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j-Duché de Luxembourg ministère d'État Bulletin de documentation SOMMAIRE L'Union de l'Europe - Dessein et Réalité, par Monsieur Pierre Werner, Président du Gouverne- ment 1 La visite officielle à Luxembourg de Monsieur Mohamed Mzali, Premier Ministre de la République Tunisienne 8 La visite officielle à Luxembourg de Monsieur Claude Cheysson, Ministre français des Relations Extérieures 13 La visite officielle à Luxembourg de Madame Milka Planinc, Président du Conseil Exécutif Fédéral de l'Assemblée de la République Socialiste Federative de Yougoslavie 15 La 42 e Foire Internationale de Luxembourg . . 17 L'inauguration des salles restaurées du Château de Vianden 23 La réunion du Conseil ministériel de l'OCDE à Paris 25 Séminaire sur l'enseignement des Nations-Unies à Luxembourg 30 La Sidérurgie luxembourgeoise en 1982 . . . . 31 Rapports et bilan 1982 de la Société de la Bourse de Luxembourg 33 4/1983 16 Mai Service Information et Presse Luxembourg - 10, boulevard Roosevelt

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  • j-Duché de Luxembourgministère d'État

    Bulletindedocumentation

    SOMMAIRE

    L'Union de l'Europe - Dessein et Réalité, parMonsieur Pierre Werner, Président du Gouverne-ment 1

    La visite officielle à Luxembourg de MonsieurMohamed Mzali, Premier Ministre de la RépubliqueTunisienne 8

    La visite officielle à Luxembourg de MonsieurClaude Cheysson, Ministre français des RelationsExtérieures 13

    La visite officielle à Luxembourg de Madame MilkaPlaninc, Président du Conseil Exécutif Fédéral del'Assemblée de la République Socialiste Federativede Yougoslavie 15

    La 42 e Foire Internationale de Luxembourg . . 17

    L'inauguration des salles restaurées du Château deVianden 23

    La réunion du Conseil ministériel de l'OCDE à Paris 25

    Séminaire sur l'enseignement des Nations-Unies àLuxembourg 30

    La Sidérurgie luxembourgeoise en 1982 . . . . 31

    Rapports et bilan 1982 de la Société de la Bourse deLuxembourg 33

    4/198316 Mai

    Service Information et PresseLuxembourg - 10, boulevard Roosevelt

  • L'Union de l'Europe — Dessein et Réalité

    Le 4 mai 1983, l'Université de Fribourg en Suissecélébrait pour la huitième fois la Journée de l'Eu-rope. Au programme figurait d'abord une table-ron-de sur «La Lotharingie: Histoire et survivances d'uneEurope du centre», à laquelle participaient MonsieurPaul Margue, Président du Centre Universitaire deLuxembourg, Monsieur Michel Parisse, Professeur àl'Université de Nancy, Monsieur Heribert Raab etMonsieur Roland Ruffieux, Professeurs à l'Universi-té de Fribourg.

    Après cette table-ronde, ce fut Monsieur PierreWerner, Président du Gouvernement, qui donna uneconférence sur le thème: L'Union de l'Europe —Dessein et Réalité.

    Relevons que lors de son séjour en Suisse, Mon-sieur Pierre Werner, Président du Gouvernement, aeu une entrevue avec Monsieur Pierre Aubert, Prési-dent de la Confédération Helvétique au Palais Fédé-ral à Berne. Nous reproduisons ci-après le texte de laconférence de Monsieur Pierre Werner, Président duGouvernement:

    Les limites de notre langage font que certainsmots, certaines locutions, expriment des réalités trèsdiverses selon les circonstances ou les points de vue.Le sens voulu peut non seulement s'étendre du plusconcret au plus abstrait, mais également du plus pro-saïque au plus sublime. Prenez seulement le mot«amour», avec l'usage si différencié auquel il donnelieu suivant la bouche qui le prononce.

    Il en est ainsi du terme «union» ou «unité», surtouts'il est accouplé à celui «d'Europe». Suivant les sys-tèmes politiques, suivant la sensibilité géographiqueou historique, suivant les ambitions et les intérêts, lalocution subit les métamorphoses conceptuelles lesplus extraordinaires, favorisées qu'elles sont par ledéveloppement saccadé et dispersé de l'aspirationfondamentale qu'elle recouvre.

    C'est à cette dernière que je veux consacrer mespropos pour l'examiner à la lumière de l'état actuel,en 1983, du monde et de l'Europe. Peut-êtrepourrions-nous retrouver le fil conducteur des ava-tars si déconcertants de l'idée européenne par l'évo-cation de la dialectique constante entre le dessein,l'aspiration et la réalité, l'obstacle.

    Rares sont ceux qui, ayant vécu les années criti-ques de la troisième décennie de ce siècle et, surtout,l'immense tragédie de la seconde guerre mondiale,qui ne se sentiraient pas motivés à vie pour le desseineuropéen, même si les péripéties décourageantes etaliénantes de la mise en œuvre ont pu affaiblir leurfoi ou user leur volonté d'agir.

    La furie des totalitarismes, des racismes et des na-tionalismes avait pu être vaincue, non sans d'énor-mes sinistres matériels et moraux, une fois de plusgrâce à une intervention décisive de l'Amériqued'une part et grâce à l'éreintement de la puissancemilitaire nazie par les armées soviétiques d'autrepart. A l'exultation de la victoire et à la gratitude en-vers les libérateurs, se mêlait chez les alliés europé-ens des deux super-puissances un sentiment de frus-tration, voire de fierté blessée. D'autre part, le rêveinsensé du Reich millénaire allemand avait sombrédans un désastre apocalyptique.

    Les nations de l'Europe occidentale, dont les hautsfaits et les antagonismes avaient retenti tout au longdu 19 e siècle et meublé les manuels d'histoire deleurs exploits, se rendaient compte enfin que les di-mensions de l'équilibre international avaient changéprofondément et durablement. Les deux guerres san-glantes du 20 e siècle apparaissaient de plus en pluscomme des déchirements intra-européens, détrônantvainqueurs et vaincus de leurs positions privilégiéeset dominatrices d'une époque révolue. Les deuxgrandes guerres déclenchées en Europe apparais-saient de plus en plus dans leurs résultats commed'atroces guerres civiles européennes.

    Il faut rendre hommage aux hommes d'Etat de lapremière génération d'après-guerre d'avoir saisi lanouvelle réalité et d'en avoir tiré les conséquencesavec clairvoyance et souvent avec générosité.

    A cet égard la réconciliation franco-allemandedéjà entamée mais scellée définitivement plus tardpar l'accolade mémorable du Général de Gaulle etdu Chancelier Adenauer est un de ces hauts faits quichangent le cours de l'histoire. Elle reste encore au-jourd'hui le ciment de la cohésion européenne.

    La volonté politique d'union trouvait un puissantadjuvant dans les réminiscences économiques et so-ciales d'avant-guerre. Faut-il rappeler que sousl'étreinte d'une crise économique devenue presquechronique après le vendredi noir de 1929, les échan-ges internationaux s'étiolaient sous un dirigisme deplus en plus paralysant, qui devenait vite nationalisteet autarcique.

    De profonds remous monétaires marquent l'épo-que et les pays luttant pour les marchés résiduels pra-tiquaient sans vergogne la dévaluation compétitivede leurs monnaies.

    Les grands pays industriels tendaient à se déstabili-ser socialement et politiquement par le gonflementen leur sein de masses de chômeurs qui ne voyaientpas d'issue à leur situation.

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  • Le nationalisme économique considéré par d'au-cuns comme un remède à la situation, aboutissait àl'érection de frontières douanières, fiscales, moné-taires et administratives de moins en moins franchis-sables.

    A l'intérieur de celles-ci se développaient des sys-tèmes économiques régis par leurs lois propres im-placables et servant, spécialement dans les pays tota-litaires, des ambitions dominatrices extérieures.

    En un mot le libre échange qui avait fait la fortunedu développement et du progrès économique au 19 e

    siècle était détraqué. Pour l'individu ceci comportaitde multiples entraves à sa liberté. Le système bloquéinvitait à l'aventure d'une extension du «Lebens-raum». Nous savons ce qui s'en est suivi.

    Au «plus jamais ça» de la condamnation d'uneguerre européenne, venait se joindre le «plus jamaisça» d'une strangulation des flux économiques.

    Cette mentalité fut favorisée par le vaste champd'initiative et d'ingéniosité qu'ouvraient les diversesformes de construction matérielle et économique lé-guées par les hostilités. Après quelques années dedirigisme dicté par la désorganisation des économiesconsécutive à la guerre, grâce aussi à la doctrine éco-nomique sous-jacente au Plan Marshall, les écono-mies européennes se rétablirent assez vite dans unclimat de libéralisme économique. L'économie demarché, tempérée il est vrai par la démocratie socia-le, était retrouvée. Mais elle ne pouvait prospérerque dans un abaissement des frontières économiqueset fiscales ainsi que dans des zones de stabilité moné-taire.

    Tout cela, ensemble avec le rassemblement natureldes pays occidentaux dans une attitude de défensevis-à-vis d'un régime stalinien expansionniste met-tant brutalement au pas des pays de l'Europe orien-tale, fait que particulièrement dans les pays ci-devantbelligérants, presque tout le monde se sentait «homoeuropaeus».

    A quoi devait aboutir cette aspiration ?Pouvait-elle être uniforme dans un continent aux

    nationalités bien accusées, formées au cours d'unelongue histoire tourmentée ? Pouvait-elle dépasserles particularités et les particularismes culturels, lin-guistiques, caractériels ?

    Le premier temps est marqué par l'élan de l'idéepure ainsi que d'un foisonnement de projets et d'or-ganisations.

    En 1946, de Zurich, s'élève la voix de WinstonChurchill: «II s'agit de réformer la famille européenneet d'assurer une structure à l'abri de laquelle ellepuisse vivre en paix et en sécurité. Nous devons cons-truire une sorte d'Etats-Unis d'Europe. Le premierpas de la résurrection de la famille européenne doitêtre une association entre la France et l'Allemagne.»L'expression Etats-Unis d'Europe est lâchée. Cou-denhove-Kalergi, le pionnier de l'idée paneuropéennedepuis le lendemain de la première guerre mondialelance l'idée d'une Union parlementaire européenneen vue de la «création d'une Fédération européennedans le cadre de l'ONU». L'opinion publique est mo-bilisée. De nombreuses associations pro-européen-

    nes se fondent. Toutes ces initiatives aboutissent àune vaste manifestation qui eut lieu à La Haye du 8au 10 mai 1948; le Congrès de l'Europe, que présideencore Winston Churchill. Mais déjà à cette occasionse manifeste au milieu de l'engouement général desdifférences de conception, des clivages entre ceux quiprônent l'approche pragmatique et ceux qui nepeuvent concevoir qu'un processus organique et ins-titutionnel. Dans le sens de ce dernier se crée en oc-tobre 1948 le Mouvement Européen, organisme decoordination international dont l'objet statutaire«consiste en l'étude et la mise en œuvre des condi-tions propres à réaliser les Etats-Unis d'Europe parle rapprochement et l'unité politiques, économiqueset culturels des Etats qui les composent».

    Les nuances apparues n'enlevaient rien d'ailleursau ralliement général à l'idée européenne, dans lespays de l'Europe occidentale. Mais il faut bienl'avouer, ce ralliement constituait aussi une réactionde peur et de défense, alors que la coupure entrel'Europe de l'ouest et celle de l'est, conséquence deYalta, était devenue apparente et que l'URSS avan-çait froidement ses pions sur l'échiquier de l'Europecentrale.

    Dans ce contexte historique il faut rappeler que leplan Marshall fut à la base de la reconstruction éco-nomique de l'Europe occidentale et que le Pacte at-lantique vint organiser la défense militaire en 1949,après les affaires de Prague et de Berlin.

    Le Conseil de l'Europe, créé le 5 mai 1949 par lestatut de Londres est une organisation intergouver-nementale de coopération politique, culturelle, so-ciale et juridique de tous ceux des Etats européensqui reconnaissaient la primauté des droits de l'hom-me et des libertés fondamentales. Son siège est àStrasbourg. L'adhésion au Conseil de l'Europe, orga-nisation intergouvernementale, ne pose pas de pro-blème de souveraineté. Un plus grand nombred'Etats, y compris la Suisse, y ont trouvé l'expressionde leur disponibilité européenne.

    Quant à la coopération économique elle allait s'or-ganiser successivement sur différents plans. Il nem'appartient pas d'en faire tout l'historique. Qu'ilsuffise de dire que l'élan vers le démantèlement desobstacles au libre échange, l'effort d'extension demarchés non-discriminatoires, la coopération positi-ve dans la formulation de politiques économiques derestructuration et de croissance au-delà des frontiè-res s'inscrivaient dans le statut d'organisations suc-cessives. D'abord de l'organisation européenne decoopération économique O.E.C.E. créée en 1948dans le sillage du plan Marshall, transformée plustard en organisation économique de coopération etde développement (O.E.C.D.) après l'adhésion depays non-européens (Etats-Unis et Canada), forumassez large de 19 pays.

    Des efforts plus concentrés prirent leur début avecla fameuse déclaration Schuman du 9 mai 1950 quidevait mener à la Communauté Européenne duCharbon et de l'Acier, première victoire gagnée parles institutionnalistes ou fédéralistes. La C.E.C.A.sera une organisation comportant des organes dotés

  • de pouvoirs supranationaux. Une fois sur cette lan-cée les six pays-membres de la C.E.C.A. s'enga-geaient dans la négociation d'une Communauté eu-ropéenne de défense, projet qui allait échouer, etd'un premier projet de Communauté politique.

    Sur le plan économique la question était posée.Pourquoi, après les débuts heureux de la C.E.C.A.,ne pas aborder les problèmes de l'Europe au-delàdu secteur du Charbon et de l'Acier sous l'angle del'économie générale ? Ce fut alors la création par lesSix en vertu du traité de Rome, de la Communautééconomique européenne ou marché commun(C.E.E.) et de la Communauté européenne del'énergie atomique (Euratom ou C.E.E.A.). L'expé-rience de rejet de la Communauté de défense par unpays-membre avait cependant amené les négocia-teurs à tempérer la dose de supranationalisme conte-nue dans le traité de Paris relatif à la C.E.C.A. Pre-mière manifestation d'une résistance des pragmati-ques, bien assis sur la souveraineté nationale.

    Autre manifestation d'une approche plus conserva-trice: la constitution sous l'égide de la Grande-Bre-tagne qui a refusé l'entrée à la C.E.C.A. et la C.E.E.de l'Association européenne de libre échange dont lacharte constitutive signée à Stockholm le 4 janvier1960 souligne le caractère empirique. La Suisse y ad-hère.

    Ce trop bref aperçu montre déjà à suffisance quel'idéal européen lancé avec conviction et enthousias-me avant 1950, allait au cours de la phase constitu-tive des organisations éclater en divers courants etsystèmes et se heurter à des obstacles ou situationsacquises qu'il n'était pas facile de lever ou de fairebouger.

    Dans la suite au cours du temps le grand desseineuropéen s'est heurté à des réalités, qui soit l'on dé-vié de son but, soit l'ont affaibli, ou encore l'ontlimité, réalités qui ont aussi altéré le langage utilisé àson propos.

    Cela fut ressenti malgré les incontestables et dura-bles réussites de l'idée européenne depuis une tren-taine d'années. Ces vicissitudes diverses furent parti-culièrement éprouvées dans l'organisation dont l'ob-jectif politique était le plus ambitieux et Pinstitutio-nalisation la plus poussée.

    A cet égard la vie des Communautés Européennescréée par les traités de Paris (C.E.C.A.) et de Rome(C.E.E., Euratom) réfléchit le mieux les variationsde l'humeur européenne. Il faut bien concéder que,pour parler en termes teilhardiens, elles représententle fer de lance ou la flèche de l'évolutionnisme poli-tique de l'Europe.

    La Communauté des Six, aujourd'hui des Dix,poursuit en effet un dessein politique. L'organisationcommunautaire des économies des pays-membres nesemble durable et efficace à ses adhérents sur le planinterne et externe, que si elle suscite et accompagneun processus d'union politique.

    Les obstacles qu'elle a rencontrés au cours de l'his-toire trentenaire des Communautés sont bien repré-sentatifs de la mentalité européenne en général,

    c'est-à-dire également de celle prévalant en dehorsdu cercle restreint des Communautés.

    Je n'insiste pas trop sur les contraintes de l'étenduegéographique auxquelles s'applique le projetd'union. L'Europe est coupée en deux. Une Europede l'Atlantique à l'Oural n'est pas pensable actuelle-ment, d'autant plus que le rassemblement des payseuropéens libres s'est opéré par réaction à l'expan-sionnisme collectiviste soviétique. Il n'empêche quecette coupure qui affecte directement la nation alle-mande, laisse dans l'esprit des citoyens de la Répu-blique Fédérale, d'une façon avouée ou non, l'im-pression d'une structure inachevée.

    Un régime spécial a d'ailleurs dû être concédé à laRépublique Fédérale pour les relations commercialesentre les deux Allemagnes. Il n'empêche aussi quecertains des pays à grande tradition européenne sontobligés de rester en dehors de l'orbite communau-taire, malgré les désirs qu'ils peuvent éprouver de s'yinsérer.

    Les plus grands accrocs des Communautés Euro-péennes résultent évidemment du soin jaloux avec le-quel les Etats-membres défendent leurs droits sou-verains, souvent mal à propos. Ici le zèle de certainsprotagonistes de l'union européenne a pu nuire par-fois. Il est arrivé que l'image des Etats centralisés del'Europe ait faussé les perspectives de développe-ment communautaire. Le besoin de l'union des Etatseuropéens est issu de la constatation qu'en face desgrands blocs économiques, en face des foudroyantsprogrès de la technologie nécessitant la mise enœuvre de moyens énormes, certaines fonctions sou-veraines doivent être non pas abandonnées mais gé-rées en commun, parce que les pays pris individuelle-ment ne sont plus capables de les exercer à satisfac-tion. On ne peut que trop insister sur le principe desubsidiarité, si familier à l'esprit suisse. Ce que, pourle bonheur des hommes, l'Etat national est mieux ca-pable de garantir, ne saurait être enlevé à sa sollici-tude et sa primauté. Bien sûr, en présence de la com-plexité des économies actuelles, la ligne de partageentre les responsabilités n'est pas toujours facile àtracer et à faire comprendre. L'optimum de propor-tion entre centralisme et décentralisme est malaisé àdéfinir.

    En fait, on peut dire que les premiers membres desCommunautés, les Six, en 1952 et en 1958, se sontengagés dans le processus communautaire avec desintentions délibérées de jouer le jeu de la mise encommun de certains droits souverains. Ils se sontjetés à l'eau dans des conditions politiques propices.Dans la suite, avec le changement des hommes et despolitiques, des tentatives de retrait, de retour en ar-rière, ont été entreprises et ont même réussi. Je peuxciter dans cet ordre d'idées ce que l'on a appelé à tortle compromis de Luxembourg intervenu au début de1966. En effet un des grands partenaires de la Com-munauté de l'époque était d'avis que les dispositionsdes Traités prévoyant des votes majoritaires de-vraient être suspendues à propos de décisions portantsur des questions importantes pour tel ou tel Etat afinde permettre d'aboutir à l'unanimité au bout d'une

  • négociation prolongée. Les cinq autres membresn'approuvèrent pas le principe mais se sont prêtés àune pratique pragmatique. L'accord de Luxembourgconstitue donc plutôt un modus vivendi qu'un vérita-ble compromis. En fait jusqu'à un vote récent à pro-pos des prix agricoles, les votes majoritaires ont étéévités pendant de longues années. Ceci a eu un effetnéfaste sur le rythme des travaux et des décisions desCommunautés et a finalement ralenti l'intégrationdes économies.

    Tous ceux qui veulent revitaliser les Communautésréclament avec raison le retour à la stricte applicationdes Traités, donc la suppression ou l'atténuation ducompromis de Luxembourg. Mais des réticences sub-sistent. Autre exemple de regrets d'avoir trop cédé,l'application incomplète des dispositions du TraitéEuratom, qui couvre cependant une matière qui parsa nouveauté et son impact massif se prête particuliè-rement à la coopération transnationale. Autres ex-emples moins spectaculaires et plus subtils, les millepetits trucs inventés par les Etats, pour parer par unprotectionnisme larvé, aux conséquences de la criseéconomique.

    A ce propos il ne faut pas oublier que l'intégrationdes économies a été hautement favorisée par la pé-riode de reconstruction et d'expansion consécutive àla dernière guerre. Aussi la plus grande épreuve devitalité de la Communauté doit-elle être rapportéeactuellement, au plus profond d'une crise économi-que générale accompagnée de chômage et qui per-dure.

    Ceci m'amène à aborder l'actualité et à apprécierla préoccupation européenne des années quatre-vingts. Cette appréciation ne peut se comprendrequ'à la lumière de l'évolution des multiples tentativesde renforcer la Communauté.

    Il faut retenir d'abord qu'au cours des années lechangement de génération a influé considérablementsur la motivation des dirigeants politiques. Ce n'estpas qu'intellectuellement les hommes nés après laguerre ne saisissent pas la nécessité de l'unité en pré-sence d'un déclin relatif de la place de l'Europe dansun monde grouillant d'hommes et de problèmes,mais l'attachement viscéral à l'idée européenne ré-sultant des traumatismes passés n'y est peut-êtreplus. Conséquemment la construction interne del'Europe politique soulève moins d'enthousiasme etd'esprit de sacrifice.

    Les Etats ont repris du poil nationaliste. Sous lecoup de la stagnation économique et des luttes socia-les internes, la politique du donnant-donnant à reprisle dessus et la volonté d'accepter des transactionss'est fortement émoussée.

    La vie interne des Communautés Européennes re-flète encore le mieux ces changements de mentalitéet d'objectifs, étant donné que depuis trente ans ellessont prises entre les élans audacieux et les fléchisse-ments pusillanimes. Ayant jeté des bases légalementsolides et ambitieuses quant au but, au départ, lespays-membres ont évolué dans la suite selon unevalse-hésitation sous la tension de l'incomplet ou del'inachevé d'une construction politique difficile à

    parfaire. Ce que beaucoup de bons esprits ont déplo-ré comme tragique c'était qu'intellectuellement lanécessité de progresser fut toujours reconnue, maisque l'articulation entre l'intérêt communautaire etl'intérêt national était malaisée à établir et à sauve-garder.

    C'est pourquoi le débat institutionnel, qui est celuide la souveraineté nationale,,n'a jamais cessé au seinde la Communauté.

    Cela débutait par l'abandon au moins terminologi-quement de la notion de supra-nationalité, dans lespassages du Traité de Paris (C.E.C.A.) au Traité deRome (Marché Commun). On parlait plutôt de prin-cipes fédéralistes ou confédéralistes, en reconnais-sant que le Traité de Rome comporte un subtil do-sage des deux concepts.

    La crise communautaire de 1965/66 que j'ai évo-quée plus haut, qui débouchait sur le compromis deLuxembourg, est un épisode marquant de cette his-toire en même temps que la résultante de la concep-tion gaullienne de la construction de l'Europe despatries. Le plan de De Gaulle d'une Communautépolitique à caractère plutôt intergouvernemental(travaux du Comité Fouchet) avait échoué du fait del'opposition de la Belgique et des Pays-Bas avançantcomme préalable de l'acceptation d'une formule in-tergouvernementale l'adhésion de la Grande-Bre-tagne à la Communauté. En décembre 1969, aprèsune longue stagnation, le Président Pompidou re-prend l'initiative en proposant au Sommet de LaHaye d'achever, d'approfondir et d'élargir le Marchécommun. L'élargissement signifiait la volonté d'ou-vrir la porte de la Communauté à la Grande-Bre-tagne, alors que l'approfondissement devait inaugu-rer un sursaut communautaire tendant à établir unevéritable union économique et monétaire entre lesEtats-Membres. En effet les troubles monétaires re-naissant en 1968 menaçaient d'ébranler la cohésionmajeure des années précédentes. J'ai été personnel-lement mêlé aux travaux d'approche d'une unionmonétaire et j'ai passé par ses différentes phasesd'espoir et de désespoir de cette promotion.

    L'obstacle à cette occasion fut le scepticisme invo-quant le manque de convergence des politiques éco-nomiques et monétaires et la somme d'efforts politi-ques pour réaliser l'union préconisée. Mais certainsGouvernements se heurtaient surtout aux contraintesinstitutionnelles proposées, notamment la créationde centres de décision sur les politiques communau-taires à mettre en œuvre. Les adversaires subodo-raient la naissance d'un authentique Gouvernementeuropéen.

    En 1972, au Sommet de Paris, les Etats-Membresparviennent à une nouvelle synthèse d'un plan deprogrès communautaire, devant aboutir à ce qu'onappelait l'union européenne. L'explicitation de cettenotion neutre et sommaire devait être confiée dans lasuite à Monsieur Léo Tindemans, dont le rapport, ré-digé au bout de consultations étendues, s'est heurtélui aussi à maintes hésitations. Son principal résultatest l'impulsion donnée au développement et à l'insti-tutionalisation selon une formule légère des consul-

  • tations régulières en matière de politique internatio-nale. A cet égard les dernières années ont été mar-quées occasionnellement par de significatives posi-tions communes des pays de la Communauté commepar exemple la déclaration de Venise sur le Moyen-Orient.

    Mais la valse-hésitation continue. L'élection di-recte des membres du Parlement Européen en 1979n'y a pas mis fin. Son résultat est d'avoir introduit unnouvel interlocuteur dans le processus d'interroga-tion et de remise en question d'autant plus critiquequ'il se sent frustré de pouvoirs-suffisants pour mar-quer profondément la vie communautaire.

    Le scénario de l'alternance entre la poussée enavant et l'hésitation tend à se reproduire avec la der-nière tentative en date, à savoir ce qu'on a appelél'initiative Genscher-Colombo, d'après les Ministresdes Affaires Etrangères de la République Fédéraled'Allemagne et de la République Italienne. Le Con-seil Européen, c'est-à-dire l'instance des Chefsd'Etat ou de Gouvernement, est actuellement saisid'un projet d'Acte ou de Déclaration qui devrait con-firmer l'engagement de progresser dans la voie d'uneunion toujours plus étroite. Le rôle de ce Conseil Eu-ropéen, c'est-à-dire des Chefs d'Etat ou de Gouver-nement, appelé à donner à la construction europé-enne une impulsion politique générale, y est défini.Les procédures de décision prévues par les Traités nesont pas modifiées mais réinterprétées par un retourcontrôlé et prudent à une plus grande orthodoxie lé-gale. Le Parlement Européen obtient certains objetsde satisfaction d'ordre procédural notamment dans ledomaine de la concertation. Les consultations enmatière de politique étrangère sont approfondies etorganisées. La coopération culturelle sera dévelop-pée par les activités d'une Fondation Européenne etde l'Institut universitaire de Florence. J'y reviendraiplus loin.

    A ce propos il ne faut pas oublier qu'avec l'adhé-sion de nouveaux membres, les problèmes de gestioncommunautaire se compliquent énormément. Enfinle centre de gravité de la Communauté se déplace,avec l'adhésion escomptée de l'Espagne et du Portu-gal, vers la Méditerranée. Nous risquons d'avoir no-tre problème Nord-Sud d'un genre particulier, parexemple en agriculture. La Communauté devra re-considérer son organisation interne et ses méthodesde travail, souvent critiquées pour leur lourdeur.

    Les propos que je viens de tenir dans une vue réa-liste des choses, cachent cependant ce que les effortsd'union européenne ont réalisé comme performanceremarquable et tendraient à faire sous-estimer l'im-pact que la politique d'union a eu sur le destin de tousles Etats européens, qu'ils soient membres ou non dela Communauté.

    Bien sûr on peut reprocher aux Etats-membresleur pusillanimité croissante, leur manque d'esprit deconséquence. On peut s'inquiéter de la lourdeur desprocédures de décision dans une Communauté bien-tôt portée à 12 membres, dont les conceptions politi-ques et les aspirations économiques ne sont pas ac-cordées au même diapason. On peut dénoncer une

    technocratie envahissante, le gonflement bureaucra-tique dû d'ailleurs en grande partie au multilin-guisme.

    On ne peut nier cependant que durant les trois der-nières décennies, la Communauté a marqué de sonsceau le dialogue et la coopération avec le reste dumonde. Sa voix a été étonnamment forte chaque foisque les Etats-membres parvenaient à parler d'uneseule voix. A l'heure où la politique monétaire desEtats-Unis domine à nouveau et souverainement lesrelations monétaires internationales, il est bon de serappeler que la Communauté des Six avec l'appuid'autres Etats européens a réussi en 1971 à infléchirune doctrine monétaire américaine quasi immuable.

    La Communauté a su se créer un capital de con-fiance dans le tiers-monde par les Conventions deYaoundé et de Lomé instituant une coopérationcommerciale, industrielle, financière et techniqueavec des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.Ce faisant elle innovait hardiment à propos des for-mes d'aide par des dispositions spéciales relatives àdes produits sensibles et assurait aux pays A.C.P.pour certaines de leurs productions une stabilisationdes recettes d'exportation par le système STABEX.

    La politique d'ouverture et de compréhension ac-tive en faveur des pays du tiers-monde a conféré à laCommunauté une réputation telle qu'elle a donnélieu à une boutade qui dit que le respect qu'onéprouve à l'égard de l'institution européenne est pro-portionnel à la distance géographique qui séparel'appréciateur du centre de décision.

    Même en ces années de morosité institutionnelle laCommunauté a réussi des performances d'intégra-tion avec le Système Monétaire Européen, qui intro-duit une zone de relative stabilité dans la dérive desmonnaies. Et même pour un problème aussi coriaceque la pêche maritime, le principe communautaire aréussi à se concrétiser récemment par un accord surl'Europe Bleue.

    Par sa politique d'association et de conclusiond'accords commerciaux préférentiels la Communau-té a contribué puissamment à l'intensification deséchanges internationaux pendant toute la périodeprécédant l'actuelle crise.

    Mais tout cela n'est pas son mérite exclusif.Si elle a pu remporter des succès incontestés et

    souvent agir efficacement sous le signe de l'Europe,c'est qu'elle se sentait tacitement approuvée et ap-puyée par d'autres Etats européens, qui sans la re-joindre lui étaient associés ou liés implicitement parune doctrine commune. Je vise particulièrement lespays membres de l'Association Européenne de LibreEchange (A.E.L.E.) à laquelle la Suisse participe. Enfait les accords de libre échange séparés et bilatérauxconclus entre les pays de l'A.E.L.Ê. et la C.E.E. onteu pour effet de créer un seul système de libre échan-ge qui englobe dix-sept pays européens. En raison del'échange intense et de l'interdépendance qui carac-térise les relations entre les pays des deux groupes,une coopération au-delà du libre échange a été sou-vent préconisée. Elle se heurte à propos de certainsdomaines à visée politique au statut de neutralité de

  • plusieurs pays de l'A.E.L.E, dont la Confédérationhelvétique.

    L'aisance avec laquelle la coopération entre lesdeux groupes a pu être maintenue jusqu'ici pourraitcependant, si on n'y prenait pas garde, être affectéepar les projets qui tendent à mieux maîtriser la criseéconomique et sociale actuelle dans les deux grou-pes. C'est ainsi que la C.E.E. a inscrit à son ordre dujour le renforcement de son propre marché intérieur,l'objectif étant de créer un véritable espace industrielfondé sur une réelle préférence communautaire. Orles accords de libre échange reposant sur la suppres-sion réciproque des obstacles.au commerce des pro-duits industriels, il importera de veiller à ce que lesprincipes de réciprocité et de préférence soient main-tenus dans une relation équilibrée.

    Ceci est un exemple des dangers qui peuvent résul-ter du dynamisme de la Communauté pour les na-tions qui ne sont pas susceptibles de la joindre, maisqui se voient progressivement abandonnées par cer-tains de leurs partenaires et qui risquent d'être deplus en plus isolées.

    Des hommes d'Etat suisses ont analysé le dilemmeque posent pour leur pays d'une part l'avantaged'une Communauté Européenne solide et bien iden-tifiée, d'autre part les inconvénients qui peuvent ré-sulter de l'affirmation de cette personnalité centréesur sa propre cohésion.

    Monsieur Kurt Furgler, ancien conseiller fédéral ya donné une réponse principielle de grande élévationde pensée quand il écrit en 1977: «Le danger d'unesatellisation existe. Il serait irréaliste de le nier. LaSuisse salue néanmoins l'élargissement de la Com-munauté, parce qu'elle juge l'option fondée sur la dé-mocratie, et la sécurité qui est à la base de ce proces-sus d'unification plus déterminante que d'éventuelsdésavantages économiques.

    L'intérêt que la Suisse attache à une Communautéforte se fonde sur la raison que seule une Europeéconomiquement intégrée garantit une véritable sta-bilité et une authentique politique de sécurité.»

    A mon avis la Communauté doit répondre à cetétat d'esprit par le maintien d'un flux constant d'in-formation et des contacts réguliers pour que de partet d'autre on ne s'égare pas.

    Les intérêts et possibilités différenciés des pays del'Europe, candidats ou non à l'adhésion aux Commu-nautés, ont inspiré parfois aux hommes d'Etat sou-cieux de progrès unitaire des propositions de formu-les plus souples d'adhésion. Le rapport de MonsieurTindemans sur l'Union Européenne faisait allusion àla possibilité d'une construction étagée, l'Europe àdeux ou plusieurs vitesses en invoquant l'exemple duBenelux et de l'UEBL, qui à certains égards sont enavance sur les accords communautaires. Le systèmeest d'ailleurs partiellement appliqué dans les accordsmonétaires Européens, dans le cadre desquels laGrande-Bretagne p. ex. ne participe pas au régimecontrôlé des taux de change avec soutien financiermutuel et l'Italie jouit jusqu'à nouvel ordre d'unebande de fluctuations des changes élargie.

    Une telle approche ne permettrait-elle pas, a-t-onplaidé, d'élargir encore, géographiquement et politi-quement, le bloc communautaire ?

    On a essayé d'interpréter dans le sens d'une Eu-rope à géométrie variable les propos tenus par le Pré-sident Mitterrand au Conseil Européen de mars der-nier. Constatant que l'œuvre communautaire est blo-quée du fait de certains problèmes comme celui desressources propres et du budget communautaire engénéral, il préconise un autofinancement hors budgetde politiques communes nouvelles comme l'énergiepar la création d'agences spécialisées. Il parle d'unprojet d'ensemble à examiner entre Gouvernements.

    Est-ce un nouveau Messine c'est-à-dire une révi-sion des Traités qu'il annonce ? Ce n'est pas clair.

    Quoiqu'il en soit, on a toujours répondu à justetitre qu'une espèce d'Europe à la carte diluerait et af-faiblirait finalement la construction européenne.Comme je l'ai déjà dit, c'est à travers une entreprise àvisées politiques peut-être lointaines mais affirméesclairement, au sein de laquelle les pays-membres ac-ceptent le principe de l'égalité des droits et des char-ges, que la personnalité de l'Europe dans les affairesmondiales peut se manifester et se profiler.

    Par ailleurs la politique d'association pratiquéepermet de réaliser, l'expérience le prouve, des exten-sions différenciées de la coopération économique etde garantir la liberté des échanges.

    A l'intérieur de la Communauté j'accepterais pourma part, notamment pour les nouveaux membres,une construction à deux vitesses à deux conditionsque d'une part les politiques pratiquées aillent dansle sens de la confluence finale dans le système normalet que dans cette phase purement transitoire la jouis-sance des droits pour la 2e vitesse soit en équilibregrosso modo avec l'acceptation des charges et enga-gements mutuels.

    A cet endroit il serait peut-être indiqué d'évoquerla juridiction de la Cour Européenne de Justice, quitout au long des années a édifié une jurisprudencequi est complémentaire du droit communautaire écritet qui s'est révélée un des facteurs importants de lacohésion et de la logique communautaires. Par ail-leurs ses arrêts ne manquent pas à l'occasion de dé-frayer les chroniques judiciaires en dehors de laCommunauté.

    Parlant de l'Europe judiciaire et par dépassementde l'économique, il sied d'évoquer devant cette au-dience l'œuvre de la Commission Européenne desDroits de l'Homme et de la Cour Européenne desDroits de l'Homme organisées dans le cadre du Con-seil de l'Europe. La Convention de Sauvegarde desDroits de l'Homme et des Libertés Fondamentalessignée à Rome le 4 novembre 1950 fait partie del'époque évoquée ci-avant, des grands sauts en avantde l'après-guerre. Elle a créé une instance trans-nationale devant laquelle, à l'instar de ce qui se passeavec la Cour Européenne le simple citoyen peut as-signer son Etat d'origine en cas de violation desdroits fondamentaux. Malgré les restrictions qui en-tourent ces procédures, c'est une très belle réussitedu génie européen.

  • Si le Conseil de l'Europe tient moins la vedette del'actualité que les Communautés, il serait erroné dese méprendre sur son rôle en profondeur dans cer-tains domaines de sa spécialité, tout d'abord à proposdes droits de l'homme, mais aussi à propos de multi-ples initiatives d'impulsion et de coopération dans ledomaine de la culture. Ceci est également une contri-bution remarquable à l'affirmation de l'identité euro-péenne.

    Bien qu'au sein de la Communauté se manifesteaussi périodiquement la volonté de resserrer la co-opération culturelle comme récemment par la déci-sion de la création d'une Fondation Culturelle Euro-péenne, je persiste à croire qu'il faut éviter le doubleemploi et qu'il échet de ne pas entraver le travail re-marquable du Conseil de l'Europe dans ce domaine.En effet sur ce point l'Europe a un héritage communqui a fait sa grandeur dans le passé et que tous lespeuples de ce continent sont appelés à conserver et àpromouvoir, à condition naturellement qu'ils nel'aient pas rejeté.

    Dans la vision d'une convergence politique glo-bale, il doit y avoir moyen d'articuler ces différentesapproches européennes en dépit de leur différencia-tion et selon leurs spécialités.

    L'aspiration fondamentale vers l'unité dont j'ai es-sayé de suivre le fil conducteur suppose cependantque les difficultés politiques d'un monde occidentaldéchiré et doutant de lui-même comme aussi le tohu-bohu économique et social qui s'en suit ou qui en està l'origine, ne fassent pas perdre de vue l'importanceet la grandeur de ce qui est acquis ainsi que la cons-tante nécessité de dépasser la stagnation.

    Cela est d'abord vrai pour la Communauté desDix.

    Des sondages d'opinion organisés vers la fin del'année dernière sur la question: «Est-ce que vousêtes pour l'unification de l'Europe ?» ont révélé que70% des citoyens de la C.E.E. se sont prononcés«pour» et seulement 14% «contre», et cela malgré ladépression et la morosité européennes.

    Il importe d'exploiter cette chance en restituant aumouvement européen tout son potentiel de mobilisa-tion morale. Il faut faire un effort d'information en-gagée en accroissant la transparence des processuscommunautaires. Les performances réelles de la po-litique d'union se sont perdues dans l'esprit des genspar l'usure de la politique au jour le jour. Et on jouitdes libéralisations et nouvelles potentialités qu'elle aapportées à tous, comme l'on respire gratuitement etinconsciemment l'air qui nous enveloppe.

    D'aucuns ont proposé une revision générale desTraités pour accorder les institutions aux nouvellesdimensions des problèmes. On a parlé d'un nouveauMessine. Je ne suis pas opposé à une réflexion sur lesinstitutions et à des retouches spécifiques dans le sensd'un meilleur fonctionnement et surtout d'une colla-boration plus équilibrée entre les diverses institu-tions: Parlement, Commission, Conseil des Minis-tres. Mais on se ferait des illusions, si l'on pensaitqu'une revision générale des statuts irait nécessaire-ment dans le sens du progrès. L'aspect institutionnel

    est secondaire par rapport à la nécessité de fairefonctionner les rouages et d'accepter les compromiscommunautaires.

    La C.E.E. qui reste la locomotive du mouvementeuropéen doit résoudre dans les meilleurs délais lesproblèmes qui bloquent actuellement la machine:ressources propres, politique agricole. Elle doit déve-lopper et intensifier la solidarité et la stabilité moné-taires dans le cadre du système monétaire européen.

    Il lui incombe de perfectionner son système deprise de décision en revenant peu à peu à l'applica-tion fidèle des Traités. J'ai toujours pensé égalementque la désignation de ministres européens, dans lesGouvernements nationaux dotés de pouvoirs decoordination à l'intérieur de leur Gouvernement etde représentation vers l'extérieur, pourrait donner auConseil des Ministres une plus grande efficacité sousl'autorité d'impulsion générale du Conseil Européen.Un stream-lining des rouages s'impose.

    En même temps le Conseil des Ministres pourraitdéléguer plus largement certains pouvoirs d'exécu-tion à la Commission. Finalement une co-responsa-bilité dans certaines matières devrait être concédéeau Parlement Européen, dont les activités gagne-raient en autorité et en crédibilité si elles étaient me-nées avec la conscience nette de ses responsabilités.Cela revient à faire la synthèse réelle des situationsdiverses au sein de la Communauté dans l'espritd'égalité et de justice envers tous ses membres,grands et petits.

    Dans de larges couches de la population et notam-ment auprès des jeunes, la crédibilité de la Commu-nauté gagnerait énormément si elle pouvait engagerà son niveau la lutte contre le chômage. Tâche exces-sivement difficile et délicate, mais qui devient lapierre de touche d'un nouvel engouement pour l'ave-nir de l'Europe.

    Le cours du monde apporte journellement de nou-velles raisons de promotion de l'union des pays euro-péens, qu'ils soient membres des Communautés ounon.

    Problèmes de défense, positions à propos de l'ar-mement et du désarmement, pouvons-nous ignorerces fortes sollicitations ? Dernièrement MonsieurGiscard d'Estaing a parlé d'une occasion uniquepour l'Europe d'entreprendre dans le domaine desarmements nucléaires une position faisant apparaîtrela personnalité européenne de défense (Le Monde19 février 1983).

    Incidemment je rappellerai que la paix ne se gagneet ne se conserve pas par des manifestations debonne volonté et de candeur. Elle se gagne par le pa-tient travail de réduction des raisons de conflits et parla vigilance. La politique européenne, par les solida-rités qu'elle crée est une politique de la paix, concrè-te, engagée.

    Et puis il y a les efforts de recherche dans les scien-ces et techniques de pointe, les nouveaux moyens decommunication (mass media) qui soulèvent des pro-blèmes inédits de coopération et de conviviabilité eu-ropéennes.

  • Selon certains sociologues scrutant les mutationsen cours nous passons actuellement— de la société industrielle à la société informatique— de la technique facilitant le travail à celle qui

    élargit la qualité de la vie ou la civilisation deloisirs,

    — de l'économie nationale à l'économie mondiale,— du planning à court à celui à long terme,— de la démocratie représentative à la démocratie

    participante.

    Ces changements de société n'affecteront pas seu-lement les individus, mais aussi les nations.

    Autant de raisons pour les Européens d'aborder cemonde mouvant en serrant les rangs pour qu'au mi-lieu de ces transformations ne se perde pas l'huma-nisme européen qui a fécondé les civilisations pen-dant deux millénaires.

    C'est pourquoi l'union dé l'Europe est aussi uneaventure de l'esprit !

    La visite officielle à Luxembourgde Monsieur Mohamed Mzali,

    Premier Ministre de la République Tunisienne

    Répondant à l'invitation de Monsieur Pierre Wer-ner, Président du Gouvernement, Monsieur Moha-med Mzali, Premier Ministre de la République Tuni-sienne, s'est rendu en visite officielle à Luxembourgdu 2 au 4 mai 1983. Au cours de son séjour dans no-tre pays, Monsieur Mzali a été reçu par Leurs Altes-ses Royales le Grand-Duc et la Grande-Duchesse auChâteau de Berg. Il a en outre eu des entretiens poli-tiques avec Monsieur Pierre Werner, Président duGouvernement, et Madame Colette Flesch, Vice-Président du Gouvernement, Ministre des AffairesEtrangères. Le Premier Ministre tunisien a visité laville de Luxembourg, notamment la vieille ville et lecentre européen ainsi que les installations de la cen-trale hydro-électrique de la Société Electrique del'Our à Vianden. Une réception fut également of-ferte en son honneur par Madame le bourgmestre dela ville de Luxembourg. La délégation qui accom-pagnait le Premier Ministre tunisien et MadameMzali au cours de leur visite à Luxembourg compre-nait notamment les personnalités suivantes: Mon-sieur Abdellaziz Lasram, Ministre de l'EconomieNationale, Monsieur Lassaad Ben Osman, Ministrede l'Agriculture, Monsieur Ahmed Ben Arfa, Secré-taire d'Etat auprès du Ministère des Affaires Etran-gères chargé de la coopération internationale, Mon-sieur Nourreddine Hached, Ambassadeur de Tuni-sie, Monsieur Ismail Khelil, Conseiller auprès duPremier Ministre, Monsieur Abdelkrim Moussa,Conseiller auprès du Premier Ministre, MonsieurRidha Ben Slama, Chargé de Mission au Premier Mi-nistère, Monsieur Rachid Ben Ahmed, Directeur auPremier Ministère, le Colonel Habib Ammar, Aidede camp.

    Lors d'un dîner en l'honneur du Premier Ministretunisien offert par Monsieur Pierre Werner, Prési-dent du Gouvernement, au Château de Bourglinsterdes discours furent prononcés par Monsieur PierreWerner, Président du Gouvernement, et par Mon-sieur Mohamed Mzali, Premier Ministre tunisien.

    Nous reproduisons ci-après le texte de ces discoursainsi que le texte du communiqué commun publié àl'issue de la visite officielle.

    Discours de Monsieur Pierre Werner,Président du Gouvernement

    Monsieur le Premier Ministre,Moins d'un an après la visite que j'ai eu l'honneur

    et le privilège d'effectuer dans votre pays, j'ai étéparticulièrement heureux de pouvoir à mon tourvous accueillir au Grand-Duché de Luxembourg, etplus spécialement ce soir à l'intérieur de ce châteaumédiéval dont l'architecture massive et sobre trahitencore la rudesse des conditions de vie d'antan.

    Permettez-moi de vous renouveler, Monsieur lePremier Ministre, ainsi qu'à votre délégation, mesplus sincères souhaits de bienvenue.

    La Tunisie et le Luxembourg sont depuis de lon-gues années liés par des liens profonds d'amitié etd'estime mutuelles.

    La visite officielle que le Président Habib Bourgui-ba a effectuée dans notre pays en juillet 1966 ainsique la visite d'Etat de LL. AA. RR. le Grand-Duc etla Grande-Duchesse de Luxembourg à Tunis en mars1975 ont constitué autant de jalons décisifs pour ledéveloppement d'une coopération harmonieuse en-tre nos deux pays.

    Le Luxembourg a pu, par la construction de 7Centres ruraux de protection maternelle et infantile,apporter une contribution concrète à l'infrastructuresanitaire de votre pays. Cette première réalisationsera suivie, je l'espère, par de nombreux autres pro-jets d'intérêt commun.

    Des perspectives encourageantes s'étaient déjà ou-vertes l'année dernière au cours de la visite que j'aimoi-même effectuée en Tunisie. En examinant l'en-semble de nos relations bilatérales, nous nous étionsefforcés de donner une nouvelle impulsion à notrecollaboration dans l'intérêt de nos deux pays.

    8

  • Les possibilités de coopération entre la Tunisie etle Luxembourg qui avaient été au cœur de nos dis-cussions à Tunis ont également fait l'objet d'échangesde vues fructueux au cours des deux journées quevous venez de passer au Luxembourg. Monsieur lePremier Ministre, je me félicite de ce que nos entre-tiens et nos séances de travail nous aient permis dedéfinir encore plus systématiquement les orientationsà donner à une collaboration dans des domaines spé-cifiques, comme la sidérurgie et l'agriculture.

    C'est en travaillant ensemble à ces réalisationscommunes que les peuples apprennent à se connaîtreet à s'apprécier. Si à l'échelle mondiale, la coopéra-tion entre la Tunisie et le Luxembourg reste mo-deste, je suis pourtant convaincu qu'elle nous permetd'avancer dans la bonne direction. En effet, au-delàdes distances géographiques, des différences cultu-relles ou historiques, nos deux pays sont unis par lamême détermination de s'engager pour le respect desdroits et des libertés des peuples. Nous partageons laconviction que seul l'établissement de relations équi-librées et complémentaires' entre les nations permet-tra de vaincre la pauvreté et d'assurer une existencedigne à tous les nommes de la terre. Nous sommeségalement convaincus que c'est par notre coopéra-tion, par la mise en commun de nos efforts et de nosintelligences que nous pourrons utilement contribuerà la définition de relations plus réalistes et plus justesentre les pays industrialisés et le Tiers-Monde.

    A cet égard, la coopération entre nos deux paysdépasse le niveau strictement bilatéral de nos rela-tions et s'inscrit dans le cadre plus général des rela-tions entre la Communauté Européenne et les paystiers. Chacune de nos nations peut, à l'intérieur d'unensemble régional plus important, promouvoir l'es-prit de coopération et prêcher la conciliation dans lesrelations internationales.

    Conduite par des hommes lucides et courageux telsque le Président Bourguiba et vous-même, Monsieurle Premier Ministre, la Tunisie occupe une place depremier rang parmi les pays qui ont conscience desdevoirs d'entraide sur le plan international. Quant auLuxembourg, il dispose malgré ses faibles dimen-sions, d'atouts non négligeables et il peut, en tant quepays membre de la Communauté coopérer à des so-lutions de solidarité selon la vision qui lui est propre.

    C'est en faisant entendre la voix de la raison et dela mesure que nous pourrons le mieux servir de partet d'autre la cause de la paix dans le monde.

    Monsieur le Premier Ministre,. Nous avons appris avec satisfaction que, dans la ré-gion du Maghreb, un processus de rapprochemententre la Tunisie, l'Algérie et le Maroc s'est amorcé.

    Le «Traité de Fraternité et de Concorde» qui a étésigné le 19 mars dernier entre votre pays et l'Algérieest un gage pour une coopération fructueuse entrepays voisins.

    De même la rencontre qu'ont eue récemment lePrésident algérien et le roi du Maroc est de bonneaugure pour la recherche d'un règlement pacifiqueau problème difficile du Sahara occidental.

    Nous ne pouvons qu'exprimer notre satisfaction àl'égard de ces efforts de rapprochement qui ouvrentdes perspectives encourageantes en vue de créer auMaghreb un climat de coopération plus intense, con-tribuant ainsi à renforcer la stabilité de cette régiondu monde dont l'importance pour l'Europe est indé-niable. Nous devons rendre hommage au rôle quevous-même avez joué dans le sens de la modérationet de l'apaisement.

    Permettez-moi de saisir cette occasion pour abor-der un sujet qui, je le sais, vous tient particulièrementà cœur, ceci pour des raisons tant morales que géo-politiques. Ce sujet préoccupe aussi vivement monpays ainsi que nos partenaires de la CommunautéEuropéenne. Il s'agit du grave problème du conflitisraelo-arabe sur lequel s'est greffé avec une acuitéaccrue le problème du Liban.

    Je suis convaincu que la persistance des tensionsqui régnent dans cette partie du monde constitue nonseulement une menace sérieuse pour la paix danscette région, mais contribue également de façon no-table à la détérioration des relations internationalesdans leur ensemble.

    Depuis bon nombre d'années les Dix n'ont cesséde consacrer de grands efforts à la recherche d'unepaix juste et durable. Je ne citerai dans ce contexteque brièvement quelques étapes importantes telleque la déclaration que les chefs d'Etat et de Gouver-nement ont faite à Venise en juin 1980, ainsi que lesmissions de contact effectuées par les MinistresThorn et Van der Klaauw auprès des Etats de la ré-gion afin de rechercher les bases possibles d'une né-gociation. D'autres réunions du Conseil Européen oudu Conseil des Communautés Européennes ont ulté-rieurement précisé la position des Dix.

    Très récemment, lors de leur réunion de Bruxellesdes 21 et 22 mars, les chefs d'Etat et de Gouverne-ment ont à nouveau pris position de façon claire etnette en rappelant notamment les principes qui inspi-rent leurs conceptions en vue de la recherche d'un rè-glement global juste et durable.

    Ces lignes de force sont les suivantes:— Le droit à l'existence sûre pour tous les Etats de

    la région y compris Israël.— La justice pour tous les peuples y compris le droit

    à l'auto-détermination du peuple palestinienavec tout ce que cela implique.

    Seule la reconnaissance mutuelle de ces principespar les parties en cause et l'abandon de la force et dela menace de la force pourront permettre l'établisse-ment de la paix tant désirée. L'initiative prise le 1er

    septembre 1982 par le Président Reagan a montréune voie vers la paix. Le sommet des Etats arabes àFez a relevé de son côté le désir d'aboutir à un règle-ment pacifique. Nous connaissons les difficultés quiont surgi récemment et qui ont à nouveau déçu nosespérances. Mais les choses peuvent changer et nousnous remettons à espérer que la mission qu'effectueen ce moment le Secrétaire d'Etat américain, connupour son endurance, pourra relancer la dynamiquede la paix.

  • En ce qui concerne le problème libanais, quelquesespoirs sont permis de voir aboutir les négociationsqui permettraient d'obtenir un retrait de toutes lesforces étrangères de ce pays lui permettant de rede-venir un Etat souverain et indépendant. Dans ce butles Dix ont également renouvelé leur appui au rôleque jouent les forces des Nations Unies et des forcesmultinationales pour le maintien de la sécurité et dela paix au Liban.

    Votre pays a toujours œuvré de toutes ses forcespour la recherche de la paix dans cette région et cefaisant a toujours fait preuve de sagesse et de modé-ration.

    Puissiez-vous, fort de votre autorité morale contri-buer dans cette période critique à faire avancer leschoses dans le bon sens. De notre côté nous ne ména-gerons aucun effort pour servir la cause des forces depaix.

    Monsieur le Premier Ministre,chère Madame Mzali,

    J'espère vivement que Votre visite contribuera àresserrer encore davantage les liens qui unissent nosdeux pays et qu'elle permettra d'approfondir la coo-pération tuniso-luxembourgeoise dans les domainesles plus divers.

    C'est dans cet esprit que je lève mon verre à l'ave-nir heureux de la Tunisie, à la santé de Monsieur lePremier Ministre, à Madame Mzali, et à celle de tousles amis tunisiens ici rassemblés ainsi qu'à l'ententetoujours plus profonde entre nos deux peuples.

    Discours de Monsieur Mohamed Mzali,Premier Ministre de la République Tunisienne

    Je voudrais tout d'abord vous remercier, Monsieurle Président, pour l'accueil très amical que vousm'avez réservé ainsi qu'à mon épouse et à la déléga-tion qui m'accompagne ici au Luxembourg. J'y aitrouvé une nouvelle manifestation d'amitié que vousavez bien voulu rappeler entre le Luxembourg et laTunisie, amitié qui a été scellée par la visite du Prési-dent Bourguiba en 1966 dans votre beau pays et cellede Son Altesse Royale le Grand-Duc en Tunisie enmars 1975. Hier ma femme et moi nous avons ététrès honorés par l'accueil qui nous a été réservé parle Grand-Duc et surtout par la haute distinction queSon Altesse a bien voulu me décerner. La séance detravail que nous avons eue ce matin, les entretiensd'hier et d'aujourd'hui ont certainement renforcécette amitié puisque d'une part ils ont permis d'iden-tifier de nouveaux domaines de coopération et d'au-tre part ils ont permis un échange d'informations etde points de vues sur un certain nombre de problè-mes d'intérêt commun, en particulier des problèmesqui touchent et qui intéressent la région du Moyen-Orient et la Méditerranée.

    Ce qui me réconforte c'est la similitude des pointsde vues qui existe entre nous et entre les politiquesdes deux pays. Cela ne doit pas nous étonner car leLuxembourg et la Tunisie sont de petits pays qui ontleur spécificité, qui sont jaloux de leur authenticité,

    de leur indépendance, mais qui pour différentes raisons, historiques, géographiques, économiques, sontcondamnés à l'ouverture, à vivre en osmose aves lespays qui sont leurs voisins.

    Depuis 30 siècles, la Tunisie a toujours eu des rap-ports avec ses voisins, des rapports parfois chauds, ettrès souvent pacifiques. La Tunisie a toujours été cequ'elle est aujourd'hui depuis trente siècles, mais ellea toujours été enrichie par des apports successifs, etla géographie aidant, la Tunisie aujourd'hui s'enor-gueillit d'être en quelque sorte un carrefour et depouvoir assumer une triple dimension: une dimen-sion arabo-musulmanne qui est la sienne depuis 14siècles; une dimension africaine, puisque l'Afrique,c'est le nom de Africa, de l'ancienne Tunisie, la Tuni-sie a ainsi donné son nom à toute l'Afrique, et une di-mension méditerranéenne, car du point de vue del'histoire de la Tunisie, la Méditerranée a toujoursété un pont qui a relié les deux rives sud et nord.Nous assumons donc cette triple dimension et nousentendons cultiver la coopération dans une dialecti-que du donner et du recevoir. Nous entendons, mal-gré nos potentialités économiques modestes, notrepoids démographique limité, poursuivre notre che-min et apporter dans le cadre géographique qui est lenôtre une contribution dans l'analyse des problèmeset dans la recherche des solutions à ces problèmes.L'envergure du Président Bourguiba, sa légitimitéhistorique, la lucidité de ses analyses ont permis à laTunisie, en plus de ses vertus propres, d'avoir unrayonnement qui dépasse ses limites géographiqueset démographiques. Je crois que le Président Bour-guiba est aujourd'hui un des sages dont les conseilssont écoutés aussi bien dans la région, dans les paysde la Méditerranée et probablement en Europe. Jepense surtout au problème du Moyen-Orient pourlequel le Président Bourguiba a déjà donné beaucoupde lui-même, a proposé en février 65 une solutionqui concilie la légitimité onusienne, le droit des peu-ples à l'autodétermination et en même temps le droitde tous les pays de la région à l'indépendance, àl'existence d'abord. Malheureusement les avis deMonsieur Bourguiba n'ont pas été écoutés ni par lesuns ni par les autres et 18 ans après, le problème de-meure et il est plus compliqué. Et pour répondre àvotre analyse, Monsieur le Président, je dirais fran-chement que, en ce qui nous concerne, nous sommespessimistes. Nous ne voyons pas comment on pourradéboucher sur une solution, car malgré la modéra-tion des pays arabes réunis à Fez et pour une foisunanimes en ce qui concerne une solution pacifique,malgré la modération inespérée de l'OLP et de sonleader Yassir Arafat, malgré le plan de paix qui a étéproposé le 1er septembre dernier par le PrésidentReagan, nous sommes confrontés à la poursuite del'occupation du Liban, à la poursuite des implanta-tions de colonies, de peuplement en Cisjordanie etdans le territoire autonome de Gaza, nous sommesconfrontés à l'arrogance du président du Conseil is-raélien qui joue la division des Arabes, qui joue ladésespérance des Palestiniens, qui joue la prochainecampagne présidentielle aux Etats-Unis. Je suis pes-

    A

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  • simiste, je ne vois pas comment l'on pourra amorcerune dynamique de paix dans la réconciliation des dif-férents peuples de la région et dans l'équité et la jus-tice.

    Nous continuons à penser, Monsieur le Président,et je vous l'ai dit à Tunis, que la Communauté desDix doit pouvoir jouer un rôle plus efficace, doit faireentendre davantage sa voix, doit probablementprendre l'initiative, car jusqu'à présent la Commu-nauté des Dix n'a pas sauté le pas en quelque sorte etje pense que l'Europe des Dix, pour des raisons his-toriques, pour des raisons économiques, pour des rai-sons de civilisation, devrait prendre cette initiative etau-delà de la proclamation du droit du peuple pales-tinien à l'autodétermination qui constitue un pas im-portant par rapport à la position des Etats-Unis, doitpouvoir imaginer une approche de nature à conforterles pays modérés, de nature à renforcer l'espoir desPalestiniens. Je dis cela parce que je pense que ce nesont pas seulement les Palestiniens qui sont concer-nés. La cause du peuple palestinien doit pouvoir nousmobiliser tous, parce que nous sommes des militantsde la justice, nous pensons que chaque peuple a droità la vie et à une patrie. Nous sommes concernés par-ce que le Moyen-Orient vit sur un volcan, que la sé-curité d'un grand nombre de pays arabes modérés,que la sécurité de pays européens ou africains est enjeu et je crois que nous ne devrions pas pousser lesPalestiniens aux solutions absurdes. C'est encorepossible.

    Je profite de l'occasion qui m'est offerte pourrendre hommage à la position du gouvernement lu-xembourgeois, à sa diplomatie, à vos efforts person-nels, Monsieur le Président, et nous pensons que leLuxembourg doit pouvoir jouer dans cette affaire unrôle de locomotive auprès de ses partenaires de laCE. Ainsi le Luxembourg aura œuvré davantagepour la justice et pour la paix dans le monde.

    Je vous remercie, Monsieur le Président, pour lesparoles aimables que vous avez prononcées à l'en-droit de la Tunisie et des paroles rassurantes et rassu-rées concernant l'évolution positive des relations en-tre les pays du Maghreb arabe. La Tunisie se consi-dère comme partie intégrante de cette région dumonde pour des raisons historiques, géographiques,religieuses, de civilisation et aussi pour des raisonséconomiques évidentes. Depuis des années nousavons œuvré pour un rapprochement sérieux et irré-versible entre la Tunisie et l'Algérie. Nous avonscontribué aussi modestement que ce soit au rappro-chement entre l'Algérie et le Maroc et actuellementles perspectives sont plutôt positives et rassurantes.C'est une bonne transition pour évoquer le futur desrelations entre la Communauté et la Tunisie. Je con-nais le rôle que le Luxembourg joue au sein de laCommunauté pour aider la Tunisie. Vous êtes l'un denos avocats les plus convaincus au sein de la Commu-nauté. Mais il ne s'agit pas de voir comment onpourrait atténuer les effets de l'élargissement de laCommunauté sur la Tunisie et le Maroc. Il s'agit deréfléchir sur le devenir des rapports, de savoir s'il estsouhaitable que ce contrat de civilisation que nous

    avons contracté ensemble en vertu de l'histoire et envertu d'intérêts communs et réciproques doit êtrerespecté et enrichi. Je pense que notre avenir com-mun ne devrait pas se réduire à un compte apothé-caire, à un calcul des avantages et des inconvénientsde tel ou tel accord commercial. Je pense que nousdevrions approfondir notre conception des rapportsculturels. Il s'agit de savoir si nous devons mainteniraujourd'hui et surtout demain l'Afrique du Norddans la mouvance, dans l'aire de civilisation de l'Eu-rope, si cette partie du monde doit rester attachée àune échelle de valeur, un certain humanisme, unecertaine conception de la justice, une certaine répar-tition des droits et devoirs ou bien, si à force desombrer dans des calculs égoïstes et de se laisser im-pressionner par les difficultés économiques du mo-ment, nous devrions laisser cette partie de l'Afriquevoguer à sa guise au gré des vents idéologiques et nepas permettre aux générations actuelles de donnerdes arguments suffisants aux générations montantesconcernant les avantages sur le plan de la culture etsur le plan du développement qu'il y aurait à resterensemble avec vous.

    Donc il ne s'agit pas de voir les problèmes d'au-jourd'hui, il s'agit de voir les problèmes de demain.Et cela est très facilement perçu par vous, Monsieurle président, puisque vous êtes vous-même un emi-nent dirigeant d'un pays aux données géographiqueset économiques modestes, mais aux caractéristiquesculturelles affirmées et vous êtes mieux placé qued'autres pour apprécier les valeurs auxquelles j'aitenu tout à l'heure à faire allusion.

    Que cette soirée soit celle des retrouvailles cultu-relles, d'une rencontre qui soit un jalon dans notreaction inlassable pour renforcer l'appréciation mu-tuelle de nos valeurs communes, de nos différencesspécifiques, tant il est vrai que le maître-mot de toutpoliticien averti est d'apprendre à son peuple à s'en-richir au contact des autres cultures. Je crois que leLuxembourg en Europe de l'Ouest, la Tunisie danscette région du monde qui est ce qu'elle est, est depouvoir être des militants d'un humanisme ancrédavantage sur plus de justice et plus de démocratie etde liberté.

    Sur ces mots que certains spécialistes peuvent trou-ver naïfs, mais que j'estime vitaux pour le devenir decette région du monde et à mon avis pour le devenirde l'humanité, je voudrais renouveler mes remercie-ments et vous prier, Mesdames, Messieurs, de levervotre verre en l'honneur et à la santé de Leurs Altes-ses Royales le Grand-Duc et de la Grande-Duchesse,à votre santé Monsieur le Président et à celle de Ma-dame Werner et à la prospérité du Luxembourg.

    Communiqué commun

    A l'invitation de Monsieur Pierre Werner, Prési-dent de Gouvernement du Grand-Duché de Luxem-bourg, Monsieur Mohamed Mzali, Premier Ministrede la République Tunisienne, accompagné de Mada-me Mzali, a effectué une visite officielle de travail etd'amitié au Grand-Duché de Luxembourg du 2 au 4

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  • mai 1983, à la tête d'une importante délégation com-posée notamment de Monsieur Abdellaziz Lasram,Ministre de l'Economie Nationale, Monsieur Las-saad Ben Osman, Ministre de l'Agriculture, Mon-sieur Ahmed Ben Arfa, Secrétaire d'Etat auprès duMinistre des Affaires Etrangères, chargé de la coopé-ration internationale.

    Du côté luxembourgeois ont également pris partaux discussions Madame Colette Flesch, Ministre desAffaires Etrangères, du Commerce extérieur et de laCoopération et Monsieur Paul Helminger, Secrétaired'Etat aux Affaires Etrangères, au Commerce exté-rieur et à la coopération.

    Au cours de son séjour au Grand-Duché de Lu-xembourg, Monsieur Mohamed Mzali a été reçu enaudience par S.A.R. le Grand-Duc de Luxembourg.

    Les entretiens qui ont eu lieu entre Monsieur Mo-hamed Mzali et Monsieur Pierre Werner, ainsiqu'entre les délégations gouvernementales des deuxpays se sont déroulés dans un climat de cordialité,d'amitié et de confiance mutuelle et ont permis auxdeux Premiers Ministres d'examiner de façon appro-fondie les relations bilatérales dans tous les domaineset de procéder à un échange de vues exhaustif sur lesprincipales questions internationales de l'heure.

    Les deux Premiers Ministres ont réitéré la volontéde leurs gouvernements respectifs de raffermirdavantage les relations bilatérales et ont exprimé leursatisfaction quant au développement harmonieux desrapports de coopération entre les deux pays.

    Les deux parties ont examiné l'état d'avancementdes projets qui ont été identifiés tant à l'occasion dela réunion à Luxembourg au mois de mai 1982 du co-mité mixte d'experts qu'à celle de la visite officielleen Tunisie au mois de juin 1982 de Monsieur PierreWerner, Président du Gouvernement du Grand-Du-ché de Luxembourg et qui concernait essentielle-ment les secteurs de la sidérurgie, des infrastructuresportuaires et ferroviaires, de la santé, de l'habitat, del'agriculture et de l'information. Elles se sont félici-tées des progrès enregistrés au niveau des négocia-tions engagées entre la société luxembourgeoise Ar-bed et la société tunisienne El Fouladh en vue d'étu-dier la réalisation de projets en commun.

    Les deux délégations ont réitéré leur volonté dedévelopper leur coopération économique notam-ment dans les domaines qui ont déjà été identifiés àl'occasion de la visite officielle en Tunisie de Mon-sieur Pierre Werner et qui concernent:— l'industrie agro-alimentaire— l'industrie métallurgique et les industries mécani-

    ques— les industries des matériaux de construction— la conservation de l'eau.

    Pour ce faire, il a été convenu de procéder le caséchéant à un échange de missions.

    Les deux gouvernements sont convenus à appro-fondir leur coopération économique, en particulierdans le domaine sidérurgique au niveau des sociétésArbed et El Fouladh. Ils ont décidé de consigner lestermes de référence de cette coopération dans unedéclaration commune d'intention.

    En ce qui concerne le secteur agro-alimentaire, lespossibilités de coopération entre les deux pays ontété explorées au cours des réunions de travail et il aété convenu qu'une mission d'experts luxembour-geois se rendra à Tunis au début du mois de juin,pour étudier la faisabilité des projets proposés par lapartie tunisienne.

    Les deux délégations ont manifesté leur volonté demettre en place une structure tuniso-luxembour-geoise de coopération bilatérale et triangulaire pourl'étude, l'identification et la réalisation de projets encommun en Tunisie ainsi que sur les marchés inter-nationaux.

    Les deux parties ont réitéré leur volonté de coopé-rer dans les domaines de la formation médicale,para-médicale et agro-alimentaire.

    Elles ont évoqué la possibilité de procéder à unéchange de missions pour étudier une coopérationéventuelle dans le domaine de l'audio-visuel.

    En outre les deux parties ont procédé à un examende la situation internationale. Ils ont ainsi échangéleurs points de vue sur différents problèmes impor-tants du moment.

    Evoquant la situation qui prévaut au Moyen-Orient, les deux parties réaffirment leur profondeconviction qu'il est nécessaire de parvenir à un règle-ment juste et global du conflit du Proche-Orient, fon-dé sur l'équité internationale en application de toutesles résolutions pertinentes des Nations-Unies en lamatière.

    Monsieur Mzali et Monsieur Werner estiment né-cessaire une contribution européenne active tendantà l'instauration et à la consolidation d'une paix justeet durable dans la région.

    Les deux parties estiment que la réalisation desdroits légitimes du peuple palestinien y compris leplein exercice de son droit à l'autodétermination estun élément fondamental et indispensable dans la re-cherche de ce règlement.

    Ils ont réaffirmé la nécessité de rendre à l'Etatlibanais son indépendance et de lui permettre de res-taurer sa souveraineté sur la totalité de son territoire.

    S'agissant de la guerre irako-iranienne, les deuxPremiers Ministres ont de nouveau souligné la néces-sité de parvenir d'urgence à une solution politique dece conflit qui se situe dans une région particulière-ment importante et sensible.

    Ils ont déploré les grandes pertes humaines et ma-térielles subies par les deux parties et appellent lesdeux belligérants à s'engager dans la voie du dia-logue.

    En ce qui concerne la situation en Afrique aus-trale, les deux Premiers Ministres ont réitéré leurferme condamnation de la politique d'apartheid pra-tiquée en Afrique du Sud. Ils se sont déclarés atta-chés aux efforts que déploient les Nations-Uniespour permettre, en application de ses résolutions, aupeuple de Namibie d'accéder à l'indépendance.

    Les deux Premiers Ministres ont exprimé leur in-quiétude devant la détérioration de la situation inter-nationale et en particulier du processus de la détente.

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  • Ils ont mis en relief les dangers résultant de lacourse incontrôlée aux armements nucléaires et ontexprimé leur préoccupation devant l'absence deprogrès dans les négociations qui devraient conduireà une réduction progressive et équilibrée de l'arme-ment nucléaire, le but ultime étant un désarmementgénéral et véritable.

    Ils estiment, en particulier, que les tendances ac-crues au recours à la force et à l'ingérence dans les af-

    faires des autres Etats constituent une menace sé-rieuse pour la paix et la stabilité internationale.

    Examinant l'état des relations entre la Tunisie et laCommunauté Economique Européenne et après quela partie tunisienne ait fait part de ses vives préoccu-pations quant à l'état actuel et futur de ces relations,les deux parties ont souligné la nécessité de trouverdes solutions de nature à sauvegarder les intérêts lé-gitimes de la Tunisie.

    La visite officielle à Luxembourgde Monsieur Claude Cheysson,

    Ministre français des Relations Extérieures

    Les 11 et 12 avril 1983, Monsieur Claude Cheys-son, Ministre français des Relations Extérieures, afait une visite officielle à Luxembourg. A son arrivéeà l'aéroport il fut accueilli par Madame ColetteFlesch, Ministre des Affaires étrangères, et MonsieurJean Meadmore, Ambassadeur de France à Luxem-bourg.

    Après un déjeuner offert en l'honneur de l'hôtefrançais par Madame Colette Flesch, Ministre desAffaires étrangères, Monsieur Claude Cheysson a euune entrevue avec Monsieur Pierre Werner, Prési-dent du Gouvernement, avant de prendre part à uneréunion de travail. A l'issue de cette réunion de tra-vail, un accord franco-luxembourgeois relatif auxéchanges d'information en cas d'incident ou d'acci-dent pouvant avoir des conséquences radiologiques aété signé.

    En fin d'après-midi, Monsieur Claude Cheyssondonna une conférence de presse en présence de Ma-dame Colette Flesch, Ministre des Affaires étrangè-res.

    Au cours de la deuxième journée de sa visite offi-cielle, Monsieur Claude Cheysson, Ministre françaisdes Relations Extérieures, après avoir été reçu en au-dience au Château de Berg par Son Altesse Royale leGrand-Duc, a déposé des fleurs au Monument duSouvenir à Luxembourg.

    Voici le texte du toast prononcé par Madame Co-lette Flesch, Vice-Président du Gouvernement,Ministre des Affaires Etrangères, au cours du dînerqu'elle avait offert dans la soirée du 11 avril en l'hon-neur de Monsieur Claude Cheysson, Ministre fran-çais des Relations Extérieures.

    C'est pour nous tous un honneur d'accueillir au-jourd'hui à Luxembourg l'éminent représentantd'une grande nation amie et un Européen convaincu.C'est pour moi une joie et un plaisir réels de saluerl'ami personnel de longue date, l'ami issu d'une fa-mille dont l'histoire épouse si étroitement celle de

    nos deux pays et qui a éminemment contribué à laculture et à la construction européenne.

    Monsieur le Ministre,Mesdames, Messieurs,

    Dans ce contexte, il ne me paraît pas nécessaired'insister longuement sur ce qu'il y a d'exceptionneldans les relations entre la France et le Luxembourg,fondées comme elles le sont sur l'histoire et la géo-graphie ainsi que sur une amitié et une familiaritéplusieurs fois séculaires.

    Inutile de rappeler le sacrifice d'un fils de lamaison de Luxembourg, Jean dit l'Aveugle mort àCrécy pour la France ou le combat des grognards lu-xembourgeois sous l'Empereur Napoléon, en passantpar plusieurs siècles de domination étrangère, aucours desquels le Luxembourg, sous une apparenced'autonomie plus ou moins réelle, a fait l'apprentis-sage — déjà — de la supra-nationalité européenne.D'abord sous la haute autorité de la Bourgogne, desPays-Bas espagnols puis autrichiens, ensuite de laFrance. Nos chroniques sont peuplées d'hommes etd'événements qui illustrent de façon souvent émou-vante, nos liens avec votre pays. En des temps diffi-ciles pour notre population, la sympathie naturelledont elle faisait preuve à l'égard de l'occupant fran-çais prenait largement le pas sur la méfiance qui fai-sait aussi parfois des apparitions compréhensibles.

    Le vingtième siècle enfin, et notamment les deuxguerres mondiales ont encore, et pour de bon, conso-lidé ce sentiment d'attachement voire d'admiration àl'égard de la France et des Français. Les souffrancesont été consenties en commun par nos deux pays quiont lutté ensemble pour la défense de valeurs qui leursont chères, l'indépendance et la liberté.

    L'après-guerre devait ensuite donner naissance àl'espoir d'un avenir meilleur, vision conçue par un devos grands hommes politiques, Robert Schuman, quiest aussi un des nôtres puisqu'il est né à Luxembourg,en fait à quelques pas d'ici.

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  • Cette brève évocation ne voulait pas être envoléehistorique mais simplement rappel des sentimentsd'amitié et d'attachement qu'éprouvent mes compa-triotes envers les vôtres. Ils sont anciens, profonds,spontanés et ont résisté aux vicissitudes de l'histoire.Ils trouvent leur fondement, et en même temps leurexpression la plus concrète, dans les affinités linguis-tiques, culturelles et politiques qui caractérisent lesrelations entre nos deux pays. Le rayonnement de laFrance à travers le monde, dans tous les domaines atrouvé, me semble-t-il, au Luxembourg, une terre deprédilection à son déploiement. Nos institutions,notre droit mais aussi notre pensée et notre culture,en témoignent.

    Bilingue par nécessité, il est vrai, autant que parvocation, c'est en vertu d'un choix délibéré que leLuxembourg se situe parmi les pays francophones.En cette occasion, je voudrais exprimer le souhait -intéressé, je l'avoue — que ce choix trouve du côtéfrançais un écho correspondant. Conscients de noslimites et de nos potentialités, nous aspirons à ce quenotre attachement spontané et profond à la Francesoit pris en compte dans nos relations bilatérales et àce que la France n'oublie pas ce capital de sympathiedont elle dispose auprès de la population luxembour-geoise. Je suis convaincue que c'est dans cet étatd'esprit que nous aborderons cet après-midi les quel-ques dossiers bilatéraux qui nous occupent et qu'ainsinous les mènerons à bonne fin.

    Monsieur le Ministre,Lors de la visite officielle à Luxembourg du Prési-

    dent Pompidou en 1973 je disais, en ma qualité deBourgmestre de la Ville de Luxembourg, que «pournous la francophonie n'est pas seulement un enseig-nement, pour nous la francophonie n'est pas seule-ment une attitude, les deux appartiennent à la sub-stance même de notre existence nationale», et fontdonc partie de notre identité nationale.

    Cette identité nationale, le Luxembourg s'efforcede la préserver au sein d'enceintes plus larges. Il estconscient du fait que dans le monde moderne il nepeut le faire que grâce à son appartenance aux orga-nismes internationaux. Je pense évidemment, vousl'aurez deviné, aux Communautés européennes. Leplus petit, et de loin, parmi les Etats membres, le Lu-xembourg a été parmi les premiers à comprendre,comme vous l'aviez si justement rappelé lors de la re-

    mise du Prix Joseph Bech en 1978, que l'indépen-dance de chacune de nos nations, le respect de cha-cun de nos peuples et de chacune de nos culturescommandent de confier à cet être nouveau, l'Europe,les pouvoirs nécessaires pour traiter des problèmesque la dimension nationale ne permet pas de régler».Cette exigence à laquelle nous sommes tous confron-tés à l'heure de l'interdépendance croissante mon-diale et de l'histoire à l'échelle planétaire, s'imposeavec encore plus de vigueur à un pays aux dimensionsmodestes.

    Dans cette Communauté, nous avons trouvé notreplace; nous y exerçons activement nos prérogatives,nous en acceptons les disciplines nécessaires et lesresponsabilités. Aussi sommes-nous particulièrementinquiets chaque fois que l'Europe communautairerisque de s'enliser dans des querelles internes stérileset qu'elle piétine; lorsqu'elle n'est ni assez forte ni as-sez unie pour relever les défis que le monde extérieurne cesse de lui lancer surtout en ces temps difficilesde crise économique. Ainsi, nous avons toujours sa-lué chaque pas en avant, ou plus humblement chaquedécision consolidant l'acquis communautaire. Noussommes également toujours prêts à appuyer les pro-positions qui permettent de réellement surmonter lesblocages, de vaincre les résistances ou de relancer leprocessus d'intégration pour en arriver à ce granddessein européen qui est la base de la Communauté.Nous consentirons ces efforts avec d'autant plusd'enthousiasme et de conviction que nous aurons lacertitude qu'aussi bien nos partenaires que les insti-tutions communautaires, tiennent compte de la fer-meté de notre engagement, et ne négligent pas les in-térêts légitimes du plus petit des Etats membres dansles questions vitales pour son avenir.

    Monsieur le Ministre,Mesdames, Messieurs,

    Puis-je vous prier de bien vouloir, avec moi, levervotre verre et boire à la santé du Président de la Ré-publique, au bonheur personnel de notre hôte et amile Ministre des Relations extérieures, et à l'avenir desrelations entre nos deux pays — qu'elles continuent àêtre marquées, tant au niveau bilatéral qu'au sein desCommunautés européennes, de l'esprit de compré-hension et d'amitié qui les caractérisent depuis silongtemps.

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  • La visite officielle à Luxembourg de Madame Milka Planinc,Président du Conseil Exécutif Fédéral de l'Assemblée de la

    République Socialiste Federative de Yougoslavie

    Sur invitation de Monsieur Pierre Werner, Prési-dent du Gouvernement, Madame Milka Planinc,Président du Conseil Exécutif Fédéral de l'Assem-blée de la République Socialiste Federative de You-goslavie, s'est rendue en visite officielle à Luxem-bourg le 27 avril 1983.

    Le programme de la visite prévoyait des entrevuesavec Monsieur Pierre Werner, Président du Gouver-nement, et Madame Colette Flesch, Vice-Présidentdu Gouvernement, Ministre des Affaires étrangères,une réunion de travail des délégations yougoslave etluxembourgeoise ainsi qu'un dépôt de fleurs au Mo-nument National de la Solidarité luxembourgeoise.

    A l'occasion d'un déjeuner offert en l'honneur deMadame Planinc par Monsieur Pierre Werner, Prési-dent du Gouvernement, le Président du Conseil Exé-cutif Fédéral de l'Assemblée yougoslave à réponduen ces termes aux paroles de bienvenue prononcéespar Monsieur Pierre Werner:

    En cette circonstance agréable je voudrais toutd'abord vous remercier de la bienvenue chaleureuseainsi que des paroles aimables que vous venez denous adresser.

    Les peuples yougoslaves nourrissent de grandessympathies envers le Luxembourg et apprécientl'amitié qui nous unit traditionnellement. L'attache-ment profond de nos pays aux valeurs irremplaçablesde l'indépendance nationale et de la souveraineté re-présentent la base de nos relations mutuelles. Noussommes également rapprochés par nos destins sem-blables datant de l'époque de la Seconde guerremondiale, ainsi que par le désir commun d'apporternotre pleine contribution au maintien de la paix et aurenforcement de la coopération et de la sécurité surle continent européen et dans le monde.

    En gardant le souvenir des rencontres du PrésidentTito et du Grand-Duc Jean en 1970 au Luxembourget 1971 en Yougoslavie, nous désirons mieux nouscomprendre et établir des contacts plus larges et ap-profondir ainsi notre coopération bilatérale, dansl'esprit de ces rencontres.

    Ainsi nous pensons au développement continu dela coopération politique stable et efficace et du dia-logue, à l'extension et à la diversification de la coopé-ration économique et financière mutuelle, ainsi qu'àl'accroissement des échanges des biens culturels etdes réalisations sur plan intellectuel. Les Yougo-slaves qui séjournent temporairement au Luxem-bourg comme travailleurs migrants ainsi que les tou-ristes luxembourgeois qui visitent la Yougoslaviepeuvent certainement contribuer à cette coopération.

    Monsieur le Premier Ministre,J'ai le plaisir particulier de vous transmettre per-

    sonnellement les sympathies avec lesquelles l'opinion

    publique yougoslave a accueilli l'appui que votrepays nous a accordé au cours des négociations et dela procédure de la conclusion de l'Accord de coopé-ration RSFY-CEE et d'exprimer l'espoir que la réali-sation concrète des propositions et des idées conte-nues dans cet Accord aura lieu dans cette mêmeatmosphère.

    Je suis persuadée que cette visite et les entretiensque nous avons eus représenteront une impulsiondans ce sens même.

    Monsieur le Premier ministre,La situation actuelle dans le monde est très grave

    et difficile. Presque tout l'édifice des relations inter-nationales est secoué par des crises profondes et destensions dangereuses.

    La paix, la sécurité et le développement sont cha-que jour menacés dans plusieurs régions du monde.On met en cause ou on bafoue ouvertement la libertéet l'indépendance, le droit à l'autodétermination etau libre développement intérieur. Les principes de laCharte des Nations Unies et les normes du compor-tement international sont violés brutalement.

    Nous sommes profondément convaincus que la po-litique de bloc et la surenchère aiguë des grandespuissances pour l'influence dans le monde, les atta-ques contre l'indépendance et la mainmise des autrespays sur leurs territoires, la course effrénée aux ar-mements, la situation difficile de l'économie mon-diale et la situation inégale des pays en développe-ment représentent les causes majeures de cet état dechoses.

    Cela se répercute défavorablement sur l'évolutiongénérale dans le monde et le règlement des problè-mes internationaux essentiels. Les foyers de criseexistants ne se réduisent pas ou ils se compliquentdavantage et les nouveaux foyers de crise apparais-sent. Au Proche-Orient, en Asie, en Afrique australeet en Amérique centrale la voix des armes est encoreplus forte que la voix de la raison.

    Les tentatives d'écarter l'ONU de ceux s'occupantdu règlement des questions internationales en sus-pens et la paralysie du mécanisme des négociationsinternationales sont particulièrement préoccupantes.

    On estime généralement qu'au cours de cette an-née la communauté internationale se trouvera con-frontée à de nombreuses difficultés et épreuves. Lesquestions restées sans réponse, les problèmes sans rè-glement s'amoncellent dans tous les domaines de lavie internationale. La crise des relations internatio-nales devient pour ainsi dire générale et pluridimen-sionnelle. Mais, en même temps, cette année se pré-sente également comme l'année des chances et desespoirs que prévalera la conscience du fait que lapaix, la sécurité et le développement s'avèrent tou-

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  • jours plus interdépendantes et indivisibles sur notreplanète.

    La réunion au sommet du mouvement des paysnon alignés qui a eu lieu récemment à New Delhi amontré clairement que la grande majorité des paysne désirent pas vivre dans une monde précaire et iné-quitable et qu'ils ont décidé résolument de conjuguerleurs propres forces et d'associer leurs efforts à ceuxdes autres facteurs internationaux et des autres paysen vue de surmonter l'actuelle situation de crise dansle monde et d'édifier progressivement des relationspolitiques et économiques internationales plus justeset plus stables. La politique de non-alignement, entant que facteur indépendant et hors-blocs des rela-tions internationales, devient toujours plus le soutienirremplaçable de nombreux pays garantissant leur in-dépendance et leur développement plus accéléré etjouant un rôle actif et constructif dans le règlementdes problèmes mondiaux.

    La prochaine VIe CNUCED qui aura lieu à Beo-grad offre une possibilité extraordinaire de faire untournant quant à l'examen et au règlement des pro-blèmes Nord-Sud, voire de passer finalement des pa-roles aux actes. En effet, les pays développés, appor-tant une aide aux pays en développement, s'aiderontainsi