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i Et ils créèrent Adam, Abraham, Moïse… Des origines du judaïsme à l’émergence d’une morale traditionnelle (troisième édition) Collection Alchimie du Devenir Fabrice Lhériteau

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Et ils créèrent

Adam, Abraham, Moïse…

Des origines du judaïsme à l’émergence d’une morale

traditionnelle (troisième édition)

Collection Alchimie du Devenir

Fabrice Lhériteau

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Copyright © 2017 Fabrice Lhériteau All rights reserved.

ISBN: 1536939668

ISBN-13: 978-1536939668

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REMERCIEMENTS

Cet ouvrage est un document de travail à la disposition de tous les collaborateurs souhaitant s’impliquer. Il vise une connaissance et une réflexion vivante, justifiant une réactualisation régulière. Je remercie tous ceux qui contribuent à son amélioration, et dont le cercle n’est pas limité.

http://www.commudev.com/book

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Préface La vie est faite d’émotions. Elles forment les couleurs de la vie, ce qui nous la rend chère et savoureuse. L’amour et l’espoir alternent avec la colère et la souffrance, comme les jours avec les nuits ou les saisons de l’année. Cette valse des sentiments suit une musique dont le rythme nous échappe, un rythme chaotique dont on perçoit mal la cadence. En réalité, nos émotions sont bien moins influencées par les aléas des circonstances que par notre propre personnalité. Et ce que nous sommes, au-delà de notre apparence, repose sur notre manière de penser la vie, d’en interpréter les évènements. Pour l’essentiel, nos émotions sont ainsi fonction de nos repères, de nos croyances. Certains soldats se rendent au combat le cœur vaillant, fier de braver la mort pour leur patrie avec parfois l’espoir d’un accès au paradis, quand d’autres s’en horrifient et n’y participent que contraints et forcés, n’y trouvant aucun sens. Cet exemple illustre comment une même situation peut être vécue de manière diamétralement opposée en fonction de nos repères. Nos états émotionnels, nos relations familiales, professionnelles, les relations avec les autres peuples, dépendent tous de croyances et de modèles d’interprétations que nous avons construits au cours de notre apprentissage de la vie. Pour l’essentiel, nos repères sont hérités de la société dans laquelle nous avons grandi. Dès l’adolescence, nous sommes déjà en grande partie programmés et imprégnés de modèles de pensée normés. La plupart d’entre nous considérons par exemple que la maladie est le résultat d’une insuffisance du corps vaincu par des microbes ou agents pathogènes, que la vie repose d’une manière générale sur l’affrontement entre des « bons » et des « méchants », que les instincts sont dangereux, qu’il existe une justice sinon en ce monde, du moins dans celui de l’au-delà. Toutes ces idées sont des croyances de notre culture, des croyances auxquelles nous adhérons, mais qui ne sont pas universelles et que ne partagent d’ailleurs pas un certain nombre d’autres cultures. Comprendre comment fonctionnent nos croyances, comment elles pilotent nos comportements, nos réactions et nos sentiments est un sujet passionnant auquel nous avons consacré un précédent ouvrage. Nous avons consacré ensuite un second ouvrage à l’histoire générale de ces croyances depuis les temps les plus reculés jusqu’à notre époque. Cependant, le sujet des croyances et valeurs issues du judaïsme méritait au moins un livre à lui seul. Le judaïsme peut en effet s’envisager comme une des principales influences dont nous avons hérité, notamment parce qu’il fut la source des trois grandes religions monothéistes qui dominent encore le monde.

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Mais pourquoi prendre l’initiative d’un livre sur l’histoire du judaïsme lorsqu’on n’est pas un expert reconnu sur le sujet et quelle légitimité pour ce travail a priori réservé à quelques spécialistes faisant autorité ? Il existe effectivement une abondante littérature sur l’histoire du judaïsme et chacun peut librement consulter un large éventail d’ouvrages et de références. Il existe notamment des cours en ligne sur les milieux bibliques, gratuits et d’une admirable qualité sur le site internet du Collège de France. Outre le fait qu’il faut disposer de quelques dizaines d’heures pour consulter ces ressources, elles n’abordent pas non plus le sujet sous l’angle qui nous concerne, celui de la construction des modèles de pensée. Une chose est d’expliquer les origines du dieu des Hébreux et des légendes qui lui sont associées. Une autre est de comprendre comment ces légendes ont été organisées et fusionnées à d’autres pour servir de support à un enseignement au bénéfice de pouvoirs politiques. Une autre est encore de comprendre comment les concepts présents dans la Bible forment un cadre de pensée hétérogène du fait d’évolutions idéologiques entre rédacteurs successifs. Une autre encore est de comprendre comment au final, une certaine lecture de la Bible a conduit à ancrer une vision du monde et de son ordre qui moulent encore notre psychologie. Un livre portant sur l’ensemble de ces sujets déborde largement de la seule approche historique et même anthropologique. Il couvre une étendue de sujets rendant difficile une synthèse consensuelle entre experts des diverses disciplines concernées. Cette synthèse est d’autant plus difficile à envisager que s’engager sur un terrain débordant de son domaine de compétence reconnu expose chaque spécialiste aux critiques de ses rivaux, pouvant affecter son image. Beaucoup se sentent en effet implicitement tenus de restreindre leur expression aux limites définies de leur champ de compétences. Ce n’est pas le cas d’une plume indépendante, qui faute de légitimité dispose au moins de la liberté d’expression nécessaire à cet exercice. Cet ouvrage n’a donc pas la prétention d’apporter des réponses faisant autorité, ni d’explications définitives. Il participe à un processus de décloisonnement culturel et d’ouverture. Il vise à favoriser une meilleure compréhension de nos racines. Généralement, les textes de référence permettant d’étayer les hypothèses avancées sont fournis. Le lecteur est ainsi invité à se faire sa propre analyse. La compréhension des phénomènes culturels est aussi une affaire d’éducation du sens critique.

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Introduction En cette journée d’hiver 1872, les kiosques à journaux délivrent au monde une nouvelle fracassante. Un article du New York Times rapporte en effet un évènement exceptionnel qui vient de se produire à Londres :

« L’Histoire était jalouse de la romance jusqu’à la semaine dernière ; mais soudainement, elle donna au monde, grâce aux talents extraordinaires d’un savant du British Museum, un fragment d’histoire bien plus merveilleux et captivant qu’aucune fiction… ». New York Times, décembre 1872.

Ainsi commence l’article de presse qui révéla au public une nouvelle qui fit l’effet d’une véritable bombe dans le cercle des historiens, bouleversant le regard que l’on portait jusqu’alors sur la Bible en cette fin du 19e siècle. Le texte commentait l’exposé d’un assyriologue du nom de George Smith, auteur d’incroyables révélations à l’occasion d’une conférence de la Société biblique d’archéologie, devant un prestigieux auditoire comptant non seulement les plus éminents archéologues de l’époque, mais aussi des autorités telles que le Premier ministre. George Smith, spécialiste de l’écriture cunéiforme, l’une des premières de l’humanité, venait livrer le résultat des traductions de textes gravés dans l’argile, retrouvés dans les restes de la bibliothèque d’un grand souverain Assyrien du 7e siècle avant notre ère, à Ninive, dans des ruines enfouies de l’actuel Irak. Cette bibliothèque comprenait des collections de tablettes où l’on avait transcrit les plus belles légendes des temps anciens. L’un des textes, que George Smith venait de traduire comprenait notamment le passage suivant :

Au pays de Nizir alla le bateau La montagne de Nizir arrêta le bateau, et passer au-dessus, il ne le pouvait pas. Le premier et le second jour, la montagne de Nizir semblable Le troisième et le quatrième jour, la montagne de Nizir semblable Le cinquième et le sixième, la montagne de Nizir semblable Au cours du septième jour, j’envoyais une colombe et elle quitta. La colombe partit et chercha et une place pour se reposer, elle ne trouva pas, et retourna. J’envoyais une hirondelle et elle quitta. L’hirondelle partit et chercha et une place pour se reposer elle ne trouva pas, et retourna. J’envoyais un corbeau et il quitta. Le corbeau partit, il vit les cadavres sur l’eau, cela nageait et il les mangea, il erra et ne retourna pas1

1 Traduction de l’auteur d’un extrait de « Discovering Gilgamesh : geology, Narrative and the

Historical Sublime in Victorian culture », Vybarr Cregan-Reid.

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Ce passage faisait suite à l’histoire d’une inondation provoquée par le dieu Enlil qui, agacé par le tumulte des hommes, avait décidé de les anéantir. Prévenu par une autre divinité, un homme avait confectionné une grande arche pour sauver sa famille et les animaux menacés d’être noyés. Le parallèle avec le texte biblique du déluge, l’arche s’échouant sur la montagne, l’envoi d’une colombe, puis d’un corbeau qui ne revint pas, était si stupéfiant que Georges Smith déclara qu’il s’en était arraché la chemise lorsqu’il fit cette incroyable découverte. Pour ce passionné de la Bible qui avait espéré trouver par l’archéologie les preuves de l’historicité des évènements bibliques, le texte assyrien posait un profond dilemme. Le passage en question s’insérait en effet dans une série de tablettes relatant l’épopée d’un personnage central dans les légendes du Proche Orient, connu depuis des temps bien antérieurs aux premiers textes de la Bible : le mythe de Gilgamesh. Il apparaissait donc peu crédible que le mythe du déluge des Assyriens se soit inspiré de celui propagé par les israélites, dont on ne sait même pas si leur peuple existait seulement en des temps si reculés. L’hypothèse la plus vraisemblable était plutôt que les auteurs de la Bible avaient puisé leur inspiration dans des récits traditionnels du Proche Orient ancien, dont on venait de retrouver la source. Si le débat pouvait encore être controversé au 19e siècle, où commençaient les progrès de l’archéologie et où l’on disposait encore de peu d’éléments, la situation est bien différente aujourd’hui. La masse de documents dont nous disposons nous permet de conclure sans hésitation que plusieurs textes de la Bible, et non des moindres, sont des adaptations de récits plus anciens. Ils ont été retravaillés en évacuant la trace des divinités originelles pour ne mettre en scène qu’un seul Dieu. Ce Dieu que les israélites ont d’abord considéré comme leur dieu protecteur s’est transformé en un dieu universel qui aurait créé le monde, au cours d’un long processus de réécriture. En commençant ce livre par l’anecdote de la découverte de George Smith, nous pouvons entrevoir comment cet ensemble de textes fascinant qu’est la Bible fut inspiré et comment la religion juive a pu se constituer. Cependant, les processus qui ont été en jeu sont d’une grande richesse et sont intervenus au cours de plusieurs siècles d’histoire. C’est à cette grande enquête passionnante que nous vous invitons à présent.

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Précisions préliminaires

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Précisions préliminaires

Rappel sur l’enjeu social des religions

Avant d’entrer dans le cœur du sujet, précisons quelques points sur la construction des religions, que l’on présente parfois comme le fruit de révélations divines parvenues par des prophètes, mais qui en réalité se sont développées sur des bases et avec des visées bien différentes. La construction des religions découle d’un besoin naturel des sociétés et de la vie communautaire : Un individu isolé peut se contenter de suivre ses instincts. La plupart des animaux tuent et volent pour vivre et cela n’est pas « mauvais » en soi. La vie sur Terre fonctionne suivant les lois d’une chaîne alimentaire qui pose la prédation et le vol comme des moyens naturels. Le lion n’est pas plus mauvais que la gazelle ou le charognard : chacun se nourrit, et il serait abusif de voir du « mal » à cela. Dans les sociétés humaines en revanche, les intérêts individuels se heurtent souvent à ceux du groupe, et il devient nécessaire de définir ce qui est bon ou mauvais en fonction des besoins. Tuer, voler ou coucher avec le conjoint d’autrui, sont des comportements entre individus qui font l’objet d’interdits parce qu’ils sont source de désordre social. D’autres interdits sont liés à l’obéissance aux dieux pour éviter leurs colères et les malédictions qui en découlent : les mauvaises récoltes, les maladies ou les défaites guerrières. Les interdits de pénétrer sur des lieux sacrés et les interdits alimentaires en sont des exemples typiques. Les religions visent à organiser la société, l’unifier et la prémunir contre la division. Elles tentent logiquement d’agglutiner les règles et les traditions dans un même tout. Ce travail est une construction sans fin qui évolue à mesure que la société se transforme. Un élément en particulier porte cependant atteinte au pouvoir religieux et le contraint à se remettre en question : l’échec. Si des défaites militaires, des sécheresses ou des épidémies surviennent, c’est a priori que les chefs sont désavoués par les dieux. Ainsi, si le pouvoir religieux veut se maintenir malgré les malheurs que subit le peuple, il doit sans cesse se justifier, trouver des explications, fournir des interprétations. Généralement, il tente de rejeter la faute sur le peuple coupable d’avoir irrité les dieux, mais ce dernier ne se contente pas toujours de ces explications faciles.

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L’enjeu spécifique de l’histoire du judaïsme

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Les religions ne sont ainsi pas le simple fruit de pensées philosophiques ou de quêtes spirituelles, mais de l’adaptation du pouvoir aux épreuves auxquelles il a été confronté. Leur propagande s’appuie sur une réinterprétation de l’histoire, souvent grandement déformée, à l’image des discours sur les prophètes, personnages dont on exagère les exploits jusqu’à leur inventer des pouvoirs extraordinaires. À chaque crise, le pouvoir s’adapte en réinventant le passé, tentant ainsi de renouveler sa légitimité. L’étude de l’Histoire permet ainsi de démasquer les ressorts réels d’une religion. Elle permet de comprendre les contraintes auxquelles le pouvoir a dû faire face et retracer la construction des réponses idéologiques qu’il a formulées pour se maintenir.

L’enjeu spécifique de l’histoire du judaïsme

La religion juive est un pilier de la civilisation occidentale, civilisation dont le modèle s’est imposé au monde aujourd’hui, au moins dans les institutions internationales. Historiquement, cette religion fut la source du christianisme et de l’Islam qui en sont des formes dérivées. Les récits sur le début de l’histoire de l’humanité, de la création du monde à Moïse en passant par Abraham sont notamment partagés par ces trois formes religieuses. Ils ont posé des repères qui expliquent la position de la femme dans la société, le rôle de la sexualité, de la vie familiale, le sens de la souffrance, des maladies, de la vieillesse, l’importance de la fidélité, de la charité, etc. Ainsi, que l’on soit adepte d’une de ces religions ou non, nos esprits sont profondément façonnés par des siècles d’imprégnation qui ont conditionné notre manière même de penser. Ces repères nous moulent l’esprit et sont à l’origine de divers déséquilibres. Ils nous nourrissent de culpabilité déplacée vis-à-vis de la sexualité et des instincts en général, provoquant une frustration et des refoulements à l’origine de violences multiples. Ces repères sont à l’origine d’une dévalorisation de la femme qui persiste encore. Ils déprécient aussi le sens de l’existence terrestre qui ne serait qu’un temps d’épreuve, prélude à l’entrée dans un autre monde. Ces croyances nous façonnent encore l’esprit avec des mécanismes de jugements manichéistes générateurs de conflits. Pour se libérer de ces repères erronés, il n’est pas indispensable de savoir comment ils sont apparus et se sont construits, mais cela peut nous y aider grandement. L’étude de la formation des religions et en particulier de la religion juive est en ce sens un travail extrêmement enrichissant. Un deuxième aspect important porte sur les fondements d’une diversité religieuse ayant conduit et conduisant encore à d’insupportables conflits

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sanglants. Les oppositions entre musulmans, juifs et chrétiens ne reposent pas uniquement sur des bases religieuses et sont dans une large mesure instrumentalisées par des intérêts politiques. Néanmoins, les peuples pourraient échapper à ces manœuvres s’ils étaient conscients des racines réelles de leurs religions. Les textes religieux sont souvent sacralisés, à tort, comme des émanations d’une parole divine. Expliquer quand, pourquoi, par qui ces textes ont été écrits, est un moyen de dépassionner les débats tournant autour de ces textes et créer les conditions d’une réconciliation. Enfin, un troisième intérêt de la compréhension de nos racines culturelles porte sur la confrontation avec des civilisations établies sur d’autres repères, comme en Asie. Passée la barrière de la langue, la communication entre Occidentaux et Indiens ou Chinois se heurte à des différences culturelles fondamentales. La simple croyance en la réincarnation ou en la protection par les ancêtres défunts aboutit à des perspectives totalement différentes sur l’existence terrestre. Le rapport à l’argent, à l’environnement, au pouvoir en sont affectés. En ces temps conflictuels de mondialisation, il est utile de comprendre sur quoi reposent ces différences de vues et les systèmes de valeurs qui en découlent.

Le défi d’un livre synthétique sur l’histoire du judaïsme

Résumer l’histoire du judaïsme en quelques pages, comme nous allons tenter de le faire, est un exercice particulièrement délicat pour des raisons qu’il est important de souligner. D’abord parce que cette histoire est longue, compliquée et qu’elle fait intervenir de nombreux personnages, de nombreuses guerres, déportations, de nombreuses intrigues politiques, des usages variés de la religion. Il faudrait mentionner au minimum une bonne centaine de personnages ou de lieux, détailler la nature des peuples du Proche Orient et expliquer leurs relations… Le nombre d’informations à faire apparaître serait tel que le lecteur, saturé d’informations, serait noyé dans la confusion. Plusieurs milliers de pages permettraient à peine de diluer l’information de manière digeste ! Un autre facteur qui rend très difficile l’exposé de l’histoire du judaïsme vient du décalage assez important entre la réalité historique et la narration de l’histoire exposée dans la Bible. Bien qu’on ait prétendu pendant des siècles que la Bible était un livre historique dont les évènements rapportés étaient réels, nous savons avec certitude que le monde ne s’est pas créé comme il est prétendu dans la Genèse, que l’histoire de Noé est une invention tout autant que l’histoire de sa descendance qui aurait peuplé la terre entière. Nous savons aussi que

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Le défi d’un livre synthétique sur l’histoire du judaïsme

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l’histoire des premiers rois David et Salomon n’est pas conforme à ce que révèlent les fouilles archéologiques et qu’un faisceau d’éléments invite même à contester l’existence de Moïse, de la captivité en Égypte, de l’exode du peuple juif et de sa conquête des terres du pays de Canaan. Le fossé entre l’Histoire et les récits de la Bible est donc gigantesque. Cette divergence est très perturbante, car il faut sans cesse discerner les évènements relatés dans la Bible et l’histoire réelle des faits. Un niveau de complexité supplémentaire provient du fait que le texte de la Bible a évolué et s’est transformé continuellement pendant de nombreux siècles, selon le sens que l’on souhaitait lui donner. Elle a d’abord été transmise oralement, sous forme de collections de récits, puis a été partiellement transcrite par écrit sur des rouleaux indépendants, tandis que de nouveaux textes ont été ajoutés au fils des siècles, jusqu’à l’avènement d’une première version « cohérente », composée à la manière d’un assemblage. Cet ensemble n’avait cependant rien d’un travail d’archivage et s’apparentait davantage à la composition d’une œuvre dont chaque partie fut remaniée pour tenter d’en faire un tout cohérent. Au fil des années, des passages furent ajoutés, modifiés ou retranchés pour adapter l’œuvre et la rendre fidèle à ce que ceux qui la détenaient souhaitaient qu’elle devienne. Retracer l’histoire d’un texte dont on ne dispose que d’un faible nombre de versions et, de surcroît, seulement les plus récentes, fut un défi relevé par plusieurs générations de chercheurs, avec des méthodes complexes. Ils n’y sont parvenus que très partiellement. Au final, reconstituer l’histoire du judaïsme est donc un travail forcément approximatif en raison d’un manque d’informations, très compliqué en raison de sa longueur et de la multiplicité des éléments qui sont intervenus et dont l’exposé est rendu difficile par l’importance jouée par une Bible plusieurs fois recomposée avec des intentions différentes à chaque fois. Pour toutes ces raisons, nous allons nous contenter ici d’un exposé simplifié, aussi fluide que possible et qui ne reprend que le minimum nécessaire à une compréhension générale sur la formation de la religion judaïque. Dans cet ouvrage, nous avons fait le choix de ne pas relater tous les évènements qu’un historien se devrait de mentionner. Chaque fois que cela était possible, nous n’avons pas mentionné les noms des personnages historiques qu’en bas de page et les questions les plus complexes ont été traitées en annexes. Ajoutons que les révélations sur l’histoire de la formation du judaïsme peuvent perturber pour le moins des croyances auxquelles nombre d’entre nous sommes fortement attachés. Il faut être prêt, pour certains lecteurs, à supporter le choc émotionnel de découvertes plus déstabilisantes qu’ils ne s’y attendent.

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Précisions préliminaires

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La Bible hébraïque : une ville idéologique

Si vous avez eu la chance de visiter une ville comme Paris, vous aurez apprécié un incroyable mélange de styles datant d’époques fort différentes. On trouve des églises datant de plusieurs siècles aux côtés de quartiers aux buildings ultra modernes d’architectures futuristes. Des parties de la ville ont ainsi été conservées et d’autres rasées et reconstruites. Pour aménager de grandes avenues, il fallut procéder parfois à des travaux de grande ampleur. La construction du métro a constitué une nouvelle couche souterraine modifiant profondément la circulation et changeant la dynamique de la ville. Cette histoire complexe de l’évolution architecturale d’une ville, nous pouvons la transposer au niveau de la construction d’une religion, qui sans cesse doit s’adapter à des contextes différents, réagir aux évènements, aux guerres, aux traumatismes de déportations, trouver des moyens de se financer, mettre en place des mécanismes de gouvernance solides. Les religions se bâtissent comme des villes en conservant les édifices historiques de référence et en recomposant autour d’eux de nouvelles structures qui changent la physionomie de l’ensemble. Dans un cas comme dans l’autre, l’histoire est la clé de la compréhension et c’est par elle que l’on peut cerner les raisons qui ont conduit à la forme finale que l’on observe. Cette histoire n’est pas celle de la vie de personnages qui agrémentent les récits légendaires que l’on présente comme des ancêtres ou des prophètes, mais celle de peuples et d’un imaginaire collectif conservé, transformé et structuré par les détenteurs du pouvoir et gardiens des traditions. Suivant notre métaphore, l’image de la ville dont nous avons à élucider l’histoire pourrait être la Bible hébraïque. Elle est en effet le support de la religion judaïque qui a gardé les traces de nombreuses transformations idéologiques et à partir de laquelle il est possible d’identifier différentes phases de construction. La version finale de cette collection de livres se compose de trois parties distinctes qu’il nous faut préciser : La première est composée de cinq livres, d’où son nom de pentateuque encore dénommé Thora. Dans le premier livre, la Genèse, on présente la question des origines : origine du monde, de l’homme et de la femme, de la violence, de la diversité des langues et cultures. Dieu, unique et universel aurait créé le monde en 7 jours. Il créa l’homme puis la femme dans le jardin d’Éden. Parce qu’ils transgressèrent l’interdiction de goûter au fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, le couple originel fut condamné par Dieu à devoir vivre dans la douleur. Leur descendance conduisit jusqu’à la période de Noé où Dieu estima qu’il fallait punir l’humanité de ses dérives et son arrogance. Il provoqua un déluge après avoir averti Noé et lui avoir permis de fabriquer une grande arche pour sauver des couples de toutes les espèces. Seuls ceux qui

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La Bible hébraïque : une ville idéologique

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avaient été embarqués sur l’arche purent en réchapper. Ils repeuplèrent le monde. Le récit se poursuit par l’histoire des patriarches, ancêtres des peuples du Proche Orient et du peuple israélite jusqu’à sa venue en Égypte : Abraham, Isaac, Jacob, Joseph. On y apprend que le berger Abraham, originaire de Mésopotamie et après une longue migration, s’est fait promettre une terre par Dieu, pour lui et sa descendance. Le signe de cette alliance fut la circoncision. Cette promesse fut confirmée après l’épreuve où Dieu commanda à Abraham de sacrifier son fils Isaac et où celui-ci montra qu’il était prêt à obéir aveuglément à ce Dieu qu’il craignait. Dieu se dévoile ensuite à son petit-fils Jacob à qui il révèle que ses descendants formeront le peuple d’Israël, peuple qu’il s’est choisi. Le fils de Jacob est Joseph. Il s’attire rapidement la jalousie de ses frères et est vendu par eux à une caravane de Bédouins se rendant en Égypte. Grâce à ses talents d’interprétation les rêves, il se fait connaître et, après quelques péripéties, entre à la cour de pharaon où il finit par devenir un personnage très influent. Ses fonctions lui permettent de faire venir sa famille en Égypte. À la mort du pharaon, les privilèges de Joseph sont néanmoins perdus et ses descendants, les Hébreux, sont réduits à l’esclavage. La suite du Pentateuque narre l’histoire de Moïse, le libérateur et prophète. Le récit de ses exploits s’étend sur quatre livres : Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. Ils racontent son enfance, sa fuite d’Égypte, sa rencontre avec Dieu, la libération des esclaves hébreux, leur exode, la révélation des commandements divins, la traversée du désert jusqu’à la terre promise. Les principaux épisodes de la vie de Moïse peuvent se résumer comme suit : Craignant que le peuple hébreu ne devienne trop nombreux et s’allie avec des ennemis, le pharaon ordonna la mise à mort de tous leurs premiers-nés garçons. Désespérée, la mère de Moïse cacha son enfant dans un panier qu’elle déposa sur les berges du Nil. Il fut recueilli par chance par la famille du pharaon et élevé comme un enfant de la famille royale. Adulte, Moïse assista à un conflit entre un esclave et un Égyptien et intervint violemment en tuant ce dernier. Il dut alors prendre la fuite et s’échapper pour éviter d’être condamné. Accueilli par une famille d’éleveurs, il devint lui-même berger et fonda une famille. Un jour, appelé au sommet d’une montagne, il rencontra Dieu qui lui révéla son nom « Yhwh ». Ce dieu lui ordonna de retourner en Égypte pour faire libérer son peuple, avec son frère Aaron. Grâce à une série de miracles qui démontrèrent la toute-puissance de Dieu (les plaies d’Égypte), Moïse parvint effectivement à faire libérer ce peuple. Le pharaon, après avoir laissé les Hébreux quitter l’Égypte se ravisa néanmoins et envoya ses troupes à leur poursuite. Dieu permit alors aux Hébreux de traverser la mer des joncs en écartant les flots qui se refermèrent sur les poursuivants et noyèrent l’armée égyptienne. Marchant dans le désert vers la terre promise, le peuple fut ensuite guidé par Moïse et son frère. Moïse

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Précisions préliminaires

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retourna dans la montagne où il avait rencontré Dieu et y reçut la révélation des lois qui lient Dieu à son peuple, notamment les 10 commandements. Des incidents éclatèrent cependant pendant que Moïse était parti dans la montagne, car le peuple impatient avait fait fabriquer un veau en or, ce qui s’opposait aux commandements divins. Moïse éclata de colère à son retour. Après avoir brisé les tables des lois et sévèrement fait punir ceux qui avaient participé au culte du veau d’or, il retourna dans la montagne pour recevoir de nouvelles révélations. Puis la marche vers la terre promise reprit. Cependant, en raison de son manque de foi et de fidélité, le peuple erra pendant une génération (quarante ans) avant d’arriver aux limites de la terre promise. Moïse mourut ici, après n’avoir pu qu’entrevoir cette terre. Dans cette première partie, on apprend ainsi que Dieu est le créateur universel du monde et qu’il s’est choisi un peuple pour le représenter : les descendants de Jacob. L’alliance avec son peuple repose sur une promesse faite à Abraham et le respect de règles dictées à Moïse, c’est-à-dire sur des données généalogiques, des liens de sang, et sur le respect de codes, des liens d’obéissance. Ce dieu se présente dans une certaine contradiction, étant à la fois le créateur de tous et un dieu guerrier au service d’un peuple contre les autres. La deuxième partie de la Bible s’intitule « Les prophètes ». Elle poursuit l’histoire du Pentateuque par la conquête militaire de la terre promise par Josué, le successeur de Moïse, jusqu’à l’avènement du premier roi Saul, l’unification des territoires par le roi David, la construction du temple de Jérusalem par le roi Salomon. Les rois suivants font alterner des politiques religieuses qui sont plus ou moins critiquées en raison des pratiques polythéistes qui persistent. De nombreux cultes de veaux d’or, de poteaux sacrés, parfois des sacrifices d’enfants sont en effet décrits, alors que les commandements de Dieu avaient interdit la vénération d’autres divinités et sa représentation par des objets. Pour punir cette infidélité, Dieu fit envahir le pays des israélites par leurs ennemis assyriens qui colonisèrent Israël, puis plus sévèrement encore par les Babyloniens qui détruisirent Jérusalem et son temple. Les livres prophétisent néanmoins un renouveau à venir. La troisième et dernière partie de la Bible est constituée par « les écrits » dans lesquels est accumulée une grande diversité de textes de genres variés. Elle commence par le livre des Psaumes qui sont des hymnes louant la grandeur de Dieu, mais comportant aussi des lamentations liées à la destruction de Jérusalem. Vient ensuite le « Cantique des cantiques », collection de poèmes d’amour qui peuvent s’interpréter de manière plus ou moins profane. Trois livres s’articulent ensuite autour de personnages :

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La Bible hébraïque : une ville idéologique

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• Le livre de Ruth, femme étrangère qui maria un des ancêtres du roi David,

• Le livre d’Esther qui tente de sauver son oncle et son peuple de fausses accusations auprès du roi perse

• Le livre de Job dont la fidélité est mise à l’épreuve par Dieu suite à un pari avec Satan.

Le thème de la justice divine, déjà développé dans le livre de Job, est encore traité dans le livre l’Ecclésiaste ou Qohéleth, qui apparaît comme un penseur. Il présente l’idée que la compréhension des desseins de Dieu échappe à l’homme, et lui est inaccessible. L’homme doit en conséquence accepter ses limites, se résigner et garder simplement foi en Dieu. Finalement, le livre suivant, le livre de Daniel, explique que le monde sera détruit à la fin des temps et que les justes seront ressuscités pour vivre dans un monde meilleur. Ainsi s’achève la réflexion sur le sens de l’existence et les mystères de l’injustice, qui avait été développée dans les livres précédents. D’autres livres reprennent ensuite l’histoire du peuple israélite. Nous ne les mentionnerons pas tous ici. Le livre des Chroniques traite de l’histoire de la royauté (qui avait pourtant déjà été écrite dans le livre de Samuel et des Rois) et se poursuit par le récit de la restauration : le retour de l’exil de Babylone, la reconstruction du temple à Jérusalem et la nouvelle organisation du pays avec les nouvelles lois (livres d’Esdras et Néhémie). La version finale de la Bible se présente donc comme une œuvre relativement bien structurée avec une histoire cohérente dont se dégage un sens précis. Elle a été écrite par des scribes sous l’autorité de rois puis de la classe religieuse. On pense que les textes furent rédigés entre le 8e siècle et le 3e siècle avant notre ère, mais le texte continua d’être corrigé et adapté pendant plusieurs siècles donnant lieu à plusieurs versions.

Liste des livres composant la bible hébraïque La Loi :

Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome Les Prophètes :

Josué, Juges, I-II Samuel, I-II Rois Esaïe, Jérémie, Ezéchiel Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habaquq, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie

Les Écrits : Psaumes, Job, Proverbes, Ruth, Cantique des cantiques, Ecclésiaste, Lamentations, Esther, Daniel, Esdras-Néhémie, I-II Chroniques

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Précisions préliminaires

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Le dessous des textes

Les histoires narrées dans la Bible sont pour la plupart des histoires merveilleuses qui ont beaucoup en commun avec des contes. Sans parler de leur caractère fictif ou, du moins, fortement romancé de la réalité, la plupart des récits de la Bible soutiennent effectivement des principes moraux. Beaucoup de lecteurs les considèrent comme des enseignements ou des illustrations fondamentales des principes de la vie. L’Histoire est en effet le pilier de la morale sociale, la source des réflexions qui doivent guider les peuples afin qu’ils ne renouvellent pas les erreurs du passé. C’est ainsi que beaucoup lisent encore la Bible, et c’est surtout en vue de ce type d’interprétation qu’elle fut composée. Pour reprendre notre métaphore, les constructions de la ville idéologique se sont succédé suivant les intentions d’architectes, qui a des époques données ont jugé pertinent de bâtir tel ou tel édifice en fonction de nécessités politiques. Le travail des historiens et exégètes de notre époque est précisément de reconstituer ces séquences et de les expliquer. Sur la figure page suivante, nous avons représenté de manière simplifiée la trame générale de la construction des récits bibliques, telle qu’on se la figure aujourd’hui. Elle représente les datations approximatives des concepts clés qui ont émergé à différentes époques. Depuis l’ère de domination assyrienne jusqu’à la domination romaine, vous pouvez y retrouver à quels moments sont apparues certaines idées qui se traduisirent par l’ajout ou la transformation de textes majeurs. Cette figure vous donne une image de ce que nous allons ensemble retracer et interpréter dans ce livre. Nous découvrirons pourquoi les autres cultes que ceux de Yhwh ont été interdits très tôt dans l’histoire du peuple israélite, comment le seul dieu légitime a ensuite été considéré comme le créateur du monde, quand et comment s’est conçu la légende d’une origine des Hébreux qui se seraient échappés d’Égypte grâce à l’intervention de Dieu et de son messager Moïse, etc. La datation de ces récits est une affaire qui est loin d’être aussi simple que le suggère notre schéma, puisque les textes ont fait en réalité l’objet de multiples transformations avant de prendre leur forme finale. Mais ce qui importe n’est pas tant le texte lui-même que les idées qu’on a voulu transmettre à travers lui. Or ces idées et concepts sont assez faciles à identifier dans la mesure où on peut les associer à des évènements historiques, tels que l’invasion par les Assyriens, la destruction du temple de Jérusalem, les déportations sous l’empire babylonien, la reconstruction du temple, etc. Chacun de ces épisodes a été la source de nouveaux principes qui furent matérialisés dans des récits ajoutés ou remaniés.

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Le dessous des textes

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Figure 1. Les idées et concepts fondamentaux du judaïsme des origines ont émergé à des époques précises qu’il est possible de retracer. Ces concepts ont pu donner lieu à l’insertion de nouveaux textes ou au remaniement de textes préexistants, depuis la période assyrienne jusqu’à la période romaine.

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Précisions préliminaires

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Plan du livre

Pour comprendre l’héritage légué ou transmis à notre culture par le judaïsme des origines, celui qui donna naissance au christianisme, nous commencerons par décrire un ensemble de croyances. Ces croyances sont celles qui forment le socle du judaïsme et dont notre culture est profondément imprégnée. Nous les décrirons en soulignant en quoi elles sont particulières et diffèrent de croyances d’autres cultures afin de bien mettre en évidence leurs spécificités. Elles sont le produit de l’histoire, son aboutissement. Nous retracerons ensuite leurs origines en parcourant l’histoire du judaïsme depuis ses lointaines origines préhistoriques jusqu’aux premiers siècles de notre ère. Nous découvrirons les étapes de sa longue transformation au cours de plusieurs crises majeures et détaillerons la manière dont ont été composés les mythes et grands récits comme ceux lié à Adam, Abraham et Moïse. Ces récits, la lecture attentive de la Bible nous révèle qu’ils ont été remaniés à de nombreuses reprises et il sera intéressant d’en identifier les sources et reconstituer leur assemblage. Nous prendrons également le temps d’analyser toutes les évolutions « masquée » du judaïsme, comme le polythéisme sur lequel il s’est construit ou encore l’existences de représentations de Dieu sous différentes formes et en particulier de statues dans les temps les plus anciens. Tout au loin de notre cheminement historique, nous retracerons l’évolution des légendes et des valeurs qui leur furent associées, pour comprendre par exemple à quel moment et pourquoi la sexualité fait l’objet de tant de restriction. Après cette page d’histoire, nous reviendrons sur les différentes valeurs véhiculées par le judaïsme. Nous verrons en quoi elles furent pertinentes tout au long de l’évolution de cette culture, dans son contexte, et quelles en sont les limites. Nous nous interrogerons aussi sur les conséquences auxquelles exposent ces valeurs : comment elles expliquent un certain nombre de situations historiques récurrentes et quelles sont leurs impacts aujourd’hui sur notre vie personnelle.

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Le socle du judaïsme

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Le socle du judaïsme

Dans cette partie, nous décrirons le fonctionnement général des cultures, avec leurs articulations entre croyances collectives et valeurs sociales. Nous détaillerons ensuite l’ensemble des croyances souches qui forment la base du judaïsme et de certains repères de notre propre culture aujourd’hui. Chapitre 1 : Les ressorts d’une culture Chapitre 2 : Les croyances clés

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Les ressorts d’une culture

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1. Les ressorts d’une culture

Le judaïsme est bien davantage qu’une simple religion. Il a étendu son domaine à l’organisation sociale et politique d’un ensemble de peuples constitués en une nation. Plutôt que « religion », nous allons donc préférer l’emploi du mot culture, sachant qu’il est d’un usage fort délicat, sujet à de nombreuses polémiques et interprétations. Qu’est-ce qu’une culture ? Pour répondre à cette question importante, nous adopterons la définition d’un éminent spécialiste de la question : « Ensemble des représentations collectives propres à une société »2. Aussi exacte soit-elle, cette définition a le défaut d’être peut-être trop abstraite. Moins précise, mais plus suggestive, nous allons la compléter par une évocation sous forme d’images utilisées dans la littérature anthropologique. La première pourrait être celle d’un iceberg, dont une petite partie superficielle est visible tandis que son support reste aux 9/10e caché sous l’eau. Cette image rend compte que sous les manifestations visibles, la langue et son écriture, l’héritage historique, les traditions, les arts, la religion, l’organisation sociale, etc, se cache une partie enfouie, un socle composé de croyances et de manières de penser particulières. Ce socle, bien que caché, demeure ce qu’il y a de plus important et vaste en termes de richesse et de force. Une autre image pourrait être celle d’un oignon avec des couches superficielles et d’autres plus intérieures auxquelles on accède par étapes, en découvrant qu’il existe toujours des niveaux plus profonds. Cette image est volontiers utilisée dans les ouvrages sur l’acculturation. Ceux qui se sont installés à l’étranger découvrent souvent au fil des années qu’ils ne connaissaient pas si bien leur pays d’accueil qu’ils se l’étaient imaginé après leurs premières années d’installation. Il n’est pas rare d’entendre des expatriés affirmer qu’au bout de dix ans passés dans un pays étranger, ils n’avaient pas mesuré l’ampleur des différences profondes existant entre leur propre culture et celle dans laquelle ils baignent. Ces différences touchent aux mentalités, conceptions des droits et devoirs, à l’éthique ou aux manières d’analyser un problème (avec parfois des approches irrationnelles, ou des considérations sociales qui peuvent surprendre, telles que la confiance aveugle dans les rêves ou les paroles de conseillers spirituels supplantant toute analyse logique). Enfin, une troisième façon d’appréhender une culture, celle que nous conserverons par la suite, est de la comparer à un arbre, avec ses racines, son

2 « L’histoire culturelle », Pascal Ory, PUF.

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tronc, ses branches et son feuillage. « L’arbre culturel » est une représentation intéressante si l’on considère comment un arbre se développe et se reproduit. Lorsqu’il est jeune, un plant croit à partir de ses racines qui s’étendent en profondeur et en largeur, en même temps que la partie aérienne émerge lentement. La croissance de l’arbre dépend en grande partie de facteurs environnementaux, tels que la profondeur du sol et sa richesse, l’importance des pluies, la pression des attaques d’insectes, et d’animaux qui peuvent en passant piétiner le plant ou le brouter. Les cultures, elles aussi, sont soumises à des facteurs environnementaux qui influencent de manière importante leur développement. Ce sont les évènements historiques, le contact avec d’autres cultures qui ont parfois insufflé des idées ou des pratiques et d’autres fois provoqué des réactions hostiles d’opposition. En marge de ces facteurs extérieurs, certes très importants, l’arbre possède une dynamique interne, avec des parties souterraines et aériennes aux fonctions spécifiques : Les racines sont ce qui alimente la plante et lui fournit son ancrage. Au niveau d’une culture, les racines sont les croyances, les conceptions sur le sens de la vie, de la souffrance, de la mort, des épreuves, de l’ordre et des équilibres du monde. Ces croyances sont enchevêtrées les unes dans les autres et peuvent se comparer à un nœud ou à un tissu tant il est parfois difficile de les dissocier. Elles se complètent et tirent leur force d’une forte cohérence interne. Nous utiliserons aussi l’expression « bloc de croyances », une notion que nous avons largement exposée dans un ouvrage précédent3 et n’allons pas redévelopper ici. Disons simplement que les croyances se construisent un peu à la manière d’aimants qui agglomèrent les idées qui leur ressemblent et constituent au final des sortes de blocs d’idées et de manières de penser. Les blocs de croyances conditionnent notre manière d’interpréter la réalité et même de la percevoir, agissant aussi comme un filtre. Ces blocs de croyances, qui imposent une représentation du monde, sont le socle d’un deuxième niveau, le tronc de l’arbre culturel. Il se compose d’une multitude de valeurs et de mécanismes psychologiques et sociaux. L’idée de l‘existence d’un ordre universel sous la coupe de Dieu porte par exemple des valeurs d’obéissance et d’organisation suivant une hiérarchie sociale où chacun doit tenir son rang. Cette structuration se traduit par des règles précises sur les droits et devoir de chacun suivant qu’il est homme ou femme, aux différents âges de sa vie et suivant son rang d’esclave, de personne libre, de notable, de prêtre ou de roi. Ces repères sont difficiles à représenter par de simples mots ou expressions. Ils s’incarnent dans des lois, une organisation de la justice, mais aussi des restrictions de libertés, des contraintes sociales, etc. Les mécanismes

3 « le pouvoir de vos croyances et de vos émotions », Createspace, 2013.

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psychologiques et sociaux sont donc difficiles à représenter, car ils ne sont pas aisément réductibles à des concepts précis. Enfin, la troisième strate, la canopée, le feuillage de l’arbre culturel, touche aux évènements, aux schémas historiques récurrents, aux épisodes qui se répètent de manière cyclique. Ces répétitions n’ont rien de hasardeux, mais résultent des mécanismes précédemment décrits, les mêmes causes conduisant aux mêmes effets. Nous analyserons par exemple pourquoi l’exil et la persécution sont des motifs inhérents à culture juive. Tout comme la sève remonte des racines au feuillage puis redescend nourrir les racines, les croyances, les valeurs et les motifs historiques interagissent et s’influencent les uns les autres. Cette cohérence est l’essence des cultures.

Figure 2. Représentation de l’identité culturelle sous forme d’arbre.

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2. Les croyances racines du judaïsme

Dans ce chapitre, nous allons préciser un certain nombre de croyances piliers du judaïsme. Certaines peuvent nous sembler naturelles et même universelles, comme l’existence du bien et du mal définis par rapport à des règles, preuve que nous en sommes profondément imprégnés. Pour mettre en évidence ce qu’elles ont de spécifique et de singulier, nous citerons donc plusieurs contre-exemples de cultures qui ne les partagent pas.

A. Le pouvoir d’un Dieu unique

Bien que le judaïsme ait été une religion polythéiste à ses origines, l’existence d’un dieu unique régissant le monde s’est affirmée comme un pilier de son identité. Avec ce concept s’est développée une interprétation du monde comme une production de Dieu, c’est-à-dire l’existence d’un ordre parfait intentionnellement élaboré et avec cohérence. Il s’agit d’une croyance fondamentale autour de laquelle s’articulent toutes les réflexions sur le monde dans lequel nous vivons et sur la vie. Elle induit une logique basée sur l’hypothèse que tout est justifié et décidé par le divin, quitte à conclure, lorsque le monde nous parait injuste, que notre esprit n’est pas assez intelligent pour en comprendre les raisons (« les voies du seigneur sont impénétrables » !).

Ils ne partagent pas cette croyance : La croyance en l’existence d’un ordre sous le pouvoir d’un dieu unique diffère de celle des cultures polythéistes qui envisagent le monde comme la conséquence de volontés divines en opposition et régnant en alternance. Dans le polythéisme, la succession des saisons est généralement expliquée par la mort du dieu de la pluie tué par un dieu de la mort, et le retour du printemps est expliqué par sa renaissance ou remonté des Enfers. La notion de cycle est ainsi associée à une forme d’alternance du pouvoir entre divers dieux. La mise en relation entre les dieux et les planètes, qui au fils des mois se déplacent sur le fond des étoiles en suivant des cycles, émane de cette idée d’alternance. La croyance juive en un dieu unique externe et omnipotent diffère aussi des croyances panthéistes qui accordent à l’homme un rôle et un pouvoir sur le devenir du monde, en tant qu’acteur et force créatrice. Dans le panthéisme, l’homme est co-créateur du monde et une partie du pouvoir divin s’exprime à travers lui. Il n’est donc pas totalement à la merci de forces extérieures et son destin lui appartient en partie. La croyance en un dieu unique externe et omnipotent diffère aussi de certaines croyances asiatiques suivant lesquelles le monde visible est une

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illusion ou une production de l’esprit, notamment dans plusieurs courants bouddhistes. Ici on envisage l’existence d’une continuité entre ce que nous sommes et ce qui apparaît hors de nous : les évènements forment une sorte de reflet, de nature apaisée ou conflictuelle selon notre état intérieur d’harmonie ou de confusion. La croyance en un dieu unique externe et omnipotent diffère encore des conceptions suivant lesquelles il existe un certain nombre de lois fondamentales, mais qui ne déterminent pas complètement la forme que prend la réalité. Dans les religions asiatiques, on prétend ainsi que l’existence est soumise aux lois du karma, sans qu’il y ait l’expression d’un pouvoir divin décidant du sort du monde. Une citation attribuée à bouddha illustre son principe : « tout ce qui nous arrive est le résultat de nos pensées, nos paroles et nos actions ». On retrouve un modèle assez similaire dans les sciences qui reconnaissent l’existence de lois physiques, sans supposer qu’il existe de force extérieure autre que la vie qui s’exprime. On reconnaît implicitement l’existence du « hasard », laissant à l’homme une part de liberté et de responsabilité sur son devenir. Ce modèle s’illustre particulièrement dans la théorie de l’évolution des espèces, où ces dernières sont supposées évoluer plus ou moins aléatoirement pour s’adapter aux changements de leur

environnement, suivant la loi de la sélection naturelle (ou de la survie du plus

adapté).

B. Le concept d’identité juive

Nous verrons que Yhwh, bien qu’il fût initialement associé à des phénomènes naturels (pluie) et des éléments (montagnes, lune), devint rapidement une divinité tutélaire guerrière : Yhwh Sebaot, le Yhwh des armées qui décidait du sort des batailles, des victoires et des défaites. En faire un dieu universel pour l’humanité fut logiquement difficilement compatible avec son attachement à défendre un peuple face aux autres. Le compromis idéologique sur lequel se développa le judaïsme, fut de le considérer comme une sorte de père ayant une préférence parmi ses enfants, une préférence justifiée par un dévouement total incarné par un pacte d’alliance. Derrière cette justification et cette notion d’appartenance du Dieu à un peuple, se profile un distinguo profond entre les juifs et le reste de l’humanité. L’idée d’une préférence de Yhwh sous-tend l’idée que les juifs ne sont pas à égalité avec les autres peuples. La culture juive suppose ainsi l’existence d’une démarcation entre son peuple et le reste du monde. Cette séparation repose sur une promesse divine, des relations de sang (concept clanique de l’appartenance lignagère) et sur le respect de règles prétendues d’origine divine.

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Ils ne partagent pas cette croyance : Plus les populations sont importantes et plus les repères identitaires ont tendance à s’atténuer, simplement parce qu’il est nécessaire de laisser une place à la différence quand des personnes d’origines variées doivent vivre ensemble. Dans les grandes villes en particulier, si l’on fait exception de quelques enclaves de descendants d’immigrés regroupés en quartiers, les repères identitaires sont plutôt discrets : les habitants s’approvisionnent sur les mêmes marchés et ont des habitudes alimentaires assez proches. Ils trouvent leurs vêtements chez les mêmes fournisseurs. Ils habitent des demeures semblables. Ils travaillent ensemble. Ces grandes villes attirent pourtant une main-d’œuvre dont les origines sont très diversifiées et de pays étrangers notamment. Les tâches les plus ingrates, celles associées aux conditions de travail les plus difficiles sont généralement effectuées par les plus défavorisés, souvent des personnes venant de loin, de régions où l’emploi est rare, de régions en guerre, de régions qu’ils ont quittées avec l’espoir de mieux vivre ailleurs. Cette main-d’œuvre bon marché fait les affaires des entrepreneurs qui réduisent leurs coûts salariaux. À l’autre extrémité de l’échelle sociale, les emplois exigeant les plus fortes compétences sont aussi très largement ouverts aux étrangers. Les richesses et les possibilités économiques offertes par les villes prospères permettent en effet de rémunérer mieux qu’ailleurs les compétences rares. Les plus brillants cerveaux émigrent donc là où leurs talents pourront être le plus appréciés et reconnus, le mieux payé. L’immigration est donc un atout à plusieurs titres, favorisant la prospérité des entreprises nécessitant de la main-d’œuvre bon marché et apportant les plus hauts niveaux de compétence, moteurs d’innovation, d’invention, de créativité. À part dans certaines dictatures fermées où les préoccupations de règne sont supérieures à celles du développement économique, la plupart des gouvernants sont conscients de la richesse que représente la diversité de la population et la nécessité de bien gérer l’intégration des étrangers. Ce réalisme s’est traduit notamment par la reconnaissance de l’égalité des personnes indépendamment de leur origine et de leur religion, dans beaucoup de cultures. L’ouverture du mariage à des adeptes d’autres religions est également fréquente tandis que le judaïsme et l’islam, qui exigent la conversion des conjoints, font plutôt figure d’exceptions. Remarquons aussi que le repli identitaire, cher aux nationalistes et aux régionalistes, est connu de longue date comme une source de tensions et de guerres. Le prix Nobel de la paix attribué à l’Europe, espace international ayant permis de prévenir une troisième guerre mondiale depuis plus d’un demi-siècle, suit cette logique.

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En Asie, les concepts identitaires ont été combattus sur le plan religieux par plusieurs écoles bouddhistes, qui idéalisent l’accomplissement ultime comme la perte de l’identité individuelle et le retour à un état unifié avec le divin. De grands philosophes indiens, comme Krishnamurti, ont centré leur réflexion sur la nécessité de s’extraire des identités, se dégager de tout rattachement à une catégorie et prendre plutôt conscience de l’unité du genre humain. Le fait de s’identifier à un groupe prioritairement à celui de la condition d’être humain serait, selon Krishnamurti, à l’origine des conflits qui déchirent le monde : «Lorsque vous vous dites Indien, Musulman, Chrétien, Européen, ou autre chose, vous êtes violents. Savez-vous pourquoi ? C'est parce que vous vous séparez du reste de l'humanité, et cette séparation due à vos croyances, à votre nationalité, à vos traditions, engendre la violence4. »

C. L’existence d’une hiérarchie entre divers types humains

Dans la société juive antique, on distinguait, suivant un principe hiérarchique, les prêtres et les esclaves du restant de la communauté, justifiant une inégalité de pouvoir entre couches sociales ou plutôt « castes » dans la mesure où ces rangs s’héritent de père en fils. Il existait aussi une différentiation au niveau des droits et pouvoirs de la femme par rapport à l’homme, à qui elle se destinait d’appartenir après son mariage. Toutes ces inégalités, de peuples, de castes, de genre prolongent l’idée d’un ordre hiérarchique établi par le divin, dès les origines. La femme est créée pour tenir compagnie à l’homme, les prêtres sont issus de la famille de Moïse pour faire le lien entre les hommes et Yhwh, les peuples sont hiérarchisés suivant leurs liens généalogiques avec les ancêtres d’Israël.

Ils ne partagent pas cette croyance : Le judaïsme soutient l’idée d’une hiérarchie « naturelle » à tous les niveaux. On retrouve en partie ces conceptions dans le christianisme et l’islam qui ont conservé l’idée d’une fonction et d’une place particulière de la femme par rapport à l’homme et des prêtres par rapport au reste de la société (même si l’esclavage n’y figure plus aujourd’hui). Néanmoins, le système de hiérarchie entre les peuples y est effacé au profit de l’idée d’une fraternité entre croyants sans relations généalogiques (entre croyants d’une même religion, mais pas nécessairement une fraternité de tous les hommes, comme l’ont illustré de nombreuses guerres de religion). Peut-être à l’exception de certaines écoles protestantes, quasiment toutes les religions supportent en réalité les inégalités, car elles sont au service du pouvoir clérical qui les utilise pour justifier son statut privilégié.

4 Se libérer du connu, trad. Carlo Suarès, 2007

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Dans les cultures laïques, les humains tendent à être considérés comme égaux en droit. Cette construction intellectuelle a une longue histoire qui a commencé par des rivalités entre les rois et les représentants des Églises, puis s’est poursuivie par la nécessité pratique de mettre fin aux massacres de guerres civiles entre tenants de diverses tendances religieuses (conflits entre catholiques et protestants notamment). La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, décrétée en 1889 marqua un premier point sur l’abolition des privilèges héréditaires par son article 1er : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » Quelques siècles plus tard ce modèle fut repris et amélioré dans la Déclaration des droits universels, commençant par: « 1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. » La laïcité est le résultat d’une évolution sociale qui ne s’est cependant pas encore concrétisée dans de nombreux pays.

D. L’existence du bien et du mal en tant que repères absolus

Une autre croyance clé du judaïsme est l’idée qu’il existerait des règles absolues et que le bien et le mal se définissent par rapport au respect de ces règles. Transgresser les commandements divins est ainsi jugé comme mauvais. Une hiérarchisation a été élaborée au fil du temps afin de définir quelles seraient les règles prioritaires (préserver la vie d’un homme est plus important que de ne pas mentir par exemple). Cette croyance s’est imposée sous l’influence des élites religieuses et politiques qui ont cherché à transmettre des règles valables pour tous et partout. Cette sacralisation, établie pour élever l’importance de règles sociales et faciliter l’exercice du pouvoir, a figé l’utilisation des repères moraux et partiellement déshumanisé la gestion de la société.

Ils ne partagent pas cette croyance : La croyance au bien et au mal en tant que repères absolus s’oppose au relativisme du bien et du mal qui domine dans beaucoup de sociétés tribales où le bon sens et la discussion servent à estimer ce qui est bon ou mauvais, suivant une logique d’intérêt collectif, et prenant en compte la douleur des victimes. Dans ces systèmes, on fait appel à la réflexion ou à l’inspiration (en consultant parfois des sages ou des sorciers) pour décider de ce qui doit être accompli ou fait. On s’en remet à ces méthodes pour décider comment condamner un voleur, un fauteur de trouble, un rebelle à l’autorité, un

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adultère, mais le jugement prend aussi et surtout en compte la question de la réparation ou compensation. Si un chauffeur vient par exemple à tuer accidentellement une personne, il devra des réparations à la famille du défunt, qu’il soit en tort ou non par rapport au code de la route. La douleur de la famille et la nécessité de financer des funérailles entrent en ligne de compte, quelle que soit la responsabilité du chauffeur. En procédant ainsi, on facilite l’apaisement social et on limite les risques de rétorsion et vengeances en spirale entre familles. En Asie, on trouve également plusieurs systèmes de pensée qui remettent en cause la notion même de bien et de mal en se basant sur le constat que ce qui paraissait mauvais à un moment donné peut apparaître finalement comme bénéfique. On pourrait résumer cette logique à cette phrase de Lao Tseu « Peut-on connaître le contenu d’un livre en ne lisant qu’une phrase ? ». (La savoureuse petite histoire dont tirée cette citation figure en annexe XII, touchante de poésie et de sagesse). Dans la sphère scientifique, et notamment informatique, les notions de vrai et de faux ont également été revisitées et leur remise en cause a permis le développement de technologies très importantes, telles que les mécanismes de reconnaissance optique et outils d’aide à la décision. Faute de vocabulaire approprié, on parle de « logique floue », un concept qui ne doit pas être compris de manière péjorative. Il repose sur l’idée qu’aucune affirmation n’est à 100% vraie ou fausse et qu’au lieu de raisonner de manière binaire, nous devons considérer le caractère partiel de toute affirmation. Suivant cette approche, il y a par exemple une part de vraie dans la déclaration qu’un acte est bon ou nuisant, mais il reste à définir dans quelle mesure, suivant les circonstances et en distinguant éventuellement les conséquences à court terme et à long terme. William Shakespeare, au 17e siècle, écrivait dans une de ces pièces « rien n’est bon ou mauvais en soi, tout dépend de ce que ‘on pense ». Bien que nous ayons sous nos yeux quotidiennement la démonstration de la relativité du bien et du mal, il nous est encore très difficile de sortir de l’idée de leur caractère absolu et d’admettre qu’ils peuvent varier suivant les angles d’analyse que l’on porte. Pourtant nous savons que des comportements individualistes peuvent par exemple avoir des conséquences positives ou négatives selon les circonstances : Dans des cas de guerre, la solidarité et l’union sont nécessaires à la survie, mais sous une dictature, les comportements rebelles sont salutaires. On peut également prendre l’exemple d’un parent qui doit faire parfois preuve d’autorité sur ces enfants et d’autres fois se monter plus compréhensif pour éviter que les réprimandes ne blessent et créent des traumatismes. En politique, les situations de ce type sont fréquentes : il faut parfois faire usage de la force et parfois céder ou

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lâcher du lest. Il faut savoir parfois s’affronter et d’autre fois s’allier avec les ennemis d’hier. Que dire également du mensonge, si souvent condamné et pourtant placé au cœur du serment d’Hippocrate en médecine. Les exemples ne manquent pas pour démentir le caractère absolu d’actions bonnes ou mauvaises. Souvent, il est nécessaire d’anticiper les conséquences de nos actes, qui peuvent varier suivant des éléments du contexte, les circonstances, les personnes et même leur humeur.

E. La personnification du bien et du mal en tant que réalités

Une croyance voisine de l’idée que le bien et le mal forment des repères absolus, est de leur accorder une existence propre. On déduit en fait que ce qui produit des actes qualifiés de mauvais est le Mal et que ce qui produit des résultats jugés bons est le Bien. Cela conduit à déduire qu’il existe des personnes bonnes et d’autres mauvaises, ou qu’il existe en l’homme une part angélique et une part maléfique. De là, on déduit encore que la part maléfique se rapporte à la part obscure, celle des instincts tandis que la part noble est celle de l’intellect et la morale.

Ils ne partagent pas cette croyance :

L’amalgame entre violence et animalité est d’abord évidemment combattu par tous les défenseurs de la cause animale. Même les animaux à la réputation de tueurs d’hommes tels que les félins les plus craints n’expriment en réalité aucune violence lorsqu’ils ne sont pas mis en situation de stress chronique. Les expériences proposées dans les refuges permettent à chacun d’en faire le constat5. Les instincts et la sexualité sont à l’honneur dans beaucoup de cultures polythéistes. On peut encore visiter avec plaisir une multitude de temples en Asie, ornés de fresques exposant la diversité des positions que l’homme et la femme peuvent pratiquer ensemble. Les plus célèbres sont en Inde et au Népal. La littérature indienne comporte également l’illustre kama-sutra, le livre des plaisirs. La religion et philosophie hindoue ont donné aussi naissance à une pratique religieuse basée sur les pratiques sexuelles, l’échange d’énergie entre l’homme et la femme, tantrisme que les Occidentaux caricaturent par l’appellation de yoga du sexe.

5 Le cas du refuge de félins Inti-wara-yassi en Bolivie, situé en forêt amazonienne et ouvert à tous les

volontaires en est un bon exemple. De nombreux jeunes y découvrent la grande sensibilité des félins dont l’agressivité est toujours déclenchée par le stress, la contrariété ou la peur. En établissant une relation de confiance, les animaux apaisés deviennent d’une compagnie très attachante. Des centaines de volontaires en font l’expérience chaque année, repartant avec des souvenirs inoubliables.

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En psychologie moderne, cette vieille opposition entre instincts primaires et conscience supérieure est passée de mode. Freud, qui a marqué par ses théories une forme d’apothéose du dualisme, ne fait plus école qu’auprès d’un public de plus en plus restreint. Les psychologues se tournent plus volontiers vers des réflexions sur l’équilibre émotionnel, la nécessité d’équilibrer le stress et la détente en prenant en compte les paramètres professionnels, familiaux et sociaux au sens large, mais aussi l’activité physique, l’hygiène de vie et notre façon de concevoir l’existence. Il s’avère que la croyance en la dangerosité des instincts est en soi un facteur anxiogène générant une forte tension, source de violences. Elle constitue un exemple typique de croyance auto-réalisatrice. La personnification du mal conduit souvent les individus à s’accuser voire s’insulter quand en réalité ce sont les paroles ou les idées qu’ils émettent qui nous font réagir. Apprendre à distinguer celui qui s’exprime de ce qu’il exprime est la base de la communication non-violente utilisé aussi bien dans la gestion des problèmes de couple que de relations en entreprises 6. Même si l’on peut effectivement distinguer ce qui procède de l’instinct et de l’intellect, cette opposition, cette dichotomie, est artificielle, conceptuelle. Le fait que notre nature puisse être analysée suivant des principes binaires ne signifie pas que nous soyons faits d’oppositions : Le corps et l’esprit se prolongent l’un l’autre ; nous savons tous que la douleur physique génère certaines idées destructrices et que les douleurs et traumatismes émotionnels provoquent des troubles de santé. Inversement, le sport et la sexualité nous nettoient l’esprit et nous apaisent, tandis que les idées joyeuses nous aident à guérir. Il existe donc des continuums corps-esprit, instinct-intelligence. On aboutit ici à la principale critique des théories freudiennes qui opposent le ça (instinct), le moi (conscience) et le surmoi(morale). Malgré le rejet de ces théories par le milieu scientifique qui n’adhère plus dans son ensemble au modèle freudien, notre culture reste marquée par l’idée d’une dualité instinct-spiritualité, bien-mal. Il est très difficile de s’extraire de ces repères.

F. Le lien entre souffrance et punition ou épreuve

Une autre croyance fondamentale servant de repère à la culture juive est le lien entre ce que nous subissons, ce que nous vivons et des décisions divines. Parfois, on attribue les souffrances à des formes de punitions de péchés et d’autres fois à des épreuves, sans envisager d’autres interprétations.

6 On ne dit pas typiquement à quelqu’un qu’il est violent, mais qu’il a tenu des propos qui nous ont blessés et qui nous déplaisent fortement. Au lieu d’accuser une personne, on établit une distance pour faire prendre conscience de comportements ou de gestes qui génèrent des douleurs, blessures et réactions de défenses.

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La croyance en un lien entre ce qui est vécu et une décision divine est cohérente avec l’idée d’un Dieu unique omnipotent. Elle moralise tout acte et toute décision, nourrissant des sentiments de culpabilité et faisant planer une crainte constante, comme si nous étions en permanence sous surveillance et jugés. Il s’agit d’une croyance oppressante dont les impacts sont importants sur l’équilibre émotionnel.

Ils ne partagent pas cette croyance : Dans d’autres systèmes de pensée, comme dans le bouddhisme par exemple, on considère que ce qui est vécu est la conséquence de nos actions, nos paroles, nos pensées, qu’elles résultent de cette vie-ci ou de vies antérieures (on récolte ce que l’on a semé). Il n’y a pas dans cette approche, de conception de sanction ou récompense à proprement parler, mais plutôt d’un retour : nous recevons ce que nous avons donné, et subissons ce que nous avons fait subir. Cette logique se combine avec une vision circulaire du temps et des cycles de réincarnations qui expliquent pourquoi les individus ne naissent pas égaux et pourquoi certains seraient plus chanceux que d’autres. Les résultats des pensées, paroles et actions sont supposés pouvoir se manifester au cours de la prochaine réincarnation. Dans la culture chinoise, la maladie et les problèmes d’une manière générale sont interprétés comme des déséquilibres énergétiques, qui se soignent donc par une forme de compensation. On cherche à débloquer les énergies ; leur permettre une meilleure circulation en particulier en acupuncture où les aiguilles servent à bloquer ou canaliser des circuits d’énergie. La médecine chinoise est ainsi basée sur les choix alimentaires, des exercices physiques, des massages plutôt que sur l’usage de substances visant à tuer des microbes. Ce souci d’harmonie se retrouve aussi dans la pratique du Feng Shui, recherche d’une disposition harmonieuse de notre environnement (disposition de la lumière, de l’aération, des couleurs, choix des matériaux…). L’idée que le monde obéit à une justice morale est une croyance profonde héritée du judaïsme dont il est extrêmement difficile de se dégager. Nous avons beau savoir que les innocentes antilopes se font dévorer par les lions et observer que les plus heureux ne sont pas les plus moraux, il demeure que nos idées gravitent autour d’un concept de justice, qui si elle n’est pas rendue ici, le sera dans l’au-delà. Cette idée, fruit d’une partition entre ce qui est bien ou mal, est une pure conception intellectuelle dont tout nous démontre qu’elle ne correspond pas à la réalité. Le croyant s’accroche à l’idée de justice comme à un espoir dont il a besoin pour trouver la force de surmonter les défis de son existence. L’idée de la justice, telle que conçue dans le judaïsme, est une simple croyance, et non une réalité. Manifestement, la réussite, la chance, la santé, le bonheur, ne résultent pas

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simplement du respect de règles sommaires ou d’une quelconque forme d’obéissance, ou soumission à un code.

G. L’idéalisation de la pureté

La distinction entre profane et sacré repose sur la notion de pureté. Elle justifie le cloisonnement de la société en diverses couches et l’intermédiation des prêtres entre Yhwh et son peuple. Ce qui est pur ne doit pas en effet être contaminé par ce qui est impur et cette idée explique pourquoi le commun des mortels ne peut s’adresser directement à Dieu. La notion de pureté a été codifiée par les prêtres suivant un certain nombre de critères que l’on retrouve exposés dans la liste des interdits alimentaires du judaïsme. Ce qui est pur se reconnaît par la conformité à des critères idéalisés. Ainsi les ruminants doivent avoir des sabots fourchus, ce qui classe le chameau, le daman, le lièvre parmi les animaux impurs. Le porc a les sabots fourchus, mais ne rumine pas, ce qui le range donc aussi parmi les animaux impurs. Concernant les animaux marins, le critère appliqué est l’existence d’écailles et de nageoires. Parmi les animaux ailés, elles ne doivent pas marcher sur quatre pattes, à l’exception de certaines sauterelles, etc. D’autres critères sont relatifs au sang et notamment la femme, déclarée impure pendant ses règles. Le sperme lui aussi est considéré comme impur et l’homme doit s’en laver. Toute pratique sexuelle non reproductrice est considérée comme impure dans la mesure où elle s’écarte de sa fonction naturelle, ce qui conduit à donc condamner les pratiques d’onanisme, fellation, sodomie, et relations homosexuelles en particulier. Évidemment, toute maladie contagieuse est interprétée comme signe d’impureté, notamment la lèpre. Ce qui relève du mélange a également tendance à être considéré comme impur. Cette règle est illustrée par l’interdiction de cultiver entre les rangs de vigne, de mêler le lin et la laine dans un vêtement, d’associer un âne et un bœuf pour le labour. Enfin et surtout, le mariage entre juif et non juif est reste conditionné à la conversion du conjoint.

Ils ne partagent pas cette croyance : La notion de pureté s’oppose à celle de diversité. Le basculement d’une idéalisation de la pureté à la revalorisation de la diversité est relativement récent en occident, mais s’applique à un nombre considérable de domaines. Sur le plan sociologique, le mot race est aujourd’hui connoté si négativement que son emploi est réglementé en France et son usage peut constituer un délit. Cette évolution est révélatrice d’une volonté de mettre fin à tout

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concept relatif à une idée de pureté ethnique. Le racisme est en effet considéré comme une source de désordre social et de violence. D’une manière générale, les sociétés occidentales condamnent la discrimination non seulement liée à la couleur de peau mais aussi au genre ou à la religion. La société tente de permettre aux hommes et femmes d’accéder aux mêmes droits et d’être traités de la même manière au niveau des salaires par exemple. Des pratiques de quota sont imposées dans les entreprises, qui doivent par exemple employer des handicapés sous peine d’amendes. On retrouve ces méthodes dans les instances de gouvernances pour limiter l’exclusion et des règles de parité s’imposent aussi de plus en plus fréquemment afin de permettre aux femmes d’être équitablement représentées. Sur le plan environnemental, la protection de la biodiversité, la protection des espèces menacées sont également un objectif affiché. Des programmes des Nations Unies se consacrent à la préservation des animaux et des plantes aussi bien pour des raisons morales que de survie de l’humanité. La réduction de la biodiversité des plantes alimentaires cultivées, réduite de 75% depuis les années soixante-dix, préoccupe le monde agricole dont les résultats sont fragilisés et donc menacés par cette perte. La réglementation des produits insecticides et herbicides par exemple, est de plus en plus stricte afin de limiter les impacts sur la faune, les abeilles et les vers de terre notamment. En agriculture, le modèle agroécologique tend ainsi à remplacer le modèle industriel suivant une dynamique appelée « transition agroécologique ». L’agroécologie, rappelons-le, est basée sur l’intégration agriculture-élevage-agroforesterie, la culture de populations hétérogènes de plantes et le mélange sur le même champ de plusieurs types de cultures. Avec ce nouveau modèle, la diversité est mise à l’honneur et se présente d’un intérêt supérieur à celui de la pureté. Après avoir tenté de séparer l’agriculture et l’élevage, après avoir cru qu’il était préférable d’avoir une seule culture par champ, les modèles actuels préconisent l’exact opposé. Dans tous les secteurs d’activité, sociaux, économique et scientifiques, nous assistons donc à une réhabilitation de la diversité.

H. La linéarité du temps

Le judaïsme postule une création du monde et une fin des temps, à l’issue de laquelle les hommes seront jugés. Bien que l’annonce de la fin du monde soit un motif si souvent répété depuis des millénaires que peu d’esprits se laissent intimider par cette menace, nous avons conservé une vision linéaire du temps avec l’idée d’un commencement et d’une fin. L’idée d’un monde en progrès ou en déchéance sont des exemples de croyances autour desquelles nous construisons toute une représentation de la vie, idéalisant le changement ou au contraire le conservatisme. Le concept

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d’évolution des espèces, considérant l’homme comme l’aboutissement d’un processus sur des millions d’années, est aussi basé sur ce repère.

Ils ne partagent pas cette croyance : L’idée d’un jugement final imprègne l’esprit d’une logique linéaire différente de celle des cultures où l’on envisage le monde comme l’éternel recommencement de cycles7, typiquement liés à la succession des saisons comme dans le taoïsme, ou aux mouvements des astres, comme en astrologie. La réincarnation est un modèle répandu dans toute l’Asie où la question de l’origine de notre vie se pose avec autant d’acuité que celle de ce qui lui succède : pour répondre à la question de l’après vie, on s’interroge aussi d’où provient l’esprit qui prend chair dans le nouveau-né. De ce questionnement émerge l’idée d’une migration de l’esprit à travers des formes matérielles successives, la métempsychose. Le bouddhisme tibétain a poussé très loin ce modèle en allant jusqu’à détailler avec précision toutes les étapes séparant la mort de la renaissance, dans le fameux « livre des morts tibétain ». On peut noter par ailleurs l’étonnante convergence entre la description de ces phases avec les témoignages de personnes ayant vécu des expériences de mort imminente, phénomène découvert en occident vers les années 70 (le fameux vertige, la sortie du corps, l’aspiration dans un couloir débouchant sur une lumière vive…). Plusieurs expériences d’hypnose semblent également avoir démontré que certaines personnes seraient capables de se souvenir de faits de leurs vies antérieures8. Plus récemment en occident, depuis la retentissante découverte de la théorie de la relativité par Einstein, nous savons que le temps ne s’écoule pas de manière constante et irréversible partout. Des expériences ont confirmé que le temps s’écoule plus lentement au sommet d’un montagne qu’au niveau de la mer et plus lentement également dans véhicule en déplacement que si l’on est à l’arrêt. Suivant la théorie de la relativité, jamais démentie à ce jour, il serait théoriquement possible de voyager dans le futur en atteignant de très grandes vitesses ou en étant à proximité de champ gravitationnels très forts comme à proximité des trous noirs. Plus déconcertant encore, il serait possible également de voyager dans le passé en passant par ce qui est appelé des

7 Au cours de son évolution le judaïsme ne s’est pas toujours enfermé dans cette logique,

avec certains philosophes tels que Luria et une branche du judaïsme envisageant l’existence de la réincarnation (Gilgul). Ces évolutions sont cependant postérieures au judaïsme des origines auquel nous nous intéressons. 8 Le cas le plus illustre est celui de Bridey Murphy, qui fut suivi des travaux d’Helen Wambach avec des séances d’hypnoses conduites sur des centaines de sujet.

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« trou de verre » par opposition aux trous noirs9. Ces quelques exemples montrent que l’idée d’une flèche du temps allant du passé au futur est loin d’être aussi universelle qu’on a tendance à le croire. De Jules Verne à Borgès, les auteurs de science-fiction, dans le cinéma comme dans la littérature ont exploré, pour notre plus grand plaisir, d’autres rapports au temps. Les récits de machines à remonter le temps et d’univers parallèles ont donné lieu à de nombreuses œuvres dont le merveilleux est peut-être lié au fait qu’ils touchent à des conceptions qui entrent en résonance avec des intuitions profondes. Ils véhiculent des concepts qui sont peut-être plus proches de la réalité que celui d’un temps unique et irréversible. Pour citer un dernier exemple, plus difficile à classer, l’œuvre de la médium Jane Roberts propose une représentation du monde aussi originale qu’intéressante. Elle défend l’idée que nos esprits seraient des émanations d’entités « multidimensionnelles », vivant dans d’autres réalités et se projetant « simultanément » dans divers corps et à diverses époques. Selon cette approche, les expériences d’une vie seraient influencées par celles d’autres existences à la fois passées et futures vécues « simultanément » dans plusieurs réalités « probables ».

I. La précarité de l’existence terrestre

Les croyances que nous venons de citer se rejoignent dans une conception de la vie plutôt déprimante, dans la mesure où l’existence est interprétée comme un temps de mise à l’épreuve dans l’optique d’atteindre une vie éternelle après cette vie. La dévalorisation de la vie terrestre nourrit un ensemble de croyances qui incitent à endurer la souffrance au lieu de chercher à s’en défaire. Plusieurs formes religieuses dérivées du judaïsme ont utilisé ce principe pour obtenir la soumission des masses, en glorifiant la souffrance. Ces idéologies sont le support des propagandes de guerres religieuses en particulier, faisant miroiter la récompense d’un paradis éternel en compensation du renoncement à cette vie. Cette conception s’oppose à une vision de l’existence terrestre appréciée comme

9 Pour compléter cette parenthèse scientifique, signalons aussi que les observations au

niveau de l’infiniment petit (physique quantique) et de l’infiniment grand (expansion de l’univers) ont abouti à des modèles qui supposent aujourd’hui l’existence d’univers parallèles au notre. Par opposition au terme Univers on parle de Multivers. Nous ignorons tout de ces mondes parallèles, mais nous savons qu’ils existent et qu’il existe ainsi probablement d’autres versions de nous-même « quelque part ». Sur le plan philosophique, cela induit que l’Histoire que nous connaissons n’est pas l’unique et que dans d’autres réalités, le monde a pu évoluer différemment. Peut-être existe-t-il même un monde qui nous semblerait parfait suivant nos canons moraux !

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une phase d’expérience, de défi, de jeu ou d’apprentissage qui valorise le présent.

Ils ne partagent pas cette croyance : Tout ce qui peut encourager le peuple à endurer, subir, accepter son sort, se résigner et finalement se soumettre sert l’autorité. Marx employa une formule restée célèbre, assimilant la religion à l’opium du peuple. Nous pourrions filer la métaphore en ajoutant que la dévalorisation de la vie terrestre et la promesse d’un monde meilleur après la mort sont le principe actif de cet opium. A contrario, toute idéologie qui prône l’attention au moment présent, l’écoute de soi et des autres, l’ouverture au monde s’oppose à la dévalorisation de l’existence. Peu de cultures s’opposent en réalité à la dévalorisation de l’existence terrestre, car cette dévalorisation est utile au pouvoir. Le cas de la religion zen fait figure d’exception intéressante, bien qu’elle soit peu influente en dehors du Japon. L’attention et la conscience du présent en sont des éléments fondamentaux. L’effort pour atteindre « l’éveil », ne vise pas à changer notre nature ou devenir meilleur, mais à se libérer d’illusions. Le zen postule que l’emprisonnement de notre esprit dans des concepts intellectuels est en grande partie responsable d’errements et de souffrances. Par l’attention aux autres, à nos gestes, à notre intériorité, l’humain pourrait retrouver l’harmonie et basculer instantanément dans la plénitude. Nous sommes là bien loin des repères occidentaux, où seuls quelques mouvements marginaux, constitués souvent en forme de contestation au pouvoir ont érigé des idéologies basées sur l’idéalisation du présent. Ces philosophies sont très souvent connotées négativement comme rebelles à l’ordre, source de chaos, voire dégénérescentes. On peut ranger dans cette catégorie, certaines approches du mouvement New-Age, qui présentent l’existence comme un temps d’aventure, d’expérience, de découverte. Ces idées ont néanmoins été reprises dans le cadre de travaux sur la psychologie, le développement personnel, puis dans le management, où l’émotion est placée au cœur de l’équilibre des individus et des équipes.

J. Synthèse sur les croyances clés du judaïsme

Nous venons d’inventorier un certain nombre d’idées profondément enracinées dans la culture juive, très complémentaires les unes des autres et qui sertissent l’esprit dans une conception du monde repliée sur elle-même. Ces repères ont conduit à des mécanismes d’interprétation qui donnent l’illusion d’une cohérence absolue. Si un Dieu unique a créé le monde et dispose de tous les pouvoirs, il est logique de croire que tout ce qui nous arrive est décidé par lui. On peut en déduire qu’il suffit de respecter sa volonté et obéir à ses

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commandements pour être récompensé. On peut aussi en déduire que tout acte est bon ou mauvais selon qu’il est conforme à la volonté divine et que ce qui nous oriente vers les mauvais choix est mauvais par sa nature, et en particulier les instincts « égoïstes » et l’attirance des plaisirs. L’idée d’un monde organisé et structuré par Dieu et de l’existence de choses bonnes ou mauvaises débouche naturellement sur la conception de la pureté associée au sacré et de l’impureté associée au profane. Enfin l’idée d’un Dieu qui décide tout et le constat des difficultés de l’existence incitent à espérer que la vie terrestre soit une mise à l’épreuve tandis qu’une après vie paisible sera réservée aux justes. Toutes ces idées se tiennent, se complètent, se renforcent les unes les autres. On utilise parfois le terme de paradigme pour faire référence à ce tout composé d’idées et d’orientations. Nous pourrions prendre l’image d’un moule dans lequel nous développerions notre esprit, un moule dont nous nous penserions affranchis une fois qu’il serait retiré, alors qu’il nous a bel et bien façonnés d’une manière quasi définitive depuis des siècles d’histoire. De manière synthétique, nous pouvons schématiser les croyances piliers du judaïsme comme une conception qui tout en ne reconnaissant l’existence que d’un seul Dieu est éminemment dualiste à partir du moment où tout se définit par rapport sa volonté. À tous les niveaux de la réalité, dans notre psychologie, dans la société et au-delà, on pourrait opposer ce qui est bon ou mauvais, par sa nature. Nous avons représenté la transposition de ce dualisme à différentes échelles sur la figure suivante :

Figure 3. Amalgames entre Bien/Mal, Pur/Impur, Bons/Méchants, Individualisme/Dévouement, Instincts/Morale.

À travers de nombreux exemples, nous avons pu vérifier que chacune des croyances piliers du judaïsme se distingue de celle de nombreuses autres cultures et même, bien souvent, à des principes établis scientifiquement. D’une manière générale, les cultures asiatiques interprètent les problèmes et les souffrances en termes de déséquilibres entre des énergies en mouvement, tandis que le judaïsme et les monothéismes raisonnement en termes d’oppositions et de perturbation d’un ordre statique idéal. Si le fait de comparer les cultures n’était pas si tabou, nous pourrions considérer le modèle de croyance monothéiste comme une simplification ou réduction du

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modèle général dominant en Asie. Paradoxalement, cette perspective ouvre la voie à une possible réconciliation des croyances entre civilisations, dans la mesure où l’une et l’autre ne s’opposent pas, mais se prolongent. L’existence d’un ordre universel leur est commun, ainsi que l’idée qu’il faut être en harmonie vis-à-vis de principes fondamentaux. Là où en Orient, l’approche est inclusive, considérant que la vie est une force universelle pouvant prendre une multitude formes, les monothéismes sont cependant exclusifs, s’attachant aux différences et aux identités. L’orient s’attache aux relations entre notre intériorité et le monde qui nous entoure en privilégiant l’idée d’une projection. Les monothéismes considèrent plutôt que nous sommes le produit de forces extérieures qui nous ont créés et nous mettent à l’épreuve. Dans un système la recherche d’unité tente de s’imposer par la soumission et dans l’autre par le rééquilibrage et l’harmonisation. Ces systèmes de croyances se complètent sur le fond, mais se traduisent par des systèmes de valeurs évidemment très différents. A ce stade, nous pourrions tenter d’entrer dans le détail des valeurs défendues par le judaïsme pour comprendre comment elles prolongent les croyances que nous venons de décrire. Pour reprendre notre image de l’arbre culturel, il serait logique d’observer comment les racines nourrissent l’ensemble de la plante. Pourtant, comme vous le savez, les racines s’enfoncent en même temps que l’arbre croit. Ce qui a en réalité donné naissance aux croyances que nous venons de lister sont essentiellement des réactions politiques qui parsèment l’histoire du judaïsme. L’idée de l’existence d’un Dieu unique ne s’est pas développée par exemple parce que des prophètes ou des philosophes ont pensé qu’il ne devait exister qu’un seul Dieu et en ont convaincu leurs semblables. Ce concept fut imposé par la force à des fins éminemment politiques dans un contexte précis. L’idée de la résurrection des justes à la fin des temps ne fut pas non plus le résultat d’une soudaine illumination, mais s’est affirmé à une période où l’on a eu besoin de cette croyance pour sauver le judaïsme. En réalité, nous verrons que les croyances issues du judaïsme résultent de volontés d’imposer des valeurs, qui furent d’ailleurs souvent liés à l’obéissance et la soumission au pouvoir religieux. Si par la suite, les croyances souches du judaïsme sont devenues le socle de sa culture, elles furent au départ façonnées pour en justifier les valeurs. Voilà pourquoi connaitre l’histoire du judaïsme des origines est un préalable dont nous avons besoin avant d’en commenter les aboutissements.

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La naissance du judaïsme

Chapitre 3 : Une prise de connaissance des faits historiques d’avant la première rédaction de la Bible, telle que la communauté des historiens la considère. Chapitres 4 à 7 : Une présentation de la manière dont on suppose que la religion juive s’est construite. Nous tenterons de répondre à quelques grandes questions ; quand et pourquoi a-t-on voulu imposer l’idée d’un Dieu unique ? Pourquoi Jérusalem est-elle devenue le siège du grand temple ? D’où viennent toutes les règles religieuses si nombreuses dans le judaïsme ? Nous explorerons l’évolution du judaïsme après sa première rédaction, avec un ensemble de transformations apportées en réaction aux civilisations grecques et romaines. Nous verrons ainsi comment s’est imposée l’idée d’une proche fin du monde et la promesse d’une résurrection des justes. Chapitre 8 : Enfin, nous mènerons une réflexion d’ensemble sur la naissance du judaïsme. Nous retracerons les évolutions ayant conduit à l’idée d’un Dieu unique qu’il est interdit de représenter, l’évolution des concepts de justice qui sont passés de logiques tribales à celles d’un certain universalisme, l’évolution du sens de l’existence et du rapport à la mort.