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espr ! t de babel numéro collection printemps été 2013 Culture des cultu res à Marseille & ailleurs 8 central PARC

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central PARC

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espr!t de babelnuméro collection printemps été 2013

Culture des cultures à Marseille & ailleurs8

central parc

lesbancspublics
Note
Page 2: espr!t de babel 8

illustrationDalibor Popovic & Cassandre Bichet-Popovic

www.serbigraphie.blogspot.com

espr!t de babel

E2BE2BE2BE2B

LESBANCSPUBLiCS

*LIEU D’EXPÉRiMENTATIONS CULTURELLES

ÉDITÉ PAR

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espr!t de babelnuméro collection printemps été 2013

Culture des cultures à Marseille & ailleurs8

central parc

« QUI,SINON CEUX QUI Y HABITENT, PEUVENT LE MIEUX PARLER D’UN QUARTIER, COMPRENDRE CE QUI S’Y PASSE ET ENVISAGER LA MANIÈRE DONT LES CHOSES POURRAIENT ÉVOLUER ? »ANDRÉE ANTOLINI, DIRECTRICE DU CENTRE SOCIAL FRAIS VALLONLORS DU DÉBABEL SUR LES PROJETS PARTICIPATIFS, MARS 2013.

Page 4: espr!t de babel 8

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Je réside hors de la France. Je recevrais les 3 prochains numéros contre un réglement de 20 euros.

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c/o Les Bancs Publics3, rue bonhomme13003 Marseille / France

E2B#

8

point de vue reMarquabLe

La mauvaise réputation

5écLaireur

ça va arriver près de chez vous

9rencontres sérieuses

Microcosmos

11proMenons-nous

No place like home

15espèces d’espaces

L’aire du large

doubLe Jeu

e2Bcédaire & Mode18

7Lieu coMMun

Les Hauts de Mazargues

Le Mot de L’ina 23 24Last Minute point coM

espr!t de babel en danger

13Midi Libre

superposition

17instantané

Ils ont la dalle

19215 questions à Mathieu Bornet

22brainsturMing

Marche arrière

coLLection particuLière12

page 3 au prograMMe

Page 5: espr!t de babel 8

espr!t de babel numéro huitJournal à parution aléatoire gratuit diffusé à Marseille et aux alen-toursédité par l’association LeS BANCS PUBLICS * LIeU d’eXPÉRIMeNTATIoNS CULTUReLLeS 3, rue bonhomme - 13003 Marseillehttp://lesbancspublics.com +33(0)4 91 64 60 00

dIReCTRICe de LA PUBLICATIoN Julie KretzschmarMAQUeTTe & GRAPHISMe benoît paqueteau / grattez-par-ici.com

CoMITÉ ÉdIToRIAL de Ce NUMÉRo : cassandre bichet-popovic, illustratriceemmanuelle bonthoux, professeur de français au lycée Diderotsamia chabani, déléguée générale de l’assocation Ancragesbérangère chauffeté, étudiante à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysageeric giordano, professeur d’histoire-géographie au lycée des CalanquesJulie Manchon, intérimaire de la cultureanna Massardier, étudiante à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysagedalibor popovic, illustrateurJulien rodriguez, artiste paysagistehendrik sturm, artiste promeneurcamille varin, archiviste à l’INA Méditerranéeet l’équipe des bancs publics.ce comité est ouvert à toute personne intéressée par le projet éditorial d’e2b. contactez la rédaction !

oNT CoNTRIBUÉ de PRÉS oU de LoIN À Ce NUMÉRo eT eN SoNT VIVeMeNT ReMeRCIÉS :sophie barra, nicolas binet, nicole bonfils, Mathieu bornet, florian bosc Malavergne, barbara chahbazian, annie chouard, sabine couët, Yacine djellouli, Jean-Jacques dupin, benjamin foerster-baldenius, erik goengrich, frédéric guelle, alice hamon, shirley hottier, chantal renaud, didier nadeau, Jean-Marc nardini, diatou n’diaye, Lahzar nettah, fabienne ochin, cyril olivy, francis talin, Jean-Michel savignat, patrick sfumato, stefan shankland, boris sieverts, xavier thomas, françois, nadia, l’observatoire des quartiers sud de Marseille, la Maison de quartier du baou de sormiou, l’association passerelle, l’association robins des villes, l’école des calanques, le ciq des hauts de Mazargues-La cayolle, le parc national des calanques, Marseille rénovation urbaine, le bar de la gaieté, la brasserie des calanques, l’association arts et développement et l’ina Méditerranée.

dISTRIBUTIoN esprit de babel est distribué gratuitement dans plus de 200 lieux à Marseille, arles, aix-en-provence, pays d’aubagne, pays d’aix et ouest-provence > carte des lieux sur esprit2babel.net

PoUR CoNTACTeR LeS RÉdACTeURS - écrivez-nous à [email protected] - participez sur esprit2babel.net - socialisons sur facebook & twitter- venez nous voir au 3 rue bonhomme 13003 Marseille (belle de Mai)- téléphonez-nous au +33(0)4 91 64 60 00

espr!t de babel reçoit le soutien du conseil général des bouches-du-rhône.

dépôt légal : mai 2013

issn 2106-492ximprimé à 13 000 exemplaires par rotimpres (espagne) sur papier 60gr/m2 & 80gr/m2

Gabi dolff-Bnekämper1 nous le rap-pelle « il y a une multitude de per-sonnes qui ne partagent pas la mé-moire du collectif dominant, et qui ont du mal à partager ces émotions patrimoniales ». Faut-il le rappeler, le patrimoine est socialement construit et il ne suffit pas d’avoir accès aux objets patrimoniaux pour comprendre la valeur qu’ils ont prise dans l’ima-ginaire de l’Autre. du Nord si décrié au Sud peu « visible », les extrémités de Marseille présentent de nombreux points communs en matière de valeur conflictuelle du patrimoine.

À l’effacement progressif de la campagne au profit des bassins industriels, suivi par l’émergence des quartiers résidentiels, issus des programmes de réhabili-tation, quelles histoires nous racontent les quartiers des deux extrêmités de Marseille ?

Classés en quartiers prioritaires, ils sont adossés aux massifs de la ville. de la Nerthe au Nord au Parc national des Calanques au Sud, les deux bouts de la ville connaissent les difficultés de mobilité, de mutations urbaines et sociales. Ce sont nos territoires d’in-vestigation préférés car ils se situent aussi aux frontières symboliques de la ville, ceux des quartiers populaires qui voient progressivement leur topony-mie transformée par les programmes immobiliers.

Autrefois éloignés de la ville, ces quar-tiers sont aujourd’hui au cœur d’un enjeu urbain et social de rattachement à l’espace symbolique de la ville. La crise identitaire liée au déclin industriel laisse place à une nouvelle forme d’effacement, celui des par-cours familiaux, résidentiels et migra-toires de nombreux habitants. Com-ment réinventer le lien à la ville sans produire de nouveaux déracinements, fruits de relogement et de rénovations successifs ? Comment penser le lien entre les nouveaux et anciens habi-tants autrement que dans la rupture ou plutôt la clôture, nouvelle arme de distinction sociale ?

Au Nord, aux creux laissés par les tuileries répondent au Sud, celles des industries chimiques et carrières de sable. Toute l’activité industrielle révèle l’ancrage des populations ouvrières et immigrées à Marseille et leur lien avec la ressource (sel, bau-xite, soude…).Ainsi, les quartiers de la Soude - La Jarre - Baou de Sormiou ont long-temps accueilli au même titre que le bassin de Séon, les bidonvilles les plus importants de la ville, comme l’illustre les archives de Monique Hervo2.

Peu de traces rappellent dans l’espace urbain, les camps où se sont rassem-blés et succédés les Arméniens (le camp oddo en 1923), ni ceux où l’on a cantonné, au lendemain de la seconde guerre mondiale les travailleurs algé-riens (Camp Lyautey ou grand Arénas) ou vietnamiens (Camp Colgate), au Sud de la ville.

Les actions culturelles et artistiques constituent des occasions inédites d’impliquer les habitants dans une réappropriation symbolique de leur histoire. C’est à ce type de rendez-vous aussi que nous invite la sculpture de la pierre tombée de Stefan Shan-kland, artiste plasticien. Un fragment de paysage qui ressurgit des mémoires populaires et habitantes. Un « monu-ment », une occasion de travailler sur l’intime de façon universelle.

1 : DOLFF-BNEKÄMPER (Gabi), La valeur conflic-tuelle du patrimoine, éd. Fage, 2010. G. Dolff-Bnekämper est historienne de l’art, professeur à l’institut de planification urbaine de Berlin, experte auprès du Conseil de l’Europe.

2 : HERVO (Monique) et CHARRAS (Marie Ange), Bidonvilles, l’enlisement, éd. Maspéro, 1971.

LESBANCSLESBANCSLES

PUBLiCSBANCSPUBLiCSBANCS

LIEU D’EXPÉRiMENTATIONS CULTURELLES

qui soMMes-nous ?un comité de rédaction bénévole composé de citoyens marseillais ou d’ailleurs a fabriqué ce numéro. esprit de babel - ou e2b - est donc un

journal sans journalistes (mais aussi un blog et des débats publics).

plus sur esprit2babel.net

d’un bout à l’autre de Marseillepar Samia Chabani

sociologue, Samia Chabani est la déléguée générale de l’association Ancrages qui propose par la marche de faire l’expérience sensible et documentée de l’articulation de ces différents patrimoines dans le paysage, à la fois économique, résidentiel et migratoire. point de rupture dans l’histoire officielle de la ville, c’est à la rencontre des petites histoires des habitants que l’on découvre le patrimoine du quartier.www.ancrages.org

Les extréMités de MarseiLLe présentent de noMbreux points coMMuns en Matière de vaLeur confLictueLLe du patriMoine.

édit’ours page 4

Page 6: espr!t de babel 8

Quel est votre rôle dans le projet de rénovation urbaine des Hauts de Mazargues ?

Je fais partie d’un bureau d’architectes urba-nistes missionné il y a deux ans par MRU pour formuler le projet de rénovation de la ZUS des Hauts de Mazargues composée de trois quar-tiers : la Soude, la Jarre et le Baou de Sormiou4. Nous avons terminé le plan d’ensemble et notre mission prend fin cette année.

Nous ne sommes pas les seuls acteurs de cette rénovation. La Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole lance également trois opé-rations de requalification des espaces publics sur la Soude et le Baou de Sormiou. Par ailleurs, les bailleurs interviennent sur les différents groupes d’habitat social pour des opérations de résidentialisation5.

Pourquoi la ZUS des Hauts de Mazargues fait-elle l’objet d’un projet de rénovation urbaine ?

C’est un secteur qui présente un total dysfonc-tionnement urbain. C’est paradoxal parce que

nous sommes dans les quartiers Sud, à deux pas de Sormiou, de Morgiou et du Roy d’Espagne qui sont des secteurs plutôt valorisés. Les Hauts de Mazargues sont une poche de précarité au milieu des quartiers Sud, directement au contact de zones riches.

L’enjeu du renouvellement urbain est d’y pallier en réintroduisant une normalité de fonction-nement urbain dans cette partie de la ville. Le problème est qu’il y a trop d’espaces vides, sans fonction. Il a fallu trouver une manière de rehiérarchiser l’espace afin de pouvoir distin-guer ce qui relève de l’espace public de ce qui relève de l’espace habité, résidentiel.

Si nous laissons les quartiers périphé-riques se dégrader, des zones de non-droit s’installent. Anticiper ces phénomènes relève de la responsabilité collective. En effet, si nous nous plaçons à l’échelle de Marseille, 14 quartiers sont concernés par une relégation qui n’a que trop

durée. Beaucoup de territoires et d’habitants sont concernés. À terme, sans action de renou-vellement urbain, c’est la perception de la ville tout entière qui est impactée.

Qu’entendez-vous par dysfonctionnement urbain ?

La ZUS des Hauts de Mazargues est une zone très distendue, composée de trois quartiers her-métiques les uns aux autres. Ces quartiers sont un imbroglio d’une grande complication. Il y a

beaucoup d’impasses, de murs et peu d’espaces ouverts favorables à la sociabilisation.

Au Baou de Sormiou, la situation relève de l’aber-ration urbaine. La métaphore militaire est une bonne lecture du territoire : au cœur du quartier,

La Métaphore MiLitaire est une bonne Lecture du territoire.

L’anru1 est en charge de la politique liée au renouvellement urbain des quartiers dits « en difficulté ». à Marseille, cet organisme est relayé par le groupement d’intérêt public Marseille

rénovation urbaine2 (Mru) qui coordonne les projets de rénovations de 14 quartiers classés zus3. Jean-Michel savignat, urbaniste et enseignant, réalise avec l’architecte paysagiste Jérôme Mazas, une mission de maîtrise d’œuvre urbaine pour le projet de rénovation du secteur La soude-Les hauts de Mazargues. Julie Machon et alisée bellono, rédactrices à e2b, sont allées le rencontrer.

ça va arriver près de chez vous

document : GIP-MRU

page 5 écLaireur écLaireur page 6

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comme entre Israël et la Palestine, des rochers empêchent la population de passer, formant ainsi un véritable no man’s land 6. Le quartier est devenu inaccessible, même pour ses habitants. Les hameaux du Rocher, de la Pinède et des Pins sont un réel problème d’un point de vue social, judiciaire et policier. Le hameau du Rocher a été conçu pour être piéton, aucun véhicule ne peut y entrer, même ceux de la police et des pompiers. C’est une situation de privatisation officieuse de l’espace public. L’identité du quartier en est directement entachée. D’ailleurs «  La Cayolle  » est devenu un terme peu valorisant. Trouver une solution à l’enclavement de ce quartier n’a pas été simple. C’est un déclic qui nous a permis de penser à un nouveau visage : la démolition et le déplacement de la maison de quartier du Baou de Sormiou. L’actuel bâtiment verrouille tout ce qui se trouve derrière lui, le no man’s land juste-ment. Nous avons choisi de déplacer ce lieu de rencontre au centre du dispositif, à côté de l’école des calanques, afin d’y implanter un espace du quotidien construit autour des enfants, sources de sociabilité au sein d’un quartier.

Justement, comment avez-vous pensé la res-tructuration des Hauts de Mazargues ?

Nous avons travaillé en priorité sur la création d’espaces et d’équipements publics ainsi que sur la résidentialisation. Créer du lien entre les différents quartiers de cette zone a été notre première préoccupation. Pour répondre à la pro-blématique du cloisonnement des quartiers, il a fallu penser des espaces et équipements publics.

Le périmètre de la Jarre est un secteur inter-médiaire, peu d’opérations sont prévues sur ce quartier mis à part une importante : la création du parc de la Jarre. Cet équipement public de 3 hectares sera un trait d’union entre La Soude et Le Baou de Sormiou. Ce parc présente aussi la possibilité de garder en mémoire l’histoire agricole du vallon, l’activité rurale n’existant plus aujourd’hui.

L’autre élément important de liaison entre les différents segments du secteur est représenté par cette ligne verte sur le plan. C’est ce que nous avons appelé l’Allée des Calanques. Elle permet de fédérer les différentes opérations, de trouver un fil rouge commun, même ténu. L’idée suivie est  : nous partons de la mer, des plages Gaston Deferre, pour arriver aux calanques de Morgiou et de Sormiou. Cette allée sera ouverte aux modes de circulation doux et se voudra une invitation à la promenade. Le but était de trouver, au cœur du quartier, un cheminement qui tra-verse et relie. Nous avons également souhaité que ce cheminement soit jalonné. En partant du parc Borély, vous croiserez ensuite le jardin du Musée d’Art Contemporain puis vous trouverez le jardin Bortoli, remonterez en traversant le

parc de La Jarre, pour finalement arriver au Parc national des calanques.

Nous voulons remédier à l’absence d’espaces publics dans ces quartiers. Aujourd’hui c’est le centre commercial Leclerc qui porte ce rôle à lui seul. En périphérie de la ville, il n’y a quasi-ment plus de petits commerces de proximité, c’est la galerie commerçante qui reprend cette fonction et devient ainsi un élément important du quotidien du quartier. Il faut voir cet équipe-ment comme une des composantes positive et dynamique du secteur et donc travailler avec lui dans l’aménagement du territoire. Une des hypothèses de travail est d’ailleurs de l’agrandir.

Ce plan de rénovation urbaine a été mis en discussion lors de séances de concertation avec les habitants. Comment ces échanges se sont-ils passés ?

Il y a toujours une crainte du changement, c’est pourquoi n’importe quel nouveau projet est vu d’un œil méfiant. Notre plan de rénovation a vu des évolutions. De notre côté, nous avons tra-vaillé en amont afin d’être en mesure d’aller vers les gens avec des propositions. Vient ensuite le temps des discussions sur la manière d’aména-ger. Mais lorsque vous parlez de construire un bâtiment, la réponse est « oui mais pas à côté de chez moi ». Et quand cela concerne la construc-tion de logements sociaux, la réponse est encore plus musclée. C’est mon interprétation de ce qui se passe à La Soude où un lobby d’habitants ne veut aucune intervention sur la place de la

Barquière. Aujourd’hui, cette place est le plus souvent déserte, elle représente simplement le no man’s land qui tient les habitants à distance des logements sociaux.

Si à La Soude les échanges sont difficiles, au Baou de Sormiou nous avons réellement pu discuter avec les habi-tants. Je pense que c’est lié à une situation qui s’est énormément détériorée, autant dans les logements sociaux, que dans les copropriétés et logements individuels. Tout le monde est à cran. C’est pourquoi le CIQ7 croise aujourd’hui à peu près toutes les populations et qu’il y a une vraie réflexion, une vraie mise en débat.

Beaucoup d’éléments sont venus préciser le pro-jet et les attentes. Nous avons monté différents scénarios au fur et à mesure des séances de concertation.

Vous nous l’avez dit, c’est un secteur peu valo-risé. Malgré une rénovation, comment le rendre plus attractif pour la population marseillaise ?

Le parc de la Jarre sera en prise directe sur le Boulevard Urbain Sud 8 et cette voie va devenir le seuil d’entrée du quartier. Aujourd’hui, quand vous vous rendez sur les Hauts de Mazargues, vous arrivez par Bonneveine. Cette nouvelle entrée va renverser la donne. Les marseillais tomberont directement sur cet équipement

plutôt valorisant. À terme, nous espérons que l’appréhension et les regards portés sur cette partie de la ville en seront modifiés.

Il faut ajouter que le parc de La Jarre devrait accueillir le Théâtre du Centaure 9. La structure ne pouvant plus rester au centre équestre Pastré, il a fallu lui trouver un nouveau lieu d’accueil. L’idée de les installer dans ce parc permet de lui conférer une identité et une présence à l’année. Cela donnera aussi une notoriété à ce site au-delà du quartier, c’est une manière d’en faire un des lieux emblématiques de Marseille : « On va au Centaure, on va au parc de La Jarre ». Le Théâtre du Centaure sera un équipement de quartier mais également un équipement urbain, c’est un moyen intéressant de réintégrer le secteur dans la ville. De plus, parallèlement à son activité artistique de création, le Centaure est porteur de propositions intéressantes avec notamment un accueil des scolaires. Un travail pédagogique à destination des enfants du quartier qui pour-rait bien fonctionner sur ce secteur où les lieux culturels sont rares.

Propos recueillis par Julie Manchon & Alisée Bellono.

1 : L’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine a été créée en 2004 afin de financer la restructuration des quartiers classés en Zone Urbaine Sensible. Elle inter-vient sur les logements, la voirie, les espaces publics, les établissements scolaires, les commerces, les crèches, les centres multi-activités.

2 : Le GIP Marseille Rénovation Urbaine est un groupement d’intérêt public pour le Grand Projet de Ville. Il rassemble l’État (Agence Nationale de Rénovation Urbaine), la ville de Marseille, la ville de Septèmes-les-Vallons, la commu-nauté urbaine MPM, le conseil général 13, la région Paca, l’association régionale des organismes HLM et la Caisse des dépôts et consignations. Ses missions sont  le pilo-tage stratégique des projets de renouvellement urbain ; la mutualisation des financements pour les projets soutenus par l’ANRU à Marseille et le management des projets et la coordination des maîtres d’ouvrages, collec-tivités, bailleurs et promoteurs.

3 : Les Zones Urbaines Sensibles (ZUS )formalisent la notion de «quartier en difficulté»: elles sont caractéri-sées par la présence de grands ensembles ou de quar-tiers d’habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi. Elles sont la cible prioritaire de la politique de la ville qui vise à réduire les inégalités sociales entre territoires.

4 : Le Baou de Sormiou est une récente appellation dési-gnant La Cayolle.

5 : La résidentialisation est un type d’opération de réno-vation urbaine apparue en France au début des années 1990. Elle est généralement vue comme une amélioration du cadre de vie des quartiers d’habitat social.

6 : Terrain intermédiaire d’usage souvent mal défini situé entre deux zones bien définies.

7 : Un Comité d’Intérêt de Quartier est une association à but non lucratif servant d’interlocuteur entre les habi-tants d’un quartier et les élus locaux.

8 : Le BUS est un projet de la Communauté Urbaine en cours d’étude. C’est la branche sud de la L2, la rocade de Marseille qui pourrait voir le jour en 2017.

9 : Le Théâtre du Centaure est une compagnie de théâtre équestre, de cirque et de danse installée à la campagne Pastré depuis 1995. (Voir E2B numéro 7).

La rédactrice

Julie Manchon se définie comme

une « intérimaire de la culture. » elle collabore régulièrement au journal.

devenez contributeur : www.esprit2abel.net

Lorsque vous parLez de construire un bâtiMent, La réponse est : « oui Mais pas à côté de chez Moi. »

écLaireur page 6

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idée reçue n°1C’est un quartier riche.Le quartier des Hauts de Mazargues, riche ? En fait, il y a rive droite et rive gauche. De l’autre côté de la rue, de jolies petites villas et puis de notre côté, l’école et la cité. A notre grand regret, aucune mixité sociale n’a été possible !

idée reçue n°4À part les calanques, il n’y a rien à voir et rien à faire dans ce quartier. A part la visite des calanques... il y a beaucoup de choses à construire, à inventer. Des gens merveilleux, et des enfants vivent sur chaque rive. C’est ce qui fait la richesse du quartier.

idée reçue n°3Dans ce quartier, il n’y a que des personnes âgées.Jeunes et vieux cohabitent dans le quartier. L’école aussi essaye de créer des liens entre les générations en participant à des rencontres avec la maison de retraite toute proche lors des moments de fête ou d’ateliers artistiques.

idée reçue n°2C’est dangeureux d’habiter ce quartier.

Il y a bien eu quelques règlements de compte, c’est vrai. Mais nous ne nous sentons pas en danger. Ce qui nous gêne le plus, c’est cette grande misère sociale.

6 idées reçues sur

Les Hauts de Mazarguespar Chantal Renaud, directrice de l’école élémentaire des calanques

idée reçue n°5Ici, c’est chacun chez soi, chacun pour soi.Nous avons remarqué à l’école qu’il existe une grande solidarité entre les familles de la cité. Elle existe certainement sur l’autre rive. Il faudrait construire des ponts, en commençant par l’école. Un rêve ?

idée reçue n°6Il y a une mosquée dont il ne faut pas parler*.C’est vrai nous n’entendons jamais parler de la mosquée, ni de l’église de Mazargues d’ailleurs.

* Voir E2B numéro 7.

page 7 Lieu coMMun

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« ON EST INDÉPENDANT COMME UN VILLAGE GAULOIS.» FRÉDÉRIC GUELLEPRÉSIDENT DU CIQ HAUTS DE MAZARGUES-LA CAYOLLE

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Comment avez-vous accueilli le projet PARC ?

Nicole Bonfils : Nos relations avec les artistes du projet PARC ont été tendues au début. Maintenant nous essayons de travailler ensemble, même si nous envisageons différemment l’adaptation du projet au quartier. Nous avions imaginé que les habitants seraient les maîtres d’œuvre de ce Quartier Créatif. Le projet culturel que nous défendons n’est pas le fruit d’une étincelle qui a jailli un beau jour  : la commission culture du CIQ travaille depuis plus de 30 ans à recenser les besoins de la population. Le problème principal de PARC, ce ne sont pas les gens, c’est le projet ! En théorie, il devrait y avoir des artistes en rési-dence dans notre quartier mais dans les faits ils ne sont pas souvent là.

Frédéric Guelle  : Nous ne remettons pas en cause les individus membres de ce projet mais le processus du Quartier Créatif qui n’est pas adapté à ce que nous en attendions.

Nous avons plus de 500 familles adhérentes, nous considérons être représentatifs des habitants du quartier, nous ne sommes pas des acteurs sociaux, ni des professionnels de la culture, ni des institutionnels. Alors, puisque la manière dont ce Quartier Créatif était mené ne nous convenait pas, nous avons décidé d’agir pour que nous, habitants, réalisions ce que nous voulions pour notre quartier. Nous ne voulions pas d’un semblant de concertation pour finalement nous voir imposer un projet qui ne nous convenait pas.

Vous savez, pendant les premières réunions de PARC, j’ai parfois eu l’impression d’avoir affaire à des artistes ethnologues venant voir les sau-vages. Ce n’est pas parce que les artistes du projet PARC ont de l’argent qu’ils peuvent nous imposer des choses.

Nous avons vu que les Quartiers Créatifs se passaient également mal ailleurs. Au début nous avons gentiment dit ce qu’on pensait, parfois nous avons un peu élevé la voix, et puis nous avons fini par nous débrouiller tout seuls. Nous sommes indépendants comme un village gaulois.

Quels sont les aspects du projet avec lesquels vous êtes en désaccord ?

N.B  : Par exemple, les enfants jouent depuis toujours dans la colline. Ils n’avaient pas besoin d’un artiste pour la découvrir. Je pense que la culture doit amener un peu de rêve, un peu d’utopie, quelque chose qu’ils n’ont pas au quotidien. Quelque chose que les enfants de la ville ont et que eux n’ont pas. Ils habitent Marseille mais n’ont pas accès aux équi-pements culturels qui sont très éloignés de notre quartier. Les artistes interviennent souvent dans les écoles du centre-ville et jamais dans celles de La Cayolle.

F.G  : Oui, nous regrettons que les artistes du projet PARC fassent si peu avec un budget aussi important. Pour l’instant, ils ont édité une carte postale où on voit un artiste de dos dans les calanques, ils ont fait aussi un flyer qui donnait l’impression que l’on était en deuil.

N.B : Nous ne sommes absolument pas opposés au Quartier Créatif, mais nous essayons de faire cohabiter deux projets, leur sculpture éphémère «  La Pierre Tombée  » au rond-point du Leclerc et notre projet de sculpture pérenne « La Porte des Calanques » sur le rond-point Vaucanson en espérant qu’ils se croiseront à un moment. Par exemple, le projet de sculpture sur le carrefour du Leclerc vient de nous. Au départ, l’équipe de PARC n’était pas intéressée, mais à force de dis-cussions, cette idée a été intégrée dans leur liste de projets éventuels.

F.G : Nous travaillons également avec eux sur un projet de fours banaux. En Provence, un four banal était un four à pain communautaire. A la révolu-tion, le four seigneurial est devenu le four banal. Il se trouvait sur le terrain communal du village ; les villageois en étaient tous propriétaires et faisaient plusieurs fois par an le pain ensemble.

Le pain est l’aliment de partage qui relie toutes les communautés de la Méditerranée. Nous voudrions que ce pain redevienne un aliment de partage, d’où l’idée de ce four banal.

N.B  : Alors, pour faire participer les artistes de PARC à ce projet, nous avons accepté de mener

ensemble des ateliers cuisine. C’est devenu un projet commun avec Quartier Créatif, comme quoi il est possible de trouver un terrain d’entente. Par la suite, nous allons essayer d’organiser des actions conjointes.

De votre côté, menez-vous des projets culturels au CIQ ?

N.B : Notre priorité est de montrer les activités des habitants. Dans le village de La Cayolle, il y a des musiciens, des chanteurs lyriques, des compositeurs de musique contemporaine, des potiers… Il nous tient à cœur de montrer aux politiques que les habitants veulent réaliser quelque chose eux-mêmes. Par exemple, le sculpteur Roland Bellier organise des ateliers avec les jeunes à la maison de quartier pour réa-liser une sculpture sur le rond-point de l’école. Tous les habitants vont pouvoir participer, ne serait-ce qu’en mettant leurs noms dessus. Nous voulons essayer de montrer que La Cayolle peut symboliser autre chose que des kalachni-kovs. Nous avons également initié un partenariat avec l’artiste Alice Hamon, qui a déjà travaillé sur des ateliers de rue à La Soude. Comme ses pho-tos aériennes bénéficient d’une reconnaissance internationale, nous lui avons demandé, en plus de ses ateliers, de faire des photos pour montrer La Cayolle autrement. D’autre part, la maison de

« Les enfants Jouent depuis touJours dans La coLLine. iLs n’avaient pas besoin d’un artiste pour La découvrir. »

MicrocosmosLe comité d’intérêt de quartier1 (ciq) des hauts de Mazargues-La cayolle ras-

semble plus de 500 familles autour de la question du mieux vivre ensemble. entre rénovation urbaine et création du parc national des calanques, l’associa-tion voit son environnement se modifier. L’installation d’un quartier créatif2 sur le territoire fait se croiser regards d’artistes et d’habitants sur un quartier en mutation.Jessie Linton a recueilli pour e2b le point de vue de frédéric guelle, président du ciq, et de nicole bonfils, chargée de la commission culture de cette association, sur une cohabitation mouvementée.

page 9 rencontres sérieuses

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quartier de La Cayolle collabore actuellement à la création d’une école au Népal. Un habitant du quartier a présenté aux enfants de l’école des photos de son voyage dans ce pays pour les sensibiliser à une autre misère. Les enfants se sont alors rendus compte qu’ils n’étaient pas si malheureux que ça. Enfin, sur le parc de la Jarre, le Théâtre du Centaure1 va peut-être venir s’installer. L’aspect participatif fait partie de leur projet, et nous travaillons avec eux pour propo-ser des ateliers aux enfants à la rentrée.

F.G : Nous sommes très heureux à l’idée de cette installation, mais certaines personnes y sont opposées. Certains pensent que leur tente noire ne s’accordera pas dans le paysage, et craignent les excréments de chevaux, les odeurs…

Comment voyez-vous le projet de réhabilitation de l’ANRU 3 ?

F.G : Nous sommes très favorables à la réhabili-tation de notre quartier car il y a une nécessité impérieuse à ce que les gens puissent vivre dans des conditions dignes. Le CIQ a organisé la concertation qui a débouché sur une négocia-tion puis des micro-négociations. Pour mener

cette concertation, le CIQ a imposé qu’aucune personne ou association étrangère au quartier ne puisse prendre part aux négociations. Nous avons ainsi imposé que ce soit uniquement des gens du quartier qui s’impliquent dans ces dis-cussions. A chaque rénovation d’un espace, nous voulions que seuls les habitants proches soient consultés. Nous n’avons jamais vécu de rupture

avec les membres de l’ANRU dans ce quartier, nous sommes toujours parvenus à un compro-mis. Nous essayons de faire en sorte que la parole des habitants ne soit ni confisquée ni manipulée par quiconque. Nous avons également réussi à imposer à l’ANRU ce que nous ne voulions pas : une urbanisation folle. Puisque nous vivons dans une transition entre la ville et le Parc national, il était important que les spécificités de notre territoire soient intégrées au projet.

Avez-vous eu des désaccords avec certains volets du projet de réhabilitation du quartier ?

F.G : Oui, nous nous sommes par exemple élevés contre la construction d’un immeuble qui a été bâti sur des terrains agricoles, que nous envisa-gions de transformer en jardins partagés. Nous préférerions que les promoteurs construisent sur des endroits qui n’en valent pas la peine. Ce terrain est situé juste à côté du secteur le plus pauvre de La Cayolle. Ils y ont construit un immeuble qui a bouché la vue sur Marseille aux habitants. Les habitants des HLM qui vivent juste à côté nous disent «  Avant, nos enfants allaient jouer sur ce terrain, maintenant il y a un immeuble qui nous cache toute la vue. On a les

riches en face. »

De nombreuses familles habitent ici et veulent res-ter dans le quar-tier, ils y ont leurs habitudes et leurs réseaux de connaissances . Certes, nous avons besoin de c o n s t r u c t i o n s

mais nous avons surtout besoin d’accession aidée à la propriété. Le problème est que les constructions sont déstinées aux gens qui ont de l’argent : pour habiter ici il faut acheter 1000 m2 de terrain et construire une maison, et tout le monde n’en a pas les moyens. Il est également primordial que tous les financements néces-saires à la réhabilitation nous soient accordés.

Vu que nous sommes dans les quartiers Sud, près des calanques, qu’il n’y a pas de grandes barres d’immeuble, ça ne ressemble pas aux cités habituelles. Visuellement, ça ne fait pas pauvre. On constate régulièrement que les quartiers Nord bénéficient plus facilement de financements que nous.

Un autre « Parc » a pris place également près d’ici... Comment s’est passée la concertation pour la création de ce Parc national des Calanques ?

F.G  : Le CIQ a pris une position ferme et défi-nitive en faveur de ce Parc. Nous en sommes très satisfaits et nous en voulons encore plus. Nous voulons mettre en valeur les franges du Parc national, en faire un endroit pour tous avec un véritable jardin, des restanques4, des aman-diers et peut-être même un projet de ruches partagées.

Rédaction & photos : Jessie Linton

1 : voir note en bas de page 6.

2 : Le programme Quartiers Créatifs installe des artistes en résidence au coeur d’une quizaine de quartiers en rénovation urbaine sur tout le territoire de la Capitale Européenne de la Culture. Il a pour but de produire des objets ou des actions dont l’élaboration est partagée avec les habitants.

3 : voir note en bas de page 6.

4 : En basse Provence, désigne un mur de retenue en pierres sèches construit pour créer une terrasse de culture (du provençal restanco).

La rédactrice

Jessie Linton est assistante

d’administration aux bancs publics depuis 2012. c’est la presque première fois qu’elle signe un article dans esprit de babel.

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« visueLLeMent, ça ne fait pas pauvre. on constate réguLièreMent que Les quartiers nord bénéficient pLus faciLeMent de financeMents que nous. »

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No place like homeun lundi d’avril, 11 heures. e2b a rendez-vous devant

la maison de quartier du baou de sormiou avec un habitant de longue date. cordiales et brèves salutations. bonnet vissé sur la tête, sacoche adidas barrant son torse, françois1 démarre au quart de tour : « ici tout change très vite : ça construit ici, ça construit là-haut, on ne reconnaît plus La cayolle ».

Enfant du Grand Arénas, «le camp des juifs», François habite La Cayolle depuis plus de quarante ans. Mais plus pour longtemps : « Ici, c’est la jungle, c’est pas une vie. Je vais déménager et quitter Marseille. Je ne fais pas ça pour mon avenir mais pour celui de mes enfants.» Un mélange de peur, d’exaspération et de résignation se lit dans son regard. Il souffre de la mauvaise réputation de son quartier. Tellement qu’il est obligé de mentir et de dire qu’il habite au Roy d’Espagne ou aux Baumettes, des quartiers alentours plus fréquentables. S’il donne sa véritable adresse, même pas la peine d’espérer qu’un livreur de pizzas, qu’un chauffeur de taxi ou qu’un médecin ne s’aventure jusqu’à chez lui.

François ne tarit pas de regrets sur la dégradation des conditions de vie de son quartier. En guise de preuve, il nous emmène juste au dessus de la Maison de quartier pour visiter les vestiges du complexe sportif de la Cayolle. Feu la piscine, feux les terrains de tennis, feu au sens propre. A peine ouvertes aux résidents, les installations ont été brûlées, pillées, saccagées puis murées. La piscine extérieure a été remplie avec des voitures volées puis remblayée. Reste un fantôme de parc de loisir digne du club Med à deux pas de la montagne. «C’est du gaspillage.» déplore notre guide.

«Et derrière le Baou de Sormiou, vous ne connaissez pas ? Bougez pas, je vais chercher la voiture.» Nous empruntons le chemin de Sormiou comme de nombreux touristes qui se rendent aux calanques, à la dif-férence près que nous nous arrêtons sur le bas côté, 200 mètres plus loin. Nous sommes au pied du Parc National des Calanques, là où les habitations laissent place aux pins. «  Là-haut derrière, il y a la Pierre Tombée, le fameux caillou » lance notre éclaireur en montrant du doigt le sommet des premières falaises. Tout au long du chemin, dans des effluves de thym et de romarin, il fait l’inventaire des lieux où ont brûlé des voitures. Un sacré terrain de jeu. Plus nous montons, plus Marseille se montre. On aperçoit au loin le gratte-ciel de la Joliette. Derrière nous, les toits rouges flambant neufs d’une maison de retraite dernier cri semblent être posés sur la pinède. A gauche, se dresse le hangar spectral de l’ancienne carrière. Plus loin, l’entrée condamnée d’un tunnel datant de la seconde guerre mondiale qui menait à la calanque de Sormiou. Et là, sur le flanc de colline face à nous : « Chicago ». Un vaste parking goudronné envahi par les herbes, les débris de verre et de moellons. Ici, c’était la cour des grands. « Quand on était petits, on n’y allait pas, c’était la mafia là-bas. D’où le nom. » Un peu plus haut sur la gauche, devant une petite grotte, se trouve « le cierge », une veilleuse que les habitants allument à tour de rôle pour « faire comme à Notre-Dame de La Garde » nous révèle François. Il n’y a pas que les carcasses qui brûlent.

Nous passons et repassons plusieurs fois devant le Grand Arénas devenu l’hypermarché «le moins cher de Marseille». François nous confirme qu’il n’existe pas de plaque commémorative de ce bidonville notoire qui a vu grandir des générations de marseillais. Au contraire, la volonté des pouvoirs publics penche davantage du côté de l’éradication que de la commémoration. Car ici, nous confie-t-il, même les noms changent en vue de faire évoluer la représentation du quartier à l’instar de l’école de La Cayolle fraîchement rebaptisée école des Calanques. Lorsque François était plus jeune, son adresse postale était Arénas. « Personne ne savait lire au camp » nous dit-il, et pourtant le facteur était attendu comme le messie car tous les habitants espéraient les mandats pour les pensions, la retraite, les allocations.

Nous redescendons vers le Leclerc et virons avenue de la Jarre, là où se trouve l’ancien château, une belle bastide dont le terrain a été complè-tement morcelé. François se souvient d’une grosse citerne en ferraille qui appartenait à un pacoulin2 qui élevait ici ses vaches et ses moutons. Les gamins de l’Arénas venaient y puiser de l’eau. Nous sommes à Colgate, là où se juxtaposent des dizaines de petites maisons toutes semblables.

Nous poursuivons en direction de la colline qui nous fait face en passant devant le bar de la Gaîté. Nous remontons vers la carrière et là, changement radical de décor. Nous pénétrons dans un enclos résidentiel à l’intérieur duquel se trouvent d’autres rési-dences fermées3. Des espaces verts soignés, des allées propres, des portails métalliques colorés et des noms imaginatifs tels que «La Résidence des Calanques» ou «Les Jardins de Sormiou.» « Ici au moins, les gens ils vivent » lance François.

Nous continuons. Quelques années en arrière, il y avait «  l’épicerie de Ninou. Ici un petit bar. Il y avait même une pharmacie et un dentiste » énumère François. Maintenant, ces commerces sont tous en bas, près du Leclerc qui semble à première vue être l’un des seuls endroits de sociabilité de la vallée.

La proximité d’ensembles résidentiels que tout paraît opposer nous saisit. En quelques enjambées seulement, le contraste urbain caracté-ristique de Marseille se perçoit ici comme nulle par ailleurs.

Un peu plus tard, autour d’un café à la Torréfaction Noailles du Roy d’Es, François bavarde avec nous sur l’avenir du quartier. Selon lui, le label Parc National des Calanques et les grand travaux de rénovation urbaine en cours ne vont ni apaiser les tensions ni les empirer. Il s’interroge : « Maintenant, qui va le reprendre le quartier ? Les trafiquants, les habi-tants, les touristes ?»

«C’est vraiment un beau quartier. On ne se plaint pas. On a les calanques et Morgiou ici.» «C’est beau. Mais c’est chaud.» conclut-il.

E2B

1 : Le prénom a été modifié, cet habitant a choisi de se faire appeler François.2 : Pacoulin #3 : voir E2B numéro 7.

Les rédacteurs

pour cet article,

e2b est alisée bellono, Julie Manchon et benoît paqueteau.

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« c’est beau. Mais c’est chaud. »

verts soignés, des allées propres, des portails métalliques colorés et des noms imaginatifs tels que «La Résidence des Calanques» ou «Les

« c’est beau. Mais c’est chaud. »

même pas la peine d’espérer qu’un livreur de pizzas, qu’un chauffeur de

François ne tarit pas de regrets sur la dégradation des conditions de vie de son quartier. En guise de preuve, il nous emmène juste au dessus de la Maison de quartier pour visiter les vestiges du complexe sportif de la Cayolle. Feu la piscine, feux les terrains de tennis, feu au sens propre. A peine ouvertes aux résidents, les installations ont été brûlées, pillées, saccagées puis murées. La piscine extérieure a été remplie avec des voitures volées puis remblayée. Reste un fantôme de parc de loisir digne du club Med à deux pas de la montagne. «C’est du gaspillage.»

«Et derrière le Baou de Sormiou, vous ne connaissez pas ? Bougez pas, je vais chercher la voiture.» Nous empruntons le chemin de Sormiou comme de nombreux touristes qui se rendent aux calanques, à la dif-férence près que nous nous arrêtons sur le bas côté, 200 mètres plus loin. Nous sommes au pied du Parc National des Calanques, là où les habitations laissent place aux pins. «  Là-haut derrière, il y a la Pierre Tombée, le fameux caillou » lance notre éclaireur en montrant du doigt le sommet des premières falaises. Tout au long du chemin, dans des effluves de thym et de romarin, il fait l’inventaire des lieux où ont brûlé des voitures. Un sacré terrain de jeu. Plus nous montons, plus Marseille se montre. On aperçoit au loin le gratte-ciel de la Joliette. Derrière nous, les toits rouges flambant neufs d’une maison de retraite dernier cri semblent être posés sur la pinède. A gauche, se dresse le hangar spectral de l’ancienne carrière. Plus loin, l’entrée condamnée d’un tunnel datant de la seconde guerre mondiale qui menait à la calanque de Sormiou. Et là, sur le flanc de colline face à nous : « Chicago ». Un vaste parking goudronné envahi par les herbes, les débris de verre et de moellons. Ici, c’était la cour des grands. « Quand on était petits, on n’y

Nous passons et repassons plusieurs fois devant le Grand Arénas devenu l’hypermarché «le moins cher de Marseille». François nous confirme qu’il n’existe pas de plaque commémorative de ce bidonville notoire qui a vu grandir des générations de marseillais. Au contraire, la volonté des pouvoirs publics penche davantage du côté de l’éradication que de la commémoration. Car ici, nous confie-t-il, même les noms changent en vue de faire évoluer la représentation du quartier à l’instar de l’école de La Cayolle fraîchement rebaptisée école des Calanques. Lorsque François était plus jeune, son adresse postale était Arénasne savait lire au camp » nous dit-il, et pourtant le facteur était attendu comme le messie car tous les habitants espéraient les mandats pour

Nous redescendons vers le Leclerc et virons avenue de la Jarre, là où se trouve l’ancien château, une belle bastide dont le terrain a été complè-tement morcelé. François se souvient d’une grosse citerne en ferraille qui appartenait à un pacoulin2 qui élevait ici ses vaches et ses moutons. Les gamins de l’Arénas venaient y puiser de l’eau. Nous sommes à Colgate, là où se juxtaposent des dizaines de petites maisons toutes semblables.

Ninou. Ici un petit bar. Il y avait même une pharmacie et un dentiste » énumère François. Maintenant, ces commerces sont tous en bas, près du Leclerc qui semble à première vue être l’un des seuls endroits de

La proximité d’ensembles résidentiels que tout paraît opposer nous saisit. En quelques enjambées seulement, le contraste urbain caracté-ristique de Marseille se perçoit ici comme nulle par ailleurs.

Un peu plus tard, autour d’un café à la Torréfaction Noailles du François bavarde avec nous sur l’avenir du quartier. Selon lui, le label Parc National des Calanques et les grand travaux de rénovation urbaine en cours ne vont ni apaiser les tensions ni les empirer. Il s’interroge : « Maintenant, qui va le reprendre le quartier ? Les trafiquants, les habi-tants, les touristes ?»

«C’est vraiment un beau quartier. On ne se plaint pas. On a les calanques et Morgiou ici.» «C’est beau. Mais c’est chaud.» conclut-il.

1 : Le prénom a été modifié, cet habitant a choisi de se faire appeler

3 : voir E2B numéro 7.

vaste parking goudronné envahi par les herbes, les débris de verre et de moellons. Ici, c’était la cour des grands. « Quand on était petits, on n’y allait pas, c’était la mafia là-bas. D’où le nom. » Un peu plus haut sur la gauche, devant une petite grotte, se trouve « le cierge », une veilleuse que les habitants allument à tour de rôle pour « faire comme à Notre-Dame de La Garde » nous révèle François. Il n’y a pas que les carcasses

devant une petite grotte, se trouve « Le cierge », une veiLLeuse que Les habitants aLLuMent à tour de rôLe pour « faire coMMe à notre-daMe de La garde. »

page 11 proMenons-nous

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Photos : Alisée Bellono, Jessie Linton, Jean-Marc Nardini et Lahzar Nettah.

coLLection particuLière page 12

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CARTE D’IDENTÉ DU PARC NATIONAL DES CALANQUES

CRÉATION : 18 avril 2012

COMMUNES : 7 dont 3 pour le seul cœur (Marseille, Cassis et La Ciotat)

CŒUR DE PARCcœur terrestre : 8 500 hectarescœur marin : 43 500 hectares

AIRE OPTIMALE D'ADHÉSIONsuperfi cie : 8 200 hectares

AIRE MARITIME ADJACENTE superfi cie : 97 800 hectares

ZONE DE NON CHASSE superfi cie : 4 342 hectares soit 51% du coeur terrestre

ZONE DE NON PRÉLÈVEMENTsuperfi cie : 4 626 hectares soit 10,6 % du coeur marin

RÉSERVES INTÉGRALES À TERREsuperfi cie : 412 hectares soit 4,8% du coeur terrestre

RÉSERVES INTÉGRALES EN MERsuperfi cie : 94 hectaressoit 0,2% du coeur marin

NOMBRE DE VISITEURSentre 1,5 et 2 millions par an à terre et en mer

BIODIVERSITÉsur terre, 31 écosystèmes remarquables, 140 espèces protégées dont l’Aigle de Bonelli (1 couple sur les 30 recensés en France). En mer, 14 écosystèmes remarquables, 60 espèces patrimoniales (dont les 2/3 sont protégées) : Mérou, Corb, plusieurs espèces de dauphins et de tortues marines.

www.calanques-parcnational.frwww.parcsnationaux.fr

Comment le Parc national des Calanques a-t-il vu le jour ?

La création du Parc a été orchestrée par le GIP1

Calanques et a nécessité une année de concer-tation, suivie de phases de négociations qui se sont achevées avec une enquête publique en fin d'année 2011. Le Parc a été officialisé voilà un an, en avril 2012.

En France, la création d’un Parc national est l'outil le plus performant pour la protection des patrimoines environnementaux  : naturels, paysagers et culturels. Mais pour faire exister ce type d’espace naturel, il faut une volonté poli-tique forte à l’échelle nationale. L'aménagement du territoire est quelque chose de complexe, car très politique. Les élus locaux avaient déjà mal accueilli la loi SRU2 et certaines lois Grenelle3 qui modifiaient la législation sur l'aménagement du territoire. Et il est délicat d’imposer aux habi-tants un changement de leurs usages. Certains riverains avaient par exemple pour objectif de transformer des parcelles agricoles en zones constructibles. Ils voyaient d'un très mauvais œil l'arrivée du Parc qui défend des valeurs de développement durable et une autre forme d'aménagement du territoire. Dans nos sys-tèmes démocratiques issus du 18e siècle, c’est la majorité des intérêts particuliers qui définit l’intérêt commun, et évidemment là dedans l'intérêt de la nature n’a jamais son mot à dire. D'où la limite de nos démocraties actuelles face à la problématique environnementale.

Il y a des habitants qui vivent dans ce Parc et il est pratiquement au coeur d’une grande ville. Peut-on parler de parc périurbain ?

Oui, par la présence importante de l’urbanisation. C’est d’ailleurs le seul parc périurbain de France. Les Parcs nationaux des Cévennes et de La Réunion sont aussi habités, mais très ruraux. Les autres sont des Parcs de montagne non habités. Le Parc des Calanques est un morceau de Marseille. Les deux tiers de sa partie ter-restre sont dans la commune, et c’est

à cet endroit que l’on trouve l’aire d’adhésion habitée la plus importante.

Une aire d’adhésion ?

Oui, c’est une notion instaurée en 2006 qui vise à impliquer les élus locaux dans le fonctionne-ment des Parcs nationaux, en créant une zone intermédiaire en pourtour du cœur englobant les communes adjacentes. C’est une idée plutôt positive qui permet, par exemple, de limiter les effets du développement urbain aux portes du Parc. Cependant, les outils dont nous disposons sont limités puisque les codes de l’environne-ment applicables par les communes sont relati-vement minces et ne concernent que des lois sur la publicité ou les gros travaux d’aménagements. De plus, les discussions avec les communes ayant été difficiles, cette aire d’adhésion a été négociée parcelle par parcelle. Son périmètre reste donc limité.

Si d’un point de vue légal, le Parc n'a pas de pouvoir réglementaire sur cette zone, il peut par contre y promouvoir ses valeurs d'aména-gement du territoire et d'éducation à l'environ-nement. Nous avons remis en exergue beau-coup de problématiques, par exemple celle de l’accessibilité (les embouteillages aux Goudes, l’accès à Sormiou et Morgiou, etc). Les habitants et leurs représentants peuvent désormais se saisir du label de « Parc national » pour peser lors des prises de décisions. C’est une forme de soft power 4, le processus est long mais permet une réflexion plus stratégique et plus partagée.

Les aires d’adhésion de la Cayolle, du domaine du Roy d'Espagne et des Hauts de Mazargues ont-elles des spécificités ?

Nous sommes en présence d’une mosaïque de types d'habitats  : des

zones de relégation, des sec-

L’aire du largeseul parc national à la fois continental, marin et périurbain d’europe, le parc

national des calanques existe officiellement depuis un an. a deux pas de ses plages, falaises et sentiers de randonnées, vivent des habitants inscrits dans « l’aire d’adhésion » figurée en jaune sur la carte ci-contre.Julien rodriguez est artiste-paysagiste. pour esprit de babel, il s’interroge sur les impacts de la labélisation sur les populations qui vivent dans cette zone en bordure. françis talin, chargé de l’action culturelle du parc national, a répondu à ses questions.

« MaLgré La beauté de

cet espace périurbain natureL, iL faut en revoir

L’aMénageMent car certains endroits sont auJourd’hui des zones

MarginaLes et des fins de viLLe. »

page 15 espèces d’espaces espèces d’espaces page 16

Page 17: espr!t de babel 8

teurs plus modernes et plutôt fermés, des quar-tiers anciens avec un habitat cabanonier qui s'est transformé en habitat résidentiel. Cette mixité sociale, qui n'est pas vraiment une mixité dans les faits, incarne plutôt une mixité de zonages. Malgré la beauté de cet espace périurbain natu-rel, il faut en revoir l’aménagement car certains endroits sont aujourd’hui des zones marginales et des fins de ville.

Pour ces franges, l'idée est de retrouver des lieux d'accueil du public pour concentrer la fréquen-tation en certains points et ainsi satisfaire les besoins de nature du quotidien tout en préser-vant le reste du Parc. Dans cet esprit, nous dési-rons travailler avec les habitants pour trouver des solutions de proximité, avec les enfants dans le cadre de l'école, ou pour les centres aérés qui vont dans les milieux naturels. À La Cayolle par exemple, nous avons évoqué avec le CIQ l'idée d’aménager des vergers partagés.

Quelles actions culturelles imaginez-vous dans le Parc ?

La loi de 2006 introduit la notion de patrimoine culturel, alors qu'avant les Parcs nationaux ne faisaient que protéger des espaces naturels. Pour l’instant nous avons le mauvais rôle de « police de la nature », qui pose des conditions à la création de projets, ce qui peut parfois les limiter ou les interdire. Par exemple, nous avons eu de nombreuses discussions avec Lieux Publics sur l’installation de Champ Harmonique5. Afin de les autoriser à réaliser cette installation, nous leur avons demandé de faire des études d'incidence sur le milieu naturel. Même si nous ne sommes encore dans l’idée d’une co-construction - démarche que nous visons à terme - ce projet a reçu notre soutien car il contribue à la magie des lieux.

D’autre part, la mise en valeur de notre patri-moine culturel passe aussi par l’organisation

d’expositions. Nous travaillons actuellement sur un projet lié à l'histoire de la pêche et à la justification des zones de non pêche que nous avons créées.

Le canal de Marseille représente une sorte de limite du Parc. Hasard ou intention particulière ?

Au milieu du 19e siècle, le canal a transformé le paysage en créant la richesse maraîchère de Marseille. Nous l’avons fait figurer sur le plan parce que la Société des Eaux de Marseille voulait le couper. Le Parc en création a pu faire poids pour le maintenir en eau et appuyer le fait qu’il devienne un moyen de cheminement doux à l'intérieur de l'espace urbain. Pour nous, sa conservation est primordiale car depuis 150 ans les fuites du canal entretiennent un espace naturel qui protège les calanques des incendies et nourrissent une biodiversité singulière.

Le Parc national a t-il un rôle pédagogique auprès des populations ?

Il faut apaiser les pratiques sans les interdire, de manière à pouvoir protéger les espaces naturels de manière durable. Beaucoup de problèmes liés à la protection de l’environnement viennent des usages du public dans le milieu naturel. Nous remarquons notamment que la plupart des incendies partent des franges urbaines.

Nous pourrions parler ici d’un volet plus social porté par le Parc national, même si nous ne sommes pas là pour remplacer les collectivités territoriales.

Pour cela, nous devons monter des projets en relation avec le tissu associatif local, en lien avec les collectivités. Nous avons d’ailleurs constaté lors des concertations une volonté de travail-ler ensemble, d'où l'importance de cette aire d'adhésion qui nous confère une légitimité.

L’objectif est de trouver un juste équilibre, nous ne pouvons pas avoir uniquement un rôle répres-sif. Il faut trouver des compromis pour inciter les habitants à transformer leurs usages sur ce territoire sans les obliger à renoncer totalement à leurs habitudes. Le Parc est un acteur qui s'inscrit dans la durée et qui va pouvoir mobiliser l'ensemble des forces sur des projets plus com-plexes, qui auront à terme des effets positifs sur la qualité de vie, autant pour la faune et la flore que pour les riverains.

rédaction & cartographie : Julien Rodriguez

1 : Un Groupement d’Intérêt Public se constitue dans un objectif déterminé devant répondre à une mission d’inté-rêt général à but non lucratif. Il peut être composé de différents partenaires publics ou d’un partenaire public au moins et un ou plusieurs organismes privés.

2 : L’article 55 de la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain  (SRU), le plus connu et le plus controversé, fixe à chaque commune de plus de 3 500 habitants l’exigence de disposer, d’ici à 2020, de 20 % de son parc résidences en logements sociaux.

3 : Les lois Grenelle sont un ensemble de lois françaises de programmation qui formalisent les 268 engagements du Grenelle de l’environnement et visent à prendre des mesures à long terme en matière d’environnement et de développement durable.

4 : Le concept de soft power a été développé par le pro-fesseur américain Joseph Nye dans les années 1990 et fait référence à un pouvoir qui se fait sans l’outil de la contrainte (législative, financière).

5 : Installation sonore fonctionnant à l’énérgie éolienne présentée à Marseille, aux Goudes, du 4 au 28 avril 2013 et réalisée par le compositeur Pierre Sauvageot (Lieux Publics).

Le rédacteur

Julien rodriguez est artiste-paysagiste. parrallélement à

ses activités artistiques, il collabore avec des structures sociales sur des projets de construction et de jardinage avec des jeunes en difficultés et des éducateurs spécialisés.

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espèces d’espaces page 16

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Née il y a 23 ans dans la cité phocéenne, Arts et Développement a essaimé son action un peu partout en France. Aujourd’hui, c’est dans une quarantaine de quartiers dits sensibles que les enfants ont la possibilité de développer leur créativité. La petite équipe marseillaise, com-posée d’artistes, d’animateurs et de bénévoles, œuvre à la transmission de son savoir faire aux acteurs locaux, futurs relais de l’association sur le territoire. En s’associant avec les centres sociaux, structures pérennes dans les quartiers, il pourrait être offert aux enfants des ateliers réguliers, créateurs de liens sociaux et de diva-gations artistiques. Gratuits, ces instants suivent un principe de libre adhésion : les enfants vont et viennent, peuvent rester, et des sorties aux musées sont prévues pour les plus réguliers d’entre eux. Ces visites sont un autre moyen de les emmener ailleurs, cette fois-ci en dehors de leur cité.

À la Soude, territoire en rénovation urbaine, l’action de l’association prend une coloration nouvelle, empreinte du vécu des enfants qui vont expérimenter la transformation de leur lieu de vie ainsi qu’une possible perte de repères. Comme le précise Cyril Olivy, coordinateur de l’association à Marseille, il ne s’agissait pas de faire dessiner des tractopelles aux enfants, mais plutôt de les amener à fantasmer ou rêver la modification de leur environnement. C’est tout en délicatesse qu’Alice et les bénévoles ont réussi à entraîner les artistes en herbe vers le projet commun d’une exposition. Dans un premier temps invités à découvrir les techniques de la peinture, les enfants ont ensuite pu puiser leur perception de leur cadre de vie pour créer un « livre accor-déon  », constitué de fenêtres s’ouvrant sur le quartier comme sur leur chambre. Puis, toujours dans l’idée de créer une fenêtre sur l’extérieur, ils ont travaillé sur un support en plexiglas, qui, reposant sur un châssis, permettait de peindre à même la ville, et de transformer la Soude à leur guise. Le quartier s’est ainsi vu modifié en pôle Nord, en station spatiale, en jungle ou autres décors exotiques. Un montage en stop motion1 des photos prises au cours de la réalisation per-mettra d’en faire des minis films. Enfin, une ville sera imaginée, peinte à plusieurs sur de hauts cartons : maisons, immeubles, stade de basket et autres composantes de l’urbain viendront en constituer la trame. Toutes ces pièces seront autant d’archives d’événements et de bribes de

vie que contient ce lieu.

Véritables éponges des témoignages des habi-tants du quartier, Alice et son équipe ont pu tis-ser des liens plus étroits avec les petits artistes : plus de monsieur, madame ou maîtresse, les rapports enfants-adultes sont réinterprétés au profit de la création. Cette relation décomplexée responsabilise les plus grands qui apportent les réponses aux questions des plus jeunes, créant une autonomisation certaine dans le groupe des jeunes peintres.

D’autre part, une relation de confiance s’établit avec les parents, qui ont accueilli avec enthou-siasme l’arrivée de toutes ces palettes de cou-leur, montrant ainsi l’importance d’une pratique artistique dans la formation de l’enfant. Ce sont ces échanges avec un public ouvert qui font l’essence même de l’ac-tion d’Arts et Développement et la qualité de la pédagogie d’Alice. Pouvoir réunir autour d’un projet créatif participation des habitants, approche artistique et centres sociaux donne de la valeur à l’ouvrage commun.

Mais l’atmosphère est parfois bien particulière sur le temps de l’atelier : de nombreux policiers sont présents sur le lieu, parfois plus nombreux que les habitants. Pourtant, rien ne pourrait distraire le petit garçon qui peint un château fort sur un carton plus grand que lui ou cette petite fille qui trace un arc en ciel enjambant son immeuble. Ici, les rafales de vent emportant les feuilles colorées font s’exclamer les enfants.

Le 18 mai, une exposition in situ qui rend compte du travail, de la créativité et de l’imaginaire des enfants. Les grands cartons reconstituant une ville prendront place sur la dalle et seront le support des différentes réalisations individuelles et collectives. Dans peu de temps, l’esplanade publique sera détruite, mais les souvenirs qui s’y sont construits resteront.

Bérangère Chauffeté & Anna Massardier

1 : Montage photo en image par image qui permet de créer un mouvement à partir d’objets immobiles.

Ils ont la dalleau cœur d’un îlot urbain du quartier de la soude se trouve une vaste éten-

due de béton. cette plage minérale en pied d’immeubles sert de décor aux ateliers de peinture de rue proposés par l’association Arts et Développement aux enfants de la cité. depuis avril 2011, l’artiste alice hamon apporte peinture, pinceaux, cartons et expériences sensibles aux minots qui se prennent au jeu des couleurs un après-midi par semaine. avec pour cadre un territoire en mutation, ces rencontres artistes-apprentis permettent d’appréhender le changement sous l’angle du dessin, adoucissant peut être la rudesse des transformations imposées.

Les rédactrices

bérangère et anna sont étudiantes

à l’ecole nationale supérieure du paysage.

devenez contributeur : www.esprit2abel.net

en pôLe nord, en station spatiaLe, en JungLe ou autres décors exotiques.

DR Alice Hamon

www.artsetdeveloppement.comwww.alicehamon.com

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HAUTSDe forme, parleur, de gamme, en couleur, fourneau, la main ou le cœur.

DEPréposition communément glissée entre Hauts et Mazargues ou Esprit et Babel.

MAZARGUESNom d’un rond-point, un canton, une paroisse, une poste, une avenue, un bureau municipal de proximité, un fournil, un auto bilan, une pharmacie, un love sushi, une maison de quartier, une résidence, une association sportive, un arrêt de bus, un carnaval, une concession Citroën, un coiffeur, un centre médical (liste non-exhaustive).

BAOUFalaise en provençal. ex : Les Baux de Provence ou le Baou de Sormiou.

JARREa) Récipient de terre cuite, de forme ovoïde, où l’on conserve l’eau, l’huile, les olives.b) Toponyme désignant une avenue, une ZAC, une déchetterie et un quartier du 9e arrondissement de Marseille.a+b) Ne signifie pas que les habitants de ce quartier s’alimentent exclusivement d’eau, d’huile et d’olives.

SOUDEa) Solution chimique transparente et corrosive assez courante dans le commerce, présentée comme déboucheur de canalisations.b) Toponyme désignant un chemin, une avenue, une cité et un quartier du 9e arrondissement de Marseille.a+b) Ne signifie pas que les habitants de ce quartier sont forcément caustiques.

PARC NATIONALPortion d’un territoire naturel classé et protégé. Dans le monde, on en compte 3 881, le 1 correspond au Parc national des calanques.

ROI D’ESPAGNEJuan Carlos Ier.

ROY D’ESPAGNENom d’un quartier de Marseille qui doit l’origine de son appellation à la visite de Charles IV, alors Roi d’Espagne, en 1808. Abréviation tolérée : Roy d’Es.

HAMEAUChameau qui a perdu son C.

FOUR BANALAu Moyen Age, four appartenant au seigneur dans lequel les paysans font cuire leur pain en payant une redevance. Il en est de même pour les moulins. Toutefois, il est impossible d’être au deux à la fois.

BENGALETigre ou feux.

PIERRE TOMBéEPierre qui n’est plus en haut et qui sera bientôt en bas.

PIERRE TOMBéChute de Pierre.

QCMAu choix : Quartiers Créatifs de Marseille ou Quartier des Calanques-Mazargues.

ZUSInterjection populaire.ex : « Zus ! J’ai oublié mon pain dans le four banal. »

ZUSSISMEAttitude politique ou philosophique selon laquelle on dit « zus » à tout.

Mode

e2Bécédaireà chaque numéro ses mots.

pour vous mettre à l’ombre, suivez le patron

a b c

d e f

g h i

doubLe Jeu page 18

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Lorsque nous demandons à Jean-Marc Nardini ce qui définit le mieux le quartier des Hauts de Mazargues, la réponse fuse  : « C’est son changement de nom. Ce que l’on appelle Hauts de Mazargues c’est historiquement la Cayolle. C’était un village marseillais, au même titre que Sainte-Anne ou Bonneveine. La modification du patronyme est le fait de promoteurs immobiliers qui souhaitent taire le vrai nom du quartier car il est porteur d’une image négative qui n’est pas bonne pour leurs affaires ». Cette appellation n’a rien d’officiel, mais rentre peu à peu dans les usages. Elle est symptomatique d’une volonté des autorités de masquer les problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer à leur résolution. Le nom

Mazargues, plus prestigieux, contribue à rehaus-ser l’image du site et permettrait d’augmenter le prix de l’immobilier.

Marseille s’est construite grâce à une mixité de populations. Si celle-ci est un fait historique, il n’est pas certain qu’elle existe encore, en par-ticulier dans le quartier de la Cayolle. Le village, apparu au 19e siècle, était organisé autour d’une école et d’une chapelle. Ces deux bâtiments symboliques de la vie sociale aggloméraient autour d’eux une vie de quartier avec ses com-merces, ses métiers, ses entreprises. « Tant que le bâtit suggérait qu’une vie commune était possible, les populations qui se croisaient dans les commerces, à l’école ou qui travaillaient ensemble apprenaient à s’accepter. L’école, très impliquée, a joué un rôle fondamental dans l’apprentissage de cette mixité. Les premiers immigrés aussi arrivaient avec une volonté forte de s’insérer dans la société et dans les valeurs

de la République ».

Désormais, il est plus juste de dire que des popu-lations socialement différenciées vivent dans le quartier de la Cayolle sans en partager les espaces. Autrement dit, les catégories sociales vivent chacune dans des zones nettement dis-tinctes sans jamais se mélanger.

Les difficultés apparaissent dans les années 70. «  La création des premiers HLM entraîne un premier phénomène de repli, qui est moins communautaire que spatial, sur les bâtiments eux-mêmes. Le nom de Chicago qui est donné aux logements d’urgence construit en 1966

suggère presque le devenir de cet ensemble…». La création de ces immeubles relève d’une politique de la ville aspirant à un rééquilibrage social Nord/Sud. Jean-Marc nous raconte alors que durant la décennie suivante, des familles des quartiers Nord commencent à s’installer à la Cayolle, certaines souffrant déjà de difficultés sociales. Ces nouveaux venus auraient alors importé un mode de vie et une culture très différents de ceux des vieux Cayollais.

C’est à cette époque que le bâti commence à se dégrader. L’école est abandonnée, squattée puis détruite en 1988 avec son gymnase. Jean-Marc déplore les disparitions successives de la chapelle et des commerces : « aujourd’hui il n’y a même plus de pharmacie  ». Dès lors, tout ce

qui faisait la vie du village disparaît. La mixité devient peu à peu un fait historique et le quartier commence à prendre l’allure d’un dortoir où les gens ne se fréquentent plus et où les faits-divers se multiplient.

Ce quartier a, du point de vue de l’habitat, une histoire singulière. À la sortie de la guerre, on y crée le camp de transit du Grand Arenas destiné à accueillir les juifs rescapés des camps. Il était situé à cheval sur l’actuel centre Leclerc et sur l’ancien stade de foot.

Il servait encore de camp de transit pour les juifs quand arrivèrent, en 1946, les premiers prison-

niers liés à la guerre d’Indochine. Puis pendant les années 60 le camp a été converti en lieu d’accueil pour la première vague d’immigrés. Ces derniers vivaient alors dans ce qu’on appe-lait des tonneaux : des tubes à missiles emboî-tés formant un demi-cercle, utilisés comme charpente à ces constructions longues d’une vingtaine de mètres. L’idée vient de l’architecte Fernand Pouillon. « On ne peut donc pas dire que les conditions de logement des premiers immi-grés étaient optimum. Pourtant ça n’a pas été un obstacle majeur à leur l’intégration. »

La mauvaise réputationsi La cayolle est associée à des faits divers et à la délinquance, rien ne prédisposait ce

village sans prétention à occuper une place à part dans les quartiers sud. rien, si ce n’est une politique d’aménagement contestable. pour e2b, eric giordano, enseignant dans un lycée voisin, a rencontré Jean-Marc nardini, descendant d’une famille implantée depuis six générations dans ce coin de Marseille et président de Calancœurs, association dont l’objet est la connaissance du patrimoine et de l’histoire des calanques. il nous livre son échange avec un homme qui jette un regard sans concession sur l’évolution de son quartier.

en iMposant un nouveL habitat, on a iMposé un nouveau rapport

à L’espace et aux individus.

Bouches-du-Rhône Alpes MartitimesBouches-du-Rhône Alpes Martitimes

page 19 point de vue reMarquabLe point de vue reMarquabLe page 20

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Inversement, certains des HLM construits dans les années 70 / 80 avaient le label de plus bel HLM d’Europe, mais ça n’a pas empêché le phé-nomène de repli. Parallèlement à la construction de ces HLM, il y a eu la disparition du village.

« Les logements modernes ont réduit le rôle des parents et modifié le rapport à l’espace. Tant qu’ils habitaient dans les tonneaux, ils pouvaient surveiller leurs enfants qui jouaient dehors. Mais la construction d’HLM va mettre à mal cet enca-drement des jeunes. Enfermés dans leurs appar-tements les parents ne pouvaient plus contrôler les enfants qui continuaient à jouer dehors, ce qui les a exposés à d’autres formes d’éducation échappant au contrôle familial. En imposant un nouvel habitat on a imposé un nouveau rapport à l’espace et aux individus. On touche là un élé-ment culturel très fort. »

Les années 90 accentuent les problèmes de dégradation de l’environnement en densifiant l’urbanisation. La zone franche participe de ce

bétonnage. L’idée d’implanter des entreprises et de créer des emplois n’est pas mauvaise en soi. Mais cela a entraîné un fort recul des espaces verts dont même les zones Natura 2000 ont eu à souffrir. Aujourd’hui, du fait aussi de sa confi-guration géographique, la Cayolle est un des quartiers marseillais où l’on observe la plus forte concentration d’Ozone1. Le bilan environnemen-tal est donc plutôt négatif.

Quant à l’emploi, les jeunes du quartier en profitent peu. «  Seul le centre Leclerc en offre réellement parce que sa direction a compris qu’il fallait jouer la carte du quartier en faisant travailler les Cayollais ».

La politique consistant à transformer en dortoir haut de gamme le village tout en ignorant les jeunes du quartier ne résout rien. « L’école a bien été reconstruite dans les années 90. Implantée sur les Hauts de la Cayolle, sa mauvaise répu-tation fait que de nombreux habitants n’y ins-

crivent pas leurs enfants ».

Jean-Marc dit alors avoir l’impression que le plan d’aménagement du quartier se limite à la volonté de le gentryfier2 en y implantant, à grands coups de projets immobiliers, des populations aisées. On pourrait presque le résumer en disant qu’on a d’abord gommé le village, puis que l’on a effacé son nom et qu’on tente maintenant d’en faire disparaître ses habitants. Pour autant « le quar-tier n’est pas totalement abandonné à son sort. Les associations, le CIQ, s’impliquent beaucoup, auprès des enfants notamment, en proposant une aide aux devoirs ou des activités sportives. Elles reçoivent d’ailleurs de nombreuses sub-ventions de la part de la ville qui achète ainsi la paix sociale ». Grâce à ces financements, le club de foot peut offrir à ses joueurs un équipement complet. Mais de nombreuses familles préfèrent ne pas y inscrire leurs enfants, il n’est d’ailleurs pas certain qu’ils y seraient bien acceptés.

Pour Jean-Marc, le centre socio-culturel marche très bien, c’est un point de rencontre. Or, il est aujourd’hui question de le déménager pour l’installer au-delà de Chicago3, au fond du vallon de l’Arénas. « Ainsi éloigné de ses racines, et alors qu’il faudra traverser un espace qui a mauvaise presse pour y accéder, aura-

t-il le même attrait ? Rien n’est moins sûr ».

La création du Parc national des calanques a pu apparaître comme porteuse d’espoir. Pas pour notre interlocuteur : « Le problème du Parc tient à ceci : on s’occupe de la faune et de la flore, mais pas des hommes ! Les gens du quartier en sont exclus. Le Parc ne porte aucune dimension sociale et n’a créé aucun emploi. Pire, en régle-mentant l’accès aux calanques, la population locale qui vit dans cet espace depuis toujours risque d’en être exclue, au profit de touristes extérieurs à la Cayolle. Le CIQ essaye bien de lier le sort du Parc à celui des habitants du quartier, sans résultat pour l’instant ».

Pour preuve, Jean-Marc Nardini nous conte l’évolution de la zone franche. N’ayant pas eu le succès escompté, les zones dévolues aux entre-prises sont transformées en espaces dédiés à la construction d’immeubles d’habitations. On détruit, en lisière du parc, des espaces de forêt

avec des chênes verts, pour bâtir des immeubles d’un goût douteux comme ceux de l’avenue Colgate. De nombreux chantiers sont en cours dans le quartier. Avec pour conséquence une augmentation des prix de l’immobilier. «  Cette densification est en complète contradiction avec l’existence du parc qui voudrait que l’on passe en douceur de l’espace urbain à l’espace naturel. Or l’urbanisation outrancière en cours condamne cette transition. On passe de la nature à la ville de manière très brutale ». D’un point de vue paysager, c’est donc également un échec. « Nous avons le sentiment que le quartier est livré à des promoteurs comme Bouygues ou Progereal et qu’ils peuvent s’y implanter comme ils l’entendent. Ils n’ont aucun objectif social, ni aucun projet d’aménagement global. Ils ne visent qu’une rentabilité immédiate au détriment du bien vivre ».

Au terme de cet entretien, nous avons l’impres-sion que le Parc national des Calanques génère une certaine frustration. Il n’engendre pas de mieux vivre, ne rend pas le quartier plus agréable, tourne le dos aux habitants, ne limite en rien le bétonnage impulsé par la mairie. Son impact en terme social et d’aménagement est pour ainsi dire nul.

Il pourrait permettre de renouer avec un certain art de vivre. Le Cayollais y croit et continue de se battre pour ces lendemains qui chantent.Eric Giordano

1 : Selon AIRMAREX. Extrait du rapport  : Les concen-trations en ozone dans l’air, importées des deux pôles industriel (Etang de Berre), et urbain (Marseille) peuvent être importantes durant l’été, à l’origine de niveaux d’in-formation et de recommandation auprès des populations ainsi que de dépassements de la valeur cible européenne pour la protection de la santé humaine. Les nuisances d’origine olfactive ressenties par les riverains ne sont pas dues aux polluants mesurés lors de cette campagne.

2 : La gentryfication est un phénomène urbain d’embour-geoisement (de l’anglais gentry : «petite noblesse»).

3 : voir article page 9.

La poLitique consistant à transforMer en dortoir haut de gaMMe Le viLLage tout en ignorant Les Jeunes du quartier ne résout rien.

Le rédacteur

eric giordano est enseignant en

histoire et géographie au lycée des calanques dans le 8e.

devenez contributeur :www.esprit2abel.net

Bouches-du-Rhône Alpes Martitimes Alpes Martitimes Alpes Martitimes Alpes Martitimes

point de vue reMarquabLe page 20

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Avant d’acheter notre terrain, nous nous sommes beaucoup

renseignés parce que nous savions que celui-ci se trouvait dans une zone d’urbanisation.

Je craignais surtout qu’on construise un immeuble à quelques mètres de chez moi, mais visiblement ça ne

sera pas le cas. Par contre, je sais que beaucoup de gens sont mécontents, les habitants des villas se plaignent des immeubles trop hauts qui leur cachent complètement le soleil. Auparavant,

ils avaient une vue extraordinaire sur le massif des calanques. Les nouveaux immeubles sont des R+4, c’est-à-dire que leur hauteur est limitée. C’est une bonne initiative, mais dans les faits, ils sont

quand même trop hauts.Au départ, ma femme et moi avons été attirés par le côté calme

et rural de cet endroit, et j’espère que cela ne disparaîtra pas après les rénovations. Ici on est en plein centre

du projet de réhabilitation. Le Parc de La Jarre se trouvera à la place du champ à côté de chez

moi. Le site sera méconnaissable !

L’objectif principal du projet de rénovation urbaine est de favoriser la circulation entre

les quartiers dits « sensibles » (La Soude, La Cayolle) et les quartiers pavillonnaires à proximité (La Jarre,

Le Roy d’Espagne) en créant notamment de nouvelles voies de circulation. Je suis très favorable à la construction du grand

boulevard littoral, parce qu’ici il n’y a pas de grandes routes, et c’est toujours compliqué pour nous de sortir de la ville.

La fluidité de circulation serait une bonne chose parce que le décalage entre les quartiers est énorme : j’ai vu sur googlemap que toutes les maisons avaient une piscine privée. Les gens des différents quartiers vivent les uns à

côté des autres mais pas ensemble. Souvent leurs enfants ne fréquentent même pas les mêmes écoles. Notre fille de trois ans va aller à l’école de La Soude. Dans sa classe, il n’y aura que des enfants de cette cité parce que les autres parents de La Jarre demandent des dérogations pour inscrire leurs enfants ailleurs, notamment à l’école du Roy d’Espagne. Alors, pour des questions de

transport et d’organisation avec les voisins, nous réfléchissons à l’inscrire aussi au Roy d’Espagne. A la base, nous sommes pour

la mixité, mais puisque personne ne joue le jeu, nous sommes

contraints de penser autrement.

A mon avis, le quartier va continuer à s’enrichir

et à construire de nouvelles résidences, qui vont finir par

écraser les cités voisines. Je pense qu’un jour La Cayolle disparaîtra, les

habitants seront expulsés et ne seront certainement pas relogés dans les nouvelles

résidences. Néanmoins, je reste optimiste. Nous allons subir les travaux pendant dix ans, et peut-être qu’à terme l’immobilier du quartier prendra de la valeur, même si la plus-value immobilière sur cette maison n’a jamais été notre objectif. Je resterai dans ce quartier, peu importent les modifications induites par le programme de réhabilitation,

l’urbanisation ou le Parc national des Calanques. Par contre, si Marseille Aménagement décide de vendre le terrain

sur lequel j’ai mon atelier pour y construire quelque chose, je serai contraint de me reconvertir ou de

déménager si je ne trouve pas un autre atelier à proximité.

Pour moi, un parc est un coin de nature qui est finalement un peu artificiel.

A mon avis, celui des calanques sera trop réglementé : il ne faudra pas

sortir des sentiers, et si ça se trouve, il sera même interdit aux chiens. Pour nous qui

fréquentons régulièrement les calanques, cela modifiera notre quotidien.

Néanmoins, le Parc national est un projet positif parce qu’il freinera l’urbanisation

et le réseau de voirie sera sûrement converti en voies « vertes », avec

des aménagements pour les piétons, les bus, voire pour le

tram.

Je pense que ce quartier était plutôt

pauvre et rural mais il a pris de la valeur grâce à sa proximité

avec les calanques. Les pavillons et les résidences ont été construits petit à petit par

des gens qui cherchaient la campagne à Marseille. Cependant, aujourd’hui, de plus en plus de propriétaires cèdent

leurs terrains aux promoteurs ou à la mairie, qui peuvent être assez insistants, il faut bien l’avouer. La mairie préempte les terrains en vue de constructions publiques, de voirie etc. et les propriétaires, souvent âgés, vendent parce qu’ils n’arrivent plus à payer les charges toujours plus élevées. La plupart des bâtiments ont une cinquantaine d’années,

et il faut refaire les toits, les façades, etc. L’autre jour, des retraités m’ont dit qu’ils étaient partis du Roy d’Espagne pour cette raison,

ils ont dû prendre une location pour pouvoir rester dans le quartier. Les nouveaux propriétaires seront forcement

des gens de plus en plus aisés, alors qu’à l’origine c’était un quartier populaire.

Originaire de la région parisienne, Mathieu Bornet a installé il y a deux ans son atelier d’ébénisterie dans le quartier de La Jarre. Il vit dans un petit coin de campagne, entre

les nouvelles constructions issues de l’ANRU et son voisin maraîcher qui

cultive toujours son champ. Fragments d’une vie

néorurale.

iL touche du bois

Mathieu Bornet

Photos : DR Alisée Bellono.

page 21 5 questions à

Page 23: espr!t de babel 8

Artiste marcheur, en quoi cela consiste t-il ?

Mon métier consiste à chercher des chemins à pied. J’essaie de comprendre les paysages, aussi bien dans leur matérialité que dans leurs occu-pations humaines. Pendant les promenades, je transmets ma lecture d’un site aux promeneurs que j’accompagne. J’essaie de ne pas être mono-thématique, de capter le plus de réalités pos-sibles. Je cherche des traces du passé, c’est de l’archéologie. Outre les traces physiques visibles, je sollicite aussi des traces immatérielles  : la mémoire des personnes familières du lieu étu-dié. L’avantage à La Cayolle c’est la richesse de la mémoire des habitants, il n’y a pas beaucoup de quartiers à Marseille où elle existe sur une durée continue de cinquante ans. Pourtant, l’histoire officielle est très pauvre, c’est un endroit ignoré alors que l’histoire de Marseille se joue en partie ici1.

Quelle promenade avez-vous élaboré sur le quartier de La Cayolle ?

La promenade que je proposais suivait plus ou moins les lignes du camp du Grand Arénas2. En connaissant la cartographie du camp, il est encore possible de retrouver ses traces, on arrive à superposer le plan du camp sur l’urbani-sation d’aujourd’hui3. C’est souvent une de mes entrées : regarder la genèse d’un quartier et voir comment il se développe sur un, deux ou trois siècles.

C’est en menant mon enquête préalable, en parlant avec les habitants, en consultant les archives, que j’ai construit cette balade qui conjugue traces du passé et paysage urbain actuel.

À La Cayolle, j’ai d’abord suivi le tracé du futur Boulevard Urbain Sud et j’ai réalisé que ce quar-tier était un point de cristallisation de multiples périodes de l’histoire de Marseille. Nous retrou-vons ici l’histoire bastidiaire, maraîchère, celle des camps de transit, puis des bidonvilles…

Mon autre entrée a été celle du grand émissaire4. À La Cayolle, il y a deux accès à l’émissaire. Ce chemin était très prisé des pêcheurs du secteur qui, pour éviter de monter sur le col, descen-

daient dans l’émissaire pour pêcher à la sortie des eaux usées. Aujourd’hui, c’est un terrain un peu abandonné mais nous y voyons encore des traces de son usage, de la rencontre entre un équipement urbain et une tradition de pêche.

Vous connaissez et étudiez le quartier depuis plus de 10 ans. Comment l’avez-vous vu évoluer ?

Ce territoire a totalement changé de visage. Le secteur des Hauts de Mazargues n’est pas le seul concerné, le quartier de Bonneveine l’est également. C’est l’apparition de la ZAC5 de Bonneveine6 qui marque le début de la trans-formation d’un terrain agricole en quartier de ville. Ensuite cette zone est devenue le quartier

d’affaires. Ce qui m’intéresse c’est de découvrir comment cet espace agraire s’est transformé en un lieu de pouvoir. Et de comprendre aussi comment l’extrémité de cette zone, l’ancien site du camp du Grand Arénas et l’actuel quartier de La Cayolle, est un lieu de réclusion depuis si longtemps.

Justement que pensez-vous du projet de l’ANRU qui veut contrer ce phénomène de réclusion propre à cette portion de ville ?

À mon avis cela ne va pas fonctionner, justement parce que le projet urbain est construit avec une mémoire trop courte. Les architectes qui y parti-cipent ne comprennent pas assez l’espace vécu. Ce que j’apprécie chez les artistes du projet PARC, c’est qu’ils ont pris en considération une échelle de temps plus longue.

Selon moi, c’est un urbanisme de guerre qui est en train de se faire, une tentative de pacifier le quartier en rendant accessibles des petites enclaves mal vues par les pouvoirs publics. Désenclaver en créant des voies, en rasant là,

en construisant ici. Tout ceci est régit par une logique de contrôle social. Les personnes en charge de l’urbanisation ne connaissent leur terrain d’opération que par des plans, des photos aériennes et des indicateurs socio-économiques.

Vous avez travaillé avec l’équipe du projet PARC ?

C’est Boris Sieverts, artiste promeneur égale-ment, qui m’a invité à participer à des prome-nades avec des habitants du quartier. J’ai alors eu accès à une autre strate pour comprendre le territoire, celle de la géographie politique. J’ai pu apercevoir la manière dont certains élus s’y prennent pour acheter la paix sociale. Cela peut passer par deux choses  : l’allocation d’un

logement social et l’attribution d’un l’emploi. Cela implique des élus, des gestionnaires qui n’habitent pas le quartier mais qui en déterminent ainsi la vie. C’est superbe comme les choses se révèlent quand on se promène avec des personnes engagées et attentives. Voilà

aussi l’intérêt des Quartiers Créatifs : la décou-verte des fonctionnements des quartiers et la mise en visibilité de problèmes de gouvernance.

Propos recueillis par Alisée Bellono

1 : Voir Temine (Emile) & Deguigné (Nathalie), Le camp du Grand Arenas Marseille, 1944-1966, éd. Autrement, 2001.

2 : Voir page 19.

3 : Voir page 13-14 : plan du Centre d’hébergement du Grand Arénas dessiné par Hendrik Sturm sur la carte actuelle de La Cayolle.

4 : Construit en 1899 après la menace d’une épidémie de choléra, ce tout à l’égout long de 12 km est la colonne vertébrale de la collecte des eaux usées et pluviales de Marseille. Il dessert le centre historique, soit environ 1700 hectares, et s’étend du quartier nord d’Arenc jusqu’à la calanque de Cortiou au sud, en passant par le cours Belsunce, la rue de Rome, l’avenue du Prado et le boule-vard Michelet.

5 : Zone d’Aménagement Concerté.

6 : C’est en 1969 qu’un arrêté préfectoral décrète la créa-tion de la ZAC de Bonneveine.

Photo : DR Erik Goegrich. Une des récentes promenades menée par Hendrik Sturm (vue de la Bastide Neuve, Marseille).

c’est un urbanisMe de guerre qui est en train de se faire.

Marche arrièreHendrik Sturm, artiste marcheur, a élaboré des promenades à La Cayolle.

C’est en portant une attention particulière à la mémoire inhérente à ce territoire qu’il livre à e2B sa perception de ce quartier en mutation.

brainsturMing page 22

Page 24: espr!t de babel 8

Les Hauts de Mazargues, c’est un de ces ilots que nous avions entre-aperçus lors de notre exploration des quartiers sud dans le dernier numéro. On y retrouve les traces d’un passé champêtre, avec des vieilles images de ferme et de joueurs de boules. Au fil du temps, d’autres motifs apparaissent, notam-ment des sujets sur la misère de ces quartiers.

C’est La Cayolle qui est réguliè-rement exposée pour évoquer les difficultés d’un quartier à s’intégrer pleinement à la ville. En 1987, un journaliste se rend à La Cayolle pour rencontrer des habitants qui protestent contre les coupures du courant. Logés depuis trente ans dans des baraquements à l’origine provisoire, les habitants n’ont pas les moyens de partir ailleurs. Le quartier est alors considéré comme le dernier bidonville de Marseille. La construction, un an plus tard, d’une série de logements sociaux résoudra en partie le problème. D’un point de vue sanitaire au moins, les nouveaux pavillons sont suffisamment grands et propres pour accueillir ces familles nombreuses. Il ne faut pourtant pas s’y tromper, l’embourgeoise-ment n’est que théorique. Rapidement, La Cayolle revient dans les journaux télévisés pour des actes de délinquance. Le journaliste ne peut alors que constater que la population est toujours aussi pauvre et sans emploi.

Une femme, dans un JT de juin 1994 nous dit : «  Ils nous demandent de partir dans les quartiers Nord, ils veulent qu’on s’en aille. Pourquoi  ? Parce qu’ils veulent faire un quartier chic.  ». En effet, dans le voisinage, 80 permis de construire ont été déposés pour des maisons de grand standing, avec piscine et tennis. Entre ces deux catégories de population, les habitants de La Cayolle et les habitués des calanques, on peut voir au fil des vidéos une réelle opposition. Déjà en 1991, la navette de bus allant vers la calanque de Sormiou avait dû être fermée, les rotations des navettes ayant été arrêtées suite à de nombreuses agressions des chauffeurs par des jeunes de La Cayolle. Les cabanoniers se plaignent en parallèle de cambriolages et de petits larcins. Les jeunes de

la cité de La Cayolle trouvent la navette trop chère et revendiquent le droit d’aller eux-aussi se baigner. Ils se plaignent du désœuvrement et de l’ennui dans leur cité où ils se sentent prisonniers.

Ces cités des quartiers Sud, dont La Cayolle est le parfait exemple, semblent une erreur d’urbani-sation, tant ils ressemblent en bien des points aux

quartiers Nord. On y retrouve les mêmes problèmes sociaux et le même sentiment d’abandon. Les problématiques de l’urbanisation s’y posent dans les mêmes termes.

L’aménagement urbain de Marseille est très largement focalisé sur le centre-ville. Le patrimoine de la région se divisait au début du siècle

entre un centre-ville qui se voulait majestueux, haussmannien, et des bastides alentours, toujours plus nombreuses depuis la grande peste de 1720, où se concentraient des populations aisées. Tout ce que la ville regroupait de misère était cantonné dans les quartiers du port, notamment dans le Panier.

La deuxième guerre mondiale a bouleversé cette organisation. La destruction des vieux quartiers du port par les allemands a laissé un vide à réa-

ménager. Après-guerre, il faut reconstruire rapidement pour sor-tir la population des baraquements provisoires. C’est la construction dans l’urgence d’immenses barres d’immeubles, à l’extérieur de la ville, qui sera retenue comme solution.

Dans les années 1980, la nécessité de réaménager les villes devient criante. A Marseille, cette prise de conscience des pouvoirs publics se focalisera sur le centre-ville. On parle de reconquête de la ville.

Au final, les quartiers Nord comme Sud dits « sen-sibles » ne font pas partie du patrimoine de la ville. L’enjeu n’est pas de les valoriser, mais de les « lais-ser vivables » le plus longtemps possible. Pendant ce temps, le centre-ville se refait une beauté, et une culture.

Camille VarinPhoto : DR Didier Nadeau.

Les quartiers nord coMMe sud dits « sensibLes » ne font pas partie du patriMoine de La viLLe.

L’institut national de l’audiovisuel propose une sélection d’archives en relation avec le THÉMa du journal, les inaperçus (à visionner sur esprit2babel.net) ainsi qu’une note de synthèse sur ces ressources, leurs particularités et leurs contextes de production.

ces cités des quartiers sud, dont La caYoLLe est Le parfait exeMpLe, seMbLent une erreur d’urbanisation.

La rédactrice

camille varin est documentaliste

à l’ina Méditerranée. # L’ina contribue rég à la thématique du journal.

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Visionnez les INAperçus sur esprit2babel.net

Photo : DR Didier Nadeau.

Last Minute point coM page 24page 23 Le Mot de L’

Page 25: espr!t de babel 8

Lecteur assidu, blogueur d’un soir, rédacteur sans faille,

citoyens de Marseille ou de plus loin, structures complices,

Vous tenez entre les mains ce qui pourrait être la dernière

édition papier d’esprit de babel.

dans l’urgence, nous sollicitons aujourd’hui votre témoignage sur la perception et l’usage que

vous avez d’esprit de babel. un témoignage à la forme et au contenu libre : quelques mots

peuvent suffire.

La multiplicité des participants, partenaires et contributeurs et leurs divergences de points de vue

constituent le ferment des publications d’e2b. recueillir votre parole s’inscrit dans cette

logique. vos témoignages serviront à alerter les médias de la mise en péril de ce projet et

à appuyer de nouvelles recherches de financements publics et privés.

faites nous parvenir vos témoignages par mail à [email protected] ou

par courrier au 3 rue bonhomme - 13003 Marseille.

L’équipe de rédaction.

en mai 2013, après 7 parutions, c’est au moment de finaliser le présent numéro que nous apprenons la non-reconduction de près de 90% des aides publiques d’esprit de babel. La politique de la ville et le ministère de la culture, qui furent nos financeurs majoritaires, viennent de se désengager de ce projet et seul le soutien du conseil général est maintenu pour cette année 2013.

Sous le coup de cette baisse drastique mettant en péril ses fondements, E2B se voit aujourd’hui contraint de repenser la démarche et le projet défendu depuis 4 ans.

Le soutien conjoint et structurant de plusieurs bailleurs publics a permis de développer un projet qui participe à générer une parole plurielle sur un objet unique de réflexion : le rôle et la place de la culture dans la société. e2b s’est attaché à médiatiser des actions et des propos peu relayés dans les grands médias.

espaces d’expression et de discussion citoyenne, le journal, le blog et les débats publics ont jusqu’ici pu exister grâce au dynamisme de deux équipes complémentaires : un comité éditorial bénévole et une équipe salariée rattachée à un lieu de spectacle.

sur la seule année 2012, e2b a concerné et impliqué :• plus de 40 contributeurs bénévoles qui ont pris part à l’élaboration du journal,• plus de 25 structures sociales, culturelles, acteurs associatifs, établissements

d’enseignement,… dont l’action a été médiatisée dans nos pages,• plus de 250 points de distribution et des abonnés en france et en belgique

Nous souhaitons aujourd’hui vous alerter sur la mise en péril d’un média participatif et citoyen qui contribue à la cohésion sociale, au mieux vivre ensemble et à l’exercice de la liberté d’expression.

SAUVeZ L’oURS*esprit de babel, un espace menacé

*dans l’édition et l’imprimerie, l’ours est le petit pavé qui recense les noms et adresses de l’éditeur, le nom du directeur de publication, de l’imprimeur, le dépôt légal, l’ISSN et le nom des collaborateurs, rédacteurs, et photographes ayant participé à la fabrication de l’imprimé.dans esprit de babel, il est situé en page 4. Vous pouvez y retrouver toutes les personnes associées de près ou de loin à la rédaction de ce numéro.

Last Minute point coM page 24