IIIIuir ter (3.2) A. Saluius A. f. / A. n. Crispinus / anorum LI hi / conditus
est. / Gessit Ferentei / IIIIuir(atum) quater. / Sumo supremo / die oena ei uixit a / municipibus (conclamatus est).
(3.4) Titia L. f. uixit / annos XI[-- le]to / data [e]st XIIX k(alendas) Octo(bres) / Cn. Pisone L. Sestio / co(n)s(ulibus).
(3.5)31 [A. Saluius A. f. A. n. Cr]ispus / [vix(it) annos --- (?) hono]res omneis / functus [--- mort]em obieit a(nte) d(iem) XV
k(alendas) Octob(res) C. Ca[lpurn]io Pisone M. Acilio co(n)s(ulibus)
/ mens(e) n e[--] luna (tertia)
Les Salvii sont bien prcision importante une gens trusque dont le nomen a t latinis (et non une gens latine installe
Ferento) : le prouvent dune part le gentilice trusque salvie attest dans la rgion32 et, dautre part, la tradition historiographique qui
nous apprend que cette gens, qui donnera Rome un empereur (Othon), appartenait laristocratie locale33. Or si leurs inscriptions
rvlent une bonne connaissance de la langue latine la langue atteste par ces inscriptions est bonne , elles trahissent en
revanche une mconnaissance vidente des traditions et des normes pigraphiques romaines. En dautres termes, ces
inscriptions ne se comprennent que produites dans le contexte dun fort substrat linguistique (et culturel) trusque. Passons en revue
ces interfrences.
Elles ne sont pas chercher dans lonomastique, qui est en tout point conforme lusage romain : Titia na pas de prnom,
conformment la nomenclature romaine et contrairement lusage trusque ; aucun des dfunts ne porte de matronyme, qui
est un lment onomastique assez bien rpandu dans le monde trusque (et totalement tranger aux pratiques romaines) ; les
30 3.4 : 23 av. J.-C. ; 3.5 : 67 av. J.-C.
31 Nous suivons la relecture propose par EMILIOZZI (1983).
32 Cf. ThLE I2, s.v. Le nom est notamment attest Axia.
33 TAC., Hist., II, 50 : Origo illi [= Othoni] e municipio Ferentio ; SUET., Otho, I,
1 : Maiores Othonis orti sunt oppido Ferentio familia uetere et honorata ex
principibus Etruriae.
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prnoms des dfunts appartiennent tous au fonds romain . En
revanche, les formulaires pigraphiques adopts se rvlent de toute vidence tre des traductions, parfois maladroites, de
formulaires en usage dans lpigraphie funraire de Tarquinia. Cest le cas des formules suivantes :
Le formulaire dindication de lge : cette information, trs rare dans lpigraphie latine dpoque rpublicaine, est
systmatiquement intgre aux pitaphes des Salvii ; deux formulaires sont employs et peuvent driver de modles
trusques : 1) le gn. pl. anorum, quoiquil soit attest dans lpigraphie latine (mais trs rarement), a de bonnes chances
dtre un calque syntaxique de la formule tr. num. + avils (o avil-s est le gn. du subst. avil an, anne ), bien
enracine dans les traditions locales34 ; 2) uixit annos est un formulaire bien romain35, mais l encore on peut envisager un calque de la formule tr. num. + avil + sval- ; on notera
dans tous les cas que Tarquinia et sa rgion se distinguent des autres cits dtrurie mridionale par lhabitude assez
rpandue dans les pitaphes de laristocratie dindiquer lge atteint par le dfunt sa mort.
La formule hic conditus est, qui est isole (la formule courante, dans lpigraphie latine de Rome, est hic situs est),
pourrait elle aussi sexpliquer comme un calque du formulaire
trusque, bien reprsent Tarquinia, ui cesu, syntagme compos dun adverbe dictique de lieu (ui = hic) et dune
forme verbale au perfectum (cesu ; le sens est contextuellement reconstituable comme reposer, gsir, se
trouver, uel sim. ). La dernire anomalie, plus subtile, de ces inscriptions est
chercher dans lexpression rcurrente dlments de cursus honorum. Rome, en effet, le cursus honorum nest pas
inconnu, mais il est assez rare en contexte funraire, alors quen trurie la mention dans lpitaphe de magistratures
exerces par le dfunt a une trs longue histoire (qui remonte la fin du VIIe sicle av. J.-C.) et connat son dveloppement
le plus achev Tarquinia entre le IVe et le IIe sicle. Bref, l encore, il est tentant dexpliquer la prsence de ces formules
par une influence des schmas formulaires trusques, et en
particulier tarquiniens, sous-jacents. Cette hypothse permettrait de surcrot dexpliquer ltrange formule gessit
Ferentei / IIIIuir(atum) quater, qui est une formule verbale, l 34 Des quatre formulaires courants dexpression de lge en trusque, num. +
avils est dailleurs celui qui est de loin le plus employ Tarquinia. Sur la
question, VAN HEEMS (s.p.b).
35 Lemploi de lacc., conforme la grammaire, au lieu de labl., est normal
lpoque rpublicaine.
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o lpigraphie latine prfre employer un substantif en
apposition36 (cf. 3.1 IIIIuir). Or en trusque ce sont de loin les formulaires verbaux qui sont prfrs, dans des formules du type zil + adv. num. + ten-, parfaitement superposable
lexpression employe ici. On a mme Musarna, petite ville toute proche de Ferento, une formule avec une localisation
dans lespace : ET AT 1.100 [al] nas : arn : larisal : zila : tarnali : amce ( Arn Alena de Laris a t zila
Tarquinia/de Tarquinia ). Ce groupe dinscriptions offre donc une situation trs diffrente de
la tombe des Inscriptions : les pitaphes de cette gens sont trs
labores et dans un latin impeccable, mais elles dpendent de canons totalement trusques. Mais il reste quil sagit dun nouveau
tmoignage de labandon de ltrusque pour le latin par une famille de llite, cette fois de ltrurie rurale. Mais cette adoption du latin
cache ici un maintien de ltrusque comme langue parle et rfrence culturelle au moins tout au long du Ier sicle.
3.3. Lpigraphie bilingue trusco-latine
Pour complter ce tableau, il est indispensable daborder un dossier
pigraphique tout autre, celui des inscriptions dites digraphes et des inscriptions bilingues trusco-latines. Avec ce dossier, on sengage
sur un terrain trs diffrent, puisquil sagit dune production essentiellement septentrionale. Or lpigraphie des cits
septentrionales, en particulier de Chiusi et Prouse, est dabord une production de masse, reposant sur une alphabtisation tendue
(alors que les inscriptions que nous avons jusqu prsent tudies
taient le fait de laristocratie urbaine ou rurale du sud du territoire trusque). La seule Chiusi a fourni plus de 3000 inscriptions
funraires, presque toutes produites entre la seconde moiti du IIIe et la premire moiti du Ier sicle av. J.-C. si bien quon doit
conclure quune portion trs large de la population avait accs la lecture et lcriture37. On comprendra sans peine que,
contrairement la production mridionale, dont les modles normatifs sont entre les mains dun cercle restreint de familles
aristocratiques ou de familles aspirant entrer dans ce cercle, le corpus des cits du nord a tous les caractres de ce quon appelle
une pigraphie vulgaire, et pourra ainsi utilement complter le tableau fait partir des cits mridionales.
Cest donc dans ce cadre culturel que nat ce quon pourrait appeler une pigraphie mixte ou biculturelle : il sagit de textes,
36 MAGGIANI (1996 : 123-125).
37 BENELLI (1998 : 251-255), pour lalphabtisation de la socit chiusine
lpoque hellnistique et romaine.
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rdigs en trusque et/ou en latin, mais trahissant diffrents
phnomnes dinterfrence linguistique. Le dossier le mieux connu de cette production est certainement celui des inscriptions bilingues
trusco-latines (Benelli 1994 ; Hadas-Lebel 2004 : 352-387), insparable de celui des inscriptions latinographes et digraphes
cest--dire des inscriptions trusques rdiges en alphabet latin38 ou des inscriptions bilingues rdiges dans un seul alphabet ou
des inscriptions latines truscisantes (marques linguistiquement par nombres dtruscismes dus au substrat trusque). Cette
pigraphie mixte fait sans doute son apparition au IIe sicle, voire ds la fin du IIIe sicle, tandis que les inscriptions proprement
bilingues, napparaissent quau Ier sicle, et sont probablement toutes postrieures la guerre sociale39, voire pour certaines trs
tardives40. On entend par inscriptions bilingues les inscriptions qui sur un mme support font concider deux textes complmentaires41,
lun rdig en trusque, lautre en latin. Ainsi, selon les calculs des
travaux prcdemment cits42, qui ont utilement mis jour des travaux bien plus anciens (Deecke 1883), on dispose de 32 34
inscriptions bilingues trusco-latines. Il sagit pour la plupart dpitaphes, rdiges sur des supports variables (urnes cinraires,
sarcophages, ollae, tuiles spulcrales) ; les seules exceptions sont deux marques de fabrique sur coupe de cramique italo-mgarienne
dun atelier de la rgion de Volsinies (4.26), et une gemme inscrite de la ncropole tarquinienne des Monterozzi (4.27). Il convient
dajouter cette trentaine de textes cinq inscriptions digraphes qui juxtaposent le mme texte (trusque) en alphabet trusque et en
alphabet latin, et qui sont donc de fausses pitaphes bilingues43. On notera enfin que ce phnomne est strictement septentrional : si
lon met part les textes qui ne sont pas des pitaphes, on constatera que toutes ces inscriptions funraires viennent des cits
dtrurie septentrionale. Un examen exhaustif de ces textes, qui
38 HADAS-LEBEL (2004 : 305-317).
39 BENELLI (1994).
40 Au moins une dentre elles (4.2) date certainement de lpoque augustenne.
41 On entend par l des textes relatifs au mme sujet (en loccurrence, puisquil
sagit pour lessentiel dpitaphes, au mme individu).
42 Voir en annexe la liste de ces inscriptions (4.1-4.27).
43 Ces fausses bilingues , nanmoins, ne sont pas dnues dintrt : elles
montrent combien une partie de la population de Chiusi pouvait cette poque
tre attache avoir une pitaphe en latin (mme si leurs auteurs ignoraient un
tratre mot de cette langue).
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montrent diffrents degrs de commixtion linguistique44, sort des
limites de cette tude, et je me limiterai quelques remarques sur lonomastique de ces textes.
Dans la quasi totalit des cas, on a affaire la juxtaposition de deux formules onomastiques : une formule onomastique latine, qui suit
les normes, largement standardises, en vigueur Rome, et qui dsigne le dfunt comme un ciuis Romanus (rappelons quavec
loctroi de la ciuitas Romana par la lex Iulia (de ciuitate Latinis danda) de 90 av. J.-C., les citoyens des cits dtrurie
septentrionale doivent se doter dun tat-civil romain), et une formule onomastique trusque, dont la forme varie grandement
dune cit lautre, et dune tradition pigraphique lautre. Diffrents changements se produisent donc dans la
transformation de la formule trusque en formule latine, et plusieurs cas de figure sont reprsents :
Pour le gentilice, ladoption dun nomen latin va de la simple
translittration en latin du gentilice trusque (4.19, 4.22, 4.23) et de ladaptation du nom trusque la phontique et
la morphologie latines (la plupart des cas) la traduction pure et simple du gentilice, quand il est peru comme signifiant
(4.13) ou encore la transposition quasiment arbitraire (4.20).
Le prnom pose des problmes semblables ; en gnral, il y a transposition et lindividu se choisit un prnom typiquement
romain (C., Cn., Q., L., etc.). La seule exception concerne les prnoms trusques ayant un strict quivalent en latin dans
ce cas, cest cet quivalent qui est tout naturellement choisi, comme en 4.8, o aule est rendu par lat. A(ulus). On
distinguera en revanche un cas de traduction inverse : il sagit des inscriptions dont le titulaire porte un prnom
trusque emprunt au latin (cae, cuinte, pup(lie)) ; comme
lindique la partie latine de linscription, dans ce cas, le prnom trusque drive lui-mme du prnom latin, qui a d
tre choisi par le pre du dfunt (avec lvidente volont de donner son fils un prnom romain)45.
44 Le panorama va des textes trusques influencs par la langue latine aux textes
latins influencs par ltrusque (qui est de loin le cas le mieux reprsent) ; mais
on trouve aussi des textes parfaitement corrects dans les deux langues,
tmoignage dune comptence bilinguistique (de la part du titulaire de
linscription ou du scribe charg de la rdiger) de bon niveau.
45 On peut signaler un dernier cas dinterfrence concernant le prnom : dans les
quelques inscriptions relatives des femmes de ce corpus, la formule
onomastique trusque est dpourvue de prnom, selon lusage romain. Cest
dailleurs une influence de lpigraphie latine qui se repre assez tt dans la
production pigraphique funraire (monolingue !) de ltrurie septentrionale.
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Le matronyme, enfin, est un marqueur intressant ; comme
on le sait, cet lment onomastique est trs frquemment employ dans les dsignations anthroponymiques en trurie
septentrionale ; en revanche, il est totalement tranger aux pratiques onomastiques romaines. On sera alors attentif au
fait que 9 inscriptions bilingues prsentent un calque (impeccable du point de vue de la grammaire latine) : le
matronyme trusque est rendu dans la partie latine par la forme abl. + (g)nat(us/a)46.
Si lon doit prsent essayer dapprcier le degr de comptence du locuteur 47 dans les deux langues partir de ces inscriptions, on
fera remarquer que le latin tait trs probablement la langue dominante dans une situation de diglossie trs nette ; on notera
toutefois que tous les lments onomastiques nont pas la mme valeur de ce point de vue : ainsi, la prsence dun prnom
proprement trusque dans la version trusque est certainement un
bon indice de la prgnance des traditions culturelles locales, et dune bonne connaissance de ltrusque, dans la famille du dfunt ;
inversement, un prnom latin dans la partie trusque (4.16), comme on la vu, doit tre le signe dune romanisation (et sans
doute dune latinisation) avances. Dans tous les cas, on sera attentif la volont, parfois affirme trs tardivement (cf. 4.2),
dafficher une identit trusque une poque o le nombre de latinophones exclusivement ou trs largement monolingues devait
tre trs grand en territoire trusque48.
3.4 Le chant du cygne africain
Au vu des documents prcdemment examins, la situation diglossique vcue par les trusques du Ier sicle av. J.-C. ne fait
aucun doute, tant dans les classes dominantes que dans les
classes moyennes (ingnus ou affranchis ayant une dignit pigraphique). Pour illustrer ultrieurement cette situation,
jaimerais prsenter un dernier document, trs atypique, tant par son lieu de dcouverte (lactuelle Tunisie) que par sa date (il est
gnralement dat au Ier sicle av. J.-C., mais de bons arguments 46 Le part. (g)natus ntant pas toujours abrg. Il sagit des inscriptions 4.7,
4.9, 4.14-4.20.
47 On entend par l lauteur, direct (le scribe charg de la ralisation de
linscription, si cest lui qui la compose, ou les proches du dfunts si ce sont eux
qui la composent et la rdigent) ou indirect (le dfunt lui-mme, sil a prvu de
son vivant la forme de son pitaphe), de linscription.
48 Sans entrer dans le dbat de la dduction dune colonie sillanienne Chiusi ou
de la trs nette chute dmographique observable Chiusi au IIe sicle, il suffira
de prciser que le nombre dinscriptions latines dans ces rgions augmente trs
nettement au cours du Ier sicle av. J.-C.
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plaident pour faire redescendre ces inscriptions jusquau tout
dbut de lEmpire) et son texte49. Il sagit dun groupe de cippes de confins portant la mme (brve) inscription (reproduites
exactement huit fois), rdige indubitablement en trusque, mais o les interfrences linguistiques avec le latin sont fort
nombreuses50 :
(5.1) m nata z t s t l ar ani m tin s
Ces interfrences sont varies : elles concernent aussi bien la structure mme de linscription trs peu conforme aux canons
trusques, mais parfaitement comparable aux schmas formulaires romains que lonomastique51, les conventions orthographiques52
ou le phontisme de la varit dtrusque qui y est atteste53. Mais de toutes ces traces dinterfrence linguistique, cest la forme
dardanivm qui mrite le plus lattention, car il sagit de la
transcription directe (selon la graphie ad hoc labore pour cette inscription) de lat. (gn. pl.) Dardanium. On a ainsi affaire un cas
trs intressant (et attest nulle part ailleurs dans le patrimoine pigraphique trusque) de code-switching puisquil sagit de
linsertion dun nonc dune langue B dans un nonc en langue A , qui a beaucoup nous dire sur le bilinguisme de Marce Unata. Ce
dernier, en effet, apparat de toute vidence comme un bilingue, mais un bilingue en situation de forte diglossie, o ltrusque
apparat comme une langue largement secondaire (sa langue premire est certainement le latin). Dans ces conditions, on peut se
demander pour quelles raisons cet individu dascendance trusque, mais de langue maternelle latine, a tenu faire rdiger ces cippes
en trusque, qui plus est sur un territoire plus quloign de sa mre-patrie 54 ? On peut raisonnablement supposer que cet
attachement la vieille langue de son peuple, pourtant en voie
dabandon irrmdiable, est li au statut quoccupait dsormais ltrusque : non plus langue vhiculaire, ni mme vernaculaire des
49 Nous renvoyons VAN HEEMS (2011 : 109-112), pour un examen exhaustif de
ces textes et de leur intrt linguistique.
50 Et repres, pour bonne partie dentre elles, ds ldition des textes par J.
HEURGON (1969).
51 Le prnom du personnage est, comme Rome, abrg.
52 Cf. VAN HEEMS (2011 : 110), propos de lemploi de pour noter /u/ ; il
sagit l dun cas intressant dhypercorrection, indice dune situation de diglossie
fortement dsquilibre de Marce Unata.
53 Cf. lemploi dun diacrit pour rendre le /d/ du latin.
54 VAN HEEMS (2011 : 111-112).
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habitants de lItalie centrale, elle nest plus, lpoque de Marce
Unata, quune langue dusage savant et cultuel. En effet, ltrusque reste, grce limportance acquise par lEtrusca disciplina dans la
religion romaine officielle, une langue religieuse importante et la religion est certainement le domaine do ltrusque a t chass
par le latin le plus tard. Et la limitatio opration laquelle, en tmoignent ces cippes, sest dvolu Marce Unata en Afrique tait
un secteur central de la science haruspicine des trusques.
4. CONCLUSION
Ltruscologue est certainement un homme (ou une femme) chanceux : il dispose en effet pour une poque assez haute dun
chantillon de documents trs varis permettant de reconstituer les situations de bilinguisme et de diglossie qui ont accompagn le
passage linguistique de ltrusque au latin. Les dossiers
pigraphiques prsents ici et la varit des phnomnes dinterfrence dcrits (de lemprunt et du calque au code-switching)
revtent un intrt extraordinaire, que peu de rgions du monde classique peuvent revendiquer.
Ils permettent, dabord, darriver aux conclusions suivantes. 1) Le latin simpose dans un emploi crit priv en trurie entre la fin
du IIe et la fin du Ier sicle av. J.-C., dabord dans les strates les plus leves de la socit mais ce sont aussi celles qui ont la plus
grande visibilit pigraphique et dabord en trurie mridionale. 2) Pour comprendre ce changement linguistique, il faut postuler une
situation de diglossie o, malgr labsence dune politique linguistique promue par ltat romain (Kaimio 1975 : 95-101)55,
mais la faveur des changements institutionnels introduits par la conqute romaine, qui a gnralement laiss en place les
aristocraties locales et appuy leur domination, puis a fini par
octroyer la ciuitas Romana au dbut du Ier sicle, le latin a assez vite occup la position dominante : cest la langue du pouvoir et sa
matrise est devenue de facto ncessaire pour qui dsirait sintgrer dans la machine tatique romaine. Si le IIe sicle av. J.-C. est une
priode o ltrusque rsiste et occupe encore de larges fonctions de prestige56, le Ier sicle av. J.-C. est certainement celui o
ltrusque perd sa prminence mme si malheureusement,
55 Ce qui nempche pas lexistence dune conqute imprialiste du territoire
trusque, telle quelle a pu tre mise en vidence dans dautres parties de
lempire romain, ds la fin de la Rpublique.
56 Voir, par ex., le fameux sarcophage de Laris Pulena (ET Ta 1.17), de la seconde
moiti du IIe sicle, o le dfunt, membre de laristocratie locale, affiche un trs
long pitaphe en forme delogium, allant jusqu vanter les livres (trusques) quil
a rdigs au cours de son existence.
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labsence dinscriptions publiques pour cette priode empche de
laffirmer nettement. Le changement linguistique est consomm au dbut du Ier sicle ap. J.-C.57, hormis Volterra, o la persistance
de la tradition pigraphique locale nest sans doute quun chant du cygne.
Mais ce dossier est aussi intressant, parce quil rvle une volont, une poque o le latin est, culturellement parlant, la langue
dominante celle de lintgration ltat, celle que les lites doivent matriser , de la part dune partie non ngligeable de la
population, dafficher au moyen de la langue leur identit trusque ( ct de ou avant leur identit romaine ).
Du point de vue de lhistoire des mentalits, on ne devra pas se montrer surpris : cest l un dsir de type antiquaire , consistant
clbrer dantiques et vnrables traditions locales, qui spanouit au mme moment Rome ds la fin de la Rpublique et surtout
sous le rgne dAuguste, empereur attach, sil en est, aux antiques
traditions de la Pninsule. Il reste toutefois que la survie de ltrusque comme langue autonome fait problme : lpoque
dAuguste, comme on la vu, il ne sagit plus que dune langue largement seconde, qui ntait peut-tre dj plus vivante que dans
un usage purement savant. Mais on en arrive l la dernire phase de ltrusque, trop largement nglige par les savants qui
se sont intresss au bilinguisme trusco-latin. Il est quasi-ncessaire, en effet, que ltrusque ait survcu ltat de
substrat du latin rgional 58. Et cette survie a pu se prolonger sur quelques gnrations, mme aprs la disparition des derniers
locuteurs (ou lecteurs) de la langue59. Ce qui eu gard lcart linguistique et au particularisme trusque tant soulign par nos
sources latines et grecques peut surprendre : les trusques, certainement parce quils formaient avec les autres peuples dItalie centrale une vritable culturelle, ont fini tout naturellement
par faire dexcellents Romains.
57 Voir les elogia du forum de Tarquinia, qui clbrent, en latin, les res gestae de
membres de la gens Spurinna ayant vcu au Ve sicle av. J.-C. ; sur ces textes, v.
les travaux de M. TORELLI (1975).
58 Les travaux sur le franais rgional montrent quun substrat linguistique
imprime sa marque, tous les niveaux (lexical, syntaxique, phontique,
morphologique et supra-segmental), mme aux gnrations qui ne connaissent
plus la langue de substrat ou qui sont issues, par voie de migration, de territoires
et de familles nayant eu aucun lien avec cette langue. Malheureusement, la
documentation littraire de lpoque impriale ne sintresse pas ces ventuels
latins rgionaux avant une poque trs tardive.
59 On a voulu voir dans la gorgia toscane une (peu vraisemblable) survivance du
substrat trusque ; voir les arguments avancs par L. AGOSTINIANI (1982).
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23
ABRVIATIONS BIBLIOGRAPHIQUES ET H. RIX et al., Etruskische Texte. Editio minor, Tubingen,
G. Narr, 1991. ILLRP A. DEGRASSI, Inscriptiones Latinae liberae rei publicae,
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CATALOGUE DES INSCRIPTIONS 1. Linscription de C. Genucius (Caer, 273 av. J.-C.)
1.1 C. Cenucio(s) Clousino(s) prai(tor)
2. La tombe des Inscriptions (Caer, IIIe s. av. J.-C.)60
2.1 (Cr 1.5) a . tarnas. a . c. 2crucials.
2.2 (Cr 1.6) l i. tarnas. crucials 2.3 C. TARQVITI(VS). M. F. / STRA(BO ?)
2.4 (Cr 1.7) rama. tarn . 2larisali a 2.5 (Cr 1.8) ran la. tarnai. a les. tarnas
2.6 A[B]UR IA. C. F. / RVF 2.7 (Cr 1.9) ran . ma[
2.8 (Cr 1.10) a le. tarnas. laral. clan 2.9 GALLI
2.10 (Cr 1.11) a : artinai : v : s 2.11 ]r[
2.12 ]- T R Q V T -[ 2.13 (Cr 1.12) laris. tarnas. laral a
2.14 (Cr 1.13) rama. anini. m. se
2.15 (Cr 1.14) an il paci : a [ 2.16 (Cr 1.15) rama. s plnai
2.17 (Cr 1.16) ma. tarnas. l. clan 2.18 (Cr 1.17) marce. tarnas. lar. cl
2.19 (Cr 1.18) l : tarnas : -[ 2.20 M. TARCNA [
2.21 MVRRIA - F. 2.22 l[.] tarnas. av. [c]
2.23 (Cr 1.19) l. tarnas. a l c 2.24 (Cr 1.20) : t r n a [s :] m : [c]
2.25 (Cr 1.21) av. tarnas. pacials 2.26 r
2.27 (Cr 1.22) rana. tarnai. velar a 2.28 (Cr 1.23) av : tarnas 2av : c
2.29 (Cr 1.24) ] tarnas : m : cl
2.30 (Cr 1.25) [ve]l r tarnas marce [s c] 2.31 (Cr 1.26) [-?- ta]r na[-?-]-
2.32 (Cr 1.27) li. tarnas. l. c. 2.33 (Cr 1.28) rana (-?-a)nai
60 La numrotation suit celle propose par CRISTOFANI 1965 (entre parenthses, la
rfrence des inscriptions dans les ET) ; les numros suivis de la lettre C
dsignent les inscriptions sur cippes ; ceux donns sans prcision rfrent aux
inscriptions peintes ou graves lintrieur de la tombe.
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27
2.34 LATINIA. C. F.
2.35 (Cr 1.29) lari. tarnai 2.36 (Cr 1.30) lar t ar n as. a[
2.37 (Cr 1.31) [-. tar]n as. a . c . 2.38 (Cr 1.32) [--. tar]nai. l. s
2.39 (Cr 1.33) [-. t] rnas. li. cl. 2.40 (Cr 1.34) [-?- ta]rnai
2.41 (Cr 1.35) an. tarn . . se 2.42 (Cr 1.36) laris. tarnas. li. cl(a)n
2.43 (Cr 1.37) li. tar[nas -?-] 2.44 (Cr 1.39) li. tarnas s c(l)a(n)
2.45 (Cr 1.41) li. tar[nas] 2m. c. -sv- 2.46 (Cr 1.42) elur tarna[s]
2.47/48 (Cr 1.43) [la]ris [ta]rnas a l s 2.49 (Cr 1.44) r. tar[nai -?-]
2.50 (Cr 1.45) [-?- tar]nas. [elu]r a
2.51 (Cr 1.46) [an] il. tar[nai -?-] 2.52 (Cr 1.47) avl : tarnas : li : c
2.53 (Cr 1.48) rana. [c]rucai 2.54 (Cr 1.49) plunices
2.55 A. TARCNA M. F. 2.56 M TA[RCNA--- ?]
2.57 (Cr 1.50) m tarn s c 2.58 (Cr 1.51) m : tarnas : m : c
2.59 C (Cr 1.53) l. tarnas. l. c. 2.60 C (Cr 1.54) laris. tarnas. el[ur] a {r}
2.61 C [TA]RQVITI C. F. GALLI 2.62 C LATIN[IA C. F. ?]
2.63 C (Cr 1.55) . tarnas. laris[al c(lan)] 2.64 C [M.] TARCNA. L. F. P[---]
2.65 C (Cr 1.56) av. tar[nas -?-] c.
2.66 C M. TAR[CNA ---] 2.67 C A. T[ARQVITI ? A.] L[I]B[.]
2.68 (Cr 1.38) [-?- tar]na . v. sec 2.69 (Cr 1.40) l t ar n[as -?-]
2.70 (Cr 1.52) [-?- t] [rn]as a[?
3. La tombe des Salvii (Ferento, ca. 80-30 av. J.-C. ; CIL, I2,
2511, 2634-2635 ; ILLRP 588-590)
3.1 Sex. Saluius A. f. / vix(it) annos XXCIIX / IIIIuir ter
3.261 A. Saluius A. f. / A. n. Crispinus / anorum LI he[ic] /
conditus est. / Gessit Ferenteis / IIIIuir(atum) quater.
61 Relecture GASPERINI 1977.
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/ Sumo supremo / die cena et uiscera / municipibus
(data sunt).
3.362 Titia L. f. uixit / annos XI[-- le]to / data [e]st XIIX
k(alendas) Octo(bres) / Cn. Pisone L. Sestio /
co(n)s(ulibus).
3.463 [A. Saluius A. f. A. n. Cr]ispus / [vix(it) annos --- (?)
hono]res omneis / functus [--- mort]em obieit a(nte)
d(iem) XV k(alendas) Octob(res) C. Ca[lpurn]io
Pisone M. Acilio co(n)s(ulibus) / mens(e) n e[--]
luna (tertia).
4. Corpus des inscriptions bilingues trusco-latines64
Pesaro
4.1 [Um 1.7 ; bloc de calcaire inscrit] [L. CA]FATIUS L. F. STE. HARUSPE[X] FULGURIATOR
[c]afates. lr. lr. netvis. trutnvt. frontac
Arezzo 4.2 [Ar 1.8 ; urne de marbre ; datation par le contexte
archologique : 10-15 ap. J.-C.] C. CASSIVS C. F. / SATVRNINVS
v. cazi. c. clan 4.3 [Ar 1.3 ; urne de travertin ; ca. 10 av. J.-C.]
CN. LABERIVS A. F. / POM.
a. haprni. a aratinalisa 4.4 [Ar 1.9 ; urne de marbre]
ele fulni eles ciarial a
Q. FOLNIVS. A. F. POM / FVSCVS
Montepulciano
4.5 [AS 1.325 ; urne de tuf] C. LICINI. C. F. NIGRI / v. lecne. v. / hapirnal
?
62 Datation consulaire : 23 av. J.-C.
63 Datation consulaire : 67 av. J.-C. Nous suivons la relecture EMILIOZZI (1983).
64 Nous suivons la numrotation du corpus tabli par BENELLI (1994).
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4.6 [Cl 1.2430 ; urne de travertin]
A. TITIUS. A. F. A A / a. titi. a. veni(n)al
Prouse 4.7 [Pe 1.313 ; urne de marbre]
/ pup velimna au cahatial / P VOLVMNIVS. A. F. VIOLENS / CAFATIA. NATVS.
4.8 [Pe 1.72 ; olla] aule. rafi cutunial / A. RV(FIS)
4.9 [Pe 1.846 ; urne de travertin] / ar mi / MESIA. Arun(tia) / L. F. TETIA GNATA
4.10 [Pe 1.211 ; urne de travertin] / L. SCARPVS. SCARPIAE. L. POPA / larn. scarpe. lautn
Chiusi
4.11 [Cl 1.858 ; urne de travertin]
C. ARRIUS. C. F / Q. a. arntni. umranal 4.12 [Cl 1.356 ; couv. durne de travertin]
C. VENSIUS. C. F. CANUS el enzile alfnal a 4.13 [Cl 1.320 ; urne de travertin]
Q. SCRIBONIUS. C. F / vl. zicu 4.14 [Cl 1.1221 ; fragment durne]
/ C. ANNIVS. L. F. COELIA. GNAT / vel. anne. cupsnal 4.15 [Cl 1.1449 ; urne de travertin]
ar. c nzna arnal {l}a / C. CAESIUS C. F. VARIA. / NAT 4.16 [Cl 1.957 ; sarcophage de travertin]
cuinte. inu. arntnal Q. SENTIVS. L. F. ARRIA. NATVS 4.17 [Cl 1.1181 ; urne de travertin]
vl. alfni. nuvi / cainal / C. ALFIVS. A. F. CAINNIA. NATVS 4.18 [Cl 1.354 ; cippe de travertin]
C. TREBONI. Q. F / GELLIA. NATVS // cae / trepu
4.19 [Cl 1.859 ; urne de travertin] C. ARRI. ARN. ARRIA. NAT / arn. arntni. arri / arntnal
4.20 [Cl 1.2632 ; sarcophage de travertin] a. unata. arnal. ra(ufe) / MN. OTACILIVS. RVFVS. VARIA
NATVS 4.21 [Cl 1.1601 ; olla]
a. elcna. lucria C. VEDI 4.22 [Cl 1.220 ; urne de terre cuite]
au fapi larial A. FABI. IVCNVS 4.23 [Cl 1.2552 ; tuile spulcrale]
a : trepi : an a AR. TREBI. HISTRO 4.24 [Cl 1.966 ; urne de travertin]
enti. ilina l : SENTIA. SEX. F 4.25 [Cl 1.219 ; urne de terre cuite]
l. eucle. fisis. lavtni / L. PHISIUS. L. L. VC[ES]
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Montefiascone
4.26 [Vs 6.21 ; marques sur coupes de cramique ; le texte est report deux fois]
lapie / LAPI
Tarquinia 4.27 [Ta 0.22 ; gemme dagathe]
VEL MAX / vel pepn
5. Cippes de Tunisie (Oued Miliane)
5.1 [Af 8.1-8] m nata z t s t l ar ani m tin s
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