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Directeur : Henri Dieuzeide Rédacteur en chef : Zaghloul Morsy Rédacteur en chef adjoint : Alexandra Draxler

U n e édition intégrale de Perspectives est également disponible dans les langues suivantes :

Anglais : Prospects, quarterly review of education (ISSN 0033-1538) Unesco, Paris (France)

Espagnol : Perspectivas, revista trimestral de educación (ISSN 0304-3053) Unesco, Paris (France)

Arabe : Mustaqbal al-Tarbiya (Unesco Publications Centre, I Talaat Harb Street, Tahrir Square, Le Caire, Egypte)

Prix et conditions d'abonnement (A) Abonnement : un an, 56 F ; deux ans, 90 F L e numéro : 16 F

L e tarif des abonnements augmentera avec le prochain numéro (vol. X X , n° 1, 1982).

Pour les éditions anglaise, espagnole et française, adressez vos demandes d'abonnement aux agents de vente dont la liste pour tous pays figure à la fin de ce numéro. Ils vous indiqueront les tarifs en monnaie locale.

Publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris, France. Imprimerie des Presses Universitaires de France, Vendôme. © Unesco 1981

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Vol. XI N°4 1981

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C O L L E C T I O N E D / SDI

revue trimestrielle de l'éducation Unesco

S o m m a i r e Intégrer éducation, production et recherche : la réforme roumaine Fred Mahler 443

Positions/Controverses L'influence des organismes d'assistance internationale sur le développement de l'éducation Seth Spaulding 463

Pièces pour un dossier : L'éducation des enfants et des jeunes handicapés Aspects économiques de l'éducation spéciale Karl-Gustaf Stukát 481 Principes de base de l'éducation spéciale en U R S S V. I. Loubovski 489 L a participation des parents à l'éducation des enfants handicapés Hugh Stuart Taylor 494 Participation de la famille à l'éducation des enfants mentalement arriérés : un exemple indien Rose Chacko 502 Dépistage et éducation spéciale précoces dans la République démocratique allemande Lothar Hammer 505 Jeunes déficients auditifs : prévention et intégration Armin Löwe 514 Les jeunes déficients auditifs en Inde : besoins et possibilités Prem Victor 521 L'intégration scolaire des jeunes aveugles au Danemark Svend Ellehammer Andersen et Bjern E. Holstein 528 L a musique dans l'éducation de l'enfant surhandicapé sourd et aveugle Vanda Weidenbach 535

Tendances et cas L'éducation scolaire des enfants et des jeunes réfugiés palestiniens Knud Mortensen 545

Revue de publications 557 Livres reçus. Index du volume, X I 1981 571

0304-3045

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Les textes publiés peuvent être librement reproduits et traduits (sauf pour les illustrations et lorsque le droit de reproduction ou de traduction est réservé et signalé par la mention « © Auteur(s) ») à condition qu'il soit fait mention de l'auteur et de la source.

Les articles signés expriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessairement celle de l'Unesco ou de la rédaction.

L a rédaction serait heureuse d'examiner pour publication contributions ou lettres contenant des avis motivés, favorables ou non , sur tout article publié dans Perspectives ou sur les thèmes abordés.

Prière d'adresser vos correspondances au rédacteur en chef, Perspectives, Unesco, 7» place de Fontenoy, 75700 Paris, France.

Les appellations employées dans Perspectives et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part d u Secrétariat de l'Unesco aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

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Fred Mahler

Intégrer éducation, production et recherche : la réforme roumaine

École et société : de la reproduction

à la transformation des structures sociales

D e plus en plus, les systèmes éducatifs se révèlent incapables de satisfaire aux besoins spécifiques des sociétés modernes, qu'il s'agisse du développement économique et technologique ou de transforma­tions en profondeur dans les relations sociales. C e n'est pas un hasard si la crise que traverse l'école contemporaine a réorienté la recherche vers le problème fondamental des changements structurels d u sys­tème éducatif et si elle a, en fait, engendré une conscience nouvelle de la sociologie de l'éducation. C o m m e le note Guido Martinotti « le système scolaire apparaît c o m m e une structure sociale paradoxale : il prétend promouvoir l'égalité, ou du moins s'y efforcer, mais en fait il reproduit, renforce et engendre directement l'inégalité a1. « L a croissance économique, écrit d'autre part Johan Galtung, s'est accom­pagnée non seulement d'une inégalité économique mais aussi d'un développement de l'éducation et d'un renforcement de l'inégalité entre les enseignés2. »

L e développement accéléré de l'éducation ne fait qu'accroître l'inégalité ; cette constatation ne peut manquer d'inquiéter les cher­cheurs dans le domaine de la sociologie de l'éducation. L'expérience historique a toujours montré que c'est uniquement par le biais de changements structurels dans la société que le développement de l'éducation peut conduire à l'homogénéisation des couches sociales. N o u s croyons cependant que, dans le m o n d e contemporain, et tout particulièrement dans les sociétés socialistes, le rôle de l'école dans la transformation des structures sociales ne fait que s'accroître.

L a volonté d'accorder désormais à l'école une nouvelle fonction sociale s'explique, semble-t-il, par deux faits nouveaux d'importance

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Fred Mahler (Roumanie). Directeur de recherche et vice-président du Conseil scientifique du Centre pour la recherche sur la jeunesse (Bucarest). Membre de l'Association internationale de sociologie et de la Fédération mondiale pour les études sur le futur. Auteur de plusieurs livres sur la jeunesse et la sociologie de l'éducation.

Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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Fred Mahler

majeure : a) les éléments principaux qui renforcent le rôle de l'école dans le développement sont, d'une part, l'émergence de la science en tant que force distincte de production et, d'autre part, la nécessité d'éduquer la population active pour réaliser la croissance économique ; b) la nécessité corrélative d'un changement dans le système éducatif prélude à des transformations planifiées dans les domaines écono­mique, social et culturel.

C'est pourquoi la question de savoir si l'école peut ou ne peut pas changer la société ne se pose pas dans u n contexte abstrait. L a question qui importe est plutôt celle-ci : dans quelle société et par quelles voies l'action sociale peut-elle changer le système éducatif en m ê m e temps qu'elle transforme la société ?

D a n s le m o n d e moderne, et particulièrement dans les sociétés socialistes, il est à la fois possible et nécessaire que l'école joue u n rôle social différent de celui qu'elle a joué dans le passé : son rôle est désormais de promouvoir une véritable égalité sociale. E n m ê m e temps, l'école ne dépend plus aujourd'hui du marché d u travail, c o m m e dans le système capitaliste, mais constitue une variable indé­pendante dans l'évolution d'une population active différenciée quant au métier et à la profession mais pourtant socialement homogène.

E n bref, on peut définir la transformation de l'école et le renouvel­lement de son rôle, dans le contexte d u changement global des structures sociales, c o m m e une évolution en trois étapes : a) l'école traditionnelle se caractérise par l'inégalité dans les possibilités d'accès (recrutement), les possibilités éducatives (sélection) et l'attribution d'un statut (intégration) ; b) l'école de transition, si elle offre les m ê m e s possibilités d'accès à l'enseignement (recrutement), perpétue l'iné­galité des possibilités éducatives (sélection) ainsi que des statuts et des rôles attribués (intégration) ; c) l'école nouvelle assure systématique­ment à tous les jeunes l'égalité « avant », « pendant » et « après » l'école (voir tableau). L'école nouvelle implique : l'abolition de la différenciation du recrutement, de la sélection et de l'intégration en fonction de la classe sociale, caractéristique des écoles traditionnelle et de transition ; u n changement radical dans le processus de socia­lisation traditionnel pour répondre à la nécessité d'obtenir une population socialement homogène bien que professionnellement différenciée ; la réduction du fossé qui sépare travail manuel et travail intellectuel et leur intégration organique.

L'école bourgeoise traditionnelle a remplacé 1' « aristocratie du sang » propre à la société précapitaliste, par ce qu'elle affirme être 1' « aristocratie d u mérite ». L a contradiction subsiste toutefois

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Intégrer éducation, production et recherche : la réforme roumaine

Types d'écoles et d'activités

Type d'école Organisation et contenu

Apport (.input) (recrutement des élèves)

Produit (output) (profession ultérieure) Possibilités

Traditionnel (différencié et opposant école et production)

D e transition (isomorphisme entre école et production, séparées cependant dans l'espace et dans le temps)

N o u v e a u (école intégrée à la production)

Niveaux et filières différenciés et hiérarchiques, sélection fondée sur l'inégalité

Tronc c o m m u n et différenciation, hiérarchie comprise, aux niveaux secondaire et supérieur, par des filières séparées, sans connexion, sélection fondée sur l'inégalité Éducation générale c o m m u n e et obligatoire ; niveaux et filières scolaires fondés sur la spécialisation différenciée, avec le m ê m e statut et les m ê m e s possibilités d'inter-

communication ; sélection fondée sur l'égalité

Recrutement fondé sur des critères de classe ; inégalité des possibilités

Recrutement, faisant suite à l'éducation générale obligatoire, fondé sur le critère des aptitudes naturelles ; inégalité des possibilités

Recrutement au sortir de l'école primaire et secondaire obligatoire, sur des critères d'aptitudes naturelles, l'égalité des possibilités étant assurée

Statuts et rôles basés sur des hiérarchies déterminées par l'appartenance à une classe, avec la reproduction de la structure sociale Statuts et rôles fondés sur la hiérarchie professionnelle et sociale ; mobilité individuelle verticale

Statuts et rôles différenciés d u point de vue de la profession mais socialement homogènes avec une mobilité collective horizontale

Inégalité des chances pour l'entrée à l'école, les possibilités, les résultats et l'affectation

Égalité des chances d'entrée à l'école ; inégalité des possibilités, des résultats et de l'affectation

Égalité des chances pour l'entrée à l'école, les possibilités, les résultats, et l'affectation

entre une prétendue égalité des chances et la persistance d'une iné­galité de fait. D e cette école qui perpétue l'inégalité sociale, nous devons passer à une école vraiment nouvelle. E n inscrivant dans les faits une égalité véritable tant dans l'accès à l'enseignement que dans les possibilités et l'attribution des statuts et des rôles, cette

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Fred Mahler

école nouvelle est appelée à opérer le passage de 1' « aristocratie d u mérite » à une affirmation démocratique des aptitudes, des capa­cités et des valeurs de masse, et à réaliser non seulement la « mobilité individuelle » mais la « mobilité collective »3.

Pour susciter ce changement radical, il est urgent de considérer d'un œil neuf les fonctions de l'école dans l'évolution de la société. Cette approche nouvelle devra reconnaître et garantir pleinement l'aptitude de l'école à jouer son rôle dans la transformation, ce qui entraînera obligatoirement des changements dans le contenu, les structures, l'organisation, les méthodes et les objectifs de l'école.

Un processus révolutionnaire : intégrer l'éducation à la production et à la recherche (IEPR)

L e système éducatif roumain traverse une période de changement structurel dont l'objectif final est d'intégrer dans une unité orga­nique éducation, production et recherche4.

E n fonction des besoins actuels et à long terme du développement de la Roumanie , des mesures sont prises actuellement qui permettront d'améliorer l'organisation et l'orientation de l'éducation à tous les niveaux. L'objectif de ce changement, fondé sur le principe général selon lequel la jeunesse doit être formée et éduquée par et pour le travail, est de faire d u développement des compétences pratiques, de l'activité productive et de la capacité de chercher et découvrir une composante intrinsèque du processus enseignement/apprentissage, en commençant par les tout premiers stades de l'acquisition des connaissances.

A u lieu d'être c o m m e par le passé séparés dans le temps et dans l'espace, l'éducation, le travail et la recherche doivent désormais s'intégrer dans u n tout, et cela ne peut se faire qu'en combinant connaissance et production, théorie et pratique, grâce à la trans­formation des écoles en unités d'apprentissage, de production et de recherche et grâce à des changements radicaux dans les pro­g r a m m e s d'études. Sans perdre pour autant ses caractéristiques éducatives spécifiques (il faudra tenir compte, par exemple, des exigences du processus éducatif réel, de l'âge des élèves, des capa­cités et des intérêts individuels, etc.), l'objectif de l'IEPR est d ' a m é ­liorer la qualité et l'efficacité de l'éducation, de faire en sorte que le milieu scolaire évolue parallèlement à la production, d'accroître les

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Intégrer éducation, production et recherche : la réforme roumaine

compétences et les connaissances pratiques, de stimuler la pensée créatrice, de donner aux jeunes une formation qui leur permette de devenir des participants actifs au processus de développement social.

C o m m e n c é e il y a plusieurs années, la transition vers la structure nouvelle du système éducatif5 a engendré des changements impor­tants dans le contenu de l'organisation du processus d'enseignement et d'apprentissage à tous les niveaux. Mentionnons brièvement au nombre de ces changements : l'intégration de la production dans les programmes scolaires, la spécialisation accrue de l'enseigne­ment secondaire, la modernisation des méthodes d'enseignement et d'apprentissage et la mise en place de nouvelles structures de relations entre enseignants et enseignés dans le souci d'assumer une participation plus directe des élèves de tous les niveaux et des organisations de jeunesse à la vie de l'école, au processus éducatif et à la gestion des différentes institutions.

L ' I E P R peut être regardée c o m m e un processus révolutionnaire puisque ce programme : a) constitue un changement radical dans la nature m ê m e de l'école et du processus productif et, en général, dans l'activité sociale et la structure des relations sociales ; b) englobe le système éducatif dans sa totalité, à commencer par les fonctions sociales et, par là m ê m e , les contenus ; c) perpétue et améliore certaines des caractéristiques générales du système scolaire, en m ê m e temps qu'il marque une rupture dans l'histoire de notre sys­tème éducatif dans la mesure où certaines de ses anciennes carac­téristiques disparaissent et où de nouvelles voient le jour ; cela implique également que l'école joue désormais u n rôle accru dans le changement de la société.

L'intégration du travail dans l'éducation n'a pas pour fin unique de répondre aux besoins économiques, c'est-à-dire d'éviter ou de réduire le chômage dans les pays dotés d'économies de marché, ou bien de réduire l'écart, dans les nations dotées d'économies plani­fiées, entre, d'une part, les aspirations et le degré de formation des jeunes et, d'autre part, les besoins de la société. Ainsi que l'a souligné le rapport de l'Unesco Apprendre à être6, ce souci d'inté­gration doit être considéré c o m m e l'impératif majeur d'une éducation moderne (formelle ou non), capable de satisfaire à ce qu'exigent un développement authentique de la personnalité humaine et une intégration, une participation créatrices à la vie sociale. Toutefois, une approche de ce type, humaniste, radicale et démocratique autant qu'anti-économique et antitechnocratique, exige que soient

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examinées au préalable d'autres possibilités de développement édu­catif à partir des rapports de production existant à l'intérieur d'une société donnée.

L'aspect « input » : accès à l'éducation

A u x termes de la Constitution, tous les citoyens ont droit à l'éducation sans considération d'âge, de sexe, d'origine sociale, de régime éco­nomique ou politique, de religion, de nationalité ou de race. Les progrès de la scolarisation et des activités éducatives extrascolaires, auxquelles l'État et la société dans son ensemble apportent soutien matériel et moral, garantissent ce droit. L a durée de l'enseignement général obligatoire est passée en 1948 de 4 à 7, puis 8 ans ; elle est actuellement de 10 ans et, dans le proche avenir (après 1985), elle sera de 12 ans. Aujourd'hui, en Roumanie , plus de 5 millions de jeunes sont scolarisés, ce qui signifie qu'un habitant sur cinq fréquente une école.

Ceux qui bénéficient de l'enseignement professionnel complémen­taire ou bien suivent des cours d u soir ou par correspondance, au niveau secondaire ou supérieur, représentent un fort pourcentage de la population. Par ailleurs, les cours de formation dans l'entreprise et d'autres formes d'éducation permanente enregistrent un taux élevé de participation.

L'harmonisation croissante des aspirations et des possibilités dans le domaine de l'éducation constitue l'un des indices majeurs d u changement.

Les besoins d'éducation délimitent un niveau précis de connais­sances et de capacités techniques nécessaires à une société parti­culière à u n m o m e n t particulier pour que soient satisfaites : a) les exigences objectives du développement économique et social et de la division du travail au sein de la société ; b) la demande d'éducation (où l'on peut distinguer trois niveaux — aspirations, espoirs et réalisation) ; c) les possibilités d'éducation.

O n peut imaginer plusieurs stades : U n premier stade au cours duquel la demande d'éducation est infé­

rieure aux besoins : c'est généralement le cas dans les pays les moins développés où non seulement les possibilités d'éducation sont très réduites d u fait d u bas niveau de vie et d u m a n q u e d'infrastructure et de personnel enseignant mais où, de plus, les incitations à s'ins­truire par la voie scolaire sont insuffisantes ;

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Intégrer éducation, production et recherche : la réforme roumaine

U n second stade au cours duquel la demande d'éducation correspond aux besoins mais à u n niveau inférieur, les possibilités nécessaires étant absentes : c'est généralement le cas dans les pays en déve­loppement, surtout dans les premières phases de leur évolution ;

U n troisième stade où la demande d'éducation est supérieure aux besoins et aux possibilités d'éducation : c'est généralement le cas des pays parvenus à u n stade plus avancé de développement, lorsque la croissance économique, le progrès scientifique et la montée des aspirations et des espérances se traduisent par une forte demande, supérieure m ê m e aux possibilités et aux besoins objectifs en matière d'éducation ; dans certains pays développés et/ou certaines classes ou couches sociales à l'intérieur de ces pays, on peut déceler la m ê m e contradiction à des moments précis de leur évolution ;

Enfin un quatrième stade propre aux pays développés et surdéve­loppés, où la demande d'éducation peut de nouveau devenir infé­rieure aux besoins, à cause non pas du m a n q u e de possibilités (qui peuvent m ê m e dépasser la demande) mais de la dévaluation des « produits » (outputs) de l'enseignement traditionnel.

Aucune de ces situations, bien sûr, ne peut être désignée c o m m e la meilleure : la situation idéale exigerait une totale correspondance entre ces trois éléments, c'est-à-dire que le niveau de la demande d'éducation soit tel qu'il réponde à la fois au niveau des besoins et à celui des possibilités.

L e système scolaire roumain se trouve actuellement au troisième stade : en raison du rythme rapide du développement économique et culturel, de l'accélération de la mobilité verticale et horizontale, de l'élimination des barrières sociales qui interdisaient l'accès aux écoles à quelque niveau que ce soit, du fait également de la pression exercée par la demande émanant de la classe ouvrière, cela fait maintenant plus de dix ans que la Roumanie est devenue un pays où les aspirations populaires en matière d'éducation ont atteint un niveau élevé. Les aspects positifs de ce phénomène sont, d'une part, une démocratisation authentique et, d'autre part, la possibilité réelle pour de larges secteurs de chaque nouvelle génération de réaliser ces aspirations. D e nombreuses études révèlent : a) que l'école secon­daire est déjà ouverte à tous, quels que soient les couches sociales ou le milieu régional ou culturel ; b) que la majorité des jeunes, qu'ils viennent des milieux intellectuels ou qu'ils soient d'origine ouvrière ou paysanne, aspirent à poursuivre leurs études.

L e système scolaire roumain prévoit un enseignement général obligatoire de dix ans et a mis en place des niveaux de scolarité

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postobligatoires. U n léger décalage subsiste entre le niveau des aspirations, dans ce domaine, et les possibilités réelles de les satis­faire. Inévitablement, ces aspirations nouvelles favorisent la création d'un groupe de jeunes qui échouent aux examens donnant accès à l'université et abandonnent leurs études.

L'hypothèse que nous avançons7 et qui devra faire l'objet de recherches ultérieures se fonde sur la conviction que la dynamique des aspirations dans la société socialiste se caractérise par la dispa­rition graduelle des limites imposées par les relations sociales, tandis que celles qui résultent des possibilités objectives, tant sociales qu'historiques, subsistent encore dans la réalisation des aspirations, à chaque stade.

L a contradiction entre, d'une part, la demande et, d'autre part, les besoins et les possibilités d'éducation offre un exemple typique d'un processus social plus général : d'une part, une société socialiste développée doit assurer à tous u n droit socialement équitable à la réalisation optimale des aspirations ; d'autre part, les possibilités offertes à chaque stade étant objectivement limitées, la contradiction devient inévitable, m ê m e dans ces conditions, entre les aspirations illimitées et les chances objectivement limitées de les réaliser à chaque stade. Après avoir considéré ces limitations objectives, il nous faut, bien sûr, attirer l'attention sur les limitations subjectives, tant potentielles que réelles, dues à l'inégalité culturelle entre jeunes issus de milieux sociaux différents, à certaines erreurs de la politique sociale ou éducative, à l'absence de solutions prospectives quant à l'évolution des aspirations, des besoins et des possibilités, ou encore à une formation inefficace tant au niveau scolaire que professionnel.

D e toute façon, l'IEPR doit assurer une correspondance optimale, dans la phase actuelle du développement social et scolaire de la Roumanie , entre la demande et les besoins d'éducation. Il existe tout u n éventail de solutions dont certaines sont déjà en application et d'autres à l'essai c o m m e , par exemple : l'extension continue de la durée de l'enseignement général obligatoire avec formation égale pour tous ; l'homogénéité de l'organisation et des programmes dont l'objet est de donner à tous les m ê m e s moyens de s'instruire ; la possibilité, pour quiconque a mis fin à ses études, de poursuivre sa formation dans n'importe quelle université (pas d' « impasse ») ; la mise sur pied de programmes sociaux et éducatifs convenant aux écoles des régions rurales, aux agglomérations nouvelles et aux jeunes désavantagés sur le plan social ou culturel ; l'adaptation d u profil de l'école, aux niveaux secondaire et supérieur, aux domaines écono-

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Intégrer éducation, production et recherche : la réforme roumaine

nuques, culturels et sociaux bénéficiant de la plus haute priorité (voir ci-après l'aspect « anti-filières » de l'IEPR).

Naturellement, jusqu'à maintenant, des changements de cette portée ne pouvaient être pleinement réalisés et ne l'ont pas été. E n dehors des limitations objectives qui expliquent certaines des insuffisances de ¥ input (le handicap culturel qui continue d'influencer le profil des élèves), il subsiste u n écart entre besoins, possibilités et demande , spécialement au niveau universitaire. Mais , c o m m e nous le verrons par la suite, outre le fait que les stratégies de l'IEPR visent à réduire les contradictions apparues au niveau input, il est nécessaire de mettre en corrélation les améliorations enregistrées à cet égard avec des transformations appropriées au niveau output, et surtout à celui du processus d'apprentissage et de la socialisation en tant que tels.

L'aspect « output » : accès au monde du travail

Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, le passage d u type « traditionnel » d'école au type « de transition » et au type « nouveau » implique également u n passage, de l'attribution de statuts et de rôles, en fin d'études, en fonction de hiérarchies professionnelles et sociales antagonistes fondées sur des critères de classe, à une affectation des statuts et des rôles sur la base d'une hiérarchie professionnelle et sociale non déterminée par des critères de classe et accompagnée d'une mobilité individuelle verticale, et vers une affectation de statuts et de rôles différenciés quant à la profession mais socialement homogènes, s'accompagnant d'une mobilité collective horizontale et d'une transformation de la structure de la société.

Ces trois dernières décennies, on a p u observer une transformation continue reflétant cette tendance générale et plaçant l'école roumaine à la frontière entre l'école du type « de transition » et l'école « nou­velle » : elle a déjà réussi à obtenir une nouvelle structure à'output éducatif et a c o m m e n c é à passer d'une mobilité individuelle à une mobilité verticale collective. Ces changements fondamentaux peuvent être attribués à l'IEPR, à la transformation de l'école et à des muta ­tions sociales générales. Cependant, l'IEPR n'a pas encore réalisé le changement total qui, dans la perspective d'une société tout à fait homogène , implique obligatoirement l'attribution de statuts et de rôles professionnellement différenciés mais socialement égaux ainsi qu'une mobilité collective horizontale non hiérarchique.

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Fred Mahler

Avant de revenir à l'analyse de l'expérience roumaine dans le domaine de l'éducation, examinons d'abord cette stimulante perspective.

Les auteurs de nombreuses études8 sur la division du travail admettent l'invariabilité à long terme des structures et des rôles hiérarchiques professionnels et sociaux. N o u s proposons u n modèle prospectif différent9, où la diversité des compétences est subordonnée à des changements dans la qualité d u travail et dans la nature des relations sociales et politiques, l'objectif étant de parvenir à l'égalité des statuts sociaux.

N o u s pensons qu'à la suite d u progrès scientifique et technolo­gique réalisé dans le cadre de changements structurels de la société, l'homogénéisation des statuts et des rôles sociaux s'accompagnera d'une diversification continue des statuts et des rôles professionnels.

N o u s admettons la possibilité et la nécessité d'une pluralité de statuts et de rôles professionnels, rendue plus nécessaire encore par l'accentuation de la division d u travail, mais également de leur égalité sociale que seule peut assurer une mobilité horizontale. Par conséquent, on peut inclure au n o m b r e des caractéristiques essen­tielles de ces différents types de statuts et de rôles socialement homogènes : la possibilité de participer au processus de la prise de décision, qui doit être la m ê m e pour tous quels que soient les statuts et les rôles professionnels ; la possibilité d'une véritable mobilité à l'intérieur et en dehors des différents statuts et rôles professionnels ; enfin une modification des critères sur la base des­quels on attribue d u prestige au travail, afin d'aboutir à un critère unique, celui de l'efficacité.

E n dépit de l'activité professionnelle hautement différenciée néces­saire au développement économique futur, le statut social sera h o m o ­généisé de façon à créer u n lien organique entre travail manuel et travail intellectuel, activités simples et complexes, tâches répétitives et novatrices, routinières et créatrices, entre tâches d'exécution et fonction de maîtrise.

L a personnalité de base de cette société à venir sera, croyons-nous, l'intellectuel-ouvrier : il incarnera le type idéal d'un statut social homogène s'exprimant à travers une multitude de personnalités différentes et de statuts divers10, composant une g a m m e très riche de statuts et de rôles professionnels concrets.

M a r x a soutenu qu'il était nécessaire de changer radicalement la nature d u travail, c'est-à-dire non seulement de supprimer l'alié­nation qui découle de l'exploitation, mais également d'enlever au

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Intégrer éducation, production et recherche : la réforme roumaine

travail son caractère de nécessité contraignante, m ê m e sous le masque de l'intérêt ou du devoir, et d'en faire une activité sociale libre, une nécessité intérieure. E n m ê m e temps, il indiquait la voie qui m è n e à une telle transformation : « L a grande industrie... nous oblige à œuvrer, et c'est là une question de vie ou de mort, pour remplacer la monstruosité d'une population ouvrière misérable et disponible, tenue en réserve pour satisfaire les besoins variables d u capital qui l'exploite, par la disponibilité absolue de l ' h o m m e pour les besoins changeants d u travail; à remplacer l'individu partiel, simple véhicule d'une fonction sociale parcellaire, par la personnalité multilatérale développée pour laquelle les différentes fonctions sociales constituent des types d'activités interchangeables11.

E n Roumanie , les changements qui viendront modifier les bases matérielles et technologiques de la société, le développement des forces de production et les mutations qui transformeront en pro­fondeur le contenu intellectuel, technique et scientifique du travail ainsi que la division du travail iront de pair avec une transformation fondamentale de la structure sociale et d u système des classes. L a classe ouvrière continuera de croître en nombre , d'améliorer sa formation politique, scientifique et professionnelle, d'accroître sa participation effective au processus de la prise de décision. D u fait des transformations sociales et de l'extension continue de la formation professionnelle, culturelle et politique, les différences fondamentales entre toutes les classes sociales s'effaceront graduelle­ment, les différents groupes de travailleurs s'unifieront, ce qui constituera un grand pas vers la société sans classe.

A u cours du processus d'approfondissement de la démocratie socia­liste, le rôle de la classe ouvrière et d u peuple tout entier dans la prise de décision ne fera que s'accroître, les différentes formes de la démocratie représentative seront toujours plus étroitement liées à celles de la démocratie directe, la place de l'autogestion populaire dans toutes les sphères d'activité continuera de croître ; ainsi, tous les m e m b r e s de la société, quel que soit leur statut pro­fessionnel et social, pourront-ils accéder au pouvoir dans des propor­tions toujours plus grandes. Simultanément, l'accroissement du revenu national, l'affirmation de nouvelles relations sociales, l 'homo­généisation et le renforcement de la démocratie seront autant de pas vers l'émergence d'un h o m m e libre, créateur, harmonieusement développé — idéal dont la réalisation est l'objectif suprême de l'humanisme révolutionnaire.

Ces perspectives nouvelles, liées à l'évolution future de la division

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d u travail dans le cadre de la révolution scientifique et techno­logique et aussi de l'établissement d'un type nouveau de relations sociales fondé sur l'égalité et la justice sociale, ainsi que d'une homogénéisation de la société, impliquent non seulement la possibilité mais aussi la nécessité d'un nouveau système scolaire.

L'édification d'une société socialiste développée en Roumanie requiert la mobilité d u système éducatif. Cela implique non seulement u n développement considérable (quantitatif) mais également une transformation structurelle (qualitative) : à la pyramide des filières scolaires correspondant à la pyramide des statuts et des rôles sociaux, ordonnée selon une hiérarchie sociale d'activités et de professions, l'IEPR doit substituer une formation générale obligatoire, à la fois théorique et pratique, de toute la jeune génération, combinée avec l'activité professionnelle créatrice, de nature polytechnique.

E n fait, l'IEPR évite toute répartition des élèves par niveaux et filières et donne à tous les jeunes de la m ê m e génération la possi­bilité, non seulement théorique mais garantie concrètement, d'accom­plir la scolarité obligatoire de 10 années et de poursuivre ensuite leurs études ou bien de s'intégrer au m o n d e du travail sur une base égali-taire. Des modifications fondamentales ont été apportées en Roumanie au système scolaire, au niveau de l'enseignement secondaire ; on est passé de la prédominance des écoles théoriques qui se bornaient à préparer leurs élèves à accéder à l'enseignement supérieur, à la prédominance des écoles secondaires professionnelles dont les débou­chés sont l'université ou le m o n d e du travail.

C o m m e la loi sur l'éducation12 le souligne expressément, tous les enseignements obligatoires ont des programmes d'études unifiés et un caractère ouvert ; tout élève a, en fin d'études, la possibilité de les continuer dans des établissements de niveau supérieur. Dans la mesure où il a évité les écoles qui finissent en « impasse » et les filières qui ne débouchent sur « rien », et où il garantit la « perméa­bilité » scolaire, le système éducatif roumain actuel a fait u n impor­tant pas en avant vers une réelle égalisation des statuts à la sortie de l'école. Néanmoins, des études empiriques font apparaître que les objectifs visés n'ont été encore que partiellement atteints : c o m m e dans d'autres pays13, le milieu social, l'éducation donnée initialement au sein de la famille et aux premiers niveaux de la scolarité, les différences qualitatives, parmi les enseignants et les enseignés, entre zones urbaines et rurales, sont autant de facteurs de différenciation engendrant des handicaps culturels et/ou sociaux qui vont à rencontre des buts réellement visés par l'IEPR.

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COLLECTION ED / SDI

L e problème principal reste toutefois le suivant : m ê m e les visées actuelles des réformes scolaires n'éliminent pas complètement l'iné­galité de statut; m ê m e si le capital en argent, en nature ou en influence n'engendre plus de différenciations sociales avec caractéris­tiques de classe ( c o m m e dans les économies de marché), le capital culturel obtenu aux différents niveaux de la scolarité crée des diffé­rences de situation et de statut.

Les écarts qui subsistent entre le modèle idéal et l'état réel de notre système scolaire sont clairement mis en lumière par le schéma ci-après illustrant la différence entre la pyramide des aspirations professionnelles et celle des besoins professionnels. D e s études diachroniques effectuées ces dix dernières années pour assurer le suivi des enseignés, on peut tirer cette conclusion : les aspirations de la jeunesse ont une structure pyramidale opposée à celle des besoins professionnels actuels.

O n a transformé le système scolaire dans sa structure m ê m e afin de modifier la situation précédente où, du fait de la prédo­minance des écoles dispensant u n enseignement théorique sur les écoles professionnelles, de nombreux élèves quittaient l'enseignement obligatoire (école primaire ou lycée) sans avoir jamais reçu aucune formation vraiment propre à leur assurer l'intégration au m o n d e d u travail. L ' I E P R a ainsi réussi à éviter, d'une part, la répartition institutionnalisée (entre les écoles « théoriques » préparant leurs élèves aux études universitaires et les écoles « pratiques » dont l'enseignement est orienté vers le travail productif) et, d'autre part, le problème social que constitue la non-intégration des jeunes au m o n d e du travail par suite d'un m a n q u e de formation professionnelle.

Intellectuels

Personnel technique de niveau m o y e n

Ouvriers

Pyramide des aspirations en matière d'emplois

Pyramide des besoins en matière d'emplois

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E n ce qui concerne la plupart de ceux qui terminent leurs études, l'IEPR donne des résultats positifs, sans comparaison avec ceux de la structure et du programme scolaires précédents : ceux qui quittent l'école parviennent, dans leur grande majorité, à satisfaire leur désir d'accéder à l'enseignement supérieur ou bien choisissent volontiers d'exercer u n métier.

Il reste cependant encore aujourd'hui des aspects négatifs : cer­tains, parmi ceux qui ne parviennent pas à réaliser leur désir d'entrer à l'université au sortir d u lycée, se distinguent par u n certain senti­ment de frustration et, lorsqu'ils entrent dans le m o n d e de la pro­duction, ils ne sont pas profondément motivés et se trouvent par conséquent aux prises avec des difficultés d'adaptation. O n constate m ê m e des phénomènes de non-intégration. L a « sélection négative » pour des activités productives se caractérise par cette absence de motivation mais également par le fait que certains de ces jeunes sont ceux-là m ê m e s dont les résultats scolaires sont insuffisants. C'est là bien sûr un cas limite, qui n'est pas caractéristique des tendances générales qu'on peut observer dans le recrutement des nouveaux venus dans le m o n d e d u travail. Il n'en reste pas moins que toute tentative d'amélioration de notre système scolaire et tout parti­culièrement des méthodes de l'IEPR devra tenir compte de ces insuffisances et s'efforcer d'y remédier. A court terme, cela implique l'amélioration de la formation et de l'orientation professionnelles, un renforcement des liens entre l'école et les unités de production, le progrès de la socialisation par et pour le travail. Mais, dans une perspective à long terme, nous estimons que le changement réelle­ment fondamental et nécessaire consistera à transformer complète­ment les réalités de la production, à éviter la hiérarchie verticale et à promouvoir les structures horizontales.

L'essence de l'IEPR ne peut se réduire à ajouter simplement des activités pratiques au transfert traditionnel des connaissances, ce qu'il faut, c'est transformer radicalement le concept d'éducation en ce qui concerne la fonction de l'école par rapport aux structures sociales fondamentales. L'école a toujours été le principal agent de socialisation. Sa fonction était de donner, selon le type et le niveau d'enseignement, les diverses capacités et les orientations axiologiques correspondant aux statuts et rôles futurs, différenciés et socialement hiérarchisés. E n attribuant hiérarchiquement ces statuts et ces rôles professionnels, l'école a joué le rôle d'agent de reproduction des structures sociales et de la division du travail existantes, et a contribué également à maintenir les différences

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fondamentales ou m ê m e l'opposition entre travail manuel et travail intellectuel. Q u a n d l'IEPR sera pleinement réalisée, l'école conti­nuera d'être l'agent officiel principal de socialisation, mais sa fonction sociale aura subi une modification fondamentale : le système éducatif sera alors en mesure d'engendrer de nouvelles structures sociales et une nouvelle division d u travail, d'ouvrir les perspectives et de définir les orientations qui conduiront à la disparition des différences fondamentales et à l'alliance étroite des activités manuelles et intellectuelles.

Il devient dès lors nécessaire de déterminer les changements indispensables qu'il conviendra d'introduire dans le contenu, les méthodes, les structures et la vocation fonctionnelle d u système scolaire ainsi que dans les rapports école-société, et d'examiner c o m m e n t les différentes fonctions de l'école (socialisation, recru­tement, sélection, attribution de statuts, formation intellectuelle, pratique et morale) devront faire l'objet de réformes de structure afin de permettre à chacun de jouer pleinement son rôle.

La « boîte noire » : le processus de socialisation

C o m m e l'expérience de l'éducation en Roumanie le révèle déjà, l'IEPR déclenche d'importants changements dans les objectifs, le contenu, les méthodes et la structure du système éducatif, ainsi que dans la nature et le rôle de l'école, et tout particulièrement dans ses rapports avec la production et avec la société. Ces chan­gements visent à abolir les différences entre activité manuelle et activité intellectuelle, cette abolition s'intégrant elle-même dans u n processus plus vaste qui verra la suppression de l'opposition et de l'incompatibilité entre tâches routinières et travail créateur, travail répétitif et innovateur, tâches d'exécution et fonction de maîtrise, entre travail dénué et travail doté de signification et de valeur intrinsèque, en u n mot , entre travail aliénant et travail émancipateur.

L'objectif à long terme de l'IEPR est donc l'émergence d'un Homo artifex, intellectuel-ouvrier créateur, ce qu'il faut se garder de confondre avec les tentatives visant à transformer l'ouvrier en pur intellectuel, l'industrie se développant sur des bases scientifiques (conception intellectualiste), pas plus qu'avec celles qui ont pour but de faire de l'intellectuel u n ouvrier (conception « prolétariste »), la science étant en train de devenir une force de production.

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Ä cet effet, il faut faire en sorte que la diversification des capacités professionnelles ne soit pas calquée sur la division traditionnelle d u travail mais tende au contraire à une mutation fondamentale de la qualité et de la division intérieure d u travail. Il faut pour cela favoriser, en premier lieu, l'alliance étroite et la fécondation réciproque d u travail et de l'enseignement.

C'est pourquoi l'IEPR doit mettre en place une structure appro­priée multipliant les possibilités d'acquérir des connaissances théo­riques et pratiques et favorisant en m ê m e temps la socialisation des jeunes dans la perspective des statuts et des rôles qui leur seront attribués et qui correspondront à la diversité professionnelle et à l'homogénéisation sociale caractéristiques de l'intellectuel-ouvrier à venir.

L a socialisation garantit qu'on passera par tous les stades successifs de l'apprentissage, ces stades (élève de l'école primaire, élève de l'école secondaire et étudiant en université) devant assurer la transi­tion entre les statuts et les rôles hérités et ceux qui s'obtiennent par le travail.

L'éducation traditionnelle relie étroitement les statuts et les rôles scolaires et ceux, à venir, d u m o n d e du travail, perpétuant ainsi leur séparation dans le temps et dans l'espace. Dans le nouveau cadre de l'IEPR, la socialisation est radicalement différente : elle implique une transformation fondamentale des statuts et des rôles de l'école de transition qui combinent, désormais à des degrés divers et sous des formes variées, les éléments propres aux statuts et aux rôles dans l'enseignement et ceux qui sont propres aux statuts et aux rôles dans la production.

Cette socialisation nouvelle est révélatrice de l'apparition d'un nouvel isomorphisme entre statuts et rôles de transition et réalisés, dans la mesure où désormais ils ne sont plus séparés mais unis dans le temps et dans l'espace.

Il est clair qu'une telle transformation qui s'opère actuellement dans la réalité complexe de notre système éducatif entraînera néces­sairement des changements dans le contenu m ê m e d u processus de socialisation, et tout particulièrement dans les relations entre l'école et les organisations professionnelles. Il importe néanmoins que le lien entre milieu éducatif et milieu productif ne se réduise pas à l'introduction arbitraire dans les écoles d'éléments appartenant en propre à la production industrielle.

E n fait, m ê m e dans le cadre de l'IEPR, la socialisation ne cherche pas à assimiler le milieu scolaire à celui de la production. Il n'en

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reste pas moins que l'un des problèmes majeurs que pose l'intégration des diplômés dans le m o n d e d u travail et dans la vie sociale en général est celui d'une liaison aussi étroite que possible entre milieux scolaire et productif. C e qu'il faut donc se demander c'est quels sont les traits distinctifs des sous-systèmes que constituent ces deux milieux : contenu de l'activité, caractéristiques des relations inter­personnelles, des normes prescrites et des règles observées, des objectifs et des valeurs, en un m o t leur « habitus »14.

Il semble bien à cet égard que l'essentiel soit d'orienter le pro­cessus global de l'intégration de l'enseignement au m o n d e d u travail de façon à éviter l'aliénation. Car seul le travail technologiquement créateur (où l'innovation l'emporte de plus en plus sur le caractère répétitif des tâches, et l'engagement actif sur la passivité), seul le travail socialement émancipateur (où l'exécution des tâches alterne avec la prise de décision) peuvent être réellement considérés c o m m e enrichissants sur le plan éducatif. C'est sur cette base et sans perdre sa spécificité que l'IEPR doit conduire à la socialisation qui répondra à la fois aux exigences de l'efficacité économique et sociale et à celles de la réalisation personnelle.

Si l'on veut que la socialisation devienne l'instrument réel et efficace de la transformation sociale, elle devra premièrement se poursuivre dans le contexte d u conflit qui oppose normes et valeurs progressistes aux normes et aux valeurs conservatrices et, deuxième­ment — ce qui est très important — acquérir la dimension prospective de la « socialisation anticipative ». L ' I E P R assure nécessairement une « socialisation anticipative », spécifique15, qui conduit non pas à de simples modes d'adaptation et d'intégration passive et mécanique aux réalités sociales existantes mais à l'affirmation pleine et entière de la personnalité créatrice de l'étudiant, laquelle implique initiative et engagement au service du progrès social. L ' I E P R fixe ainsi le cadre d'un type nouveau de socialisation à l'intérieur duquel l'école se trouve mieux en mesure de promouvoir le changement et l'innovation.

E n tant que tel il s'accorde avec le nouveau modèle d u processus d'apprentissage fondé sur l'anticipation et la participation qu'a proposé le Club de R o m e dans son rapport intitulé On ne finit pas d'apprendre1*.

Cette perspective suppose en outre que les jeunes générations s'affirment pleinement en tant que force sociale puissante, grâce à la réalisation de l'unité économique, politique et morale de la jeunesse scolaire et universitaire et de la jeunesse ouvrière. Alors pourra disparaître l'opposition traditionnelle, née de la dichotomie

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école/production, entre la jeunesse, âge où l'on apprend sans travailler, et la maturité, âge où l'on travaille sans apprendre17.

L'abolition de la distinction entre ceux qui apprennent et ne travaillent pas et ceux qui travaillent et n'apprennent pas exige qu'on abatte la cloison étanche entre vie scolaire et vie productive, qui reflète et perpétue la division maître/esclave dans le travail et la société.

L e modèle envisagé d'une école qui conjuguerait apprentissage et activité reprend et développe, sur une base nouvelle et réellement moderne, l'archétype de 1' « initiation » et des « rites de passage », les traditions de l'école antique des cités-États et de l'apprentissage au sein des guildes d u M o y e n A g e , de ce qu'on a appelé 1' « école buissonnière » et 1'Arbeitsschule, les expériences des écoles extra­muros et de 1' « éducation parallèle ». Bien que se situant dans cette lignée, il n'en représente pas moins une innovation. Conforme à la thèse de Lukacs18 sur la téléologie du travail, il tente d'ouvrir une perspective radicalement nouvelle dans le processus éducatif intégré au travail en se fondant sur le rôle nouveau de la production dans l'émancipation sociale du peuple.

L e modèle envisagé implique donc la création d'une école qui conjugue apprentissage et travail et relie l'éducation à l'action et à la découverte, la réitération d u savoir accumulé à la production de connaissances nouvelles. Cette école nouvelle s'inscrit dans une approche humaniste cohérente dont l'objectif est de réaliser la personnalité humaine omnilatérale en supprimant les causes d'alié­nation dont parlait M a r x . O n ne pourra atteindre cet objectif qu'en intégrant de nouveau la connaissance au travail, la culture humaniste à la culture technique et scientifique, dans le cadre de l'émancipation sociale et d u plein accomplissement — multilatéral et plurivalent — de la personnalité humaine.

L a volonté de lier éducation et production, qui est au cœur m ê m e de l'expérience de l'IEPR dans le système scolaire roumain, ne doit pas être regardée c o m m e une fin en soi mais c o m m e le m o y e n de former des personnalités équilibrées, de promouvoir l'intégration active et créatrice de l'individu dans la société et d'établir de nou­velles relations sociales fondées sur le principe de la justice sociale. U n enseignement intégré au travail et u n système scolaire combiné à la production impliquent une théorie et une pratique nouvelles d'apprentissage et d'action sociale.

C'est ainsi que la combinaison des deux principes « apprendre en agissant et agir en apprenant » peut constituer le trait essentiel d'un

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type de praxis qui permette à l 'homme non seulement de se développer en transformant son environnement naturel et social mais encore de transcender, par son développement propre, la réalité qui lui est donnée.

Notes

i. G . M A R T I N O T T I , « Conclusion », dans : A . K L O S K O W S K A et G . M A R T I N O T T I (dir. publ.), Education in a changing society, Londres, Sage Publications, 1977.

2. J. G A L T U N G , « Schooling and future society », Paper no. 7, Oslo, 1974, Education in a changing society, Londres, Sage Publications, 1977.

3. Z . F E R G E , « Some relations between social structure and the school system », The socio­logical review monograph, n° 17, p. 219, Keele University, 1972.

4. Pour se faire une idée générale du système éducatif roumain, consulter les études publiées dans Perspectives, par exemple : J. LrvESCU, « L e développement de l'université en R o u ­manie » (vol. IV, n° 2 , 1974, p. 277-283) ; C . S I M I O N E S C U , « Enseignement, recherche et production en Europe de l'Est » (vol. X , n° 3, 1980, p. 364-371).

5. La scolarité obligatoire est de 10 années (cycle primaire, 4 années, « gymnase », 4 années ; lycée, premier cycle, 2 années). Elle est suivie par le lycée, deuxième cycle (2 années) ou par l'enseignement professionnel (1 année — 1 année et demie) et par l'enseignement supérieur.

6. E . F A U R E et ah, Apprendre à être, Paris, Unesco et Fayard, 1972. 7. F . M A H L E R , « Dimension axiologique dans la sociologie des aspirations », dans :

P. H . C H O M B A R T D E L A U W E (dir. publ.), Transformations de l'environnement, des aspirations et des Valeurs, Paris, Éd . du C N R S , 1976.

8. B . B E R N S T E I N , « Education and production », Sociologie si educatie, Bucarest, Editura didáctica si pedagógica, 1978; R . B O U D O N , L'inégalité des chances, Paris, Armand Colin, 1973 ; F. M A H L E R (dir. publ.), Sociología educatieisi învatamîntului [Sociologie de l'ensei­gnement et de l'éducation], Bucarest, Editura didáctica si pedagógica, 1977.

9. F . M A H L E R , « T h e integrated system of school, work and research. Its impact on the changes in the future occupational and social statuses and roles ». Communication au Congrès mondial de sociologie, Uppsala, 1978.

10. R . L I N T O N , The cultural background of personality, N e w York, 1945; A . K A R D I N E R , The psychological frontiers of society, N e w York, 1945.

U . K . M A R X , Capitalul, vol. I, Cartea I, ed. a IV-a, Bucarest, Editura política, i960. 12. Legea educatiei si invatamintului [Loi sur l'éducation], n° 28/1978, Bucarest, Consiliul

de Stat, Sectorul Buletinului oficial si al publicatiilor legislat ve, 1979. 13. W . A D A M S K I , Social structure versus educational policy: Polish and European perspectives,

Varsovie, 1980 ; P . B O U R D Œ U et J . - C . P A S S E R O N , La reproduction, Paris, Éditions de Minuit, 1970; R . GlROD, Mobilité sociale, Genève etParis, Librairie Droz, 1971 ; A . M E I E R , Sociologie des Bildungswesens, Berlin, Volk und Wisen, 1974 ; N . SUBKIN, « Choix pro­fessionnel des jeunes », Revue française de sociologie, t. IX , n° 1, 1968.

14. P . BouRDiEU, Le sens pratique, p. 28, Paris, Éditions de Minuit, 1980. 15. R . K . M E R T O N , Social theory and social structure, N e w York, T h e Free Press, et Londres,

Collier McMillan Ltd., 1968 ; F. M A H L E R , « Aspirations et créativité sociale », Revue de l'Institut de sociologie (Bruxelles), n° 3/4, 1979.

16. J. BOTKIN, M . E L M A N D J R A et M . M A L I T Z A , On ne finit pas d'apprendre, Rapport au Club de R o m e , Paris, Pergamon Press, 1980.

17. F . M A H L E R , « Youth development: from marginality to commitment », Youth today, Bucarest, Youth Research Centre, 1970 ; F . M A H L E R , « Adolescent's ethics and morals in the 2000 year », dans : John P. H I L L et Franz J. M O N K S (dir. publ.), Adolescence and youth in prospect, Londres, IPC Science and Technology Press, 1977.

18. G . L U K A C S , Ontologie existente! sociale, Bucarest, Editura política, 1975.

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Positions/Controverses

L'influence des organismes d'assistance internationale sur le développement de l'éducation1

Seth Spaulding

Seth Spaulding (États-Unis d'Amérique). Professeur d'éducation, spécialiste des problèmes du développement économique et social à l'Université de Pittsburgh, Pennsylvanie. Ancien haut fonctionnaire de V Unesco. Auteur de nombreux travaux sur le développement de l'éducation dans un contexte international.

Les écrits parus ces dernières années et qui traitent de l'éducation comparée, de l'éducation internationale et de l'éducation pour le développement présentent de nombreux arguments à l'appui de la thèse qui veut que l'éducation soit un reflet de la société et que toute réforme significative en la matière suppose au préalable des change­ments profonds de société. E n m ê m e temps sont exposées les n o m ­breuses tentatives faites pour « démocratiser » l'éducation et pour l'améliorer sur le plan de la quantité, de la qualité et de la pertinence, au moyen de divers programmes, projets et activités, dont un grand nombre sont largement financés par des organisations d'aide bilatérale et multilatérale. E n substance, tandis que nous attendons la révolu­tion sociale idéale dans les divers pays, les professionnels de l'édu­cation continuent à chercher les moyens de l'améliorer à l'intérieur des structures socio-économiques existantes. Certains éducateurs dont les préoccupations sont essentiellement d'ordre opérationnel vont m ê m e jusqu'à poser c o m m e hypothèse qu'une transformation sociale par révolution ou par évolution est inévitable et qu'un enseignement de masse approprié porte en lui-même les germes de cette trans­formation.

Quelles que soient les idées qu'on professe, on ne peut nier que l'éducation connaît une expansion spectaculaire dans tous les pays du tiers m o n d e . Personne ne peut non plus contester le fait que les organismes dispensateurs d'aide ont exercé et exercent encore une influence sur l'orientation prise par cette expansion, tant par les types de programmes auxquels est accordée la priorité que par la manière dont les programmes, une fois adoptés, sont mis en œuvre. Cet infléchissement est donné par les politiques diverses des orga­nismes dispensateurs (qui inspirent la définition des secteurs priori­taires aux fins de l'octroi d'un concours financier et d'une aide) et

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Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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Seth Spaulding

par la manière dont ces organismes gèrent l'assistance technique, les avances de fonds et les autres concours financiers qu'ils accordent lorsqu'ils ont accepté d'aider le gouvernement d'un pays.

L'influence des organismes gouvernementaux et intergouvernementaux

Peu de spécialistes de l'éducation ont essayé de définir le rôle que les institutions dispensatrices d'aide et de moyens de financement jouent, individuellement et collectivement, dans son développement et d'éva­luer l'effet des changements de politique ou de programme de ces organismes2. U n grand nombre de pays du tiers m o n d e sont tribu­taires de l'aide de sources extérieures dans des domaines qui vont de la politique de l'éducation et de la planification générale de l'ensei­gnement jusqu'à des réformes majeures à opérer à différents niveaux de cet enseignement (de type formel ou non formel) ou dans divers composants du système (aménagement des programmes, formation des enseignants, locaux scolaires, éducation communautaire, alpha­bétisation, etc.).

L'influence exercée par les institutions dispensatrices d'aide sur la prise de décisions à l'échelon local est variable. Il existe des cas assez évidents de pays où un ou plusieurs organismes ont exercé pendant certaines périodes une influence décisive sur la formulation d'ensemble de la politique de l'éducation, sur la planification, la programmation et la réalisation des objectifs fixés ; dans d'autres pays, cette influence a porté plus précisément sur les projets ; dans d'autres encore, qui n'ont accepté qu'une assistance extérieure limitée au seul secteur de l'éducation, l'influence directe des institutions dispensatrices d'aide est réduite au m i n i m u m mais leur activité a malgré tout des réper­cussions indirectes car les responsables locaux sont conscients des orientations données par elles ailleurs.

Les buts et les effets de l'intervention des différents organismes d'aide dans tel ou tel pays varient. O n connaît des exemples d'inter­ventions massives destinées à aider u n gouvernement à mener à bien une réforme générale au m o y e n de techniques de participation (en Ethiopie et au Pérou au début des années 1980, en Indonésie à la fin des années i960 et dans les années 1970) ; ces interventions s'accompa­gnaient d'un contenu idéologique sous-jacent dont les responsables gouvernementaux n'étaient peut-être pas toujours parfaitement cons­cients. D'autres interventions ont été axées sur l'utilisation de

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technologies éducatives en vue d'améliorer ou de développer l'édu­cation (celles de divers organismes en Côte-d'Ivoire et de l'AID en El Salvador, l'expérience indienne de programmes télévisés diffusés par satellite, l'enseignement des mathématiques par la radio au Nicaragua, la radio rurale au Guatemala). Dans d'autres cas encore, on a essayé de résoudre les problèmes d'éducation posés par des groupes de population déterminés ou par la nécessité de répondre aux besoins en main-d'œuvre d'un pays (le Programme mondial d'alphabétisation exécuté par l'Unesco à la fin des années i960 et au début des années 1970, l'approche visant à satisfaire les besoins essentiels pré­conisée par l 'OIT, l'Unicef et la Banque mondiale, le soutien accordé par la Banque mondiale au développement de l'enseignement secondaire polyvalent ainsi qu'à celui de l'enseignement secondaire professionnel et technique dans les années i960 et au début des années 1970, les programmes de l'Unicef en faveur des femmes et des jeunes enfants, les programmes d'éducation pour les questions de population financés par le Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population et exécutés par diverses institutions, etc.)3.

Q u e ces interventions soient effectuées uniquement à l'invitation des autorités nationales qui demandent à telle ou telle institution de les aider à atteindre des buts et des objectifs formulés sur un plan local, c'est un peu u n mythe. E n fait, chaque institution a sa politique, en fonction de laquelle sont déterminés les domaines prioritaires dans lesquels on peut faire appel à son concours. Cette politique est plus ou moins nettement définie selon le cas. C'est ainsi que la Banque mondiale a expressément exclu l'octroi d'une aide financière pour des programmes ou projets qui, à son avis, ne contribueraient pas direc­tement à accroître la productivité d'un pays. Dans les années i960, la Banque avait, pour cette raison, refusé de financer des projets qui ne prépareraient pas des ouvriers ou des techniciens à des tâches spécifiques apparaissant c o m m e nécessaires selon un plan national d'utilisation de la main-d'œuvre. Dans les années 1970, elle a élargi ses perspectives à la lumière de la conception nouvelle de la planifica­tion économique qui a maintenant cours et qui met l'accent sur le développement des économies rurales et traditionnelles, et elle finance actuellement un grand nombre de projets qui ne peuvent pas être justifiés par des approches traditionnelles de la planification de l'emploi.

D e m ê m e , depuis le milieu des années i960, la United States Agency for International Development (AID) a accordé une priorité élevée aux projets orientés vers la technologie de l'éducation, vers

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l'éducation non formelle et, récemment, vers l'organisation d'un ensei­gnement de base à l'intention de la « majorité pauvre » des villes et des campagnes. Les origines de cette politique remontent à un rapport4

du directeur de P A I D au Congrès des États-Unis d'Amérique. L'auteur y semblait convaincu du caractère unique de l'action des États-Unis qui visait, par l'utilisation de technologies, à améliorer rapidement et à peu de frais l'enseignement dans le m o n d e , hypothèse dont P A I D continue à essayer de démontrer la valeur mais jusqu'ici sans grand succès. Il suggérait, d'autre part, que les États-Unis appuient la mise en œuvre de nouvelles méthodes, y compris des programmes d'éducation non formelle ne faisant pas appel à l'alpha­bétisation, pour communiquer des informations importantes aux populations rurales et l'utilisation des médias (les enseignants en poste faisant fonction de moniteurs) pour que le cycle complet de cinq ou six années d'enseignement primaire puisse être dispensé dans les écoles rurales, au lieu des deux ou trois premières années seulement (p. 20).

Ces priorités établies par les diverses institutions et d'autres sem­blables sont rapidement connues des responsables chargés d'obtenir l'octroi d'une aide pour soutenir leur système d'éducation. L a pers­pective d'un soutien est extrêmement tentante et, si telle ou telle institution est disposée à financer certains types de projet, il est probable que le gouvernement intéressé aménagera son plan en matière d'éducation de telle sorte qu'il comporte des projets suscep­tibles de bénéficier d'un financement. O n peut m ê m e citer l'exemple récent d'un pays (la Colombie) qui, au début des années 1970, ras­sembla un certain nombre de projets financés par l e P N U D et exécutés par l'Unesco, puis publia les descriptifs des projets en les présentant c o m m e son plan de développement de l'éducation. Ces projets ayant en fait été élaborés au titre d'un m ê m e « programme de pays », dépen­dant d'un m ê m e directeur de programme, et ayant fait l'objet d'un essai de corrélation, on ne peut pas dire que l'opération ait été tota­lement incohérente, bien qu'on puisse se demander si les organismes concernés ont pu tirer un enseignement quelconque de la désinté­gration presque totale de cette série de projets au bout de plusieurs années.

Incohérentes, d'autres expériences Pétaient bel et bien. L'Afgha­nistan en est un exemple. Pendant plusieurs décennies, avant qu'un gouvernement marxiste ne prenne le pouvoir en 1978, l'Afghanistan a suivi une politique de non-alignement qui consistait, dans le secteur de l'éducation, à lancer des projets dans tous les domaines où les

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différents donateurs étrangers étaient prêts à accorder une aide financière. Diverses écoles, divers programmes et projets furent ainsi financés et dirigés par les Allemands, les Français, les Américains, les Soviétiques, l'Unesco, la Banque mondiale et d'autres, sans relations les uns avec les autres. Les élèves devaient par exemple apprendre l'allemand pour suivre les cours des écoles bénéficiant de l'assistance technique des Allemands, le russe pour suivre les cours des établis­sements bénéficiant de l'aide des Soviétiques, etc. L e système qui en résulta était u n assemblage hétéroclite de projets individuels dont u n petit nombre seulement avait un net rapport avec les autres. D ' u n e part, le gouvernement afghan ne disposait pas d u potentiel de plani­fication lui permettant de mettre en place u n système d'enseignement intégré dont certains éléments auraient p u bénéficier d'une aide extérieure ; d'autre part, il estimait que sa politique de non-alignement lui prescrivait de permettre à divers organismes extérieurs de faire ce qu'ils désiraient, aussi longtemps qu'ils fournissaient les fonds.

Tous ceux qui ont l'expérience d u travail sur le terrain peuvent rapporter de multiples anecdotes témoignant des effets complexes que les divers programmes et politiques des différentes institutions dispensatrices d'aide exercent sur le développement de l'éducation dans des pays de toutes les régions d u m o n d e . L a documentation per­tinente est cependant dispersée et reste en général inexploitée dans les archives des institutions intéressées sous la forme de rapports d'experts envoyés sur place et d'études d'évaluation faites par des équipes extérieures mises sur pied par ces institutions. C e n'est qu'occasionnellement que ces effets sont étudiés d'une manière systé­matique par des spécialistes de l'éducation internationale, de l'édu­cation pour le développement et de l'éducation comparée5.

Les politiques des institutions dispensatrices d'aide

Il serait utile d'examiner les politiques des institutions dispensatrices d'aide d'une manière plus structurée que sous la forme anecdotique. Q u e sont, en fait, ces politiques, à la fois dans leur ensemble et dans les domaines particuliers de l'éducation ? Quels sont les arguments avancés par les institutions pour faire connaître aux pays le type de projet qu'elles sont prêtes ou non à financer ? Quels ont été les chan­gements de priorité au fil du temps ? Quel a été le genre d'apport de chaque institution qui a servi à formuler ces politiques ? Qui a

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participé à cette formulation ? Quels sont dans les différentes insti­tutions les processus d'établissement, de révision et de modification de ces politiques et c o m m e n t ces processus influencent-ils e u x - m ê m e s le résultat final ? Ces questions et d'autres semblables devraient inté­resser les professionnels et les responsables politiques qui s'occupent de la répartition des ressources entre les différents organismes gouver­nementaux et intergouvemementaux, ainsi que les spécialistes des ques­tions de politique internationale et de politique étrangère nationale.

Il n'est pas aisé d'apporter une réponse à ces questions. Les diverses institutions multilatérales dispensatrices d'aide englobent un grand nombre d'acteurs qui participent à l'établissement des politiques à différents niveaux et de différentes manières. D e toute évidence, le choix des h o m m e s placés à la tête de chaque organisme influe sur les grandes orientations de sa politique. Lorsque, par exemple, M a c -N a m a r a a pris la direction de la Banque mondiale, la politique de l'organisation fut manifestement réorientée dans le sens de l'octroi de prêts axés plus largement vers des buts sociaux.

Il fut cependant souvent facile au personnel du siège et des services extérieurs, composé surtout de banquiers et d'économistes, d'infléchir à maints égards les nouvelles orientations proposées par M a c N a m a r a grâce au contrôle qu'il exerçait sur les aspects opérationnels du pro­g r a m m e de la Banque. Avec un nouveau directeur de la Banque après le départ de M a c N a m a r a , on peut s'attendre à de nouvelles modifications de la politique générale de cette institution, qui pour­ront avoir des répercussions profondes sur le financement de l'édu­cation dans les pays en développement.

Les organes directeurs et les organes délibérants des diverses organisations exercent naturellement eux aussi une influence sur la politique suivie. Chaque institution a un conseil d'administration qui représente une clientèle déterminée, dont sa politique en matière d'éducation dépend dans une certaine mesure. C'est ainsi que les organes de l'Unesco sont la Conférence générale et le Conseil exécutif, composé essentiellement de ministres de l'éducation. Les ministres des finances sont ceux qui interviennent le plus directement dans les organes de la Banque mondiale. Pendant des années, le per­sonnel médical a été très largement représenté dans ceux de l'Unicef et l'on a constamment assisté à des conflits sur la question de savoir quelles devaient être la part de l'éducation et des services sociaux et celle de la santé dans les activités de cette institution. L e P N U D tend à être administré par les représentants des institutions dispensatrices d'aide des principaux donateurs mais, le nombre des pays m e m b r e s ayant

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augmenté et comprenant actuellement la plupart des pays en déve­loppement, la politique du P N U D reflète dans une mesure croissante les besoins perçus par les représentants de ces pays, qui relèvent généralement des ministères de la planification. Les organismes d'aide bilatérale mènent de leur côté des politiques qui subissent l'influence de l'organe législatif qui les finance, de la hiérarchie politique de l'administration du m o m e n t et du personnel de carrière qui, c o m m e dans tous les autres organismes, cherche à influencer et parfois à dénaturer les intentions du législateur.

Le rôle des organisations non gouvernementales

Les acteurs mentionnés ci-dessus sont ceux qui se manifestent avec le plus d'évidence. Mais, derrière les éléments visibles qui font partie de l'administration et régissent la politique, il existe, autour de chaque institution, qu'elle soit multilatérale ou bilatérale, divers groupes représentant des domaines d'intérêt particuliers. L'Unesco a des relations avec plusieurs douzaines d'organisations non gouverne­mentales ( O N G ) dont certaines, créées et soutenues par elle, lui servent de m o y e n de contact avec sa clientèle spécialisée. O n a u n exemple intéressant d u rôle d'une telle organisation non gouverne­mentale dans celui que l'Association internationale des universités (créée et soutenue par l'Unesco) joue à l'égard de l'Université des Nations Unies ( U N U ) . Lorsque l'Unesco effectuait des études de faisabilité avant la création de l'Université des Nations Unies, l'Asso­ciation internationale des universités, sorte de club des recteurs et des présidents d'université, montra une méfiance certaine envers cette idée — pourquoi ne pas utiliser tous les fonds internationaux disponibles au profit des universités existantes plutôt que d'essayer d'en créer une nouvelle, m ê m e si elle devait avoir une structure et une mission uniques dépassant le cadre des établissements existants ? Mais lorsque l'Université des Nations Unies fut devenue une réalité, l'Association internationale des universités ne tarda pas à s'assurer la haute main sur le conseil d'administration du nouvel organisme, où l'on vit très vite siéger u n grand nombre de ses m e m b r e s les plus actifs. Par la suite l ' U N U perdit en grande partie de vue le but qui lui avait été fixé à l'origine et qui était de faciliter l'établissement de relations directes entre les intellectuels des pays riches et des pays pauvres ; elle est maintenant dominée par des administrateurs d'uni­versité qui l'incitent à aider des instituts de recherche, principalement

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de pays en développement, qui font déjà partie de la famille inter­nationale et bénéficient de nombreux programmes d'aide d'autres sources bilatérales ou multilatérales. Plus récemment, l ' U N U semble s'être fixé pour tâche, conjointement avec le P N U D , de rendre compte des activités des institutions multinationales dans le domaine du développement. C'est là, certes, une entreprise importante, mais qui ne correspond guère au rôle de l'Université des Nations Unies tel qu'il avait été conçu à l'origine et qui devait faire de celle-ci le seul organisme du système des Nations Unies mis au service des intellec­tuels du m o n d e entier, de toutes disciplines et de toutes professions, et administré par eux.

Des organisations non gouvernementales c o m m e le Conseil inter­national pour le développement de l'éducation ( C I D E ) , 1'Academy for Educational Development et des groupes analogues, non seule­ment recherchent des contrats pour l'exécution de programmes d'aide (fourniture de matériel et d'experts, octroi de bourses) dans les pays en développement, mais entreprennent aussi, souvent de leur propre chef, diverses études qui ont pour but d'influencer la politique d'aide. Les études réalisées sous la direction de James Perkins sur l'ensei­gnement supérieur, celles de Philip C o o m b s sur l'éducation non for­melle ainsi que les diverses études de l'Academy for Educational Development sur la technologie de l'éducation en sont des exemples. L'aide de diverses institutions est souvent sollicitée pour ces études (celles de C o o m b s sur l'éducation non formelle ont bénéficié d'une aide de l'Unicef, de l'Unesco, de l'AID et de la Banque mondiale), dont les résultats, présentés généralement sous la forme de publica­tions largement diffusées, influencent les politiques des institutions qui accordent une aide et également les pays en développement, qui voient dans ces études le signe que les institutions sont disposées à soutenir des projets allant dans le sens des recommandations formulées.

L'empressement des diverses institutions dispensatrices d'aide à faire appel à ces organisations est compréhensible. L a plupart d'entre elles ne disposent pas des moyens nécessaires pour effectuer des études de ce type et ont besoin des conseils d'éducateurs compétents et acceptables sur un plan politique. Il est difficile de traiter direc­tement avec des universitaires et avec les bureaucraties des universités dont ils relèvent, et les institutions s'adressent aux organisations dont la vocation spécifique est d'effectuer des travaux sous contrat. O n fait souvent aussi appel à leur concours pour des activités opérationnelles sur le terrain. C'est ainsi que l'Academy for Educational Development

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joue le rôle d'intermédiaire auprès de l'AID pour le recru­tement d'experts et fréquemment pour la gestion de l'ensemble d'un projet.

Les organismes professionnels spécialisés et les universités

Les groupements de professionnels et d'organismes spécialisés jouent également leur rôle. L'American Council on Education a exécuté un grand nombre de projets internationaux, la plupart financés par P A I D , et l'administration fait régulièrement appel à lui pour lui demander conseil sur des questions de développement de l'éducation. L'American Association of Colleges for Teacher Education comporte une branche internationale qui a réalisé diverses études sur la for­mation des enseignants dans le m o n d e et qui a effectué, sous contrat, une évaluation longitudinale de cinq années de l'Institut coréen de développement de l'éducation, organisme qui reçoit de l'AID une aide financière substantielle. L e Conseil international de la prépa­ration à l'enseignement, dont le siège se trouve à l'American Associ­ation of Colleges for Teacher Education, a des activités semblables.

Naturellement, les universités participent à cette action. Celles qui ont des programmes, des centres ou des instituts bénéficiant d'un concours substantiel de l'AID dominent la scène américaine. Parmi elles, l'Université d'État du Michigan a une place de premier plan dans le domaine de l'éducation non formelle grâce à son centre spé­cialisé financé par l'AID ; Stanford vient au premier rang dans le domaine de la technologie de l'éducation grâce à l'appui que l'AID apporte aux activités internationales de son Institute for C o m m u n i ­cations Research ; l'Université du Massachusetts et l'Université d'État de Floride à Tallahassee ont un grand nombre d'activités sur le terrain soutenues par l 'AID, qui portent principalement sur l'édu­cation non formelle et la technologie de l'éducation. Les universités de Pittsburgh, de Chicago, Harvard et de Stanford, notamment, ont des centres d'éducation internationale, d'éducation comparée et d'éducation pour le développement moins dépendants de l'appui de l'AID. Ces centres sont axés généralement sur une formation univer­sitaire supérieure et sur la recherche.

Les universités canadiennes et européennes se distinguent égale­ment par l'existence de centres orientés vers les études internationales qui ont une influence sensible sur les politiques de coopération de leur

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pays en matière d'éducation. L'Ontario Institute for Studies in E d u ­cation de Toronto joue au Canada un rôle de premier plan ; l'Institut d'éducation internationale de l'Université de Stockholm et la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Linköping comptent parmi les institutions suédoises dont l'influence est la plus grande. E n Grande-Bretagne, l'Institute of Education de l'Université de Londres et l'International Development Centre de l'Université du Sussex effectuent un travail considérable, qui influence la politique d'aide du R o y a u m e - U n i . L'Institut d'études sociales de L a Haye et u n grand nombre de centres de recherche en Belgique, dans la République fédérale d'Allemagne et dans d'autres pays effectuent aussi des études et fournissent des services dans le domaine de l'éducation inter­nationale.

L a plupart des différents programmes universitaires d'éducation internationale, d'éducation pour le développement et d'éducation comparée forment u n grand nombre d'étudiants diplômés, ressor­tissants d u pays ou étrangers, et de temps à autre effectuent sous contrat des travaux d'assistance technique et de recherche. L'influence de ces activités de formation et de recherche sur la politique et les programmes des institutions d'aide internationale est cependant plus diffuse et doit être mesurée en fonction du type de diplômés formés et du type d'activités individuelles de consultants et de publications d u personnel enseignant6. Ici encore, il y a relativement peu de per­sonnalités de premier plan et elles forment en général un petit club fermé, les m ê m e s se retrouvant ici ou là dans le circuit international.

Résultats pratiques

T o u s ces réseaux divers et variés exercent une influence plus ou moins marquée sur l'activité pratique des institutions et des organisations bilatérales et multilatérales. Celles-ci démontrent occasionnellement leur capacité de collaborer efficacement (rarement effectivement), mais c'est là l'exception et non la règle.

L e P N U D a un représentant résident dans la plupart des pays qui reçoivent une aide bilatérale ou multilatérale, mais ce représentant se trouve généralement dans une position qui lui permet seulement de réagir et non d'agir. Il est censé travailler avec le ministère de la planification pour définir des buts rationnels de développement et pour déterminer les domaines où une aide est nécessaire. Il s'efforce également d'informer tous les groupes d'aide bilatérale en leur indi-

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quant qui fait quoi et pour qui, afin qu'ils puissent coordonner leurs activités avec une plus grande efficacité. Les institutions multilaté­rales (Unesco, O I T , O M S , etc.) dépendent théoriquement, à leur tour, du représentant résident pour la mise au point du « programme par pays », qui spécifie les domaines où une aide financière sera accordée par le P N U D ainsi que son montant. E n fait, elles m a n œ u ­vrent elles-mêmes avec leur clientèle (les ministères concernés) afin d'essayer d'obtenir la plus grande part possible du travail à effectuer dans le cadre du programme par pays.

Entre-temps, les diverses institutions bilatérales (des États-Unis, de Suède, de France, du R o y a u m e - U n i et d'un grand nombre d'autres pays) traitent directement avec les différents ministères du gouver­nement intéressé, tandis que la Banque mondiale entreprend ses propres études sectorielles (parfois en collaboration avec d'autres institutions multilatérales mais en se réservant entièrement la faculté de décision sur les projets qu'elle soutient).

U n assemblage de programmes et de projets émerge de cette absence de processus coordonné, qui se termine souvent par la créa­tion d'une foule d'équipes d'experts travaillant sous des auspices différents et dont chacune montre au moins une certaine méfiance, sinon une franche hostilité, à l'égard des autres. L e gouvernement du pays bénéficiaire se trouve pris au milieu des divers acteurs en présence, recevant fréquemment des avis contradictoires sur la poli­tique et les programmes à adopter, et il passe souvent une grande partie de son temps à essayer d'isoler les équipes les unes des autres afin de réduire les frictions au m i n i m u m .

L a situation est rendue encore plus complexe par l'existence d'un grand nombre de fonds multilatéraux à vocation spéciale, dont la plu­part s'intéressent au secteur de l'éducation. Viennent au premier rang, pour les activités dans ce secteur, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef) et le Fonds des Nations Unies pour les activités en matière de population ( F N U A P ) . Ces institutions appartenant l'une et l'autre au système des Nations Unies, la coordination est assez satisfaisante avec le représentant résident du P N U D , mais toutes deux ont leur propre représentant dans les différents pays où elles ont des activités et les projets qu'elles financent ne sont pas nécessairement complémentaires des programmes des autres groupes qui accordent une aide financière. D e m ê m e , les différents projets financés par la Banque mondiale, qui bénéficient souvent du concours d'experts de l'Unesco, constituent parfois un empire à eux seuls, la coordination avec d'autres projets réalisés dans le pays étant presque inexistante.

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Les activités de formation des différents programmes d'assistance technique sont de m ê m e gérées de manière distincte dans chaque cas. Q u a n d une institution exécute u n programme échelonné sur plusieurs années dans un pays donné, il arrive que plusieurs douzaines de res­sortissants de ce pays bénéficient de bourses de formation à l'étranger. Tous sont souvent envoyés dans le m ê m e établissement, celui dont relèvent les experts affectés au projet (généralement bilatéral). Ainsi se constitue peu à peu un groupe d'agents locaux qui ont un m o d e de pensée semblable et sont le prolongement de l'établissement dans lequel ils ont été formés. Dans un autre secteur du m ê m e ministère, en revanche, on aura une équipe d'agents formés dans un autre pays, ou encore dans plusieurs pays au titre d'un programme multinational. Les effets de ces différentes politiques de formation et l'influence qu'elles exercent sur le développement de l'éducation dans tel ou tel pays n'ont pas encore été étudiés d'une manière systématique.

Enfin, les diverses institutions qui fournissent une aide exercent une influence sur les pays bénéficiaires par leurs méthodes de contrôle et d'évaluation. Les gouvernements de ces pays se plaignent souvent du temps qu'ils doivent consacrer à établir des rapports et à recevoir des missions d'étude, d'inspection et d'évaluation. Aucune institution n'accepte les informations rassemblées par les autres et chacune a son style, ses besoins et ses séries de rapports d'analyse et d'évaluation7. A leur tour, les gouvernements deviennent des experts dans l'art de dire à chacune ce qu'elle leur paraît souhaiter entendre.

Enfin, quand un gouvernement dit aux institutions pendant suffi­samment longtemps ce qu'elles souhaitent entendre, il arrive que lui-même commence à le croire. D e plus, les missions d'étude et d'évaluation inspirent le respect du fait qu'elles ont le pouvoir de dire aux gouvernements ce qu'ils doivent faire pour continuer à recevoir une aide financière. L'effet cumulé de ces missions et de ces études peut entraîner un dysfonctionnement car elles sont généralement effectuées par des gens de l'extérieur ayant des idées préconçues souvent sans rapport avec la complexité de l'environnement local.

Macro-recherche ou micro-recherche?

Qu'il s'agisse de leur politique générale, de la programmation ou de l'évaluation, les institutions mentionnées ci-dessus ne font naturelle­ment que commencer à couvrir la complexité des divers courants dans ce domaine. Parmi celles qui ont une influence sur le développement

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de l'éducation dans le m o n d e et qui n'ont pas été mentionnées figurent l ' O C D E , avec son Comité d'aide au développement et son Centre pour la recherche et l'innovation dans l'enseignement, P U N I T A R (notamment avec ses études sur la migration des cadres), les diverses organisations régionales c o m m e l'Organisation de l'unité africaine, l'Organisation des États américains, l'Organisation des ministres de l'éducation des pays du Sud-Est asiatique, l'Organisation des États arabes, les banques régionales (pour l'Amérique latine, les États arabes, l'Asie, l'Afrique), 1'Overseas Development Council, le Secré­tariat du Commonwea l th , le British Council, diverses fondations et beaucoup d'autres organisations dans de nombreux pays. C e qui est clair, c'est qu'il existe ce que certains pourraient appeler « un néo­colonialisme des organisations bilatérales et internationales » et d'autres « une saine compétition dans l'échange d'idées » qui, à long terme, sera profitable à tous les intéressés. L a vérité se situe probablement quelque part entre ces deux extrêmes, mais nous ne saurons pas exactement où avant que ne soit étudiée d'une manière approfondie et scientifique l'influence des diverses organisations.

U n e macro-recherche sur les grandes orientations des politiques et des programmes des principales institutions, effectuée à partir des travaux mentionnés ci-dessus d'auteurs c o m m e Phillips, W a r d , H u b e r m a n , Havelock et Arnove, fournirait sans aucun doute des informations utiles. L e tableau est cependant trop complexe pour qu'on puisse en donner une image claire sans une accumulation de micro-études limitées portant sur différents éléments de l'ensemble. Des monographies sur l'influence des politiques et des programmes des diverses institutions dans un pays donné, portant de préférence sur une période de temps suffisamment longue, jetteraient quelque lumière sur le problème. Des études consacrées à telle ou telle organisation, retraçant les origines de sa politique et décrivant la nature générale de ses interventions dans différents pays, seraient également utiles. L'étude d'éléments déterminés du secteur de l'édu­cation (par exemple, les politiques et les programmes de différentes institutions en ce qui concerne l'alphabétisation et l'éducation non formelle, la technologie de l'éducation, la formation des enseignants, la planification de l'éducation, l'enseignement professionnel et tech­nique, etc.) fournirait des données intéressantes. L 'examen des condi­tions de recrutement (pour les postes d'expert) et des programmes de formation des différentes institutions serait très utile.

E n outre, des liaisons d'information devraient être créées, soit officiellement par l'intermédiaire d'organismes professionnels et

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Seth Spaulding

spécialisés, soit officieusement par des contacts personnels, afin que les spécialistes concernés par ces questions puissent échanger leurs vues facilement. Actuellement, par exemple, Phillip W . Jones, professeur à l'Université de Sydney, rédige une étude intitulée Education and national development. The United Nations experience in ASEAN countries, pour laquelle il effectue une enquête sur place afin d'essayer de déterminer l'influence des Nations Unies sur la politique de l'éducation dans cette région8. James S. Coleman, professeur à l'Université de Californie à Los Angeles, étudie l'influence de l'aide financière accordée depuis de nombreuses années par la Fondation Rockefeller à des universités de pays en développement. Roger Dale, maître de conférence de sociologie de l'éducation à l'Open University d'Angleterre, a entrepris des études sur les organisations internatio­nales et leur activité dans le domaine de l'éducation. Ces questions figurent fréquemment à l'ordre du jour des sociétés européennes et américaines d'éducation comparée et devraient être inscrites plus souvent à l'ordre du jour des réunions sur l'éducation organisées dans les pays en développement. Ces activités et d'autres analogues restent cependant généralement relativement isolées et leurs résultats sont la plupart du temps publiés sous des formes qui n'en permettent qu'une diffusion limitée.

Fondamentalement, les pays bénéficiaires d'une assistance et d'une aide financière pour l'éducation sont largement à la merci des poli­tiques et des contraintes opérationnelles des institutions donatrices et d'autres organisations qui participent à cet effort d'aide au dévelop­pement. Il est grand temps que, tant dans les nations riches que dans les nations pauvres, les spécialistes qui se consacrent à l'étude du développement de l'éducation s'engagent également dans l'étude systématique de l'influence que les intermédiaires qui gèrent le processus d'aide et de coopération technique exercent sur les pro­grammes d'éducation (et, finalement, sur la totalité du système socio-économique) des pays bénéficiaires. Dans une communauté mondiale marquée par l'interdépendance, il est indispensable à la survie aussi bien des pays donateurs que des pays bénéficiaires de mieux comprendre la dynamique de la coopération internationale dans le domaine de l'éducation.

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Organismes d'assistance internationale et développement de l'éducation

Notes

i. Cet article est une version révisée d'une communication présentée à la session annuelle de mars 1980 de la Comparative and International Education Society, Vancouver (Canada), 20 mars 1980.

2. Font exception certaines études utiles, en général commanditées par les institutions dis­pensatrices d'aide qui souhaitent comprendre pourquoi leurs politiques n'ont pas eu le succès espéré et savoir comment intensifier leur intervention dans une réforme éducative qu'elles jugent nécessaire. O n peut citer : H . M . P H I L L I P S , Educational cooperation between developed and developing countries, N e w York, Praeger Publishers, 1976, qui fournit une bonne macro-analyse de la coopération multilatérale et bilatérale en matière d'enseigne­ment, au début des années 1970, en présentant plusieurs cas particuliers ; R . G . H A V E L O C K et A . M . H U B E R M A N , Solving educational problems, N e w York Praeger Publishers, 1978, qui analyse plusieurs projets d'assistance technique et propose, à partir de la théorie de l'administration et de la théorie du changement, quelques interprétations des différences de résultat ; certains chapitres de H . M . P H I L L I P S et C . Arnold A N D E R S O N , repris dans Champion W A R D (dir. publ.), Educational and development reconsidered, N e w York, Praeger Publishers, 1974, qui soulèvent certaines questions sur le déploiement de l'aide à l'éducation.

3. Pour donner un exemple récent de documentation explicitant les politiques des institutions et critiquant leurs programmes, on peut citer : Education sector policy paper, Washington, D . C . , Banque mondiale, avril 1980, et les chapitres consacrés aux questions « H u m a n development issues and policies » et « Implementing h u m a n development programs: some practical lessons », dans World development report, 1980, Washington, D . C . , Banque mondiale, 1980. Cf. également le Programme expérimental mondial d'alphabétisation : évaluation critique, N e w York et Paris, P N U D - U n e s c o , 1976, où l'on trouve une étude sur les efforts entrepris par l'Unesco pour résoudre les problèmes de l'analphabétisme dans le m o n d e par la mise en œuvre de onze projets d'alphabétisation fonctionnelle.

4. Daniel P A R K E R , Implementation of new directions in development assistance, Washington, D . C . , U . S . Government Printing Office, 22 juillet 1975.

5. O n trouve cependant d'utiles études de cas dans les ouvrages cités dans les notes 2 et 3 ci-dessus. Cf. également Noel M C G I N N , « Educational planning as a political process: two case studies from Latin America », Comparative education review, vol. 23, n° 2 , juin 1979, qui fait ressortir l'inutilité relative des divers systèmes de planification introduits par les institutions d'aide internationale dans les pays d'Amérique latine.

6. Il ne faut pas sous-estimer l'influence des études de troisième cycle entreprises par les étudiants étrangers sur leur système scolaire et universitaire d'origine. Kenneth T H O M P S O N , de la Fondation Rockefeller, cité par Robert S. A R N O V E , aurait déclaré que « 66 % de tous les universitaires d'Afrique orientale ont été boursiers de la Fondation Rockefeller ou titulaires de chaires créées avec un financement Rockefeller... » (« Comparative education and world systems analysis », Comparative education review, vol. 24, n° 1, février 1980, p. 56). Pour une revue générale des travaux de recherche sur les conséquences, pour les étudiants étrangers, de leur séjour à l'extérieur, se reporter à Seth S P A U L D I N G et Michael F L A C K , The world's students in the United States. A review and evaluation of research on foreign students, N e w York, Praeger Publishers, 1976.

7. Voir, par exemple, le rapport P N U D - U n e s c o , Joint evaluation of educational innovation and reform projects, N e w Y o r k , P N U D , D P I R . 11, 26e session du Conseil d'administration (Point 6 de l'ordre du jour), 20 avril 1979 ; selon ce rapport, les fonctionnaires nationaux trouvent mal adaptés aux circonstances locales les critères d'évaluation proposés, privi­légient l'approche systémique en excluant les autres modes d'analyse, n'analysent pas les résultats inattendus, etc. (p. 41 et 42).

S. J O N E S étudie également l'évolution des politiques et programmes d'alphabétisation de l'Unesco et les éléments qui les ont déterminés dans sa thèse de doctorat, non publiée, intitulée Literacy education for national development in the program of Unesco, 1946-1974, Université de Sydney (Australie), 1974.

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Pièces pour un dossier

L'éducation des enfants et des jeunes handicapés

A la mémoire de Nils-Ivar Sundberg

Responsable du Programme de Véducation spéciale depuis sa création, à V Unesco, Nils-Ivar Sundberg (Suède) est mort le 4 novembre, à Torremolinos (Espagne), pendant la Conférence mondiale sur les actions et les stratégies pour l'éducation, la prévention et l'intégration organisée dans le cadre de l'Année internationale des personnes handicapées.

Rendant hommage à la mémoire d'un homme dont la vie professionnelle a été exclusivement dévouée aux handicapés, la Conférence mondiale de Torremolinos, que M . Sundberg avait lui-même soigneusement préparée, a donné à la Déclaration finale qu'elle a adoptée à l'unanimité le titre de « Déclaration Sundberg».

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Karl-Gustaf Stukát

Aspects économiques de l'éducation spéciale*

C e sont des considérations humanitaires plus qu'économiques qui président aux programmes d'éducation spéciale en faveur des enfants et des adolescents handicapés. Plus que toute espé­rance de profit économique, c'est avant tout le principe de l'égalité des chances et du droit de chacun à l'épanouissement de sa personnalité qui sous-tend les activités dans ce domaine. C e serait pourtant une erreur de dire qu'il faut tenir les considérations économiques pour étrangères ou contraires à ce type d'éducation. Il faut, au contraire, voir dans l'analyse économique un moyen d'améliorer la situation des handicapés.

Les ressources qui peuvent être consacrées à l'éducation spéciale étant toujours limitées, il faut établir un ordre de priorité et s'y tenir : cela pose des problèmes non seulement dans les pays disposant d'un ensemble bien organisé de programmes spéciaux pour handicapés, mais plus encore dans ceux où des programmes de cette nature sont encore à l'étude. C'est pour­quoi l'analyse économique peut fournir des renseignements qui aideront à déterminer la meilleure façon d'utiliser les ressources dis­ponibles.

Karl-Gustaf Stukát (Suède). Professeur d'éducation spéciale à V Université de Gothenburg. Auteur de : T h e present situation and trends in the field of special edu­cation in Sweden and other Scandinavian countries,* Special education in the Hashemite K i n g d o m of Jordan,- Aspects économiques de l'éducation spéciale.

L'analyse économique — il faut le souligner — permet de connaître non seulement le coût de l'éducation spéciale, mais aussi les avantages à en tirer. Cela a d'importantes incidences sur le plan social : dans la mesure, en effet, où l'on peut démontrer que, tout en améliorant le bien-être de l'individu, l'éducation spéciale est géné­ratrice d'avantages économiques — et les études qui figurent dans la publication de l'Unesco le donnent nettement à penser — il n'est pas dou­teux que la société se montrera plus disposée à investir dans ces programmes.

E n apportant la preuve que l'éducation spé­ciale est économiquement utile, on modifiera également les attitudes à l'égard de ce problème. O n peut s'attendre que l'opinion, une fois in­formée des avantages que l'éducation spéciale présentera probablement pour les handicapés quant à l'autonomie et aux possibilités d'emploi, ainsi que des dépenses que la société doit consentir pour ce faire, se montrera mieux dis­posée à l'égard de l'éducation spéciale, en m ê m e temps que s'affirmera la tendance actuelle à

* L e présent article se fonde sur une publication de l'Unesco, Aspects économiques de l'éducation spéciale (1978), dans laquelle trois des auteurs (F. K A B E L E , de Tchécoslovaquie, P . H Y M A N , de Nouvelle-Zélande, et D . B R A D D O C K , des États-Unis d'Amérique) effectuent une analyse économique de l'éducation spéciale dans leurs pays respectifs et dont j'ai rédigé les chapitres d'introduction et de conclusion. O n trouvera ici un résumé des principales conclusions de l'ouvrage de l'Unesco, ainsi que quelques observations sur les besoins de recherche futurs.

Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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Karl-Gustaf Stukát

« normaliser » les handicaps. C o m m e l'individu est le reflet des attitudes de la société, cette évo­lution ne sera pas sans effets sur les handicapés eux-mêmes et sur leurs familles.

Analyse de coût/avantages

C o m m e on a eu fréquemment recours dans les études à l'analyse de coût/avantages, nous en donnerons ci-après u n aperçu non technique.

Pour évaluer l'efficacité de telle ou telle mesure, on compare ses avantages à son coût. U n programme d'éducation spéciale comporte des postes de dépenses qui sont liés, par exem­ple, à la rémunération des maîtres et autres personnels, aux locaux et au matériel, dépenses auxquelles il faut souvent en ajouter d'autres — soins médicaux, transports, etc. Pour les en­fants les plus gravement handicapés, il faut aussi tenir compte du coût élevé de leur placement dans u n établissement spécialisé. Les avantages sont représentés le plus souvent par l'augmenta­tion des recettes, sous ses différents aspects : récupération, au m o y e n de l'impôt, des sommes dépensées, réduction des frais de prise en charge et réduction ou suppression de certaines dépenses.

L'analyse ne tient pas compte de tous les coûts ni de tous les avantages. Il existe en parti­culier de nombreux avantages qui, n'étant pas tangibles, ne peuvent pas s'exprimer facilement en termes économiques. C'est pourquoi il ne faut voir dans cette analyse qu'une source d'in­formations qu'on devra nécessairement c o m ­pléter par d'autres au m o m e n t de prendre une décision définitive.

L'analyse de coût/avantages peut avoir pour objet de recueillir des informations qui aident à décider si tel ou tel programme d'éducation spé­ciale mérite d'être institué. Elle peut aussi per­mettre de comparer différents programmes. Jusqu'à maintenant, la plupart des analyses effectuées se sont limitées au premier objectif. L e second type d'analyse — analyse dite de

coût/efficacité — sera probablement utilisé plus souvent dans les années à venir.

Il existe différents indices du rapport entre le coût et les avantages : l'avantage net, c'est-à-dire la différence entre l'avantage total et le coût total ; le ratio coût/avantages, c'est-à-dire la valeur actualisée de l'avantage par unité de coût (on l'obtient en divisant la valeur actualisée de l'avantage par celle du coût) ; le taux interne de rendement, c'est-à-dire le rendement annuel m o y e n , en pourcentage, par unité de coût, ou le taux d'actualisation qui permet d'exprimer l'éga­lité entre la valeur actualisée de l'avantage futur et la valeur actuelle du coût ; la période de rem­boursement, c'est-à-dire le temps nécessaire pour que la valeur actualisée cumulée de l'avan­tage dépasse la valeur actualisée du coût.

Pour certaines utilisations, ces indices sont pratiquement équivalents. Lorsqu'on cherche, par exemple, à savoir si un programme d'édu­cation ou de rééducation spéciale est économi­quement valable, la réponse qu'ils donnent est la m ê m e , bien qu'exprimée différemment. L'avan­tage total net et le rapport coût/avantages nous montrent directement si l'avantage net dépasse le coût. L e taux interne de rendement permet de savoir si le taux de rendement est supérieur au taux d'actualisation. L a période de rembourse­ment donne une mesure de temps qui peut être utilisée à des fins d'évaluation. Si, toutefois, le but est d'établir un classement entre divers pro­grammes « possibles », le problème est plus compliqué et exige une étude complexe (Conley,

1971). U n e analyse de coût/avantages oblige géné­

ralement à poser plusieurs hypothèses. L 'une d'elles concerne le taux d'actualisation qui sert à déterminer la valeur actualisée d'avantages fu­turs : le taux d'actualisation pris pour hypo­thèse peut être par exemple de 5, 8 ou 12 %. U n e deuxième a trait à la proportion relative des avantages imputables au programme d'éduca­tion spéciale, qui peut être, par exemple, de 50 %. U n e troisième — très importante pour les résultats de l'analyse — est celle qui concerne le

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Aspects économiques de l'éducation spéciale

point de savoir si c'est le coût total du pro­g r a m m e d'éducation spéciale qu'il faut prendre en considération, ou seulement le surcroît de coût, c'est-à-dire le coût qui s'ajoute à celui de l'éducation ordinaire.

L'éducation spéciale mène-t-elle à l'indépendance?

Par indépendance on entend une autonomie en divers domaines : logement ou héberge­ment, éducation et emploi. L a plupart des étu­des économiques réalisées ont été axées sur l'emploi. C o m m e le souligne plus particulière­ment Kábele, la réponse à la question ci-dessus dépend de la nature et du degré du handicap. Les données présentées dans les trois études permettent de tirer certaines conclusions provi­soires. Braddock se réfère à des enquêtes concer­nant la réussite professionnelle des déficients mentaux légers. L a conclusion c o m m u n e de ces études est qu' « une proportion étonnante de déficients mentaux adultes réussissent sur le plan professionnel ». Pour les États-Unis d ' A m é ­rique, cette conclusion se fonde sur les chiffres suivants : 75 à 90 % d'entre eux sont totalement autonomes ; 87 % ont une activité profession­nelle ; on estime que leur revenu atteint 85 à 90 % du revenu m o y e n . Dans l'étude consacrée à la Tchécoslovaquie, on trouve des chiffres à peu près analogues, voire un peu plus élevés : 95 % des diplômés d'une école spéciale pour déficients mentaux ont une activité profes­sionnelle.

Les résultats sont moins favorables en ce qui concerne les handicaps plus sévères. Les études auxquelles se réfère Braddock montrent qu'une forte proportion de déficients mentaux sévè­rement atteints n'ont absolument aucun revenu et que, pour ceux qui en ont u n , le salaire est très inférieur à celui du travailleur moyen . Cependant, la plupart des individus entrant dans cette catégorie sont à m ê m e de parvenir à d'autres formes d'indépendance que l'indépen­

dance financière. A cet égard, l'expérience néo-zélandaise citée par H y m a n est sans doute représentative d'une tendance quasi universelle. O n estime qu'une proportion substantielle de déficients mentaux soignés dans les établisse­ments psychiatriques ou pédopsychiatriques pourraient être soignés au sein de la collectivité ou placés dans des foyers spéciaux. Dans leur majorité, les sujets transférés dans ces foyers ont été jugés aptes à exercer un emploi normal ou protégé, ou encore à travailler en atelier. Cette tendance à traiter les déficients mentaux de manière plus normale et plus active, m ê m e dans le cas de sujets modérément ou sévèrement at­teints, se remarque particulièrement dans les pays Scandinaves, où l'expérience a, en règle générale, été couronnée de succès (Brusén et Placht, 1974).

L'expérience néo-zélandaise dans le domaine de l'éducation spéciale des déficients visuels a également donné des résultats positifs. C e type d'éducation est très onéreux si on le compare à celui des enfants normaux, mais il est extrême­ment rentable. O n estime de 70 à 90 % la pro­portion des déficients visuels néo-zélandais ca­pables de travailler qui exercent une activité professionnelle, et cela dans une g a m m e très étendue de métiers qui nécessitent une éduca­tion supérieure ou secondaire et dont u n grand nombre sont assortis de salaires supérieurs à la moyenne. C'est également ce qui ressort de l'étude tchécoslovaque : la g a m m e des activités exercées est très large et la proportion des déficients visuels titulaires de diplômes univer­sitaires est loin d'être négligeable. O n remar­quera à cet égard que les points de vue de H y m a n et de Kábele sur la possibilité d ' e m ­ployer les déficients visuels diffèrent quelque peu. Pour H y m a n , ces derniers sont capables de mener une existence plus indépendante que la plupart des handicapés des autres catégories, tandis que pour Kábele ce sont les jeunes défi­cients auditifs et les jeunes déficients mentaux qui ont le plus de chances de trouver u n emploi alors que les jeunes déficients visuels, handicapés

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Karl-Gustaf Stukát

physiques ou malades, ou encore ceux qui se situent à u n m o d e sévère d'arriération mentale trouvent plus difficilement à s'employer. Cette apparente divergence de vues peut tenir à plusieurs raisons, l'une d'elles semblant être que de nombreux facteurs sont liés à la nature m ê m e du handicap et déterminent le degré d'indépendance que l'individu peut finalement atteindre.

Les renseignements fournis sur les autres catégories de handicapés sont dans l'ensemble analogues à ceux qui concernent les déficients mentaux et les déficients visuels. L'étude tchéco­slovaque signale que 95 % des jeunes dont l'aptitude au travail a changé ont trouvé un emploi ; 83 % des diplômés d'une école pour handicapés physiques ont obtenu u n emploi, tandis que 17 % sont suivis dans des établisse­ments d'aide sociale. Braddock cite une enquête sur les jeunes déficients auditifs, déficients vi­suels et handicapés physiques : la plupart ont réussi à s'adapter à des activités non spécialisées ou semi-spécialisées et Braddock estime à ce sujet que l'éducation spéciale pourrait être plus rentable si la formation à des activités spécia­lisées était liée à des possibilités d'emploi bien précises. H y m a n établit que, selon la Rehabili­tation League de Nouvelle-Zélande, la moitié environ des handicapés, toutes catégories con­fondues, avaient trouvé, au cours d'une période de deux ans, soit u n emploi normal, soit un emploi protégé. Environ 20 % d'entre eux n'avaient jamais travaillé auparavant et 40 % étaient restés sans emploi pendant plus de six mois. Leur revenu représentait 70 % du revenu national m o y e n . Ces chiffres, bien que favo­rables, peuvent donner à penser que les handi­capés non atteints de troubles cognitifs réus­sissent professionnellement moins bien que les déficients mentaux. E n revanche, Braddock pense que le revenu des sujets atteints de défi­cience auditive ou visuelle, ou d'un autre handi­cap physique, est égal, voire légèrement supé­rieur, au revenu proche de la moyenne des déficients mentaux exerçant une activité pro­

fessionnelle. Il semble donc que rien ne nous permette d'affirmer que les handicapés entrant dans telle ou telle catégorie ont plus de possi­bilités d'être employés ou peuvent parvenir à une plus grande indépendance que les handi­capés entrant dans telle ou telle autre.

Toutefois, pour ce qui est des jeunes handi­capés dans leur ensemble, on est sans doute en droit de conclure que la grande majorité d'entre eux (80 à 90 %) parviennent à l'indépendance en exerçant une activité professionnelle leur assurant des revenus presque égaux ou légè­rement inférieurs à la moyenne. U n e proportion plus limitée de ces jeunes qui n'exercent aucune activité professionnelle parviennent néanmoins à d'autres formes d'indépendance après place­ment dans des ateliers ou dans le cadre de vie habituel. U n e proportion plus faible encore restent plus ou moins totalement dépendants ou sont placés dans des établissements spécialisés. Il convient toutefois de souligner que la situa­tion des handicapés n'est pas statique. L a ten­dance des dix dernières années a été de placer les handicapés dans des conditions de vie active et normale, et cette attitude a radicalement modifié leur sort dans la plupart des pays. O n a très nettement l'impression en lisant les trois études que le mouvement se poursuit et qu'il augmentera les possibilités pour les jeunes handicapés d'accéder à l'autonomie.

Coût du traitement à vie d'un handicapé

Les éléments dont nous disposons ne nous per­mettent pas d'apporter une réponse précise à cette question, mais nous pouvons nous faire une idée de l'ordre de grandeur du coût en question. Les soins en établissement spécialisé pour déficients mentaux sont extrêmement oné­reux : les estimations faites récemment aux États-Unis d'Amérique en situent le coût annuel à environ 10 000 dollars par personne, soit u n demi-million de dollars pour toute une vie.

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Aspects économiques de l'éducation spéciale

Parmi les sujets dont le cas a été étudié dans le cadre de cette enquête, 25 % sont atteints d'ar­riération mentale légère ou modérée et pour­raient sans doute vivre hors d'un établissement. L e coût du traitement à vie mentionné dans l'analyse de coût/avantages citée par Braddock s'élève à 600 000 - 700 000 dollars. Les autres études ne fournissent aucune donnée c o m p a ­rable. L e coût indiqué dans les études consa­crées à la Tchécoslovaquie et à la Nouvelle-Zélande porte sur les pensions et les allocations. E n gros, la dépense qu'entraîne le traitement à vie d'un invalide à 100 % serait de l'ordre de 100 000 dollars.

A l'heure actuelle, les spécialistes s'interro­gent sur le coût du placement en établissement spécialisé par rapport aux autres formes de soin. Se référant à des études consacrées à la situation au R o y a u m e - U n i , H y m a n prétend que le traitement à domicile, avec l'aide d'un spécialiste, coûte moins cher que l'hospitali­sation. Toujours selon H y m a n , le placement en foyers collectifs serait moins onéreux que l'hos­pitalisation. Dans l'analyse qu'il fait à ce sujet, Braddock fournit des éléments qui plaident à la fois pour et contre l'avantage économique du foyer collectif par rapport à l'établissement spécialisé : l'économie pourrait être d'environ 70 000 dollars sur toute une vie mais, d'après une autre étude, il ne serait possible de réaliser des économies substantielles en retirant le handicapé d'un établissement spécialisé qu'à condition qu'il puisse vivre à domicile. L a situa­tion se complique encore du fait qu'il existe de très grandes differences entre les dépenses affé­rentes aux handicapés non placés en établisse­ment, le rapport allant de 1,5 à 11,9.

E n ce qui concerne le choix entre le traite­ment en foyer collectif et le placement en éta­blissement spécialisé, on peut conclure — très provisoirement — que, pour autant qu'on le sache actuellement, l'établissement spécialisé est, dans la plupart des cas, la solution la plus onéreuse. Avant de se prononcer définitivement, il faut évidemment prendre d'autres éléments de

soins en considération et, en particulier, ce qui peut donner au handicapé la possibilité de par­venir à l'autonomie. O n est de plus en plus convaincu à l'heure actuelle que d'autres for­mules que le placement en établissement spé­cialisé lui offrent les conditions les meilleures d'atteindre cet objectif.

Coût de l'aide fournie aux handicapés et de leur éducation

L e mieux est de comparer ce coût à celui de l'éducation des sujets normaux. Les postes de dépenses qu'entraîne l'éducation spéciale con­cernent principalement le personnel, l'équipe­ment, les locaux, les transports et les frais spéciaux de rééducation et de formation. Les seules données dont on dispose actuellement portent sur les salaires du personnel et sur les dépenses globales. L'étude concernant la Nouvelle-Zélande indique que le nombre d'élè­ves par enseignant est nettement moins élevé dans le cas de l'éducation spéciale : 14 élèves, contre 18 à 26 dans le cas de l'éducation nor­male, soit u n rapport de 1,5 à 2,3. L e coût par élève est donc légèrement plus élevé, d'autant que les enseignants de cette branche ont droit à une prime de spécialisation. L e coût de l'édu­cation spéciale serait donc de 1,65 fois celui de l'éducation normale, soit, en chiffres absolus, une dépense relativement modeste, si l'on tient compte de ce que l'éducation spéciale représente 10 millions de dollars sur u n budget total de l'éducation de 530 millions de dollars. L a Nouvelle-Zélande dépense par an 721 dollars pour un enfant élevé dans u n établissement d'éducation spéciale, contre 438 dollars pour un enfant éduqué en classe normale.

Les différences de coût sont particulièrement sensibles dans les études consacrées à la Tchécoslovaquie et aux États-Unis. Kábele montre, par exemple, que le coût par élève dans un établissement spécialisé dans l'éducation des jeunes handicapés physiques est sept fois plus

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Karl-Gustaf Stukát

élevé que le coût de l'éducation dans une école pour déficients mentaux. Braddock récapitule des chiffres qui montrent que la différence est fonction non seulement de la nature mais aussi du degré du handicap. C o m m e le souligne l'auteur, le coût de l'éducation spéciale des handicapés de la parole est en moyenne infé­rieur à celui de l'éducation dispensée aux autres catégories de handicapés. Mais il y a des excep­tions. Dans l'étude consacrée au Texas, l'indice de coût dans le cas des handicapés de la parole compte parmi les plus élevés de tous. Les indices donnés dans les études sur les États-Unis (équi­valant à des rapports de coûts, le coût de l'éducation normale étant pris c o m m e dénomi­nateur) sont légèrement plus élevés que l'indice néo-zélandais (1,65). Si l'on considère ce que représente, sur le plan économique, m ê m e pour une seule personne handicapée, le fait d'être autonome, la dépense supplémentaire que représente l'éducation spéciale apparaît très modeste.

L'aide de la collectivité et les avantages en retour

Poser cette question revient à poser celle de la rentabilité. L'étude sur la Tchécoslovaquie ré­pond que l'on considère qu'au bout de vingt ans d'activité professionnelle, la contribution d'un handicapé réadapté, formé et employé est neuf fois supérieure au coût de son traitement et de sa rééducation. Les analyses de rentabilité faites en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis par­viennent à des conclusions assez semblables.

D'après la Rehabilitation League (Nouvelle-Zélande), m ê m e dans les hypothèses les plus pessimistes — c'est-à-dire dix années d'activité professionnelle, une augmentation nulle du re­venu réel, l'utilisation d'un taux d'actualisation de 10 %, et 40 % des revenus imputables au programme — on obtient une valeur nette actuelle de 4 657 dollars par handicapé. Dans l'analyse concernant les déficients visuels, pres­

que toutes les valeurs nettes actuelles sont positives. L'auteur précise que les résultats dé­pendent dans une très large mesure des hypo­thèses mais conclut néanmoins que l'éducation de cette catégorie de handicapés est rentable. Cela est confirmé par le fait que les résultats ont également été très satisfaisants dans le cas des adultes aveugles réadaptés.

D e m ê m e , l'analyse américaine sur le rapport coût/avantages pour les différentes catégories de handicapés, bien qu'elle puisse être faussée si les données de départ sont erronées, montre tou­tefois que l'éducation spéciale est à long terme très rentable pour la plupart des catégories de handicapés, à l'exception, c o m m e il a déjà été indiqué, des sujets les plus sévèrement atteints.

Les études actuelles permettent donc de tirer une conclusion qui, pour être brève, nous sem­ble néanmoins raisonnable : économiquement parlant, l'éducation spéciale et la rééducation sont rentables. O n objectera que ces études re­posent sur des hypothèses trop incertaines. Mais les hypothèses utilisées ne sont pas toutes iden­tiques et les résultats sont pourtant semblables. Les résultats de ces études justifient donc l'adop­tion d'une politique éducative qui tienne plei­nement compte des avantages économiques que l'éducation spéciale peut offrir.

Questions ouvertes

L'économie de l'éducation constitue un do­maine de recherche de plus en plus important mais, jusqu'ici, la part des recherches consa­crées dans ce domaine à l'éducation spéciale a été très faible. O n détecte cependant des signes encourageants de progrès, c o m m e par exemple le récent ouvrage Economies of disability (1981), publié sous la direction de H a m m e r m a n et Maikowski.

Les éléments qu'a permis de réunir jusqu'à maintenant l'analyse économique de l'éducation spéciale conduisent à préconiser pour l'avenir u n certain nombre de mesures sur le plan de la

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Aspects économiques de l'éducation spéciale

recherche, s'agissant de sa méthodologie c o m m e de son orientation.

D u point de vue méthodologique, ce qui semble le plus nécessaire, ce n'est pas tant l'adoption de techniques d'analyse plus affinées que celle de méthodes permettant d'obtenir plus sûrement des données de base appropriées et l'utilisation de stratégies différentes.

Les analyses économiques se caractérisent par le fait qu'elles reposent trop souvent sur des hypothèses incertaines à cause du m a n q u e de données fiables, tant pour ce qui est des coûts que pour ce qui est des avantages. Il faudrait donc établir des comptes systématiques des coûts et des avantages de l'éducation spéciale, de la manière décrite par Galloway. Cet auteur présente u n système de rapports financiers et statistiques uniformes, utilisables par les collec­tivités locales et les services d'aide sociale pu­blics et bénévoles. O n notera qu'un tel système a déjà été utilisé par une organisation internatio­nale bénévole.

L a méthode d'analyse économique la plus fréquemment utilisée dans le cas de l'éducation spéciale et de la rééducation consiste à calculer un indice de rentabilité et à attribuer la totalité ou une partie des résultats au programme spé­cial. Dans son principe, cette méthode s'inspire de la méthode expérimentale pour comparer les groupes sous traitement et les groupes hors traitement, encore que, dans le cas de ce second groupe, il s'agisse plus d'une estimation que d'une donnée d'expérience effective. Cette m é ­thode se justifie sans doute lorsque le but qu'on recherche avant tout est de savoir s'il est inté­ressant ou non de mettre sur pied u n programme spécial. Mais il est probable qu'on s'intéressera surtout à l'avenir à comparer l'efficacité de différentes approches en matière d'éducation spéciale. Il est également extrêmement probable que les spécialistes s'interrogeront de plus en plus sur la question de savoir, par exemple, c o m m e n t la nature et le degré du handicap, l'âge et les caractéristiques sociales d u sujet, etc., influent sur tel ou tel programme éducatif. Il

faudra également utiliser des modèles de re­cherche pour permettre des comparaisons et déterminer les interactions entre les diverses solutions.

E n ce qui concerne la politique de recherche, il semble urgent de la placer sous un angle cultu­rel beaucoup plus large. L a plupart des recher­ches effectuées jusqu'à maintenant l'ont été dans des pays hautement industrialisés. Cer­taines analyses économiques de programmes de rééducation ont été conduites dans des pays en développement — Ethiopie, Guatemala et Mexique ( H a m m e r m a n , 1976) — mais il n'existe pas de recherches de cette nature pour l'éduca­tion spéciale des handicapés d'âge scolaire. Il y aurait de bonnes raisons de consacrer autant de recherches aux aspects économiques de l'édu­cation spéciale aux stades de la planification et du développement — qui sont ceux auxquels se trouvent actuellement de nombreux pays — qu'à celui où il s'agit de faire le bilan des systèmes d'éducation spéciale déjà appliqués. C o m m e le souligne Eedle (1970), de nombreuses innovations en matière d'éducation spéciale (in­tégration, centres d'excellence, fermes proté­gées) qui ont, pense-t-on, u n avenir dans les pays pauvres peuvent très bien influer sur l'avenir de l'éducation spéciale en général. Ces innovations, ainsi que d'autres, peuvent fort bien constituer des sujets d'étude très inté­ressants.

Les études de l'Unesco dont il a été ici ques­tion représentent u n premier pas vers une coopération internationale en ce qu'elles per­mettent de faire le bilan des connaissances ac­quises dans différents contextes nationaux. Elles sont un excellent point de départ pour avancer dans la voie de la coopération ou de la coordi­nation internationale en matière de recherche économique sur l'éducation spéciale. A cet égard, on pourrait envisager la création d'un centre d'échanges de renseignements, l'orga­nisation de colloques sur certains problèmes et m ê m e une coordination directe de la re­cherche. U n e coopération internationale directe

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Karl-Gustaf Stukát

semble particulièrement souhaitable, en ce qui concerne la mise au point des moyens permet­tant de mesurer de manière sûre les variables du rapport coût/avantages et d'entreprendre des études d'évaluation à long terme. D e telles études coûtent très cher et exigent beaucoup de temps. Il est à craindre que la plupart des pays ne puissent y contribuer que dans une mesure limitée. Il serait très avantageux de coordonner toutes ces recherches en les situant dans un cadre plus large.

Tout en considérant ce qui serait souhai­table pour l'avenir, il ne faut pas négliger pour autant l'importance des recherches déjà entre­prises. Les renseignements contenus dans les trois études présentées ici sont extrêmement utiles, ne serait-ce que pour avoir montré que l'éducation spéciale se justifie non seulement sur le plan humanitaire, mais aussi sur le plan économique.

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V . I. Loubovski

Principes de base de l'éducation spéciale en URSS

L a « défectologie » est le domaine scientifique interdisciplinaire dont relèvent tous les pro­blèmes que posent la scolarisation, l'éducation, l'adaptation au travail et la formation profes­sionnelle des enfants et des adultes handicapés.

L a défectologie englobe les aspects cliniques, physiologiques, psychologiques, pédagogiques et techniques (mise au point et utilisation d'un matériel spécial) de l'étude des enfants handi­capés. Sur la base des recherches menées dans les domaines énumérés ci-dessus, sont déter­minés et mis en œuvre les moyens de correction et de compensation des déficiences physiques et mentales. L a méthode multidisciplinaire ap­pliquée dans le cadre d'un domaine scientifique c o m m u n a permis, d'une part, de dégager les lois générales du développement des enfants handicapés et, d'autre part, de préciser la spécificité des divers handicaps. Cette méthode a également permis de mettre en lumière les aspects c o m m u n s et les aspects spécifiques dont relèvent l'instruction et l'éducation des enfants handicapés, en fonction des diverses formes de handicaps et, bien entendu, les similitudes et les différences qui se présentent dans ce do­maine entre enfants à développement normal et enfants handicapés.

L e système d'éducation spéciale n'a cessé de

V. I. Loubovski (URSS). Professeur à l'Institut de défectologie de l'Académie des sciences pédagogiques.

se développer et de se perfectionner parallèle­ment au développement de l'enseignement gé­néral, l'éducation spéciale étant considérée en U R S S c o m m e un élément du système unifié d'instruction publique. Tout c o m m e l'enseigne­ment général, l'enseignement spécial est uni­versel (s'agissant des enfants handicapés) et obligatoire.

Tout en partageant avec l'enseignement gé­néral le souci d'un développement harmonieux de la personnalité, d'une éducation équilibrée et d'une préparation des enfants à une vie auto­n o m e au sein de la société socialiste dont ils devront être des membres actifs, l'éducation spéciale répond à des tâches spécifiques, qui consistent à créer les conditions les plus favo­rables pour corriger les effets d'un développe­ment perturbé. C'est pourquoi, à la différence de la pédagogie générale, c'est l'idée de réadap­tation qui constitue le principe fondamental de la pédagogie spéciale. C'est ce principe qui trouve son application dans tout le processus d'instruction et d'éducation et auquel concourt tout u n ensemble de mesures tant dans le domaine de l'organisation que du contenu de l'enseignement.

D e nombreuses recherches et l'expérience pratique acquise en matière d'éducation spéciale montrent bien que, pour les sujets dont le développement a été perturbé, la réadaptation s'effectue dans de meilleures conditions par le biais d'un enseignement spécifique au sein

Perspectives, vol. X I , n° 4 , 1981

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V. I. Loubovski

d'établissements spécialisés, adaptés aux diver­ses formes de handicap. L'organisation, les conditions matérielles et la pédagogie propres à chaque type d'établissement sont celles qui correspondent le mieux aux caractéristiques de chacune des catégories d'enfants inadaptés.

Dans les établissements spécialisés, l'ensem­ble du processus d'éducation et d'instruction est assuré par des éducateurs spécialement qua­lifiés qui utilisent des moyens techniques et des méthodes appropriées au rythme de progression qui correspond aux caractéristiques de chaque catégorie de handicap. Par exemple, grâce à l'utilisation de matériels didactiques spéciaux, on peut faire suivre aux aveugles le m ê m e pro­g r a m m e de physique et de chimie que dans l'enseignement ordinaire. E n cas de nécessité, le programme des écoles spéciales est plus étendu que celui de l'école générale. O n y trouve des ateliers spéciaux dotés d'un équipement appro­prié et des enseignants qualifiés pour l'adapta­tion au travail. C e n'est que dans des écoles de ce genre, qui fonctionnent pour la plupart sous le régime de l'internat, qu'on peut procéder à une surveillance médicale spécialisée et no­tamment dispenser systématiquement les soins nécessaires.

U n second principe important, lié au premier, consiste à faire démarrer l'enseignement spécial le plus rapidement possible, ce qui est en fait une des conditions essentielles d'une bonne réadaptation. Plus il c o m m e n c e tôt, plus le tra­vail de réadaptation permet, d'une part, de »révenir l'apparition et le développement de

handicaps secondaires et, d'autre part, de tirer le meilleur parti des périodes cruciales du déve­loppement des diverses fonctions et de l'activité psychique dans son ensemble.

L e concept d'intégration mérite qu'on s'y arrête particulièrement, étant donné qu'il prend des acceptions différentes suivant les pays. A notre avis, le concept d'intégration ne s'oppose absolument pas aux exigences de spécificité de l'éducation des handicapés, condition d'une bonne réadaptation.

E n U R S S , la « défectologie » considère l'inté­gration c o m m e l'objectif m ê m e de l'éducation : à la sortie de l'école spéciale, l'intéressé doit pouvoir entrer dans la société c o m m e m e m b r e à part entière, être capable de vivre d'une m a ­nière autonome en relation avec les autres et en exerçant une activité productive. L a réalisation de l'intégration passe donc par la création autour de l'enfant des conditions les meilleures pour lui permettre de mener par la suite une vie sociale autonome, c'est-à-dire par une éducation équilibrée et une bonne formation profes­sionnelle.

L'expérience accumulée en U R S S en matière d'éducation spéciale montre que le meilleur m o y e n d'assurer l'intégration des enfants han­dicapés consiste à les placer dans un établisse­ment d'enseignement spécialisé. Cette méthode s'oppose à la solution mécanique qui consiste à mêler dans des classes ordinaires enfants han­dicapés et enfants normalement développés du m ê m e groupe d'âge avec, pour les premiers, une possibilité de courtes classes complémentaires avec u n éducateur spécialisé dans le handicap considéré.

Certes, on ne peut exclure la possibilité, dans certains cas, de faire suivre les cours normaux à un enfant handicapé s'il est en mesure — de par ses capacités intellectuelles et son dévelop­pement général, et s'il est muni de moyens techniques spéciaux (par exemple, une prothèse auditive) — d'assimiler l'enseignement scolaire dans des conditions analogues à celles des élèves normaux de la classe. Mais, à notre avis, il ne peut s'agir là d'une méthode fondamentale et généralisée. Dans la plupart des cas, l'enfant handicapé qui se trouve dans une école ordi­naire est en fait placé dans des conditions plus difficiles que les autres enfants. Il ne peut assimiler l'enseignement au m ê m e rythme et sous u n m ê m e volume, il ne bénéficie pas d'un matériel éducatif spécial et de possibilités de formation professionnelle adaptées à son cas. C e procédé mécanique d'intégration s'accompa­gne toujours, à l'égard de l'enfant handicapé,

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Principes de base de l'éducation spéciale en U R S S

d'un niveau d'exigences moins élevé et, par voie de conséquence, d'un volume moindre de connaissances et de savoir-faire par rapport aux enfants à développement normal.

L'intégration scolaire doit, selon nous, se comprendre avant tout c o m m e l'introduction de l'éducation spéciale dans le système général d'enseignement, ce qui, à son tour, signifie que les enfants handicapés doivent bénéficier d'un volume de connaissances et de savoir-faire correspondant à un niveau déterminé de l'ensei­gnement dispensé aux enfants à développement normal. C'est la méthode d'éducation spéciale qui s'applique en U R S S à toutes les catégories d'enfants handicapés à l'exception des défi­cients mentaux qui, en raison de leurs carac­téristiques psychiques, ne peuvent, m ê m e dans les meilleures conditions, assimiler qu'un volume très limité de connaissances élémen­taires.

L'intégration des enfants handicapés et des enfants à développement normal se produit, au cours des années d'école, dans les activités péri- et extrascolaires (promenades et visites en c o m m u n , camps de pionniers, cercles des mai­sons de pionniers, etc.).

L e dernier principe qu'il convient de noter en la matière est que ce n'est pas le handicap ni les limites qu'il impose au degré de dévelop­pement de l'enfant qu'il faut avoir en vue, mais les capacités potentielles de ce dernier, « sa marge immédiate de développement » (L. S. Vygotski). C e principe de l'éducation spéciale a pour origine une règle de psychologie générale valable pour tout processus de déve­loppement, normal ou non, qui veut que l'ap­prentissage soit un facteur essentiel du déve­loppement.

Sur la base de ces principes, l'organisation de l'éducation spéciale comporte en U R S S plu­sieurs niveaux.

Pour que l'enseignement spécialisé puisse commencer aussitôt que possible, il existe u n réseau d'établissements préscolaires : jardins d'enfants, crèches-jardins d'enfants, sections

spéciales des jardins d'enfants ordinaires pour déficients auditifs et visuels, handicapés de la parole ainsi que pour déficients mentaux. Ces établissements préscolaires accueillent en gros les enfants de 3 à 7 ou 8 ans. A u terme de la scolarité dans l'un de ces établissements spécia­lisés, les enfants passent devant une commission médico-pédagogique qui décide d u sort de chacun d'entre eux, c'est-à-dire qu'elle déter­mine le type d'établissement correspondant le mieux à sa forme de handicap et à ses capacités. Pour les enfants qui n'ont pas fréquenté u n tel jardin d'enfants, leur passage devant la commis ­sion médico-pédagogique est subordonné à un examen préscolaire approfondi subi dans une polyclinique pour enfants, examen obligatoire pour tout enfant entre 6 et 7 ans m e n é par des médecins de toutes spécialités et par un ortho­phoniste.

Pour les déficients mentaux, il existe des écoles de 8 années d'études dites « auxiliaires », où les enfants reçoivent un enseignement élé­mentaire général correspondant environ aux trois premières années des écoles élémentaires ordinaires. L'école « auxiliaire » assure le déve­loppement intellectuel et physique des défi­cients mentaux, leur permet d'acquérir des comportements sociaux et leur donne les rudi­ments d'une formation professionnelle ; dans les dernières classes, cette formation occupe 40 % du programme. L'efficacité de la forma­tion de caractère professionnel dispensée dans ces écoles est attestée par le fait que 50 % environ des déficients mentaux exercent dans des entreprises ordinaires le métier qu'ils ont acquis et cela d'une manière satisfaisante. Pour les autres, ils changent de métier sous l'influence de leurs parents ou de leurs camarades. U n pourcentage réduit de ces enfants (ceux dont la déficience mentale ou les handicaps secondaires sont les plus accusés) vont travailler dans des ateliers protégés.

Pour les sourds, des écoles de 12 années fournissent u n enseignement correspondant au programme des écoles ordinaires de 8 années.

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V. I. Loubovski

L'accent y est particulièrement mis sur l'ensei­gnement de la langue maternelle et le déve­loppement de la communication verbale. A cet effet, on a recours à l'éducation auditive, à l'orthophonie et à la lecture labiale.

Quant aux malentendants, ils vont dans d'au­tres écoles, qui comportent deux sections : dans la première, destinée aux enfants dont les troubles auditifs sont légers et le niveau d'élo-cution assez satisfaisant, l'enseignement est le m ê m e que celui de l'école ordinaire de 12 an­nées ; dans la seconde, les élèves plus déficients sur le plan auditif et dont les troubles d'élocu-tion sont plus marqués se limitent au pro­g r a m m e de l'école ordinaire de 8 années.

A u sortir de ces écoles, les déficients auditifs peuvent travailler dans des entreprises ordi­naires (certaines usines disposent d'ateliers spé­ciaux pour sourds) ou bien dans des entreprises protégées dépendant de la Société des sourds où ils peuvent également apprendre un nouveau métier.

L a scolarité des aveugles et amblyopes est également de 12 années. Leurs programmes correspondent à ceux des écoles ordinaires. E n utilisant autant que possible les autres organes sensoriels et divers appareils, on arrive à c o m ­penser et à corriger la déficience des fonctions visuelles, ce qui permet, c o m m e indiqué plus haut, d'enseigner m ê m e des disciplines c o m m e la chimie ou la physique et aussi d'assurer une formation de type professionnel. Actuellement, cette formation est repensée pour répondre aux besoins de la production moderne. C'est ainsi que, dans certaines écoles pour aveugles, on forme des programmeurs. N o m b r e d'aveugles travaillent dans des entreprises qui dépendent de la Société des aveugles.

Pour les enfants qui souffrent de troubles de la parole, il existe des écoles spéciales à 12 an­nées d'études et comportant également deux sections. Dans la première, destinée aux enfants souffrant de troubles profonds de la parole (alalie, aphasie, dysarthrie), le programme cor­respond à celui des écoles ordinaires de 8 an­

nées. Dans la seconde, destinée aux enfants souffrant de formes aiguës de bégaiement, le programme correspond entièrement à celui de l'école ordinaire de 12 années.

Les enfants souffrant de lésions de l'appareil locomoteur (consécutives à une infirmité m o ­trice cérébrale, à la poliomyélite ou à d'autres maladies) ont également leurs écoles spéciales où ils peuvent poursuivre des études secondaires et recevoir une formation professionnelle adé­quate.

Tous ces internats spécialisés sont gratuits : non seulement l'enseignement mais aussi tous les frais de pension, y compris les matériels didactiques, la nourriture et les vêtements, y sont entièrement à la charge de l'État.

Les adultes aveugles ou amblyopes, sourds ou malentendants qui travaillent déjà dans une entreprise ont la possibilité de suivre des cours du soir pour leur permettre d'achever, le cas échéant, leurs études secondaires.

Étant donné que les programmes d'ensei­gnement des écoles spécialisées correspondent à ceux des écoles ordinaires d'enseignement général, les enfants qui souffrent de troubles auditifs, visuels, de la parole ou moteurs peu­vent fort bien, au sortir de ces établissements spécialisés, poursuivre leurs études dans des établissements d'enseignement ordinaires : soit « tekhnikums » (c'est-à-dire établissements d'en­seignement secondaire technique), soit établis­sements d'enseignement supérieur. Cela crée aussi des conditions favorables pour leur adap­tation et leur intégration dans la société* N o m b r e d'enseignants, de juristes, d'ingénieurs, etc., sont sortis d'établissements spécialisés pour malentendants ou déficients visuels. Plus de 200 d'entre eux ont obtenu le grade de candidat ou de docteur es sciences. L e grand mathématicien L . S. Pontriaguine, de l'Académie des sciences, est ancien élève de l'École des aveugles de Moscou .

O n assiste ces dernières années à u n effort important tendant à perfectionner le système des écoles spéciales et à accroître leur spécificité.

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Principes de base de l'éducation spéciale en U R S S

O n a notamment créé des établissements pour enfants souffrant de retards d u développement psychique, c'est-à-dire affectés de lésions céré­brales minimes et connaissant ainsi des diffi­cultés scolaires.

Bibliographie

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H u g h Stuart Taylor

La participation des parents à l'éducation des enfants handicapés

Faire participer les parents à l'éducation de leurs enfants handicapés : un v œ u plus qu'une réalité. Les éducateurs ont soutenu parfois que, dans ce domaine, ils sont plus qualifiés que les parents. Toutefois, s'il est vrai que l'enfant handicapé risque de ne pas trouver suffisam­ment de stimulations et d'occasions d'apprendre dans sa famille, le danger est moindre quand les parents interviennent de bonne heure dans son éducation. C'est à l'époque où le comportement est en formation qu'on peut le plus aisément exercer une influence sur lui.

Depuis u n siècle, la vie de famille, dans les sociétés occidentales, subit des bouleversements aussi spectaculaires que ceux de la technologie. L a réduction de la famille à un noyau est liée à ces progrès technologiques ainsi qu'à la spécia­lisation de l'emploi et à la division d u travail qui ont abouti, simultanément, à la multiplication des établissements spécialisés dans les soins aux enfants et adultes handicapés. Séparer les productifs et les improductifs a paru nécessaire pour permettre aux membres actifs de la famille de consacrer leur énergie à gagner de l'argent, au lieu de passer leur temps à s'occuper des personnes âgées, des jeunes ou des handicapés.

Hugh Stuart Taylor (Royaume-Uni). Spécialiste de l'éducation des enfants déficients visuels. Maître de conférence à Burwood State College, Victoria (Aus­tralie). Auteur de nombreuses études sur sa spécialité.

L e nombre croissant des foyers pour personnes âgées et des établissements pour handicapés reflète cette tendance.

E n m ê m e temps que ces établissements se multipliaient, des voix s'élevaient pour défendre les individus exclus de la communauté. A une époque déjà ancienne, les autorités scolaires de Londres et de Glasgow se préoccupaient d'inté­grer les enfants déficients visuels dans l'ensei­gnement ordinaire (Pritchard, 1963). Dès 1889, la Royal Commission on the Blind Deaf and D u m b recommandait de scolariser les aveugles avec les voyants : « U n e vie normale au milieu d'enfants qui voient donne courage et confiance aux aveugles, provoquant chez eux une saine émulation, qui leur permettra plus tard de se mesurer aux adultes normaux avec plus de suc­cès que les anciens élèves d'établissements spéciaux. » Ces jugements vieux d'un siècle ont un air étonnamment moderne — mais rien au R o y a u m e - U n i n'allait freiner la tendance à élever les jeunes déficients visuels dans des internats spécialisés, loin des autres enfants (Vernon, 1972).

Aujourd'hui, la participation des parents à l'éducation de leurs enfants handicapés est de­venue une idée très à la m o d e , alors que pendant des générations on avait conseillé aux parents de confier les enfants normaux à des pensionnats pour tout le trimestre ou pour toute l'année et les débiles à des hôpitaux ou à des maisons de soins. U n e preuve, entre autres, de cet intérêt

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Perspectives, vol. X I , n° 4 , 1981

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La participation des parents à l'éducation des enfants handicapés

nouveau : la revue The exceptional parent, qui paraît depuis 1975 et qui, dans son comité de rédaction, a fait une certaine place aux parents. Certes, bien des ralliements sont peu sincères et les torrents de littérature signifient peu de chose ; malgré tout, la participation des parents est une révolution.

Dans l'État de Victoria, une nouvelle formule est apparue il y a deux ans : le « foyer familial » où sont admis trois ou quatre enfants qui y vivent c o m m e en famille, au lieu de connaître la vie des grands pensionnats traditionnels. L a Spastic Society of Victoria, la Rubella Children's Association et le Royal Victorian Institute for the Blind, ont tous ouvert des foyers de ce genre pour les enfants qui ne peuvent vivre chez eux.

Nécessité d'une participation

des parents

Les éducateurs comprennent mieux aujour­d'hui la nécessité d'associer les parents à leurs efforts à tous les stades du développement de l'enfant ou du jeune adulte (Smith and Sykes, 1981). O n découvre que la coopération du per­sonnel et des parents, qui était déjà de règle au niveau de l'enseignement préscolaire et de la maternelle, est précieuse à tous les stades de l'enseignement et de la formation. O n peut aider les adolescents intellectuellement handi­capés à acquérir l'autonomie en associant m é ­thodiquement la famille à la formation entre­prise à l'école ou dans u n centre d'apprentissage. C o m m e ce sont parfois les parents eux-mêmes qui prolongent la dépendance de ces adoles­cents, la solution peut consister à en faire les alliés des éducateurs.

Pour que le handicapé surmonte la difficulté des premières semaines d'emploi, il faut une aide conjuguée de la famille et des responsables de la formation. Les jeunes handicapés connais^ sent des privations et des souffrances parti­culières : m a n q u e d'amis, m a n q u e de divertis­

sements, m a n q u e de centres d'intérêt, anxiété aggravée, etc. ; pour y remédier, tous ceux qui les fréquentent doivent associer leurs efforts. Maintenant que des jeunes handicapés restent en famille, au lieu d'être confiés à des inter­nats spécialisés, ces établissements s'intéressent moins aux enfants modérément handicapés et s'occupent surtout des handicapés profonds, qui nécessitent des soins personnels constants, en plus d'une éducation spéciale.

Autrefois, les parents s'occupaient de l'en­fant handicapé tant que celui-ci était petit, c'est-à-dire pas trop lourd à soulever, pas trop difficile à manier. L'aide à domicile permet d'aller au-delà de ce stade si, grâce aux efforts conjugués des parents et des assistants sociaux, l'enfant parvient à développer ses propres capa­cités. Avec une aide permanente, qui permettra au handicapé, devenu plus autonome, de parti­ciper pleinement à la vie de famille sans que le développement des autres enfants de la famille soit compromis, la séparation complète cessera probablement d'être nécessaire. Dans le budget de l'éducation et de l'aide sociale, on semble avoir oublié qu'on peut réaliser de substantielles économies en fournissant à la famille une aide financière, des conseillers et des auxiliaires, des remplacements pour le week-end ou pour les vacances : tout cela est moins coûteux que le placement à temps complet. D'autre part, pour aider efficacement les familles, il faut bien comprendre la peine et la fatigue que leur cause u n enfant trop dépendant. Certains spécialistes comparent la difficulté de s'accommoder d'un enfant déficient au chagrin que provoque la perte d'un enfant normal (Akehurst, 1980). D'autres auteurs doutent que la notion de deuil aide à comprendre la difficulté (Jan, Freeman et Scott, 1977). Quoi qu'il en soit, pour que les parents puissent garder l'enfant, il faut alléger leur peine, leur fatigue et leurs charges finan­cières.

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Hugh Stuart Taylor

Influence croissante des parents sur l'enseignement officiel

Conseils aux parents, visites à domicile, four­niture d'aides domestiques, écoles de jour, tout cela, pourrait-on croire, est dû seulement aux efforts des spécialistes, désireux d'assurer une vie normale aux enfants handicapés. Il convient toutefois de ne pas méconnaître le rôle des parents, qui s'intéressent de plus en plus aux moyens d'éduquer le handicapé à la maison et de l'intégrer dans la vie familiale. L e méconten­tement des parents à l'égard du système de l'in­ternat était pour quelque chose dans la parution du Rapport Pinebrook sur l'intégration des jeunes déficients visuels, publié aux États-Unis d'Amérique il y a déjà longtemps, en 1954. L e succès du mouvement de « normalisation » est dû autant aux revendications des parents qu'aux efforts des spécialistes en quête de nouveau* Plus les parents se familiarisent avec les moyens d'adapter les handicapés, plus ils se sentent à m ê m e d'exprimer un avis sur les services offerts. L'ignorance a protégé beaucoup de programmes éducatifs et il faut se féliciter de ce qui tend à responsabiliser les spécialistes. L a participation des parents ne peut que mener, à la longue, à de meilleurs résultats. Leur tendance à surprotéger l'enfant, que les spécialistes leur reprochent, diminuera à mesure qu'ils apprendront à accé­lérer ses progrès. A u x États-Unis d'Amérique, la loi P L 94-142 consacre le droit des parents de participer au développement de l'enfant handicapé et leur donne un pouvoir réel sur son avenir. A u R o y a u m e - U n i , le Rapport Warnock (1978) cherchait à donner aux parents u n pou­voir égal sur l'avenir de leurs enfants handicapés. Malheureusement, il a abouti à des textes plus restrictifs : les autorités scolaires locales ne se­ront pas tenues, c o m m e on l'avait espéré, de prendre en considération le choix des parents. Toutefois, les parents sont de plus en plus actifs et il y en a, par exemple, qui ont menacé l'admi­nistration d'un procès pour la contraindre à

assurer l'éducation de débiles mentaux de 16 à 19 ans (Newell, 1981).

L a législation britannique donne de plus en plus de pouvoir aux parents ; leur participa­tion à la conduite des établissements scolai­res, conformément aux recommandations de la Commission Taylor, est un exemple particuliè­rement significatif (Taylor, 1977). L e pouvoir croissant des parents soulève le problème de savoir s'il faut u n contrepoids pour sauvegarder les droits de l'enfant. Beaucoup d'enfants re­çoivent une éducation spéciale parce que leurs parents les ont négligés ou les ont soumis à de mauvais traitements qui ont laissé des séquelles. Pour protéger les enfants, l'État pourrait, par exemple, n o m m e r des médiateurs qui veille­raient sur leurs droits. L'État confond très sou­vent dans les m ê m e s établissements l'enfance malheureuse et l'enfance délinquante. U n m é ­diateur pourrait éviter cet amalgame (Shearer, 1981).

Ce que les spécialistes peuvent faire pour amener les parents à participer

Ivan Illich, dans un essai intitulé The disabling professions (1980), a exprimé les craintes de bien des gens qui constatent que la société moderne tend à dépendre excessivement des spécialistes. Les individus perdent confiance dans leur pro­pre jugement et dans leur aptitude à modifier eux-mêmes leur existence. L e spécialiste en­vahit tout le domaine de la décision personnelle et détruit l'initiative. L e but d'une liaison avec la famille devrait être de renforcer la compé­tence des parents et leur apprendre à se passer des visiteurs à domicile au lieu de compter de plus en plus sur eux. L e personnel au contact des parents devrait être choisi pour son tact et ses aptitudes à communiquer. Les ménages vi­sités peuvent avoir des modes de vie ne répon­dant pas du tout à l'attente du spécialiste — qui sera sans doute une mère de famille ou un édu-

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cateur appartenant à la classe moyenne. Lors­qu'on donne u n conseil, lorsqu'on fait la démonstration d'une technique, on doit per­suader les parents qu'ils seront plus aptes à s'occuper de l'enfant.

E n ébranlant la confiance des parents, on peut les rendre incapables d'assumer leurs respon­sabilités familiales sans l'aide du spécialiste, niich use du terme « iatrogène » pour désigner la maladie ou l'incapacité provoquée par le spécialiste. Les parents n'ont pas tous la m ê m e volonté de participer au développement de l'en­fant et il ne faut pas leur donner mauvaise conscience parce qu'ils ne sont pas prêts aux m ê m e s efforts que les parents proposés en m o ­dèles par les médias. C'est en élevant leurs en­fants que les parents deviennent de meilleurs parents ; les problèmes et les incertitudes des jeunes mères doivent être accueillis avec s y m ­pathie par le spécialiste, qui est par définition u n parent expérimenté. Tout système d'aide aux parents devrait comporter une évaluation permettant de vérifier que les besoins exprimés par les parents ont été satisfaits. Langdon, dans une étude novatrice faite en 1969, a montré que plusieurs de ces besoins sont élémentaires mais qu'on n'y donne pas satisfaction. Il est possible que les besoins ne soient pas perçus de la m ê m e façon par les parents et par le spécialiste : il faut donc recenser soigneusement les besoins au préa­lable et évaluer constamment les services fournis.

Liaison entre la famille et la collectivité

E n Australie du Sud, des programmes cou­ronnés de succès (Bergstrom et Burdon, 1981) mettent en évidence la nécessité de créer des liens avec les services d'assistance c o m m u n a u ­taire, les centres d'activités ludiques, les groupes de jeunes et les centres familiaux, pour que la famille n'ait pas à compter uniquement sur les visites à domicile. L e handicap est une tare sociale qui peut conduire certains parents à

s'isoler de la communauté et le visiteur à domi­cile doit parer à ce danger en les encourageant à étendre les contacts. Les ludothèques, les groupes de discussion, les centres de protection infantile, les centres de créativité et les jardins d'enfants, entre autres, permettent à la mère d'échapper à l'isolement du foyer et peut-être de rencontrer d'autres mères confrontées aux m ê m e s problèmes.

L'entourage renferme des parents qui élèvent ou ont élevé des enfants atteints d'infirmités analogues ; mais, c o m m e ils sont relativement peu nombreux, ils risquent de rester isolés, à moins qu'une institution ne se charge de les mettre en contact, en organisant des journées ou des week-ends de rencontres. L e succès du programme préscolaire du Royal Victorian In­stitute for the Blind vient de ce qu'il offre aux parents de déficients visuels l'occasion de ren­contrer non seulement des spécialistes, mais aussi d'autres parents avec qui ils peuvent s'en­tretenir. Certains parents parcourent près de mille kilomètres pour aller aux réunions m e n ­suelles ou trimestrielles du Service préscolaire ; on fait tout pour faciliter leur venue et, par exemple, on s'occupe des enfants à la maison en leur absence.

Qualité des relations humaines et mise au point d'une nouvelle technologie

Les relations enfant/parent et enfant/enseignant sont désormais conçues c o m m e deux éléments d'une relation triangulaire nouvelle qui unit directement les parents et les enseignants, au­trefois reliés de façon indirecte par le seul biais de l'enfant. Les revues pédagogiques révèlent au lecteur assidu un très vif intérêt pour les innovations récentes en matière d'équipement scolaire et de « matériel didactique », mais elles ne consacrent guère de place au facteur humain, c'est-à-dire aux qualités nécessaires pour tra­vailler de façon efficace avec les enfants et les

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parents. Les sociologues de l'éducation ont prouvé la forte influence de la famille sur le succès ou l'échec scolaire, et cependant la for­mation de l'enseignant reste encore centrée sur le travail d u maître dans la salle de classe.

Certes, cette tendance à faire abstraction de l'élément « relations humaines » dans le rôle d u professeur admet quelques exceptions re­marquables. U n livre intitulé Linking home and school (Craft, Rayner et Cohen) nous offrait, dès 1972, l'exemple d'une réflexion originale sur les moyens à mettre en œuvre pour former u n nouveau type d'éducateur qui réunirait les techniques de la pédagogie et celles d u travail social. Mais , si les enseignants savent bien que le milieu social influe sur le développement et l'instruction de l'enfant, ils ont le sentiment que ce milieu est hors de leur portée. Il arrive en­core que les autorités scolaires découragent les enseignants d'aller voir les parents à domicile et découragent les parents de pénétrer dans la salle de classe. Les spécialistes de l'éducation conserveront cette vision bornée tant qu'on envi­sagera l'éducation c o m m e u n processus unique­ment possible entre les murs d'une classe. D'autre part, il y a des débats sur l'égalité des chances offertes aux enfants handicapés qui s'inscrivent dans le contexte plus général des inégalités sociales et de leurs remèdes. Maintes études qui mettent en évidence le potentiel inutilisé d'une large proportion des enfants sco­larisés se fondent sur l'hypothèse que les écoles continueront de fonctionner sous la forme ac­tuelle, sans la participation des parents. O r l'éducation des enfants handicapés a souvent produit des méthodes qui devaient être reprises dans les écoles ordinaires, et ce, dès avant les travaux de Montessori. L a participation effec­tive des parents à l'éducation de leurs enfants handicapés pourrait inciter l'ensemble du sys­tème scolaire à ne plus travailler en milieu clos.

C e serait là u n changement révolutionnaire qui devrait à tout le moins remettre sérieuse­ment en question, pour tous les enfants, la va­leur sacro-sainte du Q I et la valeur non moins

sacro-sainte des critères d'âge, d'aptitude et de capacité. O n pourrait alors s'apercevoir que les spécialistes de l'éducation doivent s'intéresser aussi à la profession des parents, à leur position socio-économique et au soutien offert à l'enfant pendant les dix-huit heures qu'il ne passe pas à l'école. Q u a n d u n enfant présente u n handicap socio-affectif, l'intervention à domicile d'un travailleur social ou d'un enseignant ne suffit pas à compenser les déséquilibres structurels et les obstacles institutionnels qui l'empêchent de relever son statut social (Taylor, 1972).

Rôle de l'enseignant et rôle des parents

Lorsqu'on réfléchit à la participation des pa­rents au système d'éducation, on doit toujours avoir présent à l'esprit que les parents et les enseignants ont des rôles radicalement diffé­rents. Les écoles représentent les valeurs col­lectives et la justice sociale tandis que les fa­milles sont préoccupées du bien-être de leurs m e m b r e s . L'école émancipe l'enfant normal des liens affectifs fondamentaux qui l'unissent à sa propre famille et encourage l'assimilation de valeurs et de normes sociales différentes de celles qui ont cours dans sa famille. Les parents se préoccupent de l'enfant dans son intégralité, ils l'acceptent en tant qu'individu et cette accep­tation est subjective. L'enseignant cherche des résultats (il est jugé sur les réussites). Mais lorsque l'enfant est mal accepté ou m ê m e rejeté par les parents parce qu'il présente u n grave handicap, il peut y avoir une inversion des rôles si u n maître respectueux des valeurs tra­ditionnelles est chargé d'agir sur la famille pour mieux faire accepter l'enfant.

Quelle doit être la formation des personnes travaillant à nouer des liens entre l'école et le foyer ? D'abord, il leur faut une personnalité qui facilite la communication à la fois avec les collègues et avec les parents. Les diplômes de psychologie sont-ils indispensables ? C'est

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une autre question, et l'on pourrait citer au R o y a u m e - U n i , au Canada et en Australie n o m ­bre d'exemples de conseillers préscolaires qui n'en ont pas.

Toutefois, la plupart de ceux qui travaillent dans de bons services sont des gens d'âge m û r ; ils ont eux-mêmes des enfants ; ils s'appuient sur leur expérience personnelle et ne se conten­tent pas d'appliquer des recettes de psychologie puisées dans un manuel. Si une formation uni­versitaire peut être utile, la maturité et l'em­pathie ont cependant plus d'importance que les titres. E n effet, une orientation plus concrète et moins tournée vers la théorie ne peut que faci­liter le contact avec la mère, obligée d'affronter des tâches très réelles mais très ordinaires, qui sont pour elle une cause de fatigue et de souci. O n n'a pas besoin d'une nouvelle sorte de spé­cialistes qui risqueraient d'affaiblir les parents, c o m m e le craint Illich ; il faut, semble-t-il, des gens habiles à la communication, capables de donner des conseils pratiques, adroits avec l'en­fant, unis avec les parents par des actes et non pas seulement par des paroles.

U n e façon plus réaliste d'organiser la liaison école/famille consiste à mettre sur pied une équipe composée d'un conseiller, d'un travail­leur social, d'un enseignant spécialisé, d'un psychopédagogue, et enfin d'un orientateur. A u niveau préscolaire, m o m e n t où il est particuliè­rement délicat de mettre les parents en con­fiance, il se peut qu'on ait besoin d'une seule personne assidue plutôt que d'une équipe qui n'est pas nécessairement en mesure de fournir à la famille la personne de confiance dont elle a besoin au départ.

Résultats d'une participation active des parents

L e recueil d'études publiées sous la direction de Craft, Rayner et Cohen (1972) rend compte d'expériences novatrices en Angleterre (à Liver­pool et à Londres) et de liaisons école-famille

en Ecosse. L'exemple de West Riding, où la collaboration avec les mères c o m m e n c e avant la scolarisation des enfants, illustre à merveille les progrès qui peuvent être réalisés lorsque les liens sont forgés de bonne heure. Ces exemples sont tous empruntés à l'enseignement ordinaire ; cependant, le fait que ces programmes de colla­boration précoce profitent plus particulière­ment aux enfants en difficulté issus d'un milieu familial défavorisé montre le bien-fondé des préoccupations de Bernstein touchant le m a n ­que de possibilités de développement du langage (Bernstein, 1961). L'intervention des ortho­pédagogues à côté des travailleurs sociaux, des conseillers scolaires et des enseignants ordi­naires met en évidence la nature du groupe-cible. L e Royal Victorian Institute for the Blind de Melbourne (Australie) a créé récemment u n département préscolaire pour les enfants pré­sentant des déficiences physiques ou senso­rielles graves. U n e équipe de visiteurs à domi­cile ainsi qu'un service de crèche et d'école maternelle permettent d'assister de façon très simple les familles ayant des enfants handica­pés visuels ou polyhandicapés. D e l'aide of­ferte dans les jardins d'enfants aux programmes d'éducation à temps plein organisés à l'école elle-même, les services fournis sont très variés. L e plus important, c'est la participation des pa­rents à l'éducation donnée aux enfants dans le centre scolaire, après une première phase d'ac­tion au foyer auprès des parents et de l'enfant. Si u n programme d'éducation à plein temps paraît souhaitable, les parents sont complète­ment associés à l'instruction et à l'apprentissage. Les enseignants et les puériculteurs se tiennent en contact étroit avec eux, voyant quotidienne­ment la mère ou le père, échangeant des cahiers d'observation journalière. Ainsi le programme scolaire est poursuivi à la maison et le maître peut résoudre les problèmes du foyer en effec­tuant des visites aussi fréquentes qu'il est nécessaire.

Des stages de fin de semaine offrent aux pa­rents l'occasion d'entendre les spécialistes

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traiter des déficiences visuelles et autres et des techniques médico-sociales. Les discussions en groupe et les libres conversations entre parents se révèlent d'une grande utilité. O n facilite de toutes les façons la venue des parents en gardant les enfants à la crèche, en subventionnant le transport et en assurant l'hébergement à l'école.

L a grande réussite du programme réside donc dans les progrès observés chez les enfants poly-handicapés, dont les parents ont été tout parti­culièrement aidés à domicile et au centre sco­laire. L e savoir-faire communiqué aux parents a réduit leur inquiétude et leur sentiment d'im­puissance et les a conduits à envisager avec beaucoup plus d'espoir l'avenir de leurs enfants. L a confiance et l'optimisme des parents se re­flètent clairement dans l'amélioration des atti­tudes et aptitudes de leurs enfants. E n déchar­geant les parents de leurs responsabilités pour la durée d'un week-end ou de brèves vacances, on a atténué la fatigue et Pénervement où les conduit l'éducation d'un enfant totalement à charge. Depuis que le centre reste ouvert l'été, les parents n'ont plus le problème que posait autrefois l'interruption du service pendant les deux mois de vacances scolaires. L e personnel étale ses congés sur d'autres périodes et la per­manence est assurée. L'époque où l'on persua­dait les parents d'abandonner complètement l'enfant aux éducateurs est heureusement ré­volue, du moins dans cette école. Cent trente-cinq des cent soixante-seize enfants déficients visuels de moins de six ans recensés dans l'État bénéficient des services du centre, ce qui est une belle réussite (Taylor, 1981).

Adoptant un point de vue parental, Rees (1980) analyse la structure d'un service consul­tatif à l'usage des parents. Lowenfeld (1971) décrit les besoins des parents et leurs préoc­cupations à chacun des stades de l'éducation de l'enfant ; Scott (1977) présente un guide à l'intention des parents et des spécialistes.

Conclusions

Les éducateurs cherchent à améliorer les rela­tions parents/enfant et les relations école/ parents parce que des preuves toujours plus nombreuses montrent l'importance dominante du vécu familial. L e cas de l'enfant handicapé est le plus révélateur car les six heures d'école quotidiennes ne suffisent manifestement pas à des enfants très désavantagés qui ont besoin, du matin au soir, d'une aide systématique propre à favoriser leur développement. Pour que le climat de confiance instauré au foyer par des contacts étroits se maintienne à l'école, il est indispen­sable que tous concourent à développer la fa­culté d'apprentissage et l'autonomie de l'enfant. C'est sans doute parce qu'elle impose des tâches identiques aux parents et aux spécialistes que l'éducation des enfants atteints de handicaps graves et profonds a fait comprendre combien la collaboration entre le foyer et l'école peut être efficace. Il y a là une leçon pour tout l'ensei­gnement. Peut-être pourra-t-on combler dans les prochaines décennies le fossé éternel entre les parents et l'école.

Divers auteurs, dont Smith et Sykes (en 1981), ont souligné l'importance des aptitudes sociales, de l'autonomie et de la confiance acquises dans un milieu familial favorable. Leurs travaux montrent que la compétence sociale joue pro­bablement un rôle décisif dans la réussite pro­fessionnelle des élèves handicapés et dans leur vie postscolaire. L'école est incapable de leur donner seule cette compétence et cette confiance en eux-mêmes . Les innovations évoquées dans le présent article et décrites en détail dans les ouvrages de référence confirment que l'école est bien consciente aujourd'hui de ne pouvoir, à elle seule, armer l'enfant pour la vie.

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La participation des parents à l'éducation des enfants handicapés

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Rose Chacko

Participation de la famille à l'éducation des enfants mentalement arriérés : un exemple indien

L e sort des enfants mentalement arriérés et de leur famille est cruel, en particulier dans les pays en développement. L a plupart ne reçoivent pas l'aide qu'ils méritent. L'Inde compte appa­remment plus de 20 millions de déficients mentaux, pour la plupart des enfants. L a m é ­decine moderne, l'hygiène du nouveau-né, une foule de techniques sauvent des milliers d'en­fants autrefois condamnés à mourir.

Sur l'ampleur du problème, on ne dispose d'aucune statistique digne de ce n o m ; et c o m m e la scolarité n'est pas obligatoire, on ne peut m ê m e pas donner une estimation précise. L a population est surtout rurale ; les malades m e n ­taux et les déficients mentaux ne sont pas conduits chez le médecin, à moins d'être extrê­m e m e n t perturbés ou intenables. E n outre, leur état est encore considéré c o m m e tabou et les familles ont tendance à les cacher. Certes, la société indienne absorbe nombre d'idio-syncrasies, et une personne légèrement arriérée ou perturbée, surtout u n enfant, est acceptée par les familles sans aucune manifestation de rejet. E n revanche, les arriérés profonds posent de graves problèmes aux familles des classes infé­rieures et moyennes. Quel fardeau pour les parents et les proches que ces déficients dont la

Rose Chacko (Inde). Professeur et chef du Département de psychiatrie, Christian Medical College, Vellore. Fondatrice et chef du centre de formation décrit dans l'article.

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Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

plupart souffrent de handicaps associés, tels que surdité, cécité, infirmité motrice cérébrale, troubles neurologiques consécutifs à des encé­phalites, etc.! D'autant plus que les familles obtiennent rarement le soutien social, financier ou affectif dont elles auraient besoin.

C o m m e n t aider ces enfants et leurs familles ? Dans les pays en développement, les internats et les centres de jour dotés d'un personnel qua­lifié sont beaucoup trop peu nombreux de toute façon. L e traitement en institution pré­sente de nombreux inconvénients : trop de pensionnaires, m a n q u e de personnel, program­m e s de rééducation inefficaces. Mais, surtout, une fois que l'enfant est placé, les chances de le réintégrer dans sa famille ou dans la c o m m u ­nauté sont minces. Dans ces établissements, on ne sait généralement pas exploiter les ressources de la vie familiale pour soigner l'enfant dans la douceur d'un foyer et le rééduquer dans son propre milieu social.

Depuis août 1978, le Nilayam Christian Medical College de Vellore, Inde du Sud, se charge d'éduquer des enfants arriérés avec le concours des familles. L e centre comprend deux rangées de dix maisonnettes, composées d'une chambre, d'une cuisine, et d'une salle de bains avec toilettes et disposant d'un m i n i m u m de confort (eau courante, électricité, ventila­teur, etc.), pour faciliter le séjour des familles. L e bâtiment scolaire, adjacent aux maisons, comprend deux salles de classe, un grand préau,

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Participation de la famille : un exemple indien

deux toilettes et quatre bureaux. Plus loin se trouve u n atelier abritant plusieurs sections d'apprentissage.

L e personnel comprend un psychologue, u n assistant social, deux enseignants, un ortho­phoniste, un ergothérapeute, u n infirmier, u n garçon de salle et un jardinier. L e personnel du département psychiatrique assure une super­vision et fournit une aide à temps partiel pour les problèmes médicaux et psychologiques.

Les cas sont examinés par le psychologue et, le cas échéant, par l'orthophoniste et le psy­chiatre consultant. U n rapport est envoyé au pédiatre, au neurologue ou au spécialiste O R L qui a adressé le patient. Ensuite, on signale aux parents le degré d'arriération de l'enfant et les autres handicaps — troubles physiques et moteurs, épilepsie, retard de la parole — et l'on conseille un stage de formation, d'éducation spéciale, de physiothérapie ou d'orthophonie d'une durée de 3 mois à 3 ans. L'enfant, accom­pagné au moins d'un des parents, est admis soit en internat (permanent) soit en externat (5 jours par semaine). Horaires des classes : 8 h 30 à 12 heures et 14 heures à 15 h 30 (activités récréatives et sociales). Les enfants sont divisés en deux groupes : les arriérés profonds apprennent à devenir autonomes, les arriérés moyens et légers reçoivent une éduca­tion spéciale. L'âge des pensionnaires est de 3 à 16 ans, sauf exception. Les arriérés profonds apprennent les actes essentiels (manger, s'ha­biller, aller aux toilettes), la musique, la parole, les jeux dans l'eau et autres exercices physiques. Ces activités sont exécutées en groupe mais les enfants qui ont besoin d'être suivis individuelle­ment en orthophonie et en ergothérapie sont pris à part deux ou trois fois par semaine.

Lorsqu'on s'occupe d'arriérés, il faut veiller à deux choses. Encourager les enfants à apprendre au mieux de leurs possibilités et faire disparaître leurs comportements indésirables. Trop sou­vent, les parents, par excès de sollicitude, les traitent c o m m e des infirmes et finissent par les rendre très dépendants en leur ôtant tout besoin

d'agir. C o m m e les enseignants et autres gens de bonne volonté, ils devront se demander s'ils encouragent le comportement souhaitable ou si au contraire ils favorisent la dépendance. Étant donné que le comportement est souvent une réaction au milieu, il est très instructif d'étudier avec minutie les antécédents de l'enfant. N o u s utilisons des techniques de modification du comportement dont le principe essentiel est de décourager u n comportement indésirable (se cogner la tête, se mordre ou mordre les autres) et d'encourager un comportement acceptable. O n a souvent intérêt à procéder dans cet ordre. Contre les troubles du langage, la thérapie de comportement (positive) est efiîcace. Si la fa­mille a été associée aux activités du centre, l'enfant peut rentrer chez lui, après un stage d'environ trois mois et poursuivre son éduca­tion sous la conduite de ses parents, qui auront besoin seulement d'un soutien régulier et de consultations périodiques. Les techniques de modification d u comportement servent à moti­ver les arriérés profonds, à fixer leur attention, à leur faciliter l'apprentissage des actes essen­tiels. O n a souvent recours à des récompenses sous forme de nourriture ou de jeux (piscine, balançoire, etc.). Pour combattre les manifesta­tions indésirables — agitation, crises de nerfs, caprices, automutilation — on emploie des techniques similaires. Les enfants éducables sont encouragés à acquérir quelques notions de base et à aider aux activités ménagères, tout en apprenant à devenir de plus en plus au­tonomes. Tous ceux qui peuvent participer aux activités de groupe (jeux collectifs, chant, exploration de la nature, sorties dans les m a ­gasins, etc.) sont encouragés à le faire. N o u s avons à l'école une boutique où l'on trouve des casse-croûte, des fournitures, des livres et autres articles. Les enfants peuvent y acheter ce qu'ils veulent, quand ils veulent. D e temps à autre, les « grands » sont e m m e n é s au magasin tout proche pour de petites emplettes. Les enfants apprennent à traverser les rues, à éviter les dangers de la rue, à reconnaître les

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Rose Chacko

panneaux de signalisation, etc., au cours de ces petites sorties. Certains des enfants les plus âgés apprennent quelques éléments d'activité pro­fessionnelle : découpage et collage, tissage, couture, sablage, jardinage, soin des animaux domestiques, etc. E n récompense d'un travail, ils reçoivent des bons qu'ils peuvent échanger contre des casse-croûte, des livres, des crayons ou des cartes postales à la boutique une fois par semaine. Les boissons ou la collation du matin sont préparées chaque jour par les mères qui se relayent à cette tâche ; si l'enfant est suffi­samment grand, il doit aussi aider à ces activités.

La participation des parents est obligatoire pour toutes les activités concernant les arriérés profonds et pour certaines activités concernant ceux qui sont moins atteints. L'objectif est de former les parents pour qu'ils instruisent eux-m ê m e s les enfants dans les locaux résidentiels du centre et à la maison. L e personnel du centre apprend aux enfants à se brosser les dents, à se laver, à s'habiller et à se nourrir, en présence des parents qui plus tard prendront la relève.

Les parents reçoivent eux-mêmes une heure d'éducation par jour. Différents sujets y sont abordés sous la direction d'un m e m b r e du per­sonnel, notamment l'évolution de l'enfant, les causes de l'arriération mentale, les problèmes qui en résultent, la réaction des parents à ces problèmes, les difficultés individuelles et les moyens de les résoudre. Des discussions et des démonstrations sont également organisées pé­riodiquement sur des thèmes tels que l'impor­tance des jeux, les matériaux servant aux jeux, la façon de fabriquer des jouets simples mais appropriés. L'accent est mis sur la stimulation de la parole, d'autant que certains parents ont tendance à négliger les enfants arriérés ou à ne pas les faire participer activement aux jeux. N o u s essayons de leur montrer qu'une stimula­tion active est nécessaire pour obtenir des réactions appropriées.

Étant donné que beaucoup de nos enfants cumulent les handicaps, les parents sont en­

couragés à continuer à la maison les traitements physiothérapiques, orthophoniques, pharma­ceutiques... Les parents des handicapés phy­siques apprennent à enseigner les exercices de physiothérapie et d'ergothérapie, d'abord sous le contrôle du personnel puis tout seuls en chambre ou à la maison. Cela soulage le per­sonnel et réduit les dépenses du centre. L a formation préprofessionnelle tient compte de l'origine sociale de l'enfant, de façon à être utile dans la communauté à laquelle il appartient.

E n deux années et demie, nous avons eu à examiner 802 enfants. L a plupart nous étaient envoyés par d'autres administrations et beau­coup venaient d'autres États. Sur ce total, 151 ont été admis c o m m e internes, avec au moins un des deux parents, pour des périodes allant d'une semaine à deux ans et demi. Trente enfants, toujours accompagnés d'un parent, ont fréquenté l'école c o m m e externes. Beaucoup de parents n'ont pu suivre l'éducation jusqu'au bout en raison de leurs autres obli­gations. M ê m e si certains ne sont restés qu'une semaine ou deux, le stage leur a été utile, car il leur a permis de voir eux-mêmes ce dont leur enfant était capable et ce qu'on pouvait attendre d'une éducation appropriée. Ceux qui sont restés plus de trois mois ont estimé que leur séjour les avait aidés à accepter l'enfant, à mieux s'y prendre avec lui, à l'éduquer et à lui administrer les médicaments nécessaires. Cer­tains d'entre eux continuent à venir régulière­ment au centre pour des examens ou des conseils. U n certain nombre ont été déçus de ne pouvoir nous laisser leur enfant.

Notre prochain objectif est d'organiser un stage de perfectionnement du personnel, de façon que les enseignants puissent créer des centres de jour dans plusieurs villes et villages pour traiter des enfants arriérés à proximité de leur domicile et avec l'aide de leurs parents. N o u s espérons y parvenir avec le concours du service de santé communautaire et en étroite liaison avec lui.

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Lothar Hammer

Dépistage et éducation spéciale précoces dans la République démocratique allemande

Dans la République démocratique allemande, l'éducation des handicapés physiques ou m e n ­taux vise à leur permettre d'atteindre le niveau des études secondaires et de parvenir à l'épa­nouissement de leur personnalité. Les éta­blissements d'enseignement général font tout pour que ces enfants puissent achever avec succès les dix années d'éducation polytech-r nique générale, grâce à des soins médicaux complets et une surveillance individuelle. C e n'est que lorsque la nature de la déficience d 'un enfant l'empêche de façon manifeste — aux yeux de la société ou de sa famille — de se développer pleinement dans ces conditions ou lorsque son handicap ne lui permet pas de faire des études secondaires générales, qu'il sera formé dans des institutions spécialisées.

Parmi les nombreux problèmes que soulève cette question, nous avons choisi de nous pencher dans cet article sur le dépistage rapide et l'éducation spéciale précoce des enfants han­dicapés en nous intéressant surtout à certains aspects de leur formation. N o u s décrirons la situation et les problèmes de développement

Lothar Hammer (République démocratique allemande). Professeur et chef du Département de pédagogie d'édu­cation spéciale à l'Académie des sciences pédagogiques. Chef du Groupe central de recherche sur le développe­ment de l'éducation préscolaire et de l'éducation générale des enfants handicapés. Coauteur de programmes et de manuels d'éducation spéciale.

rencontrés à cet égard par la République d é m o ­cratique allemande et l'expérience qu'elle a ac­quise, espérant ainsi contribuer à l'échange in­ternational des connaissances dans ce domaine.

Dans la République démocratique allemande, les personnes handicapées sont, de jure et de facto, des citoyens à part entière, égaux à tous les autres, qui ne sont nullement défavorisés par la société et qui ne se heurtent à aucune barrière sociale. Les handicapés sont intégrés à la société grâce à u n programme gouverne­mental vaste et complexe qui prévoit des m e ­sures coordonnées dans différents secteurs de la vie sociale, notamment ceux de la santé publique, des services sociaux, de l'éducation, de l'emploi et de la culture. L e programme est mis en œuvre par les pouvoirs publics, des médecins, des enseignants, des psychologues, les parents des enfants handicapés et des organisa­tions sociales telles que l'Association des aveu­gles et des amblyopes et l'Association des sourds et des mal-entendants. Dans ce cadre, le Service de la santé publique a pris une série de mesures prophylactiques et prévoit la four­niture de soins par des spécialistes chaque fois qu'ils sont nécessaires. Il est particulièrement important d'effectuer le plus tôt possible le diagnostic des déficiences naissantes ou exis­tantes pour pouvoir agir à temps et de manière efficace, notamment par u n traitement médical et une éducation spéciale. Des efforts particu­liers sont faits pour assurer le dépistage rapide

Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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Lothar Hammer

des handicapés, leur dispenser u n enseignement spécial à u n stade précoce, les aider à développer leur personnalité sous tous ses aspects, leur donner une formation professionnelle qui tienne entièrement compte de leurs aptitudes, u n emploi stable et tous les soins complémentaires dont ils pourraient avoir besoin.

U n e éducation spéciale est offerte aux enfants atteints de déficiences physiques ou mentales importantes qui présenteraient des troubles considérables dans le développement de leur personnalité s'ils étaient exposés aux m ê m e s conditions extérieures de développement que les enfants normaux et qui ne peuvent donc parvenir à u n bon niveau d'instruction générale que s'ils reçoivent une éducation spéciale. N o m ­breux sont en effet les facteurs très divers qui peuvent porter atteinte au système nerveux ou à u n ou plusieurs organes ou bien en perturber le fonctionnement ou qui risquent d ' e n d o m m a ­ger le squelette et le système locomoteur. Pour les handicaps primaires liés à des insuffisances biologiques, on établit une distinction selon que les enfants sont déficients mentaux, sourds, demi-sourds, aveugles, amblyopes, aphasiques, handicapés physiques, atteints de troubles du comportement ou polyhandicapés. Ils peuvent également présenter différentes déficiences se­condaires qui dépendent de la nature des handi­caps primaires, de leur gravité et du m o m e n t de leur apparition ainsi que d'un certain nombre d'autres facteurs. Ainsi, un enfant devenu sourd avant de connaître sa langue maternelle est incapable d'apprendre de façon normale à parler. Il est possible de remédier à ces défi­ciences secondaires et à d'autres handicaps similaires par des mesures pédagogiques cor­rectives.

L e dépistage et l'éducation précoce des en­fants déficients physiques ou mentaux visent donc à atteindre les objectifs globaux de l'édu­cation, soit entièrement soit autant que le permettent les circonstances nées de la défi­cience particulière, en répondant aux exigences spécifiques d'une éducation corrective. Celle-ci

se fonde sur les objectifs éducatifs fixés pour l'ensemble des enfants. D a n s cette optique, on s'efforce de tirer parti de toutes les possibilités de développement des enfants handicapés et de les accroître systématiquement tout au long de l'éducation. Dans l'action réciproque des fac­teurs externes et internes qui gouvernent le développement de la personnalité, ce sont les principales déficiences physiques ou mentales (lesquelles font partie des facteurs internes) qui amènent à déterminer le type d'éducation requise. Celle-ci doit en effet associer une instruction et une formation générales à la cor­rection des inadaptations que les handicaps provoquent dans le développement de la per­sonnalité, cela grâce à des méthodes pédago­giques spécifiques.

L'éducation des enfants handicapés est essen­tiellement corrective. Elle veut prévenir, mini­miser, surmonter ou au moins atténuer les déficiences secondaires provoquées par un han­dicap primaire c o m m e la surdité ou la cécité et entraînant un développement anormal de la personnalité. C e principe détermine les objec­tifs, les contenus, les méthodes, les formes d'organisation et les moyens matériels des pro­cessus éducatifs. Sa mise en œuvre est particu­lièrement étudiée par les chercheurs qui se spécialisent dans le domaine de l'éducation spéciale.

Les dispositions de la loi sur la politique de l'éducation et la coopération de plus en plus étroite entre toutes les forces sociales en vue de promouvoir l'intégration sociale des per­sonnes handicapées conformément au pro­g r a m m e mentionné plus haut mettent en lu­mière la nécessité d'effectuer aussi vite que possible le dépistage et l'éducation spéciale des enfants inadaptés. Il faut préciser que cette question présente deux aspects différents. D ' u n e part, la détection et l'éducation précoces sont liées à la nécessité de prendre des mesures pédagogiques spéciales dès l'apparition d'une déficience primaire afin de remédier aux handi­caps secondaires. E n ce sens, lorsque nous

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Dépistage et éducation spéciale précoces dans la République démocratique allemande

disons que le dépistage et l'éducation doivent se faire tôt, nous nous référons non pas néces­sairement à l'âge de la personne mais plutôt au m o m e n t le plus proche possible après l'appa­rition et le dépistage d'une déficience primaire. C'est l'idée fondamentale. Il est indispensable de reconnaître rapidement les enfants atteints de handicaps physiques ou mentaux et de prendre sans tarder les mesures pédagogiques nécessaires si l'on veut que l'éducation spéciale soit couronnée de succès.

D'autre part, c o m m e les déficiences primaires peuvent apparaître à la naissance ou dans la petite enfance, il y a des cas où il s'agit bien d'éduquer les handicapés en bas âge (jusqu'à trois ans) et à l'âge de la maternelle (de quatre ans jusqu'à l'entrée à l'école). Il n'y a là aucune contradiction avec la conception fondamentale énoncée plus haut. Les recherches sur le développement de la personnalité et l'expé­rience acquise par la République démocratique allemande montrent l'efficacité des mesures d'éducation spéciale appliquées aux enfants handicapés en bas âge, surtout pour corriger les anomalies de développement qui apparais­sent principalement dans les premières phases de la croissance de l'enfant. L'application de toutes les différentes mesures correctives pos­sibles, conjuguée à l'utilisation de processus éducatifs généraux dès le début d'une défi­cience, donne des résultats très favorables qui soulignent l'extrême importance de l'éducation spéciale des handicapés au niveau de la m a ­ternelle. Ainsi, dans le cas de certains enfants demi-sourds qui, s'ils n'avaient pas suivi tout de suite un traitement dans des maternelles spé­cialisées, auraient dû aller dans des écoles pour sourds, cette formation peut contribuer à pré­venir les anomalies de développement. Grâce à elle, des perturbations et des inadaptations liées au handicap (par exemple des troubles de la parole) peuvent disparaître ou au moins être atténuées de façon permanente avant que l'en­fant entre à l'école. L e dépistage et l'éducation précoces peuvent permettre à l'enfant d'at­

teindre un niveau beaucoup plus élevé dans les petites classes puis à tous les stades ultérieurs de la scolarité dans un établissement spécialisé, sur le plan de l'instruction générale et de la for­mation professionnelle ; ils ouvrent ainsi la voie à une pleine insertion sociale des handicapés. Ces questions ont été examinées lors d'une réunion de la Conférence internationale des représentants des organismes publics et des centres scientifiques et éducatifs des pays socia­listes sur l'éducation spéciale qui s'est tenue à Budapest en 1969. Elle a apporté des idées importantes pour les futures recherches dans ce domaine.

L'expérience de la République démocratique allemande montre que le dépistage et l'éducation précoces des enfants handicapés posent les importants problèmes suivants :

1. Pour que l'éducation soit précoce, il faut diagnostiquer des déficiences majeures qui, c o m m e nous l'avons déjà souligné, risquent d'entraîner u n tel écart par rapport au déve­loppement normal de la personnalité qu'un cadre pédagogique spécial s'impose de toute urgence. Mais, dans la petite enfance et à l'âge préscolaire, le diagnostic formel des déficiences n'est possible que dans certains cas. L a R é p u ­blique démocratique allemande a, nous l'avons vu, posé en principe que, dans l'intérêt de la société, des enfants eux-mêmes , de leur famille et de leur entourage, seuls les enfants qui se montrent incapables de se développer pleine­ment dans des circonstances normales seront éduqués dans des conditions spéciales. L e diagnostic d'un handicap physique ou mental primaire est u n critère mais ce n'est pas le seul. Des années d'expérience ont montré qu'il devait, en outre, être clairement prouvé que dans u n cadre normal, la nature de la défi­cience, sa gravité et le m o m e n t de son appa­rition entraîneraient, ou avaient déjà provoqué, un développement anormal de la personnalité. C e sont à la fois la déficience initiale et surtout ses effets sur le développement de la personna­lité qui, c o m m e l'indiquent les recherches et

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l'expérience de la pratique, constituent les fac­teurs décisifs, d'où le caractère d'autant plus crucial du diagnostic exact du stade de déve­loppement de l'enfant. L e placement en école spéciale ne doit être effectué que si c'est la seule possibilité. O r il arrive bien souvent qu'on ne puisse évaluer avec précision le niveau de développement que lorsque ce dernier est déjà bien avancé.

2 . Si l'on veut éduquer les enfants handicapés d'âge préscolaire, il faut déterminer dès ce premier stade à quelle catégorie d'enfants né­cessitant des soins spéciaux ils appartiennent. A u c u n problème ne se pose quand il s'agit d'aveugles, de sourds, de déficients visuels ou auditifs profonds, de handicapés physiques graves ou d'enfants ayant des troubles pro­noncés de la parole. Dans de nombreux cas cependant, seule une surveillance régulière du développement de la personnalité permet de définir avec certitude la catégorie où il faut ranger l'enfant. C'est vrai notamment pour les anomalies et les perturbations du développe­ment intellectuel et linguistique, qui dépendent les unes des autres et sont de toute façon liées, dans une certaine mesure, aux déficiences citées plus haut ; c'est le cas également pour les handi­caps associés plus ou moins prononcés. 11 est souvent impossible ou très difficile de savoir, au début du développement de l'enfant, si des déficiences apparemment similaires dans la formation de la personnalité sont provoquées par une arriération mentale, u n retard impor­tant dans l'apprentissage du langage ou une demi-surdité. O r , pour que l'éducation cor­rective soit efficace, il faut que l'enfant handi­capé soit placé le plus tôt possible dans la catégorie à laquelle il correspond.

3. L'éducation est u n processus organisé en vue d'un objectif précis. L e dépistage des enfants handicapés dans la petite enfance et à l'âge préscolaire doit donc s'accompagner d'une définition des objectifs, des contenus et des méthodes pédagogiques, qui doivent être compatibles avec les buts et les tâches de

l'éducation préscolaire en général, d'une part, et avec les exigences de l'enseignement correctif, d'autre part. Pour cela, il faut notamment connaître les aspects particuliers du développe­ment de la personnalité à ce stade chez les différents types d'enfants déficients. U n pro­g r a m m e de recherche à long terme est actuelle­ment m e n é sur ces problèmes ; il s'agit d'acqué­rir progressivement une compréhension exacte des relations existant entre les objectifs, les contenus et les méthodes de l'éducation et le développement optimal de la personnalité.

L e Service de la santé publique de la R é p u ­blique démocratique allemande joue u n rôle important dans les programmes sociaux coor­donnés de l'État pour l'aide aux handicapés. Les autorités sanitaires qui sont responsables des centres d'hygiène infantile, des centres éducatifs préscolaires et des établissements pour les enfants qui, tout en étant incapables de fréquenter l'école ordinaire, sont en mesure d'assimiler d'autres types d'éducation coor­donnent et supervisent toutes les mesures prises en faveur des enfants et des jeunes handicapés en matière de prophylaxie, de diagnostic, de thérapeutique et de métaphylaxie. Dès la nais­sance, u n dossier est régulièrement constitué à la suite d'examens médicaux collectifs ou indi­viduels. Parmi les prestations assurées figurent également le traitement clinique continu ou périodique, les vaccinations et la fourniture aux parents, aux enseignants, aux éducateurs, aux enfants et aux jeunes de conseils sur toutes les questions concernant la santé et l'adoption d'un m o d e de vie sain. Des examens médicaux obligatoires de toutes les femmes enceintes et de tous les enfants à la naissance, puis au cours de l'enfance et de l'adolescence permettent de déceler sans tarder les anomalies ou insuffi­sances physiques ou mentales et d'identifier les handicapés à la naissance ou immédiatement après l'apparition d'une déficience. Grâce à ces mesures, il est possible de faire donner à temps des soins médicaux par u n spécialiste et de prendre toutes les dispositions complé-

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Dépistage et éducation spéciale précoces dans la République démocratique allemande

mentaires voulues pour assurer des soins et un développement adéquats. N o u s en donnerons maintenant quelques exemples concrets.

Pour reconnaître rapidement les enfants apha­siques, la République démocratique allemande possède un large réseau de centres de consulta­tion pour l'éducation spéciale des enfants at­teints de troubles du langage, de la parole et de l'audition. Les différents troubles du langage dont ils souffrent les rendent partiellement ou totalement inaptes à parler ou à écrire normale­ment la langue de tous les jours. Après le diag­nostic d'une perturbation de la parole, établi conjointement par des médecins, des orthopho­nistes et des psychologues pour voir s'il s'agit de troubles du langage ou d'autres formes de déficiences, il appartient aux centres de consul­tation d'offrir un traitement ambulatoire aux enfants légèrement atteints, d'assister et de guider leurs parents et d'éliminer ainsi ce han­dicap dès la première enfance ou bien de l'atté­nuer suffisamment pour qu'ils puissent fré­quenter sans problèmes le jardin d'enfants et l'école, aux côtés des enfants dont le dévelop­pement est normal.

Les enfants d'âge préscolaire qui ont des troubles prononcés de la parole sont dirigés par les centres de consultation vers des établisse­ments spécialisés, par exemple des écoles mater­nelles indépendantes pratiquant l'orthophonie, des classes maternelles d'écoles d'orthophonie, des foyers pour les enfants aphasiques d'âge préscolaire ou des classes spéciales pour enfants aphasiques dans des maternelles normales. Quand le retard dans le développement du lan­gage est très grand, des programmes particuliers sont appliqués pour aider les enfants à apprendre à parler leur langue maternelle, grâce à des m é ­thodes et procédés spéciaux.

L e dépistage rapide permet, dans quatre cas sur cinq, de supprimer l'aphasie avant que l'enfant entre à l'école ou d'atténuer suffisam­ment le handicap pour que l'enfant n'ait pas besoin d'aller dans un centre spécial d'ortho­phonie.

L'identification et l'éducation des enfants gravement atteints tout jeunes de lésion cérébrale posent un problème particulier. E n effet, ces enfants sont très en retard pour tous les aspects de leur développement et ils ne sont pas récep­tifs à l'enseignement à cet âge et à ce stade de leur croissance. Des établissements appartenant au Service de la santé publique ont aujourd'hui acquis u n début d'expérience en la matière. D'après leurs constatations, il est surtout utile d'exercer progressivement les enfants à exécuter des mouvements avec leur corps, de les aider à établir des relations avec leur entourage, de leur apprendre à effectuer des actes simples faisant intervenir des objets et à se familiariser avec le n o m de ces objets et de ces actes et enfin, s'il s'agit d'enfants très arriérés, de les habituer à prendre part à des jeux très faciles après les avoir entraînés à des actes partiels. Les progrès accomplis à ce premier stade sont ensuite pour­suivis dans les centres de jour, les centres pour la semaine — fréquentés par les enfants pen­dant les cinq jours ouvrables — et les foyers permanents, que le Service de la santé publique met à la disposition des enfants et des jeunes déficients mentaux qui, bien qu'incapables de profiter de l'enseignement des écoles ordinaires, sont réceptifs à d'autres types d'éducation. Dans ces établissements, l'enseignement repose sur des programmes éducatifs spéciaux. Les enfants y apprennent à effectuer les tâches quotidiennes, à s'orienter dans leur environnement, à affronter les problèmes pratiques à l'existence avec une indépendance croissante, à exécuter des travaux simples et à occuper intelligemment leurs loisirs.

Les enfants légèrement ou profondément ar­riérés mentalement peuvent être rapidement identifiés pendant la période préscolaire. C o m m e la faculté d'acquérir des connaissances et des mécanismes et d'apprendre les normes du c o m ­portement est très réduite chez ces enfants, on ne peut prendre soin d'eux de façon appropriée dans les écoles maternelles conçues pour des enfants normaux. Les écoles pour déficients mentaux ont donc des classes maternelles qui

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accueillent, à partir de trois ans, les enfants qui présentent indiscutablement une insuffisance intellectuelle ou que, malgré leur handicap im­portant, on ne peut pas à l'avance juger aptes ou non à une scolarité ultérieure ou qui, bien que d'âge scolaire, n'ont pas encore fait des progrès suffisants pour fréquenter une école spéciale pour déficients mentaux.

N o s connaissances et nos méthodes de diag­nostic actuelles ne nous permettent générale­ment pas d'identifier avec certitude les enfants qui n'ont qu'un léger retard mental avant leur entrée à l'école. O n les place donc dans les classes primaires de l'établissement d'enseigne­ment polytechnique ordinaire, étant donné qu'il est plus facile de diagnostiquer des insuffisances légères lorsque les enfants participent à des activités d'apprentissage direct aux côtés d'élè­ves dont le développement est normal.

Les maternelles créées dans la République démocratique allemande au sein des écoles pour déficients mentaux ont déjà eu des résultats satisfaisants en ce qui concerne la promotion du développement physique, intellectuel et linguis­tique des enfants. Elles évaluent actuellement les objectifs, les contenus et les méthodes d'éduca­tion dans certains domaines clés. U n programme spécial de formation destiné à obtenir des per­formances optimales de la part de l'enfant est en cours d'élaboration. E n outre, l'analyse des expériences internationales et une coopération étroite avec les experts en éducation spéciale de l'Union soviétique et d'autres pays socialistes nous aident à mieux comprendre les exigences particulières de l'éducation préscolaire des défi­cients mentaux.

N o s efforts visent essentiellement à familia­riser systématiquement les enfants avec des objets et des phénomènes de leur milieu social et naturel, à leur apprendre à parler et à utiliser le langage, et surtout à jouer, car le jeu est pri­mordial pour le développement de leur person­nalité. C'est en effet par le jeu qu'un enfant explore la réalité. Plus ses activités dans ce domaine se développent et l'aident à remédier à

certaines perturbations des fonctions et des mécanismes intellectuels, plus il sera en mesure de reconnaître les objets et les phénomènes de son environnement et d'établir des relations avec eux. Cela suppose notamment une associa­tion avec d'autres enfants, la présence du cercle familial, la possibilité de se débrouiller en gé­néral, l'expérience de la vie dans la rue, la compréhension des quatre saisons, le plaisir de partir en vacances ou d'aller à des fêtes, tous m o m e n t s qui représentent des points forts dans la vie des enfants. L'important est d'intéresser l'enfant gravement déficient à des jeux simples, d'éveiller en lui le désir et le besoin de jouer et de l'y pousser afin de lui faire effectuer des actions et des jeux appropriés, en utilisant des méthodes et des jouets spéciaux. Les expériences et les recherches initiales montrent qu'il y a encore de grandes possibilités d'améliorer les processus éducatifs spéciaux destinés à corriger l'arriération.

Voici quelles sont les tâches des classes mater­nelles des écoles pour déficients mentaux :

Elles doivent chercher à favoriser u n déve­loppement équilibré correspondant aux carac­téristiques de l'âge des enfants et de leur stade particulier de développement et préparer les élèves très arriérés à entrer dans des établisse­ments scolaires spécialisés, grâce à des techni­ques et à des activités conçues à cet effet. O n y suit surtout de près le développement des élèves, en particulier celui des enfants dont l'arriération mentale n'a pas encore été clairement établie et qui pourraient par la suite se montrer aptes à recevoir une éducation scolaire normale. Seul u n petit nombre d'enfants oligophrènes très han­dicapés peuvent, très tôt, être déclarés indis­cutablement inaptes à fréquenter plus tard une école spéciale pour retardés. D a n s ces cas-là, si les parents le souhaitent, les enfants sont placés dans u n des centres de jour ou des foyers permanents d u Service de la santé publique. D a n s tous les cas incertains, les maternelles doivent s'efforcer de développer la personnalité des enfants très arriérés. C e n'est que lorsqu'il

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est absolument certain qu'ils ne peuvent pas progresser suffisamment pour être capables de suivre une formation spéciale pour déficients mentaux, m ê m e au bout de plusieurs années, que la grave décision de les déclarer inaptes à l'éducation scolaire est prise.

A l'éducation spéciale des enfants retardés à la maternelle succède une instruction générale à deux niveaux, dans des établissements spéciaux pour arriérés. Les enfants moyennement ou pro­fondément déficients mentalement passent des classes maternelles au niveau 2 de l'école spé­ciale, qui comporte huit années d'études. Ils vont ensuite dans des écoles professionnelles spéciales ou dans les sections professionnelles des établissements pour arriérés, où on leur apprend à faire des travaux simples. Grâce à ce processus de développement de la personnalité, auquel doit absolument concourir une éducation spéciale précoce, les enfants et les jeunes très retardés atteignent un niveau beaucoup plus élevé d'instruction générale, sont mieux pré­parés au travail et, d'une manière générale, sont mieux équipés pour s'intégrer dans la société.

Quant aux enfants légèrement arriérés, ils vont dans la première classe de l'école « nor­male » et passent ensuite au niveau i de l'école spéciale qui va de la 2 e à la 8 e année d'études. Viennent alors deux années de formation profes­sionnelle dans u n domaine limité d'un travail spécialisé, ce qui leur permet finalement d'af­fronter les exigences pratiques de la vie.

Si l'on se tourne maintenant vers le dépistage et l'éducation des enfants déficients auditifs pendant la petite enfance et à la maternelle, on voit que l'enseignement a ici pour objectif, outre ses autres fonctions, de développer la capacité d'élocution dès le plus jeune âge, grâce à des méthodes pédagogiques spéciales.

Les recherches scientifiques et l'expérience pratique ont permis de tirer quelques conclu­sions préliminaires sur l'efficacité des techniques éducatives spéciales employées dans le cas des tout jeunes enfants frappés d'une grave défi­

cience auditive. O n a recours à tous les moyens de démutisation associés à l'entraînement sys­tématique de l'ouïe, en utilisant des prothèses auditives perfectionnées afin de profiter plei­nement de l'audition résiduelle présente chez les enfants sourds et de contribuer à ce que l'ouïe devienne le sens essentiel de l'acquisition du langage chez les enfants dont le déficit au­ditif est profond. O n leur enseigne très tôt la lecture labiale pour les aider à comprendre le langage parlé. A mesure que leur capacité d'arti­culation s'améliore, on leur fait faire des exer­cices élémentaires pour former les organes de la parole. Les parents de tous jeunes enfants défi­cients auditifs reçoivent des instructions parti­culières sur les moyens de les aider. Des centres de consultation sur l'éducation des enfants souf­frant de troubles du langage, de la parole et de l'audition viennent aussi en aide aux parents par des réunions de groupe, des consultations individuelles, un enseignement régulier pour les enfants en présence des parents et des visites à domicile. U n e aide analogue est donnée aux éducatrices des crèches accueillant aussi des déficients auditifs.

Les enfants sourds ou mal-entendants peu­vent être admis dans les classes maternelles des écoles pour sourds ou mal-entendants, selon le cas. Les recherches effectuées jusqu'à présent sur l'éducation de ces enfants à la maternelle ont surtout porté sur les moyens de leur enseigner leur langue maternelle à partir de quatre ans. A cet égard, u n programme spécial s'est révélé de grande valeur puisqu'il associe intimement la démutisation à la familiarisation systématique des enfants avec les personnes, objets et phéno­mènes de leur entourage, grâce à tous leurs dif­férents jeux et au développement de leurs apti­tudes créatrices. D e bons résultats ont été obtenus avec une communication gestuelle fon­dée sur l'alphabet. Chaque signe est porteur d'information sémantique. Les enfants appren­nent à représenter ces symboles, à les utiliser de plus en plus pour se comprendre et à les ana­lyser à partir d'une présentation typographique

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Lothar Hammer

correspondant au développement de leur capa­cité d'articulation.

Les centres de consultation sur l'éducation spéciale suivent aussi les enfants mal-entendants qui ne fréquentent pas une classe maternelle d'école pour déficients auditifs. Les enfants sourds et ceux dont la déficience auditive est profonde sont par contre envoyés dans les m a ­ternelles d'écoles spéciales appropriées où de bons résultats ont été obtenus. C e type d'édu­cation offre de très grandes possibilités d ' a m é ­lioration et de développement complet de la personnalité. Il y a quelques années, la forma­tion des enfants sourds a été remaniée en fonc­tion de l'expérience acquise en Union soviétique. Les méthodes anciennes de démutisation accor­daient trop d'importance au développement de l'articulation et avaient donc tendance à confiner le développement du langage, de la pensée et, par conséquent, de l'ensemble de la personnalité du sourd dans des limites très étroites. Grâce à u n nouveau système d'apprentissage de la lan­gue qui met beaucoup l'accent sur le dépistage rapide du handicap, les enfants et les jeunes sourds reçoivent une formation générale con­forme aux exigences sociales de notre époque, ce qui constitue u n net progrès par rapport à l'enseignement dispensé au cours des décennies précédentes.

E n ce qui concerne les enfants déficients visuels, plusieurs types d'assistance aux parents se sont révélés utiles. Les parents reçoivent des informations sur la nature de la déficience et sur les mesures concertées prises par le gouverne­ment et par la société pour favoriser le dévelop­pement complet de leurs enfants et leur inté­gration sociale et ils obtiennent une aide efficace pour l'éducation de ceux-ci. L'Association des aveugles et des amblyopes, par exemple, orga­nise des cours pour les parents, seuls ou accompagnés de leurs enfants, arrange des vi­sites chez les familles et envoie des brochures renfermant des conseils et des directives. Les très jeunes enfants aveugles peuvent être placés dans des foyers spéciaux. Lorsqu'ils sont plus

grands, ils peuvent fréquenter la classe mater­nelle d'une école pour aveugles, si leurs parents le souhaitent.

Les recherches et les expériences antérieures montrent que l'éducation spéciale donnée aux enfants aveugles en bas âge ou à l'âge de la maternelle doit principalement viser à les aider à effectuer des séries de mouvements, à a m é ­liorer leur capacité d'orientation, leurs facultés de perception spécifiques, leur langage, leur aptitude à se débrouiller par eux-mêmes et à jouer. Il est particulièrement important d'ap­prendre aux non-voyants, dès leur plus jeune âge, à utiliser la perception tactile et leur vision résiduelle (si elle existe) et à exercer leur ouïe pour compenser leur absence de vision, et de leur montrer comment ils peuvent se servir de leurs autres organes sensoriels pour acquérir des connaissances et de l'expérience.

Les maternelles des écoles pour amblyopes accueillent les enfants que leur handicap e m ­pêche de participer de façon adéquate aux acti­vités des jardins d'enfants pour voyants. Les recherches dans ce domaine visent en parti­culier à trouver des moyens de développer la capacité d'observation des enfants afin d'éviter tout retard dans le développement de leur ima­gination et de leur intellect ainsi que dans l'ac­quisition des connaissances sur leur envi­ronnement.

L'éducation précoce des enfants déficients visuels pose des problèmes aussi vastes et aussi complexes que celle des enfants frappés d'autres handicaps. N o s connaissances et notre expé­rience limitées montrent que de grands progrès peuvent encore être faits dans ce domaine. Les résultats obtenus indiquent cependant dès à présent qu'une éducation spéciale permet aux élèves des écoles pour aveugles et amblyopes d'atteindre le m ê m e niveau de connaissances que les écoles polytechniques ordinaires de dix années d'études.

O n accorde également une grande impor­tance au dépistage et à l'éducation précoces des enfants handicapés physiques. Cette expression

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Dépistage et éducation spéciale précoces dans la République démocratique allemande

désigne, dans la République démocratique alle­m a n d e , les enfants atteints de déficiences pro­noncées au niveau du squelette ou du système locomoteur ou de maladies longues ou chroni­ques. Leurs handicaps varient beaucoup selon la nature de la déficience ou de la maladie, sa gravité, le m o m e n t de son apparition et sa durée et ils ont des effets très différents tant sur le processus d'apprentissage que sur le dévelop­pement de la personnalité ; aussi faut-il recourir à des approches distinctes. Les enfants qui sont limités dans leurs mouvements ont relativement moins de possibilités d'entrer en relation avec autrui, d'explorer les objets et les phénomènes de leur entourage et d'agir sur tous les plans (pratique, intellectuel, affectif, volitif et social) et donc, d'une manière générale, d'acquérir de l'expérience en général. Il faut par conséquent développer au m a x i m u m et améliorer continuel­lement leurs capacités physiques et leurs possi­bilités de coordination ainsi que leurs aptitudes motrices fondamentales, sans perdre de vue les objectifs généraux de l'éducation et les contrain­tes médicales auxquelles ils peuvent être soumis. Ainsi peuvent être prévenues, surmontées ou atténuées les déficiences auxquelles ils sont ex­posés sur le plan du développement de la personnalité.

Il faut donner à ces enfants une formation préscolaire de base pour favoriser leur dévelop­pement. O n a donc élaboré des programmes ini­tiaux d'éducation physique spéciale qui se révè­

lent très utiles lorsqu'ils sont associés à un traitement thérapeutique. Ils visent à éveiller chez les enfants le besoin d'effectuer des m o u ­vements avec leur corps et à les faire participer à des jeux collectifs et aux exercices de m o u v e ­ment qu'ils impliquent. U n système d'exercices de plus en plus difficiles a été mis au point : il comporte des activités physiques, des jeux, des exercices de locomotion ou avec des balles, des mouvements rythmiques et notamment des exercices dans l'eau.

L a prévention, l'élimination rapide ou l'atté­nuation d'inadaptations dans le développement de la personnalité dues à une déficience dépen­dent beaucoup, pour toutes les catégories de handicaps, de l'utilisation de méthodes d'auxi­liaires et de matériels modernes d'éducation spéciale. Cela est particulièrement vrai pour les différents types et les divers degrés de handicaps physiques. Aussi les enfants reçoivent-ils des auxiliaires médico-techniques efficaces pour compenser leurs infirmités permanentes et bé­néficient de toutes sortes d'autres équipements au cours de leur programme d'éducation spé­ciale. L a formation préscolaire spéciale des enfants handicapés apparaît de plus en plus c o m m e une première étape indispensable si l'on veut qu'ils puissent, m ê m e s'ils sont pro­fondément atteints, suivre avec succès les dix années de l'enseignement polytechnique général normal.

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Armin Löwe

Jeunes déficients auditifs prévention et intégration

L a première école publique allemande pour enfants sourds a ouvert ses porte voilà plus de deux cents ans à Leipzig, en 1778 ; u n an après, une école du m ê m e type était créée à Vienne (Autriche). Les jeunes sourds ayant ainsi cons­titué la première catégorie d'enfants handicapés à être scolarisés dans le m o n d e , cette branche de l'éducation spéciale est historiquement la plus ancienne.

U n e tradition plus que bicentenaire peut re­présenter un avantage mais elle peut être aussi un fardeau. L'organisation du système d'éduca­tion des jeunes déficients auditifs et les méthodes d'enseignement appliquées ont évolué, de m ê m e que l'étiologie de la surdité infantile.

Les tâches diverses auxquelles doit faire face aujourd'hui l'éducation des enfants sourds et les nombreux problèmes qui restent encore à ré­soudre dans ce domaine exigeront beaucoup d'efforts et d'imagination de la part de ceux qui s'y consacrent déjà ou s'y destinent. A u premier rang de ces tâches et de ces problèmes figurent deux défis : celui de la prévention et celui de l'intégration.

Armin Lome (République fédérale d'Allemagne). Pro­fesseur d'audiologie infantile et de pédagogie des enfants déficients auditifs au Département d'éducation spéciale, Institut d'éducation, Heidelberg. Professeur invité dans de nombreux pays où il a enseigné sa spécialité. Auteur de nombreux ouvrages traduits, pour la plupart, dans plusieurs langues.

Ce qu'on entend par prévention

Selon V a n U d e n (1963), le but principal des premiers efforts d'éducation dans le foyer de l'enfant est la prévention de la mutité, de la sur­dité fonctionnelle et de la formation d'un lan­gage mimique.

L'état actuel des connaissances rend néces­saire une interprétation beaucoup plus large du terme de prévention : il faut entendre par là en effet un effort visant non seulement à éviter que ne se développe un handicap par suite d'une infirmité, mais également à combattre dans la mesure du possible cette infirmité elle-même. C'est sous ce double aspect que doit être envi­sagée cette tâche de prévention, qui constitue u n des deux grands défis que doit relever l'édu­cation des enfants sourds.

L'effort de prévention doit commencer dès le stade prééducatif et ne peut se concevoir sans une action de « relations publiques », de n o m ­breuses couches de la population étant encore insuffisamment informées à cet égard. Environ la moitié des jeunes déficients auditifs, par exemple, souffrent de surdité héréditaire. A u cours des vingt-cinq dernières années, grâce aux antibiotiques et aux vaccinations, la m é d e ­cine a réussi à réduire progressivement le pour­centage des cas de surdité acquise. L a rougeole, la méningite et les oreillons n'ont plus les m ê m e s incidences qu'autrefois. L'efficacité de la vacci­nation contre la rubéole introduite dans cer-

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Perspectives, vol. X I , n° 4 , 1981

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Jeunes déficients auditifs : prévention et intégration

taines régions il y a plus de dix ans est mainte­nant attestée. Dans les pays où les services de santé fonctionnent bien, la plupart des défi­ciences auditives seront à l'avenir d'origine génétique.

La surdité évolutive

U n e forte proportion des 50 % de cas de défi­cience auditive qui, dans l'hémisphère nord, sont imputables à des facteurs génétiques ont u n caractère évolutif. A u cours des deux pre­mières années de leur vie, beaucoup de ces enfants ne souffrent que d'une légère infirmité qui, ensuite, s'accentue considérablement. A condition que leur déficience puisse être dé­pistée à temps et qu'une action éducative soit entreprise suffisamment tôt pour y remédier d'urgence, il devrait être possible de profiter de ce répit pour stimuler un développement pres­que normal de la parole et du langage. C e type d'intervention peut éviter que leur surdité évo­lutive ne devienne fonctionnelle.

Limiter les conséquences de la surdité infantile

O n sait depuis plus de vingt-cinq ans que l'éducation d'un déficient auditif est d'autant plus fructueuse qu'elle c o m m e n c e tôt. Elle peut alors tirer parti de deux importants facteurs biologiques, à savoir la spécificité des phases du développement sensoriel et la grande plasticité du cerveau infantile.

L e premier de ces facteurs implique que les différents systèmes sensoriels ne peuvent se développer pleinement ou, dans le cas d'une déficience auditive, atteindre leur niveau de capacité fonctionnelle que par une stimulation intensive au m o m e n t de leur maturation, qui s'étend sur une période limitée.

Quant à la plasticité du cerveau, on entend par là que les possibilités de compensation ou

d'organisation cérébrale sont nettement plus importantes pendant la petite enfance que plus tard.

Dans ce contexte, il convient d'évoquer trois autres notions, celles de période critique, de période sensible et de privation sensorielle. Q u e signifient ces expressions ?

L a période critique est la période exclusive et étroitement délimitée dans le temps durant la­quelle certaines structures ou capacités se cons­tituent de manière irréversible. Les actions édu­catives et/ou la stimulation sensorielle donnent donc de meilleurs résultats pendant cette pé­riode qu'avant ou après. Qui plus est, il paraît possible d'agir sur certains troubles de l'audi­tion en stimulant tous les aspects de celle-ci pendant cette période, qui ne semble pas se prolonger au-delà de l'âge de neuf mois.

L a période sensible est la phase pendant laquelle certaines capacités peuvent être acqui­ses le plus efficacement, le plus rapidement et le plus facilement. Pour la stimulation auditive, de nombreux indices montrent que cette période dure jusqu'à l'âge de deux ans. Afin d'en tirer le meilleur parti possible, il conviendrait qu'une prothèse appropriée soit fournie et qu'un vaste programme de stimulation de l'ouïe soit entre­pris, au plus tard, lorsque l'enfant a entre dix-huit et vingt-quatre mois.

Enfin, la notion importante de privation sen­sorielle est définie c o m m e l'absence de stimuli extérieurs. Il s'agit ici, avant tout, de stimuli auditifs, parmi lesquels les plus importants sont les stimuli verbaux. Malheureusement, de n o m ­breux parents cessent de parler à leur enfant lorsqu'on leur dit qu'il est sourd. C o m m e ces enfants ne réagissent pas au langage parlé de la m ê m e manière que ceux qui entendent norma­lement, les parents pensent qu'il est inutile de leur parler. Faute de cette stimulation senso­rielle et verbale, l'enfant n'apprendra ni à parler, ni m ê m e à comprendre le langage parlé par ses parents.

Je voudrais tirer de ces définitions deux conclusions applicables à l'éducation des

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Armin Löwe

déficients auditifs pendant la première enfance. Elles ont trait, d'une part, à la nécessité d'es­sayer de remédier le plus tôt possible à la privation sensorielle qu'entraînent les déficien­ces auditives et, d'autre part, à la période pen­dant laquelle doit se situer l'intervention édu­cative. Les recherches de Griffiths (1967), Griffiths et Ebbin (1978) et Götze (1980) m o n ­trent que, pour les privations sensorielles de ce type, il existe non seulement une période sen­sible mais aussi une période critique, au cours desquelles une action éducative semble pouvoir contribuer à réduire certains troubles auditifs. L a rééducation d'un enfant atteint de tels trou­bles doit donc être entreprise avant l'âge de huit mois.

Importance d'un dépistage précoce

C o m p t e tenu de ces connaissances, il faut au­jourd'hui accorder une priorité plus grande que jamais au dépistage et au diagnostic précoces des déficiences auditives. Cela peut permettre à de nombreux enfants atteints de surdité de bénéficier d'une action préventive. U n e telle action suppose, toutefois, qu'un vrai diagnostic soit effectué suffisamment tôt et que la rééduca­tion soit commencée immédiatement. Dès que la surdité ne fait plus de doute, un programme bien conçu d'éducation auditive doit être entrepris pour remédier à la déficience constatée ou, au moins, réduire les conséquences qu'elle peut avoir pour le développement linguistique, co-gnitif, affectif, psychomoteur et sensorimoteur et social.

Fourniture de prothèses au jeune enfant

Il importe au plus haut point de mettre suffi­samment tôt des prothèses bien adaptées à la disposition des enfants souffrant d'une défi­cience auditive pour en prévenir les conséquen­

ces éventuelles. Cela doit être fait dès que la déficience est diagnostiquée. Les progrès de l'informatique, de l'électronique et de notre connaissance du comportement et du dévelop­pement ont permis d'élaborer des méthodes d'application facile pour dépister et diagnosti­quer les déficiences auditives chez les nourris­sons et m ê m e « chez les nouveau-nés » (Gerber et Mencher , 1978). Si ce fait était plus largement connu, les suites désastreuses d'une surdité précoce non traitée pourraient être épargnées à de nombreux nourrissons.

Diversification des méthodes éducatives

L e principal objectif de l'éducation des enfants sourds est leur intégration dans la société. Dans l'état actuel de nos connaissances, il ne saurait y avoir une seule méthode ou un seul m o d e d'éducation permettant à tous les enfants sourds d'atteindre ce but. Il faudrait donc établir plu­sieurs programmes d'éducation : Des programmes purement oraux pour tous les

enfants gravement et profondément atteints qui peuvent profiter de ce type d'éducation ;

Des programmes combinés, à la fois oraux et gestuels, mettant l'accent soit sur le langage écrit et la dactylologie, soit sur le langage mimique, pour une minorité d'enfants gra­vement et profondément atteints à qui une méthode exclusivement orale ne conviendrait pas;

Des programmes non intégrés à l'intention des enfants sourds pour lesquels cela est néces­saire, quelle qu'en soit la raison ;

Des programmes intégrés à l'intention des en­fants sourds auxquels ce m o d e d'éducation promet un meilleur développement affectif, cognitif, social et linguistique.

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Jeunes déficients auditifs : prévention et intégration

Diagnostic différentiel

L e diagnostic différentiel doit être conçu c o m m e un processus multidimensionnel dressant un bilan de la situation actuelle de l'enfant et four­nissant des indications sur le type d'aide péda­gogique que son développement exige.

L e diagnostic pédagogique ne saurait donc se borner à un simple constat des déficiences de l'enfant (perte de l'audition) : il devra également prendre en compte ses points forts. L e simple fait qu'un enfant est atteint de surdité sévère ou profonde n'est pas en soi un critère suffisant pour l'envoyer dans une école spéciale. C e serait ignorer que d'autres facteurs peuvent avoir un effet positif ou négatif sur son développement linguistique. L e diagnostic ne doit donc pas être limité aux aspects audiologiques de la sur­dité mais en comprendre d'autres et être consi­déré c o m m e un processus continu. Les obser­vations antérieures doivent être périodiquement remises en question. D e m ê m e , les actions édu­catives résultant d'un premier diagnostic ont essentiellement pour fonction de compléter celui-ci en rassemblant des informations sur les points faibles et les points forts de l'enfant.

Les enfants sourds ne peuvent pas tous apprendre à parler

D e nombreux enfants sourds sont capables d'apprendre à parler de manière à être compris. Cependant, l'acquisition de la parole peut être entravée par certains facteurs, tels qu'un dépis­tage et une éducation tardifs, qui empêchent de tirer parti assez tôt de l'audition résiduelle. L e « langage » qui est acquis par ces enfants est alors généralement ésotérique. Mais il faut aussi tenir compte d'un autre facteur trop négligé jusqu'à présent, la dyspraxie. Celle-ci est pres­que toujours associée à une dysrythmie et à une très mauvaise mémorisation des formes (gestalten) successives, les formes simultanées étant par contre bien enregistrées.

N'étant pas encore très répandus, ces termes méritent une brève explication :

L a dyspraxie est le contraire de l'eupraxie, qu'on peut décrire c o m m e un comportement correspondant à des mouvements délibérés. O n parle d'eupraxie lorsqu'une personne est capa­ble d'utiliser et de coordonner ses m e m b r e s rapidement et harmonieusement, ainsi que de diriger, contrôler et reproduire ses mouvements sans difficulté. C e comportement délibéré s'ap­plique à la motricité aussi bien globale que « fine », y compris celle qu'implique la parole. Les déficiences constatées dans ce domaine sont désignées par le terme de dyspraxie. Vingt pour cent environ des enfants sourds souffrent de ce syndrome qui se manifeste par : un contrôle limité de la motricité globale et fine ; une m é ­moire supérieure à la moyenne pour tout ce qui peut être perçu simultanément par le regard (en l'absence de tout mouvement) et cela se remarque en particulier pour le langage écrit ; une mémoire inférieure à la moyenne pour tout ce qui doit être perçu successivement (en parti­culier les mouvements liés à la parole, que l'en­fant sourd doit « lire » pour comprendre le lan­gage parlé et imiter pour apprendre à parler).

Il est donc extrêmement difficile pour les enfants normalement intelligents mais sourds et souffrant de dyspraxie d'apprendre à parler, à lire sur les lèvres et à tirer parti de leur audi­tion résiduelle. U n enseignement distinct de celui qui est dispensé aux autres enfants sourds doit donc être prévu à leur intention. V a n Dijk et V a n U d e n (1976) recommandent que cet enseignement particulier insiste sur le langage écrit et la dactylologie et comporte u n pro­g r a m m e de rééducation psychomotrice et d'en­traînement en matière de perception audio­visuelle de soi. Si u n programme comprenant tous ces éléments leur est offert dans u n milieu scolaire qui met à leur disposition tous les moyens voulus de communication non orale (c'est-à-dire écrite et dactylologique), ces en­fants peuvent atteindre u n très bon niveau de connaissance et d'utilisation du langage.

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Armin Löwe

E n d'autres termes, le diagnostic pédagogique doit aider les écoles pour enfants sourds à faire en sorte que chacun de leurs élèves puisse suivre u n programme correspondant à ses capa­cités et à ses possibilités, ainsi qu'à ses besoins, en offrant : aux enfants qui peuvent bénéficier de méthodes d'enseignement oral u n programme écartant tout ce qui serait susceptible de contre­carrer une acquisition optimale du langage parlé ; aux enfants qui ne bénéficieraient que très difficilement et très insuffisamment de m é ­thodes d'enseignement oral, un programme qui ne bloque pas l'accès au langage.

D a n s le premier cas, il faudra donc éviter tous les facteurs qui pourraient s'opposer au développement du langage parlé, tandis que, dans le second, il conviendra de faire porter essentiellement les efforts sur l'acquisition d'un m o d e de communication.

Interactions entre les enfants sourds et les autres enfants

L a plupart des enfants atteints de surdité ont une connaissance du langage parlé nettement inférieure à celle des autres enfants du m ê m e âge. Bien que l'objectif déclaré de leurs éduca­teurs soit de les préparer à vivre au milieu de personnes qui entendent normalement, le simple fait de mêler les deux catégories d'enfants pour une activité c o m m u n e a parfois pour effet de les éloigner davantage les uns des autres. Il n'en demeure pas moins que des interactions sont indispensables dès le plus jeune âge, « première­ment parce que les différences entre les acquis linguistiques, éducatifs et sociaux (des enfants) sont nettement moindres qu'à l'âge adulte et deuxièmement parce que les enfants sont moins susceptibles d'avoir adopté à l'égard de ceux de l'autre catégorie des attitudes et des compor­tements inamicaux imités de leurs parents ou de leurs proches » (Gorman, i960).

L a création dans les écoles ordinaires de clas­

ses pour enfants sourds placées sous la respon­sabilité d'enseignants spécialisés offre, par exem­ple, u n milieu favorable à de telles interactions. C e type d'éducation prévoyant que les sourds, au lieu d'être isolés d'emblée, sont élevés avec les autres enfants de la famille et fréquentent des classes autonomes au sein d'écoles ordinaires est déjà une réalité dans différentes régions du m o n d e . Il a également donné de bons résultats dans les pays germanophones d'Europe. Six ans seulement après avoir créé sa première classe d'enfants sourds dans u n établissement non spécialisé de Vienne, Willer a p u écrire : « Ces enfants se distinguent beaucoup des autres à la fois dans leur apparence et par leur aplomb, par leur comportement et par l'impression générale qu'ils donnent. N o u s avons affaire à des élèves épanouis, libres et vifs, prêts et aptes à entrer en relations avec des personnes qui entendent normalement, contrastant agréablement avec la majorité des autres élèves sourds. » (1966.)

Étude de la compétence linguistique

Willer ne fournit malheureusement aucune précision sur les remarquables résultats sco­laires et linguistiques de ses élèves. Afin de démontrer les avantages de ce type d'éducation, j'ai entrepris une étude comparative au niveau linguistique des enfants atteints de surdité profonde qui fréquentaient une classe auto­n o m e dans une école ordinaire située près de Lucerne (Suisse). Je l'ai, d'une part, comparé à celui d'enfants normaux d'une classe équiva­lente de la m ê m e école et, d'autre part, mesuré au m o y e n de tests normalisés mis au point pour des enfants normaux uniquement.

J'ai effectué cette étude en trois étapes, éche­lonnées sur une période de cinq ans. Les résul­tats obtenus ont été publiés ailleurs (Löwe, 1978, 1981), et il n'est donc pas nécessaire de les exposer en détail. Je m e bornerai à indiquer que tous les enfants considérés étaient

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Jeunes déficients auditifs : prévention et intégration

atteints de surdité profonde (à l'exception d'un garçon hypoacoustique) et qu'ils étaient tous nés sourds ou l'étaient devenus pendant la première année de leur vie. Il convient de pré­ciser, en outre, que tous avaient une intelligence moyenne ou supérieure à la moyenne , qu'ils venaient tous de familles d'au moins trois enfants et que leurs parents, à une exception près, faisaient partie de la classe moyenne.

R É D A C T I O N S

Tous les enfants, déficients ou non, ont été invités à écrire un texte sur une image qui leur avait été remise. Toutes les phrases de ces textes ont été classées suivant leur structure syntaxique, d'après la grammaire allemande de D u d e n . E n ce qui concerne le nombre de mots, de phrases, des différentes structures syn­taxiques utilisées et des fautes commises, les deux groupes ont obtenu des résultats plus ou moins analogues pour des tranches d'âge comparables. E n revanche, il a été constaté avec surprise que, d u point de vue d u contenu, les rédactions des jeunes déficients auditifs étaient supérieures à celles des autres enfants.

LANGAGE PARLÉ

Les enfants ont également été invités à c o m ­menter spontanément une histoire représentée par une série de cinq images. Leurs remarques ont été enregistrées, puis évaluées de la m ê m e manière que leurs rédactions. Tous les partici­pants ont constaté avec étonnement que les j eunes déficients auditifs obtenaient des résultats plus ou moins comparables à ceux des autres enfants.

INTELLIGIBILITÉ DE LA PAROLE

L'enregistrement des commentaires oraux de tous les jeunes déficients auditifs étudiés a été utilisé pour déterminer jusqu'à quel point ils s'exprimaient de manière intelligible. Cinq pro­fanes et cinq spécialistes qui n'avaient jamais eu

aucun rapport avec ces enfants et ne connais­saient pas l'histoire qu'ils commentaient ont été invités à écouter la bande. L'échelle de nota­tion servant à l'évaluation allait de i (tout à fait compréhensible) jusqu'à 5 (presque totalement incompréhensible). Toutes les notes attribuées se sont situées entre 1 et 2 ou entre 2 et 3. Si la communication avait été directe, tous les en­fants auraient été bien compris par l'ensemble des auditeurs.

Toutes les personnes qui ont vu ces jeunes déficients auditifs — en particulier des éduca­teurs de sourds venus de toutes les régions du m o n d e — conviendront avec moi que leur connaissance et leur utilisation du langage parlé et écrit étaient remarquables. Ces enfants fai­saient leurs études aux côtés de camarades qui entendaient normalement, et ce facteur exer­çait une influence considérable sur le développe­ment de leur langage parlé et sur leur socialisa­tion. Dès leur plus jeune âge, ils avaient fréquenté des enfants avec lesquels ils ne pou­vaient avoir et n'avaient effectivement d'autre communication que verbale. Ils n'ont jamais quitté leur famille pour aller, ne serait-ce qu'un seul jour, dans un internat. Pendant leur pre­mière année scolaire, ils ont participé à plu­sieurs activités menées en c o m m u n avec des enfants qui entendent normalement. A partir de la deuxième année, ils ont eu u n cours c o m m u n d'allemand par semaine. L'enseigne­ment qui leur a été dispensé s'est toujours fondé sur l'emploi du langage ordinaire.

C o m m e nous l'avons vu, il n'est pas possible d'offrir à tous les enfants sourds une éducation orale en milieu intégré. Il ne fait cependant aucun doute que ceux qui pourraient en profiter sont bien plus nombreux que ceux qui en béné­ficient actuellement. Puisse la devise de l'Année internationale des personnes handicapées — « Se comprendre pour vivre ensemble » — encou­rager de plus en plus d'éducateurs de sourds à donner leur enseignement dans u n cadre où leurs élèves peuvent rester en contact avec les autres

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enfants aux côtés desquels ils seront appelés à vivre en tant qu'adultes.

C e bref article visait à montrer que les possi­bilités d'éducation des jeunes déficients auditifs sont maintenant meilleures que jamais. M a l ­heureusement, elles ne sont pas encore à la portée de la totalité, ni m ê m e de la majorité d'entre eux. Il en est ainsi non seulement dans de nombreux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, mais également dans u n grand nombre de pays développés et industrialisés. Pour regret­table que cela soit, puisqu'il en découle que beaucoup d'enfants sourds sont encore privés des avantages que leur procureraient les moyens modernes de rééducation, les parents et les édu­cateurs ne doivent pas oublier qu'à en juger par les expériences faites dans de nombreux pays d'Europe après la seconde guerre m o n ­diale, lorsque la rééducation précoce était encore inconnue, des résultats remarquables peuvent aussi être obtenus en commençant plus tard, à condition de ne pas ménager son dévouement et sa peine.

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Prem Victor

Les jeunes déficit en Inde : besoins

Situation actuelle

L'Inde a une population de 683 millions d'habi­tants1 dont 80 % vivent en zone rurale. L e nombre des naissances s'y élève à 22 millions par an. L a pauvreté règne partout mais à des degrés différents selon les régions. L e multi-linguisme est courant et il n'est pas rare qu'on entende deux ou trois langues différentes dans la rue. Il existe 15 langues reconnues par la Constitution de l'Inde, auxquelles s'ajoutent 1 652 dialectes.

Tout en s'efforçant de faire face à son lot annuel de sécheresses, d'inondations, de fa­mines et d'autres calamités, l'Inde lutte sans relâche contre la mortalité infantile et mater­nelle, les problèmes de nutrition, les maladies transmissibles et le chômage. Il y naît aussi, bien sûr, des bébés qui semblent physiquement bien portants mais qui perçoivent mal les sons et éprouvent, par conséquent, des difficultés à communiquer. O n compte, en Inde, environ 22 000 naissances de bébés de ce type chaque année : un nourrisson sur mille2 présente donc une déficience auditive si grave que toute chance qu'il puisse jamais entendre normale­ment sans l'aide d'une prothèse est exclue.

Prem Victor (Inde). Oto-rhino-laryngologiste, prési­dent fondateur de la Society for Rehabilitation and Research of the Handicapped, il se consacre principale­ment aux problèmes d'orientation des jeunes déficients auditifs au stade préscolaire et en matière de langage.

Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

s auditifs possibilités

DÉPISTAGE DES DÉFICIENCES AUDITIVES

Tout d'abord, les centres de détection et de diagnostic sont peu nombreux et se trouvent exclusivement dans les villes. Il n'existe aucun service de dépistage des déficiences auditives chez les enfants de o à 5 ans. Il existe bien des services médicaux généraux de dépistage dans les écoles ordinaires, mais les jeunes déficients auditifs, qui sont en retard au niveau de la parole et ont u n problème de communication, n'entrent généralement pas dans ces écoles.

C e sont principalement les parents qui dépis­tent la déficience auditive de leur enfant en cas de surdité profonde ou s'il y a d'autres enfants souffrant d'un handicap analogue dans leur famille. Mais il est fréquent qu'ils la dépistent trop tard et il est rare qu'ils le fassent avant l'âge critique de huit mois3.

Lorsque les parents soupçonnent une défi­cience auditive chez leur bébé, ils consultent leur médecin de famille ou le pédiatre, qui ont souvent tendance à prendre leurs inquiétudes à la légère et à y voir une marque d'anxiété paren­tale. L e médecin se borne souvent à battre des mains, à donner des coups sur une table, à parler fort, à siffler et à laisser tomber des objets métal­liques, dans des conditions acoustiques mal défi­nies qui l'amènent à des conclusions peu fiables. H arrive toutefois qu'il ait la sagesse de conseiller aux parents de présenter l'enfant à u n oto-rhino-laryngologiste pour une évaluation audiologique.

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Prem Victor

DIAGNOSTIC MÉDICAL DES DÉFICIENCES AUDITIVES

E n Inde, les centres de diagnostic sont le plus souvent rattachés aux départements d'oto-rhino-laryngologie des hôpitaux, dans lesquels sont employés les audiologistes. Il n'existe aucun audiologiste indépendant. C e départe­ment effectue des diagnostics de routine et assure le traitement médical ou chirurgical des affections des oreilles, d u nez et de la gorge. L e diagnostic de la surdité prélinguistique est, dans ce département, une fonction mineure et sans prestige, en dépit des difficultés que soulève ce diagnostic et d u temps qu'il faut pour le mener à bien lorsqu'il s'agit d'un nourrisson ou d'un enfant.

L a plupart des salles utilisées à cette fin ne sont pas insonorisées c o m m e il le faudrait et celles qui l'étaient à l'origine se dégradent faute d'entretien. L a climatisation est u n inves­tissement coûteux qui nécessite u n entretien régulier et u n dépoussiérage correct pour di­minuer le niveau de bruit dans la salle d'exa­m e n . D e plus, les problèmes d'étalonnage des instruments rendent les résultats encore plus aléatoires.

Les unités indiennes d'évaluation audio­logique sont essentiellement conçues pour exa­miner l'audition des adultes. Pour les enfants de moins de cinq ans, il faut disposer de davan­tage d'espace et d'un cadre informel qui ne peut être improvisé dans des hôpitaux où la place tend généralement à manquer, ce qui suppose donc des aménagements préalables.

Les unités d'audiologie sont, dans la plupart des régions de l'Inde, dissociées des établisse­ments d'enseignement pour déficients auditifs, ce qui entraîne une absence de coordination ou de suivi. Les services d'audiologie ignorent par conséquent les exigences des éducateurs de déficients auditifs.

Les programmes des études universitaires de médecine et des études supérieures spécialisées en oto-rhino-laryngologie fournissent très peu

d'indications sur la surdité prélinguistique et les prothèses auditives et laissent entièrement de côté les interventions précoces, l'orientation parentale et les questions de pronostic. Il n'est donc pas étonnant que les jeunes oto-rhino-laryngologistes ne se soucient guère plus des jeunes déficients auditifs que ne le faisaient autrefois leurs aînés.

Les cours d'audiologie tendent plutôt à for­m e r des audiométriciens. Il y a cependant quelques oto-rhino-laryngologistes et quelques audiologistes qui ont été sensibilisés à ce pro­blème et qui collaborent avec des éducateurs de sourds, en témoignant d'un zèle et d'un dévoue­ment qui réconfortent et encouragent parents et éducateurs.

COURS DE FORMATION DESTINÉS AUX ÉDUCATEURS DE SOURDS

Il existe en Inde six centres de formation d'édu­cateurs de sourds qui accueillent tous les ans dix à quinze élèves chacun. Les étudiants sont des jeunes de moins de vingt ans, qui ont passé avec succès l'examen de fin d'études secondaires. L e cours de formation dure une année dans la plupart des centres. U n e fois qu'ils sont devenus éducateurs de sourds, ils ont la responsabilité de l'éducation des déficients auditifs de la première à la douzième année d'école et c o m ­mencent à travailler seuls sans bénéficier d'une orientation digne de ce n o m .

Ces maîtres n'ont aucune expérience des enfants qui entendent normalement et ne sa­vent rigoureusement rien des méthodes ordi­naires d'enseignement, ainsi que des processus d'apprentissage et des caractéristiques d u c o m ­portement de ces enfants. Il leur est donc difficile de distinguer, d'une part, les problèmes particuliers que pose la déficience auditive et, d'autre part, ceux qu'on rencontre également chez les enfants qui ne souffrent pas de ce handicap. L a rémunération et le statut qui leur sont offerts ne sont pas de nature à inciter les élèves brillants et doués à choisir cette

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Les jeunes déficients auditifs en Inde

profession. E n raison de ces insuffisances, les éducateurs de sourds ne peuvent pas discuter et collaborer sur un pied d'égalité avec les audio-logistes, les oto-rhino-laryngologistes, les ortho­phonistes, les psychologues et les enseignants des écoles ordinaires.

Pour remédier à cette situation, beaucoup d'éducateurs de sourds ont pris l'initiative d'aller compléter leurs études à l'étranger. Ils sont incapables, toutefois, d'évaluer les diffé­rents programmes de formation de maîtres qui y sont offerts et leur marge de choix est limitée par leur situation financière, les relations dont ils peuvent disposer à l'étranger, leurs connais­sances linguistiques et d'autres facteurs. Ils choisissent donc des cours sur lesquels ils ont très peu d'informations et qui ne sont pas toujours adaptés à leurs besoins.

Ces études achevées, il leur est difficile de revenir dans une école indienne pour déficients auditifs, leurs connaissances et leurs attitudes différant par trop de celles de leurs aînés. Aussi beaucoup d'entre eux fondent-ils une nouvelle école de ce genre, ce qui n'est pas forcément une bonne décision, en raison des grandes capacités d'organisation dont il faut faire preuve et des problèmes financiers et autres que cela pose.

Il serait donc de l'intérêt de l'Inde que tous les étrangers qui participent à la formation d'éducateurs indiens d'enfants sourds n'entre­prennent ce type d'action qu'après avoir été familiarisés avec la situation qu'on rencontre actuellement en Inde dans ce domaine. Cette formation devrait de préférence être dispensée aux chefs d'établissement et aux enseignants occupant une position assez élevée dans la hiérarchie scolaire pour être en mesure de modifier le système existant.

Seul u n personnel qualifié — oto-rhino-laryngologistes, audiologistes, psychologues, travailleurs sociaux, éducateurs de sourds — est à m ê m e de traiter professionnellement les problèmes des jeunes déficients auditifs. Les conseils donnés à leurs parents témoignent d'une grande bonne volonté mais sont souvent

incomplets parce qu'ils ne reflètent que le point de vue d'un type de spécialiste. U n e collabo­ration étroite est donc indispensable dans le cadre d'une équipe dont chaque m e m b r e res­pecte l'opinion des autres.

MOYENS ET PROTHÈSES

Il n'y a aucune bibliothèque spécialisée, m ê m e dans les centres de formation de maîtres. Cette carence tient pour beaucoup à l'absence de ressources financières et en partie au fait que les organisations et les éditeurs de revues et de publications importantes ne songent pas à en allouer quelques exemplaires aux pays en déve­loppement. L ' u n des meilleurs moyens d ' a m é ­liorer l'éducation des jeunes déficients auditifs est de créer des bibliothèques dans les centres de formation de maîtres et dans le plus grand nombre possible d'écoles pour les sourds. Cela permettrait non seulement d'informer les élèves-maîtres mais aussi d'encourager les éducateurs de sourds à suivre l'évolution des connaissances dans ce domaine. U n e fois diagnostiquée une déficience auditive, il faut choisir une prothèse. Il y a actuellement en Inde 14 fabricants diffé­rents. L e contrôle de qualité des appareils varie d'un fabricant à l'autre et d'un lot à l'autre. Ils ne sont pas accompagnés de données sur leur performance ou de courbes indiquant les carac­téristiques des différents lots. C o m m e les ana­lyseurs de prothèses sont coûteux, il est diffi­cile de contrôler la qualité des appareils fournis.

Les vendeurs de prothèses auditives ne reçoi­vent aucune formation en ce qui concerne le fonctionnement de leurs appareils. C e sont habi­tuellement des opticiens de profession qui ré­servent un coin de leur boutique aux prothèses auditives. Ils ne procèdent à aucun essai dans une pièce insonorisée. Ils ne donnent à leurs clients aucun conseil sur l'entretien de l'appareil. U n e ordonnance n'est pas nécessaire pour acheter une prothèse auditive, de sorte qu'un appareil qui ne lui convient absolument pas peut être vendu pour un enfant. Les vendeurs

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Prem Victor

n'acceptent aucune période d'essai, m ê m e de vingt-quatre heures. Il est donc très difficile de choisir et d'adapter une prothèse et il faut mener u n long combat pour procurer à un jeune déficient auditif la meilleure prothèse possible.

L a responsabilité de l'achat d'une prothèse auditive incombe aux parents. Certains orga­nismes bénévoles essaient d'obtenir des fonds pour l'achat de prothèses et le gouvernement indien a c o m m e n c é à leur accorder des sub­ventions. M ê m e aujourd'hui, le coût d'une prothèse auditive n'est pas remboursé aux fonc­tionnaires et aucun système d'assurance-maladie ne le couvre. L e prix m o y e n d'un appareil dit « de poche » est de 750 roupies la pièce (100 dol­lars des États-Unis d'Amérique) et celui d'un appareil dit « contour d'oreille » est de 1 500 rou­pies (200 dollars). Les cordons durent la plu­part du temps de deux à six semaines. L e prix de nouveaux cordons branchés en « V » ou en « Y » est de 25 à 35 roupies (3,3 à 4,6 dollars) et le prix d'un seul cordon est de 18 roupies (2,4 dollars). Les frais supplémentaires d'entre­tien et le coût des piles doivent être entièrement supportés par les parents.

LES EMBOUTS AURICULAIRES

Les techniciens qui fabriquent les embouts auriculaires ne reçoivent aucune formation spé­ciale pour cette tâche et ne fournissent donc aucun travail de précision. Les embouts ne sont pas testés en m ê m e temps que les pro­thèses pour déceler une altération éventuelle de leurs caractéristiques de fonctionnement aux diverses fréquences et de rendement. Les contre-réactions sont très courantes et limitent l'efficacité et la bonne utilisation des prothèses. D e u x embouts auriculaires rigides standard, fabriqués par le commerçant qui vend les prothèses, coûtent 75 roupies (soit 10 dollars des États-Unis d'Amérique).

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Par où commencer?

Par où faudrait-il commencer dans un pays en développement c o m m e l'Inde, dont les ressour­ces, tant financières qu'en personnel et en matériel sont limitées ? Quel est l'avenir ré­servé aux déficients auditifs nés en 1981, pen­dant l'Année internationale des personnes han­dicapées ?

E n 19744 l'Unesco indiquait qu'il y avait en Inde 576 éducateurs de sourds et un effectif de 4 800 élèves inscrits. E n 1979, il y avait, selon la Society for Rehabilitation and Research of the Handicapped6, dont le siège est à N e w Delhi, 596 éducateurs de sourds et un effectif de 7 758 élèves inscrits. Est-il possible que l'Inde forme suffisamment d'éducateurs de sourds pour dispenser un enseignement à 22 000 sourds de plus chaque année ? Des centres peuvent-ils être construits pour accueillir chaque année ces nouveaux enseignants et étudiants ?

L a seule solution qui s'offre à l'Inde, c o m m e à beaucoup d'autres pays en développement, est de faire entrer le plus tôt possible le plus grand nombre de ces enfants dans les écoles ordinaires. L'éducation spéciale dans des éta­blissements distincts serait ainsi réservée aux enfants qui n'ont pas réussi à s'intégrer à l'école ordinaire, ou qui sont surhandicapés. L'inté­gration n'est pas moins coûteuse que l'inscrip­tion dans des établissements distincts d'éduca­tion spéciale mais, en utilisant les services des écoles ordinaires dont ils disposent, les pays en développement emploieraient de la meilleure manière possible leurs ressources limitées. L'in­tégration des déficients auditifs dans le milieu des non-déficients leur permet de travailler aux côtés de ces derniers, ce qui leur garantit plus sûrement une vie meilleure et plus épa­nouie et leur ouvre des possibilités d'emploi plus variées.

Pour commencer, il est souhaitable de s'atta­cher à faire en sorte que, parmi les parents de jeunes déficients auditifs, s'affirment des anima­teurs capables non seulement d'envisager l'ave-

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Les jeunes déficients auditifs en Inde

nir avec dynamisme, mais aussi de donner au programme l'élan indispensable. Les parents sont aisément motivés et constituent une force puissante, ce qui ne déprécie nullement l'action des spécialistes, dont la présence constante est nécessaire pour les orienter. Il existe en Inde 117 écoles6 pour les déficients auditifs, dont la plupart ont été créées par des organi­sations bénévoles.

Il est nécessaire que les spécialistes coordon­nent l'action des parents et leur apportent u n soutien technique. Les parents sont prêts à entreprendre avec beaucoup d'enthousiasme la construction de bâtiments ou d'autres équi­pements pour leurs enfants, mais la qualité des travaux doit être assurée par les responsables de l'éducation spéciale. Tous les programmes nécessitent une longue période de maturation dont il ne faut pas se dispenser. Il convient en particulier de s'assurer, bien entendu, que le programme envisagé n'est pas calqué sur un programme qui a échoué ailleurs ou est déjà dépassé.

Pour garantir le respect du droit fondamental à l'éducation et à l'information des jeunes défi­cients auditifs indiens, il est absolument in­dispensable de mettre en place des équipes composées d'oto-rhino-laryngologistes, de tra­vailleurs sociaux et de fabricants de prothèses auditives.

Avant d'introduire des réformes, il faut établir des plans et s'assurer la coopération des diffé­rents spécialistes dont les services sont néces­saires aux jeunes déficients auditifs et à leurs parents. U n e première consultation nationale a eu lieu à N e w Delhi, B o m b a y , Madras et B a n ­galore en février-mars 1981. L'Institut Goethe de M u n i c h et ses bureaux en Inde (les M a x Mueller Bhavan), conscients de l'importance de l'enjeu, ont accepté de s'associer à cette consul­tation.

Des recommandations ont été élaborées après quatre semaines de consultation avec 257 édu­cateurs de sourds, 101 parents de jeunes défi­cients auditifs et 26 autres personnes venues

de 12 États différents de l'Inde, et avec la participation active du Ministère du bien-être social, des gouvernements des États et de l'Unicef. Il est permis d'espérer que ces re­commandations orienteront l'action de ceux qui voudraient assurer un meilleur avenir aux jeunes déficients auditifs des pays en déve­loppement.

Outre les quatre consultations officielles de N e w Delhi, B o m b a y , Madras et Bangalore, plusieurs réunions informelles rassemblant des représentants d'organisations bénévoles, des éducateurs de sourds, des otologistes, des pa­rents, des orthophonistes et des audiologistes ont eu lieu à N e w Delhi, Gurgaon, B o m b a y , Puna, Madras , Bangalore et Mysore. Plusieurs centres de formation d'éducateurs de sourds ont été visités, ce qui a fourni l'occasion de discussions approfondies avec les élèves et les spécialistes. D e nombreuses écoles pour défi­cients auditifs ont également été visitées dans différentes régions de l'Inde.

A u cours de cette période, aucun effort n'a été ménagé pour procéder à des consultations ouvertes et honnêtes afin de préparer une recommandation utile prenant en considération la situation en Inde et le sixième plan quin­quennal du gouvernement indien, qui envisage l'intégration des jeunes déficients auditifs dans les écoles ordinaires.

Ces recommandations, que l'auteur approuve pour l'essentiel, portent, c o m m e indiqué ci-après, sur de nombreux points concrets d'une utilité certaine.

DÉPISTAGE PRÉCOCE ET DIAGNOSTIC

Les résultats des recherches montrent qu'un traitement éducatif précoce c o m m e n c é avant que l'enfant ait huit mois présente des avantages incontestables. Il faudrait par conséquent mettre en place des services de dépistage capables de déceler les déficiences auditives à ce stade. C e service devrait être fourni gratuitement,

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Prem Victor

utiliser des équipements uniformes et être assuré par un personnel qualifié.

Lorsqu'une déficience a été dépistée, un diagnostic audiologique est indispensable. Il faut donc disposer de cliniques audiologiques dotées d'un personnel qualifié et compétent. Il est souhaitable que ces cliniques soient installées dans le m ê m e bâtiment que le centre d'orientation parentale pour améliorer et faci­liter la coordination.

Il convient de procéder à des essais de pro­thèses avant de délivrer l'ordonnance définitive.

F O U R N I T U R E ET ENTRETIEN DES PROTHÈSES

Aussitôt qu'une surdité de perception bilatérale a été diagnostiquée chez u n nourrisson, il faudrait lui fournir deux prothèses auditives adaptées à son cas, ainsi qu'une aide financière pour les acheter.

L e gouvernement devrait subordonner la vente des prothèses auditives à la délivrance d'une ordonnance par un otologiste ou un au-diologiste. L e coût de la prothèse et de la d é m u -tisation doit être inclus dans la catégorie de frais remboursés à leurs employés par les adminis­trations centrales et celles des États et par d'autres organismes autonomes, et une aide financière doit être fournie aux familles dont le revenu est inférieur à 12 000 roupies par an (1 600 dollars des États-Unis d'Amérique).

Des embouts auriculaires souples, faits sur mesure et bien adaptés devraient être fournis avec une aide financière au moins une fois par an. L e laboratoire qui procure ces embouts devrait faire partie intégrante de la clinique.

Il faudrait mettre à la disposition des inté­ressés des services adéquats d'entretien des prothèses, y compris trois contrôles annuels de leur fonctionnement. Il conviendrait de promulguer une réglementation obligeant les fabricants de prothèses auditives à se doter des équipements nécessaires pour évaluer toutes les prothèses mises sur le marché et à joindre leur courbe de réponse à celles qu'ils vendent.

M O Y E N S D ' É D U C A T I O N E X T R A S C O L A I R E S

L'orientation parentale devrait être assurée par des visites à domicile, des réunions collectives avec des éducateurs qualifiés et des cours par correspondance.

L a fourniture de moyens d'enseignement (jouets éducatifs, livres d'images, jeux, etc.) devrait être organisée, grâce à un système de prêts, par les centres d'orientation parentale. Les jeunes déficients auditifs devraient pouvoir, s'ils le souhaitent, être dispensés de l'étude d'une deuxième langue dans les écoles secon­daires du premier cycle.

LA F O R M A T I O N D ' É D U C A T E U R S D E S O U R D S

L a formation dispensée en Inde aux éducateurs de sourds est d'une durée trop brève pour couvrir les différents domaines à prendre en considération pour offrir une éducation appro­priée aux jeunes déficients auditifs. Ces do­maines ne peuvent être traités que par des experts. Des bibliothèques adéquates où les publications récentes peuvent être trouvées sont absolument indispensables.

Des cours de brève durée devraient être organisés régulièrement et gratuitement à l'in­tention des éducateurs qui ont déjà suivi les programmes de formation actuels.

I N T É G R A T I O N

Il faudrait entreprendre dans un certain nombre de régions de l'Inde des projets pilotes expé­rimentaux d'intégration de jeunes déficients auditifs dans les établissements ordinaires d'en­seignement, en commençant par des classes autonomes pour passer progressivement à une pleine intégration.

Les résultats de ces expériences devraient être communiqués aux parents, aux éducateurs de sourds et aux autres spécialistes de ces questions.

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Les jeunes déficients auditifs en Inde

Les éducateurs de sourds qui ont participé à des expériences pilotes d'intégration de jeunes déficients auditifs dans les classes d'écoles ordi­naires pourraient constituer un comité d'experts qui serait chargé à l'avenir de décider de l'inté­gration des jeunes déficients auditifs.

Des éducateurs pourraient rendre régulière­ment visite à tous les jeunes déficients auditifs intégrés dans des écoles ordinaires pour donner des conseils aux enfants, à leurs parents et à leurs maîtres. Il faudrait organiser u n cours de brève durée pour permettre aux éducateurs de sourds d'accomplir efficacement cette tâche.

Ces considérations mettent en lumière la convergence des besoins, des attitudes et des convictions personnelles des éducateurs et des parents de déficients auditifs de diverses régions de l'Inde.

Il est maintenant nécessaire de coordonner l'action de tous les centres pour déficients au­ditifs et de créer u n environnement qui incite à u n travail constructif. L a plupart de ces centres manquent de ressources financières stables et ne disposent pas du personnel voulu pour se char­ger de cette nouvelle tâche, qui revêt d'autant plus d'importance que l'éducation des jeunes déficients auditifs est une entreprise complexe, que nous s o m m e s tous des apprentis en la matière et que les enseignements à tirer des succès et des échecs sont à méditer pour nous tous. L e meilleur m o y e n d'atteindre cet objectif est de faire en sorte que les organisations béné­

voles soient associées au gouvernement et coopèrent avec lui sur u n pied d'égalité.

Les autres pays en développement dont les ressources sont limitées voudront peut-être, à cette occasion, profiter de ces initiatives indien­nes pour collaborer à la recherche des moyens d'assurer u n avenir meilleur aux jeunes défi­cients auditifs.

Des mesures s'inspirant de celles qui ont été exposées ici en ce qui concerne l'action médi ­cale et pédagogique tendant à la réadaptation des jeunes déficients auditifs indiens pourraient être envisagées dans les pays en développement dont les ressources sont limitées pour faire face, avec les adaptations nécessaires, à d'autres déficiences.

Notes

i. Recensement effectué par le gouvernement indien en 1981.

2. Smart R . M A W S O N , Diseases of the ear, 2 e éd., p. 119, Londres, Edward Arnold (Publishers) Ltd., 554 p.

3. Judith B . E B B I N , « Critical age in hearing », Proceedings of the International Conference on Auditory Techniques, p. 72-80, Charles C . Thomas Publishers, 1974, 240 p.

4. Annuaire statistique de ¡'Unesco, 1974, p. 278 et 279. 5. P. V I C T O R , « Preschool education and parent counselling

for integration, in India », communication au Congrès international sur l'éducation des sourds, Hambourg , août 1980 (à paraître).

6. Services for the deaf in India, p. 25-30, R . L . Bhat, All India Federation of the Deaf publication, 34 p.

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Svend Ellehammer Andersen et Björn E . Holstein

L'intégration scolaire des jeunes aveugles au Danemark

D e la ségrégation à l'intégration

Depuis le Ier janvier 1980, l'éducation des en­fants handicapés incombe à l'école primaire publique décentralisée au m ê m e titre que celle de tous les autres enfants. Elle relevait aupara­vant d'un service spécial de protection sociale de l'État danois. L'éducation des aveugles était régie par une législation spéciale sur les aveu­gles et les déficients visuels qui définissait aussi les mesures d'assistance et de protection. Cette législation aujourd'hui abolie prescrivait entre autres la fréquentation obligatoire d'écoles spé­ciales d'État, seules agréées. L'État prenait éga­lement en charge les déficients visuels dans tous les autres secteurs de la vie. L a protection des aveugles était une « protection totale ». Dans la pratique, la réorganisation de l'enseignement des handicapés avait c o m m e n c é plusieurs an­nées avant la réforme légale. Depuis le milieu des années soixante, l'obligation de fréquenter les écoles spéciales était de moins en moins effec-

Svend Ellehammer Andersen (Danemark). Psycho­logue. Maître de conférences à l'École royale danoise d'études pédagogiques. Auteur de plusieurs ouvrages et articles sur l'éducation spéciale.

Björn E . Holstein (Danemark). Sociologue. Maître de conférences en médecine sociale à l'Université. Auteur de plusieurs ouvrages et articles sur la criminologie, la sociologie et la gestion.

tive et la quasi-totalité des déficients visuels al­laient passer à l'école primaire publique.

D a n s les années soixante-dix, la plupart des aveugles fréquentaient déjà l'école publique de la première à la dixième année de l'enseigne­ment primaire. U n nombre croissant sortait d'écoles maternelles et de jardins d'enfants ordinaires1.

L'intégration des handicapés constitue u n changement social important surtout s'ils sont nombreux . L a destruction totale de toutes les barrières entre les non-handicapés et les han­dicapés (souvent plus ou moins isolés dans leurs groupes) équivaudrait m ê m e sans doute à une révolution dans bien des sociétés.

L'intégration relativement poussée des han­dicapés dans les structures Scandinaves d'aide sociale, où l'accent est très fortement mis sur l'égalité, est due à la conviction générale que la ségrégation scolaire est contraire au type de société que nous cherchons à réaliser. A u cours des années soixante et soixante-dix les trois pays Scandinaves ont organisé u n enseignement général de neuf années, ouvert également aux handicapés. L a politique scolaire et sociale en­tendait favoriser les relations les plus étroites possible entre toutes les catégories d'individus, « normaux » et « anormaux ».

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Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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L'intégration scolaire des jeunes aveugles au Danemark

Le jeune aveugle à l'école primaire danoise

C'est sur ces bases que nous avons effectué une enquête sur les jeunes aveugles des écoles pri­maires au Danemark 2 . L'enquête a démarré à l'automne 1977 sous les auspices du Dépar­tement de psychologie et d'éducation de l'École royale danoise d'études pédagogiques. Les ob­jectifs étaient les suivants : décrire le processus d'intégration sous ses différents aspects ; décrire et analyser les auxiliaires et les services d'appui offerts aux déficients visuels dans les classes nor­males ; intégrer mieux encore les déficients vi­suels à l'école et dans les loisirs.

N o u s avons étudié deux groupes d'aveugles. E n premier lieu, tous les aveugles exemptés de l'obligation de fréquenter l'école spéciale depuis la première dispense (1963) jusqu'au mois d'août 1977, soit au total 76 élèves qui utilisaient tous le braille.

A u m o m e n t de l'enquête, l'âge de ces sujets s'échelonnait entre 7 et 35 ans. Cet échantillon permet donc de bien suivre l'intégration dans la perspective historique.

A l'aide des dossiers médicaux, nous avons réuni des données statistiques de base sur la scolarité, les moyens disponibles (établissements spéciaux, auxiliaires visuels), l'éducation, la fa­mille, l'environnement social, etc. E n outre, nous avons interrogé un certain nombre de sujets sur leur expérience scolaire et postscolaire et sur la vie du déficient visuel en général.

E n second lieu nous avons étudié un groupe d'élèves de l'école intégrée « aveugles » selon la définition légale, c'est-à-dire ayant une acuité visuelle de 1/10 au plus ou un c h a m p de vision de 20 degrés au plus (certains peuvent lire les caractères d'imprimerie). C e groupe compre­nait tous les aveugles de première année (9 élè­ves), de sixième année (12 élèves) et de dixième année (9 élèves) dans la période scolaire 1978-1979.

N o u s avons recueilli sur ce groupe un large éventail d'informations en interrogeant les élè­

ves, les parents, les maîtres et les consultants médico-sociaux et en observant les sujets en classe et à la récréation. E n outre, pendant une semaine, nous avons téléphoné aux enfants pour savoir c o m m e n t la journée s'était passée et ce qu'ils comptaient faire du temps restant.

U n peu plus de la moitié des sujets sont des filles. Environ un tiers des m e m b r e s du premier échantillon ont une vision résiduelle.

Avoir, aimer et être : comment satisfaire ces besoins?

Pour la collecte et l'analyse des données, nous avons suivi plusieurs modèles d'enquête mais nous nous référons ici à un seul d'entre eux, utilisé à l'origine pour une étude sur le bien-être dans les pays nordiques3. L a notion de bien-être est complexe : u n de ses principaux aspects est le niveau de vie, c'est-à-dire l'abondance de diverses ressources (habitation, argent, e m ­ploi, etc.) ; u n autre est la qualité de la vie, c'est-à-dire le sentiment de bien vivre et de mener une vie qui a un sens. L e bien-être révèle que les citoyens « vivent bien » dans une « bonne société ».

L'intégration des handicapés a pour but de les faire vivre d'une façon complète, active et nor­male, c o m m e « tout le m o n d e ». Il faut donc leur donner la possibilité de satisfaire les besoins essentiels de l ' h o m m e , qu'on peut résumer en besoins d'avoir, d'aimer et d'être.

L e besoin d'avoir concerne les aspects maté­riels de l'existence, les satisfactions qui s'achè­tent à prix d'argent. Il faut à l'être humain han­dicapé non seulement les éléments du niveau de vie de tout un chacun mais aussi du matériel éducatif spécial, un aménagement approprié du milieu physique, des éducateurs spécialisés. Il est naturellement plus facile de satisfaire ces besoins dans une société aisée.

L e besoin d'aimer se rapporte à l'aspect social de la protection et de l'intégration : la satisfac­tion des besoins de solidarité, de contact intime,

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de camaraderie, d'appartenance à un réseau so­cial où l'on ressent la sympathie et la dépen­dance réciproques. U n handicap physique ne diminue certainement pas ce besoin de l 'homme.

Les besoins d'être concernent la personnalité. O n peut parler de besoins ontologiques, d u be­soin d'être quelqu'un, d u besoin de réalisation. L e contraire de la réalisation de soi est l'aliéna­tion qui « existe lorsque les relations humaines sont envisagées d'un point de vue seulement utilitaire, par exemple lorsque les gens ne sont considérés que c o m m e de la main-d'œuvre ou c o m m e des consommateurs »4.

L e besoin « d'être quelqu'un » risque fort de ne pas être satisfait chez les handicapés. A cause de leur inégalité — souvent proclamée de manière officielle — les handicapés doivent forcément méditer5 bien des fois sur leur être et sur leurs possibilités de réalisation.

N o u s postulons que ces trois aspects du bien-être sont absolument indispensables à une vie complète et bien intégrée. N o u s posons égale­ment qu'une déficience visuelle, par exemple, peut compromettre chacun de ces trois éléments. C'est précisément pour cela que l'aide sociale et pédagogique aux déficients visuels doit porter sur tous ces domaines.

Il s'agit de savoir dans quelle mesure ces be­soins sont satisfaits chez les déficients visuels des écoles primaires d u D a n e m a r k .

ASPECTS MATÉRIELS

A la maison, les enfants aveugles jouissent de conditions matérielles analogues à celles d'une famille danoise moyenne .

Les familles qui ont u n enfant aveugle de moins de sept ans reçoivent la visite de consul­tants spécialisés qui aident à résoudre leurs dif­ficultés pratiques et pédagogiques. Ils fournis­sent également des auxiliaires pédagogiques et assurent une place à l'école maternelle et au jardin d'enfants.

Il existe partout dans le pays des services

d'ophtalmologie pour les élèves intégrés dans les écoles primaires.

Les fournitures de matériel se sont accrues à tel point pendant l'intégration que tous les élè­ves reçoivent maintenant ce dont ils ont besoin. E n outre, le m o d e d'emploi et l'entretien ne posent aucun problème. L a plupart des 56 élè­ves interrogés ont reçu u n magnétophone, une machine à écrire, une machine à écrire en braille, d u mobilier et des auxiliaires spéciaux. M ê m e si on le leur demandait, la grande majo­rité des élèves ne pourraient pas dire quels auxi­liaire avaient m a n q u é . D a n s les premières an­nées de l'intégration, il semble qu'on avait eu de grosses difficultés à fournir en nombre suffisant l'auxiliaire le plus important peut-être pour les enfants aveugles, à savoir les livres.

L e n o m b r e des répétitions a, lui aussi, aug­menté considérablement. E n première année, toutes les leçons sont répétées. Il est vrai que la fréquence est moindre par la suite et qu'en der­nière année les répétitions s'adressent à une minorité d'élèves.

L a plupart des auxiliaires sont fournis par des consultants qu'on recrute parmi les éducateurs spécialisés : il y en a une vingtaine dans le pays. Ces consultants aident la famille, l'école et, dans une certaine mesure, l'enfant lui-même tout au long de sa scolarité. Ils examinent les enfants pour déterminer l'effet possible des déficiences visuelles sur l'éducation et sur l'activité. Ils concourent à la formation des élèves, des pa­rents et des enseignants, en donnant des conseils, en organisant des cours pour les uns et les autres et en fournissant du matériel pédagogique. Ils développent chez certains élèves des facultés (motrices par exemple) qu'on ne peut inculquer aux aveugles sans des techniques spéciales. Ils coopèrent avec des personnes, investies ou non de fonctions officielles, qui appartiennent aux milieux scolaires et autres et ils les encouragent à coopérer entre elles. Pratiquée depuis les années soixante, la consultation spécialisée est un élément essentiel de l'éducation intégrée des jeunes aveugles.

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Il semble exister suffisamment d'activités de loisir pour les enfants les plus âgés et les adoles­cents. E n première année, au contraire, les loi­sirs posent beaucoup de problèmes. L a plupart des parents signalent qu'il est parfois difficile d'occuper le jeune déficient visuel à la maison et les enfants s'ennuient souvent. Ils ont peu de contacts avec leurs camarades d'école en dehors des heures de classe. Vers la sixième année sco­laire, les problèmes diminuent et la plupart des parents estiment que leurs enfants ont la possi­bilité de bien employer leurs loisirs. E n dixième année, les problèmes ont pour la plupart dis­paru : les enfants sont très pris par la classe et ont en plus tant d'activités sociales et autres que souvent ils ne trouvent pas le temps de tout faire.

Les réponses des 56 interrogés montrent que la grande majorité des enfants et des adolescents aveugles consacrent leurs loisirs à u n large éventail d'activités, notamment beaucoup d'ac­tivités de groupe. Les deux tiers environ sont membres de clubs où ils passent une partie de leur temps libre avec des enfants voyants du m ê m e âge; d'autre part, une moitié environ font partie de clubs réservés aux jeunes aveu­gles. U n e faible minorité sont « esclaves du magnétophone » ou d'autres habitudes passives et monotones.

Mais l'enquête révèle également certains do­maines où les conditions matérielles sont moins satisfaisantes. Tout d'abord, les maîtres des enfants aveugles, en particulier les répétiteurs, n'ont en général reçu aucune formation pédago­gique spéciale. Ensuite, la coopération entre l'école et la famille reste aussi étroite que dans le cas de n'importe quel autre élève et, en général, elle se limite aux quelques contacts nor­m a u x et à la coopération avec les consultants spécialisés.

LES RELATIONS HUMAINES

Il est essentiel pour la vie sociale de nos jeunes aveugles qu'ils vivent à la maison avec leurs frères et sœurs, dans l'intimité familiale. Malgré

les difficultés, les parents n'ont jamais regretté leur décision de garder l'enfant à la maison. A u contraire, les parents de grands élèves qui étaient en bas âge à l'époque où il était usuel d'envoyer les jeunes aveugles dans une école spéciale se rappellent les soucis que provoquait la menace d'une séparation pendant l'année scolaire. Milly, par exemple, avait deux ans quand l'ophtalmologue prévint ses parents qu'il faudrait l'envoyer plus tard dans une école spé­ciale, loin de son foyer. Les années suivantes, la famille s'isola, refusant toute aide et tout appui. O n acheta à Milly une paire de lunettes quand elle fut en âge d'aller à l'école du voisinage. Les parents se gardèrent d'avouer à l'institutrice que leur fille voyait à peine, disant seulement que peut-être elle étudierait mieux si on la fai­sait asseoir au premier rang. D e telles angoisses n'existent plus aujourd'hui. Les parents des élèves qui ont c o m m e n c é leur scolarité en 1978 n'imaginent m ê m e pas d'autre possibilité que l'école intégrée.

A l'école, le besoin de relations affectives est souvent frustré, notamment en première et en sixième année. Souvent, la classe est faite d'une manière qui isole l'aveugle de ses camarades. L e répétiteur assis à ses côtés l'aide à suivre une cadence imposée par les autres. L'aveugle apprend, dans une très grande mesure, paral­lèlement et à part. E n outre, l'installation m ê m e (table spéciale, emplacement spécial) diminue les contacts avec les camarades. Cette accentua­tion du handicap est parfois embarrassante pour l'élève. Les enseignants n'ont bien souvent pas conscience de ces problèmes ou de l'importance des relations entre les élèves en général. Ils ne réalisent souvent pas combien les élèves aveugles sont isolés. L a majorité des enseignants mesurent leur réussite à la quantité de connaissances et de techniques que les enfants apprennent, plu­tôt qu'à l'intensité des courants de sympathie qui s'établissent entre les élèves. E n dixième année, où généralement il n'y a plus de répéti­teur en classe et où l'enseignement fait plus de place à la discussion, les déficients visuels sont

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sans exception des m e m b r e s à part entière de la communauté scolaire. A u cours des entretiens, nous avons constaté que l'importance des rela­tions sociales augmentait à mesure que l'enfant grandit. Les « petits » s'attachent en premier lieu à acquérir des connaissances à l'école, les « grands » cherchent davantage à se faire des amis.

E n sixième année, nous observons beaucoup d'élèves solitaires, souvent réfugiés dans les coins les plus tranquilles de la cour d'école et évitant les activités qui nécessitent un effort physique. Les entretiens avec d'anciens élèves, aujourd'hui adultes, confirment ces impressions : c'est à l'époque de la puberté que la cécité leur a le plus pesé. N o u s pouvons conclure que la plupart des écoles ne se soucient pas des rela­tions entre les élèves ni de leurs loisirs.

Parmi les résultats les plus surprenants de notre enquête figurent les constatations relatives aux loisirs extrascolaires. Les élèves ont des contacts divers avec d'autres enfants de l'école ou d u voisinage et la plupart d'entre eux appar­tiennent à des clubs ou ont des loisirs organisés. Ils font et reçoivent beaucoup de visites. Seuls quelques élèves de l'école primaire sont quelque peu isolés.

Cette intégration relativement vigoureuse est surprenante parce qu'elle se fait sans effort sociopédagogique délibéré des enseignants ou d u consultant spécialisé. E n règle générale, pour ce qui est des loisirs, l'école ne s'occupe pas plus des déficients visuels que des autres élèves. L a satisfaction des besoins de sociabilité dépend en grande partie de l'initiative des élèves eux-m ê m e s et de leurs parents.

Voilà u n tableau relativement optimiste de l'intégration à la société locale. U n e exception toutefois : les plus jeunes élèves, ceux de pre­mière année, éprouvent des grandes difficultés à établir des contacts pendant leurs m o m e n t s de loisir.

E n règle générale, le but visé — intégrer les jeunes aveugles à leur société locale pour leur permettre de s'identifier à u n milieu normal — a

été atteint mieux que ne l'espéraient les experts les plus optimistes. Mais , c o m m e l'enfant a sur­tout des contacts sociaux avec des voyants, on peut m ê m e se demander si l'absence d'autres déficients visuels ne l'empêche pas de forger sa personnalité d'aveugle.

LA PERSONNALITÉ D'AVEUGLE

Les élèves disent habituellement que leur han­dicap les gêne dans la pratique. Toutefois la cécité pose des problèmes non seulement prati­ques mais aussi ontologiques et sociologiques. L a personne est u n produit social, quelque chose qui se crée dans l'interaction sociale. Être aveu­gle c'est être quelque chose mais aussi devenir quelque chose et être conditionné pour quelque chose. C'est u n rôle qui appelle u n certain comportement : une « manière d'être ».

C o m m e l'école, le foyer et les loisirs peuvent forger une personnalité d'aveugle dans u n m o n d e de voyants.

A la maison, la majorité des parents préten­dent que leur enfant aveugle a les m ê m e s droits et devoirs que ses frères et sœurs. Certains pa­rents poussent si loin cette « normalisation » qu'ils n'informent m ê m e pas l'enfant de sa cécité. Celui-ci découvre pour la première fois son handicap lorsqu'il c o m m e n c e à aller à l'école ou à des cours d'été spéciaux pour les jeunes aveugles ; à notre avis, cette stratégie des pa­rents risque de gêner l'acquisition d'une per­sonnalité distincte.

N o u s avons interrogé les enfants aveugles sur leur rôle dans la société, en d'autres termes sur leurs droits et leurs devoirs comparés à ceux de leurs camarades voyants pendant les heures de classe et pendant les loisirs. L a grande majorité des élèves nient qu'ils aient — ou doivent avoir — des droits et des devoirs particuliers simplement en raison de leur cécité. A u con­traire, la plupart d'entre eux soulignent que l'interaction sociale doit être aussi normale que possible. N o u s avons l'impression que la réalité est un peu différente : les élèves aveugles ont

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des possibilités de comportement plus limitées et moins de droits que la plupart de leurs cama­rades de classe.

L a plupart des élèves aveugles se sentent m a r ­qués, « stigmatisés » en quelque sorte, c'est-à-dire tenus à part et traités avec mépris. L a plupart des élèves perçoivent les conséquences de cette discrimination : selon certains, les relations avec les camarades de classe sont limitées ; plusieurs souffrent de ne pouvoir régler leurs propres af­faires c o m m e les camarades doués de la vue ; presque tous estiment qu'ils ont été contraints à des situations anormales (présence d'un répé­titeur ou d'un accompagnateur, occupation dans un club).

Être trop protégé, trop aidé par des appareils, trop soutenu par des répétiteurs, tout en étant dispensé de certains exercices scolaires, crée l'impression d'être u n anormal, aux possibilités réduites.

N o s données révèlent en partie les origines de la « stigmatisation ». Pour la majorité, ce sont — mais faiblement — la compassion des cama­rades, l'insécurité à l'école, souvent aussi les moqueries de la classe. Qui plus est, les élèves se stigmatisent e u x - m ê m e s , habituellement en s'irritant de leur propre déficience.

E n règle générale, la vie d'un élève aveugle intégré devrait lui fournir bien des occasions de se comparer aux voyants et donc de définir les aspects essentiels de l'être humain « normal ». D'autre part, il est capital que les aveugles for­gent également leur propre identité. E n fait, la vie d'élève aveugle intégré semble être u n échec à ces deux égards. Selon le déroulement habi­tuel des faits, l'élève aveugle se trouve confronté à ses semblables relativement tard (c'est-à-dire quand il c o m m e n c e à aller à l'école) et il est très rarement confronté à d'autres déficients visuels.

E n outre, beaucoup d'enseignants semblent s'y prendre mal avec leurs élèves aveugles. L'enseignement des aveugles est souvent paral­lèle à celui des voyants et se fait exclusivement dans les conditions qui conviennent à ces der­niers. Bien qu'indispensables, les techniques

d'éducation propres aux aveugles sont relative­ment peu utilisées, en partie parce que l'élève est extrêmement occupé à suivre parallèlement les progrès de ses camarades. L e contenu de l'enseignement s'occupe fort peu des handicaps en tant que phénomène ontologique. Bref, les aveugles sont davantage assimilés que réelle­ment intégrés dans les écoles primaires, aussi bien pendant la classe que pendant les ré­créations.

M ê m e erreur d'attitude chez certains parents qui soutiennent que la présence d'un enfant aveugle à la maison ne change absolument rien à la vie de famille ou à la vie quotidienne. Cette attitude paraît associée à une médiocre adap­tation de l'enfant à l'école et aux loisirs. E n général, et c'est là une des principales conclu­sions de l'enquête, il est indispensable à la réussite de l'intégration que le déficient visuel et son entourage (parents, enseignants, camarades de classe, etc.) cherchent constamment à af­fronter les difficultés. D ' u n autre côté, les dé­faites compromettent l'intégration.

Ainsi, l'école primaire ignore très souvent la nécessité de contribuer à la formation de la per­sonnalité d'aveugle dans un m o n d e de voyants.

E n nous basant sur un modèle pédagogique suédois6, nous nous demanderons si, de l'avis des intéressés, l'école primaire surmonte le handicap, l'accentue ou le compense.

L'école primaire donne-t-elle aux élèves la confiance nécessaire pour surmonter leur han­dicap ? L'école primaire aggrave-t-elle le han­dicap de ses élèves aveugles ? O u bien la vie à l'école primaire offre-t-elle à l'élève aveugle quelque compensation à son handicap ?

L e jugement des déficients visuels e u x - m ê m e s est positif. Ils estiment que l'école primaire offre des compensations à leur handicap. Parents, en­seignants et consultants spécialisés sont d'accord avec ce jugement positif. Il arrive cependant que le handicap se soit aggravé. C'est le cas notam­ment quand on veille trop sur l'élève (trop de répétitions, trop d'isolement dans la salle de classe) ou, au contraire, lorsque l'enseignement

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compensatoire est insuffisant ou inapproprié. L a conclusion la plus importante de l'en­

quête, selon nous, est qu'il est tout à fait possible et raisonnable d'intégrer les enfants aveugles à l'école primaire. M i s à part leur déficience visuelle, les jeunes aveugles ont les m ê m e s réactions sociales que les autres enfants danois. Malgré leurs handicaps, ils peuvent parvenir à la m ê m e qualité et au m ê m e niveau de relations humaines que les enfants ayant une vue normale.

L'intégration scolaire des déficients visuels est donc bien avancée au Danemark . A peu près toutes les conditions matérielles nécessaires pour la mise en œuvre des éléments les plus difficiles de l'intégration sont désormais réunies.

A cette fin, certaines mesures sont préconi­sées : aider les jeunes déficients visuels à reven­diquer leurs droits avec plus de succès ; éviter la ségrégation des handicapés ; prendre mieux soin des déficients visuels qui ne peuvent se conformer immédiatement aux normes de l'école ; s'efforcer plus résolument d'adapter le milieu auquel les élèves déficients visuels doi­

vent être intégrés ; chercher à améliorer la for­mation des enseignants et des consultants spé­cialisés ; rechercher des améliorations au pro­cessus sociopédagogique ; s'efforcer d'instaurer une coopération plus active avec l'élève.

Notes

i. Cela ne vaut que pour les élèves aveugles, sans autre handicap, dont il sera traité exclusivement dans le présent article.

2. Svend Ellehammer A N D E R S E N et Bjern E . H O L S T E I N , Blind children in the Danish primary schools, vol. I. Investigation, vol. 2 . Appendix to investigation ; Svend Ellehammer A N D E R S E N (dir. publ.), Blind children in the Danish primary schools, vol. 3. Collection of articles ; Svend Ellehammer A N D E R S E N et Bj0rn E . H O L S T E I N , Blinde i Folkeskolen. Blind children in the Danish primary schools (résumé en anglais). Ces ouvrages ont été publiés par l'École royale danoise d'études péda­gogiques, Département de psychologie et d'éducation, dans la série des Publications de pédagogie et d'édu­cation, n° s P P P 3 , P P P 4 , PPP5 et P P P 7 .

3. Erik A L L A R D T , A U ha - an älska - att Vara, Helsinki, Argos, 1975.

4. Erik A L L A R D T , op. cit., p. 33. 5. Ingemar E M A N D E L S S O N , Utbildning für anpassade, skilen

i làngtidsperspektiv, Stockholm, Raben & Sjögren, 1977.

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La musique dans l'éducation de l'enfant surhandicapé sourd et aveugle

L'éducation de l'enfant surhandicapé — sourd-aveugle et gravement retardé — est un secteur relativement nouveau de l'éducation spéciale. Chacune de ces infirmités, surdité, cécité ou arriération mentale, entrave à elle seule le déve­loppement normal de l'enfant. Cumulées, elles limitent gravement l'acquisition des bases de la communication, ce qui empêche l'introduction de programmes éducatifs et, en conséquence, l'acquisition du langage et le développement des facultés cognitives et perceptives. L a pri­vation sensorielle résultant des handicaps pri­maires empêche l'enfant de s'intéresser à ce qui l'environne, aussi reste-t-il replié sur son uni­vers personnel, rejetant les tentatives de c o m ­munication des autres et tombant dans u n profond isolement. Il est donc contrarié dans son développement intellectuel, social, affectif et culturel, ce qui permet l'apparition des handicaps secondaires entravant encore plus sa croissance.

Il est nécessaire de mettre au point à l'inten­tion de ces enfants des programmes et des tech­niques pédagogiques stimulant leur intérêt pour leur environnement afin de créer un climat qui

Vanda Weidenbach (Australie). Maître-assistant en musique au Département d'éducation spéciale du Nepean College of Advanced Education. S'intéresse particulière­ment à la musique pour les enfants handicapés. Son travail et ses ouvrages lui sont consacrés.

favorise les tentatives de communication avec eux. Dans ce but, il faut tout d'abord leur faire découvrir que la communication peut leur être utile et qu'elle leur permettra de satisfaire plusieurs de leurs besoins fondamentaux. Les théories de l'intervention précoce soutiennent que tous les jeunes enfants sont capables d'ap­prendre davantage, et plus profondément, qu'on ne le pensait jusqu'à présent. E n ce qui concerne l'enfant handicapé, on reconnaît maintenant que les tentatives précoces de développement des fonctions cognitives et perceptives sont non seulement possibles mais essentielles si l'on veut réduire le retard causé par les handicaps. Il est nécessaire d'organiser une éducation qui per­mette à l'enfant gravement handicapé de se développer dans les limites de ses capacités sur le plan expressif, affectif, social, intellectuel, physique et culturel.

Beaucoup d'enfants surhandicapés sourds-aveugles, en particulier ceux dont les infirmités ont pour cause la rubéole maternelle, possèdent des restes de vision et d'audition, et la sti­mulation de ces sens peut aider à réduire leur déficit sensoriel global. C o m m e il est difficile d'évaluer leurs capacités visuelles et auditives, on doit concevoir des méthodes spéciales, qui permettront de prescrire des appareils de pro­thèse appropriés pour aider les sens déficients. Il est nécessaire d'étudier les possibilités de ces méthodes, car on a constaté que les méthodes utilisées pour l'examen séparé des sourds et des

Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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Vanda Weidenbach

aveugles ne conviennent pas, lorsqu'elles sont combinées, pour cette catégorie de handicapés. Il faut donc adapter les moyens d'évaluation classiques, rechercher des méthodes nouvelles et étudier la valeur de ces procédés. Pour rece­voir une information auditive, les enfants néces­sitent des équipements de détection du son, et des méthodes d'apprentissage qui leur per­mettront de démêler le sens des sons.

Il faut trouver ainsi des programmes d'études appropriés. O n reconnaît généralement, au moins en théorie, que l'enfant handicapé a droit à une éducation aussi proche que possible de celle de ses camarades non handicapés. Pour éduquer ces enfants dans le milieu le moins restrictif, il faut disposer d'une tech­nologie pédagogique dans tous les domaines concernés. U n e participation partielle et des programmes adaptés à l'âge de l'enfant doivent permettre l'acquisition d'un comportement cul­turel normal, par des contacts avec l'art. Des activités de loisir/récréation pourront être ap­prises par l'exposition à diverses formes d'art, y compris la musique. E n outre, l'intérêt pour les arts pourra donner aux handicapés des capacités qui leur permettront de participer à une g a m m e d'activités communautaires hété­rogènes.

Il semble donc opportun d'explorer les possi­bilités d'utiliser la musique pour aider l'enfant surhandicapé sourd-aveugle dans son dévelop­pement éducatif général et spécifique. L'appren­tissage musical pourra renforcer les fonctions cognitives et perceptives, donner des possibilités de stimulation auditive et visuelle et d'activité motrice, encourager la communication et l'inter­action avec d'autres personnes, et fournir des moyens de s'exprimer. L a musique peut en particulier être utilisée c o m m e auxiliaire dans l'apprentissage d'autres comportements et cons­tituer un excellent m o y e n de formation auditive du fait de la diversité des sons qu'elle peut produire. L a pratique de l'écoute de la musique peut révéler à ces enfants une partie de leur patrimoine culturel, en les faisant participer à

l'expérience esthétique, qui leur a été générale­ment refusée jusqu'à présent.

M u r p h y (1958) estime que « ce qui permet de devenir un être humain, par opposition à un type d'animal moins complexe, tient pour la plus grande part dans l'enrichissement et l'éla­boration des g a m m e s d'expériences sensorielles et motrices ».

Dobzhansky (1962) affirme que « la sensibilité au beau et la création du beau sont l'une des caractéristiques les plus distinctives de l ' h o m m e ». L a musique est à coup sûr un apa­nage de l ' h o m m e et, sous des formes assez semblables, elle apparaît de pair avec d'autres formes d'art, dans presque toutes les cultures, quel que soit le degré de sophistication de ces cultures. Les arts semblent répondre à u n besoin fondamental de l ' h o m m e et affecter son comportement.

O n a dit également que l'expérience esthé­tique est u n outil nécessaire à l 'homme pour s'ajuster et s'adapter à son environnement. O r , pour le handicapé, l'ajustement et l'adaptation sont d'importants moyens de parvenir à une interaction avec la société. Si l'on considère que beaucoup d'œuvres d'art sont des formes in­times de communication non verbale, elles peuvent avoir une signification particulière pour les handicapés de la parole.

L'expérience esthétique ou la sensibilité au beau sont, c o m m e l'audition et la vision, une capacité acquise qui se développe par matu­ration. E n fait, l'intuition esthétique est consi­dérée par beaucoup c o m m e le résultat d'une instruction prolongée. Si l'expérience esthé­tique est importante pour l ' h o m m e et si des confrontations avec diverses formes d'art lui sont nécessaires pour l'acquérir, on doit en déduire que les handicapés nécessitent de telles expériences c o m m e faisant partie du processus d'humanisation. L a musique, le mouvement , l'art dramatique et les arts visuels (avec d'autres formes d'art) devraient donc être inclus dans les programmes d'études pour handicapés.

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La musique dans l'éducation de l'enfant surhandicapé sourd et aveugle

Le rôle de la musique dans l'éducation spéciale

Il semble que, depuis longtemps, certains édu­cateurs spécialisés aient envisagé les possibilités de la musique à la fois c o m m e comportement (dans la pratique musicale) et c o m m e déter­minant du comportement (dans l'apprentissage d'autres pratiques). E n tant que modificateur du comportement, elle a été employée pour enseigner les bases de l'écoute, du langage et du mouvement , pour retenir l'attention, pour masquer les sources de distraction, pour ac­croître ou réduire l'activité lors du temps d'étude, pour faciliter la parole, pour améliorer le contrôle respiratoire et musculaire, pour encourager la socialisation et pour essayer d'atteindre les enfants qui se sont isolés.

O n a évalué l'effet de la musique sur la for­mation auditive. Plusieurs études ont montré que la musique peut attirer l'attention dans diverses situations d'écoute et qu'elle facilite les apprentissages liés aux fonctions auditives chez les entendants et les mal-entendants. O n a enseigné la musique pour elle-même, ou fait appel à la musique pour enseigner d'autres m a ­tières à des enfants présentant une grande variété de handicaps. Les mal-voyants et les mal­entendants, les déficients intellectuels, les ca­ractériels et les enfants souffrant de difficultés d'apprentissage ont été l'objet de plusieurs re­cherches. Cependant, malgré le succès de ré­centes interventions éducatives exposant des déficients sévères et profonds à des techniques pédagogiques avancées et malgré la demande de programmes qui puissent favoriser le pro­cessus de normalisation et étendre la g a m m e d'expérience de ces sujets, il existe peu d'exem­ples de programmes musicaux suivis sur plu­sieurs années pour les enfants surhandicapés.

Les programmes courants d'enseignement destinés aux sourds-aveugles cherchent souvent à utiliser la vision résiduelle et à développer les facultés motrices mais se préoccupent moins de l'aspect auditif. Si l'on veut que l'enfant

sourd-aveugle apprenne à utiliser des signaux auditifs au sein de son environnement, il est nécessaire d'organiser des programmes de for­mation auditive globale où la musique aurait une place. Étant donné le besoin de stimuler tous les modes sensoriels, il est regrettable qu'on ait généralement négligé la musique. O n se demande si la pénurie actuelle de pro­grammes musicaux reflète l'inaptitude générale de ces enfants à tirer profit d'une formation et d'une expérience musicales ou si elle n'est pas due plutôt à des idées préconçues sur l'éducation des déficients sévères. Des statis­tiques présentées dans The arts and handicapped people (1977) ont montré que moins de 1 % de surhandicapés sourds-aveugles sont touchés par les recherches en relation avec les arts (Kalenius).

Ce qu'on peut attendre de la musique

L a musique paraît mériter une place dans l'édu­cation de l'enfant sourd-aveugle parce qu'elle constitue avant tout une expérience sensorielle capable de stimuler plusieurs sens par la pra­tique et l'observation. L'utilisation combinée de plusieurs sens peut renforcer le discernement chez des enfants dont on n'a traditionnellement pas sollicité l'interaction avec leur environne­ment sensoriel. Grâce à des rencontres avec la musique, on peut encourager l'enfant sourd-aveugle à chercher des formes de stimulation acceptables, par exemple à jouer d'un ins­trument ou à participer à des activités de m o u ­vement. Cela pourra servir à l'acquisition de comportements appropriés et faciliter le déclin des comportements inadaptés.

Les objectifs ultimes d'un programme m u ­sical pour les jeunes enfants visent les domaines affectif, cognitif et psychomoteur. Entre ces catégories peuvent se répartir des activités telles que la musique instrumentale, le chant, le mouvement , l'écoute musicale (pour le

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plaisir), l'écoute destinée à la formation auditive et les expériences créatrices. Ces objectifs sont également applicables à u n groupe d'enfants sourds-aveugles. L e programme pourrait c o m ­porter alors en plus le développement du lan­gage, par exemple grâce à u n système de signes. O n comprend l'intérêt, pour de jeunes enfants, de participer à des expériences musicales qui facilitent les contacts avec le langage. Il faudra se préoccuper du fond et aussi des méthodes éducatives et de l'équipement, qu'il conviendra peut-être de modifier.

OBJECTIFS POUR LES ENFANTS SOURDS-AVEUGLES

Lors de leur entrée à l'école maternelle, les jeunes enfants montrent souvent des aptitudes limitées pour la communication, aussi les ensei­gnants misent-ils sur les vertus de la musique pour enseigner une foule de choses, par le biais du chant et de la récitation. L a mémorisation, le langage, l'écoute, l'émission de la voix et les exercices rythmiques peuvent également être enseignés. O n fait également intervenir des expériences motrices sous forme de chansons accompagnées de jeux de mains. L'enfant sourd-aveugle qui ne parle pas peut être à m ê m e de participer à ces activités, à l'exception du chant. Par l'emploi de la mimique, des marionnettes et des signes, il peut être possible d'enseigner certains concepts apparaissant dans les chan­sons. Si les enfants étudient u n système de signes, la musique permet une généralisation du vocabulaire qui augmente leurs chances d'interaction et de socialisation.

LA MUSIQUE ET LE M O U V E M E N T

L'organisation d'activités de mouvement en musique peut profiter de diverses façons aux surhandicapés. Elle encourage le mouvement corporel, dont l'enfant sourd-aveugle a une expérience limitée, et permet l'acquisition de mécanismes séquentiels. O n peut faire faire à

l'enfant des exercices moteurs généraux ou précis pour l'aider à découvrir qu'il peut se faire obéir de son corps en l'utilisant de di­verses façons. O n peut se servir de la musique non seulement pour organiser la structure motrice, mais aussi pour faciliter l'intégra­tion de schémas moteurs fondamentaux en faisant intervenir plusieurs sens à la fois. O n peut par exemple demander à l'enfant de frap­per u n tambour tout en marchant dans u n cercle. Les mouvements sur place, la locomo­tion, la direction peuvent être enseignés avec des accompagnements sous forme de musique chantée, instrumentale ou enregistrée.

LES ACTIVITÉS INSTRUMENTALES

L'usage des instruments de musique permet un certain nombre d'acquisitions. Apprendre à jouer correctement et découvrir que les instru­ments produisent des sons différents peut être bénéfique pour le développement conceptuel et perceptif de l'enfant. Jouer implique un grand nombre d'actions : frapper, secouer, gratter, souffler, tapoter. Chaque mouvement élargit l'éventail d'expériences motrices de l'enfant. L'utilisation intégrée des sens est sollicitée — regarder l'instrument, sentir et écouter les vibrations lors de la production du son — ce qui favorise le discernement. Pour les enfants mal-entendants, le plaisir kinesthétique dérivé des vibrations peut avoir u n attrait particulier. L e choix des instruments est étendu et tous diffèrent considérablement par la taille, la forme, la couleur, l'apparence, la texture, le matériel. Cet élément de nouveauté est utile étant donné la tendance de ces enfants à se désinté­resser ou à se laisser distraire. Si l'ennui survient, on peut substituer un instrument à un autre.

Les instruments de musique peuvent avoir un attrait spécial pour ce groupe d'enfants parce que la production immédiate d'un son renforce automatiquement l'envie de manier l'objet. Cer­tains enfants préfèrent tel instrument et en tireront une satisfaction particulière.

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CONTRIBUTION DE LA MUSIQUE A LA FORMATION AUDITIVE

E n fin de compte, il faut insister surtout sur la valeur de l'élément auditif, qui peut amener les résultats les plus bénéfiques en stimulant l'audition résiduelle des enfants. L'améliora­tion de l'écoute semble directement liée à l'expo­sition et à la formation ; les perfectionnements ultérieurs semblent liés à une pratique constante.

Les instruments produisent des sons dont la fréquence, du grave à l'aigu, va de 41,20 H z (trois octaves en dessous de D o 3) à 4 186 H z (quatre octaves au-dessus de D o 3). Les harmo­niques supérieures de certains instruments peu­vent atteindre 10 000 H z . L e nombre le plus élevé de fréquences audibles à l'oreille humaine est de 20000 H z . L e registre habituel de la parole étant de 500 à 4 000 H z , on voit que le registre instrumental, plus large, peut étendre la faculté auditive des enfants. D'autres carac­téristiques intéressantes du son instrumental sont : le timbre, qui distingue un instrument d'un autre ; l'intensité, qui va de 0 décibel, où le son est presque imperceptible, à 130 D b ; le m o d e de production du son par des procédés c o m m e le vibrato. A l'exception des clochettes et des tambours plus ou moins maladroitement utilisés, on a rarement tenté de tirer profit des instruments de musique pour la formation auditive.

O n peut également envisager l'écoute de m u ­sique enregistrée. Les percussions, les instru­ments à cordes et à vent, les cuivres, la musique électronique et la musique vocale peuvent se révéler des stimuli intéressants pour ces enfants. Peut-être n'écouteront-ils pas cette musique de la m ê m e façon qu'un entendant mais cela peut malgré tout constituer une expérience intéressante. U n e exposition régulière à un stimulus auditif, grâce à des activités musicales, peut améliorer l'aptitude des enfants à réagir aux sons, ce qui leur permettrait d'opérer des différenciations, et à tirer parti de ceux qui se produisent dans leur entourage.

Les handicaps physiques et mentaux de l'en­fant sourd-aveugle l'ont jusqu'à présent e m p ê ­ché de participer à beaucoup d'enseignements réguliers, dont l'enseignement artistique. Déjà déficient sur le plan sensoriel, il est encore handicapé par l'impossibilité de développer et d'affiner ses sens au contact des arts. Il ne peut acquérir, non plus, l'expérience nécessaire au développement esthétique, considéré c o m m e important dans le processus d'humanisation.

L a musique, en tant qu'expérience multisen­sorielle, permet de stimuler plusieurs sens, contribuant ainsi au développement général de l'enfant sourd-aveugle. Elle lui offre également la possibilité de participer à des expériences qui le socialisent tout en lui faisant plaisir.

Préparation d'un enseignement musical adéquat

Lorsqu'on prépare un programme d'enseigne­ment pour les enfants gravement handicapés, il faut d'abord se demander non pas quels sont leurs handicaps, mais plutôt quelles sont leurs aptitudes, comment ils les utiliseront, en quoi la musique peut les aider à en tirer parti et de quelle manière l'enseignement musical peut favoriser leur développement général.

L'enseignement musical est le processus qui permet de modifier le comportement musical humain. Celui-ci comprend le chant, le jeu ins­trumental, les mouvements, la création de m u ­sique et de mouvements et l'écoute. O n peut aussi inclure dans un programme pour déficients sévères l'acquisition du langage, la formation auditive et la socialisation. Si l'on admet que la créativité a les m ê m e s chances de se rencontrer chez les handicapés que chez les individus normaux, un programme devrait viser non seu­lement à faire apprendre et à modifier le compor­tement en utilisant la musique c o m m e u n sti­mulus et un renfort mais aussi à enseigner la musique pour elle-même, en donnant libre cours à la créativité. E n définissant les objectifs, on

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devra se préoccuper surtout des niveaux à attein­dre, car il n'est pas nécessaire que ces enfants jouent des instruments, chantent ou dansent c o m m e leurs camarades non handicapés. Les niveaux, au lieu de limiter les enfants ou d'exiger trop d'eux, devraient pouvoir s'ajuster à leurs besoins.

L a musique a été utilisée dans divers sys­tèmes d'éducation spéciale c o m m e un stimulus, un élément structural et un renfort. D o n c , si la musique doit être incluse dans un modèle d'enseignement intégré, celui-ci devrait fournir l'occasion d'apprendre la musique pour le plai­sir et devrait faire aussi de la musique une auxiliaire de l'enseignement des connaissances scolaires et des conduites sociales. C o m m e on pense que les programmes pour handicapés devraient être semblables dans une large m e ­sure aux programmes normaux, il devrait être possible d'en concevoir un qui conserve les ob­jectifs traditionnels du développement cognitif, psychomoteur et affectif. Dans ce cadre, il reste à choisir les apprentissages les plus utiles pour les enfants. A partir de cette position théo­rique, on a décidé d'organiser u n programme d'enseignement musical pour un groupe de surhandicapés sourds-aveugles. Il ne s'agissait pas d'un échantillon pris au hasard, mais d'un groupe particulier, qui avait été mis à part c o m m e ineducable.

E n 1978, l'École pédagogique de l'Université de Macquarie, en collaboration avec l'Institut royal de la Nouvelle-Galles du Sud pour les enfants sourds-aveugles, a ouvert une classe spéciale dans le but de créer u n système d'ensei­gnement et des programmes d'études pour ce groupe particulier, composé de six jeunes pen­sionnaires d'une école pour les enfants surhan-dicapés aveugles. E n plus des handicaps pri­maires (cécité, surdité et retard mental), ils présentaient d'autres déficiences : infirmité motrice cérébrale, déficiences cardiaques et pro­blèmes orthopédiques. Des handicaps secondai­res, tels que le m a n q u e d'attention, l'incapacité de communiquer et une conduite stéréotypée

de type autistique, créaient des problèmes d'ap­prentissage et de comportement. Sans une inter­vention précoce, ces enfants resteraient isolés de leur environnement, et plus ils grandiraient, plus diminueraient leurs chances de succès par des mesures de réhabilitation. L e programme musical a été conçu selon les trois principes positifs suivants : premièrement, puisqu'on re­connaît l'importance de l'enseignement artis­tique pour tous les jeunes enfants et le droit des handicapés à être éduqués dans l'environnement le moins restrictif grâce à des programmes fon­damentalement semblables à ceux de leurs camarades non handicapés, ce programme musi­cal doit être conçu sur la base d'objectifs nor­matifs ; deuxièmement, les enfants gravement handicapés pourront acquérir des connaissances spécifiques grâce à un programme musical basé sur une planification éducative individualisée utilisant la technologie de l'éducation ; enfin, les comportements visés par cette éducation doivent être clairement spécifiés pour qu'on puisse collecter des données menant à des conclusions valables et fiables.

Si l'on reconnaît la validité de l'expérience musicale pour ce groupe, il faut prévoir des études qui fournissent aux éducateurs et aux administrateurs des données et des preuves sé­rieuses de la possibilité d'apprentissage, il faut trouver une méthodologie pédagogique adé­quate, un matériel adapté au programme, un équipement fonctionnel de qualité, des idées innovatrices et des procédés d'évaluation sérieux.

Dans la définition initiale des objectifs d'un programme musical pour ce groupe, la première priorité a été donnée aux connaissances musi­cales. Par la suite, on a effectué une réévaluation de l'importance des activités. Tout programme doit être conçu en fonction des besoins des enfants plutôt que des conceptions du pro­grammateur.

L a formation auditive a été estimée de pre­mière importance, avant l'apprentissage des mouvements et la pratique des instruments. L e programme a compris aussi les éléments ci-

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après : langage, sous forme d'un système de signes ; activités conceptuelles préscolaires en relation avec la musique ; chant. Dans les acti­vités du groupe, on s'est efforcé d'encourager la socialisation par l'interaction. Les réactions spontanées au son, que certains enfants ont m a ­nifestées parfois dans les premiers cours, ont fait penser qu'en s'intéressant à cet aspect on pourrait amener les enfants à utiliser davantage leurs restes d'audition. L a réaction au son a été considérée c o m m e la première faculté à déve­lopper. Plus on encouragerait les enfants à faire usage de leur audition, plus les activités musi­cales leur profiteraient. O n a pris également grand soin que les enfants portent régulièrement leurs prothèses auditives, dont on contrôle attentivement le bon fonctionnement.

Les difficultés de l'évaluation audiologique ont fait penser qu'il était extrêmement impor­tant de pouvoir observer la réaction des enfants aux stimuli.

D e m ê m e que le jeune enfant est mis par l'éducateur en présence de stimuli visuels clairs et simples avant d'affronter des données plus compliquées, de m ê m e un enfant qui a été coupé des stimuli auditifs nécessite également une introduction graduelle au son, une fois équipé d'un amplificateur satisfaisant. Il est nécessaire de structurer la formation auditive de façon que l'enfant ne soit pas bombardé de sons au point de rejeter l'appareil.

C'est sur ces bases qu'on a organisé u n pro­g r a m m e musical intégré comprenant une for­mation auditive le matin, des mouvements rythmés et des exercices de musique instru­mentale l'après-midi. Il a été donné une ins­truction à la fois individuelle et collective, avec collecte de données dans des domaines prédé­terminés. Les activités diverses ont été réguliè­rement filmées sur des bandes vidéo. Grâce à ce programme musical intégré, ces jeunes enfants sourds-aveugles confiés à u n établissement spé­cial font des progrès multiples. Ils apprennent à être attentifs aux sons, faisant ainsi u n usage plus important et plus efficace de leurs capacités

auditives ; ils apprennent à jouer de la musique ; ils apprennent à écouter de la musique enre­gistrée ; ils élargissent leurs possibilités d'usage d'un système de signes et apprennent des signes spécifiquement musicaux ; ils acquièrent la m o ­bilité et la motricité ; ils cultivent leur mémoire en apprenant de la musique et des séries de mouvements ; ils se détournent des conduites inadaptées en acquérant des capacités utiles ; ils s'habituent à l'interaction dans les activités musicales de groupe ; enfin, ils augmentent leurs occasions de loisir et de récréation.

Les premières activités musicales ont été conçues pour éveiller l'intérêt, assurer des suc­cès immédiats et stimuler les modes sensoriels inutilisés jusqu'alors. C o m m e on ne pouvait se référer à aucun programme d'enseignement m u ­sical spécifiquement destiné à l'enfant sourd-aveugle, u n programme spécial a été organisé compte tenu des aptitudes initiales des enfants et de leur besoin d'acquérir des savoir-faire et des conduites de loisir.

A partir de ce programme préliminaire, on se proposait de répondre aux questions suivantes : Peut-on habituer l'enfant sourd- aveugle à faire attention aux stimuli auditifs et, s'il possède des restes d'audition, peut-on lui apprendre à réagir au son ? Pourra-t-il être formé à l'écoute de la musique enregistrée et, si oui, montrera-t-il des capacités de discernement en manifestant des préférences ? Est-il possible de lui apprendre à jouer de différents instruments de musique et, si oui, ces expériences affecteront-elles son m o d e de comportement ?

Premiers résultats du programme

Les résultats à ce jour indiquent qu'il est pos­sible de contrôler les réactions aux stimuli au­ditifs chez ce groupe d'enfants. E n plus des avantages auditifs et de l'information acquise, on a, en faisant de cette tâche une activité agréable, permis aux enfants de maîtriser u n exercice de plus, parvenant ainsi au succès dans u n autre

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domaine et augmentant le registre de leurs capacités. U n e autre étude a mis en évidence l'aptitude des enfants à distinguer les styles musicaux.

Tout le m o n d e est exposé chaque jour à des sources de musique enregistrée qui échappent à notre contrôle. O n entend aussi de la musique, exprès, ou sans le vouloir, par l'intermédiaire de films, de programmes de télévision ou de radio. L'écoute de la musique contribue ainsi de façon importante aux expériences auditives, en parti­culier pendant les loisirs et durant l'enfance. Cependant, les difficultés d'apprentissage des enfants gravement handicapés, surtout ceux qui présentent des déficiences auditives, les e m p ê ­chent de tirer d'un contact accidentel un quel­conque savoir sur la musique. Des techniques pédagogiques, u n équipement spécial et des programmes modifiés sont donc nécessaires pour qu'ils tirent profit de l'écoute. E n outre, si l'on veut que les handicapés prennent plaisir à la musique dans l'âge adulte, il faut leur fournir une instruction systématique pendant leur enfance.

Malheureusement, l'enfant surhandicapé sourd-aveugle a souvent peu d'occasions de développer son acuité auditive et sa faculté d'écoute, parce qu'en raison de ses difficultés de communication et de son comportement défec­tueux on omet fréquemment d'évaluer ses fa­cultés auditives. Il en résulte qu'il ne reçoit ni appareil d'amplification ni formation auditive.

Grâce à u n dispositif d'enseignement struc­turé, le groupe d'enfants considéré a p u appren­dre à se servir d'un poste à quatre chaînes c o m m a n d é à distance, grâce auquel ils ont été exposés à divers stimuli auditifs. Les résultats actuels laissent suggérer qu'ils pourront, malgré leurs déficits auditifs, participer à l'activité d'écoute. Il apparaît également que les enfants sont à m ê m e de différencier les divers éléments des stimuli auditifs, et m ê m e le style musical. U s se perfectionnent dans la pratique de plu­sieurs instruments de musique. Grâce aux acti­vités de mouvement , ils ont amélioré leurs apti­

tudes motrices générales et précises et ont appris des séries de mouvements. Toutes ces activités de groupe ont permis le développement de la conscience et de la coopération.

Les défenseurs des enfants gravement handica­pés ont demandé l'organisation de programmes suivis sur plusieurs années dans le but de contri­buer au processus de normalisation et de pré­parer ces enfants à la condition d'adulte en leur donnant des capacités fonctionnelles correspon­dant à leur âge. Cependant, on passe tellement de temps à essayer de surmonter les effets des handicaps qu'il semble encore plus important d'apprendre aux handicapés à se récréer, pour qu'ils connaissent le plaisir et la joie.

U n des principaux résultats d u programme est que, grâce à une variété d'expériences musi­cales ou liées à la musique, ces enfants présen­tant divers handicaps graves sont parvenus à bien s'amuser. Il y eut des moments où leurs expressions spontanées de plaisir étaient très proches de celles qu'on voit dans une classe ordinaire. Les photographies et les bandes vidéo ont par bonheur pris certains de ces instants sur le vif. Grâce à un programme équilibré comprenant chant, mouvement , jeu, écoute et création, les enfants ont acquis divers savoir-faire qui leur ont permis d'étendre leur registre d'activités : cela justifie l'inclusion de l'enseigne­ment musical dans une action globale en faveur de l'enfant surhandicapé sourd-aveugle.

Sans aucun doute, il faut perfectionner et raffiner encore les techniques pédagogiques, et il importe aussi de choisir des exercices convena­bles et utiles. O n poursuit la mise au point d'un programme adaptable aux capacités physiques et intellectuelles de chaque enfant et prévoyant des activités de groupe. Il semble que, si on leur fournit un environnement hautement structuré et un programme ajusté à leurs besoins, les sur handicapés sourds-aveugles puissent tirer bénéfice d'un programme d'enseignement m u ­sical. Il est recommandé de poursuivre les expé­riences d'enseignement musical avec ces enfants

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La musique dans l'éducation de l'enfant surhandicapé sourd et aveugle

et avec d'autres groupes sévèrement handicapés. Il y a là en perspective des recherches passion­nantes qui devraient aboutir à des bénéfices considérables pour ces enfants.

Références

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Tendances et cas

L'éducation scolaire des enfants et des jeunes réfugiés palestiniens1

Knud Mortensen

L'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ( U N R W A ) , qui a été créé par l'Assemblée générale des Nations Unies, œuvre aujourd'hui dans cinq zones : le Liban, la République arabe syrienne, la Jordanie, la rive occidentale du Jourdain et la bande de Gaza.

Avant la guerre civile qui s'est déroulée au Liban en 1975 et en 1976, le siège de l ' U N R W A était à Beyrouth. Depuis, il a été transféré en partie à Vienne et en partie à A m m a n (Jordanie).

L ' U N R W A a été institué en 1950 pour porter secours aux réfugiés de Palestine qui, depuis la guerre israélo-arabe de 1948, avaient cherché asile dans les pays arabes voisins (couramment appelés « pays d'accueil »). Si l ' U N R W A était à l'origine un organisme temporaire de secours et de travaux où l'éducation ne représentait qu'un élément mineur de l'ensemble des activités d'as­sistance, le programme d'enseignement absorbe à présent plus de 50 % du budget de l'Office.

L ' U N R W A est aujourd'hui encore, par défi­nition, un office temporaire créé pour aider les réfugiés palestiniens jusqu'à ce qu'il soit pos­sible de parvenir à un règlement équitable du problème palestinien. Sa création remonte à trente ans mais aucun règlement n'est inter­venu et l ' U N R W A demeure un « office tempo­raire en permanence » dont le financement est, aujourd'hui encore, assuré par des donations

Knud Mortensen (Danemark). Enseignant, spécialiste de l'éducation des réfugiés. A travaillé deux ans pour l'UNRWA dans le secteur de la formation des maîtres. Travaille actuellement pour le gouvernement de la Somalie dans le cadre d'un programme de recyclage des maîtres en exercice qui enseignent dans les camps des réfugiés.

annuelles et, dans une certaine mesure, aléa­toires. Cette incertitude permanente a, on le comprend, de sérieuses répercussions sur la pla­nification à long terme d'un programme d'édu­cation qui est, par certains côtés, comparable à celui d'un système national d'enseignement.

La population réfugiée

Quand l ' U N R W A a commencé à fonctionner en 1950, il y avait environ 960 000 réfugiés pa­lestiniens immatriculés auprès de l'Office. O n en compte aujourd'hui plus de 1 800 000. Près de 600 000 d'entre eux vivent dans des camps.

Les réfugiés palestiniens constituent une po­pulation dont la composition frappe par son pourcentage élevé d'enfants et d'adolescents. Les moins de vingt ans dépassent de loin la moitié de la population, ce qui n'est pas excep­tionnel dans le m o n d e arabe. Rien ne permet de penser pour l'instant que cette tendance doive se modifier.

Cette proportion élevée d'enfants et d'adoles­cents dans la structure de la population réfugiée a des implications importantes au niveau de la demande d'éducation, ainsi qu'à celui de l'offre et de la demande de ressources.

Les camps

E n principe, l ' U N R W A gère deux catégories de camps de réfugiés : les camps permanents (créés en 1948) et les camps d'urgence (quoi­qu'ils aient été créés en 1967, on en parle tou­jours c o m m e de camps « d'urgence »).

L e camp permanent se compose d'ordinaire

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Perspectives, vol. X I , n° 4 , 1981

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Tendances et cas

de petites maisons construites en béton ou en pisé. Certains sont situés dans des zones rurales, d'autres dans des villes ou aux abords de villes.

L e camp d'urgence, en Jordanie par exemple, tranche nettement sur son environnement. Il comporte d'ordinaire des rangées d'abris pré­fabriqués qui sont construits en panneaux de fibrociment ondulé et n'ont qu'une pièce. Cer­tains de ces « camps d'urgence permanents » sont très vastes ; le plus grand est celui de Baqaa, en Jordanie, qui abrite près de 60 000 ré­fugiés immatriculés (1978).

L a plupart des camps comptent, soit dans leur enceinte, soit à proximité, un certain n o m ­bre d'écoles qui desservent leur population.

Le système d'enseignement UNRWA/Unesco

Depuis août 1950, l'Unesco coopère avec l ' U N R W A en veillant à l'orientation pédagogi­que du programme d'enseignement de l'Office. C'est pourquoi l'on désigne souvent le pro­g r a m m e d'éducation de l ' U N R W A sous le n o m de système d'enseignement U N R W A / U n e s c o . E n vertu de cette coopération, l ' U N R W A admi­nistre et finance le programme, tandis que l'Unesco en assume la responsabilité technique ou spécialisée. C'est la raison pour laquelle elle prête à l ' U N R W A les services du directeur du Département de l'éducation, ainsi que d'un nombre variable d'experts internationaux de l'éducation.

L e système d'enseignement U N R W A / U n e s c o dispense à l'intention des réfugiés quatre ni­veaux d'enseignement : l'enseignement scolaire primaire et primaire supérieur (premier cycle du second degré), la formation professionnelle et technique, la formation des futurs enseignants (dans les écoles normales de l ' U N R W A ) , la for­mation en cours d'emploi des maîtres en exer­cice dont la qualification est insuffisante. E n outre l ' U N R W A fournit des bourses à des en­fants capables de poursuivre des études se­

condaires du second cycle dans des établisse­ments publics ou privés de l'une des cinq zones d'activité. E n ce qui concerne l'enseignement supérieur, l ' U N R W A octroie un nombre limité de bourses à des « élèves exceptionnels » capa­bles de poursuivre leurs études dans des uni­versités du Moyen-Orient.

Parmi toute cette g a m m e de services éducatifs assurés par l ' U N R W A et l'Unesco, nous nous limiterons à ceux qui concernent l'éducation scolaire, c'est-à-dire l'enseignement primaire et primaire supérieur. Dans les sections qui sui­vent, nous entreprendrons donc une descrip­tion et une analyse critique du fondement des programmes enseignés dans les écoles ainsi que des conditions matérielles de cet enseignement, autrement dit du cadre dans lequel l'enseigne­ment scolaire est dispensé aux enfants et aux jeunes réfugiés palestiniens. E n outre nous nous étendrons quelque peu sur le programme U N R W A / U n e s c o de formation des maîtres en exercice, qui, lorsqu'il fut conçu et mis en œuvre, constituait une innovation absolument sans précédent dans le domaine de la formation des enseignants. L a méthode de formation des maîtres en exercice mise au point par le Dépar­tement de l'éducation U N R W A / U n e s c o peut, à notre avis, être reprise avec fruit pour d'autres populations réfugiées, à condition bien entendu d'y apporter les aménagements nécessaires. Cette idée de transférabilité est brièvement ana­lysée dans la dernière section du présent article.

Programmes scolaires des pays d'accueil

Dans chaque zone d'activité, le système d'en­seignement scolaire U N R W A / U n e s c o a adopté le programme fixé par les autorités du pays d'accueil. Si cette politique d'adoption des pro­grammes locaux est en principe imposée par le pays d'accueil — l ' U N R W A n'est pas libre de choisir ses programmes, ses manuels, et force lui est d'adapter son enseignement à celui du

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pays d'accueil — et peut comporter de sérieuses limites sur le plan éducatif, elle n'en présente pas moins des avantages, dans la mesure où elle permet aux jeunes réfugiés de poursuivre ulté­rieurement leurs études dans des établissements secondaires et supérieurs et de se présenter aux examens officiels dans les pays d'accueil où ils vivent.

Bien que la politique imposée concernant le programme d'éducation scolaire T J N R W A / Unesco soit prescrite par les autorités des dif­férents pays d'accueil, l'Office a réussi à mettre au point u n système d'éducation des réfugiés qui, par certains côtés, est comparable à u n « système national unique et unifié ».

L a raison pour laquelle l ' U N R W A a créé son propre système d'enseignement est toute sim­ple : en 1948, lorsque les Palestiniens ont cher­ché refuge dans les pays arabes qui sont devenus « pays d'accueil », ces pays étaient en train d'édifier leurs propres systèmes d'enseignement, lesquels, à l'époque, suffisaient à peine pour répondre à la demande nationale de scolarisa­tion. Par conséquent, il n'y avait pas de place dans les écoles publiques des pays d'accueil pour ces milliers d'enfants d'âge scolaire qui arri­vaient subitement.

U n e autre raison, moins directe, qui a amené à souhaiter la création d'un système d'enseigne­ment séparé pour les enfants et les jeunes réfu­giés, c'est que cette formule permettait de créer u n système d'enseignement palestinien unifié, m ê m e si les réfugiés étaient dispersés sur u n vaste territoire, voire séparés par des frontières. Cependant cette possibilité de créer u n système uniforme pour l'ensemble des réfugiés palesti­niens a été sérieusement limitée dès le départ par le fait que l ' U N R W A a dû adopter les pro­grammes d'études et les manuels scolaires des pays d'accueil.

L a difficulté qu'il y avait dès lors à mettre au point u n programme spécialement adapté à l'éducation scolaire des enfants de réfugiés palestiniens a néanmoins été partiellement sur­montée lorsque, récemment, le Département de

l'éducation U N R W A / U n e s c o a créé des centres pédagogiques dans certaines zones d'opération. L'objectif global que le Département de l'édu­cation assigne à ces centres est de traduire dans les faits la politique du département, qui vise à promouvoir « un meilleur enseignement grâce à de meilleures méthodes ». E n mettant ainsi l'ac­cent sur la méthodologie de l'enseignement, ce qui évitait de s'aventurer sur le terrain plus épineux de l'aménagement des programmes, le Département de l'éducation a indéniablement réussi à améliorer l'acquisition des connaissances et du savoir-faire sans pour autant s'écarter des programmes scolaires imposés. Il convient ce­pendant de souligner que ces améliorations des méthodes se sont surtout traduites jusqu'à pré­sent par u n renforcement des méthodes pédago­giques traditionnelles employées dans la plupart des écoles U N R W A / U n e s c o , plutôt que par un développement de l'innovation et de l'expéri­mentation pédagogiques.

Si l'élaboration des programmes, au sens propre du terme, ne s'inscrit pas dans le mandat de P U N R W A / U n e s c o , les autorités de certains pays d'accueil autorisent l'Office à apporter des adjonctions aux programmes nationaux. Ces ajouts sont qualifiés « d'enrichissements du pro­g r a m m e ». Ils peuvent se référer explicitement à la spécificité culturelle palestinienne. Dans une certaine mesure, le Département de l'éducation a, par conséquent, réussi à surmonter l'obstacle qui l'empêchait d'élaborer les programmes en augmentant le vocabulaire pédagogique d'une nouvelle expression : « l'enrichissement des programmes ».

Les considérations qui précèdent ne s'appli­quent pas aux seuls réfugiés palestiniens ; elles peuvent intéresser quantité de populations ré­fugiées de par le m o n d e . E n pareil cas, le pro­blème qui se pose aux responsables de la plani­fication de l'éducation des réfugiés n'est donc pas de savoir s'ils sont prêts à adapter leur pla­nification à la politique d'éducation du pays d'accueil, mais bien de savoir c o m m e n t ils le feront.

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L'éducation scolaire

Avant la guerre israélo-arabe de 1948, la plupart des Arabes de Palestine travaillaient dans l'agri­culture traditionnelle, qui ne nécessite pas une formation scolaire très poussée. D e ce fait, seule une minorité d'Arabes palestiniens avaient poursuivi leur scolarité au-delà du cours pri­maire. Mais il y avait une autre raison à la faible scolarisation des enfants et des adolescents vivant dans les zones rurales de Palestine. L a réalité était plus complexe, en raison principa­lement de la situation politique, mais aussi de la tradition fortement élitiste des populations ara­bes en matière d'éducation.

Compte tenu du bouleversement survenu, après les événements de 1948, dans les condi­tions de vie des Arabes de Palestine qui s'étaient réfugiés dans les pays arabes voisins, il n'est pas surprenant que les populations réfugiées aient instamment demandé que leurs enfants aient de meilleures possibilités de scolarisation.

Depuis le début, le programme U N R W A / Unesco assurait l'enseignement primaire. Dans les toutes premières années, seule une faible proportion des enfants scolarisables allaient à l'école, où l'on ne trouvait que très peu de filles. Aujourd'hui, au contraire, il y a pratiquement autant de filles que de garçons dans les écoles U N R W A / U n e s c o .

En 1952, 2 % des élèves de l'école primaire passaient à l'école primaire supérieure ; ce pour­centage modeste est passé à 20 % en i960 lorsque l ' U N R W A a admis le principe de la gratuité des études primaires supérieures pour tous les enfants de réfugiés capables de suivre cet enseignement. C e pourcentage a dépassé 70 % pour l'année scolaire 1978/79.

L e nombre d'élèves qui abandonnent l'école primaire ou primaire supérieure est étonnam­ment faible, comparé à ce qu'il est dans quantité de pays en développement (le taux d'abandon en cours d'études est d'environ 3 % dans l'en­seignement, primaire et 7 % dans l'enseignement primaire supérieur dans le système d'enseigne­

ment U N R W A / U n e s c o ) . N o s recherches ne nous ont malheureusement pas permis de c o m ­parer les statistiques de l ' U N R W A avec celles de pays d'accueil mais, lors de nos entretiens, les membres du personnel U N R W A / U n e s c o ont été de l'avis général que le taux d'abandon en cours d'études dans les écoles U N R W A / U n e s c o soutenait avantageusement la comparaison avec celui des écoles des pays d'accueil.

Il faut peut-être voir dans le faible taux d'abandon en cours d'études u n indice signifi­catif de l'importance que les réfugiés palesti­niens accordent à l'éducation et des espérances des parents, qui sont exprimées avec beaucoup de vigueur dans les communautés de réfugiés.

Intérêts, motivations et aspirations en matière d'éducation

L e taux élevé de fréquentation scolaire dans l'en­semble du système scolaire U N R W A / U n e s c o montre que les enfants et les adolescents réfugiés sont très motivés par les études et que leurs parents attendent également beaucoup de l'en­seignement. Cette forte motivation s'explique, semble-t-il, par l'importance que les réfugiés palestiniens attachent à l'éducation, une analyse réaliste leur permettant de comprendre que les connaissances et le savoir-faire acquis à l'école sont en fait les seules ressources que les jeunes réfugiés peuvent proposer sur le marché du travail lorsqu'ils veulent gagner leur vie.

U n grand nombre de directeurs d'écoles U N R W A / U n e s c o ont tendance à considérer que c'est l'étude des mathématiques et des sciences qui, plus tard, sera le plus utile à leurs élèves ; ils attachent, de ce fait, moins d'intérêt à des matières c o m m e les travaux manuels ou artisanaux et l'enseignement artistique.

Beaucoup d'adolescents souhaitent aller à l'université, aspiration souvent renforcée par les espérances de leurs parents. Ces aspirations sont particulièrement vives, ce qui n'a rien pour surprendre, chez les réfugiés des communautés

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urbaines, alors que les jeunes réfugiés qui vien­nent de zones rurales ont tendance à viser un niveau d'instruction moins élevé.

A u cours des toutes dernières années, cepen­dant, l'attitude des populations réfugiées, qui préféraient l'enseignement supérieur de niveau universitaire à la formation professionnelle, a nettement évolué. Depuis peu on commence à reconnaître les avantages que présente la forma­tion professionnelle, notamment la formation de techniciens et de cadres moyens. Cette prise de conscience a été surtout favorisée par l'accrois­sement rapide de la demande de personnel qualifié dans le secteur du bâtiment, qui résulte du processus de développement en cours dans la plupart des pays arabes. Les jeunes réfugiés di­plômés des centres de formation professionnelle U N R W A / U n e s c o n'ont pratiquement aucune difficulté à trouver des emplois relativement bien rémunérés. C'est pourquoi le nombre an­nuel des demandes d'admission dans ces centres est très supérieur à la capacité d'accueil de ces derniers.

Manque de crédits pour le programme de constructions scolaires

L a progression rapide de la scolarisation, qui caractérise depuis le début les écoles U N R W A / Unesco, et la sérieuse pénurie de fonds qui a empêché la construction scolaire de progresser au m ê m e rythme que la demande, ont vite obligé à adopter le système des « classes alter­nées » (principe selon lequel un seul et m ê m e bâtiment abrite deux écoles, qui portent souvent des noms différents et qui fonctionnent c o m m e deux équipes, l'une le matin, l'autre l'après-midi). Depuis le début des années cinquante, le système des classes alternées constitue une gêne permanente pour le système scolaire U N R W A / Unesco et rien ne permet d'espérer que cette situation s'améliore dans un proche avenir puis­que des rumeurs persistantes font au contraire

planer la menace d'avoir à faire alterner, dans certaines zones, non plus deux mais trois équipes.

Bien entendu, lorsque le système de l'alter­nance consiste à utiliser, par exemple, les bâti­ments scolaires pour l'éducation des jeunes et des adolescents au cours de la journée et pour l'éducation des adultes le soir, la formule ne présente que des avantages et ce, quel que soit l'environnement scolaire considéré. Mais le cas des écoles U N R W A / U n e s c o est tout autre car l'alternance y a été introduite tout simplement pour ne pas avoir à refuser de scolariser une partie des enfants. Pour éviter que les classes ne se prolongent tard dans la soirée, le Départe­ment de l'éducation a été obligé de réduire la durée de chaque cours, ce qui est évidemment dommageable aux élèves et aux maîtres des écoles U N R W A / U n e s c o . Et, malgré le système d'alternance, il y a encore beaucoup de classes surchargées.

L e système d'écoles alternées a d'abord sévi dans la bande de Gaza mais, après les hostilités de juin 1967, il a envahi aussi la rive orientale du Jourdain par suite de l'arrivée de nouveaux réfugiés de la rive occidentale du fleuve. A u ­jourd'hui la situation n'est guère meilleure dans la République arabe syrienne. Environ 90 % de la totalité des écoles primaires sur la rive orientale du Jourdain et dans la République arabe syrienne fonctionnent aujourd'hui selon le principe de l'alternance afin de pouvoir suivre le taux d'accroissement de la population scolaire ; la situation diffère peu dans l'enseignement pri­maire supérieur.

Les crédits fournis à l ' U N R W A ont été et demeurent manifestement très insuffisants pour satisfaire aux besoins du programme de cons­tructions scolaires. Il a fallu répartir avec plus de parcimonie les maigres ressources financières de l ' U N R W A pour parer au plus pressé et pou­voir étendre, dans un premier temps, l'ensei­gnement primaire, puis bientôt après l'ensei­gnement primaire supérieur. E n dépit de ces difficultés, l ' U N R W A est arrivé, au cours des

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ans, à remplacer par des constructions plus du­rables toutes les écoles abritées sous des tentes et u n grand nombre des abris provisoires qui servaient initialement à faire la classe. Mais ses efforts pour éliminer les classes surchargées sont loin d'avoir abouti.

Le cadre matériel de l'enseignement

Si, au début, on faisait la classe sous la tente et dans des bâtiments abandonnés ou des abris provisoires, P T J N R W A a ensuite mis au point u n programme de constructions scolaires dont l'objectif était de fournir à tous les écoliers réfu­giés des locaux scolaires décents.

Aujourd'hui les écoles U N R W A / U n e s c o sont installées dans des locaux construits ou loués par l ' U N R W A . Les écoles construites par l ' U N R W A sont de deux types : bâtiments d'un ou deux étages en brique ou en béton et bâti­ments préfabriqués « d'urgence » (situés dans les camps d'urgence) : il s'agit de plus souvent de constructions légères en bois de charpente re­couvertes de panneaux de fibrociment.

Les locaux loués par l ' U N R W A sont très va­riés et comprennent aussi bien des groupes d'ap­partements occupant plusieurs étages ( comme c'est le cas à Beyrouth et à D a m a s ) que des mai­sons en pisé situées dans des régions rurales éloignées.

Les salles de classe sont généralement sur­chargées. Certes, le nombre d'élèves par maître ne correspond pas à des classes extrêmement surchargées puisqu'il était en moyenne de 1:3836 dans l'enseignement primaire, et de 1:29,6 dans l'enseignement primaire supérieur en 1978/79 ; mais il faut bien voir que l'effet de surcharge résulte de l'exiguïté de la salle de classe. L e nombre d'élèves par maître est géné­ralement le plus bas dans les locaux scolaires de location, où l'on ne peut pas entasser plus d'une trentaine d'enfants dans une pièce d'apparte­ment ordinaire de cinq mètres sur six. Par

contre, certaines écoles de Gaza, où il n'est pas rare de trouver plus de cinquante élèves par classe, sont très remplies sans qu'on puisse parler de surcharge dans la mesure m ê m e où les bâtiments scolaires construits par l ' U N R W A dans cette zone sont conçus pour abriter une cinquantaine d'élèves par salle de classe.

Il n'en reste pas moins que les classes de cinquante élèves et plus ne constituent pas u n cadre satisfaisant pour l'application des métho­des actives d'exploration autodirigée fortement recommandées par le Département de l'éduca­tion U N R W A / U n e s c o . O n peut lire en toutes lettres dans une publication U N R W A / U n e s c o l'affirmation suivante : « L a mémorisation et d'autres méthodes tout aussi inefficaces sont remplacées par des méthodes qui font des élèves des participants actifs et créatifs2. »

N o u s allons tenter de voir ce qu'il y a lieu de penser de ces recommandations officielles, compte tenu de la situation qui prévaut effecti­vement dans les écoles U N R W A / U n e s c o .

L a plupart des salles de classe que nous avons visitées lors de notre enquête sur le terrain ont des murs nus et sont meublées de pupitres à l'ancienne aux dessus très grossiers (les enfants ne peuvent pas dessiner, par exemple, sans re­produire par frottis le grain du bois sur le papier) ; elles ont des sols en ciment et un éclai­rage insuffisant j elles sont souvent dépourvues de vitres et leurs tableaux noirs sont usés. Par­fois, il n'y a m ê m e pas de place pour le bureau d u maître. Encore une fois, la situation est par­ticulièrement désastreuse dans les classes des villes c o m m e celles qui se trouvent dans les locaux loués à D a m a s . L a situation est nette­ment meilleure, m ê m e si elle n'est cependant pas satisfaisante, dans les locaux scolaires qui ont été construits par l ' U N R W A .

A u siège de l ' U N R W A , le Département de l'éducation recommande vivement l'utilisation d'auxiliaires visuels de prix modique (souvent qualifiés de « matériel improvisé » fabriqué par les intéressés) ; or, en règle générale, on ne trouve rien de tel dans les salles de classe et il est

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tout à fait rare d'y voir exposés des travaux d'élèves, par exemple des dessins ou des do­cuments pédagogiques réalisés par leurs soins.

Lorsqu'on les interroge sur la nudité des salles de classe, les enseignants invoquent l'absence de panneaux d'affichage, l'encombrement des lo­caux et le système des classes alternées. Indé­pendamment des dégradations auxquelles tous les « ornements » seraient exposés du fait de la surcharge scolaire, les courants d'air nombreux dans les classes font tomber les dessins et tout ce qui est au m u r .

Dans ces conditions, il faut vraiment beau­coup d'enthousiasme aux maîtres pour conti­nuer à improviser des auxiliaires pédagogiques. Et pourtant, certaines des écoles que nous avons visitées offraient l'exemple d'un environnement scolaire vivant et productif. Très souvent d'ail­leurs, on les rencontre dans les locaux loués les plus pauvres. Dans une école installée dans des locaux loués, avec des salles de classe minuscules et donc extrêmement surchargées, une partie importante du programme scolaire se composait d'activités telles que des danses folkloriques et des spectacles de marionnettes (fabriquées par les enfants à partir d'objets « trouvés » et de morceaux d'étoffe de rebut). L a seule raison manifeste qui puisse expliquer ces changements créatifs apportés à l'atmosphère de la classe semble résider dans l'enthousiasme du person­nel enseignant des écoles en question. A cet égard, c'est surtout l'attitude du chef d'établis­sement qui semble avoir une importance dé­cisive.

Cependant, ces établissements sont des ex­ceptions et le Département de l'éducation U N R W A / U n e s c o n'a, semble-t-il, réussi que dans une faible mesure à réduire l'écart entre les objectifs pédagogiques qu'il assigne à l'ensei­gnement dans ses écoles et l'environnement réel qu'on observe dans la plupart d'entre elles.

Méthodes pédagogiques

E n général, les méthodes pédagogiques obser­vées dans les écoles U N R W A / U n e s c o sont assez uniformes et surtout orales. L e maître parle et écrit au tableau, laissant de côté tous les autres auxiliaires visuels. Il ne faut pas voir dans cette remarque uniquement une critique. L a méthode qui consiste à faire cours à la classe tout entière, plutôt qu'à répartir les élèves en petits groupes ou à pratiquer l'enseignement personnalisé, n'est pas en soi u n mal, contrairement à ce qu'on affirme parfois. E n outre, il convient de souligner que les enseignants de l ' U N R W A n'ont pas la possibilité de choisir, parmi toute une g a m m e de solutions possibles, la méthode pédagogique qu'ils préfèrent. Avant de juger les méthodes pédagogiques utilisées dans les écoles U N R W A / U n e s c o , il faut se rappeler combien il est difficile pour un maître d'ensei­gner dans une classe surchargée lorsqu'il n'a pratiquement pas d'auxiliaires audio-visuels à sa disposition et que nombre de facteurs limi­tent sérieusement le choix de la méthode. Conscients de toutes ces difficultés, nous tenons à souligner qu'après avoir visité beaucoup d'établissements, nous avons souvent été im­pressionnés par la qualité remarquable de l'en­seignement dispensé dans un grand nombre d'écoles U N R W A / U n e s c o .

Dans les classes, les pupitres, qui sont occu­pés par deux ou trois (parfois m ê m e quatre) élèves, sont alignés face au tableau. L a plupart du temps, le maître se tient face aux élèves ou va et vient dans la classe pour aider l'un d'entre eux et corriger son travail, cependant que les autres travaillent seuls. Il est très difficile et quelque­fois impossible au maître de modifier l'agen­cement du mobilier pour changer de méthode pédagogique s'il souhaite faire autre chose que parler et écrire au tableau.

E n raison de notre ignorance de la langue, nos observations ne nous permettent pas d'apprécier si l'enseignement repose uniquement sur la m é ­morisation ou si les élèves peuvent employer

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les mots qui leur viennent à l'esprit pour ré­pondre aux questions du maître. Il est vrai que la mémorisation est un trait caractéristique de la pédagogie arabe traditionnelle (qui s'inspire notamment des méthodes utilisées dans les éco­les coraniques), mais on ne cesse d'affirmer que cette méthode a disparu des écoles U N R W A / Unesco, ainsi que nous le signalions plus haut.

Il y a longtemps que le Département de l'édu­cation U N R W A / U n e s c o a pour politique d'en­courager l'utilisation des auxiliaires pédago­giques audio-visuels. Cependant ces efforts ne sont jamais vraiment parvenus à modifier les pratiques généralement suivies en classe. Néan­moins, le Département de l'éducation est en train d'élaborer et de promouvoir, grâce à son programme de formation des maîtres en exer­cice, u n nouveau plan qui doit encourager l'utilisation de matériels improvisés et fabriqués par les intéressés et qui paraît tout à fait pro­metteur. Cela dit, répétons-le, m ê m e si l'utili­sation de matériels audio-visuels est, jusqu'à présent, demeurée très limitée dans les classes ordinaires, on ne doit pas en conclure automa­tiquement que les maîtres des écoles U N R W A / Unesco font du mauvais travail. A en juger d'après ce que nous avons observé nous-mêmes dans les classes que nous avons pu visiter, un grand nombre de maîtres savent éveiller l'inté­rêt de leurs élèves avec un tableau noir pour seul auxiliaire pédagogique. Si nous avions une critique à formuler à cet égard, elle viserait peut-être les experts et les responsables des po­litiques au siège, compte tenu du fossé qui semble exister entre leurs conseils et la réalité concrète.

Dans toutes les écoles que nous avons visitées dans les cinq zones d'opération de l ' U N R W A , les maîtres utilisaient systématiquement, et quelle que soit la matière enseignée, le m ê m e plan traditionnel de cours. C'est un plan en cinq parties : a) introduction ; b) examen du travail fait à la maison ; c) présentation du nou­veau sujet à traiter ; d) travail individuel et silencieux des élèves sur leurs cahiers ; e) révi­sion du sujet de la leçon.

Si l'on songe que les réfugiés vivent dans des conditions politiques et matérielles très diffé­rentes, il est assez étonnant de retrouver le m ê m e plan de cours et les m ê m e s techniques pédago­giques dans toutes les zones d'opération de l ' U N R W A d'autant que, ne l'oublions pas, les programmes scolaires varient considérablement d'un pays d'accueil à l'autre.

L'uniformité des plans de cours et des tech­niques pédagogiques dans les zones desservies par l ' U N R W A nous paraît directement impu­table à la très forte centralisation et au système d'inspection des services d'éducation U N R W A / Unesco. Il convient ici de signaler que le ca­ractère très centralisé du Département de l'édu­cation U N R W A / U n e s c o et son m o d e tradi­tionnel de communication hiérarchisé et à sens unique évoluent de façon très nette avec la nou­velle politique de planification biennale décen­tralisée qui a été instaurée par le directeur du département.

Les fonctions du corps d'inspecteurs U N R W A / U n e s c o sont directement liées au programme de formation des maîtres en exer­cice, ce qui explique largement l'uniformité des méthodes employées dans les écoles U N R W A / U n e s c o . Ces aspects de l'expérience U N R W A / U n e s c o d'éducation des réfugiés sont analysés dans la section qui suit.

Programme de formation des maîtres en exercice

E n 1964, l ' U N R W A , toujours en coopération avec l'Unesco, a ouvert un institut spécialisé de formation des maîtres en exercice, qu'on appelle généralement l'Institut pédagogique U N R W A / Unesco ou plus brièvement l'Institut. L'objectif immédiat qui lui a été assigné était d'assurer d'urgence la formation des nombreux maîtres peu ou pas qualifiés qui enseignaient dans les écoles U N R W A / U n e s c o aux niveaux primaire et primaire supérieur.

O n estime que près de 90 % des maîtres de

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l ' U N R W A devaient être considérés c o m m e insuffisamment qualifiés avant l'ouverture de l'Institut. Si l ' U N R W A et l'Unesco n'ont pas réussi à fournir suffisamment de maîtres qua­lifiés pour les écoles de leur propre système, alors que l'Office avait formé dans ses écoles normales un nombre relativement élevé d'ensei­gnants qualifiés, cela tient en grande partie à ce que beaucoup de maîtres qualifiés ont quitté les écoles U N R W A / U n e s c o . L e Département de l'éducation estime que le système d'écoles U N R W A / U n e s c o a perdu près de trois cents maîtres par an durant la fin des années cinquante et le début des années soixante. L a principale raison de cette hémorragie tient au fait que les gouvernements d'un certain nombre d'États arabes, notamment dans la région du Golfe, leur offraient de meilleurs emplois et de meil­leurs salaires. Ajoutons qu'au cours des années cinquante et soixante, c o m m e nous l'avons vu plus haut, la population scolaire a augmenté à un rythme très rapide, surtout lorsque le système scolaire U N R W A / U n e s c o a introduit l'enseignement primaire supérieur. D u coup, la proportion de maîtres qualifiés a continué à diminuer malgré les efforts déployés pour aug­menter la capacité d'accueil des écoles normales de l'UNRWA.

La situation était si sérieuse que le Départe­ment de l'éducation U N R W A / U n e s c o a dû chercher une autre façon de procéder pour as­surer la formation des maîtres. C'est ainsi qu'en 1963 un spécialiste de l'éducation de l'Unesco, ayant effectué sur place une enquête sur les conditions prévalant dans les écoles U N R W A / U n e s c o et sur les capacités profes­sionnelles des maîtres, a suggéré un plan d'ac­tion destiné à organiser un vaste programme de formation en cours d'emploi à l'intention des enseignants insuffisamment qualifiés (ou sans qualification), l'objectif ultime étant d'améliorer la qualité de l'éducation scolaire dispensée aux enfants réfugiés.

E n substance, le plan combinait les méthodes d'enseignement à distance et d'enseignement

en face à face (processus qui sera ultérieurement qualifié d' « approche intégrée multimédias »). Manifestement impressionnés par les progrès rapides de la technologie de la communication et de l'éducation qui ont marqué le début des années soixante, les planificateurs du jeune Institut pédagogique accordèrent une impor­tance prépondérante à l'utilisation de la techno­logie dans leur approche multimédias. A u cours des années l'Institut n'a apporté que des modi ­fications mineures à sa conception de la forma­tion des maîtres, se bornant à donner un peu moins d'importance à l'application de la techno­logie, et un peu plus à l'utilisation de matériel imprimé sous forme de devoirs et leçons im­primés destinés à l'étude sans maître, qui sont établis par l'Institut lui-même.

A u bout d'une décennie de « formation accé­lérée » des maîtres en exercice, ces activités ont peu à peu cédé la place à un plan de recyclage périodique d'enseignants qualifiés. Plusieurs cours de recyclage visent à mettre les ensei­gnants à m ê m e de faire face aux divers change­ments introduits dans les programmes scolaires des pays d'accueil. L'indice le plus net de cette évolution, c'est qu'aujourd'hui il n'est prati­quement plus nécessaire de former des maîtres recrutés sans qualification, notamment dans l'enseignement primaire.

U n e analyse critique de l'approche multi­médias mise au point par l'Institut pédagogique U N R W A / U n e s c o sortirait du cadre du présent article. N o u s invitons donc le lecteur désireux de trouver un compte rendu détaillé de la méthode utilisée par l'Institut pour assurer la formation des maîtres en exercice à se reporter à notre rapport qui expose les résultats des re­cherches menées sur l'expérience U N R W A / Unesco d'éducation des réfugiés3.

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Tendances et cas

Conseils pédagogiques et inspection

L'organisation du système d'inspection scolaire explique en partie l'efficacité de l'enseignement dispensé dans les écoles U N R W A / U n e s c o et a été l'un des principaux moyens qui ont permis à l'Office de mettre en place et de conserver une pédagogie unifiée, en dépit des différences considérables qui existent entre les cinq zones d'opération. Les qualités du système d'inspec­tion des écoles T J N R W A / U n e s c o sont telles, soulignons-le, qu'on pourrait envisager la possi­bilité de l'étendre au cas d'autres populations réfugiées où il est tout à fait nécessaire d'ins­pecter des maîtres en exercice qui sont soit insuf­fisamment qualifiés soit dépourvus de qualifica­tion, c o m m e c'était auparavant le cas de ceux qui bénéficiaient du programme de formation en cours d'emploi de l'Institut pédagogique U N R W A / U n e s c o . N o u s examinerons briève­ment certains problèmes particulièrement im­portants lorsqu'il s'agit de donner des conseils pé­dagogiques et d'inspecter des maîtres en exercice présentant différents niveaux de qualification.

D ' u n e manière générale, l'une des grandes difficultés de l'inspection et de l'orientation pédagogique est de savoir s'adapter au niveau de qualification de chaque maître. L'inspecteur doit choisir avec tact dans toute une g a m m e de registres et savoir aussi bien fournir des ins­tructions et des directives élémentaires aux maîtres qui viennent d'entrer en fonctions que susciter un dialogue authentique avec les ensei­gnants mûrs , chevronnés et pleinement qualifiés.

C'est d'ailleurs le point de vue officiel de la plupart des spécialistes qui travaillent au siège du Département de l'éducation U N R W A / Unesco. Cependant, nous avons pu observer sur le terrain que certains inspecteurs ne savent pas adapter leurs conseils aux progrès péda­gogiques accomplis par les maîtres.

Si la plupart des inspecteurs que nous avons vus en fonctions modifiaient dans une certaine mesure leurs directives selon le niveau profes­sionnel des enseignants inspectés, peu d'entre

eux semblaient capables d'instaurer avec les maîtres un dialogue empreint d'un authentique esprit d'égalité.

Quel que soit d'ailleurs le système d'ensei­gnement dans lequel il opère, l'inspecteur doit avoir reçu une formation qui le prépare à passer de la communication traditionnelle, hiérar­chique et à sens unique, à u n authentique dialogue professionnel où la communication s'effectue dans les deux sens. Aussi, les problè­m e s évoqués plus haut sont-ils de ceux qui revêtent une importance capitale pour le recy­clage des inspecteurs.

L'Institut pédagogique U N R W A / U n e s c o , conscient de la difficulté qu'il y a à donner des conseils pédagogiques à des maîtres en exercice, organise depuis quelques années des cours à l'intention des catégories de personnel qui jouent u n rôle pédagogique décisif (chefs d'établissement, inspecteurs scolaires et pro­fesseurs d'écoles normales, par exemple).

L'expérience est-elle transférable?

L a plupart des programmes de recherches ont pour objectif essentiel de tirer de l'expérience un certain nombre de leçons d'ordre général. L a grande question qui se pose alors au cher­cheur est de savoir c o m m e n t appliquer ces leçons d'ordre général à d'autres situations d'une nature comparable. Notre étude consacrée à l'expérience U N R W A / U n e s c o d'enseignement des réfugiés ne fait pas exception à cette règle.

Étant donné que les programmes d'enseigne­ment conjointement établis et réalisés par P U N R W A et PUnesco sont plus anciens et ont un c h a m p d'application plus large qu'aucun autre programme d'enseignement destiné à des réfugiés, on pourrait s'attendre que leur étude soit riche d'enseignements propres à inspirer utilement les planificateurs et autres spécialistes qui ont à mettre au point de vastes programmes d'enseignement pour des populations de réfu­giés vivant dans d'autres régions du m o n d e .

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Tendances et cas

L e Département de l'éducation T J N R W A / Unesco, au cours de ses trente années d'exis­tence, a acquis une grande expérience en ce qui concerne de nombreux aspects de l'enseigne­ment des réfugiés. Ainsi que nous le notions plus haut, le département s'est montré parti­culièrement inventif dans son programme de formation intensive de maîtres en exercice recrutés avec une qualification insuffisante, voire inexistante. L'analyse de ces expériences pourrait donc inciter à appliquer à d'autres milieux de réfugiés certaines techniques péda­gogiques mises au point par le département, notamment en ce qui concerne la formation des maîtres en exercice.

Cependant l'idée de transférer directement les leçons d'expériences pédagogiques acquises avec des réfugiés vivant dans une situation dé­terminée ne doit être acceptée qu'avec une extrême prudence. N o u s ne croyons absolument pas que des matériels spécifiques mis au point dans le contexte U N R W A / U n e s c o puissent ou doivent être directement utilisés pour des réfu­giés dont la situation est différente. A u terme de cet article, nous souhaitons affirmer avec force que, selon nous, seules les techniques et la logistique sont susceptibles d'être transférées à condition qu'elles soient adaptées aux particu­larités du nouveau contexte dans lequel on veut les appliquer. Il se peut que l'idée de transférer ces techniques pédagogiques serve uniquement à fournir une source d'inspiration pour créer des programmes éducatifs nouveaux. U n e fois le transfert effectué, la nouvelle approche péda­gogique à laquelle il aura donné naissance ne présentera peut-être que peu de rapports vi­sibles avec les techniques originales ou m ê m e aucun lien apparent.

Les remarques qui précèdent s'inspirent di­rectement de l'expérience accumulée par le Service de vulgarisation créé en 1972 dans le cadre de l'Institut pédagogique U N R W A / Unesco pour donner à d'autres pays arabes des conseils pédagogiques sur les techniques de formation des maîtres en exercice, notamment

en matière d'enseignement rural et de dévelop­pement communautaire.

D'après les expériences tentées par le Service de vulgarisation, la condition sine qua non de tout transfert de techniques pédagogiques à d'autres environnements (par exemple, à u n district rural du Soudan), c'est que les objectifs et les contenus de l'enseignement soient fixés par les autorités nationales ou locales, avant qu'on entreprenne d'appliquer au nouveau programme d'enseignement les techniques de formation des maîtres en exercice mises au point par l'Institut pédagogique U N R W A / U n e s c o .

Par conséquent, c'est aux autorités nationales locales et à elles seules qu'il appartient de prendre des décisions en ce qui concerne la qualité de l'enseignement : les techniques péda­gogiques empruntées à u n contexte différent doivent nécessairement être adaptées aux be­soins locaux tels qu'ils sont exprimés dans la po­litique éducative définie par les autorités locales.

Notes

1. L e présent article s'appuie sur des travaux de recherche consacrés à l'enseignement et à la formation dispensés dans des établissements scolaires aux réfugiés pales­tiniens qui vivent dans les pays arabes du M o y e n -Orient. Ces travaux ont été menés durant neuf mois, de février à octobre 1980, par l'auteur du présent article et l'un de ses collègues de l'Institut d'éducation de l'Université de Copenhague. Ils ont comporté une part importante de recherches sur le terrain effectuées lors de visites d'établissements scolaires et d'entretiens avec des enseignants, des inspecteurs et d'autres res­ponsables à différents niveaux des services de l'éducation et de l'administration scolaire. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans un rapport exhaustif qui sert de base au présent article : K n u d M O R T E N S B N , et K . D . W A G N E R , The UNRWA/Unesco experience in refugee education, Université de Copenhague, Institut d'éducation, novembre 1980, 137 p . Il est possible d'obtenir des exemplaires gratuits de ce rapport en écrivant à l'adresse suivante: University of Copenhagen, Institute of Education, Store Kannikestraede 18, D . — 1169 Kobenhavn K . (Danemark).

2. U N R W A / U N E S C O D E P A R T M E N T OF E D U C A T I O N , Recent

developments, p. 8, Beyrouth, 1977. 3. Voir également : Des maîtres s'instruisent, Paris, Unesco,

t97°, lui fournit des renseignements exhaustifs sur les motifs de la création del'Institut pédagogique U N R W A / Unesco et sur son développement.

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Kurt W A L D H E I M (presenté par Robert L . S C H I F F E R ) , Building the future order: The search for peace in an interdependent world [Construire le nouvel ordre : la recherche de la paix dans u n m o n d e interdépendant], L o n d o n , MacMillan, 1980.

Dans cet ouvrage récent, qui regroupe ses discours et ses rapports, Kurt Waldheim, secrétaire général des Nations Unies, analyse le processus en question. Chacune des sections met l'accent sur u n but et u n objectif primordial de la Charte des Nations Unies. Il s'agit de bien mettre en lumière la contribution des Nations Unies aux problèmes les plus urgents de l'humanité.

A u cœur de cet ouvrage, l'appel que lance Waldheim pour la restauration des idéaux (qu'il appelle quel­quefois la vision), sur lesquels repose l'Organisation. Quels idéaux les Nations Unies défendent-elles ?

L e principal dessein des Nations Unies est « de préserver les générations futures du fléau de la guerre qui, deux fois en l'espace d'une vie humaine, a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances ». O b ­jectif idéaliste par excellence. Pour l'atteindre, les h o m m e s d'État fondateurs des Nations Unies ont tenté de créer une organisation internationale en vue d'assurer la sécurité collective et le bien-être socio-économique dans le m o n d e . L a Charte des Nations Unies envisage l'édification progressive d'une so­ciété mondiale régie par le droit international et qui œuvrerait pour garantir le respect des droits de l ' h o m m e à tous les m e m b r e s de la famille humaine. Dans cette société, individus et nations conjugue­raient leurs efforts pour satisfaire leurs besoins c o m m u n s , dans le respect de leurs droits et intérêts légitimes. Certes, réaliser un tel ordre mondial sup­pose que soient harmonisés peu à peu les efforts des peuples et des nations. Sa raison d'être serait « de favoriser le progrès social et instaurer de meil­leures conditions de vie dans une liberté plus grande ». Son point d'appui, la reaffirmation continue de sa « foi dans les droits fondamentaux de l ' h o m m e , dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des h o m m e s et des femmes , ainsi que des nations, grandes et petites ». Son prin­cipe unificateur, sa compétence à « pratiquer la tolé­rance, à vivre en paix l'un avec l'autre dans u n esprit de bon voisinage ». Et, c o m m e le dit Waldheim tout au long de ce livre, cette noble vision conçoit u n m o n d e diamétralement opposé au m o n d e actuel, où régnent l'égoïsme, la malveillance et l'insécurité. Pourquoi en est-il ainsi ?

Waldheim prétend que la responsabilité en in­combe principalement aux nations, qui n'ont pas réussi à lier systématiquement la stabilité inter­nationale aux principes d'équité et de justice sociale. Les 154 États m e m b r e s n'ont p u avoir la m ê m e

volonté politique de traduire les idéaux de la Charte en un ensemble inébranlable d'interrelations entre États. O r l'humanité, c o m m e le souligne Waldheim, est confrontée à une multitude de problèmes c o m ­plexes, interdépendants et insolubles. Les fondateurs des Nations Unies ont recherché u n m o n d e où pré­vaudrait la sécurité collective et où il « ne serait pas fait usage de la force des armes sauf dans l'intérêt c o m m u n ». Avec la poussée de la guerre froide, cet idéal est rapidement devenu u n espoir déçu et le m o n d e , c o m m e le souligne Waldheim, connaît tou­jours un système de sécurité internationale peu fiable.

L e Conseil de sécurité, paralysé par le droit de veto et l'intransigeance des États m e m b r e s , a plutôt eu tendance à favoriser l'insécurité dans le m o n d e malgré quelques actions responsables. Les h o m m e s d'État réunis à San Francisco avaient à l'esprit une so­ciété internationale où « l'on ne détournerait vers les armements que le m i n i m u m de ressources h u ­maines et économiques du m o n d e ». L'impasse de la guerre froide, cependant, coûte actuellement plus de quatre cents milliards de dollars par an au titre de la course aux armements, qui semble échapper au contrôle de l ' h o m m e . L'espoir de ce dernier repose sur la conversion de cet instrument de suicide en outil productif.

D a n s u n m o n d e où les dépenses d'armement sont au moins trois fois supérieures aux dépenses de santé sévissent de graves fléaux : pauvreté massive, surpopulation, sous-développement ; d'où la né­cessité d'instaurer u n nouvel ordre économique international. Depuis u n certain temps, c o m m e le rappelle Waldheim, la communauté internationale reconnaît que le développement dépend du désar­m e m e n t , et que ce dernier tient à la coopération internationale, économique et culturelle.

Waldheim assure que la période qui a suivi la deuxième guerre mondiale n'a pas seulement en­traîné u n processus de décolonisation réussi, elle a aussi engendré des progrès technologiques dont les conséquences néfastes sur l'environnement et l'es­pace extra-atmosphérique se font sentir. Pour relever ce défi, les Nations Unies se sont développées. Elles ont prohibé l'utilisation d'armes nucléaires dans l'espace extra-atmosphérique et, actuellement, met­tent la dernière main au texte d'une convention uni­verselle sur les fonds marins. L'adoption de cette convention, affirme Waldheim, est un maillon essen­tiel dans la construction d'un nouvel ordre écono­mique international car elle a été établie en vue

Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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de promouvoir équité et justice pour les pays en développement.

Les pays en développement doivent exporter leurs produits de base provenant essentiellement de leurs ressources naturelles et de l'agriculture, afin d'acqué­rir les devises nécessaires à l'achat des biens d'équi­pement et produits énergétiques indispensables au développement. Depuis 1970, l'inflation entame le pouvoir d'achat déjà faible de ces pays.

E n revanche, les pays développés, dépendant des fluctuations de la politique intérieure, s'attachent à préserver leurs avantages à court terme plutôt qu'à assurer leur survie à long terme en œuvrant pour la coopération internationale et la sécurité collective.

Cette instabilité mondiale est le plus manifeste dans ce que Waldheim appelle « les conflits régionaux » dus à la situation anormale qui règne au M o y e n -Orient, en Afrique du Sud, à Chypre et en Indochine. Les Nations Unies préconisent u n règlement global et des solutions à long terme. Cependant, les conflits dans ces régions demeurent et la fonction de maintien de la paix des Nations Unies est renforcée. Bien que les forces de maintien de la paix des Nations Unies aient enregistré des résultats positifs dans certaines zones, Waldheim pense à juste titre que ces conflits régionaux pourraient aisément dégénérer en affron­tements thermonucléaires entre les superpuissances. Mais sans un changement, d'ailleurs peu probable, de la politique de chaque région, les Nations Unies ne peuvent que rester vigilantes, déployer leurs forces de maintien de la paix là où cela est nécessaire et travailler assidûment à désamorcer progressive­ment ces situations explosives.

Pourquoi ces problèmes, et tant d'autres grands problèmes internationaux, semblent-ils insolubles ? Les fondateurs des Nations Unies avaient imaginé une organisation attachée aux principes du droit international et à m ê m e d'édicter des règles défini­tives et contraignantes en cas de conflit éventuel ou en cours. D e toute évidence, la guerre froide a empêché l'Organisation en général, et le Conseil de sécurité en particulier, d'assumer toutes leurs res­ponsabilités internationales. Waldheim affirme que les nations s'abstiennent de recourir à l'Organisation si leurs intérêts à court terme le commandent. Les Nations Unies sont une organisation volontaire et les États récalcitrants peuvent s'abstenir d'appliquer ses décisions aussi longtemps que le Conseil de sécurité sera paralysé par l'inaction et le droit de veto.

A la base de ces difficultés se trouve l'impuissance des Nations Unies à résoudre la contradiction entre l'importance que la Charte accorde aux droits de l ' h o m m e et le principe de souveraineté nationale. U n des principes directeurs de la Charte est le

respect des libertés fondamentales et des droits de l 'homme. Cependant, cet idéal est sérieusement compromis par l'adhésion de la Charte aux principes de l'égalité souveraine et de la non-ingérence. C e fait a empêché à maintes reprises de n o m m e r u n haut commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme.

La paix mondiale est menacée par un Conseil de sécurité aux pouvoirs exécutifs strictement délimités et par une Assemblée générale dotée de pouvoirs législatifs qui lui permettent d'admonester plutôt que de décider vraiment. L a Déclaration universelle des droits de l ' h o m m e des Nations Unies, ratifiée le 10 décembre 1948, peut être citée à ce propos. C'est un document d'importance universelle mais d'autorité limitée.

Waldheim n'apporte pas de solution satisfaisante à ce dilemme. Il parle d'interdépendance et décrit les dangers du nationalisme de l'État maître sans pro­poser d'option viable. Il prêche le droit international et les droits de l ' h o m m e et s'incline toutefois devant l'attachement des États membres au principe de sou­veraineté nationale. Certes, le sexisme ou le racisme peuvent faire l'objet de conférences internationales et de résolutions de l'Assemblée générale. Cepen­dant, les principes de la souveraineté nationale et de la non-ingérence conditionnent la mise en œuvre des programmes d'action adoptés, ce qui paraît les priver de force. Cette condition entrave constamment les Nations Unies dans leur quête de paix et de justice sociale ; mais Waldheim ne nous dit pas comment surmonter l'obstacle. Plutôt que de recommander la transformation progressive de l'As­semblée générale en ce qu'on a appelé « un parlement des Nations », il met sa foi dans des élus spontanés de la volonté politique des États membres . A notre avis, c'est là u n des grands points faibles de ce livre.

Certes Waldheim n'ignore pas les problèmes car il parle du m a n q u e de confiance de l'Organisation en elle-même, de son impuissance à résoudre les pro­blèmes tels que la course aux armements ou le conflit du Moyen-Orient. Il sait que, pour certains, le nombre m ê m e des États membres de l'Organisation alourdit le fonctionnement de celle-ci et que, selon d'autres, ses résolutions ne sont pas prises au sérieux par les parties contrevenantes. Néanmoins, sa réponse est loin d'être satisfaisante.

Il est vrai que le livre de Waldheim ne prétend pas être une analyse exhaustive de l'Organisation et de ses problèmes. Néanmoins, tout lecteur avisé se pose forcément la question suivante : Q u e peut-on faire pour que les États membres exercent, par l'inter­médiaire de l'Organisation, la volonté politique nécessaire afin d'arrêter la course aux armements et d'instaurer une paix mondiale durable ? L e rapport

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le plus récent de Waldheim sur le travail de l'Orga­nisation (Chronique de l'Organisation des Nations Unies, 1980) dit carrément que le travail en direction du désarmement et du nouvel ordre économique international est à peu près au point mort. Faut-il alors s'étonner que la survie de la race humaine soit mise en doute et que tous les êtres pensants soient troublés par l'impuissance de l'humanité à empêcher définitivement l'explosion d'une catastrophe m o n ­diale encore plus terrible, voire apocalyptique ?

E n conclusion, le livre de Waldheim dans l'ensem­ble est u n succès. Certes, les emprunts à des discours et à des rapports nuisent à l'analyse systématique

Pour la quatrième fois1, le Conseil international pour le développement de l'éducation ( G I D E ) nous permet, grâce à cette volumineuse compilation de neuf études de cas, de mieux comprendre les diffi­ciles problèmes d'ordre pratique qui se posent dans le domaine du développement rural. S'adressant aux praticiens du développement des pays en déve­loppement et aux organismes d'aide extérieurs, ces études ont été effectuées non par des chercheurs, mais par des praticiens m ê m e de divers domaines du développement, avec le concours actif de Philip H . C o o m b s et Manzoor A h m e d , respectivement directeur et directeur adjoint du projet, Pratima Kale et Lyra Srinivasan, du C I D E . S'efforçant d'identifier à la fois les résultats positifs et les points faibles des neuf projets étudiés, les auteurs se livrent à une analyse critique originale et l'abondance des infor­mations détaillées qu'ils donnent sur différents aspects des actions décrites est aussi impressionnante qu'instructive.

Les neuf projets étudiés ont en c o m m u n quatre caractéristiques : a) ils ont c o m m e premier objectif l'amélioration des conditions de vie des familles rurales pauvres ; 5) ils procèdent d'une approche intégrée embrassant plusieurs aspects importants de la vie rurale (par exemple soins de santé, nutrition, approvisionnement en eau, développement agricole, amélioration de l'habitat, planning familial, éducation en matière de population, éducation des adultes, for­mation professionnelle des jeunes, etc.) ; c) ils comportent un élément substantiel de participation de la population ; d) on peut en tirer des leçons utiles sur le plan de l'éducation. Aussi les expériences

de l'activité des Nations Unies dans le m o n d e . Cependant, on se doit de le lire : c'est une initiation très intéressante aux activités mondiales de l'Orga­nisation, vues de la position privilégiée du Secrétaire général. C'est une lecture indispensable pour le grand public et pour tous les éducateurs qui cher­chent à traduire dans la réalité les idéaux des Nations Unies.

David S L I V E Université d'État de N e w York

Buffalo (États-Unis d'Amérique)

décrites sont-elles en général présentées dans leur totalité ; fidèle à 1' « approche systémique » que ne cesse de prôner C o o m b s , chaque étude met fortement l'accent sur l'action réciproque des divers éléments interdépendants du processus global de développe­ment rural. U n objectif non négligeable de la stratégie de recherche suivie était de rendre compte de l'expérience résultant de la réalisation de pro­grammes ruraux novateurs en cours dans « u n langage direct et dépourvu de jargon », à l'intention des personnes chargées de l'exécution des projets des organismes de formation, des chercheurs et de tous ceux « à qui cela serait utile dans la pratique ». L e directeur de la publication et les auteurs ont cer­tainement atteint cet objectif en ce sens que non seulement ces études sont claires et de lecture aisée malgré leur longueur mais aussi que l'utilité pra­tique de leurs conclusions dans des situations concrètes très diverses ne fait aucun doute.

O n peut regretter cependant que des pesanteurs administratives et des troubles politiques dans les

1. Publications antérieures : New paths to learning: for rural children and youth, P. H . C O O M B S , R . P R O S S E R et M . A H M E D , Essex, Conn. , I C E D , 1973 (rapport établi par le C I D E pour l'Unicef) ; Attacking rural poverty: how nonformal education can help, P. H . C O O M B S et M . A H M E D , Baltimore, John Hopkins University Press, 1974 (rapport établi par le C I D E pour la Banque mondiale) ; Education for rural development: case studies for planners, M . A H M E D et P. H . C O O M B S , Praeger, N . Y . , et I C E D , Essex, Conn. , 1975.

Meeting the basic needs of the rural poor. The integrated community-based approach publié sous la direction de Philip H . C o o m b s , 816 p. (Pergamon policy studies on international development: a report of the International Council for Educational Development).

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pays étudiés aient empêché la publication de trois autres études et que, du fait de contraintes logistiques et financières, celles qui figurent dans le rapport soient limitées à une seule région : l'Asie. Certes, le directeur de la publication a raison de dire que l'hétérogénéité des six pays d'Asie étudiés, ainsi que les ressemblances dans la situation des popula­tions rurales pauvres à travers le m o n d e permettent de dégager certains grands principes d'action valables quels que soient le pays ou les particularités régio­nales. Alais le bien-fondé de cette remarque appa­raîtrait plus clairement si l'on avait p u produire au moins une étude de cas pour chacune des autres régions.

Les études suivent toutes le m ê m e plan, c o m m e n ­çant par un historique et une présentation générale du projet pour conduire à un chapitre énonçant les conclusions et les enseignements à en tirer. Il est clair que chaque étude a été étroitement supervisée et coordonnée depuis le stade de la collecte des don­nées jusqu'au rapport final. Outre les notes du direc­teur de la publication sur chacune des études, les chapitres d'introduction de plusieurs d'entre elles (notamment : u n commentaire du C I D E sur les en­seignements à tirer du projet de L a m p a n g , par Philip C o o m b s ; les chapitres d'introduction concer­nant le service communautaire de planification de la famille en Thaïlande, le M o u v e m e n t Sarvodaya de Sri Lanka et l'Association indonésienne de planifi­cation de la famille, par Manzoor A h m e d ; deux commentaires détaillés du directeur de la publication — C o o m b s — sur le développement communautaire intégré en Corée du Sud et sur l'action menée auprès des populations tribales en Inde) sont l'œuvre de membres du personnel d u C I D E qui sont eux-m ê m e s les auteurs de trois des études.

Par conséquent, il n'est pas étonnant que toutes les conclusions de ces études apportent u n message qui paraît confirmer la valeur « des stratégies peu orthodoxes et innovatrices » préconisées par C o o m b s , aussi bien à titre personnel que par l'intermédiaire du C I D E , message qui évoque le slogan « Small is beautiful » (« Voyez petit! »). Mais il faudrait être sûr que les allégations concernant la supériorité des petits projets étudiés, opposée à l'incapacité de l'appareil gouvernemental à satisfaire les besoins des populations pauvres des zones rurales, résistent bien à une analyse objective rigoureuse.

L'objectif que C o o m b s définit, dans un premier chapitre général stimulant pour l'esprit (chap. I. C e qu'il faut pour aider les pauvres des zones rurales), c o m m e u n « nouveau consensus international sur le développement rural » recueille l'entière adhésion des gouvernements des six pays dont il est question dans la publication, qui déploient pour l'atteindre

autant d'énergie que les organismes bénévoles desdits pays, et l'impact des mesures prises par l'État dans ces pays, méritent peut-être mieux que les critiques contenues dans le passage ci-après : « Cela ne veut pas dire que les services ruraux du gouvernement n'aient pas eu d'effets bénéfiques. Si, pour les gros exploi­tants pratiquant une agriculture commerciale, les crédits et les moyens de production fournis par les services de vulgarisation agricole, par exemple, ont parfois été d'une grande aide, ils ont généralement été beaucoup moins utiles aux petits exploitants prati­quant une agriculture de subsistance, dont beaucoup dans l'affaire ont perdu leur lopin de terre. B o n nombre de familles ont aussi tiré profit des services de santé ruraux, en particulier des campagnes de lutte contre certaines maladies graves c o m m e le choléra, la variole et le paludisme ; mais ces services sont généralement de peu de portée et insuffisants, atteignant moins de 20 % de la population rurale, les plus pauvres étant les derniers à en bénéficier. Jusqu'à une date récente, les services de planning familial de la plupart des pays en développement étaient généralement rattachés à des dispensaires implantés en milieu urbain et, m ê m e lorsqu'ils se sont efforcés de toucher les zones rurales, leur message brutal et trop simpliste n'a souvent trouvé aucun écho auprès des familles les plus démunies, dont le raisonnement, en ce qui concerne le nombre d'enfants à avoir, est en complète opposition avec la logique de la politique démographique nationale. Les habituels 'programmes féminins' d'économie domestique se sont révélés intéressants et utiles pour les femmes des couches supérieures de la population mais dénués de toute pertinence pour les femmes les plus pauvres, qui ont avant tout besoin d'une source de revenus. Les programmes nutritionnels ont souvent souffert d'un m a n q u e de coordination entre les services sanitaires et les services agricoles, les nutritionnistes disant aux mères ce qu'elles devaient donner à manger à leurs enfants mais non comment le produire, et les conseillers agricoles préconisant des cultures marchandes, sans se préoccuper des effets secondaires parfois graves qui pouvaient en résulter pour la famille sur le plan nutritionnel. » (P. 10 et 11.)

L'analyse qui est faite à cet égard part notamment de l'hypothèse que les gouvernements, pour agir, appliquent des « projets conçus par des technocrates dans les ministères centraux » et, de ce fait, n'ont pas « une appréciation réaliste des structures socio-économiques et politiques des institutions, des menta­lités et d u tissu des relations humaines dans chaque village ; ils ne savent pas qui sont les vrais leaders potentiels, n'ont pas u n sens suffisant de la tac­tique et surtout manquent de patience, de persévé-

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ranee et de courage » (p. 15). L e corollaire est que les organismes gouvernementaux agissent par voie auto­ritaire, en négligeant l'intégration, sans souci de communication horizontale (notamment au niveau opérationnel) et sans faire participer la population. Il n'est dit nulle part — et le lecteur ne voit pas clairement — si cette hypothèse découle d'un exa­m e n rigoureux de l'action des gouvernements concer­nés. N o u s n'avons que les affirmations des auteurs des études, pour qui la comparaison entre les activités menées par les gouvernements dans les m ê m e s domaines et les projets faisant l'objet du rapport est défavorable aux premières. Mais ce sont là de simples affirmations dont les auteurs sont à la fois juges et partie et dont l'objectivité est peut-être contestable.

Il a fallu un demi-million de mots et 775 pages pour étudier dans la présente publication les résultats de neuf projets assez modestes. A titre de contrôle, u n effort similaire d'évaluation des activités gouver­nementales semble s'imposer avant toute comparai­son manichéenne entre l'approche suivie par les organismes gouvernementaux et celle des organismes privés. Il importe de citer au moins le fait qu'il y a dans chacun des six pays — et certainement aussi dans d'autres — u n nombre important de fonc­tionnaires qui consacrent au développement rural une énergie allant bien au-delà de ce que le devoir leur c o m m a n d e . Mettre toutes les activités gouvernemen­tales dans le m ê m e sac risque de les décourager. E n fait, les quelques actions menées par des organismes bénévoles, si louables soient-elles, ont déjà fait couler beaucoup trop d'encre. Certains des projets sur lesquels porte cette publication ont eux aussi été étudiés à maintes reprises et de façon exhaustive dans plusieurs publications récentes, tant au niveau na­tional qu'au niveau international. U n e attention égale doit être accordée aux efforts gouvernementaux car, dans les pays en développement, l'État demeure la principale structure organisée possédant les res­sources nécessaires pour mener des actions de grande envergure destinées à répondre aux besoins essentiels des populations rurales pauvres. L'impact de ces efforts sur les quelque 800 millions de pauvres dans le m o n d e sera considérable si, de leur analyse minutieuse, on tire des enseignements et dégage les erreurs à corriger.

Chaque étude de cas fait apparaître la nécessité d'une coordination des activités des organismes privés avec l'effort national, bien qu'on n'y parle pas beaucoup des relations existant déjà dans ce domaine. A propos du projet Savar, Manzoor A h m e d déclare : « L e projet Savar ne peut évidemment pas sup­planter les structures de l'administration locale ni assumer dans la région du projet la responsabilité de tous les aspects du développement rural. C e qu'il

peut faire, c'est coordonner ses propres activités avec celles des autres organismes, gouvernementaux ou privés, qui s'occupent de différents aspects du développement rural. » (P. 79.) Mais il ne nous dit pas si les 92 écoles primaires, les 22 écoles secon­daires, le collège (dont le cycle est de quatre années) et les 40 médersas (écoles coraniques) jouent un quel­conque rôle dans ce projet et, dans la négative, pour quelle raison. E n revanche, Nandasena Ratnapala indique qu'à Sri Lanka, les conseils Sarvodaya de quelque 300 villages sont devenus les auxiliaires indispensables du bon fonctionnement, au niveau local, des services de développement officiels, « en se montrant vigilants, en exerçant des pressions le cas échéant sur les organismes officiels et en mobilisant les ressources locales pour compléter les apports gouver­nementaux » (p. 518 et 519). Il examine l'efficacité comparée des méthodes du mouvement Sarvodaya à celle des organismes gouvernementaux (par exemple le reboisement, p. 498). Cependant, on aimerait en savoir davantage sur les relations de travail entre les services de développement rural et d'éducation de l'État et le mouvement Sarvodaya. A cet égard, des informations sérieuses sont fournies par les études concernant la Corée du Sud et l'Inde et par l'étude sur le service communautaire thaïlandais de planning familial ( C B F P S ) .

D ' u n e manière générale, les gouvernements ont de plus en plus souvent recours à l'aide des orga­nismes bénévoles pour l'exécution des projets de développement au niveau de la population locale ; par conséquent, toutes les idées pouvant contribuer à la mise au point de modalités de coopération efficaces sont d'une importance capitale. D e ce point de vue, les conclusions suivantes de C o o m b s sur les moyens concrets par lesquels les organismes béné­voles pourraient renforcer les efforts gouvernemen­taux sont particulièrement opportunes : E n aidant les collectivités rurales à s'organiser de

manière à pouvoir planifier elles-mêmes leurs propres projets et programmes de développement et identifier les aides spécifiques qu'il leur faudra obtenir du gouvernement et d'autres sources « exté­rieures » pour mener à bien ces plans locaux (exemple, projet C - B I R D ) ;

E n effectuant des études régionales, par exemple sur les possibilités de mise en valeur des ressources en eau et le potentiel agricole pouvant ouvrir la voie à u n accroissement des investissements et à u n élargissement de l'action des organismes officiels compétents (exemple, projet S W R C ) ;

E n contribuant, grâce à leurs services et à leurs tech­niques propres de formation ainsi qu'à leur capa­cité de créer des matériels d'enseignement efficaces, à la formation des responsables gouvernementaux

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du développement rural (exemples, Institut K o s ­bad, projets C - B I R D et B R A Q ;

E n se livrant à des expériences relativement hardies (concernant par exemple l'enseignement élémen­taire en milieu rural, l'emploi des auxiliaires sanitaires et de planning familial recrutés dans la population locale ou l'installation sur de nouvelles terres de familles qui en sont dépourvues), expé­riences qui pourront fournir des enseignements utiles et une ligne de conduite pour des program­m e s gouvernementaux plus vastes (exemple, CBFPS et SWRC) ;

E n mettant en place au sein de la collectivité des m é ­canismes capables de coordonner et d'intégrer les actions de développement des divers services gouvernementaux qui sont à la disposition de la population (exemple, projets Sarvodaya, B R A C et C - B I R D ) ;

E n menant des expériences et des recherches dont les résultats puissent être appliqués dans d'autres régions du pays par les organismes gouvernemen­taux et privés (exemple, travaux de l'Institut Kosbad sur la recherche agronomique et sur l'en­seignement préscolaire destiné aux enfants des populations tribales) [p. 33].

Les conclusions sur l'intégration et la participation de la population sont tout aussi intéressantes. « L'in­tégration, c o m m e la charité bien ordonnée, commence par soi-même », telle est la devise que nous propose C o o m b s et qu'il souhaiterait voir inscrite sur la porte de chaque bureau sectoriel des organisations des pays en développement. C'est dans cet esprit que C o o m b s énonce les quatre conclusions générales d'ordre pratique ci-après :

L'intégration ne se fait pas d'un seul coup mais graduellement suivant une évolution qui procède pas à pas.

L e principal obstacle à l'intégration effective ne vient généralement pas des villageois mais des bureau­craties et des spécialistes.

U n e décentralisation accrue des structures et des responsabilités est indispensable pour améliorer la coordination.

Il est généralement plus facile d'arriver à une meil­leure intégration lorsque la totalité ou la plupart des éléments d'un projet sont placés sous l'autorité et le contrôle de quelque organisation.

Les études de cas illustrent elles-mêmes plusieurs types d'intégration différents et les auteurs soulignent que, sans intégration, les résultats des projets auraient été beaucoup moins bons.

E n ce qui concerne la participation de la popula­tion, les études montrent toutes les difficultés qu'il faut surmonter pour susciter et organiser u n enga­gement massif au sein de la collectivité : caractère

hiérarchique des structures sociales, économiques et politiques dans la plupart des villages ; répartition très inégale des biens de production, des revenus et d u pouvoir ; structures de dépendances, d'exploi­tation et de rivalité des différents sous-groupes ; absence d'institutions démocratiques viables à l'éche­lon local, etc. Dénonçant la vision romantique qui présente les villages c o m m e de « petites sociétés au­tarciques démocratiques, débordant d'amour fraternel et prêtes à répondre avec ardeur à toute intervention extérieure visant à aider la population à s'aider elle-même », C o o m b s préconise avec éloquence u n changement opéré de l'intérieur et déclare :

« L'hypothèse erronée qui sous-tend bon nombre de programmes centralisés est que les villageois, parce qu'ils sont illettrés, sont dépourvus d'intelligence et doivent être traités c o m m e des enfants. D e là vient que le 'message' conçu par les experts des échelons élevés tend à être empreint de condescendance, disant aux villageois ce qui est 'bon' pour eux (sans vraiment leur expliquer pourquoi) et les incitant à abandonner des pratiques traditionnelles en faveur d'autres plus modernes que les experts jugent meil­leures. O r , en réalité, la plupart des habitants des zones rurales, bien loin d'être stupides, ont acquis une grande sagesse due à des années de lutte pour leur survie. Certes, ils s'accrochent à certains tabous et mythes mal fondés qui leur font plus de mal que de bien, mais ils ont aussi u n grand sens pratique et connaissent mieux que quiconque le milieu dans lequel ils vivent, leur méfiance à l'égard des conseils prodigués par des 'étrangers' étant généralement justifiée car ils ont trop souvent été échaudés. M ê m e s'ils écoutent avec politesse les avis qu'on leur donne — changer leur alimentation ou adopter des méthodes modernes de planification de la famille ou telle ou telle innovation agricole — il est peu probable qu'ils les suivent avant d'être vraiment convaincus, selon leur propre logique, qu'ils ont intérêt à le faire. Ils accepteront plus facilement l'avis d'un voisin respecté qu'ils considèrent c o m m e l'autorité locale dans un domaine particulier que les conseils de spécialistes extérieurs. Aussi l'impulsion conduisant au changement doit-elle venir surtout de la collectivité elle-même. L e problème est de savoir c o m m e n t déclencher cette impulsion et ensuite comment organiser concrètement la collectivité pour qu'elle soit à m ê m e de s'auto-assister, de s'auto-diriger et de procéder à des changements en pro­fondeur. » (P. 24.)

U n e telle prise de position est difficilement conciliable avec le rôle des organismes gouverne­mentaux et des organisations d'aide extérieures et ses implications pratiques. C o o m b s présente une liste de dix « techniques » qui doivent permettre de

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sortir de cette contradiction apparente et qui, selon lui, méritent examen (p. 27 et 28).

Des principes d'actions analogues sont suggérés aux organismes de développement, tant nationaux qu'internationaux pour : franchir le « m u r du son » de la bureaucratie, tirer profit de l'expérience ac­quise, concevoir des projets ruraux adaptés aux réalités et coopérer avec d'autres organismes gouver­nementaux ou privés.

Quant aux études de cas, leur valeur réside en ce qu'elles peuvent stimuler l'expérimentation et l'inno­vation, d'une part, et, d'autre part, l'identification des « règles du jeu fondamentales ». E n dépit des termes élogieux souvent utilisés pour rendre compte des projets dont il s'agit, ceux-ci ne sont en aucune façon présentés c o m m e des modèles à imiter ou à copier. Les expériences rapportées dans ces études sont assurément particulièrement utiles. Mais il ne faut pas oublier que toute étude de cas, si bien rédigée soit-elle, présente un défaut intrinsèque tenant au fait qu'on arrive rarement à identifier ce qui fait « tourner » un projet et que, m ê m e si l'on y arrive, il est difficile de l'exprimer par écrit. Pour des rai­sons évidentes, la détermination et le zèle de certaines personnes qui dirigent l'exécution d'un projet par­ticulier, les origines de leurs motivations, de leur influence et de leur pouvoir, le système de récom­penses ou de sanctions qui maintient une organisation en état de marche, les multiples tensions et difficultés créées par les groupes informels existant à l'intérieur de l'organisation et les complexités du financement

Le cercle de la pédagogie et de la science

Cet ouvrage n'est pas de ceux qui se prêtent à une analyse classique. Dense et complexe, ce travail de Furter oscille entre deux pôles, la science et la péda­gogie, la première venant alimenter la seconde et cette dernière étant le véhicule d'interrogations et le ferment de nouvelles recherches.

A u dire de son auteur, ce livre est le fruit de longues années de labeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation et à l'Institut d'études et de développement de l'Université de Genève. Il s'agit d'un véritable cours universitaire dont la structure et le style sont nettement didactiques. Chaque thème est développé au rythme d'une leçon, non pas traditionnelle, mais qui incite au débat, à la

sont des questions que celui qui rédige une étude de cas s'abstient généralement d'évoquer. A en juger par plusieurs projets dont l'auteur du présent compte rendu a personnellement connaissance, les études de cas dont il est question ici ne font pas exception.

Si l'on considère l'ouvrage dans son ensemble, le directeur de la publication et les auteurs doivent être sincèrement félicités pour leur travail considérable, qui a le mérite d'appeler l'attention sur le grave pro­blème du développement rural. C o m m e il est souligné à juste titre, la rhétorique de la dernière décennie imprègne de plus en plus les politiques de développe­ment nationales qui proclament en termes catégo­riques certains grands objectifs : la « satisfaction des besoins essentiels des populations rurales pau­vres », la « croissance dans l'équité », la « participation de la collectivité », une « approche intégrée », 1' « a m é ­lioration de la condition de la f e m m e », la « protection des enfants en bas âge », 1' « aide aux petits exploitants agricoles », la « réduction du nombre d'enfants par famille », les « soins de santé primaires », la « création d'emplois ruraux » et le « développement de l'éducation de base ». C e u x qui sont chargés de la conception et de l'exécution des programmes ont certainement beau­coup à apprendre et aussi, c o m m e le fait observer le directeur de la publication, à désapprendre. C'est dans cette optique que cet ouvrage mérite une attention particulière.

Ananda W . P. G U R U G É Division du financement

de l'éducation, Unesco

découverte, à l'analyse critique, par u n cheminement qui va de « mots clés » à une « problématique » et à u n « état de la question » pour aboutir à u n ques­tionnement et à l'indication d'orientations possibles de la recherche ainsi qu'à une bibliographie détaillée.

Considéré dans sa perspective et sa fonction di­dactiques, cet ouvrage présente les qualités et les défauts de toutes les publications dues et destinées à l'enseignement. D a n s ces écrits se côtoient en effet théories achevées et réflexions ouvertes, lesquelles, en raison m ê m e de leur caractère inachevé, posent des problèmes qui incitent les étudiants et les « cu­rieux » à la pensée et à la recherche autonomes. L'auteur-enseignant, dans son désir de réviser et de systématiser les opinions des autres penseurs — et Furter le fait avec son érudition habituelle — court

Pierre F U R T E R , Les systèmes de formation dans leurs contextes, Berne, Editions Peter Lang , 1980, 438 p. (Collection « Exploration ». Série « Cours et contributions pour les sciences de l'éducation »).

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alors délibérément le risque d'occulter ses propres opinions. L'auteur possède assez de sens critique pour écarter ce danger, de sorte que la démarche didactique cesse d'être u n simple transfert de connais­sances pour se m u e r en une réflexion scientifique rigoureuse et en une permanente prise de position.

L e m ê m e souci le conduit à faire porter sa ré­flexion sur plusieurs thèmes centraux. Si nous étions contraints de définir d'emblée le livre par sa théma­tique, l'éducation comparée s'imposerait à nous en tant que principal sujet d'analyse, mais à mesure que nous avançons dans notre lecture, la clarification de la notion d'éducation informelle et extrascolaire et de la place qu'elle occupe devient u n élément majeur, au point que nous nous trouvons parfois devant u n véritable traité de sociologie et de politique de l'édu­cation et de la culture. Après une première lecture, u n retour à 1' « Avant-propos pour les curieux » fait apparaître l'unité de l'ouvrage à l'intérieur d'une structure où méthodologie et matière se conditionnent mutuellement.

La revendication du contextuel

Les systèmes deformation... est u n ouvrage d'éducation comparée, ou plutôt d'épistémologie de cette « dis­cipline », à la lumière d'une étude comparative cri­tique qui débouche sur une critique de la comparaison. Grâce à cette réflexion épistémologique, Furter c o m ­mence par redonner sa valeur au contexte et s'emploie à recontextualiser l'éducation. Il s'écarte d u simple nominalisme généralisateur que continuent à prati­quer maints comparatistes, pour saisir les phénomènes et les processus éducatifs dans leur réalité propre et, par là m ê m e , dans leur diversité et leur singularité. L a recherche n'est donc pas « objective », selon l'acception traditionnelle de ce terme, mais plutôt le reflet d u concret et de la différence, avec tout ce que cela implique d'engagement effectif d u chercheur à l'égard du milieu qu'il étudie.

L'auteur accomplit une véritable « révolution co-pernicienne » dans le domaine de l'éducation c o m p a ­rée, en en déplaçant le centre de l'établissement des similitudes à la reconnaissance des différences, qui découle précisément de la revalorisation d u contexte et de la « recontextualisation », et ce dans la perspective des principes de « multifonctionnalité de la formation », de 1' « analyse systémique », de la « proximité » et de la « visibilité », sur la base des « liens effectifs établis, dans le choix des facteurs prioritaires de l'éducation, avec les processus de décision dans les systèmes éducatifs, d'une part, et, de l'autre, l'oppor­tunité de donner la préférence aux facteurs visibles, sans oublier les facteurs implicites et occultes »,

ainsi que des principes de la « transdisciplinarité » dont parle Jean Piaget, qui s'explique non seulement par l'interaction et la réciprocité des recherches spé­cialisées, mais aussi par la place qu'occupent ces relations à l'intérieur d'un système global, et de F « émergence », qui évite le structuralisme ahisto-rique et qui, fondée sur la « transhistoricité de la recontextualisation », suppose qu'on tient compte des formes « informelles », à savoir des nouveaux processus de formation inhérents à la dynamique sociale.

L'ensemble des thèmes abordés par Fauteur pa­raissent étudiés selon ce critère général de contextua-lisation, de la mise en question du comparatisme généralisateur — « comparaison n'est pas raison » — à la vision de la multifonctionnalité de la formation — face à la diversification de la demande sociale d'éducation — en passant par l'étude du contexte national dans les contradictions des relations inter­nationales, le dépassement de la pensée systémique, telle qu'elle s'est développée jusqu'à présent, et les catégories d' « acteurs sociaux » de l'éducation et leurs activités, du point de vue de leurs « stratégies d'appropriation ».

C'est dans cette perspective épistémologique que s'établissent les normes et les principes qui per­mettent de comparer des faits qui ne sont pas néces­sairement comparables. L'auteur trouve ainsi une nouvelle justification des causes et conséquences des opérations de comparaison, dans la reconnais­sance de la diversité des espaces où vivent les formes éducatives, de l'existence de l'altérité, et dans la compréhension des caractéristiques du m o n d e actuel. Ces caractéristiques et ces différences sont donc la réponse de la réalité à u n comparatisme idéaliste qui universalise ou « internationalise » les modèles édu­catifs pour les transformer en formules vides ou , au contraire, tombe dans u n ethnocentrisme qui, en définitive, n'est qu'une autre façon d'estomper ou d'occulter l'altérité de ceux qui sont autres.

La récupération du « régional »

Face aux deux déviations d u comparatisme ratio­naliste et ahistorique, l'approche contextuelle permet de trouver les facteurs éducatifs dans les réalités régionales, nationales et transnationales qui expli­quent la variété et l'ampleur des demandes de formation émanant des populations intéressées.

Chacune de ces réalités produit des modèles éduca­tifs tels que, par exemple, ceux d' « intégration dans u n système transnational », de « développement dans la dépendance » et de « modernisation d u contexte national ». L a critique du modèle national qui se dis-

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loque sous la poussée des revendications régionales retient particulièrement l'attention de l'auteur.

L'introduction du régional dans un modèle h o m o ­gène revient directement à occulter la diversité puis­que, en se fondant sur 1' « à priori » de l'homogénéité nationale, on sous-estime systématiquement les dis­parités régionales, en entrant « dans l'engrenage de politiques socioculturelles qui ne diminuent les iné­galités ou augmentent la cohésion nationale qu'en refusant le droit d'être collectivement différent » ou le droit des minorités d'exister c o m m e « sujets his­toriques ». N e sommes-nous pas, dans ce cas, se demande l'auteur, « de simples instruments d'un pou­voir unificateur dont nous ne faisons rien d'autre que de justifier l'action dominante et dominatrice » ? (P. 113.)

D a n s cette perspective, le théoricien suisse s'engage résolument dans la voie de l'élaboration de ce que nous avons appelé les « pédagogies des sociocultures particulières », qui constituent un des moyens de permettre aux clivages et aux oppositions qui four­millent dans les structures sociales et culturelles sup­posées unitaires et homogènes de se refléter dans les sciences de l'éducation (Teoría de la educación, 2e partie, Madrid, Cincel-Kapelusz, 1980). Fonda­mental est l'apport de Furter, qui préconise une démocratie culturelle donnant la priorité à la « culture vécue au sein de microcultures qui sont les supports d'une formation diffuse de base » et accepte « la nécessité d'une initiation contrôlée aux codes de communication, rôle essentiel de la formation scola­risée, et par des interventions occasionnelles extra­scolaires, lorsque les circonstances et les besoins les rendent indispensables ». Il ne s'agit pas, explique-t-il, d'envisager la constitution d'un système propre d'édu­cation ou la promotion d'interventions extrascolaires, mais de concevoir « une politique culturelle globale qui crée l'ensemble des conditions d'une démocratie culturelle » (p. 127).

Les insuffisances de l'approche systémique

Après avoir préconisé la méthode contextuelle et l'avoir appliquée aux modèles national, régional et transnational, Furter procède à une évaluation de l'analyse de systèmes très répandue, qui propose elle aussi un modèle d'interprétation — le « modèle théorico-systémique » — et qui, telle qu'elle est c o m m u n é m e n t appliquée, implique une vision stati­que et purement structuraliste de l'éducation. Cette méthode lie le système éducatif à l'ensemble du sys­tème social, tout en signalant la présence dans celui-ci des sous-systèmes de l'éducation scolaire et de l'édu­

cation extrascolaire, non formelle et informelle. C e sont néanmoins les nouvelles formes éducatives qui, par leur dynamisme, révèlent l'insuffisance de l'ap­proche systémique face aux résultats de la recherche contextuelle, d'où la nécessité de la dépasser ou de la modifier.

C e dépassement repose sur quatre hypothèses fon­damentales, dont les deux premières sont axées sur l'éducation permanente, à savoir des activités infor­melles menées dans le cadre de la stratégie de « for­mation globale » ou, selon la conception de l'éducation informelle, l'ensemble des initiatives concrètes exté­rieures aux systèmes d'éducation officiels.

U n e troisième hypothèse s'inspire du « rôle des appareils d'État dans le développement des systèmes éducatifs contemporains » pour montrer que la for­mation se réalise non seulement à travers le sous-système scolaire, mais aussi grâce à l'apport des « parasystèmes » extrascolaires et à d'autres apports nettement « informels ». D a n s ces conditions, la sys­tématisation excessive de l'ensemble des activités d'éducation entraîne une bureaucratisation et u n paternalisme démobilisateur des innovateurs qui s'écartent trop du modèle éducatif officiel. C'est la raison pour laquelle Furter oppose à cette dernière hypothèse, qu'il juge pessimiste, en ce qu'elle ne laisse pas de place à des initiatives nouvelles, une quatrième hypothèse. Selon cette dernière, « il y a des indicateurs significatifs qui semblent montrer qu'il serait encore possible d'instaurer une alternative éducative pour autant que la politique culturelle de l'État... se trans­forme en u n véritable projet national de développe­ment d'une culture populaire et démocratique » (p. 133 et 134). Hypothèse sans doute indiscutable mais qui — isolée des ajustements que l'auteur y apporte dans la suite de l'ouvrage — serait très res­trictive, puisqu'elle rejette les innovations éducatives contraires aux systèmes officiels, surtout dans les sociétés bloquées, fermées, antidémocratiques.

L'intérêt majeur de la quatrième hypothèse tient à ce qu'elle est celle qui fait le mieux ressortir les insuf­fisances de l'approche systémique dans la mesure où, en aboutissant à une interprétation mécaniste du sys­tème éducatif, elle en exclut les sous-systèmes. A par­tir de cette critique, Furter m è n e à bien une autre récupération qui résulte de celle du contexte, et qui vient la renforcer : celle du phénomène éducatif consi­déré c o m m e u n phénomène global et c o m m e u n « processus d'autoformation complet », dans le cadre d'environnements et de situations éducatifs multiples. L'analyse systémique, structuraliste et ahistorique est remplacée par une autre analyse « beaucoup plus sys­tématique » qui c o m m e n c e par recenser les nombreux et vastes espaces éducatifs de cette autoformation, et surtout « les niveaux de développement culturel des

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populations ». Autrement dit, « tout ce qui concourt, soutient, mais aussi rend difficile, compromet ou empêche u n tel développement » (p. 150).

De l'éducation « informelle » au « réseau de formation »

Dans la logique de la pensée de Furter, il est indis­pensable, pour cerner l'ensemble du domaine de l'éducation, de bien comprendre la notion clé de l'éducation « informelle ».

C o m m e on le sait, les points de vue relatifs à ce concept ne sont encore ni clairs ni bien arrêtés. Furter lui-même — si nous nous en tenons à l'aspect termi­nologique — ne parvient pas non plus à la précision souhaitable, en ce qu'il n'établit pas une distinction bien nette entre éducation « formelle », « non formelle » (cette expression n'est pas employée par l'auteur) et « informelle », pas plus qu'entre éducation « infor­melle » et « extrascolaire », catégorie plus vaste qui recouvrirait l'éducation « non formelle » et « infor­melle ». Mais l'auteur a le droit de se servir des termes qu'il estime appropriés, surtout si son propos est de mettre l'accent sur les processus éducatifs nouveaux qui émanent de la société, qu'ils parviennent ou non à s'organiser et quel que soit leur degré de spon­tanéité.

Il importe de souligner que l'apport du penseur suisse à l'effort de définition et de redéfinition de l'éducation « informelle » ne procède pas d'un nouvel essai de conceptualisation, mais d'une analyse de la genèse des réalités que reflète ce type d'éducation, au-delà de l'opposition c o m m o d e à la scolarité de type classique. D e ce point de vue, « la signification totale d'une forme d'éducation extrascolaire dépasse les résultats de la solution qu'elle propose à u n pro­blème de formation » et est en fait liée « à son rôle particulier de signal qui indique fondamentalement une situation devenue problématique ou conflictuelle qui n'est pas encore résolue » (p. 151). Pour saisir le signifié de l'extrascolaire, il faut aller au-delà « des formes explicites d'une intervention et de ses résultats effectifs pour saisir l'ensemble des problèmes auxquels elle prétend répondre » et qui l'a constituée. L'éduca­tion extrascolaire ne peut se comprendre que par rapport aux contextes dans lesquels elle naît ou se développe. L e surgissement de son « informalité » se produit parce que certains acteurs sociaux, face aux problèmes que leur posent la croissance économique, la dynamique et le changement sociaux, l'évolution politique, ne peuvent plus se satisfaire des prestations des institutions existantes. Ils sont donc « obligés de chercher eux-mêmes des formes alternatives, ad hoc, provisoires ou sauvages pour résoudre leurs problèmes

quotidiens » (p. 152). L'objectif n'est pas de systé­matiser à tout prix ces formes, mais de trouver les moyens de les appuyer afin de les préserver et de mettre à profit tout leur potentiel créateur. L a crise actuelle de l'éducation dans le m o n d e dont parlait C o o m b s n'est pas due à l'opposition entre le scolaire et l'extrascolaire, mais à la croissance des systèmes éducatifs qui ne parviennent pas à répondre aux de­mandes « inflationnistes » de formation, lesquelles présentent de ce fait u n caractère d'urgence et évo­luent rapidement.

L a seule façon d'embrasser dans sa totalité le do­maine de l'éducation consiste, pour Furter, à envi­sager u n « réseau de formation », c'est-à-dire un « ensemble cohérent, mais pas nécessairement centra­lisé ni uniformisé, de tous les enseignements qui s'adressent à différentes clientèles à différents m o ­ments de leur vie, dans différentes situations ». Étant donné que, dans cette optique, ce qui importe réellement c'est le développement culturel, qui dé­pend des groupes, « ce réseau de formation peut être organisé selon des interventions éducatives entre les­quelles il devrait y avoir échange, réflexion, coordi­nation et coopération, ce qui serait justement », écrit Furter, « le rôle de l'éducation permanente » (p. 188).

C o m m e on peut le constater, ce « réseau de for­mation » n'a rien à voir, pour l'essentiel, avec les « réseaux de convivialité » que suggère Illich, destinés à s'opposer directement à l'école et à s'y substituer. Chez Furter, l'école est intégrée au « réseau », consti­tuant une option supplémentaire, ce qui permet de concevoir l'extrascolaire c o m m e quelque chose qui, en raison de sa signification propre, n'a pas besoin d'être défini par opposition à la formation scolaire, ou c o m m e son simple complément, mais c o m m e son prolongement ou la forme d'éducation qui la rem­place « dans des cas extrêmes, par exemple d'une population qui a été marginalisée dans le processus de développement » (p. 185).

L e thème de l'éducation extrascolaire est repris par Furter lorsqu'il étudie la multifonctionnalité de la formation et la diversification de la demande sociale (chap. 19). Sans revenir sur le sujet de la troisième partie de son ouvrage (chap. 8-11), il adopte un nouveau m o d e d'approche qui souligne l'intérêt de ces fonctions et objectifs par rapport à l'éducation des adultes, et qui sert de base à l'auteur pour montrer l'extension progressive du domaine de la formation de la « lutte contre l'analphabétisme » au « développement culturel ». Dans cette perspective, l'éducation des adultes est présentée dans la diversité de ses fonc­tions : sa fonction « initiatique », qui conduit à l'al­phabétisation, bien que cette dernière soit toujours « u n processus inachevé » ; sa fonction « écologique »,

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qui permet de comparer les « cultures vécues » et la « culture scolaire » ; sa fonction « économique », en tant que facteur de promotion de la vie profession­nelle (qualification et utilisation des ressources h u ­maines), ce qui donne à Furter l'occasion de critiquer le caractère exclusif des méthodes d'analyse économi­que en la matière ; sa fonction « sociale », dont l'examen conduit l'auteur à dénoncer l'idéal « déve-loppementaliste » de la « mobilité sociale », considérée c o m m e un type d'idéologie visant à légitimer les inégalités ; sa fonction « politique », dont l'analyse amène au problème brûlant des relations entre édu­cation et révolutions et des limites et possibilités de la conception et de la pratique de « l'éducation libéra­trice » selon les contextes dans lesquels elle se développe.

Les acteurs sociaux qui interviennent à l'origine et au cours de la formation

Pierre Furter présente les acteurs sociaux et leurs stratégies d'appropriation des interventions et des ins­titutions de formation, conformément au critère de la demande sociale de formation, définie c o m m e 1' « en­semble de données démographiques qualifiées qui permettent d'estimer les exigences potentielles des diverses populations à l'égard des institutions éduca­tives existantes, d'une part, et, d'autre part, leurs attitudes sociales et culturelles à l'égard de l'éducation telle qu'elle se pratique » (p. 196). D a n s ces condi­tions, l'objectif est de délimiter l'apport spécifique des systèmes d'enseignement par rapport aux formes qui constituent le système de formation.

Dans le cadre de ces critères et objectifs, l'auteur étudie sept catégories d'acteurs sociaux : les jeunes, les adultes, l'État — dans ses rapports avec les initiatives privées — les forces armées et les enseignants, les groupes de pression qui interviennent dans le pro­cessus de prise de décision et les « exclus », notam­ment les migrants.

La montée des jeunes

L e problème qui se pose est celui de la transformation profonde des relations entre générations, résultat de l'influence exercée sur les structures démographiques par la croissance de la population juvénile. D a n s ce domaine, Furter s'inscrit en faux contre l'existence d'une « culture » ou d'une « sous-culture » des jeunes, ou d'une « classe » sociale qu'ils constitueraient. L e

principal argument qu'il utilise pour réfuter des affir­mations aussi courantes est que l'augmentation n u m é ­rique ne se traduit pas toujours par une pression qualitative et que l'important est le degré de parti­cipation réelle de la jeunesse à la définition et à la solution de ses problèmes.

E n l'occurrence — et précisément en fonction du critère de contextualisation — l'auteur ne peut que s'opposer aux généralisations précitées, qui ont pour conséquence d'attribuer une valeur absolue à la culture des jeunes, considérée c o m m e une forme achevée de culture, d'une part, et, de l'autre, c o m m e une culture de classe. N u l n'ignore que les jeunes peuvent appartenir à une classe ou à une autre et ne constituent pas en tant que tels les représentants d'un seul c a m p dans le conflit entre générations, qui ne saurait être en aucune façon assimilé au conflit de classes. Cela reviendrait — c o m m e nous l'avons nous-m ê m e s soutenu ailleurs — à donner à la notion de jeunesse u n caractère abstrait qui méconnaît d'entrée la diversité de ses composantes.

D e plus, dans ce domaine, une politique tendant à assurer la participation des jeunes à l'édification de leur propre vie et de la société à laquelle ils appar­tiennent (dans l'espace et dans le temps) joue u n rôle fondamental ; malheureusement, les politiques appli­quées ne représentent en général qu' « un ensemble de techniques mises en œuvre de façon spontanée et fragmentaire, en fonction des besoins les plus i m m é ­diats et conformément aux intérêts des groupes dominants » ou encouragent l'exploitation d u « fait juvénile » à des fins commerciales dans le cadre de la société de consommation. C e sont, s o m m e toute, de simples techniques de «< mobilisation », de « mani ­pulation » ou de « persuasion », voire d' « intégration », qui créent, d'une façon ou d'une autre, ce que Furter appelle « un climat d'apathie et de frustration » qui peut aussi bien supprimer la richesse des remises en question des jeunes que provoquer la révolte.

Face à ces techniques ou mesures fragmentaires, une véritable « politique de la jeunesse » doit s'orienter vers la constitution d'un « espace social et juvénile », tendre à favoriser la rencontre avec les autres, ouvrir des débouchés professionnels pour les jeunes et pré­parer les jeunes à prendre conscience des rapports qui existent entre leurs problèmes et ceux des autres groupes d'opposition et de renouveau, c'est-à-dire à situer leurs problèmes « dans leurs liens avec ceux des autres exploités » (p. 215), ce qui suppose que la jeunesse dispose d'une « information significative ».

Il est clair pour l'auteur qu'une politique de la jeunesse répondant à ces exigences n'est pas facile à mettre en œuvre, encore moins si elle ne s'accom­pagne d'une véritable démocratisation de la société. U n e telle politique—note-t-il—consiste simplement

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à énoncer des éléments spécifiques de la politique générale d'une nation en fonction des besoins et aspirations de cette partie de la population (p. 215).

O e la « pédagogie » à I' « andragogie »

L'intérêt d u fait que Furter fixe son regard sur les adultes en tant qu'acteurs sociaux de la formation tient moins à ses conséquences sur l'élargissement de la notion d'éducation extrascolaire et de son appli­cation — dont il a déjà été question dans d'autres cha­pitres du livre — qu'à l'affirmation de la nécessité d'ouvrir davantage les domaines traditionnels des disciplines éducatives.

Furter préconise — c o m m e il l'avait déjà fait dans des écrits antérieurs — le passage résolu de la « péda­gogie » à F « andragogie ». E n 1971, il avait déjà pro­posé que, par le terme d'andragogie, l'Université désigne une science de la formation des h o m m e s . Cette science doit s'appeler andragogie et non péda­gogie parce qu'elle n'a pas seulement pour objet la formation de l'enfant et de l'adolescent, mais celle de l ' h o m m e tout au long de son existence.

C e souci de l'éducation des adultes considérée c o m m e une sorte de mécanisme pilote pour la défi­nition et la redéfinition de l'ensemble de la tâche de formation de l'être humain conduit Furter à donner u n sens général au terme d' « andragogie », de m ê m e que la tradition avait conféré u n sens universel au m o t « pédagogie », qui désignait initialement l'édu­cation des enfants et des adolescents.

Cette interprétation n'est pas nouvelle ; on la trouve déjà dans les années vingt chez Giovanni Gentile, qui parlait de « l'abolition d u préjugé chro­nologique dans le domaine de l'éducation ». C e sont moins les termes employés qui comptent que le sens dont ils sont investis et il faut revoir la notion m ê m e de « maturation » qui, si elle désigne u n processus fini, repose sur une conception erronée qui nie le caractère inachevé de l'évolution de l ' h o m m e pour fixer la « maturité » à un m o m e n t précis du dérou­lement de sa vie. L a généralisation est correcte, que l'on utilise le terme d' « andragogie » ou de « pédago­gie », si l'on s'en tient exclusivement au sens étymo­logique de ces mots, mais, dans les deux cas, on risque de limiter le processus éducatif à une époque ou à une autre de la vie. Quelle que soit celle de ces perspectives dans laquelle on se situe, il est incontes­tablement nécessaire de recourir à une « nouvelle anthropologie » qui ouvre la voie au concept de l ' h o m m e en perpétuel devenir, concept central d'une « pédagogie constructiviste ».

Les rapports entre l'État et l'initiative privée dans le domaine de la formation

Cette question, déjà ancienne mais toujours actuelle, est située par Furter dans le cadre de la « dialectique d u public et d u privé » ; il rapproche celle-ci d u rap­port entre la « centralisation » (invervention de l'État dans l'orientation et l'exécution des actions de for­mation) et la « décentralisation » (libéralisme politico-éducatif).

U n e analyse historique et comparée fait apparaître une renaissance de l'enseignement privé, souvent justifiée par la nécessité de débureaucratiser l'appareil éducatif. Néanmoins, la médaille a son revers : le renforcement des institutions religieuses, devenues u n secteur privilégié de l'enseignement privé, et d u rôle de cet enseignement qui consiste à maintenir des positions privilégiées dépassées par l'évolution histo­rique, causant de graves distorsions dans les systèmes éducatifs.

L a dialectique du public et du privé dans le do­maine de l'éducation est présentée c o m m e une contra­diction mais, en m ê m e temps, c o m m e une synthèse sur laquelle peuvent s'appuyer la « redécouverte de l'éducation populaire » et la « redéfinition des rôles » de chaque secteur, pour donner largement accès — et Furter illustre son propos à l'aide d'exemples latino-américains — à cette éducation populaire, à F « édu­cation libératrice ». E n n'abordant ce thème que sous l'angle de la situation des milieux catholiques et des propositions qu'ils formulent, Fauteur limite peut-être son argumentation et risque de faire croire que les expériences d'éducation populaire et libératrice sont uniquement le fait de ces milieux, m ê m e si ceux-ci sont très avancés par rapport au traditiona­lisme séculaire de l'Église. D e toute façon, les exemples choisis peuvent être considérés c o m m e représentatifs d'une méthodologie permettant de déterminer le rôle des groupes non officiels dans le contexte de ces deux types d'éducation et ce qu'ils font pour s'opposer ou contribuer à Faction de l'État.

Le rôle des forces armées dans la formation

Il convient de se féliciter que Furter aborde ce thème, encore inédit dans le domaine de l'éducation c o m ­parée, dont l'examen est justifié par le rôle croissant que jouent les forces armées, particulièrement en Amérique latine, non seulement dans les régimes politiques, mais aussi, de ce fait, dans les politiques de l'éducation. Cela est vrai, mais l'auteur va plus loin en présentant les forces armées c o m m e de véritables

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« institutions spécialisées dans l'instruction, la pré­paration et le perfectionnement d ' h o m m e s , parfois de femmes , pour la guerre et la violence institution­nalisée » (p. 251).

Les problèmes que posent l'ingérence militaire dans la formation des m e m b r e s de la société et la création d'un véritable parasystème éducatif des forces armées amènent Furter à formuler des interro­gations auxquelles une réponse différente doit être donnée selon le contexte social et politique considéré. Ces interrogations sont par exemple les suivantes : les militaires tentent-ils de créer « leur propre système complet de reproduction d'un savoir institutionna­lisé »? « Y aurait-il une volonté infiniment plus totalitaire de militariser la société en commençant par l'éducation ? » (P. 253.)

La mise en question des enseignants

L a question de savoir si les enseignants sont coupables ou victimes de la crise de l'éducation est analysée par Furter à partir de trois thèses : a) il n'y a de consensus ni sur la question, ni sur la formation des ensei­gnants ; 6) si les enseignants font problème, ce n'est pas faute d'une préparation suffisante, mais avant tout parce que leurs situations socio-économiques, leurs conditions, leurs statuts de « travailleurs intellectuels » sont insatisfaisants ; c) d u point de vue de leur for­mation, la seule solution est de penser la « formation des enseignants » dans la « perspective d'une forma­tion permanente de tous les éducateurs » (p. 257).

L a mise en question des enseignants, très à la m o d e ces dernières décennies, provoque u n grand désarroi dans la profession. N o n seulement la condi­tion d'enseignant est mal définie, mais — toutes les enquêtes le prouvent — elle se caractérise par une absence de statut, une perte croissante d'identité, allant jusqu'à une véritable stratification et hiérar­chisation au sein du corps enseignant selon les niveaux et les modes de travail. Mais ce qu'il y a peut-être de plus notable dans l'évolution historique de cette « pro­fession », c'est le changement des rôles ou l'apparition de nouveaux rôles qui, c o m m e le signale Furter, peuvent se définir sur des plans différents. Sur u n premier plan, le rôle de celui qui intervient est celui de « médiateur » ; au plan de l'expérience politique correspond celui de la « coordination » des groupes dans le travail ; dans la perspective de l'éducation nouvelle, la présence de l'enseignant est seulement transitoire et débouche sur une possibilité ultime correspondant « à l'utopie occidentale par excellence : la mort du maître ». Devant cette dernière possibilité, en tant que lecteurs engagés dans l'étude et l'expé­rience de l'éducation, nous serions en droit de de­

mander si, en fait, la « mort d u maître » est une utopie ou seulement une spéculation « utopiste », pour re­prendre la distinction tracée par Pierre Furter dans son livre Éducation et réflexion.

Les groupes de pression

Aborder la question de la place des groupes de pres­sion dans le processus de prise des décisions concer­nant les systèmes de formation, c'est aborder u n do­maine très hétérogène et difficile à saisir dans toute sa diversité.

Furter ébauche une classification provisoire de ces groupes en traçant u n parallèle entre les groupes de pression extérieurs aux systèmes éducatifs et les groupes de pression internes. Syndicats et associations professionnelles appartiennent à ces deux types de groupes, encore qu'à l'intérieur du système ils aient u n autre équivalent dans les « conseils d'enseignants ». A u x « entreprises » (c'est-à-dire les chefs d'entreprise et les commerces locaux) correspond l'administration scolaire, au niveau de l'établissement et au niveau central. A u troisième groupe externe, que constituent les groupes religieux, ou Églises, correspondent, à l'intérieur du système éducatif, les « commissions scolaires composées de représentants des collectivités locales ». A u groupe « bureaux d'études et de conseils techniques » correspond celui des parents, et à celui des partis politiques celui des élèves. N o u s n'avons certainement pas épuisé la liste des groupes de pres­sion, qui n'est du reste pas immuable étant donné qu'il est possible de les relier entre eux au m o y e n d'un « modèle d'analyse des groupes de pression » fondé, entre autres critères de connexion, sur les contextes, le m o m e n t historique et les idéologies dominantes.

Parmi les groupes de pression, l'auteur privilégie celui des parents, trait d'union entre le système édu­catif et la famille, car il s'agit de passer de 1' « aspira­tion » à 1' « appropriation institutionnelle » et, plus encore, d'affirmer le droit des parents de choisir le type et le contenu de l'éducation qu'ils souhaitent pour leurs enfants. D a n s ce domaine, les conflits sont faciles à détecter et Furter penche, là encore, pour l'application de politiques de participation.

Les exclus

L'expression « participation des exclus », que Furter utilise dans le titre d u chapitre relatif au cas des m i ­grants en tant que facteurs de pression sur les sys­tèmes de formation, est en soi contradictoire. Elle exprime cependant une réalité, dans la mesure où la

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« dynamique spatiale d'échanges de personnes... modifie le volume et les caractéristiques des clientèles de la formation » (p. 295), et elle met en évidence les inégalités entre les différents secteurs d'une société. Qui plus est, cette présence (flux et migrations) c o m ­plique l'étude des inégalités car elle entraine une situation démographique éminemment instable.

L e phénomène le plus connu, et qui a la plus grande incidence sur l'éducation, est celui de 1' « ur­banisation permanente », conséquence des « migra­tions internes » qui ne sont pas toujours imputables aux facteurs économiques. L'urbanisation entraine dans les villes qui attirent les migrants une véritable inflation démographique, qui s'accompagne de divers problèmes, tels ceux des possibilités et des choix en matière d'intégration, d'adaptation et de participation, qui suscitent des formes et des demandes d'éducation différentes. C'est là le point critique où les problèmes que pose l'acculturation deviennent immenses du fait de la marginalisation qui, à l'inverse, peut provoquer le maintien et le développement des cultures vécues.

Appréciation générale

L'ouvrage de Furter, dont nous venons de rendre compte en formulant ici et là quelques remarques critiques, mérite indéniablement une place importante dans la littérature pédagogique contemporaine. Il porte sur des sujets, et surtout sur des problèmes, très variés qui — résolus ou simplement posés (c'est là encore le risque qu'encourent les ouvrages écrits par des enseignants et destinés à des enseignants) — sont

en réalité ceux qu'une réflexion poussée sur l'éduca­tion d'aujourd'hui doit affronter et approfondir.

Dans son étude, Furter montre comment on peut envisager la thématique pédagogique sous u n angle déterminé, que ce soit celui de l'éducation comparée — c o m m e c'est le cas — ou celui de toute autre dis­cipline, en exploitant les possibilités offertes par l'interdisciplinarité et la transdisciplinarité. Ces ap­proches sont les seules possibles si l'on veut que les sciences de l'éducation recouvrent leur prestige perdu, surmontent le discrédit excessif dans lequel les tien­nent les pédagogues eux-mêmes ou les autres spécia­listes des sciences sociales, qui ne voient pas au-delà des limites tracées à priori pour circonscrire leur domaine de compétence.

E n outre, le pédagogue suisse — je ne sais s'il accepterait d'être désigné ainsi — confirme par son livre une chose que nous savions déjà : qu'il est un pédagogue de notre temps, ce qui était déjà percep­tible dans ses ouvrages antérieurs, dont certains ont été écrits en Amérique latine. Il l'est par les thèmes qu'il traite ou défriche et, surtout, par l'esprit et la méthode qu'il adopte à cette fin. Il y a des pédagogues qui traitent des thèmes contemporains mais n'en sont pas pour autant capables de comprendre leur temps. O r il s'agit d'un « contexte » passionnant dans lequel quiconque s'aventure ne peut que prendre conscience qu'il aborde u n domaine dont l'analyse prêtera tou­jours à contestation.

Ricardo N A S S I F Université nationale de L a Plata

(Argentine) Consultant de l'Unesco

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Livres reçus

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GROUPE DE TRAVAIL DE LA MAISON D'ÉCOLE À M O N T -C E A U - L E S - M I N E S . Cent ans d'école. Seyssel, Éditions d u C h a m p Vallon, 1981. 200 p . (Collection « Milieux ».)

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Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

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L A W N , Martin ; B A R T O N , Len (dir. publ.). Rethinking curriculum studies. London, C r o o m He lm, Ltd., 1981. 253 p.

L E T H À N H K H O Î . L'éducation comparée. Paris, A r m a n d Colin, 1981. 316 p. (Collection « U ».)

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L Y O N F A H S , Sophia ; C O B B , Alice. Old tales for a new day. Buffalo, Prometheus Books, 1981. 202 p.

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M I A L A R E T , Gaston. Lexique. Éducation. Paris, P U F , 1981. 166 p.

Mon corps a ses secrets. Des jeunes sourds, non voyants, handicapés moteurs... écrivent. Paris, Desclée de Brouwer, 1980. 191 p.

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B U R N S , Robin. Éducation pour le développement et éducation pour la paix, 135

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C A R D O , Andrés. Pérou : la réforme et le système édu­catif nucléaire, 200

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G U R U G É , Ananda W . P. Meeting the basic needs of the rural poor. The integrated community-based approach, par Philip Coombs (dir. publ.), 559

H A M M E R , Lothar. Dépistage et éducation spéciale précoces dans la République démocratique alle­mande, 505

H E N C H E Y J Norman. La recherche de la cohérence dans l'enseignement général, 293

Perspectives, vol. X I , n° 4, 1981

N ° 1 p . 3-133 N 0 2 p. 135-290 N ° 3 P- 293-440 N ° 4 P- 443-574

H E N E V E L D , W a r d . Assessment of Indonesian education: a guide in planning, par C . E . Beeby, 131

H O L S T E I N , Bj0rn E . ; A N D E R S E N , Svend Ellehammer. L'intégration scolaire des jeunes aveugles au Danemark, 528

H O U E T O , Colette Senami. Bénin : former des maîtres pour mettre en œuvre la réforme, 214

K I N G , Kenneth. Dilemmes de l'aide à la recherche en éducation aux pays en développement, 374

K U P I C I E W I C Z , Czeslaw. Les réformes scolaires au­jourd'hui : tendances et débats, 62

L A T A P Í , Pablo. Sur l'efficacité de la recherche en éducation, 331

L E N G R A N D , Paul. L'educazione permanente, par Fi-lippo M . D e Sanctis, 128

LouBOVSKi, V . I. Principes de base de l'éducation spéciale en U R S S , 489

L Ö W E , A r m i n . Jeunes déficients auditifs : prévention et intégration, 514

M A H L E R , Fred. Intégrer éducation, production et re­cherche : la réforme roumaine, 443

M A R K L U N D , Sixten. Suède : la mise en place de l'école polyvalente, 179

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M C C A I G , Robert. Réformes de l'éducation : la di­mension humaine, 81

M I L L E R , Errol L . D e la recherche à l'action : la poli­tique linguistique en Jamaïque, 408

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Index

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S A C K , Richard. U n e typologie des réformes de l'édu­cation, 45

S C H I E F E L B E I N , Ernesto. Tendances de la recherche en Amérique latine : « Seminario 80 », 403

S H A E F F E R , Sheldon F . Accroître les capacités natio­nales de recherche en éducation, 354

S L I V E , David. Building the future order: The search for peace in an interdependent world, par Kurt Wald­heim, 557

S P A U L D I N G , Seth. L'influence des organismes d'assis­tance internationale sur le développement de l'éducation, 463

S T O L Y A R O V , Youri. La création technique chez les enfants d'âge scolaire, 114

S T U K Â T , Karl-Gustaf. Aspects économiques de l'édu­cation spéciale, 481

S U T A R I A , Minda C . Philippines : l'évaluation continue des réformes en cours, 236

T A B A T O N I , Pierre. La conférence de Sofia : en marge du rapport, 276.

T A Y L O R , H u g h Stuart. La participation des parents à l'éducation des enfants handicapés, 494

V I C T O R , Prem. Les jeunes déficients auditifs en Inde : besoins et possibilités, 521

V I E L L E , Jean-Pierre. L'impact de la recherche sur le changement en éducation, 339

W E I D E N B A C H , Vanda. La musique dans l'éducation de l'enfant surhandicapé sourd et aveugle, 535

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Y O L O Y E , E . Ayotunde. Évaluer les réformes, 94

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Publications de l'Unesco : agents de vente

AFRIQUE D U S Ü D : Van Schaik's Bookstore (Pty.) Ltd., Libri Building, Church Street, P . O . Box 724, PRETORIA.

A L B A N I E : N . Sh. Botimeve Nairn Frasheri, T I R A N A . A L G É R I E : Institut pédagogique national, 11, rue Ali-

Haddad (ex-rue Zaâtcha), A L G E R ; Société nationale d'édition et de diffusion (SNED) , 3, boulevard Zirout Youcef, A L G E R .

A L L E M A G N E (RÉP. FÉD. ) : S. Karger G m b H , Karger Buchhandlung, Angerhofstr. 9, Postfach 2, D-8034 G E R M E R I N G / M Ü N C H E N . « Le Courrier » (éditions alle­mande, anglaise, espagnole et française) : M . Herbert Baum, Deutscher Unesco-Kurier Vertrieb, Besait­strasse 57, 5300 B O N N 3. Pour les cartes scientifiques seulement : G E O Center, Postfach 800830,7000 S T U T T ­G A R T 80.

A N G O L A : Distribuidora Livros e Publicaçoes, Caixa Pos­tal 2848, L U A N D A .

ANTILLES FRANÇAISES : Librairie « A u Boul'Mich », 1, rue Perrinon, et 66, avenue du Parquet, 97200 F O R T - D E -F R A N C E (Martinique).

ANTILLES NÉERLANDAISES : Van Dorp-Eddine N . V . , P . O .

Box 200, W T L L E M S T A D (Curaçao, N . A . ) . A R G E N T I N E : Librería El Correo de la Unesco, E D I L Y R ,

S . R . L . , Tucumán 1685,1050 B U E N O S AIRES. AUSTRALIE : Publications : Educational Supplies Pty. Ltd.,

P . O . Box 33, B R O O K V A L E 2100, N . S . W . Périodiques : Dominie Pty. Ltd, P . O . Box 33, B R O O K V A L E 2100, N . S . W . Sous-agent : U N A A , P . O . Box 175, E A S T M E L B O U R N E 3002.

A U T R I C H E : Buchhandlung Gerold and Co. , Graben 31, A-ion W I E N .

B A N G L A D E S H : Bangladesh Books International Ltd, Ittefaq Building, 1 R . K . Mission Road, Hatkhola, D A C C A 3.

BELGIQUE : Jean D e Lannoy, 202, avenue du Roi, 1060 BRUXELLES ; C C P 000-0070823-13.

B É N I N : Librairie nationale, B.P. 294, P O R T O N O V O .

B I R M A N I E : Trade Corporation no. (9), 550-552 Merchant Street, R A N G O O N .

BOLIVIE : Los Amigos del Libro : casilla postal 4415, L A P A Z ; avenida de las Heroinas 3712, casilla 450, COCHABAMBA.

BRÉSIL : Fundaçâo Getúlio Vargas, Serviço de Publicaçoes, caixa postal 9.052-ZC-02, Praia de Botafogo 188, Río D E JANEIRO (GB).

B U L G A R I E : Hemus, Kantora Literatura, bd. Rousky 6, SOFIJA.

C A N A D A : Éditions Renouf Limitée, 2182, rue Sainte-Catherine Ouest, M O N T R É A L , Que. H 3 H 1 M 7 .

CHILI :Bibliocen tro Ltda., Constitución n.°7, casilla 13731, S A N T I A G O (21). Librería La Biblioteca, Alejandro I 867, casilla 5602, S A N T I A G O 2.

C H I N E : China National Publications Import and Export Corporation, P . O . Box 88, P E K I N G .

C H Y P R E : « M A M », Archbishop Makarios 3rd Avenue, P . O . Box 1722, NICOSIA.

C O L O M B I E : Cruz del Sur, calle 22, n° 6-32, B O G O T Á . Instituto Colombiano de Cultura, carrera 3A, n° 18/24, B O G O T Á .

C O N G O : Librairie populaire, B.P. 577, B R A Z Z A V I L L E ; Commission nationale congolaise pour l'Unesco, B.P. 493, BRAZZAVILLE.

C O S T A R I C A : Librería Trejos, S.A., apartado 1313, S A N JOSÉ.

C Ô T E - D ' I V O I R E : Librairie des Presses de l'Unesco, C o m ­mission nationale ivoirienne pour l'Unesco, B.P. 287, ABIDJAN.

C U B A : Ediciones Cubanas, O ' Reilly, n° 407, L A H A B A N A . Pour « Le Courrier » seulement : Empresa C O P R E F I L , Dragones n° 456 e/Lealtad y Campanario, L A H A B A N A 2.

D A N E M A R K : Munksgaard Export and Subscription Ser­vice, 35 N0rre Sogade, D K 1370 K O B E N H A V N K .

E G Y P T E : Unesco Publications Centre, 1 Talaat Harb Street, C A T R O .

E L S A L V A D O R : Librería Cultural Salvadoreña, S.A. , calle Delgado, n.° 117, apartado postal 2296, S A N S A L V A D O R .

E Q U A T E U R : Périodiques seulement : D I N A C U R Cia. Ltda, Pasaje San Luis 325 y matovelle (Santa Frisca), Edificio Checa Ofc. 101, Q U I T O . Pour les publications seulement : Librería Pomaire, Amazonas 863, Q U I T O . Périodiques et publications : Casa de la Cultura Ecuatoriana, Núcleo del Guayas, Pedro Moncayo y 9 de Octubre, casilla de correos 3542, G U A Y A Q U I L .

E S P A G N E : Mundi-Prensa Libros S.A., apartado 1223, Castelló 37, M A D R I D - I . Ediciones Liber, apartado 17, Magdalena 8, O N D Á R R O A (Vizcaya). D O N A I R E , Ronda de Outeiro 20, apartado de correos 341, LA C O R U Ñ A . Librería Al-Andalus, Roldana 1 y 3, SEVILLA 4. Librería Castells, Ronda Universidad 13, B A R C E L O N A 7.

É T A T S - U N I S D ' A M É R I Q U E : Unipub, 345 Park Avenue South, N E W Y O R K I O O I O .

ETHIOPIE : Ethiopian National Agency for Unesco, P . O . Box 2996, A D D I S A B A B A .

F I N L A N D E : Akateeminen Kirjakauppa, Keskuskatu 1, 00100 HELSINKI 10. Suomalainen Kirjakauppa O Y , Koivuvaarankuja 2, 01640 V A N T A A 64.

F R A N C E : Librairie de l'Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 PARIS ; C C P Paris 12598-48.

G H A N A : Presbyterian Bookshop Depot Ltd, P . O . Box 195, A C C R A ; Ghana Book Suppliers Ltd, P . O . Box 7869, A C C R A ; The University Bookshop of Ghana, A C C R A ; The University Bookshop of Cape Coast ; The University Bookshop of Legon, P . O . Box 1, L E G Ó N .

G R È C E : Grandes librairies d'Athènes (Eleftheroudakis, Kauffman, etc.).

G U A D E L O U P E : Librairie-papeterie Carnot-Effigie, 59, rue Barbes, POINTE-A-PITRE.

G U A T E M A L A : Comisión Guatemalteca de Cooperación con la Unesco, 3.aavenida 13-30, zona 1, apartado postal 244, G U A T E M A L A .

G U I N É E : Commission nationale guinéenne pour l'Unesco, B.P. 964, C O N A K R Y .

H A Ï T I : Librairie « A la Caravelle », 26, rue Roux, B.P. m , P O R T - A Ü - P R L N C E .

H A U T E - V O L T A : Librairie Attie, B.P. 64, O U A G A D O U G O U ; Librairie catholique « Jeunesse d'Afrique », O U A G A ­D O U G O U .

H O N D U R A S : Librería Navarro, 2.a avenida n.° 201, Co-mayaguela, T E G U C I G A L P A .

H O N G - K O N G : Federal Publications (HK) Ltd., 5A Ever­green Industrial Mansion, 12 Yip Fat Street, W o n g

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Chuk Hang Road, A B E R D E E N . 2 D Freder Centre 68 Sung W o n g Toi Road Tokwawan. K O W L O O N . Hong Kong Government Informations Services, Publications Centre, G P O Building, Connaught Place, H O N G K O N G .

H O N G R I E : Akadémiai Könyvesbolt, Váci u. 22, B U D A P E S T V ; A . K . V . Konyvtárosok Boltja, Népkoztársáság utja 16, B U D A P E S T VI.

I N D E : Orient Longman Ltd : Kamani Marg, Ballard Estate, B0MBAY-400038 ; 17 Chittaranjan Avenue, C A L C U T T A 13 ; 36A Anna Salai, Mount Road, M A D R A S 2 ; B-3/7 Asaf Ali Road, N E W D E L H I I ; 80/1 Mahatma Gandhi Road, BANGALORE-560001 ; 3-5-820 Hyder-guda, HYBERABAD-500001. Sous-dépôts : Oxford Book and Stationery Co. , 17 Park Street, C A L C U T T A 700016 ; Scindia House, N E W D E L H I IIOOOI ; Publications Section, Ministry of Education and Social Welfare, 511 C-Wing, Shastri Bhavan, N E W D E L H I IIOOOI.

INDONÉSIE : Bhratara Publishers and Booksellers, 29 Jl. Oto Iskandardinata III, JAKARTA. Gramedia Bookshop, Jl. Gadjah Mada 109, JAKARTA. Indira P . T . , Jl. Dr. Sam Ratulangi 37, JAKARTA P U S A T .

IRAK : McKenzie's Bookshop, Al-Rashid Street, B A G H D A D . IRAN : Commission nationale iranienne pour l'Unesco,

avenue Iranchahr Chomali n° 300, B.P. 1533, T É H É R A N . Kharazmie Publishing and Distribution Company, 28 Vessal Shirazi Street, Enghélab Avenue, P . O . Box 314/1486, T E H E R A N .

I R L A N D E : The Educational Company of Ireland Ltd, Ballymount Road, Walkinstown, D U B L I N 12.

ISLANDE : Snaebjörn Jonsson & Co. , H . F . , Hafnarstraeti 9, REYKJAVIK.

ISRAEL : A . B . C . Bookstore Ltd, P . O . Box 1283, 71 Al-lenby Road, T E L A V I V 61000.

ITALIE : L I C O S A (Librería Commissionaria Sansoni S.p.A.), via Lamarmora 45, casella postale 552, 50121 FIRENZE.

JAMAHTRIYA ARABE LIBYENNE : Agency for Development of

Publication and Distribution, P . O . Box 34-35, TRIPOLI. J A M A I Q U E : Sangster's Book Stores Ltd, P . O . Box 366,

101 Water Lane, K I N G S T O N . J A P O N : Eastern Book Service, Inc., Shuhwa Torano-

mon 3 Bldg, 23-6 Toranomon 3-chome, Minato-ku, T O K Y O 105.

JORDANIE : Jordan Distribution Agency, P . O . B . 375, A M M A N .

K E N Y A : East African Publishing House, P . O . Box 30571, N A I R O B I .

K O W E I T : The Kuwait Bookshop Co. Ltd, P . O . Box 2942, K U W A I T .

LESOTHO : Mazenod Book Centre, P.O. M A Z E N O D . LD3AN : Librairies Antoine A . Naufal et Frères, B.P. 656,

B E Y R O U T H .

LIBÉRIA : Cole and Yancy Bookshops Ltd, P . O . Box 286,

M O N R O V I A .

LIECHTENSTEIN : Eurocan Trust Reg., P . O . Box 5,

S C H A A N .

L U X E M B O U R G : Librairie Paul Brück, 22, Grand-Rue,

L U X E M B O U R G .

M A D A G A S C A R : Commission nationale de la République démocratique de Madagascar pour l'Unesco, B.P. 331, A N T A N A N A R I V O .

MALAISIE : Federal Publications Sdn. Bhd., Lot 8238 Jalan 222, Petaling Jaya, S E L A N G O R . University of Malaya Co-operative Bookshop, K U A L A L U M P U R 22-11.

M A L I : Librairie populaire du Mali, B.P. 28, B A M A K O . M A L T E : Sapienzas, 26 Republic Street, V A L L E T T A . M A R O C : Toutes les publications : Librairie « Aux belles

images », 281, avenue M o h a m m e d - V , R A B A T (CCP 68-74). « Le Courrier » seulement (pour les enseignants) : C o m ­mission nationale marocaine pour l'éducation, la science et la culture, 19, rue Oqba, B.P. 420, A G D A L - R A B A T (CCP 324-45)-

M A U R I C E : Nalanda Co. Ltd., 30, Bourbon Street, P O R T -L O U I S .

M A U R I T A N I E : G R A . L I . C O . M A . , 1, rue du Souk X , avenue Kennedy, N O U A K C H O T T .

M E X I Q U E : S A B S A , Insurgentes Sur, n.° 1032-401, M É X I C O 12 D . F . Librería « El Correo de la Unesco », Actipán 66, Colonia del Valle, M É X I C O 12 D . F .

M O N A C O : British Library, 30, boulevard des Moulins, M O N T E - C A R L O .

M O Z A M B I Q U E : Instituto Nacional do Livro e do Disco (INDL), avenida 24 de Julho 1921, r/c e i.° andar, M A P U T O .

N I C A R A G U A : Librería Cultural Nicaragüense, calle 15 de Septiembre y avenida Bolívar, apartado 807, M A N A G U A .

N I G E R : Librairie Mauclert, B.P. 868, N I A M E Y .

NIGERIA : The University Bookshop of Ife ; The Univer­sity Bookshop of Ibadan, P . O . Box 286, IBADAN ; The University Bookshop of Nsukka ; The University Book­shop of Lagos ; the Ahmadu Bello University Book­shop of Zaria.

N O R V È G E : Toutes les publications : Johan Grundt Tanum, Karl Johans gate 41/43, O S L O I. Universitets Bokhan-delen Universitetssentret, P . O . Box 307, B L I N D E R N O S L O 3.

N O U V E L L E - Z É L A N D E : Government Printing Office Book­shop : Retail Bookshop, 25 Rutland Street, Mail Orders, 85 Beach Road, Private Bag C . P . O . , A U C K L A N D ; Retail Ward Street, Mail Orders, P . O . Box 857, H A M I L T O N ; Retail, Cubacade World Trade Centre, Mulgrave Street (Head Office), Mail Orders, Private Bag, W E L L I N G T O N ; Retail, 159 Hereford Street, Mail Orders, Private Bag, C H R I S T C H U R C H ; Retail, Princes Street, Mail Orders, P . O . Box 1104, D U N E D I N .

O U G A N D A : Uganda Bookshop, P . O . Box 145, K A M P A L A .

PAKISTAN : Mirza Book Agency, 65 Shahrah Quaid-i-Azam, P . O . Box 729, L A H O R E - 3 .

P A N A M A : Agencia Internacional de Publicaciones S.A., apartado 2052, P A N A M Á I .

P A R A G U A Y : Agencia de Diarios y Revistas, Sra. Nelly de García Astillero, Pte. Franco n.° 580, A S U N C I Ó N .

P A Y S - B A S : Keesing, Boeken B . V . , Postbus 1118, 1000 B C A M S T E R D A M .

P É R O U : Editorial Losada Peruana, Jirón Contumaza 1050, apartado 472, L I M A .

PHILIPPINES : The Modern Book Co. , Inc., 926 Rizal Avenue, P . O . Box 632, M A N I L A 2800.

P O L O G N E : Ars Polona-Ruch, Krakowskie Przedmiescie 7, 00-068 W A R S Z A W A . ORPAN-Import, Palac Kul-tury, 00-901 W A R S Z A W A .

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P O R T O R I C O : Librería « Alma Mater », Cabrera 867, Rio Pediasj P U E R T O R I C O 00925.

P O R T U G A L : Dias & Andrade Ltda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70, LISBOA.

R É P U B L I Q U E ARABE SYRIENNE : Librairie Sayegh, Immeuble Diab, rue du Parlement, B.P. 704, D A M A S .

R É P U B L I Q U E D E C O R É E : Korean National Commission for Unesco, P . O . Box Central 64, S E O U L .

R É P U B L I Q U E D É M O C R A T I Q U E A L L E M A N D E : Librairies in­

ternationales ou Buchhaus Leipzig, Postfach 140, 701 LEIPZIG.

R É P U B L I Q U E DOMINICAINE : Librería Blasco, avenida Bo­lívar n.° 402, esq. Hermanos Deligne, S A N T O D O M I N G O .

R É P U B L I Q U E - U N I E D E T A N Z A N I E : Dar es Salaam Book­shop, P . O . Box 9030, D A R ES S A L A A M .

R É P U B L I Q U E - U N I E D U C A M E R O U N : Le Secrétaire général de la Commission nationale de la République-Unie du Cameroun pour l'Unesco, B.P. 1600, Y A O U N D E .

R H O D É S I E D U S U D : Textbook Sales (PVT) Ltd, 67 Union Avenue, SALISBURY.

R O U M A N I E : I L E X I M , Romlibri, Str. Biserica Amzei n° 5-7, P . O . B . 134-135, BucuRESTi. Abonnements aux périodiques : Rompresñlatelia, calea Victoriei nr. 29, BUCURESTI.

R O Y A U M E - U N I : H . M . Stationery Office, P . O . Box 569, L O N D O N , SEI 9 N H . Government bookshops : London, Belfast, Birmingham, Bristol, Cardiff, Edinburgh, Manchester.

S É N É G A L : Librairie Clairafrique, B.P. 2005, D A K A R ; Librairie « Le Sénégal », B.P. 1594, D A K A R .

SEYCHELLES : N e w Service Ltd, Kingstate House, P . O . Box 131, M A H É .

SIERRA L E O N E : Fourah Bayj Njala University and Sierra Leone Diocesan Bookshops, F R E E T O W N .

S I N G A P O U R : Federal Publications (S) Pté Ltd, N o . 1 N e w Industrial Road, off Upper Paya Lebar Road, SINGAPORE 19.

S O M A L I E : Modern Book Shop and General, P . O . Box 951, M O G A D I S C I O .

S O U D A N : Al Bashir Bookshop, P . O . Box 1118, K H A R T O U M . SRI L A N K A : Lake House Bookshop, Sir Chittampalam

Gardiner Mawata, P . O . Box 244, C O L O M B O 2.

S U E D E : Toutes les publications : A / B C . E . Fritzes Kungl. Howbokhandel, Regeringsgatan 12, Box 16356, S-103 27 S T O C K H O L M 16.

« Le Courrier » seulement : Svenska FN-Förbundet Skolgränd 2, Box 150 50, S-104 65 S T O C K H O L M .

Pour les périodiques seulement : Wennergren-Williams A B , Box 30004, S-104 25 S T O C K H O L M .

SUISSE : Europa Verlag, Rämistrasse 5, 8024 Z Ü R I C H ; Librairie Payot, 6, rue Grenus, 1211 G E N È V E II.

T C H É C O S L O V A Q U I E : S N T L , Spalena 51, P R A H A I (Exposi­tion permanente). Zahranícni literatura, 11 Soukenicka, PRAHA I. Pour la Slovaquie seulement : Alfa Verlag, Publishers, Hurbanovo nam. 6,893 31 BRASTISLAVA.

T H A Ï L A N D E : Nibondh and Co. Ltd, 40-42 Charoen Krung Road, Siyaeg Phaya Sri, P . O . Box 402, B A N G K O K . Suksapan Panit, Mansion 9, Rajdamnern Avenue, B A N G K O K . Suksit Siam Company, 1715 Rama IV Road, B A N G K O K .

T O G O : Librairie évangélique, B.P. 378, L O M É ; Librairie du Bon Pasteur, B.P. 1164, L O M É ; Librairie moderne, B.P. 777, L O M É .

T R I N I T É - E T - T O B A G O : National Commission for Unesco, 18 Alexandra Street, St. Clair, TRINIDAD W . I.

TUNISIE : Société tunisienne de diffusion, 5, avenue de Carthage, T U N I S .

T U R Q U I E : Has« Kitapevi A . S . , Istiklâl Caddesi n° 469, Posta Kutusu 219, Beyoglu, ISTANBUL.

U R S S : Mezhdunarodnaja Kniga, M O S K V A G-200. U R U G U A Y : Edilyr Uruguaya, S.A. Maldonado 1092,

M O N T E V I D E O .

V E N E Z U E L A : Librería del Este, avenida Francisco de Miranda 52, Edificio Galipán, apartado 60337, C A R A C A S . La Muralla Distribuciones S.A. , 4.a avenida entre 3.a y 4.a transversal, Quinta « Irenalis », Los Palos Grandes, C A R A C A S 106.

Y O U G O S L A V I E : Jugoslovenska Knjiga, Trg. Republike 5/8, P . O . B . 36,11-001, B E O G R A D ; Drzavna Zalozba Slovenije, Titova C . 25, P . O . B . 50-1,61-000 LJUBLJANA.

ZAÏRE : Librairie du CIDEP, B.P. 2307, K I N S H A S A I. Commission nationale zaïroise pour l'Unesco, Commis­sariat d'État chargé de l'éducation nationale, B.P. 32, K I N S H A S A .

B O N S D E LIVRES D E L ' U N E S C O

Utilisez les bons de livres de l'Unesco pour acheter des ouvrages et des périodiques de caractère éducatif, scientifique ou culturel. Pour tout renseignement complémentaire, veuillez vous adresser au Service des bons de l'Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris.

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O ù en sont les jeunes aujourd'hui ?

Sont-ils différents de leurs aînés de 68 ?

C o m m e n t réagissent-ils devant

la crise économique mondiale ?

la jeunesse des années

Face aux défis de l'histoire Les différents visages des jeunes - Leurs difficultés - Leurs aspirations:

en Afrique, Amérique latine, Amérique du Nord, Pays arabes, Asie du Sud-Est, Europe.

Les Presses de ('Unesco ^

LA JEUNESSE DES ANNEES 80 Veuillez m'adresser exemplalre(s)

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Voici les titres des ouvrages que l'Unesco a publiés depuis le mois de janvier 1981, dans le domaine de l'éducation :

Annuaire international de l'éducation, vol. XXXII, 1980

1980 266 p. 32 F

L'autogestion dans tes systèmes éducatifs

1980 54 p. 12 F

Bibliographie annotée sur la planification de l'éducation et le progrès technique

1980 176 p. 30 F

La construction d'écoles communautaires

1981 168 p. 45 F

L'éducateur et l'approche systémique

1981 228 p. 40 F

Études sur l'enseignement des mathématiques, vol. I

1981 140 p. 18 F

Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu : répercussion sur la planification

1980 91 p. 15 F

Tendances nouvelles de l'enseignement de l'économie familiale

1981 166 p. 24 F

Tendances nouvelles de l'enseignement intégré des sciences, vol. V

1981 225 p. 45 F

Le catalogue des publications de l'Unesco est disponible sur demande

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Bulletin d'abonnement P O U R vous A B O N N E R à l'édition anglaise, espagnole ou française de Perspectives, il vous suffit de remplir la formule ci-dessous et de l'envoyer par la poste, accompagnée d'un chèque ou d'un mandat dans votre monnaie nationale, à l'agent de vente pour votre pays dont l'adresse figure dans la liste donnée en fin de numéro (pour connaître le tarif de l'abonnement dans votre monnaie nationale, consultez l'agent de vente).

Vous pouvez également envoyer le bon de commande à l'Unesco, P U B / C , 7, place de Fontenoy, 75700 Paris (France), en y joignant la s o m m e correspondante sous forme de bons internationaux de livres Unesco,de mandat-poste international ou de chèque libellé en une monnaie convertible quelconque.

A l'agent de vente pour m o n pays (ou à l'Unesco, P U B / C , 7, place de Fontenoy, 75700 Paris, France) : Je désire souscrire un abonnement à Perspectives (4 numéros par an).

• Édition anglaise • 1 an : 56 F • Édition française • 2 ans : 90 F • Édition espagnole

Ci-joint la s o m m e de (frais de port inclus)

(Pour connaître le tarif de l'abonnement en monnaie locale, consultez l'agent de vente pour votre pays.)

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Dans les numéros précédents

Vol. X I , n° i, 1981

Rajammal P. Devadas L'éducation nutritionnelle Hilary Perratan U n e théorie de l'enseignement

à distance

POSITIONS/CONTROVERSES

Manzoor Ahmed La Banque mondiale et l'aide à l'éducation

PIÈCES POUR UN DOSSIER RÉFORMER L'ÉDUCATION : I. APPROCHES Richard Sack U n e typologie des réformes

de l'éducation Czeslaw Kupiciewicz Les réformes scolaires

aujourd'hui : tendances et débats Collectif IIPE La réforme de l'enseignement

à l'échelon local Robert McCaig Réforme de l'éducation :

la dimension humaine E. Ayotunde Yoloye Évaluer les réformes

TENDANCES ET CAS Mahfoudh Chouchane Le travail manuel à l'école

primaire, l'expérience tunisienne Youri Stolyarov L a création technique chez les

enfants d'âge scolaire

Vol. X I , n° 2 , 1981

Robin Burns Éducation pour le développement et éducation pour la paix

Youri Babansky L'école et l'explosion de l'information

POSITIONS/CONTROVERSES Hans N. Weiler Les objectifs de la planification

de l'éducation : réflexions supplémentaires George Psacharopoulos L'éducation planifiée

d'aujourd'hui : nouvelles réflexions

PIÈCES POUR UN DOSSIER : RÉFORMER L'ÉDUCATION : 2 . EXPÉRIENCES Sixten Marklund Suède : la mise en place de l'école

polyvalente

Andres Cardo Pérou : la réforme et le système éducatif nucléaire

Colette Senami Houeto Bénin : former des maîtres pour mettre en œuvre la réforme

Federico Carattoni Saint-Marin : la réforme de l'enseignement primaire

Minda C. Sutaria Philippines : l'évaluation continue des réformes en cours

David R. Evans Ghana, Indonésie : réformes de l'éducation non formelle au niveau communautaire

TENDANCES ET CAS René Ochs La coopération européenne en matière

d'éducation Pierre Tabatoni La conférence de Sofia : en marge

du rapport

Vol. X I , n° 3

Norman Henchey La recherche de la cohérence dans l'enseignement général

POSITIONS/CONTROVERSES Alberto Moneada Éducation et développement Milagros Fernández La Banque mondiale et le tiers

monde : propos d'un sceptique

PIÈCES POUR U N DOSSIER : LA RECHERCHE EN ÉDUCATION POUR LE DÉVELOPPEMENT Pablo Latapí Sur l'efficacité de la recherche en

éducation Jean-Pierre Vielle L'impact de la recherche sur le

changement en éducation Sheldon F. Shaeffer Accroître les capacités

nationales de recherche en éducation Kenneth King Dilemmes de l'aide à la recherche

en éducation aux pays en développement Miala Diambomba Recherche et assistance

extérieure : le point de vue du bénéficiaire Susanne Mowat La recherche et sa diffusion :

quatre exemples asiatiques Ernesto Schiefelbein Tendances de la recherche en

Amérique latine : « Seminario 80 » Errol L. Miller D e la recherche à l'action : la

politique linguistique en Jamaïque

TENDANCES ET CAS Sushmita Bannerji L'éducation des adultes en

Inde : une expérience au niveau du village