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Bureau de dépôt 5530 Yvoir Revue trimestrielle Volume 21 - n°1 - 2002 BILAN EDUCATION DU PATIENT CONCEPTS APPLICATIONS ENJEUX IMPLICATIONS Colloque et Séminaires 22 et 23 mars 2001 Namur Centre d'Education du Patient a.s.b.l.

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Bureau de dépôt5530 Yvoir

Revue trimestrielle

Volume 21 - n°1 - 2002

BILAN EDUCATION DU PATIENT

CONCEPTS

APPLICATIONS

ENJEUX

IMPLICATIONS

Colloque et Séminaires22 et 23 mars 2001

Namur

Centre d'Educationdu Patient a.s.b.l.

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Volume 21 - n°1 - 2002

BILAN EDUCATION DU PATIENT

CONCEPTS

APPLICATIONS

ENJEUX

IMPLICATIONS

Colloque et Séminaires22 et 23 mars 2001

Namur

Bureau de dépôt5530 Yvoir

Revue trimestrielle

Centre d'Educationdu Patient a.s.b.l.

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EDIT

ORIA

LChangement de titre, changement de couverture, évolutionde notre revue…

Comme nous l’annoncions dans notre précédent numéro, àl’occasion de ses 20 ans d’existence, notre revue a décidé demarquer le pas par une appellation plus adaptée à sa ligneéditoriale. Ce changement correspond aussi à une volontéde réfléchir l’éducation du patient en tenant compte le pluslargement possible de son contexte.

Nous ne pouvions rêver meilleure occasion que ce numéropour vous faire partager les réflexions qui ont émergé toutau long des deux journées de colloque et de séminaires« Education du Patient en l’an 2001 ». Celles-ci se sonttenues à Namur en mars 2001.

Pour effectuer ce bilan de l’éducation du patient, ce sontenviron trois cents professionnels du secteur de la santé(médecins, infirmières, psychologues... ) mais égalementdes chercheurs, enseignants, responsables politiques et desreprésentants des patients qui se sont rencontrés. Si lesaspects théoriques ont permis d’enrichir les échanges,l’orientation de ces journées était préférentiellement dedonner sinon des réponses, du moins des points de repèrespour la pratique des professionnels de terrain.

Rappelons en effet que ces journées étaient organisées parle Centre d’Education du Patient en collaboration avec leComité Interinstitutionnel d’Education pour la Santé duPatient (CIESP). Elles ont constitué l’aboutissement de toutun processus d’analyse des problèmes rencontrés dans lapratique et des attentes des professionnels de terrain. Ceciexplique que les professionnels présents étaient principale-ment des représentants du monde hospitalier. Nous leursouhaitons à tous bonne continuation.

Nous présentons dans ces pages quelques réflexions qui ontponctué ces deux jours. Parmi celles-ci, notons l’articula-tion entre l’éducation du patient, la prévention et la promo-tion de la santé, diverses manières d’aborder le conceptd’éducation du patient, les nouveaux enjeux de l’éducationdu patient, la place du patient dans le processus éducatif,l’implantation de projets en tant que facteur de changement,la formation des professionnels, les aspects éthiques...

Une excellente découverte.

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LE COMITÉ ORGANISATEUR

- Mme Véronique Nonet, Cliniques Universitaires deMont-Godinne (CIESP)

- Soeur Lucrèce Van Parys, CHC (CIESP)

- Mme Danielle Sarto, Centre Hospitalier PsychiatriquePetit Bourgogne-Volière (CIESP)

- Mme Marie Madeleine Leurquin, Mr Jean-LucCollignon, Centre d'Education du Patient (CIESP)

- Les membres du comité scientifique

Ont contribué à la réussitede ces journées de colloque

et séminaires

LES INTERVENANTS EN PLÉNIÈRE

- Mr Jean-Luc Collignon- Pr Alain Deccache- Pr Patrick De Coster- Dr Guy M. Deleu- Mme Patricia Dupuis- Pr Michel Mercier- Dr Jacques Morel- Pr Pierre de Saint-Georges

- Mr Jean-Hugues Baily- Mr Michel Borgs- Mme Sandrine Conradt- Pr Alain Deccache- Dr Guy M. Deleu- Mme Patricia Dupuis- Dr Marie-Elisabeth

Faymonville- Pr Ovide Fontaine- Mme Claudine Gardin- Mme Jacqueline Iguenane

- Melle Virginie Lenoir- Mme France Libion- Mr Jean-Michel Longneaux- Mme Florence Menestret- Pr Michel Mercier- Mr Philippe Mouchet- Mme Véronique Nonet- Mme Jacqueline Palem- Mr Laurent Ravez- Mr Claude Renard- Pr Pierre de Saint-Georges

- Mme Danielle Sarto- Mr Paul Sonkes- Mme Viviane Szymczak- Mme Geneviève Thomas- Mme Sabine Tirelli- Mme Anne-Françoise Traversat- Mme Chantal Vandoorne- Mme Kathy Van Renterghem- Mr Eric Vermeer- Dr Philippe Woitchik

LE COMITÉ SCIENTIFIQUE

- Pr Patrick De Coster (UCL, Cliniques Universitaires

de Mont-Godinne)

- Pr Michel Mercier (FUNDP, Namur)

- Pr Alain Deccache (UCL, Woluwé)

- Pr Ovide Fontaine (ULG, Liège)

- Mr Philippe Mouchet (Question Santé asbl, Bruxelles).

LES INTERVENANTS DANS LES ATELIERS ET SÉMINAIRES

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Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 21, n°1, 2002

Ce colloque sur l’éducation du patient organisépar le Centre d’Education du Patient est uneinitiative importante à plus d’un titre :

- Importante parce que la thématique de l’édu-cation est centrale en matière de santé commeelle l’est pour le développement personnel etsocial des individus dans la société. Educa-tion et conditions sociales sont sans doute,aujourd’hui, les facteurs les plus déterminantsde la santé.

- Importante parce que le Centre d’Educationdu Patient poursuit une activité de qualitédans ce sens depuis plus de 21 ans et quec’est l’occasion de la souligner. Un solidebail accompagné de réussites évidentes.

- Importante parce que la manière de mettre endébat les différentes facettes de l’éducationdu patient doit permettre de rencontrer desperceptions diverses de la question, des plusspécialisées aux plus profanes.

- Importante parce que la question du savoir nepeut se défaire de celle du pouvoir et quel’éducation peut à ce titre représenter unearme redoutable ; mais rares sont les profes-sionnels qui invitent leurs «ouailles» à modi-fier le rapport de force dans un sens «défavora-ble», disons plutôt «critique», pour eux-mêmes.Si l’éducation du patient représente une voied’accès indispensable à laparticipation du patient à laprise en charge de son trai-tement, elle peut aussi viser lacompliance au traitement,dimension que l’on peut lirepositivement en terme d’ad-hésion participative à un projetde soins ou plus négative-ment s’il s’agit d’adoption, desoumission, de consommationd’une démarche médicale. Lapoursuite par le patient d’untraitement proposé comme«evidence based efficace»est d’un haut degré de satis-faction pour le professionnel

de santé tant pour son ego qu’en terme deperformance thérapeutique.

- Importante parce que les examens et traite-ments qu’ils soient à visée préventive et/oucurative sont de plus en plus complexes etque pour être efficaces, ils doivent être com-pris, acceptés et gérés au quotidien par lespatients. D’où la nécessité pour les soignantsde mettre en œuvre un processus d’infor-mation, d’éducation permettant aux patientsd’acquérir ou de développer des compétencesqui leur permettront de devenir acteurs de leurguérison potentielle, de leur traitement, de leursanté.

- Importante parce que plusieurs études ontbien montré les bénéfices importants de cettedémarche en terme de qualité de la vie, d’ef-ficacité des soins et de baisse des coûtsfinanciers pour la collectivité.

En tout état de cause, la démarche paraîttellement indispensable qu’on pourrait s’éton-ner qu’il faille encore en faire la promotion. Elledevrait être intégrée comme un des stades dela démarche thérapeutique et s’inscrire commeun des critères de qualité des soins apportésaux patients.

Pour autant qu’elle soit importante, il n’en restepas moins une nécessité, pour la Ministre de laCommunauté française, de préciser la lecturequ’elle fait de l’éducation du patient qui en soirelève davantage de la prévention secondairevoire tertiaire, en tout cas dans son applicationà la relation thérapeutique.

C’est pourquoi, je souhai-terais apporter une lectureprobablement politique maisaussi conceptuelle commecontribution à votre colloquedu lien entre éducation dupatient et promotion de lasanté.

Comme vous le savez, lapromotion de la santéreprésente le cadre régle-mentaire mais aussi concep-tuel qui organise les compé-tences «santé» en Commu-nauté française. C’est plusparticulièrement le cas depuis

Allocution d’ouverture des journées de colloque et de séminaires« Education du Patient en l’an 2001 »

prononcée par Monsieur Jacques Morel (1)

Education du patientet promotion de la santé

Education du Patient et Enjeuxde Santé, Vol. 21, n°1, 2002.

(1) Représentant de MadameNicole Maréchal, Ministre de l’aideà la jeunesse et de la santé

Quelques définitions :

Promotion de la santé[1]  :«Combinaison d’activitésd’éducation pour la santé et depratiques de politiques publiquessaines, de modifications desenvironnements et de réorientationdes services de santé, dans uneoptique de participation : il s’agitde reconnaître les personnes et lesgroupes concernés comme acteurs.Le concept de promotion de lasanté cherche à dépasser laprévention en l’intégrant dans uneapproche globale. Celle-ci prenden compte la dimensionindividuelle et collective de la santéet, par là, ses aspects biologiques,psychologiques, sociaux, culturels,politiques, environnementaux,économiques et éthiques.A cet effet, le Conseil supérieur depromotion de la santé a soulignésix axes fondamentaux :1. la participation communautaire;2. l’action sur le milieu de vie;3. le développement des aptitudes

personnelles et sociales;4. la réorientation des services;5. la concertation et l’action

intersectorielle;6. l’information et la formation.»

Prévention[2] :«La prévention esttraditionnellement l’ensemble desmesures visant à éviter ou à réduirele nombre et la gravité desmaladies ou des accidents».

«La prévention primairecomprend «tous les actes destinés àdiminuer l’incidence d’unemaladie dans une population, doncà réduire le risque d’apparition decas nouveaux ». Elle se situe doncen amont de l’apparition desmaladies.

Madame Nicole Maréchal a tenu, non seulementà apporter son soutien à ce colloque, mais aussià adresser un message et quelques réflexionscomme Ministre de la santé de la Communautéfrançaise de Belgique.

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0021997, après un temps où la réglementation

concernait davantage l’éducation pour la santé.

Comment peut-on articuler éducation du patient- éducation à la santé - promotion de la santé ?

En circulant du particulier au général, on pourraitretenir l’algorithme suivant : l’éducation dupatient s’inscrit dans l’éducation pour la santé.L’éducation pour la santé s’inscrit dans lechamp de l’éducation appliqué à la santé etdans le champ de la promotion de la santé.La promotion de la santé, pour rencontrer sonobjectif général d’amélioration de la qualité dela vie, décline des stratégies multiples etcomplémentaires qui peuvent se regrouper surdeux pôles principaux : des stratégies qui visentune action sur l’environnement social et politiqueet des interventions qui concernent le com-portement des individus, parmi lesquellesl’éducation à la santé. Ces deux pôles ne sontpas antagonistes, au contraire ils sont souventsynergiques.

L’éducation en tant que transfert de capacités,de savoirs et savoir-faire reste donc une stratégiede choix pour la promotion de la santé.

Le cadre de «l’éducation du patient» inscrit ladémarche dans des spécificités particulières :- un cadre le plus souvent thérapeutique, en

lien avec la maladie et même particulièrementles maladies chroniques.S’il s’agit de prévention, elle concerne lesaspects secondaires voire tertiaires en termede prévention des complications ou de reva-lidation.

- une relation aux professionnels de la santéempreinte d’une hiérarchie du savoir et en con-séquence d’une relation implicite de pouvoir.

Il faut aussi s’interroger sur la nature duprocessus éducatif développable et développédans ce cadre ; en santé, comme dans toutprocessus éducatif, les objectifs et lesméthodes peuvent être assez variables.L’éducation du patient recherche légitimementà accroître l’efficacité thérapeutique ; lesmauvaises langues motiveraient cette dé-marche aussi par une recherche de légitimité,de crédibilité professionnelle complémentaire,d’inféodation de l’élève, malade par surcroît, auprofesseur.L’éducation du patient peut aussi êtrel’éducation à «l’impatient», impatient de cesserd’être patient et donc de sortir du cadre etd’accroître son autonomie. Mais s’il sort ducadre, son interlocuteur n’est plus unprofessionnel de santé puisque lui cesse d’êtrepatient !

L’intérêt d’une lecture «promotion de la santé»et du recadrage de l’éducation du patient dansl’éducation pour la santé tient à rencontrer lescomplémentarités entre des pôles (qui, si cerecadrage n’est pas fait, risque de confiner lepatient dans un rôle d’opérateur de sa maladie) :- mobilisation de ressources individuelles et

collectives : individu - famille - milieu de travailet autre environnement relationnel ;

- approche conjoncturelle (le temps – la mala-die) et approche dans la durée ;

- approche segmentaire (centrée sur la patho-logie) et approche globale (personne globale)voire environnementale (milieu de vie) ;

- approche pédagogique, éducative, dirigée,normative ou approche participative.

Un des éléments de cet élargissement tient aufait que le leadership du savoir en éducation et,encore davantage, en promotion de la santén’appartient plus aux professionnels de lamaladie.Cette dimension me paraît fort importante ;d’autres acteurs ont un rôle éducatif importantà jouer pour que le patient devenu «Monsieurtout le monde», se prenne demain en chargede façon autonome et responsable à l’endroitde sa santé. Dans le milieu ambulatoire, ilsemble que le concept d’éducation du patients’inscrive plus évidemment dans celuid’éducation pour la santé et je suis frappée deconstater dans le programme de ces journéescombien la grande majorité des intervenantssont des professionnels des hôpitaux et mêmedes hôpitaux universitaires.

Pour ma part, l’éducation du patient n’est pasdissociée de l’éducation pour la santé et d’unsouci de permettre à chacun, et avec un soucisouligné de rétablir l’équité sociale à cet égard,d’être acteur responsable de sa santé au sensd’être en mesure de faire des choix éclairés.Rétablir l’équité sociale est un élémentévidemment déterminant en matière d’édu-cation puisqu’on sait combien ces deuxparamètres sont liés ; prendre cette dimensionen compte implique des stratégies et despédagogies adaptées, qu’il n’est pas néces-sairement simple d’intégrer dans un fonc-tionnement quotidien. C’est cependant impé-ratif, me semble-t-il.

L’éducation pour la santé est, dès lors, unearme pour chacun pour développer sescapacités d’autonomie et de reprise de sonpouvoir sur lui-même ; l’éducation des patientsen est un cas particulier et la promotion de lasanté, l’inscription dans une démarchecollectivisée et globalisée, parce que mise enlien avec la vie sociale et une amélioration de laqualité de la vie.

Je vous souhaite deux journées de travailproductives, riches pour ceux qui y participentet riches de retombées pour les patients, lesusagers, les consommateurs, les «messieurset mesdames» tout le monde. L’éducationappliquée à la santé aura alors avancé vers sonbut à savoir que chaque citoyen acquière toutau long de sa vie les compétences et lesmoyens qui lui permettent de promouvoir sasanté et sa qualité de vie et celles de lacollectivité.

Je tenais à soutenir votre démarche dans cesens.

Nicole MaréchalMinistre de l’aide à la jeunesse et de la santé

La prévention secondairecomprend «tous les actes destinés àdiminuer la prévalence d’unemaladie dans une population, doncà réduire le nombre de malades enréduisant la durée d’évolution.»Elle se situe à l’extrême début de lamaladie, et prend en compte ledépistage précoce, et le traitementdes premières atteintes.

La prévention tertiairecomprend «tous les actes destinés àdiminuer la prévalence desincapacités chroniques ou desrécidives dans une population,donc à réduire au maximum lesinvalidités fonctionnellesconsécutives à la maladie. Cetteconception étend donc laprévention au domaine de laréadaptation et de la réinsertionprofessionnelles et sociales»(Monnier 1980).»

[1] DIRECTION GENERALE DELA SANTE de la Communautéfançaise (2001), Promouvoir lasanté : des structures pour vousaider, Ministère de la communautéfrançaise, 34 p.

[2] J.A.BURY (1997),Educationpour la santé, Ed. De Boeck-Université, Col. Savoirs & santé,Bruxelles, 235 p.

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Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 21, n°1, 2002

Les nouveaux enjeux de l’éducation du patientpeuvent être abordés à partir d’une approchepluridisciplinaire. Ce sont les bases d’une telleapproche que je me propose d’amorcer danscet exposé. Je suis convaincu qu’une telleoption est la seule qui puisse tenir compte dela complexité des questions éthiques, dans cedomaine qui touche directement àl’épanouissement et à l’équilibre de la santéphysique, psychologique et sociale de l’êtrehumain souffrant de maladie ou de déficience.

Le repérage des enjeux relève d’uneproblématique éthique relative à l’autonomiede la personne et à l’efficience de la prise encharge, dans l’intervention thérapeutique et desoin.L’autonomie est définie comme la capacité deréaliser des projets ou d’exprimer des désirscompte tenu des contraintes individuelles etsociales.L’efficience est définie comme le rapport entrel’efficacité des actions menées et leur coût.De plus en plus, il s’agit de tenir compte du faitque les désirs, les attentes et les projets sontmultiples, alors que les contraintes sontnombreuses et les ressources rares.

L’étude des enjeux relève également d’uneproblématique psychologique d’accompa-gnement, où le projet d’intervention devraitêtre personnalisé, comptetenu de facteurs individuelset sociaux : notamment, lesmotivations, les potentialités,les ressources individuellesainsi que, les dimensionsculturelles et idéologiques,les représentations sociales,les réseaux sociaux et lesoutien familial, etc.

L’étude des nouveaux enjeuxrelève également d’uneapproche psychologique etsociale abordant lesproblèmes de communi-cation dans la relationsoignant-soigné : depuis la

«communication objectivante» qui envisage lamaladie ou la déficience plutôt que le patient ;jusqu’à la «communication émancipatoire» oùle soignant et le soigné élaborent un projetcommun; en passant par la «communicationd’aide» où le patient est un sujet qui fait l’objetd’éducation et d’intervention à l’initiative dusoignant. Ces processus doivent être analysés,tant du côté des soignants, des intervenants etdes médecins que du côté des soignés, desmalades et des personnes déficientes.

L’étude des représentations sociales dusoignant et du soigné nous paraît déterminantedans la définition de nouveaux paradigmes enéducation du patient. Cette démarche permetde cerner les images sociales qui influencentles choix politiques, les orientations desintervenants et les réactions des patients; dansles choix thérapeutiques, les relations de soins,les attitudes éducatives et les réactions à lamaladie.

S’agit-il d’éduquer le patient ou de l’accom-pagner ? Quelles représentations sociales,quelles images culturelles, quelles idéologieséconomico-sociales sous-tendent les relationssoignants-soignés ? Ces questions relèvent dela psychologie sociale et de la sociologie. Cettedernière devrait également aborder les aspectsorganisationnels et institutionnels des soins de

santé et leurs impacts surl’éducation du patient.

Des options éthiques doiventêtre prises quant à la qualitéde vie des patients, leurréappropriation du proces-sus (empowerment), la priseen compte de leur avis et duconseil par les pairsbénéficiaires (peer coun-selling et peer supporting).Il s’agit de questions deméthodes et de techniquesd’approches qui ont desc o n s é q u e n c e s é t h i q u e simportantes.

Communication introductive

Les nouveaux enjeux del’éducation du patient :

approche éthique

Education du Patient et Enjeux deSanté, Vol. 21, n°1, 2002.

par Michel Mercier (1)

(1) Professeur - Directeur dudépartement de psychologie,FUNDP, Namur, Belgique. Membredu conseil d'administration duCentre d'Education du Patient.

Mots-clés : éducation dupatient, enjeux, autonomie,efficience, représentationsociale, éthique, consensus,coopération, partenariat,communication

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002En définitive, l’objectif est d’améliorer la qualité

de vie des patients, mais aussi celle de leurentourage et des soignants et ce, en intégrantles différents niveaux d’analyse.

Autonomie psychologiqueet efficience dans

l’intervention de soinsL’étude de l’autonomie et de l’efficience dansl’intervention de soins peut avoir desconséquences autant sur le patient que sur lemédecin. D’un point de vue psychologique,l’efficience et l’autonomie visent au bien-être del’un et de l’autre dans le processusd’accompagnement : chacun doit y trouver unevalorisation, un mieux-être, une recon-naissance, un lien épanouissant, avec uneefficacité optimale pour un coût minimal. C’estlà que se joue l’utilité pour les deux partenaires,d’un équilibre optimal de la relation soignant-soigné.

Le concept d’autonomie largement utilisé dansle champ de l’intervention pédagogique et del’intervention de soins, devrait nous permettred’éclaircir la question des enjeux actuels del’éducation du patient. Nous croiserons cetteanalyse avec l’apport conceptuel de la notion d’«efficience dans l’intervention de soins». Cettedouble application conceptuelle nous paraîtinnovante et opérationnelle du point de vue dela réflexion éthique sur les enjeux.

Dans l’étude du développement psychologique,l’autonomie est définie comme la capacitéd’exprimer ses désirs et de réaliser ses propresprojets, en respectant les contraintes liées à lapersonne elle-même et à son environnement.Dans le champ de l’éducation du patient, ledésir est de lutter contre la maladie ou ladéficience, générant des incapacités et deshandicaps. Cette lutte implique la mise enœuvre de moyens : les uns propres à la per-sonne, les autres propres à son environnement.Le désir de guérir, pour le malade, constitue lepremier moyen de lutter. Sa pathologie est elle-même susceptible d’être liée à des causespsychologiques qui relèvent de sa proprehistoire personnelle ou trans-générationnelle.La force psychologique mise en œuvre dans leprocessus de la maladie et de la guérison, està la fois un projet sous-tendu par des désirs etdes contraintes qui génèrent le bien-être et lemal-être.

L’intervention de soins doit mettre en œuvre desmoyens propres à la personne qui collabore àson processus de guérison. C’est là un desenjeux de l’éducation du patient : se fonder surles potentialités du patient pour qu’il soit unacteur efficace de son propre processus desanté. L’efficacité nécessite de l’investissementainsi que des coûts humains et relationnels. La«maîtrise de soi» chez le patient, son désir et

son projet de vie, devraient être moteurs pourdes interventions de soin efficientes. Une telleperspective ne correspond pas directement àl’image d’une médecine technologisée, tellequ’elle nous est présentée dans notre cultureet dans notre idéologie du progrèstechnologique. L’image de performance etd’excellence d’une médecine de pointe passedifficilement par la prise en compte de facteurspsychologiques et psychosociaux. Il s’agirait,dans les nouveaux enjeux de l’éducation dupatient, de procéder à des mutations éthiqueset politiques dans ce domaine : changer lescritères de performance, d’excellence et decompétitivité médicale.

A notre avis, ces modifications de paradigmesvont également dans le sens d’une société pluséquitable et moins coûteuse dans le champ dela santé. Dans cette perspective, l’autonomie dupatient et l’efficience dans l’intervention de soinspeuvent croiser leurs effets : réaliser des projetsde lutte contre les maladies, de manièreefficace, en respectant les investissementsaffectifs et les contraintes personnelles, ainsique les contraintes de coûts financiers. Il s’agitd’opérer des mutations de point de vue, auniveau psychologique, économique et socialdans le paradigme de l’éducation du patient.

Approche psychologiqueintersubjective :

communication et coopérationL’intersubjectivité

La relation de couple évoque parfaitement cequ’est une relation intersubjective et ses enjeux.Chacun y développe des désirs égocentriqueset des désirs altruistes : chacun cherche àréaliser son propre plaisir, tout en cherchant àsatisfaire le plaisir de l’autre. Par ailleurs, larelation de couple implique à la fois le désir defusion et le désir d’identité : chacun essaye defusionner avec l’autre, tout en affirmant sa propreidentité dans la relation.

Dans la relation soignant-soigné, desdynamiques analogues interviennent : du pointde vue de la satisfaction des désirségocentriques, le médecin cherche à satisfaireses propres projets (valorisation sociale,satisfaction professionnelle, revenus) ; le pa-tient cherche à ce que le médecin s’occupe delui, pour assurer sa guérison et son propre bien-être. D’un point de vue altruiste, chacun chercheà faire plaisir à l’autre dans cette dynamiquerelationnelle. Le médecin et le patient cherchentune certaine fusion, en ce sens que chacun veutêtre reconnu par l’autre. Cependant, chacunaffirme son identité : l’un comme dispensateurde soins, l’autre comme étant directementconcerné par sa santé et sa maladie.Nous pouvons représenter la relation soignant-

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Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 21, n°1, 2002

soigné par le schéma ci-contre (schéma 1).

L’équilibre, instable, de la relation est toujourssitué dans le champ défini par ces quatre pôles.L’éducation du patient, dans son paradigmepsycho-relationnel, doit tenir compte de cetteréalité.

Stratégies de négociationDans cette dynamique des projets à réaliser, lemédecin et le patient négocient des équilibres.L’autonomie de chacun est mise en jeu dansses projets et ses contraintes. Le consensusconsiste à trouver un équilibre qui tienne comptedes désirs et des contraintes de chacun : lesdésirs du médecin de guérir son patient, maisaussi d’avoir une reconnaissance sociale et unevie privée ; le désir du patient d’être pris encharge par le médecin, mais aussi de gardersa propre autonomie par rapport à lui. Lescontraintes de chacun sont des contraintes detemps, d’enjeux personnels, de prix et derémunérations.

Le consensus est au croisement des désirs etdes contraintes (voir ci-contre schéma 2).

La coopération consiste à essayer deconcilier les contraintes de chacun (voir ci-contre schéma 3).

Le partenariat consiste à concilier les désirs etles contraintes, ce qui permet de développerdes solidarités, où chacun est partenaire del’autre : pour lui-même, dans le respect de sapropre action et pour l’autre, dans le respect duprojet de l’autre (voir ci-contre schéma 4).

Par ailleurs, des consensus, des coopérationset des solidarités peuvent être développés entremédecins, d’une part et patients, d’autre part. Deplus, au sein de la société, des consensus, descoopérations, des partenariats et des solidaritéspeuvent être envisagés entre les différentsacteurs sociaux. De tels équilibres sontcependant difficiles à atteindre : nous leconstatons notamment dans les négociationsmédico - mutualistes.

L’éducation du patient pourrait consister à aiderà réaliser les équilibres de consensus, decoopération, de partenariat et de solidarité dansles processus préventifs et les processuscuratifs en médecine, compte tenu des relationssoignants-soignés.

Changement desreprésentations sociales

Les consensus, coopérations, partenariats etsolidarités sont influencés par les repré-sentations sociales des «soignants» et des«soignés» . L’autonomie et les projets dechacun sont déterminés par ces repré-sentations. Nous devons bien admettre que les

Schéma 2

Schéma 3

Schéma 4

représentations sociales du médecin et dupatient introduisent un rapport d’inégalité quiempêche, dans bien des cas, un réelpartenariat.

Dans ce qui suit, nous reprenons quelques traitsdes représentations sociales du médecin et dupatient, dans la pratique médicale et la relationsoignant-soigné. Nous les consignons dans untableau qui résume et caractérise brièvementdes stéréotypes sociaux qui ont fait l’objetd’études sur les représentations sociales de lasanté et de la maladie, du médecin et du patient,ainsi que de la relation médecin-patient.Si de telles représentations sociales existent,

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002un partenariat entre soignants et soignés dans

la relation médicale est-il possible ? Sans douteque non et il s’agit alors de modifier desreprésentations pour favoriser l’autonomie dupatient et améliorer les stratégies decommunication et de coopération entre lepersonnel soignant et les soignés. C’est là undes enjeux de l’éducation du patient : lamodification des représentations sociales dansla pratique médicale, tant du côté des soignésque des soignants.

En effet, si le patient est perçu comme un enfantignorant, ayant des manques et peu derendement, étant impuissant et n’ayant aucuneautonomie face au médecin qui est détenteurdu savoir, des performances technologiques, dela puissance médicale, des capacités dedécision… alors, un partenariat, au sens oùnous l’avons défini, n’est pas possible, larelation étant trop inégalitaire[1].

Changement d’attitude éthiquevers un partenariat

Jurgen HABERMAS fonde une éthique sur lacommunication dans différents domaines[2] .Les principes éthiques qui guident la relationsoignant-soigné peuvent entrer dans ce modèleHabermasien et nous guider sur des enjeux àprendre en charge en éducation du patient pourcorrespondre au principe éthique decommunication émancipatoire tel qu’il est décritpar l’auteur. La «communication émanci-patoire» est la base même de réels partenariats,solidarités et coopérations entre soignants etsoignés.

A un premier niveau, l’«agir observationnel»enfermerait la relation soignant-soigné, dans laprise en compte de la seule maladie par lesoignant, indépendamment des enjeux pour lemalade.

A un deuxième niveau, l’«agir communica-tionnel», l’éducation du patient viserait àl’humanisation de la relation et la mise en placed’une assistance, en vue d’un mieux être.Cependant, on se situe encore dans unedynamique éducationnelle, où le soignant et lesoigné ne sont pas sur un pied d’égalité dansla dynamique d’intervention. Les conséquencesde cette dissymétrie entraînent un manqued’autonomie du patient et des affaiblissementsdans son appropriation du processus deguérison. Or nous avons pu montrer dans notrepremier point quelle était l’importance de cetteréappropriation dans la dynamique efficace dela prise en charge du patient au cœur même del’intervention de soins. Il y a un enjeu d’efficacité,de respect du patient et de diminution des coûtsde la santé.

A un troisième niveau, l’«agir émancipatoire»,le soignant et le soigné sont engagés ensembledans un processus de prise en charge de lamaladie, ainsi que des différentes dimensionsdu malade et de son entourage.

La perspective est systémique. Elle rétablit desliens de coopérations, de solidarités et departenariat entre le médecin et le patient. Deplus, elle tient compte de l’autonomie du patient,de ses capacités de réappropriation dans leprocessus de guérison et, dans bien des cas,des compétences qu’il a acquises pour lagestion de sa maladie, ce qui l’habilite àconseiller ses pairs et à être un support poureux dans leurs propres processus de guérison.Il y a un changement radical de paradigme et lacréation de nouvelles solidarités dans le champde l’éducation du patient.

Education du patientet qualité de vie

Une telle perspective de partenariat tient comptedu système global dans lequel le patient vit samaladie, sa guérison et sa réintégration sociale.Vivre sa maladie et affronter sa mort dans uneperspective de bien-être, qui se joue dans desrelations à autrui, n’est-ce pas là l’enjeu dessoins palliatifs ? Guérir et sortir de la maladie,n’est - ce pas l’enjeu du curatif ? Retrouver saplace dans la société, se rééduquer, si unhandicap permanent est présent, n’est-ce pasl’enjeu de la réadaptation fonctionnelle, del’éducation fonctionnelle et de la réintégrationsociale ?Pour mener à bien ces différentes actionsmédicales, il s’agit de définir des principes quigarantissent objectivement et subjectivement laqualité de vie des patients. Dans le champ duhandicap, des grilles d’analyse de cette qualitéde vie ont été mises au point et pourraientinspirer le champ de l’éducation du patient[3] .

Il nous semble qu’il y a des développementspossibles pour de nouveaux enjeux enéducation du patient, appliqués aussi bien auchamp du préventif que du curatif ou du palliatif.Dans cet esprit, l’éducation du patient prendparfaitement sa place dans le domaine de laprévention, en matière de santé, et del’humanisation, en matière de soins. En outre,elle inscrit la médecine et la psychologiemédicale dans le champ du social. Lescomplémentarités pluridisciplinaires trouventtout leur sens dans ce nouveau paradigme del’éducation du patient.

Conclusions et perspectivesTout nous montre que l’efficacité de lamédecine implique que l’on favorisel’autonomie et la responsabilité du patient, enlui permettant de se réapproprier son processusde santé et de guérison, pour déboucher surdes partenariats entre les soignants et lessoignés. Cet objectif ne peut être atteint que siles représentations sociales, les opinions et lesattitudes changent dans la pratique médicale etla relation médecin-patient.Les partenariats et les changements dereprésentations sociales ne peuvent êtreréalisés que dans une dynamique effective des

Bibliographie 

[1] HERZLICH C. (1975), Santé etmaladie : analyse d'unereprésentation sociale, Ecole deshautes études en sciences sociales,Mouton, Paris, 210 p. [2] HABERMAS J. (1987), Théoriede l’agir communicationnel,Fayard, Paris, 480 p.[3] MAGEROTTE G., MERCIERM. & IONESCU, S. (1995), Laqualité de vie pour tous, Universitéde Mons-Hainaut, AIRHM, 471 p.[4] TOURAINE A. (1999),Sociologie de l’action, Le Seuil,Paris, 506 p.

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Partager une même conceptualisation de lamaladie est à la base d’une bonne relationde collaboration entre le patient, sa famille etl’équipe thérapeutique. La perception de lamaladie est en effet différente selon que l’onprend le point de vue du patient ou celui duprofessionnel (voir texte de réflexion qui suit«Perception de la maladie»). Commentrapprocher ces deux points de vue ? Proposerune conceptualisation commune, est-ceutile ? Le modèle «vulnérabilité - stress -compétences adaptatives» est le modèleexplicatif de la schizophrénie utilisé dansl’ensemble des approches psychoéducativestant familiales qu’individuelles.

Texte de réflexion :Perception de la maladie

(dans Deleu et Lalonde, 2001)

Kleinmann (1980), un anthropologue, fait unedistinction entre deux notions, soit :- illness, qui a trait à la conception subjective

et expérientielle qu’a le sujet (et son groupesocial) de son malaise. La notion faitréférence aux perceptions et aux expériencesque décrit un individu au médecin ou àn’importe quel autre guérisseur. Ce termeenglobe l’expérience subjective de l’individuet de son entourage, le sens personnel etsocial ainsi que l’explication qu’ils endonnent. Il a une connotation culturelle;

- disease, qui se rapporte à la conceptionobjective et technique (fondée sur desanalyses de laboratoire et d’autresdonnées scientifiques) qui permet de direqu’un malaise est dû à telle ou telle cause.

différents acteurs. Il ne s’agit pas d’être passif,mais bien d’être actif pour que de nouvellesrelations entre les soignants et les soignés soientmises en place. C’est là le rôle que devrait jouerl’éducation du patient ou plus précisémentl’éducation des soignants et des soignés. Danscette perspective, elle est un processus actif etdynamique qui nécessite la mise en œuvre demoyens adéquats.L’éducation du patient fait partie intégrante duchamp de «l’éducation à la santé», conçue commeune action de «promotion de la santé» : une«action sociale» (au sens de A. Touraine) quichange les conditions de vie de la population et ladynamique sociale en matière de soins de santé[4].

Nous avons tenté de montrer, lors d’uneprécédente journée d’étude du centred’éducation du patient, qu’il ne s’agit pasuniquement de responsabiliser les patientsmais, tout au contraire, de mobiliser l’ensemblede la société en faveur d’une améliorationglobale de la santé. Nous prétendons que c’estdans un tel paradigme que nous pourronsobserver de réelles retombées socio-économiques de l’éducation du patient et del’éducation à la santé. Il ne suffit pas d’enleverdes barrières à la santé, mais de promouvoirdes conditions d’une plus grande qualité de vie,aussi bien dans le préventif que dans le curatifqui, à ce niveau, se rejoignent.

Il s’agit de la lecture que le médecin fait dumalaise en observant les signes et lessymptômes et qui renvoie à une anormalitédans la structure ou le fonctionnement d’unorgane ou d’un système physiologique.L’individu devient alors malade selon laperception du médecin. La maladie reposesur une conception technique et objective.

On peut aisément comprendre que cettedifférence de perspective peut donner lieu àplusieurs malentendus. Par exemple, unepersonne peut recevoir un diagnostic deschizophrénie ou de dépression (disease) maisrefuser d’attribuer son expérience subjective(illness) à une maladie comme le conçoit lemédecin et refuser la médication prescrite. Pourqu’un traitement soit acceptable aux yeux d’unpatient, il faut que ce dernier trouve un lien desens entre son expérience subjective et laconceptualisation que le médecin lui enpropose.

Kleinmann (1980) recommande de s’enquérirdes modèles explicatifs de la maladie (illness)qu’a élaborés le patient et des attentes qu’ilentretient par rapport au traitement.

- Comment définissez-vous votre problème?Quel nom lui donnez-vous?

- Quelles sont les causes de votre problème,d’après vous?

- Pour quelles raisons croyez-vous que votreproblème a débuté à ce moment précis?

- Comment se manifeste votre maladie?Quels malaises produit-elle en vous?

- Croyez-vous que votre maladie va durer long-temps?

- Quelle sorte de traitementcroyez-vous devoirrecevoir?

- Quels sont les résultats lesplus importants que vousattendez de ce traitement?

Il s’agira ensuite de travaillerà rapprocher ces modèlesdu modèle médical pourarriver à un consensus entrepatient et médecin quant àl’étiologie, le diagnostic,l’évolution et le traitement decette maladie.

Bibliographie

DELEU G. et LALONDE P.(2001), Thérapie psycho-éducative, in Psychiatrieclinique, une approche bio-psycho-sociale, Gaëtan MorinEditeur, tome II.

Les croyances et les représentations des patients et du personnel soignantA la recherche d’un modèle explicatif commun. L’exemple de

la schizophrénie : l’utilité du modèle «vulnérabilité - stress - compétences adaptatives».

par Guy M. Deleu (1)

(1) Neuropsychiatre, Socrate-Réhabilitation, Hôpital VincentVan Gogh, Marchienne-au-Pont,Belgique.

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De multiples facettes(Tableau 1)

Lorsqu’on parle d’éducation du patient, celaévoque spontanément pour beaucoup depersonnes une ou des pathologies commel’asthme, le diabète… et donc, cela renvoie àdes malades et à la gestion du traitement et dela maladie.Dans le livre de d’Ivernois et Gagnayre en 1995(p. 13), on y lisait que «L’éducation du patient sesitue au niveau de la prévention tertiaire. Lamaladie est installée ; elle ne peut pas êtreguérie, mais les risques de mort peuvent êtreéloignés, les complications inéluctablesdistancées par la participation du patient à sontraitement et son auto-surveillance.»Mais, ce n’est pas là la seule manière deconcevoir ce concept.

Pour tenter d’y voir plus clair, je développe plusparticulièrement 3 points :

- Qu’entend-t-on par patient ?- Que couvre le terme éducation ?- Quelles sont les méthodes éducatives en

éducation du patient ?

Le Patient ?Qui est ce patient ?Qui est cet interlocuteur del’éducation du patient ?

Les personnes, groupes oupublics, auxquels s’adressel’éducation pour la santépeuvent être distingués dupoint de vue de leur santé.

Il y a d’une part, les malades(chez qui on a porté undiagnostic de maladie) etd’autre part, les bien-portants.

Le patient malade

Dans cette logique, l'éducation du patients'occupe donc des malades et le patient est lemalade.

L’éducation du patient,malade chronique

De plus, certains considèrent que l’éducation dupatient vise un public plus particulier, lesmalades chroniques. Le patient visé n’est pasla personne qui vient consulter en cabinetmédical à propos d’une affection qui pourra êtrefacilement diagnostiquée, traitée et guérie. Ils’agit de celui ou de celle susceptible deconsulter régulièrement parce qu’atteint d’unemaladie chronique nécessitant des soinsréguliers et répétitifs qui peuvent être placéssous sa responsabilité. Ainsi, pense-t-on, entreautres, aux asthmatiques, aux diabétiques, auxinsuffisants rénaux…

L’éducation thérapeutique des patients(Tableau 2)

Pour ces patients, l’éducationpour la santé vise plus àapprendre la maladie que lasanté, l’un n’excluant d’ailleurspas l’autre.Plus encore, l’éducation dupatient peut s’inscrire dans lecadre de mesures thérapeu-tiques, c’est-à-dire du traite-ment prescrit.Elle vise donc plus particu-lièrement à aider le patient àprendre en charge sontraitement par ex. dans le casde l’asthme : adaptation desdoses de médicaments,manipulation d’inhalateur, du

Mots-clés : éducation dupatient, éducationthérapeutique du patient,éducation du patient à lamaladie, éducation pour lasanté du patient,psychoéducation, maladeschroniques

Les différentes facettesde l’éducation du patient

par Jean-Luc Collignon (1)

Loin d’être statique, l’éducation du patient est une discipline en pleineévolution dont les limites sont difficiles à définir. On parle aujourd’hui «d’éducation du patient», «d’éducation thérapeutique du patient», «d’ éducation du patient à sa maladie», «d’éducation pour la santé dupatient», «de psychoéducation»... Bien plus qu’un problème determinologie, chacune de ces appellations renvoie à des champs d’actions,à des objectifs, à des thèmes, à des moments différents d’intervention dansl’histoire de la maladie et /ou de la santé des patients ou encore à des«patients» différents.

(1) Directeur du Centred’Education du Patient asbl,Godinne, Belgique.

Appellations de l'éducationdu patient

Education du patientEducation thérapeutique du patientEducation du patient àsa maladieEducation pour la santé du patientPsychoéducation

Tableau 1 : Appellations del'éducation du patient

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Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 21, n°1, 2002

peak flow... Dans ce cas, l’appellation«éducation thérapeutique du patient» estutilisée et l’action considérée comme une partde la pratique clinique (OMS, 1998).

Elle a pour but de former les patients àl’autogestion, à l’adaptation du traitement à leurmaladie chronique, et à leur permettre de faireface au suivi quotidien. Elle est essentielle dansle cadre des maladies de longue durée, maisles patients souffrant de maladies aiguës nedoivent pas en être exclus. L’éducationthérapeutique du patient doit être conçue pourpermettre au patient (ou à un groupe de patientset aux familles) de gérer le traitement de leurmaladie et de prévenir les complications, touten maintenant ou en améliorant leur qualité devie. Son but principal est de produire un effetthérapeutique complémentaire à ceux de toutesles autres interventions (pharmacologiques,kinésithérapie, etc.)

L’éducation du patient à sa maladie(Tableau 3)

Pour désigner l’éducation plus largementdirigée vers la vie avec une maladie, mais sanslien obligatoire avec le traitement, on parle«d’éducation du patient à sa maladie». Dans cecas, l’éducation recouvre à la fois la gestion dutraitement (curatif et prévention decomplications) et la vie avec la maladie ou lehandicap (ex : hémiplégie). L’éducation dupatient à sa maladie s’intéresse à la façon dontle patient accepte son état et gère sesproblèmes au quotidien (gestion du traitementmais aussi prévention des complications et desrechutes, impact de la maladie sur la viepersonnelle, familiale, professionnelle, sociale …).

Le patient bien-portantL’éducation du patient,

usager des services de santé

Le patient peut également être défini comme unepersonne engagée volontairement dans unerelation de soins avec un professionnel dessoins. C’est alors la démarche (consulter) et lestatut de l’interlocuteur (professionnel desoins), et non l’état qui définissent le patient.Pour un obstétricien, une femme enceinte enconsultation est une patiente ; pour un dentiste,une personne en consultation pour un examenpréventif est un patient, sans que celan’implique de maladie.

Plus encore, reconnaissant que même unpatient chronique ne peut être considéré commemalade lorsqu’il est bien équilibré, en étatstable, situation courante dans la prise encharge du diabète, de l’hypertension, del’asthme, etc., l’OMS propose le concept hybridede «personne malade en bonne santé» (healthyill people) pour désigner cet état. Chacunconnaît des exemples dans sa vieprofessionnelle ou dans son expérience

personnelle de personnes ayant une maladie(chronique) et pourtant en bonne santé. Denombreux sportifs de haut niveau sont despatients chroniques. Parfois, le révélateur de lamaladie est le traitement. Il faut accepter lacoexistence, chez toute personne d’une «zone»de maladie avec toutes ses conséquences, ausein d’un ensemble élargi appelé santé.

L’éducation pour la santé du patient (Tableaux 4 et 5)

L’éducation du patient peut ainsi êtreconsidérée, au sens large, comme uneéducation pour la santé dirigée vers lespersonnes ou groupes engagés dans unerelation de soins. Elle comprend donc tantl’éducation pour la santé que l’éducation à lamaladie, regroupant du même coup tous lestypes de prévention : primaire, secondaire,tertiaire, voire quaternaire ou du moins lesaspects éducatifs de la prévention. Elle s’inscritdans une démarche globale de promotion dela santé et n’est plus axée seulement sur lamaladie.

Le terme d’«éducation pour la santé dupatient » semble dans ce cas le plus adéquatet le plus apte à englober toutes les pratiqueséducatives.

Le but de l’éducation pour la santé du patientest que la personne qui consulte unprofessionnel de soins, quel que soit son étatde santé, soit en mesure de contribuer elle-même à maintenir ou améliorer sa qualité devie.

Les objectifs généraux sont donc que lespatients et leur famille (Sandrin Berthon, 2000) :

- utilisent de manière optimale les services desanté;

- prennent un rôle actif dans le dialogue qu’ilsinstaurent avec les soignants;

- acceptent le caractère éventuellement chro-nique de la maladie ou du handicap;

- assument les contraintes d’une surveillancerégulière et de certains dépistages;

- prennent en charge leurs traitements enconcertation avec les professionnels;

- réussissent à changer certaines de leurshabitudes de vie s’ils en perçoivent lanécessité;

- se fassent entendre auprès des institutions,des services et des professionnels quipeuvent contribuer à améliorer leur état desanté et leurs conditions de vie.

L’éducation pour la santé du patient solliciteplusieurs familles de professionnels dont lessoignants.

Education du patientà sa maladie

Public-cible : malades (chroniques).Domaines :

* gestion du traitement;* vécu de la maladie ou du handicap.

Objectifs :* prévention des complications

et rechutes;* impact sur la vie professionnelle,

familiale...

Tableau 3 : Education du patientà sa maladie

Education pour la santédes patients

Public-cible : Personnes enrelation de soins.Domaines :

* préventions 1aire, 2aire, 3aire;

* démarche globale de promotionde la santé;

* santé et maladie.

Tableau 4 : Education pour lasanté des patients

Education thérapeutiquedes patients

Public-cible : maladies de longuedurée (n'exclut pas les maladiesaiguës).Domaine : gestion des traitements.Objectifs :

* autogestion, adaptation,suivi quotidien du traitement;

* prévention des complications;* amélioration de la qualité de vie.

Tableau 2 : Educationthérapeutique des patients

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002En bref

(tableau6)

L’éducation thérapeutique du patient estincluse dans l’éducation du patient à samaladie qui est elle-même incluse dansl’éducation pour la santé du patient (termeretenu pour le Comité Interinstitutionneld’Education pour la Santé du Patient ou CIESP).

L’accent mis récemment sur la préventionprimaire et la promotion de la santé ne doit pasocculter les autres dimensions de l’éducationpour la santé et de l’éducation du patient. Onrisquerait alors d’introduire un clivage analogueà celui du domaine biomédical préventif-curatif.

L’éducation ?Les conceptions de la démarche éducative,peuvent varier selon les auteurs ou lesintervenants : information, guidance psycho-logique, conseil, techniques de modification decomportement, enseignement-apprentissage,sensibilisation et communication…

Bury (1988) propose un axe avec aux extrêmes«l’information» d’un côté et «la persuasion» del’autre. La persuasion concerne les méthodesengagées, visant la modification de compor-tements.

La conception même du type de démarcheéducative pose donc la question du respect dela liberté du patient, de son autonomie dedécision qui constitue un point important desproblèmes éthiques soulevés par l’éducationdu patient.

L’éducation est parfois comparée à uneaventure humaine. Elle doit réunir certainescaractéristiques.

Caractéristiques de l’éducationReconnaître l’autonomie de l’autre.

C’est aider l’autre à vivre comme différent de soi,comme autonome. C’est l’aider dans sarecherche d’autonomie.Éduquer, c’est donc beaucoup plus qu’informer.

Vouloir aider l’autre implique de savoir qui noussommes. Notre projet éducatif est sous-tendupar des valeurs qu’il importe de clarifier :conceptions des relations médecin-patient, dela maladie, de la santé, de la souffrance, de lamort … Autant d’éléments qui influenceront notredémarche même si nous n’en avons pasconscience.

Établir une relation d’équivalence

Il est indispensable de créer une proximité, uneposition de côte à côte davantage que de face àface entre éducateur et éduqué. Tâche difficile !

La participation du patient à cette démarche doitêtre active. Cela passe par une transformationen profondeur de la relation entre le médecin etle patient : l’éducation du patient repose sur ledialogue, sur la construction d’un projetcommun. Il s’agit pour le professionnel depasser d’une démarche strictement prescriptiveet injonctive à une démarche basée sur l’écoute,sur la négociation avec le patient, sur le transfertde compétences, sur le partage desresponsabilités.

Avoir du sens pour le patient

L’éducation du patient est possible si celui-citrouve, au présent, un intérêt, une satisfaction,voire du plaisir à cette éducation, s’il peutl’intégrer à ses projets de vie, à son avenir, s’ilpeut la situer par rapport à son passé, sonhistoire personnelle et familiale et par rapport àsa culture.

Accepter l’imprévisible

Éduquer est aussi par essence imprévisiblesinon nous serions dans le registre duconditionnement, du façonnage. Il n’y a pasd’éducation sans intention de faire exister del’imprévisible, du non imaginé. L’éducationn’est pas la capacité de fabriquer autrui selonun modèle entièrement prédéterminé.L’éducation est création et non façonnage.

Il faut laisser une place à l’expression probable,et même nécessaire, d’un désaccord voire d’unrejet. Si nous prenons l’habitude de questionnerle patient sur les informations qu’il reçoit, deréfléchir, de dialoguer, d’argumenter, derechercher avec lui les autres solutions, il sauraaussi mettre en œuvre ces compétences vis-à-vis de nous et de notre modèle éducatif. Encorefaut-il que nous soyons prêts à recevoir cettepossible remise en question !

Quelles méthodes éducatives ?

L’éducation des patients est étroitement liée àl’action des professionnels de la santé et à larelation soignant-soigné. Elle associe cepen-dant des actions de 3 natures différentes.

Natures des méthodes éducativesDes actions d’information

Elles constituent souvent une premièredémarche. Elles ont pour objectif d’accroître lesconnaissances des patients et du grand publicsur les maladies, leur prévention, leurstraitements et l’organisation des services desoins, au travers de documents variés etfacilement accessibles (ex : brochures d’accueilà l’hôpital, fiches relatives à des interventionsou des examens médicaux, dépliants sur

Objectifs de l'Educationpour la santé des patients

Utilisation optimale desservices de santéRôle actif dans la relation S-SAcceptation de la maladiechronique/handicapSurveillance et dépistageGestion des traitementsAdaptation des habitudes de vieInterpellation des professionnels

(Source : Sandrin Berthon, 2000)

Tableau 5 : Objectifs de l'éducationpour la santé des patients

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l’amniocentèse, la mort subite du nourrisson,l’allaitement, etc.)

Des actions éducatives de proximité

Elles sont intégrées à la démarche de soins.Elles utilisent des méthodes et des outilspédagogiques variés (entretiens individuels,activités de groupe, supports écrits ouaudiovisuels, entraînement à l’utilisation decertains appareils, etc.) et nécessitent laparticipation des différents professionnels desanté. Elles s’appuient sur l’analyse desconnaissances préalables, des représen-tations, des habitudes et des projets de vie despatients.Des actions éducatives peuvent aussi avoir lieuen milieu scolaire, en entreprise ou dansd’autres lieux. Elles peuvent concernerl’utilisation des médicaments, les rapports avecles professionnels ou l’utilisation des servicesde santé.Cela nécessite un travail à long terme. S’il s’agitd’une maladie chronique ou d’un handicap, lepatient devra apprendre à vivre avec,quotidiennement. La thérapeutique ne peut seconcevoir uniquement comme une successiond’actes techniques. De la même façon, modifierpour le patient, ses habitudes de vie, sonalimentation, sa consommation d’alcool ou detabac, demande du temps et de la persé-vérance. Dans tous les cas, il s’agit pour lesoignant, d’un travail d’accompagnement dansla durée.De plus, la coordination des différentsprofessionnels est nécessaire. Si l’on n’y prendgarde, la multiplicité et la diversité desintervenants engendrent en effet unmorcellement des actions éducatives pro-posées au patient et un manque de cohérence.Chaque professionnel doit apprendre à travailleren interdisciplinarité.

Des actions de communication

Les campagnes médiatiques ont pour objectifde modifier progressivement les repré-sentations sociales, notamment dans ledomaine de la relation entre les soignants et lespatients. Il s’agit de renforcer l’image d’unpatient acteur, sujet de son histoire de santé,impliqué dans les décisions thérapeutiques quile concernent (ex : douleur, cancer du sein,MSN...). Elles peuvent aussi contribuer àtransformer le regard que l’on porte sur unemaladie (le cancer, le SIDA…) ou unmédicament (les antibiotiques, les psycho-tropes, les génériques…).

A titre d’exemple, les campagnes récemmentmenées par le Centre d’Education du Patient surla problématique de la mort subite dunourrisson, l’allaitement maternel et lapromotion de la santé du nourrisson combinentles trois approches.

ConclusionDévelopper l’éducation du patient suppose laprise en compte globale des besoins du patient.Le patient ne peut pas être considéré seulementau travers de sa maladie et de ses prises derisques. Le professionnel de la santé doitprendre en compte la personne dans toutes sesdimensions : individuelle, familiale, culturelle,professionnelle, sociale…

Les déterminants de la santé et de la maladiesont multiples. Quand on réclame à l’éducationpour la santé des résultats, des preuves, on aparfois tendance à l’oublier. Si une personnefait des crises d’asthme, c’est à cause deplusieurs facteurs intriqués.L’action éducative n’a de sens que si elles’inscrit dans une démarche plus globale depromotion de la santé.

Bibliographie 

BURY J.A. (1988), Education pourla santé. Concepts, enjeux,planifications, De Boeck Université,Col. Savoirs et Santé, Bruxelles,235 p.

DECCACHE A. et LAVENDHOMMEE. (1989), Information et éducationdu patient : des fondements auxméthodes, De Boeck Université, Col.Savoirs et Santé, Bruxelles, 239 p.

D’IVERNOIS J.F. et GAGNAYRE R.(1995), Apprendre à éduquer lepatient. Approche pédagogique, éd.Vigot, Col. Education du Patient,Paris, 189 p.

SANDRIN BERTHON B. (2000),L’éducation du patient au secoursde la médecine, éd. PUF, Col.Education et formation, Paris, 198 p.

Educationpour la santédu patient

Educationdu patient àsa maladie

Educationthérapeutiquedu patient

Tableau 6 : Synthèse

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L’éducation du patient en psychiatrie porte lenom de «psychoéducation». Elle a étédéveloppée depuis les années 80 dans ledomaine des maladies mentales sévères etpersistantes comme les schizophrénies et lestroubles bipolaires. De nombreux groupesd’experts (groupe PORT, 1998, De Clercq etPeuskens, 2000,…) l’inscrivent au nombre deleurs recommandations principales dans letraitement de ces pathologies.

Selon Goldman (1988), la psychoéducation sedéfinit comme l’éducation ou la formation d’unepersonne souffrant d’une maladie psychiatriquedans des domaines qui servent des objectifs detraitement et de réadaptation (l’acceptation dela maladie, la coopération active au traitementet à la réadaptation, l’acquisition d’habiletéscompensant les déficiences liées au troublepsychiatrique).

Elle s’applique aussi bien au patient qu’à safamille. Bien plus que la simple éducation, elleapparaît comme une démarche structurée,étalée dans le temps qui vise non seulement àpartager des informations sur la maladie maisaussi et surtout à soutenir émotionnellement lepatient et sa famille et à leur donner les moyensde gérer de la façon la plus autonome possiblela maladie et ses conséquences personnelleset familiales. C’est dans ce sens que certainsn’hésitent pas à parler de «thérapiepsychoéducative» (Deleu et Lalonde, 2001).

Envisagée comme un processus, la «psycho-éducation» fait intervenir trois dimensions :

- une dimension «pédagogique», dans lesinformations données sur la maladie;

- une dimension «psychologique», dans la priseen compte de problèmes sensibles etincontournables (la révélation du diagnostic,le soulagement du fardeau émotionnel et letravail de deuil par rapport aux pertes liées àla maladie);

- une dimension «comportementale», dansl’utilisation de stratégies particulières demodification des comportements.

La position de la personne qui reçoit l’éducation,

situation particulière du patient psychiatrique ?

par Guy M. Deleu (1)

Mots-clés : psychoéducation,maladies mentales,traitements, réadaptation,croyances

Tout au long de ce processus, la position oul’attitude du patient va dépendre de facteurs,qui ne sont sans doute pas spécifiques à lamaladie mentale, mais qui ont des aspectsparticuliers liés à celle-ci. Il s’agit descroyances du patient par rapport auxphénomènes subjectifs qui envahissent sonvécu, de son niveau d’acceptation des pertesliées à la maladie, des atteintes profonde àson estime de soi, des limitations imposéespar la maladie à son fonctionnement cognitif(attention, mémoire, pensée abstraite,fonctions exécutives) et de l’attitude de sonentourage lui-même confronté à descroyances et à des pertes.

Les méthodes utilisées en psychoéducations’inspirent bien sûr des méthodes utiliséesdans l’éducation du patient en général. Maisces méthodes bénéficient aussi des apportsde la neuropsychologie et des thérapiescognitivo-comportementales pour adapter ladémarche aux particularités neuropsy-chologiques, physiologiques, psychologiqueset sociales du patient psychiatrique (Deleuet Lalonde, 2001).

Bibliographie 

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(1) Neuropsychiatre Socrate-Réhabilitation, Hôpital VincentVan Gogh, Marchienne-au-Pont,Belgique.

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Introduction

Je voudrais mettre en évidence quelquesrepères permettant de réfléchir le changementdans les groupes et les organisations. En effet,«l’éducation du patient» peut aussi êtreconsidérée comme un «projet mobilisateur»venant s’inscrire dans un contexte (groupe,association, institution) qui a déjà ses modesde régulation et ses propres codes culturels.

Comment dès lors y raisonner l’induction duchangement ?

Premier repère : un systèmede communication à définir

La pragmatique (ou systémique) de lacommunication permet de considérer un groupeou une organisation comme un système decommunication, c’est-à-dire une «forme sociale»,un ensemble contextualisé de comportementset d’opinions en interactions.

Quelques conséquences :- le comportement lui-même est acte de

communication (et pas seulement les mes-sages verbaux);

- les comportements sont interdépendants (ilsforment un système);

- il n’y a pas de système en soi : définir lesystème d’interactions consiste à identifier unniveau d’analyse pertinent en fonction d’uncertain fil conducteur : un problème, unehypothèse, une plainte, un projet, etc. parrapport, par exemple, à la relation interper-sonnelle avec un patient ou un collègue en

particulier, un groupe de collègues au seind’un service, un service comme tel, un dé-partement regroupant plusieurs services, lefonctionnement de l’hôpital ou de l’institutiondans son ensemble, le système des soins desanté, la sécurité et solidarité sociale enBelgique, etc.;

- tout système tend à se maintenir en équilibre :il est régulé (homéostasie). Des codesculturels auxquels nous sommes socialisés(y compris dans l’organisation dont nousdevenons membre) fournissent les clés derégulation de cet équilibre (on peut aussiparler à cet égard d’indicateurs de contexte oude «culture d’entreprise»);

- ce régulateur est une construction à la foiscoopérative et conflictuelle des acteurs enprésence dans un contexte qui a son histoireet qui est socialement situé.Diverses cultures sont à la base du mé-lange culturel spécifique à une entreprise :des cultures «sociales» (ex : conservateur-progressiste, catholique-laïque; dispositionslégales; système éducatif en vigueur; etc.),«professionnelles» (infirmières, médecins,spécialistes, administration...) et «catégorielles»(ouvrier, employé, cadre, direction).

Deuxième repère :équilibre et changement

Le courant de la pragmatique de la com-munication définit deux grands types dechangements dans un système de commu-nication : le changement adaptatif et le chan-gement systémique.

L’introduction du changementdans les groupes

et les organisations :quelques repères

par Pierre de Saint-Georges (1)

L’implantation ou le développement de «l’éducation du patient» impliquenécessairement un certain nombre de changements pour les personnes,les groupes et les organisations qui souhaitent la mettre en œuvre. Ceschangements peuvent être vécus comme positifs et intéressants ou commedéstabilisants et perturbateurs. Entre opportunité et menace, la réussited’un projet d’éducation du patient dans un groupe ou une organisationne va pas de soi.

Mots-clés : éducation dupatient, changement, équilibredu système, métacommunication

(1) Professeur à l’UCL (Laboratoired’analyse des systèmes decommunication d’organisation-LASCO).

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002Quelques conséquences

- pour que le système reste stable au traversdes perturbations de la vie de tous les jours,les acteurs prennent pas mal d’initiatives quisont autant de changements adaptatifs.Ils résolvent par là habituellement lesdifficultés auxquelles ils sont confrontés.L’équilibre d’un système (un couple, unefamille, un groupe, un service...) est doncdéjà du changement de ce point de vue;

- certaines difficultés peuvent persister malgréles réels efforts faits par les acteurs pour leurtrouver une solution. Le système reste alorsen déséquilibre. Il peut être menacé dans sonexistence même (divorce, exclusion, licen-ciement, rejet d’une initiative, etc.).Un autre type de changement (un «chan-gement de changement») devient alorsnécessaire puisque les initiatives habitu-ellement mises en œuvre n’arrivent pas àrestaurer l’équilibre. On parle dans ce casd’un changement systémique, car il redéfinitle système d’interaction et ses «règles dujeu».

Troisième repère :induire le changement

Le pilotage stratégique d’un changement ne doitpas être lu comme une communication linéaireou transmissive visant à changer directementdes pratiques individuelles (communicationopératoire) et/ou des mentalités (communi-cation intégrative), mais bien comme unemodification des codes de régulation dusystème d’interactions lui-même. Le conceptessentiel dans cette perspective est celui demétacommunication (ou capacité des acteursà redéfinir le cadre de la communication entreeux).

Quelques conséquences

- l’introduction d’un projet d’éducation dupatient est de ce point de vue une perturbationdélibérée d’un système d’interactions parcertains de ses acteurs (les initiateurs duprojet en question).La légitimité de l’intervenant, son pouvoird’induire le changement et ses méthodes detravail sont posés d’emblée;

- le changement est nécessairement à lafois pragmatique (il affecte les compor-tements) et systémique (il touche àl’ensemble du système);

- la mise en œuvre d’un projet d’«éducationdu patient» dans un groupe ou uneorganisation demande par conséquent unecompétence non seulement en «éducationdu patient» mais aussi en méthodologie del’intervention dans les groupes et lesorganisations. Cette capacité d’interventionne s’improvise pas;

- si le changement est a priori légitime, la

résistance au changement l’est tout autant(puisque l’équilibration du système est faiteà la fois de morphogenèse et demorphostase).Changement et non-changement posent auxacteurs la question du sens de ce qu’ils font;

- le temps des groupes et des organisationsn’est pas celui des individus. La ligne dutemps est un facteur essentiel dans lesprocessus de changement.

Quatrième repèreen guise de conclusion :quatre options de travail

Il est intéressant pour l’intervenant comme pourle groupe ou l’organisation de distinguer quatreoptions de travail, quatre stratégies d’interventionpossibles et il est important de ne pas setromper d’entrée, car elles ne sont pasnécessairement interchangeables :

Bibliographie

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DE SAINT-GEORGES P. (2000),La formation-symptôme.Intervention et changement dansles organisations, in Communicationet organisation, 17.

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WATZLAWICK P., WEAKLAND J.,FISCH R. (1975), Changements,paradoxes et psychothérapie, Seuil,Paris, 189 p.

Dans le cadre de cette réflexion, l’option àprivilégier, à mon sens, est celle de l’approcheclinique. En effet, l'introduction de «l'éducationdu patient» dans un groupe ou une organisationvise directement l'obtention d'un changement(mode inductif). Et d'autre part, les acteurspilotant le changement ont dans ce cas-ci unrapport impliqué avec leur «système client»(ceux qui vont devoir adopter le changement).

Cette démarche pourrait être précédée soit parune recherche, soit par un audit, les deux visantplus au diagnostic et à la productiond'informations utiles qu'à l'introduction directed'un changement (mode investigatif). La miseen place d'un programme de formation arriverapar contre souvent en aval d'un diagnostic oudans le suivi d'une approche clinique. En fait, le«jeu de la marelle» du changement ne peut pascommencer par n'importe quelle case.Méthodologiquement, il tend à privilégier l'entréepar la recherche ou l'approche clinique.

Intervention psychosociologiqueet induction de changement

Mode d’intervention(Rapport au changement)

Investigatif Inductif

Recherche(Interventionsociologique)

FormationDistanciéTyped’implication

(Rapportau système

client)Impliqué Audit

ConsultanceIntervention(Approcheclinique)

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Education du Patient et Enjeux deSanté, Vol. 21, n°1, 2002.

En illustration de l’exposé du professeur Pierrede Saint Georges, trois situations d’implantationdu changement ont été présentées auxparticipants de l’atelier et analysées.

La première situation concerne «l’accompa-gnement d’un projet en éducation du patientdans un centre de réadaptation français» (lireencadré 1).

L’introduction du changementdans une institution et

dans une équipeIllustration pratique

par Katty Van Renterghem (1)

(4) Infirmière, Centre NeurologiqueWilliam Lennox, Ottignies, Belgique.

(2) Chargée de missions enéducation du patient, CERFEP,France.

(3) Le Centre Régional deRessources et de Formation àl’Education du Patient (CERFEP)a été créé en 1996, à l’initiative dela Caisse Régionale d’AssuranceMaladie Nord-Picardie (Cram NP)dans le but de promouvoir laculture et les pratiques en éducationdu patient. Parmi ses missions, leCERFEP a inscrit un axe«accompagnement de projet».Celui-ci se décline sous la formed’une formation-action qui vise àformer directement à partir desbesoins d’une situation de travail,en accompagnant méthodolo-giquement une équipe de soinspour la mise en œuvre d’un projeten éducation du patient.

(1) Cadre Infirmier de Département,Cliniques Universitaires Saint Luc,Bruxelles, Belgique.

Une partie des personnes vict imes d’unaccident vasculaire cérébral (A.V.C.)présente différents troubles physiques et/ouneuropsychologiques. Ces difficultés indui-sent de nombreux changements dans leshabitudes de vie des patients et de leurentourage proche.

Ces patients sont donc accueil l is dansdivers centres de réadaptation pourrécupérer un maximum de leurs fonctionset/ou pour s’adapter à des déficits persis-tants. Je désirais, en collaboration avec leC.E.P. et avec mes collègues de travail,optimaliser les relations éducatives au seinde notre institut ion (le C.N.W.L.) afind’augmenter la qualité de vie de la personne

Pour un meilleur accompagnement des personnes hémiplégiques…

hémiplégique et de son entourage en vued’un retour à domicile.La référence à un modèle théorique(P.R.E.C.E.D.E. de L. Green) fut nécessairepour distinguer tous les facteurs intervenantsdans le problème de santé des patients et laplace des acteurs gravitant autour de lui. A partirde ce modèle, des questionnaires furentélaborés et distribués à un échantillon depatients, de personnes de leur entourage et desoignants. A partir des résultats partagés avecles membres de l’équipe pluridisciplinaire, leGroupe d’Entraide des Hémiplégiques (G.E.H.)et les autorités de l’institution, des pistesd’actions concrètes se dégagèrent. Un groupede travail devait voir le jour pour la mise en placeconcrète de ce projet.

Encadré 2

par Virginie Lenoir (4)

La deuxième situation concerne «l’évaluationdes besoins en changement des différentspartenaires pour un meilleur accompa-gnement des patients hémiplégiques» dansune institution de réadaptation belge (lireencadré 2).La troisième intervention est «l’introduction del’anesthésie sous hypnose dans un servicehospitalier belge» (lire encadré 3, page 18).

L’intervention relate une expérience d’accom-pagnement dans un service de réadaptationcardiaque depuis l’origine de la demandejusqu’à sa phase opérationnelle. Cetaccompagnement fut réalisé par une équipeextérieure à l’hôpital.(3)Ce témoignage de terrain a porté sur lesdifficultés rencontrées : la difficulté des’engager malgré le discours affiché, le rôlede la hiérarchie comme soutien mais

également comme frein, le manque dedistanciation par rapport aux pratiquessoignantes.Il s’agissait aussi d’évoquer la difficulté pourl’accompagnateur de nuancer ses critiquespar rapport à ce qui est effectivement réalisépour ne pas décourager les bonnes volontés.Le vécu des soignants de cet accompag-nement a également été abordé.

Accompagner un projet en éducation du patienten centre de réadaptation

Encadré 1

par Sabine Tirelli (2)

Mots-clés : éducation dupatient, changement, structuresanitaire, hôpital, équipe

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L'hypnose au cours de l'histoire a été maintesfois découverte, oubliée puis redécouverte.Actuellement, les techniques hypnotiquessont utilisées, en milieu hospitalier,principalement dans les services depsychiatrie, dans certains centres de brûlés,en clinique de la douleur, et parfois dans lessalles d’endoscopie ou de radiologieinterventionnelle. Au bloc opératoire, sonutilisation se fait généralement en associationavec d’autres techniques anesthésiquestelles que l’anesthésie locale et la sédation.Cette association appelée «hypnosédation»a permis de proposer la technique au CHUde Liège à plus de 2200 patients opérés dechirurgie plastique, endocrine, ORL, abdo-minale, gynéco ou urologique.Aujourd’hui, plusieurs études cliniques nouspermettent d’affirmer la faisabilité et l’efficacitéde l’hypnosédation et son intérêt pour lepatient (moindre fatigue, récupération plusrapide) [1-9].

Dès lors, une question se pose : «Commentfavoriser l’expansion de cette technique parmiles praticiens ? Quels sont les problèmes etles avantages que pose l’introduction del'hypnosédation en milieu hospitalier ?»

Dans ce qui suit, nous apporterons deséléments de réponses à ces questions etproposerons quelques pistes pour guider lepraticien qui désire utiliser la technique enmilieu hospitalier.

Avant tout, la personne qui propose unenouvelle technique en milieu hospitalier doitêtre personnellement convaincue de sonutilité. Préalablement, elle doit avoir gagné laconfiance des différents intervenants par unerigueur de travail, une fiabilité et unecompétence dans son domaine despécialisation. Cette personne doit montrerun dynamisme pour entraîner toute uneéquipe dans un nouveau projet. Elle doit savoirconvaincre les autres de l’intérêt de l'hypnose :intérêt pour le patient mais aussi pourl’équipe.

La difficulté majeure consiste à arriver à fairechanger les habitudes des équipes, habi-tudes auxquelles certains vont s’accrocherfermement («on a toujours travaillé commecela, je ne vois pas pourquoi je changeraismaintenant...») Tout changement est difficileà entreprendre et demande un effort. Il amène

des doutes, des insécurités, des oppositionset des mises en questions. Pour éviter desréactions émotives de rejet, il faut s’y prendreavec diplomatie, écouter les suggestionséventuelles des personnes concernées etaccepter des compromis.

Une démarche progressive est nécessairequi reconnaît la spécialité de chacun etvalorise sa participation au nouveau projet.Une équipe soudée est le meilleur garantpour réussir un nouveau projet.

Au bloc opératoire, l’utilisation destechniques d'hypnose a amené deschangements conséquents dans la façon detravailler des différents membres de l’équipeopératoire : anesthésistes, chirurgiens etinfirmières. Le premier changement provientdu fait que le patient est conscient avant,pendant et après la chirurgie. Ceci impliqueun accueil et une prise en chargecomplètement différente pour l’équipe. Celle-ci doit tenir compte des besoins nonseulement physiques (installation, chaleur...)mais aussi psychologiques du patient(réponses aux questions, réassurance faceau stress, confort...).La technique d’hypnosédation accorde aupatient, une participation active et lui laisseson autonomie (respiration spontanée,maintien de la conscience...).Pour l’anesthésiste, habitué à maîtriser et àcontrôler les différentes fonctions vitales dupatient par des médicaments et desmachines, cette autonomie peut l’exposer àune situation nouvelle, pour laquelle il estmoins entraîné. En outre, l'hypnose nécessiteune présence et une surveillance constantedu patient ce qui peut susciter une certaineréticence de la part de certainsanesthésistes habitués à travailler sur despatients en coma, plus facile à surveiller. Ilpeut, également, être difficile pourl’anesthésiste de prendre, au début, le risqued’utiliser une technique, dont il ne maîtrisepas tous les aspects, et qui, par là, pourraitne pas fonctionner (comme toute anesthésielocorégionale peut parfois s’avérer insuf-fisante). Néanmoins, en cas de besoin,l’anesthésiste peut repasser à une autretechnique d’anesthésie (ex : anesthésie gé-nérale) car toutes les règles de sécurité sontrespectées.Pour l’équipe opératoire, l’utilisation del'hypnosédation crée aussi des contraintes.

L’hypnose en milieu hospitalier.

Coûts / bénéfices : quelques pistes de réflexion.

par Marie-Elisabeth Faymonville (1)

(1) Spécialiste des Hôpitaux,Maître de Conférence,Département d’anesthésie et deréanimation Centre HospitalierUniversitaire, 4000 Liège,Belgique.

Bibliographie

[1] M.E. FAYMONVILLE, J.FISSETTE, P.H. MAMBOURG, A.DELCHAMBRE, M. LAMY (1994),Hypnose, hypnosédation :conceptions actuelles et leursapplications en chirurgieplastique, Rev Med Liège, vol.XLIX, pp.13-17.[2] M.E. FAYMONVILLE, J.FISSETTE, P.H. MAMBOURG, L.ROEDIGER, J. JORIS, M. LAMY(1995), Hypnosis as adjuncttherapy in conscious sedation forplastic surgery, Regional Anes-thesia, vol.20, n°2, pp.145-151.[3] M.E. FAYMONVILLE, P.H.MAMBOURG, J. JORIS, B.VRIJENS, J. FISSETTE, A.ALBERT, M. LAMY (1997),Psychological approaches duringconscious sedation. Hypnosisversus stress reducing strategies : aprospective randomized study.Pain, n°73, pp.361-367.[4] M.E. FAYMONVILLE, T.DEFECHEREUX, J. JORIS J, J.P.ADANT, E. HAMOIR, M.MEURISSE (1998 ), L’hypnose etson application en chirurgie, RevMed Liège, vol.53, n°7, pp.414-418.[5] M.E. FAYMONVILLE, M.MEURISSE, J. FISSETTE (1999),Hypnosedation : a valuablealternative to traditionalanaesthetic techniques, Acta ChirBelg, n°99, pp.141-146.[6] M. MEURISSE, M.E.FAYMONVILLE, J. JORIS, D.NGUYEN DANG, T.DEFECHEREUX, E. HAMOIR(1996), Chirurgie endocriniennesous hypnose : de la fiction àl’application clinique quoti-dienne... , Annales d’Endocri-nologie, Paris, n°57, pp.494-501.[7] M. MEURISSE, E. HAMOIR, T.DEFECHEREUX, L. GOLLOGLY,O. DETRY, A. POSTAL, J. JORIS,M.E. FAYMONVILLE (1999),Bilateral neck exploration underhypno-sedation, Ann Surg, n°3,pp.401-408.

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d’organiser une phase d’accompagnement duprojet avec les décideurs, qui sont dès lorsinvités comme experts, dans la mise en placed’actions.

De même, il est utile de réaliser des retours desactions vers les acteurs impliqués. Touterecherche, tout projet est ressenti très souventcomme une menace vis-à-vis de la stabilitéacquise.

Aussi, il est important que la personne, agentde changement, soit crédible dans le milieu oùelle porte le projet. Cela sous-entend aussiqu’elle reconnaisse les autres acteurs, qu’elleles respecte dans leurs spécificités, leurscompétences et leurs actions.

Une phase explicative du projet de changementpermet de mettre en exergue les avantagespour chacun et pour l’institution. Elle est aussile début de l’approbation du projet pourcertaines personnes de l’institution.

Résistances, freinset facilitateurs du changementdans le contexte hospitalier

Nous pouvons relever comme freins :

- le manque de ressources humaines, detemps, de connaissances;

- la réduction de l’étape d’analyse desbesoins;

- le décalage entre les désirs et attentes de lahiérarchie et des acteurs du terrain, voireentre les différents acteurs impliqués dans leprocessus de changement;

- la nature du changement. Est-il curatif oupréventif ?

- le nombre important de projets;- les problèmes financiers;- le rapport de pouvoirs – les jeux de pouvoirs;- le cloisonnement des fonctions (l’hyper

spécialisation);- l’absence de soutien de la hiérarchie, de

certains acteurs (ex : corps médical);

Les deux premières situations se rapportent àl’ensemble de l’institution. Nous parlons d’une«vue macroscopique».

La troisième intervention se rapporte au niveaud’une équipe de travail. Nous parlons d’une«vue microscopique».

Le changement est «systémique» c’est-à-direqu’il touche à tout et à tous. Il est «pragmatique»car il demande des actions. Il doit prendre dusens pour les individus impliqués dans ceprocessus (qu’ils soient patients, profes-sionnels…).

Nous pouvons aussi prétendre que la notion dutemps dans une organisation ou une institutionde travail n’est pas la même que le temps despersonnes.

Pour l’implantationd’un changement

Conditions nécessaires1° Une analyse de la situation2° Une analyse du contexte3° L’existence d’un contrat clair et négocié

L’analyse de la situation de départ, de l’existantest préférentiellement une analyse systémiquequi permet de déterminer les différentespersonnes impliquées dans le projet, leursatouts, leurs enjeux, leurs niveaux de décisions,leurs ressources, leurs contraintes.

L’analyse du contexte permet de déceler l’intérêtde l’institution vis-à-vis du projet et les enjeuxsous-jacents.Enfin, un contrat préalable doit être établi etnégocié. Certaines données doivent apparaîtreclairement :

- Quel est le commanditaire du changement ?- Qui a la décision du changement ?- Quelles sont les attentes du commanditaire ?- Quels sont les moyens disponibles ?

Si des jeux de pouvoir sont présents, il est utile

Pour les chirurgiens, les gestes opératoiresdoivent être doux et précis; une grandecollaboration entre chirurgiens et anes-thésistes est nécessaire; un environnementcalme où l’on parle à voix basse, sansinterférence avec le patient est primordial.Cela exige un self-control important de la partdu chirurgien.Pour les infirmier(e)s, cette contrainte decalme impose un changement dans leurmode de fonctionnement. Elles doiventanticiper les besoins des chirurgiens et des

anesthésistes pour recourir le moins possibleaux échanges verbaux.

Malgré toutes ces contraintes, la techniqued’hypnosédation est, d’après notre expérience,bien acceptée par l’ensemble des membres del’équipe opératoire (chirurgiens, anesthésistes,infirmières, infirmiers). Tous reconnaissentl’intérêt de la technique pour le patient etapprécient le changement d’esprit quel’introduction de l’hypnose a créé dans l’équipeopératoire.

Encadré 3

[8] P. MAQUET, M.E. FAYMON-VILLE, C. DEGUELDRE, G. DELFIORE, G. FRANCK, A. LUXEN, M.LAMY (1999), Functional neuro-anatomy of hypnotic state, BiolPsychiatry, n°45, pp.327-333.[9] M.E. FAYMONVILLE, S.LAUREYS, C. DEGUELDRE, G.DELFIORE, A. LUXEN, G. FRANCK,M. LAMY, P. MAQUET (2000),Neural mechanisms of antinociceptiveeffects of hypnosis, Anesthesiology,n°92, pp.1257-1267.

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002à ne pas occulter :

- le mandat du projet éducatif doit êtreclairement décrit. Des objectifs et desrésultats sont attendus;

- l’éducation du patient doit être incluse dansl’organigramme de l’hôpital;

- un comité de pilotage doit être mis sur piedafin de donner des pistes, d’établir lesgrandes orientations du projet (= têtepensante du projet).

Le projet «éducation» s’inscrit dans les objectifsde l’institution. Ces derniers sont diffusés auprèsdes différents intervenants de l’hôpital. En lesconnaissant, les acteurs peuvent s’y référer pourréfléchir leurs propres objectifs professionnelset/ou personnels.

Ce plan d’implantation du changement est doncrédigé avec des objectifs généraux, inter-médiaires et des délais de temps. Ceux-ci sontprévus pour planifier les différentes actionsnécessaires à l’avancement du projet. Sinon,il y a un risque d’épuisement et de découra-gement des personnes impliquées.

Il est important de savoir que la décision d’unprojet est du ressort de la hiérarchie. Celasuppose pour les acteurs de connaître :

- leur localisation dans l’organisation;- le sens du projet pour l’acteur lui-même,

pour l’organisation;- les acteurs impliqués;- les circuits qui mènent à la décision (ce qui

permet de pouvoir négocier avec les décideurs).

Cela entraîne aussi la nécessité d’un accord,d’un mandat, d’un contrat entre l’institution et lesdifférentes personnes concernées.

Il est important de réaliser une analyse sur lesvaleurs partagées entre les acteurs, ainsi qu’unrepérage des alliances pour défendre le projet.

Selon Mintzberg, l’hôpital est une bureaucratieprofessionnelle dont l’enjeu du pouvoirstratégique est de «vendre leur savoir».Il sous-tend aussi une relation de pouvoir.

La société dans laquelle nous vivons possèdeun système de valeurs avec un ordre deschoses. Nous avons dès notre plus jeune âgeintériorisé les jeux de pouvoirs de notre société.Nous avons nos propres représentationssociales. Notre objectif à tous est de maintenirle système en équilibre.

- la surcharge du travail administratif;- la formation ou la non-formation du

personnel;- la non-clarification réelle du projet;- le manque de communication sur le projet,

ce qui suscite des peurs, des incertitudes…;- les facteurs liés aux acteurs eux-mêmes

(ex : l’âge, la motivation…).

Et comme éléments facilitateurs :

- l’impulsion du changement qui est donnéepar le sommet stratégique (Etat, Directeur,service);

- l’organisation de rencontres interdisciplinairesentre les acteurs afin de dégager les prioritéset les lignes de conduite du projet;

- l’établissement d’un calendrier avec desmoments de mûrissement du projet;

- la motivation de la personne qui introduit lechangement;

- la crédibilité de la personne qui introduit lechangement;

- l’organisation du feed-back vers les différentsacteurs impliqués dans le projet;

- la clarté du projet avec les méthodes de travaildéfinies et communiquées aux personnesimpliquées dans le processus;

- le soutien de la hiérarchie…

Cependant, la durée du projet de changement,ses enjeux et la qualité des méthodesd’animation peuvent représenter aussi bien unerésistance qu’un élément facilitateur.

L’introduction d’un changement,un phénomène complexe

Lorsque nous parlons d’éducation du patient,matière légale relativement récente, à introduiredans le contexte hospitalier, le phénomène duchangement se complexifie un peu plus.

En effet, l’hôpital sous-tend deux logiquesorganisationnelles : l’une humaniste, l’autrebudgétaire.

Il existe beaucoup de bonne volonté et dedévouement au sein des institutionshospitalières mais un manque de formation àl’organisation d’un changement tend «àtravailler à l’intuition» et non pas d’une manièreprofessionnelle.

Pour introduire un changement relatif àl’implantation d’un projet en éducation du patientet le voir perdurer dans l’hôpital, il y a des étapes

QUESTIONS POURAIDER L’ANALYSE

1. Délimiter le système,le niveau d’analyse pertinent

1.1. Quels sont les acteursconcrètement impliqués ?

1.2. Peut-on les regrouperutilement en sous-systèmes ?

1.3. Dessiner une «carte desrelations» entre lesacteurs impliqués.

2. Cerner les problèmes entermes de communication

«règles du jeu»,«redondance», modèle

répétitif de comportement2.1. Comment les interactions

fonctionnent-elles ?2.2. Peut-on observer des redon-

dances caractéristiques ?2.3. Qu’est-ce-qui «NE VA

PAS» aux yeux de qui (cadrages) ?

3. Analyser la demande3.1. Qui demande quoi ?

Un service est-il attendu ?3.2. Quelles sont les solutions

déjà essayées par le passépour résoudre le problèmeposé ?Quels ont été les résultats ?

4. Concevoir un scénariod’intervention

4.1. Quels seraient les objectifsconcrets qui pourraientmener au(x) changement(s)désiré(s) ? (utiliser le lan-gage des personnes avecqui on travaille) –(penser petit)

4.2. Quels pourraient être lesobstacles à cette stratégiede changement ?

P. de Saint-Georges, UCL.

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Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 21, n°1, 2002

Mots-clés : éducation dupatient, éducationthérapeutique, attentes,démarche éducative, relationsoignant-soigné

Education du Patient et enjeux desanté, Vol. 21, n°1, 2002.

(1) Infirmière formatrice en soinsinfirmiers, licenciée en Sciencessociales et psychopédagogiques,master en ressources humaines(consultation et recherche).Actuellement coordinatrice duCentre Romand de Formation pourSoignants, sous la direction de M.le Professeur J.-Ph.Assal etresponsable pédagogique de diverscursus de formation post-diplômeau CREP (centre romandd’éducation permanente del’Association suisse des infirmières),tels que clinicienne en diabétologie,clinicienne en réadaptation/réhabilitation.

Bibliographie

PUBLICATIONS OMS (1998),Therapeutic patient educationReport, Copenhagen, sept.1998.

D’IVERNOIS J.F., GAGNAYRE R.(1995), Apprendre à éduquer lepatient. Approche pédagogique,Vigot, Coll. Education du patient,Paris, 189p.

LACROIX A., ASSAL J.P.(1996),L’éducation thérapeutique despatients. Nouvelles approches de lamaladie chronique, Vigot, Coll.Education du patient, Paris, 205p.

WRIGHT, LEAHEY (1991),Familles et maladies chroniques,Medsi/McGraw Hill, Paris, 408 p.

L’éducation du patient,une réponse aux attentes

des patientspar Patricia Dupuis-Bellon (1)

L’éducation du patient est-elle réellement une réponse aux attentes despatients ? Cette question est au cœur du défi à relever par les équipessoignantes concernées par la démarche éducative. Il est relativement aiséde comprendre qu’un patient atteint de maladie chronique nécessite dedévelopper des capacités d’adaptation à sa nouvelle situation, afin desurvivre le mieux possible. Cependant, il n’est pas évident qu’il attendune éducation ciblée, avec des informations structurées et la mise en placede cours et d’interventions visant à lui apprendre de nouveauxcomportements.

surtout centrée sur la problématique complètede l’individu malade.Par après, d’autres modes de communicationpédagogique pourront être mis en œuvre etrépondre à des attentes ponctuelles du patient,telles que les techniques d’injection,les changements de poches, les auto-surveillances, etc.

Ceci est souvent en opposition avecl’émergence d’un besoin vital d’apprendre à sesoigner exprimé davantage par les soignantsque par les patients. C’est la démarche du«survival kit», qui est davantage du béha-viorisme que de l’éducation.En effet, les démarches visant l’apprentissagede gestes d’urgence font davantage appel à unereproduction fidèle des techniques démontréespar le soignant, qu’à une intériorisation réelleet volontaire de comportements adéquats. Ilssont néanmoins salvateurs et jouent le rôle degardes-fous, tant que les autres problèmesn’ont pas pu être abordés.

En conclusion, l’éducationrépond avant tout à desattentes légitimes des soi-gnants, qui ont le désir derendre les patients indé-pendants. Ces derniers at-tendent plus globalement del’aide et de la compassion, ausein d’une relation théra-peutique qui va servir detremplin à l’éducation.

Le diagnostic de maladie chronique étant posé,le patient se trouve dans une situation délicateremettant en cause ses croyances, ses valeurset son mode de vie actuels, ainsi que face à unfutur compromis. Il n’en demeure pas moinsque le patient ne cherche pas en priorité à êtreéduqué, mais plutôt à être entendu et soutenu.

Ce dilemme complique sérieusement le travaildes soignants qui sont eux pressés de luienseigner tout ce dont ils pensent qu’il aurabesoin pour être indépendant. Le patient acependant besoin d’une relation thérapeutiquede qualité, basée sur la confiance et l’estimeréciproque. Une relation qui favorise l’expressiondes souffrances et des inquiétudes face à sanouvelle vie. Il va déjà de lui-même retrouver lesstratégies de «coping» utilisées dans le passépour faire face à sa nouvelle situation, même sielles se sont avérées peu efficaces.

Les humains ont tendance à fonctionner demanière répétitive, c’est-à-dire à reproduire lesmêmes comportements connuset rassurants, lorsque lasituation est semblable oudéclenche chez l’individu desinquiétudes et angoisses demême nature. Le rôle dusoignant va donc être dedépister ces mécanismes etd’aider le patient à découvrird’autres moyens plus efficacespour gérer sa souffrance et lacrise.

Parmi ces moyens, l’édu-cation thérapeutique peutoccuper une place de choix, sielle sait rester humble et

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C’est après la clinique, après la rééducation dedeux mois et demi, une fois que rentrée chezmoi, seule, toute seule avec mon immense vide,mon corps réduit à une moitié de corps, sansl’entourage rassurant des infirmières et deskinés, c’est là que j’ai craqué. Penser touteseule, par moi-même : «Que manger ? Com-ment ? Qui va repasser mon linge ? Qui va laverla maison ?»Voilà que je deviens plus maniaque, plusperfectionniste, alors qu’un peu de laisser-aller,de lâcher-prise, serait de mise.

La famille et l’entourage me promettent leurappui en toutes circonstances.Je refuse cette dépendance; je manqued’humilité... Mais je me fâche bientôt et je hurle :«A l’aide, je veux un psy.»Alors, on m’entend, à travers mes larmes.Là commence la remontée des enfers.Je parle, hurle, pleure, accuse, me rappelleavant, me compare à moi-même, hurle encoreet finis par me calmer.Puis, je lis des messages positifs : «Le soleilqui se lève, et c’est moi la première qui le salue.»L ‘humour : «Mourir, c’est un manque de savoir-vivre» (P.Desproges).

Du courage, du positif ?Les cellules sont foutues !Apparaît mon maître mot à moi : MOTIVATION(pas courage, pas volonté).Si je veux rester moi comme je m’aimais bienavant, alors faudra y arriver !

I. Etre indépendante : oui, je le peux, avecimagination, ingéniosité (habillement,essuyer de l’eau à terre, nourrir mon chat).Patience, intelligence (démarrer plus tôt,comme la tortue, pour arriver parfois avantle lièvre), organisation (timing précis dansun agenda strict).

2.M’occuper des autres : oui, oui, non plus deceux qui ont besoin de mon bras, mais offrirmon écoute, mon taxi, mon exemple discret.

3.M’occuper de ma santé : mon kiné Bobathest mon Dieu-vivant !Ah ! J’aimerais bouger et j’aime encore, etbien BOUGE, c’est permis! C’est bon pourmoi, c’est fatigant, ça fait mal, et bien dodo !

Oui, je crâne, je montre une belle figure alorsque je souffre.Ce n'est pas de la provocation, c’est moi.J’étais comme ça avant et je le suis restée, etça c’est ma victoire. Je relativise les bobos,les drames…Gagné !

Je craque à nouveau moralement, oui.

Je m’entoure de phrases du genre : «La plusgrande gloire n’est pas de ne jamais tomber,mais de toujours se relever.»Et pourtant, tomber fait très mal mais paslongtemps.

Quant à ma proche famille : deux réactionsdifférentes.Ma mère a très mal accepté mon accident, ellea réagi en mère protectrice et ça ne m’a pasplu.Elle a dû faire le deuil de son rôle de mèreprotectrice, couveuse, qui sait ce que je doisfaire, pour mon bien.Mes enfants, trois grands garçons, m’ontconsidérée comme inchangée, forte,rageuse, râleuse, agressive, battante.Ils ne se sont pas imposés, mais si j’appelle,ils sont là. Merci mes petits hommes.Je pense que nous avons tous des cheminsdifférents pour traverser l’épreuve, ladépasser, revivre.

Une étape, une journée devrais-je dire,importante dans ma guérison, fut la premièrerencontre au GEH.J’ai ressuscité ce jour là, au même endroitgéographique où j’avais réalisé ou cru à mamort.

Je souffre encore, donc je suis vivante !

Le deuil de la santé : point de vue d’un membredu Groupe d’Entraide pour Hémiplégiques (G.E.H.)

par Jacqueline (1)

(1) La cinquantaine, professeurde gymnastique, vice-présidentedu Groupe Entraide des Hémi-plégiques (GEH), après 9 ansd’AVC.

CE QUE J’AI AIMÉ ENTENDRE... I. Compassion. C’est très grave2.Non responsabilité.

Tu subis (exemple : les Allemandsdurant la guerre que nous avonssubis et jamais acceptés).

3. ldentité sexuelle.J’ai gardé mon identité grâce à mon ami,toujours amant de mon corps en deuil.Je vis! Je suis une femme ! Entière !

4.Dépression.5.Le courage.

Comment puis-je t’aider ?

ET NON...Ça ira. Tu vas récupérer.Il faut accepter.Plus de profession :le drame… Pas grave ça ! (dela part d’une prof de gym queje respecte). Tu t’en tireras. Tuen as vu d’autres !

Bon courage ! Avec ducourage tu t’en tireras (Est-cequ’on en vend à l’épicerie ducoin ?)

Tu as du courage, tu vas t’ensortir...

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Education du Patient et Enjeux deSanté, Vol. 21, n°1, 2002.

Quelles pratiqueset compétences

en éducation du patient ?Recommandations de l’OMS

par Alain Deccache (1)

Comme cela a pu être observé dans d’autres activités de soins, lagénéralisation de l’éducation du patient passe par plusieurs phases :- le recensement et la définition de «bonnes pratiques» et

l’établissement de critères de qualité;- la mise en place de formations de professionnels et donc la définition

de programmes de formation;- l’établissement de critères, de processus et de procédures

recommandés d’évaluation des pratiques.

L’enjeu est la reconnaissance professionnelle et sans doute financière del’éducation comme partie intégrante des soins. Elle est l’objet d’unequatrième phase, celle de l’intégration de l’éducation dans la politiquede soins et de santé.

C’est en prévision de ce développement que s’est tenue en 1997 une largeconsultation qui a abouti à la formulation d’un rapport OMS et derecommandations internationales pour les formations et les pratiques en«éducation thérapeutique du patient».

Ndlr : cet article a déjà été publiédans le dossier «Education despatients... formation des soignants»de la revue «La Santé del’homme», n°341, mai-juin 1999,pp.12-14 et dans le Bulletind'Education du Patient«L'éducation du patient en Europeau XXIème siècle», volume 19, n°1,2000, pp.40-42.

Mots-clés : éducation dupatient, éducationthérapeutique du patient,formation du personnel desanté, critères de qualité,apprentissage,recommandations, OMS

(1) Professeur en santé publique,Directeur, Unité d’éducation pourla santé et d’éducation du patient(RESO), Faculté de médecine,Ecole de Santé Publique, Universitécatholique de Louvain (UCL),Bruxelles, Belgique.

Le rapport a été réalisé à la demande du Bureaurégional européen de l’OMS, dans le cadre desbuts 4, 15 et 16 de la «Santé pour tous en l’an2000». Il a été organisé par un groupepermanent de trois centres collaborateurs del’OMS (2), promoteurs d’un programmeeuropéen de formation universitaire enéducation du patient.

Les recommandations OMS -Europe «Education théra-peutique du patient : pro-grammes de formation con-tinuée pour soignants enmatière de prévention desmaladies chroniques» portentactuellement sur les deuxpremiers aspects décrits ci-dessus : les principes del’éducation du patient et lespratiques recommandées (dé-finition des compétencesnécessaires des soignants)et les critères de qualité desprogrammes de formationdes soignants.

Une définitionde l’éducation du patient

Le terme générique «éducation du patient»recouvre 3 sortes d’activités, de la plus largedéfinition à la plus spécifique :- «L’éducation pour la santé du patient» con-

cerne tant la maladie que les comportementsde santé et mode de viedu patient, même ceuxnon concernés par lamaladie, dans une logiquede «culture sanitaire». Elleest autant le rôle des soig-nants que de tout «éduca-teur pour la santé».

- «L’éducation du patient àsa maladie» concerne lescomportements de santéet de maladie, liés autraitement, à la préventiondes complications et re-chutes et autres compor-tements liés à l’existenced’une maladie, notam-

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(2) Département d’éducation et detraitement des maladies chroniques,Faculté de médecine, Hôpitaluniversitaire de Genève(Pr J.-P. ASSAL, Mme A.LACROIX);

Département de pédagogie de lasanté, Faculté de médecine,Université de Paris XIII - Bobigny(Pr J.-F. d’IVERNOIS, PrR.GAGNAYRE);

Unité d’éducation pour la santé etd’éducation du patient, Faculté demédecine, Université catholique deLouvain, Bruxelles(Pr A. DECCACHE, Mme F.LIBION).

Edition anglophone (en haut) etfrancophone (en bas) du documentrelatif à l'éducation thérapeutiquedu patient publiés par l'OMS en1998.

ment l’impact que celle-ci peut avoir sur desaspects non médicaux de la vie. Les pairs despatients et groupes d’entraide y sont aussi desintervenants (éducateurs) indispensables.- «L’éducation thérapeutique du patient» toucheà la partie de l’éducation directement liée autraitement (curatif ou préventif) et qui est du rôlestrict des soignants. Ce volet de l’éducation faitdonc partie de la fonction soignante et dutraitement.

Dans le contexte des soins, les recom-mandations sont centrées sur le rôle propre dessoignants. De ce fait, elles concernentl’éducation «thérapeutique» mais sont aussiglobalement valables pour les autres formes.

«L’éducation thérapeutique du patient est unprocessus continu, intégré dans les soins, etcentré sur le patient.Il comprend des activités organisées desensibilisation, d’information, d’apprentissage etd’accompagnement psychosocial concernant lamaladie, le traitement prescrit, les soins,l’hospitalisation et les autres institutions de soinsconcernées et les comportements de santé etde maladie du patient.Il vise à aider le patient et ses proches àcomprendre la maladie et le traitement, coopéreravec les soignants, vivre le plus sainementpossible, et maintenir ou améliorer la qualité desa vie. L’éducation devrait rendre le patientcapable d’acquérir et maintenir les ressourcesnécessaires pour gérer optimalement sa vieavec la maladie.»

Critères de qualitéde l’éducation du patient

«L’éducation thérapeutique du patient doit êtreun processus systémique d’apprentissagecentré sur le patient.Elle doit prendre en compte, d’une part, lesprocessus d’adaptation du patient à la maladie(coping, locus of control, représentations de lasanté et de la maladie, aspects socioculturels...)et, d’autre part, les besoins objectifs et subjectifs,exprimés ou non, des patients.Elle doit être intégrée au traitement et aux soins.Elle concerne la vie quotidienne du patient et sonenvironnement psychosocial, et doit impliquerautant que possible la famille et l’entourageproche.C’est un processus continu, qui doit être adaptéen permanence à l’évolution de la maladie, del’état de santé du patient et de sa vie; c’est unepartie de la prise en charge au long cours.Elle doit être structurée, organisée et proposéesystématiquement à tous les patients.Elle doit utiliser des méthodes et moyens variésd’éducation et d’apprentissage.Elle est multiprofessionnelle (toutes lescatégories de soignants) et multidisciplinaire(approches de santé, de soins et de scienceshumaines) et nécessite un travail en réseau.Elle doit inclure l’évaluation du processusd’apprentissage et de ses effets.Elle est réalisée par des professionnels des soinsformés à cet effet.»

Les soignants étant confrontés à deux types

d’activités éducatives, l’OMS reconnaît lanécessité de distinguer deux sortes decompétences et donc de formations. Lapremière activité est la pratique effective del’éducation, dans le cadre des activités de soins.La deuxième concerne les aspects deconception, planification, programmation etgestion des activités éducatives; il s’agit de lafonction de cadre ou de coordinateur del’éducation dans les services de soins oul’institution.

Critères de compétencesdes soignants - éducateurs

«Les soignants doivent être capables,individuellement et en équipe, de :- adapter leurs comportements professionnels

aux patients et à leur affection (chronique/aiguë);

- adapter la prise en charge thérapeutique auxpatients, considérés individuellement et entant que membres d’une famille ou d’ungroupe;

- articuler leurs rôles et actions avec ceux deleurs collègues soignants-éducateurs aveclesquels ils coopèrent;

- communiquer de manière empathique avecles patients;

- reconnaître les besoins des patients (objec-tifs, définis par les soignants, et subjectifs,propres aux patients et à leur vie);

- prendre en compte l’état affectif, le vécu, l’ex-périence et les représentations des patients;

- aider les patients à apprendre (se préoccuperde ce qu’ils apprennent et non seulement dece qu’on leur enseigne);

- enseigner aux patients à «gérer» leur maladieet à utiliser adéquatement les ressourcessanitaires, sociales et économiques disponibles;

- aider les patients à organiser leur «mode de vie»;- éduquer les patients et les conseiller sur la

réaction face aux crises et épisodes aigus,ainsi que sur les facteurs personnels, psycho-sociaux et environnementaux qui influencentleur manière de gérer leur état de santé;

- choisir et utiliser adéquatement les techniqueset outils éducatifs disponibles (contrat péda-gogique, brochures explicatives ou aide-mémoire, témoignages de patients... );

- prendre en compte, dans les traitements etsoins de longue durée, les dimensions édu-cative, psychologique et sociale;

- évaluer les effets thérapeutiques de l’éducat ion,tant cliniques que biologiques, psychosociaux,pédagogiques, sociaux et économiques, etajuster le processus éducatif;

- évaluer régulièrement et ajuster les pratiqueset performances éducatives des soignants.»

Les «cadres et coordinateurs» d’éducation dupatient doivent en outre être capables de :« - promouvoir, concevoir, implanter et évaluer

des programmes d’éducation du patient dansles institutions et services de soins (hôpital,médecine de ville, soins à domicile...);- concevoir des outils éducatifs appropriés;- former les soignants-éducateurs;- conduire des recherches en éducation

thérapeutique du patient.»

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Critères de qualité desprogrammes de formation des

soignants à l’éducation du patientArticulées avec les critères de qualité del’éducation et les compétences attendues dessoignants décrits ci-dessus, les caractéris-tiques suivantes des programmes de formationont été déterminées :- Tout programme de formation devrait inclure

les compétences éducatives attendues dessoignants dans ses objectifs de formation.Pour chaque objectif, des méthodes variéesde formation doivent être choisies, en cohérenceavec cet objectif, et en évitant les cours magis-traux et autres méthodes expositives.

- Les programmes de formation devraientcomprendre une part d’application directe etde pratique sur le terrain avec les patients.

- Ils devraient être fondés sur l’apprentissageactif et le renforcement des capacités dessoignants en formation de planifier et con-cevoir eux-mêmes leur apprentissage, surbase de leur expérience, leurs représentationsde leur rôle, et des besoins, expérience etreprésentations des patients. La formationdoit donc être cohérente avec les principesmêmes de l’éducation du patient : dans lesdeux cas, l’apprentissage doit être centré sur«l’apprenant».

- Les programmes de formation devraientintégrer plusieurs approches disciplinaires :pédagogie (enfants et adultes), communi-cation sociale, psychologie (clinique et sociale),sociologie (notamment de la santé), en plus desaspects cliniques, médicaux et sanitaires.Ils ne peuvent donc se limiter à une mise àjour des savoirs techniques de soins, ni aux«contenus» médicaux d’éducation du patient.

- Ils doivent reconnaître le caractère profes-sionnel des soignants en formation et lesaider à renforcer leurs qualités humaines etprofessionnelles telles que disponibilité,discrétion, tolérance, respect du patient et deses choix, et empathie. L’importance desvaleurs sous-jacentes à l’éducation du patientest ainsi mise en évidence. Ceci implique quetoute formation inclue une réflexion sur lesvaleurs et le sens des pratiques.

- l’évaluation de la formation doit s’effectuer surbase des projets professionnels individuelsdes soignants en formation, et de la capacitéde ces derniers à les améliorer.

L’étape suivante est la définition de critères etméthodes adéquates et recommandables pourl’évaluation de l’éducation du patient.L’évaluation d’une activité aussi multidis-ciplinaire devrait elle aussi s’inspirer tant desméthodes cliniques que des approchesépidémiologiques, économiques, pédago-giques et psychosociologiques.Par ailleurs, le point de vue des patients eux-mêmes doit être abordé et formalisé, tel querecommandé dans le cadre des réflexions etactions entreprises depuis 1994 par l’OMS-Europe (Promotion of Patients’rights in Europe).L’information et l’éducation du patient peuventet devraient être inscrites parmi les droits despatients, dans le cadre du droit à des soins dequalité.

Enfin, ces recommandations, issues d’un travailconsensuel, ne précisent pas comment le vécu,l’expérience et les représentations des patientsdoivent être recueillis et pris en compte dans letravail thérapeutique et éducatif, ni quelleutilisation en faire. Cet aspect reste à exploreret des méthodes de diagnostic et anamnèseéducatifs à développer.

Les facteurs favorisant l’émergence accrue des besoins deformation dans le domaine de l’éducation du patient à l’hôpitalsont du domaine institutionnel et des acteurs de soins .· L’A.R du 14 août 87 stipulant que «Chaque hôpital définira une

stratégie de perfectionnement qui prévoira un programmeaccessible à chaque infirmier» définit clairement la politiquede formation d’un département. L’entreprise hospitalière décided’une stratégie de formation institutionnelle.

· Les projets de loi relatifs aux droits des patients.· Les démarches éducatives reconnues formellement au

travers des conventions INAMI ainsi que les démarchesaudit «qualité» internes et externes génèrent des exi-gences de développement de l’éducation du patient surle plan structurel et organisationnel.

Le développement de l’éducation du patient et l’implicationprogressive des soignants dans la relation éducative structurée

ont tout naturellement fait prendre conscience des multiplesfacettes de cet enseignement aux patients. Dès lors, lanécessité d’acquérir des compétences spécifiques pouraméliorer l’efficience des démarches éducatives a été mise enévidence.

Ainsi, une ABF permettra de repérer les besoins de formationsdes soignants en convergence d’une part, avec les objectifs dessoignants et des patients et d’autre part, avec les objectifsinstitutionnels.

Enfin, il convient d’aider les soignants à transférer leurs savoirsacquis en situation de formation vers les patients et leurentourage. Cela représente l’aboutissement de l’accom-pagnement formatif et managériel sur le terrain.

Par Geneviève Thomas (1)

(1) Infirmière coordinatrice Education du Patient et FormationPermanente, CHR La Citadelle, Liège, Belgique.

Former et se former

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IntroductionL’accompagnement éducatif des patientsatteints de maladie chronique nécessite quel’éducation entreprise relève d’une démarchestructurée. Le modèle de référence apporté parJ.F. d’Ivernois et R. Gagnayre (1995) [1] comportequatre volets : le diagnostic éducatif, le contrat,la mise en œuvre de l’éducation et sonévaluation. Cette approche de l’éducation offreles conditions d’un accompagnement péda-gogique. Il s’agit, de créer, dès le diagnosticéducatif, un espace de rencontre permettantl’élaboration du contrat d’éducation à coconstruire avec le patient. Cette co constructionsera effective à condition que l’ensemble dessoignants de l’équipe reconnaisse la com-pétence du patient, conduise des actionscoordonnées, basées sur la complémentaritédes spécificités professionnelles et centréessur l’apprentissage du patient. Pour articuler aumieux l’action des divers soignants intervenantdans l’éducation et accompagner les appren-tissages du patient, nous proposons unemodalité de fonctionnement en créant, dès lediagnostic éducatif une enveloppe partenariale.Cette dernière fonctionnera tout au long del’éducation du patient. (C. Parret, J. Iguenane,2001)(2).

Espace de rencontre En s’intéressant à la vie du patient, à ses projetset en questionnant ses acquis, les solutionsqu’il met en œuvre dans sa vie quotidienne, lesoignant se distance des «a priori» qu’il a puconstruire sur le(s) patient(s) et de sa propreexpertise pour prendre en compte celle du

patient. De son côté, le patient entend lesdemandes exprimées par le soignant. Cetteconfrontation entre la position du patient et celledu soignant crée un espace permettant depenser l’éducation et de partager leurs savoirspour agir ensemble. Accorder ce tempsd’expression au patient, c’est créer un espaceentre le patient et le soignant. Cet espace dit«intermédiaire» va permettre :

- au patient, de s’exprimer, de raisonner àhaute voix, de clarifier pour lui-même ce qu’ilsait, ce qu’il fait et comment il le fait. Cetteremémoration crée, chez le patient, unedisposition au changement, renforce samotivation et initie un processus d’auto-évaluation. En effet, l’impact de la verba-lisation, sollicité par les interrogationsdu soignant, trop souvent sous-estimé,permet au patient de prendre conscience deses compétences et de mesurer l’écartéventuel entre ce qu’il pense faire, ce qu’il faitet ce qu’il serait souhaitable qu’il fasse pourgérer, au mieux, sa maladie et son traitementdans sa vie quotidienne;

- au soignant, s’il écoute le patient jusqu’aubout, de comprendre sa logique tout en luiaccordant «un droit de réponse» aux propo-sitions qu’il émet.

Cet «espace intermédiaire» (entre le soignantet le patient), institué par une écoute mutuelleest à initier dès le diagnostic éducatif et àmaintenir tout au long de l’apprentissage dupatient. Il favorise la co construction de l’édu-cation. [2]

Accompagner le patientdans ses apprentissages

par Jacqueline Iguenane (1)

L’accompagnement des patients atteints de maladie de longue duréepeut être mis en œuvre à condition que les soignants se réfèrent à unedémarche éducative raisonnée qui comporte plusieurs volets. Pouraccompagner les apprentissages du patient, il s’agit, dès le diagnosticéducatif, d’établir avec le patient un espace de rencontre lui permettantde confronter son expérience avec celle des soignants afin de co construireson contrat d’éducation ainsi que son apprentissage. Cependant,l’accompagnement des apprentissages du patient dépend également dela capacité des soignants à accepter l’expertise du patient, à secoordonner et à accepter la complémentarité des disciplines impliquéesdans l’éducation. C’est en constituant une enveloppe partenariale quecette coopération va se structurer par la création de liens d’interdépendanceentre les soignants. Ainsi, c’est en s’appuyant sur ces liens que le patientva pouvoir s’autoriser à tester de nouvelles compétences et prendre lesrisques que tout apprentissage suppose.

Mots-clés : éducationthérapeutique du patient,accompagnement, espaceintermédiaire, co construction,enveloppe partenariale

(1) Docteur en Sciences del’Education, Chargée de Missionet de recherche au Départementde Pédagogie de la Santé, UFRde Bobigny, Université Paris XIII.

(2) Les concepts de co constructionet d’enveloppe partenariale ont étéélaborés par C. Parret, AssociationCRICS et transposés au domaine del’éducation thérapeutique dupatient par J. Iguenane.

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Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 21, n°1, 2002

Co construction del’éducation du patient

Le contrat d’éducationEn précisant les compétences que le patientdoit acquérir, le contrat d’éducation permet depersonnaliser l’éducation dispensée. Enconfrontant leur point de vue, soignant et patiententrevoient sur quels points l’alliancethérapeutique va s’effectuer. C’est par laconfrontation du point de vue du patient et decelui du soignant que le contrat d’éducation vase coconstruire. Ainsi, le patient estvéritablement considéré «acteur de sa propreéducation». Cette attitude sécurise et rassurele patient, lui permettant alors de prendre lerisque de remettre en question ses savoirs pourapprendre et éventuellement décider demodifier ses comportements face à sontraitement. De son côté, le soignant, à partir dece que le patient explique ou exige pour sonéducation, est conduit à recomposer sespropres savoirs et son opinion sur les acquis etles potentialités du patient. Cette dynamiquerelationnelle, instituée dès la premièrerencontre, doit se maintenir lors de la mise enœuvre de l’éducation qui elle-même sera coconstruite avec le patient. [2]

Mise en œuvre de l’éducationPour situer le patient acteur de son éducation etmaintenir la co construction entreprise lors ducontrat d’éducation, il est important d’utiliser destechniques participatives et de débuter chaqueséance d’éducation en sollicitant l’expériencedu patient. C’est en prenant appui sur ce qui estexprimé, que dans un second temps, le soignantrenforce, complète et réajuste les acquis dupatient. Dans un troisième temps, il estsouhaitable que le patient, supervisé par lesoignant, puisse expérimenter par essaissuccessifs ses nouveaux savoirs. Celademande au soignant de porter une attentionparticulière aux questions qu’il pose. Cesdernières doivent entraîner le patient à réfléchiraux solutions qu’il apporte dans sa viequotidienne de telle sorte qu’il «conscientise»ses propres stratégies d’action dans la gestionde sa maladie. Par exemple : «la dernière foisque vous avez (…), qu’est-ce qui s’est passépour vous ? Comment avez-vous résolu ceproblème ? Lorsque vous allez bien, commentl’expliquez-vous ? Comment voyez-vous l’aideque je peux vous apporter ? Comment pensez-vous intégrer votre traitement dans vos activitésquotidiennes ou dans votre vie ?»Ainsi, ce retour réflexif sur l’action développe lescapacités d’auto-évaluation du patient, luipermet d’adapter ses comportements et leprépare à transférer ses nouveaux acquis dansla gestion quotidienne de sa maladie et de sontraitement. (Vermersch 1994) [3]. Cependant, le

patient comme tout apprenant a besoin pourapprendre, d’être sécurisé et de se rendrecompte que les soignants constituent uneéquipe solidaire abordant l’éducation demanière cohérente.

Coordonner l’action del’équipe éducative :

L’enveloppe partenarialePrincipes

Schématiquement, D. Anzieu (1985) [4] con-sidère que chez l’enfant, les développementscognitif et affectif sont liés aux expériencessensori-motrices qui se testent par la peau. Cequ’éprouve ou ressent physiquement l’enfant aucours de ses expériences sensori-motrices estréintroduit et participe à la construction de sonappareil psychique. Ainsi, à l’image du moipsychique, la peau avec sa continuité établit unefrontière avec l’autre et sa perméabilité filtre lestensions, les chocs, les émotions, c’est ce qu’ilnomme à l’image du «Moi psychique», le «Moipeau». Chez un patient, frappé par l’annonced’un diagnostic de maladie chronique, le choc,la souffrance et l’isolement qu’il peut éprouversont autant d’éléments qui le font revisiterl’image qu’il a de lui, et influencent ses choix devie. Il doit trouver un nouvel équilibre psychiqueavec sa maladie et une nouvelle représentationde son corps, de son «Moi peau». Ainsi, àl’image de l’enveloppe corporelle, les soignantsdoivent, pour aider le patient au travers del’éducation, lui proposer provisoirement uneenveloppe favorisant une évolution vers unnouvel équilibre tant psychologique quephysique, c’est l’enveloppe partenariale.

Construire l’enveloppe partenarialePour construire une enveloppe partenariale,cela nécessite dans un premier temps, d’inviterchaque soignant à interroger sa représentationde l’éducation, du patient, de reconnaître leslogiques professionnelles en présence,d’analyser sa pratique, le fonctionnement del’équipe soignante et de déterminer qui fait quoi.Ce travail collectif aide chacun d’entre nous àdépasser les jugements, les stéréotypes portésà l’encontre des patients, des collègues, desautres services et des institutions partenaires(hôpital, la médecine libérale, centre de cureetc.). Ce travail constant est fédérateur dansl’accompagnement du patient car il évite ladisqualification des multiples interventions.Dans un second temps, après les premièresrencontres avec le patient, le diagnostic éducatifva s’élaborer à partir de l’analyse desinformations obtenues par les différentssoignants l’ayant rencontré. Cet échange depoints de vues entre soignants va donner lieu àl’élaboration du contrat d’éducation. Il s’agit pourles soignants de répondre aux questionssuivantes : «Quels sont les besoins et souhaits

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Bibliographie 

[1] IVERNOIS (D’) J.F., GAGNAYRER. (1995), Apprendre à éduquer lepatient, Ed. Vigot, Coll. Educationdu patient, Paris, 168 p.

[2] PARRET C., IGUENANE J.(2000), Accompagner l’enfantmaltraité et sa famille, Ed. Dunod,Paris, 193 p.

[3] VERMERSCH P. (1994),L’entretien d’explicitation, Ed.ESF, Paris, 181 p.

[4] ANZIEU D. (1985), Le Moipeau, Ed. Dunod, Paris, , 250 p.ANAES (2001), Education théra-peutique du patient asthmatique,Adulte et adolescent, Service desrecommandations et référencesprofessionnelles, Paris, 129 p.

du patient ? Quelles compétences le patientdoit-il acquérir ? Comment l’aider à lesatteindre ? Comment prendre en compte sonprojet pour commencer et l’intégrer dansl’éducation ? Comment va se dérouler sonéducation, qui fait quoi ? etc.» Les compétencesainsi déterminées en équipe multiprofes-sionnelle seront présentées et négociées avecle patient. Ce travail va constituer entre lessoignants des liens de solidarité, leur per-mettant de conduire des activités coordonnéespar acceptation de la complémentarité desdisciplines constitutives de l’équipe.C’est dans l’acceptation de la différence entresoignants que nous pouvons accepter celle despatients et les accompagner à comprendre, àchanger et à agir sur eux-mêmes et sur leurenvironnement. Ainsi, les soignants entourentles apprentissages du patient en lui prêtant une« peau » provisoire. L’enveloppe partenarialeainsi constituée sert d’étayage (au sensd’échafaudage) aux apprentissages du patient.En effet, la réalité des liens de solidarité entreles soignants, perçue par le patient, constitueautant d’appuis lui permettant de s’essayer à denouveaux apprentissages, de reprendre con-fiance en lui et en ses compétences pour vivreavec sa maladie. Dans le cas contraire, lepatient, risque d’exploiter les désaccords entreles soignants. Ce qui lui donne la possibilité demaintenir ses stratégies de soins, mêmelorsqu’elles sont inadaptées, tout en risquant derenforcer son mal être généré par la perceptiondes désaccords et incohérences entre lessoignants. Les soignants ainsi reconnus parleurs collègues dans leur singularité pourrontà leur tour, être attentifs au patient, respecter sasingularité et le considérer sujet acteur de sadestinée. Cette entente entre éducateurs estfavorable à l’émergence d’une enveloppepartenariale, selon le concept du «moi peau»développé par D. Anzieu (1985). Cependant,

cette enveloppe partenariale, comme la peau,est souple, perméable, continue. Elle admet lamobilité des soignants qui la compose. Al’image d’un orchestre de jazz, à partir d’unepartition de base, l’improvisation est possible.Les choix d’un des musiciens en cours deconcert sont vécus par les autres non commedes erreurs mais comme autant d’essaisporteurs d’enrichissement personnel et collectif.De même, la complicité que le spectateurperçoit entre les joueurs et l’harmonie musicalecrée une interaction distancée qui entoure lespectateur, l’apaise, le réjouit tout en laissantplace à la liberté de chacun d’apprécier lamusique en fonction de sa sensibilité, de sesconnaissances musicales et de sonexpérience. Cette métaphore, si elle représentepour le spectateur une sorte d’enveloppe,renforce le fait que l’éducation thérapeutique dupatient s’élabore progressivement, quel’adaptation constante au patient est sourced’innovation, de créativité et qu’elle invite lessoignants à se comprendre, à se coordonner,à innover en s’inscrivant dans un processusconstant de recherche. Ainsi, l’expérienceéducative prend tout son sens tant pour lepatient que pour le soignant.

ConclusionC’est par l’écoute du patient, la prise en comptede ses besoins, l’élaboration du contratd’éducation co construit avec le patient et par laconstruction d’une enveloppe partenariale queles soignants vont accompagner les ap-prentissages du patient. Cependant, pourobtenir une cohésion dans l’éducationthérapeutique et développer la complémentaritéentre les disciplines, il est incontournable depasser du temps à discuter, chaque fois quecela est nécessaire, autour des conceptions dechacun sur l’éducation thérapeutique.

Pluridisciplinaire: «qui concerne simultanément plusieursdisciplines» (Petit LAROUSSE, 1997).

La pluridisciplinarité ne doit pas se concevoir comme lajuxtaposition des compétences propres à chaquediscipline fournissant ainsi ce que B. SCHMITT appelle une«pluridisciplinarité contrainte». Cette façon d’aborder letravail pluridisciplinaire risque de nous amener à devoirconcilier, voire arbitrer, différents points de vue inhérentsaux logiques d’intérêts propres à chaque profession.De plus, l’organisation des soins se base souvent sur leprincipe du médecin décideur et de l’infirmier exécuteur.Les jeux de pouvoir priment, renforcés par des réflexescorporatistes.Dans ce contexte, quelle peut encore être la place réservéeau patient qui doit pourtant se trouver au centre de nospréoccupations et qui doit être partenaire dans la prise encharge de sa maladie.

L’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire du patientPar M. BORGS (3)

Nous nous devons, pour son bien, de travailler en équipe, c’est-à-dire avec un but et un objectif commun. Chacun (le patient y compris)doit mettre à la disposition de l’autre son savoir, son dynamisme etson envie d’avancer.Tous les auteurs s’accordent sur la nécessité de dépasser nosmodes de travail actuels pour rechercher, construire, des modèlesde fonctionnement axés sur un projet commun. Comme le dit M.FONTAINE, «tout acte de soins inscrit dans l’agir humain nécessiteune mémoire, une sorte d’alliance autour de laquelle lesprofessionnels peuvent se retrouver et soigner ensemble.» Cettemémoire, cette alliance, sont alors les garants d’une véritableconcertation, donnant une cohérence au projet de soin et auxdécisions qui en découlent.Nous pourrons, à cette condition, offrir au patient tout ce dont il abesoin pour éclairer ses choix, négocier son contrat thérapeutiqueet, in fine, retrouver son autonomie.

(3) Infirmier chef de service, chargé de l’Education du patient I.F.A.C., Belgique.

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Mots-clés : parole, présence,différence, équivalence,homicide, fusion, mensonge

L’être humain est un être de parole, sans doutele seul animal qui, au-delà du langage – vecteurde communication -, ait accès aux mots. De cesmots, grâce à eux, l’être humain fait le monde,dit qu’il est et qui il est. Cet élément essentielde notre condition humaine est malheu-reusement souvent oublié dans le systèmebiomédical de soins contemporain.

La contribution qui suit propose, dans unepremière partie, une élucidation de cet oubli dela parole dans le monde contemporain dessoins, avant de suggérer, dans une secondeétape, quelques repères éthiques pouvantcontribuer à renouer le fil du dialogue entre lespatients et les malades.

Les sciences biomédicales n’ont pas toujourseu l’efficacité que nous leur connaissons. Sansentrer dans les détails, on peut pointer deuxpersonnalités qui me semblent avoir marquél’histoire de la médecine : René Descartes etClaude Bernard.

René DESCARTES (1596-1650), qui envi-sageait la médecine comme une partie de laphilosophie, fut le premier à systématiser leconcept d’homme-machine. Pour Descartes,l’être humain est constitué de la réunion de deuxentités bien distinctes : l’âme et le corps. Dansce schéma, l’âme constitue la structurepensante, libre, capable de se détacher ducorps et totalement maître de celui-ci. Le corps,quant à lui, n’est envisagé que comme unemachine, un mécanisme horloger que l’on peutdémonter et remonter à souhait. Dans ceschéma, un dysfonctionnement du corpscorrespond, à proprement parler, à un problèmemécanique qu’il faut approcher comme tel.

Le second personnage ayant contribué àl’avènement des sciences biomédicalescontemporaines est le célèbre médecin etphysiologiste français Claude BERNARD

(1813-1878) qui, avec son ouvrage Introductionà la médecine expérimentale (1856), fitdéfinitivement entrer la médecine dans lemonde des sciences. Cet ouvrage s’appuie surla nécessité méthodologique pour lesscientifiques de réduire les phénomènesbiologiques à des phénomènes physico-chimiques. Pour que l’étude de la vie puisseaccéder à un niveau scientifique, il faut ensomme faire abstraction de la vie et ne plus voirque la matière brute. De même en médecine,l’efficacité et la scientificité passentnécessairement par une réduction méthodo-logique de l’être humain au système organique- et même aux constituants et interactionsphysico-chimiques - qui en constituent le sup-port matériel. En somme, la médecine n’estscientifique et efficace que si elle oublie quec’est à un être humain qu’elle a affaire; c’est-à-dire un être en vie, qui souffre, dont la santé estébranlée et qui risque parfois la mort.

Le système biomédical de soins que nousconnaissons est clairement l’héritier de cesdeux systèmes de pensée. La médecine actu-elle n’a plus grand chose à voir avec l’approcheempirique et essentiellement expectative de lamédecine de Molière, par exemple. On guéritaujourd’hui des affections et des maladies qui,il n’y a pas si longtemps, décimaient despopulations entières. Mais la médaille a sonrevers. L’efficacité actuelle de la médecine s’estobtenue au prix d’une réduction méthodologiquede l’être humain à son système organique,c’est-à-dire une mise entre parenthèses de sonépaisseur proprement humaine : sa sub-jectivité, son existence, sa souffrance. Si cetteréduction est sans doute indispensable métho-dologiquement, elle ne doit pas occulter le faitque la personne malade n’est pas qu’unemécanique défaillante.

Cet oubli de l’épaisseur humaine constitue enlangage philosophique une objectivation de cesujet qu’est la personne malade. Par ce mou-

Renouer le fil du dialogue entreles patients et les malades :

approche éthiquepar Laurent Ravez (1)

Le patient, en tant que sujet de droits et de devoirs, peut être défini commeun être de parole. Or, de parole – cette parole qui ne peut pas être réduiteà la communication -, il en est peu question dans les structures de soinsde santé. Quels repères éthiques pratiques pourrait-on se donner pourretrouver cette parole perdue ? Importance de la présence, de la différence,de l’équivalence ; interdit de l’homicide, de la fusion et du mensonge.

(1) Assistant à l’Université deNamur (Dpt. Sciences-Philosophies-Sociétés), Belgique.

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[1] Voir notamment :MALHERBE J.F.(1997), Pour uneéthique de la médecine, 3e éditionrevue et corrigée, Artel-Fides,Catalyses, Namur.MALHERBE J.F. (1997), Laconscience en liberté. Apprentissagede l’éthique et création deconsensus, Fides, Montréal.MALHERBE J.F. (1994),Autonomie et prévention, Artel-Fides, Coll.Catalyses, Louvain-la-Neuve - Montréal.MALHERBE J.F. (1996), Homicideet compassion. L’euthanasie enéthique clinique, Médiaspaul,Montréal.

[2] MEIRE PH. (1994), Le sujetvivant, thèse d’agrégation del’enseignement supérieur, UCL, p.66.

[3] HANSON B. (1997), Histoired’une barbe, in Ethica Clinica,Revue francophone d’éthique dessoins de santé, n°6, juin 1997,pp.22-23.

vement d’objectivation, je retire à l’être humainen face de moi ce qui le constitue en tant quesujet. Par sujet, il faut entendre une personne,avec une histoire, une vie. En objectivant unepersonne malade, j’en fait un objet,manipulable à souhait, et surtout muet.

C’est bien là que réside l’erreur de labiomédecine contemporaine, car dans ceprocessus d’évacuation du sujet, c’est lasouffrance même de la personne malade quiest occultée. Sommé d’être un objet venant sefaire réparer, le patient n’a plus la possibilité dedire la souffrance qui est en lui. Le cri donnealors lieu à un acte technique pour le faire cesser :on injecte ou on donne un cachet. Mais lasouffrance n’est pas que douleur : si celle-ci doitêtre soulagée, celle-là doit être entendue. Dansle cri de la personne malade, c’est l’amour dela vie et la peur de la mort qui essayent de sefaire entendre.

Expliquée, la carence de parole dans l’approchecontemporaine des soins de santé n’est paspour autant résolue. Ne pourrait-on pas sedonner quelques repères éthiques quipermettraient d’éclairer ce dialogue entre lepatient et les soignants. En adaptant un outildéveloppé par J.-F. Malherbe[1], je vous proposede tenter l’exercice.

A la recherche du dialogueavec le patient

L’importance de la présence d’autruiPour qu’un dialogue s’établisse entre lesoignant et la personne malade, il faut, à tout lemoins, qu’ils soient présents l’un à l’autre(physiquement et/ou moralement). Aussi évi-dente que paraisse cette condition, elle est loind’être toujours remplie. Il arrive souvent que,bien que l’autre soit présent physiquement, saprésence «morale» est niée. Par exemple, onne parle plus avec ce malade en fin de vie, parceque, symboliquement, on l’a déjà fait passer del’autre côté. Si l’on parle bien de cet «autre»rendu muet, l’on ne parle pas toujours avec lui.

Il existe mille façons de rendre présente unepersonne factuellement ou apparemmentabsente. Pour le vieillard dément, par exemple,on peut s’appuyer sur son passé, son histoire,en tentant de reconstruire ce qu’il ou elle a été,ce qu’il ou elle a dit, dans l’espoir de redessinerune personnalité, une présence.

La reconnaissancede la différence d’autrui

Pour qu’un dialogue s’établisse entre lapersonne malade et le soignant, il faut que l’unet l’autre reconnaissent leur différence. Le«même» s’oppose au dialogue, le rend inutile.Cela me semble constituer un point ext-rêmement important de la relation soignant -soigné.

Contrairement à ce que l’on entend parfois, lesoignant n’a pas à se mettre à la place dumalade. La douleur, la souffrance et la maladieconstituent, avec l’amour, le cœur même denotre intimité; c’est ce qui nous distinguefondamentalement les uns des autres. Enaucun cas, je ne peux savoir ce que l’autre vitdans sa souffrance, je peux juste tenter decomprendre son sentiment à partir de mon vécu.La souffrance de chacun, indéfectiblementsingulière, est inaccessible à l’autre.

Moins dramatiquement, les désirs que j’ai entant que soignant ou la façon dont j’envisage lavie d’une personne hospitalisée, ne corres-pondront pas nécessairement à ceux du maladedont j’ai la responsabilité.

«Si l’on peut essayer de comprendre ce que vitautrui, il est radicalement impossible de se mettreà sa place. Quand, au nom des bons sentiments,on croit pouvoir le faire dans la pratiquequotidienne, il s’agit le plus souvent d’une violencefaite à l’autre. Ainsi que Lacan le soulignait avechumour, si on se met à la place de l’autre, oùpourra-t-il aller pour être chez lui ?»[2]

Pour illustrer ceci, de façon presquehumoristique, voici le récit d’un cas tiré d’unnuméro de la revue Ethica Clinica consacré auconsentement [3] :

«Un patient, jeune pensionné, portant barbecourte, était hospitalisé dans l’hôpital où jetravaille. Un matin, j’arrive à l’étage et je le trouve,rasé de frais, entouré d’infirmières qui lecomplimentent sur son nouveau «look», sur l’airplus jeune qu’il a sans barbe... Le malade estlà, sous le feu des commentaires élogieux, et nerépond rien. A ma question de savoir si c’est luiqui a décidé de ce changement d’apparence, ilme répond que non. Un silence gêné s’ensuit,ce qui lui donne l’occasion d’expliquer qu’uneélève infirmière est venue faire sa toilette et lui aensuite dit qu’il y avait longtemps qu’on ne luiavait plus fait la barbe, qu’elle allait s’en occuper.Elle le savonna donc, puis lui retira le savon, enprocédant tellement doucement que le patientne perçut pas qu’elle le rasait. Ce fut après qu’ilcomprit son malheur, lorsqu’il se vit glabre.«Tout ceci s’était passé très gentiment,l’infirmière voulait le soigner du mieux dumonde, voulait qu’il apparaisse le plus proprepossible. Selon ses critères à elle du beau et dupropre. Inconsciemment, elle avait imposé sespropres jugements esthétiques au patient.Choquant ? Peut-être.»

Cette inaccessibilité de la souffrance et desdésirs de l’autre est, en un sens, salutaire; c’estsans doute ce qui permet au soignant de ne pass’identifier à la personne soignée, en se perdantdans ses souffrances. La distance des soig-nants dont les malades se plaignent parfoisn’est, pour une part, que l’expression de notre

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[4] MALHERBE J.F. (1994),Autonomie et prévention, op.cit.,pp.124-125.

[5] MATRAY B. (1997), Traitementde la douleur et relation avec lapersonne en souffrance : approcheéthique, in Laennec, mars 1997,p.25.

[6] MATRAY B. (1997), Traitementde la douleur et relation avec lapersonne en souffrance : approcheéthique, in Laennec, mars 1997,p.23.

[7] MALHERBE J.F.(1996),Homicide et compassion.L’euthanasie en éthique clinique,Médiaspaul, Montréal, p.37.

condition humaine singulière. Commentsoigner un enfant agonisant, si c’est ma mortou celle de mon propre enfant que je lis dansles yeux de ce patient ? Mais cette distance àl’autre, constitutive de notre condition humaine,ne peut cependant justifier, le mépris, le dédainou, pire, l’indifférence dans la relation de soins.C’est ce que cherche à éviter le troisième repère.

L’équivalence d’autruiQuelles que soient les différences que lapersonne malade affiche par rapport à moi, ellevaut autant que moi, elle m’équivaut. On necommunique réellement avec quelqu’un que si,compte tenu de nos différences, je considèrequ’humainement, il est sur un pied d’égalitéavec moi. Il s’agit donc bien ici d’une équivalencemorale, et non pas d’une équivalence objectiverépondant à tels ou tels critères (intelligence,compétences, capacités, etc.).

Pour qu’un dialogue s’établisse avec le patient,le soignant doit lui reconnaître le statutd’interlocuteur valable : «[...] on ne peut pascommuniquer vraiment avec quelqu’un qu’on neprend pas au sérieux, avec quelqu’un à qui onse permet de dire n’importe quoi ou dont onpense qu’il nous dit n’importe quoi. Il faut quenous considérions l’autre, celui avec qui nouscommuniquons, comme étant sur le même piedmoral que nous, en dépit de toutes lesdifférences de fait qui nous distinguent ou mêmenous séparent»[4].

Réciproquement, la personne malade, cons-ciente de cette équivalence dans sa relation ausoignant, sera mieux armée pour éviter ledouble piège qui consiste :

- soit à se livrer aux soins en oubliant sa qualitéde personne, en s’auto-objectivant (objetde soins) ;

- soit à utiliser les soignants comme simplesobjets de sa quête de santé, en oubliantqu’eux aussi sont des personnes à partentière (outils de santé).

L’interdit de l’homicideIl est évident que si nous supprimons l’autre,réellement ou symboliquement, aucun dialoguen’est plus possible. Il existe de nombreusesfaçons de tuer symboliquement le patient : enl’empêchant de parler, en le noyant de termestechniques concernant son affection, enl’infantilisant ou, à l’inverse, en le responsa-bilisant à outrance.

Au-delà du symbole, l’homicide se fait parfoisbien réel, par exemple face aux douleurs despatients. La douleur est en effet souvent aucentre des demandes d’euthanasie. Parler icid’interdit de l’homicide, c’est rappeler que ladouleur et la souffrance doivent être correctement

prises en charge avant de penser à supprimercelui qui les éprouve.«Dans la civilisation occidentale, lescampagnes récurrentes depuis plus d’un sièclepour légaliser l’euthanasie reposent toutes surla conviction qu’un certain niveau de souffrancedéfinit un ‘inacceptable’, à partir duquel il estpréférable, pour le malade, de mourir.»[5].

Si la souffrance extrême confronte parfoispatients et soignants à des situationsinacceptables, on peut rappeler qu’une desvaleurs caractéristiques de l’être humain estsans doute la solidarité envers les plus faiblesou les plus affaiblis d’entre nous. Si l’on ne peutentrer dans la souffrance de l’autre, il doit en toutcas être possible d’en être solidaire.

«Les professionnels de la santé, praticiens desconsultations de traitement de la douleur,perçoivent que, dans les cas les plus lourds dedouleurs chroniques rebelles et donc desouffrance prolongée du malade, la demandequi constitue l’enjeu dernier de la relationthérapeutique, se concentre en une ultimerequête qui prend la forme de l’alternative :restez-vous solidaires de moi tel que je deviensdans ma souffrance ou allez-vous m’aban-donner ?»[6].

L’interdit de la fusionIl ne peut y avoir dialogue si mon but est de faireentrer l’autre dans mes schémas de pensée,de le «phagocyter», de le fusionner avec moi.Appliqué à une pratique de soins, cet interdit dela fusion renvoie à la possible relation dominant- dominé qui risque de s’instaurer, si l’on n’yprend garde, entre le soignant et son patient.

Cet interdit de la fusion renvoie par ailleurs àl’interdit de l’instrumentalisation d’autrui; c’est-à-dire, a contrario, à l’invitation à se considérersoi-même ainsi que l’autre non pas seulementcomme un moyen (un «objet») mais toujoursaussi comme une fin en soi (un «sujet», un êtrehumain à part entière digne de respect).

Dans un contexte de soins, le soignantinstrumentalise le soigné lorsqu’il s’acharne àle garder en vie au mépris des souffrances dece dernier et sans espoir de guérison;inversement, le soigné instrumentalise égale-ment le soignant, lorsqu’il met ce dernier à sonservice sans se soucier de l’être humainderrière la blouse blanche (il n’est pas rared’entendre des patients prétendre que lepersonnel infirmier est à leur service, puis-qu’ilest payé «pour cela»); enfin, il arrive qu’au seind’une équipe soignante, l’un soit instru-mentalisé par l’autre (par exemple, lorsque lemédecin ordonne à l’infirmier ou l’infirmière demettre en place une perfusion avec un cocktaillytique pour hâter la fin d’un patient en stadeterminal.)

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002L'interdit du mensonge

Mentir à un patient, c’est le mépriser - c’est-à-dire lui enlever son statut de sujet, en faire unobjet - au point de considérer qu’il ne mérite pasqu’on lui dise la vérité. En ce sens, le droit à lavérité peut être considéré comme un principeéthique.

Mais cela ne signifie nullement que toute véritésoit bonne à dire ou à entendre. Le droit à lavérité a pour corollaire le droit de ne pas savoirou le droit de ne pas tout savoir. Une véritéassénée sans discernement peut être une façonde se «débarrasser» du patient, de refuser del’accompagner dans la maladie.

Dans son ouvrage Homicide et Compassion,J.F. Malherbe, dans le cadre du respect de cet

interdit du mensonge, invite les soignants àméditer les suggestions pratiques suivantes :

« - quand un patient pose des questions,prendre le temps de l’écouter;

- ensuite, répondre à ses questions;

- lorsqu’on répond, ne jamais mentir car ceserait déshumaniser le patient (mais ne pasmentir ne veut pas nécessairement direassommer le patient avec une véritéinsupportable);

- tâcher de terminer chacune des réponses(éventuellement partielle) par une invitationdiscrète, adressée au patient, à poser laquestion suivante. En effet, nul ne saitmieux que le patient lui-même ce qu’il estcapable de supporter.»[7]

Les soins palliatifs sont l’ensemble des interventionsnécessaires à la personne atteinte d’une maladie dontl’évolution compromet la survie, ainsi qu’à ses proches, afind’améliorer leur qualité de vie en considérant les besoins detoute dimension. Les soins palliatifs reconnaissent :- la valeur intrinsèque de chaque personne comme individu unique ;- la très grande valeur de la vie et le caractère naturel de la mort ;- la qualité de vie telle que définie par la personne concernée

comme l’élément moteur des soins ;- la dignité de chaque personne et son droit d’être soulagée,

d’être respectée dans son identité, son intégrité, son intimitéet son autonomie ;

- le malade et le mourir comme une étape de vie où le potentielde réalisation de chacun doit être soutenu et valorisé ;

- le droit pour tout patient d’être informé selon ses besoins etses désirs sur tout ce qui le concerne ;

- l’autorité du patient en regard de la divulgation à des tiersde toute information le concernant ;

- la compassion des intervenants comme attitude essentielleà la présence, à l’écoute et à l’action en communion à lasouffrance d’un patient ou d’un proche ;

- la solidarité devant la souffrance comme élément rassem-bleur d’une communauté (définition des soins palliatifs del’Association Québécoise des soins palliatifs).

Cette définition est une source d’inspiration pour la conduitedes personnes oeuvrant en soins palliatifs.Au cours de leur travail de soins et d’accompagnement despatients en fin de vie, les soignants font souvent référence àtrois mots au chapitre des valeurs qui sous-tendent leurpratique :- dignité et respect de la personne- autonomie- qualité de vie.Ces trois concepts sont très souvent mêlés et interdépendantsparce que liés à tous les niveaux de besoins de la personne(par exemple, on peut être diminué physiquement et en pertemajeure d’autonomie et garder encore le sentiment d’uneexcellente qualité de vie. La dignité de la personne est

indépendante de son état physique, psychique et relationnel.)En atténuant la douleur et les symptômes, en intégrant lesaspects psychologiques et spirituels des soins, les soignantsvisent à favoriser la mort au bon moment et en son temps.Mais il arrive souvent que des conflits de valeurs surgissent dansles pratiques lorsque par exemple le soulagement de ladouleur risque d’influencer le moment de la mort.Des choix éthiques doivent être pris en regard des valeursprofessionnelles et en tenant compte d’une certain nombre decritères comme :- que peuvent encore proposer les soins palliatifs ?- quels objectifs peut-on encore atteindre pour le malade en

respectant sa singularité et celle de son entourage ?- quels moyens thérapeutiques (proportionnés aux résultats

escomptés) à mettre en oeuvre en tenant compte des valeursde la dignité, respect de l’autonomie de la personne et de saqualité de vie ?

Cela suppose que l’on connaisse bien :- l’état du malade (sa situation personnelle, psychosociale,

sa maladie et son pronostic);- le type d’intervention ou d’accompagnement proposé;- les implications personnelles pour le malade et ses proches

et pour les soignants.La décision éthique se situe donc entre l’équipe de soinspalliatifs et le malade lui-même ou son représentant.Le dialogue et une bonne qualité d’information et de relationbasées sur la vérité et l’authenticité permettent d’élaborer uneprise de décision et de gérer l’incertitude liée à ce choix éthique.Enfin accompagner une personne en fin de vie et ses proches,c’est aussi prendre le risque d’une rencontre surprenante aveccomme toile de fond une question existentielle, la question dusens, du pourquoi et du pour quoi.Moment de vérité dans ce lieu mystérieux qu’est le coeur de lapersonne.

Autonomie et choix éthiques. L’accompagnement en soins palliatifspar Alain Schoonvaere (1)

(1) Directeur du Foyer Saint-François, Centre de soins palliatifs, Namur,Belgique.

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Education du Patient et Enjeux de Santé, Vol. 21, n°1, 2002

par Claudine Gardin (1)

Promouvoir l’autonomie du patient est un choix éthique.Le choix d’une éthique professionnelle. C’est en fait rendre laparole au patient. C’est faire de lui un interlocuteur. Et c’estdonc faire en sorte qu’il ait en mains tous les élémentsnécessaires pour tenir ce rôle d’interlocuteur, pour exercer unjugement, pour donner un consentement (éclairé), pouracquérir de nouvelles compétences et gérer son état de santéou pour décider tout simplement de s’en remettre à l’avis dessoignants.

De quelle autonomie parlons-nous ?

L’autonomie dans la décision

Celle-ci suppose l’information qui permet le consentementéclairé réel (même en dehors du cadre d’une étude).

Cas vécus.Voici deux situations rencontrées à distance dans le temps,mais pourtant semblables au départ.

Dans la première situation, un patient doit être opéré d’unanévrisme de l’aorte thoraco-abdominale. Le patient n’est pasaverti du risque possible de complications (peut-être a-t-il étéopéré en urgence avec peu de préparation). La complication,une paraplégie post opératoire définitive, se produit. Le patienttout d’abord refuse de croire au caractère définitif de son état,puis il se révolte, accuse les chirurgiens d’erreur médicale,affirme qu’il aurait préféré la mort. La famille est égalementconsternée et en colère. Le dialogue devient quasi inexistantet au terme de son hospitalisation le patient quitte l’hôpital danscet état d’esprit.

La seconde situation survient de nombreuses années plustard. Une patiente doit subir le même type d’intervention. Cettefois, la patiente est avertie du risque de paraplégie définitive.Elle est tout d’abord effondrée et commence par refuserl’intervention car, dit-elle, elle vit seule et ne pourrait assumersa prise en charge dans cette situation. Elle préférerait mourirde sa belle mort, nous dit-elle. Elle quitte même l’hôpital pourun délai de réflexion. Elle revient au bout de quelques jours,sa décision est prise. Elle accepte l’intervention avec toutefoisce commentaire : «le chirurgien n’y va pas par quatre cheminspour dire les choses aux gens.» Mais elle a décidé de suivreles attentes de sa famille. Elle sait qu’elle sera aidée en casde problème. L’opération n’aura heureusement pas de consé-quences fâcheuses.

Ces deux situations montrent des attitudes radicalementdifférentes de la part du corps médical. Ces choix « relationnels »ont des effets sur le vécu des patients, mais aussi sur le vécudes équipes de soins.Dans la première situation, le personnel soignant, tout commele corps médical était en état de souffrance. Souffranced’assister au drame vécu par le patient. Souffrance de constaterle caractère irrémédiable du préjudice subi et de demeurerimpuissant. Révolte pour les soignants en constatant que lepatient n’a pas été averti du risque. Rupture du dialogue avecle patient, sentiment de culpabilité. Sentiment d’avoir trompéle patient en lui laissant espérer des suites opératoiresfavorables.

Du côté du patient, il y a colère, perte de confiance, révolte, refusde communiquer, souffrance totale.

Dans la seconde situation le chirurgien avertit le patient. Ici, lechoix appartient essentiellement au corps médical qui a décidéde coller le plus possible à la réalité. Le personnel soignantn’a pas été impliqué au départ dans ce choix. C’est unedécision unilatérale. Il n’y a pas de concertation pluridi-sciplinaire. L’équipe soignante constate simplement en quelstermes le chirurgien a parlé à la patiente et s’adapte auxcirconstances. Il faut assurer du soutien à la patiente tout enrespectant la ligne de conduite du chirurgien. On s’aperçoit viteque le dialogue continue et que l’action de l’équipe est en finde compte facilitée. Le chirurgien assure un soutien à sapatiente sans pour autant exercer une influence sur sa décision.Il assure un certain contact avec les proches, tout cela de façonassez informelle, mais bien réelle.

Qu’en est-il du côté du patient ? Visiblement, la patiente et sesproches sont sous le choc mais s'expriment sur le problème,y compris avec les membres de l’équipe soignante. Ledialogue est maintenu. La patiente émet des remarques surle caractère abrupt de l’intervention du chirurgien. Elle refusela situation. Elle réfléchit intensément. Elle sait en tout cas quela décision lui appartient à elle et à son entourage. Elle se sentresponsable de son avenir, quelle que soit sa décision. Aurait-elle voulu qu'il en soit ainsi si elle avait pu choisir ?

De ces deux attitudes, quelle est la plus acceptable d’un pointde vue éthique ?

La première où l’on décide de retenir l’information ?Le risque ne se produira peut-être pas.La deuxième où l’on décide d’informer quitte à ce que lepatient refuse peut-être un traitement qui aurait pu le sauver ?Qui retire le plus de bénéfices de l’une ou l’autre attitude ?Dans quel cas a-t-on vraiment respecté le patient ?

L’autonomie dans la prise en charge personnellede l’état de santé et la gestion du stress

pré-opératoire.Ici nous parlons à la fois de l’éducation et de l’information despatients qui sont supposés acquérir par notre action unecertaine connaissance de leur maladie. Nous visons pour euxl’apprentissage d’une l’hygiène de vie ou de comportementscorrespondant à la prise en charge d’une pathologie ou d’untraitement déterminés.

Nous pouvons faire une première observation. Quelle est lapart de manipulation qui intervient lorsqu’on décide de fairede l’éducation ? Nous poursuivons un but qui nous paraîtcertainement valable et très important. Mais en fait, nousvoulons faire changer le patient, modifier son comportement,le rendre plus conforme à ce que nous jugeons bon. Et biensûr, nous souhaitons obtenir l’adhésion de ces patients, leurconsentement, tout en respectant leur liberté et leurs rythmespersonnels. Nous n’avons pas forcément conscienced’exercer une sorte de manipulation. Mais les patients sont-ils tous demandeurs ? Si nous les laissions choisir, ne

Autonomie et éthique

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(1) Infirmière en chef en chirurgie cardio thoracique et vasculaire U.C.L.Mont-Godinne, Belgique - Membre du comité d’éthique hospitalier.

seraient-ils pas nombreux à penser que c’est à leur médecinde gérer seul leur situation, que c’est sa fonction du fait de sescompétences ?

Voici deux exemples de projets d’éducation du patient réalisésdans le service pour illustrer cette recherche de l’autonomie pourles patients et les aspects éthiques qui l’accompagnent : labrochure «Anticoagulants» et le livret «Préparons votre opérationcardiaque».

Comment une réflexion éthique a-t-elle, petit à petit, émergédurant la réalisation de ces projets ? La démarche initiale nesemblait pas à proprement parler être une démarche éthique,mais bien la recherche de réponses à des insatisfactions del’équipe dans sa prise en charge des patients. Le départ duprojet fut la perception d’un problème : d’une part, les soignantsavaient le sentiment de mal assumer leur responsabilité enversles patients et d’autre part, l’insatisfaction des patients étaitperceptible. La réponse au problème a consisté en unerecherche et une action.

Comment ces projets se sont-ils mis en place ?Le choix des thèmes

Celui-ci s’est opéré en se basant sur les besoins supposésdes patients et en tout cas, en réponse aux souhaits de l’équipequi percevait ce besoin, voire cette demande chez les patientspris en charge. On pourrait dire que l’équipe avait le sentimentde bien connaître les patients pris en charge et de savoir ce quileur manquait, ce qui était nécessaire et bon pour eux.Les deux thèmes développés sont très différents. L’un a pourbut d’informer des patients recevant un traitement assezdangereux afin qu’ils ne s’exposent pas à des complications.Ne pas donner d’informations adéquates à ces patients, c’estaccepter qu’ils s’exposent à des complications graves parignorance des conséquences possibles d’actes oud’événements anodins dans d’autres circonstances. L’enjeuéthique est donc clair ici. Le patient recevant le traitement et/ouses proches doivent être capables de réagir avec une certaineautonomie en cas de difficulté et doivent être capables dereconnaître ces difficultés ou ces risques. Ils doivent aussiconnaître les situations où il est impérieux de faire appel à unmédecin.

L’autre thème retenu a pour but de donner des informationspratiques à des patients devant subir un traitement lourd (unechirurgie cardiaque) afin de mieux les accueillir et de diminuerleur anxiété. Nous allons voir que ce sujet, apparemment plussimple à traiter, a quand même soulevé des questions.

La mise en œuvre

Dans les deux cas, et bien que l’équipe soignante ait une idéeprécise des messages à faire passer aux patients, il a éténéanmoins décidé de réaliser une enquête auprès de ceux-ci.Cette enquête a permis de connaître leurs souhaits et de décelerce qui était surtout important pour eux, les premiers concernés,et ce qui, par contre, l’était moins. Des expériences vécues lorsde travaux réalisés dans d’autres services avaient montré l’utilitéde cette étape. La même démarche a été réalisée auprès deséquipes soignantes et de l’équipe pluridisciplinaire afin decollecter les informations que celles-ci jugeaient importantes,voire impérieuses de transmettre aux patients.Ce travail réalisé, nous avons procédé à la réalisation d’unpremier document qui a été soumis à l’équipe pluridisciplinaire.

C’est à ce moment que les questions ont surgi, notammentlors de la réalisation du document d’accueil pour le futur opérécardiaque.Le texte de chaque projet a donc dû être modifié afin derépondre aux critères de tous les intervenants. Il a ensuite subides tests de lecture afin de vérifier sa lisibilité. Enfin, il a ététesté auprès des patients, avec succès et réalisé dans saforme définitive.

Les questions soulevées furent nombreuses, surtoutconcernant le document pour les futurs opérés cardiaques :

- Peut -on vraiment donner au patient des descriptions trèsprécises de son état physique durant son hospitalisationaux soins intensifs ?

- Cela est-il nécessaire au bon déroulement de son séjourdans ce service ?

- Le patient en tirera-t-il un bénéfice ?- De quoi faut-il parler dans un document d’accueil ?- Faut-il parler des risques liés à l’intervention ?- De quels risques faut-il parler ?- Quelles sont les informations qui sont à réserver au

colloque singulier avec le médecin ?- Quelles sont les informations données aux patients qui

peuvent se retourner contre le médecin ?- Qu’est-ce qui répond vraiment à la demande des patients ?- Comment respecter tous les patients ?- Comment respecter le souci qu’ils ont souvent de préserver

leurs proches ?- De quelles complications faut-il parler ?- Faut-il parler de la durée probable de leur hospitalisation ?- Comment aborder les incertitudes ?- Quelle est la part de l’information écrite et celle de

l’information orale ?- Comment donner l’information une fois le support réalisé ?

ConclusionOn le voit, de nombreuses questions touchent de près audomaine de l’éthique et concernent tous les intervenants. Letravail en équipe pluridisciplinaire est certainement un atoutpour apporter de meilleures réponses en élargissant le débat.Il amène, en outre, une meilleure compréhension entre lesdifférentes professions de la santé. Il est donc certainement àprivilégier. D’autre part, il ne faut pas non plus négliger derépondre vraiment à la demande des patients, par exempleaprès enquête. Ce n’est pas si naturel que cela, même pourune simple démarche d’éducation. Après quelques annéespassées à soigner un type de patients, on peut avoir la tentationde penser connaître presque tout à leur sujet et on risque depasser à côté de certaines réalités. De même, en ce quiconcerne les décisions thérapeutiques, il existe destendances. Une de celle-ci est d’associer systématiquementles patients à la décision. Pour moi-même, je m’en réjouis.Cependant, il est probable que la prudence est nécessaire. Ilfaut aussi des informations adaptées permettant effectivementde prendre part à ces décisions, ainsi qu’un accompagnementréel du patient et de son entourage.

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Choix éthiqueet éducation du patient

Au premier abord, le concept ne semble pasparticulièrement proche. Poussant un peu plusloin la réflexion, il est cependant clair qu’il n’y apas de choix éthique possible sans un vraipartenariat avec le patient, en le considérantcomme un sujet à part entière et non pas, defaçon réductrice, comme seulement un objet desoins. De plus, il n’y a pas de partenariatpossible sans une information claire etcomplète qui, elle seule, permet le dialogueéquilibré entre le soignant et le soigné. Letraitement doit être compris, accepté et cogérépar le patient pour que de réels choix éthiquessoient possibles.

L’évolution de la santé et de la médecine ontinduit quatre problématiques qui justifient uneréflexion éthique approfondie :- De nombreuses maladies chroniques sont

inguérissables, mais les progrès de la méde-cine permettent une survie de plus en pluslongue grâce à des traitements de plus enplus complexes, mais aussi de plus en pluslourds. La «quantité» de vie gagnée sur lamaladie en terme de durée est alors à met-tre en perspective avec une qualité de vieparfois très altérée;

- Les risques liés au mode de vie (stress,sédentarité, tabac…) jouent un rôle prépon-dérant dans la dimension préventive, maisaussi curative de nombreuses pathologies;

- Le vieillissement de la population amène luiaussi son lot de questions éthiques fonda-mentales;

- L’explosion technologique vient buter contrela restriction des moyens accordés aux soinsde santé.

L’éducation du patient doit donc transformer lepatient «objet de soins» en un patient «sujet»,partenaire à part entière de la démarchethérapeutique. Ce cheminement nécessite uneréflexion sur la pédagogie et la communicationet une traduction du jargon technico-scientifiquedu soignant en termes clairs, compréhensiblespar tout un chacun. Il débouche sur uneconnaissance améliorée de la maladie et deses connaissances, connaissances indispen-sables pour que le patient puisse participer auxchoix éthiques.

La naissance de la démarche de l’éducation dupatient il y a quelques décennies reposait à

l’origine sur le concept de l’éducateur «expert».Celui-ci était sensé connaître le bien pour l’autreet devait s’efforcer de l’y conduire. L’éducateurse résume alors à un pédagogue à la recherchechimérique d’une maîtrise de tous les com-partiments de la vie de son patient.

Actuellement, la démarche de l’éducation dupatient s’exprime plutôt comme un accom-pagnement.Les objectifs pour le soignant sont alors deprendre au sérieux le patient comme sujet et dele reconnaître comme acteur principal de sapropre vie. Le soignant doit alors accepter lecaractère de subsidiarité de sa fonctionéducative et contribuer à créer les conditions dela liberté du patient. Il est alors un conseiller ouun témoin et doit ouvrir le patient au dialogue etmême à la confrontation. Il doit enfin pouvoirpartager avec le patient des connaissancesscientifiquement établies, à la mesure de lavolonté du savoir de ce dernier et de sespossibilités de compréhension. C’est donc ausoignant de se mettre au niveau du soigné etnon l’inverse.

Cette action éducative est donc un relationd’accompagnement dont le but principal estd’épauler le sujet en souffrance et de l’aider àla constitution de repères pour constituer enfinune vraie relation d’échanges et de par-tenariats. Cette relation doit aider le patient àdéfinir ses propres normes et ses propresobjectifs, réalistes en fonction de sa pathologie.

Le soignant doit éviter une attitudemoralisatrice, c’est-à-dire une tentative demettre le patient en conformité à des normesqui s’inscrivent dans une culture et dans ungroupe social. Bien au contraire, la démarcheéthique est une ouverture au choix et à la libertédu patient face à sa maladie.

Il s’agit donc pour le professionnel enpromotion de la santé d’élaborer et dedévelopper avec son patient un projet d’éthiquecommun :- Il doit pour cela l’aider à s’informer, à comp-

rendre sa santé et les enjeux de sa maladie;- Il doit aussi l’aider à clarifier ses propres

valeurs personnelles et culturelles, tout enrespectant les différences et les attitudesparfois très tranchées face à la maladie;

par Patrick De Coster (1)

(1) Médecin-Directeur UCLMont-Godinne, Belgique.Président du Conseild'Administration du Centred'Education du Patient.

Education du Patient et Enjeux deSanté, Vol. 21, n°1, 2002.

Mots-clés : éthique, éducationdu patient, liberté du patient,accompagnement

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002- Ce faisant, il favorisera la responsabilisation de

tous les acteurs de la santé autour du patient;- Enfin, il favorisera l’élargissement de la liberté

du sujet.

Il existe donc une relation triangulaire très étroiteentre l’éthique, l’éducation et la liberté du patient.Cette triangulation repose sur trois principesfondamentaux qui doivent à tout moment guiderla démarche de l’éducation du patient :

- La reconnaissance de la capacité de libertéen soi du patient et du soignant;

- L’acceptation que la liberté individuelle imp-lique aussi une relation à autrui;

- La nécessaire situation de la liberté dans unespace social, familial et économique.

En conclusion

Pour un soignant, penser l’éducation et l’intégrerdans sa dimension éthique, c’est accepter lepatient comme sujet, l’accompagner pas à pasdans son effort de se réapproprier la vie que lasouffrance et la maladie ont momentanémentou pour toujours perturbée.

C’est le patient lui-même qui est le guide, car luiseul est capable d’indiquer le chemin, de donnerun sens à sa propre démarche de soins.

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ILLUSTRATION ET MISE EN PAGE- Annie Kelner*.

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Editorialpar la rédactionAllocution d'ouverture des journées de colloque et de séminairespar Jacques Morel, représentant de Madame la Ministre Nicole MaréchalLes nouveaux enjeux de l'éducation du patientpar Michel MercierLes croyances et les représentations des patients et du personnel soignantpar Guy M. DeleuLes différentes facettes de l’éducation du patientpar Jean-Luc CollignonLa position de la personne qui reçoit l’éducation, situation particulièredu patient psychiatrique ?par Guy M. DeleuL’introduction du changement dans les groupes et les organisations : quelques repèrespar Pierre de Saint-GeorgesL’introduction du changement dans une institution et dans une équipe.Illustration pratiquepar Kathy Van RenterghemAccompagner un projet en éducation du patient en centre de réadaptationpar Sabine TirelliPour un meilleur accompagnement des personnes hémiplégiques…par Virginie LenoirL’hypnose en milieu hospitalier.  Coûts / bénéfices : quelques pistes de réflexionpar Marie-Elisabeth FaymonvilleL’éducation du patient, une réponse aux attentes des patientspar Patricia DupuisLe deuil de la santé : point de vue d’un membre du Groupe d’Entraide pour Hémiplégiques (G.E.H.)par JacquelineQuelles pratiques et compétences en éducation du patient ?par Alain DeccacheFormer et se formerpar Geneviève ThomasAccompagner le patient dans ses apprentissagespar Jacqueline IguenaneL’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire du patientpar Michel BorgsRenouer le fil du dialogue entre les patients et les malades : approche éthiquepar Laurent RavezAutonomie et choix éthiques. L’accompagnement en soins palliatifspar Alain SchoonvaereAutonomie et éthiquepar Claudine GardinChoix éthique et éducation du patientpar Patrick De Coster

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