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Les Achats et l'Agilité HA Excellence THE BRIDGE BETWEEN RESEARCH AND FIELD APPLICATION IN PURCHASING DÉCEMBRE 2015 5 Mot de la rédaction P.2 Note aux futurs contributeurs de la revue « Excellence HA » P.3 DOSSIER N°1 P.4 Prospective de la fonction achat dans la société de l’information JÉRÔME BARRAND Le point de vue d’un praticien P.12 TONY BOCOCK DOSSIER N°2 P.17 Augmenter le Total Benefit of Ownership par la compréhension du juste besoin granulaire grâce à un regard systématique et agile : une collaboration entre l’acheteur NTIC et la DSI ? GUILLAUME DERAEDT Le point de vue d’une chercheuse P.23 NATHALIE MERMINOD DOSSIER N°3 P.26 L’Internet Physique: de nouveaux besoins d’agilité pour la fonction achats PIERRE PAUL JOBERT Le point de vue d’un praticien BRUNO CRACCO P.32 PRÉSENTATION DES THÈSES PROFESSIONNELLES P.34 L’achat de solutions: quelle approche ? P.35 SAMIRA TMASSOULI Améliorer la performance et capter l’innovation des fournisseurs par le Management de la Relation Fournisseurs (SRM) : est-ce envisageable au sein d’une ETI ? P.39 AMEL KARIMI De la gestion des achats a la gestion des ressources externes : éléments clés d’une gouvernance P.43 PASCAL KEMPF Rôles et impacts des outils d’E-Purchasing sur le management des relations fournisseurs P.46 PIERRE BEYLARD PRÉSENTATION DES THÈSES ACADÉMIQUES P.48 L’innovation fournisseur vue par les acheteurs (à partir de la thèse d’Amine Rachi - 2013) P.49 Les compétences pour la création de valeur (à partir de la thèse de François Jan- 2014) P.51 THIERRY SAUVAGE, AMINE RACHI ET FRANÇOIS JAN Externalisation partielle des fonctions Achats-Approvisionnement-Logistique : le cas d’ALSTOM P.53 AFLATOUN KAMYABI MASK CRITIQUE CROISÉE D’OUVRAGES P.58 COMITÉ DE RÉDACTION ET COMITÉ SCIENTIFIQUE / EDITORIAL BOARD P.59

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Page 1: excellence HA n°5 BAT

Les Achatset l'Agilité

HAExcellenceTHE BRIDGE BETWEEN RESEARCH AND FIELD APPLICATION IN PURCHASING

DÉCEM

BRE 2

015

5

Mot de la rédaction P.2

Note aux futurs contributeurs de la revue « Excellence HA » P.3

DOSSIER N°1 P.4Prospective de la fonction achatdans la société de l’informationJÉRÔME BARRAND

Le point de vue d’un praticien P.12TONY BOCOCK

DOSSIER N°2 P.17Augmenter le Total Benefit of Ownershippar la compréhension du juste besoingranulaire grâce à un regard systématique et agile : une collaboration entre l’acheteurNTIC et la DSI ?GUILLAUME DERAEDT

Le point de vue d’une chercheuse P.23NATHALIE MERMINOD

DOSSIER N°3 P.26L’Internet Physique: de nouveaux besoins d’agilité pour la fonction achatsPIERRE PAUL JOBERT

Le point de vue d’un praticien BRUNO CRACCO P.32

PRÉSENTATION DES THÈSESPROFESSIONNELLES P.34L’achat de solutions : quelle approche? P.35SAMIRA TMASSOULI

Améliorer la performance et capterl’innovation des fournisseurs par leManagement de la Relation Fournisseurs(SRM) : est-ce envisageable au sein d’une ETI? P.39AMEL KARIMI

De la gestion des achats a la gestion des ressources externes : éléments clés d’une gouvernance P.43PASCAL KEMPF

Rôles et impacts des outils d’E-Purchasing sur le management desrelations fournisseurs P.46PIERRE BEYLARD

PRÉSENTATION DES THÈSES ACADÉMIQUES P.48L’innovation fournisseur vue par les acheteurs (à partir de la thèse d’Amine Rachi - 2013) P.49Les compétences pour la création de valeur (à partir de la thèse de François Jan- 2014) P.51THIERRY SAUVAGE, AMINE RACHI ET FRANÇOIS JAN

Externalisation partielle des fonctions Achats-Approvisionnement-Logistique : le cas d’ALSTOM P.53AFLATOUN KAMYABI MASK

CRITIQUE CROISÉE D’OUVRAGES P.58

COMITÉ DE RÉDACTION ET COMITÉ SCIENTIFIQUE / EDITORIAL BOARD P.59

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NicolasKourim,Rédacteur en chef

HuguesPoissonnier,Président du Comité Scientifique /Editorial Board

Richard Calvi,membre ducomité derédaction

FrançoisGirardmembre ducomité derédaction

MOT DE LA RÉDACTION

Les événements au niveau local autant que global nous démontrent de manière toujours plus éminente que nousvivons une période de changements importants – au regard de nos sociétés, de nos valeurs, et de nos structures etmodèles économiques.

Par rapport à il y a dix ans, la population mondiale est globalement mieux soignée, plus éduquée, et surtout beaucoupplus connectée. Des études récentes en prospective ont permis d’identifier un nombre important de groupes socio-culturels différents, coupant à travers tout critère traditionnel de classification sociétale. Ces groupes partagent desvaleurs très différentes et par conséquent ont des comportements différents de consommateurs dans le sens économique. Le monde est en train de devenir à la fois plus connecté et plus complexe, faisant apparaître une multitude de différences,d’opportunités et de risques dans un contexte qui évolue rapidement.Nos structures et modèles économiques traditionnels sont en perte de vitesse et peinent à s’adapter pour trouver unenouvelle dynamique. Nous sommes à la fin d’un modèle global, basé sur la production et la vente de produits de masse,sur l’application des méthodes d’optimisation industrielle dans tous les domaines de notre vie, et sur la surconsommationde nos ressources pour un objectif à court terme.

C’est pour des raisons multiples que nous nous orienterons à court et moyen terme vers un modèle nouveau, avec entoile de fond un retour à la proximité. Proximité avec le terrain, avec nos clients, avec nos ressources, avec nos collabo-rateurs et partenaires.• La croissance de demain, moteur continu de nos économies à défaut d’avoir trouvé une recette alternative, ne viendra

- pour l’essentiel - plus des simples produits, mais des solutions plus ou moins complexes, donc de l’assemblageintelligent des produits et services pour un besoin identifié à un moment donné.

• Les consommateurs changent leur comportement ; ou bien ils disent non à une consommation traditionnelle enchangeant fréquemment leur attitude face aux différentes offres évolutives, ou bien ils prennent conscience de leurvrai besoin et apprennent à l’exprimer concrètement.

•Des critères nouveaux apparaissent, comme la nécessité de gérer de manière plus durable nos ressources ou encorela volonté de développer une économie solidaire à la portée du plus grand nombre, rajoutant à la complexité desprérequis et la variabilité des facteurs.

L’ensemble de ces changements exerce une pression substantielle sur notre fonctionnement traditionnel et nous amèneà repenser nos modes et structures de travail en profondeur. Cette fois-ci il ne s’agit pas seulement d’opérer un autrechangement, mais d’installer une vraie capacité de changement structurelle et continue pour créer une nouvellecompétence autant qu’une forme d’organisation – l’Agilité.Demain ce seront les Hommes et leurs compétences qui seront au cœur de nos activités. Structurés en équipes ou enécosystèmes ils représenteront - loin devant les machines et les processus - l’élément le plus agile dont nous disposons,et le seul à véritablement pouvoir s’adapter fréquemment et rapidement pour répondre de manière effective aux besoinschangeants.C’est l’acheteur avec son rôle de Gestionnaire des Ressources qui se trouve au cœur de ce changement, ou plutôt de l’or-ganisation de ce changement, et de la capacité de nos organisations de se structurer de manière souple autour descompétences de ces Hommes. L’Agilité sera un des axes majeurs dans l’évolution structurelle de notre modèle, et lefacteur t (temps) viendra au fur et à mesure remplacer le facteur c (coût) dans une notion de création de valeur globale.Comme toujours nous vous proposons d’échanger via notre nouvelle adresse de contact e-mail [email protected] des expériences, des suggestions et des commentaires afin d’enrichir le sujet pour tous. Soyons actifs pour êtreagiles ! n

Nicolas Kourim

Page 3: excellence HA n°5 BAT

3/60Excellence HA n°5

Dans Excellence HA nous appelons de nos vœuxplusieurs types de publications : :

d Dossiers académiques : Des contributions d’acteursacadémiques dont les recherches portent sur lafonction Achats et plus largement les relations clients-fournisseurs. Il peut s’agir de contributions originalesou de la refonte d’articles précédemment publiés dansune revue (avec rappel de cette publication antérieure).

d Dossiers professionnels : Des réflexions et points devue de professionnels de la fonction Achats ou deconsultants en Achats. Excellence HA favorisera descontributions de ce type lorsqu’elles sont ambitieuses,innovantes et argumentées.

d Enrichissements : Pour favoriser le croisement desregards, chaque contribution sera soumise à uncommentaire d’un expert du comité scientifique. Unpraticien pour la contribution d’un académique, etinversement pour la contribution d’un praticien.L’objectif sera d’enrichir chaque contribution par unregard croisé d’un membre de l’autre communauté.

d Thèses/Mémoires : Des fiches synopsis des meilleursmémoires réalisés dans le cadre des formations Achats(Master, MBA,..). Nous proposons aux responsables deces nombreuses formations de se servir de cettetribune pour faire connaître les meilleurs travaux deleurs étudiants.

d Critiques d’ouvrage : Un commentaire sur un ouplusieurs ouvrages innovant orientés Achats ouconsidérés par le comité de rédaction comme utile àl’exercice de la fonction.

d Espace d’événement : Un court résumé desévénements en relation directe avec l’objet de la revue(Conférences, activité des Think tanks…).

Toutes ces contributions doivent transiter par le comitéde rédaction ([email protected]). Ce dernier,après une première expertise, leur attribuera deuxrelecteurs du comité éditorial pour avis et conseils.Lorsqu’un article est définitivement accepté, l’auteurfournit à la revue Excellence HA une version électron-ique au format Word. Les articles acceptés pourpublication en fonction des thématiques annoncées dansnotre politique éditoriale ou dans ordre des dates d’ac-ceptation. L’auteur s’engage à ne pas publier son articledans un autre support sans autorisation de la rédactiond’Excellence HA.

Format des articles :

1.Les articles sont, sauf exception à justifier, d’une longueur maximumde 16 pages de 2 800 caractères chacune, en tenant compte de l’espace

pour les informations additionnelles (voir paragraphe suivant).Ils comprennent une photo de haute résolution de l’auteur, une bibliogra-phie d’une longueur maximum d’un tiers de page, ou 1000, et sont précédésd’un bref résumé de 1000 caractères maximum (en français et en anglais)mettant en évidence l’importance ou l’originalité de la contribution.S’adressant principalement à un lectorat de praticiens, les textes proposésne comportent que les développements théoriques et méthodologiquesnécessaires à la compréhension du propos. Enfin ces articles doiventpouvoir être utiles à la communauté Achats.

Les notes sont placées en bas de page et numérotées dans l’ordred’insertion. Leur nombre ne doit pas excéder une note par page. Lesréférences bibliographiques sont rédigées selon les modèles suivants :d Ouvrage : Nom de l’auteur et initiale du prénom, Titre de l’ouvrage,

Editeur, Lieu d’édition, date de publication (exemple : Poissonnier H.,Philippart M., Kourim N., 2012, Les achats collaboratifs : Pourquoi etcomment collaborer avec vos fournisseurs, Edition De Boeck)

d Article : nom de l’auteur et initiale du prénom, « Titre de l’article », Titrede la revue, vol. x, n° x, date de publication, p. x-y, (exemple : Calvi R.,Paché G., Jarniat P. 2010, Lorsque la fonction achats devient stratégique :de l’éclairage théorique à la mise en pratique, Revue Française deGestion, vol 36, n° 205 juin-juillet, p 119-138.

Les références doivent être citées ainsi dans le corps du texte : Philippart etal. (2012) ; Calvi et al. (2010)…

2.Les Enrichissements de dossiers comportent un maximum de deuxpages à 2 800 caractères chacune, espaces compris.

3.Les Thèses professionnelles sont présentées sous forme d’un brefrésumé de 2 à 3 pages de 2 800 caractères maximum par page (en

français et en anglais), espaces compris, mettant en évidence l’importanceou l’originalité de la thèse. Elles comprennent une photo de hauterésolution de l’auteur, une bibliographie d’une longueur maximum d’unhuitième de page, ou 500 caractères – ces derniers éléments devant êtreinclus dans le nombre total de caractères autorisé. Ces dernières sont aussichoisies selon leur lien avec le thème du dossier

4.Les Thèses académiques récemment soutenues reprennent le formatdes thèses professionnelles avec des limites x 2 sur toutes les

dimensions. Il n’y a pas la contrainte du lien avec le thème du dossier.

5.La critique d’ouvrage est écrite sur un maximum de deux pages à 2800 caractères chacune, espaces compris.

6.Les résumés d’évènements et de travaux des Think Tanks se font surun maximum de deux pages à 2 800 caractères chacune, espacescompris n

Hugues Poissonnier et Richard Calvi

NOTE AUX FUTURS CONTRIBUTEURS DE LA REVUE « EXCELLENCE HA »Comme dans les numéros précédents voici un court rappel des consignes sur la forme et la quantité des

contributions avec lesquelles nous souhaitons régulièrement alimenter les différentes rubriques de la revue.

Nous comptons sur votre participation active que vous soyez académique ou praticien.

Aucune contribution ne doit comporter des notions de publicité, directe ou indirecte, pouvant être interprétées comme ayant une vocation commerciale.

Pour toute question ou proposition : [email protected]

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4/60 Excellence HA n°5

Introduction

L’histoire récente de l’entreprise montre le lien évident quiexiste entre le contexte socio-économique et le mode de fonc-tionnement stratégique, organisationnel et managérial desentreprises. D’ailleurs, Cohen et March ont bien dit : «  uneorganisation est un agrégat de choix à la recherche deproblèmes, de solutions espérant la reconnaissance dequestions, de décisions cherchant comment et de quoi être laréponse, d’objectifs à la recherche de situations auxquellescorrespondre » [1]. Dans un premier temps, nous analyseronsl’intense changement entre le management dans la sociétéindustrielle et le management dans la société mondialisée del’information. En particulier, le passage de l’une à l’autre

oblige à revisiter les métiers, dont celui des achats.

Dans un second temps, nous insisterons sur les phénomènesclés qui nous semblent caractériser la société qui se fait jourpar le développement des Technologies de l’Information etde la Communication. Ces phénomènes sont si tranchés parrapport à la société industrielle dans laquelle nous avons étééduqués, que nous devons en tirer les enseignements entermes de management de nos organisations humaines, enparticulier les entreprises.

Aussi, conclurons-nous par une description rapide de trans-formation des offres des entreprises qui impactent nosmétiers, en particulier les métiers d’interface comme les

commerciaux et les acheteurs.

PROSPECTIVE DE LA FONCTION ACHATdans la société de l’information

Résumé:�L’objectif de cet article est de montrer le changement entre le management des achats dans

la société industrielle et le management des achats dans la société mondialisée de l’information. Nous

démontrons ainsi que le passage de l’une à l’autre oblige à revisiter les stratégies, les organisations, les

styles de management, et, finalement, les Hommes, vers une mode de fonctionnement dit « agile ».

Abstract :�The�purpose�of�this�article�is�to�show�the�change�between�the�purchase�management�in�the

industrial�society�and�the�purchase�management�in�the�globalise�information�society.�So�we

demonstrate�that�the�transition�from�one�to�another�requires�to�revisit�the�strategies,�the�organizations,

the�kind�of�management,�and�finally,�the�People,�towards�a�new�way�so�called�“agile”�functioning.

JÉRÔME BARRAND

Jérôme Barrand est Docteur en Génie Industriel. Il a mené une triple carrière d’enseignant, de consultant et dechercheur en prospective et stratégie. Créateur et responsable de l’institut d’Agilité des Organisations au sein deGrenoble Ecole de Management, il est l’auteur de « Le manager agile », Dunod 2006, qui a reçu le prix Mutations etTravail en 2007, réédité en 2012, de « L’entreprise agile », collectif, Dunod, 2012, et de « Développer l’agilité dans sonentreprise, avec Jocelyne Deglaine, Editions ESF, 2013, réédité en 2015. Il est également le co-fondateur et présidentd’Agil’OA, société qui développe et vend des outils de mesure de l’agilité des Hommes et des Organisations.Email : [email protected]

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D O S S I E R N ° 1

Achat et entreprise dans la société

industrielle

La « martingale » productiviste des TrenteGlorieuses (1945-75)

Durant cette période d’après guerre, la croissance étaitencore très soutenue et trois phénomènes externes sont

venus renforcer la donne :- Premièrement, le monde ne se réduisait plus au pays. Au

contraire, la mondialisation était en marche (le cycle de viedu produit, défini par Vernon [2], suggérait d’ailleurs deconquérir d’abord son marché local avant de s’attaquer au

marché régional, national puis international) ;- Deuxièmement, la guerre avait frustré les gens pendant 5

ans et l’appétit de chacun était démultiplié, suscitant lebesoin d’une part et stimulant l’esprit entrepreneurial

d’autre part ;- Troisièmement, la guerre avait fait faire de nombreux

progrès technologiques en peu de temps, ce qui allait

permettre la démultiplication de l’offre et de la concurrence.

Ainsi, dans un contexte économique de reconstruction et decroissance, dans lequel la fin des restrictions suscite un fortbesoin de consommation, la demande s’est durablementinstallée comme très supérieure à l’offre. L’entreprise s’inscritdans une logique de consommation de masse (c’est l’ère du«  techno-push  ») et applique des logiques de volumedevenues opérables grâce à la rationalisation et l’automati-sation du travail. La conception des produits est basée surune définition technique et leurs prix établis par la sommedes coûts de fabrication et de la marge et par la loi du marché(offre-demande). Pour maximiser la performance, il suffit

alors de réduire les coûts.

Cette réduction des coûts se fait grâce à 2 leviers principaux :- par l’accroissement des volumes, en particulier via l’au-

tomatisation. C’est la règle des économies d’échelle ou dela courbe dite d’expérience qui domine. En moyenne, toussecteurs confondus, à chaque fois qu’on double les volumes,on baisse le coût unitaire de fabrication de 25 %. Danscertains cas cela signifie qu’à chaque doublement desvolumes cumulés, on peut aller jusqu’à tripler la

rentabilité !- par la maîtrise des coûts des matières premières et, plus

généralement, par la performance de la fonction « achats ».

Les achats sont donc un mal nécessaire. Il existe alors deuxmanières de maximiser la performance de cette fonction :soit on intègre verticalement pour n’avoir que des coûts decession interne, mais dans ce cas on risque d’augmenter lesbatailles intestines déjà importantes dans une organisationcloisonnée, soit on entre dans des négociations sévères, detype gagnant-perdant, avec ses fournisseurs. Dans cedernier cas, les acteurs les plus importants gagnent faceaux fournisseurs plus petits. De même, les acteurs ayant lameilleure planification ont un pouvoir non négligeable carla remise en cause des prévisions peut s’avérer trèscoûteuse. Lors de la renégociation de volumes supplémen-taires, par exemple, le fournisseur ayant subi une fortepression peut avoir tendance à se « venger » car tout d’uncoup le rapport de force s’inverse, le client ayant un besoin

urgent de corriger son erreur d’anticipation.

Une culture de la procédure se met en place, qui sous-tend unmodèle managérial basé sur l’obéissance dans l’exécution detâches. Dans un tel contexte, il n’est pas demandé à l’acheteurd’avoir une valeur ajoutée mais seulement d’être un« prédateur »  : l’acheteur se doit de tirer les coûts vers le baslors de négociations très dures s’appuyant sur des argumentstrès matérialistes du type « quantité » ou « prix », sans tenircompte ni des externalités (positives ou négatives) ni desrelations. Cette place, ne nécessitant pas de compétencesautres que le culot et un certain manque d’état d’âme, n’est pasconsidérée avec noblesse. On y trouve donc souvent desacteurs rationnels et froids ou des personnes dont on ne saitplus quoi faire et qui ne sont pas forcément très diplômés. Ceplacard va permettre en effet à certains de montrer ce dont ilssont capables. Ils vivent ce poste à la fois comme unedégradation et comme une seconde chance. Mais pour cela ilsvont devoir aller très loin dans la logique dominant-dominé,

ce qui va durablement influencer l’image de ce métier.

Les « Vingt Périlleuses » et l’inversion desrapports de force entre clients et fournisseurs(1975-95)

Dès le début de cette période, qui débute en Franceseulement cinq ans après mai 68, une crise forte est apparue :c’est la crise du pétrole de 1973. Cette crise est à la fois une crise de régulation économique et une crise d’amplifica-tion des phénomènes internationaux, tant politiques

qu’économiques.

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Les secousses de cette crise économique marquent la fin desannées 70 et 80, par l’effet persistant et conjoint des chocspétroliers et de l’inflation [3]. C’est la crise du mode d’accu-mulation basée sur les gains de productivité des industriesmécaniques, conséquence de l’incapacité des industries àcompenser les coûts du travail et de la concentration indus-trielle par les gains de productivité. Le changement demodèle économique dans les pays occidentaux, en partie misen œuvre par la dérégulation, renforce la concurrence etdonc la nécessaire compétitivité des entreprises. L’inversionde rapport entre l’offre et la demande exige une nouvellelogique de production. La technologie permet d’introduire dela flexibilité et de la souplesse dans la production (enparticulier grâce aux machines à commande numérique ouaux principes de la différenciation retardée)1, vecteursprincipaux de la diversité demandée. Artificiellement, pourcompenser la saturation apparente des marchés domestiqueset pour prétendre à la création de valeur par le développe-ment de nouvelles technologies, le cycle de vie des produitsest raccourci sans cesse et le client poussé à demander des

produits toujours plus sophistiqués.Au levier des volumes vient s’ajouter le levier de la différen-ciation (4). Le facteur clé de succès ne repose donc plusseulement sur le prix mais aussi sur l’innovation, la vitessed’adaptation, la souplesse dans la production… L’entreprisene peut plus se permettre de tout faire et elle utilise de plusen plus le levier du faire faire assorti d’analyses de risques,

ce qui pousse à un choix plus intelligent de fournisseurs.Un bon fournisseur n’est donc plus seulement un acteur quibaisse les prix et se soumet à la loi du client, c’est aussi unacteur adaptable, raisonnant à court terme ; c’est même deplus en plus un complice, un partenaire. Les achats vontprogressivement représenter plus de 50 % du chiffred’affaires, et l’acheteur, par conséquent, va prendre qualita-tivement de l’importance. C’est le début de la reconnaissancevéritable de ce métier, qui va du coup recruter des personnes

de plus haut niveau et de véritables spécialistes.En effet, la fonction achat est de plus en plus reconnuecomme étant stratégique, car non seulement elle continue àpermettre la maîtrise des coûts mais, en plus, elle contribuelargement au maintien de la marge. L’acheteur est toujours

un « cost killer », mais il devient également un sécurisateurdes approvisionnements et un contributeur à la qualité, voiredes innovations. En effet, sa relation privilégiée avec les four-nisseurs peut permettre un approfondissement technique etune créativité organisationnelle qui va placer la fonctionachat parmi les contributeurs à l’innovation dans l’entreprise.Les achats vont même devenir, durant cette période, lepremier contributeur à l’innovation dans l’entreprise. Lemarketing achat va apparaître, autant dans le but de repérer,sélectionner et faire vivre un portefeuille de fournisseursfidèles que dans celui de se faire remarquer par les meilleurs

fournisseurs.Pour autant, la logique de maîtrise des coûts demeure. Cecumul de logiques (volume, valeur) va contribuer à révolu-tionner ce métier, à le rajeunir (dans ces approches et dans

son recrutement) et à améliorer son image.

Les achats dans la société informationnelle oudigitale :

François Caron, historien de l’économie, dans une interviewpour le Nouvel Economiste2, dit : «  ce qu’on appelle larévolution industrielle, ce n’est pas simplement le développe-ment d’une technologie de plus, c’est un bouleversementfondamental dans notre manière de produire et deconsommer  ». La révolution industrielle est donc un de cesmoments où l’Homme est capable, dans un délai assez bref,de transformer radicalement la société à partir d’unetechnologie qui permettait à la fois une démultiplication devolume de production et un accroissement de la communi-cation par le raccourcissement des distances. Les technolo-gies de l’information et de la communication (TIC)s’inscrivent définitivement dans ce schéma, tout comme lamachine à vapeur ou l’électricité avant elle. François Caronexplique clairement que les caractéristiques de ces

révolutions sont toujours les mêmes :- Émergence lente et progressive d’une technologie ;- Explosion de starts up ;- Créativité et innovations financières pour soutenir cette

nouvelle technologie ;- Sentiment de vivre une révolution radicale lorsque tout

d’un coup la demande s’accélère de façon vertigineuse ;

1 Principe notamment utilisé par Swatch qui permet de travailler en grande série sur des composants communs entre toutes les montresproduites jusqu’à ce que les lignes de production se séparent pour permettre la production des composants spécifiques, les derniers à êtremontés (cadrans, aiguilles, bracelets)

2 Entretien mené par Sandrine Delanglade en avril 2001 dans un numéro spécial du Nouvel Economiste.

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D O S S I E R N ° 1

- Impression que la technologie va apporter confort,ouverture et finalement prospérité, en particulier enrépondant à de nouveaux besoins sociaux, ceux-ci venantrépondre à la fin des besoins sociaux précédents (quandl’Homme est satisfait et repus, il est immédiatement en

quête d’autre chose !)  ;-…

Ces différentes caractéristiques affectent notre sociétédepuis une quinzaine d’années, au point que certainsl’appellent «  la société de la connaissance à l’ère de la vie

numérique » [5].Dans nos entreprises, on a ainsi vu l’émergence de nouveauxmodèles managériaux, notamment du fait de l’apparition destechnologies de l’information qui impactent nos modes decommunication, nos modes de travail et nos modes demémorisation ou de partage. De nouvelles opportunitésapparaissent. La suppression d’étapes de travail désormaiseffectuées informatiquement raccourcit les processus etaugmente la flexibilité grâce à la réduction induite desdélais. La disponibilité de l’information permet une meilleuremaîtrise de l’environnement et favorise ainsi la réactivité. Lalogique de vente de simples «  produits physiques  » setransforme en vente d’un composé «  produit physique+ services + formation + information + image + relation  »dont le principal vecteur de production est le système d’in-formation. Rapidement, la création de valeur par lessystèmes d’information et les télécommunications devientréelle. Si l’offre des entreprises est profondément modifiée,le métier des achats est, quant à lui, totalement transformé.Non seulement ils restent maîtres des coûts et créateurs devaleur, mais, en plus, ils deviennent intrapreneurs, prospec-tivistes, créatifs, performants en géopolitique ou intelligenceéconomique… L’acheteur n’est plus un simple acheteur maisil devient justement un manager des ressources externes. Iltisse un réseau de partenaires avec qui il entretient unerelation de qualité et, du fait des TIOC, dans une vitesse detransaction jamais atteinte jusque-là. Les critères deperformance le concernant ne sont plus du tout les mêmes.Les femmes et les hommes qui occupent cette fonction nepeuvent non plus être les mêmes. Ils sont ouverts, stratèges,douées de qualités relationnelles exceptionnelles et, surtout,ils comprennent que l’entreprise d’aujourd’hui n’est plus lamême que celle d’hier car des phénomènes très forts

impactent notre société et les organisations qui y vivent.

Prospective de la fonction

dans la société industrielle

Les 5 phénomènes caractérisant la société del’information

Finalement, il nous faut admettre la véritable nature duchangement sociétal que nous vivons : c’est une révolution !Pire, ou mieux encore, c’est une révolution comme l’humanitén’en a encore jamais vécu. Cette révolution s’exprime parl’adoption d’un nouveau modèle économique s’appuyant surde nouveaux rapports à l’espace, au temps et à l’autre ; leconcept de développement durable tend d’ailleurs à rendrecompte de ces nouveaux rapports, même si cela reste encore

laborieux.

Nous disposons aujourd’hui d’une capacité unique à nousdéplacer ou à déplacer les biens économiques. Il y a unsiècle, un pays était un village distant de quelques kilomètresd’un autre village. Il y a 30 ans, avant la construction degrands blocs économiques comme la CommunautéEuropéenne, un pays était une nation partageant langue etculture. Demain la notion même de pays aura-t-elle encoreun sens ? On parle en effet de mondialisation, dans uneacception purement économique, oubliant qu’elle est plutôtle reflet d’une situation révolutionnaire : nous sommes tousamenés, d’abord et avant tout, à devenir des citoyens du

monde !

Notre approche du temps a été également radicalementtransformée durant cette même période. Il y a encore unsiècle, le temps de vie était presque exclusivement un tempsde travail. Il est aujourd’hui majoritairement un temps deloisir. Il faut donc admettre que la valeur structurante de lasociété est passée du travail à autre chose, le bien être parexemple. Le temps est donc plus rapide, grâce aux technolo-gies de l’information, qui permettent de communiquer dansl’instant avec chacun à l’autre bout du monde, ou d’accéderen une seconde à n’importe quelle information. Cela limited’ailleurs les possibilités de manipulation de cette dernière.Mais le temps est également plus lent, au sens où chacunsouhaite de plus en plus prendre le temps : le temps de voirgrandir ses enfants, le temps d’apprendre le monde (letemps culturel), le temps de prendre du temps c’est-à-direle temps des loisirs,… Bref, il n’existe plus un temps mais

des temps3 !

3 Les villes se dotent aujourd’hui de « bureaux du temps » pour gérer la multiplicité des « temps sociaux » !

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Enfin, les rapports humains ne peuvent plus être les mêmes.Chacun exprime de nouvelles exigences. Ces changementsde rapport à l’espace et au temps ont en effet permis ladémultiplication des perceptions, donc la démultiplication

des modes de fonctionnement individuels.La société, comme l’entreprise qui en est son exact reflet, doitpermettre à chacun de s’épanouir dans ce nouveau contexte.Pour ce faire, elle doit laisser libre cours aux initiatives et

soutenir cette transformation qui l’influencera fatalement.

Dans cette transformation radicale, nous retenons 5phénomènes qui vont façonner, selon nous, la vie desentreprises dans le futur : le contexte de finitude, la montéede la complexité, la montée de l’interdépendance, la montée

de l’incertitude et la montée de l’individualité :- le contexte de finitude, qui est le constat que les marchés

ne peuvent plus croître et que les ressources ne sont pasinfinies. C’est aussi le constat que la richesse maximumn’est plus le sens de notre société et que des valeurs plusqualitatives s’imposent. Ainsi sommes-nous poussés versdes logiques d’optimum et de partage plutôt que vers des

logiques matérialistes de maximum et de possession ;- la montée de la complexité, qui pousse les Hommes à

s’organiser à l’intérieur d’entités à échelle humaine pourréduire cette complexité et à coopérer davantage entre ces

petites unités opérationnelles ;- la montée de l’individualité, qui plaide pour une reconnais-

sance de la capacité de l’individu à penser et à agir, donc àavoir son libre arbitre et ses exigences, qu’il soit placé dansune posture de consommateur sur un marché ou deproducteur dans une organisation ; la montée de l’incerti-tude, qui impose naturellement la nécessité d’anticiper pouraméliorer encore nos capacités de réaction. En effet, nouspostulons qu’anticiper les scénarios du futur permet de s’ypréparer et de réagir plus vite le moment venu ; la montéede l’interdépendance, qui sous-tend le principe de partagedu pouvoir tant à l’intérieur d’une organisation qu’entre lesacteurs de l’économie d’un secteur par exemple.

De fait, nos économies s’épuisent et le modèle industriel basésur la croissance du volume de biens matériels atteint seslimites malgré toutes les recettes palliatives que nous avonsmises en place : emplois aidés, délocalisations, secteurs

subventionnés, innovations inutiles…

De plus, la croissance du secteur dit immatériel ne tient pastoutes ses promesses tout simplement parce que, par essencemême, la dématérialisation et la puissance informatiquepermettent de traiter d’énormes volumes de transaction sanscréer autant d’emplois que dans le domaine du tangible. Ona beau soutenir l’entrepreneuriat de l’immatériel, il ne peut

pourvoir des emplois en proportion des efforts consentis.À cela s’ajoutent des contraintes écologiques fortes :épuisement des ressources et donc augmentation du prix desmatières premières, pollution lors des transports des

produits à travers le monde, gestion des déchets…Bref, nous dépensons toujours plus et pourtant la croissanceet l’emploi ne sont pas au rendez-vous. Soit on attend uneembellie et on adopte une posture de fatalisme, soit on essaiede mettre en place une politique industrielle volontariste,qui peut placer la France, comme elle l’a longtemps été, enposition d’innovateur au service d’une économie performante

et écologique. Tel est notre pari ci-dessous.

La théorie de l’iceberg pour comprendre lesachats d’aujourd’hui et de demain

Force donc est de constater l’amorce d’un phénomène quinous paraît inéluctable, et qui, si on n’y prend pas garde, serala source des échecs ou des succès de demain. Cephénomène, nous le représentons avec ce que nous appelons

la théorie de l’iceberg.Dans un iceberg, 10 % de la glace émergent tandis que 90 %restent immergés sous l’eau. Symboliquement, nousconsidérons la partie émergée comme représentant lasociété matérialiste de consommation et d’accumulation de

biens tangibles.A contrario, la partie immergée représente la sociétéhumaniste et une consommation de biens intangibles. Nousvivons, avec l’émergence de la société de l’information et laprise de conscience de la finitude, une époque très partic-ulière où les consommateurs ne veulent plus seulementposséder un maximum de biens tangibles, mais plutôtconsommer des usages tout en respectant des valeurs fortes,dont la principale est le respect du système dans lequel ilsvivent. D’une société à dominante bleue de fabrication baséesur un modèle économique de volume, nous sommes en trainde basculer dans une société à dominante rouge de partaged’émotions. C’est pourquoi on parle de plus en plus d’expéri-

ence client plutôt que de produit.

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Aussi pensons-nous que notre économie bascule vers uneproduction de produits de bonne qualité à longue durée devie plutôt que de s’arc-bouter sur le principe de l’obsoles-cence programmée. Cela signifie investir dans la conceptionet le design. Cette production de qualité serait ensuiterelocalisée en France. Elle générerait des prix un peu plusélevés, mais qui seraient compensés par une augmentationdes volumes en augmentant la part de marché desproducteurs français. On diminuerait également les coûts detransport et on réduirait l’empreinte écologique nationale.Cette logique de longue durée de vie générerait surtout del’emploi local, donc une redynamisation de tout le cycleéconomique (emploi s consommation s rentrées fiscales…). En effet, en cas de panne, on ne jetterait plus le produit, onle ferait réparer par un artisan ou en employé de SAV local.En cas de lassitude, on ne jetterait toujours pas le produit caril serait réparable (par le fournisseur ou par nous-mêmes),redesignable (changer la couleur par exemple) et upgradable(intégrer des technologies nouvelles) ou recyclable etrevendable. Toutes ces prestations seraient traitées par desemplois locaux, minimisant le chômage, diminuant lespollutions, bref améliorant l’économie et l’écologie. Les

systèmes d’information faciliteront la gestion de ce modèleindustriel et la révolution de l’imprimante 3D contribuera

également largement à cette transformation.Mais il faudra aussi changer les modèles de business desentreprises et imaginer de louer plutôt que de vendre nosproduits. Le consommateur devra lui aussi muter endéveloppant sa conscience écologique et sa logique depropriété vers une logique d’usage. Le gouvernementcontribuera en déplaçant les aides et incitations vers lesentreprises entrant dans ce nouveau modèle en espérant unimpact sur l’emploi et la croissance bien supérieur. En toutcas aura-t-on essayé quelque chose de nouveau qui ira enfindans le sens du progrès et non dans celui de la conservationd’un système qui ne marche plus et n’est pas prêt de

fonctionner à nouveau.

L’entreprise qui porte cette offre se doit d’être plus adaptableet plus flexible, et d’évoluer beaucoup plus vite qu’hier. Si l’en-treprise des années 60 peut être considérée comme un blocunique, hiérarchique et centralisé, l’entreprise d’aujourd’huiressemblerait plutôt à un ensemble de petites unitésappartenant ou non juridiquement à la même société :

10 % émergé = tangible

Société matérialisteRationalité / Méthode

90 % immergé = intangible

Société humanisteEmotion / Spontanéité

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ces différentes unités partagent des choses, des valeurs, desprocessus, ce qui permet à chacune d’évoluer dans la mêmedirection. Elles sont très interconnectées entre elles etcommuniquent très rapidement. Cela signifie que si l’unecapte un changement de l’environnement, le signal estdirectement renvoyé aux autres unités. Toutes peuventchanger de direction de manière quasi instantanée. L’entre-prise dispose pour se faire des outils informatiques, pour lagestion interne et pour les relations avec les clients et lesautres acteurs de l’environnement. Cela permet essentielle-ment la rapidité d’action, qui constitue l’enjeu d’aujourd’hui :cette entreprise est dite « agile ». Elle propose une solutionglobale, au prix d’une offre standard mais avec un hautniveau de différenciation, incluant service et information.Pour réussir ce pari, elle ne peut plus répondre seule.L’équipe qui va répondre est une équipe mixte, pluri-fonc-tionnelle, interne et externe à l’entreprise. L’entreprise peutainsi répondre à la demande non seulement en coopérantavec des experts ou des sous-traitants mais également avecun concurrent ou avec un fournisseur. L’alliance se fera ausein d’une équipe projet ou d’une entreprise commune etsera régie par une convention modifiable dès qu’un acteur

de l’alliance en ressentira le besoin.

L’entreprise agile est donc constituée d’unités à taillehumaine dotées d’une culture d’agilité et orientées vers une

finalité commune claire :- l’entreprise mondiale doit donc se décomposer en unités

opérationnelles très proches du client, reconfigurables enpermanence et donc dotées de processus d’adaptationorganisationnelle très rapides (métaphore du banc depoissons). Ces unités opérationnelles sont des capteurssensibles de l’environnement et sont capables dechangements organisationnels rapides grâce aux structuresde back-office en soutien. Celles-ci les libèrent desproblèmes financiers, ont des systèmes informatiques trèsperformants, apportent des ressources, et réalisent unaccompagnement psychologique, juridique ou encoreconceptuel. Elles mettent à leur disposition des systèmesde partage, de capitalisation de l’information et de décen-

tralisation de la prise de décision ;- la PME-PMI, quant à elle, adopte les mêmes principes de

reconfigurabilité organisationnelle. Elle colle au client,développe son écoute de l’environnement et noue un grand

nombre d’accords (convention) avec un grand nombred’acteurs autour d’elle pour l’aider à répondre aux menacesqui l’entourent et pour co-développer sans cesse de

nouvelles solutions.

La fonction achat dans cette nouvelle sociétéNous avons vu que notre société vit des changementsstructurels forts et ne peut continuer à fonctionner sur lesseuls principes établis depuis la 1ère révolution industrielleet portés depuis par ce qu’on appelle couramment le

taylorisme.La performance immédiate quantitative plie devant laperformance pérenne qualitative et quantitative. Leslogiques de maximum (de taille, de CA, de rentabilité) nepeuvent que progressivement disparaître au profit delogiques d’optimum (multi critères et multi acteurs). La quêtede la richesse et du pouvoir laisse la place à une quête desatisfaction et de sens. L’individualisme cède face à lamontée de l’altruisme. Plus que la technologie, l’Hommedevient la vraie source de création de valeur dans notresociété devenue relationnelle. Telles sont les tendances quivont permettre la pérennité des organisations face à laturbulence. Telles sont les bases fondatrices d’un

management agile.L’agilité est ainsi une perpétuelle recherche d’équilibre entreune dimension active (faire et prouver que l’on sait faire),une dimension réactive (être opportuniste face auxchangements observés pour fidéliser) et une dimensionproactive (création de valeur). Il faut savoir reconnaître dansl’instant chaque situation et adopter spontanément le bonfonctionnement. L’agilité ne saurait donc être un état stableet définitif, mais une propension, une aptitude, un cadregénéral à maintenir et alimenter constamment. L’agilité est

donc un modèle stratégique et comportemental.Toutes les fonctions sont ainsi impactées, en particulier lesfonctions d’interface comme la fonction commerciale et lafonction achat, qui, nous semble-t-il, sont les fonctions clésde demain. En effet, dans cette nouvelle société, pluspersonne ne pouvant assumer toutes les facettes de cetteoffre globale agile ni ne pouvant contrôler tous les liensentre les acteurs du système, les fonctions d’interfacedeviennent clé. Ainsi, par exemple, les achats sont àl’interface entre les fonctions internes de R&D et productionet l’ensemble des acteurs amont avec qui l’entreprise est

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obligée de travailler dorénavant. Certains vont même jusqu’àdire que le métier d’interface est un seul et même métier etque la vitesse d’exécution vers laquelle nous allons contraintles entreprises à regrouper le métier des achats et de lavente.

L’acheteur cumule désormais les objectifs de réduction decoût, d’augmentation de valeur, d’innovation et de qualitérelationnelle tout en tenant compte des mutations sociétales.Il se doit de connecter le client final avec le fournisseur leplus amont tout en fédérant tous les acteurs intermédiaires.Il est le garant du sens et du partage entre tous et, grâce àcela, de la vitesse d’exécution de l’entreprise. Il stimule latransformation de l’entreprise et mobilise autour de projets

de développement. Doué de compétences techniques, il metégalement en œuvre des compétences comportementalesd’exception et fonctionne avec une pleine consciencesystémique. Mutant, complet et intelligent (au sensétymologique c’est-à-dire capable de faire des liens de toutesnatures), il devient un personnage clé, agile, dans l’entre-

prise.

Mais ne nous leurrons pas : si l’acheteur est en pleine trans-formation, l’entreprise aussi. Cette mutation ne se feramalheureusement ni très vite ni sans une prise de consciencegénéralisée et donc une mutation de toutes les fonctions del’entreprise, car un acteur seul ne peut changer tout le

système.

Conclusion

L’histoire de l’entreprise n’est pas une simple succession de modèlesqui s’ignorent. De même que la société se façonne à coups d’évolutionset de révolutions sans pour autant faire disparaître les acquis du passé,les entreprises se construisent par couches successives. L’agilité nevient donc pas en substitution aux modèles préexistants : elle ne reniepas l’efficacité de la logique d’expérience (économies d’échelle) nonplus que les modèles managériaux qui permettent la flexibilité ouencore les principes qui portent l’innovation. Elle s’impose dès lors,non pas comme un nouveau modèle entrepreneurial, mais plutôtcomme un ensemble de principes basiques de comportements quipermettront de réconcilier ces modèles entre eux alors qu’on les atoujours décrits comme antinomiques. Ces comportements sont faitsd’anticipation, de coopération et d’innovation. L’acheteur est unpersonnage clé de cette transformation et sera sans doute parmi lespremiers à adopter ces nouveaux comportements. Son métierdésormais d’interface lui permettra donc d’être un diffuseur de cescomportements. Mais qu’il prenne garde à bien analyser le sens de cesmots. Si l’anticipation était hier synonyme de prévision ou planification,elle est aujourd’hui davantage une question de maîtrise desconséquences. De même, si la coopération n’était qu’une question decoordination de tâches, elle est désormais davantage une question desens commun et de partage de satisfaction (critères tangibles etintangibles). Enfin, et pour conclure, si l’innovation a été longtempsune question dogmatique, avec ses tenants de l’amélioration et ceuxde la rupture, elle est aujourd’hui essentiellement une questiond’ouverture au mouvement pertinent, c’est-à-dire une capacité àchanger collectivement juste ce qu’il faut quand il le faut, pas plus etpas moins. n

Bibliographie

[1] MD. Cohen et RW. March (1972), “Agarbage can model of organizational choice”,Administrative Science Quarterly, mars 1972,vol.17, issue 1.[2] R.Vernon (1966) « International investmentand international trade in the product cycle »,Quaterly Journal of Economics.[3] Y.Carsadale (1998)  « Les grandes étapesde l’histoire économique », Ellipses-Les coursde l’Ecole Polytechnique, Paris.[4] Michael Porter, « Competitive Strategy.Techniques for Analysing Industries andCompetitors », Free Press, 1980.[5] « La société de la connaissance à l’ère dela vie numérique » (2007), Colloque du 10èmeanniversaire du Groupe des Ecoles de Télé-communication, 29 juin 2007, Paris.

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LE POINT DE VUE D’UN PRATICIENSUR L’ARTICLE:L'agilité dans les achats

TONY BOCOCK

Anglais, habitant en France depuis 25 ans. Ingénieur, Cambridge, 1980. Salarié chez Schlumberger, Valeo, Plastic Omnium,Solving. Création cabinet de conseil Better Buying Concepts en 2003. 2015 : conseil aux entreprises dans l'amélioration de laperformance achats, intégrant notamment l’externalisation, les centres de services partagés et la prise en compte des impactsde la révolution numérique.email : [email protected]

Résumé

L'agilité d'une entreprise contribue à ses

résultats par le développement de sa capacité à

s'adapter à un environnement en constante

évolution. Un niveau faible d'agilité mène à des

performances moindres et peut conduire à la

faillite. La fonction achat contribue fortement à

l'agilité d'une entreprise car elle est un des

principaux canaux d'observation des marchés et

des ressources externes à l'entreprise. Le rôle

conventionnellement attribué aux achats n'a pas

permis l'expression d'un potentiel d'agilité. Ce

papier explore l'état des lieux et cherche les

voies de développement de fonctions achats

agiles qui apportent une contribution renforcée

et dynamique à la performance des entreprises.

Abstract

The�agility�of�a�firm�is�a�key�factor�of�its

profitability�through�its�capacity�to�adapt�within�a

continually�changing�business�environment.�Poor

agility�will�result�in�inferior�results�and�may�even

lead�to�failure.�The�purchasing�function�can

contribute�significantly�to�a�firm's�agility�mainly

since�it�constitutes�a�privileged�observation�point

on�markets�and�external�resources.�The�role

conventionally�assigned�to�purchasing�has�not

required,�nor�facilitated,�expression�of�potential

agility.�This�paper�explores�the�current�situation

of�firms�and�their�buyers�and�looks�at�possible

axes�for�the�development�of�more�agile

purchasing�functions�that�could�contribute�more

strongly�and�dynamically�to�company

performance.

Introduction.

Les dinosaures n'étaient pas agiles, ils ont disparu. Lecheval, descendant de l'hyracotherium, est toujours là,ayant fait preuve de son agilité par une transformationpour tripler de taille.Les comparaisons dans le monde de l'entreprise sontnombreuses :

Agile Pas agile

Fuji Kodak

Samsung Nokia

et sans aller jusqu'à la disparition :

Renault-Nissan Peugeot-Citroën

Ces résultats sont les conséquences de la stratégie desentreprises, pas d'une fonction particulière et a priori pasdes achats ! Une fonction achat peu agile ne fait pas uneentreprise peu agile ; mais il sera difficile pour une fonctionachat d'être agile dans une entreprise qui ne l'est pas.

Une entreprise agile sollicite sa direction achats surplusieurs angles, car cette fonction est le canal vers lesressources externes qui offrent innovation, diversité,flexibilité, et in fine une capacité à décupler sa propreagilité. Le concept de l'entreprise étendue est un de cesangles, donnant lieu à un réseau de contributeurs agissanten harmonie pour le bénéfice de l'entreprise de tête.

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1 LARGE (Ligue des Anciens Rugbymen des Grandes Ecoles) ww.large-rugby-management.com2 Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen ; Changer de modèle – de nouvelles idées pour une nouvelle croissance.

Odile Jacob, 2014.

Pour démontrer la versatilité de l'agilité, je vous proposeun regard vers le monde sportif.

Le rugby a su préserver ses valeurs fondamentales derespect, soutien, esprit d'équipe… tout en adaptant lesrègles chaque année pour mieux favoriser le développe-ment du jeu et d'introduire les nouvelles technologies(arbitrage vidéo…) Travaux de l'association LARGE 1

Le football a perdu l'essentiel des valeurs - on peut citerle scandale de la FIFA et sur le terrain le manque derespect des arbitres.Cet article explore les composantes de l'agilitépertinentes pour une direction achats qui contribue à sapleine mesure aux évolutions de son entreprise dans unmonde qui change de plus en plus rapidement.On examinera deux facettes de l'agilité de la fonctionachat :1. L'accompagnement des innovations nées dans

l'entreprise2. La détection et la découverte d'innovations nées à

l'extérieur de l'entreprise

Peut-on décrire l'agilité?

On a exploré le concept de maturité, qui fournit unchemin de progrès pour une organisation. Ce chemin sedessine souvent par une démarche et des étapes ouniveaux de maturité. On cherche l'amélioration continueet enfin l'excellence.L'agilité est proposée comme une mesure de la rapidité deréaction, du temps nécessaire pour l'organisation des'adapter. Parfois les organisations ne s'adaptent pas… ellesn'en sont pas capables. Le cas Kodak est souvent mentionné,mais la plupart du temps le manque d'agilité est moinsflagrant. L'agilité peut être vue comme une capacité àchanger – et les organisations offrent une résistance plusou moins forte au changement. C'est humain.L'agilité est inhumaine ? Non. Bien au contraire – uneorganisation agile s'adapte mieux aux changements quiarrivent et les personnes travaillant dans l'organisationsont plus heureuses car en meilleure adéquation avec

leur temps. Cette adaptation est d'autant plus nécessaireaujourd'hui car la vitesse de changement s'accélère. On al'impression que les poteaux bougent presque tous lesjours.L'agilité est donc un ensemble de caractéristiques quidéfinit une capacité à évoluer, s'adapter rapidement ; etsurtout plus rapidement que ses concurrents. Nous allonsdévelopper la contribution de la fonction achat à cetteagilité : dans son propre fonctionnement et dans son rôledans l'entreprise.Il est intéressant de considérer les manques d'agilité dessociétés citées selon ces capacités. Pour Kodak et Nokia ils'agit d'un déficit d'innovation et d'anticipation. PourPeugeot c'est la culture de changement organisationnel quia manqué. On peut aussi dire que celles qui n'ont pas réussin'ont pas ajusté leur stratégie par rapport à un environ-nement qui a évolué. Pour le cas Kodak il paraît évident quel'entreprise n'a pas intégré, n'a pas cru dans une nouvelletechnologie venant d'ailleurs. Ce point est important.

La réussite des entreprises a toujoursbénéficié de l'agilité, mais aujourd'huicela devient une obligation

Deux phénomènes en particulier ont impacté récemmentles entreprises et la fonction achat de façon marquée :•La mondialisation•Le numérique

La mondialisation a fait naître les achats dits "low cost".Le sourcing en Asie a été un levier de compétitivitépuissant pour les entreprises plus agiles qui ont suadapter leur stratégie d'achats. Ils ont mis en place unestratégie de sourcing innovante avant les autres et ils yont gagné un avantage compétitif. Cet axe de productivitéconcerne au départ, dès les années 90 pour les "earlyadopters", surtout les produits manufacturés en Chine etles textiles en Asie du Sud.Une analyse de la performance économique de la France"Changer de modèle", 2014, par Philippe Aghion et al2

constate que la France a peu bénéficié de la mondialisa-tion dans la mesure où son taux d'extraversion moyen n'apas augmenté aussi vite que dans d'autres états ces 20dernières années :

Agile Pas agile

Rugby Football

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Pour améliorer cet indicateur un état doit importer pluset exporter plus. Les principes de l'avantage comparatifde Ricardo restent valables. On peut aussi parler d'uneagilité moindre car les échanges internationaux n'ont pasprogressé beaucoup.

La France a peu progressé sur cet indicateur ; ce qui veutdire qu'elle na pas su saisir l'opportunité de la mondiali-sation. L'économie française serait moins agile que celled'autres états ? Les entreprises françaises peuvent doncencore développer leurs stratégies à l'international etleurs acheteurs ont un rôle important à jouer – s'ilsdémontrent plus d'agilité.

Cette opportunité peut aussi être considérée comme uneinnovation, qu'il fallait détecter, évaluer, intégrer. Le plusrapidement possible - pour en créer un avantage concur-rentiel. Il revient bien à la fonction Achat de détecter etévaluer ces phénomènes.

L'axe numérique et la révolution technologique en coursconcernent surtout les services et les achats intangibleset les processus de fonctionnement internes. Ledéveloppement de l'externalisation (ITO et BPO) a étélargement facilité par la possibilité de réaliser desprestations à distance (programmation informatique,gestion de transactions…). Les entreprises ayant eurecours à l'externalisation "offshore" ont pu accéder àdes coûts de main d'œuvre nettement inférieurs et ont

amélioré leur compétitivité. Certains diront que l'exter-nalisation n'a pas toujours été bénéfique – lesentreprises les plus agiles ont dû réussir mieux qued'autres.

L'axe numérique continue à évoluer et permet désormaisl'automatisation de processus manuels jusqu'alorsréalisés par des personnes qualifiées, comptables parexemple. Les Centres de Services Partagés (choix organi-sationnel préféré à l'externalisation pour beaucoup d'en-treprises françaises) vont pouvoir mettre en œuvre cessolutions pour s'approcher des niveaux de performanceet de coût des prestataires externes, notamment en BPO.La mise en œuvre de ces solutions technologiquesconduira à des effectifs en nette baisse, ce qui est bonpour la productivité mais moins bon pour l'emploi. Unegestion agile des conséquences sociétales facilitera l'ac-ceptation de ces processus dématérialisés et nettementplus efficaces.

Le rôle des achats sera dans l'identification et le sourcingdes solutions technologiques permettant de bénéficier decette révolution numérique. Si on compare la capacitéd'innovation interne (que les achats doiventaccompagner) à la capacité, et à l'intensité, d'innovationsexternes à l'entreprise on arrive aisément à la conclusionqu'il faut surtout être en mesure de détecter les innom-brables innovations "venant d'ailleurs", sur le marché.C'est une capacité clé de la fonction achat. Ensuite c'est

3 CGI, IRIMA, Better Buying Concepts

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R U B R I Q U E ?

l'agilité de l'entreprise qui permettra d'intégrer cesinnovations – proposées par l'acheteur - en temps utile.

On retrouve une des conclusions de l'article dans l'Excel-lence HA n°1 : "… cet acheteur là n'est pas le mêmeanimal". On fait référence à une enquête menée en 2012sur "La maturité des fonctions Achats dans le pilotage del’entreprise étendue"3 dans laquelle on suggère le profilde l'acheteur capable de piloter l'entreprise étendue (unefacette essentielle de l'agilité) : "dotés d’une solideformation économique, ce sont bien plus des communitymanagers de haut vol que des négociateurs de prix".

La conjugaison des activités d'unedirection achat avec l'agilité

La fonction doit apporter plus que de simples réductionsde coût. Une véritable performance achat ne peut serésumer à cela ; une fonction agile encore moins. Le sujetest développé en 3 rubriques ou sphères d'activité :

1. La routine, les contributions basiques sur les actionsqui sont couramment confiées aux achats

2. Une première extension au-delà de ce périmètre

3. Une deuxième extension vers le plein potentiel d'unedirection achat agile et sa contribution à l'entreprise

1.L'agilité de base

La gestion des panels fournisseurs doit être dynamique,surtout dans les catégories de dépense sujettes à l'impactde la révolution numériques et la mondialisation. Lesconsultations doivent explorer les nouveaux arrivants surle marché. La veille est vitale – elle permet de mieuxanticiper les évolutions, bien entendu sur le marchémondial.

On doit pouvoir changer de fournisseur sans trop dedifficulté. La résistance au changement se manifestesouvent dans des processus d'homologation de produitsou processus compliqués, qui ralentissent les projetsd'évolution.

Cependant, l'agilité ne se résume pas à la valse des four-nisseurs ! Un travail conjoint de développement d'uneoffre fournisseur, pour le bien commun est tout à faitagile. L'acheteur doit donc se décider entre facilité dechangement de fournisseur et volonté de collaborer aveceux.

Un aspect important de l'agilité consiste en la bonneséparation des fonctions achat et approvisionnement. Lagestion des commandes et de leur livraison exige uneagilité logistique, concernant les choix court terme deproduction. L'agilité achat est toute autre, et vise le moyen/ long terme, ce qui nous emmène au point 2.

2. L'agilité au delà du périmètre achat.

Le développement de l'innovation est au cœur de cetteagilité. L'acheteur a la responsabilité d'observer le mondeà l'extérieur de l'entreprise et de recueillir les informa-tions des marchés. Il doit attirer les fournisseurs pouvantapporter les meilleures innovations. Une coopération avecles fonctions techniques et la capacité à favoriser lesprojets sur toute la chaine de valeur est à développer.

Une capacité à chercher l'optimum collectif permet auxdifférentes fonctions de sortir de la logique d'unmaximum par fonction. Les achats ont un rôle majeur carils identifient les champs d'optimisation à l'extérieur del'entreprise.

Ce niveau d'agilité requiert déjà des compétences quel'acheteur "négociateur" ne possède pas. On constate queles personnes intégrant la fonction d'autres métiers ontplus de facilité à construire la relation de "businesspartner" qui peut être si fructueuse. L'établissement deperformance à ce niveau permet de contribuer à l'amélio-ration de l'agilité de l'entreprise par la création decoopérations multiples entre services internes etexternes.

L'acheteur est l'œil qui scrute à l'extérieur de l'entreprisepour détecter l'innovation clé de demain.

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3. La contribution à l'agilité de toutel'entreprise

L'acheteur est partie-prenante dans l'innovation proprede l'entreprise. Dès lors qu'une innovation nécessite unecompétence nouvelle, soit on la développe en interne, soiton l'achète. Le sourcing accompagne le développement.La révolution numérique a fait naître des possibilités deproductivité dans les fonctions support inimaginablesvoici quelques années. Il est de plus en plus nécessairede mener une réflexion sur son activité cœur de métier etde conduire des analyses "make or buy" pour déterminerce qu'il faut faire soi-même et ce qu'il vaut mieux fairefaire, c’est-à-dire acheter.

La fonction achat est notoirement absente de ces consid-érations. Elle participe, parfois, aux analyses make or buymais est très rarement à l'origine d'une initiative de typeexternalisation. Le terme externalisation est préféré à lasous-traitance qui est trop souvent enclenchée parnécessité opérationnelle, sans la réflexion stratégiquenécessaire. 60 % à 80 % des ressources d'une DSI sontaujourd'hui externes, mais les prestations réalisées nefont pas l'objet d'une stratégie globale de sourcing.

Une fonction achat agile doit apporter une meilleureconnaissance des possibilités offertes sur le marché :logiciels SaaS, dématérialisation, optimisation deprocessus, "BPO", Business Process Outsourcing. Lacompétitivité et donc la réussite de l'entreprise serontrenforcées par de tels apports.

Conclusions

L'environnement économique actuel, dans lequel lesnouveautés arrivent de plus en plus rapidement, nécessiteplus d'agilité dans le management de toutes les fonctionsdes entreprises. L'innovation majeure semble être dansla manière de produire ce qu'on a toujours produit quedans le changement radical de ce qu'on produit. L'agilitése traduit par une capacité à réagir, à s'adapter auxchangements extérieurs qui ne vont pas cesser de nousbombarder. L'acheteur est la ressource vitale pour assurerune interaction avec les marchés extérieurs. Tout n'est pasbon à prendre, et certains phénomènes sont éphémères ;ceux qui n'ont pas rejoint Covisint dès l'an 2000 n'ont passouffert… mais d'autres inventions pourront rendre l'en-treprise non-rentable en l'état.

L'entreprise doit aussi développer son agilité pourpouvoir se transformer plus aisément et bénéficierpleinement des innovations et productivités potentielles.

La fonction achat a donc un rôle majeur à jouer dans ledéveloppement de cette agilité, car elle est au croisementdes ressources internes et externes. Elle a la respons-abilité de veiller sur les évolutions des marchés pour entirer bénéfice. Les directions achat doivent se mettre enordre de marche pour contribuer davantage par le biaisde stratégies de sourcing plus en phase avec lesévolutions des marchés et de la société.

Le changement est inévitable ; la résistance est rarementpayante dans un environnement où les forces del'évolution sont irrésistibles. L'agilité est une des cléspour embrasser ces changements avec sérénité. n

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D O S S I E R N ° 2

GUILLAUME DERAEDT Guillaume DERAEDT est acheteur national en matière de Sécurité du Système d’Informationpour le GCS UniHA depuis 2009. Il est actuellement Responsable des Achats NTIC du CHRU deLille depuis 2013 et Président du comité technique de la Centrale des Achats de l’InformatiqueHospitalière (CAIH), qui fédère les achats de plus de 550 établissements de santé, depuis2015. Cette thèse professionnelle a été réalisée dans le cadre du Mastère Spécialisé duManagement de la Fonction Achat de Grenoble Ecole de Management sous la direction deHugues Poissonnier et Salvator Maira.email : [email protected]

AUGMENTER LE TOTALBENEFIT OF OWNERSHIPpar la compréhension du juste besoin granulairegrâce à un regard systématique et agile : une collaboration entre l’acheteur NTIC et la DSI

En matière de Nouvelles Technologies de l’Information et des Télécommunication, l’acheteur est

souvent confronté à une expression des besoins résumée en contraintes et spécifications techniques

parfois éloignée du juste besoin fonctionnel attendu. C’est dans sa capacité à accompagner les

Directions des Systèmes d’Information et les Directions Générale vers une vision du juste besoin

et de l’usage du SI que l’acheteur peut réaliser une belle performance achat.

Cette performance peut être augmentée par une agilité decommunication exogène à l’entreprise qui permet égalementde prendre en compte les évolutions sociétales ou réglemen-taires du contexte économique dans lequel exerce sonentreprise.Cet argumentaire sera appuyé par un retour d’expérience

d’achat public en matière de progiciel.

Le contexte

Ceci s’explique par un contexte d’isolement et d’indépen-dance créé par les Directions des Systèmesd’Information (DSI) : Immatériel et entouré d’un vocable inin-telligible pour le commun des décideurs, les DSI bénéficientencore aujourd’hui d’une faible évaluation de l’efficience duSystème d’Information (SI). Tant que ce dernier fonctionnebien et évolue au rythme souhaité, il est aisé de faire valoirsa valeur et de taire le coût d’une fonction devenue

stratégique.

Bâtisseurs de valeurs ajoutées, ces directions sont évaluéespar leur efficacité au dépend de l’efficience globale : Les DSIsont jugées sur la Valeur du Système d’Information et nonpas sur le bénéfice réalisable sur la diminution d’un Systèmed’Information construit sur des strates technologiques

rarement remises en cause et qui s’accumulent.Ainsi ces directions ont le regard focalisé sur la réalisationde projets dans les délais et sur la robustesse et la sûreté dutraitement de l’Information devenues vitales pour la compéti-tivité de l’Entreprise.

Ayant plus une vision de prouesse et de performance plutôtque d’efficience, au-delà de la non remise en cause del’existant par le pilotage d’un plan d’urbanisation techniqueet fonctionnel, les DSI sont rarement chiches à négocier lejuste déploiement des technologies embarquées et desprogiciels vis-à-vis des utilisateurs internes : Il est bien plussimple de tout installer que de gérer proprement les instal-lations selon les missions de tout à chacun : Moins de charge

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interne à l’exploitation permet d’augmenter les capacités à

lancer de nouveaux projets.Les éditeurs de logiciels et les fournisseurs ont rapidementdétecté l’immaturité des DSI au juste achat et ont accéléré ladépendance : La transformation de l’acquisition de licenced’utilisation perpétuelle accompagnée d’une maintenancecurative et évolutive vers un abonnement annuel à l’usagedu logiciel auquel sont associés des services de prime abord

rassurants mais rarement utilisés.

Comment l’acheteur a besoin d’être

agile en interne?

Pour être légitime la DSI a compris qu’elle devait apporter leservice souhaité. Par mimétisme l’acheteur doit approcher laDSI avec une vision d’offre de service global associé à son

acte d’achat.Toute remise en cause d’habitude d’achat récurrent est defacto perçue comme une perte de temps et d’énergie si ellen’est pas accompagnée d’une démarche d’offre globale etassumée de diagnostic du juste besoin : Toute tentative deremise en cause d’une façon d’acheter doit apporter unbénéfice aux DSI et être accompagnée d’une identification

précise et limitée des charges internes à la DSI.

Prenons l’exemple d’achat de progiciel :L’achat initialement demandé est «  Il faut renégocier lecontrat de licence d’utilisation du produit bureautique de cetéditeur précis avec les services de mise à jour et demaintenance pour tant d’utilisateurs  ». Il s’agit d’un achatrécurrent et d’une renégociation au terme d’un marché de 4

ans. L’éditeur est en place depuis plus d’une décennie.Par questionnement l’acheteur peut s’intéresser d’une part àla légitimité d’un acte d’achat ne remettant pas en cause unfournisseur et d’autre part à l’évaluation du besoin en termede nombre de licences.

La non remise en cause de l’éditeur sera inexorablement

mise à mal par 4 arguments :- L’adhérence technologique du logiciel ; c’est-à-dire la

dépendance d’autres pans du système d’information à cet

éditeur précis pour bien fonctionner- La satisfaction des utilisateurs- Le coût de l’éventuel accompagnement au changement des

utilisateurs- Le coût d’intégration d’un éventuel logiciel de remplace-

ment ; c’est-à-dire la formation des équipes techniques etles opérations techniques qui permettent aux autres pansdu système d’information de fonctionner correctement avec

le changement

Ces arguments cachent également l’inintérêt d’une DSI àremettre en cause des relations privilégiées et appréciées

avec le temps. Le partenaire fait le travail ; c’est efficace.Non préparé à ces arguments non chiffrés et imprécis l’ini-tiative de remise en concurrence sera éteinte avant même

d’avoir été évoquée.L’autre question se porte sur le nombre de licencesnécessaires : C’est simple ; il correspond au nombre d’instal-lations effectuées. La justification de ces installations serala simplification du processus interne et des éléments deproductivité globale sur l’usage du Système d’Information :La DSI est dans la vision du Total Value of Ownership (TVO)de son système d’Information, l’optimisation du Total Cost ofOwnership (TCO) n’est pas la préoccupation majeure.

Cet argument cache également la difficulté pour une DSId’objectiver un refus d’installation d’un matériel ou d’unprogiciel à un utilisateur final qu’il soit médical, soignant ouadministratif. Fonction support la DSI à tout intérêt à être

appréciée de tous.

C’est là qu’intervient la force d’une

démarche achat agile et collaborative.

Recherche des éléments de motivation d’une DSIen matière d’efficience

Dans un contexte de réduction des effectifs, l’argumentairede la DSI est entendable ; pour faire évoluer une visioncentrée sur la performance, l’acheteur doit rechercher desaxes de motivation de son partenaire interne. Or, dans ledomaine des Systèmes d’Information de Santé, l’efficience

des DSI est évaluée sous plusieurs angles :- La Haute Autorité de Santé demande une preuve d’une

démarche d’amélioration continue et s’intéresse à laconformité du poste de travail vis-à-vis de la PolitiqueMinistérielle de la Sécurité du Système d’Information

(PMSSI) ;- Le Programme Hôpital Numérique permet d’obtenir des

subventions à la mise en œuvre de projets éligibles sous

réserve de conformité aux prérequis de sécurité ;- La certification des comptes (FIDES) requiert la mise en

place des correctifs de sécurité au fil de l’eau (Patch

management) ;- L’Agence Nationale de Sécurité des Systèmes d’Information

a édicté le guide d’hygiène des règles de base ;- Enfin, la Direction Générale de l’Offre de Soins évalue la

performance globale selon des informations précises sur leparc qui sont remontées à un Observatoire des systèmes

d’information de santé (O6).

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Bien que, a priori, éloignés de la préoccupation d’unacheteur, ces 4 regards croisés sur le Système d’Informationse concentrent sur le même objectif : La mesure de l’effi-cience, c’est-à-dire le même besoin que celui de l’acheteur :Quelle est la performance économique globale du systèmed’information par rapport à son coût ? L’usage est-illargement déployé au sein de l’établissement concerné ? est-il utilisé ? est-il installé de la même façon et évolue-t-il de

façon similaire sur l’ensemble du parc ?

Comment?Les réponses aux questions posées par ces tutelles sontadressées par les DSI par des indicateurs globaux  et desplans d’assurance qualité ad hoc sans réelle capacité àcontrôler unitairement les installations et usages ; le rôle del’acheteur est de déterminer la façon d’y répondre de façongranulaire selon une méthode automatisée et fiable afind’apporter au DSI des informations internes bien plusintéressantes pour sa stratégie menée en matière de systèmed’information et de négociation avec les pôles cliniques

internes sur les dotations de matériels et logiciels.C’est dans ce sens qu’une Centrale d’Achat a mis en place unprojet de logimétrie « clef en main » qui consiste à proposerà ses adhérents volontaires la possibilité de bénéficier d’unservice de mesure des installations et des usages de façontrès détaillée. Ce projet pilote s’est focalisé sur la mesure desinstallations et de l’usage d’une suite bureautique sur un peu

moins de 50 000 postes de travail.Afin d’assurer l’adhésion des DSI à ce projet plusieurs

garanties ont été prises :- L’anonymisation des données remontées au niveau de la

centrale d’achat qui ne peut pas remonter précisément à

l’un des 40 établissements participants à la mesure- L’identification claire et précise d’une charge de travail

interne inférieure à 1 jour homme- L’absence de frais inhérent par anticipation des gains

achats.Un sponsoring a été réalisé via un courrier du Fonctionnairede sécurité des systèmes d’information des ministèreschargés des affaires sociales motivé par une amélioration dela sûreté de fonctionnement des Systèmes d’Information via

des tableaux de bords locaux dédiés.Enfin, un service dédié et local a été proposé aux DSI pour leur

permettre de connaître des mesures essentielles de leur SI.

Résultats

Les résultats obtenus permettent à l’acheteur et aux DSI dediagnostiquer des axes d’améliorations et des leviers de

négociation essentiels :

L’inutilité de l’abonnement aux nouvelles versionsdes progiciels

Les éditeurs ont tous globalement modifié le mode d’acqui-sition des licences en passant à un mode locatif permettantl’accès aux mises à jour des produits sous couvert d’évolu-tions fonctionnelles essentielles à la compétitivité de leurs

entreprises clientes.

L’étude réalisée fin 2014 prouve la non utilisation desnouvelles versions d’une suite bureautique dans un système

d’information de santé.

Les ¾ des licences installées reposent sur des versions delogicielles qui ont plus de 11 ans. La présence d’un petit quartd’une version de la suite bureautique datant de 2010s’explique par une migration des postes de travail depuisWindows XP vers Windows 7, système d’exploitation qui nesupporte plus les anciennes versions de la suite bureautique

considérée.

La mauvaise installation technique des gammes de produits

installés

La suite bureautique, objet de l’étude existe dans 2 versions

distinctes : Une version premium et une version standard.

Alors que les DSI concernées respectent l’esprit des quotitésde droits d’usage entre les 2 gammes, la mauvaise commu-nication entre gestionnaire du contrat et technicien aprovoqué l’utilisation du programme d’installation de lagamme premium pour n’installer que les programmes de lagamme standard. Là encore l’agilité est essentielle pourassurer une éventuelle sortie de contrat.

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La sous-utilisation des installations réalisées

Les données jusqu’à présent collectées sont déjà connuesdes DSI des plus grands établissements dotés d’un progicielde gestion du parc. La seconde partie de l’étude concerne lamesure de l’usage des logiciels au sein de chaque poste detravail. La mesure est collectée sous forme de 4 semaines

glissante puis moyennées par jour travaillé.Le simple fait de supprimer les installations des produitsbureautiques non utilisés sur une période glissante de 2 moispermettrait de réduire de 20 % le nombre de licences

installées et donc consommées.L’analyse des utilisations des logiciels spécifiques à la suiteMicrosoft Professionnelle permet de réduire l’installation de

cette version, la plus onéreuse, de plus de 88 %En proposant un produit de substitution, pour les utilisateursutilisant moins d’une heure par jour l’un des logiciels de lasuite, nous pourrions réduire de 47 % le nombre de licences

bureautiques installées.

Un potentiel de diminution de 47 % du coût lié àla suite bureautique

Face à ces résultats les DSI sont enclins à passer d’un modeinstallé à un mode géré sous couvert de conserver ledispositif qui permet d’évaluer les usages et donc de

présenter des éléments tangibles aux directions concernées.L’optimisation qui consiste à trouver une solution deremplacement pour les usages de moins d’une heure pose 2

problèmes majeurs :

- Le premier est l’adhérence technologique des autres pans

du Système d’Information- Le second est l’absence de connaissance sur l’utilisation

réalisée par les clients internes.

Sur le premier point la DSI est compétente et légitime àinvestiguer, motivée par l’estimation potentielle des gainsqui pourrait être réaffectés, en interne, sur l’accélération deprojets fonctionnels plus stratégiques.

Sur le second point, un appel à un psychologue du travailpermet de supprimer les fantasmes sur l’utilité d’une suitebureautique dans une entreprise orientée vers le bien-être

de ses patients.

Etude de l’usage par psychologue

du travail

Etudier s’il serait possible, sans altérer le travail des utilisa-teurs, de remplacer la suite bureautique actuelle par unesuite issue du logiciel libre ou d’un concurrent moinsonéreux, est l’objectif principal de la demande.

Des entretiens dirigés par une grille interrogeant sur l’utili-sation du traitement de texte, du tableau, de la messagerieet d’un logiciel dédié aux présentations ont été réalisés pour

répondre à ces objectifs (Travaux de Ludivine Watblet) :- Auprès de 103 professionnels ;- Sur différents postes : accueil, secrétariat, bureau médical,

bureau de consultation, poste d’interprétation, facturation,

chercheurs.

Usage global autoévaluer par les utilisateurs

d Traitement de texte :

- 75 % d’utilisation- 100 % d’utilisation de Traitement de texte chez les

médecins (plus ponctuellement en saisie) et les secrétaires- 94 % des utilisateurs de Traitement de texte l’utilisent en

lecture et saisie contre 6 % en lecture exclusivement (dans

les bureaux de consultation)- Le plus souvent utilisé lors de la lecture et la saisie d’un

courrier à travers un logiciel métier identifié et plus

rarement hors ce dernier (ex. : reconnaissance vocale).

d Tableur :

- 73,5 % d’utilisation (saisie et lecture)- Utilisé le plus souvent pour soutenir une activité et/ou pour

un partage de l’information entre collègue. Il est utilisé

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pour pallier une fonctionnalité absente d’un logiciel métier(un tableau de programmation des blocs opératoires, unrésumé des entrées et sorties patients, un résumé des cas

patients,…).

d Logiciel de présentation :

- 34 % d’utilisation (saisie et lecture)- Utilisé par les médecins et les cadres pour des présenta-

tions à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hôpital. Seules lessecrétaires rattachés aux chefs de services utilisent

PowerPoint.

d Messagerie :

- 73 % d’utilisation- Utilisé par tous pour les échanges de mails (sauf quelquesbureaux d’accueil patients), rarement pour ses autres fonc-

tionnalités.

L’usage spécifique par métier permet d’anticiper la chargede travail et d’identifier les adhérences techniques.

Il en ressort globalement que la suite bureautique est utiliséede façon basique et que rares sont les utilisateurs exploitantles fonctionnalités différentiant la suite de l’offre libre. Celanécessite toutefois de travailler à la suppression de quelquesdépendances logicielles et de mettre en place un vraiprogramme d’accompagnement au changement. La remiseen cause de l’existant est donc faisable mais nécessite d’être

anticipée.

Résultats et gains sur achat immédiats sansrenégociation

À ce stade l’acheteur s’est intéressé au Total Cost ofOwnership (TCO) qui permet de transformer la vision pureTVO de la DSI en une vision équilibrée sur la réelle valeurd’usage et le bénéfice à utiliser un outil historique jamais

remis en cause.

La vision d’efficacité de la DSI confrontée à la vision coût del’acheteur permet d’obtenir une vision collective d’efficienceadaptée aux usages et à la consommation des utilisateurs

finaux.

La question subsidiaire est faut-il supprimer et remplacer cesoutils satisfaisants mais sous-utilisés au regard de ceséléments ; seule une agilité extra-entreprise permetd’apporter une réponse d’achat gagnant à moyen terme :Quels sont les scénarii à 5 ans de la modification des usagesde la suite bureautique ?

L’agilité externe permet une

anticipation des besoins futurs

Identification de l’évolution des contraintesexternes

Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) succéderonten 2016 aux communautés hospitalières de territoire (CHT).Le GHT a « pour objet de permettre aux établissements demettre en œuvre une stratégie de prise en charge du patientcommune et graduée dans le but d’assurer une égalitéd’accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la ratio-nalisation des modes de gestion par une mise en communde fonctions ou par des transferts d’activités entre établisse-ments ». L’article 27 précise encore que « chaquegroupement élabore un projet médical partagé garantissantune offre de proximité ainsi que l’accès à une offre de

référence et de recours ».

En termes de gouvernance, un établissement dit « support »assurera pour le compte des établissements membres lagestion d’un système d’information, celle d’un départementde l’information médicale de territoire, la fonction achatsainsi que la coordination des instituts et écoles de formationparamédicale et des plans de formation continue et dedéveloppement professionnel continu des personnels des

établissements du groupement.

Dans le champ des systèmes d’information (SI), le texteprévoit que les informations relatives à un patient pris encharge par un établissement membre du groupementpourront être « partagées », dans les conditions prévues parle code de la Santé publique. Ceci nécessite d’identifierl’ensemble des acteurs professionnels ou patients pour tracer

les règles de partage de l’information médicale.

Enfin, en termes de calendrier, chaque établissement publicde santé devra adhérer à un GHT avant le 1er janvier 2016,le projet médical partagé pouvant être arrêté dans un délaid’un an après la conclusion de la convention constitutive, au

plus tard le 1er juillet 2016

La création des GHT nécessite un Système d’Informationcommuniquant qui permette à un professionnel de santéd’être identifié dans des établissements différents et auxpatients d’être identifiés dans des structures médicales auxspécialités complémentaires : Ceci nécessite une gestionpartagée des référentiels des systèmes d’information quireposent dans leur quasi-globalité sur des solutions issues

du même éditeur que la suite bureautique.

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Ceci nécessite une évolution majeure en terme de servicebureautique : Les équipes vont devoir communiquer ettravailler sur des documents partagés : L’apprentissage desméthodes d’établissement différent nécessitera égalementune traçabilité des versions et des modifications desdocuments produits, ainsi il est vraisemblable que la suitebureautique naguère jachère abandonnée des architectesdes systèmes d’information soit demain un besoin essentiel

aux décideurs et manageurs.

L’attractivité de l’hôpital public vis-à-vis d’une concurrenceaccrue du secteur privé au fur et à mesure de la maîtrised’augmentation de l’objectif national des dépensesd’assurance maladie (ONDAM) passe également par la fluid-ification de ses échanges avec ses partenaires ; médecins de

ville et professionnels libéraux de la santé. L’un des axesd’amélioration de la performance est la mise en place de laMessagerie Sécurisée de Santé qui permet de compléter lesinformations du Dossier Médical Partagé par des élémentsplus précis dans le cadre du continuum de la prise en charge

médicale entre l’hôpital et le domicile du patient.

L’interconnexion entre la messagerie des hôpitauxreprésentés par la centrale d’achat et la MSS gérée parl’ASIP Santé a été pensée globalement sur des briqueslogicielles intégrées dans une renégociation globale ducontrat. Elle repose principalement sur le client demessagerie de la suite bureautique considérée ci-dessusafin de réduire au strict minimum le besoin d’assistance au

déploiement de l’usage.

Conclusions

L’Agilité interne permet de complet l’angle de vue «  de la valeur d’usage globale du SI  » de la DSI par une vision granulaired’efficience et de cout associé du SI. La DSI connaît l’usage granulaire de son SI ce qui lui permet de refuser de façon objective

des demandes d’installation de programme ou de matériel.

L’acheteur accompagne, avec une démarche clef en main et budgétée sur les gains achats, la DSI qui connaît ainsi les usageset la perception des utilisateurs : ceci gomme les freins au changement principaux obstacle à un changement de fournisseur

logiciel. Sa vision de Total Cost of Ownership complémente celle de la DSI.

L’intégration des contraintes externes permet d’anticiper les nouveaux besoins en logiciels associés et de les intégrer dansune échéance de renégociation majeure ce qui permet un cout marginal nul de dépense qui, si elles n’avaient pas été anticipées,auraient été onéreuses hors cadre global de renégociation quadriennale. La collaboration internet et externe, la compréhension

des objectifs et intérêts divergeant permettent de trouver un liant d’une démarche achat créatrice de valeur.

Ces éléments de négociation permettent d’aboutir à une renégociation d’un contrat équilibré qui anticipe les modernisationset évolutions nécessaires d’un système d’information ce qui permet de prendre des décisions d’achat résolument gagnantes àmoyen et long terme au-delà du simple regard de la performance et au-delà de la vision du coût d’acquisition ce qui optimisele Total Benefit of Ownership.

Une synergie DSI-Acheteur permet désormais de travailler en amont afin de préparer d’éventuels retraits de briques logicielleset de permettre une négociation plus équilibrée vis-à-vis de fournisseur en situation d’oligopole. n

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LE POINT DE VUE D’UNECHERCHEUSE SUR L’ARTICLE:

LE MARKETING ACHATS AU CŒUR DESACHATS DE SYSTEMES D’INFORMATIONHOSPITALIERS

L’agilité comme compétence-clé de l’acheteur

NATHALIE MERM INOD

Docteur en Sciences de Gestion, Maître de Conférences à Aix-Marseille Université, laboratoireCRET-LOG ; [email protected]

L’achat de logiciels ou progiciels au sein des entreprises du secteur public ou privé pose la question

de l’interface entre la Total Value of Ownership (TVO) portée par la Direction des Systèmes

d’Information et le Total Cost of Ownership (TCO) porté par la Direction des Achats, comme présenté

dans le cas du secteur hospitalier. Or, ces notions restent du domaine de « l’approximatif » et leurs

mesures sont encore très souvent « basiques » : continuité du SI pour les DSI et atteinte du meilleur

coût pour les Achats (sans que la mesure du coût complet soit précisément réalisée). La démarche

proposée ici relève pleinement du marketing achats : « démarche à disposition de l’acheteur qui lui

permet de prévoir et d’intervenir de façon active dans la relation d’échange avec le marché amont afin

d’adapter les besoins de l’entreprise aux possibilités du marché ou d’influencer l’offre à ses besoins

dans l’intérêt de son entreprise » (Sostenes, 1994)1.

L’acheteur est au cœur de cette démarche. Son rôle peut être apparenté à celui de chef de projet et il

est double : identifier le contexte interne de l’achat et le juste besoin et comprendre l’environnement lié

à l’achat effectué. L’objectif final réside dans la définition de la stratégie achats appropriée.

1 Sostenes, M-J. (1994), « Le partenariat dans l'optique marketing achat », Revue Française de Gestion, janvier-février, pp. 5-19

Comprendre le besoin achat: analysedes performances attendues par leclient interne et l’utilisateur

Comme indiqué dans l’approche proposée par Guillaume de

Raedt, la compréhension du besoin achat est fondamentale.Elle doit se faire dans une approche globale, c’est-à-dire (1)identifier et analyser la performance souhaitée et mesuréepar le client interne, ici la DSI et (2) identifier et analyserla performance attendue et mesurée par le client final, à

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savoir les utilisateurs du service – qui peuvent comme dansce cas être multiples. La difficulté réside dans l’articulationde ces attentes. En effet, comme le met clairement enperspective l’analyse proposée dans le cas des progiciels,la compréhension du « contexte » du client interne et doncde la « légitimité » de ce dernier dans l’entreprise ainsi queses motivations ne peut se faire qu’avec un diagnosticapprofondi. De la même manière, identifier précisémentl’inutilité de l’abonnement aux nouvelles versions et lasous-utilisation des installations réalisées demande une

analyse fine de l’existant.

L’identification des contraintes internes, c’est-à-dire dujuste besoin vis-à-vis du marché fournisseurs, conduitl’acheteur à travailler en équipe et à devenir un chef deprojet dont la mission est d’accompagner au mieux le clientinterne dans sa définition du besoin et avant tout dans larédaction de ce besoin vis-à-vis du marché fournisseurs,via le cahier des charges. Il est important à ce stade decomprendre quel sera le besoin dans le futur et commentce dernier s’interface-t-il avec l’utilisation actuelle duprogiciel. Le rôle de « décodage » et « recodage » des infor-mations est crucial pour ne pas tomber dans le piège d’uncahier des charges sur-spécifié et « inintelligible » (commele mentionne Guillaume de Raedt). Cette capacité demandeune grande agilité à l’acheteur et un travail de fond (et doncdu temps…), nommée «  agilité interne  » dans l’approche

proposée.

Identifier le marché fournisseur et

l’environnement de l’achat

En parallèle et en complément de l’analyse interne,l’acheteur doit réaliser une étude précise du marché four-nisseurs, via l’analyse de l’offre, de la demande, du contexteplus général et de la technologie achetée. Cette approchepermet de positionner son besoin par rapport au marché.«  L’agilité externe  », telle que mentionnée, correspond àcette capacité de regarder globalement l’environnement.

En effet, les évolutions de législation (comme c’est le casavec la création des groupements hospitaliers de territoire– GHT) ouvrent des perspectives dans la démarche achats.Comprendre également les leviers utilisés par les four-nisseurs dans leurs offres commerciales permet destructurer sa demande en conséquence. L’analyse del’évolution des technologies (stabilité, substitutionpotentielle, cycle de vie) offre un élément de diagnostic

important également.

Cette analyse fine de l’environnement de l’achat donne desleviers non seulement de compréhension des échangesréalisés ou potentiels, mais également des pistes denégociation interne pour l’acheteur. Identifier des scénariiet leurs conséquences ouvre des opportunités de discussionsur la création de valeur pour le client interne, tout enprenant en compte le coût de la solution retenue. La valeurajoutée de l’acheteur dans cette seconde phase réside danssa capacité à mobiliser son «  agilité externe  », à savoirs’ouvrir vers l’environnement et comprendre les enjeuxactuels et futurs qui se jouent. Cela ouvre des pistesnouvelles potentielles pour le client interne et l’entreprise

dans sa globalité.

Définir une stratégie achats

et l’accompagner

Dans une dernière étape, la stratégie achats doit êtredéfinie et sa déclinaison accompagnée. « L’agilité interne »et « l’agilité externe » mobilisées par l’acheteur conduisentce dernier à proposer et à échanger avec le client internesur la déclinaison d’une approche à court, moyen et longterme. La conclusion de l’article de Guillaume de Raedt meten évidence ce point afin d’aboutir à une « synergie » entrela DSI et l’acheteur. L’accompagnement de la démarche nepeut se faire qu’avec un soutien et un suivi dans le temps,tant du côté des fournisseurs que du côté du client interne

(ici le client final).

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La démarche de marketing achats (cf. figure) est au cœurdu métier de l’acheteur. La complexité des environnementsactuels et des situations internes rencontrées parl’acheteur, nécessite une capacité de diagnostic forte de lasituation et des scénarii potentiels. L’échange avec lesacteurs internes concernés par l’achat (DSI et utilisateursdans le cas présenté), dans un mode projet, permet des’assurer de la bonne compréhension de chacun, des enjeux

et donc des résultats attendus et obtenus. L’acheteur estgarant de la conduite de cette démarche afin que lesstratégies visées par chacune des fonctions raisonnent enconcordance. L’article de Guillaume de Raedt permet decomprendre toute la complexité de cette approche et lamobilisation par l’acheteur des compétences «  d’agilitésinterne et externe ». n

Démarche de marketing achats (N. Merminod, 2015).

d Sur la collectivité :délocalisations, pertesde savoir-faire,

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PIERRE PAUL JOBERT Après 35 ans consacrés à la R&D, en tant qu’ingénieur, acheteur, créateur d’entreprise etconsultant, Pierre Paul JOBERT est aujourd’hui professeur affilié à Grenoble Ecole deManagement, enseignant le Management des Opérations et de la Supply Chain, le pilotageopérationnel des achats, la stratégie et le management de projets d’innovation.Pierre Paul JOBERT est également écrivain romancier (www.selvia.fr )email : [email protected]

De l’Internet Digital à l’Internet

Physique

Nota : Ce chapitre s’appuie largement sur le contenu de laconférence IPIC (International Physical Internet Conference), quis’est tenue du 6 au 8 juillet 2015 à l’Ecole des Mines de Paris, sousl’égide des Professeurs Benoît Montreuil et Eric Ballot. Qu’ils ensoient remerciés pour la clarté de leurs exposés et la richesse desdéfinitions et commentaires, repris ici, en français, sous uneforme condensée.

L’Internet Digital transporte des données, d’un point dedépart (exemple un serveur) vers un point d’arrivée(exemple le terminal, tablette, PC ou téléphone portable).Ces données, standardisées (sous forme de 1 et de 0)naviguent par paquets, selon des routes non préétablies,au gré des disponibilités de flux dans un réseau enperpétuelle mutation. L’Internet Physique peut alors êtrecompris comme une métaphore de l’Internet Digital. Il

L’INTERNET PHYSIQUE:de nouveaux besoins d’agilité pour la fonction achats

Atlanta,�Printemps�2015

John T. sort ébranlé du bureau de son directeur des achats. Acheteur chez UPS, il a l’habitude

d’acheter du carburant et des véhicules, des services logistiques, des prestations informatiques.

C’est le métier qui veut ça.

Aujourd’hui, il va falloir qu’il achète des imprimantes 3D !

UPS n’a pas changé de métier. Le métier évolue. Simplement. Les clients utilisent avec régularité les

services des points relais de la compagnie. La direction leur a demandé ce qu’ils aimeraient en plus

de ce qu’apportent habituellement ces établissements de stockage temporaire. La réponse ne fut pas

longue à sortir de la statistique : de l’impression 3D !

Alors, John T. va devoir comprendre un nouveau segment d’achats.

Tout ceci n’est-il qu’un épiphénomène? S’agit-il d’une opération ponctuelle du transporteur?

Évidemment non.

La raison à tout cela? L’Internet Physique.

Un concept qui révolutionne la conception et la structure de la supply-chain, et qui va impacter,

mécaniquement, la communauté des achats.

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s’agit de repenser les chaînes d’approvisionnement et leschaînes logistiques des biens depuis la zone de conceptionjusqu’au client pour les faire fonctionner comme l’Internet

Digital.

L’Internet Physique, Physical Internet, a donné la dénomina-tion PI et de fait l’acronyme symbolique π, qui sera utilisé

dans tout ce qui suit.

Pourquoi faut-il tout revoir?

Le contexte général de la mondialisation justifie la nécessitéde changer de paradigme. De nombreux éléments peuvent

être cités à l’appui :- L’humanité croît en nombre et en âge- L’urbanisation est massive (>75% de la population)- La classe moyenne émerge partout y compris dans les pays

en voie de développement- La mobilité numérique est générale (l’iphone devient un

instrument universel)- Le e-commerce se développe massivement- Les réseaux sociaux sont incontournables- La conscience du développement durable émerge et

s’affirme- L’économie collaborative devient une réalité opérationnelle

et entrepreneuriale

Si tout change, de plus en plus vite, il n’y a pas de raison quela supply-chain soit épargnée. Et de facto les acheteurs vontse trouver en première ligne.

Les consommateurs ont des attentes et des usages quirendent de plus en plus complexes les opérations permettant

leur satisfaction :- Des besoins de prix toujours plus bas- Des besoins de délais de livraison toujours plus courts- Des besoins produits et des services personnalisés- Des achats multicanal- Des livraisons multicanal

Or n’est-il pas une évidence que l’acheteur est un consom-mateur comme un autre ?

En sus, à côté de la mobilité (accéder à tout, de n’importe où,n’importe quand, et si possible gratuitement) apportée par

le numérique et la téléphonie, les technologies ne sont pasen reste dans leur contribution au changement profond des

modes d’usage et de consommation.- L’Internet des Objets (IoT) : des objets de plus en plus

interconnectés- L’impression 3D- Les véhicules autonomes sans chauffeur- Les drones- La robotique et l’intelligence artificielle

Si Monsieur et Madame tout le monde sont évidemmentconcernés au premier chef, il n’y a pas de raison que lesévolutions en cours, reposant de plus en plus sur des tech-nologies disruptives concernent aussi les entreprises. Et defait la communauté des acheteurs.

Les attentes sociologiques, efficacité, sécurité, sûreté, adapt-abilité et résilience, au service d’une certaine idée de laprospérité (pour éviter de parler de bonheur) ne sauraientêtre étrangères aux entreprises, qui par définition, quel quesoit leur positionnement le long de la supply-chain doiventin fine contribuer à satisfaire globalement le consommateurou utilisateur final.

De leur côté, les gestionnaires et les financiers sont aupremier chef conscients de l’impact de la logistique sur lescoûts, jusqu’aux observateurs macroéconomiques quiconstatent que 5 à 20 % du PIB est représenté par lalogistique, et que la croissance des coûts liés à la supply-chain est largement supérieure à celle du volume des

échanges.

La sensibilité à l’évolution de l’environnement, la questiondu réchauffement climatique et de ses potentiellesconséquences, les aspects sanitaires amènent naturellementà s’interroger sur les transports et la pollution afférente

(particules fines, émission de gaz à effet de serre).

Enfin, la majorité de la population mondiale n’a pas accès àdes services fiables, abordables et accessibles, et lesconditions logistiques sont souvent précaires. Alors qu’enparallèle, la croissance des besoins et des moyens, y comprisdans les pays en voie de développement pousse à développerencore et encore la construction et le déploiement de supply-chain nouvelles.

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Les défis sont nombreux :- Réduire significativement les transports à vide- Augmenter le taux de remplissage moyen des volumes de

transport- Optimiser la gestion des stocks en réduisant le temps

d’attente et la quantité de SKU- Réduire les déchets liés aux emballages et à la surproduc-

tion- Définir la dimension économique d’un lot (de l’unité au

conteneur)

Comment l’acheteur pourrait-il considérer que ces défis nele concernent pas et que les changements en cours neseraient qu’un épiphénomène sans conséquence sur sonquotidien ?

L’Internet Physique

C’est un système logistique global hyperconnecté (*) permettant un partage homogènedes actifs et la consolidation des flux.

Le π concerne les entités physiques, tout au long de leur cyclede vie. Les activités impactées sont la conception, lafabrication (incluant le recyclage), le transport, ledéploiement des biens (distribution et vente), l’usage des

produits et la gestion de la supply-chain.

L’objectif du π est d’améliorer d’un ordre de grandeur l’effi-cacité économique, environnementale et sociale de la façonde laquelle les objets physiques sont déplacés, déployés,conçus, fournis et utilisés.

À cet objectif général sont associés des indicateurs :- La distance parcourue : sait-on par exemple qu’une balle de

tennis utilisée à Wimbledon a conduit à 80000 km detransports de matière, de semi finis jusqu’à son usage parDjokovic et consort ?

- Le taux de remplissage : près d’un conteneur sur deuxvoyage à vide, de même que les camions qui voient leurvolume de fret en moyenne à 35 % du maximum possible.

- Les stocks, rendus nécessaires par le souci d’offrir un tauxde service maximum au client conduisent à des coûtssouvent exorbitants.

- Et que dire du coût des emballages, des transports

combinés (un vêtement produit en Chine arrive côte ouestdu Canada, traverse le continent en train, avant de prendreun autre bateau, pour faire étape à Bruxelles, avant depasser par Paris pour finalement arriver chez la cliente à

Grenoble), des colis perdus, ou simplement égarés ?

De nombreux travaux théoriques de modélisation sont encours pour déterminer les règles heuristiques permettantd’optimiser les réseaux de distribution. C’est le problème des

sept ponts de Königsberg d’Euler à la puissance 10 !

(*) Un système est dit interconnecté quand ses composants(agents, parties prenantes, objets,…) sont intensivementinterconnectés à de multiples niveaux, sans limite de temps

ni d’espace.

Les niveaux d’interconnexion comprennent les aspectsdigitaux, physiques, opérationnels, commerciaux, légaux et

interpersonnels.

Ces travaux ne se limitent pas à des cogitations de chercheursen mal de problématiques théoriques. Carrefour et Casino sesont penchés sur la question des transports produits parleurs cent plus importants fournisseurs (voir carte page

suivante).

Dans un contexte où la guerre des prix menée par la grandedistribution atteint ses limites (cf Le Figaro Economie du09/10/15), de toute évidence, la question du réseau de four-

nisseurs devient centrale.

Le déploiement du πLe système logistique inter connecté, basé sur une interconnectivité universelle, physique, numérique, opéra-tionnelle, commerciale et légale, est mis en œuvre grâce àdes protocoles ouverts et standardisés relatifs au packaging,aux interfaces, aux certifications et au pilotage global,permettant ainsi l’émergence d’un web logistique efficace,

durable, adaptable et résilient.

Un premier outil est le π – conteneur ou π – box. Il s’agit d’un

boîtier de transport :- Facile à manipuler, à stocker et à transporter : robuste,

fiable, nettoyable, mécaniquement interconnectable

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(comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour certainespalettes), ouvrable et refermable plusieurs fois, condi-

tionnable (température, humidité, poussières)- Intelligent et connecté : unitairement indentifiable,

communicant, disposant d’une mémoire, et d’une capacité

d’intelligence- Ecologique : léger, peu épais, réutilisable, recyclable, doté

d’une empreinte au sol minimale- Les premiers exemplaires ont été montrés en Juillet 2015,

à la conférence IPIC et sont le résultat d’un travail collabo-ratif supporté par la Commission Européenne (Projet

Modulushca).

La π – box devient un volume élémentaire de transport,fraction entière des volumes habituels des palettes ou desconteneurs. Autrement dit, il est possible d’empiler ces π -boxes sans perdre de volume. La standardisation va alorsjusqu’au volume des pièces élémentaires à transporter

devant lui aussi être une fraction entière de la π – box.

Ceci n’est pas sans poser d’ailleurs des problèmes mathéma-tiques pas simples du tout, apparentés au jeu de taquin,justifiés par la nécessité de pouvoir charger et viderrapidement un conteneur dont le contenu de π – boxes aura

de multiples origines et de multiples destinations.

Source : Conférence introductive de B Montreuil à l’IPIC 2015

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De toute évidence, les designers, les concepteurs et lescommerciaux vont devoir se préoccuper des conséquencesde cette standardisation. Mais les acheteurs ne sont pasépargnés. Que faudra-t-il privilégier : le taux de remplissagedu conteneur ou la conception élémentaire des pièces et deleur emballage respectif ? Faudra-t-il se limiter à un strictcalcul économique ou bien faudra-t-il étendre la réflexionjusqu’à la politique produit ?

Vers un transport hyper connecté

Le π va plus loin. Il s’agit de déployer drastiquement lesconcepts développés par Uber, AirBandB ou Blablacarpour démultiplier à l’infini les modes de transport. Ainsichaque individu qui se déplace représente un trans-porteur potentiel, et contre rémunération pourra faciliterl’acheminement de biens et de marchandises, d’unendroit à un autre, grâce à un réseau dense de hubsouverts et en recourant massivement aux applicationsmobiles en temps réel. Mais alors, si jusqu’à présent lefournisseur livrait par transporteur et si les conditionsafférentes (coûts, assurance, transfert de propriété,…)étaient le résultat d’une négociation contractuelle, queva-t-il en devenir quand le transporteur sera pardéfinition inconnu et identifié seulement en dernièreminute ? L’acheteur devra-t-il sacrifier la réactivité sur

l’hôtel de la sécurité ?

La multiplication des hubs va semer le trouble dans la visionde la supply-chain, jusqu’alors base de la réflexion del’acheteur. Qui est le fournisseur, in fine ? Est-ce celui quipermet une interconnexion généralisée, réduisant lesrisques de rupture et de facto les niveaux de stockage, oubien est-ce toujours le fabricant du bien ?

Vers une production dématérialisée et hyper connectée

Le π poursuit le raisonnement jusqu’au bout. Il est infinimentplus facile de transporter et stocker des données que demouvoir et conserver des entités physiques. Alors pourquoiproduire si loin du consommateur ? C’est bien le raison-nement effectué par UPS présenté en introduction de cetarticle. Il s’agit d’exploiter au maximum les techniques dedématérialisation afin de produire au plus près du pointd’usage.À ce titre, l’impression 3D devient un exemple emblématiquede cette conception. Mais elle n’est pas la seule. Leprogramme F3 de la commission européenne, consacré à lachimie, a démontré la faisabilité et l’intérêt d’unités de

production mobiles. Mais dans ce cas, l’acheteur quimaîtrisait un circuit d’approvisionnement de matièrespremières va devoir se former à l’achat de services deproduction. Ce qui n’a rien à voir !

Il en va jusqu’à l’organisation des opérations dans les usinesqui va devoir être remise en cause. L’optimisation desréseaux conduit à une sorte de désintégration verticale,multipliant les centres d’assemblage au plus près des zonesde consommation. La supply-chain devient décentralisée,résiliente, agile mais diffuse. Comment l’acheteur va-t-ilévoluer dans cette géographie mouvante ? Faudra-t-il parexemple recourir massivement au knowledge mapping ? Etde fait former les acheteurs à des modes de raisonnement etd’analyse jusqu’alors réservés aux stratèges de haut niveau ?

Vers des villes hyper connectéesConsidérer que l’environnement urbain n’impacte in fine quele citoyen qui y réside et s’y déplace est une erreur. ParodiantAlphonse Allais il suffirait alors de placer les usines, lesentrepôts et plus généralement les lieux de création devaleur à la campagne pour éviter le problème de la logistiqueurbaine. C’est évidemment un non-sens, et la question dudéplacement des biens et des personnes en ville (ce quiconcerne et concernera dans le futur une immense majoritéde la population) impacte et impactera définitivement la viedes entreprises. Ceci signifie, dans la vision du π� que deséléments familiers de la vie citadine vont devenir part de lasupply-chain. Le tram, le métro, et plus généralement lestransports en commun seront des vecteurs de transport. Maisqui sera l’acteur, la partie prenante, interlocuteur del’acheteur quand il s’agira d’acheter une prestation detransport ?

Si des hubs, autrement dit des zones de stockage mutualiséeset ouvertes, permettent de fluidifier le trafic des biens, pourtout consommateur et pour toute entreprise, qu’en sera-t-ildes comportements concurrentiels ? Si le réseau se banalise,si l’infrastructure s’universalise, quel avantage concurrentiell’acheteur pourra-t-il identifier afin d’apporter de la valeur àson entreprise ?

Quatre Internet structurant le mondeLe monde s’annonce non pas compliqué mais complexe. Avecdes interconnexions multiples entre quatre Internet distincts

mais inséparables, comme le montre le schéma ci-dessus.:L’acheteur, maîtrisant l’amont de l’entreprise, comme lecommerçant le fait pour l’aval, doit évoluer dans un monde

de plus en plus complexe.

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Les achats et l’Internet Physique

Tout au long de cet article, des questions de fond sontapparues quant au rôle, aux activités, à la mission même des

acheteurs de demain.

Les anciens ont connu, il n’y pas si longtemps, un mondeatomisé, caractérisé par la fragmentation des opérations, desdélais de livraison souvent sans conséquence, des tailles de

lots significatives et des stocks pachydermiques.

L’intégration a conduit à la mise en œuvre du «  Just-In-Time  », des EDI (Echanges de Données Informatisées), del’ECR («  Excellent Customer Response  »), du LeanManagement, de centres de distribution dédiés et d’unesupply-chain gérée de façon globale («  end to end supply-

chain »).

L’histoire s’accélère avec l’avènement du collaboratif dontchacun connaît la difficulté de la mise en œuvre (le tempsest nécessaire pour l’émergence de la confiance) et la relativeinaptitude à l’adaptation rapide, autrement dit à l’agilité, bienque la valeur ajoutée de ce mode opératoire soit une

évidence mais aussi peu généralisable.

Il y a fort à parier que tout ceci va être battu en brècherapidement (les spécialistes du π annoncent un déploiementmassif sous cinq ans !) avec le monde hyper connecté du π,la domination d’un web logistique maîtrisant les échanges,imposant des partages d’actifs, des systèmes ouverts et

partagés, des plateformes de co-opération, apportant

efficacité, durabilité, résilience et agilité.

Car finalement n’est-ce pas d’agilité qu’il s’agit ? Dans unmonde en mutation permanente, tout près de la révolutionreprésentée par le π, l’acheteur se devra d’augmenter signi-

ficativement sa part d’agilité.- L’agilité conceptuelle tout d’abord, qui permettra une

approche holistique de la supply-chain de demain et une

anticipation de ses mouvements structurels internes.- L’agilité opérationnelle ensuite, qui satisfera les exigences

de réactivité sans cesse plus prégnantes, en identifiant àtout moment, la meilleure solution pour satisfaire une

clientèle exigeante, mouvante et volatile.- L’agilité organisationnelle enfin, qui ouvrira à l’acheteur un

espace décisionnel inattendu tant le champ de ses inter-ventions s’étendra à la quasi-totalité des dimensions de

l’entreprise.

L’acheteur est aux premières loges du monde, car il l’observeet l’analyse en permanence. L’acheteur est un moteur de laréactivité, aux antipodes d’un conservatisme pseudoprotecteur. L’acheteur est un acteur de l’innovation dans les

entreprises, au niveau produits et organisationnel.Le π représente ainsi un formidable challenge pour lacommunauté des achats. Plutôt que de subir une révolutionvenue d’ailleurs, ne serait-il pas heureux que les acheteursprennent leur part dans le destin des supply-chain dedemain ? n

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En bon acheteur, commençons par remettre les enjeux etles gains potentiels en perspective.

Le π, selon l’article de Pierre Paul Jobert, prometd’améliorer d’un ordre de grandeur l’efficacité économique,environnementale et sociale de la façon de laquelle lesobjets physiques sont déplacés, déployés, conçus, fourniset utilisés.

À ce jour, la logistique représente 5 à 15 % du coût d’unproduit livré selon les secteurs (source BIPE). La moitié dece coût est du transport, le reste sont l’entreposage et lamanutention. De plus, le coût relatif de cette logistiqueaugmente, irrémédiablement, avec le coût complet del’énergie fossile. Pour un industriel, selon son activité, 1point de gain sur le coût de la logistique peut représenterjusqu’à 1/3 de point de marge. Ce n’est donc pasnégligeable.

Il me vient immédiatement une question : le π est-il adaptéà tous les types de flux, à tous les types d’achats ? Peut-onenvisager d’acheminer les matières premières ou desproduits semi-finis vers une usine au travers le π ? Qu’enest-il des achats indirects ? Et pourquoi pas les expéditionsvers les clients ?

Quitter le monde des impulsions électriques de l’InternetDigital pour transposer les concepts dans le mode physiquen’est pas sans poser des problèmes. J’identifie deux défismajeurs pour les acheteurs : La garantie des délais et lanon-universalité des produits transportés.

Le premier est que, à l’image de l’Internet Digital où lavitesse de transmission des informations n’est passtrictement garantie, les délais de livraison me semblentdifficiles à garantir dans le π. Par sa conception, Internet -comme son ancêtre ArpaNet - privilégie la résilience, audétriment de tout le reste. Nous payons encore aujourd’hui,plus de 50 ans plus tard, cette tare de naissance.

Or l’émergence du métier d’acheteur est venue de lanécessité de sécuriser les approvisionnements. En effet,une rupture d’approvisionnement coûte très cher à unindustriel : une perte de potentiel de son outil deproduction, associée à une perte de chiffre d’affaires, sanscompter l’insatisfaction de son client avec les conséquencesque cela peut avoir, y compris directement financières(pénalités).

Bien entendu, la sécurité a un prix. Afin d’éviter lesruptures d’approvisionnement, l’industriel va stocker des

LE POINT DE VUE D’UN PRATICIENSUR L’ARTICLE

L’idée de l’internet physique, le π, cette supply-chain à l’image de l’internet, résiliente,

auto-adaptative, capable de trouver seule et à chaque étape le meilleur (il reste à définir ce qu’est

meilleur) chemin pour déplacer de la matière d’un point A à un point B est séduisante. Si, en plus

c’est moins cher, plus écologique et plus participatif, allons-y !

BRUNO CRACCO

Bruno Cracco est Managing Partner chez Bengs, cabinet de conseil en stratégie, enmanagement et en innovation. Il accompagne depuis de nombreuses années les entreprisesdans leurs projets de transformation, à la recherche de performance ou d’innovation,notamment par les achats. email : [email protected]

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produits et matières en amont de son outil de productionet mettre en place des contrats avec ses fournisseurs pourqu’ils s’engagent sur des délais de livraison, réduisant sespropres stocks et le coût que cela induit. C’est afin de ne paslaisser ces coûts exploser, que la sainte trinité desacheteurs a été inventée : le rapport Qualité / Coût / Délai,arbitrage entre ces trois variables, antagonistes.

Sur le principe, l’internet physique peut fonctionner pourles flux de matières premières, une fois relevés les défistechniques d’interopérabilité des moyens de condition-nement, de manutention et de transports, ainsi que lasynchronisation des flux physiques avec les flux d’informa-tions. Défis évoqués dans l’article de Pierre Paul Jobert. Eneffet, à qualité équivalente, les matières premières sontinterchangeables et un re-routage de dernière minute estenvisageable. La standardisation des conditionnements esthabituelle. La Pi-box ne constitue alors qu’un nouveauconditionnement, pour lequel il faudra toutefois adapterl’infrastructure de manutention, de routage et de transport,et la rendre plus connectée – et c’est là le plus grosinvestissement - pour en réaliser la promesse d’agilité.

Dans le domaine des matières premières, l’acheteur agit entraders, jouant sur les leviers tels que la maîtrise desinducteurs d’évolutions des cours, l’anticipation desvariations, et les mécanismes de couverture associés. Sonrôle n’évoluerait pas vraiment avec l’avènement du π, tantqu’il pourrait obtenir la garantie de ne pas affamer sonusine. Peut-être pourra t’il opérer sur un plus grand nombrede lots, plus petits (des Pi-box), plus proches du lieu deconsommation et ainsi saisir des opportunités. Cela ouvreune perspective intéressante de business : Un systèmed’enchères électronique en temps réel pour l’acquisition deces lots à « portée de la main », pouvant être opéré par unpure-player, le producteur, un groupement de producteur,voire un groupement d’acheteurs. En filant la métaphorede l’Internet Digital, une mécanique de streaming depuisle producteur vers le consommateur pourrait être mise enplace, avec une visibilité totale sur l’ensemble des massesen mouvement.

Attention cependant au coût total réel des produitsacheminés par une logistique autogérée, dont les délais nesont pas nécessairement maîtrisés de bout en bout. Le stocken mouvement appartient à quelqu’un qui le finance. Soitle producteur qui, s’il est avisé, en fait supporter le coût àson client dans son prix de vente, soit le client qui enassume le coût, comme celui d’un stock à côté de son usine.Sans toutefois en avoir les avantages en termes de sécuritéd’approvisionnement.

Le second défi est que, en dehors des matières premièreset quelques commodités, les produits transportés sontuniques, au sens où ils ne sont pas interchangeables.L’Internet Digital propage des signaux électriques qui sontpar essence universels. Or les produis qui constituent lesflux commerciaux ont été fabriqués par un producteur, avecun niveau de qualité défini, voire un cahier des chargesspécifiques pour le client, dans une installation spécifique,et doivent être livrés au client.

Pour un acheteur de produits finis ou semi-finis, entrantdans la production, on peut donc anticiper un gros défi,probablement impossible à relever, pour tirer parti dupotentiel du π. Ce défi consisterait en une transformationde l’outil de production pour l’adapter à des aléas de miseà disposition des produits.

S’il me semble compliqué de renoncer à l’assurance d’unedate de mise à disposition pour les achats directs, denombreux autres achats, notamment les achats indirects,s’en accommoderont sans trop de difficulté. De plus, lesachats de commodités sont ceux dont la proportion detransport dans le coût complet est la plus élevée. Ilconviendra alors d’intégrer ce mode de transport dans lespolitiques d’achats, de proposer au demandeur d’y avoirrecours si le délai ne constitue par un enjeu pour lui,profitant alors d’un coût réduit, d’une empreinte écologiqueplus maîtrisée et des externalités positives de l’économiecollaborative. n

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HuguesPoissonnier,Président du Comité Scientifique /Editorial Board

PRÉSENTATION DES THÈSES PROFESSIONNELLES

Amel Karimi, qui a réalisé sa thèse dans le cadred’un parcours achat à l’Université de Versailles Saint-Quentin, s’est intéressée au contexte particulierqu’est celui d’une ETI souhaitant progresser dans lemanagement de la relation fournisseur (SRM). Lesconclusions, tout en intégrant les spécificités de l’ETI,diffèrent finalement peu de celles qui concerneraientdes entreprises de taille différente : la constitutiond’un véritable avantage concurrentiel reposelargement sur le développement de la capacitécollaborative des parties.

Pascal Kempf a focalisé sont travail, réalisé dans lecadre du MAI de Kedge Business School, sur laquestion centrale de la gouvernance associée à lagestion des ressources externes. Le nom desentreprises externes, les critères de la relation avecces dernières, le type de relation, les aptitudesnécessaires à la direction achats pour évoluer etnature des ressources externalisables apparaissentcomme les éléments clés de la gouvernance àmettre en œuvre.

Enfin, Pierre Beylard, qui a lui aussi réalisé sontravail de recherche au sein du MAI de KedgeBusiness School, s’est penché sur les rôles etimpacts des outils d’E-Purchasing sur lemanagement des relations fournisseurs, mettant enavant la valeur ajoutée de l’E-Purchasing sousréserve du respect de certaines étapes.

En vous souhaitant une lecture stimulante de cestravaux,

Hugues Poissonnier

1 Lorenzoni G. & Lipparini A. (1999), The leveraging of interfirm relationships as a distinctive organizational capability: a longitudinalstudy, Strategic Management Journal, n° 20, p. 317-338.

2 Dyer J.H., Singh H. (1998), The relational view: Cooperative strategy and sources of interorganizational competitive advantage, Academyof Management Review, vol. 23, p. 660-679.

L’un des principaux leviers de développement del’agilité d’une organisation s’appuie sur les relationsque cette organisation est capable de développeravec ses partenaires et en particulier avec ses four-nisseurs. Ces relations renforcent l’agilité reposantsur la collaboration. Elles nécessitent, dans le mêmetemps, de développer une véritable « agilité relation-nelle ». Cette dernière ne va pas de soi. Ellenécessite une démarche proactive et volontariste envue de renforcer ce que Lorenzoni et Lipparini (1999)ont qualifié de capacité relationnelle1. Un peu plustôt, Dyer et Singh (1998) n’avaient pas hésité àintroduire dans la théorie des ressources unebranche s’intéressant explicitement au rôle de lacompétence relationnelle2 des firmes dans larecherche de l’avantage concurrentiel. Dans lapratique, les années récentes permettent deconstater un intérêt grandissant, et enfin à la mesuredes retombées associées, pour ces savoir-faire dansla gestion des ressources externes que constituentles fournisseurs et leurs compétences distinctives.C’est précisément ce dont témoignent les thèsesprofessionnelles présentées dans ce numéro.

Samira Tmassouli, qui a réalisé sa thèse profession-nelle dans le cadre du Master DESMA de l’IAE deGrenoble, s’est intéressée aux approches possibleslors de l’achat de solutions. Les interactions entreclient et fournisseur ont vocation, selon elle, àrenforcer d’une part la « capacité d’insémination » dufournisseur et d’autre part la « capacité d’absorption »du client. Chacun a donc un rôle essentiel, et complé-mentaire à celui du partenaire, à jouer : l’agilité doitêtre à l’œuvre chez le fournisseur, chez son client etau sein même de la relation entre les deux.

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Si la littérature portant sur les offres de solution est bienriche, des articles qui traitent explicitement de solutions sontintrouvables dans la littérature spécialisée en achats. Alorscomment appréhender l’achat de solution dans un contextede complexification technologique ? Quelle conceptualisationde l’achat de solution, au-delà de la description simpliste quiréduit une solution à une combinaison de produits etservices ?Notre démarche a commencé par une tentative de conceptu-alisation de ce qu’est une situation d’achats de solutions.

La conception de solutions part de l’analyse d’unproblème client, et aboutit à l’identification desproduits et services nécessaires pour atteindrele résultat souhaité par ce client.

Un fournisseur de solutions doit développer des capacités

organisationnelles lui permettant de relier une partie back-end de son organisation centrée sur les produits, à un frontend centré sur les solutions et donc sur les besoins de sesclients (Foote et al., 2001).

Un fournisseur de solution met en œuvre sa capacité d’in-sémination qui consiste en la compétence à adapter le besoinperçu aux capacités qu’il est capable de mobiliser pour yrépondre (Imbert et Chauvet, 2013). De son côté, le client doitmobiliser sa capacité d’absorption c’est-à-dire à valoriser aumieux dans son offre finale la solution offerte par lefournisseur. Les deux parties engagées dans une relationavec une ambition commune d’innovation, doivent s’adapterl’une à l’autre et ajuster leurs échanges de savoirs et connais-sances. Nous avons modélisé l’échange de solution dans lafigure ci-après :

L’ACHAT DE SOLUTIONS:QUELLE APPROCHE?L’offre s’est organisée depuis quelques décennies pour inverser le courant de la

commoditisation. Ce contrecourant baptisé « servitisation de l’économie », a permis

une montée en valeur et une personnalisation des échanges entre clients et

fournisseurs. En cause et conséquence, les produits se complexifient et embarquent

de plus en plus de technologies de domaines divers, nécessitant un spectre de

connaissances et de compétences très large. Dans ce contexte économique dominé

par l’innovation et la connaissance, on échange plus que des produits et services, on

échange des solutions globales.

SAM IRA TMASS OULI

Cette thèse professionnelle a été réalisée dans le cadre du Master DESMA de l’IAE de Grenoble enformation continue 2014/2015. Samira TMASSOULI a effectué sa thèse sous la direction de RichardCALVI.

Contact : samira.tmassouli @gmail.com

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Plus une organisation s’expose à diverses sources de savoirs extérieurs, plus elle développe cette capacité d’absorption. Ainsi,une entreprise qui a l’habitude d’acheter des solutions et d’intégrer un savoir externe à son organisation, a plus de chance deréussir son achat et d’en tirer le bénéfice maximum.

Comment qualifier le contenu d’une solution?

Il s’agit dans un premier temps de définir l’ensemble des besoins à adresser. La définition des besoins est un processus dyadiqueoù le fournisseur est activement impliqué. Ensuite le fournisseur proposera des produits et services afin de couvrir ces besoins.Levitt a défini en 1980 un produit total encapsulant quatre niveaux de produits :

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Client et fournisseur listent exhaustivement les besoins àadresser pour arriver au résultat souhaité. Ces besoins sonthiérarchisés par rapport à la valeur d’usage que le client peuten tirer, peu importe qu’ils soient basiques, latents ou futurs.Une solution est donc l’ensemble de produit(s) et/ouservice(s) que le fournisseur intègre et customise afin decouvrir un ensemble de besoins valorisés par le client parmitous les besoins co-définis.

Comment gérer l’achat de solutions?

Nous avons conduit des interviews semi-ouvertes pour quenos interlocuteurs puissent nous relater librement leursvisions et expériences.Le panel comprend quatre entreprises de profils différentsqui sont : Schneider Electric, Orange Business Services,Groupe Somfy et CLAAS Tractor. L’examen des paternesressortant des interviews nous permet de proposer desrecommandations par rapport aux thèmes abordés. Nousavons demandé à nos interlocuteurs de choisir un cas d’achatde solution afin de servir de socle à nos entretiens.

Nous avons abordé entre autres, le choix du fournisseur, ladéfinition des besoins et la gestion de la relation fournisseur.

La sélection du fournisseur de solution:

La sélection du fournisseur intervient avant la définition ducontenu de la solution. Les critères de sélection sont alorsrelatifs. Deux points ressortent de nos interviews, auxquelsil convient de porter une grande attention : la description ducontexte d’usage et la signalisation.

La signalisation qui est la démonstration par le fournisseurde ses capacités, son expérience, ses références et sonengagement, vise à rassurer l’acheteur et diminuer le risquequ’il perçoit pour l’achat de solution. En effet, l’acheteursollicite lors de l’achat d’une solution, l’expertise et le conseildu fournisseur au-delà de la livraison de produits et services.

Si le fournisseur possède l’expertise pour concevoir lasolution, c’est l’acheteur qui connaît le mieux son contexte etles contraintes son métier. Le client doit alors prendre soin

Nous pouvons lister quatre types de besoins à partir des travaux de Levitt :

Type du besoin Description Correspondance avec le modèle de Levitt (1980)

Les besoins basiquesexprimés

Ils sont clairement exprimés par le client. Ils sont comblés par le produit attendu (Unclient ne sera jamais satisfait par le seulproduit générique)

Les besoins basiquesimplicites 

Ils ne sont pas exprimés par le clientmais sont essentiels à satisfaire. S’ils nesont pas adressés par le fournisseur, leclient sera très insatisfait et jugera lafourniture non conforme à ses attentes.

Ils sont satisfaits par le produit attendu

Les besoins latents 

Ils sont révélés par le fournisseur via unquestionnement, le client n’en est pasconscient et de ce fait ne peut lesexprimer. La couverture de ces besoinsest souhaitable.

Ils sont satisfaits par le produit augmenté

Les besoins futurs Les entreprises évoluent dans un environnement de plus en plus versatile,leurs besoins évoluent.

Ils sont satisfaits par le produit potentiel

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de décrire le contexte global d’usage à son fournisseur. Cettedescription doit être la plus précise et détaillée possible pourpermettre au fournisseur de se positionner correctement parrapport au projet. Plus l’asymétrie des expertises du client etdu fournisseur est importante, plus la description du contextedoit être détaillée.

Co-construire les spécifications:

La co-construction des spécifications de la solution estessentielle. Même si le client ne possède pas de connais-sances au sujet de la solution elle-même, elle est destinéeà son environnement. La solution doit s’adapter au contextedu client, mais il doit lui aussi anticiper des adaptations deson environnement (formation de personnel, sollicitationde différents départements, etc.) et ses interfaces à lasolution.

Gérer la relation fournisseur:

La proximité est un point clé de l’achat de solution au vu desinteractions intensives requises pour cet échange. Les partiesdoivent aligner leurs enjeux pour la durée de la collaborationpour garantir l’engagement commun d’atteinte du résultatsouhaité par le client. Ces enjeux peuvent être de diversesnatures : stratégiques, budgétaires, etc.

Compte tenu de l’incertitude intrinsèque à l’achat de solution,qui perdure jusqu’à la détermination des produits et servicesqui couvrent les besoins définis avec le fournisseur, lagestion du risque est un point à surveiller. La prévention dece risque se fait par l’attention portée à la signalisation et àla définition du contexte. Pour le suivi des risques tout aulong du projet, l’acheteur doit trouver l’équilibre entre ledegré de confiance qu’il a en son fournisseur et les points decontrôle qu’il met en place. Cet équilibre doit permettre dene pas entraver le processus de création dyadique tout enmaîtrisant les délais, budgets, etc. n

Bibliographie

Foote, N. W., Galbraith, J. R., Hope, Q. and Miller, D. (2001), «Making solutions the answer», The McKinsey Quarterly, Vol. 3, pp.84-97.Imbert, G., Chauvet, V. (2013), “The role of KIBS in the clients’ knowledge absorption process in the case of explorationinnovation”, I3 1st Interdisciplinary Innovation Conference.Levitt, Theodore (1980), “Marketing Success Through Differentiation of Anything,” Harvard Business Review,58 (January–February), pp. 83-91.

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Descriptif du contexte

Assembleur et fabricant «  à la contremarque  », la part desachats de matières premières et composants de l’entrepriseFournier représente 64 % du CA. Ses fournisseurs ont doncun impact majeur sur sa rentabilité, sur sa capacité d’inno-vation et par conséquent sur sa performance globale.

Fournier envisageait de mettre en place une plateformecollaborative (outils e-achats) afin de développer desrelations privilégiées avec ses fournisseurs stratégiques pourcapter leur innovation en priorité, améliorer la qualité deleurs produits, réduire le time to market… Cette visionréductrice du SRM a nécessité une prise de conscience pourdémontrer qu’il était nécessaire de considérer l’entreprisecomme « étendue » afin d’apprendre à manager la relationfournisseur de manière à créer de la valeur… et non pas selimiter à un outil d’échange informatique.

Comprendre le concept de SRM

J’ai débuté ma mission par des recherches théoriques sur lesujet (figure 1) et fini par aboutir à cette définition. Le SRMest un «  processus qui définit les relations à mettre enœuvre entre une entreprise et ses fournisseurs ». Rémy LeMoigne (2013)Son objectif principal étant de rationaliser et de rendre plusefficaces ces relations car les fournisseurs constituent l’actifimmatériel de l’entreprise qu’il faut apprendre à valoriser.C’est à la suite de constat que j’ai pris conscience (et l’entre-prise avec moi) du chemin qu’il restait à parcourir… L’objectifétait d’élaborer un SRM qui corresponde aux caractéristiquesde Fournier (ETI) en termes :- d’organisation,- de maturité achats,- de culture et de valeurs d’entreprise,- de vision stratégique.

AMÉLIORER LA PERFORMANCE ET CAPTER L’INNOVATION DESFOURNISSEURS PAR LEMANAGEMENT DE LA RELATIONFOURNISSEURS (SRM) : est-ce envisageable au sein d’une ETI ?

Cette mission a été réalisée au sein de la société Fournier avec comme maître

d’apprentissage Stéphane Roux. Fournier est une ETI familiale implantée dans le

bassin Annecien et qui fabrique et distribue des meubles (cuisines, salles de bain et

rangements) sur mesure. Ma dernière année d’alternance se clôturait sur une mission

à forts enjeux : la mise en place d’un SRM au sein de l’entreprise.

AMEL K AR I M I

Ce mémoire de fin d’études s’inscrit dans un parcours achat à l’Université de Versailles Saint-Quentin (UVSQ), dans le cadre du Master Management des Achats et de la Qualité Fournisseurssous la direction de Jean Potage et d’une soutenance (15/10/15) présidée par Mourad Attarça. email : [email protected]

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Les enjeux sont importants  vis-à-vis des fournisseursstratégiques pour :

- Optimiser leurs ressources,- Maintenir un niveau d’engagement fort en contrepartie d’un

niveau de performance aligné sur les attentes de Fournier,- Piloter le suivi de leurs performances et leurs donner de la

visibilité sur les besoins à venir.

In fine, cela transformera la Direction des Achats en véritable« Direction des Ressources Externes » !

Pour mettre en pratique ce concept en entreprise, je me suisappuyée sur les travaux de Mr Potage.

Deux modèles pour déployer le SRM en entreprise

Les modèles PRIME© (Purchasing Relationship IntegratedModel for Enterprises) et de maturité PIMM© (PurchasingIntegrated Maturity Model) se sont avérés être les meilleursalliés ! Ces outils pertinents m’ont permis de structurer et depiloter le projet SRM en interne :

Le modèle PRIME© (figure 2) m’a aidé à préciser lesinterfaces côté client et côté fournisseur via 6 couchesauxquelles correspond une typologie d’échanges client-four-nisseurs, des processus et des acteurs bien différenciés. Ilmodélise une relation client-fournisseurs aboutie pourtoutes les strates de l’entreprise, et ce, jusqu’à la DirectionGénérale. Le service Achats jouant le rôle de «  chefd’orchestre » dans la gestion des relations avec les fournis-seurs.

Le modèle PIMM© quant à lui m’a permis d’intégrer latotalité des contributeurs au processus achat : prescripteurs,management global de l’entreprise, et la fonction Achats. Cemodèle intègre des domaines clés (parties prenantes,métiers et moyens) qui font référence à des couches dumodèle PRIME© et au SRM d’une manière générale.

Je disposais alors d’une véritable feuille de route définissantles actions à mettre en place pour déployer le SRM. Pourpasser de ces modèles théoriques à la pratique, il me restaità déterminer le niveau de maturité des Achats de Fournierafin d’adapter le type de SRM à déployer. Pour cela, deuxétudes terrains ont été nécessaires.

Figure 1 Méthodologie de recherche et organisation du travail

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Les études menées en interne

J’ai focalisé mes études sur deux aspects importants de l’en-treprise :- l’analyse de la maturité du service Achats afin de s’assurer

que l’on prenait bien en compte l’alignement de la stratégieAchat à celle de la stratégie globale de l’entreprise et pourdéfinir sa maturité,

- l’analyse des typologies de relation client-fournisseursmises en œuvre par les acheteurs de matières avec leursfournisseurs clés.

Les résultats des études

Les résultats de l’analyse de la maturité Achats reflètentune vision de type «  classique  » soit une approche entermes de centre de coût et d’approvisionnement principa-lement. Les acheteurs se focalisent sur le traitement desdemandes d’achats. Il n’y a pas de relation de collaborationdéfinie avec les fournisseurs. La confiance est de même

assez limitée et on constate également un manque decommunication entre le DO et ses fournisseurs straté-giques. Néanmoins, les résultats ont également montré quele service Achats était fortement engagé dans unedémarche d’amélioration et que certains leviers d’achatsmatures avaient été enclenchés par la Direction tels quel’intervention des achats dans les décisions Make-or-Buyou la collaboration entre acheteurs et prescripteurs reliéeà l’innovation.

Toutefois, il faut d’abord maitriser la base avant de vouloirmaîtriser les plus grands niveaux de SRM. Compte tenu desrésultats des études, il m’a semblé logique de m’orientervers la mise en place d’un SRM de niveau de maturité 2« Compétitivité » (figure 3). Celui-ci faisant référence à desAchats effectués dans un environnement compétitif et doncà une appréciation de la performance fournisseurlargement centrée sur le classique triptyque Qualité, Coût,Délai (QCD).

Figure 2:Résumé de la description des trois types de SRM selon le modèle PRIME©

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De la théorie à la pratique

La mise en œuvre de ce SRM a inévitablement nécessité lasegmentation et la requalification de tout le panel fournis-seurs. Pour cela, plusieurs outils ont été utiles :- l’analyse de l’activité développée avec les fournisseurs,- l’analyse de la criticité des fournisseurs,- la segmentation de Kraljic (1983).

La structuration du portefeuille d’achat et l’analyse desmarchés fournisseurs aura permis de mettre en avant lesaxes stratégiques sur lesquels il fallait travailler en prioritéafin de mettre en œuvre la politique Achats et leManagement des Relations Fournisseurs (SRM) adaptés.

Enfin, la mise en place de certains livrables (CGA, EDI,Indicateurs Q, C, D intégrés dans l’ERP,…) auront servi àmaîtriser les exigences qui dominent dans le niveau«  Compétitivité  » du modèle PRIME©. Cela aura pourconséquence un suivi optimisé du panel fournisseurs et unmanagement de la relation fournisseur basé sur le principedu « gagnant-gagnant ».

Conclusion

Le modèle «  Compétitivité  » n’est que le second niveau dumodèle de maturité PIMM©. En poursuivant ces actionsétage par étage Fournier pourra prétendre au plus hautniveau de maturité SRM ce qui lui permettra par la suite defonctionner telle l’entreprise étendue et de bénéficier ainsid’avantages concurrentiels indéniables. À long terme, lastratégie sera forcément payante. Des études montrent queles entreprises qui ont fait de la relation avec leurs fournis-seurs un axe d’amélioration à long terme (exemple deToyota) créent davantage de valeur, et ce, même en périodede crise.

Néanmoins, le message clé est que les entreprises de toutestailles ont un réel besoin de développer et d’investir dans lesrelations avec leurs fournisseurs stratégiques dans le but departager ensemble des bénéfices communs et bien plusqu’un outil. Le SRM est avant tout un nouveau mode depensée à propos de la gestion de la relation fournisseurs qu’ilfaut apprendre à maîtriser avant de foncer tête baissée ! n

Figure 3Structuration en étages des Domaines Clés Métiers, Moyens et Parties Prenantes du modèle de maturité PIMM©

Sources

Le Moigne Rémy, (2013), Supply chain management - Achat, production, logistique, transport, vente, Paris, DunodPotage Jean, (2010), « Management de la Relation Client-Fournisseur avec un modèle intégré: PRIME© - Purchasing Rela-tionship Integrated Model for Enterprises », Revue de la Compagnie des Dirigeants et Acheteurs de France, n° 37, marsPotage Jean, (2010), « Un modèle de maturité achat intégré: PIMM© - Purchasing Integrated Maturity Model », Revue de laCompagnie des Dirigeants et Acheteurs de France, n° 40, septembre

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Le passage à une Gestion des Ressources Externes impliqueainsi des changements internes, à commencer par la relationavec les prescripteurs ou clients. Clients et achats doivent nonseulement continuer de sourcer ensemble, ils doivent aussitravailler ensuite main dans la main avec le fournisseur. Ducoup, les achats sont co-gestionnaires avec le client interneet donc co-responsables. Ils seront deux à être jugés pour leur

performance à gérer les ressources externes.

Proposition du triptyque des ressources

Nous avons envisagé le triptyque Humain/Technique/Financier car il nous semble refléter le meilleur compromisdans le choix des ressources. Cette proposition se trouve êtreconfirmée a posteriori par Quélin (2003) qui précise que l’ex-ternalisation est « un passage d’un mode de gestion interneà un mode de gestion externe des ressources […] qui s’ac-compagne d’un transfert des ressources (humaines,

techniques et financières) vers le prestataire ».

Proposition des éléments clés

d’une gouvernance

Les entreprises gèrent aujourd’hui de facto des ressourcesexternes au travers de l’externalisation, dans la plupart descas via une relation de sous-traitance au pire gérée par uncontrat «  arm’s length  » (affrontement) au mieux via unerelation collaborative. Le passage à une gestion desressources externes nécessite un changement de mentalitédans la relation acheteur/vendeur. Cette nouvelle relationdoit s’appuyer sur une nouvelle gouvernance. Mais sur quelséléments doit-elle reposer ?- Compte tenu des enjeux et des attentes des firmes,

comment appeler les entreprises externes ?- La confiance réciproque entre acheteur et vendeur, l’étab-

lissement de la légitimité de la fonction achats et l’engage-

ment sont-ils les seuls critères de cette relation ?- Quel type de relation doit être défini, sur la base du niveau

relationnel et de l’intérêt commun ?- De quelles aptitudes les directions achats doivent-elles se

DE LA GESTION DESACHATS A LA GESTION DESRESSOURCES EXTERNES:éléments clés d’une gouvernance

Avec l’externalisation, l’entreprise place chez un partenaire externe ce qui était fait

avant en interne. La firme va payer des personnes chez ce partenaire pour réaliser les

travaux faits jusqu’à présent par des salariés internes, sans doute au travers d’un

contrat de prestation. La nature des ressources de l’entreprise est transférée dans les

actifs des partenaires. Par conséquent, l’entreprise doit établir une stratégie lui

permettant de récupérer, sans avoir la certitude de réussir, l’avantage concurrentiel

issu des ressources externalisées.

PASCAL KEMPF

Responsable achats au sein de RNPO, Pascal Kempf a réalisé son mémoire dans le cadre du MAI deKedge BS en formation continue (2013/2014), sous la direction de Jean-Marc André. Pour plus d'information, contactez : [email protected]

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doter pour assurer la transition ?- Si l’entreprise se sépare de ressources, il sera important

d’identifier lesquelles elle décide d’externaliser en priorité ?

Revue de littérature

Nous parlons d’externalisation, des relations acheteur-vendeur, de la nature des ressources, et enfin de la natureclé et de l’élément fondamental relationnel des ressourceshumaine, technique et financière. Nous tentons aussi dedécrire l’importance qu’il faut apporter à la gestion(«  management  ») des ressources, et le lien que cesressources ont avec l’avantage concurrentiel de l’entreprise.

Méthodologie

Le sondage a été réalisé avec le concours de la CDAF Ile-de-France. Près de 200 directeurs achats membres de la CDAFIle de France ont été contactés. Près de 50 ont répondu auquestionnaire en ligne. Ce sondage s’est déroulé entre le 16septembre et le 3 novembre 2014.

Les interviews ont été faites auprès de dix directeurs achatsd’entreprises de secteurs d’activités différents, membres oupas du CAC 40, et de tailles variées, pour moitié avec uneffectif inférieur à 100  000 personnes. Pour la plupart, lesinterviews se sont déroulées par téléphone. Elles ont étécomplétées par l’interview d’un professionnel durecrutement qui intervient régulièrement sur les questionsachats et dont les réponses seront utilisées dans la

conclusion.

Tableau 1 : Tableau de synthèse de la nature clé et del’élément fondamental de la relation

Conclusion

La fonction achats semble persuadée qu’elle est capable dese transformer et d’évoluer vers une fonction dite de Gestiondes Ressources Externes. Ceci étant, il sera important dejuger la proportion de personnes de ces directions achatscapable de se transformer. Kourim (2014) estime que« seulement 20 % des personnes d’une direction HA serontcapables de franchir ce pas. 20 % autres seront remplacés,et les 60 % restant migreront vers la supply chain  ». Etd’ajouter que « c’est la personnalité des hommes et femmesqui compte. Les compétences requises sont de l’ordre

comportemental et managerial ».

1#Premier élément clé d’une gouvernance, le nom desentreprises externes. En majorité, le nom de

Partenaire arrive en tête, sur une liste de quatre noms(Fournisseur, Partenaire, Associé et relation). Mais être oudevenir Partenaire ne se décrète par du jour au lendemain.Pour Kourim (2014) «  tous les fournisseurs ne peuventprétendre à intégrer le cercle de la gestion des ressourcesintégrées. D’un côté il y aura les partenaires, de l’autre […]

des sous-traitants ».

2#Deuxième élément clé, les critères de la relation avecles entreprises externes. Sur une liste de sept critères

(Engagement, Interdépendance, Confiance, Coopération,Performance, Pouvoir, Légitimité), Performance, Confiance,Coopération et Engagement sont jugés majoritairement. Il fautajouter à ce choix un élément subjectif, dont la notion estapprochée par Baudry (1992) dans le parallèle entre salarié etprestataire : Kourim (2014) juge que cet élément est l’Affinitécar il faut qu’il y ait un « fit » entre l’entreprise et le partenaire,au même titre qu’il faut une affinité entre l’entreprise et lesalarié. Pour s’en assurer, « il faut faire un diagnostic,  il fautjuger les partenaires comme il faut juger un salarié ».

3#Troisième élément clé, le type de relation. Sanssurprise, le niveau de relationnel et d’intérêt

commun retenu est celui de Fort. Kourim (2014) estime quela question à se poser est de savoir «  ce qui fait naître cerelationnel  » sans doute plus que de connaître son niveau.Qui plus est, quelle en est la motivation. Pour ce qui est del’intérêt commun, « il faut une fusion [et] il faut que la fusion

soit commune, que les valeurs soient communes ».

4#Quatrième élément clé, les aptitudes nécessaires àune direction achats pour évoluer. Sur les quatre

propositions (Définition de la stratégie, Gestion de projet,Orientation «Business partner» et Vision holistique),

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Définition de la stratégie et Orientation « Business partner »sont choisis en priorité. Kourim (2014) considère que«  l’aptitude principale est une aptitude collective  » où ladirection des achats se comporte «  à la fois comme desvendeurs et des acheteurs  » et est «  ancré dans un mode

projet, voire collaboratif ».

5#Enfin, pour ce qui est des ressources externalisablesen priorité, Humaine, Physique et Financière

arrivent en tête (sur un choix de cinq ressource : Humaine,

Physique, Technique, Organisationnelle et Financière).

Avantage concurrentiel et stratégie

pour y parvenir

Quand l’entreprise se sépare de ressources pour les confierà un partenaire externe, elle risque de devenir une«  entreprise creuse  ». L’avantage concurrentiel desentreprises doit être au centre des préoccupations. Unegouvernance est primordiale pour bénéficier de cet avantage

concurrentiel dont la nature reste à définir.Nous avons pu voir au travers des interviews que l’Innovation

est la nature principale de l’avantage concurrentielrecherchée par les entreprises, et que la stratégie decertaines des firmes pour y parvenir reposait sur Partenaire/ Confiance ou Engagement / Relationnel fort et intérêt

commun fort / Business partner.

Prolongement

Cette gouvernance a été proposée dans l’optique de lagestion des ressources externes, c’est-à-dire dans le cas oùdes ressources gérées en internes ont été transférées à

l’externe.Il serait intéressant de pouvoir étudier si cette gouvernanceet ses éléments clés viendraient à changer si le cadre de lagestion des ressources se portait sur la recherche denouvelles expertises (ou l’accès aux ressources autres quecelles externalisées) ou encore sur l’échange de ressources

entre vendeurs et acheteurs (Baxter, 2012).La mise en application des éléments clés de cettegouvernance pourra faire l’objet d’une « phase 2 », sorte desuite à ce mémoire, et ce grâce à la contribution de certains

directeurs achats interviewés. n

Tableau 2 : Tableau des réponses des interviews

Bibliographie

BAUDRY B. (1992). Contrat, autorité et confiance. La relation de sous-traitance est-elle assimilable à la relation emploi? Revueéconomique. Volume 43, N°5, p 871-894.BAXTER R. (2012). Availability of Resources through Buyer–Seller Relationships, Business-to-Business Marketing Management:Strategies, Cases, and Solutions (Advances in Business Marketing and Purchasing, Volume 18) Emerald Group PublishingLimited, Chapter 5, pp.119 – 140.KOURIM N. (2014). Interview. Octobre.QUELIN B. (2003). Externalisation stratégique et partenariat: de la firme patrimoniale à la firme contractuelle? Revue françaisede gestion. Vol. 2 N° 143 p 13-26

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L’évolution de la fonction Achats est connue : elle a débutépar un rôle d’approvisionnement en matières premières(HENDERSON, 1964) sans réelle portée stratégique. Puis ellea doucement évolué grâce aux crises pétrolières vers un rôle« d’animateur du réseau fournisseurs » et de « captationd’innovation » (BARREYRE, 1976). Cette vision en avance surson temps ne trouvera échos dans les entreprises qu’unedizaine d’années plus tard, les achats prenant une place deplus en plus importante dans les Chiffres d’Affaires desentreprises (jusqu’à 70 % contre 30 % quelques années plustôt). Les acheteurs sont alors devenus les managers desressources externes. Les travaux prospectifs de TREHAN(2014) soulignent ce rôle de trait d’union joué par lesacheteurs entre les fonctions internes à l’entreprise et lesressources externes. Cette vision recoupée aux stratégiesd’approches de la relation fournisseurs de LINDGREEN et al.en 2009 montrent que l’acheteur doit connaître son réseau,maitriser les évolutions de celui-ci et réagir rapidement auxchangements. De plus, le management des relationscommerciales et humaines devient la clé principale pourgérer les relations fournisseurs (LINDGREEN, 2009 ;DAMPERAT et JOLIBERT, 2009).

Cet état de fait nous a amené à nous poser la question de lapertinence des méthodes traditionnelles de travail, lesnouvelles technologies modifiant tout. Le terme d’E-Purchasing englobe tous les outils informatiques permettantd’améliorer le processus achats (CIPS ). Il couvre les phasesd’E-Sourcing et d’E-Procurement. L’E-Sourcing correspond àl’ensemble du processus de sélection fournisseurs. L’E-Procurement, quant à lui est l’utilisation des systèmes infor-matiques pour faciliter les achats, le paiement des biens etle service en B2B post négociation (CANIATO et al., 2010).Pour la phase de Sourcing, les écrits se focalisent sur les E-Auctions (EMILIANI et STEC, 2005). Celles-ci sont très néga-tivement perçues par les fournisseurs et difficilementutilisables avec des fournisseurs stratégiques. Peu d’écritstraitent des autres fonctionnalités offertes par ces solutions.Quant aux outils d’E-Procurement, ils apportent de nombreuxavantages pour les acheteurs comme pour les fournisseursen termes de temps (réduction des tâches administratives),gains financiers (automatisation des processus et réductiondes coûts de passation des commandes), satisfaction(réduction des litiges factures…) et gestion des stocks(CHANG et al., 2013).

RÔLES ET IMPACTS DESOUTILS D’E-PURCHASINGsur le management des relations fournisseurs

L’objet de ce travail est de découvrir quels sont les rôles et les impacts des outils

d’e-Purchasing sur le management des relations fournisseurs. Pour analyser ces effets,

nous nous sommes penchés sur l’essence même de la fonction Achats qui consiste à

manager les ressources externes d’une entreprise. Notre approche a été déductive.

Avec, en premier lieu, une analyse d’écrits sur l’avenir du management des relations

fournisseurs, et sur l’e-Purchasing. Cette revue de littérature nous a permis d’élaborer

des hypothèses sur la valeur ajoutée de l’E-Purchasing en termes de management des

relations fournisseurs. Ces hypothèses nous ont servi de base pour la seconde partie :

l’étude terrain.

P IERRE BEYLARD

Etudiant de la promotion 2014 du MAI. Pierre Beylard a effectué son stage dans ledépartement Achats de Vallourec ou il a pu observer l’implémentation d’un nouveau Systèmed’information. Il a mené ce travail sous la supervision de Oihab Allal-Cherif, Directeur duDépartement Management des opérations et Systèmes d’Information de Kedge BusinessSchool et professeur au MAI.email : [email protected]

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En couplant cette étude à une analyse qualitative triaxiale(axe Organisationnel, axe Achats et axe Outils) de troisentreprises internationales française, il s’est avéré que lesmaturités Achats des entreprises étaient très distinctes etqu’une corrélation pouvait être faite entre cette maturité etle niveau d’implémentation des outils d’E-Purchasing. Unécart est apparu entre la théorie sur la valeur ajoutée desoutils et leur application terrain, car un outil ne peut êtreutilisable que s’il est fiable. Nous avons entre autres notéque la multitude d’ERP des grands groupes rend les outilsde Business Intelligence perfectibles. Les solutions d’E-Procurement, permettent de remonter des données dequalité plus facilement et donnent des indications de valeursdurant les négociations. Peu importe les solutions d’E-Procurement étudiées, celles-ci ont montré qu’elles facilitentles relations commerciales entre entreprises. Il estintéressant pour les entreprises de mettre en place de telssystèmes pour les raisons sus mentionnées. Le choix de lasolution dépendra principalement des moyens et desobjectifs de l’entreprise. Les outils d’E-Sourcing ont leursfonctionnalités de base utilisées très fréquemment. Lesentretiens ont montré que les outils professionnalisentl’approche Achats mais que ceux-ci sont perçus commecomplexes. À termes, ceux-ci peuvent devenir une base dedonnées fournisseurs complète. Les modules d’E-Auctionspermettent de gagner un temps considérable sur des achats

non stratégiques mais doivent être encadrés pour éviter lesutilisations abusives et contreproductives.

Outre la mission principale des acheteurs visant à réaliserdes économies, ceux-ci doivent apprendre à répondre à desproblématiques clés des clients internes. Les outils sont alorsdes sources d’informations qui permettent aux acheteurs demieux gérer les relations fournisseurs. En connectant les SIachats aux bases de données E-Sourcing, les achats pourrontfacilement analyser les contrats en place, trouver qui achèteauprès des fournisseurs et auprès de quel acheteur doit-onse rapprocher pour que le fournisseur réponde à la problé-matique interne (théorie du point d’entrée unique).

Une entreprise doit bien déterminer ses objectifs avant demettre en place un projet d’E-Purchasing : en commençant parrecueillir les besoins des futurs utilisateurs puis en classantpar priorités ces besoins. Ensuite, réfléchir à la solutiontechnique adaptée pour répondre à ces besoins. Ces projetsdoivent être pensés en plusieurs étapes : la première serviraà répondre aux besoins dits « primaires » puis une secondeétape pour répondre aux besoins secondaires et ainsi de suitejusqu’à atteindre un outil optimal. L’objectif est de permettreaux utilisateurs de s’adapter et d’adhérer aux outils. C’estseulement après cela que l’on pourra complexifier l’utilisationet améliorer progressivement les performances. n

Bibliographie

OuvrageHenderson B.-D., (1964), The coming Revolution in purchasing, Purchasing, Avril 1963, pp.70- 73Articles académiquesBarreyre P.Y. (1976), « La fonction Achat dans la stratégie de l’entreprise », Revue Française de Gestion, n° 6, p. 61-74Caniato F., Golini R., Luzzini D., Ronchi S., (2010),"Towards full integration: E-Procurement implementation stages", Bench-marking: An International Journal, Vol. 17, Iss 4, pp. 491 – 515Chang H. H., Tsai Y. C., Hsu C. H., (2013),"E-procurement and supply chain performance", Supply Chain Management: An Inter-national Journal, Vol. 18, Iss. 1, pp. 34 – 51Damperat M., Jolibert A. (2009), « À dialectical model of buyer-seller relationships », Journal of Business & Industrial Marketing,Vol 24 Iss. ¾, pp 207-217Emiliani, M.L. and Stec, D.J. (2005), “Wood pallet suppliers’ reaction to online reverse auctions”, Supply Chain Management,Vol. 10, N° 3/4, pp. 278-88Lindgreen A., Révész B., Glynn M., (2009), « Purchasing orientation », Journal of Business & Industrial Marketing, Vol.24, Iss. ¾,pp. 148 – 153Lindgreen A., Révész B., Glynn M., Svahn S., Westerlund M., (2009), « Purchasing strategies in supply relationships »", Journalof Business & Industrial Marketing, Vol. 24, Iss. ¾, pp. 173-181Trehan N., (2014), « La fonction Achats de demain: analyse prospective par la méthode PM », Management & Avenir, Vol. 70,pp. 153-170Documents électroniquesChartered Institute of Procurement & Supply, « e-commerce / e-purchasing », [consulté le 17/02/2015], disponible sur:https://www.cips.org/Documents/Resources/Knowledge%20Summary/e-commerce%20-%20e-purchasing.pdf

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PRÉSENTATION DES THÈSESACADÉMIQUES EN ACHATS

Cette rubrique donnera une tribune de présentationà 2 ou 3 thèses déjà soutenues. Pour cette premièrenous aurons le plaisir de laisser le professeur ThierrySauvage, le plus actifs des directeurs de recherche« Achats » en activité, présenter deux travaux derecherches récemment soutenus sur des thèmesd’actualité que sont « l’innovation fournisseur »(thèse de Mr Amine Rachi) et les « compétencesachats » pour créer de la valeur (thèse de MrFrançois Jan). Enfin nous présenterons le travaildoctoral d’un praticien qui a réalisé sa thèse tout enétant en activité. Mr Aflatoun Mask a voulu, enmême temps qu’il était confronté professionnelle-ment à la mise en œuvre effective d’une externalisa-tion des achats au sein du groupe Alstom,conceptualiser sa démarche par un travail doctoral.Cette thèse porte sur l’externalisation partielle desfonctions achats-approvisionnements-logistiques ausein d’ALSTOM. Elle livre une vision originale etapporte des solutions de mises en œuvre et despréconisations concrètes aux problèmes rencontrésou identifiés tels que la redéfinition du périmètreexternalisé, des ressources, de la fiabilité de l’ex-pression des besoins, du contrôle et de la mesure dela performance.

Nous vous souhaitons une bonne découverte de cestravaux en espérant par ailleurs vous inciter àsoutenir ces recherches soit en les commanditantsoit, pour le moins, en ouvrant vos portes pour queces travaux puissent pleinement faire avancer laconnaissance dans le domaine achats.

1 www.theses.fr ; recherche sur la base de mots clés types « fonctions achats OU approvisionnement », « relations client fournisseur », « Achats industriels »…

2 Présentée en introduction du congrès IPSERA 2011 à Maastricht.3 Les Conventions Industrielles de Formation par la REcherche, subventionnent toute entreprise de droit français qui embauche un

doctorant pour le placer au cœur d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public. Les travaux aboutiront à la soutenanced'une thèse en trois ans. Les CIFRE sont partiellement financées par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Les Achats sont devenus depuis quelques annéesun terrain d’observation pour les chercheurs engestion. Par définition confidentielle nous souhaitonsmettre à l’honneur, dans cette nouvelle rubrique d’Ex-cellence HA, la production scientifique dans cedomaine. L’intérêt est double : rendre compte deréflexions en profondeurs menées la plupart dutemps en prise directe avec les entreprises maisaussi tenter d’inciter ces dernières à soutenir larecherche dans le domaine des Achats.

En allant sur le site qui recense les thèses françaisessoutenues et en cours1 il est facile de jauger l’attraitde la thématique « Achats » pour les apprentischercheurs que sont les doctorants. Depuis 1988 j’aicompté 34 thèses dans le domaine ce qui représente0,3 % du total des thèses dans le domaine de lagestion là où la « finance » domine avec 27 % de cesdernières ! C’est extrêmement faible même si uneinflexion notable apparait sur les dernières années.Par comparaison, une étude similaire réalisée auxPays Bas donne un chiffre de 2,3 % sur la période1995-20112.

La recherche est un traceur de maturité pour unefonction. L’investissement dans la recherche estconcomitant à la prise de conscience d’une certaineimpossibilité à seulement traiter de façon opéra-tionnelle les problèmes. La recherche impose uneprise de recul propice à des remises en cause plusradicales des schémas d’actions. Cette recherche,notamment lorsqu’elle passe par des dispositifs detype CIFRE3, permet aussi d’aller jusqu’à la mise enœuvre effective au sein de l’entreprise d’accueil despréconisations théoriques élaborées.

R I CHARD CALV I

Professeur d'Université à l'IAE Savoie Mont-Blanc.Directeur Master Achats et Logistique à l'International. Membre du comité de rédaction Excellence HA.

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THIERRY SAUVAGE avec AM INE RACHI et FRANÇOI S JAN

L’INNOVATION FOURNISSEURVUE PAR LES ACHETEURS (à partir de la thèse d’Amine Rachi - 2013)

THIERRY SAUVAGEDirecteur de recherche en Achats (sciences de gestion) à l’IREA Université de Bretagne-sudDirecteur scientifique du Mastère MALA - Achats Collaboratifs Stratégiques (www.campus-redon-industries.com/wp-content/uploads/2015/07/Fiche-ACS.pdf)[email protected]

AMINE RACHIIl est aujourd’hui directeur d’un centre de formation spécialisé à Lassalle au Canadaemail : [email protected]

FRANÇOIS JANIl est aujourd’hui directeur du Pôle Achats Supply Chain Atlantique à St Nazaire email : [email protected]

Lancés en 2008 avec le soutien de la Chambre de Commerceet d’Industries de Nantes St Nazaire, les travaux doctorauxd’Amine Rachi consistent à déduire, à partir d’analysesstatistiques auprès de 75 entreprises régionales, certainstenants et aboutissants du pilotage des ressources/four-nisseurs dans une perspective de stimulation de l’innova-tion. Partie d’un état de l’art sur la coopération d’une part etd’autre part sur l’innovation fournisseurs, la thèse proposedes outils de mesure et teste le rôle de la confiance, de ladépendance, de l’engagement, des systèmesd’information/communication, du contrôle, de l’intégrationdes processus avec les fournisseurs. Rachi montre que cesdimensions sont essentielles d’une part pour s'adapter effi-

cacement aux besoins et aux changements imprévus desspécifications, et d’autre part pour stimuler l’innovation desfournisseurs.

Des questionnements sur l’efficacité des « structuresformelles » (les cahiers des charges, les contrats écrits, lesorganigrammes et les relations hiérarchiques, les règles) parrapport à l’innovation fournisseurs sont posées par la thèse.Pour Rachi, l’innovation repose beaucoup, mais passeulement, sur un effort de coordination afin de fairecoopérer sans étouffer, et sans casser l’enthousiasme dechacun à aller de l’avant ou à innover. Le managementpartenarial des relations fournisseurs constitue indiscutable-

Cet article est l’occasion de présenter deux thèses de doctorat en Achats que

j’ai encadrées. La première, soutenue par Amine Rachi en mars 2013, porte sur

le pilotage de l’innovation fournisseurs1. La seconde, menée à terme par

François Jan en octobre 20142, porte sur la création de valeur par les Achats et

défend l’idée que cette dernière se révèle fortement conditionnées par les soft

skills des acheteurs.

1 Amine Rachi, Laboratoire LEMNA, « l’impact de la relation client fournisseur sur l’innovation du fournisseur », Thèse de l’Université deNantes soutenue le 10 mars 2013.

2 François Jan, Laboratoire CRETLOG, « Vers un modèle intégrateur de la création de valeur par les acheteurs», Thèse d’Aix MarseilleUniversité soutenue le 21 octobre 2014.

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ment ici une perspective de gestion centrale en faveur dudéveloppement de l’innovation et de la création de valeur àlong terme.

La recherche de Rachi suggère également les retombéesnégatives en termes d’innovation d’une dépendance tropforte du fournisseur vis-à-vis de son client. L’interprétationdonnée est que le fournisseur s’enferme alors dans unerelation trop spécifique et orientée qui l’empêche demutualiser ses capacités d’innovation et surtout d’adapterdes pratiques innovantes observables chez les concurrents.La thèse ouvre ici le débat sur les dispositifs collaboratifssusceptibles à la fois d’assurer la protection des savoirsfaire communs entre le fournisseur et son client, tout en

laissant suffisamment de possibilités au fournisseur detravailler et d’innover avec d’autres clients. Cetteperspective partenariale « multiclients » induit un risquestratégique avec l’élévation de l’interdépendance inhérenteà la relation de coopération, qui est géré soit dans le cadrede relations de confiance nourries par des échanges d’in-formations réguliers et multiformes, soit dans le cadrecontractuel par différents types de clauses (co-établisse-ment de plans de progrès et d’évaluation pluriannuels,clauses de Malus / Bonus, clauses contractuelles contin-gentes activées en cas de réalisation de certains scénarii,rémunération du contrat d’Achat à l’heure de bon fonction-nement, couverture sur l’évolution erratique des prix desfournitures et des matières…).

Les travaux de Rachi participent au débat scientifique sur les caractéristiques de la relation client-fournisseurs qui

sont susceptibles de stimuler l’innovation du fournisseur. La thèse suggère que La communication et le contrôle

apparaissent comme les deux principaux leviers d’action. Ces deux processus ont un double impact, d’une part sur

les capacités d’innovation du fournisseur (savoirs-faire, niveau de qualifications, effort de R&D, implication des

dirigeants dans l’innovation), d’autre part sur le degré d’innovation du fournisseur (niveau de nouveauté dans l’offre,

nombre de nouveaux produits/services, fréquence d’introduction des nouvelles technologies dans les processus,

nombre d’innovations de processus proposées, impact sur le taux de marge généré par les niveaux produits ou

services du fournisseur, rapidité du processus d’innovation).

Figure 1 : Le modèle de recherche de Rachi (2013)

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Avec les travaux de François Jan sur la création de valeur,le processus d’innovation des achats est centré sur lesacheteurs et les réseaux et les relations qu'ils construisentpour mieux opérer. Les travaux de Jan mettent notammenten exergue la relation avec la fonction Marketing et lesconséquences organisationnelles que cela suppose :

- la diffusion ou l’acquisition de méta-compétences (softskills),

- la diffusion d’une vision transversale des achats,- le partage équilibré de la valeur créée avec les four-

nisseurs et clients internes, en particulier avec la fonctionMarketing.

Figure 2 : modèle de création de valeur par les achats

LES COMPÉTENCES POUR LACRÉATION DE VALEUR (à partir de la thèse de François Jan- 2014)

Source : Sauvage T., Jan F. (2013), « L’influence du Marketing sur la construction descompétences des Acheteurs », 3 conférence annuelle Atlas-AFMI (AssociationFrancophone de Management International), HEC Montréal (www.atlas-afmi.com/uploads/3/6/1/0/3610114/programme_atlas-afmi_v19.pdf)

La thèse de François Jan a débuté en 2009. Elle s’appuie surla méthodologie de la recherche-action et sur des périodesinteractives et contributives au sein d’un terrain d’action.La fonction Achats de la division Dairy de Danone aconstitué ce terrain. Dès le départ, la problématique decréation de valeur envisagée avec l’entreprise a débouchésur des questions relatives au lien Marketing-Achats et àla dynamique de l’acheteur intrapreneur. Dans les travauxde François Jan, la création de valeur, notamment par ledéveloppement de l’innovation fournisseurs, apparaîtcomme génératrice de risques (risques logistiques, risquede mauvaise perception des innovations achats par le client

final). Les réponses à ces risques sont apportées par l’inté-gration des achats avec la fonction Marketing, cettedernière gérant le contact avec les Marchés ciblés.

Selon François Jan, pour créer de la valeur la fonctionAchats doit implémenter des pratiques collaboratives, à lafois en interne et en externe. L’acheteur doit être (devenir)un stratège et dépasser son simple rôle de négociateur.Les interviews réalisées auprès des responsables achatsde Danone indiquent que la représentation des acheteursvis-à-vis de leur mission est divergente avec cette idée. Lathèse met finalement en exergue un modèle d’injonctions

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Les travaux de Rachi et de Jan ont un point commun : ilssoulignent les enjeux liés à l’innovation et à la collabora-tion avec les parties prenantes de l’organisation. Ilsrenvoient au capital immatériel qu’est susceptible de créerla fonction Achats, principalement par la valeur desrelations construites avec les fournisseurs, maiségalement avec les autres fonctions internes. Desquestions émergent sur les aptitudes que doit cultiver laFonction Achats, qui sont autant techniques que comporte-mentales et interpersonnelles. Ces travaux interrogent surle profil idéal de l’acheteur. Ce dernier doit-il être un

technicien de bon niveau et expérimenté, si possibledoublé d’aptitudes managériales ? Les entreprises nedevraient-elles pas porter davantage l’accent sur lerecrutement (ou la formation) de managers Achatscapables de mobiliser, de fédérer et de former les partiesprenantes autour de projets de création de valeur trans-versaux mais dont le succès nécessite une réelle collabo-ration et entente entre les acteurs de l’entreprise ? Desquestions qui ne manqueront pas d’animer de futurstravaux de recherches. n

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paradoxales pour les acheteurs : d’un côté les injonctionsà la flexibilité et aux baisses de coûts d’achats, de l’autrecôté les injonctions à la coopération et à l’innovation. Lespremières appellent à la mise en concurrence des four-nisseurs et favorisent les relations où presque tout estcontractualisé et dans lesquelles la recherche de produc-tivité constitue la priorité. Les décisions de l’acheteur sontprincipalement réalisées sur la base du prix en vued’améliorer la marge sur coûts d’achats. Les secondes

injonctions s’appuient sur la mise en place de coopérationsavec des fournisseurs stables et innovants, privilégiant larecherche de l’apprentissage et la mutualisation descoûts/gains/risques avec les fournisseurs en faveur de lacréation de valeur. Se poser la question de cette collabo-ration externe amène en fait au préalable à s’interrogersur le soutien et la collaboration avec les fonctionsinternes tant sur les plans financiers, marketing, R&D etproduction.

Figure 3 : Lien entre les compétences achats et la création de valeur

La thèse de F Jan met en exergue deux familles de compétences complémentaires nécessaires à la création de valeur

par les acheteurs : les compétences techniques et les méta-compétences. L’addition des compétences cross-fonction-

nelles et surtout comportementales permet l’émergence des savoirs-être collaboratifs en résonnance avec les codes

et les sensibilités animant les parties prenantes et les fonctions périphériques aux achats. In fine, les acheteurs

parviennent ainsi à co-construire leur légitimité indispensable pour animer sereinement des projets Achat trans-

versaux innovants et créateurs de valeur.

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AFLATOUN KAMYABI MASK

Aflatoun KAMYABI MASK (promotion DESMA 2006), ALSTOM Group Sourcing Manager, asoutenu le 24 mars 2015 une thèse de doctorat en Sciences de gestion1 à l’Université de Pau etdes Pays de l’Adour dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation par la REcherche(CIFRE) sous la direction du Pr Jacques JAUSSAUD. email : [email protected]

Processus achats

Le processus achats est décrit dans la littérature dedifférentes manières bien qu’il ait pour objectif principal defaire correspondre un besoin en accord avec une offre. Nousavons retenu et proposé un processus achats regroupant lesactivités suivantes : Politique Achats, Stratégie Achats, Iden-tification-Collecte-Analyse des Besoins, Choix des Four-nisseurs, Négociation-Contractualisation, Phase Post-Achat(Gestion relation fournisseur/des contrats), PilotagePerformance (figure 1).Le processus achats, quel qu’il soit, est en interaction avec

d’autres processus tels que les approvisionnements, lacomptabilité fournisseur, la validation produit/fournisseur,etc. appartenant à d’autres fonctions. Cette imbrication desprocessus est due à la complémentarité et la spécificité desactivités de chaque fonction mais également à la segmenta-tion des portefeuilles par nature du produit (Bruel et al.,2007)2 dans celle-ci. Cela explique la participation, desfonctions Approvisionnements, Logistique, Finance, Qualité-Achats, Industrialisation, Bureau d’Etude, au processusachats et leur nécessaire implication dans l’externalisationde la gestion des produits dit de Classe C.

Externalisation partielle desfonctions Achats-Approvisionnement-Logistique:LE CAS D’ALSTOMDescriptif�du�contexte

Acheteur Classe C pour les sites ALSTOM de Tarbes-Séméac (France), Charleroi

(Belgique) et Milan-Sesto (Italie), nous avons à l’initiative d’ALSTOM, mené ce travail

dont l’objectif est de trouver des solutions à des problèmes concrets de l’entreprise.

En position de praticien-chercheur, sur un terrain unique, avec la collaboration de ses

collègues issus de plusieurs fonctions (Achats, Approvisionnements, Logistique,

Finance, Qualité-Achats, Bureau d’Etude) et les prestataires, parties prenantes de la

gestion des produits Classe C, nous avons opté pour une démarche de recherche-

action. Celle-ci a consisté à dresser un état des lieux de la gestion de la Classe C puis

à modifier le terrain grâce à un processus d’externalisation dit de « transfert » pour faire

émerger ou amplifier des problèmes afin d’y apporter des solutions contextualisées.

Ces dernières ont été soit mises en place (processus de transfert) soit proposées

(amélioration du contrat d’externalisation).

1 « Achats d’articles Classe C : le cas ALSTOM, Externalisation partielle des fonctions Achats-Approvisionnement-Logistique », mars 2015,www.theses.fr/s42552

2 BRUEL O. et al., 2007, Management des Achats (décisions stratégiques, structurelles et opérationnelles), Ed. Economica, CollectionGestion, Paris

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Figure 1 : Interactions entre les Achats et Approvisionnements dans le processus achats proposé (Schéma inspiré de Petit, 2008, p. 18)3

Figure 2 : Processus de transfert pour référence active (Source : NSA présentation – Transfer Process, Kamyabi Mask, 2008)

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3 PETIT P., 2008, Toute la fonction Achats, Dunod, Paris.4 BARTHELEMY J., 2007, Stratégies d’externalisation, 3ème éd. Dunod, Paris.5 PACHE G., PARAPONARIS C., 2006/2, L’entreprise en réseau : approches inter et intra organisationnelles, Editions ADREG..

Périmètre de la Classe C

La famille d’achats classe C est composée d’articleshétérogènes (marchés, technologies, prix, de volumes, poids)à faible valeur unitaire ayant un coût de gestion administratifimportant compte-tenu de la dispersion des commandes surun nombre important de fournisseurs et de références. Dansune organisation où la segmentation est faite sur la naturedu produit, la complexité de la gestion de cette famille deproduits réside dans sa définition. Celle-ci ne permet pas dedéterminer une frontière claire et précise avec d'autresfamilles d’achats homogènes en termes de produits. En effet,cette famille d’achats est présente dans chaque famille deproduits existants dans l’organisation. Ainsi, des produits deClasse A et B peuvent se retrouver dans la famille d’achatsdit Classe C.

Mode de gestion de la Classe C

Sur notre terrain, nous avons constaté le recours à des modesde gestion interne et externe de produits similaires contenusdans le portefeuille achats Classe C. Les deux modes de fonc-tionnement ont chacun leur intérêt mais leur combinaisoncomplique la tâche des opérationnels. La réintégration de lagestion d’environ 6000 références de produits étant inenvis-ageable pour des questions de ressources, nous avons misen place, avec nos collègues de l’usine, un processus detransfert de la gestion de ces produits à la centrale d’appro-visionnent afin d’avoir une gestion externalisée des produitscomme seul mode de gestion.

Processus externalisation

Le processus d’externalisation (figure 2) a été pensé et misen place, pas à pas, par les fonctions en aval (Achats,Logistique, Approvisionnement, Qualité Achats) et lesprestataires pour progressivement impliquer l’ensemble desfonctions de l’entreprise (Industrialisation, Bureau d’étude,etc.). La mise en place de ce processus a modifié l’organisa-tion interne et les frontières de l’entreprise. En effet, letransfert de la gestion des produits réalisé à iso-ressourcessur un rythme de 1000 références actives par an sans aucuneincidence sur la production a permis une réduction de lacharge de travail des équipes (Barthélémy, 20074 ; Bruel etAl., 2007) avec une augmentation du chiffre d’affaires réaliséavec le prestataire ainsi qu’une diminution des stocks et uneréduction du nombre des manquants. En somme, l’external-isation a réduit les coûts de gestion (Paché, Paraponaris,2006)5. Ce processus d’externalisation a certes solutionné desproblèmes mais il en a également révélé voire amplifiéd’autres, notamment les stocks-morts et la dépendanced’ALSTOM Transport Tarbes-Séméac vis à vis de sesprestataires. Les activités externalisées sont ainsi confiées àune centrale d’approvisionnement qui, elle-même, sous-traite les activités logistiques à un logisticien.

Opportunisme des fournisseurs

Nous avons pu constater qu’une dépendance de la sociétéexternalisatrice entraine une attitude ressentie commeopportuniste du fournisseur. Cette attitude opportuniste peut

Figure 3 : Relation contractuelle et flux des pièces dans la chaine d’approvisionnement incluant distributeur

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6 AMANN B., JAUSSAUD J., KANIE A., 2004, « Activisme des actionnaires et responsabilité sociale de l'entreprise au Japon », Ebisu-Études japonaises, Automne-Hiver

7 CALVI R., 1999, « L’externalisation des activités d’achat : l’apport du modèle contractualiste appliqué au processus d’achat »,Revue Finance, Contrôle, Stratégie, vol 2, n°1, 27-47.

Figure 4 : adaptée de la Matrice d’aide aux choix d’externalisation des activités du processus achats proposée par Richard Calvi (1999)

être ressentie à la fois avant, pendant et après la signaturedu contrat entre les deux parties. Celle-ci est favorisée parl’incomplétude du contrat d’externalisation et par le manquede moyens (outils, ressources) pour contrôler l’activité exter-nalisée (Amann, Jaussaud et Kanie, 2004)6. Cependant,l’attitude opportuniste peut venir aussi de l’entreprise exter-nalisatrice envers ses fournisseurs notamment par l’exter-nalisation de ses problèmes.Pour sortir de cette dépendance et pour se prémunir del’attitude opportuniste du fournisseur mandaté et soldercertains problèmes techniques, d’obsolescence des produitset de réactivité, nous avons introduit dans le panel undistributeur spécialisé (figure 3). Cette solution a engendrédes résultats plutôt satisfaisants pour l’ensemble despersonnes interrogées, notamment grâce à la compétencetechnique du distributeur et à son organisation adaptée àcelle de l’usine.

En appliquant nos recommandations, la situation d’ALSTOMTarbes-Séméac correspondrait à la Figure 4 adaptée de laMatrice d’aide aux choix d’externalisation des activités duprocessus achats proposée par Richard Calvi (1999)7.

Quelques pistes de solution

Durant l’élaboration de ce travail, nombre de nos interlocu-teurs ont défini « la Classe C » comme étant un révélateurde la maîtrise industrielle. Les problèmes constatés et misen évidence dans ce travail sont nombreux. Prenant acte dela volonté d’une gestion expérientielle (zéro ennui) à unegestion performante (zéro défaut) de l’externalisation de lagestion Achats-Approvisionnement-Logistique desréférences dites « Classe C », nos préconisations tendent àaméliorer sensiblement la situation constatée. Ainsi, cetteétude préconise :

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- avoir de la cohérence entre le nom de la famille d’achats etson contenu. Par exemple, utilisé l’appellation familled’Achats de « gestion externalisée » au lieu de familled’achats « Classe C » et créer une équipe multifonctionnelle(Achats, Qualité-Achats, Logistique et Technique) etindépendante reportant directement au Directeur du Site ;

- mettre en place de procédures d’externalisation desréférences gérées en interne et de procédures d’internali-sation pour les références externalisées. Celles-ci doiventimpliquer les acteurs du processus de transfert et contenirdes indicateurs utiles (nombre de références, nombre detransferts validés, nombre de dossiers complets) ;

- utiliser un distributeur spécialisé pour chacun dessegments du périmètre externalisé et créer avec son aidedes catalogues de produits restreints et avoir recours à unecentrale d’approvisionnement pour les référencesspécifiques ou sur plan ;

- lancer systématiquement un appel d’offre sur périmètreexternalisé à chacun fin de contrat ;

- inclure des clauses dans le contrat :• de vérification des prix d’achats dans le contrat du

fournisseur mandaté mises en place pour répondre auxbesoins du client,

• d’indicateurs de performance sur le montant des stocks,le nombre de manquants, le nombre de certificats de non-conformité suivis par l’entreprise et d’y associer de faiblespénalités afin qu’elles soient applicables et appliquées ;

• d’incitations financières sur des éléments mesurables(réduction du nombre de manquants, montant de reventedes stocks-morts) ;

• de résiliation du contrat pour convenance seraient utilespour pouvoir rompre les relations commerciales en casd’attitude jugée opportuniste répétée du fournisseur.

Évidemment, ces préconisations ne sont pas exhaustives etdoivent d’être adaptées à chaque environnement.

Message à destination des acheteurs

- L’externalisation est un levier pour rechercher de flexibilité organisationnelle et, dans une moindre mesure, unlevier achat pour réduire les coûts

- L’externalisation pour être efficace et rentable dans le temps nécessite des investissements et une gestion durables.- La gestion des produits dits de « Classe C » requiert une vision et une compréhension de l’entreprise et de sa chaine

d’approvisionnement globale pour réduire les coûts.- À long terme, il est préférable d’externaliser une activité à plusieurs fournisseurs pour éviter les attitudes oppor-

tunistes- Au-delà des dépendances et des intérêts, la réussite d’une gestion de l’externalisation des activités Achats, Appro-

visionnement et Logistique passent davantage par l’ajustement mutuel des équipes que par la contractualisationlongue et complexe de la relation.

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CRITIQUE D’OUVRAGES:l The Procurement Value Proposition The Rise of Supply Management

Hugues Poissonnier,Président du Comité Scientifique /Editorial Board

Si un ouvrage récent met les achats au cœur dubusiness model de l’entreprise, c’est bien celui quiest présenté dans ce numéro. Ce faisant, TheProcurement Value Proposition, cosigné parGerard Chick et Robert Handfield, insiste

forcément sur le rôle des achats dans le développement del’agilité des entreprises.Contrairement à ce qu’il est courant d’observer, le focus n’estpas mis, dans cet ouvrage, sur les techniques et pratiquesd’achat. La « proposition de valeur » offerte par les achats àtoute l’entreprise est en revanche appréhendée par le biaisd’analyses audacieuses et d’études de cas. Ces dernières,conformément à la promesse de l’ouvrage, ne se bornent pasà identifier les « best practices », mais visent plutôt à décrire,comprendre et analyser le changement en cours.Les réflexions sur les évolutions à venir de la fonction achatssont conduites à la lumière d’une analyse documentée del’histoire des achats (appréhendée d’un point de vueaméricain) et d’une réelle réflexion ambitieuse sur le conceptde valeur.Une première partie propose une analyse fine deschangements en cours à l’origine de profondsbouleversements dans le fonctionnement desentreprises et des achats en particulier :développement de la RSE, diffusion desnouvelles technologies, globalisation etrenforcement de certains risques qui y sontassociés, changement démographique etimpacts sur les talents (raréfaction) et enfindéplacement du centre de gravité del’économie mondiale. S’il n’apparaît aucunscoop dans la définition de ces grandschangements, l’analyse qui en est faite méritele détour.Il résulte de cette première partie, à la foisdescriptive et analytique, la formulation d’unenouvelle proposition de valeur apportée par les

achats qui fait l’objet de plusieurs chapitres. L’innovation etla collaboration apparaissent comme des maîtres-mots et lefacteur humain est décrit comme central, qui plus est dansun contexte démographique rendant la course aux talents deplus en plus compliquée. Les acheteurs se voient ainsi confierles rôles de consultant interne (devant connecter, écouter,comprendre les clients internes), expert financier ou encoregestionnaire de risque, tout en faisant preuve d’une sorted’intelligence du marché.Dans ce contexte, l’échelle de maturité des achats proposéepar les auteurs, que nous reproduisons ci-dessous, témoigned’une vision novatrice et ambitieuse qui va plus loin que lesdiverses échelles connues jusqu’ici.Le modèle ACE (Aspiration – Capability – Execution) estensuite proposé comme un modèle opérationnel de mise enœuvre du changement et de l’amélioration de la fonctionachats. La partie pratique demeure néanmoins limitée encohérence avec le parti-pris des auteurs de ne pas fournirdes recettes prêtes à l’emploi. L’ouvrage tient en revancheses promesses consistant à donner du « poil à gratter » aulecteur qui sortira de sa lecture stimulé. n

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C O M I T É D E R É D A C T I O N E T C O M I T É S C I E N T I F I Q U E

Directeur de la Publication : Marc Sauvage, Président de la CDAF

Comité de rédaction:

l Nicolas Kourim, Rédacteur en chef, Président Big Fish

l Hugues Poissonnier, Président du Comité Scientifique /Editorial Board, Professeur à Grenoble Ecole deManagement et Directeur de la Recherche de l’IRIMA

l Richard Calvi, Professeur IAE Savoie Mont-Blanc

l François Girard, Directeur Délégué de la CDAF

l Fabienne Fel « guest editor »

Comité Scientifique / Editorial Board:

l Oihab Allal-Chérif, Professeur Associé à KEDGE

l Jacques Barrailler, ancien directeur du SAE

l Valérie Bost, Présidente HL

l Jean Bouverot, Chef de la Mission Achats au Ministère dela Défense

l Olivier Bruel, Professeur HEC

l Gérard Brunaud, Vice Président de l'OBSAR

l Bruno Cracco, Managing Director, bengS

l Daniel Delacour, Vice Président des Opérations, SurfaceRadar, Thales Air Systems

l Brigitte de Faultrier, Professeur ESSCA

l Olaf de Hemmer Gudme, International Business Manager– Purchasing, Lowendal Masaï

l John Henke, Professeur Oakland School of BusinessAdministration

l Laurent Jéhanin, ancien Directeur Achats de Safran

l Thomas Johnsen, Professeur à l’ESC Rennes

l Marie-Anne Le Dain, Maître de Conférences INPG

l Patrick Le Laouenan, ancien Rédacteur en chef de Profession Achat

l Jacques Liouville, Professeur Université de Strasbourg

l Salvator Maira, Directeur de l’IRIMA

l Fabrice Menelot, Président Crop & Co

l Olivier Menuet, Directeur Délégué des Achats Durableset Solidaires SNCF

l Nathalie Merminod, Maître de Conférence à l’Universitéd’Aix-Marseille

l Luc Mora, Directeur Associé Big Fish

l Haithem Nagati, Professeur ICD International BusinessSchool

l Gilles Neubert, Professeur ESC St Etienne

l Jean-Jacques Nillès, Maître de Conférences IAE SavoieMont-Blanc

l Gwenaëlle Nogatchewsky, Maître de conférence à l'Université Paris Dauphine

l Jean Nollet, Professeur HEC Montréal

l Gwenaëlle Oruezabala, Maître de Conférences, IAE de Poitiers

l Gilles Paché, Professeur, Université Aix-Marseille

l Pierre Pelouzet, Médiateur des relations inter-entreprises

l Philippe Portier, Professeur EM Lyon

l Jean Potage, ancien Directeur des Achats de Thales

l Marc Sauvage, Président de la CDAF

l Natacha Tréhan, Maître de Conférences IAE Grenoble

l Osamu Uehara, Président de l’Institute for SupplyManagement Japon

l Laurence Viale, Professeur Ecole de Management deStrasbourg

Crédits photos

l page 2 : © François Girard

La diversité des horizons et des fonctions exercées par les membres de notre comité scientifique, à l’origine de sarichesse, ont représenté, au moment de sa constitution, un réel objectif.L’enthousiasme de ses membres au moment de confirmer leur implication dans la revue Excellence HA nous a permisde réaliser ce premier objectif. À l’avenir, de nouveaux membres auront vocation à donner à la revue un caractèredavantage international.Experts académiques, praticiens éclairés et professionnels du conseil en achats sont donc réunis au sein d’une équipequi a vocation à garantir à la revue Excellence HA une pluralité de points de vue et de riches débats sur des sujets actuelset d’avenir.

Hugues Poissonnier

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