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Dominique Desjeux, anthropologue, professeur à la Sorbonne (Université Paris Descartes)
www.argonautes.fr
Paris le 29 septembre 2009
Incertitude et enjeux géopolitique de la crise : l’émergence d’une nouvelle consommation ?
Voitures chinoises « byd » leader de l’électrique et de l’hybride, 20 000€ batterie comprise. Byd n’est pas un constructeur de voiture mais de batterie
Janvier 2009
Se décentrer dans l’espace géopolitique Se décentrer en croisant les échelles d’observation
pour repérer les tendances lourdes et les signaux faibles pour comprendre les contraintes autant voir plus que les valeurs
Il faut sans cesses se décentrer que ce soit pour coopérer, négocier ou se confronter Souvent, il vaut mieux chercher de l’information à utiliser soi-même plutôt que chercher des idées toutes faites
Introduction : Comment lire le futur à partir de l’observation du présent
Au point de départ était le point de vue européen…
…puis le point de vue américain
(par Gérard Chaliand et Jean Pierre Rageau, Atlas Stratégique, Fayard,1983)
…et aujourd’hui le point de vue chinoisZhong guo, le pays du milieu
Un puzzleChinoispour enfant(2004)
Ce que l’on voit à une échelle disparaît à une autre échelle :exemple du climat
Echelle macro sociale
Echelle meso sociale
Échelle micro sociale
L’acteur apparaît ou disparaît en fonction des échellesL’individu n’est pas le centredu mondeIl n’y a pas de centre fixe :un problème, une opportunité,une source de changement peut venir de n’importe où
Échelle neurobiologique
Échelle micro individuelle
Méthode : se décentrer en changeantles échelles d’observation d’un problème
Les cinq grandes échelles d’observation de la consommation alimentaire
biologique
Micro-individuel
Micro-social
Meso-social
Macro-social
La géopolitiqueLa montée des classes moyennes urbainedans les BRICs, un changement structurelaussi important que la crise boursière et économique ou que Le choc alimentaire mondial
Le système d’action politico-économiquealimentaire en France et en Europeles groupes de pression de plus en plusimportant avec montée de l’arbitragedes tribunaux
Le système de gestion domestique de laconsommation
La consommation individuelle
Échelle des « cellules »
RESUME - Les grands changements dans les règles du jeu de la consommation
La montée de la grande consommation chez les classes moyennes dans les BRICs
Le déplacement des incertitudes internationales : matières premières, énergie, mobilité,
L’évolution de la structure des budgets des ménages en France
L’évolution des rapports de pouvoir entre consommateurs, entreprises et pouvoirs politiques en France
La montée des peurs liées à la consommation : la santé L’émergence d’une double préoccupation mondiale
la consommation économe les risques d’une crise de la consommation alimentaire
Une nouvelle ère de régulation de la consommation par les Etats paradoxalement sous l’impulsion de la Chine, pays à forte intervention étatique, du fait de son poids économique.
Paradoxalement le bas prix de la main d’œuvre asiatique a permis de maintenir pour une part le pouvoir d’achat des classes moyennes, notamment américaines, à travers la politique d’achat à bas prix de Wal-Mart. Comme la récession en faisant passer l’inflation de 3 à 0% à augmenter le pouvoir d’achat, ceci explique pour une part le peu de changement dans les pratiques de consommation entre octobre 2008 et juin 2009 Cependant Les Echos du 24/09 annonçait une baisse de la consommation en France de 1,2% en juillet et de 1% en aout
I - Montée des BRICs et changement de consommation de leurs classes moyennes
Les BRICs : Brésil, Russie, Inde, Chine
(IHT, JULY 10, 2004)
Les PIB en Trillions de $ en 2050
La nouvelle vague de grande consommation dans le monde
A une échelle macro-sociale on assiste à une mutation dans la demande mondiale de grande consommation, c’est celui du poids des nouvelles classes moyennes des BRICs.
C’est la troisième vague après celle des USA dans les années 1910/1920 celle de l’Europe de l’Ouest et du Japon dans les années
1945/1975) celle de la Chine et des BRICs depuis 1995.
Son effet le plus immédiat est la montée structurelle des prix agricoles depuis 8 ans avec le
pic de juillet/aout 2008 et donc une menace sur le pouvoir d’achat alimentaire des
classes moyennes occidentales d’un côté et la montée d’une crise alimentaire pour les urbains du tiers
monde notamment.
La permanence d’une incertitude sur la formation des prix agricoles : décembre 2008, la chute des prix agricoles
Cf. Le prix payé au producteur de lait, début 2008, à 380 euros pour 1000 litrescontre 210€ en mai 2009
La Chine est devenue la 3ème puissance économique mondiale en 2008 USA PIB de 13,8 trillions $
35,1 trillions $ prévus en 2050 Japon PIB de 4,4 trillions $ Chine PIB de 3,5 trillions $
pour 44,4 trillions $ prévus en 2050 France PIB de 2,5 trillions $ pour la France en
6ème position Rappel 1 : un trillion = un milliard de milliard de $. Rappel 2 : le PIB n’est pas forcément le meilleur indicateur
cf. le IDH (Indice de Développement Humain) calculé à partir de l’espérance de vie, du taux d’alphabétisation et du PIB par tête (cf. Libération du 15 09 2009) La France passe à la 11ème position en IDH
D’où l’émergence d’une nouvelle compétition mondiale
La Chine estime que l’accès aux ressources naturelles ne joue pas en sa faveur.
Elle est d’autant plus inquiète que le nombre des mouvements sociaux va en augmentant ils sont estimés à 120 000 en 2008 contre
47 000 en 2004 (Herald Tribune du 10/02/2009)
et que la croissance chinoise passe d’une croissance à 11,9% en 2007 à 6% ou 7% en 2009.
Associée à une montée du chômage en Chine
Cette chute de l’activité économique augmente le chômage qui est passé officiellement de 4% à 4,5% entre mi-2008 et fin 2008 (Les Echos du 24/11/08), surtout pour les migrants ruraux En avril 2009 on estime que sur 750 millions de
personnes en âge de travailler, la force de travail excédentaire à la campagne serait de 100 millions, soit plus de 10% (Courrier International du 7/04/09) Mais tous ces chiffres sont très approximatifs pour le
moment
Nouvelle consommation : compétition et opportunité
Par contre la classe moyenne (40% des actifs, en gros 300 M/h) a vu son niveau de vie largement s’améliorer.
D’après J.Y Carfantan (2009) citant McKinsey il y aurait en Chine : une classe moyenne supérieure de 105 M de consommateurs
avec un revenu de 4 800$ à 12 500$ et une classe moyenne inférieure de 190 M de nouveaux consommateur
avec un revenu de 3 000$ à 4 800$ Elle a changé son mode de vie par rapport
à la mobilité (plus d’achats de voiture) à l’habitat (décoration, bricolage et NTIC) à la cuisine (électroménager) à l’alimentation (plus de protéines)
plus de produits carnés et de produits laitiers (et de légumes suivant les cas), plus de sucre et d’huiles végétales
moins de produits traditionnels comme le riz et les produits à base de farine de blé ou à base de maïs, moins de tubercules
C’est une des grandes raisons de la nouvelle compétition internationale
C’est le lieu de développement de la grande distribution et de l’industries
La crise montre le lien entre consommation, marché et intervention de l’Etat Ceci explique pourquoi en 2009 le gouvernement
chinois a mis l’accent sur la consommation intérieure chinoise en
injectant autour de1MM de $ et sur un projet de mise en place d’un système d’assurance
sociale et de retraite pour libérer l’épargne en faveur de la consommation Comme aux USA aujourd’hui avec la réforme en cours du Health care Sans oublier les aides au secteur automobile qui sont très
démultiplicatrice (100% du rebond industriel en Allemagne et 50% en France Les Echos du 21/09/09)
Ceci montre le lien fort entre assurances sociales et consommation et donc de l’intervention de l’Etat de fait dans l’économie et le marché
Marché, Etat, acteurs sociaux et opérateurs économiques forment une système d’action dont les frontières d’intervention bougent sans cesse
Risque de crise alimentaire Incertitudes sur l’énergie et la mobilité
II - Le déplacement des incertitudes
La nouvelle consommation mondiale : tensions entre nouveaux mode de vie et limites des ressources
Ces changement de mode de vie et de consommation alimentaire entraine une demande indirecte plus forte de graines qui servent à nourrir les animaux pour produire la viande ou les produits lactés demandés par les classes moyennes.
Jean Yves Carfantan rappelle dans son livre Le Choc alimentaire mondial (2009), que
en 2040 il faudra nourrir 5,7 MM d’urbains qui demandent une alimentation diversifiée, plus riche en protéine, et ceci avec : moins de terres cultivables moins d’eau Des matières première ferreuses et non ferreuses pour les machines plus
rares et plus chères une énergie pour les intrants (et la circulation des biens) plus rare et plus
chère depuis les années 1990 même si la question du pic pétrolier reste débattue
(cf. IHT du 26 aout 2009) Rappel : toute la croissance de l’occident c’est faite grâce à une énergie fossile bon
marché, le charbon et le pétrole, et aux ressources de la chimie, de la fin du 18ème à la fin du 20ème siècle
Et donc avec des risques de manquer de matières premières
Peur de manquer et répartition inégales, structurent la compétition pour garantir la sécurité alimentaire
Autour de 4 grands enjeux : Accès à la terre Accès aux aliments pour tous à des prix
accessibles Concurrence avec les agrocarburants
(90% produits dans trois pôles) : canne à sucre au Brésil maïs aux USA Colza en Europe (soit 1,3% des surfaces
mobilisées pour la culture) La sécurité de la circulation des produits
La terre agricole un nouvel actif stratégique ? : les stratégies de délocalisation agricoleLe Monde du 15 avril 2009 (interview de Jean Yves Carfantan)
L’insécurité de la mobilité maritime qui conditionne la circulation des produits
Incertitude énergétique
En noir le pourcentage de dépendance au gaz Russe.Un quart du gaz européenvient de Russie
IHT, janvier 2009
A une échelle macro-sociale : transformation de la structure des dépenses au profit du logement et de la communication, notamment A une échelle méso-sociale : les nouveaux rapports de pouvoir entre politiques, groupes de pression et opérateurs économiques A une échelle micro-sociale et individuelle : la montée de la contestation par Internet et le web 2.0
III - Les changements de fond dans la consommation
1 - L’évolution de la structure des dépenses de consommation entre 1960 et 2006 (INSEE) : baisse de la consommation alimentaire.Le déplacement des dépenses contraintes liées aux nouveaux modes de vie
Produit alimentaire 27%
Baisse des produit alimentaire : 16%
Transport 10,9%
Biens et servicesdont restauration
Logement
Communication 0,6%
Education
Santé
Montée de : La mobilitéDes servicesDu logementDe la santé De la communication
Les changementsde mode de vie
17,2%
3,3%
Libération du 15 novembre 2007
Montée des dépenses contraintes : dépenses liées au logement
Libération du 15 novembre 2007
Monter de la consommation numérique : une nouvelle dépense contrainte liée au nouveau mode de vie
Dépense des ménagespour lesmédias et loisirs numériques8% en moyenne en 2008
La communicationcomptait pour 0,6%dans le budgetdes ménages en 1960
Les Echos 20 octobre 2008
2 - Les nouveaux pouvoirs des consommateurs
La montée depuis 40 ans du poids des groupes de pression de consommateur dans les instances politiques (UFC que choisir, Robin des toits, associations familiales, défense et protection animale)
L’émergence possible des class actions ou actions collectives
L’émergence de la consommation engagée (AMAP)
La montée du Web 2.0
Les antennes téléphoniques, le cancer, les ondes, les OGM, l’obésité : les thèmes où la demande d’Etat est la plus forteLa grippe A : risques mondial pour l’économie en cas de développement de la pandémie
IV - Les peurs pour la santé
Les peurs face aux cancers
Comment mesurer les effets du téléphone mobile en termes de santé pour trois tumeurs dont certaines sont bénignes Pour le moment l’enquête interphone menée sur une
dizaine de pays européens n’a pas donné de résultats probants du fait de la qualité moyenne de données, du faible nombre des personnes interrogées, et la faible fiabilité des réponse en déclaratif sur 10 ans en arrière (Cf Les Echos du 7/01/08)
neurinome acoustique tumeur bénigne (non cancéreuse) Méningiome : tumeur rare, pic vers 50 à 60 ans Gliomes : tumeur en général bénigne
Inquiétudes face à l’inconnu des risques sanitaires : remise en cause de l’expertise scientifique et raidissement du discours scientifique face au discours militant
Publication de l’enquête interphone qui montre que les résultats sont difficiles à interpréter
Les Echos [ 07/01/08
= 12 personnes
« Le risque relatif n’est jamais trèssupéreur à 1, c’est léger par rapport aux dangers du tabac ou de l’amiante qui dépassent 4 » Martine Hours, responsable de l’enquête Interphone
Risque de tension sur les objectifs de mise en place d’une consommation plus économe
Le Brésil comme la Chine et l’Inde sont en train de rentrer dans la société de consommation comme la France des années soixante et sont donc peu enclin à freiner leur production de CO2
(cf. le livre de Vance Packard de 1960, L’art du gaspillage, sur les USA)
IV - Le développement durable :
Un décideur est soumis à la contrainte du mouvement perpétuel du changement notamment à l’internationalAujourd’hui personne ne sait d’où peut venir un changement qui impactera son activité cf. la voiture bydD’où l’importance de suivre le shi, le cours des choses, qui permet d’observer et de choisir le bon moment du changement sans chercher à tout maîtriser à l’avance, à observer les signaux faibles, sans oublier les fortsEn période de grande incertitude, une approche « opportuniste » et incrémentale, par petites étapes, le shi, peut être plus efficace qu’une approche globale a priori
Merci pour votre attention
Conclusion : les incertitudes des sources du changement