echec des alliances stratégiques (1)

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1Master Recherche en Management Ecole Nationale de Commerce et de Gestion - Settat

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Echec des Alliances Internationales

Encadr par : Mme Rafiq

Ralis par : Salma Idrissi Boutaybi R 1202 Fatima Ezzahra SIRAGI R 1205 Ghita Benabdellah R 1206

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PLAN INTRODUCTION PARTIE 1 : LES ALLIANCES STRATEGIQUES : ASPECTS THEORIQUES1- DEFINITION DES ALLIANCES 2- TYPES DALLIANCES STRATEGIQUES 3- POURQUOI SALLIER ? 4- EVOLUTION DE LALLIANCE ET LES CONSEQUENCES STRATEGIQUES

PARTIE 2 : ECHEC DES ALLIANCES INTERNATIONALES1- CAUSES DECHEC DALLIANCES INTERNATIONALES 2- CAS PRATIQUES ILLUSTRANT LECHEC DES ALLIANCES INTERNATIONALES

PARTIE 3 : LE MANAGEMENT INTERCULTUREL POUR EVITER LECHEC DESALLIANCES INTERNATIONALES 1- LE MANAGEMENT INTERCULTUREL : DEFINITION

PAGE 3 PAGE 4 PAGE 5 PAGE 7 PAGE 12 PAGE 14 PAGE 19 PAGE 20 PAGE 22 PAGE 42 PAGE 43 PAGE 44 PAGE 54 PAGE 55

2- LE MANAGEMENT INTERCULTUREL : FACTEUR CLE DE REUSSITE DES ALLIANCESINTERNATIONALES

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE

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INTRODUCTIONLlment principal qui pousse les entreprises recourir aux alliances internationales est la concurrence svre dans le monde daffaires globalis. Les alliances internationales sont devenues un moyen datteindre une taille qui permet aux entreprises de faire face la rivalit sur le march et dassurer le dveloppement de leurs activits. Cette internationalisation est devenue donc une condition vitale pour assurer la comptitivit sur certains marchs. La russite de ces alliances nest pas toujours assure. Plusieurs chercheurs ont signal le risque lev dune fin prmature des alliances internationales pour diverses raisons, dont la plus importante est bien videmment les carts culturels qui peuvent exister entre les diffrents partenaires. Ces carts culturels peuvent, sils ne sont pas bien compris et bien grs, amener un chec de lalliance. Contrairement, ces mmes diffrences culturelles peuvent prsenter en elles-mmes une opportunit pour les partenaires. Llment cl qui dtermine de la russite ou de lchec dune alliance internationale est le Management interculturel. Dans ce rapport, nous allons commencer par prsenter les aspects thoriques des alliances, avant danalyser les causes de leur chec, et dmontrer comment le management interculturel peut tre un lment cl pour la russite des alliances internationales. Des illustrations pratiques relatives des cas rels des alliances internationales vont asseoir les propos thoriques avancs.

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LES ALLIANCES STRATEGIQUES ASPECTS THEORIQUES

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DEFINITION DES ALLIANCES STRATEGIQUES

Les alliances stratgiques sont dfinies par Dussauge et Garrette (1991, p 4) comme des associations entre plusieurs entreprises concurrentes, ou potentiellement concurrentes, qui choisissent de mener bien un projet ou une activit spcifique en coordonnant les comptences, moyens et ressources ncessaires plutt que de mettre en oeuvre ce projet ou activit de manire autonome, en affrontant seules la concurrence des autres firmes engages dans la mme activit, et de mettre en commun, de manire dfinitive et sur lensemble de leurs activits, la totalit des ressources dont elles disposent .

Cette voie de dveloppement va permettre aux entreprises de tirer parti de la combinaison de leurs propres ressources avec celles apportes par leur partenaire. Selon Dussauge et Garrette (1991), lalliance est donc dcrite comme une stratgie dont lobjectif est de mettre en commun des ressources appartenant des secteurs cls, de partager les bnfices en crant conjointement de la valeur. Par comparaison, Jolly (1993, p 73) souligne dans sa dfinition des alliances stratgiques limportance de gnrer une communaut dintrts et de partager les risques et les responsabilits. Cet auteur avance que les entreprises qui sallient sengagent dans une gestion conjointe et assument ensemble les risques dun projet, programme ou activit sinscrivant sur une priode donne, gnralement longue : les partenaires restent autonomes et juridiquement indpendants () ; ils mettent en commun, combinent ou changent des ressources ( actifs physiques, savoir-faire, moyens humains ) ; le premier moteur de leur alliance est lobtention de rsultats mutuellement avantageux ; il existe une communaut dintrt entre les membres de lalliance . En complment, Willcoks et Choi (1995) mettent plutt en lumire la cration et la maximisation de la valeur en dfinissant les alliances stratgiques comme des relations inter-organisationnelles de collaboration impliquant des initiatives prives et des ressources significatives de deux ou plusieurs organisations afin de crer, dajouter ou de maximiser conjointement

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de la valeur . Khanna et al (1998) dans leur dfinition des alliances stratgiques relvent limportance de la dimension apprentissage organisationnel bas sur le transfert mutuel des connaissances et comptences entre les partenaires. Lalliance stratgique est ds lors considre comme un moyen pour transfrer mutuellement les connaissances dun partenaire lautre, ce qui permet dadditionner et de combiner les comptences et les connaissances cls pour les exploiter dans des oprations communes .

De ces dfinitions, dcoule un ensemble daspects thoriques caractrisant les alliances stratgiques savoir : Les entreprises impliques dans les alliances stratgiques peuvent choisir de garder ou non leur indpendance juridique, Les entreprises concernes par le rapprochement appartiennent au mme secteur dactivit. Les partenaires peuvent tre concurrents ou potentiellement concurrents. Il y a vraisemblablement un partage des objectif(s) commun(s), des ressources impliques et des rsultats de la coopration (risques ou bnfices), en plus de la maximisation de la valeur partenariale base sur le transfert des comptences. Il y a une inscription dans un intervalle de temps plutt long (au minimum 3 ans) avec une certaine formalisation par un accord explicite et structur.

Ds lors, une dfinition gnrale des alliances peut tre construite partir des principaux caractres relevs par les spcialistes du domaine. Nous dfinissons lalliance stratgique comme un accord dengagement volontaire contract initialement par des entreprises juridiquement indpendantes, appartenant un mme secteur dactivit, qui se lancent dans le dveloppement dun projet commun en impliquant la mise

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en commun, lchange et lexploitation des ressources en vue de raliser ensemble un objectif conjoint de co-dveloppement de produit, de technologies ou de services et den partager les bnfices. La spcificit des alliances stratgiques se base essentiellement sur le partage et la combinaison des ressources complmentaires. Cest un moyen pour partager les risques et optimiser les connaissances et les comptences. Harrigan (1985) appelle le captage des ressources le mcanisme par lequel des connaissances, des comptences, et des technologies sont acquises en cooprant avec des partenaires dans une affaire commune. Ainsi, le transfert des ressources cls entre les partenaires se prsente comme le plus fort, argument capable de mettre en lumire lapport des alliances stratgiques et les diffrents enrichissements qui peuvent tre raliss. Ce transfert est atteint dune part, suite ladjonction de nouvelles comptences et techniques au patrimoine des actifs de chaque partenaire, et dautre part, par le partage des cots de transaction relatifs laccs une nouvelle technologie. Les alliances stratgiques savrent tre alors le rsultat dun ensemble de motivations et dobjectifs de diffrentes formes que les entreprises souhaitent absolument atteindre travers une forte implication dans cette option stratgique. Les alliances stratgiques sont considres comme un mode de dveloppement prsentant un intrt majeur et bases sur une logique de complmentarit de ressources tangibles et intangibles.

II- TYPES DALLIANCES STRATEGIQUESA premire lecture on pourrait penser que la coopration interentreprises est un phnomne relativement homogne. Or, il nen est rien, bien au contraire.

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Il apparait en fait que les alliances se rpartissent en plusieurs catgories nettement contrastes. A un premier niveau, il convient de distinguer les partenariats nous entre des entreprises nappartenant pas au mme secteur dactivit et qui ne sont donc pas directement concurrentes, des alliances entre firmes concurrentes qui posent des problmes spcifiques. A un deuxime niveau, on fait habituellement la distinction, au sein des partenariats entre firmes non concurrentes, entre les joint-ventures de multinationalisation, les partenariats verticaux, et les accords intersectoriels. Dans le domaine des alliances entre concurrents, aucune des classifications proposes jusquici napparat comme pleinement satisfaisante malgr la multiplication des tudes et des articles sur le sujet. Il semblerait mme que labondance de la littrature spcialise ait pour effet dentretenir la confusion. Cest pourquoi nous prsenterons un modle plus synthtique reposant sur le traitement dun large chantillon dalliances. Ce modle dmontre que les alliances stratgiques noues par les entreprises concurrentes se rpartissent en trois grands types : les alliances de co-intgration, les alliances de pseudo-concentration et les alliances complmentaires.

A- Partenariats entre firmes non concurrentes :Les partenariats entre firmes non concurrentes associent, par dfinition, des entreprises appartenant des secteurs dactivit diffrents. Cest un moyen pour les entreprises dtendre leur activit des domaines nouveaux correspondant justement lactivit de leur partenaire.

1- Les voies de dveloppement stratgique :On classe traditionnellement les voies de dveloppement stratgique en trois grandes catgories : Linternationalisation Lintgration verticale La diversification.

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Linternationalisation : cest un mouvement qui conduit lentreprise dvelopper ses activits dans de nouveaux marchs gographiques. Des entreprises telles que Procter & Gamble, Coca-Cola ou McDonald, aprs avoir acquis une position dominante ou forte sur leur march domestique aux Etats-Unis, ont entam avec le succs que lon connait un vaste mouvement dinternationalisation qui les a conduites tre dsormais prsentes dans la plupart des pays du monde. Lintgration verticale : un mouvement par lequel lentreprise stend vers des secteurs qui sont ceux de certains de ses fournisseurs ou de ses clients. Elle devient, par un tel mouvement, son propre fournisseur ou son propre client. En prenant le contrle de Hertz, le numro un mondial de la location automobile, Ford a acquis lun de ses clients potentiels et sest ainsi donn les moyens de matriser un dbouch important pour sa production. La diversification : correspond un dveloppement de lentreprise vers des secteurs nouveaux pour elle et nappartenant pas la filire conomique dans laquelle sinsre son activit de dpart. Certaines diversifications entranent lentreprise vers des secteurs sans lien avec ses activits dorigine, on parlera de diversification conglomrale. Alcatel-Alsthom, spcialis dans les tlcommunications et la construction lectrique, rachetant le magazine LExpress, correspond de telles diversifications conglomrales. Un autre type de diversification est la diversification lie soit par la technologie soit par le march.

2- Les joint-ventures de multinationalisation :Les joint-ventures de multinationalisation associent des entreprises originaires de pays diffrents. Elles constituent pour lentreprise trangre, une alternative la fois une implantation locale directe et une simple opration dexportation.

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3- Les partenariats verticaux :Les partenariats verticaux associent les entreprises oprant dans deux secteurs successifs au sein dune mme filire de production ; les entreprises partenaires sont donc, au en tout cas pourraient tre, fournisseur ou client lune de lautre. Elles constituent une alternative la fois de simples transactions entre fournisseurs et clients et une intgration verticale complte, et une forme verticale partielle puisque lentreprise ne sen remet pas entirement des fournisseurs (ou clients) extrieurs, dpartags par le march, pour sapprovisionner, mais ne tente pas non plus de devenir un producteur, et donc un concurrent, autonome dans le secteur dactivit de ses fournisseurs.

4- Les accords intersectoriels :Les accords intersectoriels sont des cooprations noues par des entreprises dont les activits relvent non seulement de secteurs diffrents, mais aussi de filires de production diffrentes. On assiste surtout la conclusion daccords intersectoriels quand lentreprise cherche tendre ses activits et lorsque lvolution de deux domaines dactivit distincts produit un phnomne de convergence technologique ou commerciale. En dfinitive, la plupart des accords intersectoriels sont conclus en raison des complmentarits existant entre les firmes partenaires, soit parce que lun des partenaires veut acqurir des comptences dtenues par lautre pour se diversifier, soit parce que lvolution des technologies et des marchs conduit combiner des comptences jusque-l dtenues sparment. Lobjectif est donc dexploiter des synergies techniques et commerciales.

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B- les alliances entre concurrents :Lexistence mme des alliances entre firmes concurrentes est un paradoxe : des concurrents devraient saffronter et non pas sallier. Ces alliances sont intrinsquement marques par lambigit de la relation qui stablit entre les entreprises allies, relation faite tout la fois de rivalit et de coopration.

1- Les alliances de co-intgration :Les alliances de co-intgration unissent les entreprises qui sassocient pour raliser des conomies dchelle sur un composant ou un stade isol de du processus de production. Ces lments communs sont ensuite incorpors des produits qui restent spcifiques chaque entreprise partenaire, et qui sont mme souvent directement concurrents sur le march. Volkswagen et Renault ont, par exemple, produit ensemble des botes de vitesse automatiques utilises ensuite par les deux constructeurs dans diffrents modles de leurs gammes respectives.

2- Les alliances de pseudo-concentration :Les alliances de pseudo-concentration associent les entreprises qui dveloppent, produisent et commercialisent un produit commun. Comme pour les alliances de co-intgration, les actifs et les comptences que les entreprises partenaires apportent au projet commun sont de nature similaire et lobjectif recherch est un objectif de taille. Mais, contrairement ces alliances de co-intgration, cest un seul et mme produit, commun tous les allis, qui est mis sur le march.

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3- Les alliances complmentaires :Les alliances complmentaires associent les entreprises qui contribuent au projet en collaboration avec des actifs et des comptences de nature diffrente. Le cas le plus frquent est celui o lune des entreprises a dvelopp un produit dont la commercialisation seffectue grce au rseau de lautre. Dans lautomobile, Ford commercialise aux Etats Unis des modles dvelopps par son alli Mazda, de mme que Chrysler distribue des modles Mitsubishi, et Genarl Motors des modles Suzuki ou Toyot. Pour que stablisse une alliance complmentaire, le produit amen par lun des alli, ou dvelopp par combinaison des diverses contributions de lensemble des allis, de doit pas tre directement concurrent des produits propres lun ou lautre des partenaires. Les alliances complmentaires sont le plus souvent noues entre deux entreprises seulement, elles associent en outre souvent des entreprises de tailles diffrentes. Elles sont limites gnralement aux activits commerciales ou incluent plus rarement des activits de production. Les alliances complmentaires sont frquentes dans lindustrie automobile et surtout dans le secteur des tlcommunications. De manire plus gnrale, les alliances complmentaires associent souvent des entreprises japonaises des entreprises amricaines ou europennes.

III- POURQUOI SALLIER ?Quand une alliance stratgique est cre, il est essentiel que les partenaires ne considrent pas la cration de lalliance comme lobjectif mme, mais comme un moyen facilitant la mise en uvre de leurs propres objectifs stratgiques. Le but dune alliance est alors de permettre aux partenaires daccomplir leurs objectifs stratgiques individuels, quils ne pourraient atteindre seuls, en runissant leurs capacits et ressources diffrentes.

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La question Pourquoi sallier revient dcrire les objectifs ainsi que les avantages que peuvent tirer les entreprises de la formation des alliances. Certaines alliances peuvent prsenter de nombreuses opportunits aux firmes dsireuses dacclrer leur croissance. Ces opportunits sont dautant plus importantes pour les firmes caractrises par certains handicaps dus leur manque de ressources ou leur petite taille, leur nouveaut sur le march Afin de comprendre les vritables motivations des alliances, il nous est ncessaire de ne pas rester limits aux avantages conomiques et financiers immdiats que peuvent tirer les partenaires des alliances, et de les dpasser en mettant le point galement sur les avantages immatriels. Les avantages qui peuvent inciter les entreprises peuvent tre rsums en ce qui suit: Laugmentation du Chiffre daffaires : Dans loptique dune multinationale, les partenariats tactiques permettent datteindre le Chiffre daffaires souhait lexport sur des marchs spcifiques. La pousse de linternationalisation : Les entreprises qui dcident de sallier avec une entreprise trangre tirent profit des opportunits sur les marchs internationaux pour raliser des conomies dchelle sans lesquelles elles ne seront plus comptitives. Lvolution de la technologie : La technologie augmente en complexit, et il est moins probable quune entreprise dtienne elle seule toutes les comptences et les ressources techniques. Une alliance permettra une entreprise probablement daccder des ressources stratgiques difficilement imitables ou transfrables. De mme, une entreprise doit faire face un rythme et une complexit de changement s technologiques croissants. Cela pousse les entreprises investir massivement et en permanence pour assurer leur comptitivit en Recherche et Dveloppement lchelle mondiale. Une alliance permet aux entreprises dactiver la Recherche et Dveloppement grce au partage des cots et des ressources.

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Laccs au march : Les entreprises doivent pratiquer de plus en plus un Marketing agressif lchelle globale pour gnrer des ventes suffisantes en volume et en Chiffre daffaires qui permettent de financer les cots de plus en plus levs de linnovation. Pour russir, les entreprises auront besoin dun rseau marketing international pour les produits/ services et cela est plus faisable si on passe par une alliance.

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La domination par les cots : Le fait de sallier avec une autre compagnie entrane la domination par les cots ce qui sera une arme trs comptitive durant les priodes de surcapacit. Grce lalliance, lentreprise va faire des conomies dchelle dus des parts de march importantes et va rduire ses cots de fabrication unitaires.

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Lacquisition du savoir-faire / Apprentissage : Dans une alliance, une entreprise pourra apprendre de lexprience de lautre entreprise. Laugmentation du rseau de distribution gographique : Une alliance procurera lentreprise un approvisionnement en produits plus important, ou lutilisation de ses ressources pour approvisionner un rseau de distribution ltranger.

IV- EVOLUTION DE LALLIANCE ET LES CONSEQUENCES STRATEGIQUESPour indiquer le succs dune alliance, il existe des indicateurs court ou moyen terme, tels que la qualit technique du service ou du produit, limpact de lalliance sur les cots, les profits de la coopration et la qualit de collaboration entre les quipes des partenaires.

Mais pour dterminer le succs potentiel dune alliance, il faut aussi prendre en compte lvolution de lalliance, les consquences stratgiques long terme de la coopration pour lentreprise ainsi que limpact sur la concurrence sur le march.

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Ainsi, cinq volutions principales menant une rorganisation ou la fin de lalliance :

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Fin naturelle : lalliance se termine naturellement quand les objectifs pour lesquels elle a t cre ont t atteints. Extension : lalliance est largie. Cest--dire les partenaires dcident de prolonger leur collaboration sur dautres gnrations du produit / service ou de ltendre sur de nouveaux produits ou projets.

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Fin prcoce : lalliance est termine par les partenaires avant que les objectifs initiaux aient t atteints. Continuation par un partenaire : le projet de lalliance est continu par un des partenaires, tandis que lautre partenaire quitte lalliance avant que des rsultats tangibles naient t atteints.

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Fusion/ Acquisition : lun des partenaires rachte lautre.

Quant aux consquences stratgiques des alliances sur la base des changements des capacits de chaque partenaire, il existe quatre possibilits :

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Acquisition de nouvelles capacits : quand lalliance est termine tous les partenaires ont acquis des nouvelles capacits et dvelopp des nouveaux produits ou sont entrs seul sur des nouveaux marchs.

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Spcialisation mutuelle : quand lalliance est termine tous les partenaires ont rduit leurs activits et ne produisent plus seuls certains produits ou nagissent plus dune faon autonome sur certains marchs.

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Appropriation unilatrale de capacits : a la fin dune alliance un partenaire a obtenu de nouvelles capacits et a tendu son assortiment de produits ou est entr sur de nouveaux marchs, tandis que lautre na pas profit de lalliance de la mme manire.

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Pas de consquence : le volume de capacits des partenaires reste inchang et aucun des partenaires na largi ou rduit ses activits la fin de lalliance.

Tout de mme, les alliances peuvent influencer la concurrence sur un march particulier de trois faons diffrentes : Augmentation de la diversit de produits concurrents : lalliance provoque une progression du nombre de produits concurrents offerts par les partenaires. Diminution de la diversit de produits concurrents : en raison de lalliance, les partenaires offrent moins de produits concurrents. Pas dimpact sur la diversit de produits concurrents : quand lalliance est termine, le nombre de produits concurrents sur le march reste inchang. Si lalliance constitue enfin un succs pour les partenaires, ceci dpend du fait que les entreprises auront atteint les objectifs quelles avaient dfini avant de cooprer. Ainsi, une alliance qui se termine naturellement , qui mne une appropriation unilatrale de comptences et qui intensifie la concurrence ne constitue pas de succs pour le partenaire qui avait lobjectif de racheter lautre partenaire et de diminuer la diversit de produits concurrents. Dussauge et Garrette montrent dans leur tude que lvolution de lalliance, ses consquences stratgiques et son impact sur la concurrence et le type dalliance sont lis. Ainsi, les alliances de co-intgration se terminent en gnrale naturellement ou prcocement en raison des problmes difficiles de management. Souvent, les conomies dchelle ne permettent pas de compenser la complicit et le cot supplmentaire de la gestion des

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projets ou des sites de production. De plus, la longue, les partenaires, divergent concernant la spcification des produits ou des services. Ces diffrences, peuvent devenir insurmontables et provoquer ainsi la terminaison de lalliance. En ce qui concerne les consquences des alliances de co-intgration ils ont constat quelles navaient ni un impact sur la stratgie long terme ni sur lintensit de la concurrence. Quant aux alliances de pseudo concentration, ltude montre une volution principale vers lextension. Ceci sexplique par trois facteurs : linvestissement lev ncessaire pour le dveloppement, le partage de risque, la fabrication et la distribution du produit commun constituant une barrire la sortie, lincapacit des partenaires lancer seul un produit similaire ainsi que la progression de lefficience de la collaboration et la diminution de la complicit et du cot la longue. La consquence stratgique de ce type dalliance tait surtout la spcialisation mutuelle, cest--dire chaque partenaire a dvelopp les capacits dans les domaines dont il tait responsable. Par consquent, les deux partenaires devenaient de plus en plus interdpendants. En gnral, les alliances de pseudo concentration avaient un impact sur la concurrence de telle faon que la diversit de produits concurrents diminuait, parce que plusieurs des concurrents existants ne produisaient quun seul produit en semble. Les alliances complmentaires voluaient principalement vers une extension ou la continuation avec un partenaire, parce que lun des partenaires avait dvelopp les capacits que lautre partenaire avait lorigine, et il na donc plus besoin de la coopration. Contrairement aux alliances de co-intgration et de pseudo concentration, la consquence stratgique principale des alliances complmentaires tait lappropriation unilatrale de comptences, cest--dire alors que lun des partenaires avait obtenu les capacits ncessaires pour largir ses activits, la position de lautre navait pas chang.

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En ce qui concerne limpact sur la concurrence, ce type dalliance entrainait, en gnral, une augmentation de la diversit de produits concurrents parce quil facilite lentre de nouveaux concurrents sur le march et parce quil augmente le nombre de produits offerts.

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CAUSES DECHEC DES ALLIANCES INTERNATIONALES1- Les carts culturels :

Lchec dune alliance peut tre d plusieurs facteurs, dont les principaux sont les suivants :

Cest un facteur dchec qui apparat le plus critique. Les risques de conflits dordre culturel peuvent rsulter des causes lies principalement : Des diffrences de style de management entre grandes et petites entreprises. Des diffrences entre les styles de management appropris des produits ou marchs selon le stade de leur cycle de vie ; Des diffrences de culture des affaires dun pays lautre (par exemple, entre les pays occidentaux et le Japon il y a une grande diffrence des styles de direction et des cultures dentreprises) ; Des diffrences entre les styles de management adopts par chacune des entreprises ; Des histoires des organisations ; Des visions (court terme vs long terme) ; Des comportements (formels et procduriers vs informels) Des modes de prise de dcision (intuitif vs raisonn, participatif vs individuel, rapide vs long) ; Des interprtations des informations ; Des mthodes de rsolution des conflits.

2- La divergence des objectifs long termeLorsquon cre une alliance, court terme, les entreprises ont des objectifs compatibles, mais long terme, leurs buts peuvent mener une collision frontale.

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3- Linfluence et le contrle :Selon la participation dune entreprise dans une autre il y aura un rapport de force dsquilibr. Avec 49% du capital, elle ne peut avoir que de linfluence. De mme, il faut dfinir clairement le leader puisque dans le cas contraire, cela pourrait tre une source de conflit. Il faut donc savoir se doter dune structure de direction efficace car sans elle, la coordination des efforts sera ralentie et les processus de dcision souffriront.

4- Le risque de confiance :Cela veut dire que la coopration entre deux entreprises est toujours accompagne par lincertitude concernant le comportement du partenaire. Est-ce quon peut faire confiance son partenaire ou pas, est-ce quil essayera dutiliser lalliance pour son propre bnfice ou estce quil travaille pour le bnfice commun ?

5- Linfluence du contexte de laccord :Si lalliance nest pas loption la meilleure (la plus efficiente, la moins risque, la plus cratrice de valeur) dans un contexte donn pour lun et lautre des partenaires, la tentation sera forte de recourir, trs rapidement ou ds que possible, une autre option, ce qui peut expliquer le caractre fragile de certaines alliances.

6- Linfluence des profils des parties prenantes :Des travaux suggrent que les alliances les plus performantes sont celles o les partenaires sont complmentaires et compatibles. Tout d'abord, il est important quune situation dinterdpendance des ressources et capacits existe car plus la dpendance mutuelle est forte, plus chaque partenaire redoute le conflit et cherche lviter ou le grer. Ensuite, il doit y avoir compatibilit au niveau des objectifs et des

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intrts (Parkhe, 1991).Dans le cas contraire, des conflits risquent dintervenir rapidement dans le management de lalliance. La rivalit ou la comptition entre allis est souvent considre comme source de conflits, drivant sur des dysfonctionnements de l'opration conjointe.

II- CAS PRATIQUES ILLUSTRANT DES ECHECS DES ALLIANCES INTERNATIONALES :A- lchec de lalliance Mahindra - Renault :Mi-avril, Renault annonce quil revend son partenaire indien Mahindra les 49% de la joint-venture cre pour commercialiser la Logan en Inde. Alors que Renault tablait sur 50 000 ventes par an, 2 900 vhicules ont t vendus au premier semestre 2009, soit trois fois moins quau premier semestre 2008 qui, dj, ne cadrait pas avec les prvisions du constructeur. La Logan, pourtant conue pour les pays mergents, ne se vend pas en Inde. Cest la fin dune aventure initie en 2005. Trois facteurs majeurs sont gnralement voqus pour expliquer cette contre-performance. Dabord, la conjoncture conomique. Si le partenariat avec Mahindra date de 2005, la commercialisation de la Logan a commenc en 2007, juste avant la crise de lautomne 2008. Certes, comme partout dans le monde, lInde a t affecte. Mais le march indien de lautomobile sen est rapidement remis avec une augmentation des ventes de 14,8% entre avril et septembre 2009 alors mme que la Logan voyait ses ventes baisser de 68% sur la mme priode. Ensuite, la Logan a fortement souffert dune mesure fiscale prise par le gouvernement indien en 2008. Cette nouvelle mesure pnalise les vhicules de plus de 4 m de long en les assujettissant une taxe de 24%. La Logan, qui mesure 4,25 m, a ainsi vu son prix exploser. Dsormais

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trop chre pour se positionner parmi les voitures low cost et trop petite pour prtendre rivaliser avec les vhicules dun standing suprieur, elle na plus vraiment sa place sur le march indien. Enfin, en janvier 2009, le groupe Tata dvoile la voiture la moins chre du monde, la Nano. Cest une rupture totale. Elle est commercialise 2 000 dollars dans sa version de base contre 8 000 dollars pour la Logan. Or, le march automobile indien est 80% constitu par des modles compacts, un segment en plein essor. Rappelons au passage que le prix de la Nano reprsente trois fois le salaire annuel dun employ indien de la classe moyenne. Ainsi, la Logan qui peut paratre low cost un Franais sapparente une voiture de grand luxe pour un Indien. Quand on considre ces trois facteurs, il semble bien que la Logan ntait pas adapte au march indien. Lerreur de Renault a t de croire que la Logan dont le succs dans nombre de pays mergents est indniable pouvait percer en Inde comme ailleurs. Or, sil y a bien une grande spcificit indienne, notamment en matire dautomobile, elle tient la ncessit de faire du local pour le local et non pas du global pour le local. Autrement dit, le march indien exige de profondment matriser la culture locale.

La Logan en Inde : une aberration culturelle :Le titre de cette seconde partie peut apparatre excessif, il ne lest pas du point de vue indien. Daprs le dictionnaire, aberration au sens propre et au sens tymologique signifie dviation, cart par rapport la norme attendue . La Logan scartait tellement de la ralit du march indien quelle en devenue trangre. A ce titre, nous verrons que la campagne promotionnelle qui a t conue pour le lancement de la Logan est tout fait symptomatique de ce dcrochage culturel.

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Un retour aux sources de la Logan simpose. Ce vhicule est construit par Dacia, une filiale de Renault depuis 1999, tel point que dans certains pays on parle de la Dacia Logan et non de la Renault Logan. Dacia est une entreprise roumaine qui traditionnellement produit des drivs de la gamme Renault. En 2004, le constructeur franais lance la Logan avec Dacia. Cest un grand succs en Roumanie, puis dans de nombreux pays mergents. Pourquoi un produit qui se vend au Maroc, en Russie, en Iran ou en Colombie se vend mal ou peu en Inde ? Dabord, on a vu que son positionnement posait problme : trop chre pour les pauvres, pas assez luxueuse pour les riches. En outre, si elle vise les classes moyennes, elle arrive trop en avance pour ce march encore embryonnaire en Inde. Ensuite, il ne faut pas ngliger un important facteur esthtique : le design de la Logan tait jug vieillot et dmod par les Indiens. La Logan nincarnait pas la modernit. En outre, un analyste indien, Chacko Philip, signale quau dbut du lancement de la Logan, il y a eu des problmes dadaptation au march indien. Dune part, la voiture a t vendue avec les contrles pour les clignotants gauche du volant, et non pas droite comme en Inde. Dautre part, le pare-brise ntait pas adapt la conduite gauche. Par ailleurs, la Logan, conue lorigine pour les marchs de lEurope de lEst, ntait pas reprsentative de limage de la France auprs des Indiens. Par rapport son prix, les Indiens sattendaient donc une voiture moins rudimentaire et plus novatrice. Or, lInde daujourdhui veut se donner une image moderne tout en conservant ses traditions. Aussi modeste soit-il, ou semble-t-il, un vhicule doit incarner ces deux dimensions. Il faut reconnatre que la Logan est passe compltement ct. En tmoigne la campagne publicitaire qui a accompagn son lancement. A vouloir tre trop moderne et trop ancre dans la culture globale, elle sest loigne de la modernit indienne et de la ralit locale.

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A tous points de vue, le clip de la campagne de lancement manque sa cible : 1. Rfrences culturelles : le cinma de Hollywood, mlange de James Bond et de Mission Impossible, ne parle pas aux Indiens, fiers de leur cinma national et de Bollywood. En p.239 de son rcent ouvrage Mainstream consacr aux industries culturelles, Frdric Martel rappelle que la part du cinma indien en Inde est de 90 95% tandis que la part du cinma amricain en Inde tourne autour de 5% 2. Musique et images : un rythme rapide, saccad, tout en nervosit, un paysage de dsert, des couleurs sombres, un personnage fminin agressif. Bref, autant dlments qui ne correspondent en rien lunivers de douceur, de chorgraphies somptueuses, de couleurs vives, doptimisme et de spiritualit, mais aussi de modernit et de russite conomique, qui se retrouve dans limaginaire indien. 3. Le message : ax essentiellement sur lespace de lhabitacle et la taille du vhicule. En illustrant une Logan sur la remorque dun camion puis filant en trombe sur une autoroute dserte, le message passe ct de la ralit indienne o il faut circuler au milieu dun trafic extrmement dense sur des routes sommaires. En outre, le clip met en scne des moyens hyper-technologiques pour mettre en vidence un lment somme toute sans rapport avec la technologie.

Fin de la Logan en Inde ?Face laccumulation de telles aberrations, Renault a donc dcid de jeter lponge, non sans renoncer au march indien. Alors que son partenariat avec Mahindra tait toujours actuel, Renault a entam des discussions avec le constructeur Bajaj pour dvelopper un modle ultra low cost (ULC) afin de concurrencer la Nano de Tata. Or, Mahindra a peu apprci cette initiative. En janvier 2008, Mahindra a annonc quil se retirait du projet de construction avec Renault dune usine Chennai.

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Il est certain que ces tensions avec Mahindra nont pas arrang les affaires de la Logan. Quant au projet ULC, il semble prendre du retard. Un article du Figaro voque un choc des cultures entre Bajaj, constructeur de motos et de trois roues, et Renault qui a tendance imposer ses mthodes carres et ses processus de qualit . Du coup, la commercialisation ne semble pas envisageable avant 2013. Or, le temps presse. Les acteurs qui se positionnent sur le march des vhicules compacts se multiplient: Ford, Hyundai, Honda, Toyota, sans oublier Suzuki, acteur historique sur le march indien. Toyota lance cette anne un modle baptis Etios conu spcialement pour le march indien. Ainsi, selon Kazuo Okamoto, le vice-prsident de Toyota : Ce nest pas une copie dun modle japonais ou europen. Etios est fabriqu uniquement pour les consommateurs indiens. La cl du march indien reste bien le local pour le local Enfin, on peut sinterroger sur Mahindra et son rle dans le partenariat avec Renault. En effet, si Renault a commis des erreurs par mconnaissance du contexte culturel local, pourquoi son partenaire ne la pas remis dans le droit chemin ? Ou bien serait-ce leffet de la fameuse et ternelle arrogance culturelle franaise? La question reste ouverte mme si lon ne peut exclure une absence de volont de la part de Renault dadapter son modle au march indien, notamment lorsque la norme fiscale des vhicules de plus de 4 mtres a grandement nui sa stratgie. Cest ce que laisse entendre le patron de Mahindra dans un entretien au journal The Australian : Mahindra Renault was selling 2000 Logans a month, and then the government penalised us tax-wise over the length of the car, Mr Mahindra told The Australian. Our competitor was able to do a quick trim of its design and got the car within the new length requirements, and that gave it a 12 per cent cost benefit. We couldnt do the lobotomy that they could. Renault has been reluctant to change the Logan design for a single market.

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Alors, est-ce la fin de la Logan en Inde ? Absolument pas. Mahindra a rachet les parts de Renault et entend bien continuer la commercialisation de la Logan sous son seul nom et son propre logo. Le patron de Mahindra annonce ainsi un rebranding de la Logan avec notamment les ajustements ncessaires pour passer sous la barre des 4 mtres de longueur, et ce sous dix-huit mois. Et si laccord avec Renault prvoit une exploitation de la nouvelle Logan avec des lments sous licence Renault, le patron de Mahindra envisage quant lui de produire terme des drivs de la Logan.

B- Lalliance Danone Wahaha : Chronique dune mort annonceEn 1996, le franais Danone et le chinois Wahaha nouent une alliance dans le domaine des boissons non alcoolises. Elle prend la forme d'une filiale commune, initialement dtenue 49% par Monsieur Zong, fondateur de Wahaha, et 51% par Jinjia Investments, une socit singapourienne dtenue 72% par Danone et 28% par la banque d'affaires asiatique Peregrine. En 1998, Danone rcupre les parts de Peregrine qui a fait faillite. Le contexte d'origine explique la cration de cette alliance. D'une part, les crdits bancaires en Chine taient rares au milieu de la dcennie 90, de sorte que Wahaha cherchait un partenaire tranger pour son dveloppement. D'autre part, le march chinois tait attrayant pour les firmes agroalimentaires occidentales, mais pas faciles d'accs, comme le prcise un haut responsable de Danone1: "les tentatives pour aborder, seuls, le march chinois, lanc ds1987 par Antoine Riboud, n'avaient pas t concluantes". La filiale commune (dnomme Wahaha Group) comprend un ensemble d'entits juridiques (dnommes filiales) diriges par Monsieur Zong jusqu' sa dmission en date du 6 juin 2007. Elle correspond un investissement initial de 60 millions de dollars pour Danone. Au

1

Le Monde du 5 juillet 2007

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31dcembre 2007, la valeur comptable des titres dtenus par Danone s'lve 334 millions d'euros2. En 2006, Wahaha tait la premire marque chinoise d'eau en bouteilles3 et assurait 8% des revenus mondiaux de Danone. Le 10 avril 2007, Danone publie un communiqu de presse o il "confirme tre en ngociation avec son partenaire chinois, Monsieur Zong, dans les boissons". Cette annonce est la premire d'une longue srie, concernant un conflit qui couve depuis plusieurs annes et qui oppose Danone son partenaire chinois Hangzhou Wahaha Group. Le groupe Danone "estime que les actionnaires minoritaires, avec dautres personnes qui leur sont lies, ont constitu de faon irrgulire de nombreuses socits produisant et commercialisant des produits similaires ou identiques ceux commercialiss par les Filiales, et utilisent de manire illgale les marques, distributeurs et fournisseurs de ces Filiales"4.D'aprs Danone, ils ont notamment viol le contrat de transfert de marque sign en 1996, en vertu duquel la proprit de toutes les marques Wahaha tait transfre la premire des Filiales5. En outre, selon la presse franaise, Monsieur Zong "a souvent impos ses idescontre l'avis des cadres franais, pourtant majoritaires dans les coentreprises. En 1998, il avait ainsi, contre l'avis ferme du groupe de Franck Riboud, cr son propre "Future Cola" pour concurrencer Pepsi et Coca en Chine. Jaloux du succs de certaines boissons lances par Danone avec d'autres partenaires chinois, il n'a pas non plus hsit lancer sous sa marque des produits concurrents"6. Par ailleurs, la suite de la baisse des ventes de Wahaha en 2006, les investigations de Danone lui ont permis de dcouvrir que "le quart des ventes de Wahaha est le fait de produits fabriqus par des socits extrieures au joint-venture et contrles par Zong En regardant de plus prs, on s'est aperu

Danone, document de rfrence 2007, p. 93 Danone, document de rfrence 2006 4 Danone, document de rfrence 2007 5 Danone, Document de rfrence 2007, p. 922 3

6Echos du 11/4/2007

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qu'une vingtaine d'usines tait dtenue par Zong ou ses proches via un rseau compliqu de socits crans bases dans les les Vierges7.Mais les dolances de Monsieur Zong sont aussi longues : Il reproche Danone de vouloir mettre la main sur leur coentreprise : " Danone dtient dj 51 % du joint-venture et cherche acqurir d'autres actifs de Wahaha prix rduit "8 L'entreprise franaise aurait " press le groupe chinois de lui cder une part des socits d'embouteillage travaillant exclusivement pour des marques de la co-entreprise franco-chinoise mais toujours dtenues exclusivement par Wahaha"9 Il considre que les accords initiaux, comportant engagement ne pas concurrencer les produits commercialiss par les joint-ventures et ne pas utiliser la marque Wahaha sans l'accord de Danone, ne sont pas justes, car ils restreignent la croissance de Wahaha tout en autorisant le groupe franais acqurir d'autres entreprises en Chine (Echos du10/4/2007). De fait, Danone ne s'est pas content de Wahaha pour se dvelopper en Chine.

Il n'a pas digr le rapprochement de Danone avec d'autres firmes chinoises, en particulier sa prise de contrle de Robust en 2000: "Danone a tent de limiter le dveloppement de Wahaha et l'a forc partager son savoir-faire avec Robust Danone a poursuivi ses aventures extraconjugales en prenant le contrle de quatre socits chinoises, dont une de jus de fruits, Huiyan, en 2006.10

7Le

Monde, 5/7/2007 Echos du 10/4/2007 9Les Echos du 11/4/2007 10Le Monde du 5/7/20078Les

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Il se plaint "de la gestion distance de Danone" : " Avec ses rencontres tous les trois mois et ses rapports de faisabilit ncessaires pour chaque investissement, le franais n'est pas en phase avec la cadence du march chinois, juge-t-il. Il faut ragir beaucoup plus vite aux opportunits , nous raconte Zong, qui les saisit, passant outre aux procdures trop lourdes. Il dit aujourd'hui qu'il a pris tous les risques"11 Il n'a pas apprci l'arrive de Monsieur Faber la tte de la division Asie-Pacifique de Danone, en remplacement de Simon Isral, en poste depuis 1996 : " Ag de 41 ans, l'ancien directeur financier de Danone est l'homme qui monte au sein du groupe. Ce financier au profil de jeune loup exaspre le patron de Wahaha. Simon connaissait l'Asie et notre culture. On pouvait discuter avec lui. Emmanuel Faber pourrait tre mon fils, et ne me respecte pas. J'ai commenc travailler 17 ans, il n'tait pas n , s'emporte Zong "12 Depuis avril 2007, l'affaire a volu en un conflit juridique rebondissements multiples. Au 1er Juillet 2007, les comptes de Wahaha ont t "dconsolids", Danone considrant quil tait plus en mesure dexercer son contrle sur Wahaha13. Fin mai 2008, Franck Riboud dclarait qu'il tait prt rompre ses liens avec la coentreprise, sous forme d'une sortie de son capital,que c'tait l'option privilgie.14 On retrouve, dans cette "chronique d'une mort annonce", le rle majeur des quatre facteurs de notre modlisation. Tout d'abord, les modalits initiales de l'accord, acceptables au dpart ont progressivement t considres comme lonines par le partenaire chinois, qui a fini par les violer. La littrature conomique suggre volontiers que l'opportunisme est la consquence de l'incompltude des contrats. Sans doute est-il possible de l'enrichir en introduisant la conjecture, comme l'exemple prsent le suggre, que l'opportunisme est aussi la consquence

11Le 12Le

Monde du 5/7/2007 Monde du 5/7/2007 13Danone, document de rfrence 2007 14Les Echos du 22/5/2008

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de clauses de dpart "lonines" qui "poussent au crime" les partenaires lss. Ensuite, le cas Danone-Wahaha corrobore l'hypothse du rle cl du pilotage et du profil des parties prenantes dans la dynamique de la relation. Avec le choix de Monsieur Zong comme pilote, les "ds taient pips" ds le dpart, le dcideur oprationnel tant la fois juge et partie. En outre, il semble, mais les donnes manquent ce niveau, qu'il n'y ait pas eu mise en place de mcanismes visant sonder, au cours du temps, les reprsentations mentales des acteurs cls de la coopration, qui auraient peut-tre permis d'identifier rapidement les insatisfactions mutuelles et de rechercher des solutions satisfaisantes pour tous (Blanchot, 2008, paratre). Le cas illustre aussi le rle dstabilisateur du changement des acteurs l'interface de la coopration, corroborant par la mme les travaux de Ring et Van de Ven. Ce type de changement marque une rupture dans la confiance interpersonnelle dont la reconstruction entre les nouveaux protagonistes n'est pas vidente compte tenu de leur diffrentiel d'exprience dans le projet concern. Par ailleurs, le choix de Monsieur Faber comme nouvelle interface n'tait pas des plus satisfaisants dans un contexte culturel o l'ge doit forcer le respect et o la jeunesse des interlocuteurs est un signal de peu d'intrt accord l'affaire. Enfin, le contexte, qui tait favorable une alliance au dpart, a volu et pousse davantage aujourd'hui des stratgies de cavalier seul. D'une part, Danone a acquis un savoir-faire important et une position significative en Chine. D'autre part, Wahaha est dsormais capable de "voler de ses propres ailes". En consquence, l'alliance n'est plus forcment l'option la meilleure. Mais le cot du dsengagement risque d'tre lev pour les deux partenaires. Sans doute une prise de contrle serait-elle une issue prfrable.

C- La rupture de lalliance IBM Apple :A fin 1992, la coopration entre IBM et Apple tait matrialise par un bouquet de quatre accords qui taient tous orients vers une activit de recherche et dveloppement conjointe. Les deux principaux acteurs, aprs s'tre opposs dans une concurrence frontale pendant une

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dcennie, avaient donc entrepris un rapprochement significatif en se positionnant d'emble trs en amont du march sur des innovations d'impulsion. Le premier accord, Enterprise Network Initiative, avait pour objectif d'amliorer l'interoprabilit entre les solutions proposes par les deux constructeurs, notamment dans le domaine des rseaux locaux : la connectivit et l'intgration matrielle (et logicielle) supposait en effet le partage d'informations et le dveloppement d'interfaces. Le second, l'accord Power PC, intgrait un troisime partenaire, Motorola, et stait donn pour mission le dveloppement d'une nouvelle ligne de microprocesseurs Risc hautes performances, fonds sur les technologies IBM et Motorola, lequel participe au capital de la joint-venture hauteur de 15%. Le troisime, Kaleida, se prsentait galement sous la forme d'une joint-venture et tait orient vers le dveloppement de technologies logicielles destines au march des ordinateurs multimdias. Enfin, le quatrime, Taligent, tait une joint-venture dtenue parts gales par IBM et Apple qui tait charge du dveloppement d'un systme d'exploitation orient objet, destin quiper la future gnration d'ordinateurs. L'accord visait galement contrecarrer les positions dominantes de Microsoft dans le domaine des systmes dexploitation. Les deux fondateurs ont t rejoints, en 1993, par Hewlett-Packard qui entrait au capital de Taligent Inc. hauteur de 15%. C'est ce dernier accord dont on prsente la dynamique. Malgr un investissement de 50 millions de dollars, cette joint-venture fut mise en stand by ds fin 1995 et dfinitivement dissoute en septembre 1997 sans atteindre les objectifs fixs. Lexplication de cet chec relve de deux lments principaux. D'une part, lalliance apparait inadapte aux objectifs viss. En effet, si lon fait abstraction du rle marginal jou par Hewlett Packard, il est clair que lalliance ne constituait pas la bonne solution pour les deux leaders de la micro-informatique. Chaque partenaire avait son propre systme dexploitation (OS/2 pour IBM et System 7 pour Apple), des systmes propritaires incompatibles entre eux mais aussi avec le standard du march, MSDOS puis Windows de Microsoft. Le systme dexploitation projet devait donc entrer en comptition avec le systme commercialis par Microsoft mais galement avec ceux dApple et dIBM, et risquait donc de cannibaliser les produits des parents de la joint-venture. Dailleurs il sest avr que les deux allis nont pas dtach leurs meilleurs chercheurs au sein de lentit. Un

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dveloppement en interne aurait certainement produit de meilleurs rsultats et vit des cots bureaucratiques levs. D'autre part, malgr leur forte imbrication lie la signature de quatre accords majeurs, les partenaires ne sont pas parvenus dpasser leur positionnement de concurrents directs et leurs cultures dentreprise (organisationnelle et professionnelle) diffrentes. Ils nont pu surmonter une tension non dissipe et de relles dissensions sont apparues conduisant un management erratique de la joint-venture. Le profil des parties prenantes et leur trajectoire passe taient bien trop similaires. La rupture fut lourde de consquences pour les partenaires qui se sparrent non sans heurts et affaiblis. Leurs positions respectives staient dgrades par rapport au concurrent Microsoft et cet chec sonna le glas des autres volets de ce quadruple accord (effet domino).

D- Lhistoire de lchec dune alliance: Marjane / Auchan :Le contrat de partenariat : une gouvernance paritaire pour construire un capital relationnelEn novembre 2000, lONA et Auchan signe un partenariat stratgique ayant pour but de dvelopper le secteur de la grande distribution au Maroc travers le dveloppement de la chane dhypermarchs Marjane et la cration dune chane de supermarchs Acima. Aprs une priode de ngociation, portant notamment sur lactionnariat de la structure commune (Auchan souhaitant une structure actionnariale paritaire de 50% pour chaque groupe alors que lONA souhaitait conserver la majorit) et son mode de gouvernance, les deux groupes finissent par saccorder sur les termes du contrat. Laccord sign entre les deux groupes prvoit la cession de 49% des parts de Coforma (filiale de lONA regroupant lensemble des hypermarchs Marjane qui deviendra par la suite la Holding Marjane) Auchan. La cration dune chaine de supermarchs, travers lenseigne Acima, et de la Holding Acima dtenue 49% par Auchan et 51% par lONA.

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En termes de gouvernance, laccord prvoit la mise en place dans chacune des deux entreprises dun conseil de surveillance et dun directoire compos de faon paritaire de deux membres, lun issu de lONA et lautre issu dAuchan. Un partage des responsabilits voulu par Auchan, en change dune rpartition du capital favorable lONA et pour garantir un certain contrle des entits communes malgr sa prsence minoritaire dans la structure actionnariale. Cette rpartition paritaire du contrle expliquerait dailleurs le montant de la transaction paye par Auchan qui, selon certains observateurs relays par la presse, a achet un traitement prfrentiel pour consolider son business au Maroc . Ces accords sur le systme de gouvernance de la relation refltent le double rle de ce dernier. Dune part, la rpartition paritaire des responsabilits traduit la recherche du consensus dans la prise de dcision, aucune des deux parties ne pouvant orienter elle seule la marche de la relation, ce qui amnent les partenaires changer et dialoguer autour de la prise de dcision. Dautre part, on retrouve la recherche dquit ou dgalit dans le partage de la valeur propose par Jap (2001). La rpartition des droits dans les organes de la joint-venture se traduisent en principe par un contrle conjoint des deux partenaires et donc une consolidation des comptes des deux enseignes par intgration proportionnelle dans les comptes de lONA et dAuchan. Sur le plan managrial, les termes de laccord entre Auchan et lONA partagent galement les rles entre les deux partenaires dans le dveloppement de Marjane et dAcima. LONA prend en charge lexpansion, les finances ou encore les relations publiques, pendant que Auchan prend en charge le Cur de mtier centrale dachats, logistique, magasins, politique commercialeChacun est ainsi en charge des responsabilits sur lesquelles il apporte des ressources stratgiques. Ainsi lONA fort de sa capacit financire, de sa connaissance du march local et de son rseau apporte des lments qui faciliteront le dveloppement des deux enseignes. Auchan quant lui apporte lalliance une exprience et une expertise de plus de 30 ans dans la grande distribution.

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En janvier 2001, lONA et Auchan signent Tanger, avec la prsence des prsidents des deux groupes et du premier ministre marocain, une convention dinvestissement avec ltat portant sur un investissement de 1,7 milliards de Dhs sur 5 ans, avec pour objectif la cration de 8 hypermarchs et 25 supermarchs, gnrant ainsi prs de 3500 emplois.

2001 / 2005 priode de croissance : les partenaires se focalisent sur la cration de valeur communeLes premires annes de la collaboration entre Auchan et lONA semblent marques par une certaine russite. Les objectifs sont atteints et les partenaires semblent satisfaits comme lindique Auchan dans un communiqu de presse du 23 janvier 2007 le partenariat a bien fonctionn jusque fin 2005. Les deux socits se sont rapidement dveloppes, conformment au plan adopt par les deux actionnaires en 2001 avec un chiffre daffaires qui a t multipli par 4 depuis fin 2000 . Durant la priode 2001/2005 les deux partenaires sattachent au dveloppement des deux enseignes Marjane et Acima en privilgiant le dveloppement en termes de taille et doffre, la recherche de synergies entre les deux enseignes et le dveloppement des ressources humaines. Ce dveloppement saccompagne dun accroissement de loffre des deux enseignes. Ainsi outre lapprovisionnement en produit de marques auprs de fournisseurs locaux avec lesquels des partenariats sont dvelopps, des achats sont raliss auprs de la centrale dachat Auchan international indique Nourreddine Benmakhlouf (prsident dAcima en2002, dans une interview). Les deux enseignes dveloppent par ailleurs une gamme de produits premier prix en partenariats avec des fournisseurs locaux et commercialisent les gammes de Marques De Distributeur (MDD) Auchan et Pouce du partenaire franais. Enfin, les deux enseignes dveloppent des synergies de cots, particulirement sur loptimisation de la Supply Chain. Ainsi la centrale dachat Marjane ngocie auprs des fournisseurs, les achats des deux enseignes et fait jouer pleinement leffet taille grasse la croissance rapide de

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Marjane et Acima. Toujours dans un souci dconomie, des entrepts communs sont mis en place dans les villes o les deux enseignes sont prsentes, rduisant le cot tout en amliorant la ractivit et la qualit notamment sur les produits prissables. Cette premire phase de la relation, confirme bien la capacit des alliances gnrer de la valeur. En apportant des ressources diffrentes mais complmentaires, lONA et Auchan ont russi dvelopper rapidement deux enseignes de distribution dont le succs ne se dment toujours pas.

Depuis 2005, multiplication des dsaccords entre les partenaires : la recherche de spill over lorigine des conflitsLanne 2005 marque un tournant dans lalliance Auchan ONA, avec une dgradation du climat de coopration entre les deux groupes et la multiplication des dsaccords dont les presses conomiques franaises et marocaines font tat, relayant les communiqus de presse des deux partenaires qui se jettent mutuellement la responsabilit de la dgradation des rapports. Plusieurs lments sont alors soulevs. Le premier point de dsaccords tient la diffrence de vision entre les deux partenaires sur le rythme de dveloppement des enseignes. Les dirigeants de la holding marocaine reprochent leur partenaire franais de freiner le rythme douverture de nouveaux points de vente en rejetant les projets douvertures proposs. Les responsables de lONA considrent quAuchan a montr depuis 2004 un intrt particulier pour un dveloppement en Europe et surtout en Europe de lEst ainsi quen Asie, au dtriment de son dveloppement au Maroc. Une accusation rejete par les dirigeants dAuchan et notamment par Christophe Dubrulle prsident de la branche hypermarchs dAuchan qui rappelle dans une interview aux Echos (publie le 31 janvier 2007) qu propos du rythme de dveloppement des affaires au Maroc, le reprsentant de lONA chez Marjane na donn son accord que pour un projet dhypermarch, considrant lui aussi quil fallait faire des tudes complmentaires.

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Pour lONA, la croissance de la concurrence dans le secteur, avec larriv et le dveloppement de nouvelles enseignes (Aswak Assalam du groupe Ynna en partenariat avec Casino, Label Vie) dans un march trs fort potentiel (la grande distribution ne reprsentait que 8% des achats alimentaires des mnages marocains estims entre 140 et 150 milliards de DHS) impose un rythme de croissance rapide pour gagner des parts de march et y rester leader. Les dirigeants de lONA navaient cess de renouveler leur intrt pour une croissance rapide du rseau des deux enseignes, comme le dclare Sad Bendidi prsident de lONA (dans une interview aux Echos en janvier 2007) nous devons entrer dans une phase plus active et dynamique avec pour ambition louverture dun Marjane tous les trimestres et dun Acima tous les mois lhorizon 2010. Ce premier dsaccord est rvlateur des diffrences dagenda entre les partenaires de lalliance. Le dsaccord sur les ouvertures ne se limite pas au rythme de celles-ci mais concerne galement la localisation des nouveaux magasins des deux enseignes. LONA dfendait loption que limplantation des nouveaux magasins Marjane et Acima sintgre dans la logique de citoyennet de lentreprise (rappelons que lONA est le premier groupe prive du Maroc), en simplantant dans des rgions comme Ttouan pour aider les pouvoirs publics combattre la contrebande qui y rgne du fait de sa proximit avec lenclave espagnole Ceuta. Le deuxime point de dsaccord est li aux divergences de visions entre Auchan et lONA concernant le dveloppement des affaires des deux enseignes. Plus particulirement, lONA souhaitait que les synergies entre Marjane, Acima et ses autres filiales soient privilgies. Le dveloppement de synergies internes au groupe est en effet un axe majeur de son organisation, qui sera concrtis en 2005 par la cration dune direction du dveloppement et des synergies. LONA cherche donc exploiter des synergies de cot et de revenus en favorisant les partenariats entre les filiales du groupe et en renforant lesprit dappartenance . Cette politique se traduit dans le cas de Marjane et Acima, par une volont de lONA de favoriser les approvisionnements des deux enseignes auprs des entits du groupe, particulirement sur les produits alimentaires. Une stratgie dapprovisionnement vue comme incompatible avec la volont dAuchan de dvelopper sa centrale dachat international et de favoriser

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lapprovisionnement de ses enseignes auprs de cette dernire. Cette stratgie de synergie, cest aussi traduit par le retrait en juillet 2005 de la carte de fidlit que grait Cetelem pour le compte de Marjane et son transfert Wafasalaf (filiale dAttijari wafabank) alors mme que Auchan dveloppe une activit bancaire travers banque Accord, qui noue des partenariats avec des enseignes dans 9 pays o Auchan est prsent. Cette stratgie sest enfin aussi traduite par la vente chez Marjane des packs Wana (filiale tlphonie de lONA). Un autre sujet de discorde entre les deux partenaires, porte sur le rle des cadres franais dAuchan expatris au Maroc pour la gestion des enseignes. Ils sont en effet une douzaine de cadres expatris par Auchan, pour piloter les aspects oprationnels du dveloppement de Marjane et Acima. Les responsables de lONA reprochent ses cadres expatris, non seulement de grever les charges courantes des deux enseignes en leur cotant trs cher, mais surtout de limiter le rle des cadres marocains avec un partage rduit des responsabilits, limitant de fait les transferts de savoir-faire et de comptences et donc lapprentissage des cadres marocains ainsi que leur intgration dans le top management des deux enseignes. Les dirigeants de lONA estiment dailleurs que les transferts de comptences, mis en avant pour justifier lalliance, nont pas t la hauteur des attentes ct marocain. Ils vont dailleurs finir par monter leur propre filire de formation de cadres aux mtiers de la grande distribution en fvrier 2007, indpendamment dAuchan, dans le cadre de lONA universit en partenariat avec plusieurs grandes coles. La question des transferts de connaissances et de lapprentissage est la fois lune des explications majeures de la naissance des alliances et lune des sources importantes de conflits dans celles-ci. Dans le cas de lalliance ONA /Auchan, il nest pas exclure que le groupe franais ait cherch protger les comptences cls quil dtient dans la gestion des enseignes de grandes distribution en limitant leur transferts aux cadres marocains. La protection de ces comptences est dailleurs cruciale pour Auchan dans la mesure o elles constituent son apport majeur la relation. Dautant plus que, depuis 2004 lONA dispose de capacits financires importantes qui lui permettraient de dvelopper seul Marjane et Acima, sil maitrisait les comptences sources davantages comptitifs dans la grande distribution.

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Les divergences autour du rythme de croissance, des options stratgiques et de lapprentissage traduisent des conflits cognitifs entre les responsables des deux groupes partenaires. En effet comme le proposent Charreaux et Wirtz (2006), des conflits cognitifs peuvent natre dans des groupes dcisionnels, non pas du fait dintrts objectivement conflictuels, mais du fait de schmas mentaux divergents. Durant cette priode, lONA / Auchan ont des visions divergentes de la relation et de ces objectifs. Des visions qui ont dailleurs volu depuis le dbut du partenariat. Dun ct lONA attend de la relation, non seulement de consolid sa position dans la grande distribution mais aussi le moyen de dvelopper les autres activits de son portefeuille. De lautre Auchan qui tourne son regard vers lEst (Europe de lEst et Asie),rduit ses attentes dans ses co-filiales marocaines comme porte dentre pour lAfrique. Les conflits cognitifs apparaissent aussi dans les rapports lenvironnement institutionnel marocain quentretiennent les deux groupes et les orientations stratgiques qui en dcoulent. Ces conflits se cristallisent au sein dun conflit plus profond entre les deux partenaires, celui du partage des responsabilits dans la conduite stratgique et oprationnelle des deux enseignes et donc celui de la gouvernance de la relation.

2006 annonce le dbut de la rupture entre les deux partenaires : conflit sur la gouvernance et dconstruction du capital relationnelLors du conseil de surveillance de Marjane et Acima, du 2 mars 2006, lONA va mettre excution son souhait daccroitre sa reprsentativit dans les organes de direction des deux enseignes de faon reflter sa majorit dans lactionnariat. En effet, lors de ce conseil de surveillance, lONA a fait voter une majorit simple et contre lavis dAuchan, une rsolution prvoyant le passage de 2 3 le nombre des membres des directoires des deux enseignes. LONA prenait ainsi le contrle des structures communes avec Auchan, en nommant un troisime membre du directoire issu de ses rangs, rompant par la mme occasion avec le principe de parit qui prvalait jusqu' prsent entre les deux partenaires.

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Cette prise de contrle de lONA marque un tournant dans la relation deux niveaux. En prenant le contrle de lorgane de gouvernance des deux enseignes, lONA cherche prendre le contrle des processus de cration et de partage de la valeur au sein de lalliance. En effet, lONA se trouve de fait en position de dcider seul des orientations stratgiques ayant une consquence direct sur le dveloppement des enseignes (donc sur la cration de valeur) et les retombs (spill-over) de lalliance dont il pourra bnficier (donc sur lappropriation de la valeur). Toutefois, cette prise de contrle marque un point darrt la construction du capital relationnel travers la rupture de la confiance entre le partenaire. Cette confiance sera dautant plus difficile reconstruire que la parit dans les organes de direction qui obligeait les partenaires dialoguer pour prendre les dcisions stratgique nest plus dactualit et que les dirigeants des deux groupes vont multiplier les signes danimosit les uns envers les autres. Ainsi aprs avoir accus les dirigeants de lONA, qui ont chang trois fois depuis 2000, de tenter un coup de force totalement contraire la fois lesprit et la lettre des accords entre les parties , Auchan demande que le conflit avec lONA fasse lobjet de la procdure darbitrage prvue par le protocole daccord. Le 22 janvier 2007, le tribunal arbitral rend une dcision qualifi par Auchan dextrmement surprenante et dfavorable au groupe franais . Le tribunal arbitral valide la dcision du conseil de surveillance de mars 2006 et autorise donc lONA nommer un troisime membre aux directoires de Marjane et Acima. Cette sentence du tribunal arbitral ne va pas apaiser les tensions entre les deux partenaires, bien au contraire. Dans une raction par communiqu de presse (23 janvier 2007), le prsident du directoire du groupe Auchan souffle le chaud et le froid en estimant que les conclusions du tribunal arbitral sont contraire lesprit des accords avec lONA et toutes les pratiques du droit international sans pour autant oublier de rappeler la dtermination dAuchan rester au Maroc, et de continuer dvelopper avec lONA leurs co-entreprises pour le long terme , ainsi que son attachement au Maroc, sa culture et ses habitants quAuchan a appris connaitre depuis plus de 6 ans . De

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son ct, la direction de lONA ragit positivement aux conclusions du tribunal arbitral, en estimant que le temps est venu dacclrer le rythme de croissance de Marjane et dAcima en dclarant par son prsident que leurs objectifs restent ambitieux et quils souhaitent poursuivre la collaboration avec Auchan pour autant que ce partenaire respecte les ambitions lgitimes en matire de dveloppement de lONA . Une position que Christophe Dubrulle ne manque pas de critiquer dans une interview aux Echos (dat du 31 janvier 2007), en qualifiant la position du PDG de lONA de consternante et pas de nature favoriser lentreprise commune entre lONA et Auchan, tout en rappelant qu Auchan ne sera pas un sleeping partner et quil continuera peser sur lavenir de Marjane et Acima notamment sur les choix dinvestissement, et en raffirmant lintention dAuchan de rester durablement au Maroc.

Fin de la relation : ngociation de la sortieCet pisode marque une relle rupture entre les deux partenaires. Les conseils de surveillance prvus dans les mois suivants ne cesseront dtre reports. Le 31 aot 2007, alors que les presses conomiques des deux cts de la mditerrane, annoncent depuis plusieurs jours la sparation des deux partenaires, lONA et Auchan publient un communiqu de presse commun o ils annoncent quils dcident dun commun accord de mettre fin leur partenariat initi en 2000 ainsi que la cession de 49% des parts dAuchan dans Marjane et Acima lONA pour un montant de 3, 27 milliards de DHS (soit 291 millions deuros). Le porte-parole dAuchan justifiera cette dcision par le fait que Auchan et lONA ne pouvaient plus travailler ensemble et que dans la mesure o la logique dAuchan est de grer ou de cogrer ses activits et que cela ntait plus possible, il ny avait plus aucune raison de rester . Le porte-parole dAuchan prcisera enfin que cette cession a t ralise un prix satisfaisant qui gnrerait une plus-value sur les comptes dAuchan en 2007 .

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Partie

LE MANAGEMENT INTERCULTURELPOUR EVITER LECHEC DES ALLIANCES INTERNATIONALES

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I-

LE MANAGEMENT INTERCULTUREL : DEFINITION :

Le dveloppement des firmes implique de repenser la question des cultures et des modes de management. Le dveloppement des changes et la globalisation conomique confrontent plus que jamais les entreprises au problme de la rencontre avec des cultures diffrentes dans leurs activits, voir en leur sein mme. Suite ces constats, le management interculturel est devenu, progressivement, une ralit. Les entreprises ont compris que des attitudes et des comportements fondamentalement diffrents peuvent tre lorigine de difficults et dincomprhension souvent trs graves, que les diffrence culturelles peuvent tre source inpuisable de conflits, mais ces diffrences peuvent aussi bien se rvler un atout considrable en tant que source dinnovation, dchange dexpriences Tous ces lments ne font que dmontrer limportance du management interculturel. Oliver Meier donne au management interculturel la dfinition suivante : Dun point de vue pratique, on peut dfinir le management interculturel comme un mode de management qui reconnat et prend en compte les diffrences culturelles et tente, par des actions organisationnelles et relationnelles, les insrer dans lexercice des fonctions de lorganisation, en vue damliorer sa performance conomique et sociale . Le management interculturel est donc considrer comme une source d'atout comptitif qui prend soin de concilier les diffrences entre cultures rgionales et culture d'entreprises. Dans les parties suivantes, nous allons voir comment le management interculturel peut tre considr comme un facteur cl dans la russite des alliances stratgiques internationales.

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II- LE MANAGEMENT INTERCULTUREL COMME FACTEUR CLE DE REUSSITE DES ALLIANCES INTERNATIONALES :A- Caractrisation des alliances internationales :Dans les alliances transfrontalires, le processus dintgration est souvent dlicat, notamment en raison des diffrences culturelles entre les acteurs. Celles-ci influencent les pratiques de management des entreprises et accentuent les diffrences entre les cultures organisationnelles [Vry, 1995]. Dans cette optique, il convient de prciser que les problmes dincompatibilit culturelle ont un impact ngatif sur les rsultats des alliances [Chatterjee et al. 1992] et ne crent gnralement pas de valeur pour les investisseurs. Ceci concerne plus particulirement les oprations caractrises par une grande distance culturelle entre les acteurs [Datta et Puia, 1995].

La russite dune alliance est gnralement fonde sur lexistence dun projet de dveloppement commun et sur une gestion des ressources humaines efficace. Ainsi, il est important que les parties prenantes comprennent les avantages associs au regroupement et sefforcent datteindre ensemble les objectifs fixs. Au niveau de la gestion sociale et humaine, il convient danticiper et de dfinir les changements ncessaires la russite de lopration. La cration de la nouvelle entreprise ncessite la constitution dquipes mixtes et le maintien dun certain quilibre dans la composition des groupes de travail, la rpartition des responsabilits et les affectations des salaris. Compte tenu des intrts des diffrents acteurs, la communication joue un rle important : elle doit tre progressive, suivre et faciliter lavancement du projet. Enfin, il convient damorcer les

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changements culturels, car chacune des parties cherche gnralement valoriser ses mthodes, ses outils de travail et son style de management.

La cration dune nouvelle culture dentreprise qui intgre les points positifs de chaque culture organisationnelle permet dviter des conflits. Dans cette optique, lassociation dentreprises de nationalit diffrente constitue une source supplmentaire de difficults. Aux diffrences de cultures internes viennent ainsi sajouter les diffrences culturelles entre pays. Si la culture est souvent considre comme un obstacle la russite des alliances, une gestion efficace des diffrences culturelles peut aussi contribuer au succs de ces oprations. Lutilisation efficace des outils de management interculturel est en effet susceptible damliorer la performance des alliances.

B- Les pratiques du management interculturel: la diffrence du management international (qui prend en compte toutes les activits fonctionnelles de lentreprise) et du management compar (qui compare les spcificits du management dans des systmes diffrents), le management interculturel est centr sur le comportement organisationnel et les ressources humaines. Le management interculturel sintresse plus prcisment linfluence de la culture (nationale et organisationnelle) sur les perceptions, les interprtations et les actions des acteurs. La culture est considre comme un systme de significations et dorientations, propre un groupe, bases sur des valeurs spcifiques qui se traduisent en comportements. Ce systme a t appris durant le processus de socialisation. Comme cette socialisation a lieu dans un contexte spcifique, la culture nationale, qui reflte les valeurs, les penses et les comportements dune

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socit, joue un rle primordial, malgr le discours universaliste de la mondialisation. En matire de management, ce systme culturel procure aux individus des capacits cognitives et des mthodes spcifiques pour rsoudre des problmes. Par consquent, des collaborateurs issus dautres pays sont susceptibles de trouver des solutions diffrentes face un mme problme. La recherche en management interculturel sattache tudier les interactions dacteurs venant de systmes diffrents. Elle sintresse aux incidents critiques qui sont dus aux diffrences culturelles. Les incidents critiques se produisent souvent dans des situations de communication et de coopration o les attentes et comportements des acteurs divergent et conduisent des conflits interculturels. Les enjeux lis au management interculturel sont considrables dans le cadre des alliances internationales o des collaborateurs de plusieurs pays sont amens travailler ensemble. Pourtant, les diffrences entre les systmes, qui peuvent engendrer des malentendus et des conflits, sont frquemment sous-estimes. Cette sous-estimation du facteur culturel peut paratre surprenante dans la mesure o un regroupement dentreprises est avant tout un rapprochement entre les hommes. Ce sont les tres humains qui crent, suivent ou dtournent les rgles et les structures des entreprises et qui font que lorganisation vit, travaille et ralise des bnfices ; ce sont leurs ides, stratgies, penses et dcisions qui se transforment en actions et qui contribuent au succs ou lchec de lentreprise. Ceci vaut plus particulirement pour les oprations dalliances.

Depuis plusieurs dcennies, la recherche relative aux rapprochements transfrontaliers sintresse la question de la convergence ou de la divergence, puisquelle dtermine dans une large mesure la stratgie dalliance. Une stratgie qui part de lhypothse de la convergence prconise une diffusion, voire une forte harmonisation de diffrents systmes. Les diffrences entre les organisations et les acteurs tant peu importantes, ceux-ci vont se rapprocher par le biais dune culture commune et donc trouver un compromis pour le fonctionnement de

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la nouvelle entreprise constitue. linverse, lapproche stratgique marque par la conception de la divergence prend en compte la pluralit culturelle et la stabilit des particularits des systmes. Selon cette perspective, la diversit des cultures rsiste mme si lexprience dune internationalisation effective sapprofondit [Dupriez et Simons, 2000]. Il devient ds lors essentiel de grer linterculturel.

C- Les conditions dune intgration socio-culturelle russie:1- Reconnatre lexistence des inluctables diffrences culturellesLes fosss culturels facilitent la prise de conscience de la ncessit de mettre en uvre des actions prventives. Lexemple de Renault est cet gard rvlateur. La tentative de fusion en 1993 avec lentreprise sudoise Volvo sest solde par un chec, dans la mesure o les deux parties prenantes ont, tort, pos lhypothse implicite dune proximit culturelle en raison de leur appartenance commune lEurope. Comme la montr G. Hofstede, diffrences culturelles et loignement gographique ne sont pas forcment lis. En reprenant les quatre critres de lauteur, il ressort que la France et la Sude ne sont proches que par rapport au critre de l individualisme/collectivisme , les deux pays ayant tendance privilgier linitiative, le dveloppement et la russite personnels (voir tableau suivant). La distance culturelle entre les deux pays en question est aussi importante que celle qui spare la France du Japon, mme si les diffrences culturelles qui entrent dans le calcul ne sont pas les mmes dans les deux cas. Sil est possible pour les Franais de sous-estimer les diffrences culturelles avec la Sude, les mmes ngligences ne sont pas envisageables avec le Japon. On se doute demble de lexistence dun cart culturel consquent. Ce qui encourage lentreprise absorbante prendre des prcautions pour viter tout rejet culturel de la greffe. La direction de Renault a ainsi minutieusement prpar la fusion en 1999 avec Nissan travers notamment la sensibilisation des cadres de

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Renault aux spcificits culturelles nipponnes et la cration de groupes de travail franco-japonais chargs de rflchir sur des points prcis de la fusion.

2- Apprhender les diffrences comme des sources denrichissement :Ctoyer des gens qui nous ressemblent est facile, rassurant et confortable. Mais vivre dans luniformit est sclrosant. Ce qui est vrai lchelle individuelle lest aussi lchelle de lentreprise. Pour quil y ait synergie (1+1=3), il faut que les entreprises soient complmentaires, quelles aient des pratiques et des approches diffrentes. Ce qui est effectivement le cas de Renault et Nissan. Le tableau suivant synthtise quelques spcificits sur les plans technique, gestionnaire, organisationnel et managrial. Pour ncessaire quelle soit, lexistence de diffrences resterait insuffisante sans linstauration de conditions favorables lapprentissage. Si une entreprise simpose lautre, aucune synergie nest possible. Il faut quil y ait coute, intrt, comprhension. Alors que Renault tait en position de force dans la fusion avec Nissan, les deux parties ont sign une Charte dAlliance qui exprimait leur conscience des diffrences culturelles existantes et leur volont dapprendre lune de lautre. Cette initiative a t novatrice dans le domaine des fusions-acquisitions, davantage habitu voir la mise en place de business plan que de cultural plan . Une approche dans laquelle les deux entreprises sont places sur un mme plan est particulirement importante dans le cadre dune fusion-acquisition avec une entreprise japonaise. Dune part, parce que le Japon est peu ouvert laccueil dentreprises trangres. Dautre part, parce que lesprit communautaire tant dominant au Japon, toute manifestation ostentatoire du pouvoir est bannie. Il parat donc fondamental que les salaris japonais puissent constater un quilibre des forces.

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Le risque majeur dune fusion-acquisition est bien celui de nacheter en dfinitive quune coquille vide . Cest la msaventure arrive lentreprise franaise Salomon qui, lors de son rachat de lentreprise amricaine de golf Taylor Made, a commis lerreur de vouloir rapatrier le bureau dtudes en France et de placer des cadres franais la plupart des postes-cls . A la dmotivation gnralise des salaris amricains sest ajout un nombre consquent de dmissions effritant sans mnagement la mmoire organisationnelle . Sachant que ce sont gnralement les salaris fort niveau demployabilit qui dmissionnent en priorit, il devenait bien dlicat pour Salomon de bnficier dun effet de levier, les conditions ncessaires lexpression des comptences stant rapidement dissoutes. Lentreprise franaise a t amene redonner plus dautonomie Taylor Made. Elle sest rsolue mettre en uvre la recommandation de P. Haspeslagh et D. Jemison (1991) prconisant de laisser une certaine libert lentreprise qui dtient les comptences dsires de manire prserver, dans une certaine mesure du moins, le maintien de la culture et des routines organisationnelles.

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3- Le bannissement du syndrome Vainqueur Vaincu :Dans des alliances, il devient ncessaire pour les entreprises dadopter une logique fonde non pas sur le rapport de force mais plutt sur la reconnaissance des piliers de la culture de lautre. Le bannissement du syndrome vainqueur-vaincu semble passer par ladhsion aux trois ides suivantes.

a) Accorder une importance particulire aux symbolesDans un contexte dincertitude, les symboles revtent plus encore quen priode normale une signification fondamentale. Selon R. Reitter (1991), en fonction de thmes essentiels leur quilibre social et motionnel, les individus vont comprendre dune certaine faon les symboles, en leur fournissant de bonnes raisons dadopter une attitude ngative, lorsque les faits observs peuvent remettre en cause lidentit du groupe auquel ils sidentifient. Lexemple du sige social est trs significatif pour au moins deux raisons. Dabord, sa localisation gographique nest pas anodine. Le choix dun lieu neutre peut tmoigner de la volont de lacqureur dquilibrer les forces en prsence. Aventis a install son sige social Strasbourg, symbole dunion entre les cultures allemande et franaise. Ensuite, il importe de reprsenter au sige les multiples nationalits. Unilever sest ainsi employ briser limage coloniale de son conseil dadministration qui tait exclusivement anglo-saxon. Dsormais, de multiples nationalits sont reprsentes au sige, le rendant ainsi plus sensible lexistence des cultures nationales des filiales.

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b) Favoriser la mixit culturelleLa synergie entre les deux parties nest lvidence pas envisageable sans un minimum dinteractions. Un mlange des cultures plusieurs niveaux est souhaitable. Dabord, la prparation de lalliance a intrt sappuyer sur des groupes de travail dans lesquels les deux cultures sont reprsentes. Ensuite, la rpartition des postes responsabilit ne doit pas exclusivement tre rserve aux acteurs de lentreprise absorbante. Enfin, la mixit des quipes de terrain doit tre favorise, surtout si les tches raliser sont dune nature complexe, le mlange culturel tant particulirement efficace dans des situations non routinires ncessitant une certaine crativit.

c) Affirmer une vision stratgiqueSi le souci de saccorder est louable, la recherche dune approche consensuelle conduisant un processus de normalisation entre les deux parties nest pas non plus la panace. S. Moscovici (1996) montre que les approches consensuelles peuvent se traduire par une rduction des changes au strict ncessaire, de faon vacuer des aspects conflictuels. Pour viter de tomber dans le pige du consensus mou , lentreprise absorbante doit tre capable de manifester son pouvoir sans tergiverser, non pas dans un comportement rgalien, mais dans laffirmation dune vision stratgique. Cette affirmation doit se faire sans tarder car le degr de tolrance des salaris vis--vis des changements majeurs est plus important dans cette priode de transition. Le succs de la fusion Renault-Nissan tient pour partie ce que Carlos Guhn a, ds sa nomination, montr limprieuse ncessit de remettre en cause des habitudes et traditions nippones en matire demplois (14 % des effectifs ont t supprims dans un pays rput pour ses emplois vie ), de relations avec les fournisseurs (leur nombre a t divis par deux et des rabais de 20 % ont t exigs) et de relations avec les banques (mise en concurrence de ces dernires). Carlos Guhn sest en mme temps engag dmissionner avec son quipe dans lhypothse o les ambitieux objectifs conomiques quil avait fixs ntaient pas atteints une

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anne plus tard. Il manifestait par-l ses convictions et son engagement dune manire qui fora le respect et participa la croyance au Japon en un renouveau de Nissan. Laffirmation dune vision stratgique ne passe pas uniquement travers le discours et les dcisions de la nouvelle direction mais aussi par lintermdiaire du middle management. Pour rpondre aux questionnements multiples des salaris de base et viter ainsi le dveloppement de rumeurs, il faut absolument se servir du relais efficace que peut constituer les managers qui sont au contact quotidien des employs. Le PDG de NRG France SA, C. Garvey (2002), reconnat, malgr la russite de la fusion de Gestetner et Nashuatec, avoir sous-estim limportance critique de la motivation et de lengagement du middle management dans un contexte pareil . Lencadrement intermdiaire ne pourra vritablement rassurer la base en crant du sens lalliance que sil a lui-mme fait lobjet du mme traitement par le top management.

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CONCLUSIONLors de ce modeste travail, nous avons essay de mettre le point, dans un premier temps, sur laspect thorique de notre problmatique sur les alliances stratgiques. Ensuite, nous avons entam le vif de notre sujet, savoir lchec des alliances, et nous avons relev un certain nombre de constats : - La dynamique d'une coopration et la rupture d'une relation, comme cas particulier, dpendent de nombreux facteurs. On suggre que ceuxci peuvent tre regroups en quatre catgories. Les deux premires, le contexte et le profil des partenaires, ne sont gure matrisables en dynamique. Il en rsulte que, quels que soient les efforts managriaux dploys, l'chec n'est jamais exclu. Il suffit que les conditions de l'environnement changent, qu'un des partenaires se fasse racheter pour que les intrts en prsence deviennent incompatibles et conduisent la rupture. Les deux dernires catgories de facteurs influenant la russite, les modalits de l'accord et le pilotage, peuvent tre mis sous contrle managrial. - Le champ des possibles est infini. Mais l'observation de la ralit des affaires suggre que certaines approches sont voues l'chec. En particulier, l'usage de la force et l'exercice de la domination apparaissent peu compatibles avec la construction d'alliances prennes. Tt ou tard, un partenaire qui abuse de sa position dominante finit par le payer. L'exercice du pouvoir accept au sein d'une organisation l'est beaucoup moins entre des organisations. - Les modalits de dpart ne doivent pas tre considres comme constitutives d'un contrat dfinitif. Il faut savoir les ajuster au cours du temps, de sorte qu'elles restent compatibles avec les intrts et exigences de chacun. Le rle du pilotage devient ds lors central. De ce fait, nous avons trait dans la troisime et dernire partie de ce travail, lapport et limportance du management interculturel comme facteur limitant lchec des alliances. Une discipline qui permet de percer les mystres culturels de lautre pour mieux le comprendre et pour que la coopration soit fructueuse.

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BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIE- les stratgies d'alliance Garette Bernard, et Pierre Dussauge, les Editions d'Organisation, 1997. - AMOUR, GLOIRE ET RUPTURE Une tude longitudinale du rle de la gouvernance dans la cration et le partage de la valeur dans une jointventure internationale, Hicham SEBTI Doctorant (Allocataires de recherche), Universit Paris-Dauphine, - Rupture et finitude des alliances stratgiques, 2me confrence internationale sur le temps, Brest, 25-26 Juin 2008, Fabien Blanchot, Raymond Guillouzo, Gerhard Krauss - Les carts culturels dans les alliances stratgiques dyadiques : impacts et modalits de management, Karim TRABELSI Doctorant, IAE de Caen Basse-Normandie (CIME) - Management interculturel - Stratgie - Organisation Performance Oliver Meier ; 4eme dition ; Editions Dunod, 2004. - http://www.groupe-auchan.com/pub-adm-fw3/display/000/506/185/5061850.pdf -- : communi