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soutenance de thése IPD du 8 Décembre 2011 Les avocats Barreau de Marseille SOUTENANCE DE THESE MS INGENIERIE PATRIMONIALE DU DIRIGEANT Jean-Christophe Bourgoin

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soutenance de thése IPD du 8 Décembre 2011

Les

avocats Barreau de Marseille

SOUTENANCE DE THESE MS INGENIERIE PATRIMONIALE DU DIRIGEANT Jean-Christophe Bourgoin

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ENGAGEMENT PERSONNEL

« Je soussigné, Monsieur BOURGOIN Jean-Christophe, certifie que le contenu de

cette thèse est le résultat de mon travail personnel. Je certifie également que les

données, les raisonnements, et les conclusions empruntées à la littérature existantes

sont exactement rapportés, cités et mentionnés, en particulier dans la partie Référence.

Je certifie finalement que cette thèse professionnelle totalement ou partiellement, n’a

jamais été évaluée auparavant, et n’a jamais été éditée ».

Fait à MARSEILLE

Le 07 Octobre 2011.

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Réflexion sur le LBO en période de crise : handicap ou retour sur les

fondamentaux créateurs de valeur pour l’entreprise

__________________________________________________________

SOMMAIRE

__________________________________________________________

Introduction

1. Le LBO en période de crise : un possible handicap pour

l’entreprise.

1.1 Le Small-Caps à la française : une approche plus « bancaire » que financière.

1.2 Les fonds d’investissement et les banquiers face à des logiques contradictoires.

1.3 Une fragilité « génétique » du LBO renforcée par la crise.

2. Le LBO en période de crise : un retour sur le fondamental créateur

de valeur.

2.1 Le LBO pendant la crise ou un retour imposé sur les fondamentaux.

2.2 L‘ingénierie juridique, financière et fiscale au service d’un projet stratégique.

2.3 Le LBO au cœur de la crise ou comment replacer le capital humain au cœur de

l’entreprise.

Conclusion

Annexes

Bibliographie

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Réflexion sur le LBO en période de crise : handicap ou retour sur les

fondamentaux créateurs de valeur pour l‘entreprise

_________________________________________ Remerciements

_________________________________________

A l’issue de ce travail, des différentes recherches et échanges qui y ont été nécessaires

et du nouveau regard sur le LBO qu’il aura je l’espère, apporté, je tiens à remercier en

particulier :*

Monsieur Philippe PETTINI,

Directeur Régional Sud-Méditerranée Banque Palatine pour m’avoir non seulement

accompagné dans mon désir d’enrichissement intellectuel mais aussi encouragé à

effectuer une formation qui pourrait, à terme, donner un nouvel élan à ma carrière.

Monsieur Nicolas BELLEVILLE,

Directeur CIC Banque Privée Marseille, comme professionnel pour la qualité de ses

cours sur la transmission d’entreprise, et plus spécialement comme directeur de thèse,

pour m’avoir orienté dans ce travail.

Monsieur Yves PEROY,

Membre du comité exécutif en charge de la direction corporate finance, pour sa

disponibilité et la qualité de son interview qui m’a permis de toucher plus rapidement

la réalité de ce montage particulier qu’est le LBO.

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Monsieur Charles Dhiel,

Partner Activa Capital, Capital-risque et fonds LBO, pour l’intelligence, l’objectivité

et la profondeur de son témoignage sur la réalité du métier des fonds d’investissement

sur la place.

Monsieur Jean-Mathieu Sahy,

Dirigeant Capital Export, fond d’investissement dédié aux PME exportatrices, pour le

courant d’affaire qu’il développe avec notre établissement en général et pour la vision

sans concession de la position toujours « fragile » du banquier au sein d’un LBO

défaillant.

Monsieur Bertrand Religieux,

Dirigeant du fond Régional Soridec, pour sa vision si opérationnelle des spécificités

de son métier, au service du business mais aussi d’une vocation « humaine et sociale »

orientée vers le développement de la cité et des hommes qui la compose. Je souhaite

que notre rencontre professionnelle qui nous a déjà permis de travailler sur un premier

dossier avec la banque s’inscrive dans le temps et se développe.

Monsieur Luc Ghia,

Directeur de la Succursale Mixte de Montpellier et ami, pour nos longs échanges

concernant le marché de la PME et mon sujet, ce qui m’a permis, je l’espère, de ne

jamais m’égarer.

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Réflexion sur le LBO en période de crise : handicap ou retour sur les

fondamentaux créateurs de valeur pour l’entreprise

Introduction

__________________________________________________________

Notre économie de marché traverse actuellement la crise financière la plus violente de

ces cinquante dernières années. Au plus fort de cette crise, nombreux sont les

spécialistes de la place qui ne donnaient pas cher de la survie des entreprises sous

LBO1.

Près de trois ans après le déclenchement de cette crise, les Cassandre ont eu tort : les

transmissions d’entreprise avec financement bancaire (LBO) n’ont ni engendré, ni

alimenté la crise financière, ni provoqué la faillite en cascade d’entreprises

surendettées.

L’étude AFIC2/OPINIONWAY - LBO en difficulté : Etat des lieux à fin 2010

démontre en effet que plus de 80 % des participations sous LBO n’ont pas de

problème de dette. Si les entreprises sous LBO ont souffert comme toutes les autres

durant la crise, l’emprunt bancaire d’acquisition ne s’est pas transformé, comme

beaucoup le prédisaient, en une charge mortelle pour l’entreprise. Selon cette même

enquête menée pour le compte de l’AFIC, seulement 22,8 % des entreprises sous LBO

n'ont pas pu respecter leurs covenants financiers. Le champ de l’enquête couvre 968

sociétés sous LBO cumulant 73 % du total des montants investis sur la période 2003-

2008. Et sur les 220 entreprises concernées, seules 135 n'ont pas respecté l'échéance et

14 seulement ont déposé le bilan.

____________________________________________________________________

1. Définition du LBO, Jean-Louis de BERNARDY, Président de la Commission LBO

de l'AFIC : Le « leverage buy-out » ou « prise de contrôle avec effet de levier », en

abrégé LBO, est une technique qui permet de financer la transmission d'une entreprise

à ses dirigeants salariés, ou à un repreneur extérieur, en s'appuyant sur des

investisseurs spécialisés et des banques.

2. L’AFIC : L’Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC) regroupe la

quasi-totalité des professionnels du capital investissement en France. Elle

accompagne et facilite la croissance rapide du capital investissement en France.

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Mieux encore, la crise aura eu le mérite de mettre en lumière les excès de certains

montages afin de pousser chacun à revenir à des pratiques plus raisonnables, à des

fondamentaux. La crise aura même été pour les plus entreprenants une source

d’opportunités pour acquérir une entreprise au meilleur prix.

Cette information est d’importance car depuis « la bulle internet » de l’an 2000, ces

dernières années ont vu l’explosion des montages à effet de levier que sont les LBO.

Ce phénomène partit des Etats-Unis dans les années 80 s’est rapidement propagé en

Europe et sur l’ensemble de la planète pour ouvrir la place à des « deals » de plus en

plus nombreux et de plus en plus importants, les « méga-deals ».

Dans le cadre de cette thèse professionnelle, nous examinerons plus spécifiquement la

PME3 de taille nationale non cotée, au cœur de notre activité de banquier dans une

structure de gestion patrimoniale au service du dirigeant d’entreprise.

En effet, l’économie française est caractérisée par le poids élevé de PME (2 088 000-

Source : DGI – INSEE- « l‘importance des PME dans l‘Economie Nationale ») à

l’actionnariat souvent familial. Ainsi, on sait depuis longtemps que le principal

handicap de la structure productive française est sa faiblesse en PME de 500 à 2 000

salariés. Les problèmes de succession et de pérennité du contrôle ou de transmission

se posent alors avec une acuité toute particulière, à l’heure de l’arrivée à la retraite des

entrepreneurs du baby-boom. Phénomène National, en raison du vieillissement

démographique sur un horizon de 10 à 20 ans, un tiers des chefs d’entreprise auront

plus de 50 ans et sont donc susceptibles de céder leur entreprise.

_____________________________________________________________________

3. Source INSEE : la catégorie des petites et moyennes entreprises (PME) est

constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes, et qui ont un chiffre

d'affaire annuel inférieur à 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas

43M€. C’est par le décret d'application (n°2008-1354) de l'article 51 de la loi de

modernisation de l'économie, que l’on détermine la catégorie d'appartenance d'une

entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

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Au total, ce sont environ 700.0004 entreprises qui risque de changer de main et 99,5%

sont des PME (au sens de la définition de l’INSEE). Les LBO se retrouvent donc face

à un marché potentiel colossal.

Auparavant, le marché des transmissions concernait essentiellement les sociétés

cotées ou qui intéressaient directement des acteurs industriels, autant dire une

minorité de sociétés. Le capital-investissement a en ce sens véritablement ouvert un

nouveau marché qui permet aux entrepreneurs de vendre leur société, même de taille

modeste. Et ce d'autant plus que cette technique financière d'acquisition d'une société

avec effet de levier présente un avantage incontestable dans la sphère des reprises

d'entreprise. Le LBO offre en effet la possibilité à des cadres dirigeants d'acquérir une

société avec peu d'apport personnel. Schématiquement, l'acquisition du repreneur est

financée par un emprunt bancaire dont le coût est inférieur au taux de rentabilité

attendu par l'entreprise achetée. Les banques ont donc un rôle central dans la mesure

où elles structurent l'opération de LBO tout en participant à son financement.

Mais qu’elle a bien pu être alors l’erreur de tous ces spécialistes et pourquoi le LBO

qui semblait porter en lui les germes de sa propre perte a t-il si bien résisté à la crise?

La meilleure réponse, nul ne peut en douter, ne pouvait venir que des principaux

intéressés et toute cette réflexion aurait eu moins de crédibilité ou certainement moins

de relief sans le témoignage de ceux qui sont quotidiennement au cœur du LBO,

témoins concrets et porteurs de vérité des impacts de la crise face au marché du «buy

out ».

4. les rapports du Conseil d’analyse économique : Elie Cohen et Jean-Hervé Lorenzi -

Politiques industrielles pour l’Europe -8 juin 2000- Jean-Paul Betbèze et Christian

Saint-Etienne - Une stratégie PME pour la France - 13.07.06

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Ainsi, nous disposerons de l’ « interview » d’ Yves Péroy, Membre du Comité

Exécutif en charge de la Direction « Corporate Finance » Palatine, qui structure et

finance les opérations de LBO, du point de vue de Philippe Pettini, Directeur

Régional Sud Méditerranée, qui analyse et décide de la bonne fin des dossiers ainsi

que des « interview » de trois gérants de fonds auprès desquels nous sommes partis à

la rencontre : Jean-Mathieu Sahy qui dirige Capital Export, fond spécialisé sur les

PME exportatrices, Charles Diehl, « Partner » chez Activa Capital, capital-risque et

fonds LBO sur Paris, Bertrand Religieux du fond Soridec, Directeur de fonds à capital

Régional. Leur analyse tirée de leur propre vécu « parsèmera » le corps même de cette

thèse tandis que l’intégralité des « interviews » sera annexée pour ceux qui

souhaiteraient s’y reporter.

Nous nous attacherons donc dans un premier temps à regarder en profondeur les

éléments qui font que le LBO en période de crise, et plus spécifiquement dans le cadre

de cette thèse professionnelle, le marché des « Small-Caps5 » , peut constituer un

véritable handicap pour l’entreprise, tant en terme d’opportunité de lancement que de

résilience6 face à un environnement économique dégradé et un manque de liquidité

sur les marchés. Nous verrons ainsi que des logiques contradictoires sont à même

d’émerger.

5. Source AFIC : les « Small Caps » représentent les opérations de moins de 100 M€

, les « Mid Caps » (de 100 M€ à 1.000 M€) et enfin, les opérations de « Large Caps »

(supérieures à 1.000 M€)

6. BORIS CYRLNIK - Un merveilleux malheur, éd. Odile Jacob, 1999 ; réédition

2002 - : "La Résilience définit la capacité à se développer quand même, dans des

environnements qui auraient dû être délabrants."

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La deuxième partie mettra au contraire en lumière les raisons qui ont permis aux

entreprises sous LBO de si bien résister à la crise. En d’autres termes, si la crise

n’aura pas démontré que le LBO pourtant si controversé dans ses pratiques engendre

un risque supplémentaire de défaillance pour l’entreprise, elle aura eu le mérite de

pointer les excès de certains montages et de pousser chacun à un retour à des

fondamentaux, à plus de cohérence dans les indispensables schémas d’optimisation

juridiques, financiers et fiscaux.

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Réflexion sur le LBO en période de crise : handicap ou retour sur les

fondamentaux créateurs de valeur pour l’entreprise

1. Le LBO en période de crise : un possible handicap de l’entreprise.

__________________________________________________________

Le marché français de la transmission d’entreprises via le LBO constitue le 2ème

marché d’Europe (en montants investis) en 2009 et 53% des montants investis en

Capital Investissement en France en 2010. Ainsi, c’est au total près de 50 milliards

d’euros qui auront été investis au cours des 10 dernières années.

Cependant, l’évolution annuelle des investissements LBO reste fortement dépendante

de la conjoncture : 10 340 M€ en 2007, 7 399 M€ en 2008, 1 605 M€ en 2009 et 3 512

M€ en 20107.

Ces données de l’AFIC doivent être mises en avant mais elles ne recouvrent que

l’activité des adhérents de l’association. Cela signifie donc que tout un pan de

l’activité des LBO n’est pas cerné par ces données et notamment ce qui recouvre la

part portant sur de petites, voire de très petites opérations.

Dans le contexte d’une crise économique exceptionnelle, le marché du «buy out»

comme beaucoup d’autres opérations financières a pâti de la crise mais plus que

d’autres, il a été remis en cause jusque dans son fonctionnement même, souvent taxé

de tous les maux, causant et précipitant selon beaucoup, la mort de l’entreprise.

Dans ces conditions, nous allons regarder ce qui peut réellement constituer un

handicap pour la PME nationale non cotée durant la crise, tant au regard de son

environnement que dans le cœur même de sa logique de fonctionnement.

_____________________________________________________________________

7. Source : www.afic-data.com/ Grant thornton

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1.1 Le « Small-Caps » à la française : une approche plus bancaire que financière.

1.1.1 Définition d’un LBO aux multiples facettes.

Le « leverage buy-out » , en abrégé LBO , est une technique qui permet de financer la

transmission d'une entreprise à ses dirigeants salariés, ou à un repreneur extérieur, en

s'appuyant sur des investisseurs spécialisés et des banques. Une opération de LBO est

donc une opération d’acquisition d’une ou plusieurs sociétés financée(s) pour tout ou

partie par de l’endettement bancaire. Concrètement l’opération de rachat se fait via

une holding de reprise, NEWCO, au capital de laquelle s’associent des investisseurs

financiers et un ou plusieurs managers.

NEWCO finance alors l’acquisition de la « cible » en partie grâce à l’apport de ses

actionnaires (fonds propres) et pour le solde par un emprunt à moyen terme contracté

auprès d’une banque. La holding détient ainsi 100% de la cible et est elle même

détenue à 100% par les investisseurs et le(s) manager(s). L’emprunt sera ensuite

remboursé par NEWCO grâce aux dividendes de la fille qui permettent à la société

holding de rembourser la dette et de payer les intérêts liés. Outils de transmission

moderne et efficace, la Holding permet à la fois de transmettre et de conserver, si on

le souhaite, le contrôle. Le ou la Holding (mot d'origine anglaise signifiant « tenir,

détenir ») est donc une société qui détient des titres de participation dans une ou

plusieurs sociétés en vue de les contrôler. Pour autant, toutes les entreprises ne

peuvent pas faire l’objet d’un LBO.

En effet, si le mécanisme de l’effet de levier permet aux acquéreurs de faire

l’acquisition d’une société avec un apport réduit, la proportion entre dette senior et

fonds propres doit être calibrée au cas par cas et reste dépendante de la capacité

distributive de la cible, elle-même dépendante principalement de sa rentabilité mais

aussi de ses besoins de financement (BFR, investissements…). Il convient de rajouter

à ce stade que le LBO est une technique aux multiples facettes : LMBO, LMBI, OBO

et BIMBO . En effet, le LBO peut être une vente à soi-même ou aux intérêts

familiaux, une cession à un fonds ou à un industriel et les financements seront alors

différents.

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Le LMBO ou MBO (Leverage Management Buy Out) est une opération à effet de

levier dans laquelle la société cédée est acquise, au travers d‘une holding de reprise

par un investisseur en capital et par des manageurs de l‘entreprise.

Le LMBI ou MBI (Leverage Management Buy In) est au contraire le rachat d’une

entreprise par un investisseur en capital et un / des dirigeant (s) repreneurs extérieurs.

Le BIMBO (Buy In Management Buy Out) est le mixte des deux et représente le

rachat d’une société par un investisseur en capital et certains managers recrutés en

externe en association avec le vendeur et/ou avec des cadres de l’entreprise. Un OBO

est une opération qui permet à un dirigeant actionnaire de réaliser une partie de son

patrimoine tout en poursuivant son aventure industrielle et en restant aux commandes

et actionnaire significatif de sa société.

Le schéma type du LBO :

Ces bases étant posées, que peut-on dire de l’impact du marché financier sur

l’entreprise sous LBO pendant la crise ?

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1.1.2 L’impact du marché financier sur l’entreprise sous LBO pendant la crise.

Dans les périodes de fortes liquidités sur les marchés, les LBO contribuent au

développement des entreprises en leur permettant d’obtenir des moyens financiers, de

développer leur stratégie, d’améliorer leur gestion au quotidien. Ainsi, avant la crise

de 2008, le marché du LBO est porté en France par de bons fondamentaux : offre de

liquidité sans précédent, taux d’intérêt peu élevés même si les cotations LBO intégrant

le risque majorent forcément les taux, aspiration forte des cadres à devenir

actionnaires de leur entreprise, importance de la problématique de transmission

d’entreprise pour des patrons arrivant massivement à l’âge de la retraite.

Dans un tel contexte, comme l’affirme Philippe Pettini, Directeur Régional Banque

Palatine Sud Méditerranée : « les opérations de LBO étaient devenues un axe de

développement particulièrement intéressant pour des banques commerciales comme

la Banque Palatine qui travaille un cœur de cible d’entreprises de tailles

intermédiaires avec une vision de partenariat et de haute valeur ajoutée 8 ».

Mais en 2008, le marché se retourne et la crise entraine un assèchement massif de la

liquidité disponible. Ainsi, et comme pour chaque période de raréfaction de liquidité

sur les marchés, la dette passe sous haute surveillance dans les banques. Or, le marché

de la transmission d’entreprises, c’est d’abord et avant tout le marché du « small

caps» , donc un marché fortement impacté par une approche plus « bancaire » que

financière.

_____________________________________________________________________

8. Philippe Pettini – Directeur Régional Sud Méditerranée- Annexe 1 - Point de vue :

le LBO en période de crise- 5 octobre 2011.

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Plus encore, si les LBO ont été fortement touchés, c’est parce que les chefs

d’entreprises ont en effet une attitude très prudente, tout comme les banques qui les

accompagnent dans ces opérations.

Le capital risque et développement a par contre globalement mieux résisté. Pour le

capital risque, cela tient certainement aux mesures d’incitation fiscale qui

l’accompagne. On peut notamment penser au dispositif des FCPI (fonds commun de

placement dans l’innovation) qui permet à un particulier qui investi dans ce type de

fonds de réduire 25% du montant de son investissement de son impôt sur le revenu à

payer, sous certaines limites.

Mais voyons maintenant comment cela se traduit concrètement dans les prises de

décisions que doivent prendre les différents établissements financiers pendant la crise.

Premièrement, le plan de financement doit impérativement démontrer son caractère

raisonnablement prudent si nous sommes en phase de mise en place d’une opération

de LBO tandis que les différentes parties prenantes aux LBO déjà existants doivent

faire en sorte de sauvegarder l’équilibre économique et financier de ces opérations.

Dans la majorité des cas, il y aura des problèmes d’ordre financier à résoudre. Il ne

s’agit donc pas de mettre en œuvre des mesures de restructurations industrielles

lourdes, mais essentiellement de reconstruire un plan de financement adapté à un

environnement économique dégradé. Ainsi, d’un point de vue micro économique, le

compte de résultat de l’entreprise sous LBO est étudié afin de vérifier la récurrence

des résultats et du « cash flow » , seuls capables d’assurer par remontée de dividendes

le remboursement de la dette sénior déjà octroyée. Le plan de financement est ensuite

réadapté pour permettre, dans le temps, de rembourser la dette sans compromettre

l’entreprise. Mais tout ceci peut s’avérer compliqué et dépend de la capacité de tous à

se mettre autour d’une table et réviser ses attentes. Pour les entreprises ayant un projet

de LBO, le « Business plan » ou (BP) et les projections en termes d’évolution

d’activité seront étudiés et comparés aux entreprises évoluant sur des marchés et des

activités similaires. La solidité stratégique du projet est éprouvée et dans tous les cas

décisive au regard de chaque décision et positionnement du banquier.

Ensuite, une analyse de la capacité de restructuration de l’entreprise en cas de

difficultés est immédiatement intégrée, ce qui n’est pas toujours le cas dans les

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périodes d’abondance de liquidités sur les marchés. La cadence des rendez-vous de

suivi des entreprises déjà sous LBO et le nombre des « reporting » va rapidement

augmenter.

1.1.3 Une approche naturellement conservatrice du banquier renforcée par la crise

L’approche naturellement conservatrice du banquier se trouve donc renforcée,

notamment en termes de « tranching » (très forte majorité de tranches A). Ainsi, la

dette amortissable est prioritairement recherchée : part de la partie «in fine » inférieur

à 20%. En effet, les dettes LBO Small caps restent logées dans le bilan des banques et

en période de faible liquidité, il convient plus que jamais d’éviter des provisions de

nature à consommer des fonds propres. Ainsi, eu égard au climat conjoncturel et à

certaines règles relatives à la gestion des risques bancaires, les établissements de

crédit sont naturellement plus stricts pour accorder des crédits en période de crise.

Notamment concernant les LBO. Comme l’indique la Fédération Bancaire Française9,

les réformes liées au ratio prudentiel bancaire impactent à la fois l’accès au

financement mais aussi le renchérissement de ces derniers. Ainsi, relever par exemple

le ratio de solvabilité Core Tier 1 ou les fonds propres durs de 2% à 4,5% avec en plus

un matelas de protection de 2,5%, d'ici 2019, c‘est une régulation qui "pèsera

inévitablement sur le financement de l'économie et notamment le volume et le coût du

crédit ». Autrement dit, les fonds propres "durs" , c'est à dire composés uniquement

d'actions et de bénéfices mis en réserve, devront représenter 7% des activités de

marché ou de crédit des banques, ce qui oblige les banques à thésauriser davantage et

donc à se montrer encore plus restrictives dans l‘accès au crédit.

_____________________________________________________________________

9. Site internet Fédération Bancaire Française : www.fbf .fr

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Autre corollaire de la crise, l’effet de levier sera plus limité. La proportion des fonds

propres lors de la mise en place du montage doit être conséquente et souvent dépasser

50% alors que dans les périodes plus « fastes », un montage type voit un fonds

spécialisé acquérir 100% d’une entreprise avec une contribution en capital

habituellement de l’ordre de 25-35% du montant total. Le reste provient de la dette

pour financer l’achat des titres et même quelquefois refinancer l’intégralité de

l’endettement existant.

Il se peut même que des choix soient faits afin de prioriser l’allocation des ressources

vers les clients existants et donc au détriment du développement, ce qui peut au

niveau macroéconomique avoir un véritable impact sur le tissu.

En cela, la responsabilité du banquier qui oriente par ses choix et même transforme

l’économie d’un pays est bien lourde. En ce sens, Yves Peroy, Membre du Comité

Exécutif en charge de la Direction « Corporate Finance » Palatine résume

parfaitement l’impact de la crise sur les pratiques: « Premièrement, il n’y a à ce jour

pratiquement plus de in fine et on ne regarde que les dossiers qui concernent de la

tranche A, amortissable. Deuxièmement, la prise de risque est plus limitée ( en terme

de levier, 3 à 5 fois l’EBITDA10 avant la crise, 2 à 3 en 2008-2009, 3,5 en 2010 et

maxi 3 fois aujourd’hui ). En outre, on demande environ 50% de mise de fonds

d’investissement. Troisièmement, il n’y a plus de prises fermes et on syndique avant la

dette entre plusieurs établissements bancaires afin de mutualiser le risque11».

___________________________________________________________________

10. EBITDA- Source TRADER-FINANCE.fr : EBITDA est l’abréviation de earnings

before interest, tax, depreciation and amortization. EBITDA est un calcul du résultat

opérationnel d'une entreprise. EBITDA exprime le bénéfice opérationnel d’une

société en retirant les éléments qui ne sont pas directement en rapport avec l’activité

(financement de l’entreprise, politique d’amortissements,…). Il permet d’apprécier

dans quelle mesure la société est à même de générer des liquidités et d’investir sans

avoir à contracter des dettes pour financer ses investissements.

11. Yves Peroy – Membre du Comité exécutif en charge de la direction corporate

finance Banque Palatine- Annexe 2 : interview « Le LBO en période de crise » - 3

octobre 2011.

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1.1.4 Un « pricing » spécifique .

Tout cela s’accompagnant inévitablement d’un renchérissement du crédit, d’une

hausse de la marge, en mesure avec le risque pris et le coût de liquidité en hausse des

banques. La dette sénior avec des tranches de 5 à 7 ans peut alors intégrer des marges

de 225 à plus de 300 points de base alors que la structure est proche d’une dette

bancaire classique.

Cependant, le propos mérite immédiatement d’être nuancé car on parle ici de marges

sans commune mesure avec les TRI12 ou Taux de Rentabilité Interne engrangés par les

fonds. En ce sens, Jean-Mathieu Sahy, dirigeant du fond Capital Export, précise

concernant les 45 opérations réalisées par lui ces dernières années : « Avec une

moyenne de détention de 3,8 ans, notre TRI moyen se situe actuellement à plus de

23% » et il ajoute concernant les niveaux et modes d’investissement, « Les fonds

d’investissement disposent aujourd’hui de tellement d’argent qu’il faudrait encore 7 à

8 ans pour investir le cash 13» .

_____________________________________________________________________

12. Définition et signification du TRI ou Taux de Rentabilité Interne : La valeur

actuelle nette d’un projet diminue au fur et à mesure que le taux d’actualisation

s’élève selon une courbe décroissante, fonction du taux d’actualisation. On appelle

Taux de Rentabilité Interne (T.R.I.) d’un projet, le taux pour lequel la valeur actuelle

nette (V.A.N.) est nulle.

C’est donc le taux i pour lequel il y a équivalence entre :

le capital investi d’une part,

la somme des flux de trésorerie prévisionnelle actualisés au taux i

Le taux de rendement interne permet donc de rémunérer le capital investi et non

encore remboursé, et ce sur toute la durée de vie de l’investissement, et de rembourser

le capital investi dans le projet. Le TRI est aussi, le coût maximum des capitaux que le

projet pourrait supporter : à ce moment là les capitaux empruntés étant d’un coût égal

à la rentabilité économique du projet.

13. Jean-Mathieu Sahy - Dirigeant Capital Export- Annexe 3 interview « Le LBO en

période de crise » - 12 octobre 2011.

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Sans être trop technique, on réalise intuitivement que le niveau de performance de

l’activité d’une entreprise qu’il est d’usage dans la profession de mesurer au travers

du TRI va dépendre du niveau des flux de revenus : les dividendes d’une part et les

plus-values d’autre part qui seront fortement liées à la période où va se dérouler

l’opération.

Dans de telles conditions, on comprend mieux pourquoi la crise peut devenir une

source d’opportunité pour les plus avisés afin d’investir et de prendre le contrôle

d’une entreprise de qualité au meilleur prix. En effet, la période de référence peut

momentanément diminuer artificiellement le TRI de la cible et donc le prix

d’acquisition que seront alors prêts à payer les investisseurs potentiels, tout en étant

conscients de bénéficier d‘une opportunité de moment.

Ainsi, l’indice Argos « Mid-Market 14 » à juin 2010 nous renseigne sur l’évolution des

valorisations des entreprises ces dernières années : « Paris – Après une chute

ininterrompue pendant plus de 3 ans, les valorisations des entreprises moyennes non

cotées de la zone Euro enregistrent une augmentation de 7%, atteignant à fin juin

2010 un multiple de 6,4x l'EBITDA ». Or, ce même indice fait état de valorisations

des entreprises moyennes non cotées de la zone euro à fin juin 201115 à 7,2x

l'EBITDA dont un multiple à 7,6 x l’EBITDA pour les valorisations d’entreprises

sous LBO.

De plus, un « pricing » spécifique est à prendre en considération. En effet, la logique

de proximité qui prévaut dans les deals « small-caps » peut conduire, pour les deals

« locaux » (les opérations de « la place de l’Eglise » vs deals de place) à des

conditions proches des deals « Corporate » classiques. Schématiquement, plus les

« deals » sont petits et locaux, moins les conditions sont élevées.

_____________________________________________________________________

14 : 19/03/2010 - Indice Argos « Mid Market » : signe d’une amélioration ou simple

pause dans la chute ?

15 : Indice Argos « Mid Market » - édition Juin 2011 : retour des valorisations « mid

market » à leur niveau d’avant crise.

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19

En effet, la logique qui consiste en temps de crise à syndiquer la dette conduit les

professionnels de la place, surtout en dehors de la place parisienne, à réaliser assez

souvent une opération de LBO avec des banques de « retail » , banques dont la

logique de masse fondamentalement différente d’une banque spécialisée sur les

entreprises de tailles intermédiaires, conduit inexorablement à tirer les conditions de

taux vers le bas. En dehors des commissions éventuelles d’arrangement de

l’opération, le « pricing » est donc bien souvent sous-dimensionné au regard du risque

encouru, concurrence oblige!

1.2 Les fonds d’investissement et les banquiers face à des logiques

contradictoires.

Dans le cadre d’un LBO, les nouveaux actionnaires, s’adossent un ou des fonds

d’investissement afin de constituer une société « holding » qui, au moyen des fonds

propres apportés par ces derniers et surtout des emprunts bancaires souscrits par elle,

rachètera une entreprise cible de qualité et porteuse d’avenir. La «holding»

remboursera ensuite la dette d’acquisition au moyen des dividendes générés par la

fille. L’entreprise cible doit alors dégager une rentabilité supérieure à celle qu’elle

aurait obtenu sans recourir à l’endettement. C’est exactement, l’effet dit de levier

financier qui suscite tant l’intérêt des fonds d’investissement que des banques. En

effet, le banquier peut à la fois espérer structurer et financer la dette sénior mais aussi

bénéficier lors du « closing » de l’opération du « cash out » retiré dans le cadre de la

plus-value tandis que le retour sur investissement pour le ou les fonds

d’investissement lors de la sortie peut se révéler tout aussi exceptionnel en cas de

succès de l’opération.

Concernant le rôle des banques, Philippe Pettini, Directeur Régionale Sud

Méditerranée Palatine souligne : « en effet, ces opérations permettent à une banque

d’accompagner en financement la cession partielle ou totale d’une entreprise tout en

espérant aider le cédant à optimiser sa sortie ou en conseillant l’acheteur sur les

conditions de sa reprise…

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C’est le moyen d’entrer en relation avec une belle entreprise ou de pérenniser une

relation commerciale avec une entreprise cliente tout en générant un business

valorisant pour la banque et porteur de valeur ajoutée et de commissions16 ».

Bien entendu, les cadres associés à l’opération, bénéficient également grâce à

différents mécanismes d’intéressement des fruits de l’opération. Tout se passe donc au

mieux en période de forte liquidité et de croissance, les rythmes économiques

souhaités par les fonds d’investissent soit un retour sur investissement sur un horizon

de 5 à 7 ans et le remboursement de la dette sénior trouvant à s’ajuster.

Par contre, dans le cadre de la crise financière actuelle, tout devient plus compliqué.

L’impact direct de la crise financière sur les entreprises qui ont fait l’objet d’un LBO

entraine nombre d’entre elles à ne pas atteindre leurs objectifs de croissance et à ne

plus pouvoir atteindre leurs calendriers de remboursement. Ainsi, comme l’exprime si

bien Charles Dhiel, Partner chez Activa Capital, l’élément dette est important mais

plus encore en période difficile, les rapports entre les banques et les fonds :

« évidemment, s’il y a trop de dette, cela fragilise le système et il y a eu de nombreux

cas où la dette a été importante. Il y a eu des excès mais la question à se poser : c’est

comment les résoudre et gérer intelligemment ce handicap. Généralement, ce n’est

pas le poids de la dette qui a poussé l’entreprise dans le mûr mais plutôt les

banquiers et les actionnaires qui n’ont pas su se mettre autour d’une table et trouver

intelligemment des mesures de sortie de crise. Résultat, l’entreprise se retrouve au

tapis17 ».

_____________________________________________________________________

16. Philippe Pettini – Directeur Régional Sud Méditerranée- Annexe 1 - Point de vue

: le LBO en période de crise - 5 octobre 2011.

17. Charles Diehl, Partner Activa Capital, Capital-risque et fonds LBO, Annexe 4 :

interview : « Le LBO en période de crise » - 15 octobre 2011.

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Mais comment expliquer alors les raisons qui poussent les banquiers et les fonds

d’investissement à entrer dans des logiques contradictoires ?

Dans la période qui a précédé la crise, les LBO défaillants se sont quasiment tous

réglés dans la confidentialité des relations entre les banques et les fonds. En effet,

l’interdépendance des activités et la quasi certitude de trouver des débouchés ont créé

le terreau d’un accord toujours possible entre les parties. Cependant, dans un marché

de la dette sous surveillance, les rapports entre les différents protagonistes vont

rapidement se tendre : d’une part parce que les effets de levier apparaissent

rapidement trop optimistes au regard d’une conjoncture qui s’est dégradée, d’autre

part parce que les banques et les fonds évoluent nécessairement dans leur appréciation

des modalités de règlement des situations de LBO défaillants. En toute hypothèse, on

serait incomplet si l’on ne rajoutait que les LBO actuellement sous surveillance

cachent des réalités bien différentes et des relations entre les banques, les dirigeants et

les fonds qui induisent des positions différentes.

1.2.1 Fonds et banques face aux bris des « covenants » d’une entreprise sous LBO

bénéficiaire.

Tout d‘abord, l’entreprise sous LBO sous l’effet d’une dégradation de conjoncture ne

peut plus respecter son « business plan ». Dans ce cas, les dirigeants doivent être

capables d’expliquer leur bilan et le non-respect du « business plan » afin de rassurer

la banque et les partenaires financiers extérieurs ( Banque de France, Factor, assureur

crédit…) et il faudra par conséquent établir un nouveau « business plan ».

En outre, il est recommandé de donner un niveau d’informations plus important que

précédemment compte tenu des conséquences que la crise pourra avoir. Le banquier

va justement s’appuyer sur des rapports d’Audit et les nouvelles données du BP.

Il regarde ainsi la capacité de résistance de l’entreprise, son modèle économique via

des crash-test mettant en scène plusieurs scénarii dégradés pouvant altérer les comptes

de la société.

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Les « covenants18 » jouent ainsi le rôle de gardes fous. En effet, ce sont des clauses de

Rendez-vous.

Dans un deuxième temps, l’entreprise n’arrive pas à respecter ses covenants bancaires

mais reste néanmoins bénéficiaire.

Dans ces deux cas, si les banques et les fonds partagent la responsabilité de cette

situation, leurs positions de négociation sont bien différentes. Lorsque les banques

sont prêtes à investir (ou réinvestir) de la « new money » ou repenser le calendrier de

remboursement, les fonds peuvent tenter d’exercer sur elle une pression afin d’obtenir

des abandons de créances importants et ainsi créer des conditions d’exercice favorable

de la nouvelle option qu’ils vont détenir. En effet, l’horizon temporel de la banque et

celui du fonds d’investissement sont assez différents. La durée de vie limitée du fond

d’investissement (5 à 7 ans en moyenne) est un frein au réinvestissement.

Il faut ainsi être certain de trouver une sortie pour la new money avant la date de

clôture du véhicule d’investissement. Le temps joue donc contre le maintien de

l’actionnaire dans l’entreprise et la crise joue forcément un rôle d’accélérateur. En

effet, une sortie rapide assortie d’une solide plus value est seule synonyme d’un TRI

élevé et donc d’existence lors de la prochaine levée de fonds pour des fonds

d‘investissement de plus en plus présents au capital de nos PME.

Ainsi, comme le précise à nouveau Charles Dhiel, Partner Activa Capital : « Les

investisseurs lorsqu’ils investissent en obligations d’état ou en bourse n’ont pas de

contact avec la gouvernance, aussi se tournent-ils de plus en plus vers le Private

Equity…

____________________________________________________________________

18. Covenants : Clauses de sauvegarde qui correspondent aux engagements de faire et

de ne pas faire pris par l emprunteur. Covenants financiers : obligation de respecter

certains ratios financiers.

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Cependant, ils le font avec des exigences très fortes et s’il y a défaillance, sur le

prochain fond, pas d’allocation de ressources et sans argent dans le Private Equity,

on n’existe pas! 19». Comme nous l’avons donc compris, dans ce deuxième cas de

figure, le banquier dans une logique du « sauve qui peut » va rapidement revoir avec

le management différents points du dossier : analyse des « Free Cash Flow » (Flux de

trésorerie) sur la période pour voir si le bris de covenant n’a pas d’incidence majeure

sur la capacité à rembourser la dette senior, analyse de la trésorerie car on peut avoir

des situations où les cash-flows sont insuffisants mais avec une trésorerie de départ ou

de début de période suffisamment importante pour rembourser la dette senior,

échanges sur les mesures correctrices que le dirigeant va prendre puisqu’il faudra

aussi redimensionner les « covenants » et tentative de faire injecter aux autres

actionnaires une partie de la new money.

C’est là que des logiques contradictoires sont à même de s’affronter : d’un côté la

banque qui s’inscrit avec le client dans une logique de relation sur le long terme,

l’opération de LBO pouvant être par exemple accompagnée d’un financement des

mûrs professionnels sur une durée de 12 à 20 ans, et le fond d’investissement qui de

son côté s’inscrit sur le court terme au travers de l’accompagnement du ou des

dirigeants sur une opération à effet de levier.

Les banques contrairement aux fonds d’investissement ont en effet la nécessité de

travailler l’ensemble de la courbe des taux et donc de disposer d’emplois court,

moyen et long terme.

_____________________________________________________________________

19. Charles Diehl, Partner Activa Capital, Capital-risque et fonds LBO, Annexe 4 :

interview : « Le LBO en période de crise » - 15 octobre 2011.

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Plus finement encore, accompagner une opération à haut risque comme le

financement d’un LBO sur le moyen terme conjointement à un financement sur des

actifs non risqués comme des mûrs professionnels sur le long terme marque une forme

d’équilibre propre à favoriser la décision de financement.

Au final, il ne faut surtout pas oublier que la banque conserve le client. Ainsi, on

pourrait résumer ce premier point de contradiction en affirmant que pour le créancier,

c’est l’analyse financière éclairée par la crise centrée sur la capacité de l’entreprise à

rembourser ses dettes sur le long terme qui va primer. Tandis que pour le fond

d’investissement, c’est d’abord la valeur de cession de l’entreprise face au capital et

donc l’actualisation des flux, ce qui le place dans une vision bien plus immédiate, une

vision déjà de sortie. Nous avons donc l’urgence de sortie du fond qui va rechercher

la bonne opportunité de cession face à une banque ou un pool bancaire désireux de

trouver une solution de restructuration.

Mieux encore, de nombreux dossiers se sont momentanément réglés sur la base d’un

compromis visant à « acheter du temps » par le biais du paiement des seuls intérêts

pour une durée d’un an ou plus. Mais dans ce cas précis, on a fait que reculer « le mûr

de la dette » et la crise actuelle, nous le savons, ne permet pas aux entreprises comme

aux banques d’appréhender sereinement leurs prévisions et la visibilité à court et

moyen terme est extrêmement limitée.

D’autre part, la complexité des montages, mais aussi la nature des créanciers,

l’augmentation de leur nombre (qui n’a fait qu’augmenter au fil des syndications

successives de la dette) et la divergence de leurs intérêts sont autant d’obstacles

supplémentaires pour parvenir à un accord. Ainsi, la « new money » sera-t-elle encore

plus difficile à mettre en place si le banquier court terme est différent du banquier

sénior. Il peut donc y avoir également divergence d’intérêt au sein du pool bancaire.

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1.2.2 Fonds et banques face aux bris des « covenants » d’une entreprise sous LBO

déficitaire.

Un troisième et dernier cas, le plus grave, concerne le non respect de covenants

bancaires de sociétés déficitaires.

Tout d’abord, il convient de rappeler la pression qui s’appuie opportunément sur une

situation politique et sociale très défavorable aux banques dont on attend qu’elle se «

rachètent » après avoir précipité l’économie mondiale dans la situation de crise que

l’on connaît.

On oublie certainement au passage, pour prendre un évènement encore plus récent, de

rappeler que la contrainte politique qui pèse sur les banques les a fortement incité par

exemple il y a quelques années à prendre de l’emprunt Grec pour les obliger

aujourd’hui à en abandonner 50% par un passage obligé en pertes et profits.

Ces dernières années ont réellement marqué, nul ne peut en douter, une « ingérence »

de l’état de plus en plus forte dans les financements des banques aux PME. Le décor

étant planté, attachons nous maintenant à cette situation si délicate qui concerne des

entreprises déficitaires ayant brisé leurs covenants et aux écarts de marge de

manouvre, d’appréciation et de points de vue des différents actionnaires et des

banques. Bien entendu, il peut y avoir des cas où s’agissant d’une situation délicate,

les banquiers puissent être tentés de faire jouer leurs garanties. D’autant plus qu’ils ne

seront prêts à faire des efforts que si les actionnaires mettent avec eux du cash. Dans

ce cas, les intérêts entre les dirigeants et les banquiers sont contradictoires. La

trésorerie dans tous les cas reste le nerf de la guerre et le bris des « covenants » avec

une absence de « new money » et un retrait des banques des lignes court terme est

vraiment la pire des situations pour l’ensemble des acteurs. Mais cela arrive t-il

vraiment aussi souvent que les médias ou les politiques voudraient nous le faire croire

et un certain nombre de contraintes pour les banques n’impose t-il pas une réalité bien

différente ?

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Sans faire de généralités, la réalité du terrain est bien éloignée et on assiste à de

nombreux dossiers dans lesquels les banques acceptent de consentir des franchises en

capital contre un effort du management qui doit élaborer un plan de restructuration

robuste et des actionnaires à qui il est demandé un effort sous forme d’injection de «

new money » . Et dans de nombreux cas, si l’effort en injection de « new cash » des

actionnaires n’est pas forcément au rendez-vous, la banque dont les LBO défaillants

d’aujourd’hui datent d’avant la crise, se retrouve néanmoins à différer

l’amortissement.

Mieux encore, la majoration de taux, pourtant prévue contractuellement dès l’origine

ou lors de la restructuration, avec une part de la dette à cette époque souvent

supérieure à 70%, n‘aura pas lieu. En effet, si les banques acceptent souvent de

décaler, l’injection de « new money » est plus compliquée à mettre en place dans la

situation actuelle de crise que nous connaissons car il s’agit d’un risque

supplémentaire. En outre, l’avenir est sombre et l’amortissement ne pourra pas être

repoussé indéfiniment. Au contraire, un certain type de fonds peut avoir une approche

purement financière et comme les fonds d’investissement disposent en général

d’énormément de « cash » , il est donc souvent de leur intérêt de « se couper un bras

plutôt qu’une jambe » et pour reprendre une expression populaire, de « retirer leurs

billes ». Pour ces fonds LBO, crise égale opportunité et un compte à rebours est lancé

pour ressortir au meilleur prix. Comme nous pouvons le voir, la divergence d’intérêt

est très importante dans ce cas.

Mais le pire pour les banques reste à la fois les outils de la loi et la médiation du crédit

qui en font bien souvent dans les circonstances actuelles une victime toute désignée !

1.2.3 Les outils de la loi placent les banques sous la contrainte .

Le premier outil pour les entreprises sous LBO qui connaissent des difficultés

concerne la loi du 26 juillet 2005, dite de « sauvegarde » réajustée et renforcée par

l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 dont l’objectif affiché est de rendre

la procédure de sauvegarde plus attractive.

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Ces entreprises ont en effet, tout intérêt, dès que les difficultés surviennent à recourir

aux procédures, dites préventives, de mandat ad hoc, de conciliation, voire de

sauvegarde dans certains cas.

Le mandat ad hoc, tout d’abord, s’avère être un outil privilégié pour les dirigeants et

les investisseurs d’entreprises sous LBO (C.com., art. L.611-3). Cette procédure,

appréciée pour sa souplesse et son caractère confidentiel, met à disposition du

dirigeant un professionnel des procédures collectives, qu’il aura pu choisir. Ce dernier

pourra assister le dirigeant dans ses négociations non seulement avec la banque ou le

pool bancaire ayant financé la dette d’acquisition, mais également avec les

actionnaires investisseurs, en cas de divergences sur la politique de gestion de

l’entreprise.

La procédure de conciliation vise elle à permettre aux entreprises en difficulté, le cas

échéant même en état de cessation des paiements depuis moins de quarante-cinq jours,

de finaliser avec leurs principaux créanciers et partenaires, dans un cadre plus

protecteur que le mandat ad hoc mais qui reste confidentiel (sauf en cas

d’homologation), un accord qui mettra fin aux difficultés et à la cessation des

paiements éventuelle (C.com., art. L. 611-4).

Les LBO qui craignent de ne pas être à la hauteur des ratios financiers fixés par le(s)

prêteur(s) pourront alors se tourner vers un professionnel de la prévention qui pourra

alors intervenir en cas de difficultés avérées ou simplement prévisibles.

Le protocole de conciliation, même non homologué qui en résultera, empêchera les

créanciers parties de poursuivre le débiteur pendant toute la durée de ce protocole. Les

prêteurs de LBO qui injecteraient, quant à eux, de l’argent frais (new money) dans

l’entreprise lors de la conciliation, bénéficieront du privilège dit de conciliation qui les

placera en seconde position juste après l’AGS et les frais de justice.

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L’AGS est un régime de garantie des salaires intervenant si une entreprise se trouve

en procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) et qu’elle

ne dispose pas des fonds disponibles pour payer les salaires, préavis ou indemnités et

garantir le paiement des sommes dues en exécution de tout contrat de travail. Il s’agit

d’une Association pour la Gestion du régime de garantie des créances des Salariés

créée en février 1974 (en application de la loi n°73-1194 du 27 décembre 1973).

Revue par l’ordonnance du 18 décembre 2008 qui en assouplit notamment les

conditions d’ouverture (C.com., art. L.620-1), la sauvegarde permet au dirigeant qui

n’est pas en état de cessation des paiements de bénéficier d’une période d’observation

où les poursuites sont suspendues, pour préparer sereinement avec l’assistance d’un

administrateur judiciaire un plan de sauvegarde. Par ailleurs, depuis que la loi de 2005

a sensiblement limité les recours et les sanctions contre les dirigeants, les bailleurs de

fonds et notamment les prêteurs n‘ont souvent aucun autre choix que d‘accepter le

plan proposé. Nous voyons donc que les marges de manœuvre du banquier sont

progressivement réduites au profit des autres partenaires du LBO .

Mais à l’ensemble de ces contraintes pesant majoritairement sur les établissements de

crédit, il convient pour être complet de ne pas oublier la fonction du médiateur du

crédit créée par Nicolas Sarkozy en octobre 2008 pour s'assurer que les banques ne

couperont pas abusivement les crédits aux entreprises françaises.

Derrière cette louable volonté, la réalité est pourtant toute autre : si des

comportements excessifs des banques de la place ont pu marginalement s’exprimer, la

vérité est que les banques plus que tous les autres partenaires du LBO ont intérêt à ce

que l’histoire se termine bien, sous peine de passer par les « fourches caudines » du

médiateur de crédit, avant que ne soit utilisé contre elles toute une batterie juridique

pour en définitive courir à la fois le risque de perdre 100% de leur créance et même

peut-être, avec un peu de chance, de bénéficier de « gros titres » dans les journaux!

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Jean-Mathieu Sahy, Dirigeant du fond Capital Export résume d’ailleurs parfaitement

la situation lorsqu’il répond à la question d’un LBO pouvant précipiter la mort de

l’entreprise : « non, là encore, cela précipite plutôt la mort éventuelle du prêteur qui

a mis en place le LBO. Dans le contexte actuel de renforcement des mesures

protectrices en faveur des PME, du médiateur du crédit, de la liquidation toujours

possible de l’entreprise, la seule conséquence sera de disqualifier momentanément les

plus mauvais dossiers au détriment du banquier21 ». Cette pression imposée aux

banques s’appuie aussi sur la meilleure information dont les fonds disposent sur

l’entreprise grâce à leur proximité avec le management qui, de plus, a les mêmes

intérêts patrimoniaux qu’eux. Les fonds peuvent se faire une idée plus juste de la

valeur en cas de retour à meilleure fortune.

Mais ces derniers mois ont été particulièrement intéressants à suivre. Dans les cas

ayant donné lieu à conflit du fait de ces antagonismes, les banques ont pu observer

comment chacun à utilisé les outils de la Loi et il est certain que ces différents ne

resteront pas sans trace dans les relations futures entre les banques et certains fonds.

Si beaucoup se sont montrés des partenaires de qualité, d’autres ont été « black listés»

pour ne laisser la place qu’aux professionnels pour qui l’éthique n’est jamais un vain

mot.

En tout état de cause, il sera peut être souhaitable que de nouveaux arbitres imposent

leur autorité dans ce « jeu d’adultes consentants ».

_____________________________________________________________________

21. Jean-Mathieu Sahy - Dirigeant Capital Export- Annexe 5 interview « Le LBO en

période de crise » - 12 octobre 2011.

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1.3 Une fragilité « génétique » du LBO renforcée par la crise.

Beaucoup pensent tout bas ce que Jean-Bernard Schmidt, ancien président de

Sofinnova Partners (société de capital-risque), ancien président de l'Evca

(Association européenne du capital-investissement22) dit tout haut : « les LBO sont

des opérations d'ingénierie financière qui maximisent le profit de l'actionnaire au

détriment de l'intérêt de l'entreprise23 ».

Selon son point de vue publié dans les échos du 02 mars 2011, la dette LBO a un but

essentiel et quasi unique : maximiser le profit que fera l’investisseur sur son apport en

capital au moment de la revente. Et donc par conséquent, plus l’endettement sera

élevé, plus l’effet de levier sera important et plus le profit sur le capital bénéficiera

d‘un multiple élevé. En outre, la nature même de la dette à souvent laissé penser que

les LBO portaient en eux le germe de leur propre perte car le montage n’a pas pour

but de financer des projets de croissance mais l’acquisition par la holding des propres

titres de la cible.

Ainsi, la caractéristique du LBO est que la dette, dite dette d'acquisition, n'est pas

garantie par des actifs externes liés à l'acquéreur mais par les actifs mêmes de

l'entreprise acquise. Et on voit bien là que si le raisonnement apparait peut-être trop

tranché, ce qui peut être immédiatement remis en cause est l’appétit bien souvent

disproportionné des investisseurs qui à la recherche de multiples toujours plus élevés,

ont mis l’entreprise sous LBO en grandes difficultés. Plus encore, l’impact de la crise

et le retournement de la conjoncture ont depuis 2008 accéléré la chute de ces

dernières, écrasées par le poids d’une dette mal dimensionnée, selon ce qu’il convient

d’appeler un véritable effet de massue. Il faut savoir, que l’entreprise sous LBO est en

effet plus fragilisée qu’une entreprise classique puisqu’elle est privée des réserves qui

lui auraient permis d’affronter plus sereinement la crise.

___________________________________________________________________

22. Site Association Européenne du Capital-Investissement : www.evca.com

23. Jean-Bernard Schmidt -Le retour des LBO, une mauvaise nouvelle pour les

entreprises- Les Echos- 02 mars 2011.

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En effet, les fonds disponibles sont massivement remontés sous forme de dividendes à

la société mère holding, pour permettre à celle-ci de rembourser les prêts contractés

auprès des banques.

En manque de cash-flow, ces entreprises peuvent encore moins que les autres espérer

le concours des banquiers, lesquels, ayant déjà financé le LBO, craignent dans ce cas

de ne pas être remboursés. En ce sens, beaucoup se demandent si l’on peut marier

LBO et croissance et s’il ne s’agit pas là de « la pomme de la discorde ».

Mais avant d’évaluer les excès d‘avant la crise, il parait judicieux pour plus de clarté

de l’exposé de commencer par définir les différents modes de financement du LBO et

les différents « clignotants » qui ont été allègrement dépassés en phase d’euphorie.

1.3.1 Les différents modes de financement LBO par les banques.

Dans un montage LBO, il y a d’abord un apport de fonds propres réalisé par les

actionnaires de la holding, en général en numéraire et parfois en nature. Celui-ci est

réalisé par les différents actionnaires faisant partie du montage : fond de capital

investissement, dirigeant (s), cadre(s)…Ces fonds propres recouvrent les actions, les

comptes courants d’associés et les obligations convertibles en actions. Ils se

décomposent donc entre fonds propres et quasi fonds propres.

Les premiers concernent les apports des repreneurs, dirigeants et fonds

d’investissement tandis que les quasi-fonds propres représentent les obligations

convertibles qui génèrent des intérêts et peuvent sous certaines conditions être

converties en actions. Ces fonds propres représentent en quelque sorte la marge de

manœuvre de l’entreprise en cas de difficulté et ne peuvent faire l’objet d’aucune

garantie en cas d’échec du LBO.

Le complément pour l’acquisition est financé intégralement par de la dette,

décomposée en tranches « A à Z », en fonction de la taille de l’opération et de la

logique envisagée pour assurer la bonne fin de l’opération.

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32

La dette sénior d’abord qui représente la dette principale de ce type de montage et se

présente sous la forme d’un prêt à moyen terme. Cette dette est levée auprès des

différents établissements bancaires de la place, pour une durée de 5 à 7 ans, sur la base

d’un taux équivalent aux obligations d’état (OAT 10 ans) ou de l’Euribor plus 250 à

300 points de base en moyenne. Les taux d’intérêts variables indexés sur Euribor

correspondent donc au coût de financement à court terme sur le marché auquel

s’ajoute la marge, représentant la rémunération du ou des banquiers prêteurs.

Cependant, cette dette peut elle-même être découpée en plusieurs tranches A, B voire

C ou D aux rémunérations différentes. Les tranches « B à Z » étant des tranches in

fine. Bien entendu mais nous y reviendront juste après, la multiplication des tranches

va de pair avec l’augmentation des multiples d’acquisition et donc d’endettement. Il

est important de souligner ici que le prêteur sénior possède des garanties sur son

emprunt. Son caractère sénior lui confère en effet une priorité de remboursement en

cas de faillite de l’entreprise. Les banquiers consentant ce type de dette ont accès

durant toute la durée de l’opération à un niveau d’information extrêmement élevé

quant à la réalisation des objectifs du « business plan » et donc des « cash-flows »

servant à payer la dette senior. Ainsi les « covenants » vont-il encadrer la politique

financière de l’entreprise jusqu’à parfait remboursement des dettes sénior.

Vient ensuite la dette mezzanine, financement dit subordonné et dont le

remboursement est assujetti à celui de la dette sénior. Bien entendu, il présente alors

un risque plus élevé que l’on retrouve naturellement dans la facturation d’un taux lui

aussi plus élevé : c’est le coût du risque. Ce financement qui se situe entre les fonds

propres et la dette sénior peut être assuré soit par des sociétés spécialisées, les

mezzaneurs, soit par les fonds d’investissement, soit par les banques elles-mêmes.

Cette dette remboursée in fine permet de ne rembourser la dette qu’au « débouclage »

et ainsi d’alléger les charges financières pendant le remboursement de la tranche A,

amortissable.

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33

Il s’agit donc bien d’un financement hybride entre dette senior et fonds propres. La

dette mezzanine prenant souvent la forme d’obligations convertibles ou d’obligations

adossées à des bons de souscription d’action qui permettent aux préteurs d’accéder à

terme à une partie du capital de la société.

Dans le cadre du financement des small-caps, nous excluons ici la dette obligataire

qui concerne des cibles de plus grande importance.

A tout cet arsenal, il convient de rajouter le prêt relais qui dans un logique court

terme et dans des conditions proches de la dette sénior pourra venir suppléer à une

distribution exceptionnelle par exemple de dividendes venant « boucler » le

financement avant le « closing » .

Dans un même ordre d’idée, le crédit vendeur, souvent utilisé pour clôturer le tour de

table. Son acceptation fait l’objet d’une négociation contractuelle ayant clairement le

but d’impliquer le vendeur dans la réalisation du business plan et son remboursement

peut aller de plusieurs mois à plusieurs années.

Reste la clause de l’earn out aussi appelé complément de prix qui n’est pas un

financement mais une modalité de paiement du prix, tout comme le crédit vendeur.

Par son biais, une partie du prix sera déterminé par les résultats futurs de l’entreprise

pendant une période déterminée. Efficace, cela permet à la fois d’éviter toute

surévaluation du prix de cession et d’associer le cédant à l’évolution dans le temps de

l’entreprise puisqu’il y aura très clairement intérêt. Bien entendu, ces clauses de

révision de prix en fonction de résultats futurs ne pourront en aucun cas être

renégociées et devront conserver la valeur d’aléas sous peine de casser la validité de la

vente.

Pour finir, la dette d’acquisition peut être complétée par des lignes de crédit sur la

cible destinées à financer ses besoins en fond de roulement et sa politique éventuelle

d’investissement.

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Cette ligne de crédit très opérationnelle se traduira le plus souvent par une Facilité de

Caisse dimensionnée de manière à financer l’activité courante de l’entreprise. Elle

répond très souvent à des problématiques liées au cycle d’exploitation ou des critères

de saisonnalité et devra être remboursée au moins une fois par an afin de démontrer au

banquier la capacité de l’entreprise à remettre naturellement à zéro ce financement

court terme par le biais du cycle normal de son activité. Quant à son coût, il se

rapproche en général de celui de la dette sénior ou se paie légèrement plus cher.

A la lueur de cet énoncé, des différentes techniques de financement (amortissable, in

fine, mezzanine…), de la multiplication toujours possible du nombre de tranches (A à

Z), de la possible mobilisation de dettes tant sur la holding que sur la cible, des

questions méritent peut-être d’être posées : le crédit in fine est-il cohérent avec un

montage LBO ? L’imagination du banquier en période d’euphorie n’a-t-elle pas

accompagnée trop loin les montages au nom de l’utilitarisme anglais qui préconise un

simple intérêt mutuel bien compris ? Parfois même plus simplement, financer un LBO

ne s’est-il pas fait « à reculons » pour ne pas perdre le client ?

La réponse est que bien entendu, il ya eu des excès et que le meilleur moyen de s’en

persuader, c’est d’en établir le diagnostic au travers des pratiques d’avant crise que

nous allons maintenant tenter d’analyser.

1.3.2 Sophistication des financements LBO et crise : un cocktail explosif.

Premièrement, une palette des financements, composée de différentes tranches et

instruments variés, qui s’est rapidement étoffée. Parti des opérations de grande

envergure qui se sont structurés sur le marché européen du LBO, la sophistication

financière sous certaines limites se diffuse ensuite rapidement sur le reste du marché.

Le financement classique en dette sénior voit apparaitre de nouvelles tranches de

dette. Les tranches de dette sénior A,B,C - la tranche A, amortissable ayant alors

typiquement une maturité de 7 ans, la tranche B, in fine avec une maturité de 8 ans et

enfin la tranche C, in fine également à échéance de 9 ans.

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La multiplication de ces tranches sénior permet alors de maximiser le total

d’endettement en allégeant le montant des remboursements sur les premières années

de remboursement.

Bien entendu, c’est l’augmentation des multiples d’acquisition des entreprises au

cours des années de fortes liquidités sur les marchés qui a poussé, de manière

irrationnelle, à la multiplication des tranches d’endettement. Ils sont la source de

montages toujours plus tendus nécessitant une ingénierie financière accrue. Il suffit

pour s’en convaincre de regarder l’évolution de la performance des TRI net par

horizon temporel à fin 2009. Si l’on regarde le Capital Transmission / LBO- TRI 10

ans24 (2000-2009) mesuré à fin 2009, les fonds de Capital Transmission ont réalisé

une performance annuelle moyenne de 24,1% au cours des 10 dernières années. Ainsi,

l’étude par horizon temporel nous renseigne sur l’évolution de la sophistication des

montages dans le temps. Le TRI net mesuré depuis 1998 affiche une performance de

14,5% contre 24,10% pour le TRI 10 ans et même 42,9% si on le mesure sur 5 ans à

fin 2009.

Face à de tels chiffres, le point de vue de Bertrand Religieux, Dirigeant du fond

SORIDEC, Société de capital-investissement régionale qui accompagne les

entreprises depuis 25 ans, est éloquent : « objectivement, toutes les conditions sont

réunies pour que les choses ne se passent pas très bien. Les fonds d’investissement ont

un horizon de sortie trop court et une espérance de TRI trop élevé. Une économie

réelle ne peut pas avoir des rendements de 15 à 20% par an sur une longue durée,

cela se saurait. L’industrie normale développe des rendements entre 2 et 5%. Ces

paramètres doivent nous guider dans nos pratiques25 ».

_____________________________________________________________________

24. Source : AFIC - Ernst § Young - Thomson Reuters

25. Bertrand Religieux - Dirigeant SORIDEC - interview « Le LBO en période de

crise » - 20 octobre 2011

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Pour afficher de tel TRI et accompagner cette évolution, le constat est très simple :

des multiples toujours plus élevés se sont forcément accompagnés de financements

toujours plus tendus ! Mais entre-temps, il n y a rien moins que la crise financière de

2008 et toutes ses conséquences. Résultat, le TRI net 3 ans à fin 2009 passe à 7,40%.

Deuxièmement, l’évolution de la dette sur le marché LBO en Europe comme en

France va rapidement permettre de constater que la part des emprunts in fine prend le

pas sur la tranche dite amortissable. Cette tendance confirme ainsi rapidement la

diversification des financements, conséquence des multiples d’acquisition toujours

plus élevés et donc de leviers d’endettement supérieurs. Les tranches B et C attirent

ainsi un nombre croissant d’investisseurs institutionnels à la recherche d’un

rendement plus élevé que les tranches amortissables A. On pourrait d’ailleurs

entrevoir ici certains signes de convergence avec le marché américain, où les

financements LBO en dette sénior incluent une faible tranche A amortissable et une /

des tranche (s) « bullet » ou in fine plus importantes. Les emprunts dits de « second

lien » , assimilables à des emprunts de tranche D, ne seront pas abordés ici dans la

mesure où ils ne concernent pas les « small caps ». Leur particularité étant d’être

subordonnés aux emprunts du banquier Sénior. Autrement dit, il s’agit d’une dette

dont les sûretés sont de second rang par rapport aux autres tranches sénior.

Troisièmement, la mezzanine s’est également sophistiquée, notamment avec le

développement de la mezzanine dite « junior ». Très proche de l’équity26, la

mezzanine junior est subordonnée à la mezzanine senior traditionnelle, elle est

assortie d’intérêts capitalisés et de bons de souscription d’actions (BSA).

__________________________________________________________

26. « Equity » - Source TRADER-FINANCE.fr : Le terme anglais « equity » désigne

les actions de sociétés. Une « equity » matérialise donc les apports effectués par les

actionnaires de l’entreprise à sa création ou ultérieurement lors d’augmentation de

capital. On distingue plus précisément les public « equity » qui font l’objet de

cotations publiques sur un marché et les « private equity » qui sont des sociétés non

cotées.

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Contrairement à la mezzanine senior traditionnelle, la mezzanine junior ne paie pas

d’intérêts courant durant les trois premières années d’une transaction. Elle permet

donc d’accroitre encore un peu plus le levier financier et est considérée par les

prêteurs comme des quasi fonds propres. Dans un tel cas, l’effet conjugué de

l’augmentation et de l’allongement de la dette a permis aux structures de financement

d’afficher une sophistication accrue et aussi d’accorder certains dossiers parfois trop

tendus. D’autant que dans de tels cas, le remboursement « in fine » repousse la

contrainte du « cash flow » à la dernière date.

Dernier point, même si des prêts à taux fixes peuvent être envisagés, les montages

LBO ont tendance à être refinancés ( parfois par les banques elles-mêmes ) pour

d’autres opérations, notamment des LBO secondaires, avant le terme du premier

emprunt. Or, il est d’usage dans les banques de prévoir des indemnités en cas de

remboursements anticipés, notamment pour compenser la perte des intérêts à venir. Il

est donc logique dans de telles conditions de privilégier un taux variable pour ce type

de montage. Cependant, cela engendre un risque supplémentaire, celui de la montée

éventuelle des taux d’intérêt à court terme qui rajouterait encore à la pression du

montage.

1.3.3 Un tropisme Co-arrangement, club deal.

Le financement d’une opération de LBO constitue un risque particulièrement élevé

pour le banquier. Premièrement parce que le LBO « enfile » une dette sur l’entreprise

qui ne va pas créer immédiatement de chiffre d’affaires additionnel comme le ferait

un investissement productif industriel. Ensuite, parce que le volume de la dette

contractée représente un montant élevé. Pour finir, parce que le tout reste assujetti à

l’obligation d’assurer la réalisation des objectifs souvent élevés du « business plan ».

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Ainsi, Yves Peroy, direction « Corporate finance » Palatine, rappelle : « l’élément

dette n’est bien entendu pas totalement neutre et la dette LBO n’étant pas consécutive

d’un investissement productif, une analyse erronée des fondamentaux de la cible ou

un retournement de marché peut rapidement fragiliser l’ensemble puisque les cash

flow ne seront plus assurés27 ». Dans de telles conditions en général et en particulier

en période de crise, le banquier va chercher à se prémunir du risque de non

remboursement. Mais la principale problématique réside dans « l’ADN » même de

l’opération : pour faire l’acquisition des titres de la cible, on va endetter la holding

« NEW CO », créée pour l’occasion. Or, le droit français, contrairement d’ailleurs au

droit Anglo-Saxon, interdit à toute société de donner ses actifs en garantie des

engagements financiers pris pour l’acquisition de ses propres actions. Ainsi, la banque

ne pouvant disposer en garantie que du nantissement des titres de la cible, dont la

valeur dépend de la situation de la société cible, va se trouver face à un problème de

taille. Si la banque se retrouve face à un défaut de l’emprunteur, sa garantie doit la

conduire à prendre naturellement le contrôle de l’entreprise.

Or, ceci ne constitue en aucun cas son métier et un financier aurait de forte chance de

pouvoir dégrader un peu plus encore la situation de l’entreprise en difficulté. Plus

important encore, la banque deviendrait immédiatement responsable de l’activité de

cette dernière ainsi que de l’ensemble de ses dettes auprès de ses créanciers. Il en

découle qu’en cas de faillite, la responsabilité du banquier pourrait être engagée en

comblement de passif !

Bien entendu, en période de crise où la vigilance est plus que jamais de mise,

l’ensemble de ces facteurs trouve encore plus de résonnance. Il ressort donc de tout

cela que les garanties prises sur la dette d’acquisition de la holding ne présentent pas

une réelle efficacité ou plus précisément, une réelle opérationnalité.

________________________________________________________

27. Yves Peroy – Membre du Comité exécutif en charge de la direction «corporate

finance » Banque Palatine - Annexe 2 : interview « Le LBO en période de crise » - 3

octobre 2011.

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En ce sens, seule la mise en place de lignes de trésorerie au niveau de la cible permet

à la banque de pouvoir garantir une partie de la dette sur des biens tangibles.

De même, en période de retournement de conjoncture et / ou de crise, voir dans des

périodes de faible lisibilité, la banque va plus que jamais s’interdire les prises fermes

et va chercher à limiter et répartir au maximum son risque. Pour ce faire, la banque va

répartir le risque auprès d’autres banquiers et d’investisseurs professionnels. Si le

partage des risques est effectué auprès d’autres banquiers, on parle alors de

syndication. Dans la syndication, le banquier du client trouve intérêt en mobilisant

moins de dette sur une opération à haut risque à laquelle peut se rajouter une

conjoncture dégradée tandis que les autres banques peuvent participer à un projet pour

lequel elles n’avaient pas préalablement été sollicitées.

Dans le cas présent, la banque ne prend alors pas le risque de couvrir et structurer

l’ensemble de la dette avant de la syndiquer mais va plutôt utiliser la syndication

« directe ». Si elle continue de diriger l’ensemble des opérations de crédit, comme

« agent de crédit », chaque établissement bancaire accorde un prêt à hauteur d’un

certain montant, calculé en pourcentage du montant total du crédit et l’ensemble des

banques signent en amont un document contractuel qui va régir les rapports entre

l’emprunteur et elles d’une part, entre les différentes banques participant à l’opération

d’autre part.

Dans de telles conditions et afin de participer aux différentes opérations de qualité de

manière sécurisée, il n’est pas rare que deux banques se partagent le rôle de Co-

arrangeurs ou même plusieurs banques de manière égale. Elles forment alors des

« clubs deal », afin de ne pas tenir uniquement le rôle de souscripteur mais de

sécuriser en amont, une partie du financement. Bien entendu, le corollaire est un

partage des différentes commissions ( commission d’arrangement, de garantie, de

participation..). Une des conséquences sera naturellement de disqualifier encore un

certain nombre de dossiers puisque les partenaires devront tous se mettre d’accord sur

la qualité des dossiers.

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En outre, il ne faut pas oublier qu’au-delà du risque inhérent à la nature même de

l’opération, parler de financement structuré, c’est le plus souvent évoquer des

moments clés de l’entreprise : transmission, sortie d’un actionnaire minoritaire,

changement de gouvernance…La structuration de la dette vise donc à mettre en place

un montage financier viable dans l’intérêt de l’ensemble des parties mais dans un

contexte où tous les élastiques sont bien souvent mis sous tension.

Face à un futur incertain, le rôle des différents partenaires est donc de veiller

scrupuleusement à ce que le marché du LBO ne suive pas une spirale infernale de

détérioration continue du rapport risque / bénéfice des prêts LBO. La question est

alors de savoir les différents « gardes fous » à mettre en place afin de trouver un

équilibre certes moins lucratif pour les différents partenaires mais toujours sain afin

de ne pas voir exploser le taux de sinistralité bien au-delà de la rentabilité économique

des prêts.

Une certitude : dans un marché devenu plus difficile, seuls les acteurs les plus pointus

et intelligemment sélectifs auront une chance de tirer leur épingle du jeu en évitant au

mieux les situations dangereuses voir funestes.

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Réflexion sur le LBO en période de crise : handicap ou retour sur les

fondamentaux créateurs de valeur pour l’entreprise

2. Le LBO en période de crise : un retour sur les fondamentaux

créateur de valeur .

__________________________________________________________

La maturité, le grand nombre et le professionalisme des acteurs du marché sont des

éléments importants pour comprendre le dynamisme du marché français. Les

principaux acteurs du marché du LBO sont en effet de très haut niveau, que l’on se

tourne vers les intermédiaires ou du côté des équipes de gestion des fonds

d’investisement. Comme le précise Charles Dhiel, « les investisseurs institutionnels

recherchent essentiellement des gérants de fonds capables d’apporter une valeur

Alpha à l’entreprise et depuis la crise, cette valeur Alpha ne peut plus se créer

uniquement par de la finance. Il faut donc créer de la valeur intrinsèque, le LBO

n’étant qu’’un outil et pas un élément capable de démontrer à lui tout seul que telle

entreprise présente des caractéristiques bien supérieures à la moyenne des autres sur

son secteur. En ce sens, les institutions qui investissent partout en Europe et aux

Etats-Unis dans le Private Equity28 cherchent des fonds capables de démontrer un

vrai savoir-faire (reporting, accompagnement des manageurs, mise en œuvre

stratégique..). Et ceux qui en sont incapables, le marché les expulse!29 ». De la même

manière, certains établissements bancaires plus que d’autres sont connus sur la place

pour leur capacité à accompagner, structurer et financer les opérations de LBO. Sur le

LBO, Palatine est classée par exemple 3ème intervenant en 2010 sur les deals de moins

de 100 M€. Le portefeuille géré compte aujourd’hui plus de 150 lignes. Les fonds

d’investissement sont présents en France depuis de nombreuses années. Ils se sont

rapidement professionnalisés et spécialisés dans certains type d’opérations, ce qui en

fait des acteurs reconnus au niveau mondial.

_____________________________________________________________________

28. « Private equity » : l’activité de capital non coté consiste à acheter des

participations dans des entreprises non cotées en Bourse pour financer leur

développement.

29. Charles Diehl, Partner Activa Capital, Capital-risque et fonds LBO, Annexe 4 :

interview : « Le LBO en période de crise » - 15 octobre 2011.

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La qualité des équipes de gestion se manifeste notamment par le fait qu’elles sont

capables de réaliser des opérations de valorisation significative, dans tous les secteurs

d’activité, dans un « timing » extrêmement serré. Afin de réduire les délais des

« process », les vendeurs laissent en effet de moins en moins de temps et de latitude

aux investisseurs. Dans ce contexte, l’expérience des équipes est donc fondamentale

pour identifier les bonnes cibles.

Pour autant, les fonds de Capital Transmission ont accompagné 264 entreprises et ont

investi 3 512 M€ en 201030.

Mais le phénomène est aussi européen et mondial. En 2009, pire année depuis 10 ans,

il s’est levé 16 Milliards d’euros en Europe31 et il y a deux fois32 plus d’investisseurs

dans le monde qui envisagent d’augmenter leurs allocations que de les baisser.

Si les équipes de gestion de fonds et les banques se sont professionnalisés, les

nombreux conseils (avocats spécialisés, auditeurs..) ne sont pas restés sur le banc de

touche. Ainsi, des cabinets d’avocats ont pu rapidement constituer des équipes

spécialisées en « private equity » tandis que les banques d’affaires sont devenues de

plus en plus actives et créatives à l’aide de véritables départements dédiés à la dette

LBO. Mais nous l’avons vu dans la première partie, la sophistication et l’imagination,

si elles présentent d’indéniables avantages, doivent être mises au service d’un projet

stratégique solide et respecter un certain nombre de fondamentaux pour que l’effet de

levier ne se transforme pas en effet de massue. .

_____________________________________________________________________

30. Source : www.afic-data.com/ Grant thornton.

31. Source : EVCA, Association Européenne du Capital-Investissement site :

www.evca.com.

32. Source : Coller Capital, premier investisseur sur le marché secondaire du capital

investissement dans le monde.

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Ce n’est qu’à cette condition que les banques et les fonds d’investissement

continueront de jouer ensemble leur rôle de financeur de l’économie, au service de ces

dirigeants de PME qui entreprennent, embauchent, transmettent et réussissent, sans

alimenter la crise. En effet, notre rôle d’intermédiaires doit se mesurer à la fois en

termes de performance économique et d’utilité sociale.

2.1 Le LBO pendant la crise ou un retour imposé sur les fondamentaux.

2.1.1 Une valeur Alpha ou comment définir les fondamentaux de la cible «idéale » .

Pour parler de création de valeur d’une entreprise sous LBO, il y a un préalable : quel

type d’entreprise est capable de s’adapter à ce type de montage, quels doivent être ses

fondamentaux, ses particularités afin de s’assurer en premier lieu que la cible sera

capable de rembourser la dette pendant toute sa durée, qui sera en moyenne de 7 ans.

En d’autres termes, toutes les entreprises sont-elles des cibles pour le LBO ? La

réponse est évidemment non et pour s’en persuader, la meilleure solution était

certainement de poser la question à ceux qui sont chargés de décider d‘accompagner

un dossier en fonds propres ou au contraire de le rejeter.

Charles Diehl, Activa Capital nous répond : « En réalité, les critères de sélection

avant et après la crise sont quasiment restés les mêmes. Au niveau macro

économique, la moyenne des entreprises qui ont fait l’objet d’un LBO a été de très

grande qualité car cela était impératif pour pouvoir passer les « fourches caudines »

des investisseurs et des banques. A titre d’exemple, nous recevons depuis toujours

énormément de dossiers, 200 par an environ, pour en réaliser 0 une mauvaise année

comme 2009 et 5 une très bonne année! Il faut en effet que l’entreprise soit dès le

départ de très « belle facture » pour résister à la fois à la violence du montage

financier et aux très fortes attentes des investisseurs en termes de rendement. Tout le

montage repose donc sur le fait que l’approche soit très sérieuse pour ne pas détruire

très rapidement le modèle économique. D’autre part, la sélection de l’entreprise

financée repose très fortement sur la qualité du management qui garde « les clefs de

la boîte », même si vous êtes actionnaire majoritaire au capital…

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Par contre, tout le monde a fait quelques excès financiers (cible payée sur des

multiples trop élevés, trop de dette..) et beaucoup d’entreprises ont donc été mises

sous tension financière (et non économique) par le montage LBO à cette époque » .

« En résumé, l’Euphorie et le côté extrêmement encourageant de ce qui a été fait sur

un plan international a pu pousser à quelques excès financiers mais pas de sélection

en termes de cibles. Je rajouterai qu’’en cela la France a été plutôt meilleure que ses

voisins et même s’il y a pu avoir des comportements malsains et irrationnels, cela

reste largement marginal dans la profession33 » . Voilà déjà une première explication

rationnelle de la capacité de résilience des entreprises sous LBO en période de crise :

un choix drastique et extrêmement minutieux des cibles qui sont dès le départ les

« championnes » de leur catégorie !

Ainsi, la réponse est claire : pouvoir prétendre à un financement LBO sous-tend de

répondre à un certains nombres de critères extrêmement précis et les fonds comme les

banques ont en la matière une approche élitiste. Ensuite, le professionnalisme des

fonds d’investissement qui pour s’imposer sur le marché et attirer les capitaux vont

devoir optimiser l’ensemble des paramètres de l’entreprise ( accompagnement et/ou

recomposition managérial, « reporting » et suivi, injection de fonds supplémentaires

au service non seulement du remboursement de la dette mais aussi de la mise en

œuvre stratégique…). D’ailleurs, la meilleure solution pour s’en convaincre est

certainement de s’en remettre aux chiffres et une étude de l’AFIC réalisée en 2004

montre que sur les quatre premières années d’un LBO, le chiffre d’affaires (de

l’échantillon) croît de 30% contre 16% pour le reste de l’économie. Près des deux

tiers des entreprises interrogées revendiquent une croissance plus rapide et 46% des

LBO ont concerné la transmission d’entreprises familiales ! Cette même étude réalisée

par Ernst § Young pour le compte de l’AFIC, basé sur 3700 sociétés en portefeuille à

fin 2004, révèle que le chiffre d’affaires de cet ensemble a augmenté de 5% sur deux

ans, passant de 127 à 133 milliards d’euros tandis que 39.000 postes ont été crées par

ces sociétés, soit une progression de 3,9% contre une baisse de 0,3% pour le secteur

privé et de 1% pour les entreprises du CAC 40.

_____________________________________________________________________

33. Charles Diehl, Partner Activa Capital, Capital-risque et fonds LBO, Annexe 4 :

interview : « Le LBO en période de crise » - 15 octobre 2011.

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Mais la vraie question concerne l’avenir des entreprises sous LBO en période de crise

et les barrières à mettre en place pour se garder des excès qui peuvent mettre en péril

l’entreprise.

Concernant d’abord la résistance de ces dernières et étant entendu que le montage

financier les place mécaniquement sous forte pression, nous pouvons affirmer pour

l’heure que parler d’un effondrement des entreprises sous LBO serait objectivement

impropre. En effet, les entreprises accompagnées par les fonds de Capital

Transmission ont vu leurs effectifs décroitre de 2,6 % et leurs chiffres d’affaires

diminués de 9,2 % entre 2008 et 2009. A titre de comparaison, les entreprises du CAC

40 ont vu leurs effectifs décroitre de 2,8 % et leurs chiffres d’affaires diminués de 6,8

% entre 2008 et 200934. Pourtant, se comparer aux entreprises du CAC 40, ce n’est

rien moins que de se comparer aux très grandes entreprises où la France excelle dans

de très nombreux secteurs (automobiles, aéronautique, agroalimentaire, luxe, banque,

etc..).

Mais voyons maintenant quels sont ces fondamentaux auxquels la cible doit

impérativement répondre avant de nous intéresser aux pratiques qui doivent s’imposer

afin que la transmission d‘entreprises repose sur des bases saines et se garde des abus

dont la nocivité, tant au niveau micro économique que macro économique, n‘est plus

à démontrer.

Il est important de ne jamais oublier que ce type de financement sur mesure repose

sur la seule capacité de la cible à générer du « cash ». Concernant les forces

attendues, le positionnement de l’entreprise est un premier facteur. La position de

leader ou de challenger, assortie d’un avantage concurrentiel est en ce sens une

situation appréciée. Dans tous les cas, une position stratégique basée sur des parts de

marché significative est recherchée. On tiendra compte également de la sensibilité du

secteur à son environnement (chiffre d’affaires en devises par exemple) et à la

conjoncture.

__________________________________________________________

34. Source : www.afic-data.com/ Grant thornton

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Ainsi, une entreprise dépendante du prix des matières premières est forcément

fragilisée et l’anticipation de sa rentabilité et de sa trésorerie plus compliquée.

De même, la dépendance vis-à-vis d’un fournisseur ou d’un client constitue

clairement un handicap. Une analyse stratégique est donc menée pour vérifier si

l’entreprise occupe une position pérenne sur son marché sans aucune dépendance.

Dans un tel cas de figure, l’outil économique de l’entreprise va être évalué. Sommes-

nous face à un outil nécessitant des investissements de renouvellement important ou

au contraire sur une cible dont les capacités de production peuvent faire face à la

croissance de l’activité projetée ? En ce sens, une cible « idéale » doit présenter une

absence d’endettement ou pour le moins un endettement de départ limité. En effet, la

logique même du montage implique que tous les paramètres de l’entreprise soient

disséqués puis optimisés afin d’en faire une « machine » à rembourser de la dette, tout

en laissant une capacité d’endettement orientée vers la croissance. Plus important

encore, le management doit être expérimenté et au service d’un projet stratégique

industriel clair , son implication pour la réussite du projet étant tout simplement

fondamentale. Nous regarderons d’ailleurs plus loin comment intéresser le

management dans le projet, ce qui est très fréquent dans le LMBO.

Dans un même temps, la cible doit intrinsèquement être de bien meilleure qualité que

la moyenne des entreprises de son secteur et être source de richesse. Ainsi, différents

indicateurs seront étudiés : l’entreprise devra disposer d’un bon niveau de fonds

propres au regard de son actif d’exploitation, d’une bonne gestion et d’une évolution

maitrisée de son besoin de fond de roulement, d’un réservoir de « cash » constitué

par la mobilisation toujours possible du poste client. Un portefeuille de créances

mobilisables peut en effet permettre de traverser les périodes de crise de trésorerie et

assurer de ce fait les remontées de dividendes vers la holding pour assurer le service

de la dette. Le niveau de l’EBITDA et sa récurrence sera également très important :

c’est la véritable richesse développée par l’exploitation de l’entreprise.

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Cette richesse doit être stable dans le temps pour que l’entreprise dispose toujours de

cash pendant les périodes de conjoncture et / ou de conditions de marché défavorable.

Ainsi, Jean -Mathieu Sahy, dirigeant Cap Export résume35 : « Le premier critère

concerne évidemment la solidité stratégique du projet industriel de l’entreprise.

Ensuite, les niveaux de croissance du chiffre d’affaire, de la marge et surtout de

capacité de la cible à générer de la trésorerie feront l’objet d’une attention toute

particulière : le « cash flow », c’est le nerf de la guerre ! ».

Le portrait robot de l’entreprise pouvant s’adapter à la technique du LBO étant dressé,

nous pouvons maintenant nous intéresser aux bonnes pratiques indispensables pour

pérenniser et transmettre des sociétés opérationnelles.

2.1.2 Le « business plan » au service de la pérennité de la cible

L’établissement d’un « business plan » réalisé à la lueur d’une analyse fine du modèle

économique de l’entreprise est indispensable pour la réussite d’une transmission . En

effet, les chiffres contenus dans le « business plan » vont tracer les différentes actions

des différents protagonistes du LBO. Les investisseurs qui projettent les perspectives

de rentabilité. Les banquiers qui vont juger de la capacité de remboursement de

l’entreprise sous LBO. Le chef d’entreprise qui va piloter son activité. Les auditeurs et

autres conseils, qui à l’aide de ce dernier, peuvent se prononcer sur la solidité de

l’entreprise, l’avenir de son projet stratégique, la cohérence des projections et « in

fine » la valeur de l’affaire. Le « business plan » est donc l’expression chiffrée d’une

stratégie permettant d’orienter son action dans le temps, généralement sur un horizon

de 5 ans. Il appartient à ce dernier de démontrer une adéquation entre les moyens et

les ambitions, le profil de l’entreprise et son environnement. Le « business plan » doit

permettre de projeter les modalités de développement, de croissance et de rentabilité.

Ainsi, il permet dans un premier temps de se fixer un objectif et une stratégie sur le

moyen terme. Stratégie qui peut être de continuité ou de croissance.

_____________________________________________________________________

35. Jean-Mathieu Sahy - Dirigeant Capital Export- Annexe 3 interview « Le LBO en

période de crise » - 12 octobre 2011

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Ensuite, il décrit comment décliner cette stratégie, quelles sont les orientations, les

principaux axes stratégiques et les étapes dans le temps pour pouvoir raisonnablement

les atteindre. Croissance interne ou au contraire externe. Quelquefois même cession

de certains actifs qui ne sont plus stratégiques et recentrage sur le cœur de métier.

Enfin, il dresse le diagnostic des différents moyens (techniques, financiers et

humains…) utiles et mesure les écarts avec l’existant pour pouvoir les combler. Dans

tout ce « process », il est indispensable de coller au modèle économique de

l’entreprise en se fixant des objectifs réalistes et atteignables.

Le point de départ est bien évidemment la projection de l’activité sur l’horizon

temporel choisi, base sur laquelle est établie notamment la valorisation de la cible. A

partir de cette prévision d’activité, il s’agit de décliner les différents niveaux de

marge permettant d’anticiper et de mesurer les différents niveaux de rentabilité de

l’entreprise. Bien entendu, le niveau de marge doit là encore étroitement tenir compte

du profil de l’entreprise, de ses caractéristiques et du secteur d’activité sur lequel elle

évolue. C’est aussi ce qui permet d’établir le « point mort », c’est-à-dire le chiffre

d’affaires minimum pour couvrir l’ensemble des frais et ainsi peut-être mieux

« calibrer » ses ambitions.

Mais le « business plan » ne peut pas s’arrêter aux seuls éléments de rentabilité et doit

prévoir l’ensemble des besoins de financement, à savoir aussi bien les financements

de haut de bilan (appareil productif notamment) que les besoins en fond de roulement.

Cette information est d’importance et nombre de LBO aujourd’hui défaillants le sont

parce que ces éléments n’ont pas été suffisamment intégrés.

En effet, la dette LBO ne doit pas absorber l’intégralité de la capacité de financement

de l’entreprise et il faut laisser à cette dernière une marge de manœuvre qui puisse

assurer ses développements futurs et/ou sa capacité à faire face à un retournement de

conjoncture.

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Il ne faut surtout jamais oublier que le succès d’un LBO dépend intégralement de la

capacité de l’entreprise à générer suffisamment de trésorerie pour satisfaire à la fois

aux contraintes du remboursement de la dette mais aussi aux nécessités internes liées

au développement de l’entreprise.

Il est donc évident qu’une attention toute particulière doit être concentrée sur

l’anticipation des flux de trésorerie. Dernier point et non des moindres, il est

indispensable de « dégrader » le « business plan » au travers de différents scenarii

liés aux différents facteurs de risque et d’incertitude susceptibles d’affecter la

réalisation des projections. Bien entendu, en période de crise, la logique est encore

renforcée et il faut à la fois réduire l’horizon temporel des prédictions, accroitre la

pression sur la trésorerie et disposer d’outils de gestion fiables pour instaurer un suivi

beaucoup plus régulier de l’activité.

Ainsi, établir un business plan sur la base d’une analyse économique fine du modèle

de l’entreprise, laisser à l’entreprise les moyens de se développer au-delà de la dette

LBO même au sein d’un environnement économique dégradé, mesurer la sensibilité

des résultats aux variables clés de l’entreprise, voilà ce que nous a enseigné la crise et

ce qu’il convient d’appeler un retour aux fondamentaux.

Mais au-delà des chiffres qui bien trop souvent ne sont que l’émanation d’une rapide

construction du comptable, le professionnel qui doit valider un « business plan » doit

s’attacher à vérifier le niveau d’implication du management dans l’élaboration de ce

dernier. En effet, comment croire à une projection si l’on n’est pas assuré que ceux

qui vont mettre en place la stratégie proposée l’ont élaboré ? Comment envisager la

réalisation des prédictions si l’on ne s’est pas avant inquiété de la compétence des

managers et de la convergence de leurs points de vue ? Qui mieux que les managers

pour expliquer l’histoire de l’entreprise qui sous tend son futur ?

Ici comme ailleurs, aujourd’hui comme hier, les hommes restent avant tout la force de

l’entreprise !

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Mais créer de la valeur impose également de ne pas commettre d’erreur sur le prix de

la cible qui doit être non seulement cohérent avec les caractéristiques intrinsèques de

l’entreprise mais aussi son potentiel.

2.1.3 Une juste valorisation de la cible indispensable à la création de valeur

Une fois que la mission d’évaluation aura conduit les professionnels à déterminer un

intervalle à l’intérieur duquel se situera le prix définitif de la cible, la négociation

devra comme toujours conduire à obtenir le meilleur rapport qualité-prix possible. Car

en définitive, le prix reste toujours l’issue d’une négociation entre un acheteur et un

vendeur. En ce sens, la crise qui entraine mécaniquement un recul du TRI permettra

aux plus avisés de « séparer le bon grain de l’ivraie » et de réaliser « la bonne

affaire ». En effet, si la mission d’évaluation va conduire à s’intéresser à différents

éléments financiers probablement momentanément dégradés, patrimoine (différence

entre les actifs et les dettes de l’entreprise), rentabilité (résultats de l’entreprise),

rendement (flux de trésorerie dégagés par l’entreprise), le chef d’entreprise averti va

s’intéresser au futur de la cible.

La vraie question consistant à évaluer, sur la base des qualités intrinsèques de

l’entreprise et des optimisations projetées, les résultats et les flux de trésorerie des

années à venir ?

Rappelons à ce stade que le financement LBO consiste d’abord à mettre en

œuvre des décisions visant à maximiser la création de valeur qui seule pourra

intéresser les fonds d’investissement et attirer les capitaux.

Dans les faits, on distingue deux principales approches, qui permettent d’évaluer une

société. Chaque approche est plus ou moins utilisée par les professionnels et plus ou

moins influente sur la valorisation finale en fonction du secteur et de la taille de la

société. On distingue l’approche actuarielle qui va valoriser la société à partir de sa

capacité à générer à moyen terme des flux de revenus (cash-flows, dividendes,…) de

l’approche comparative qui valorise une société à partir de données sur des sociétés

présentant un profil comparable (opérations comparables, indices de référence,

données financières des concurrents…).

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Mais au-delà, c’est à partir de ce prix et donc de la dette y afférent que l’on pourra

s’assurer premièrement de la cohérence du projet et deuxièmement qu’une partie du

« cash flow » à remonter vers la holding reste au niveau de la cible pour assurer les

besoins de fonctionnement. En ce sens, les organismes qui financent ces opérations se

fixent bien évidemment des limites et les normes les plus couramment admises font

état des ratios suivants : structuration Fonds Propres/Dettes (40/60), valorisation de

l’entreprise de maximum 7 fois son EBITDA, quotité maximale de la dette in fine de

30%, effet de levier (Dette / Ebitda < 4) .

D’autres éléments constitueront également des « clignotants » liés au montage comme

la typologie de l’opération (OBO patrimoniaux par exemple) ou une rupture du

management. Et afin d’inscrire dans le temps la bonne santé de l’entreprise, des

clauses contractuelles ou « covenants » vont êtres signées entre le (s) banquier (s) et

le repreneur. Le but est bien entendu de contrôler l’activité de la société et de prévenir

toute future difficulté de cette dernière. Ces clauses ont donc un rôle préventif. Parmi

elles, on peut citer le respect de certains ratios financiers mais aussi une clause

d’information ou encore de limitation d’endettement, sans que ceci soit limitatif.

Il est donc établi et tout le monde ne peut qu’en être d’accord que ces différentes

mesures de bon sens (choix judicieux de la cible, « business plan » établi sur la base

d’une analyse pointue du modèle économique de l’entreprise, juste valorisation de la

cible, utilisation de leviers de financement mesurés et donc recherche de TRI plus en

rapport avec la réalité économique) ne peuvent qu’assainir et pérenniser le marché des

entreprises sous LBO. Pour autant, beaucoup parlent d’un véritable « mûr de la dette »

en 2013-2014 et bien naïf seraient ceux qui en douteraient ! Là encore, il parait

judicieux de rendre la parole à ceux qui sont chaque jour sollicités pour constituer et/

ou décider des bons dossiers.

A la question posée à l’ensemble des professionnels interviewés sur l’existence ou

non d’un véritable « mûr de la dette » en 2013-2014, la réponse est pourtant unanime.

Yves Péroy, Directeur Corporate Finance Palatine répond : « même si nombre de

LBO arrivent à échéance en 2013-2014, dont la plupart avec une part de in fine, le

mûr de la dette sur le marché des small-caps, cela n’existe pas…

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En effet et contrairement aux Méga Deals, les tranches de in fine, même en 2006-

2007, ont rarement dépassé 30 % et les tranches « C à Z » sont inconnues. Autrement

dit, au moins 75% de la dette sera amortie et dans 95% des cas, les entreprises

concernées seront toujours en bonne santé. En outre dans 9 cas sur 10, le fonds

d’investissement initial ressort et un nouveau LBO entre : on peut dire en ce sens que

les tranches in fine n’ont pas vocation à être remboursées36 ».

Jean-Mathieu Sahy, Dirigeant Capital Export confirme et explique : « très

sincèrement, l’industrie du LBO a déjà traversé de tels chocs avec succès que l’idée

d’un mur de la dette infranchissable, je n’y crois pas. Dans tous les cas, personne n’a

intérêt à ce que les choses tournent mal, le banquier encore moins que les autres37 ».

Il convient donc de penser que si les excès ont bien entendu existé, les LBO peuvent

néanmoins encore servir ! Et plutôt que penser à rejeter en bloc l’ensemble du schéma

proposé, le propos mérite certainement d’être nuancé et comme l’affirme Philippe

Pettini, Directeur Régional Sud Méditerranée : « la situation de crise dans laquelle

sont entrées nos économies depuis plusieurs années a modifié les conditions

d’exercices de ces projets et tendu certains montages. Dans la plupart des cas cette

situation de retournement économique est gérable : d’une part les PME concernées

sont toujours des cibles de qualité où des marges de manœuvre existent, et d’autre

part les montages sont principalement à base de financements amortissables avec une

dette dont le remboursement a commencé à être engagé38 ».

_____________________________________________________________________

36. Yves Peroy – Membre du Comité exécutif en charge de la direction «corporate

finance » Banque Palatine - Annexe 2 : interview « Le LBO en période de crise » - 3

octobre 2011.

37. Jean-Mathieu Sahy - Dirigeant Capital Export- Annexe 3 interview « Le LBO en

période de crise » - 12 octobre 2011.

38. Philippe Pettini – Directeur Régional Sud Méditerranée- Annexe 1 - Point de vue

: le LBO en période de crise- 5 octobre 2011

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La crise a donc finalement assaini le marché en disqualifiant les dossiers où les

fondamentaux (choix de la cible, analyse fine de son modèle économique, utilisation

d’un business plan au service du développement durable de l’entreprise, stratégie

claire et identifiable, utilisation d’effet de levier mesuré, accompagnement par de

véritables professionnels du LBO ) n’avaient pas été respectés. Mais tout cela ne doit

pas faire oublier que le marché du « buy out », c’est bien souvent l’ultime solution au

service de la transmission d’entreprise. En outre, c’est aussi le moyen d’écrire de

« belles histoires » et de participer au développement de nos PME innovantes à fort

potentiel de croissance pour leur faire passer «un cap »

Ainsi, il est bon de penser que l’action responsable et concertée de banquiers et de

professionnels de la levée de fonds comme « Truffle Capital » a permis d’assurer le

succès de sociétés comme Carmat qui développe le cœur artificiel total ou Néovacs

qui développe des médicaments innovants contre les maladies inflammatoires graves

ou encore de se projeter dans le 21 ème siècle avec Dénove qui conçoit des usines

bactériennes pour faire des biocarburants à partir de la biomasse.

Car comme Bertrand Religieux, Dirigeant du fond Soridec à l’échelle régionale,

« notre vocation de fond régional nous incline naturellement à aider au

développement du tissu économique sur les zones géographiques où nous intervenons.

Notre attachement à la pérennité de l'emploi nous caractérise39 », notre rôle est de

participer au développement de l’économie française en prenant appui sur ses plus

dynamiques acteurs et en mettant tout en œuvre pour faire œuvre utile. Parmi les

moyens dont on dispose, la juste utilisation des leviers financiers, juridiques et fiscaux

au service d’un projet stratégique est bien légitime.

_____________________________________________________________________

39. Bertrand Religieux - Dirigeant SORIDEC- Annexe 5 interview « Le LBO en

période de crise » - 20 octobre 2011.

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2.2 L‘Ingénierie juridique, financière et fiscale au service d’un projet

stratégique.

Maître Monassier, notaire : « la société holding, résume Maître Bernard Monassier,

notaire parisien, mise en place pour la gestion des participations et le financement de

grands groupes a toute sa pertinence dans le cadre d’une cession de PME. Le

holding, poursuit-il, qui détient des parts sociales dans une ou plusieurs sociétés,

permet d’éviter le régime fiscal lié au rachat direct des parts de la société reprise par

l’acquéreur (taux plein de l’IS). Les dividendes de la filiale du holding seront

quasiment pas assujettis à l’impôt, et l’emprunt souscrit par la société pour l’achat

des parts de l’entreprise ainsi cédée, sera remboursé directement par les dividendes

perçus. Si le holding n’avait pas été créé, le prêt contracté par l ‘acquéreur pour

acheter les parts, aurait dû être remboursé après paiement de l’impôt sur le revenu ou

avec les dividendes distribués, donc après leur taxation40. »

Comme le précise si bien Maitre Monassier, l’utilisation d’une société holding dans le

cadre de la transmission d’une société, présente de nombreux avantages juridiques,

fiscaux et financiers. Il convient de montrer quels sont ces avantages et leur intérêt

dans un contexte de transmission de titres de société au service d’un projet stratégique

global de l’entreprise.

2.2.1 L’ingénierie juridique au service d’un projet stratégique.

D’un point de vue juridique, le pouvoir appartient à celui qui détient au moins 50%

des droits de vote (majorité simple). Il suffit donc de détenir 50% de la cible et 50%

du holding pour avoir les pleins pouvoirs. Dans la pratique, on va créer une société

holding détenue à plus de 50% (50% + une voix) par le candidat à la reprise de la

société cible, la holding détenant une partie de la société cible.

Ainsi, si la part détenue dans la société cible est de 50% + une voix, il est possible de

diriger cette société en n'en détenant indirectement que 26,1% des titres (cf. 51% de

51%). Et si l’on intercale une nouvelle holding, 13,05% suffisent.

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Cette pratique met donc en évidence un effet démultiplicateur et la possibilité de

détenir majoritairement une société de capital élevé sans pour autant mobiliser un

apport en fonds propres important. Et cet effet de levier peut encore être démultiplié

par la mise en place d’une succession de holdings « en cascade ». Il est même

envisageable de créer des droits de vote doubles au profit des seuls repreneurs.

L’enjeu étant d’optimiser la puissance du levier, et donc sa capacité à « soulever » une

cible importante avec un capital beaucoup plus faible.

Dans son livre « le guide pratique du LBO », Nicolas Boschin donne ainsi l’exemple

d’un repreneur qui ne disposant que d’un capital de 133 k€ parvient à acquérir et

contrôler, par l’interposition de 3 holdings, une cible ayant une situation nette de 1000

K€ : c’est le levier juridique.

Cependant, trois « freins » s’opposent à la multiplication des interpositions : le

premier concerne la difficulté à trouver des investisseurs disposés à financer une part

aussi importante de l’investissement ( 867 K€ dans 3 holdings différentes dans notre

cas de figure) pour n’être que minoritaires et disposer de participations dans des

sociétés intermédiaires par définition peu liquides.

Ensuite dans le cadre d’une opération de LBO, pour pouvoir bénéficier du levier

fiscal, il faudra nécessairement opter pour le régime de l’intégration fiscale. Et ce

régime impose de détenir impérativement 95 % de chaque société pour imputer les

bénéfices réalisés par la cible sur les déficits des holdings d’acquisition.

Enfin, ce type de montage pose de réels problèmes de gestion et surtout des

contraintes financières puisqu’il oblige la distribution de dividendes à chaque étage de

la structure.

En réalité, c’est dans un objectif de transmission progressif à des héritiers repreneurs

qu’une société holding peut s’avérer le plus utile afin de conserver la majorité tout en

transmettant une partie des droits sociaux. Une détention de 51 % dans la société

holding détenant elle-même 51 % de la société filiale pouvant permettre de contrôler

les deux sociétés tout en transmettant une grande partie des droits sociaux.

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2.2.2 L’ingénierie financière au service d’un projet stratégique

Comme nous l’avons vu, le LBO est une technique particulière qui consiste à racheter

une entreprise par une combinaison de dette et de capital tout en restant attentif à se

préserver des excès qui pourraient mettre en péril la résilience voir la survie de

l’entreprise. En effet, il s’agit non seulement de s’assurer que la cible dispose se

suffisamment de « cash flow » pour supporter le poids de la dette mais aussi de laisser

suffisamment de marge de manouvre à la cible pour résister en période de crise et se

développer.

Ce postulat étant posé, engendrer un effet de levier raisonné a pour effet à la fois de

faciliter la réalisation du montage et d’optimiser fiscalement le projet. Dans de telles

conditions, l’optimisation financière devient une aide à la réalisation et permet de

susciter l’appétence de tous les partenaires. Ainsi, l’effet de levier financier se définit

comme le rapport entre la rentabilité des fonds propres et le coût de l’endettement . Ce

principe repose sur l’utilisation importante de l’endettement afin d’accroître la

rentabilité des capitaux propres investis dans l’entreprise. Bien entendu, l’utilisation

d’un tel montage sous-tend que la rentabilité des fonds propres soit supérieure au coût

de la dette.

Dans la pratique, les remontées de dividendes provenant de la cible permettent à la

holding de rembourser les emprunts liés à l’acquisition de ses propres titres et donc

d’absorber le coût financier du crédit contracté.

Les distributions entre mère et fille sont exonérées d’impôt sur les sociétés sous

réserve d’une quote-part de frais et charges de 5 % soumise à l’impôt sur les sociétés,

dès lors que la holding a opté pour le régime des mères et des filiales, conformément

aux articles 145 et 216 du CGI .

Ce levier financier permet de faire supporter la charge du remboursement de

l’emprunt sur la société holding et non sur les associés directement.

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Cela permet d’éviter la nécessité d’une distribution de dividendes ou d’une

augmentation de rémunération imposable chez les associés et corrélativement, une

augmentation de leur impôt sur le revenu sans possibilité d’imputation des charges

financières.

En ce sens, le LBO entraine une amélioration remarquable de l’efficacité financière de

l’opération.

2.2.3 L’ingénierie fiscale au service d’un projet stratégique

Ce levier va permettre de bénéficier de dispositions fiscales favorables afin de faciliter

la transmission d’entreprises ou les rachats de segments d’activité que des groupes

souhaitent externaliser.

Le régime des sociétés mère-fille, possible dès lors qu’une société détient plus de 5 %

dans le capital d’une autre société. Celui-ci lui permet comme vu supra la distribution

de dividendes sans imposition entre la cible et la holding (sauf quote-part de frais et

charges de 5 %).

La déduction fiscale des intérêts d’emprunt au niveau de la holding (à la condition que

la société holding réalise un résultat taxable autre que la taxation de la quote-part des

frais et charges liés aux remontées de dividendes de la société fille).

Le régime d’intégration fiscale, possible lorsqu’une société détient plus de 95 % du

capital d’une autre société. L’imposition est ici opérée au niveau du groupe et les deux

sociétés ne forment plus qu’une entité au niveau fiscal permettant notamment la

déduction directe des intérêts d’emprunt et une imputation des déficits de la holding

sur les profits réalisés par la cible. Toutefois, ce régime nécessite un engagement de 5

ans et cette voie est fermée en vertu de ce que l’on appelle communément

« l’amendement Charasse » lorsque la holding et la cible sont contrôlés par un même

actionnaire, c’est-à-dire lorsque l’acquisition n’a pas eu comme effet un changement

de contrôle.

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Cependant, le régime de l’intégration fiscale nécessite un certain nombre de

conditions d’accès : seules les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent

prétendre au bénéfice de l’intégration fiscale.

La société mère ne doit pas être elle-même une filiale à plus de 95 % d’une autre

société soumise à l’impôt sur les sociétés français. Les filiales qui peuvent entrer dans

le périmètre de l’intégration fiscale, sont celles détenues directement ou indirectement

à 95% par la société mère. Toutes les sociétés du groupe doivent opter pour la même

date de clôture des comptes.

Concernant les formalités maintenant, l’intégration fiscale n’est pas un régime

obligatoire. La société mère doit opter expressément pour ce régime tous les 5 ans.

Lorsqu’elle effectue la demande (au plus tard lors du dépôt des bilans de l’exercice

précédent), cette dernière doit être accompagnée de la liste des filiales qu’elle souhaite

faire entrer dans le périmètre de l’intégration. Au niveau de l’intégration du résultat,

chaque entité détermine dans un premier temps son propre résultat individuel selon les

règles habituelles avant que ne soit opérer au niveau de la holding, la somme des

résultats et des plus/moins values afin de déterminé l’imposition globale holding +

cible. Bien entendu, les différents effets de levier ici explicités n’expliquent pas à eux

tous seuls l’appétence des fonds d’investissement comme des banquiers pour les

opérations de LBO.

Néanmoins, cet effet est bien souvent déterminant pour accompagner les prises de

décisions de ceux qui les décident. Mais l’essor des techniques des LBO et la création

de valeur qui les accompagne, nous l’avons vu, tient considérablement sur le fait que

les managers qui participent à l’acquisition vont poursuivre une politique

d’amélioration de la rentabilité de l’entreprise et de développement de son activité.

Les LBO peuvent même améliorer la structure de capital de sociétés cibles

insuffisamment endettées.

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D’un point de vue plus général, le LBO est un élément déterminant pour améliorer

l’efficacité globale de l’économie, en contribuant à une plus grande flexibilité des

structures industrielles, et à une meilleure adéquation entre les objectifs propres des

entreprises et ceux de leurs actionnaires. Ainsi, l'opération de LBO se traduit souvent

par la mise en place d'un nouvel actionnariat dont les objectifs sont en parfaite

cohérence avec ceux des dirigeants de l’entreprise.

Ainsi, le LBO replace bien le capital humain au cœur de l’entreprise et il n’est de

valeur de l‘entreprise, comme toujours, que celle des hommes qui la compose.

2.3 Le LBO au cœur de la crise ou comment replacer le capital humain au cœur

de l’entreprise.

La société holding est également un outil d’optimisation de la rémunération des

dirigeants d’entreprise, et permet l’émergence d’un effet de levier social au service

des managers les plus performants. C’est tout l’esprit du « management package » ou

plan d’investissement des managers qui vise à aligner les intérêts des investisseurs

financiers avec le ou les managers impliqués dans le LBO. Mais dans ce domaine en

particulier, la jurisprudence fourmille de décisions fiscales contradictoires et les

bonnes pratiques sont plus que jamais conseillées. A cette réserve près, intéresser

l’équipe managériale est une absolue nécessité et il n’y a pas de réussite de projet sans

une totale implication du ou de (s) dirigeants chargés de porter le changement au cœur

même de l’entreprise.

Bertrand Religieux, dirigeant du fond Soridec insiste : « si nous sommes très souvent

minoritaires, nous attachons une attention toute particulière à l'équipe dirigeante

avec laquelle nous entretenons une relation de proximité relationnelle et

géographique40 ».

_____________________________________________________________________

40. Bertrand Religieux - Dirigeant SORIDEC- Annexe 5 interview « Le LBO en

période de crise » - 20 octobre 2011.

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Il existe deux méthodes, l’une conventionnelle et l’autre légale, qui vont tracer la voie

d’un partage de la création de valeur de l’entreprise. Des mécanismes tels que le

« sweet equity », les actions à bons de souscription d’actions (ABSA) ou les

obligations convertibles peuvent notamment être utilisés de même que les dispositifs

légaux parmi lesquels on compte les « stocks option », les bons de souscription de

Parts de Créateur d’Entreprise (PCE), les actions gratuites ou autres obligations

convertibles en actions.

2.3.1 Définition des dispositifs conventionnels et légaux pouvant être utilisés.

Le « SWEET EQUITY » consiste à permettre au manager d’investir dans la société

cible exclusivement via des actions alors que les autres actionnaires (généralement les

investisseurs financiers) investissent via des actions mais également, et

majoritairement, via des obligations. Ainsi, pour un même montant d’investissement,

le manager détient une fraction proportionnellement plus importante du capital que les

autres actionnaires, et notamment les actionnaires financiers. Ce qui constitue un

avantage pour le manager lorsque la société est revendue. Le « sweet equity »

constitue souvent le premier niveau de la composante actionnariale des « Management

Packages » dans un contexte d’entreprise sous LBO. Il revient réellement à

avantager les managers par rapport aux investisseurs financiers. Les autres

mécanismes d'intéressement peuvent s'y ajouter.

Les ABSA (Actions à Bons de Souscription d’Actions) constituent une alternative

aux actions gratuites, BSPCE et « stock-options » . Au fonctionnement plus souple,

leurs conditions d'émission requièrent une approche particulière. Ce sont des actions

auxquelles sont attachés des BSA (bons de souscription d’actions). Un BSA est un

bon donnant droit de souscrire, pendant une durée déterminée, des actions dont le prix

est fixé à l’avance. Toutes les sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés en

commandite par actions, sociétés par actions simplifiées), qu’elles soient cotées ou

non, peuvent souscrire des ABSA. Il n’existe aucune restriction quant aux managers

pouvant bénéficier d’ABSA émises par la société ou au pourcentage du capital

pouvant être attribué via des ABSA.

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Aucune durée minimum légale n’est imposée. Les conditions d’émission peuvent

toutefois prévoir une date avant laquelle le manager ne pourra pas exercer ses BSA

attachés aux ABSA. Les conditions d’émission des ABSA, formalisées aux termes

d’un plan, peuvent librement prévoir que l’exercice des BSA est subordonné à la

réalisation de certaines conditions : condition de présence du manager dans

l’entreprise, atteinte d’objectifs opérationnels, prix de vente minimal de l’entreprise,

etc. Ces conditions doivent reposer sur des critères objectifs et leur réalisation ne peut

pas dépendre de la seule volonté des organes de direction de l'entreprise.

Le manager doit immédiatement verser le prix de souscription de la composante

action des ABSA ainsi que le prix de souscription des BSA calculé selon des

méthodes spécifiques de valorisation (généralement, entre 7 % et 20 % du prix de

chaque action sous-jacente s'agissant des bons exerçables pendant plusieurs années).

Au moment où il exerce ses BSA, le manager doit verser le prix de souscription des

actions sous-jacentes. Ce prix d’exercice doit être cohérent avec la valeur de marché

de la société au jour de l’attribution. L’avantage des BSA réside dans le fait que le

prix de souscription des actions sous-jacentes est fixé au moment où les BSA sont

attribués (et non au moment de leur exercice). Ainsi, plus la société a pris de valeur

entre le jour où les BSA sont attribués au manager et le jour où il vend les actions

sous-jacentes, plus la plus-value réalisée est importante.

Le manager est donc fortement impliqué dans l’accroissement de valeur de

l’entreprise. Les BSA ne sont pas un instrument financier spécifiquement dédié à

l’intéressement des Managers (contrairement aux actions gratuites, stock-options et

BSPCE). Ce sont des valeurs mobilières sans régime fiscal spécifique. Il convient

donc de les utiliser avec précaution et de bien les structurer afin d'éviter une

requalification en rémunération professionnelle par l'administration fiscale. Sous cette

réserve, aucune charge fiscale n’est supportée par l’entreprise et aucune fiscalité n’est

applicable au manager au moment où il souscrit les ABSA ou lors de l’exercice des

BSA.

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Lorsque le manager cède ses actions (qu’il s’agisse de la composante action des

ABSA ou des actions attribuées par exercice des BSA) ou ses BSA, la plus-value de

cession (prix de cession - prix de souscription) est taxée au taux global de 32,5 %

(prélèvements sociaux de 13,50 % inclus), quel que soit le montant annuel des

cessions réalisées par le foyer fiscal (le seuil annuel d'imposition étant supprimé

depuis le 1er janvier 2011). Les ABSA et les actions issues de l’exercice des BSA y

attachés peuvent être souscrits dans le cadre d’un PEA. Lors de l’émission des ABSA,

la valeur nominale de la composante action des ABSA est portée au poste « capital

social » et, le cas échéant, la prime d’émission de la composante action des ABSA

ainsi que le prix de souscription des BSA est portée au poste « prime d’émission ».

Lors de l’exercice des BSA attachés aux ABSA, la création des actions sous-jacentes

est réalisée par une augmentation de capital de l’entreprise. Cette augmentation de

capital est comptabilisée de manière classique.

Les OBLIGATIONS CONVERTIBLES constituent une alternative aux actions

gratuites, BSPCE et « stock-options » mais n’offrent pas au manager la même sécurité

fiscale. Leurs conditions d’émission requièrent une approche particulière. Ce sont des

obligations auxquelles est attaché un droit de conversion qui permet à son titulaire

d’échanger les obligations en actions de l’entreprise. Un ratio détermine le nombre

d’actions auquel donne droit chaque obligation. Toutes les sociétés par actions

(sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions

simplifiées), qu’elles soient cotées ou non peuvent y souscrire. Il n’existe aucune

restriction quant aux personnes pouvant bénéficier d’OC émises par une entreprise ni

aucune restriction légale quant au pourcentage du capital pouvant être attribué via des

OC. La société fixe librement le montant de l’emprunt obligataire. Aucune durée

minimum légale n’est imposée. Les conditions d’émission des OC peuvent toutefois

prévoir une durée durant laquelle le manager ne peut pas les convertir.

La conversion des OC peut être subordonnée à la réalisation de certaines conditions :

condition de présence du manager dans l’entreprise, atteinte d’objectifs, prix de vente

minimal de l’entreprise.

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Ces conditions doivent reposer sur des critères objectifs et leur réalisation ne peut pas

dépendre de la seule volonté des organes sociaux de direction. Le manager doit verser

le prix de souscription des OC . En cas de conversion des OC en actions, le manager

n’a rien à verser puisque le prix de souscription des actions sous-jacentes est payé par

compensation avec le prix versé par le manager au moment de la souscription des OC.

L’intérêt des OC réside dans le fait que le prix de souscription des actions sous-

jacentes est fixé au moment où les OC sont attribuées (et non au moment de leur

conversion). Ainsi, plus la société a pris de valeur entre le jour où les OC sont

attribuées au manager et le jour où il vend les actions sous-jacentes, plus la plus-value

réalisée est importante.

Le manager est donc fortement impliqué dans l’accroissement de valeur de

l’entreprise. Les OC ne sont pas un instrument financier spécifiquement dédié à

l’intéressement des managers (contrairement aux actions gratuites, stock-options et

BSPCE). Il convient donc de les utiliser avec précaution et de bien les structurer pour

éviter les risques de requalification en rémunération professionnelle par

l'administration fiscale.

Sous cette réserve, aucune charge fiscale n’est supportée par l’entreprise. Aucune

fiscalité ne s’applique au manager lors de la souscription des OC ou lors de leur

conversion. Lorsque le manager cède les actions issues de la conversion des OC, la

plus-value de cession est égale à la différence entre le prix de cession des actions et le

prix de souscription. Elle est taxée au taux global de 32,50 % (prélèvements sociaux

de 13,50 % inclus), quel que soit le montant annuel des cessions réalisées par le foyer

fiscal (le seuil annuel d'imposition étant supprimé depuis le 1er janvier 2011). Les OC

ainsi que les actions issues de leur conversion sont exclues du PEA. Lors de

l’émission des OC, le traitement comptable est le même que pour tout autre emprunt

obligataire (un compte « emprunts obligataires convertibles » leur étant réservé).

Lors de la conversion des OC en actions, la création des actions sous-jacentes est

réalisée par une augmentation de capital de l’entreprise. Cette augmentation de capital

est comptabilisée comme une augmentation de capital classique.

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Attachons nous maintenant aux dispositifs légaux pouvant être utilisés. Un premier

outil d’intéressement traditionnel au capital, les « STOCK OPTION ».

Outil légal d'intéressement au capital, les « stock-options » (options d’achat ou de

souscription d’actions) permettent aux managers d’une entreprise de souscrire ou

d’acheter, pendant une durée déterminée, des actions de leur société (ou d'une société

du groupe) à un prix fixé à l’avance qui ne peut pas être modifié pendant la durée de

l'option. Toutes les sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés en commandite

par actions, sociétés par actions simplifiées), qu’elles soient cotées ou non peuvent

souscrire. Les managers bénéficiaires peuvent être salariés ou mandataires sociaux

dirigeants de la société qui attribue les «stock-options » , sous réserve de respecter des

plafonds individuels et collectifs . Des « stock-options » peuvent aussi être attribuées

par une société à des managers de sociétés appartenant au même groupe sous certaines

conditions. A noter que l'attribution de « stock-options » à des dirigeants est assortie

d'une obligation légale de conservation.

L’attribution de « stock-options » est assortie d’un double plafond. Un plafond

individuel pour se voir attribuer des «stock-options » , le manager ne doit pas détenir

individuellement plus de 10 % du capital social de la société (ou le tiers du capital

dans certains cas) et un plafond collectif : le nombre total des « stock-options »

attribuées et non encore exercées ne peut donner droit à un nombre d’actions excédant

le tiers du capital social s’il s’agit d’options de souscription d’actions ou 10 % du

capital s’il s’agit d’options d’achat d’actions. Les droits résultant des « stock-options »

consenties sont incessibles jusqu'à ce que l'option ait été exercée. Pour bénéficier

pleinement du régime fiscal de faveur, le plan de « stock-options » doit s’étaler sur 6

ans (4 ans d’indisponibilité et 2 ans de portage des actions). Le plan de « stock-

options » établi par l'organe de direction peut librement prévoir que l’exercice des

« stock-options » est subordonné à la réalisation de certaines conditions : condition de

présence du manager dans l’entreprise lors de l'exercice des options, atteinte

d’objectifs économiques, vente de l’entreprise à un prix minimal, etc. Les conditions

d'exercice des « stock-options » doivent reposer sur des critères objectifs et leur

réalisation ne doit pas dépendre de la seule volonté des organes sociaux de direction

de l'entreprise.

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Les « stock-options » peuvent être attribuées gratuitement mais le manager doit, au

moment où il exerce son option, verser le prix de souscription ou d'achat des actions

sous-jacentes. L’avantage financier des « stock-options » pour le manager réside dans

le fait que le prix de souscription (ou d'achat) des actions sous-jacentes est fixé au

moment où les « stock-options » sont attribuées (et non au moment de leur exercice).

Ainsi, plus l’entreprise a pris de la valeur entre le jour où les « stock-options » sont

attribuées au manager et le jour où celui-ci vend les actions sous-jacentes, plus la

plus-value réalisée est importante.

Le manager est donc fortement impliqué dans l’accroissement de valeur de

l’entreprise. A titre de principe général, si les actions de la société ne sont pas cotées,

le prix d’exercice doit être cohérent avec la valeur de marché de la société au jour de

l’attribution, conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation

d'actions.

Si les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé

(Eurolist), le prix de souscription ou d’achat ne peut pas être inférieur à 80 % de la

moyenne des cours cotés aux vingt séances de bourse précédant la date d’attribution

des « stock-options » (et, pour les options d’achat, 80 % du cours moyen d’achat des

actions détenues par la société). Nonobstant ce qui précède, la décote est imposable

comme un salaire au-delà de 5 % de rabais. Les « stock-options » ne sont pas éligibles

au PEA. L’impact comptable des « stock-options » diffère selon qu’il s’agit d’options

de souscription d’actions (donnant droit à des actions nouvelles) ou d’options d’achat

d’actions (donnant droit à des actions existantes rachetées préalablement par

l’entreprise) :

Lors de l’attribution des stock-options :

Options de souscription d’actions : aucune n’est à enregistrer.

Attribution d’actions existantes rachetées : l’entreprise doit traduire dans ses comptes

l’obligation de livrer les actions lors de la levée des options et doit constituer une

provision.

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Entre l’attribution des stock-options et la levée des stock-options :

Options de souscription d’actions : aucune écriture n’est passée.

Attribution d’actions existantes rachetées : à la clôture de la fin de chaque exercice

suivant le rachat de ses propres actions, l’entreprise constate, le cas échéant, une

déprécation des titres (des règles spécifiques encadrent le calcul de cette dépréciation).

Lors de la levée des stock-options :

Options de souscription d’actions : la création des actions sous-jacentes est réalisée

par une augmentation de capital classique de l’entreprise.

Attribution d’actions existantes rachetées : la différence entre le prix de rachat des

actions par l’entreprise et le prix d’achat par le manager constitue une charge ou un

produit à inscrire dans les comptes. Corrélativement, la provision pour dépréciation

des actions est, le cas échéant, reprise.

Les BSPCE (BONS DE SOUSCRIPTION DE PARTS DE CREATEUR

D’ENTREPRISE) sont réservés aux jeunes entreprises pour leur permettre de

recruter et fidéliser des managers à fort potentiel. Ce sont des bons, attribués

gratuitement ou non, qui donnent le droit au manager bénéficiaire de souscrire, au

cours d’une période déterminée, des actions dont le prix est fixé lors de l’attribution

des BSPCE.

Les BSPCE sont aussi appelés BCE ou BSCE. Leurs caractéristiques juridiques sont

proches de celles des bons de souscription d'actions (BSA). Seules les sociétés par

actions (sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions

simplifiées) répondant aux conditions cumulatives suivantes peuvent émettre des

BSPE. la société doit être soumise en France à l'impôt sur les sociétés, les

exonérations temporaires de cet impôt étant admises. la société ne doit pas être cotée

ou, si elle est cotée sur un marché d'instruments financiers réglementé ou organisé, sa

capitalisation boursière doit être inférieure à 150 M€ ; toutefois, une société dont la

capitalisation boursière excède ce seuil peut encore attribuer des BSPCE pendant 3

ans (pour les attributions effectuées depuis le 30 juin 2008) . la société doit avoir été

créée depuis moins de 15 ans .

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La société ne doit pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une

restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes (sauf

exception) . Le capital doit être détenu, directement et de manière continue depuis la

création de la société, pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des

personnes morales ayant leur siège en France ou dans l'Union européenne elles-

mêmes directement détenues pour 75 % au moins de leur capital par des personnes

physiques Les managers bénéficiaires peuvent être salariés ou mandataires sociaux

dirigeants de la société qui attribue les BSPCE.

Il n’est pas possible d’attribuer des BSPCE à un Manager exerçant dans une filiale ou

dans une société liée. Les BSPCE attribués sont incessibles. Il n’existe aucune

restriction légale quant au nombre de BSPCE pouvant être émis. Aucune durée

minimum légale n’est imposée. Le plan de BSPCE peut toutefois prévoir une durée de

présence dans l’entreprise durant laquelle le manager ne peut pas exercer ses BSPCE .

Il existe par ailleurs une durée d'exercice des fonctions à respecter pour bénéficier du

régime fiscal de faveur des BSPCE.

Le plan de BSPCE peut librement prévoir que l’exercice des BSPCE est subordonné à

la réalisation de certaines conditions : condition de présence du manager dans

l’entreprise, atteinte d’objectifs économiques, prix de vente de l’entreprise supérieur à

un prix plancher, etc. Ces conditions doivent reposer sur des critères objectifs et leur

réalisation ne peut pas dépendre de la seule volonté des organes de direction.

Les BSPCE peuvent être attribués gratuitement mais le manager doit, au moment où il

exerce ses BSPCE, verser le prix de souscription des actions sous-jacentes. Ce prix

d’exercice est fixé au jour de l'attribution des BSPCE. Il doit, par prudence, être

cohérent avec la valeur de marché de la société à cette date. En effet, une décote de

prix offerte à l'entrée par l'employeur risquerait d'être requalifiée en salaire.

Lorsque la société a fait l'objet, dans les 6 mois précédant l'attribution des BSPCE,

d'une augmentation de capital par émission de titres conférant des droits équivalents à

ceux résultant de l'exercice des BSPCE, le prix de souscription des bons doit être au

moins égal à celui retenu pour l'augmentation de capital.

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L’avantage financier des BSPCE réside dans le fait que le prix de souscription des

actions sous-jacentes est fixé au moment où les BSPCE sont attribués (et non au

moment de leur exercice). Ainsi, plus l’entreprise a pris de la valeur entre le jour où

les BSPCE sont attribués au manager et le jour où celui-ci vend les actions sous-

jacentes, plus la plus-value réalisée est importante.

Le manager est donc fortement impliqué dans l’accroissement de valeur de

l’entreprise. Les BSPCE ainsi que les titres souscrits en exercice de ces bons sont

exclus du PEA (Instruction 5 F-15-10 n° 38).Tant qu’un BSPCE n’est pas exercé,

aucune écriture n’est passée.

Lors de l’exercice d’un BSPCE, la création des actions sous-jacentes est réalisée par

une augmentation de capital classique de la société.

LES ACTIONS GRATUITES sont des actions attribuées gratuitement par une

entreprise au manager . Les actions gratuites peuvent être des actions nouvelles ou des

actions existantes préalablement rachetées par l’entreprise. Seules les sociétés par

actions (sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés par actions

simplifiées) peuvent attribuer des actions gratuites, qu’elles soient cotées ou non

cotées.

Tout manager salarié ou mandataire social dirigeant de l’entreprise peut bénéficier

d’actions gratuites, à condition de respecter certains plafonds individuels et collectifs.

Des actions gratuites peuvent également être attribuées par une entreprise à des

managers de filiales ou de sociétés mères sous certaines conditions.

L’attribution d’actions gratuites est assortie d’un double plafond : un plafond

individuel. Le manager ne doit pas détenir individuellement plus de 10 % du capital

social de l’entreprise et l’attribution d’actions ne doit pas non plus le conduire à

détenir plus de 10 % du capital social . Un plafond collectif : le nombre total des

actions attribuées gratuitement ne peut excéder 10 % du capital social de l'entreprise

existant à la date de décision de l'attribution.

Un plan d’actions gratuites s’étale sur au moins 4 ans avec deux périodes successives

: une période d’acquisition des actions gratuites de 2 ans minimum ( il s’agit de la

période légale comprise entre l’attribution des actions gratuites et leur acquisition

effective par le manager). Ce n’est qu’au terme de la période d’acquisition que le

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manager devient effectivement propriétaire des actions gratuites, l'acquisition

définitive pouvant toutefois être assortie de conditions; une période de conservation

des actions de 2 ans minimum : il s'agit de la période durant laquelle le manager est

tenu de conserver les actions attribuées gratuitement. Elle commence à partir de

l'attribution effective des actions.

Au-delà du respect pur et simple de la période d'acquisition, le plan d’actions gratuites

peut prévoir que l’acquisition définitive des actions gratuites est subordonnée à la

réalisation de certaines conditions : condition de présence effective et continue du

manager dans l’entreprise, atteinte d’objectifs économiques individuels et/ou

collectifs, vente de l’entreprise à un prix supérieur à un prix plancher, etc.

Ces conditions doivent reposer sur des critères objectifs et leur réalisation ne peut pas

dépendre de la seule volonté des organes de direction de l'entreprise.

Les actions étant par définition gratuites, il n’est demandé aucun investissement

financier au manager. Ce sont les autres actionnaires qui, par la dilution de leur propre

participation, prennent en charge le "coût" lié à l’attribution des actions gratuites.

Plutôt que de faire un "cadeau" au manager sans prise de risque de sa part,

l'employeur et/ou les investisseurs financiers peuvent obtenir un investissement

financier du manager en lui attribuant des actions gratuites sous condition que celui-ci

ait préalablement souscrit des actions de la société ; ce schéma nécessite toutefois de

prendre certaines précautions du point de vue fiscal pour éviter une requalification du

gain en rémunération professionnelle.

Grâce à ses actions gratuites, le manager est assuré de réaliser une plus-value au

moment de la revente de ses actions, ce qui est loin d’être le cas des outils

d’intéressement au capital payants (tels que les plans de stock-options de sociétés

cotées qui peuvent n'avoir aucune valeur dans un contexte de baisse des cours).

Les actions gratuites ne sont pas éligibles au PEA. L’impact comptable des actions

gratuites diffère selon que ces actions sont attribuées par création d’actions nouvelles

(émission d'actions nouvelles par voie d'augmentation de capital) ou par attribution

d’actions existantes rachetées préalablement par l’entreprise.

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Lors de l’attribution d’un plan d’actions gratuites .

Attribution d’actions nouvellement créées : aucune charge n’est à enregistrer.

Attribution d’actions existantes : l’entreprise doit traduire dans ses comptes

l’obligation de livrer les actions lors de l’acquisition définitive et doit par conséquent

Constituer une provision.

Entre l’attribution d’un plan d’actions gratuites e t l’attribution effective des

actions gratuites .

Attribution d’actions nouvelles : aucune écriture n’est à passer.

Attribution d’actions existantes rachetées : à la clôture de chaque exercice suivant le

rachat de ses propres actions, l’entreprise constate, le cas échéant, une dépréciation

des titres (des règles spécifiques encadrent le calcul de cette dépréciation).

Lors de l’attribution effective des actions gratuites

Attribution d’actions nouvelles : la création des actions sous-jacentes est réalisée par

une augmentation de capital de l’entreprise par incorporation de réserves. Cette

capitalisation peut porter sur toutes les réserves (ordinaires, statutaires ou légales) et

sur les primes (d’émission, d’apport ou de fusion).

Attribution d’actions existantes rachetées : le prix de rachat des actions par

l’entreprise constitue une charge à inscrire dans les comptes. Parallèlement, il

convient de reprendre les provisions préalablement enregistrées.

2.3.2 De l‘utilité de la mise en place du management package.

Le «management package » va être, on le comprend aisément, un des éléments clés de

la négociation entre managers et fonds d’investissement dans le cadre de la mise en

place d’une opération de LBO. Il s’agit d’un ensemble d’outils ayant pour but

d’organiser leur investissement au sein de la société cible et leur rémunération lors du

dénouement du LBO. Accompagner la montée en puissance de la société à donc un

impact direct sur la construction future patrimoniale du manager.

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Comme nous venons de le voir ci-dessus, la négociation entre le (s) fonds portera

aussi bien sur le choix du mécanisme d’incitation à mettre en place que sur les

sanctions éventuelles des managers pendant la période de Co-investissement avec les

fonds. Ainsi, la conversion des obligation en actions peut dépendre d’une condition de

présence du manager dans l’entreprise, de l’atteinte d’objectifs, d’un prix de vente

minimal de l’entreprise. Mais ces conditions doivent nécessairement reposer sur des

critères objectifs et leur réalisation ne peut pas dépendre de la seule volonté des

organes sociaux de direction .

Proposer un « management package » repose donc sur une incitation forte du ou des

mangers à la prise de risque par apport au capital de la holding, soit par le biais d’un

apport en fonds propres correspondant à plusieurs années de salaire soit par le biais

d’un prêt personnel dans l’opération, les portant de cette façon à devenir actionnaires

de l‘entreprise qu‘il dirige. Ainsi, la valeur de l’accomplissement réside dans

l’accomplissement lui-même . Il s’agit alors d’un outil qui vise à la fois à clarifier les

motivations de l’équipe de direction et à mesurer leur comportement. Au-delà, il

permet également de mesurer le taux de rendement interne attendu par les actionnaires

et les échéances fixées.

En ce sens, on peut parler à la fois d’un outil de motivation et de pilotage de l’activité,

visant l’alignement de l’intérêt des managers à celui des investisseurs financiers. Plus

le manager sera brillant et plus la valorisation de l’entreprise sera élevée, plus la

valorisation de l’entreprise sera élevée et plus l’enrichissement du manager et de tous

les actionnaires sera important.

Cependant, les managers disposant en général d’une surface financière bien inférieure

aux fonds d’investissement, un des premiers éléments à négocier concernera le niveau

de leur participation au capital de la holding de reprise et le niveau de liquidité de leur

investissement à la sortie. Du côté des fonds d’investissement, le but sera d’impliquer

financièrement le plus possible le manager tandis que ce dernier recherchera avant

tout à maximiser l’effet de levier et les modalités de sa sortie. Ainsi, compte tenu du

fait qu'ils n'ont pas les moyens d'investir dans les mêmes proportions que les fonds, un

des principaux objectifs de la négociation portera sur les mécanismes à mettre en

place afin d'augmenter la plus-value de sortie des managers.

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Et là, trois possibilités principales . Premièrement, organiser un accès privilégié au

capital par le biais d’outils permettant aux managers un accès immédiat au capital ou à

terme à des conditions préférentielles par rapport à celles réservées aux fonds.

Deuxièmement, faciliter un accès immédiat au capital par la création par exemple

d’une prime d’émission pour l’entrée au capital des fonds, ce qui reviendra à faire

payer plus cher à ces derniers le « ticket d’entrée » au capital de la holding

d’acquisition. Troisièmement par un accès différé particulièrement usité (émission

d’options de souscription ou d’achat d’actions, d’actions gratuites. Ces dispositifs

présentant néanmoins l’inconvénient d’être assujettis à une fiscalité particulièrement

confiscatoire. Concernant par exemple l’attribution gratuite d’actions, ii existe deux

type de plus-value. La plus-value d'acquisition égale à la valeur des titres à la date

d'acquisition. Une distinction doit néanmoins être opérée concernant la détermination

de cette valeur. Ainsi, pour les sociétés cotées il sera fait référence au premier cours

coté connu au jour de l'attribution définitive et pour les sociétés non-cotées, une

méthode multicritère sera utilisée et à défaut la valorisation sera faite en fonction de

l'actif net réévalué. La plus-value d'acquisition sera imposée au taux de 43,5 % (30 %

pour le principal et 13,5 % pour les prélèvements sociaux) ou sur option dans la

catégorie des traitements et salaires. Dans tous les cas, cette plus-value relevant de la

catégorie des traitements et salaires est imposable dès le 1er euro (suppression de

l'abattement).

La plus-value de cession, égale à la différence entre le prix de cession et la valeur des

actions, au jour de l’attribution définitive, est imposée au taux forfaitaire de 19% +

12,3% de prélèvements sociaux. En cas de moins-value de cession, celle-ci est

imputable sur la plus-value d’acquisition.

C’est pourquoi la pratique s’oriente de plus en plus vers d'autres modes

d'intéressement au capital consistant en l'émission de bons de souscription d'actions

(BSA) dont l'objet est de permettre aux managers d’accroitre leur part au capital de

l’entreprise, en fonction de la réalisation de certains objectifs (TRI du fonds, EBITDA

de la société commune), et donc d'augmenter leur quote-part de plus-value lors de la

cession.

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Mais il apparait indispensable d’être entouré de conseils dans la mise en place des

différents dispositifs et il est primordial de conserver à l’esprit que la vigilance de

l’administration fiscale peut conduire à n’importe quel moment à requalifier en

traitements et salaires les plus-values réalisées.

Le sujet est en outre politiquement sensible et il convient de se garder à la fois des

excès et d’une surexposition médiatique, toujours de nature à « porter au pilori »

l’enrichissement capitalistique de ceux qu’on soupçonne bien rapidement de profiter

« du système ».

Mais le « management package » est à n’en pas douter un outil supplémentaire au

service du LBO pour permettre un processus de recréation vitale de l’entreprise, au

service de tous.

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Réflexion sur le LBO en période de crise : handicap ou retour sur les

fondamentaux créateurs de valeur pour l’entreprise

Conclusion

__________________________________________________________

La violence et la fulgurance de la crise financière que nous sommes en train de vivre a

pris de cours l’ensemble des spécialistes : en l’espace de seulement quelques mois, le

monde a basculé d’un contexte d’opulence, de croissance mondiale historiquement

élevée, de rôles accrus des économies émergentes, à un environnement bien sombre.

Parti des Etats-Unis dans les années 80, le phénomène de l’endettement par effet de

levier ou LBO suscite aujourd’hui autant de fascination que de haine !

Largement critiqué par les uns qui y voient la source de tous les maux de l’entreprise

voir sa perte, encouragé par les autres qui voient dans le LBO l’avenir de l’entreprise,

l’objet de cette thèse consistait à mesurer l’impact du montage LBO sur la PME

nationale non cotée en période de crise. En d’autres termes, la question posée était de

savoir si oui ou non les LBO, face à une crise exceptionnelle, pouvaient encore servir

ou au contraire, alimentaient la crise.

Et cette question d’une brulante actualité était d’importance car en filagramme, se

posait à la fois la question de la transmission de nos PME nationales non cotées

(700.000 dirigeants partiront à la retraite dans les dix prochaines années) et le spectre

d’un « mur de la dette » que d’aucuns annoncent comme infranchissable à horizon

2012-2013.

Au-delà, la faiblesse de nos entreprises de taille intermédiaire, au regard par exemple

d’un pays comme l’Allemagne, alors quelles sont le futur de notre croissance et de

nos emplois, méritait certainement que l’on mesure les conditions de l’utilisation de

cet outil et son éventuel contribution à l‘avenir de nos économies.

Or, dès le départ, partir à la rencontre des professionnels du LBO (interview et point

de vue ), a semblé le meilleur moyen de toucher aux réalités d’un métier sophistiqué

et d’obtenir des réponses de qualité.

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Le cheminement tout au long de cette thèse a permis à n’en pas douter, d’acquérir un

certain nombre de certitude, mais les réponses comme toujours, appellent à la nuance.

S’il y a eu un certain nombre de montages financiers trop agressifs (endettement trop

élevé, multiples de valorisation trop ambitieux, sophistication de montages trop

poussée…) qui ont mis en péril les entreprises, le marché du LBO reste

majoritairement pour les « small-caps » un marché de professionnels directement peu

impacté par le mur de la dette. Les tranches « c à z » sont inconnues et comme le

précise Philippe Pettini, Directeur Régionale Sud Méditerranée : « Les dossiers très

difficiles à gérer sont limités aux cas des entreprises dont le cash flow se trouve

durablement diminué, après un montage trop exposé en « in fine » qui n’a pas permis

de réduire le volume de dette de départ, et en l’absence de solution d’apport de cash

par l’actionnaire. En ça la crise a assaini le marché en disqualifiant les dossiers dont

le cash flow est peu pérenne, des évaluations trop élevées, et des montages peu dotés

en fonds propres41 » .

Les LBO restent plus que jamais légitimes mais sous conditions du respect d’un

certain nombre de fondamentaux, ce que n’a pas manquer de nous rappeler la crise.

Ainsi, le professionnalisme et le comportement responsable de ceux qui structurent les

opérations de LBO (fonds d’investissement et banques en tête) ne souffrent pas

d’amateurisme. Parmi les éléments vitaux, on notera la qualité du « business plan »

qui doit découler d’une fine analyse du modèle économique, la mesure de la

rentabilité et de la trésorerie aux variables clés de l’entreprise, le recours à des effets

de levier mesurés laissant une marge de manœuvre à l’entreprise et surtout

l’utilisation de Taux de Rendement Interne plus en en rapport avec la « croissance »

réelle de nos économies. Des TRI de 20 % dans des économies qui annoncent

péniblement des taux de croissance de 1 % sont totalement déconnectés de la réalité.

_____________________________________________________________________

41 . Philippe Pettini – Directeur Régional Sud Méditerranée- Annexe 1 - Point de vue

: le LBO en période de crise- 5 octobre 2011

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Mais tous les professionnels nous l’ont dit, le choix de la cible est primordial et le

montage LBO qui « empile » une dette sur l’entreprise ne peut concerner que des

cibles dont la valeur intrinsèque ( positionnement sur son marché, structure financière,

résultats, récurrence et niveau du cash flow, stratégie…) est bien meilleure que la

moyenne des sociétés évoluant sur le même secteur.

C’est là et seulement là que la valeur Alpha du fonds d’investissement doit intervenir.

D’abord, dans le choix de l’entreprise qui doit avoir le bon positionnement sur son

marché. Idéalement, une entreprise positionnée comme leader ou challenger sur un

marché de niche, souvent très rentable.

Ensuite, par l’horizon temporel d’investissement du fonds au côté de l’entreprise qui

doit nécessairement changer. D’une part parce que l’entreprise pour conserver sa

position aura sans cesse besoin d’innover et d’investir, donc de fonds propres

importants. D’autre part parce qu’un horizon de 5 ans est bien trop court pour

s’investir au côté du dirigeant actionnaire dans la stratégie de l’entreprise, lui faire

bénéficier de son réseau de relations et d’expert et être encore à ses côtés dans les

moments difficiles. En ce sens les banques comme les fonds ne peuvent plus fonder

leur développement sur des activités de nature strictement financières et l’étique doit

guider nos pratiques.

En ce sens, des fonds comme le FSI ( Fonds Stratégique d’Investissement ),

s’inscrivant sur le long terme aux côtés de l ’entreprise, adaptant son temps

d’investissement au temps de l’industrie, accompagnant le chef d’entreprise dans sa

stratégie et l’amélioration de sa structure, mesurant l’incidence sur l’emploi et

l’impact sur l ‘économie française du projet, est véritablement moderne.

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L’avenir ne manquera pas d’imposer, les banques et les fonds, qui comme Soridec au

niveau Régional, « notre vocation de fond régional nous incline naturellement à aider

au développement du tissu économique sur les zones géographiques où nous

intervenons. Notre attachement à la pérennité de l'emploi nous caractérise42 », ou le

FSI au niveau national, ont une attitude socialement responsable et se positionnent en

véritables partenaires de l‘entreprise. C’est aussi la vocation de la banque Palatine

dont la signature, « l’art d’être banquier », doit renvoyer à l’idée d’une banque

d’affaires de confiance qui accompagne le chef d’entreprise, tout au long de son

aventure industrielle, pour l’aider à réaliser ses ambitions.

Mais la crise aura encore rappeler une autre réalité et pour paraphraser J.Bodin : « il

n’est de richesse que d’hommes ». En effet, le succès et la pérennité de l’entreprise

sous LBO passe d’abord et avant tout par la qualité des hommes qui la dirige. C’est

bien la vision et les capacités du chef d’entreprise qui vont largement conditionner la

réussite du projet. Si l’on devait dresser le portrait robot des vertus du manager, il

faudrait parler d’un vrai savoir-faire, d’une vision fine du modèle économique de

l’entreprise, d’une capacité d’appropriation du projet stratégique, de capacités de

persévérance mais aussi d’aptitude aux changements et enfin, ce qui est moins

rationnel mais pourtant indispensable, de « flair » .

D’ailleurs les partenaires du LBO l’ont bien compris et il n’est pas de financement

sans la conviction que le chef d’entreprise « is the right person at the right place ».

C’est pourquoi les fonds d’investissement utilisent à juste titre « le management

package » comme instrument d’implication et de motivation des managers.

L’ouverture au capital de l’entreprise permet alors à la fois d’attirer de nouveaux

talents et d’aligner les intérêts particuliers patrimoniaux du dirigeant sur ceux de

l’entreprise. Cette logique pouvant d’ailleurs être déclinée jusqu’à l’actionnariat

salarié.

_____________________________________________________________________

42. Bertrand Religieux - Dirigeant SORIDEC- Annexe 5 interview « Le LBO en

période de crise » - 20 octobre 2011

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Mais si les LBO justement utilisés peuvent encore servir, les associer à la solution

permettant de résoudre le problème de la transmission des entreprises françaises est

pour le moins excessif. En effet, nous avons pu voir tout au long de cette thèse

combien les critères de sélection des banques et des fonds étaient draconiens pour

bénéficier d’un tel type d’opération. Ce montage doit donc concerner au mieux 5 % de

nos PME et le problème reste donc entier pour 95 % d‘entre elles. En outre, bon

nombre d’entre elles devront remettre en cause, sous peine de mort ou de sclérose,

leur schéma d’entreprise familiale et patrimoniale ; seule l’entrée au capital de

partenaires pourra dans nombre de cas permettre à l’entreprise de prendre une

nouvelle dimension et ne nous y trompons pas, pour beaucoup, il s’agit encore d’une

véritable révolution culturelle !

Dans tous les cas, le LBO ne reste qu’un outil au service de l’entreprise et ne peut en

aucune manière résoudre les deux problématiques de fond du tissu économique

français : sa faiblesse cruelle en entreprises de tailles intermédiaires et la difficulté des

années à venir pour passer le flambeau de ces 700.000 entreprises qui ne demandent

qu’à changer de main.

Une autre étude aurait pu être entièrement consacrée à l’absolue nécessité pour la

France de trouver les moyens d’aider nos PME et leurs dirigeants à atteindre des

tailles critiques pour les inciter à ne plus rester sur leur seuls marchés domestiques

mais aller chercher des débouchés sur les marchés internationaux, là où les choses se

passent, là où il y a de la croissance. Il serait alors intéressant de travailler sur la

gestion de patrimoine d’un dirigeant d’une PME ayant des activités à l’International.