architecture soudanaise: vitalité d'une tradition urbaine

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Architecture soudanaise: vitalité d'une tradition urbaine et monumentale: Mali, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Ghana http://www.aluka.org/action/showMetadata?doi=10.5555/AL.CH.DOCUMENT.sip200001 Use of the Aluka digital library is subject to Aluka’s Terms and Conditions, available at http://www.aluka.org/page/about/termsConditions.jsp. By using Aluka, you agree that you have read and will abide by the Terms and Conditions. Among other things, the Terms and Conditions provide that the content in the Aluka digital library is only for personal, non-commercial use by authorized users of Aluka in connection with research, scholarship, and education. The content in the Aluka digital library is subject to copyright, with the exception of certain governmental works and very old materials that may be in the public domain under applicable law. Permission must be sought from Aluka and/or the applicable copyright holder in connection with any duplication or distribution of these materials where required by applicable law. Aluka is a not-for-profit initiative dedicated to creating and preserving a digital archive of materials about and from the developing world. For more information about Aluka, please see http://www.aluka.org

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Architecture soudanaise: vitalité d'une traditionurbaine et monumentale: Mali, Côte d'Ivoire,Burkina Faso, Ghana

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Architecture soudanaise: vitalité d'une tradition urbaine etmonumentale: Mali, Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Ghana

Author/Creator Domian, Sergio

Date 1989

Resource type Books

Language French

Subject

Coverage (spatial) Middle Niger;Volta-Tano Watershed, Mali,Djenné;Timbucktu

Source Smithsonian Institution Libraries, NA1598 .D66 1989

Rights (c) l'Harmattan

Description Gives an in-depth overview of urban, indigenousarchitecture across the Western Sudan, including Mali, Coted'Ivoire, Burkina Faso, and Ghana. Numerous photographs,illustrations, and maps.

Format extent(length/size)

193 pages

http://www.aluka.org/action/showMetadata?doi=10.5555/AL.CH.DOCUMENT.sip200001

http://www.aluka.org

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ARCHITECTURE SOUDANAISE

ARCHITECTURE SOUDANAISEVitalité d'une tradition urbaine et monumentale Mali El Côte-d'Ivoire ] BurkinaFaso El GhanaSergio DOMIAN

ARCHITECTURE SOUDANAISE

Photos et plans : Sergio Domian Maquette : Pier Giorgio Cerrini Traductionfrançaise : Christiane Verbeeck

Sergio DOMIAN,ARCHITECTURE SOUDANAISEVitalité d'une tradition urbaine et monumentale Mali II Côte-d'ivoire El BurkinaFaso El GhanaÉditions L'Harmattan5-7 rue de L'École-Polytechnique 75005 PARIS

© L'Harmattan, 1989 ISBN : 2-7384-0234-8

PréfaceMa dette est grande envers Sergio Domian qui m'a fait découvrir les trésors de «l'architecture soudanaise ». Les montages audio-visuels qu'il aréalisés, dont unsur neuf écrans, ont été pour moi une véritable révélation. Je suis particulièrementheureux de présenter ce remarquable ouvrage et partage le vou deSergio Domian,à l'effet que cette publication contribuera à sensibiliser les populations et leursdirigeants ainsi que l'opinion internationale sur la richesse du patrimoinearchitectural africain et la nécessité de le préserver pour les générations futures.Le Soudan est cette vaste région d'Afrique où florissaient dans lestemps anciensde vastes États politiques tels le Ghana, le Mali, Songhai, aussi bienque les ÉtatsHausa, l'Empire de Sokoto et Bornu. La zone sahélo-soudanaisea constitué leplus ancien foyer de peuplement en Afrique de l'Ouest. Si le Sahel, victime dessécheresses périodiques meurtrières, est évocateur du désert,les grands empiresde l'Afrique sahélosoudanaise ont eu leur foyer originel ou leur centre de gravitéarticulé sur les berceaux agricoles qui se sont développés dans la bande sahélo-soudanaise - à proximité des grandes masses fluviales ou lacustres - qui s'étendsur plus de 4 000 km et qui contient l'Afrique de l'Ouest islamique. Laprésencedes greniers à mil qui portent témoignage d'une vieille civilisation paysannedément la thèse selon laquelle la vallée du Niger n'aurait pas joué derôleimportant de pénétration ou de fixation. Jacques Maguet a fait observer quel'Afrique noire a connu, avant la période industrielle, une civilisation urbaine,

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artisanale, et commerciale, qui est analogue, en ses fondements, à la civilisationdes villes de négoce du Moyen Age européen. Le territoire de l'actuel Malirecouvre partiellement celui de l'ancien Mali. A son apogée au xwsiècle il s'étenddu Sahara à la forêt et de l'océan Atlantique à Gao, capitale de l'empire desSonghai qui fut dès le début du xi- siècle une importante cité commerciale etintellectuelle. Mali, la capitale, où résidait le souverain de l'empire du Mali,Tombouctou et Djenné étaient non seulement des centres réputés decommercemais aussi de vie intellectuelle. La civilisation des cités s'étendaità l'Est. Sacouverture géographique : Ouagadougou, Kano, Zaria, Ndjimi, ElFasher. Unréseau de commerce à longue distance fondait la prospérité de ces villes qu'ilunissait entre elles et par les pistes caravanières au Maghreb. L'Empire du Ghanane doit pas être confondu avec les territoires du Ghana actuel sur lesquels il n'ajamais étendu sa domination. Le gouvernement de l'Etat qui a succédé en 1957 àla colonie britannique de Gold Coasten lui donnant le nom de Ghana a voulu consacrer non point une filiationhistorique mais marquer la continuité de la souveraineté politique africaine.La société essentiellement païenne du Soudan Occidental s'ouvrit à un degréconsidérable à l'influence de l'Islam. Les rois du Mali apprécièrent l'islam pour lesavantages commerciaux et diplomatiques qu'ils en tirèrent et firentde célèbrespèlerinages à la Mecque via l'Égypte.Au xlv- siècle les marchands Mandé, les Dioula commerçaient aussi loin à l'Estque les Cités-États des Hausa entre le lac Tchad et le Niger et avaientcommencéà développer une nouvelle route commerciale vers le sud-est de Djenné. Ils étaientdes musulmans et leurs activités aboutirent à une expansion considérable del'islam au sein des classes commerciales de l'Afrique de l'Ouest, et dans unecertaine mesure, parmi ses rois. Les expériences impériales successives ont laisséà travers tout le Soudan des traces profondes : le sentiment d'une communauté dedestin et de culture, un sens de l'espace sahélo-soudanais, une-longue pratique del'organisation étatique. L'Architecture intègre dans sa fonction le programmegénétique social, culturel et économique de la société, disait Georgi Stolov,Président de l'Union Internationale des Architectes au XV Congrès de l'U.I.A. auCaire en janvier 1985. Les images que nous offre Sergio Domian posent leproblème de la préservation et de l'enrichissement du riche héritage architecturaldont dispose l'Afrique. La mise en concordance des concepts architecturaux avecles matériaux locaux de construction doit faire appel à l'ensemble des sciences etdes techniques qui contribuent à l'organisation de l'espace bâti tenant compte desrapports sociaux fondamentaux. Puisse la révélation des joyaux architecturauxque nous offre Sergio Domian aider à prendre conscience de la richesse del'histoire africaine, ouvrir de nouvelles pistes de recherches et d'études, contribuerà une architecture africaine rénovée qui retrouve ses liens avec le passé, favorisantla réhabilitation et l'amélioration des techniques traditionnelles, mais ouverte auprésent et à l'avenir tant sur le plan de l'esthétique que sur celui de lafonctionnalité, en particulipr celle du petit habitat rural.Raymond CHASLEAmbassadeur de l'île Maurice

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auprès des Communautés Européennes Secrétaire Général Fondation pour laCoopération Culturelle A.C.P./C.E.E.

Avant-proposQu'est-ce donc que « l'architecture soudanaise » ? Ce terme a été créé par lesanthropologues vers le début du siècle pour désigner un phénomène propre à unerégion d'Afrique occidentale qui portait anciennement le nom de « Soudan », etqui s'étend sur un territoire correspondant à celui de plusieurs États africainscontemporains : la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso ainsi que le nord de laCôted'ivoire et du Ghana.L'architecture de l'ancien Soudan a de tout temps intrigué et intéressé lesvoyageurs et explorateurs par son allure monumentale et urbaine,qui formait uncontraste frappant avec les formes répétitives et monotones de l'habitat villageois.Cette architecture est issue d'un territoire caractérisé par une matrice culturellecommune. Son histoire est intimement liée à celle des grands empiresafricains duMali et des Songhay, et à celle des courants commerciaux entre l'Afrique noire etl'Egypte, la Libye, et les autres pays du Maghreb, qui ont véhiculé lesinfluencesméditerranéennes. Il subsiste encore des exemples de cette architecture : lesmosquées et les anciennes villes commerciales, dont la principaleest Djenné, quis'est conservée presque intacte jusqu'à nos jours. Cependant,l'architecturesoudanaise est bien plus qu'un simple vestige du passé, car ses traditions sontdemeurées vivaces et sont profondément enracinées dans la vie des populations,malgré les bouleversements que notre époque a fait subir à la civilisationafricaine. C'est une architecture qui a su se renouveler sans cesse en assimilanttous les apports extérieurs et qui a gardé une étonnante vitalité au long des siècles.Si ce renouvellement des formes, et l'intense activité de construction quil'accompagne, perpétuent l'architecturesoudanaise et permettent de l'étudier sur le terrain, ils accélèrentaussi parfois ladestruction et le remplacement des monuments les plus anciens ou leur infligentdes restaurations contestables qui les défigurent à jamais. Il serait donc grandtemps de sensibiliser les populations intéressées, l'opinion publique et lesresponsables politiques, et d'attirer leur attention sur ce précieux patrimoineculturel africain afin d'en assurer la conservation. J'espèreque le présent ouvragesera un modeste premier pas sur cette voie.L'architecture soudanaise a déjà fait l'objet de plusieurs études, qui sont citéesdans la bibliographie, mais il s'agit le plus souvent, soit d'un simple chapitre dansun ouvrage à caractère plus général, soit de brèves monographies difficilementaccessibles.Les documents photographiques présentés ici sont la moisson de longues annéesde recherche sur le terrain. Ils montrent bien mieux qu'une description toute larichesse et la diversité du répertoire des formes. En même temps que la rechercheiconographique, l'étude des sources a permis pour la première fois de faire unesynthèse des connaissances et de formuler un certain nombre de réflexions etd'hypothèses concernant la genèse et le développement de l'architecturesoudanaise. Les points d'interrogation restent néanmoins nombreux ; il faut

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espérer qu'ils éveilleront la curiosité et l'intérêt des jeunes chercheurs et, surtout,des Africains, pour ce chapitre de l'histoire africaine.Afin de faciliter la lecture, l'ouvrage a été divisé en deux parties: la premièrecontient une analyse générale de l'architecture soudanaise dans ses diversesformes ; la seconde se compose d'une série de documents photogra-

phiques commentés. Une telle présentation implique sans doute quelquesrépétitions, mais elle permet au lecteur pressé d'aborder tout desuite la secondepartie, sans devoir lire d'abord la première. Cet ouvrage n'aurait jamais vu le joursans l'amitié, la sympathie et le dévouement désintéressé de tous ceux qui m'ontaidé à surmonter les difficultés d'une telle entreprise. Les amis africains qui m'ontfait découvrir et aimer cet aspect de leur culture méritent ma plus profondegratitude.Je tiens aussi à remercier très chaleureusement le personnel de la Bibliothèquecentrale de la Commission des Communautés européennes, et en particulier MlleChaize. Sans son concours, je n'aurais jamais pu consulter autantd'ouvrages, dontquelques-uns très rares, dispersés dans toutes les bibliothèquesd'Europe.il peut être utile de préciser le sens de quelques termes moins courants, et c'estpourquoi nous avons établi un mini-glossaire à l'intention du lecteur. Banco est lenom du matériau de construction typique de l'architecture soudanaise. C'est unepâte obtenue en mélangeant de l'eau à l'argile prélevée au fond desmares àproximité du chantier ainsi qu'à certains autres élements, telle la paille de mil.Cette pâte durcit dans des formes rectangulaires en séchant au soleil. Autrefois,les briques de banco étaient travaillées à la main et avaient une formeovalearrondie ; on en voit encore dans les ouvrages anciens.Le terme arabe qibla indique la direction de La Mecque vers laquelle lesfidèles setournent pour prier et qui, dansles mosquées, est figurée par une niche murale appeléemihrab.On appelle pisé un mode de construction dans lequel on utilise de laterre battue.Pour édifier le mur, on se sert d'une sorte de caisse mobile en bois de hauteur etde largeur variables suivant l'épaisseur que l'on veut donner aumur, dans laquelleon étale la terre mélangée d'eau en couches successives que l'on fouleénergiquement. Le Delta intérieur du Niger est le bassin de crue du fleuve entreSégou et Tombouctou.

INTRODUCTION

GéographieLa région soudanaise peut être découpée en trois grandes zones climatiques : aunord, la zone saharienne, avec des pluies rares et irrégulières et de grands écartsde température, tant journaliers que saisonniers ; au centre, le Sahel avec unelongue saison sèche et une saison des pluies de trois ou quatre mois, qui va de finmai à fin septembre et compte en moyenne 80 jours de précipitationspar an ; ausud, enfin, la savane boisée avec une saison des pluies plus longue,d'environ sixmois, parfois coupée d'une petite saison sèche. D'une manière générale, les plus

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fortes chaleurs surviennent vers la fin de la saison sèche, c'est-à-dire en avril oujuin, selon les régions. Aux zones climatiques correspondent autant de zones devégétation : le désert et les épineux au nord, la savane arbustive au centre, et lasavane boisée au sud. La seule élévation de quelque importance est le plateau deBandiagara, qui suit sur environ 250 km un axe nordest à une altitude moyenne de500 mètres et se termine au nord par les sommets de l'Hombori (1 f55m). Ceterritoire est arrosé par les fleuves Sénégal et Niger Le Niger prend source dans leFouta Djalon en Guinée ; il parcourt environ 1 700 km au Mali, qu'iltraverse danssa longueur. Entre Ségou et Tombouctou, le Niger coule sur environ 500 km dansune vaste plaine, appelée le Delta intérieur, que les crues transformenten unegrande mer intérieure parsemée d'îlots verdoyants, les togguérés. Le régimehydraulique du fleuve est caractérisé par des crues et décrues saisonnières dont lesdates varient selon l'éloignement des sources.Depuis la plus haute antiquité, la région est peuplée de populations nomades,semi-nomades et sédentaires, de langues et de cultures très diverses, qui vivent leplus souvent en symbiose: Touaregs, Fulbé, Bambara, Maninka, Soninké,Songhay, Bobo.Les Touaregs sont des nomades d'origine berbère, qui vivent depuis des tempsimmémoriaux dans le désert du Sahara, et qui ont joué un rôle important dansl'histoire de Tombouctou et d'Agadès. Les Fuibé ou Peu sont présents dans tout leSahel, du Tchad au Sénégal la plupart sont des pasteurs seminomades, quipratiquent la transhumance et se déplacent avec leurs troupeaux sur des parcoursfixes au rythme des saisons. Il y a une forte concentration de Fulbédans le Deltaintérieur du Niger entre la ville de Macina et la ville de Dori.Les Bambara ou Bamana, qui forment le groupe le plus nombreux, sont descultivateurs sédentaires. Leur langue sert de langue véhiculaire auxautrespopulations de la région, et plus particulièrement la langue des marchands, ledyula, dérivé du bambara. Ils occupent la partie occidentale du Mali, mais ils sesont aussi mélangés aux populations locales dans beaucoup d'autres régions. LesManinka ou Malinké sont un groupe de cultivateurs dont l'histoire est intimementliée à celle de l'empire du Mali; ils ont beaucoup d'affinités avec lesBambara etoccupent une région au nord-ouest de la ville de Bamako. Les Soninké ouSarakollé, qui furent les protagonistes du royaume de Ghana, sedispersèrent lorsde sa dislocationClimatPopulations

Populations de l'ancien Soudan : Touaregs, Fuibé et Songhaydans toute l'Afrique occidentale, jusqu'aux confins de la forêt.Ils ont uneréputation d'habiles marchands. Les Marka ne sont pas une ethnie à proprementparler: le nom de Marka a plutôt un sens culturel et religieux il désignait autrefoisles populations assujetties à l'autorité politique du Mali. On devenaitMarka en seconvertissant à l'islam, et l'islamisation des divers groupes ethniques correspond àcertaines périodes de l'histoire. Le premier groupe islamisé est celui des Nono ;ensuite vint le tour des Soninké et, plus tard, celui des Bambara. Les Songhayoccupent une région entre le Lac Debo et la ville de Gao. Ce peuple tient une

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place particulière dans l'histoire de la région, car il fonda jadis l'undes plus grandsempires africains.Les Bobo forment un groupe nombreux, principalement concentré dans la partieoccidentale du Burkina Faso. Ces cultivateurs, restés fidèles aux croyancestraditionnelles, ont probablement toujours vécu dans cette région. Enfin, il fautciter quelques autres groupes importants, à savoir les Dogon, les Sénufo et,surtout, les Bozo, auxquels nous reviendrons encore dans un autre chapitre.EconomieL'agriculture est la principale activité économique de la région. On ycultivesurtout les différentes variétés du mil, ainsi que le sorgho, le riz, l'arachide et lecoton. L'élevage et la pêche, pratiquée sur tout le cours du Niger, sont égalementtrès développés. Le commerce, tant avec le monde méditerranéenqu'au niveaurégional, a toujours joué un rôle de premier plandans cette région. Depuis la plus haute antiquité, d'innombrablespistes traversentle Sahara et sillonnent toute l'Afrique occidentale jusqu'à la forêttropicale. Lesprincipales pistes transsahariennes étaient au nombre de trois la piste occidentale,qui partait de Tlemcen, passait par Sijilmasa et Teghaza pour aboutir à Walata,Ghana et Niani, ou à Tombouctou et Djenné ; la piste centrale, qui reliaitGhadamès à Gao, et enfin la piste orientale, qui allait de Ghadamès à Agadès etKano. Elles étaient prolongées par d'autres pistes qui les reliaient au sud duSoudan et menaient à Bobo Dioulasso, Kong et Salaga, ou encore de Kano à Zariaet Bénin.Ces grandes artères commerciales, transsahariennes et régionales, ont donnénaissance à une certaine organisation des transports, qui était géréepar lesmarchands euxmêmes et, à certaines époques, par le pouvoir politique. Le long deces pistes, constamment entretenues, de grands entrepôts furent installés dans lescentres urbains, où les entreprises commerciales avaient aussi leurscorrespondants, des points de ravitaillement furent établis et des puits furentcreusés, et soigneusement entretenus, dans les parties désertiques. Le transportétait assuré par des caravanes, qui étaient souvent accompagnées par des famillesentières. Sur les pistes sahariennes, les charges étaient transportées à dos dechameau, et dans les régions soudanaises, on utilisait les ânes ou les porteurs.Parmi les populations locales, certains groupes jouèrent un rôleimportant dansl'organisation du commerce, et en particulier, les Dyula ou Wangara, quiappartenaient au groupe Maninka. Pour devenir Dyula, il fallait parler le bambaraou le malinké et être musulman et commerçant. Aux étapes des pistescaravanières reliant les régions méri-

dionales de l'actuel Ghana à la Côte-d'Ivoire se constituèrent despetitsétablissements dyula, qui eurent un grand rayonnement culturelet quicontribuèrent à la propagation de l'islam et du savoir, surtout par l'enseignementreligieux des écoles coraniques locales. Les principaux centres commerciauxinstallés le long du Niger étaient Dia, Djenné, Tombouctou et Gao, etles centresles plus importants des pistes méridionales étaient Bobo Dioulasso, Kong,Bondoukou et Salaga. Le début du xv. siècle marque un développement

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spectaculaire des transports fluviaux sur le Niger, assurés parles grandes piroguesmenées à la perche, qui sont encore en usage de nos jours. Ce fut l'empire du Maliqui entreprit d'organiser la navigation sur le Niger par la création de la caste desbateliers Somono, et cette ouvre fut poursuivie sous les Songhay.Le commerce régional était organisé autour de marchés hebdomadaires qui setenaient dans les centres avantageusement placés, qui drainaientdes vastesrégions, parfois sur un rayon de plus de cent kilomètres. Les grandes villes, enrevanche, avaient un marché quotidien. Les principaux produitsdu commercesaharien étaient l'or, le sel, le cuivre, les tissus, les peaux et les esclaves. Sur lesmarchés locaux, on échangeait le mil, le sorgho, le riz, le beurre dekarité, lesépices, les arachides, les poissons séchés du Niger, le miel, les noix decola, lecuir, les cotonnades et les laines de fabrication locale, les barres desel, le fer et lecuivre. Comme tant de civilisations de l'Antiquité, la civilisation africaineconnaissait l'esclavage. Le rôle des esclaves fut particulièrementimportant sousles grands empires, parce qu'ils étaient chargés d'une grande partie des travauxmanuels effectués pour lecompte du souverain, des nobles et des marchands : les esclaves servaient demaçons et de cultivateurs, de manutentionnaires pour les marchands et aussi deserviteurs. La garde personnelle des souverains se composait souvent d'esclaves.On estime qu'entre 30 et 50 % de la population vivaient en esclavage.La traite des esclaves ne représentait qu'une partie infime du commercetranssaharien. Elle ne prit des proportions désastreuses qu'à l'époque de la chassesystématique aux esclaves organisée par les Européens, qui déstabilisacomplètement la région.

HistoireConfluence du Niger et du Bani (Mali)Le Sahara n'a jamais été un obstacle entre le monde méditerranéen et l'Afriqueoccidentale. Jusqu'à la fin du Moyen Age, il formait l'unique voie de passage versles régions du Soudan, et l'Afrique du Nord connaissait l'existence du Soudan,avec lequel elle entretenait des relations commerciales suivies. Enrevanche, lemonde africain au sud du Sahara resta totalement inconnu des Européens jusqu'àla deuxième moitié du xve siècle. Ce n'est qu'ensuite qu'ils disposèrent detechniques de navigation suffisamment avancées pour atteindre enfin l'Afriqueoccidentale par la mer et qu'ils purent se lancer à partir des côtesà la découvertedu continent. Aucune source écrite ne nous renseigne sur la période antérieure auxcontacts avec le monde arabe: l'unique témoignage de cette époqueest celui desvestiges archéologiques. Ceux-ci prouvent du reste qu'il existait déjà desstructures politiques locales très avancées, ainsi que des relations commercialesentre les diverses régions du Soudan.Les premiers textes des géographes arabes qui mentionnent le Soudan, ou plusexactement le Bilad aI-Sudan ou terre des peuples noirs, remontentaux débuts duIx- siècle. Les tout premiers écrits sont essentiellement des catalogues de villes oude royaumes, et il faudra attendre les textes d'al-Bakri pour trouver une véritabledescription des coutumes soudanaises.

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Le Soudan intéressait surtout pour les gisements aurifères du royaume de Ghana,qui enflammaient les imaginations au point de faire dire à Ibn al-Fakih: « Dans lepays de Ghana l'or pousse comme des plantes dans le sable, comme poussent lescarottes. On le cueille au lever du soleil... »Le Ghana (700 ?-1250)Le Ghana - nom qui désignait aussi bien le pays que la capitale ou lesouverain -devait sa renommée aux mines d'or du Bambouk voisin, et le métal précieuxfaisait l'objet d'un intense trafic commercial avec les pays d'Afrique du Nord.Dans le monde méditerranéen, le roi du Ghana passait pour être l'homme le plusriche de la terre et les chroniques des géographes et historiens arabes de l'époquedécrivent la cour royale de Ghana comme un lieu de fastes et de richessesinimaginables. Sur les origines de Ghana, on ne sait presque rien. Ce qui estcertain, c'est que le royaume existait bien avant d'être découvert par les marchandsarabes. L'emplacement exact de la capitale resta longtemps uneénigme jusqu'à ceque Bonnel de Mézières découvrît en 1914 les ruines de Kumbi Saleh,actuellement en territoire mauritanien. On ne connaît pas exactement l'étendue duroyaume, mais elle devait être considérable. En réalité, une partieseulement duterritoire était directement sous le contrôle du roi et de ses représentants, tandisque les régions limitrophes étaient liées au roi par tout un réseaud'alliancespolitiques et jouaient le rôle de vassaux. Ghana contrôlait en outre les grandesvilles caravanières de la piste occidentale du Sahara : Awdaghost et Walata. Laprincipale activité économique de la région était l'agriculture : ceterritoireaujourd'hui à demi désertique, était alors extrêmement fertile, et les récoltesétaient assez abondantes pour nourrir même les populations des villes. Ghanaexportait l'or, le sel, l'ivoire, les peaux et les escla-

ves vers le monde méditerranéen auquel il achetait des tissus et certaines autresmarchandises. Le royaume de Ghana constitue la première étape historique del'expansion des peuples du Mandé, qui occupaient un territoire situé au nord-ouestde l'actuelle ville de Bamako et se composaient principalement des groupesManinka, Soso et Soninké. C'est à ces derniers que revient le rôle le plusimportant. L'islamisation de Ghana commença dans la capitale, et précisémentdans le quartier des marchands. C'est plus tard seulement que le souverainreconnaîtra la nouvelle religion et érigera une mosquée dans sonquartier pour lesmarchands de passage. L'islam eut droit de cité à la cour royale, mais il nesupplanta pas la religion traditionnelle et ne toucha pas non plus la grande massede la population. Le déclin de Ghana commence aux alentours de l'an 1000 parsuite de l'expansion des Almoravides qui, partis du Maroc où ils avaient fondéMarrakech, se lancèrent à la conquête religieuse du Soudan les armes à la main.La date importante de cette période est la prise de Kumbi en 1076, mais en réalité,la dégradation de la situation et l'insécurité des transports avaient déjà repoussévers le sud les populations du royaume, et surtout, les Soninké. C'estprobablement à la suite de ces mouvements migratoires que furentfondéesplusieurs villes marchandes du Delta intérieur du Niger, telles Dia et Djenné, quientraîneront le déplacement des échanges commerciaux vers l'est et contribuerontà l'ascension de Gao sous l'empire Songhay.

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Les informations sur la période qui fait suite à la chute de Kumbi, sontessentiellement celles de la tradition orale. A cette époque, il n'existait pasd'organisation politiquecentrale dans la région, et les Soso, une branche des peuples Mandé qui s'opposa àl'expansion de l'islam, jouèrent un rôle particulièrement important.Le Mali (1235 à env. 1450)L'ascension du Mali est marquée par la victoire de Sundjata Keitasur le roi desSoso en 1235. Sundjata est une figure légendaire, mais la réalité historique desfaits qui lui sont attribués a été prouvée. Alors qu'il s'était refugié à Nema pouréchapper aux persécutions des Soso, ce fils infirme du roi du petit royaume duMali, appartenant au clan des Keita, fut appelé à libérer le territoire, et lesdifférents clans maninka formèrent une alliance. Après un premier échec,Sundjata sut découvrir par la magie le point faible de son ennemi, etla bataille deKirina lui apporta la victoire. Sundjata fut alors élu mansa (roi) duMali, et cetévénement scella l'alliance de tous les clans Mandé, en même temps qu'elle ouvritles portes à l'islam.La naissance de l'empire du Mali marque la deuxième étape de l'expansion despeuples du Mandé, qui se réalisa pacifiquement vers le sud et l'est,tandis que versl'ouest, elle prit la forme d'expéditions militaires. Le Mandé comptait denombreux sous-groupes, dont chacun avait fondé de petits royaumescontemporains de Ghana, ou peut-être même plus anciens, dans les régions desgisements aurifères. L'alliance des clans permit une grande expansion du royaumeet l'annexion des territoires voisins ainsi que la mise en place d'uneorganisationétatique plus élaborée. Sous l'empire, les coutumes furent codifiées, et

Les montagnes du massif de Hombori (Mali)la société fut divisée en hommes libres ou nobles, en clans de marabouts et enartisans, notamment les Dyeli, dépositaires des traditions orales populaires etsouvent conseillers des souverains, les artisans du cuir, les ouvriers, etc. L'empirecomprenait plusieurs provinces qui dépendaient directement de l'empereur, ainsique les royaumes de Ghana et de Néma.A son apogée, l'empire s'étendait de la côte atlantique à Gao. Il établit sa capitaleà Niani, au sud du territoire Mandé, dans une vaste plaine entourée depetitescollines, facile à défendre et parfaitement placée par rapport aux courantscommerciaux, tout en étant à l'abri des razzias des peuples nomades du Nord. Saprospérité lui venait du commerce de l'or, des peaux et du cuivreainsi que del'agriculture et du commerce local. Les moyens d'échange étaient, à part l'or et lesel, les cauris, des petites coquilles blanches du Pacifique. Sous l'empire du Malila région connut une période de stabilité et sécurité qui favorisa l'expansion ducommerce dans tout le territoire et, du même coup, la diffusion de l'islam, dont lesprincipaux propagateurs furent les marchands dyula et soninké. De nouveauxpuits furent creusés dans le Sahara, et de nouvelles pistes furentouvertes vers laLibye et l'Egypte. Ainsi furent jetés les fondements d'une civilisation urbaine. Al'apogée de sa puissance, le Mali ne comptait effectivement pas moins de 400villes importantes, et le Delta intérieur du Niger avait une population très dense.

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C'est à cette même époque que le trafic fluvial sur le Niger fut organisé et queDjenné s'imposa comme métropole commerciale.Le souverain du Mali le plus célèbre à l'étranger a été incontestablement MansaMusa, qui entreprit en 1325 unpèlerinage à La Mecque en compagnie d'une suite imposante. Sa caravanetransportait deux tonnes d'or, et ce voyage fit très grande impression dans lemonde de l'époque. Au retour, le roi ramena de Ghadamès un poète etarchitectené à Grenade, As-Sahili, qui lui construisit une salle d'audience à Niani ainsiqu'une série d'autres édifices. En musulman fervent, Mansa Musa fit construiredes mosquées dans les lieux où il se rendait en voyage pour pouvoirprier, et ilmarqua le style des mosquées soudanaises de son empreinte. Tombouctou doitégalement à Mansa Musa d'être devenue un centre culturel important dont larenommée s'étendit à tout le monde musulman.Les Songhay (1464-1592)Le déclin du Mali s'amorça au xve siècle en même temps que montait lapuissancedu peuple songhay à l'est, tandis qu'au nord, les attaques des Touaregs menaçaientles pistes sahariennes occidentales. Gao, connue également sous les noms deKawkaw, Gago, ou Gogo, et considérée depuis toujours comme l'une des plusgrandes cités africaines, devint la capitale du nouvel empire. Gaoavait pris del'importance au fur et à mesure que se développait le Mali dont elle faisait partie,mais au xv- siècle, la dynastie locale des Sonni parvint à libérer la région songhaydes peuples du Mandé, si bien que deux structures étatiques coxistèrent pendantun certain temps, avec à l'ouest l'empire du Mali et, à l'est, l'empire Songhaynaissant. La présence de ce nouvel empire fera plus tard dévier vers l'est lecommerce transsaharien, qui privilégiera la piste de Gao, tout en assurant laprospérité des villes situées aux frontières du désert.

Sonni Ali Ber figure exceptionnelle, se lança dans une série de conquêtesterritoriales victorieuses qui lui permirent de s'emparer de Djenné, de Macina et,surtout, de Tombouctou (1468) et de repousser les Touaregs vers le nord. A samort, Sonni Ali se trouvait déjà à la tête d'un grand empire, mais leschroniquesmusulmanes ne lui donnent pas la place qu'il mériterait, à cause du peu de casqu'il faisait de la nouvelle religion. Un autre empereur importantfut AskiaMohammed, d'origine soninké et musulman fervent. Il consolida les conquêtes deSonni Ali en s'avançant à l'est jusqu'aux cités hausa de l'actuelNigeria et jusqu'àAgadès, et en poussant au nord jusqu'aux mines de Teghaza. Il confia une partiede l'empire à son frère, qui résidait à Tindirma sur le Niger, et il miten place uneorganisation étatique moderne avec des structures nationales et locales, desministres, des gouverneurs, des administrateurs des douanes, des inspecteurs despoids et mesures, des chefs de quartier, des chefs des corporations etc., ainsiqu'une armée régulière de plus de 100 000 fantassins et cavaliers.L'empire étaitsubdivisé en régions, mais les villes marchandes jouissaient d'unecertaineautonomie. Les revenus de l'empereur lui venaient d'un système detaxes sur lecommerce et d'un prélèvement sur la production agricole. Il possédait en outre sespropres terres, qu'il faisait cultiver par des esclaves. Les conditions matériellesétaient bonnes, et la stabilité politique fut bénéfique pour la vie économique et

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intellectuelle. Nous sommes mieux informés sur l'empire Songhay grâce auxtarikh, les chroniques locales rédigées en arabe.Les dernières années de l'empire furent troublées par des luttes desuccession,mais rien ne laissait prévoir l'effon-drement d'une puissance qui avait su imposer une organisationétatique dans unterritoire aussi immense, et garantir la sécurité du commerce. Depuis longtempsdéjà, les sultans du Maroc convoitaient les richesses du Soudan,et sous diversprétextes, ils avaient tenté d'envoyer des expéditions dans cette région. AI-Mansurréunit une armée d'environ 4 000 mercenaires équipés d'armes àfeu et demortiers, qui quittèrent Marrakech pour le Soudan le 16 octobre 1590 avec unecaravane de chevaux et de chameaux. L'armée fut décimée par lesprivationspendant la traversée du désert, mais 1 500 hommes environ parvinrent sans livrercombat jusqu'aux portes de Gao. L'armée songhay, réunie en toutehâte, comptait12 000 cavaliers et environ 30 000 fantassins, mais les armes à feudonnèrent auxMarocains une supériorité écrasante, et les Songhay furent mis en fuite avec leurempereurLes régions conquises, et surtout les grandes cités, opposèrentune certainerésistance à l'occupation marocaine, mais celle-ci fut rapidement écrasée. LesMarocains installèrent leur capitale à Tombouctou, qui fut peut-être choisie enraison de son climat et de la proximité des pistes occidentales, mais un contingentassez nombreux s'installa aussi à Djenné ; les campagnes ne furentpratiquementpas touchées.Avec le temps, les envahisseurs perdirent le contact avec leur patrie et se mêlèrentaux populations locales. Ainsi fut formée la nouvelle classe dirigeante des Armas.L'influence culturelle de la présence marocaine dans des villes telles queTombouctou et Djenné est difficile à mesurer, mais elle fut certainementimportante dans le domaine de l'architecture.

Gravure ancienne représentant un roi africainSiècles d'instabilité politiquePour le Soudan, l'invasion marocaine fut un désastre : toutes les richessesaccumulées au fil des siècles furent détruites et les nouveaux maîtres ne surent pascréer des structures suffisamment fortes pour assurer le contrôle politique duterritoire, qui fut ainsi condamné à l'instabilité et à l'insécurité.Le malheur voulutqu'au cours des siècles suivants, la région fût victime de toute une série decalamités naturelles: inondations et sécheresses se succédèrententre 1639 et 1643,provoquant famines et épidémies. La famine la plus tragique de toutes fut celle de1738 à 1756, qui extermina les populations de la boucle du Niger. C'est aussi verscette époque que commença la chasse aux esclaves. La région ne s'est plus jamaisrétablie de ces catastrophes, et il est difficile de se représenter la prospérité duDelta intérieur du Niger à l'époque des grands empires.L'épisode qui sépare l'invasion marocaine et la conquête toucouleur est caractérisépar des structures politiques assez éphémères. Dans la région deSégou, lesBambara s'allièrent aux Bozo, les premiers habitants de la région,et ils fondèrentun royaume vers le début du xviie siècle, dont le monarque le plus puissant futBiton Kulibali en 1712.

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Plusieurs clans fulbé étaient installés depuis longtemps dans la région de Macina,dans le Delta intérieur, et c'est de l'un d'eux qu'est issu Ahmadou, qui se mit àenseigner le Coran après avoir reçu lui-même une formation religieuse, et lançaune campagne de moralisation des moeurs. Ayant rassemblé un nombreconsidérable de disciples fulbé, Ahmadou s'empara du Delta intérieur à l'issued'une campagne militaire qui le conduisit jusqu'aux portes de Tombouctou. Ilchoisit un nouvel emplacement pour sa capitale, qu'il appela Hamdallaye, et il yfit édifier une mosquée. Pendant son règne, Ahmadou introduisitde nombreusesréformes et donna à l'Etat des structures modernes et efficaces. L'hégémoniefulbé, qui se prolongea de 1818 à 1862, est connue sous l'appellation de Dina.Elle prit fin avec l'arrivée des Toucouleurs d'EI Hadj Omar, un marabout du Foutasénégalais, qui, au retour d'un long séjour à.l'étranger, marcha surle Soudan. Iloccupa Ségou en 1861 et parvint à pénétrer dans le Delta en s'alliant auxpopulations hostiles à la Dina. Les saccages et les massacres dont il se renditcoupable, surtout envers les populations non islamiques, eurentde gravesconséquences pour la région.Cette guerre de conquête fut la dernière tentative d'unification de larégionsoudanaise avant l'arrivée des forces coloniales françaises. Dans le même temps,mais plus au sud, Samori avait, lui aussi, pris les armes dans l'espoir de créer unnouveau royaume africain afin d'enrayer la pénétration française.

Caractéristiques et évolution de l'architecture soudanaiseGenèse et structure de la villeLa naissance de la ville, comme d'ailleurs celle des villages, est expliquée par lemythe de fondation et les circonstances favorables qui l'ont entourée, symboliséespar un ensemble de présages et d'auspices favorables. La fondation s'accompagnesouvent d'un sacrifice propitiatoire destiné à sceller un pacte avec les géniesgardiens du lieu et elle est l'acte d'un aïeul commun ou d'un groupe de fondateurs.Kumbi est la seule ville dont les fondateurs soient restés inconnus, peut-être parceque les événements remontent trop loin dans le temps et qu'au moment desondéclin, ses habitants l'ont abandonnée en emportant leur secret. De plus, Kumbidoit sans doute sa fondation à la décision politique d'un roi plutôt qu'au choix d'unendroit approprié par la population. A ses débuts, la ville africaine est un village,et elle en conserve toujours de nombreux traits, tant et si bien que les languesafricaines ne possèdent pas de termes différents pour les désigner, et que ce quenous appelons « une ville » n'est pas autre chose qu'un grand village. Cependant,s'il en va de même pour la ville soudanaise, celle-ci comporte aussi une séried'éléments qui sont communs aux villes du monde entier et qui fontprécisémentqu'une ville est une « ville », quels que soient son étendue et son emplacement.La ville soudanaise est le siège du pouvoir politique, et le souverain, ou sonreprésentant, y résident avec leur suite et parfois aussi avec leur armée. Toutefois,avec la propagation de l'islam, la ville devient en même temps le siège du pouvoirreligieux, qui rayonne de la cité vers la campagne. L'islam fera d'abord laconquête des habitantsdes villes et, en particulier, des couches sociales les plus élevées.

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Les deux pouvoirs, politique et religieux, restent séparés dans la structure urbaine,installés dans des quartiers différents, et leurs symboles sont le palais royal et lamosquée. Ces deux pôles du pouvoir sont à leur tour séparés du reste deshabitants, répartis sur différents quartiers. La mosquée forme lecour de la vieculturelle et sociale, avec l'enseignement religieux et la transmission du savoir.Dans la mosquée se tiennent les réunions des citadins à l'occasion d'événementsimportants. C'est ainsi qu'à Tombouctou, la mosquée Sankoré deviendra, avec sonuniversité, l'un des grands centres de l'érudition islamique. On a souvent prétenduque le développement des villes soudanaises s'expliquait par leur rôle vital dans lecommerce transsaharien. Ce facteur a sans doute eu une grande importance, maisil ne faut pas sous-estimer l'apport du commerce inter-régionalentre lespopulations du Sahel et les populations des savanes. Nous ne possédonsmalheureusement pas assez d'éléments pour en évaluer l'ampleur,mais il estsignificatif que, bien avant d'être découvertes par le monde arabe, plusieurs villessoudanaises aient connu une grande prospérité. Il existait en effet un commercetrès actif, notamment de la cola et du cuivre, avec les régions correspondant auterritoire actuel de la Côte d'Ivoire ainsi qu'avec des régions possédant desgisements aurifères.Les villes soudanaises détenaient le monopole du commerce avec l'étranger, etelles jouaient donc un rôle international, qui était reflété par l'hétérogénéité deleur population et la présence d'un nombre considérable d'étrangers. Dans lesvillages, en revanche, le commerce se limitait aux

La grande mosquée de Djenné (Mail)produits locaux. Dans les villes, les marchands avaient leur proprequartier dontles édifices se distinguaient par une certaine recherche des effets architecturaux,par leurs dimensions et par les décorations des façades. Le découpage de la villeen quartiers reflétait le découpage ethnique de la population et la spécialisationdes activités économiques. Chaque quartier était réservé à une profession et à unou plusieurs groupes ethniques. La subsistance de la population urbaine étaitassurée par l'exploitation agricole de la région environnante. Quant àTombouctou, qui ne disposait pas de terres arables, elle devait saprospérité et sondéveloppement à la proximité de sa ville sour, Djenné, située au centre des plainesfertiles du Delta intérieur et aisément accessible par le fleuve. Dans le Tarikh es-Sudan, el Saadi note justement : « C'est à cause de cette ville béniteque lescaravanes affluent à Tombouctou de tous les points de l'horizon... » Tous ceséléments ont certainement concouru a différencier la ville soudanaise du village,mais sans l'existence d'une abondante main-d'oeuvre, ils n'auraient sans doute passuffi à donner naissance à des villes aussi peuplées et à assurerla subsistance desclasses n'exerçant pas directement une activité productive. C'est uniquement letravail des esclaves qui a permis la formation du surplus économique nécessaire àla survie de la population urbaine et qui a pallié aussi l'absence de toutprogrèstechnique dans l'agriculture.Nous savons que les souverains, tout comme les courtisans, les nobles et lesmarchands, disposaient de nombreux esclaves qui étaient chargés des travaux

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manuels et des activités commerciales. A Gao, l'empereur Songhay, nonseulement prélevait un impôt sur la productionmais il avait aussi ses propres terres qu'il faisait cultiver par des esclaves. Lesesclaves formaient souvent la garde royale, comme les mamelouks turcs de MansaMusa, ou ils étaient chargés de travaux domestiques dans les maisons despersonnages importants. Les facteurs géographiques ont joué unrôle important,mais non décisif, dans la formation des villes soudanaises. Le principal asûrement été la proximité de sources d'eau permanentes, et ce n'est pas un hasardsi presque toutes les villes soudanaises, comme Gao, Tombouctou, Djenné etNiani, se trouvent sur le Niger Un autre facteur a été le climat, mais il n'a pas euune grande influence, même si les Marocains préférèrent installer leur capitale àTombouctou plutôt quà Gao pour des raisons climatiques. Il est sûr que le climats'est modifié au cours des siècles, au fur et à mesure que le désertavançait vers lesud. C'est ainsi qu'à l'époque de sa prospérité, Kumbi, l'antiqueGhana, se trouvaitau coeur d'une région très fertile, avec une végétation luxuriante, mais qui s'estmaintenant transformée en désert. Au Moyen Age, le Soudan était une régionextrêmement riche et tous les voyageurs de l'époque mentionnentl'abondance desproduits alimentaires.Un autre facteur de prospérité a été la situation géographique des villes, quifaisaient office de centres de transbordement pour les caravanessahariennes dufait qu'elles se trouvaient à la limite méridionale des pistes et disposaient debonnes liaisons avec les savanes du sud. Ce fut probablement toutun faisceau defacteurs favorables qui contribuèrent à la naissance et au développement des villessoudanaises. La colonisation européenne bouleversa cet ordre en donnant plusd'importance aux villes

côtières. Le commerce transsaharien se poursuivit néammoins jusqu'à ce que lacolonisation des territoires intérieurs fût achevée, si bien qu'au moment oùs'amorça le déclin des villes soudanaises, celles-ci furent sauvées parl'administration coloniale.Les villes les plus anciennes n'avaient pas de murailles, alors que les villesméditerranéennes de l'époque étaient toutes fortifiées. Tombouctou, Djenné etAgadès étaient sans doute entourées de murs, mais d'après les descriptions quinous sont parvenues, il ne peut guère s'être agi de fortifications. Tombouctou étaitentourée de murs tellement bas que le regard portait jusqu'au cour de la ville, etles murs de Djenné étaient percés d'au moins sept portes. Peut-êtreles murs neservaient-ils qu'à contrôler les mouvements des visiteurs et desmarchands et àinterdire l'accès de la ville aux indésirables. L'absence de fortifications sembleindiquer qu'à l'époque, le territoire était relativement sûr, et c'est ce queconfirment d'ailleurs les récits des voyageurs. Les fortifications sont d'une dateplus récente et remontent à la période d'instabilité politique qui suivitl'effondrement des grands empires, et à l'époque de la chasse aux esclaves. Auxixe siècle, non seulement les villes importantes, comme Ségou, étaientfortifiées,mais aussi de nombreux villages. Le quartier royal était souvent entouré de murs ;il comprenait, outre la résidence royale, une salle d'audience etun espace couvertréservé aux réunions et aux fêtes. On ne sait rien de précis sur ces résidences ou

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palais, mais ils ne devaient pas se distinguer par l'originalité deleur architecture,puisqu'aucun voyageur n'en a été particulièrement impressionné. On peut avancercertaines hypothèses concernant leur aspect d'après les quelques exemplesconservés, tel que le palais du chef des Wala à Wa et certaihs dessins du début duxxe siècle. Il s'agissait probablement de structures assez basses soutenues par delourds contreforts, qui ne différaient des autres constructions que par leur masse etpar la richesse des décorations intérieures. Les seules exceptionssont la coupoleédifiée à Niani par l'architecte es-Saheli de Cordoue pour l'empereur Mansa Musaet celle du roi du Ghana à Kumbi, citée par al-Bakri. Dans l'un et l'autre cas, ils'agit d'un élément constructif qui est resté étranger à l'architecture soudanaise.Les villes étaient subdivisées en quartiers, et ce découpage reflétait la structuresociale avec ses castes formées de professions et de métiers. Les villes comptaientde nombreux artisans travaillant le cuir et le métal, des tisserands,des tailleurs.Chaque quartier avait sa vie propre et, souvent aussi, sa mosquéeet son petitmarché. Les marchands habitaient presque toujours un quartier à part, et tous lesvoyageurs parlaient de la présence de marchands étrangers qui allaient et venaientau rythme des saisons et des convois de marchandises. On ne trouve vis-à-vis desmarchands aucune trace du mépris où les tenait la société médiévale européenne,qui les reléguait dans des quartiers spéciaux et leur refusait toute considérationsociale. Au Soudan, les marchands étaient au contraire bien accueillis par le roi etjouissaient d'une grande liberté. Ils traitaient leurs affaires dans leurs propresmaisons, où ils avaient aussi leurs entrepôts. Les marchands les plus aiséspossédaient plusieurs maisons, où ils logeaient, entre autres, les marchands depassage. Seul les produits locaux et la vente au détail se traitaient aumarché. Laplace du marché se trouvait généralement

Maison de style soudanais à Sofara (Mail)au cour de la ville, comme à Djenné, et chaque marchandise y avaitson propreemplacement. Le marché était bordé de petites boutiques et d'échoppes. Les ruesde la ville, étroites et tortueuses comme celles des villes médiévales européennes,se faufilaient entre les édifices construits au hasard au fur et à mesure del'extension de la cité.Beaucoup d'habitations urbaines étaient des édifices en banco à toit plat, mais ontrouvait aussi des huttes et des tentes de nomades, qui formaient des vastescampements à la périphérie des villes.Les bâtiments des villes n'avaient pas non plus d'orientation géographiqueparticulière, sauf les mosquées, dont le mihrab devait être tournévers La Mecque.La mosquéeIl est heureux que quelques-uns des monuments les plus représentatifs del'architecture soudanaise aient été des édifices religieux, si bien qu'ils ont étéconservés. Il n'en a pas été de même pour les maisons, dont beaucoup ont étélaissées à l'abandon par des propriétaires négligents, et moins encore pour lespalais et les résidences royales, dont la conservation dépendait des péripétiespolitiques. Les mosquées soudanaises présentent une grande diversité de formes,mais elles comportent un certain nombre de constantes qui permettent d'en donnerune description schématique. Comme toute architecture, celle des mosquées

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soudanaises a assimilé un certain nombre d'influences extérieures, celles dumonde musulman méditerranéen, d'abord, et celles du monde européen, ensuite.Toutefois,le résultat est un produit absolument unique, profondément africain par sestechniques, ses formes et ses matériaux.La religion africaine traditionnelle veut que les lieux du culte se trouvent à l'abrides regards indiscrets des noninitiés ; c'est pourquoi ils se trouvent à l'écart deslieux habités, comme les bois sacrés, par exemple. Avec l'arrivéede l'islam, lasituation change du tout au tout : cette fois, la mosquée occupe un site bien visibleau centre de la ville. Après leur conversion à l'islam, certains villages ont édifiéleur mosquée sur l'emplacement de l'autel sacrificiel, et les toutes premièresmosquées reproduisaient, avec leur configuration basse et conique, la forme del'autel, comme pour symboliser une substitution accomplie.Les toutes premières mosquées se fondaient dans le paysage urbain, ets'intégraient aux autres édifices sans les dominer de leur silhouette, les lignesverticales du minaret venant seules rompre la monotonie des lignes horizontales.Avec la montée de l'islam, la mosquée prend de l'importance : tout lecorps del'édifice s'élève et son élan vertical lui confère des dimensions monumentales, quila différencient nettement des autres constructions. Dans le Delta intérieur, lesdeux repères qui signalent de loin les lieux habités sont les palmiers dits rôniers etla silhouette de la mosquée.La mosquée est construite sur un plan rectangulaire et se compose, soit d'un bloccompact, soit de deux parties, une partie couverte et une cour ceinte d'un mur Lapartie couverte contient le mur de la qibla, au centre duquel se trouvent la nichedu mihrab sur la face intérieure et une tour à l'extérieur. Dans certains édifices, lemihrab

est flanqué d'une seconde niche contenant un petit podium, ou minbar, que l'imamoccupe pendant la prière. Dans les mosquées soudanaises, la qibla correspondgénéralement au point cardinal de l'est (900), alors que la direction exacte de LaMecque est à 75° L'espace couvert est porté par des piliers massifs à base rondeou rectangulaire, alignés parallèlement au mur de la qibla, et souvent couronnéspar une travée de soutien à hauteur du plafond. La dernière série de piliers quidélimite la partie sous toit de la cour se présente parfois comme unesérie d'arcssuccessifs, élément d'origine récente. L'intérieur de la partie couverte est exemptde décorations ; il est éclairé par des petites fenêtres découpées dans les paroislatérales et par les passages donnant sur la cour Le sol est recouvert de nattes. Lacour est tantôt simplement délimitée par un mur bas (comme à Amba ou Wa,Sebi, Ambiri, Bia, Aka et Kolenzé), qui laisse parfois apercevoir les fidèlespendant la prière, tantôt ceinte d'un mur de même hauteur que les parois latérales,qui donne à la mosquée l'aspect extérieur d'un bloc compact. Ailleurs, le mur declôture de la cour se présente comme une arcade (par exemple à San, Boré,Konna, Sirmu, Syn, Wonon et dans les nouvelles mosquées) avec unpassagecouvert et une série d'arcs ou de colonnes. A l'extérieur de la mosquée, se trouve,à flanc de la niche du mihrab, une tour qui s'amenuise vers le haut et qui peut êtreconique, pyramidale ou en escalier Dans les mosquées inspirées dustyle de

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Djenné, la tour du mihrab est flanquée de deux tours plus basses à soclerectangulaire, et le minaret n'est plus un élément architectural important, car il sertsimplement à abriter l'escalier du toit. Dans d'autres mosquées, enrevanche,cet escalier a inspiré tout un jeu de volumes et d'effets décoratifs.Le toit plat de la mosquée forme une terrasse, à laquelle monte un escalier, etparfois plusieurs. Certains toits sont percés d'ouvertures d'aération protégées parun couvercle de terre cuite, comme à Djenné. Le toit est entouré d'un garde-corpset muni de gargouilles en terre cuite qui évacuent les eaux de pluie en les rejetantloin des murs. Les flèches et amortissements des pilastres qui ornent le toit ainsique les tours sont souvent couronnés d'oufs d'autruche et d'éléments en terre cuite.Laspect extérieur des mosquées diffère selon les régions. Tantôtles murs de lafaçade sont rythmés par des pilastres qui deviennent plus épais aux angles, ettantôt, la structure est raidie par des contreforts ou renforcée par des formes àcaissons.L'un des éléments typiques des façades, et surtout des tours, sontles faisceaux debranches posés en saillie sur les murs, qui ont pour fonction de renforcer lematériau et de faciliter l'accès aux parties les plus élevées de l'édifice lors del'entretien annuel. Ils sont en outre d'un bel effet décoratif Cette particularité de lamosquée se retrouve aussi dans la maison soudanaise. La mosquéea denombreuses portes, qui peuvent être placées sur tous les côtés,sauf celui de laqibla. Le matériau de construction actuel est la brique rectangulaire de banco unefois l'appareil monté, il est crépi, également de banco. Autrefois,les briquesétaient faconnées à la main. Elles étaient plus petites, de forme irrégulière, etmoins résistantes. Avec l'amélioration des techniques de construction, la formebasse et arrondie des anciennes mosquées a fait place à une silhouette plus dure

Palais du roi des Senufo à Korhogo construit par les bari de Djenné (Bayard 1931)et plus anguleuse, dont les lignes se rapprochent de la verticale grâce à l'utilisationdu fil à plomb et d'un matériau fait de banco renforcé de ciment. Les populationsrestent pourtant très attachées aux modèles anciens, si bien que cette évolution sesitue toujours dans la ligne de la tradition et qu'on évite en généralde raser lesvieilles mosquées pour les reconstruire en ciment, comme cela sefait ailleurs.La conservation des bâtiments exige un entretien régulier il est effectué chaqueannée à la fin de la saison sèche avec le concours de toute la population. Dans leDelta intérieur du Niger, la mosquée est souvent disproportionnéepar rapport auvillage et parfois, comme à Worondikoi, elle est même le seul et unique édifice enbanco de tout le village.Lorsqu'un village décide de se construire une mosquée, tous ses habitantscontribuent au financement de l'ouvrage, et les plus riches offrent les troncs depalmier pour la toiture. Dans certains cas, la construction est uneentreprisecollective dirigée par des maçons expérimentés, et dans d'autres,elle est laisséeaux mains d'hommes du métierPour tenter une classification stylistique des mosquées soudanaises d'après lesprincipales zones de diffusion, qui englobent les territoires actuels du Ghana, duBurkina Faso et de la Côte d'Ivoire, on peut établir une typologie pargrands blocsen laissant de côté toutes les variantes et particularités locales. Une autre

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démarche relèverait d'ailleurs de la simple conjecture. Les principalescaractéristiques qui doivent être prises en considération sont l'aspect général del'édifice ainsi que la position et la forme destours du mihrab et du minaret. Quatre grandes zones peuvent ainsi être découpéesdu nord au sud. La première est la zone de Tombouctou, dans laquelleil fautinclure quelques mosquées en aval du lac Debo, la mosquée de Gao etcelled'Agadès. La mosquée de type tombouctien est un édifice bas et massif qui ne sedistingue des constructions voisines que par ses tours, et principalement sonminaret, la tour du mihrab étant supprimée ou à peine visible. Le minaret, presquetoujours élevé, a la forme d'une pyramide tronquée, placée sur la face sud ou dansune cour intérieure. La deuxième zone est celle de Djenné, dont l'influence s'étendbien au-delà du Delta. Elle comprend, notamment, Mopti, San, Dia etnombre demosquées récentes. La mosquée de ce type est un bâtiment trés élevé, qui domineles constructions environnantes de sa silhouette élancée. Elle est caractérisée parla présence de trois tours : la tour du mihrab flanquée de deux tours plus basses,du côté de la qibla, qui devient ainsi la façade principale, et un minaret en généralmoins important, composé d'une ou de deux tours rectangulaires qui dépassent àpeine la ligne du toit. Quelques mosquées n'ont pas les trois tours, maisla formeest toujours élancée, avec des arêtes vives. La troisième zone comprend lesmosquées antiques au sud du fleuve Bani, dont la plupart ont maintenant disparu,ainsi que certaines mosquées du nord de la Côte d'Ivoire et les mosquées duBurkina Faso, et notamment, celle de Bobo Dioulasso. Ces mosquéesont encommun des formes trapues, rondes et basses, des pilastres massifs, souvent enforme d'obus, ainsi que des minarets et des tours de qibla en forme de cône.Beaucoup de ces mosquées n'ont pas résisté aux ravages du temps, et lesdocuments

photographiques sont la seule trace qui nous en soit restée. Pourtant, ce typed'édifices devait encore être très répandu dans la première moitié du xxe siècle. Laquatrième zone, enfin, est celle du Ghana et de la région de Kong. Ces mosquéesse présentent toutes comme une structure compacte sans cour, avec des pilastreset des tours de forme pyramidale aux lignes dures, couronnées depetites mitresqui surmontent le toit. Les tours du mihrab et le minaret sont de dimensionspratiquement égales. Le minaret est généralement placé sur la face nord etcontient l'escalier qui mène au toit. Cette classification coïncide en partie aveccelle que propose Stevens, qui se fonde également sur l'analyse des élémentstypologiques d'une série de mosquées.La maisonIl faut préciser avant tout que l'habitation traditionnelle de larégion soudanaise,comme d'une grande partie de l'Afrique, n'a rien de commun avecla maisoneuropéenne. L'habitation traditionnelle de la famille africaine seprésente commeune série de maisonnettes à plan rond ou carré ordonnées autour d'une courintérieure ; l'ensemble porte le nom de « concession ». La concessionoccupe unesuperficie considérable dans le village, mais en ville, où elle dispose de peu deplace, elle tend à se développer en hauteur et à former un bâtimentunique, maisen restant toujours fidèle au concept de la concession. Pour plus de simplicité,

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nous parlerons toujours ici de « maison », et non de « concession »,qui serait leterme juste. Plusieurs études ont déjà été consacrées à la maison destyle soudanais, car la présence de bâtiments à plan rectangulaire et à toit platparaissait incongrue dans des régions dont on croyait que la case ronde figuraitl'habitat traditionnel. Certains ont voulu expliquer la présencedes constructionsde style soudanais par un apport extérieur, et notamment islamique. Cetteinterprétation s'avère trop simpliste, car l'Afrique occidentale atoujours connul'habitation à plan rectangulaire. Il n'y a pas non plus de raison d'attribuer àl'architecture musulmane un quelconque monopole du plan rectangulaire. Enréalité, la singularité de l'architecture soudanaise de cette région ne tient pas auplan des bâtiments, mais bien à leur allure urbaine, associée à une certainemonumentalité et une intention esthétique manifeste. La façade est, elle aussi, unélément inhabituel. En effet, l'architecture villageoise ne privilégie pas un côtéparticulier de la maison, tandis que la maison de type urbain a une façadeprincipale, qui est la façade à front de rue, symbole du visage dela maison.Dans les villages, les maisons de type soudanais se remarquent immédiatementparmi les autres constructions par leurs dimensions et leur décoration. La cour esttoujours le centre géométrique et social de la maison : c'est là que se déroule toutela vie quotidienne, que s'accomplit le travail domestique ou artisanal et que sontpréparés les repas. La saison des pluies est le seul moment de l'année où la cuisineest transférée dans une pièce spéciale du rez-de-chaussée. Les différentes piècessont ordonnées autour de la cour, sur laquelle elles s'ouvrent parune porte ; cellesdu rez-de-chaussée sont parfois réservées à l'entreposage et à la conservation desprovisions et des marchandises.

Maisons de style soudanais à In-Salah (Algérie)Les pièces ne prennent lumière que du côté cour, sauf celles qui se trouvent ducôté rue et ont des fenêtres. La maison est le plus souvent un édifice à un étageauquel on accède par un escalier partant de la cour Elle n'a qu'une seule ported'entrée, qui ouvre sur un vestibule, et d'où il est impossible d'apercevoir la cour.Dans les villages, les latrines occupent un espace découvert entouré d'un muret àhauteur d'un homme, alors qu'en ville, elles se trouvent à l'étage,soit le long d'unedécharge qui fait légèrement saillie sur le mur, soit sur la terrasse. Le toit est platet aménagé en terrasse : c'est là que la famille prend ses repas et dort pendant lasaison chaude. De même que la mosquée, la maison est équipée de gargouilles enbois ou en terre cuite pour l'évacuation des eaux de pluie.Il est assez difficile d'établir une typologie locale de la maison soudanaise, étantdonné que son aspect dépend d'une série de facteurs, tels que l'époque de laconstruction, la région et les apports extérieurs anciens ou récents.Il existecependant des différences très nettes entre, par exemple, les maisons deTombouctou et celles de Djenné ou de Ségou, qui seront décrites dans leschapitres suivants.La décoration extérieure de la façade fait généralement intervenir des motifs enrelief en jouant d'éléments comme les pilastres, les caissons, les bas-reliefs, lesniches et, plus récemment, les arcs en ogive et les arcades. A l'intérieur, les seulséléments architecturaux importants sont les niches murales et les arcs qui divisent

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certaines pièces. La tendance actuelle est aux constructions pluscompactes, avecdes arêtes bien nettes et une décoration plus sobre, dans lesquelles la décorationde la façade fait sur-tout appel au jeu des volumes. En revanche, le bas-relief est de plus en plusdélaissé, tandis que l'arc est de plus en plus employé.Rayonnement du styleL'architecture soudanaise pourrait avoir ses origines dans leterritoire délimité parl'antique Kumbi Saleh et la boucle du Niger entre Ségou et Gao. Après la chute deKumbi, l'exode des habitants de l'ancienne capitale de Ghana entraînaprobablement la diffusion des techniques de construction à la soudanaise dans lesvilles du Delta du Niger. Dia et Djenné, d'où elle a gagné les capitales desroyaumes et les comptoirs commerciaux. C'est plus tard seulementqu'elle auraune très grande diffusion, surtout dans le sud, dans les régions qui fontactuellement partie de la Côte d'Ivoire et du Burkina Faso. Son rayonnement n'estdû qu'en partie à l'expansion politique des royaumes et empires qui se sontsuccédé dans la région. En effet, sauf dans quelques cas exceptionnels, commel'envoi de 500 maçons bari de Djenné à Tindirma pour construire une capitaleadministrative sous l'empire Songhay, ou la construction des mosquées desprincipales villes soudanaises sur l'ordre de l'empereur MansaMusa après sonretour de La Mecque, le pouvoir politique n'intervient que sur l'architecture de laville qui fait office de capitale. Ce furent principalement les marchands quicontribuèrent au rayonnement de l'architecture soudanaise, quisymbolisait à leursyeux l'appartenance à une classe culturellement et économiquement différente.Les mosquées et les maisons soudanaises sont autant de

jalons de la pénétration des commerçants dans les territoires encore animistes dusud. Dans les territoires qui se trouvent loin du Delta, cette architecture sepropage avec le commerce, mais sans laisser de traces durables dans l'architecturelocale, profondément enracinée dans la tradition. Les deux types d'architecture yexistent côte à côte, mais restent étrangères l'un à l'autre. Avec la disparition descourants commerciaux, l'architecture soudanaise de la périphérie est coupée de sessources ; elle dépérit et meurt. Quelques rares mosquées et maisons rappellentencore ce passé. Et plus que jamais, leur présence paraît inattendue dans unenvironnement architectural sans aucune autre référence comparable. La plupartdes constructions ont maintenant disparu, ou ont été remplacées par des bâtimentsmodernes, et seules les photos d'archives et les anciennes gravures permettentencore de s'en faire une idée. C'est ainsi que pourrait s'expliquer la profondedifférence entre l'architecture soudanaise de la périphérie et celle de sa régiond'origine. Il semblerait que la périphérie ait gardé les formes dupassé, basses,rondes et massives, comme celles des mosquées de Tombouctou. Dans le Delta,en revanche, le langage architectural a continué d'évoluer et manifeste une vitalitéqui est loin d'être épuisée ; le répertoire des formes s'inspire plutôtdu modèle deDjenné. Il s'y ajoute que la main-d'oeuvre qualifiée nécessaire à l'exécution decertains ouvrages était surtout concentrée dans la région de Djenné, si bien quedans les régions lontaines on se bornait souvent à n'exécuter queles travauxd'entretien courant.

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On attribue souvent les différences de style entre le nord et le sudà des facteursclimatiques mais, jusqu'auxixe siècle, les formes basses et trapues existaient aussi dans le nord, par exempledans la région bambara, où le climat est encore sahélien.A propos du rayonnement de l'architecture soudanaise vers le sud, Stevens avanceune hypothèse intéressante. Il suggère que l'architecture de la mosquée se seraitdiffusée lors de la migration du clan des Saghanogho, originaires de l'antiqueroyaume de Ghana, dont Ibn Battuta dit qu'ils appartenaient à la secte des ibaditeshérétiques de la ville de Dia. Ils se seraient d'abord dirigés versl'ouest, en quittantDia, et plus précisément vers la Guinée, d'où il seraient ensuite descendus versl'actuelle Côte d'Ivoire, les pistes occidentales étant plus sûres à l'époque que lesanciennes pistes de Sikasso et de Bobo. Arrivés à la hauteur d'Odjenné, ilsauraient cheminé lentement vers l'est jusqu'à Kong et jusqu'aux territoires duGhana actuel. Cet épisode semble attesté par certains témoignages, qui signalentla présence des Saganogho à Kong et dans d'autres localités avoisinantes etconfirment l'importance de leur rôle religieux.La propagation de la maison de style soudanais est d'autant plus difficile àreconstituer qu'il n'en reste plus guère d'exemples hors de la boucle du Niger et ilest peut-être déjà trop tard pour en faire un inventaire complet. La phased'expansion remonte probablement aux premiers temps de la colonisation, et s'estdéroulée sous la double influence de l'architecture islamique et de l'architectureeuropéenne. Les images qui nous restent sont des documents d'archives et lesdessins et gravures des premiers voyageurs. Outre la pénétration de l'architecturesoudanaise dans les territoires périphériques, la diffusion de cettearchitecture dela ville vers la campagne est éga-

Djenné, vue de la villede cette architecture de la ville vers la campagne est également intéressante. Lespremières mosquées furent en effet construites dans les villes, et tout d'abord dansle quartier des marchands, mais au fur et à mesure de la progressionde l'islam, onen construisit aussi dans les villages. Certains auteurs prétendent qu'au temps del'empire Songhay, il se trouvait entre 300 et 400 mosquées dans le seul Delta duNiger La typologie de ces mosquées diffère selon les époques et lesrégions. Lesmaçons de Djenné ont certainement joué un rôle capital dans la diffusion desmosquées et des maisons de style soudanais. Comme le métier de maçon setransmettait de père en fils, les bari formaient un corps d'artisans d'élite dont lesservices étaient très demandés dans toute la région. La maison soudanaise doitcertainement sa diffusion dans les campagnes du bassin du Niger auprestigeassocié à ce type de constructions, qui servaient de résidence au chef de village,ainsi qu'aux personnages importants et aux marchands aisés.Un phénomène qui mérite d'être noté est que l'influence du stylesoudanais seretrouve de l'autre coté du Sahara, à In-Salah, en Algérie, où les maisonssoudanaises se reconnaissent au premier coup d'oeil à cause deleurs contrefortsmassifs.Evolution des formes et des techniques

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S'il est vrai que la mosquée est une architecture importée, de même que son plande base, la mosquée soudanaise s'est pourtant développée commeune varianteoriginale, avec un certain nombre de caractéristiques propres.La mosquée soudanaise est construite sur un plan rectangulaire, qui est resté lemême tout au long des diverses époques historiques. Il ne faut passe laissertromper par le plan actuel des mosquées de Tombouctou, qui résulted'une longuesérie de réfections et d'extensions. Un élément particulier des mosquéessoudanaises est que les piliers de soutènement de la partie couverte sont parallèlesau mur de la qibla. Cet élément, qui semble être commun à toutes les mosquées,pourrait être une réminiscence de l'architecture omayyade, qui est celle desmosquées de Cordoue et de Séville. Mis à part le schéma fondamental, leséléments architecturaux de chaque nouvel édifice sont remodeléset réinventés surplace par les maçons, qui s'inspirent du double répertoire des références connueset de l'imaginaire, ainsi que par les ulama locaux, gardiens de la religionmusulmane.Il est étonnant que les mosquées du Maroc et de l'Algérie, les paysgéographiquement les plus proches, n'aient guère de points communs avec lesmosquées soudanaises, à quelques rares détails près. En revanche, l'architecturedu M'Zab en Algérie présente une certaine parenté avec le style soudanais, maisfaute d'informations, cette influence ne peut pas être étudiée plus àfond. Unargument qui plaide en faveur de l'originalité de l'architecture soudanaise est quecelle-ci a atteint son apogée à Djenné, la ville qui était le moins exposée auxinfluences extérieures en raison de son isolement relatif du monde saharien, et oùla classe des marchands se composait d'une majorité de Soudanais et nond'étrangers, comme à Tombouctou ou Gao. Cela s'explique, commeon l'a déjà vu,par le fait que ce sont Djenné et le Delta intérieur qui ont vrai-

semblablement recueilli l'héritage architectural de Ghana. Pource qui est du stylede la maison soudanaise, le meilleur exemple en est une fois encore Djenné et sonaire de rayonnement, dont le style se distingue des autres styles locaux par sonélégance et son originalité formelle. Dans l'état actuel des connaissances, il estdifficile d'entrer dans le détail des techniques de construction des ouvrages lesplus anciens. Les seuls éléments qui puissent nous aider sont les textes anciens etles données archéologiques. On ne sait pas avec certitude si la technique utiliséedans le passé était le pisé, ou la brique de banco formée à la main.On sait que latechnique du pisé se pratiquait dans le sud du Maroc, dans les vallées du Dra et duDadés, et al-Umari mentionne dans sa description de Niani une méthode deconstruction qui correspond exactement à la technique du pisé, mais il s'agit de laseule information de ce genre. Ce qui est sûr, c'est que cette technique n'est plusguère utilisée dans la région considérée.Quant aux briques de banco, c'est un matériau très friable, et il y a peu de chancespour qu'elles soient retrouvées dans les fouilles. La mission archéologiqueguinéopolonaise qui a travaillé à Niani n'a pas apporté d'éléments nouveaux à cetégard. Les seules briques anciennes conservées sont les briques en terre cuite dumihrab de la mosquée de Gao Sané. L'utilisation généralisée de la brique aussibien dans les constructions contemporaines que dans les mosquées anciennes, qui

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sont les seuls édifices historiques conservés, semble indiquer qu'il s'agit d'unetechnique dont les origines remontent très loin dans le temps. On sait qu'autrefoisles briques étaient formées à la main, comme des petits pains, et les parties plusanciennes de la mosquée de Djenné sont encore construites dans cematériau.La technique de fabrication de la brique est peut-être venue d'ailleurs, de laMéditerranée, par exemple. Bonnel de Mézières a retrouvé de très anciens puitsen brique dans la localité de Tindirma, qui était le siège d'une communauté juive.Or, dans le monde méditerranéen, les juifs exerçaient souventle métier de maçon,et leur présence est signalée un peu partout dans le monde saharien. Mais iciencore nous en sommes réduits aux conjectures. Quant à la pierre, elle a étélargement utilisée à Kumbi Saleh et aussi à Niani, mais seulement pour renforcerle bas des maisons. Ibn Battuta raconte que la mosquée de Tombouctou était faitede pierres et de chaux, mais cette description paraît peu fiable. L'auteur a sansdoute pris les grands blocs de banco pour des pierres ; quant à la chaux, on ne voitguère comment elle aurait pu être fabriquée sur place. A l'heureactuelle, lesDogon qui habitent les falaises de Bandiagara, sont le seul peuple à utiliser lapierre dans les constructions. En revanche, ce matériau est absent desconstructions de style soudanais. En ce qui concerne les structures, l'absence decoupoles s'explique sans doute par la fragilité de la brique ancienne. Il y a, biensûr, les coupoles de Niani et de Kumbi, mais celles-ci devaient être perçues àl'époque comme une prouesse technique, et elles n'ont pas fait école. Le toitclassique est un toit plat. En territoire hausa, on trouve en revanche des coupolesde banco portées par une structure en bois.L'architecture soudanaise antique ne connaît pas non plus l'arc. Du point de vuetechnique, il est évidemment possible de construire des arcs à l'aide de formes enbois,

et l'absence de l'arc tient sans doute à des raisons culturelles plus que techniques.L'arc est un apport tardif de l'architecture musulmane, et son emploi dansl'architecture soudanaise ne s'est généralisé qu'au xxe siècle, notamment sousl'influence de l'architecture coloniale. Il faut rappeler que cettearchitecturecoloniale combinait des éléments nord-africains et des éléments empruntés auxtraditions locales. Cet amalgame des formes a influencé l'architecture soudanaise,dont le répertoire formel s'enrichit de toute une série de nouveaux détails.L'exemple le plus frappant de cette « fécondation formelle » et sans doute le saho,l'habitation collective des jeunes bozo.Malgré tous ces apports étrangers, l'architecture soudanaise contemporainedemeure un reflet assez fidèle de l'architecture ancienne et constitue donc unterrain d'observation privilégié, surtout là où on ne dispose plus demonumentsanciens d'origine certaine. Les tendances récentes de l'architecture du Deltaintérieur, région de référence par excellence, vont vers plus de simplicité et desobriété dans les lignes, ce qui entraîne l'abandon des formes arrondies du crépitravaillé à la main, et souvent aussi l'élimination ou la simplification deladécoration de la façade et, en particulier. des bas-reliefs. Unepartie de l'effetdécoratif est donc perdue, mais le progrès technique a aussi permisd'alléger lesstructures et de mieux répartir l'espace intérieur. Cette évolutionn'est encore pas

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terminée, et l'adjonction du ciment au banco ouvre de nouvelles perspectives, etpromet, entre autres, de faciliter l'entretien annuel, qui est le problème majeur dece type de constructions.

I. LA VILLE

Les villes de l'antiquité" Awdaghost, Walata, Ghana, NianiAwdaghostAwdaghost, l'une des plus anciennes villes sahariennes, était un grand centrecaravanier et attirait toute l'année une foule de marchands. Elle est citée pour lapremière fois par al-Yakubi en 872, et al-Bakri la décrit en 1068 comme « ... unegrande ville, bien fréquentée, dans les sables... On y trouve une grande mosquéeet de nombreux oratoires de quartier... Le marché bat son plein tout le jour Envillç, il y a des maisons bâties et des demeures élégantes. » La ville fut détruitevers 1100 lors de l'invasion almoravide, et il n'en reste plus qu'un amas de ruinesen pierre, où s'aperçoivent encore les vestiges de la mosquée, l'une des premièresdu Soudan.WalataWalata est aujourd'hui un village de 500 habitants dans une zone désertique, et ilest difficile de l'imaginer au temps de sa splendeur Selon les documentshistoriques, la ville aurait été fondée après la conquête de Ghana parles Soso lesprincipales familles musulmanes s'y seraient établies vers 1203 et yauraient fondéle ksarWalata prit rapidement de l'importance comme centre caravanier,surtout sousl'empire du Mali, mais elle devait sans doute son statut de ville davantage à sonimportance commerciale qu'à ses dimensions. Ibn Battuta y séjournapendant septsemaines en 1352, mais il n'en a laissé aucune description. Le déclinde Walatas'amorce avec le déplacement vers l'est des routes transahariennes et la montée deTombouctou. De nombreux marchands de Walata se réinstallèrent dans lenouveau centre caravanier Léon l'Africain nous la décrit déjà comme une ville enpleine décadence : « ... il n'y a ni gens de cour, ni juges. Ces gens vivent dans laplus grande misère ». Les maisons anciennes qui ont survécu sont en pierre etbanco ; bien que leur style s'apparente à celui des autres édifices de typesoudanais, il comporte aussi beaucoup d'éléments originaux qui sont propres àWalata et à la localité voisine de Tichitt, notamment, les niches aménagées dansles murs intérieurs et extérieurs et la décoration peinte de l'encadrement des portesd'entrée, qui est régulièrement rafraîchie. Aucun document nenous informemalheureusement sur l'âge, l'évolution ou l'origine de cette architecture.Ghana (Kumbi Saleh)Les ruines de Kumbi, la capitale de l'ancien royaume de Ghana, découvertes dansle sud de la Mauritanie, sont les plus importantes de tout le Sahel, et s'étendent surun rayon d'un kilomètre. Kumbi est aussi la première ville africaine à être citéepar les géographes arabes sous le nom de Ghana. La première description de laville est donnée par al-Bakri : « La ville de Ghana se compose de deux villessituées dans une plaine. L'une des deux est habitée par les musulmans: il y adouze mosquées, dont l'une sert pour l'assemblée publique (duvendredi)... La

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ville du roi est à six milles de la première. Elle s'appelle Ghaba (la forêt, le bois).Entre les deux il y a des habitations. Leurs constructions sont en pierre et en boisd'acacia. Le roi posséde un palais et des huttes à toits arrondis. L'ensemble estclôturé comme par un mur. Dans la ville du roi, il y a une mosquée pourlesmusulmans venus pour affaires non loin de la salle d'audience royale... Toutautour de la ville du roi, on voit des huttes, des massifs d'arbres etune végétationtouffue... Il donne audience pour réparer les injustices, dansune

maison à coupole... » Dans un texte de 1154, al-Idrisi apporte encore d'autresinformations : « Ghana (se compose) de deux villes sur les deux rives du fleuve.C'est la plus grande des cités des Soudans en superficie, la plus peuplée et la pluscommerçante... Il possède un palais sur les bords du Nil, solidement bâti et d'uneconstruction soignée: l'intérieur est orné de diverses sculptures ou peintures, depetites garnitures en verre. La construction de ce palais date de l'année 510 del'hégire. »Ces textes et les fouilles archéologiques sont les seuls éléments d'information dontnous disposions sur l'ancienne Ghana.La ville fut ravagée par les Almoravides, mais quelques quartiersfurentreconstruits plus tard et elle connut encore une certaine prospérité avant d'êtrerasée par Sundjata vers 1240. Ses habitants prirent la fuite et se dispersèrent, maisle souvenir de Kumbi resta vivace grâce à la tradition orale, tant et si bien qu'en1914, Bonnel de Mézières réussit à retrouver les ruines grâce auxindicationsrecueillies auprès des populations locales. R. Mauny distingue quatre périodesdans l'histoire de la ville: l'antiquité préislamique, antérieure à 700, la périodepréislamique récente, qui va de 700 à 1076 et marque l'apogée de sapuissance, lapériode islamique ancienne qui se conclut en 1200 avec la mise à sac de la ville,et enfin, la période islamique récente, postérieure à 1200, qui estcelle de ladécadence. On suppose qu'au temps de sa grandeur, Kumbi comptait quelque 30000 habitants, chiffre très considérable pour l'époque. Du point devuegéographique, rien ne paraît justifier le choix d'un tel site pour une capitale, si cen'est la proximité des réserves d'eau des étangs avoisinants et sa position à lacharnière du monde saha-rien et de la savane soudanaise. La prospérité de la ville s'expliquecertainementaussi par ce dernier facteur, mais il ne faut pas non plus en surestimerl'importance, car au moment où les Arabes la découvrirent, Kumbi était déjà unegrande ville dont le développement ne devait rien au commerce avec l'étranger. Ilest malheureusement impossible, faute d'informations, d'en diredavantage ; lestravaux des archéologues feront peut-être un jour la lumière sur ces questions. Al'époque historique des relations avec le monde méditerranéen, Kumbi étaitsurtout réputée pour le commerce de l'or, mais les échanges commerciauxportaient aussi sur de nombreux autres produits, et en outre, la région était alorsextrêmement riche en ressources agricoles.Les ruines découvertes sont celles du quartier musulman habité par les marchandsmentionnés par al-Bakri les constructions y sont très serrées, traversées de ruesétroites au tracé irrégulier. A quelque distance de ce quartier on a retrouvé unesérie d'habitations éparses. Ces édifices sont en pierre et d'unefacture soignée la

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partie encore visible est celle qui correspond au rez-de-chaussée et qui servaitsans doute d'entrepôt, car elle était démunie de fenêtres et ne prenait lumière quede l'entrée. Les pièces sont de forme rectangulaire, avec des murs épais d'environ60 à 80 cm, raidis par d'épais contreforts du côté rue. On a retrouvé àl'intérieurdes niches murales et des traces de décoration sur les restes de crépi. Un escalierconduisait à l'étage supérieur où se trouvaient probablement lespiècesd'habitation. Le toit était sans doute plat. Le plafond se composaitde poutres debois sur lesquelles étaient posées des nattes et des branches enduites d'une couched'argile. L'écartement des murs ne dépassait jamais2,5 à 3 mètres à cause des dimensions du bois de poutre local utilisé pour laconstruction des plafonds. Le sol des maisons et les rues étaient pavés de plaquesde schiste de la région. Malgré l'abondance d'espace, les rues étaient étroites. Il vade soi que ces constructions ne représentaient qu'une partie de l'habitat urbain. Lesautres édifices étaient sans doute en banco, et l'espace libre entre les constructionsen dur était vraisemblablement occupé par des cases en paille etdes tentes.Comme le banco se désagrège avec le temps, il y a peu de chances pour que l'onretrouve des restes de constructions en banco.D'après les chroniques, Kumbi comptait plus de douze mosquées,mais les fouillesn'ont permis d'en retrouver qu'une seule, en pierre, dont on distingue encore laniche du mirhab et quelques colonnes rondes qui soutenaient probablement lapartie couverte, le tout d'une facture très soignée. L'ensemble devait former unrectangle d'environ 46 mètres sur 23. On a trouvé non loin de la ville plusieurstombes intéressantes d'époque plus récente, dont une à plan carré avec sixenceintes, construite en pierre et banco. Les tombes à enceinte, formées d'unsimple tumulus en pierres à sec, étaient déjà assez répandues dansle Sahara àl'époque préislamique.NianiIl semble maintenant prouvé que Niani, située à l'ouest de Bamakosur la rive duSankarani, un affluent du Niger, fut autrefois la capitale de l'empire du Mali.Les fouilles menées par une mission guinéo-polonaise ont mis à jourune partie del'établissement urbain. Il se compose de maisons à plan circulaire

j!:::d'environ 4 mètres de diamètre, semblables aux maisons actuelles des villages dela région. Les fondations sont en pierre mais les murs, qui étaient sans doute enbanco, ont disparu. Les maisons circulaires étaient groupées en forme de «concession », selon la structure typique de l'architecture villageoise. On aégalement retrouvé les traces des murs d'enceinte, qui forment un rectangled'environ 250 mètres sur 280. Nous trouvons une première description del'antique capitale du Mali chez al-Umari (1301-1349) : « La ville deNiani est étendue en longueur et en largeur. Aucune muraille ne l'entoure et saplus grande partie est dispersée. Le roi a de nombreux palais autour desquels sedéroule une muraille qui les entoure. Un bras du Nil se déroule autourde cetteville sur les quatre faces... » En 1356, Ibn Battuta séjourna un certain temps danscette ville ; il décrit notamment la salle d'audience du roi: « Il y a une (salle à)

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coupole élevée dont la porte donne à l'intérieur de sa demeure. C'est là qu'il setient la plupart du temps. La salle a, du côté du mashwar, trois1. Plan des excavations de Kumbi Saleh(Mauny 1952)2. Relevé de maisons à Kumbi Saleh(Mauny 1952)M6er dej~ I sNa* ,:.. * :te Sil6 et uOr p. Foette iLr..es'1.0 ville >1

fenêtres en bois recouvertes de plaques d'argent et, au-dessous, trois (autres)recouvertes de plaques d'or ou bien d'argent doré. Sur elles il y a un rideau dedrap. Quand c'est le jour de l'audience dans la salle les rideaux sont enlevés. »Toujours à propos de cette salle, Ibn Khaldun (1375-1382) rapporte le récit d'unvoyageur : « Nous accompagnâmes Mansa Musa jusqu'à la capitalede sonroyaume. Il avait résolu de construire, au siège de son empire, une sallesolidement bâtie et enduite à la chaux, ce qui était inconnu dans leur pays. Abulshak alTuwaydjin réalisa cette nouveauté en bâtissant un édifice carré construiten voûte ; il y consacra toute son ingéniosité: d'habiles artisansrevêtirent la sallede chaux et la rehaussèrent d'arabesques coloriées. Le résultaten fut uneconstruction soignée, qui faisait d'autant plus l'admiration du sultan quel'architecture était inconnue dans leur région. Abu lshak reçuten récompense 10000 miktal d'or au total, sans compter les honneurs, la faveur royale et lescadeaux traditionnels. »Le quartier mis à jour par les archéologues devrait être le quartier royal, quicomprenait également une vaste place,sans doute réservée aux réunions et aux cérémonies. La datation au carboneradioactif situe ces vestiges entre 1000 et 1600. La datation, qui fait remontercertains vestiges à l'an 600, concerne des établissements plus anciens, antérieurs àla capitale. Dans l'antiquité, le territoire du Mali était composé d'une série depetits royaumes dont les capitales n'avaient probablement ni les dimensions, ni lecaractère d'une ville. Ce n'est qu'au moment de la constitution de l'empire que lacapitale fut transférée à Niani, probablement pour des raisons desécurité, étantdonné que le site se trouvait plus à l'écart des pistes sahariennes et que le fleuveformait une défense naturelle. Mis à part l'édifice à coupole, quin'a pas étéretrouvé et sur lequel nous n'avons pas d'autres informations, le quartier royal secomposait vraisemblablement de simples cases en banco à plan rond, de mêmeque les autres habitations du centre de la ville. A côté de ces édificesse trouvaientdes huttes en paille et des tentes, si bien que la ville devait occuper une superficieconsidérable. Elle était sans doute divisée en trois parties, comme les autres villessoudanaises : le quartier du souverain, le quartier descommerçants et des visiteurs étrangers et, enfin, le quartier habité par la grandemasse de la population, artisans, hommes de caste, esclaves.

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Aux premiers temps de la colonisation, de nombreuses villes subsahariennesétaient fortifiées ou possédaient un quartier fortifié. Cependant,les fortificationssont un phénomène assez tardif, dont il n'est pas sûr qu'il doive être attribué à desfacteurs externes. D'après les informations disponibles, il n'était pas d'usaged'entourer les cités anciennes d'un mur d'enceinte. Ainsi Kumbiet Gao étaientdépourvues de murs et, à Niani, seul le quartier royal était protégé par un murQuant aux murailles de Djenné et de Tombouctou, elles ne peuvent guère avoir eude fonction défensive, vu leurs dimensions. Il est vrai que les Almoravides seconstruisirent une forteresse à Azogui, et il serait intéressantde savoir si cemodèle a exercé une influence sur le reste du Soudan. Ce qui paraît sûr, c'est quel'habitude de fortifier les villages et les villes s'est surtout répandue au temps desinvasions toucouleur, où les habitants devaient se protéger des razzias destrafiquants d'esclaves et, en même temps, se défendre contre lesincursions despeuples voisins, qui étaient fréquentes en cette période de grandeinstabilitépolitique.On sait qu'un contremaître sénégalaisaccompagnait El Hadj Omar dans toutes ses campagnes, avec pourmission deconstruire des fortifications. Aucune de ces constructions n'a survécu en raison dela fragilité des matériaux, mais il subsiste des vestiges de fortifications dans toutela partie occidentale de l'ancien Soudan. Le commandant Gallieni, qui parcourutla région en 1880 à la tête d'un corps expéditionnaire français,fournit unedescription précise de ces fortifications ou tata, comme on les appelait dans lalangue locale. Ces tata étaient généralement construites en briques de banco,parfois mélangées à des pierres, sur un tracé droit ou en zigzag ; chaque murd'enceinte était flanqué de tours rondes ou carrées, distantes entre elles de 50-60

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mètres. Les murs mesuraient entre 2 m et 2,50 m de hauteur et entre0,50 m et 1 md'épaisseur à la base. Ils étaient souvent entourés d'un fossé creusé au moment del'édification des murs, dont les matériaux avaient été prélevés sur place. Les mursétaient percés sur toute leur longueur de meurtrières pour les fusils. Dans certainscas, les murs étaient plus élevés et étaient munis sur leur face intérieure destructures d'appui en bois. Les forts comportaientplusieurs entrées, généralement au nombre de quatre, protégéespar de lourdesportes de bois. Parfois, une deuxième ligne de fortifications entourait la demeuredu chef ou du souverain.Bien entendu, un matériau comme le banco résistait mal aux coups de canon descolonisateurs, mais compte tenu des techniques et des matériaux disponibles surplace, ces fortifications sont des ouvrages d'envergure qui attestent l'habileté,l'inventivité et l'ingéniosité des constructeurs africains. Dans latata deBissandougou, dont nous possédons le schéma, le quartier résidentiel de Samoriest celui qui contient la tour d'observation carrée. Les autres tours intérieuresétaient réservées à la troupe, tandis que la salle au centre de la cour servait auxaudiences. La cour intérieure devait mesurer entre 70 et 100 mdediamètre.Au cours de ses campagnes au Soudan, Samori construisait desfortificationschaque fois qu'il installait un quartier général temporaire, et on enretrouve encoredes vestiges dans plusieurs localités du Mali.

o Il0 ?1. Tata construite par Samori à Bissandougouen 1886-87 (Haselberger 1967)2. Tour d'observation (Gallieni 1885)3. Rencontre avec un chef local à Morgoula(Gallieni 1885)

DjennéDjenné, la grande mosquée vue de la place du marchéAA -, éN-'r.'.~' Ar4<r~S~fr.' ~ r ~ r~. .'#" Ar'r' #r t-rN." ' " "'Çr'r'NNrr.~Ns4Y ' '

Plan de DjennéLe mythe des origines de Djenné relate que le territoire de la ville se composait autout début de sept îlots déserts, où les populations locales voulaient construire unvillage. Toutefois, il fallait attendre le signe auspicieux qui confirmeraitl'assentiment des génies du lieu. Ce signe fut donné par le vol d'un corbeau, et le

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village fut construit en trois ans. Les habitants ne parvenaient pourtant pas à finirle mur d'enceinte : la partie à peine construite s'écroulait aussitôt. Ilsdécidèrentd'offrir un sacrifice propitiatoire. Leur choix se porta sur une jeune viergebozo,Tempama Djemapo, fille d'un ami du chef du village, qui futmurée vivantedans le mur correspondant à la porte dite Fonu Katamé. Les habitants de Djennépeuvent encore désigner l'emplacement exact. Le chef du village était un Markaqui s'apellait Djennéveré, et ce fut lui qui donna son nom au nouveau village.D'après le Tarikh es-Sudan, Djenné aurait été fondée vers l'an 800 par unepopulation animiste qui se convertit plus tard à l'islam.Selon d'autres sources, l'actuelle Djenné aurait remplacé l'antique établissementde Djenné-Djeno, d'où serait issue une partie de la populationactuelle, probablement des Bozo. Djenné-Djeno aurait eu des origines trèsanciennes et aurait fait partie d'une civilisation préislamique, qui a laissé destraces tout le long de la boucle du fleuve Niger Delafosse propose deux dates pourla fondation de Djenné en 800, un groupe de Soninké aurait fondé une premièrecolonie aprés s'être allié aux Bozo de la région, et un second groupede Soninkéserait arrivé vers 1200 du royaume de Ghana, après son annexion par l'empire duMali. A l'origine, la population locale se composait d'une majorité de Bozo, quisont incontestablement les premiers occupants du Delta intérieur, et qui sontd'ailleurs restés les maîtres des terres et des eaux. Elle s'enrichit par la suited'autres apports, d'abord principalement des Soninké, et ensuite, des Fulbé et desSonghay La montée de Djenné comme centre du commerce transsaharien et satransformation en ville sont des événements assez tardifs. Le nom deDjenné n'estcité pour la première fois qu'en 1447 par le Gênois Malfante, qui avaiteffectué unvoyage de prospection commerciale dans le Touat. En 1550, Léonl'Africain parleencore de Djennécomme d'un village « Il n'y a ni ville, ni château. Seul un grand village est habitépar le souverain, les prêtres, les docteurs, les marchands et les gens de qualité.Toutes les maisons qu'habitent ces gens sont faites comme des cabanes, crépiesd'argile et couvertes de paille. » Il est donc permis de supposerque Djenné nes'est transformée en ville que vers 1300, époque à laquelle fut construite lapremière mosquée, et qu'elle a pris sa forme définitive, celle quenousconnaissons, sous l'empire Songhay. Djenné devait sa prospérité au jumelage avecTombouctou, qui fut d'ailleurs bénéfique pour les deux villes, et à sa positionstratégique de poste avancé aux confins méridionaux du Soudan. En outre, elleétait facilement accessible grâce aux pirogues qui circulaient surune grande partiedu Niger et du Bani. Un autre atout capital de Djenné était son statut de cheflieudu Delta intérieur du Niger, une région extrêmement riche et fertile. Du reste,Tombouctou n'aurait probablement pas pu se développer sans la proximité deDjenné. Du point de vue militaire, la ville était fort bien défendue il eût étédifficile de lancer une attaque massive contre Djenné, qui était entourée d'eau laplus grande par-

La maison de la famille Maiga dans un dessin de 1897 (Dubois)La maison de la famille Maiga aujourd'hui. Audessus de l'entrée,l'auvent et lemotif du potige

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Maisons dans le style de Djenné44

Maisons dans le style de Djenné

Fenêtres en terre cuite ou en bois de type marocain

1. Maison moderne avec éléments préfabriquésen ciment2. Plan de maison traditionnelle3. Maison en style de Djenné récemmentrestauréeMaison de Djenné récemment restaurée avec des impostes de type européen

tie de l'année. La prise de Djenné aurait coûté aux Songhay sept années de siègeet la mobilisation d'une armée imposante.Les environs de la ville sont marécageux, sans relief, avec quelques rares arbres.Les seuls points de repère sont de petites buttes ou togguérés et les groupes éparsde palmiers rôniers qui signalent des villages. Vue de loin, la silhouette de Djennéperchée sur son îlot assez élevé ressemble à une imposante forteresse isolée dansla plaine. Aux pieds de la ville, le trafic de pirogues est intense sur le fleuvependant une grande partie de l'année. L'îlot se trouve dans le bassin de crue duNiger, entre le Niger et le Bani, et pendant la saison des pluies, il n'est accessiblequ'en pirogue.Djenné est maintenant reliée à la terre ferme par un petit pont et par un bac sur leBani qui permet de rejoindre la piste carrossable qui mène à Mopti. Bien qu'elleait été l'une des plus petites villes du Soudan, puisqu'elle ne devaitguère compterplus de vingt ou trente mille habitants, Djenné a pourtant, plus que les autres,l'allure d'une vraie ville. C'est d'ailleurs Djenné qui a joué le rôle le plus importantdans les échanges commerciaux à une époque plus récente. A l'époque du voyagede René Caillié, où sa prospérité déclinait déjà, les quartiers de Djenné étaientpourtant extrêmement animés : dans les rues se pressait une foulede villageoisdes environs et d'étrangers, qui transportaient les marchandises les plus diverseset, tous les jours, des caravanes arrivaient ou partaient. Les rues étaient nettoyéesquotidiennement. Les maisons les plus belles près du marché étaient occupées parles Maures. La ville était divisée en onze quartiers.Dans l'évolution de l'architecture soudanaise, l'apport de Djennéest aussi originalque décisif, tant par la typolo-gie de la mosquée que par celle de l'habitat urbain. On dit que Djenné possédaitautrefois plus de onze mosquées. La première aurait été construite par le maraboutmalinké Fode Sanoro sur l'emplacement du palais du chef de village Komboro,

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après la conversion de ce dernier à l'islam. Cette mosquée fut rasée par Ahmadouen 1830 au cours de sa campagne de moralisation des mours sous la Dina Fulbé,sous prétexte qu'elle s'était tranformée en salon mondain. Ahmadou fit ériger uneautre mosquée à plan rectangulaire sur le lieu de l'actuelle école coranique. Lamosquée actuelle a été construite après l'arrivée des Français, entre 1905 et 1907,autour des fragments restés intacts de la vieille mosquée. Caillié vitencorel'ancienne mosquée, en 1828, peu de temps avant sa destruction ;la descriptionqu'il en donne est plutôt sommaire: « Il y a à Djenné une grande mosquée en terredominée par deux tours massives et peu élevées ; elle est grossièrementconstruite, quoiqu'elle soit très grande... » En 1897, Félix Dubois inspecta lesruines de cette mosquée, dont il tenta de reconstituer le plan et l'aspect extérieur,mais il existe certaines disparités entre les deux ainsi, dans le dessin, il manque leminaret central, qui figure pourtant sur le plan, de même que la tour dumihrab eton n'aperçoit pas non plus la partie non couverte avec la cour intérieure ; enrevanche, il manque dans le plan les deux tours latérales du minaret,disposéessymétriquement, alors qu'elles figurent sur le dessin et qu'ellesexistaient bien,puisque Caillié les mentionne dans son récit de voyage. Mis à part ces quelquesdétails, la reconstitution de Dubois est l'unique document qui permette de se faireune idée de cette première mosquée, qui était l'une des plus anciennes du Soudan.Elle avait un plan presque carré, de 56 mètres de côté, et elle s'élevait à unehauteur d'environ 11 mètres. La reconstitution de Dubois laisse immédiatementapparaître la grande originalité de cette construction par rapportaux modèlespresque contemporains de Tombouctou. Sa structure compacte, soutenue par unesérie de contreforts d'égale section en forme d'obus, clairement visibles sur ledessin, souligne l'allure monumentale de l'édifice. Les minarets sont de simplestours basses, et la cour intérieure comporte déjà la galerie couverte, devenuecaractéristique des mosquées actuelles de la région. Mais cette mosquée sesingularise avant tout par sa présence dans le paysage urbain. Alors qu'àTombouctou, les mosquées Djinguereber et Sankoré se fondaient dans le tissuurbain avec leurs formes basses sans relief, solidement ancrées au sol, la ligneverticale du minaret étant le seul signe de la présence de l'islam venu de l'étranger,la mosquée de Djenné est une structure imposante, qui domine les autresconstructions de sa haute silhouette verticale comme pour proclamer le pouvoir dela nouvelle religion. En outre, elle se dresse sur la place du marché, tel unsymbole de cette alliance de l'islam et du commerce, qui fut l'un des secrets de laréussite de la métropole du Delta. La reconstruction fournit un autre apport décisifen introduisant le concept de la façade principale, qui privilégie le côté tournévers la place, et rejoint ainsi cet autre modèle issu de Djenné, la maison.La mosquée actuelle prend appui sur une plate-forme formée parles ruines del'ancienne mosquée, où sont également conservées des tombes de saints. La partiecouverte est formée de neuf rangées de dix pilastres à base rectangulaire et elle estéclairée par quelques fenêtres latérales et les pas-

sages vers la cour La cour est bordée sur trois côtés d'une galerie couverte. Vers lecentre des ailes nord et sud de la mosquée sont placées des toursbasses à baserectangulaire qui font office de minarets et qui contiennent les escaliers d'accès au

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toit. On ignore pourquoi les ailes est et sud sont hors d'équerre, mais il se peut quecette particularité date du temps de la vieille mosquée et qu'elle ait été conservéelors de la reconstruction. La grande nouveauté de la reconstruction est la façadeprincipale sur la place du marché, avec ses trois tours à base rectangulaire, quis'amenuisent vers le haut et sont couronnées par un petit cône coiffé d'un oufd'autruche. Le portail de l'aile nord-est constitue aussi une nouveauté, sans douted'inspiration européenne. Il rappelle la forme de certains masquesdogons, quel'on retrouve également dans le portail de la mosquée de Mopti. En revanche, lespilastres à obus ont fait place à d'autres, plus fins, sur la façade principale et surune partie des façades latérales, qui se terminent au-delà de la lignedu toit par depetites mitres. Cette bordure de petites mitres est typique de la traditionarchitecturale des maisons de Djenné et de Tombouctou. A l'intérieur de lamosquée, en revanche, on aperçoit des voûtes à ogive qui sont unélémentétranger à la tradition soudanaise et qui ont été ajoutées lors de la reconstruction.Le toit plat, couvert en terrasse, est percé à intervalles réguliers d'ouverturesd'aération protégées par un couvercle en terre cuite. Le matériau utilisé est labrique rectangulaire de banco, mais des briques rondes ont également été utiliséesdans la partie la plus ancienne. Le socle surélevé ajoute encore àl'alluremonumentale de l'édifice, tandis que les tours de la façade soulignent son élanvertical. L'ensemble est empreint d'une grande élé-Cour intérieure avec escalier d'accès à l'étage

1. Plan de la mosquée ancienne(F Dubois 1897)2. Façade et aile nord de la mosquée actuelle 3. Dessin de la mosquéeanciennepar F Dubois

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gance, dont on ne trouve pas d'autres exemples. Les deux mosquées de Djenné ontchacune inspiré leur époque et ont marqué toute l'architecture religieuse de larégion. Nul ne connaît l'origine du style unique des maisons de Djenné, qui s'estconservé jusqu'à nos jours. Dans la cité actuelle, l'habitat a un aspect assezuniforme et les différences d'aspect des maisons expriment l'appartenance à uneclasse sociale plutôt qu'à un groupe ethnique. Le potige, c'est-à-dire le motifdécoratif de la façade qui signale l'emplacement de la porte d'entrée, semble êtreun trait distinctif de l'architecture urbaine de Djenné. Peut-être fut-il d'abordréservé aux maisons des marchands les plus aisés, mais il a ensuite été beaucoupcopié dans toute la région. Il n'est pas exclu que le potige soit le vestige d'unélément de consolidation de l'étage supérieur, comme les poutres saillantes, maisla nécessité fonctionnelle s'est manifestement transformée en un jeu de formesdécoratives destinées à souligner la façade, qui ont renouvelé levocabulaire del'architecture urbaine. Dans les maisons récemment restaurées,les lignes de lafaçade et du potige sont devenues plus dures et

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1. Plan de la mosquée actuelle (relevé de 1981)2. Entrée de l'aile nord, avec portail3. Cour intérieure4. Vue de l'intérieur avec l'enfilade de piliersj'AIl

anguleuses et la finition est faite à l'aide du fil à plomb. Le plan de lamaison estle même qu'à Tombouctou, avec la cour centrale sur laquelle ouvrentlesdifférentes pièces et d'où part l'escalier vers l'étage; celui-ci n'occupe que le côtérue et les pièces sont généralement réservées aux maîtres de maison et à sesinvités. La maison n'a qu'une seule porte d'entrée, qui ouvre sur une pièce servantde vestibule. On n'aperçoit pas la cour intérieure de l'entrée. Le toit plat estcouvert en terrasse, et il est muni d'un garde-corps bas et de gargouilles pourl'évacuation des eaux de pluie. Plusieurs pièces du rez-de-chaussée font officed'entrepôt. Les repas sont préparés dans la cour ou dans une petite pièce du rez-de-chaussée. Les latrines sont installées à l'étage, au niveau de laterrasse ou dupremier étage. Seules les pièces à l'avant ont des fenêtres, tandis que les autresouvrent sur la cour. Les fenêtres en bois reflètent clairement l'influencemarocaine. D'ordinaire, la fenêtre centrale, au-dessus de la porte d'entrée, a unbattant mobile, et les deux fenêtres latérales sont fixes. Autrefois, la plupart desfenêtres étaient garnies de claustras en terre cuite. A l'intérieur,les pièces sont munies de niches à motifs décoratifs, où étaient posées les lampesà l'huile qui éclairaient l'habitation. Le plafond est composé de faisceaux debranches enduites d'argile, qui reposent parfois sur des traverses plus épaisses. Ladisposition des branches diffère, selon les dimensions de la pièce.Les maçons de Djenné, ou bari, jouissaient d'une grande renommée, et ils étaientsouvent invités par des villages ou des villes lointaines pour aller exécuter desconstructions importantes. On raconte que les premiers maçons sont venus dunord, du Sahel, qu'ils étaient au nombre de neuf, et que leur chef s'appelait MasireBeri ou Ambeli. N'ayant pas de femmes, ils prirent épouse à Tombouctou, et c'estde ces premières familles que descendrait toute la corporation desmaçons, danslaquelle le métier se transmet de père en fils. L'un des maçons, appellé MallumIdrissa, s'installa à Djenné, la ville jumelle de Tombouctou, et c'est pourquoi tousles bari de Djenné le considèrent comme leur ancêtre communBien que Djenné ait perdu beaucoup de son importance après que Mopti l'eutsupplantée comme métropole commer-ciale, elle est restée un important marché régional, très animé, quidraine toute lezone du Delta.

MoptiMosquée du vendredi du quartier de Komoguel

1. Maison moderne à un étage2. Paysage urbain3. École coranique avec le motif du potige

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Vue du port sur le Bani avec les grandes pirogues de transport

La mosquée de Komoguel vue du portJkILå[tt

Plan de la mosquée de Komoguel (relevé de 1980)Mopti n'était à ses débuts qu'un simple campement de pêcheurs Bozosur untogguéré apellé Isaca, à la confluence des fleuves Niger et Bani.Elle s'agranditplus tard d'une petite colonie de marchands Marka de Djenné et d'un groupe deFulbé. Lorsque René Caillié y passa, elle comptait environ 800 habitants et, dupoint de vue commercial, elle ne pouvait même pas rivaliser avec labourgadevoisine de Sofara, car elle était coupée de la terre ferme pendant la plus grandepartie de l'année. Sa prospérité date de l'époque de l'invasion toucouleur: lorsqueEl Hadji Omar organisa la navigation fluviale, il prit Mopti comme base de sesexpéditions militaires. La digue qui relie Mopti à la terre ferme fut construiteaprès l'occupation française en 1920, et l'installation de plusieurs sociétéseuropéennes a fait de Mopti le nouveau pôle commercial du Delta, au détrimentde Djenné et de Tombouctou. La population locale se réinstalla progressivementdu côté de l'îlot de Komoguel, relié au vieux quartier commercialpar un pont,tandis que l'activité commerciale et administrative était concentrée dans la vieilleville. C'est à Komoguel que fut érigée la grande mosquée, qui futachevée vers

Entrée de l'aile sud ; à noter, l'analogie avec le portail de Djenné1935. Sa construction fut confiée aux maçons de Djenné, assistéspar lapopulation locale, et elle fut réalisée sous la responsabilité de Couseux, uncommis de l'administration française. Bien qu'inspirée du modèle de Djenné, cettemosquée constitue un apport original, dans le sens où le thème des trois tours etdu portail d'entrée est repris sur deux faces de la construction, créant ainsi unrapport de symétrie entre les couples nord-sud et estouest. En mêmetemps, lasuppression de la cour intérieure rend la structure plus compacte etla verticalitédes lignes est soulignée par le rapport entre la hauteur et la largeur de l'édifice.L'unique élément par lequel la façade principale se distingue des autres est laprésence des arcs au-dessus de la porte d'entrée mais, contrairement à ce qui s'estfait à Djenné, la façade principale, - c'est-à-dire celle qui donnesur la rue la pluspassante n'est pas celle de la qibla. A Mopti également, une plate-forme basseentoure l'édifice, dont elle fait ressortir le caractère monumental tout en délimitantun espace réservé aux fidèles pour la prière du vendredi. L'intérieur comprendtrois rangées de sept colonnes et l'escalier du toit flanque le

mur nord. Les entrées latérales comportent un rappel du motif du potige desmaisons de Djenné. Les lignes de l'édifice sont un peu plus anguleuses que cellesde la mosquée de Djenné ; vers 1980, toute la partie supérieure a été refaite, et ladureté des lignes est due à l'utilisation d'un enduit additionné de ciment, ce quipermet d'éviter l'entretien annuel, qui n'est pas toujours exemptde danger, surtout

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lorsqu'il faut restaurer la partie supérieure. Le crépi est rafraîchi vers le mois dejuin avec le concours d'une grande partie de la population, qui travaille au son destambours sous la direction de maçons professionnels. Certaines habitations duquartier africain reproduisent, en plus simple, le motif du potige desmaisons deDjenné. Les maisons les plus anciennes sont en général assez basses, vul'abondance d'espace à l'époque de la construction, mais ces derniers temps, il semanifeste une nette tendance à construire un type d'habitation plusmoderne, quise développe en hauteur, mais garde la cour comme centre géométrique et pôled'activité domestique ; cette cour a toutefois des proportions plus modestes et elleest entourée d'une galerie d'où part unescalier qui conduit aux chambres. Ces structures ont normalement un ou deuxétages. De telles maisons sont souvent occupées par plusieurs familles,contrairement à l'usage, qui réservait la concession à une seule famille élargie. Lafaçade présente une certaine diversité décorative grâce aux éléments préfabriquésen ciment des fenêtres et des balcons mais, en général, il n'y a guère de recherched'effets architecturaux. Cette évolution illustre la facilité avec laquelle le stylesoudanais s'adapte aux exigences de l'habitat urbain moderne et fait aussi ladémonstration de sa vitalité. De même que Djenné est l'image du passé, Mopti estle reflet du présent, car c'est l'une des villes où se construisent leplus de maisonsen terre. L'intense activité de construction qui caractérise le quartier Komoguel deMopti a donné naissance à une corporation de maçons professionnels capables defournir un travail d'excellente qualité. Le quartier commercial est le seul où seconstruisent des édifices en ciment pour des raisons de prestige, ou pour éviter leproblème de l'entretien annuel.Le véritable cour de Mopti est, avec le marché, son port fluvial, très animéà toute heure, d'où partent les grandes pirogues chargées de marchandises et depassagers qui assurent toutes les liaisons avec le Delta intérieur et les autres villesimportantes sur le Niger et le Bani.

TombouctouLa grande mosquée Djinguereber~S» 7~7,P -~67

La légende de la fondation de Tombouctou, rapportée dans le Tarikh esSudan,raconte que, vers 1100, les Touaregs Magcharen se sont installéssur la duneHamadia ; mais en automne, ils se rendaient dans la région d'Aruan, laissant àHamadia une esclave appelée Bouctou pour garder leurs biens. C'est d'elle que lalocalité tient son nom. Le sacrifice de Bouctou par Sidi Mahmud, le fondateur,marque la fondation de la ville. Plus tard, le site fut occupé par lesBellah, rejointsplus tard par les Songhay, qui construisirent les premières habitations en banco.Tombouctou prend plusd'importance et devient connue dans le monde méditerranéen au moment oùs'amorce le déclin de Walata et que, vers 1200, les courants commerciaux sedéplacent vers les pistes orientales du Sahara. Elle fut annexée par l'empire duMali et, après un bref épisode de domination touareg, elle fut incorporée dans

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l'empire Songhay, dont elle fit partie jusqu'à l'arrivée de l'expédition marocaine de1591 Elle atteignit l'apogée de sa splendeur sous l'empire Songhay grâce à saposition stratégique au point d'arrivée des pistes sahariennes et à proximité dufleuve Niger. Le port de Tombouctou, Kabara, se trouve à 8 kilomètres mais,pendant la période des crues, on peut se rendre à la ville en pirogue. Malgré sonimportance commerciale, Tombouctou ne devint jamais aussi grande que Gao ouNiani. Elle doit son statut de cité d'abord à son architecture et, en particulier, àcelle de ses mosquées et de ses maisons, dont les façades traduisent un senscertain de l'effet architectural, et ensuite à son rôle culturel, carelle était en mêmetemps le centre du Soudan islamique cultivé et le siège d'une grande université,celle de la mosquée de Sankoré. Tombouctou jouissait donc d'une très granderenommée.Léon l'Africain raconte à propos de Tombouctou : « Les maisons de Tombuttosont des cabanes faites de pieux crépis d'argile avec des toits en paille. Au milieude la ville se trouve un temple contruit en pierres maçonnées avec un mortier dechaux par un architecte de la Bétique, natif de la ville de AI Mana, etaussi ungrand palais construit par le même maître et où loge le roi. » A ses débuts, lalocalité se composait surtout de cases en paille et de tentes mais, peuà peu, lesconstructions en banco firent leur apparition dans le quartier des marchands et laville prit son aspect définitif. Pourtant, Tombouctou ne perdit jamaistout à faitson caractère hétérogène, mélange de ville et de village, lieu de rencontre dumonde animiste et du monde musulman.La ville est située dans une plaine sablonneuse parsemée de petitsarbres etd'arbustes épineux. Le voyageur qui vient du nord et qui a traversé les immensesétendues du désert, voit soudain Tombouctou surgir des sables comme un mirage.Autour de la ville, aucune trace de champs, mais seulement quelques dépressionsde terrain qui se remplissent pendant la saison des pluies et où les habitants vontpuiser l'eau. Dans les rues de la ville, on marche sur le sable. La renommée deTombouctou est telle que la réalité ne répond pas à l'attente. Aussi bien RenéCaillié, qui y passa en 1830, que l'Allemand Heinrich Barth qui la visita plus tard,furent déçus par son aspect décadent, les nombreux édifices presque en ruines etles rues sans animation. A Tombouctou, la vie se déroule effectivement àl'intérieur des maisons. Les deux hommes ont laissé des dessins qui constituent untémoignage précieux, mais qui sont aussi très différents. Le dessin de Cailliémontre un habitat épars et clairsemé, comme un campement touareg,et une ville dépourvue de vraies rues. L'aspect extérieur des édifices estlégèrement différent de l'actuel, les façades ne sont pas crépies et il manque lespilastres, tandis que les portes d'entrée semblent presque toutes entourées d'unmotif à auvent. Barth jugea le croquis peu fidèle, mais il l'est peut-être parce queCaillié a dû le dessiner de mémoire. Dans sa propre représentationde la ville,Barth montre les maisons telles qu'elles sont encore aujourd'hui, et l'ensemble adavantage l'allure d'une ville, même si une case en paille se devine ici ou là. Leterritoire de la ville était découpé en cinq quartiers, par castes et par métiers. L'undes quartiers était réservé aux « Blancs », c'est-à-dire les Arabo-Berbères et lesmarchands. L'actuel marché de la viande, au coeur de la ville, occupeprobablement le site de l'ancien Madougou, la résidence que MansaMusa,

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empereur du Mali, s'était fait construire. Il ne reste plus aucune trace de cetteconstruction, ni d'ailleurs de celles des Marocains, comme la kasbah. La ville étaitentourée de murs assez bas, qui furent renforcés sous l'empire Songhay. Ces mursfurent rasés lors de l'invasion fulbé ; Barth en aperçut les vestiges. Les édifices enbanco devaient couvrir une superficie à peu près égale à l'actuelle, mais il y avaitaussi de nombreux groupes de cases et de tentes dans la périphérie.A l'époque de Caillié, la ville comptait sept mosquées : les trois grandes mosquéesactuelles, à savoir Djinguereber, Sankoré et Sidi Yaya, et quatreautres, de petitesmosquées de quartier, qui furent détruites par Ahmadou sous laDina fulbé.D'après la tradition locale, chacune de ces mosquées représente une personned'une nature spécifique : Sidi Yaya est l'homme, Djinguereber estla dame noiredu village, c'est-àdire Bouctou, fondatrice de la ville et

Maison dessinée par Caillié en 1830Typiques maisons de Tombouctou avec la série de pilastres décalés sur la façade

1. Vue de la ville (Barth 1858)2. Plan (Mauny 1952)o° oo00s',c0 5003. Panorama de18303la ville dessiné par Caillié en- - 7-Du..ju

Plan de la mnosquée Djinguereber (Mauny et relevé de 1982)0 5 -10MUMUM mmmm U**m.**'j~'Ij1 mummu mmm.. m***** I**........UUUUU..M.. mmm m~_mm.~J. - - ______

symbole de la fertilité, tandis que Sankoré est la femme blanche des populationsdu nord, et il est dangereux de passer la nuit à proximité de cette mosquée, à causedes génies qui l'habitent. Au contraire des autres mosquées soudanaises, celles deTombouctou révèlent dans leur plan, qui ne suit jamais un tracé régulier, leurlongue histoire de restaurations et d'extensions.La construction de Djinguereber, qui signifie « la grande mosquée » en songhay,aurait été entreprise, d'après la tradition, par l'empereur du MaliMansa Musa,lorsqu'il revint au pays en 1325 après son voyage à La Mecque, accompagné del'architecte et poète Es-Saheli de Cordoue. Ce dernier introduisit probablement un

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certain nombre d'éléments nouveaux empruntés à l'architecture arabo-berbère,mais il est devenu très difficile de déterminer exactement son apport. Il acertainement dû tenir compte des techniques locales et des matériaux moinssolides disponibles sur place, ainsi que de la différence de climat. L'aspect de lamosquée s'est modifié au fil des restaurations et des extensions réalisées aprèsl'effondrement de certaines parties par suite du mauvais entretien, notamment en1570, à l'initiative du Cadi El Aquib, et ensuite en 1678 et en 1736.Barth aperçutune inscription antique presque effacée sur l'une des portes de la mosquée, quirelatait l'oeuvre d'Es-Saheli. La mosquée avait à l'origine une forme rectangulaire,mais on ne sait pas si l'aile la plus ancienne est celle de l'est, ou biencelle del'ouest, comme le prétendent Caillié et Barth. La grande cour située à l'ouest etentourée d'un mur bas était d'abord un cimetière ; elle fut incorporée plus tarddans la construction. Il existe aussi une autre cour, plus petite, dans la partie nord,d'où on accède au minaret. La mosquée présente à l'intérieurdes décorations qui correspondent à l'emplacement du mirhab, et elle a despilastres à base rectangulaire. Les seules structures qui dominentles constructionsvoisines sont la tour du mirhab et le minaret. Le corps de l'édifice est bas, mais ilreste imposant à cause de ses dimensions et de ses épais contreforts. Dans undessin de Caillié, la mosquée a, par contre, un aspect plus élégant et le minaretrappelle vaguement les minarets nordafricains. Les créneaux des murs extérieursforment un élément insolite. Les tours sont garnies des branchessaillantes quisont typiques des mosquées soudanaises.La mosquée Sankoré fut construite en 1300 à l'initiative d'une dame pieuse, surl'emplacement d'un arbre célèbre. Cet édifice fut, lui aussi, réaménagé vers 1580par EI-Aquib, qui voulait lui donner les proportions de la kaaba de La Mecque.Elle se compose d'une cour intérieure centrale autour de laquelle se développel'édifice, et elle se présente comme une construction basse et massive, à l'instar dela mosquée Djinguereber. Elle a également un minaret très élevé, qui rappellecelui des villes du M'Zab. Cette tour, qui s'était effondrée, fut reconstruite en1678. D'autres restaurations importantes furent effectuées en 1709 et en 1732. Lamosquée fut abandonnée un certain temps sous l'occupation fulbé et s'ensabla. Ilfallut ensuite rehausser le sol d'environ un mètre pour pouvoir l'ouvrir à nouveauaux fidèles. Sankoré devint très rapidement le centre intellectuel de la ville et lepôle d'attraction des savants et lettrés du monde islamique. L'enseignement étaitdonné en plein air ou dans la grande cour intérieure. Sankoré setrouvait àl'époque dans le quartier des commerçants et des pèlerins blancs. Lamosquée deSidi Yaya, qui tient son nom d'un marabout de Walata qui enfut le premier imâm, fut complètement refaite en 1939 ; l'intérieurdu minaret et latombe du saint sont tout ce qui subsiste des anciennes structures. Les maisons deTombouctou ont, comme celles de Djenné, un aspect tout à fait particulier. Lesdeux types de maisons se ressemblent d'ailleurs par le traitement privilégié de lafaçade du côté rue et des pilastres de support. Comme ces pilastres ne figurent pasdans les dessins de Caillié et de Barth, ils pourraient être un ajout plus récent,mais qui doit en tout cas remonter à la fin du siècle dernier, parce que ceséléments figurent déjà sur certaines photos de l'époque. Les maisons à un étageont douze pilastres, mais ceux de l'étage sont légèrement décalés par rapport à

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ceux du rez-de-chaussée et se terminent par de petites mitres quisurplombent letoit. Au-dessus de la porte d'entrée unique de la maison se trouventtrois fenêtres,dont les deux latérales sont à panneau fixe, tandis que la centrale est ouvrante. Al'intérieur, les plafonds s'appuient sur des poutres de bois ils sont formés de nattesdécorées ou des faisceaux de branches. Les pièces prennent lumière du côté de lacour intérieure, où se trouve également l'escalier qui conduit à l'étage. La ported'entrée et les fenêtres sont décorées de disques de métal à la mode marocaine.Conformément aux traditions conservées par les maçons, le plan dela maison estdécoupé en neuf parties, pratiquement carrées, dont huit pour les piècesd'habitation, la cour formant le carré central. La tradition veut qu'avant d'entamerla construction, on accomplisse une série de rites, dont le premierconsiste à tracersur le sol le périmètre de la maison. Les maisons forment un rectangle orienté versles quatre points cardinaux, la porte étant orienté de préférence aunord ou au sud.Une pierre est enterrée aux quatre

La mosquée SankoréPlan de la mosquée Sankoré (Mauny et relevé de 1982)

Vue de la plaine autour de la ville (Lenz 1884)_ - --c----____ ___ - - ----- - ,~- - -- --~,--~--- --~. - -~-- - - ~- --- - -t-..' - - -. -~z---- - -

Porte de la mosquéeangles, ainsi que de part et d'autre de la porte d'entrée et sous lepilastre central.Avec les pierres sont enterrées aussi des amulettes préparées engrand secret parle marabout et le contremaître. On sacrifie souvent aussi un chat, parce que le chatest le symbole du forgeron, et dans le sillon du tracé, on dépose lesgraines desdéfunts : le coton, le riz, les fèves, le mil, le sorgho et le blé. Enfin, on commencela construction par la face sud, et on construit ensuite, toujours dansle mêmeordre, la face est, la face nord et la face ouest.Tombouctou offre aujourd'hui le spectacle d'une ville à l'abandon- peutêtre parcequ'elle est pratiquement coupée du reste du Mali en l'absence d'une liaisonroutière directe avec Mopti -, et sa fascination tient toute entière dans le souvenirdu passé.

La mosquée dite « Tombeau de l'Askia»N

Plan de la mosquée (relevé de 1979)D'après la légende de sa fondation, le peuple Songhay, venu de l'est, arriva dans larégion de Gao vers l'an 500 et libéra la population de la tyrannie d'unpoissonfétiche qui réclamait de riches offrandes. Le premier établissement des Songhayfut installé sur l'île de Koukia, sur le Niger, à quelque distance en aval de la ville

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actuelle. La population se serait installée à Gao entre le vile et le Viiisiècle, peut-être en raison de l'islamisation, et dès ce moment, Gao aurait rapidement pris del'importance. Comme celui de Tombouctou, le développement de Gao est lié aucommerce transsaharien : la ville était un grand centre caravanier, un portimportant et, en même temps, la capitale d'un royaume. Gao fut l'unedespremières villes soudanaises à entretenir d'étroites relations commerciales avec lemonde arabe, dès avant le ixe siècle, et elle a été aussi l'une des premières à êtrecitée dans les chroniques arabes. Dans un texte de 891 al-Yakubi parle du «...royaume de Kawkaw, le plus important des royaumes du Soudanpour leprestige et la puissance ». La première description de la ville est donnée par al-Muhallabi en 990 : « Sur la rive orientale du fleuve, le roi a une

Tour pyramidale de la mosquée (Dubois 1897)Escalier de la tour

ville du nom de Sarnat. C'est une ville pour les marchés et les marchandises. Lesvoyageurs y viennent de tous les pays voisins. Sur la rive occidentale, le roi a uneautre ville, qui est habitée par lui, ses soldats et ses hommes de confiance. Il y a làune mosquée où l'on prie. Il y a un lieu de prières pour le vendredi entre les deuxvilles. Dans la ville (de l'ouest) le roi possède une habitation fortifiée. Personnen'y habite avec lui ; seul un eunuque y réside. » Cette descriptionsera reprisebeaucoup plus tard par d'autres auteurs. Ibn Battuta, qui fut le premier à séjournerà Gao en 1354, et Léon l'Africain, disent tous deux que Gao était la plus belle et laplus grande ville du Soudan. Nous avons beaucoup d'informations sur Gao et surson histoire grâce aux tarikhs locaux rédigés en arabe. Gao resta indépendantejusqu'à son annexion par le Mali et elle redevint capitale sous l'empireSonghayjusqu'à la conquête marocaine de 1591 après laquelle la capitale fut transférée àTombouctou. En 1585, au sommet de sa puissance, elle devait comprendre,d'après un recensement fait par les habitants eux-mêmes pour prouver aux gens deTombouctou que Gao était plus grande, quelque 7 625 maisons en banco, sanscompter les cabanes ; elle devait donc compter à peu près 100 000 habitants. Decette splendeur, rien ou presque rien n'est resté, peut-être parceque la cité futlaissée à l'abandon après l'assaut des troupes marocaines et que les maisonstombèrent peu à peu en ruines. Malheureusement, aucun voyageur n'a légué uneimage de l'ancienne Gao, et aucun n'en a fait une description assez précise pourdonner une idée des structures de la ville. La première reproduction dont nousdisposions est le dessin fait par Heinrich Barth en 1850, mais la ville était alorsdéjà en pleine décadence. Etant donnéson importance stratégique, elle fut reconstruite plus tard, à l'époque coloniale, surle modèle de la grille typique des cités contemporaines, et c'est ainsi que nousconnaissons la ville aujourd'hui.Une série de découvertes archéologiques importantes ont été faites à Gao Sané, àenviron 2,5 km du centre urbain sur la route de Bourem ; la partie retrouvée estprobablement l'ancienne ville des commerçants décrite par al-Muhallabi. Lesarchéologues ont retrouvé, entre autres, les restes d'une mosquée avec un mihraben briques cuites, qui pourrait être celle que Mansa Musa, l'empereur du Mali, fit

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édifier au xiiie siècle, à son retour de La Mecque. En revanche, le sitedel'ancienne ville royale n'a pas encore été découvert. Gao se trouve sur le Niger,dans une plaine où le seul relief est celui des hautes dunes de sable de la riveouest. Elle est séparée du fleuve par une bande de sable qui est sous eau pendantles crues et qui sert de campement aux pêcheurs sorko et aux nomades pendant lereste de l'année. La végétation est clairsemée, et se compose d'arbustes épineux etde quelques palmiers. L'unique bâtiment antique qui se soit conservé est la tourpyramidale de la mosquée appelée « le tombeau de l'Askia ». Ibn Battuta et Léonl'Africain n'en parlent pas, et le premier à en noter la présence fut Barth, qui décritaussi l'enceinte de la tour, qui avait alors sept étages, ainsi qu'une deuxième tour,qui a totalement disparu, et qui correspondait peut-être au mirhab. Si la mosquéecontient effectivement la tombe de l'Askia Mohammed, - et il semble que ce soitle cas -, elle devrait être postérieure à 1538, date du décès de l'Askia, mais rienn'exclut que l'édifice actuel ait été construit sur l'emplacement d'une mosquée plusancienne,sans grande valeur architecturale, puisqu'aucun auteur n'en faitétat. La partiecouverte, étroite et longue avec quatre rangées de piliers rectangulaires, estprobablement un ajout tardif. La seule partie réellement ancienne est sans doute latour pyramidale d'environ 17 mètres, à l'aspect imposant et primitif, avec sadécoration de branches en saillie et son petit escalier. Malgré quelquesréminiscences des minarets de Tombouctou, et en particulier de celuide Sankoré,cette construction est unique en son genre au Soudan et, avec sa lourde masse, elleparaît plus proche de l'univers animiste que du monde musulman, comme si elledevait symboliser l'alliance de l'islam et des croyances traditionnelles qui amarqué l'histoire de l'empire Songhay.

AgadèsVue de la ville avec le minaret de la mosquée4~. ~~ .9-t. --~-I

La fondation d'Agadès est datée de la seconde moitié du xve siècle mais,auparavant, il existait déjà un campement touareg à l'emplacementde la ville. De1501 à 1516, la ville fut occupée par l'Askia Mohammed et fit partiede l'empireSonghay. Il faut attendre le voyage de Léon l'Africain pour voir la ville d'Agadèscitée parmi les villes subsahariennes : « Agadès est une ville murée, bâtie par lesrois modernes sur les confins de la Libye... Ses maisons sont très bien construites,à la manière des maisons de Barbérie parce que ses habitants sont presquetous des marchands étrangers. » La ville prit toutefois rapidement de l'importanceaprès le déplacement des artères commerciales vers l'est, en raison de sa positionstratégique sur la piste menant vers les territoires hausa. De même que les citéshausa voisines de Kano et Zinder, Agadès a eu un mur d'enceinte jusqu'à la fin duxve siècle, et son tracé se voit encore sur les photographies aériennes. La ville

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ancienne devait être plus étendue que l'actuelle, vu la superficie délimitée par cesmurailles, mais beaucoup d'habitations de la périphérie n'étaientsans doute que des cabanes de paille et des tentes.Au moment où Heinrich Barth visita Agadès en 1850, la ville était déjàen pleinedécadence, malgré une intense circulation de marchands libyens,égyptiens etdyula, et elle ne comptait plus qu'une cinquantaine de maisons à étageen banco,tandis que les autres habitations étaient des bâtiments typiquement sahariens, defaible hauteur et ordonnés autour d'une cour intérieure. D'après le dessin de Barth,la ville présentait certaines analogies avec Tombouctou.Plan de la mosquée (relevé de 1982)- - - ~-u.o o

Le seul édifice important qui reste de cette époque, est la mosquée construite lorsde la fondation de la ville, mais elle a été modifiée plusieurs fois par lasuite. Ladernière restauration remonte à la moitié du siècle précédent. D'après Barth, latour de la mosquée aurait été construite six ans plus tôt, mais les chroniquesd'Agadès la datent d'environ 1847 L'édifice comprend deux parties: la mosquéeproprement dite et la tour pyramidale. Alors que le corps de la mosquée est unédifice bas qui se fond dans les constructions environnanteset ne présente aucun trait particulier à Vue d'Agadès (Barth 1858)l'extérieur, latour aux dimensions imposantes est visible même à grande distance. Elle est enforme de pyramide tronquée, et rappelle les minarets du M'Zab et deTombouctou. Les branches en saillie qui ornent la façade sont typiques desmosquées soudanaises elles servent sans doute à consolider la structure, qui atteintune hauteur considérable. Barth mentionne une autre tour en ruinesdevant lamosquée, mais celle-ci n'a pas été retrouvée.

II. LA MOSQUEE

Entrée principale de la mosquée sur la face ouest

îý ,* Il existe encore une photographied'archives de l'ancienne mosquée de San, avec ses formes basses et trapues auxangles arrondis, ses lourds contreforts et son minaret conique dans le style typiquede la région de % San et Ségou. Cette mosquée ne futpas détruite par Cheiku Ahmadou sous la Dina fulbé : la zone était considéréecomme taboue, une légende racontant que le diable l'avait balayée de sa queue. En1941, toutefois, il fut décidé de réaménager complètement la mosquée et lestravaux furent confiésaux maçons de Djenné.Ceux-ci ont emprunté à la mosquée de »«' Djenné le motif de la façade principaleavec ses trois tours, mais le résultat est une froide imitation, qui n'a pas l'élanvertical de l'original. Il y a une certaine disparité entre ce côté tourné vers la placeet les autres parties de l'édifice, qui témoignent d'une grandeoriginalité et d'une

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profonde sensibilité, comme, par exemple, l'entrée principale du côté ouest, avecsa série d'arcades, ainsi que tout l'ensemble de la cour intérieure.L'élément le plusintéressant est sans doute la cour, où le banco modelé en arrondi donne unesurface vibrante, qui porte encore la trace de la main du maçon, et ses divers élé. .ments architecturaux, tels l'escalier dutoit, les niches murales et les fenêtres à arcs, qui créent un jeu de vides et depleins d'un grand équilibre formel.La partie couverte se compose de quatre rangées de neuf pilastres ;dans la cour setrouve également une niche qui forme une réplique du mihrab; c'estuneparticularité de certaines mosquées, notamment, de celles quise trouvent en aval du Lac Debo.1. Détail de la cour intérieure2. Tour du mihrab3. Façade principale sur la place4. Détail de la cour intérieure

Niche de la cour regardant vers le mihrabA droite détail de l'extérieur

La mosquée soudanaise de laboucledu NigerMosquée de village dans la région de Dori (Burkina Faso)

Mosquée d'Amba (région de Douentza)s - -* ~3 **w4 ~ -1- '4~ -44'.4r- ~

Il est d'autant plus malaisé d'établir une typologie de l'ensemble des mosquées duDelta que chaque mosquée est une pièce unique tout à fait inattendue et originale,qui reste pourtant fidèle au plan de base soudanais traditionnel. Pour ladescription générale des mosquées soudanaises et leur classification typologique,le lecteur voudra bien se rapporter à la partie de l'introduction qui traite de cepoint. En général, les différences entre les mosquées dépendent de plusieursfacteurs tels que la date de construction, la source d'inspiration stylistique, lacréativité des maçons et les influences extérieures, notammentles emprunts àl'architecture coloniale ou islamique. Depuis l'Antiquité, la région abonde en

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mosquées, dont certaines se trouvent dans de minuscules villages, et même àprésent, on y construit sans relâche, si bien que le dernier mot n'a sûrement pasencore été dit sur l'évolution des formes. Djenné exerce une influence dominante,entre autres parce que ses bari sont souvent sollicités pour les constructionsimportantes. Ailleurs, les maçons du lieu créent un style local. La mosquéed'Amba se distingue par l'importance qui a été donnée à l'escalier latéral extérieurqui mène au toit,et qui n'est peut-être qu'un simple prétexte pour introduire un jeude volumes, carl'imâm se tient d'ordinaire sur un petit podium près de l'entrée pourappeler lesfidèles à la prière. L'édifice a une allure monumentale qui fait oublier sesvéritables dimensions, qui sont celles d'une petite mosquée de village.A Boré, sur la piste de Mopti à Gao, s'élève une mosquée à quatre tours d'angle àplan carré, particularité qui sort des schémas traditionnels. Chacune des quatretours est coiffée d'une petite coupole, et il s'y ajoute une cinquième,de mêmeforme, au centre de l'aile du mihrab. Les deux tours d'angle de l'aile de la qiblacontiennent les escaliers montant au toit. La mosquée paraît très ancienne, et sonaspect le confirme, mais une fois de plus la datation du monument est presqueimpossible. Elle pourrait être un peu plus récente que les mosquées deTombouctou et de Djenné. Le plan de cette mosquée est carré, et la moitié en estréservée à la partie couverte, portée par des colonnes rondes. La cour intérieurecontient une série d'arcades, avec des arcs à ogive, qui pourraient être de date plusrécente. Il existe une autre mosquée qui com-porte quatre tours d'angle, celle de Konna. Elle est certainement plus récente,puisqu'elle remonte à la Dina fulbé de Cheikou Ahmadou. Ici, la forme des toursde la face ouest évoque plutôt un fortin, tandis que la face de la qibla s'orne detours rondes qui flanquent la tour du mihrab et forment avec elle un ensembleassez peu harmonieux qui trahit des interventions tardives, surtout sur la tour dumihrab en forme d'escalier et à base rectangulaire. Des décorations surmontéesd'oufs d'autruche coiffent les parties hautes des ailes nord, sudet ouest. Lescolonnes de la partie couverte sont rondes. La cour est entourée d'une arcadeouverte, et a des portes et des fenêtres à ogives.La mosquée d'Owa est massive et trapue comme les mosquées de Tombouctou,mais ses façades extérieures, rythmées par une série de pilastres coiffés de petitesmitres qui bordent le toit et des retraits en caisson, sont typiques de l'architecturelocale. Les mêmes motifs se retrouvent dans les maisons. La seule tour de quelquehauteur est celle du mihrab, tandis que le minaret ne sert qu'à abriter l'escalier dutoit. La mosquée est entièrement entourée d'un socle épais. La cour

Mosquée de Boré vue de la cour intérieure (région de Douentza)93

21. Boré, les tours du c.té de la qibla2. Détail de la partie couverte3. Vue générale de la mosquée4,~

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sï,. t - '.I ..' r_ - _ *_ : :1. Konna, aile ouest de la mosquée avec lestours d'angle (région de Mopti)2. Konna, plan de la mosquée (relevé de 1980)intérieure présente une niche avec un renfoncement en forme de flèche quiindique la position du mihrab. La mosquée d'Owa fut construite à l'époque de ladomination toucouleur sous la direction de Baba Alassane Koringago.Sébi estune très vieille mosquée aux formes atypiques, qui se fondrait totalement dans levillage sans l'élévation de sa partie centrale. Elle peut être considérée comme unmodèle dérivé des mosquées de Tombouctou. Yebé, Worondikoi, Sirmu, Syn,Wonon, sont autant de mosquées clairement inspirées par Djenné, avec leurs troistours sur la face de la qibla. Elles se détachent par leur masse puissante de lastructure du village mais, contrairement à leur modèle, la plupart n'occupent pasune vaste place vide au milieu des habitations. Elles sont toutes de constructionassez récente, et sont caractérisées par la mise en évidence deséléments verticauxet par une excellente exécution. Beaucoup de mosquées ont une cour intérieure,même les petites. On construit beaucoup dans la région et on y entretientregulièrement le crépi. Les nouvelles mosquées ont un crépi fait d'un mélange debanco et de ciment.

L'Imâm et son adjointKonna, cour intérieure avec arcs à ogive

Owa, détail de la cour intérieureOwa, tour du mihrab (région de Niafemké)

Owa, l'escalierOwa, vue de l'aile de la qibla avec les niches à caissons

Yébé (région de Djenné)Wonon, détail de la tour du mihrab

Ambiri, cour intérieure de la mosquée (région de Niafunké)

Mosquée de Sébi (région de Niafunké)\v.

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102

Détail de l'escalier du toitVillage de Bia (région de Niafunké)103

Mosquée de Syn (région de Djenné). Le style de Djenné se reconnaît aux troistours de l'aile de la qibla1.-:3~1 --v -j,-104l'i

Worondikoi (région de Djenné). Cette mosquée est l'unique édificeen banco duvillage105

Sirmu (région de Djenné)106

Téné (région de San). Plus on s'éloigne de Djenné, et plus les formes tendent às'arrondir, comme dans les mosquées anciennesKolenzé (région de Djenné), mosquée du village bozo qui possède encore septsaho107

1 Cour intérieure d'une mosquée récente2. Plan de la mosquée de Fatoma, près deMopti (relevé de 1978)108o i

Mosquée de Fatoma.LI -If109

1. La nouvelle mosquée de Dia2. Cour intérieure de la mosquée de Gomitogo2r

Mosquée de Gomitogo

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Les mosquées périphériquesBobo DioulassoD'après la tradition, le premier établissement fut fondé par un ancêtre venu duMandé. C'était un chasseur, et il décida de s'installer à Timine, qui se trouvaitdans une région très giboyeuse. Il ficha donc sa lance dans le sol pour enprendre possession et se mit à cultiver la terre. Par la suite, les luttesintestines duclan et le climat malsain de la région décidèrent la population à partir en quêted'un nouveau lieu d'établissement, et elle s'installa à l'emplacement de l'actuelleBobo, auquel elle donna le nom de Sya en mémoire de la femme de l'ancêtre. Lenom actuel, qui est de date récente, est celui de la population quioccupe leterritoire.Cette localité était une étape importante sur la piste qui reliait Djenné à Kong, etelle était le siège d'une communauté de commerçants dyula qui introduisirentl'islam dans la région. Au bout de quelque temps, toutefois, une partiedes Dyulase détourna de l'islam pour adhérer au culte du Do du peuple Bobo. Leclan desSaghanogho les ramena à la religion musulmane. L'un des premiersreconvertisfut Chitere Sanu, rebaptisé Mohammed, dont lefils Karamoko revint à Bobo après avoir terminé son éducation religieuse àMacina. Il édifia la mosquée du vendredi, probablement entre 1850 et 1885,encore que les avis soient partagés quant à la date exacte. Les Sanu devinrent lesimâms de la mosquée. La mosquée du vendredi est le seul édifice ancien de Bobo.Son plan se divise en deux carrés : la partie couverte et la cour. La tourdu mihrabse trouve sur le côté le plus court, la tour avec l'escalier d'accès au toit est situéesur la face nord, tandis qu'un autre escalier intérieur monte au toit à l'angle sud-est. L'intérieur est assez sombre et peu spacieux. Aucune des faces extérieures dela mosquée n'est privilégiée par rapport aux autres. La façade extérieure secompose d'une série de pilastres monumentaux de forme conique,reliés pard'étroits pans de mur, d'où s'élèvent deux tours, celle du mihrab et le minaret. Latour du mihrab, qui s'était effondrée il y a quelque temps, a été remplacée par uneconstruction en ciment qui contraste fortement avec le reste du monument.Avec ses formes massives et puissantes, la mosquée ressemble à un objet surgitout droit de terre. Elle présenteun élément typique des mosquées soudanaises du sud, à savoir une série degrosses branches disposées horizontalement entre les pilastres, comme pourfreiner l'élan vertical des lignes. Un autre élément qui souligne lamasse de lastructure, et l'accroche solidement au sol, est l'avancée du socle des pilastres qui,de part et d'autre des portes, forme une étrange sculpture en patted'éléphant. Lesanciennes photographies montrent que la mosquée était autrefois peinte en blancet présentait une curieuse excroissance, maintenant disparue, à l'emplacement dumihrab.Il existe certaines analogies entre Bobo et les mosquées anciennes des Bambara,telles Ségou et San, que nous ne connaissons que par les documentsphotographiques. Ces mosquées avaient aussi des formes trapues et des toursconiques.112

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Porte principale de la mosquée du vendredi; à noter, les poutres horizontales entreles pilastres (Burkina Faso)

Photo ancienne montrant la peinture blanche (Documentation française)Bobo, plan de la mosquée (relevé de 1979-1980)

Photo ancienne montrant une excroissance à côté du mihrab (Bayard 1931)Bobo, le minaret

J fi- -- ~À'j- .~- ~D%I~~~J;-j.-~Bobo, détail d'une porte de la mosquéeIF, - t

Kong, structure avec travées horizontales de soutien (Côte-d'Ivoire)117

1. Kong, vue de la ville avant sa destruction(Binger 1892)2. Plan de la grande mosquée (relevé de 1981)KongLes premiers habitants de Kong furent les Sénoufo et les Koulango, de religionanimiste. A cette époque, Kong n'était encore qu'un village. Avec ledéveloppement du trafic commercial, il s'y constitua un établissement de gens dunord, et Kong devint une étape importante sur la route du Ghana. Un Malinkés'empara du pouvoir après avoir assassiné le chef du village et fonda la dynastiedes Watara, qui s'étendit progressivement aux territoires environnants, et devintun petit royaume. La ville, où se tenait un marché quotidien et qui était un centredu commerce de la cola, entretenait d'étroites relations avec Bobo, Djenné,Salaga, Bouna et Boundoukou. La première mosquée fut construite àl'emplacement où se dressait le fétiche du chef assassiné. Peu à peu, unecommunauté de marchands dyula s'installa à Kong, et les maisons soudanaisestypiques en banco firent leur apparition dans la ville. Les marchands s'installèrentégalement dans d'autres villages de la région, où ils firent connaître l'islam, maisla nouvelle architecture ne prit pas racine dans ce terri-

Kong, grande mosquée

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Kong, mosquée de quartier2. Plan de la mosquée (relevé de 1981)toire profondément attaché à la religion traditionnelle.Lorsque Binger la visita, la ville était divisée en sept quartiers, elle comptait cinqmosquées et, selon lui, 15 000 habitants. En 1897, Kong fut détruite par Samorià titre de représailles, parce qu'elle avait fait alliance avec les Français pour seprotéger Le dessin de Binger est le dernier document qui fixe l'image de la cité ony distingue nettement plusieurs mosquées dans la masse des maisons.Les mosquées ressemblent aux mosquées actuelles, mais le crénelage des toits etles tours sont plus pointus, et les lignes, plus dures, peut-être parce que le crépiétait mieux entretenu. Des deux mosquées qui restent, la plus ancienne estprobablement celle qui se trouve sur la place principale. On raconte qu'elle futconstruite par le Duyla Kunatay vers la fin du xviIe siècle mais quun habitant,membre du clan des Saghanogho, ayant décrété que la mosquée n'avait pas étéconstruite dans les règles, il fut décidé en 1785 d'en construireune autre au mêmeendroit. C'est la mosquée qui se voit sur le dessin de Binger Elle futpartiellementdétruite lors de l'assautde Samori, et restaurée plus tard d'après le plan original. L'autre mosquée estsemblable à la première, mais elle est plus petite et son enceinte, entourée d'unmur bas, contient des tombes de saints. Les deux mosquées possèdent la structuretypique de la région, qui se voit également au Ghana, à savoir des formescompactes à plan rectangulaire sans cour, deux tours pyramidales de dimensionspresque égales qui signalent le mihrab et l'escalier du toit, ainsi qu'une série depilastres plus petits de forme pyramidale, reliés par des troncs horizontaux.L'escalier du toit se trouve sur la face nord. L'extérieur des mosquées était peinten blanc, comme celui des mosquées de Bobo et du Ghana, et le crépia gardéencore quelques traces de peinture blanche.KawaraLa mosquée de Kawara, sur la route qui va de Bobo Dioulasso à la Côted'Ivoire,se détache du reste du village même si elle n'est pas assez grande pour être vue deloin. C'est un édifice bas, composé d'une série de pilastres en formed'obus, quisont pratiquement accolés bord à bord et formento 5120

Kawara (Côte-d'Ivoire), mosquée de village121

Kawara, une porte de la cour de la mosquéeainsi une grande surface courbe. L'ensemble est entouré d'une enceinte forméed'une série de cônes reliés par un petit muret. Le minaret et la tourdu mihrab sedistinguent par leur taille, mais forment corps avec le bâtiment. L'intérieur estsombre et peu spacieux. La façade extérieure était peinte en blanc.Cette localité abritait peut-être une petite communauté dyula ; il est difficile dedater exactement la construction, qu'on situe généralement vers 1700. Kawara est

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l'une des rares mosquées anciennes conservées en Côted'Ivoire. Les autres ont étédémolies et remplacées par des constructions en ciment.Les mosquées du GhanaIl ne reste plus guère de mosquées de style soudanais au Ghana, peut-être unedemi-douzaine. Toutes les autres ont été remplacées par des constructionsmodernes. Elles marquent presque toujours une étape sur les pistescommercialesdu pays parcourues par les marchands duyla. Leur style présente de nettesanalogies avec celui de la Côte-d'Ivoire voisine, et surtout avec122

Bole (Ghana), mosquée du village, aile sudee<.4>ty123

celui de Kong les gros pilastres sont plus larges à la base et sont toujours reliéspar des troncs d'arbres posés à l'horizontale. Les tours du mihrab et le minaret ontla même forme pyramidale, et la mosquée est une structure compacte sans courintérieure. Un élément caractéristique des mosquées du Ghana est lemotifdécoratif, composé d'un jeu de losanges ou de triangles, qui surmonte la porte.Larabanga signifie « le village de l'arabe »: un commerçant arabe, qui aurait portéle nom d'lbrahim, s'était en effet installé à cet endroit. Les Duyla Kamara quihabitent la localité considèrent cet Ibrahim comme leur ancêtre,et la mosquée duvendredi s'appelle donc la mosquée d'lbrahim. On raconte qu'elle a été construiteen 1600, mais elle a probablement été restaurée à une date plus récente. Wapossédait une mosquée édifiée en 1801 avec l'autorisation de Kong, mais elles'effondra en 1960 et fut remplacée par une mosquée moderne.Le palais du chefdes Wala a emprunté certains thèmes à l'architecture de la mosquée, comme lasérie des pilastres pyramidaux et les motifs triangulaires au-dessus de la porte,mais il se développe davantage en longueur.P sPlan de la mosquée (relevé de 1981)Larabanga (Ghana), motif au-dessus de l'entrée124

Larabanga, la « mosquée de l'Arabe »125

III.-,~ I~\ 2

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Wa (Ghana), palais du chef des Wala Mosquée de village au Ghana Mosquée deBougamena (Binger 1892)126

Les nouvelles mosquées de la Côted'IvoireLes nouvelles mosquées ont été construites à l'emplacement des mosquéessoudanaises anciennes. Il reste parfois de ces dernières des documentsphotographiques qui permettent de s'en faire une idée. Fait surprenant, on retrouvedans certaines de ces mosquées le motif des trois tours sur la face de la qibla,typique de Djenné, mais ces tours sont généralement de forme conique, commecelles des anciennes mosquées bambara. En revanche, on ne saitrien sur l'originedu style des nouvelles mosquées, qui tirent parti des possibilitésdu ciment. Ils'agit vraisemblablement de formes rapportées de La Mecque parles pèlerins.Nouvelles mosquées de la Côte-d'Ivoire127

III. LA MAISON

La maison soudanaise de laMaison ancienne de Ségouboucle duNiger129

Le lecteur trouvera une destription générale de la maison soudanaise dans la partiede l'introduction qui lui est consacrée. Nous nous bornerons doncà présenterquelques exemples illustrés par des photographies. Il subsiste à Ségou, qui futautrefois la capitale du royaume bambara, plusieurs maisons anciennes auxstructures basses et massives, dont la facade à front de rue présente des nichesprofondes et des bas-reliefs d'un bel effet sculptural. La façade est coiffée d'unecrénelure dont les merlons rappellent ceux des maisons de Djenné. Au début dusiècle, ce style aux formes lourdes était aussi très répandu dans d'autres régions,comme les territoires du sud et la région de Bamako, et les façades étaient souventdécorées de motifs à caractère rituel.Des maisons à niches ou à décor mural extérieur figurent sur les photos d'archiveset sur un dessin que Binger a fait du village de Sanankoro. On y voit que la façadedes maisons est formée d'une série de petites niches semblables àcelles decertaines maisons dogon, et que les toits sont bordés de merlons enforme demitres. Il s'agit vraisemblablement des maisons de personnages importants ou demarchands,parce que toutes les autres habitations visibles à l'arrière-plan sont*des cases à toitde paille.La façade de certaines maisons soudanaises rappelle les traits du visage humain etprésente des similitudes frappantes avec les masques des peuples dogon etbambara. Le symbolisme va de soi, puisque nous savons par les maçons deTombouctou que la façade est le visage de la maison, dont la porte figure la

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bouche. La structure de la façade et ses éléments décoratifs varient selon lesrégions : ce sont tantôt des caissons superposés comme à Aka et Owa, tantôt unearcade sans aucune fonction d'appui, à peine ébauchée sur le mur, tantôt devéritables colonnades ou portiques. Un cas à part est celui de la maison,maintenant en ruine, qui fut construite en 1800 à Bandiagara pour Aguibon Tall,gouverneur toucouleur de la région de Djenné : elle a des motifs décoratifsdifférents de ceux des autres constructions de la région, elle présente desanalogies avec l'architecture de Tombouctou, et elle a des fenêtres de typemarocain. Ainsi que nous l'avons dit à propos de la mosquée, l'escalier qui mèneau toit ou à l'étage, à l'intérieur ou àl'extérieur de la cour est un thème architectural important qui seprête àd'innombrables variations : tantôt il est bordé d'une rampe unique,tantôt de deuxou de plusieurs rampes en angle droit, avec un garde-corps des deux côtés, ornéde motifs décoratifs et de niches.Les fenêtres, quand il y en a, sont de simples ouvertures dans le mur ou sontfermées par un claustra dans les maisons les plus récentes, celui-ci est en ciment.Les fenêtres des maisons anciennes sont en bois, de type marocain, avec ou sansimposte, ou avec une imposte de type européen. Les tuyaux d'évacuation des eauxde pluie sont soit en bois, généralement du bois de palmier soit en terre cuite et deforme cylindrique ; ce dernier modèle est très répandu dans les régions de Moptiet de Djenné. Les murs extérieurs de certains édifices sont creusés d'un canal dedescente vertical qui conduit les eaux vers un caniveau en bordure de rue. Le toiten terrasse est d'ordinaire muni d'un garde-corps. Les plafonds sont faits de troncsde palmier, qui résistent particulièrement bien aux termites, ou de simplesbranches. Le motif du plafond change avec la forme des pièces :130

Ségou, porte de l'école coraniquedans les pièces longues et étroites, les branches sont posées parallèlement au murle plus étroit de façon à relier les deux côtés les plus proches pour lespièces plusgrandes, il existe deux techniques, soit une poutre disposée au centre sur laquelledes branches prennent appui de part et d'autre, soit un système d'imbricationappelé tafarafara.L'intérieur des maisons est assez dépouillé et les seuls éléments décoratifs en sontles niches murales destinées à recevoir les lampes à huile, et parfois quelquespeintures murales. Les pièces sont souvent divisées par un arc quidélimitel'alcôve du lit - simple plate-forme de banco ou structure de bois - et une pièce deséjour Le mobilier est d'une grande simplicité : nattes simples ou décorées,cruches en terre cuite pour l'eau, calebasses accrochées au toitet utilisées commerécipients, couvertures de laine et de coton.

1. Maison bambara à Banankoro (Binger 1892) 2. Plan d'une concession dans unvillage duDelta

1'

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I/I[If1. Fa9ade de maison à Tombouctou ,. (Dubois 1897) ., . a2. Faade d'une maison dogon à SanghaI a1331 2

1 Façade de maison avec motifs à caissons(Lac Débo)2. Motifs à caissons de la maison du Fama toucouleur Agibou Tal à Bandiagara(Documentation Française)3. La maison d'Agibou Tail à Bandiagara ; à présent en ruine134

3 .~e \->\.~1int. if~.ft*I~4.21135

,,- ," . 1.2.3.4. Motifs å arcadesdans la région du lac6Débo136

137

Aka, façade de maison avec la structure d'un visage (lac Débo)r- -t-' t-2;'a4 ~7S~.%4~ ~-Vlu 2/ cssî&t<je- - --s.ï. ,,, M,,138

140

1. Maison de village dans la région de Djenné2. Masque bambara3. Façade avec la structure d'un visage à Dia4. Façade avec la structure d'un visage à

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Diafarabé>0'tNib ,~, '. - .. "''~' 'A'~

Maison de village à Bia (région de Niafunké)- ~t -~- Y ~;142

Bia, la maison avec le balcon à colonnes

1. Fenêtre2. Arcs à ogive dans la région de DjennéY*4.kA t.3. Utilisation décorative des briques dans l'escalier du toit (lac Débo)

145

2Y4,146

1.2.4.5. Escaliers du toit dans la région deDjenné et à Owa3. Utilisation décorative de la brique147

148

1. Plafond de type tafarafara2. Intérieur d'habitation fulbé avec lit en bois3. Descente d'eau du toit4. Canaux de descente å flanc de mur149

1.2. Fabrication de briques de banco3. Crépissage

~is~'i 1~U~ Types de crépis152

La maison de Traoré

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Dans un petit village sur la route de Mopti à Gao, habite un paysan bambara,Moussa Traoré, qui possède un don peu commun pour l'architecture et ladécoration. Moussa a bâti de ses propres mains une maison de type soudanais, quitranche par son originalité sur les autres maisons du village. Le plus étonnant estl'intérieur, que Traoré a entièrement décoré de basreliefs de couleurs vives, dont lasignification rituelle est évidente. On retrouve des décorations similaires dans lesfaçades des maisons des hommes bambara de la région de Bougouni.Malheureusement, la signification des motifs s'est perdue avec le temps. Depuisque la photographie a été prise, Moussa Traoré a encore ajouté d'autres édificesd'une grande richesse formelle au corps d'habitation principal.'wJ w1w~* . -,.....------Une chambre avec les niches décorées,.~- ,¶, t I ***

Vue extérieure de la maison de TraoréNiches décorées dans la maison de Traoré

155

IV. L'ARCHITECTURE BOZO

Les saho de Koakourou et deKolenzéLe saho « Jamonati » de Koakourou157

Toutes les traditions orales confirment que les Bozo furent les premiers habitantsdu Delta intérieur du Niger, et la meilleure preuve en est sans doute qu'aujourd'huiencore, ils sont les maîtres de l'eau et de la terre - même si, au fil des siècles, ils sesont mélangés à d'autres populations, tels les pasteurs fulbé et les paysansbambara. Il semble que les Bozo soient originaires du Mandé, nom usuel d'unterritoire à l'ouest du Delta qui correspond à l'antique Ghana ou àl'empire duMali, et qu'avant d'émigrer vers les plaines fertiles du Niger, ils aient habité desvillages en banco. Arrivés sur leurs nouvelles terres, ils s'installèrent dans deshabitations souterraines dans lesquelles on pénétrait par un puits,dont l'entréeétait cachée par des nattes et des feuillages et qui comprenaient une ou plusieurspièces souterraines communicantes. Le fait est confirmé par les traditions orales,qui disent que les Bozo « sont sortis du trou de Dia » et par la présence denombreuses habitations troglodytes dans l'ancien Soudan. Les Bozo vivaientprincipalement de la chasse et de la cueillette plus tard, ils pratiquèrent aussi lapêche. Nul ne sait pourquoi ils abandonnèrent ces habitations souterraines qui lesprotégeaient si bien des incursions des peuples voisins. On suppose qu'autrefois lelit du Niger se trouvait plus au nord, dans la région du lac Faguibine, etque leshabitations souterraines étaient devenues peu sûres en raison des crues quiaccompagnèrent le déplacement du fleuve vers son lit actuel. Une chose est

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toutefois certaine, c'est que sous la Dina, qui marqua la domination fulbé sur leDelta intérieur, les Bozo et les autres populations non islamisées de la régionfurent contraints à se regrouper en villages, et c'est sans doutede cette époque quedate leur sédentarisation. Pour pouvoir pratiquer la pêche, les Bozo devaient sedépla-cer fréquemment le long des rives du fleuve, au rythme des saisons, et ils furentamenés à établir aussi des campements saisonniers. Lorsqu'ils se groupèrent envillages, les Bozo entrèrent en contact avec l'architecture desautres peuples,notamment des Marka, et ils commencèrent à construire en banco dans le stylesoudanais. Le village Bozo ne diffère pas des autres villages de la région ; il est engénéral installé sur la rive du fleuve, ou bien il est relié au fleuve Niger par unaffluent. L'ensemble se présente comme un groupe de constructionsassezuniformes, réparties en quartiers, dont chacun est habité par un groupe ethniquedifférent. Le plus souvent les Bozo cohabitent avec les Somono et lesMarka. LesFulbé traversent la région pendant la saison de transhumance.De même, les campements sont installés au bord du fleuve, sur d'étroites languesde terre ; ils sont constitués de paillottes qui sont habitées pendantla saison dedécrue et immergées pendant la saison des hautes eaux. L'appellation de « Bozo »est d'origine bambara ; dans leur propre langue, les Bozo se désignent par lesnoms de Tiye, Tige ou Sorogo, selon qu'ils sont originaires des environs de Diaou de ceux de Djenné. Les Bozo sont connus dans toute la région du Delta pourleur talent de maçons, et ils exécutent aussi des travaux pour les autrespopulations. C'est probablement à l'époque de l'islamisation quecertains travauxmanuels furent assignés aux groupes restés animistes. C'est ainsi que les Bozo,bien qu'ils fussent les premiers habitants de la région, furent relégués dans un rôleassez ingrat. Ils participèrent à la construction de Djenné, où ilsformèrent lacorporation des maçons bari, et ce fut grâce à eux que se réalisa la synthèse destraditions architecturales locales et de l'apport maghré-bin véhiculé par l'islamisation. Les Nasire, les Kasinago et les Yéna sont troisgrandes familles de maçons dans lesquelles le métier se transmetde père en filsdepuis des générations. Etant donné que les Bozo, en leur qualité de premiersoccupants, sont les seuls à pouvoir communiquer avec les génies du lieu, ce sonteux qui choisissent l'emplacement de la nouvelle maison ou du nouveau village, etqui accomplissent les rites propitiatoires nécessaires.Si leurs maisons ne diffèrent pas de celles des autres populations,les Bozo sont debrillants constructeurs et leur créativité s'exprime surtout dans les saho, qui sontles maisons communautaires des jeunes.Les campements saisonniers ont souvent aussi leur saho, mais ce n'est qu'unesimple cabane sans signe distinctif, à l'écart des autres habitations. Dans lesvillages, en revanche, le saho est un véritable monument, au même titre que lamosquée, et l'un et l'autre dominent le reste des constructions, comme pourproclamer l'antagonisme des deux cultures, la traditionnelle et l'islamique. Toutcomme la mosquée, le saho est un centre de vie sociale, témoin de l'anciennetradition bozo qui veut que les jeunes hommes célibataires aillent habiter encommunauté vers l'âge de 13 à 15 ans, sous l'autorité d'un chef,pour recevoir uneinitiation sexuelle. Dans de nombreux villages, chaque quartier voulait avoir son

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propre saho ; les jeunes gens pouvaient d'ailleurs eux-mêmes enfaire la demande,mais la décision appartenait à la communauté toute entière. Avant de pouvoirconstruire le saho, les Bozo devaient cultiver un champ de riz spécial, apellé «sahontjé », dont la récolte était confiée au chef de la communauté des adolescents.Ensuite, les jeunes allaient demander au chef du village l'autorisation deconstruire le saho

- - - - - a - -- A ~ Iy - y - y - ~ - y *~ i -1 . Aile est du saho « Jamonati »2. Aile sud159

1. Plan du saho « Jamonati » (relevé de 1980)du village ou du quartier. L'autorisation étant donnée, la collecte des fondsnécessaires à la construction commençait, et tous les jeunes versaient leur quote-part. Le chef de la communauté des jeunes infligeait une amende à ceux quitentaient de se soustraire à cette obligation. Après la collecte des fonds, on partaitrassembler le bois de construction dans les environs et recruter unmaçon. Entre-temps, les adolescents préparaient déjà le mélange d'eau et d'argile pour le banco.On faisait d'ordinaire appel aux maçons de la région de Djenné pource genre detravail, car ils avaient excellente réputation. Avant le début des travaux, un vieilhomme du quartier déposait une brique sous le seuil d'entrée afin d'éloigner lessorciers et d'empêcher les jeunes filles d'introduire des objets magiques dans lesaho. Une fois la construction terminée et le banco séché, le chef de lacommunauté distribuait les chambres. Il n'habitait pas lui-même le saho, mais ilnommait un chef de saho, qui occupait une chambre à part avec le plus jeunegarcon. Le saho avait en outre une petite pièce où étaient conservés les tamboursde cérémonie de la communauté des adolescents. Le saho ne

1,2. Saho « Jamonati », arcs à ogive en 1959(photo Ligers) et en 19803. Arcs de saho dans un tabouret bozo161

Koakourou, saho « Bajon Kube»-. - ~- ,~.- ----~,~ -7a - 7162

Koakourou, ruines de saho ; '~~'.' Y' A~163

Kolenzé, le Niger vue du saho des Somonodoit pas être orienté vers un point cardinal précis, et son implantation estuniquement fonction de l'espace disponible dans le quartier C'esten général unédifice avec un étage surélevé, surmonté d'une terrasse bordée d'un garde-corps

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décoré et de troncs de palmier en saillie, à l'instar des maisons deDjenné. AKolenzé et Koakourou, deux des façades sont souvent décoréesde galeries àarcades. Les saho dominent les maisons du village et se voient de loin. L'intérieurest divisé en une série de chambres avec des lits en banco, et présente desdécorations murales dont les motifs sont inspirés de la pêche ou sont dessymboles sexuels. Les niches pour les lampes à huile sont un trait caractéristiquequi se retrouve encore dans beaucoup de saho. A l'extérieur, lessaho sedistinguent des autres habitations par leurs bas-reliefs, qui représentent dessymboles phalliques ou d'antiques motifs rituels, dont la signification s'est perdue.On ne construit plus de nouveaux saho depuis longtemps, et ceux quirestent sontlaissés à l'abandon ou défigurés par un entretien sommaire. C'est ainsi quebeaucoup de bas-reliefs ont disparu sous une épaisse couche debanco et que beaucoup de fenêtres ont été murées faute d'artisans capablesd'effectuer le délicat travail de restauration. Cette dégradation est attestée par desphotographies prises à des moments différents. L'institution du saho est sansdoute vouée à disparaître avec l'avancée de l'islam, car la religion musulmane voitd'un mauvais oeil la persistance des traditions anciennes, et surtout de celles quicomportent une certaine liberté sexuelle. Mais la disparition des saho s'expliqueaussi par les bouleversements qu'a subis la civilisation africaine au contact dumonde occidental.Il reste encore à Koakourou deux saho en bon état, et un autre en ruine. Enparcourant la région en 1969, nous avons eu l'occasion de voir un autre grandsaho, déjà en ruine, au centre du village, qui est probablement celui de la photoprise par Ligers en 1959. Kolenzé possède sept saho, tous occupés, mais dontquelques-uns sont malheureusement assez mal entretenus. Lessaho deKouakourou et de Kolenzé présentent des caractéristiques similaires et c'estincontestablement dans cette région que ce type d'architecture monumentale est lemieux représenté. Le plus grand saho de Koakourou portele nom de Bayon Kube, et on prétend qu'il aurait été construit dans les années 20.Les sept saho de Kolenzé sont répartis comme suit : deux dans le quartier Marka,trois dans le quartier Somono (dont le saho des forgerons), et deuxdans lequartier Bozo.

Kolenzé, saho du quartier marka, dit « Sénégal »-~~ ~ 1~ ~- - k k,\ ~ ~,t ~¾ ~5t. -'p ~ - -' s, ~ ~-s -k - S ~165

Kolenzé, saho du quartier marka. A noter, les réparations sommaires et l'étatdéplorable du crépi

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Kolenzé, saho du quartier somono, dit « Bakijon »167

Kolenzé, saho du quartier bozo

Kolenzé, saho du quartier des for gerons169

1. Saho du quartier somono 2.3. Plans typiques de saho2 f170

Kolenzé, saho du quartier somono, dit « Maison fu de Kadia »

172

Détail des fenêtres du saho « Maison de Kadia » Fenêtre de saho173

- ~ p,,-q174

1.2.3.4. Niches pour lampes à huileKolenzé, façade de maison175

Kolenzé, intérieur d'une maison176

Autres sahoSaho d'Aoré (région de Niafunké)177

Plan du saho d'AoréLes saho de la région en aval du lac Debo ont d'autres caractéristiques que ceuxde la région de Djenné. Ce sont en général des édifices à plan rectangulaire, sansarcades et sans étage, qui ne se distinguent des autres maisonsde style soudanaisque par la décoration très élaborée de la façade et par leurs dimensions. Lesdécorations consistent le plus souvent en niches qui mettent en valeur lespossibilités de la brique. La structure intérieure est plus simple et consiste en unesérie de chambres. La seule exception est le saho de Bia, qui rappelle le style deKolenzé avec ses colonnes et ses arcs.Détail d'un saho à Bia (région de Niafunké)178ECZ

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Saho de Bia179

Saho , Diafarab6 (Documentation Francaise)Saho somono (Mage 1868)180

Pêcheurs bozo........................................:! t - '<4 *44*4~ \ - 181

CARTESCarte de l'Afrique avec l'aire de diffusion de l'architecturesoudanaise

Le royaume de Ghana et l'empire du MaliL'empire Songhay et la Dina fulbé

Pistes et voies de communication dans l'Antiquité184

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Comment construire au Sahara Cahiers du centre scientifique et technique dubâtiment 32, 1958 COUTOULY FEnquête sur l'habitation Gourounsi Revue anthropologique 41, 1931 CREACHPaulNotes sur l'art décoratif architectural Foula du Fouta Djalon Comptes rendusConf. des africanistes de l'Ouest 11, 1951CREMER JeanLes Bobo,Geuthner, vol. 3e, Paris 1924 CRESSWELL R.L'habitation indigène Techniques et architectures 11, 5-6, 1952CUOCQ Joseph M.Recueil des sources arabes concernant l'Afrique occidentale duVIII au XVIOsiècleMaisonneuve, Paris 1975 DAMANN ErnestBeitrage aus arabischen Quellen zur Kenntnis der negritischen Afrika KolnDüsseldorf 1930DA VIES OliverWest Africa before the europeans Methuen & Co, London 1967idemTimber construction and wood carving in West Africa in the second 1000 BCMan New series 2, 1967 DELAFOSSE MauriceHaut Sénégal Niger Maisonneuve Larose, Paris 1902 idemLes liaisons du Maroc avec le Soudan à travers les âges Hesperis 2 trim.1924DELMOND P.Dans la boucle du Niger, Dori ville peule Mélanges ethnologiques, Mem.IFAN23, Dakar 1953DENEYER SusanAfrican traditional architecture London 1978DE PANISSE H.Habitat et urbanisme dans les territoires français d'Outre-mer L'économie del'union française d'Outre-mer, Paris 1952DÉSIRÉ VUILLEMIN G.Les capitales de l'Ouest africain, villes modernes Institut pédagogique national,Paris 1963 DESPLAGNES Louis Le plateau central nigérien Larose, Paris 1907DIETERLEN GermaineContribution à l'étude de l'architecture traditionnelle en Afrique noire Présenceafricaine, Paris 1967 idemMythe et organisation sociale en Afrique Occidentale Journal de lasociété desafricanistes 29, 1959idemContribution à l'étude des relations entre le Mandé et l'actuel Ghana 1975DIOP Ch. AntaL'Afrique noire pré-coloniale Présence africaine 1960DRESCH JeanVilles d'Afrique occidentale Cahiers d'Outre-mer 3, 1950 DREW J. B. FRY E.Village housing in the tropics with special reference to West Africa London 1947

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DREYFUS J.Notes sur l'utilisation du béton de terre et du béton de terre stabilisé BULL IFAN(B) 14 3, Dakar 1952 DUBOIS FélixTombouctou la mystérieuse Flammarion, Paris 1897186

idemNotre beau Niger Paris 1911DUPUIS YACOUBA A.Industries et principales professions des habitants de la région de TombouctouLarose, Paris 1921idemNotes sur Tombouctou Revue d'ethnographie et de sociologie, 1 (1910), 4 (1913),5 (1914)ECHARD NicoleHabitat traditionnel dans l'Adrar L'homme 7, 3, 1967 EMERIT MarcelLes liaisons terrestres entre le Soudan et l'Afrique du Nord TIRS11, 1954ENGESTROM TorContribution à la connaissance des styles de construction au SoudanEthnos 20,1955idemNotes sur les modes de construction au Soudan Statens etnografiska museum,mém. 26, Stockholm 1957 idemOrigin of pre-islamic architecture in West Africa Ethnos 24, 1-2,1959idemWall decorations of the Oualata type in Bamako Ethnos 21, 1956 ES SADITarikh es Sudan Maisonneuve, Paris 1964 FASASSI Masudi AlabiL'architecture en Afrique noire Maspero, Paris 1978 FIEDERMUZ LAUNAnnemarieArchitekturforschung in Obervolta und ihre Ethnologische Aussage Paideuma 29,1983 FROBENIUS HermanAfrikanische Bautypen Dachau 1894idemDie Erdgebâude im Sudan Sammlung Wissenschaftlicher Vortrger vol 11, 1897idemDie Moscheebauten im Sudan U. Eyraud 1896idemKulturgeschichte Afrikas Phaidon Vg., Zrich 1933 idemKulturgeschichte Afrikas. Prolegomena zu einer historische Gestaltlehre PhaidonVg., Zrich 1954idemMonumenta Africana, der Geist eines Erdteils Erlebte Erdeteile, Ergebnisse einesDeutschen Forscherlebens Bd.6, 1929 idemDas Unbekannte Afrika0. Beck, Mûnchen 1923idem

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Und Afrika sprach Vita, Berlin 1912 FROELICH J. C.La tribu Konkomba du nord Togo IFAN Mem.37, Dakar 1954 idemNiani, ancienne capitale de l'empire du Mali Recherches africaines1, Konakry1969 GALLAIS JeanLe delta intérieur du Niger IFAN Mem. 79, 2 vol, 1967 idemLa signification du village en Afrique soudanienne de l'Ouest Cahiers desociologie écon. 2, Le Havre 1960 GALLIENI le CommandantVoyage au Soudan français Hachette, Paris 1885 GALLOY P.V. et autresNomades et paysans d'Afrique noire occidentale Annales de l'est,Université deNancy, Mém.32, 1963 GANA Y Solange deL'origine de quelques noms de villages au Soudan Annales Géogr. 52, 1943GAROI RenéMaisons africaines Elsevier 1974 GERBEAU H.La région de l'Issa Ber MEAN Bamako 1959 GLUCK JuliusAfrikanische Architektur Tribus 6, 1956 idemGold coast architecture West African review, 15 March 1944 GOL VIN LucienEssai sur l'architecture religieuse musulmane Klincksieck, Paris1970 GRIAULEMarcelMasques Dogon Institut d'ethnologie, Paris 1963 idemLes constructions dogon Sciences et voyage, Janv. 1942 GROVE D.andHUSZAR L.The towns of Ghana Ghana university press 1964 GRUNER DorothéeDer traditionelle Moscheebau am Mittleren Niger Paideuma 23, 1977 GUIDONIEnricoArchitettura primitiva Electa, Milano 1975 HAAN HermanThe Dogon an the Tellem Pedestrian and the city, Elek books, London 1965HABERLAND EikeWest African architecture African arts 1, 1981187

L'Habitat en Côte-d'Ivoire Chroniques d'Outre-mer 22, 1956L'habitat traditionnel en Afrique Bibliographie Sécrétariat desmissionsd'urbanisme, Paris 1976Habitat, urbanisme, architecture en Afrique Jeune Afrique numérospécial, juill.1970 HASELBERGER HertaLes anciennes constructions dans la falaise de Niansoroni Notesafricaines 115,1967 idemArchitekturskizzen aus der Republik Mali- DIAFE 1903-1909 Int.Archives ofEthnography, Leiden vol 50 2, 1966 idemBautraditionen der westafrikanischen Negerkulturen Herder Vg, Wien 1964 idemDer Bauvorgang der westlichen Guinealânder Zeitschrift for Ethnologie 88 2,1963 idemBemerkungen zur Kunsthandwerk im Podo Baessler Archiv NF 13, 1965 idemBemerkungen zur Kunsthandwerk in der Republik Haute Volta Zeitschift firEthnologie 94 2, 1969 idemLe décor mural chez les noirs de l'Ouest africain Africa Tervuren 9 3, 1963 idem

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Essai de classification des différents styles de décor mural en Afrique. Notesafricaines 106 avr, 1965 idemWandmalerei gravierter und modellierter Wandschmuck Int Arch. für Ethnologie,Leiden Bd 49 2, 1960 idemGemalter gravierter und modellierter Bauschmuck in Dahomey Tribus, Sept 1961idemDie Wandmalerei der afrikanischen Neger Zeitschrift fïr Ethnologie Bd 82 2,1957 idemLe tata de Samory en 1886-1887 Notes africaines 114, avr 1967 idemStammeskunst und Kunsthandwerk zwischen Kayes und Sofara Zeitschrift furEthnologie 99 idemQuellen zur Kunstgeschichte von Mali Festschrift Walter Hirschberg, Wien 1969HAYWOOD A.H.W.Through Tumbuctu and across the great Sahara London 1912HEYTE G.Le pays Bobo Oulé de la rive droite du Bani des cercles de San Mémoireinéditpour le MEAN 1958-59 HULL RichardAfrican cities and towns before the European conquest Northon and Co. NewYork 1976 IBN BATTUTAVoyagesMaspero, Paris 1982JACQUES MEUNIE D.J.Cités anciennes de Mauritanie Klincksieck, Paris 1961 idemCités caravanières de Mauritanie Journal de la société des africanistes 27, 1957KAMAL YossoufMonumenta cartographica Africae et Aegypti Le Caire 1926-51, 5 vol. KANEE.R.La disposition des cases des femmes dans le carré du mari communBull IFAN26, 1945 idemLe « guibla » et l'islam soudanais Bull.Com.Et.Hist.et Scient. AOF, 1934KULTERMANN UdoNeues Bauen in Afrika Tbingen 1963 LABOURET HenryLes tribus du rameau Lobi Trav. et Mém. Institut d'ethnologie 15, Paris 1931idemNouvelles notes sur les tribus du rameau Lobi Mémoires IFAN 54, Dakar 1958idemPaysans d'Afrique Occidentale Gallimard, Paris 1941 idemAfrique occidentale et équatoriale (dans: L'habitation indigène dans lespossessions françaises) Société d'éditions géographiques, maritimes et colonialesLAGOPOULOS A.P.Semiological urbanism, an analysis of traditional West sudanesesettlementsidemL'influence des conceptions cosmiques sur l'urbanisme africain traditionnelEkistics 33, febr. 1972 LAWRENCE A. W.Trade castles and forts of West Africa J.Cape, London 1963 LEBEUF Jean-Paul

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Architecture africaine traditionnelle Colloque du 1er festival mondial des artsnègres Présence africaine, Dakar-Paris 1967 LEBLANC ColetteUn village de la vallée du Sénégal Cahiers d'Outre-mer 17 66, 1964 LEIRISMichelFaîtes de cases des rives du Bani Minotaure 2, 1933 LE MOAL GuyLes habitations semi-souterraines en Afrique de l'Ouest Journ.de la société desafricanistes 30, 1960 LENZ OskarTimbuktu. Reise durch Morokko die Sahara und der Sudan Leipzig 1884, 2 volLÉONE AFRICANO Descrizione de l'Africa in . G. Ramusio Delle Navigattioniet viaggi I Giunti, Venezia 1613188

LIGERS Z.Les sorkoLibrairie des 5 continents, Paris 1967 LOTHE AndréLes limites de l'empire du Mali et la route de Gao à l'Air Bull IFAN B, Dakar1956 MAGE E.Voyage dans le Soudan occidental 1863-1866 Hachette, Paris 1868MAHAMOUD KATITarikh el Fettach Maisonneuve, Paris 1980 MALLOWS E.W.Gli schemi di insediamento preeuropei a sud del Sahara Edilizia moderna, Milano1967 MARC L.Le pays Mossi Larose, Paris 1909 MARLES E.FMosques in Ghana University of Ghana, Legon 1967 MATTEWS JohnA voyage to the Sierra Leone 1788 Repr. F. Cass, London 1966 MAUNYRaymondTableau géographique de l'Ouest africain au Moyen Age IFAN mém.61 Dakar1961 idemNotes d'archéologie sur Tombouctou Bull IFAN 3, Dakar 1952 idemNiches murales dans la maison fouillée à Koumbi Saleh Notes africaines, 1950idemLa tour et la mosquée de l'Askia Mohammed à Gao Notes africaines, 1941MCINTOSH R.J.Square huts in round concepts Archeology 29 2, 1976 MEILLASSOUX ClaudePlans d'anciennes fortifications (tata) en pays Malinké Journ. Société desafricanistes 26 1, 1966 MEKKAWI M.Bibliography of muslim architecture in Africa Enc. Egyptienne, Paris 1958 idemBibliography of traditional architecture in Africa Howard university, Washington1978 MENIAUD J.Sikasso ou l'histoire dramatique d'un royaume noir Paris 1935MINER H.The primitive city of Timbuctoo New York 1965 MICHELL GeorgeArchitecture of the islamic world Th. Hudson, London 1978 MONOD T.Sur quelques détails d'architecture africaine Acta tropica separatum vol 4 .4, 1947MONTEIL CharlesMonographie du cercle de Djenné Tulle 1903

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idemUne cité soudanaise, Djenné métropole du delta central du Niger Anthropos, Paris1971 idemLe village africain de l'Ouest Bull IFAN B, Dakar 1965MONTEIL VincentL'islam noirSeuil, Paris 1964 MORTON W.Some factors in the location, growth and survival of towns in W.Africa UCKOTringham Dimbleby 1972N'DIAYE FrancineContribution à l'étude de l'architecture Dogon Objets et mondes 123, Paris 1972NICHOLAS GuyUn village Bouzou du Niger Cahiers d'Outre-mer 15 58, 1962 OLIVER PaulShelter in Africa B & J, London 1971PAOUES VivianaQuelques notes sur l'habitation dans le cercle de Bougouni Notes africaines, 711956 idemL'arbre cosmique dans la pensée populaire et dans la vie quotidiennedu NordOuest Africain Institut d'Éthnologie, Paris 1964idemL'estrade royale des Niaré Bull IFAN B 15, Dakar 1953 PEFONTANHistoire de Tombouctou : de sa fondation à l'occupation françaiseBull. comm. et.hist. et scientifiques AOF 7, 1922 PIEGEA Y C.La fabrication des briques et tuiles Outre-mer BCEOM, Paris 1953POTENTIERP.L'habitat Temné (Sierra leone) Notes africaines 61, janv 1954 POUJADELa case décorée d'un chef du Fouta Djalon Paris Djbouti 1948 PRADEAUChristianÉtude sur l'habitation collective Dagari Journal de la société des africanistes 45 1-2, 1975 PRUSSIN LabelleArchitecture in Northern Ghana University of California Press 1969idemThe architecture of islam in West Africa A frican arts 1,2, 1968 idemContribution à l'étude du cadre historique de la technologie de la constructiondans l'Ouest Africain Journal de la société des Africanistes 40,2,1970189

idemIndigenous architecture in Ghana Arts and architecture 82, 12, 1965 idemSudanese architecture and the Manding African arts 3,4, summer 1970 idemWest Africa mud granaries Paideuma 18, 1972idemAn introduction to indigenous African architecture Journal of the society ofarchitectural historians, 1974 idemThe architecture of Djenné Synthesis and transformation Diss. YaleUniversity1974 idem

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Architecture in Africa, an annotated bibliography (with LEE D.) Africana Iibraryjournal 4,3, 1973 PUIGANDEAU 0. duL'architecture maure Bull IFAN B 22 1960 idemContribution à l'étude du symbolisme dans le décor mural de Oualata Bull IFANT 19 B 1-2, 1957 SAVONNET G.Notes sur quelques ruines situées dans la région de Léo Notes africaine 71, 1956SCHA CHTSur la diffusion des formes architecturales religieuses musulmanes à travers leSahara Trav. recherche Institut recherches sahariennes 10, AlgerSCHRECKENBACH HannahVolksarchitektur im Nord Ghana Baumeister 2 Febr. 1969 SIDDLE D.J.The evolution of rural settlements in Sierra Leone circa 1400 to 1968 SierraLeone geographical journal 13, 1969idemWar towns in Sierra Leone Africa 38 1, 1968 SMITH FredGurensi wall painting African arts 11,4, 1978SPINI Tito e SandroTogu-naElecta editrice, Milano 1976SPINI Sandro-LOCATI AnnalisaI bozo del Niger : insediamento e architettura Storia delta citta, n.25, gennaiomarzo 1983idemBozo, una proposta di lettura per immagini di una comunità africana Edifoto,Milano 1978 (suppl. : La fotografia italiana) SPINI Tito-ANTONGINIGiovannaAbitare Dogon abitare Lobi Materiali, Matera 1978 idemPresenze e oggetti, la costruzione dell'ambiente dei Lobi Storiadella città 14,1980 idemIl cammino degli antenati Laterza, Bari 1983 STEVENS P.F,Aspects of muslim architecture in the Dyula region of Western SudanLagosinstitute of West African studies, University of Ghana 3, 1968 THOMASSEYPaulNotes sur la géographie et l'habitat de Koumbi Saleh Bull IFAN Dakar 13, 1951TRAORE A.Les ruines du tata de Koniakari Notes africaines 53, 1952 TRIMINGHAMSpencerA history of islam in West Africa Oxford Un. Press, London 1959 URVOY Y,L'art dans le territoire du Niger Études nigériennes 2, Dakar 1955 VAN EYCK A.A miracle of moderation (meaning in architecture) J and B, New York 1970VENNETIER PaulLes villes d'Afrique tropicale Masson, Paris 1976 VERHAEGEN P.Le problème de l'habitat rural en Afrique noire CEDESA, Bruxelles 1960VILLIEN ROSSI M.L.Bamako, capitale du Mali Cahiers d'Outre-mer 16, 64, 1963 WATERLOT E.G.Les bas-reliefs des bâtiments royaux d'Abomey Trav. et mém. de l'institutd'ethnologie, Paris 1926 WIESCHOFF H.

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Afrikansche Architektur, Bilderbuchblatt Mitteilungen Forschungsinst. fürKulturmorphologie Beibl. 7, Frankfurt 1935 ZAHAN DominiqueL'habitation Mossi Bull IFAN 12, Dakar 1950 ZIEGFELD A. and VONWILMR.Speicher zur Nahrung Atlas afrikanus edited by Frobenius Bd. 2,Mnchen 1922

TABLE DES MATIERES5 Préface6 Avant-proposINTRODUCTION 9 Géographie13 Histoire 18 Caractéristiques et évolution de l'architecture soudanaiseI. LA VILLE 31 Les villes de l'antiquité35 Les fortifications 41 Djenné 57 Mopti 67 Tombouctou 77 Gao81 AgadèsIl. LA MOSQUEE 85 San90 La mosquée soudanaise de la boucle du Niger 112 Les mosquées périphériquesIII. LA MAISON 129 La maison soudanaise de la boucle du Niger153 La maison de TraoréIV ARCHITECTURE BOZO 157 Les saho de Koakourou et de Kolenzé177 Autres saho182 Cartes 185 Bibliographie191

Achevé d'imprimer par Corlet, Imprimeur, S.A.14110 Condé-sur-Noireau (France)NO d'Imprimeur : 4727 Dépôt légal : juin 1989Imprimé en C.E.E.

OAN/oEANJE-AFIQUE NOIRE9 EAST 38TH ST. NY, NY 10016 PHONE 212-779-0486

ARCHITECTURE SOUDANAISEVitalité d'une tradition urbaine et monumentale Mali, Côte-d'Ivoire, Burkina Faso,GhanaDe vraies villes en des vastes étendues de sable, ou en des savanesdésertiques !Cette présence a toujours intrigué les voyageurs et les explorateurs de l'ancienSoudan, et des noms comme Tombouctou ou Ma/i évoquent l'existence fabuleused'anciens empires africains où selon les chroniques arabes « ...l'or poussaitcomme des carottes... ».Quel est aujourd'hui l'héritage de cette architecture urbaine et monumentale ?Bien plus qu'un simple vestige du passé, l'« architecture soudanaise » est toujoursextrêmement vivante et profondément enracinée dans les traditions locales. Leseul danger qui la menace est l'architecture imposée par la présence européenne.Ébloui par cette architecture née de la terre, l'auteur a cherché aucours de douzeannées d'études et de recherches à approfondir ses connaissances et àcommuniquer le sens et la portée de ces ouvres d'art. Une imposante

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documentation photographique, qui est le résultat d'un long travail de repérage surplace, apporte une image vivante de cette réalité d'hier et d'aujourd'hui dans toutesa richesse.Il était temps de sensibiliser l'opinion publique et d'attirer l'attention sur ceprécieux patrimoine de la civilisation africaine afin d'en assurer la conservationavant qu'il n ait disparu à jamais.SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRARIES3 9088 00663 1527Sergio Domian est né à Fiume en 1932 et a reçu une formation artistique etlinguistique à Venise et à Milan.Il a participé à de nombreuses expositions d'art en Italie et à l'étranger. En 1974, ila été un des fondateurs du groupe « SCHEDE » qui a réuni dans un travailcollectif quatre-vingts des plus importants artistes européens. Dans les années 60,au cours de voyages en Afrique, il est entré en contact avec l'art etla civilisationafricaine.Depuis 1975 l'examen de l'architecture traditionnelle de l'ancien Soudan au Mali,au Burkina Faso, en Côte-d'Ivoire et au Ghana, le répertoriage de ses richesses, larecherche de documents et l'exploitation des sources lui ont permis de constituerun fond documentaire important.Le fruit de ses travaux a été présenté à l'occasion de rencontres internationales surla civilisation africaine.En 1981, il a participé à l'exposition « Architectures de terre » du CentrePompidou. Il est membre de la Fondation culturelle CEE-ACP de Bruxelles.Couverture Saho, dit « Maison de Kadia », Kolenzé (Mali).ISBN: 2-7384-0234-8