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Collection dirigée par Juliette RAABE et Alain GARSAULT

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GUILLOTINE !

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DÉJÀ PARUS DANS LA MÊME COLLECTION

type="BWD"51. Ombres effroyables Shaum HUTSON 5 2 à Maldoror Éric VERTEUIL 53. Horreurs mentales Bruce JONES 54. Terminus sanglant Michel HONAKER 55. Terreur rampante Peter TREMAYNE 56. Ski» Ki/ler NÉCRORIAN 57. Le lac d'épouvante John LUTZ 58. La galerie des horreurs Patrice LAMARE 59. Aux chiens écrasés Pierre PELOT 60. Musée des horreurs S.K. SHELDON 61. Bruit crissant du rasoir sur les os CORSÉLIEN 62. Grand-Guignol 36-88 Kurt STEINER 63. Inquisition NÉCRORIAN 64. Neige d'enfer Norbert George MOUNT 65. Hurlements n° 2 Gary BRANDNER 66. La mort noire Christian VILA 67. Vrilles ! Simon Ian CHILDER 68. Grillades au feu de bois Éric VERTEUIL 69. Cauchemar qui tue Lewis MALLORY 70. Immolations n° 2 Th. BATAILLE, S. CORGIAT

et B. LECIGNE 71. Les fouilles de la peur Shaun HUTSON 72. La mort invisible Richard LAYMON 73. Les portes de l'effroi Lewis MALLORY 74. La massacreuse AXELMAN 75. Monstres sur commande Éric VERTEUIL 76. Brasiers humains James BLACKSTONE 77. L'immonde invasion Harry Adam KNIGHT 78. Rêve de chair J. BARBERI et E. JOUANNE 69. Zéro heure John RUSSO 80. A la recherche des corps perdus Éric VERTEUIL 81. La fête du sang Richard LAYMON 82. Retour au bal, à Dalstein CORSÉLIEN 83. Extermination André CAROFF 84. Hurlements n° 3 Gary BRANDNER 85. Comme une odeur de mort Jean-Pierre ANDREVON 86. L'éventreur William DOBSON 87. Les horreurs de Sophie Éric VERTEUIL 88. La maison de la bête Richard LAYMON 89. Aux morsures millénaires AXELMAN 90. Sanguinaire engrenage Stephan ANDERSON 91. Blood-sex n° 2 (Bayou) NÉCRORIAN 92. Sabat n° 1 Guy N. SMITH 93. Décharges Jean WILUBER 94. Cadavres laqués, sévices gratuits Reg SARDANTI 95. Guillotine ! Céline W. BARNEY 96. La mort putride FETIDUS

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C É L I N E W . B A R N E Y

GUILLOTINE !

Collection Gore

FLEUVE NOIR

6, rue Garancière - Paris V I

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La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1 de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© 1989, « Éditions Fleuve Noir », Paris.

ISBN 2-265-04159-9 ISSN 0764-602-X

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1789 — 1989

« Cinquièment, enfin : Je défends absolument que mon corps soit

ouvert, sous quelque prétexte que ce puisse être... »

SADE (Marquis) TESTAMENT

« Never as good as the first time » SADE (Princesse)

CD « PROMISE »

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CHAPITRE PREMIER

Où l'on s'aperçoit qu'une culotte de dentelle pourpre peut avoir scrupule à choisir entre la cruauté et le fanatisme.

Le 30 Juin, An de Grâce 1794 Je me suis, ce matin, éveillée en sueur, alors que

les premiers rayons du soleil pénétraient dans ma chambre. Est-il donc possible qu'une telle ignominie, perpétrée par des soudards, des roturiers de la plus basse extraction puisse terroriser la jeune fille noble et pure que je suis ?

Au vrai, après quelques instants de trouble qui allèrent jusqu'à me faire vaciller, je me ressaisis avec la dignité due à mon rang et appelai Rose Keller, cette jeune servante qui est, depuis six mois, à notre service, et dont la complexion de peau ne cesse de me réjouir.

Je glissai dans la torpeur d'un bain chaud, et onctueux des crèmes que donnent, pour les bienfaits

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de mon corps de déesse, les plantes exotiques et mystérieuses ramenées, après maints périlleux périples jusqu'aux tropiques, par les bateaux de père.

Peut-être, à ce propos, daignera-t-il m'offrir, pour mon prochain anniversaire, un de ces esclaves nègres, sauvage magnifique dont la peau d'ébène, par contraste avec celle de Rose, ferait la joie de mes yeux pers.

Cette vision de beauté fut soudain chassée de mon esprit par des images plus sordides et la chaleur de l'eau, comme Rose me frictionnait les seins, attisa en moi quelques étouffements subreptices. Je gémis à peine et décidai que Estelle Marie Adrienne, Marquise de Franval, alliée par sa mère, Renée-Pélagie de Maille de Carman, à la branche cadette de la maison de Bourbon, ne tremblerait pas à une seconde évocation des actes barbares des maudits révolutionnaires qui écument, en ces heures tragiques, notre chère terre de Vendée.

— Rose, ma petite Rose, voudrais-tu bien me répéter, mot à mot, ce que tu m'as dit hier au soir, afin que je sache si ce n'était pas un mauvais cauchemar ?...

Je lui pris le poignet et l'enjoignis, tout en parlant, à me caresser les tétons turgescents avec l'éponge d'Afrique parfumée d'une huile essen- tielle.

— Oh, Madame la Marquise ne veut pourtant pas encore entendre ces horreurs ! s'insurgea Rose qui me massait le ventre.

— Si fait, Rose ! Je le veux et t'ordonne de reprendre ton récit...

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La pauvrette s'exécuta donc, en ayant soin de n'omettre aucun détail, et aucune parcelle de peau de sa maîtresse.

Je tressaillis dans l'eau à l'évocation de ces gorges tranchées. Je voyais des hommes hirsutes et malpropres qui violaient des femmes hurlantes et éventraient de leurs larges coutelas et baïonnettes les chérubins chouans. Mon Dieu, quel Enfer ! Je priai Marie, notre Sainte Vierge, mais les faits se bousculaient dans ma tête. Rose s'activait, son récit gagnait en emphase et mon courage combattait ma peur. Tenant ma plume pour noter un tel passage, je tremble encore mais ne défaillerai point.

Rose me dit qu'un des Enragés, un monstre de plus d'une toise, était d'une férocité égale à sa taille. On guillotina un malheureux paysan, qui avait crié « Vive le Roy » — le brave homme ! — après l'avoir empalé sur sa fourche. Le sang giclait partout et le monstre n'eut de cesse d'asperger la foule amassée alentours. Puis il fit venir la femme du paysan, que je connaissais pour les fruits qu'elle me donnait, afin, disait-elle, que mon teint garde tout son éclat ; bref, elle monta à l'échafaud et le monstre révolutionnaire l'intromit par la voie interdite. La femme hurlait et saignait, car, ce faisant, d'autres bourreaux flagellaient sa volup- tueuse poitrine. Le monstre, que les autres nom- ment Petit Jean arracha ensuite la jambe de bois du défunt mari (le brave avait combattu pour la Nation lors de la Guerre de Sept Ans), et, comme me le dit crûment Rose, encula la femme avec le membre artificiel. Mais ceci n'est pas tout. La pauvre épouse hurlait tant que le Petit Jean se

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fâcha et ordonna qu'on tranche cette tête qui baragouinait de la sorte.

Toujours sodomisée par le chêne sacrilège, la suppliciée fut conduite jusqu'à la guillotine où luisait encore le sang de son mari. La tête tomba dans les mains de Petit Jean qui embrassa les lèvres vomissantes, puis, trouvant sans doute un plaisir à ce jeu, il s'approcha du corps pantelant, souleva la gorge mutilée. Il envoya la tête rouler au loin, sortit un sexe, dont Rose m'assure qu'il est chevalin, et se mit à besogner le cou rougeoyant et humide de sang. Il se branla dans le sombre enchevêtrement de vaisseaux qui déversaient le sang à pleins bouillons sur le pantalon du scélérat. Celui-ci jouit, en de grands cris rauques, dans les entrailles de la femme. Les complices du forfait riaient aux éclats et obligèrent une pauvre bergère, la fille des Cor matin, à sucer le sexe afin de le nettoyer du sang et du sperme. Elle voulut se refuser mais, comme on lui montrait la guillotine, elle lapa l'immonde chair avec l'avidité d'une catin, ce qu'elle n'est certes pas...

Tous ces hommes de peu de bien sont menés par un chef cruel dont l'élégance, que Rose a su me décrire, masque une impitoyable détermination dans la répression, le meurtre et l'orgie.

Il répond au nom de Cartier et fait inscrire sur les murs de nos chaumières avec le sang des fidèles, cette sentence vengeresse et de mauvais goût : « Avec Cartier, pas de quartier ! ». Je prie Dieu de vouer aux flammes sans fin de l'Enfer cet homme que l'Amour et la Miséricorde ont aban- donné...

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Rose était rubiconde de narrer de tels excès. Je la rassurai comme il est du devoir d'une maîtresse.

— Ne pleure pas, Rose ! Il nous faut savoir la cruauté de ces gueux afin de les combattre...

Elle s'épancha sur ma poitrine nue et y versa des larmes qui m'émurent. Nous nous consolâmes comme deux sœurs, ce que nous étions presque dans la fureur de ces événements.

JOURNAL DE CAMPAGNE DU CONVENTIONNEL CARTIER EN MISSION DANS LA PROVINCE DE

VENDÉE EN RÉVOLTE CONTRE LA NATION

le 12 messidor an II Le Comité m'est témoin que je ne prise guère

les massacres. Pour combattre les ennemis de la République, une juste politique commande de séparer la masse et les irréductibles par les promesses et par l'effroi.

La vue de la tête basculant dans le panier, le sang qui jaillit des artères du cou comme les grandes eaux au ci-devant château de Versailles, le roulement des tambours et le geste du bourreau montrant la face coupable maculée de sang et de sciure, voilà un spectacle propice à faire passer un frisson instructif sur la nuque des factieux.

Hélas, en ces terres de Vendée, la calotte est maîtresse et les tromperies aristocratiques si fort imprimées dans l'esprit du peuple qu'une terreur raisonnable ne suffit plus.

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D'une colonne de mes meilleurs soldats que j'avais envoyés en éclaireurs à Saint-Martin, un seul réchappa, si j'ose dire, de l'embuscade : entre les pans de sa vareuse, son ventre ouvert laissait écouler les entrailles et, malgré les efforts du pauvre homme pour les contenir, elles continuaient à se dévider, traînant derrière lui sur plusieurs toises.

— Il va tomber ! souffla quelqu'un. De fait, le malheureux, qui piétinait horriblement

ces parties de lui-même, avait de plus en plus de peine à y trouver une ferme assise. A notre grand soulagement, il finit par s'y prendre les pieds et s'étala de tout son long, mettant un terme opportun à l'exécrable vision qu'il nous offrait.

Dans sa chute cependant, la vareuse glissa, et un mouvement d'horreur parcourut la troupe à la vue de l'énorme fleur de lys tailladée dans la chair de son dos. Le sectionnaire Petit Jean leva son sabre et s'écria :

— Sus aux royalistes, pas de quartier ! Promptement, l'arrière-garde se regroupa autour

des canons et, tandis qu'une centaine d'hommes s'élançait vers Saint Martin sous la houlette de Petit Jean, nos ailes se déployèrent dans les taillis bordant la route pour prévenir une embuscade.

Une heure plus tard nous rejoignîmes notre avant- garde à l'orée du village. Une odeur de viande grillée flottait dans l'air, flattant agréablement les naseaux. Cet heureux présage ragaillardit le cœur des hommes et c'est au son de la Carmagnole que nous pénétrâmes dans le bourg.

Entre les poutres noircies d'une grange qui brûlait encore, un premier spectacle s'offrait à nos yeux :

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Le 14 Juillet, A n de Grâce 1794 — Bonsoir, ci-devant Marquise ! Alors, l 'après-

midi vous a été agréable ! — Que dites-vous là, citoyen Cartier ! Toute

une famille assassinée !

— Plus un chirurgien de la république ! — Oh, mon Dieu ! U n cruel accident que n ' a

pu éviter votre brave Petit Jean ! répondis-je en me déshabillant de ma tenue d ' homme.

— Voyez, citoyen Cartier, la prisonnière que vous ramenez à Paris ! pleurai-je en lui écartant mes fesses au mitan desquelles suintait m o n con ouvert à l 'extrême depuis la cruelle estrapade.

— Et alors ? demanda Cartier.

— Oh ! citoyen ! Et mon cul, voyez comme il a la pupille dilatée, un vrai souterrain !

— Un cul-de-sac ! rigola méchamment Cartier. — Et mes seins ! fis-je en me re tournant pour

exhiber mes rotondités parées d ' une dentelle de cicatrices.

Cartier se dévêtit alors rapidement et me mon- trant ses stigmates, lança :

— Et ceux-là, ci-devant Marquise, qu ' en dites- vous ? Vous en sou venez-vous !

— Fort bien, citoyen ! M a vengeance vous fut douce !

Il se mit à bander comme trois ânes et se je ta sur moi, me renversant sur le lit qui céda. Notre étreinte fut foudroyante. Il me gougnot ta le cul, en fit ce que l 'estrapade avait omis de commettre, et je plantai moi-même les ongles dans ses cicatrices qui versèrent à nouveau leur nectar. Cartier m'évo- quait un Deus ex Machina ensanglanté. Je suçai

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ses précieux liquides qui se mêlèrent au plus profond de mon être. Il prêta le serrement de son jeu de paumes à mes seins.

— Ah, ci-devant salope ! Pourquoi m'infliger ces tortures !

— Ne sont-elles pas bonnes, citoyen ! — Elles le sont, Robespierre m'en soit témoin !

Ah, cochonne, catin, tu empestes le stupre par tous les trous !...

— Et toi citoyen, c'est le sang que tu pisses par tous les pores !...

— Ah ! Maudite ! A Valmy, chienne !... A Valmy !... Oui, chienne lubrique, à Valmy !... hurla-t-il dans la nuit de l 'auberge.

Je savais que le brave Cartier avait été un héros de la bataille de Valmy qui avait arrêté nos amis étrangers le 20 septembre de l 'An de Grâce 1792. Mais je n'eus jamais imaginé que le souvenir lui en fût si présent qu'il se le remémorât en plein coït anai.. .

Je glissai le long de sa queue, et me mettant à genoux, je voulus le calmer comme un enfant aux portes du sommeil. Je lapai de ma langue le gland rouge et rondelet.

Cartier se mit, de plus belle, à hurler. — Oh ! Oui ! Chienne de ton trou !... A Valmy,

A Valmy, oui, avale-moi ! Oh ! Avale-moi ! Avale- moi.. .

Ce que je fis sans me le faire répéter...

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C H A P I T R E XI

Où une Marquise de bonne appartenance voit en un jeune Bonaparte tenace le divin as, entre homme et carte, p o u r changer la cruelle Sparte en Rome.

9 thermidor

Paris est la seule ville douée du magnétisme de monsieur Messmer : on ne la voit pas encore qu'on perçoit déjà sa présence et son attraction.

Tandis qu'à couvert dans les bois de Meudon nous descendons vers le village de Vanves, des gens, surtout femmes et enfants, surgissent de dieu sait où et viennent danser et gambader autour de la colonne. Les soldats, heureux de sentir le havre tout proche après les fatigues de la marche, flattent la tête des enfants et plaisantent les femmes.

La troupe en campagne attire toujours le badaud et un régiment avec ses canons est quelque chose qui se voit de loin. Je suis cependant surpris de l'intérêt inhabituel que nous suscitons : le 9 thermidor est un

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jour comme les autres, à moins, bien entendu, que la Convention l'ait décrété férié pendant notre exil vendéen. A Franval les nouvelles étaient des plus rares !

Tout au long de la traversée de Vanves, j 'éprouve cependant un sentiment étrange, comme à la veille de ces nombreuses journées qui ont marqué les étapes de la Révolution.

Il n'est pas possible qu'une colonne de soldats, même importante ou prestigieuse, attire autant de monde dans la rue et aux fenêtres. Qu'avons-nous de si remarquable pour déchaîner les vivats ? Pour- quoi tous ces drapeaux èt pourquoi ne sommes- nous pas accueillis, comme à chaque fois que nous traversions une bourgade importante, par les repré- sentants de la commune ?

A l'approche de Vaugirard, il n'y a plus de doute, il se passe quelque chose.

Les talus sont couverts de gens qui nous acclament au cri de « Mort aux tyrans ! ». La troupe répond d'une seule voix « A bas le despotisme ! » et c'est la liesse générale.

La route est encombrée d 'une foule qui vient à notre rencontre et ralentit notre marche. Des incidents

se produisent : une matrone impétueuse, voulant embrasser un cavalier, tombe sous les sabots du cheval qui lui écrasent la poitrine et la mâchoire ; un peu plus loin, c'est la roue d 'un canon qui sectionne la main d 'un jeune homme. Je multiplie les ordres pour tenter de ramener un peu de discipline mais en vain : peu à peu la colonne de mes soldats se démembre et se dissout dans la foule. On hisse

des enfants sur l 'affût des canons, des amazones

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enfourchent hardiment les chevaux dont elles enlacent

les cavaliers. J 'appelle Petit Jean et Masson qui encadrent la ci-devant. Malgré son déguisement de sans-culotte, elle a gardé ses bijoux et la confusion est propice à un mauvais coup.

— Disposez un cordon de soldats autour de la prisonnière !

Masson hoche la tête et le sectionnaire me montre

son sabre et son pistolet avec lesquels il ouvre le passage.

Rassuré, j 'éperon ne mon cheval et monte en tête de mes hommes. La nuit commence à tomber et nous

arrivons à l'ancienne barrière de Vaugirard. Des brasiers éclairent une foule immense et des tables

sommairement dressées où des poissardes de faubourg servent le vin à la louche. A cette vue, les éléments de mon avant-garde commencent à se débander. Je pique des deux et, en arrivant devant les bâtiments de l'octroi, mon cheval est entouré de soldats de la Garde Nationale. Derrière, j 'aperçois enfin une délégation imposante qui approche. De toutes parts s'élèvent des « Mort aux tyrans ! », « A bas le despotisme ! » et puis, soudain, fuse un autre cri, reprit immédiatement par la foule : « Mort à Catilina- Robespierre ! ». Mon sang se glace : que se passe- t-il ?

Je me penche pour interroger un des Gardes, mais je suis saisi par des mains innombrables et l 'on me tire à bas de mon cheval.

— Que faites-vous, citoyens ? Les hommes qui m'entourent me dévisagent comme

si j 'étais un Autrichien ou le ci-devant Capet à Varennes. Je veux appeler mes soldats, mais ils ne

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peuvent m'entendre, ceinturé et presque étouffé que je suis par la masse humaine qui va grossissant. Je suis maintenant soulevé de terre et la vague qui me porte m'enlève au loin et finit par me jeter à terre aux pieds de la délégation. Je reconnais Louvet, un député du Marais, ceint d'une écharpe tricolore. Il est entouré d'officiers, de gendarmes, et me regarde sans aménité. La nuit d'orgie au monastère me revient en mémoire. Je me revois sur ma balançoire humaine, méditant à l'avenir de la Révolution, tandis que je regardais brûler les bâtiments, dont les flammes embrasaient les vitraux de la chapelle de teintes surnaturelles. Je revois aussi le visage de l'Incorrupti- ble tel qu'il m'était apparu : Où es-tu Robespierre ? Se peut-il ?...

Louvet tient à la main un papier que je reconnais pour un décret de la Convention.

— Tu es bien le député Cartier, membre des Jacobins et complice notoire du tyran ?

— Je te merde, pleutre Louvet, ci-devant bonnetier servile de la couronne et bougre infâme !

— Qu'on le saisisse et le tienne en sûreté ! Louvet ouvre son pantalon, en sort une verge pas

plus grosse qu'une virgule du décret qu'il brandit, et éclate de rire en me pissant dessus :

— Tu peux m'insulter tant que tu veux, la Conven- tion t 'as mis hors la loi ! Demain c'est dans ton

propre lit que je jouirai de mes gitons et c'est ta tête tranchée qui tiendra la chandelle !

Tandis qu 'on m'emmène, je souris à l'idée qu'il serait assez piquant que la Franval soit aussi arrêtée comme Robespierriste !

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Le 28 Juillet, A n de Grâce 1794 Cartier a été arrêté. Dans la cohue, Petit Jean a

pu nous faire disparaître sous une porte cochère. La foule déchaînée s'est éloignée aux cris de « A Mort Robespierre ! ».. .

Petit Jean nous a conduits, en évitant les troupes de la Convention qui marchaient sur la Commune de Paris.

Il me faut me familiariser avec tous ces clans

qui règnent dans Paris. M a vie en dépend, car on ne sait pas si celui au pouvoir aujourd 'hui le sera encore demain.

Nous avons trouvé refuge rue Neuve Egalité, dans une modeste maison qui appartient à une fille de mœurs très suspectes, maîtresse d ' un certain André Chénier, ami de Petit Jean, qui a été guillotiné il y a peu. Petit Jean en a été très affecté et m ' a lu des poèmes de son ami, au demeurant fort beaux et bien rimés.. .

La révolution peut-elle donc se passer des poètes ?

Après un frugal repas, nous nous sommes prome- nés dans Paris. Petit Jean a peur pour sa vie, mais veut savoir qui gouverne maintenant et s'il n 'est pas encore temps de prendre l'initiative et de se rappeler au souvenir d ' u n ami bien placé...

Dans toute la ville, les guillotines tranchent les têtes des robespierristes. Cartier sera sans doute heureux d 'apprendre qu'ici elles fonctionnent mieux qu ' à Franval . . .

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Au milieu de la rue, la merde baigne dans le sang et l 'odeur est étonnante, surtout par la chaleur de juillet.

J 'a i eu le loisir de lire maints journaux qui prônent la libération de la femme : ainsi donc, l '« Acte des Apôtres », le « Nonciateur » et autre « Etrennes Nationales des Dames » me font, par leurs écrits enflammés, savoir que je suis une vraie révolutionnaire !... Qui plus que moi a désiré que la Femme soit l 'égale de l 'Homme ?...

Cartier ! M'entends-tu ?...

Puis, lorsque Petit Jean eut arrangé ses affaires, et par là-même, les miennes, nous revînmes rue Neuve Egalité où un triste spectacle nous attendait.

L 'a t tachement malheureux de notre hôtesse pour Chénier, l 'avait déterminée à se donner la mort . Dans la petite chambre de l 'étage, elle s'était pendue avec sa jarretière. Nous trouvâmes sa garde-robe en bon état, et les soixante écus d 'argent comptant prouvaient bien que 1 amour, et non la misère, était responsable de l 'acte de désespoir.

Nous la mîmes sur le lit et Petit Jean voulut lui

rendre un dernier hommage. Il la déshabilla, pour une fois avec élégance, et contempla les seins froids de la femme. Je sortis son sexe chevalin qui déjà bandait et me mis à le sucer avec une piété funéraire. Quand la tige fut bien humide, je guidai le goupillon à l 'orée du tabernacle endormi. Petit Jean pénétra la morte avec volupté et, comme le va-et-vient s'accroissait, les sphincters de la patiente décédée se relâchèrent. Les couilles du colosse

furent promptement souillées de la merde qui n'était pas défunte et exhalait un parfum de vie qui ragaillardit mon géant.

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Je me déshabillai prestement et tendis mon cul, à quatre pattes, au-dessus de la morte.

— Allons Petit Jean, assez pour la morte ! Pense un peu aux vivantes !

— La ci-devant Marquise a raison ! Où avais-je la tête ?

— Où avais-tu la pine, plutôt ! ! ! Et je n 'avais pas fini m a réplique que le gourdin

du colosse me redressait la colonne vertébrale. De

l 'autre côté du lit, sur une chaise de bois, il y avait la selle de Cartier, avec dans des sacoches de cuir, les statuettes d 'or . J 'avançai le bras, afin de caresser le trésor magnifique. M a paume rencontra le pommeau de la selle, rond et chaud, en comparai- son du corps de la suicidée, sur laquelle je me vautrais.

Il devint, alors que je fermais les yeux pour mieux l ' imaginer, un gland énorme, plus encore que celui qui me pédiquait avec entrain.

Ah ! Cartier, mon brave Cartier, où étais-tu en ces heures mouvementées ? Dans quelle prison de Paris soulageais-tu les douleurs que je t 'avais infligées ?

Petit Jean me laboura le cul comme un manant

et j ' en jouis comme une déesse. Sa bite sortit de mon t rou alors que j 'appliquais m a bouche avide sur les lèvres violacées de la pauvre gamine qui s'était laissée soudoyer par ce couple infernal que forment l 'Amour et le Chagrin !...

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10 thermidor, 15 heures

Eh bien, voilà ! Je n'imaginais pas combien tout ceci pouvait être étrangement simple. Pour tuer le temps, j 'a i sorti mon vieux carnet noir, mais c'est la dernière fois. Je pensais que l'approche de ma fin m'aiderait à trouver quelques formules sublimes, quelques imprécations définitives pour confondre les bourreaux de la Révolution... Eh bien, non ! Je n'éprouve même pas de colère.

Tout à l'heure, comme on m'amenait à la Concier- gerie, j 'a i aperçu l'Incorruptible qu 'on en sortait. Un linge masquait presque entièrement son visage et il était accompagné de Couthon et du jeune Saint-Just, plus ténébreux que jamais. Il s'est alors produit une scène étonnante : de la foule, une jeune femme a jailli et, déchirant sa chemise, elle s'est jetée contre le cadet du triumvirat. Saint-Just l 'a baisée longuement, malgré la garde, puis l 'a repoussée, lui caressant une dernière fois les seins avec une pitié touchante. Robespierre regardait la scène, les yeux empreints d'une sérénité que je ne lui connaissais pas. Enfin, il a fait signe à ses compagnons de monter dans la charrette et j 'ai remarqué que la garde n'osait pas les toucher comme par crainte de commettre un sacrilège.

Malgré notre défaite, il ne faudrait pas croire que nous n'avons que des ennemis. J 'a i échangé quelques mots avec le jeune homme qui garde la pièce où l 'on me tient enfermé : ses yeux se sont emplis de larmes tandis qu'il déplorait à mi-voix de ne pouvoir rien faire. Je l'ai apaisé et c'est à lui que je confierai mon carnet quand mon heure viendra.

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Par la fenêtre, je regarde le pont du Châtelet où les charrettes qui se succèdent ont du mal à se frayer

un chemin parmi la foule toujours prompte à venir se repaître du malheur d'autrui. Une chaleur oppressante pèse sur la capitale et je me surprends à apprécier la fraîcheur du cachot.

Condamné à l'oisiveté, je passe en revue quelques scènes choisies de notre équipée vendéenne. Je revois les corps tordus, brûlés, éventrés, comme en une macabre pantomime. Et puis c'est la Franval qui vient me visiter : la Franval se masturbant avec les

chairs sanglantes de ses cousins, la Franval me menaçant avec mon propre sabre dans la chambre des supplices, la Franval, enfin, vêtue en sans-culotte. Elle survivra, maintenant j 'en suis sûr, et je me demande si ceux qui nous accablent savent que, de toutes parts, des Franval vont désormais accourir à Paris.

D'autres visages se succèdent devant mes yeux. Le pauvre Maréchal, le boutefeu à demi-décapité sous la charrue, Bailly prêtant serment, cet imbécile de La Fayette, et puis voici les traits d'une toute jeune femme et je reconnais ma sœur. Elle me sourit et je sais pourquoi : si l 'âme est immortelle, nous allons bientôt nous revoir. Brusquement, j 'ai la conviction que c'est ici-même, dans la pièce où je suis enfermé, qu'elle a passé ses derniers moments. Une fébrilité étrange s'empare de moi. Le plus vite que je peux, je parcours les innombrables graffitis que mes prédé- cesseurs ont laissés sur les murs. Il n'est pas supporta- ble que je meure en ignorant si ma sœur avait deviné que je la suivrais sur l 'échafaud !

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Dans le couloir j 'entends le bruit des bottes. Une voix énumère des noms et je reconnais le mien. Un frisson glacé me passe sur la nuque. Je jette un dernier regard par la fenêtre et je n'en crois pas mes yeux : dans la foule, il me semble voir la ci-devant marquise ! Je scrute les visages, mais en vain. Je suis la proie d 'un dilemme épouvantable, tiré entre l'hypothétique message de ma sœur sur le mur et l'apparition invraisemblable de la Franval dans la rue. Il faut que j 'en aie le cœur net...

Le 28 Juillet, An de Grâce 1794 Peut-être, aujourd'hui, devrais-je écrire :

10 Thermidor An II !... Dans Paris, le tumulte est indescriptible. Partout,

ce ne sont que sans-culottes hurlants et femmes hystériques qui en appellent au meurtre le plus plaisant. Une Enragée des plus féroces voue aux gémonies ses sœurs d'hier. Pourquoi respirent-elles encore l'air pur de la liberté ? Pourquoi ne vont- elles pas remplacer les recluses à Saint-Sernin ? Telles sont les harangues que mes délicates oreilles entendent.

Petit Jean est aux anges ! Ce retournement politique, dont les Robespierristes font les frais, l'amuse fort. Son contentement me rend heureuse, car il y a dans ses traits une jovialité de bambin. Et j'adore les enfants qui courent dans les rues pour assister à la décapitation des renégats !...

Cartier est dans l'une des charrettes qui mènent les condamnés vers la place de l'Hôtel de Ville où

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la Commune de Paris avait organisé, jusqu'à ces dernières heures, la résistance hors-la-loi !

Je dois avouer que sa beauté est olympienne. Malgré la prison et la défaite, son visage est d'une sérénité qui m'émeut mais ne m'apitoiera pas. Comme les autres de ses compagnons, il se fait conspuer par la foule déchaînée. Le fer des lances atteint parfois, sur ce chemin de croix, les corps parés de suaires blancs... La silhouette messianique de Cartier me fera-t-elle jouir comme sa chair plus terrestre ?...

Nous voici sur l'échafaud. Déjà moult têtes honnies ont chuté dans le baquet de sciure, et l'exaltation de la foule est à son paroxysme.

Le bourreau est un grand gaillard roux qui me lance des regards lourds. Il me faut dire que le costume révolutionnaire met en valeur mes hanches aristocrates. Si seulement, en cette heure, il m'était donné de m'allonger sur le bois de justice, et de me faire, au milieu des exclamations du peuple, violenter par le bourreau et irrumer par mon brave Petit Jean qui jubile à mes côtés, alors ma joie serait céleste ! ! !

Mais foin de rêverie ! Cartier, inébranlable, avance vers l'échafaud. Je lui prends la main et l'aide à s'allonger. Il ne dit rien, mais la moiteur de sa paume me prouve qu'il n'a pas oublié nos ébats de l'auberge...

La foule scande avec vigueur : « Avec Cartier, pas de quartier ! », autant de mots qui ont tissé mon destin de femme libre ! Je mérite, pour le moins, autant d'éloges que la célèbre Théroigne de Méricourt !

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Le bourreau lâche la lame scintillante de la guillotine qui s'abat en un fracas douceâtre. Mais voici qu'atteignant la nuque blanche, elle se bloque. Cartier ne peut s'empêcher de hurler, car ses vertèbres sont déjà à moitié découpées. La foule exulte et vocifère toujours. Je contourne la guillo- tine et m'agenouille face au visage déformé de Cartier. Le sang coule sur sa barbe de trois jours. Je regarde ses yeux qui me foudroient dans leur douleur, et porte mes lèvres carminées aux siennes. Je l'embrasse du baiser de la mort, long, lent et chaud. Le sang noie mes doigts qui passent dans ses cheveux, et je fais un signe à Petit Jean.

Celui-ci avance et appuie de toutes ses forces sur la lame qui pénètre le cou du Conventionnel, dont les traits révulsés font un masque à son visage. Je ne desserre pas mes lèvres de la bouche froide, et, comme en un dernier effort Petit Jean tranche la tête, un flot de sang jaillit du fond de la gorge pour emplir mon palais assoiffé.

Je tiens à présent la tête de Cartier à pleines mains, et la montre à la foule qui hurle. Le sang de l'homme coule dans ma gorge et éclabousse ma chemise. Petit Jean vient de réparer la guillotine.

Les exécutions n'ont que faire d'une apothéose d'Amour !

Cartier ! Je t'ai aimé ce que vivent les roses et les révolutionnaires, l'espace d'un instant !!!

Mais mon Amour réclame l'Éternité !... Qui donc assouvira ce désir ? Qui m'offrira

l'Eternité ?... Petit Jean me fit montrer encore la tête de

Cartier et je vis alors un jeune militaire, fort

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hiératique, qui m'observait, sans doute depuis longtemps.

— Qui est-ce ? demandai-je à Petit Jean. — Lui ? Oh, c'est le jeune commandant d'artil-

lerie qui s'est illustré lors de la prise de Toulon, le 29 frimaire de l'année dernière ! Il porte un nom ridicule : Napoleone Buonaparte ! fit le géant en partant d'un rire puissant.

De la foule montait une plainte sourde qui m'enveloppa.

Je lâchai la tête de Cartier dans le baquet Où les chairs en sang soulevèrent la sciure Et, comme un souffle en mon être, je compris

alors, A l'éclat des yeux du jeune Buonaparte, Que mon charme de femme venait de faire

mouche Et que mon fier destin s'en trouvait contenté !