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ECOLE DES MINES DE DOUAI LAIR Maxime MONDIN Christophe
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
DU LEP AU LHC, COMMENT LE DEVELOPPEMENT DES TECHNOLOGIES PERMET AUX EXPERIENCES DU CERN DE
SONDER LA MATIERE EN PROFONDEUR ?
FROM THE LEP TO THE LHC, HOW DOES THE DEVELOPMENT OF TECHNOLOGIES ALLOW CERN EXPERIMENTS TO SOUND THE
INNERMOST DEPTHS OF MATTER
Promotion 2012 Année Scolaire 2008-2009
3
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier M. Christian Brunel pour avoir accepté de nous
parrainer pour cette étude bibliographique et pour l’aide qu’il a mis à notre
disposition.
5
AVERTISSEMENT
Le LHC est une machine extrêmement complexe qui fait appel aux moyens
technologiques les plus avancés et qui cible un champ d’étude incroyablement
poussé de la physique fondamentale et de la physique des particules : le mécanisme
de Higgs, la supersymétrie, la Grande Théorie d’Unification… Les scientifiques les
plus brillants ont conçu cet outil scientifique et travaillent aujourd’hui à la résolution
de ces mystères. Par conséquent, nous avons mené notre étude de façon humble.
7
TABLE DES MATIERES
Remerciements 3
Avertissement 5
Table des matières 7
Résumé & mots matières 9
Abstract & keywords 11
Introduction 13
I. Pourquoi un projet aussi titanesque ? 15
a. Le boson de Higgs 15
b. Définition d’un électronvolt 17
c. Structure du LHC 18
II. Production du champ électromagnétique et supraconductivité 27
a. Champ électrique 27
b. Champ magnétique 28
III. Les autres enjeux technologiques 35
a. Un vide très poussé 35
b. Traitement de l’information 36
c. Supraconductivité 37
Conclusion 39
Références bibliographiques 41
9
RESUME
Le 10 septembre 2008, un premier faisceau de protons est injecté dans le
LHC, le Grand Collisionneur de Hadrons. C'est la concrétisation d'un projet né en
1984 au CERN, alors que son prédécesseur le LEP n'était pas encore construit.
En 1998 débute la construction titanesque d'un projet dorénavant mondial qui
donnera le jour au plus grand outil scientifique jamais imaginé par l'homme. Outre
le temps et la taille des travaux entrepris pour donner vie au LHC, les 20 années
qui séparent la première étincelle du projet de sa concrétisation ont été dédiées à
la recherche et au développement de hautes technologies nécessaires à son
fonctionnement, conçu en prévision des avancées à venir 20 ans plus tard.
Le principe d'incertitude d'Heisenberg indique que de grandes énergies sont
nécessaires pour sonder la matière jusque l'infiniment petit. C'est pourquoi les
particules seront accélérées à la vitesse de 99,999999991% celle de la lumière,
leur transférant une énergie de 7 TeV. C'est notamment grâce à la technologie
des supraconducteurs que cette prouesse est rendue possible: au LHC, entre
autres dipôles et quadripôles, ce sont plus de 40000 tonnes d'aimants qui guident
et focalisent les faisceaux. Ces supraconducteurs doivent baigner dans un
environnement extrêmement froid pour fonctionner: 1,9 Kelvin, faisant du LHC
l'endroit le plus froid de l'Univers. Parallèlement, ces faisceaux doivent évoluer
dans un vide extrême pour éviter toute collision non désirée avec des molécules
d'air. Enfin, ce ne sont pas moins d'un milliard d'interactions qu'il faudra analyser
chaque seconde: ce flux incroyable d'information n'a pu être canalisé qu'à l'aide
de la grille informatique, une technologie dernier cri.
Le LHC aura pour but d'explorer les plus infimes recoins de la matière et
donner des réponses à de nombreuses questions, en particulier concernant le
mécanisme de Higgs et les Théories de Grande Unification.
MOTS MATIERES
CERN, Electroaimant, Electronvolt, Higgs, LHC, Magnétique,
Supraconducteurs, Ultravide.
11
ABSTRACT
On the tenth of September 2008, Science made a step forward when CERN
successfully circulated the first proton beams in the main ring of LHC. This marked
the achievement of a project born 24 years earlier, although its predecessor was
not built yet. In 1998 began the titanic building of a from then on worldwide project,
which would give birth to the biggest scientific instrument ever designed by man.
In addition to the large scale of the works undertaken to bind life to LHC, the 20
years separating the first spark from its fulfillment were dedicated to the
development of high technologies essential to the working of the LHC: it was
indeed developed in anticipation of what technology would offer 20 years later.
Heisenberg Uncertainty Principle indicates that great energies must be
provided in order to sound deeply the matter. This is the reason why particles will
be accelerated up to 99,999999991% the speed of light, which will infuse them
with a 7 TeV energy. Notably thanks to superconductors technology, this feat was
made possible: at LHC, among dipoles and quadripoles, there are no more than
40,000 tons of magnets that guide and focalize beams. These superconductors
have to swim in an extremely cold environment in order to work out: 1,9 Kelvin,
that would made the LHC the coldest place in the whole universe. Also, those
beams have to evolve in a vacuum in order to avoid undesired collisions with air
molecules. Eventually, no less than a billion interaction have to be analyzed each
second: channeling this incredible flow of information wouldn't have been possible
without the Grid Computing, a brand new technology.
LHC will aim at exploring the most minute corner of the matter and answer
many questions, especially concerning Higgs Mechanism and the Grand
Unifications Theories.
KEYWORDS
CERN, Electromagnet, Electron Volt, Higgs, LHC, Magnetic, Superconductors,
Vacuum.
13
INTRODUCTION
La physique des particules s'apprête à connaître des avancées spectaculaires.
Avec la mise en service en 2008 du LHC, le CERN focalise l'attention de la
communauté scientifique mondiale. Ce domaine de la physique s'intéresse à la
structure ultime de la matière, faite de particules élémentaires appelées "quarks" ou
encore "leptons", et à leurs interactions fondamentales.
On sait aujourd'hui que ces interactions sont au nombre de quatre:
• la gravitation qui est l'interaction dominante à grande échelle (objets, planètes,
étoiles, galaxies, amas, superamas) mais négligeable à l'échelle des
particules ;
• l'interaction forte qui assure la cohésion des noyaux atomiques ;
• l'interaction électromagnétique qui contrôle un nombre considérable de
phénomènes comme le comportement des atomes, les réactions chimiques, la
physiologie des être vivants, l'électronique, l'informatique, la lumière ;
• l’interaction faible, responsable de la radioactivité Béta et du cycle des
réactions nucléaires qui entretiennent la combustion du soleil et des étoiles.
Pourquoi 4 interactions fondamentales? En fait, ce nombre dépend de notre niveau
de compréhension et de formalisation des théories susceptibles d'expliquer ou du
moins de représenter les phénomènes physiques. Ainsi les phénomènes d'électricité,
de magnétisme mais aussi d'optique ont été unifiés dans le cadre de la théorie
électromagnétique de James Clerk Maxwell en 1865. Les conséquences pratiques
de cette démarche ont créé une véritable révolution, ne serait-ce qu'avec les
applications des ondes électromagnétiques, dont l'importance peut difficilement être
surestimée. En 1970, l'unification des interactions électromagnétique et faible, la
théorie électrofaible, a été la dernière étape avérée dans cette quête de la théorie
ultime. Bien que toujours hypothétique, la grande unification entre interactions
électrofaible et forte et fortement suggérée par un ensemble de considérations
théoriques, non encore directement confirmées par l'expérience. Enfin, une grande
activité théorique est déployée dans le but d'unifier ces interactions avec la
14
gravitation, mais il s'agit là d'une quête difficile, dont l'issue nous réservera des
surprises.
Le LHC permettra d'obtenir des réponses à des questions qui se posent encore dans
le cadre de l'unification électrofaible. La cohérence interne de la théorie repose sur le
mécanisme de Higgs, une hypothèse qui n'a pas pu être testée directement jusqu'à
présent, mais dont la validité conditionne l'acceptation totale de la démarche. Sa
vérification est l'un des enjeux les plus importants des expériences mises en œuvre
pour l'exploitation du LHC. Une conséquence spectaculaire serait la mise en
évidence de l'existence d'une particule aux propriétés très particulières, appelée
"boson de Higgs". Soit ce dernier est découvert au LHC, soit il ne l'est pas, auquel
cas la théorie électrofaible telle qu'elle est aujourd'hui doit être abandonnée. Il se
pourrait que l'on trouve plusieurs bosons de Higgs, comme le prédit la version la plus
prometteuse d'une extension de la théorie: la supersymétrie.
Essayons de comprendre les enjeux du LHC et pourquoi un tel engouement
dans la recherche du boson de Higgs. Qui plus est, afin d’atteindre ses objectifs, le
LHC a dû relever des exploits technologiques dans plusieurs domaines. Quels sont-
ils ? Comment ont-ils été relevés ?
15
I. Pourquoi un projet aussi titanesque ?
a. Le boson de Higgs [1] [6] [10] [12] [17]
Le boson de Higgs, dont l’existence reste à prouver, est une des grandes
priorités du grand collisionneur de hadrons. Il peut être considéré en fait comme le
chaînon manquant du modèle standard des interactions fondamentales. C’est en
1964 que deux physiciens belges, Robert Brout et François Englert, ainsi que
l’Ecossais Peter Higgs proposent son existence pour expliquer le fait que l’interaction
électrofaible se soit scindée en interaction électromagnétique et interaction faible. Ils
le nomment à l’époque « boson scalaire ». Sa découverte expliquerait l’origine des
masses de toutes les particules élémentaires.
Figure 1: Peter Higgs
(http://eltamiz.com/wp-content/uploads/2007/11/higgs.jpg)
16
Depuis une quarantaine d’années maintenant, les physiciens du monde entier
traquent avec acharnement le boson de Higgs pour valider une théorie qui unifierait
toutes les forces de la nature. Selon la théorie du modèle standard, les particules
élémentaires sont de masses nulles. Or même si cela est vrai pour le photon ou le
gluon, les scientifiques ont montré qu’il n’en était rien pour les bosons Z et W, les
quarks ou encore les électrons. Les particules acquièrent leur masse en interagissant
avec le champ de Higgs auquel est associé le boson de Higgs. Pour convaincre un
ministre britannique de la Recherche, un physicien proposa un exemple concret qui
permette de comprendre le phénomène. Cet exemple consiste à imaginer une pièce
remplie d’invités, en l’occurrence des physiciens. Chacun représente un boson de
Higgs, l’ensemble correspond alors au champ de Higgs. Un individu (Margaret
Thatcher dans la version originale) entre soudainement dans la pièce. Il s’agit de la
particule qui va interagir avec les bosons de Higgs. Cet individu attire tous les invités
qui s’agglutinent autour de lui. Il est pour lui de plus en plus difficile de se déplacer :
on dit qu’il acquiert de la masse. John Ellis, physicien théoricien au CERN à Genève,
aime résumer ce mécanisme par un autre exemple. Il dit que le champ de Higgs est
comme de la boue dans un champ qui colle aux bottes qui ainsi s’alourdissent. De
même, les particules (bottes) se mettent à peser.
Pour pouvoir être mis en évidence, il faut créer une énergie supérieure ou
égale à 115 GeV. En 2000, le Large Electron Positron collider (LEP), un accélérateur
à particules circulaire de 27 km de circonférence, qui est également le plus puissant
collisionneur de leptons jamais construit et l’ancêtre du LHC, aurait produit le boson
de Higgs. Cependant, trop d’incertitudes ont empêché la validation de cette
découverte. Aujourd’hui, la masse du boson de Higgs est d’au moins 114,4 GeV/c².
Or le LHC prévoit d’ici cinq ans de l’observer, peu importe sa masse. Ne pas trouver
le boson de Higgs constituerait véritablement un scénario catastrophe et risquerait
d’anéantir pour longtemps la recherche fondamentale en physique, qui aurait alors
du mal à convaincre pour financer une machine encore plus puissante. Mais Peter
Higgs lui-même en est certain à 90% : le LHC détectera le boson de Higgs !
17
b. Définition d’un électronvolt [7] [20]
L’électronvolt est une unité de mesure d’énergie utilisée en physique atomique
et nucléaire. Son symbole est : eV. Il s’agit de l’énergie acquise par un électron de
charge élémentaire e (1,6. 10-19 C) accéléré par une différence de potentiel d’un volt.
Cette unité s’applique à des particules chargées comme les électrons ou les protons,
mais elle peut aussi être rapportée à des particules dépourvues de charge comme
les neutrons ou les photons à condition de tenir compte de leur longueur d’onde.
L’énergie est d’autant plus élevée que la longueur d’onde est petite. Par exemple les
rayons gamma sont de simples photons avec une très haute énergie, en effet leur
longueur d’onde avoisine les 5 picomètres.
Formule de Planck : E = h.ν où ν est la fréquence de l’onde (Hz) et h la
constante de Planck
λ = c/ν où λ est la longueur d’onde (en mètres) et c la vitesse de la lumière
Plus précisément, un électronvolt est égal à 1,60217653.10-19 Joules.
Inversement, on peut aussi dire que : 1J = 6,2415.1018 eV.
L’emploi de cette unité se justifie en physique des particules pour exprimer les
niveaux d’énergie présents dans les accélérateurs de particules.
Par la relation de la relativité restreinte d’Einstein E = m.c² avec c =
299792,458 km/s qui désigne la vitesse de la lumière dans le vide, on utilise
notamment l’électronvolt pour une masse. En sachant que 1 kg = 90 PJ = 90.1015 J,
on en déduit :
Particule Electron Proton Neutron
Masse 511 keV/c² 938 MeV/c² 940 MeV/c²
18
Les multiples de l’électronvolt les plus souvent employés sont les suivants :
1 keV = 103 eV
1 MeV = 106 eV
1 GeV = 109 eV
1 TeV = 1012 eV
L’électronvolt admet d’autres utilisations telles que pour une température ou
encore pour une durée.
A titre de comparaison, dans le LHC, les protons sont accélérés jusqu’à une
énergie de 7 TeV. Or 1 TeV c’est à peu près l’énergie cinétique d’un moustique en
vol. Ce qui rend le LHC si extraordinaire, c’est qu’il concentre son énergie dans un
volume environ mille milliards de fois inférieur à celui d’un moustique !
c. Structure du LHC [1] [2] [3] [4] [5] [13] [18] [19] [20] [21]
Le LHC a été construit à partir du tunnel de 3 mètres de diamètre et de près
de 27 km de long (26659 km exactement) qui a abrité le LEP de 1989 à 2000. Sa
construction a donc coûté moins cher que s’il avait été construit ex nihilo. Ce tunnel
est enfoui à cent mètres sous terre en moyenne. En fait, la profondeur à laquelle est
situé l’anneau varie de 50 à 175 mètres sous terre. Il est constitué de huit arcs de
cercles identiques, les octants, ceux-ci étant reliés par des sections droites, les
insertions. Par ailleurs, des aimants sont répandus sur les octants afin de courber le
faisceau de particules. Des raisons financières ont empêché la réalisation d’un
nouveau tunnel.
Le coût du LHC a été de 4 milliards d’euros. C’est un projet colossal. A titre de
comparaison, la construction d’un campus universitaire neuf représente environ 200
millions d’euros.
La construction du LHC est financée par les 20 états membres du CERN :
Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France,
Grèce, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovaquie, République
19
Tchèque, Royaume-Uni, Suède, Suisse, par l’intermédiaire de leur contribution au
budget du CERN. Par exemple, la France contribue pour 16% au budget du CERN.
De plus, certains états non membres comme les Etats-Unis participent aux
programmes et payent également une part du LHC.
Enfin, certains états (la France en particulier) contribuent « en nature » au
financement du LHC. Cette contribution s’effectue par la fourniture directe
d’équipements destinés au LHC, ou par la mise à disposition de personnel technique
qualifié. Les expériences représentent un coût de 310 millions d’euros chacune pour
les détecteurs ATLAS (A Toroidal LHC ApparatuS) et CMS (Compact Muon
Solenoid). Le coût des expériences est supporté directement par les états impliqués
dans les expériences, en dehors de leur contribution au CERN. Le CNRS contribue à
ce titre pour environ 40 millions d’euros.
Tous les systèmes de contrôle de l’accélérateur et de leur infrastructure
technique sont regroupés au Centre de contrôle du CERN. C’est depuis ce Centre
que seront déclenchées les collisions des faisceaux au centre des détecteurs de
particules.
L’injection est similaire à celle du Tevatron aux Etats-Unis parce que
l’accélération se fait par étapes. Des pré-accélérateurs constituent différents étages.
La chaîne d’accélération est différente selon qu’il s’agit de protons ou d’ions lourds.
(http://www.science.gouv.fr/images/article/LHC
(http://www
20
Figure 2 : Vue en 3D du LHC
http://www.science.gouv.fr/images/article/LHC-CEA-27042006/icon
2002-022.gif.jpg
Figure 3 : Le Tevatron du Fermilab
http://www-d0.fnal.gov/welcome/tev_RunII_accel.gif
27042006/icon-lhc-pho-
d0.fnal.gov/welcome/tev_RunII_accel.gif)
21
Figure 4: Le LHC du CERN
(http://www.electronicsweekly.com/blogs/electronics-weekly-blog/CERN-
Accelerators.gif)
Les protons que le LHC reçoit proviennent d’un accélérateur linéaire : Linac2.
Les protons sont alors accélérés à 50 MeV. Cet accélérateur alimente un Booster
appelé aussi PSB (pour Proton Synchroton Booster). Puis les protons passent dans
le PS (Proton Synchroton). Ils passent ainsi de 1,4 GeV à 25 GeV. C’est le SPS
(Super Synchroton à Protons) d’un diamètre de 2 km qui termine l’accélération. Les
protons atteignent alors une énergie de 450 GeV.
Quant à la collision d’ions lourds, un second accélérateur linéaire, Linac3,
accélère les atomes de plomb. Ces atomes proviennent d’une source parfaitement
pure de 500 kg. Une ionisation partielle fait perdre jusqu’à 29 électrons au 82Pb.
Seuls ceux ionisés 29 fois sont conservés. Ils sont alors accélérés à une énergie de
4,2 MeV/nucléon. Une collision entre une feuille de carbone et le plomb arrache à
ces derniers 25 électrons supplémentaires. Le Booster est substitué par le LEIR (Low
Energy Ion Ring qui se traduit par anneau d’ions de basse énergie) où ils sont
accélérés à 72 MeV/nucléons. Seulement après ils sont injectés dans le PS qui les
accélère à 5,9 GeV/nucléons. L’intégralité des électrons des ions sont arrachés par
22
une seconde feuille de carbone. Les ions se trouvent ainsi totalement dépourvus
d’électrons. Le SPS accélère les noyaux de plomb à 177 GeV/nucléon pour
finalement les injecter dans le LHC où ils atteignent une énergie de 2,76
TeV/nucléon.
C’est là que les « yeux » de l’expérience entrent en action : les détecteurs. Le
LHC en compte six : Atlas, CMS, Totem, LHCb, Alice et LHCf. Ils sont installés sous
terre au sein de grandes cavernes. Les deux premiers, gigantesques et
diamétralement opposés, sont particulièrement dédiés à la recherche de la physique
au-delà du modèle standard. Autrement dit, ils étudient la physique des particules et
s’attaquent à la recherche du boson de Higgs et aux particules antisymétriques. Atlas
est le plus gros des détecteurs : il pèse 7000 tonnes, mesure 46 mètres de long et 25
mètres de diamètre. CMS est lui le plus lourd : il pèse 12 500 tonnes alors qu’il ne
mesure « que » 21 mètres de long pour un diamètre de 15 mètres. Alice, de taille
plus modeste, est dédié à la compréhension des soupes de particules semblables à
l’état de l’Univers au moment du Big Bang, en collisionnant non pas des protons mais
des noyaux de plomb. Cela n’aura lieu qu’un mois par an. LHCb explore les liens
subtils qui lient matière et antimatière, dont l’absence dans l’Univers constitue un
mystère. Totem et LHCf, les deux plus petits détecteurs, apportent des informations
aux autres expériences. Totem est dédié à la mesure de la section efficace des
protons alors que LHCf est destiné à l’étude des particules produites dans un angle
très petit de la trajectoire des protons incidents, ce qui permet de mieux appréhender
le phénomène d’interaction des rayons cosmiques de très haute énergie avec la
haute atmosphère.
Les détecteurs du LHC sont à la mesure de l'ensemble du projet : ils frappent
par leur taille et leur complexité technologique. Des travaux titanesques de génie civil
ont été réalisés : pour creuser dans les couches humides, on les a congelées en y
injectant de la saumure à -23 °C, puis de l’azote l iquide à -80 °C. D’énormes soutiens
en béton ont été nécessaires pour renforcer les parois des salles. On a un peu de
mal à imaginer que ces appareillages, de dimensions comparables à celles d'un
immeuble, ont été conçus pour obtenir des précisions de quelques dizaines de
micromètres.
23
Un des principes du LHC est la multiplication des couches de détecteurs pour
ne rien rater de ce qui se passe lors des collisions. Tels des « oignons », Atlas et
CMS sont constitués de cylindres de quatre épaisseurs.
La première épaisseur est sensible aux particules chargées comme les
électrons, les protons ou les muons. Elle est formée de rubans de silicium. Ce sont
ces rubans qui enregistrent la trace des particules grâce à leur charge électrique. La
deuxième couche détecte les photons en plus des particules chargées.
Appelée « calorimètre électromagnétique », celle-ci mesure l’énergie des électrons et
des photons grâce à des cascades de réactions induites dans de la matière dense.
Pour le détecteur Atlas, il s’agit d’accordéons de plomb séparés par du cuivre
baignant dans de l’argon liquide. Pour CMS en revanche, ce sont des cristaux de
tungstanate de plomb transparents. En fait, ces matériaux absorbent les photons et
les électrons, puis émettent de nouveaux photons et nouveaux électrons, et ainsi de
suite. La troisième couche pèse les hadrons, à savoir tout ce qui n’est pas de la
famille des électrons ou des muons. La quatrième couche est uniquement sensible
aux muons. Le muon, selon le modèle standard de la physique des particules, est le
nom que l’on donne à deux particules élémentaires de charge positive et négative.
Noté µ- ou µ+, selon sa charge électrique, il est surnommé électron lourd du fait qu’il
a une masse 207 fois plus grande que l’électron et qu’il appartient à la même famille
de fermions que ce dernier : les leptons. Au même titre que les neutrinos, les muons
sont les seules particules qui peuvent traverser sans encombre les quelques mètres
de détecteurs qui précèdent. Cet ultime piège est un ensemble de tubes en
aluminium remplis de gaz. Lorsqu’un muon traverse ce gaz, il lui arrache des
électrons qui sont détectés par un fil électrique disposé à l’intérieur.
C’est ainsi qu’Atlas et CMS sont capables de mesurer l’énergie de toutes les
particules émises lors des collisions. Pour optimiser la précision, les physiciens ont
recours à un champ magnétique (différent de celui qu’il y a dans l’anneau). De
puissants aimants imposent aux particules émises suite aux chocs une courbure de
leur trajectoire. La déviation est fonction des particules. Cette information
supplémentaire, qui vient s’ajouter à la mesure de l’énergie, permet de caractériser
chacune des particules de façon certaine.
24
Figure 5 : CMS (http://w3.iihe.ac.be/cms/3%20CMS%20Detector/)
Figure 6: Atlas (http://irfu.cea.fr/Images/astImg/2376_1.jpg)
25
Figure 7 : Vue d’ensemble des expériences du LHC
(http://livefromcern.web.cern.ch/livefromcern/antimatter/french/history/F-
history02-b.html)
Les physiciens du monde entier espèrent trouver via le LHC des éléments de
réponse aux questions qu’ils se posent aujourd’hui. Le principal objectif du LHC
demeure la détection du boson de Higgs. Le second enjeu est la mise en évidence
de la supersymétrie. Abrégée parfois en SuSy, cette symétrie postule l’existence,
pour chaque type de particule, d’un alter-ego appelé superpartenaire. De plus, on
sait aujourd’hui grâce à des observations cosmologiques qu’une grande partie de la
masse de l’Univers est faite de constituants inconnus, et en particulier d’un
constituant que l’on a nommé « matière noire ». Ce terme renvoie somme toute à
une matière a priori indétectable qui peut entrainer des effets inattendus dans les
galaxies. Le LHC pourrait encore, par la formation de trous noirs microscopiques,
mettre en évidence l’existence de dimensions supplémentaires aux trois dimension
de l’espace. Le LHC aura pour mission d’expliquer la baryogénèse. En fait, au
moment du Big Bang, matière et antimatière se trouvaient en quantités égales :
« Pour un milliard de particules de matière il y avait un milliard de particules
26
d’antimatière. Au moment du Big Bang s’opéra une annihilation complète. Une fois
achevée, il ne resta qu’un milliardième de la matière présente à l’origine » (Einstein).
C’est ainsi que phénomène de baryogénèse a généré un surplus de matière vis-à-vis
de l’antimatière. Matière et antimatière se sont annihilées en quantités
rigoureusement égales pour ne laisser que le surplus de matière. Enfin, le LHC sera
peut-être en mesure d’expliquer pourquoi à température très élevée les quarks
peuvent exister isolément alors qu’ils n’existent normalement que par groupe de 2
(mésons) ou 3 (baryons).
Afin de répondre à toutes ces interrogations, le LHC a dû accomplir des
prouesses technologiques sans précédent.
En effet, accélérer des particules jusqu’à une énergie de 7 TeV et les guider
au travers d’une trajectoire circulaire de 27 kilomètres de périmètre implique la
production d’un champ électromagnétique extrêmement puissant. Ceci est déjà une
barrière en soi, d’autant plus que s’ajoutent à cela d’autres défis tels que la création
d’un ultravide pour éviter des collisions de protons avec des molécules d’air, le
phénomène de supraconductivité ou encore une gestion informatique des données
exceptionnelle.
27
II. Production du champ électromagnétique et
supraconductivité
a. Champ électrique [1] [14]
Les lettres en gras représentent des vecteurs.
Une particule qui porte une charge électrique est sensible à l’action d’un
champ électrique E et d’un champ magnétique B. La force dite de Lorentz subie par
une particule de charge q en mouvement à la vitesse v dans un champ
électromagnétique s’exprime par :
F = q.E + q.v⋀B
Les champs E et B exercent des actions différentes sur le mouvement de la
particule. A la traversée d’un champ électrique E, la particule est accélérée et gagne
donc en énergie cinétique. La force q.E est une force accélératrice. En revanche à la
traversée d’un champ d’induction magnétique B, la force magnétique ou force de
Laplace q.v⋀B est perpendiculaire à la fois à v et B. Cette force n’induit ainsi aucune
modification d’énergie cinétique, seulement de direction de la particule chargée.
Pour donner à un proton une énergie de 1 TeV, il faut produire un champ
électrique équivalent à 1012 piles de 1 V. Le LHC accélérera les protons jusqu’à 7
TeV, c’est-à-dire à une vitesse de 0,999999991 fois la vitesse de la lumière ! Pour
accélérer les protons du LHC, il faut donc l’équivalent de 7. 1012 piles de 1 V.
Les deux faisceaux de particules sont accélérés en sens inverse par le champ
électrique oscillant des cavités accélératrices et des klystrons. Chaque cavité ne
fonctionne que sur un seul sens. Il règne dans ces cavités un champ électrique de
6000 V /m. Ce champ électrique est à très haute fréquence et donc très puissant. Il
est en fait augmenté continuellement afin d’atteindre la vitesse voulue.
28
b. Champ magnétique [1] [8] [15] [16] [19]
Une chaîne d'aimants supraconducteurs, installés dans un tunnel creusé à
100m sous terre, guide des protons sur une orbite circulaire de 27 kilomètres de
circonférence. Des "paquets", contenant un grand nombre de protons, sont stockés
sur l'orbite circulaire, une moitié tournant dans un sens et l'autre en sens inverse. On
fait en sorte que ces paquets se croisent et entrent en collision en certains points, là
où sont installés les dispositifs expérimentaux qui détectent les particules produites
lors du choc. Cette technique de collisions frontales permet d'atteindre des énergies
efficaces très élevées: lors d'une telle collision entre deux protons d'énergie E,
l'énergie efficace (c'est à dire disponible pour créer de nouveaux phénomènes) est
égales à 2E, alors qu'elle serait beaucoup plus faible pour une collision entre un
proton d'énergie E et un proton au repos. Les protons du LHC sont accélérées
jusqu'à une énergie de 7 TeV (téraélectronvolts, 1 TeV = 1012 eV, mille milliards
d'électron volts). Leur collision se fait donc avec une énergie totale de 14 TeV, celle-
ci serait 100 fois moindre dans une collision avec un proton au repos.
Pourquoi de telles énergies ? De manière générale, l'exploration de la matière
procède par l'étude des collisions à haute énergie. Plus cette dernière est élevée,
plus la résolution spatiale de l'instrument augmente. Cette propriété vient d'une
indétermination liée à tout processus ondulatoire et qui a été généralisé en
mécanique quantique sous le nom de "relation d'incertitude de Heisenberg" : si l'on
veut sonder la matière à courte distance, de grandes énergies sont nécessaires.
D'où la progression régulière de l'énergie des accélérateurs de particules pour
accéder aux phénomènes caractéristiques d'échelles spatiales de plus en plus
petites.
Courber le faisceau de protons nécessite un champ magnétique de 8,3 Teslas
(environ 200 000 fois le champ magnétique terrestre !). Le tesla est l’unité de mesure
d’induction magnétique, équivalant à l’induction magnétique uniforme qui, répartie
normalement sur une surface de 1 m², produit à travers cette surface un flux
d’induction magnétique total de 1 Weber. On a donc : 1 T = 1 Wb.m-2 = 1 kg.s-2.A-1.
Des champs magnétiques si intenses peuvent réalisés par des électroaimants, c’est-
29
à-dire un dispositif qui produit un champ magnétique grâce à un système de bobines
à noyau de fer, parcourues par un courant électrique. Pour le LHC, il est de 0,56 A. Il
se doit en effet d’être considérable, sans toutefois dégager de la chaleur. Or en
temps normal, un courant électrique de 0,56 A entraîne un dégagement de chaleur
conséquent. Pour remédier à ce problème, le LHC a fait appel au phénomène de
supraconductivité. On parle de supraconductivité pour certains métaux, alliages ou
céramiques dont la résistivité devient pratiquement nulle en-dessous d’une certaine
température. Ainsi, le courant électrique circule sans qu’il y ait dissipation de chaleur.
La température en question est très basse : seulement quelques degrés au-dessus
du zéro absolu (0 K = -273,15 °C = -459,67 °F). Le tunnel du LHC est l’endroit le plus
froid de l’Univers, encore plus froid que le vide intersidéral !
Le LHC dispose aujourd’hui de 9593 électroaimants supraconducteurs. Parmi
ceux-ci, les aimants principaux, dont 1234 aimants dipolaires de 15 mètres de long,
répartis autour des deux anneaux accélérateurs et utilisés pour courber la trajectoire
des faisceaux, et 392 aimants quadripolaires de 5 à 7 mètres de long qui concentrent
les faisceaux. A ces aimants, il faut ajouter tous les systèmes de correction, basés
eux aussi sur des aimants supraconducteurs, ce qui fait un total de presque 6000
unités supraconductrices : un record.
Juste avant la collision, les aimants permettent de « coller » les particules les
unes aux autres, ce qui a pour but d’augmenter les probabilités d’une collision. En
effet, ces particules sont si minuscules que les faire entrer en collision revient à
lancer deux aiguilles éloignées de 10 km l’une contre l’autre ! Un des effets
perturbateurs des faisceaux consiste en l’interaction entre les particules car à chaque
croisement les paquets s’influencent mutuellement, et cela se reproduit à chaque
tour. Ces effets non linéaires ont été soigneusement étudiés, pour trouver un mode
de fonctionnement à très haute énergie évitant toutes les fréquences parasites, et
grâce à la mise en place de nombreux aimants de corrections : sextupôles,
octupôles, decapôles, dodecapôles. L’énergie stockée dans un faisceau atteint
l’équivalent de 60 kg de TNT, ce qui nécessite des systèmes de déviation en
urgence, les kickers, ultra rapides puisque leur champ magnétique doit être monté en
moins de 3 microsecondes. C'est finalement plus de 40 000 tonnes d'aimants qui
sont placés dans de l'hélium liquide, ce qui a fait dire que le LHC était l'endroit le plus
30
froid de l'Univers, plus froid encore que les espaces intersidéraux baignant dans le
fond cosmologique des photons fossiles du Big Bang (qui est à 2,7 Kelvins,
température du rayonnement cosmologique).
Figure 8 : Quadripôle du LHC (http://irfu.cea.fr/Images/astImg/1504_1.jpg)
31
Figure 9 : Partie d’un quadripôle (http://irfu.cea.fr/Images/astImg/1502_1.jpg)
Figure 10 : Câbles supraconducteurs du LHC
(http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/cc/CERN-cables-
p1030764.jpg/800px-CERN-cables-p1030764.jpg)
32
Les électroaimants de courbure sont à l’origine d’un champ magnétique de 8,3
Teslas ce qui permet une déviation du faisceau de 0,6 mm par mètre. Bobinés autour
d’un câble métallique fait de niobium-titane inséré dans du cuivre, ils pèsent 34
tonnes chacun et mesurent 15 mètres de long. Pour ces bobinages il a alors fallu
construire 7600 kilomètres de câbles, ce qui représente une masse de 1200 tonnes
de câbles. En fait, les bobines magnétiques du LHC sont composées d’un câble
enroulé qui comprend jusqu’à 36 brins torsadés de 15 mm de diamètre, eux-mêmes
constitués d’un maximum de 6400 filaments individuels de 7 micromètres d’épaisseur
seulement. A titre de comparaison, un cheveu mesure à peu près 50 micromètres de
diamètre. Les 7600 kilomètres représentent ainsi 270 000 kilomètres de brin, ce qui
est assez long pour encercler six fois la Terre au niveau de l’Equateur. Les câbles
sont parcourus par un courant électrique de 12 000 A. Le principe de la
supraconductivité impose une température de 1,9 K = -271,2 °C. Si les aimants
étaient utilisés à une température de 4,5 K (-268,7°C), ils ne produiraient qu’un
champ magnétique de 6,8 T. Le refroidissement total du dispositif est assuré par 94
tonnes d’hélium et nécessite 6 semaines.
Un autre défi du LHC est l'obtention d'une grande luminosité. Plus cette
quantité est élevée, plus les détecteurs enregistreront d'événements de collision
dans un temps donné. Pour cela, il faut beaucoup de paquets, un grand nombre de
protons par paquet et une section faible des paquets dans le plan perpendiculaire à
leur trajectoire: un nombre élevé de protons par unité de surface frontale permettra
une meilleure interpénétration des paquets en collision et donc un plus grand taux
d'interactions. Là encore, les chiffres sont éloquents: chaque faisceau comporte 2808
paquets contenant chacun 100 milliards de protons, et la taille transverse des
paquets est de l'ordre d’une quinzaine micromètres.
33
Figure 11 : Tunnel du LHC avec tubes accélérateurs conducteurs
(http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fc/CERN_LHC_Tunnel1.jpg)
Le terme faisceau désigne un groupe de particules circulant à grande vitesse.
La vitesse des protons accélérés est très proche de la lumière : elle est d’environ
0,999999991 fois celle de la lumière. Les protons vont en effet à une vitesse de
299 792 455,3 m/s au lieu de 299 792 458 m/s. La différence n’est que de 2,7 m/s !
La circonférence du LHC étant de 27 km, les faisceaux parcourent l’anneau en 89
µs, soit environ 11 000 fois par seconde.
Pour le LEP, un faisceau ne comportait seulement que 4 paquets très denses
de particules. Le LHC quant à lui comporte 2 808 paquet, chacun étant constitué de
1011 protons. L’intervalle entre ces paquets est de 7,5 mètres en moyenne, ce qui
équivaut à 25 ns. Les injections et éjections de nouveaux paquets fait que l’écart
entre les paquets n’est pas toujours le même.
Sur les 1011 protons du paquet, une infime partie seulement entre en collision.
C’est pourquoi au niveau des détecteurs les paquets sont comprimés de sorte que
les chances de collision soient maximales. Au voisinage des détecteurs les paquets
peuvent mesurer jusqu’à 16 µm. En dehors des détecteurs ils sont beaucoup plus
étalés : la longueur est de l’ordre du centimètre et la largeur de l’ordre du millimètre.
La collision de deux paquets entraine la collision d’une vingtaine de protons
34
seulement. Les paquets entrent en collision les uns avec les autres, ils
s’appauvrissent en particules pour disparaître au bout de quelques heures. En effet il
se produit environ un milliard de collisions par seconde.
Cependant, faire circuler un flux de particules si intensément impose une
grande consommation d’énergie en plus de celle nécessaire à sa mise en
mouvement. Le LHC est un accélérateur circulaire, par conséquent à chaque
changement de direction un peu d’énergie est dissipée. La puissance perdue par les
particules peut se définir comme :
P perdue = (k/R).(E/m)4
• E désigne l’énergie du faisceau
• m désigne la masse des particules
• R désigne le rayon de l’accélérateur
Le LHC cherche à obtenir des collisions à une énergie plus élevée que celle du
LEP. Il est nécessaire d’augmenter la puissance accélératrice. Il s’agit d’injecter en
permanence dans l’accélérateur la puissance perdue par les particules.
D’après la relation précédente, on voit que pour augmenter cette puissance,
plusieurs choix sont envisageables. On peut doubler l’énergie du faisceau. Mais cela
implique de multiplier la dépense d’énergie par seize ce qui n’est pas rentable. Une
autre solution consiste à accroître le rayon de l’accélérateur, toutefois il est très
difficile d’aller au-delà de la taille de l’anneau du LEP dans lequel le LHC a été
conçu.
Il est aussi possible de changer le type de particules accélérées. C’est le choix
qui a été fait pour le LHC. En effet, les protons ont une masse de 1,672 623 1×10-27
kg. Ils pèsent 1836 plus lourds qu’un électron dont la masse est de 9,10938215 × 10-
31 kg. Un proton perd donc 1013 fois moins d’énergie qu’un électron sur un tour.
35
III. Les autres enjeux technologiques
a. Un vide très poussé [1] [11]
Afin d’éviter des collisions avec les molécules de gaz présentes dans
l’accélérateur, les faisceaux de particules voyagent dans une cavité aussi vide que
l’espace intersidéral, ce qu’on appelle l’ultravide. La pression interne du LHC est de
10-13 atmosphère, ce qui est dix fois inférieur à la pression régnant sur la Lune. Le
vide est également nécessaire pour l’isolation thermique des aimants dans leur
cryostat (la chaleur se transmettant de proche en proche).
Le LHC a la particularité d’avoir non pas un mais trois systèmes de vide :
• Vide isolant pour les cryoaimants
• Vide isolant pour la ligne de distribution d’hélium
• Vide pour les faisceaux
Figure 12 : Tube à ultravide du LHC
(http://www.futura-sciences.com/galerie_photos/showgallery.php/cat/604)
36
b. Traitement de l’information [1] [13]
Chaque seconde, à l’intérieur du LHC, il se produit près d’un milliard de
collisions subatomiques. De ces collisions découlent quelques 15 millions de giga-
octets de données par an. Si tout était enregistré, les ordinateurs satureraient en
moins d’une journée. C’est pourquoi seuls sont gardés cent événements par
seconde. Il y aura tout de même de quoi remplir 200 000 DVD ! Il faut donc une
infrastructure de calcul gigantesque qui permette l’analyse et la gestion de toutes ces
données. Le LHC va être l’objet d’un véritable exploit informatique.
La Grille mondiale de calcul pour le LHC réunit la puissance informatique de
plus de 140 centres de calcul répartis dans 33 pays. Le CERN seul ne possède pas
la puissance suffisante de calcul. Le CERN dispose de 5 000 PC reliés à un réseau
planétaire de 50 000 PC selon le concept de grille. Le réseau est fondé sur une
architecture distribuée permettant un calcul séquentiel et non plus parallèle. La grille
définit des cercles de compétence. Le point central du réseau correspond au CERN.
Il est la source des données. Le premier cercle de la grille est occupé par une dizaine
d’instituts nationaux. En France, le centre de calcul IN2P3 de la Doua, à Villeurbanne
sera amené à stocker 1/10e des données. Ce premier cercle, relié au CERN par une
connexion très performante de 10 gigaoctets par seconde (à comparer aux lignes
Internet ADSL actuelles à moins de 20 mégaoctets par seconde), est complété par
sept centres européens, trois laboratoires américains et un laboratoire asiatique. Le
deuxième cercle est formé de laboratoires plus petits. Ce deuxième cercle fournit la
puissance de calcul et le stockage temporaire. Si on compare cette grille à la
puissance d’un seul ordinateur, alors la puissance qu’utilise cette grille équivaut à la
puissance de 100 000 microprocesseurs en un même ordinateur. Quand le LHC
fonctionnera à 14 TeV, les données annuelles atteindront 15 millions de Go, c’est-à-
dire 15 pétaoctets.
Ian Bird, chef du projet de la Grille mondiale de calcul pour le LHC, déclare :
« Nous pouvons traiter régulièrement 250 000 travaux par jour, et nous pouvons
atteindre des pics de 500 000 travaux sans problème ».
37
c. Supraconductivité [9] [15]
Partout dans le LHC, on rencontre le phénomène de supraconductivité : son
principe même est à la base de l’exploitation de cette machine. Au total, le cœur des
aimants du LHC représente 7 000 kilomètres de câbles supraconducteurs, et chaque
brin de ces câbles est constitué de 6 000 à 9 000 filaments d’un alliage
supraconducteur niobium-titane dans une matrice en cuivre. Ces câbles, refroidis à
une température proche du zéro absolu, conduisent l’électricité sans résistance. Ces
derniers transporteront des courants de 12 000 ampères, une intensité 30 000 fois
supérieure à celle d’une ampoule électrique de 100 watts.
Découvert en 1911 par G. Host, ce phénomène traduit une transition de phase
d’une matière conductrice vers une état supraconducteur caractérisée par l’absence
de résistance électrique et par l’annulation du champ magnétique à l’intérieur de ce
matériau (c’est l’effet Meissner, aussi appelé diamagnétisme parfait) . Il existe
différents types de supraconductivité, néanmoins nous nous centrerons sur la
supraconductivité conventionnelle.
Figure 13 : Evolution de la Résistance en fonction de la température
(http://superconductors.org/tc_graph.gif)
En dessous d’une température critique Tc, la résistance devient nulle. Quand
on plonge au cœur de la matière, c’est à partir de ce seuil que se forment des paires
de Cooper. Les paires de Cooper sont des paires d’électrons bien particulières
puisque leur spin est nul. En effet, les deux électrons appariés ont le même spin : ½
38
(caractéristique des fermions), mais de signe différent. En conséquence de quoi
l’énergie totale de la paire est inférieure à l’énergie des deux électrons cumulés :
cette paire se comporte alors comme un boson qui se déplace sans aucune
résistance, d’où la supraconductivité.
Comment les paires évoluent-elles à la surface du conducteur ? Normalement,
dans un matériau conducteur, les électrons réagissent avec les ions positifs qui
forment le réseau cristallin. L’interaction électrique fait s’attirer les ions et les
électrons entre eux. Mais les ions positifs, plus lourds et ayant donc une plus grande
inertie, ne reviennent pas immédiatement en place et donnent naissance à une zone
localement positive. Cette zone est appelé phonon, et c’est grâce à sa persistance
qu’un autre électron peut être attiré et apparié. Ce fragile équilibre coulombien est
brisé par l’agitation thermique. C’est ici qu’intervient la température critique Tc proche
du zéro absolue.
L’utilisation de ce phénomène découvert il y a bientôt un siècle atteint son
apogée aujourd’hui au cœur du LHC.
39
CONCLUSION
Le LHC a été conçu pour aider les scientifiques à répondre à certaines
questions essentielles de la physique qui restent sans réponse. Depuis plusieurs
décennies, les physiciens décrivent de plus en plus précisément les particules
fondamentales de l’Univers ainsi que les interactions fondamentales les régissant.
Cette compréhension de l’Univers porte le nom de modèle standard de la physique
des particules. Il existe pourtant encore des failles dans ce modèle ainsi que des
questions sans réponse.
Il a alors fallu accomplir des prouesses technologiques tant au niveau de la
gestion informatique qu’au niveau de l’ultravide, sans oublier les supraconducteurs
(en particulier les aimants), les injecteurs de protons ou encore la cryogénie. Le LHC
est la machine de tous les superlatifs. En effet, une Grille de calcul appelée LCG
(LHC Computing Grid) de plusieurs dizaines de milliers d’ordinateurs a été mise en
place pour faire face aux données qui seront produites chaque année au niveau des
gigantesques détecteurs. Ces données représentent l’équivalent d’une pile de CD de
20 kilomètres ! Qui plus est, afin d’éviter les collisions avec les molécules de gaz
présentes dans l’accélérateur, les faisceaux de particules voyagent dans l’espace le
plus vide du système solaire. Le LHC est aussi la machine des températures
extrêmes. Quand deux faisceaux de protons entrent en collision, ils génèrent des
températures plus de 100 000 fois supérieures à celles régnant au centre du soleil. A
contrario, le système de distribution cryogénique qui alimente l’anneau en hélium
superfluide maintient le LHC à une température plus froide que l’espace intersidéral.
La circonférence du LHC est presque de 27 kilomètres. Non seulement le LHC est le
plus grand accélérateur de particules du monde, mais rien qu’un huitième de son
système de distribution cryogénique constituerait le plus grand réfrigérateur de la
planète. C’est enfin le circuit le plus rapide de la planète. Les protons sont lancés à
une vitesse maximale de 99,99 fois celle de la lumière. Les protons sont accélérés
avec une énergie de 7 TeV pour que l’énergie totale de deux protons incidents soit
de 14 TeV. Il se produit près d'un milliard de collisions chaque seconde.
40
De l’infiniment petit à l’infiniment grand, le LHC risque de révolutionner notre
compréhension de l’Univers. C’est pourquoi les physiciens
s’apprêtent aujourd’hui à entrer dans une nouvelle ère de la physique.
41
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Sites internet :
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http://fr.wikipedia.org/wiki/ATLAS_(detecteur)
[3] Wikipedia. (Page consultée le 25 novembre 2008). Détecteur CMS, [en ligne].
http://fr.wikipedia.org/wiki/Compact_Muon_Solenoid
[4] Wikipedia. (Page consultée le 25 novembre 2008). Détecteur ALICE, [en ligne].
http://fr.wikipedia.org/wiki/ALICE_(exp%C3%A9rience)
[5] Wikipedia. (Page consultée le 25 novembre 2008). Détecteur LHCb, [en ligne].
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http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9ga%C3%A9lectron-volt
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http://en.wikipedia.org/wiki/Superconducting_magnet
[9] Wikipedia. (Page consultée le 15 janvier 2009). Supraconductivité, [en ligne].
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[11] Futura-Sciences. (Page consultée le 12 janvier 2009). Galerie photos – LHC : le
plus accélérateur au monde, [en ligne].
http://www.futura-sciences.com/galerie_photos/showgallery.php/cat/604
[12] Le Journal du Net. (Page consultée le 4 décembre 2008). Pourquoi les
physiciens traquent tant le boson de Higgs?, [en ligne].
42
http://www.journaldunet.com/science/divers/pourquoi/06/pourquoi-boson-
higgs/boson-higgs.shtml
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[21] Groupe culture scientifique et communication. – ATLAS, une expérience aux
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