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chroniques de la Bibliothèque nationale de France N°46 novembre-décembre 2008 www.bnf.frn Agenda en pages centrales Expositions Seventies, le choc de la photographie américaine L'estampe japonaise Dossier la Bibliothèque de recherche dix ans après Garry Winogrand, USA, New York, 1972.

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chroniquesde la Bibliothèque nationale de France N°46 novembre-décembre 2008

www.bnf.frn

Agenda en pages centrales

Expositions

Seventies, le choc de la photographie américaineL'estampe japonaiseDossier

la Bibliothèque de recherche dix ans après

Garry Winogrand, USA, New York, 1972.

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et automne marque les dix ans de la Bibliothèque de recherche. Fidèle à ses missions, elle offre, grâce au dépôt légal et aux possibilités ouvertes par

la numérisation, un cadre exceptionnel à la recherche. Les études de publics et les témoignages de lecteurs recueillisdans ce Dossier de Chroniques en attestent. Cet anniversaireest l’occasion de relancer la réflexion sur les défis de la prochaine décennie et le colloque qui se tiendra le 5 décembre site François-Mitterrand en constituera untemps fort. La BnF fête aussi l’ouverture de la bibliothèquenumérique européenne, projet dans lequel elle a joué un rôlepionnier. Dès la fin novembre, Europeana donnera accès à deux millions de documents représentatifs du patrimoinedes bibliothèques, des musées et d’autres institutionspatrimoniales de notre continent. Plusieurs événements, dont le colloque Artmedia et le Festival européen des quatre écrans, donnent la paroleaux expressions les plus contemporaines nées des nouvellestechnologies. L’exposition L’estampe japonaise, images d’un monde éphémère,offre à la curiosité et à l’admiration une sélection de chefs-d’œuvre de l’art de l’ukiyo-e, cet art que Baudelaire aurait sans doute considéré comme moderne par son attachement à figurer le transitoire, le fugitif, la contingence. Modernitéencore dans le geste créatif de cette génération de photographes américains des années 1970, qui sut oser,ouvrir les regards à des réalités et à des manières de voirnouvelles, dont se nourrit encore l’imaginaire des artistesactuels. En parallèle avec Seventies, le choc de la photographie américaine, une autre exposition met les jeunesphotographes d’aujourd’hui sur le devant de la scène, allée Julien-Cain, à travers la présentation des œuvres primées par la Bourse du Talent 2008. Enfin, l’installation du Dansoir de la chorégraphe Karine Saporta pour une deuxième saison sur le parvis de la BnF, et son premierspectacle, A comme Alice, est une belle invitation, sur les pas de Lewis Caroll, à traverser le miroir des genres,des musiques et des époques.

Bruno Racine,président de la Bibliothèque nationale de France

Sommaire/Éditorial >

Édito

« Chroniques de la Bibliothèque nationale de France » est une publication bimestrielle.Président de la Bibliothèque nationale de France : Bruno Racine. Directrice générale : Jacqueline Sanson. Délégué à la communication : Marc Rassat.Responsable éditoriale : Sylvie Lisiecki : [email protected] : [email protected]. Comité éditorial : Viviane Cabannes, Marie-Claire Germanaud, Élizabeth Giuliani,Jean-Loup Graton, Thierry Le Cloarec, Hélène Richard, Anne-Hélène Rigogne, Romuald Ripon.Rédaction : Sandrine Le Dallic, Sylvie Lisiecki

Ont collaboré à ce numéro : Véronique Béranger, Bruno Blasselle, Jocelyn Bouraly,Denis Bruckmann, Thierry Cloarec, Pascal Cordereix, Marie-Odile Germain, Jean-Marie Goulemot, Jean-Loup Graton, Noëlle Giret, Noëlle Guibert, ElizabethGiuliani, Kristian Jensen, Isabelle Moindrot, Laurence Paton, Carine Picaud, Marie Saladin, Jacqueline Sanson, Françoise Simeray, Sabrina Weldmann.

Coordination graphique : Françoise Tannières.Iconographie : Sylvie Soulignac.Maquette et révision : . Impression : Stipa ISSN : 1283-8683

Retrouvez Chroniques sur www.bnf.frn

COUVERTURE : Garry Winogrand, USA, New York, 1972, BnF/dpt des Estampes et de la photographie.© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco.

Dossier P. 03• La Bibliothèque de recherche,

dix ans après

Événement P. 11• La bibliothèque numérique

européenne ouvre cet automne

Expositions P. 12• Le choc de la photographie

américaine • Jeunes photographes de talent• Chefs-d’œuvre de l’ukiyo-e

AgendaConférences P. 18• Où il est question de machines à rêves • Hommage à Victorien Sardou• Fenêtres sur les arts numériques

et le Net art

Collections P. 24• Les manuscrits de Julien Gracq

entrent à la BnF

Coopération P. 26• Une action culturelle collaborative

Un livre BnF P. 27

Focus P. 28• La couleur retrouvée du salon

de musique de l’Arsenal

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la Bibliothèque de recherche

Dix ans après

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Le Rez-de-jardin a ouvert sesportes en octobre 1998 dans l’en-

thousiasme et l’effervescence. LaBibliothèque de recherche du siteFrançois-Mitterrand entièrementdédiée à l’imprimé et à l’audiovisuel,accueillait enfin ses lecteurs à peinedeux ans après la bibliothèqued’étude, installée en Haut-de-jardin.C’était l’achèvement de ce grandprojet, dix ans après la déclarationdu président de la République. Étaitainsi présenté, avec une satisfactionmêlée d’inquiétude, le fruit des tra-vaux de centaines d’agents, pour cer-tains d’entre eux depuis près d’une

dizaine d’années. La satisfaction futde courte durée. L’insuffisant rodagedu système informatique et l’in-adaptation du personnel nouvelle-ment arrivé et désorienté dans unbâtiment que beaucoup jugeaienthostile, sans oublier la situation deslecteurs malmenés, ont mis un coupd’arrêt, heureusement provisoire, àcette aventure. Chacun a remis sonouvrage sur le métier afin de corri-ger ce qui pouvait l’être et d’offriraux lecteurs à qui était destiné leRez-de-jardin les services qu’ilsétaient en droit d’attendre de leurBibliothèque nationale.

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Les originesAnnoncée par François Mitterrand au cours de son entretientraditionnel, le 14 juillet 1988, et ce à la grande surprise desFrançais comme de la Bibliothèque nationale, la création d’une«grande bibliothèque d’un type entièrement nouveau» avaitquatre objectifs principaux. Le premier était de mettre un termeà l’engorgement de l’ancienne bibliothèque dans le quadrilatèreRichelieu, situation sans solution architecturale ou fonctionnelle.Le deuxième visait à accroître la capacité des salles de lecture :les 500 places des salles de lecture de documents imprimés(livres et périodiques) rue de Richelieu ne suffisaient pas à faire face à l’explosion de la recherche académique des annéespostérieures à 1968. Le troisième consistait à moderniser lesoutils de recherche (libre accès, informatisation des catalogues,lancement des premières numérisations…). Enfin le quatrièmetendait à favoriser la diffusion du patrimoine de la nation et à développer la politique de grands travaux culturels lancée parle président de la République.

Les débats, les polémiquesNombreux furent les débats et les polémiques qui ont jalonné la période de conception et de construction de la nouvelle bibliothèque. On en retiendra cinq :

La question de la césure, dès 1989 : les concepteurs de laBibliothèque, à la suite du rapport de Patrice Cahart et de MichelMelot, proposent que seules les collections d’imprimés parues à

partir de 1945 rejoignent le nouveau site. Sous la pression des chercheurs,c’est l’ensemble des collections imprimées qui sera déménagé.

1 La localisation du nouveau site : le lieu d’implantation n’est pasapprécié. Il est jugé excentré, hostile, sous la menace d’une éventuelle

crue de la Seine. Il faudra toute l’influence conjuguée du président de la République et du maire de Paris (Jacques Chirac) pour que la nouvellebibliothèque soit regardée comme un équipement majeur pour le rééquilibragedes aménagements urbains en faveur de l’Est parisien.

2La relation entre les chercheurs et les autres publics : si l’idéed’un élargissement des publics estadmise, la coexistence des publicsfait hésiter : deux niveaux ou

un seul ? Entrées spécifiques ou non ? On choisit finalement deux niveaux et des entrées banalisées, reportant ladistinction des publics sur la répartitiondes collections et leur usage.

3 Le bâtiment : le projet de Dominique Perrault

provoque de vifs débats sur sondessin général, la hauteur des tours,voire leur existence, l’esplanade etson bois précieux qui contribuerait àla déforestation de la planète, sonjardin inaccessible, son coût excessifpour le contribuable…

4 Le coût de fonctionnement de l’établissement :l’opposition et la presse s’emparent du coûtprévisionnel de fonctionnement de l’établissement,qui franchirait le cap symbolique du milliard de francs

par an. L’ouverture chaotique de 1998 ne contribue guère à modifier l’opinion des plus réservés. Pire, elle en décourageplus d’un. Il faudra attendre le début des années 2000 pour parvenir à un fonctionnement de qualité qui, depuis,s’est confirmé et a permis à la Bibliothèque d’avoir une fréquentation annuelle double de celle de l’anciennebibliothèque.

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Reprenons le fil de l’histoire...

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Les évolutions majeuresLa nouvelle bibliothèque témoigne d’évolutions très importantes. Rétrospectivement, on peut affirmer sans prétention que la BnF a été pionnière dans plusieurs domaines et que ces évolutions sont devenues aujourd’hui des caractéristiques banales de presque toutes les grandes bibliothèques conçues après les années 1990.

Les défis d’aujourd’hui et de demainL’institution, qui a su maîtriser les technologies nouvelles, est résolument confiante dans son avenir.Elle a cependant devant elle des défis redoutables à relever.

Le «geste architectural» : depuis la BnF, lesarchitectes reconnus qui attachent leur nom à la conception debibliothèques sont aujourd’hui nombreux : en France, PaulChemetov (Montpellier), Pierre Riboulet (Limoges), Christiande Portzamparc (Rennes) ; à l’étranger, Rem Koolhaas(Seattle), Jan Kaplicky (Prague), Richard Meier (La Haye)…

La recherche : désormais la totalité descollections patrimoniales (imprimés et audiovisuel)est mise à disposition en un seul lieu et devientaccessible grâce à un système entièrementautomatisé ; s’y ajoute une large collection de livreset de périodiques en libre accès ; cette organisationa fait des émules en France et à l’étranger.

La dimensionculturelle :le développement des expositions,conférences, rencontres, ateliers,s’est confirmé partout, dans lesbibliothèques municipales qui ne lespratiquaient pas encore, danscertaines bibliothèques spécialisées,dans les bibliothèques universitaires.

La croissance exponentielle du coût des biensculturels et plus généralement des matériauxdocumentaires : la hausse du marché de l’art et l’explosion de la production éditoriale rendentchaque année plus difficile le maintien à un hautniveau des acquisitions tant patrimoniales quecourantes de la BnF.La rénovation du site historique de la BnF :le quadrilatère Richelieu, après avoir longtempsattendu, est engagé dans la modernisationindispensable de ses équipements et de ses

services. Mais le financement global de ce grandchantier et le respect de son calendrier restent à confirmer.Le numérique : l’entrée dans l’âge numériquesoulève de nombreuses questions relatives à lacollecte (par exemple, comment mettre en œuvrele dépôt légal des sites web ?), à la conservation(comment assurer la transmission aux générationsfutures des signaux numériques ?) aux usages (la consultation à distance dispensera-t-elle unjour les lecteurs de fréquenter les bibliothèques ?).

Les pratiques culturelles : comment mieux semettre au service de l’ensemble de la communauténationale : milieux académiques mais aussijeunesse étudiante, grand public mais aussipublics scolaires, classes moyennes ou supérieuresmais aussi publics vulnérables ou défavorisés ?Le développement durable : le bâtiment deDominique Perrault fait désormais partie dupatrimoine architectural français. Commentl’adapter pour mieux préserver l’environnementnaturel et les énergies non renouvelables ?

Le numérique :en créant Gallica, la BnFa anticipé l’émergence del’âge numérique et resteaujourd’hui unebibliothèque de pointedans ce domaine. Lesbibliothèques numériquesse sont depuis multipliées.

Le réseau :la création du réseau des pôles associés démontre que les bibliothèques sortent de l’isolement. Elles acquièrent, conservent, cataloguent, exposent et désormais numérisent ensemble, aux plans tantinternational que national et régional.©

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Dix ans ont été nécessairespour concevoir et construire une nouvelle bibliothèque puis dix ans à nouveau pour parvenirà un fonctionnement stabilisé et performant. Dix nouvelles années ne seront sans doute pas de trop pour conjuguer harmonieusement le développement foisonnant du numérique et le maintien du service au lecteur sur tous les sites de la Bibliothèque.

Jacqueline Sanson et Denis Bruckmann

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La création du Rez-de-jardin n’avaitcertes pas pour seule finalité

de désengorger les espaces de la rue de Richelieu : elle comprenait aussi un ambitieux projet scientifique. De nouveaux services étaient proposés,comme l’informatisation de la chaîne de communication et la mise à dispositiond’un vaste fonds documentaire en libre accès dans toutes les disciplines.Comment les lecteurs se sont-ilsappropriés cette offre au cours de la décennie écoulée ? Les étudesd’observation des publics menéesrégulièrement depuis l’ouverture du site François-Mitterrand de la BnF et l’analyse des données statistiques de fréquentation et de consultation des collections apportent des réponses : elles montrent une certaine continuitédans la composition de ce lectorat et sa bonne satisfaction d’ensemble à l’égard des services qui lui sont rendus.

Un public renouvelé et fidèleLa fréquentation du Rez-de-jardin sembleavoir atteint un premier régime decroisière avec une moyenne proche de1050 lecteurs accueillis par jour surl’ensemble des années 2002 à 2007, soit28% de plus, selon les estimations, quecelle de la Bibliothèque nationale pour la période 1996-1998. Les lecteurs sontdans l’ensemble assez assidus, et viennent

à la Bibliothèque en moyenne 10 fois paran. L’ancienneté moyenne est aujourd’huide 7 ans, et les plus fidèles fréquentaientdéjà « l’ancienne BN ». Cette relativelongévité s’explique en grande partie parle rythme de la recherche universitaire qui impose un travail au long cours. De fait, environ 75% des lecteursappartiennent au monde de l’Universitéou de la recherche, et parmi eux, près de la moitié sont des étudiants, du masterau doctorat. Les autres sont essentiellementdes membres des professions dites « intellectuelles supérieures » (cadres,professions libérales, professionnels desmétiers du livre et de l’édition, etc.) et des retraités pour environ 5%. La part des publics non universitaires aurait ainsilégèrement augmenté par rapport à 1992où elle n’était que de 17%, résultat d’un certain assouplissement des règlesd’accréditation ces dernières années.Comme du temps de l’ancienne BN, les disciplines relevant des humanités(lettres et sciences humaines) dominentlargement parmi les étudiants,enseignants et chercheurs, l’histoireregroupant à elle seule près de 25% de ces lecteurs. Autres points communs : on trouve aujourd’hui presque autantd’hommes que de femmes parmi leslecteurs. Enfin, toujours comme en 1992,environ trois lecteurs inscrits sur quatresont de nationalité française, et lafréquentation des lecteurs étrangers varieselon les saisons.

Motivation première : le fonds patrimonialLa première motivation pour se rendre en Rez-de-jardin est fort logiquement laconsultation des documents des magasins.Plus de trois lecteurs sur quatre en fontquotidiennement la demande, soit 3,4 documents par lecteur en moyennepar jour.Le recours aux catalogues informatisésconstitue un passage obligé pour ceslecteurs, 55% les consultant sur place le jour même de leur venue, les autres à l’avance sur le site Internet de la BnF.Travailler au calme est également une motivation importante déclarée par 41% des lecteurs, tandis que 31%

Les lecteurs du Rez-de-jardin, dix ans aprèsLa Bibliothèque de recherche a trouvé son public, en majorité celui de la recherche universitaire, dont la motivation première reste le fonds patrimonial.

se concentrent davantage sur leursrecherches bibliographiques. L’ouverture d’octobre 1998 et sessoubresauts ont eu un impact sur lafréquentation de l’époque (à peine 700 lecteurs par jour en décembre 1998).Mais ils ont été assez vite effacés avec le rétablissement progressif à partir de juin 1999 de services fondamentauxcomme la communication des documentsdes magasins le jour même de leurréservation et, en janvier 2001, l’ouverturele lundi à partir de 14h00, ainsi quel’augmentation progressive du nombre dedocuments communicables par jour. Les progrès accomplis, notamment avecla possibilité de réserver sa place et sesdocuments via Internet, se sont traduitspar une hausse significative de la note de satisfaction globale accordée à la BnF.

Des lecteurs de plus en plus satisfaitsLes lecteurs interrogés en 2008 sont ainsiparticulièrement satisfaits de l’accueil(95% de satisfaits) et des conseils des bibliothécaires (89%), des conditionsde travail et de communication desdocuments en magasins (85%), de l’offredocumentaire en libre accès (75%).Même le rituel du vestiaire et lesmultiples contrôles avant la descente vers les salles de lecture ne sont pas jugéstrop négativement, bien que la premièrevenue soit ressentie par beaucoup comme un véritable parcours initiatique… Les lecteurs expriment aussi certainesattentes quant aux possibilités de se détendre et de se restaurer : l’offreactuelle est jugée insuffisante ou troponéreuse. Autre souhait d’amélioration :les services liés à la reproduction des documents (photocopie,numérisation, etc.), jugés coûteux etsoumis à une réglementationcontraignante. L’introduction en mai2008 des connections personnelles à Internet (par accès filaire) devraitrépondre aussi à une attente de plus en plus exprimée.

Véronique Michel et Romuald Ripon

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De 2003 à 2007, j’ai conduit des recherches pour ma thèsede doctorat. Cela nécessitait de visionner un grand nombre

de films. Je suis d’abord venu à la BnF pour l’ampleur de ses ressources audiovisuelles, mais aussi parce que le fait

de pouvoir commander à l’avance - une dizaine de documents par jourde chaque type, films, imprimés… - et la possibilité de voir plusieursfilms à la fois représentent un gain de temps considérable. Un autre atout fondamental de la BnF est la présence des archives de l’INA. La proximité de la Cinémathèque, des salles de cinéma et enfin de l’université de Paris VII qui comporte une filière d’étudescinématographiques, crée autour du site François-Mitterrand un vraipôle attractif de recherche sur l’audiovisuel.

* La Bibliothèque de Recherche comprend également les collections spécialisées conservéessur le site Richelieu, la Bibliothèque de l'Arsenal et la Bibliothèque-musée de l'Opéra.

Je fréquente la bibliothèque de recherche toute l’année, cinq jours par semaine depuis

six ans. Je consulte essentiellementdes imprimés, parfois des documents

numérisés. Je viens à la BnF essentiellementpour l’ampleur des collections – tout, ou presque, est là, grâce au dépôt légal – et pour la qualité des conditions de travail.Celles-ci sont assez optimales, il y a del’espace, de la lumière et un environnementplus favorable à la concentration que chez soi par exemple. Je viendrais à la BnFmême si je pouvais consulter la plupart des documents à distance.

Delphine Connes, doctorante en histoire du droitChristophe Damour, enseignant en Études

cinématographiques, université de Lyon 2.

Paroles de lecteursPour Chroniques, des chercheurs parlent de leur pratique de la Bibliothèque.

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Dossier > regards croisés

« J’ai vu de mes propres yeux desAnglais sortir de la Bibliothèque

nationale furieux et désespérés ; ils étaientcomme accablés sous le poids des belleschoses en tout genre qu’on s’étaitempressé de leur faire voir, et leur œilmorne et farouche semblait appeler ladestruction sur cet admirable monu-ment. » C’est ainsi que, en 1793, AugusteAntoine Renouard évoquait la réactionde visiteurs anglais devant les bâtimentsde la Bibliothèque nationale. Cette des-cription reflète davantage une réalité poli-tique française que le comportement bri-tannique. Néanmoins, elle donne unejuste idée de l’esprit d’ouverture et degénérosité qui caractérisait déjà l’institu-tion et son personnel. Auguste AntoineRenouard a saisi ici un moment impor-tant dans l’histoire des bibliothèqueseuropéennes. La première Bibliothèquenationale d’Europe devenait alors l’idéalauquel aspirer. Et c’est fidèle à la devise« Il faut surpasser Paris » que, dans lesannées 1830, le révolutionnaire italien enexil Antonio Panizzi, futur directeur duBritish Muse um, sensibilisait le pouvoirpolitique à la nécessité de transformer lemusée, seule ment septième selon sonclassement, loin derrière Paris, Munichet Copenhague.

De la compétition à la coopérationLa compétition a depuis longtemps faitplace à la coopération et à l’évidence que

les deux institutions bénéficient chacunedes qualités de l’autre. Lorsque j’ai unjour de congé, il est plus que probableque je rejoigne l’une des salles de lecturedu Rez-de-jardin, à Tolbiac. Les cher-cheurs qui se trouvent là viennent detoute l’Europe et se partagent entre nosdeux institutions internationales.La Bibliothèque royale de Copenhague estune autre des Bibliothèques nationaleseuropéennes que j’utilise régulièrement.Comme ses deux sœurs aînées, elle occupe un magnifique bâtiment neuf. Cha-cune de ces constructions exprime la par-

ticularité du pays où elle se trouve : maiselles ont toutes en commun un attache-ment à la sphère publique. Aujourd’hui,tout un nouveau quartier de Paris a vu lejour avec succès et la BnF, avec une sta-tion de métro, une passerelle piétonne etune piscine publique (presque) attenante,témoigne du rôle important que peut jouerune institution publique dans la constitu-tion d’un quartier, place publique centréeautour de l’échange culturel.La monumentalité du bâtiment peutparaître intimidante mais, au cœur dupaysage urbain dans lequel elle s’inscrit,la BnF est un bon voisin. À l’intérieur,les vastes espaces donnent au lecteur l’im-

pression de possibilités infinies et encou-ragent la pensée des chercheurs à s’éle-ver vers la hauteur apparemment illimi-tée des salles de lecture. Achevée au moment où la rumeur annon-çait la fin du livre, la résolument moderneBnF affirme fortement sa place dans unmonde en évolution ; l’institution répondaux demandes sans cesse différentesd’utilisateurs toujours plus divers et plusexigeants. Installé à un bureau, lesouvrages ayant été préréservés en ligne,on peut immédiatement commencer àtravailler ; en ce qui me concerne, dèsque j’ai récupéré les livres que j’ai pucommander la veille au soir depuis monbureau de la British Library, service àpeine imaginable lorsque le bâtiment étaitencore à l’étude.

Des lecteurs choyésLes étagères en libre accès proposent denombreux documents de référence judi-cieusement choisis et régulièrement misà jour, une collection qu’on ne trouvenulle part ailleurs dans les Bibliothèquesnationales d’Europe.On peut aussi avoir besoin de consulterun ouvrage auquel on n’aurait pas songé.Comme à la British Library, les collec-tions de la BnF sont tellement riches quele lecteur ne consultera pas le cataloguepour vérifier ici la présence de l’ouvragerecherché ; il est certain que même unouvrage ancien et rare se trouve ici. Celui-ci est alors identifié sur BN Opale +,commandé et disponible, souvent enmoins d’une heure. C’est aussi le cas à Londres ; mais dans de nombreusesBibliothèques nationales européennes,un ou deux jours pourraient bien se pas-ser avant que le livre ne soit disponible.Au terme d’une longue journée, il se peut

que les lecteurs quittent encore la Biblio-thèque « accablés sous le poids des belleschoses en tout genre qu’on [se sera]empressé de leur faire voir » mais ils sontà présent préparés à en faire bon usage ;ils savent aussi reconnaître les magni-fiques équipements, le service et la com-pétence professionnelle mis à leur dispo-sition, tout autant que la générosité d’es-prit que la BnF exprime et encourage àla fois.

Kristian Jensen

Compliment pour un brillant voisinKristian Jensen travaille depuis vingt ans dans les bibliothèques du Royaume-Uni et dirigeactuellement les collections britanniques à la British Library. Il est également chercheur et enseigne à l’université d’Oxford.

Une place publique centrée sur l’échange culturel‘‘ ’’

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Le système favorise untravail planifié. Mais il estégalement très facile derésoudre des problèmesqu’on rencontre entravaillant. On peutconsulter un ouvragehistorique sur Gallica etaccéder à une traductionanglaise du XVIIIe siècle,numérisé à partir d’unexemplaire de la BritishLibrary, mais aujourd’huiégalement accessible à partir de la BnF.

Vos lecteurs choyés (et les nôtres) seraientsurpris d’apprendre quetoutes les Bibliothèquesnationales en Europe nerendent pas accessiblesleurs ressourcesélectroniques auxchercheurs occasionnels.

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Chroniques de la BnF - n°46 - 9

En paraphant la lettre qu’il adressait à Julien Cain, administrateur de

la Bibliothèque nationale, lettre qui allaitfaire de moi un lecteur autorisé, monmaître Jean Fabre m’avait dit : «Vousverrez, les lecteurs de la Nationale, c’estautre chose ! » Sans préciser par rapport àquoi ; mais son œil songeur m’en avait ditassez long. En mai 68, dans la Sorbonneen ébullition, j’entendis Jean Fabremurmurer : « Il y a ici de drôles dezèbres ! » sur le même ton qu’il avaitemployé pour m’évoquer les lecteurs de la BN. De quelques-uns des originaux de haute lignée de Richelieu, j’ai donnéailleurs des portraits. De très raresexemplaires ont survécu au transfert au site Tolbiac. Le déplacementgéographique, le parvis glissant sous la pluie, le passage à l’informatique, la nécessité d’avoir une résistance decoureur de demi-fond pour emprunter lesdéambulatoires et les escaliers roulants,l’âge aussi, ont accéléré le renouvellementdu lectorat. Certains ont soupçonné unplan concerté d’élimination des lecteursfossilisés. Quelques-uns d’entre eux,chaussés de tennis à semelle compensée,avec système complexe d’aération, onttenté de résister. En vain. Le chef blanchi,d’autres sont passés de l’interpellationvéhémente du conservateur de service au monologue tout aussi véhément, maissolitaire, dans les couloirs. Le Rez-de-jardin de la BnF a donné naissance à d’autres zèbres, dont je n’ai pas encorerelevé toutes les manies. D’ailleurs où commence et où finit l’originalité ? Avec cravate, costume et pochette, jepasse peut-être pour un original. Qu’enconclure? Je ne suis évidemment pasethnologue. La présence des arbres dansla fosse de la Bibliothèque ne me fait pasrêver de peuplades exotiques. Faute de données objectives, cette approched’une physiologie du chercheur est fondéesur des intuitions et je cours le risqued’être accusé d’impressionnisme. Ce quireprésentait un crime contre la méthodedans ma jeunesse qui ne jurait que parrévolution critique et prolégomènes à toute recherche. Tant pis. Ainsi, la faibleprésence à la BN des professeurs

d’université à la retraite. On peut avancerqu’ils sont las de chercher sans trouver,ou qu’ils ont pris au sérieux la définitionde l’enseignant chercheur et que, cessantd’enseigner, ils n’ont plus qu’à chercher le repos. Les professeurs en exercice du secondaire et du supérieur sont plusnombreux. Ils viennent préparer un cours, un séminaire, un article. Parfois, ils corrigent leurs copies, exercice quela conscience de son inutilité rend trèspénible. La ruche au travail leur permetde ne pas désespérer de la médiocrité

de certains des travaux soumis à leurjugement. Vient ensuite l’armée des doctorants, fervents usagers del’ordinateur, animés de l’ardeur desnéophytes, mais, non sans raison,préoccupés par leur avenir. Il y a enfinceux qui usent de la BnF comme d’une banque de données, pour une de ces encyclopédies, dont le mérite estde dispenser de lire au-delà d’elle-même ;ceux qui mènent une recherchegénéalogique ou sur un sujet qui les a toujours passionnés et qu’une vie de

travail ne permettait pas d’approfondir. Il y a aussi les collègues étrangers et dontla venue est une joie. Sans eux, la BnF,toujours française, perdrait de son âme.Il est des mots devenus difficiles à définir.Le chercheur en littérature est mal connude l’opinion. Il le sait, mais il refuse de plaider sa cause. Il ne veut pas êtreconfondu avec un érudit. L’érudition a aujourd’hui mauvaise presse. Elledonnerait le teint bileux, la scoliose etconduirait à des pratiques inavouables.On préfère se réclamer de l’histoireculturelle. Par pudeur, on évite de se diregardiens de la mémoire et arpenteurs des imaginaires ? Dans mes annéesd’apprentissage, le mot chercheurs’employait pour les seuls scientifiques.Les littéraires étudiaient tel auteur, ou tel siècle. Ils écrivaient des livres et se

sentaient historiens, écrivains et surtouthommes de culture. La BN n’éprouvaitpas le besoin de se dire française. On le savait. Certains scientifiques ontparfois refusé le statut de chercheurs auxlittéraires, aux philosophes, sous prétextequ’ils ne possédaient pas de laboratoire.Il faudra leur expliquer un jour que les grandes bibliothèques jouent ce rôle et reconnaître à chacun son espace, ses instruments spécifiques pour penser,rêver, comprendre et communiquer.

Jean-Marie Goulemot

Eléments pour une physiologie du chercheur du Rez-de-jardinJean-Marie Goulemot, spécialiste

de la littérature du XVIIIe siècle,

ancien professeur à l’universitéde Tours.

Le Rez-de-jardin à donnénaissance à d'autres zèbres‘‘ ’’

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En bref >

Pour la septième année consécutive,Archimages convie des professionnelsdu cinéma et de l’audiovisuel, du créateur au producteur, du conservateur au chercheur, à la réflexion et à l’échange, par des interventions de spécialistesinternationaux, des présentations de réalisations et de projets. L’alliance entre le numérique et le patrimoine cinématographique et audiovisuel est entrée dans laréalité, permettant d’ouvrir de façontotalement inédite et au plus grand nombre, des fonds d’archives considérables jusque-là souventinexplorés ou sous-estimés. Au-delà des problèmes techniques, se posentde nombreuses questions à dimensionstratégique, car cinéma et audiovisuel

ne sont pas extérieurs aux grandsdébats actuels sur les registres de la mémoire, de la culture et de lapédagogie. Qu’est-ce que la mémoire,pour un neurologue, pour un historien,pour un ethnologue, pour un sociologue? Quelles identités reflètentces collections, quels territoires se donnent-elles pour contours ? Quelle est l’Europe des images ?

Archimages - Journées d’étudeseuropéennes sur les archives decinéma et d’audiovisuel, 19 novembre2008, Institut national du patrimoine,auditorium Colbert, 20 et 21 novembre2008, BnF, site François-Mitterrand,Petit auditorium, entrée surréservation : [email protected],01 44 41 16 14.

4 écrans pour savoir

La BNRM ouvre ses nouveauxlocaux au public au mois de novembre. À proximité dubâtiment datant de Lyautey dans les années 1920, et dans un cadre verdoyant, 22 000 m2

seront mis en service. La BnF a été étroitement associée à ladémarche de rénovation et demodernisation qui a accompagnéle projet de construction. Deux conventions soutenues parl’ambassade de France, dont la dernière signée en février 2008à l’occasion du Salon du livre deCasablanca dont la France étaitl’invitée d’honneur, encadrent la coopération entre les deuxbibliothèques dans des domainestrès variés, de l’expertise du chantier à la conservation du patrimoine. Cette coopération a privilégié la politiquedocumentaire, le systèmed’information et la numérisation.S’agissant du patrimoine, une véritable collaboration s’est instaurée entre les deuxbibliothèques autour d’une collection de cartesgéographiques des XVIIe et XVIIIe siècle concernant le Maroc.Le département des Cartes et plans de la BnF conserve un fonds provenant du servicehydrographique de la Marinedont certaines cartesmanuscrites sur vélin étaientinventoriées mais n’avaient pas encore été cataloguées. Les deux bibliothèques ont misen commun leurs moyenshumains pour le catalogage deces documents, ouvrant ainsi la voie à leur numérisation et à leur mise en ligne. La BNRMsera destinataire des fichiersnumérisés, ce qui lui permettrade les reproduire sur papier. Un colloque d’ouverture de laBNRM portant sur le patrimoine,les nouveaux publics, les missionsdes Bibliothèques nationales alieu les 13 et 14 novembre 2008.

Inauguration de la Bibliothèque nationale du royaume du Maroc

L’association a pour missiond’enrichir les collections de la BnF et d’en favoriser le rayonnement. De nombreuxavantages sont accordés aux adhérents. Informations:comptoir d’accueil, siteFrançois-Mitterrand, hall EstTél.: 01 53 79 82 64

www.amisbnf.orgn

Association des amis de la Bibliothèquenationale de France

Cinéma et audiovisuel

Quelles mémoires numériques pour l’Europe ?

Affiche du Mois du filmdocumentaire 2008.

En novembre 2008, le Mois dufilm documentaire à la BnF pré-sente une sélection de films surle thème de la démarche ethno-logique, à l’occasion des centans de Claude Lévi-Strauss. À côté de portraits des grands

noms du métier et d’œuvres fon-datrices du point de vue ethno-graphique au cinéma, ce seraaussi l’occasion de découvrir ouredécouvrir toute une partie dela production contemporaine,qu’elle aille sonder des contréeslointaines en marge de la mon-dialisation ou qu’elle se tournevers des réalités toutes prochesde nous. En rupture avec lesfaux-semblants de l’exotisme, levoyage y devient une aventurede l’ordinaire, remettant encause nos points de vue acquiset nous portant à réfléchir surl’humaine condition.Mercredi 26 novembre – 17h30 – Petit Auditorium – Claude Lévi-Strausspar lui-même (2008), de Pierre-AndréBoutang .

Mois du film documentaireLe monde vu d’ailleurs :cinéma et ethnologie

La seconde édition du Festivaleuropéen des 4 écrans, consacréaux films axés sur le réel et lesfaits de société, propose troisjours de débats et de projectionset une Université de l’image.La télévision, le cinéma et les nouveaux écrans – internet et téléphone mobile – peuventêtre des outils de savoir et de réflexion. C’est de cette idéequ’est né le Festival européendes 4 écrans : axé sur le réel etles faits de société, il présenteles images comme un moyen de connaître, de comprendre etd’expliquer le monde. Trois joursde projections permettront de découvrir 16 longs métrageseuropéens, fictions du réel oudocumentaires ou les meilleursfilms Net/Mobile proposés dansle cadre de l’appel à réalisationssur la culture urbaine… Mais la question que pose cefoisonnement créatif autour del’image est aussi celle de leurdécryptage, et de la transmissiondu savoir autour des nouvellestechnologies et de leurs usages.L’Université de l’image qui se tiendra à la BnF proposera auxprofessionnels, aux jeunes et au grand public de se rencontrerautour de conférences,d’échanges et de débats sur les différents supports dediffusion et sur leur rôle dans la transmission du savoir. 14, 15 et 16 novembre 2008BnF et MK2 BibliothèquePour en savoir plus :www.festival-4ecrans.eu

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Chroniques de la BnF - n°46 - 11

Événement >

décennie mais aussi d’élargir le propos àl’avenir. Ce qui est frappant, c’est la trèsbonne tenue de la fréquentation de labibliothèque de recherche au cours de cesdernières années, en même temps ques’accroissait la fréquentation à distance.C’est à mes yeux la confirmation que lesdeux se confortent et se complètent. Bienentendu, l’extension du numérique créede nouvelles attentes, de nouvelles exi-gences, et la BnF, grâce au soutien duministère de la Culture et du Centrenational du livre, est bien placée pouravoir les moyens d’y répondre.

Un autre projet qui vous tient àcœur ?Une de mes grandes priorités désormaissera de conforter l’assise de la Biblio-thèque francophone dont nous avons,avec nos amis québécois, présenté le pro-totype au cours de l’été, avant qu’il nesoit officiellement consacré au Sommetde la francophonie. C’est un projetunique, notamment par la dimensionNord-Sud qui le caractérise. Il permet desouder les liens entre les bibliothèquesdes 5 continents qui font face à des situa-tions très différentes. Ces disparités ris-quent d’être aggravées par le fait que leslangues qui n’auront pas massivementinvesti dans la Toile seront marginalisées:c’est donc un projet important.

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki

Chroniques : La BnF a joué un rôle pilote dans le projet

de bibliothèque numériqueeuropéenne. Qu’en est-ilaujourd’hui et comment imaginez-vous ce rôle à l’avenir ?Bruno Racine : Après avoir joué un rôledécisif dans l’impulsion politique qui adonné naissance au projet, la BnF lui atrouvé son nom, ce qui marque unereconnaissance symbolique de ses efforts.Par ailleurs, tout ce que nous numérisonsa vocation à alimenter la bibliothèquenumérique européenne et compte tenude l’étendue de ses collections, la BnFsera sans doute l’un de ses contributeursles plus importants. Avec la présentationdu prototype en vraie grandeur, le projetfranchit une étape irréversible. La BnF participe à plusieurs des projetsde la Bibliothèque numérique euro-péenne, qui œuvrent pour faire de lafuture bibliothèque un dispositif trèsavancé du point de vue technologique.Elle est également l’initiatrice du projetd’extension à des œuvres sous droits. Mapremière action en tant que président dela BnF a été de réunir un certain nombrede partenaires européens afin d’étudierles conditions de possibilité de cetteextension, réflexion qui s’est poursuiviesous la forme du projet européen Arrow.

Comment la bibliothèque numériquede la BnF, Gallica, s’articule-t-elleavec le projet Europeana ? Toutes les bibliothèques sont engagéesdans des programmes de numérisationde leurs fonds et les rendent accessiblesà travers leur propre site. Gallica conti-nuera donc d’exister. Mais nous nousengageons à apporter à la bibliothèquenumérique européenne tout ce que nousrendons accessible par Gallica : c’est lasupériorité du numérique que de per-mettre cette localisation multiple. La BnF en tant que tête de réseau a unrôle particulier à jouer pour favoriser lacoordination des bibliothèques françaisesdans le développement de la numérisa-tion. Comme c’est déjà le cas aujour-d’hui, Gallica pourra donner accès aux

richesses d’autres bibliothèques sansqu’elles y perdent pour autant leur iden-tité. J’ai été chargé par le ministère de laCulture de présider le groupe de travailcréé à ce sujet dans le cadre du tout nou-veau Conseil du livreGallica est aussi le lieu d’une expéri-mentation unique avec les éditeurs et encollaboration avec le Centre national dulivre, en permettant l’accès à un nombresignificatif d’œuvres sous droits. Le suc-cès de cette expérience nationale, àlaquelle je tiens beaucoup, servira sansaucun doute de référence possible pourle modèle européen.

La commission européenne, afind’accélérer la numérisation desœuvres culturelles, recommandeaux États de l’UE de créer despartenariats avec le secteur privé.Qu’en pensez-vous ?La France a décidé d’affecter un mon-tant significatif de ressources publiquesà la numérisation massive des fonds denotre bibliothèque nationale, ce quiconstitue encore une exception enEurope. La question ne se pose donc paspour nous dans les mêmes termes quepour nos partenaires. Cela étant, il existedéjà des partenariats avec des entreprises:avec Orange, nous développons desrecherches sur les outils qui permettentde tirer parti des ressources de la numé-risation. Nous participons aussi à des programmes internationaux de numéri-sation avec la fondation Mellon. Cettedémarche me paraît prometteuse pourdes ensembles bien particuliers tels queles images, qui feront l’objet à partir del’année prochaine d’un budget de numé-risation spécifique.

À l’ère de la numérisation en massedes œuvres culturelles, de quoi sera fait selon vous l’avenir desbibliothèques ?La BnF fête cet automne les dix ans desa bibliothèque de recherche. Elle orga-nisera le 5 décembre une journée deréflexion largement ouverte qui permet-tra à la fois de faire un bilan de cette

La bibliothèque numérique européenne ouvre cet automne

Dès la fin novembre 2008, le portail de la bibliothèque numérique européenne va donner accès, à travers un point d’entréemultilingue, à environ 2 millions d’œuvres représentatives du patrimoine européen — livres, tableaux, photographies, œuvresmusicales, films — issues des bibliothèques, de musées et d’archives des 27 pays de l’Union européenne. La BnF a été depuisl’origine partie prenante de ce projet. Entretien avec Bruno Racine, son président.

Bruno Racine,président de laBibliothèque nationalede France.

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Pour en savoir plus : europeana.eu/n

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Expositions >

En 1971, la Bibliothèque nationale réper-cutait en ses murs le bouillonnement

créatif de la génération américaine émer-gente. L’exposition Photographie nouvelledes États-Unis présentait des artistes alorspeu connus : Diane Arbus, Lee Fried-lander, Garry Winogrand,… dont l’in-fluence sur la photographie contempo-raine allait se révéler considérable.Pour le département des Estampes, cettemanifestation marquait l’ouverture de sacollection à la photographie étrangère.Aujourd’hui, la BnF conserve notammenttrois mille photographies en provenancedes États-Unis. Trois cents d’entre ellesont été sélectionnées en vue de l’exposi-tion. Il s’agit d’épreuves argentiques, ennoir et blanc (prédominant en ce temps),

La BnF expose trois cents photographies américaines prises dans les années 1970. Issues de son fonds, elles attestent de la liberté, de l’audace et de l’inventivité d’une génération.

Walker Evans s’est émancipé de la tradi-tion en poussant la photographie docu-mentaire à un degré de dépouillement etd’objectivité inédit. Son credo: tout peutêtre photographié. Cette conviction guideégalement le très peu conventionnelRobert Frank. Avec eux, la notion de« sujet noble » est réduite à néant. Diane Arbus, figure emblématique desannées 1970, emboîte le pas à cette sensi-bilité esthétique. Ses célèbres portraits révè-lent le côté étrange, poignant des modèlesqu’elle rencontre et prend le temps decôtoyer: essentiellement des marginaux,mais aussi des individus «dans le rang».Jeffrey Silverthorne, qui photographie lescorps à la morgue de New York, partagecette approche exempte de préjugés.

dues à des artistes renommés ou moinsréputés. Ces tirages d’époque sont regrou-pés en six séquences thématiques. Sixjalons d’une exposition qui n’est pas his-torique, mais plastique : elle invite à unparcours qui permet d’observer la façondont les formes circulent et se répondent. Cette déambulation débute néanmoinspar les précurseurs. Car Walker Evans,Robert Frank, Harry Callahan, LouisFaurer – aînés dont la nouvelle généra-tion a souvent suivi l’enseignement – ontinnové en tournant le dos aux pictoria-listes et aux humanistes. Ils n’emprun-tent plus leur vocabulaire à la peinture etne prétendent guère diffuser un messageuniversel. Ils explorent les possibilités deleur propre médium.

Burk Uzzle, USAConey Island, 1971.

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Génération 70

Le choc de la photographie américaine

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Chroniques de la BnF - n°46 - 13

Créativité du snapshotLe snapshot est l’un des fils conducteursde l’exposition : son incidence est grandesur le travail des artistes des années 1970!Maladroite et décomplexée, cette pra-tique d’amateurs multiplie les cadragesde travers, les superpositions de prises devue, les coups de flashes incongrus… et,en tant que simple «photo souvenir», s’at-tache à des sujets anodins. La nouvellegénération intègre ses audaces, tout enétant capable de les maîtriser technique-ment. À l’instar du portrait, la photogra-phie de rue en est chahutée, ce donttémoignent les compositions bousculéesd’un Garry Winogrand ou le travail deLeonard Freed, reporter qui œuvre surles crimes et délits. Bill Owens, habitantd’une banlieue de Californie, met enscène – avec un humour décalé, maisdépourvu d’ironie – ses voisins et amis.Il croque d’inquiétantes vies minusculesqu’il accompagne d’une légende. L’impact du snapshot est patent sur laphotographie autobiographique de LarryClark, passé ensuite au cinéma. Ce pas-sionné de l’adolescence vit à l’époque encommunauté. La jeunesse marginale quil’entoure, il la fixe en images débridées,avec une confondante liberté.

Des expérimentations fécondesAu fil de ces transformations, le paysagechange de statut également : de monu-mental et esthétisant, il devient minimal,quotidien, banal. Désormais, il se prête àla série. Lewis Baltz et Joe Deal braquent

Jeffrey K. Silverthorne,Ugly Pat, 1972.

Bill Owens, SérieSuburbia, I enjoy givingTupperware parties in my home…, 1973. leur objectif sur des tas de gravats en per-

turbant la perspective. Homme duconstat, Baltz scrute l’extension de l’ha-bitat urbain – monotone agrégat de lotis-sements – et son corollaire, la destructionde la nature. Lee Friedlander, quant àlui, plonge dans le fouillis végétal. Il cadre, découpe le désordre de la natureafin d’en extraire une structure. Autre volet, la photographie expérimen-tale que pratiquent les artistes attirés parle tirage, la matière, la forme. Ralph Gib-son, par exemple, mène une rechercheplastique sur les contrastes de noir etblanc et agence ses images, qui s’enchaî-nent en une étrange narration formelle,dans l’optique d’un livre photographique.La recherche de Joel Peter Witkin ou de

Jerry Uelsmann s’oriente vers une explo-ration de l’imaginaire marqué du sceaudu surnaturel et de l’onirisme, courantsprofonds de la culture anglo-saxonne.Pour extérioriser son univers hanté, RalphEugene Meatyard convoque sa famille etses amis : il leur fait porter des masquesen caoutchouc avant de les parachuterdans des endroits délabrés. «Quand Les Krims décide de déshabillerses copains et de les placer dans un petitdécor où ils font des gestes absurdes, l’idéede mettre en scène la photographie estencore peu usitée. Le portrait – compasséjusque-là – se métamorphose complète-ment: les photographes s’immergent dansles milieux marginaux et appréhendentleurs modèles en dehors de toute normemorale, avec une formidable spontanéité.La photographie de rue, de son côté, vadéboucher sur une photographie de foulescréative. L’époque est extrêmementféconde!», souligne Anne Biroleau, com-missaire de l’exposition.Balayant les stéréotypes, la génération desannées 1970 affirme une superbe liberté.Elle aborde de nouveaux thèmes, façonnede nouvelles formes. Certaines de sesexpérimentations, représentatives de cetemps, resteront sans suite. D’autrescontinuent d’exercer leur emprise sur lesphotographes d’aujourd’hui.

Sabrina Weldman

29 octobre 2008 – 25 janvier 2009

SEVENTIES, LE CHOC DE LA PHOTOGRAPHIE AMÉRICAINE

Site Richelieu – Galerie de photographie

Commissariat : Anne Biroleau, conservateur en chef au département des Estampes et de la photographie.

En partenariat avec Métro, Les Inrockuptibles, FIP, ImagesMagazine

Je suis persuadée que si je n’avais pas photographié certaines choses,

personne ne les aurait vues Diane Arbus ‘‘ ’’

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Expositions >

Depuis dix ans, la Bourse du talent,créée par des professionnels de la

photographie, fait le pari de donner leurchance à de jeunes artistes grâce à unprix décerné trois fois par an sur troissujets : le portrait, le reportage, le pay-sage. « À l’époque où nous avons conçula Bourse », confie Didier de Faÿs, fon-dateur du magazine Photographie.com,co-organisateur du prix avec Kodak Pro-fessional, Picto, Prophot et la BnF, « lesagences de presse photographique dis-paraissaient les unes après les autres, laprofession était déjà sinistrée. Nousétions convaincus de l’urgence d’encou-rager de jeunes artistes face à la défer-lante des images numériques et à l’effa-cement des frontières entre amateurs etprofessionnels. La photographie a beau-coup changé au cours de cette décennie.Elle s’est féminisée : plus de 50 % deslauréats depuis dix ans sont des femmes :elles sont à la fois plus présentes qu’au-trefois mais aussi souvent plus percu-tantes que les hommes. » On pense àViviane Dalles et à son enquête sur lafirme Monsanto en Inde, au travail deFrédérique Jouval sur la polygamie afri-caine en France et au Mali, à celui deCéline Anaya Gautier sur les formescontemporaines de l’esclavage. « La photographie a également beaucoupgrandi », poursuit Didier de Faÿs. Des

La BnF expose les photographies des principauxlauréats 2008 de la Bourse du talent, quirécompense les travaux de jeunes artistes.

passerelles s’établissent entre les genreset les modes d’expression, en particulieravec les arts plastiques. Par ailleurs, lesjeunes photographes sont pour la pluparttrès engagés.

Des écritures nouvellesL’exposition de la BnF présentera, outreles travaux des lauréats de l’année 2008,ceux d’une dizaine d’artistes remarquéspar le jury, qui attestent de la démarcheexigeante de ces artistes comme de leurforce novatrice. Ainsi ce travail de

Jeunes photographesde talent

ChristopheChammartin, Prisonde plastique, lesforçats du légume,Campohermoso,Province d’Almeria,mai 2007.

L’Argonnaute : journal humoristiquemais intermittent interdit formellementaux embusqués, 1er janvier 1916.

LES PRÊTS DE LA BNF : EXPOSITIONS HORS LES MURS

photographie, cinéma… Dans le cadre d’unpartenariat qui associe également laWürttembergische Landesbibliothek de Stuttgart etla BDIC, la BnF prête des affiches, douze gazettes detranchées multigraphiées et des photographies.Orages de papier 14-18 : les collections de guerre dansles bibliothèques, 11 novembre 2008–31 janvier 2009,Strasbourg, BNUS

Orages de papierÀ 90 ans de distance, l’exposition présentée à partirdu 11 novembre à la Bibliothèque nationale etuniversitaire de Strasbourg pose un regard inédit surla Grande Guerre en montrant comment, dansl’instant même des événements, des particuliers,comme le couple Leblanc, et des institutions, tellesles bibliothèques allemandes (dont faisait partie à l’époque la BNU) et la Bibliothèque nationale en France, ont collecté pour les générations futures les documents témoignant du premier conflitmédiatique qui mobilise tracts, journaux, affiches,

La BnF poursuit sa politique de prêts à des expositions extérieures. Elle noue des partenariatsdiversifiés, en France et à l’étranger, donnant lieu à d’importantes manifestations.

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Damien Fellous sur les guerrill’ados del’ENL en Colombie, ou celui de Stépha-nie Lacombe sur les Français à table…La série Prison de plastique, les forçats dulégume, réalisée par Christophe Cham-martin, lauréat 2008 pour le reportage,évoque l’exploitation des saisonniers dansla province d’Almeria, au sud de l’Espagne, dans les 40 000 hectares decultures maraîchères de cette régionautrefois désertique devenue l’un despiliers de l’économie espagnole. Le pom-page des nappes phréatiques, un fort

Page 15: Expositions Seventies, le choc de la photographie …chroniques.bnf.fr/pdf/chroniques_46.pdfGarry Winogrand, USA, New York, 1972. 2 - Chroniques de la BnF - n 46 et automne marque

Chroniques de la BnF - n°46 - 15

18 déc. 2008 - 22 fév. 2009

JEUNES PHOTOGRAPHES DE LA BOURSE DU TALENT 2008

Site François-Mitterrand - Allée Julien-Cain

Avec le soutien de Champagne Louis Roederer

ensoleillement et l’usage intensif d’en-grais et de pesticides permettent aux agri-culteurs andalous de produire plus de3 millions de tonnes de fruits et légumespar an. Prison de plastique témoigne desconditions de logement des ouvriers agri-

coles, pour la plupart des migrants afri-cains qui travaillent au cœur des serresde plastique, à l’écart des centres urbainssouvent encore marqués par le racisme.Ils vivent dans des garages, des entrepôtsou de fragiles cabanes faites de déchetsde serres, privées de tout ramassage d’or-dures, d’égout et même fréquemmentd’eau potable, « modernes esclaves quivivent un double isolement ; isolés à l’in-térieur de la société espagnole et à descentaines de kilomètres de leurs familleset de leurs enfants ».Le travail de Marikel Lahana, priméepour sa série Fictions Aptères, interpelletout autrement le visiteur. Jeune diplô-

mée de l’École nationale supérieure dephotographie (ENSP), elle présente unesérie de « portraits » en rupture avec latradition photographique, et qui bascu-lent dans une écriture nouvelle. Sesimages intriguent, dérangent, mettant enscène comme le suggère énigmatique-ment le titre, une réflexion sur ce qui sejoue dans le portrait, quelque part entreprojection, fantasme et réalité. Car biensûr, comme l’écrivait Richard Avedon:« L’inexactitude n’existe pas en photo-graphie. Toutes les photographies sontexactes. Aucune d’elles n’est la vérité. »

Sylvie Lisiecki

Marikel Lahana, La Femme anis, 2008

Les estampes de Zao Wou-Ki à SuzhouPrésentée cet été à la BnF, l’exposition de l’œuvreimprimé de Zao Wou-Ki se trouve depuis la mi-octobredans la région de Shangai, au Suzhou Museum. Né des contacts de l’artiste avec le musée, le projeta été l’occasion pour la BnF de mettre en place un partenariat d’un type nouveau, la totalité du financement étant assurée par le mécénat.Zao Wou-Ki. Estampes et livres illustrés, 15 octobre 2008–8 janvier 2009, Suzhou Museum (Chine)

L’or de la MoselleLe département des Monnaies,médailles et antiques a étésollicité pour participer par unimportant prêt d’objets (monnaies

et médaillons) à une exposition intitulée L’Or de laMoselle, qui sera présentée du 9 octobre 2008 au 18 janvier 2009 au musée national d’Art et d’Histoiredu Luxembourg. L’exposition sera centrée sur untrésor d’une centaine de monnaies en or de la dynastievalentinienne trouvé en 1958 dans la Moselle etimmédiatement éparpillé. À travers ce trésor seront présentées les pratiques de la largitio et dudonativum, prodiguées lors des fêtes du règne

de la dynastie valentinienne à la résidence impériale de Trèves. Du 9 octobre 2008 au 18 janvier 2009musée national d’Histoire et d’Art –Luxembourg

Et aussi… à ParisPicasso d’abord – Abad ensuite Du 11 novembre2008 au 28 février 2009, musée de la Poste, Paris

En régionSimon Vouet, les années italiennes (1613-1627),jusqu’au 23 février 2009, musée des Beaux-Arts, Nantes

À l’étrangerSonia Delaunay, l’art moderne international àBielefeld, 1958-2008, jusqu’au 22 février 2009,Kunsthalle, Bielefeld

Degas, Du 12 décembre 2008 au 22 mars 2009,National Gallery of Australia, Canberra

Paris, capitale des livres, jusqu’au 31 janvier 2009,Bloomsbury Gallery, New YorkBn

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Monnaie de Licinius 1er, vers 320

Page 16: Expositions Seventies, le choc de la photographie …chroniques.bnf.fr/pdf/chroniques_46.pdfGarry Winogrand, USA, New York, 1972. 2 - Chroniques de la BnF - n 46 et automne marque

dits de deviner. Portraits d’acteurs, delutteurs de sumo, de femmes – courti-sanes, mères de famille, ou travailleuses– célébrées notam ment par Utamaro,génie de l’ukiyo-e ; scènes érotiques oushunga (image de printemps) représen-tant jusqu’à un tiers de la production de certains artistes ; natures mortes dessurimono : les sujets étaient variés, maisil fallut attendre le XIXe siècle pour que lepaysage constitue un thème à part entièredes estampes.

Un art en mouvement« L’art de l’ukiyo-e, confronté notammentà une série d’édits de censure, qui inter-disent successivement de publier desshunga, de mentionner l’identité des cour-tisanes, et enfin de représenter des grandsportraits en buste, commençait à mar-quer le pas. Hokusai, puis Hiroshige enrenouvelèrent les thèmes », note JocelynBouquillard. Au début des années 1830,Hokusai, alors septuagénaire, innova enpubliant une suite d’estampes, entière-ment consacrées au paysage, Les Trente-SixVues du mont Fuji, inaugurant un nouveau

devant compter près de un million d’ha-bitants au XVIIIe siècle, d’autres plus confi-dentielles et luxueuses (surimono) étaientcommandées aux artistes par des clubsd’amateurs. Comme ces images de calen-driers (egoyomi) dont la Beauté sautantdans le vide depuis le balcon du temple Kiyo-mizu, dessinée par Harunobu en 1765,est une merveilleuse illustration : sus-pendue à son ombrelle, une jeune fillevole dans un déploiement d’étoffe enmouvement ; dans les plis de son kimono

sont dissimulés, comme autant de motifsdécoratifs en forme de coquillages, leschiffres désignant les mois longs de lanouvelle année lunaire. Autre expressionde ces jeux d’esthètes raffinés, lesestampes parodiques (mitate) transposantdans le monde contemporain des per-sonnages et thèmes historiques ou légen-daires qu’un indice permettait aux éru-

Dans son ouvrage Ukiyo monogatari(« Contes du monde flottant ») le

romancier japonais Asai Ryôi (1612-1691)expliquait : « […] vivre uniquement lemoment présent, se livrer tout entier à lacontemplation de la Lune, de la neige,de la fleur de cerisier et de la feuilled’érable, […], dériver comme une cale-basse sur la riviè re, c’est ce qui s’appelleukiyo. » Le mot est composé de deuxcaractères : yo, le monde, et uki, flottantau sens de fluctuant, éphémère.« Au départ, ce terme avait une connota-tion bouddhique et signifiait l’imperma-nence des choses, par opposition aumonde sacré immuable », souligne GisèleLambert, commissaire de l’expositionavec Jocelyn Bouquillard. « Puis, par unglissement de sens, il en vint à qualifierle monde des plaisirs ».

L’essor de l’ukiyo-eLe suffixe e signifiant image, l’ukiyo-e estla représentation de ce monde éphémèreet quotidien. L’apparition de cet art estinséparable de l’essor de la société mar-chande à l’époque d’Edo (ancien nom deTôkyô), quand, au début du XVIIe siècle,la dynastie des shoguns Tokugata y ins-talla un gouvernement militaire qui assuraau pays, jusqu’alors déchiré par les luttesde clans, deux siècles et demi de paix etde prospérité. L’empereur, qui n’avaitqu’un rôle de prestige, résidait alors àKyôtô. La nouvelle bourgeoisie fortunéed’Edo, exclue de la culture aristocratique,créa ses théâtres et son quartier de plai-sir, le célèbre Yoshiwara. Pour annoncerles spectacles de kabuki ou de sumo, van-ter la beauté des courtisanes des « mai-sons vertes », des hôtesses de maisons dethé et des geishas à la fois musiciennes,danseuses, chanteuses et charmeuses, il fallait des images aisément reproduc-tibles, ce que permettait la technique de la gravure sur bois ou xylographie. « Ils’agissait de faire de la publicité, non seu-lement pour ces théâtres et lieux de plai-sir, mais également pour les nouvellessoieries lancées par les plus belles femmesde l’époque, sortes de top models d’alors,ou encore le saké de telle ou telle mai-son », ajoute Gisèle Lambert. À côté de ces estampes diffusées parfoisà plusieurs milliers d’exemplaires - Edo

Le département des Estampes et de la photographie de la BnF expose à Richelieu la partie la plus précieuse de son fonds japonais.Résultat : un panorama d’ensemble de l’ukiyo-e qui, à travers une sélection de cent cinquante œuvres rarissimes des plus grandsmaîtres de l’estampe, présente l’évolution de cet art depuis son apparition à la fin du XVIIe siècle, jusqu’au milieu du XIXe.

Chefs-d’œuvre de l’ukiyo-e

16 - Chroniques de la BnF - n°46

Expositions >

Kitawaga Utamaro,Douze activités

manuelles féminines.La coiffeuse,

vers 1798-1799.

Suzuki Harunobu, Beauté sautantdans le vide depuis le balcon

du temple Kiyomizu, 1765.

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pigment chimique, le bleu de Prusse, tout récemment importé au Japon viala Hollande, seul pays autorisé alors àcommercer avec l’archipel. La série obtintun tel succès que l’éditeur commanda dixplanches supplémentaires à l’artiste. Troisans plus tard, Hiroshige, plus jeune d’unegénéra tion, fit paraître sa fameuse sériedes Cinquante Trois Relais du Tôkaidô, dunom de la route reliant Edo à Kyôto. Àla fin de sa vie (1858), l’émule le plusdoué de Hokusai tiendra à publier éga-lement sa version des Trente-Six Vues dumont Fuji.« S’il existait une émulation entre les deuxartistes, ils étaient cependant différents,souligne Jocelyn Bouquillard ; Hokusai,plus mystique et mû par une quête spiri-tuelle ; Hiroshige, plus poétique et sen-sible à la beauté éphémère de la natureet à ses variations. »

Des œuvres d’exceptionLe parcours à la fois chronologique etthématique de l’exposition, soutenu parun catalogue extrêmement documenté etérudit, illustre l’évolution des techniqueset des formes. Des premières estampesmonochromes à l’encre de chine deMoronobu, mort en 1694 et considérécomme le fondateur de l’ukiyo-e, aux gra-vures polychromes, ou images de brocart,mises au point en 1767 par Harunobu,l’ukiyo-e ne cessa d’évoluer vers un raffi-nement extrême : couleurs chatoyantes,fonds micacés, marbrés, gaufrage, poudred’or et d’argent. La richesse, en qualité,en chefs-d’œuvre et en rareté (au total6 000 estampes et livres illustrés), du

fonds japonais du cabinet des Estampescréé dès 1843, permet de prendre, à tra-vers les 150 œuvres exposées aujourd’hui,souvent rarissimes, parfois uniques, lamesure de cet art sans ombre, qui fascinal’Occident et influença nombre de sesartistes, dont les impressionnistes et lesnabis. Parmi les trésors sortis de laRéserve du département des Estampes :

un album de dix mètres ayant appar-tenu à un lettré du XVIIIe, Kizan, conte-nant 439 surimono réalisés par 30 artistescélèbres, comme Hokusai et Shunman,dont quelques pages ont été dépliées.Autre trésor exposé pour la première fois,Le Rouleau de la manche de Kiyonaga(vers 1785), série de douze planches hori-zontales de format hashira-e (très étroit :environ 125x700 mm), chef-d’œuvre dela gravure érotique japonaise, dont le titreévoque les petits rouleaux peints pouvantêtre glissés dans la manche du kimono.

Laurence Paton

18 novembre 2008 - 25 février 2009

L’ESTAMPE JAPONAISE, IMAGES D’UN MONDE ÉPHÉMÈRE

Site Richelieu, Galerie Mazarine, Crypte

Commissariat : Gisèle Lambert, conservateur en chefhonoraire au département des Estampes et de la photographieet Jocelyn Bouquillard, conservateur au département desEstampes et de la photographie

En partenariat avec Paris-Obs

Catalogue sous la direction de G. Lambert, 340 p, 39 €

Hokusai, Les Trente-Six Vues du mont Fuji(vers 1829-1833), 3e vue : l’orage sous

le sommet de la montagne.

Utagawa Toyokuni, L’acteur Sawamura Sôjûrô III dans le rôle

de Gengobei, 1798.

Hiroshige, Série « Grands Poissons », « Langouste/crevettes », Vers 1832.

Se livrer tout entier à la contemplation de la Lune,

de la neige…‘‘ ’’

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Conférences >

Gustave Doré, Don Quichotte lisant et envahi par les personnages de ses livres de chevalerie, 1863.

Quel est le thème retenu pour le prochain atelier du livre ?J.G. : Il était très tentant de consacrer

le prochain atelier du livre à l’imaginaire,tant ses relations avec l’écriture sont profondes. La journée d’étude du25 novembre cherche à cerner l’influencede l’écriture scientifique, sacrée ou litté-raire sur notre imagination, en réunissantdes spécialistes venus d’horizons très diversqui proposeront leurs réflexions sur lethème de l’imaginaire du livre. Cette jour-née d’étude n’est pas consacrée à l’imagedu livre dans les arts, mais à la culture du

livre et à son influence sur notre imagi-naire : elle fera appel à la philosophie, àl’histoire et à la psychanalyse pour cernerl’imaginaire social du livre et sa fonctiondans la société ; en outre, elle aborderal’imaginaire de la création littéraire, dupoint de vue de l’écrivain, du réalisateur,de l’éditeur ou encore du comédien.

D’où est venue l’idée de ce thèmetrès général pour un atelier du livre ?M.N. : Le postulat de départ était quenotre imaginaire est issu de l’écrit.Cependant, l’évolution des pratiques culturelles fait parfois craindre le passaged’une culture du livre à une culture del’image, mais cette crainte est-elle fon-dée ? De fait, le livre, sous toutes sesformes, féconde l’imagination et enretour celle-ci invente de nouveaux livres,de nouveaux types de livres. Car si l’ima-gination est au cœur du processus litté-raire, à rebours la littérature hante notreinconscient et, plus profondément, notreimaginaire collectif. En France, desauteurs comme Michel Foucault, dansson Histoire de la sexualité, ou RolandBarthes, dans Mythologies, permettent demesurer combien l’impact de la culturelivresque sur nos pratiques sociales estdéterminant et combien nous sommes

enfermés dans un imaginaire du livre quisature notre perception du réel.

Sous quel angle l’imaginairelittéraire sera-t-il abordé ?M.N. : Comme les jeux de rôle ou dehasard, le livre peut être source de fortedépendance pour l’imagination. DonQuichotte, grand lecteur de romans dechevalerie, vit les exploits imaginaires deses héros et en oublie le monde. Happépar la « machine à rêves » qu’est le roman,il en vient à croire à la réalité de la fic-tion. Cherchant à imiter le roman dansla vie, il tombe dans la folie. Dans un toutautre genre, Emma Bovary s’évadera duréel par la lecture, et son auteur, Flau-bert, dira écrire « pour ne pas vivre ». « Le monde est fait pour aboutir à unbeau livre », aimait à dire Mallarmé.L’imaginaire du livre est donc multiple :partant du livre juridique ou sacré, dépo-sitaire d’un savoir, et qui est source d’unpouvoir, l’humanité découvre le livre-divertissement, le livre-rêve. Aujourd’hui,le livre-savoir occupe toujours une placecentrale, mais ce n’est plus lui qui estsacralisé ; désormais la littérature occupece rôle de livre sacré qui donne accès àl’Autre.

Propos recueillis par Sandrine Le Dallic

Les ateliers du livre

Où il est question de machines à rêves

L’IMAGINAIRE DU LIVRE

25 novembre 2008, 10h -17h

Site François-Mitterrand, petit auditorium

À raison de trois rendez-vous par an, les ateliers du livre organisés par le département Littérature et art de la BnF proposent des journées d’études sur l’histoire du livre. Entretien avec Jean Guillemain et Mikaël Nichanian, co-organisateurs de cettemanifestation.

Ces deux journées de rencontres réunirontdifférents acteurs du livre de jeunessevenus de toute l’Europe. À travers lesinterventions et les échanges, des auteurs,éditeurs, traducteurs, chercheurs,bibliothécaires et enseignants engagerontune réflexion sur le rôle que la littératurepour la jeunesse a joué, joue et pourraitjouer dans la construction d’une culturecommune. Ils envisageront des perspectivesde collaborations.Qu’en est-il de la connaissance mutuelledes livres pour enfants des différents pays ?Comment la développer ? Pourquoi ?

Ce seront les questions abordées dans un premier temps, pour poser les basesd’une réflexion sur les notions de dialogueinterculturel et d’identité.Le second temps sera consacré à la comparaison des pratiques depromotion du livre et de la lecture. On envisagera les possibilités de développerdes actions communes en s’appuyant sur plusieurs exemples de dispositifsinstitutionnels, de projets et de réalisationsen cours.Réagissez sur le blog de l’exposition :blog.bnf.fr

Rencontres européennesde la littérature pour la jeunesseEn parallèle à l’exposition Babar, Harry Potter et Compagnie.Livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui, ces rencontres se tiendront les 27 et 28 novembre 2008 à la BnF.

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Chroniques : Quelle est l’histoirede cette scène nomade avec votre

compagnie ? Karine Saporta : Après avoir eu la chan-ce de travailler dans les théâtres les plusprestigieux, tels que le Kirov à Saint-Pétersbourg, la Comédie-Française,Chaillot ou le Théâtre de la Ville à Paris,j’ai eu envie de tenter une expérience d’unautre type. J’ai toujours beaucoup fan-tasmé autour du monde du cirque quej’ai fréquemment évoqué dans mes spec-tacles, comme, récemment, Wild où troischevaux sont intégrés à la chorégraphie :ces créations sont comme autant d’échap-pées en direction des arts nomades. Plutôt que de chercher à installer macompagnie dans un théâtre « classique »,je réalise ici un rêve. J’ai conscience d’in-venter un projet qui me ressemble. Libre,« sauvage » même au sens le plus nobledu terme. Un projet raffiné pourtant, nédu désir de faire fusionner l’énergie ducorps et celle de l’esprit. Ce Dansoir surle parvis de la BnF , je l’ai tout de suiteidentifié à un «Pensoir ».

Vous êtes, à l’instar des artistes de la Renaissance ou de la périodebaroque, toujours à l’affût desrencontres, des voyages et descroisements. Quels sont vos projets,en particulier ceux que vous offrirezau public de la BnF ?Je défends l’idée que la danse, pourgagner sa place au côté des autres arts etdans la culture générale, doit se consti-tuer une histoire, laisser des traces. C’estpourquoi je souhaite à terme travailler surles archives chorégraphiques et musicalesde la BnF.Grâce au Dansoir, je réalise un autrerêve : permettre à la danse et à la musiquevivante de dialoguer à nouveau. J’entends

Danse sur le parvis

Pour la deuxième saison, le site François-Mitterrand accueille sur son parvis un curieux édifice, tout de bois, de miroirs et de veloursrouge : le Dansoir de la chorégraphe Karine Saporta.

y créer des œuvres accompagnées par desensembles musicaux, des musiciens, deschanteurs, en évitant le plus possible lamusique enregistrée. J’aimerais faire duDansoir un petit théâtre musical. La deuxième orientation artistique duDansoir concerne le rapport entre lescorps et le livre. J’ai toujours aimé «mettreen corps les mots » : j’ai l’intention depoursuivre cette aventure au Dansoir,essentiellement à partir d’œuvres quin’ont pas été écrites pour le théâtre – lit-téraires, philosophiques, historiques oumême scientifiques.Ma prochaine création A… comme Alices’inspire des écrits de Lewis Caroll. Ellefera écho à l’exposition qui sera présen-tée toute la saison dans les salles de laBnF: Babar, Harry Potter et Compagnie.Livres d’enfants d’hier et aujourd’hui.

Pour la BnF la préoccupation du patrimoine, de sa conservation et de sa diffusion est essentielle.Quelles sont les traces laissées parune compagnie comme la vôtre ? Elles peuvent être nombreuses. Encorefaut-il que nous disposions de moyenspour mettre en œuvre efficacement laconservation de nos pièces. Je lance iciun appel. Notre présence à la BnF pour-rait être l’occasion de réunir un groupede travail comprenant des chercheurs,des écrivains, des documentalistes, desspécialistes de l’image et du numériquepour élaborer autour de la création d’unenouvelle œuvre tout un ensemble deréflexions, d’analyses, de références,d’images à insérer dans une banque dedonnées. Il importe de créer les condi-tions d’une lecture approfondie desœuvres chorégraphiques pour le publicd’aujourd’hui et de demain. Si l’on veutque la vie des œuvres se perpétue à tra-

Le Dansoir, pour la Saison d'hiver surle parvis de la BnF.

vers leur reprise par les générations àvenir, il faut rendre possible une réellecompréhension des différentes méthodesutilisées par les chorégraphes.

Karine Saporta, vous êtes une des figures les plus marquantes de la danse contemporaine enFrance et dans le monde, et au-delà,une artiste reconnue… aujourd’hui,comment voyez-vous votre rôle dans la cité ? Plus que jamais, je considère mon rôle dansla cité de manière romantique. Le roman-tisme a été, au XIXesiècle, une réaction trèssaine du milieu intellectuel et artistique àun matérialisme émergeant sous une formeencore historiquement inédite. Nousvivons aujourd’hui une mutation, très sem-blable à mon sens à celle qui s’est fait jourdans le monde industrialisé du XIXe siècle,ou à celle qui s’est produite à la fin desannées 1960 au moment de l’arrivée del’informatique et de la transformation desmoyens de communication.À chaque avancée des valeurs matéria-listes, une flambée idéaliste et un regaind’intérêt pour « l’immatériel » ont semblése produire. Il en va tout autrement de ladéferlante matérialiste actuelle, avec undésinvestissement de la quête existen-tielle. Il faut redonner à l’art, à son entre-prise et à son projet, une étincelle que nepuissent éteindre « les eaux glacées du cal-cul égoïste» dont parle le très romantiquejeune Marx au début de L’Idéologie alle-mande. La morosité, la froideur et lecynisme ne sont pas des valeurs avant-gardistes, même si elles sont celles qu’af-fichent le monde de l’art et son marché.Chercher à propager comme une nou-velle ardeur romantique… peut-on appe-ler cela jouer un rôle dans la cité ?

Propos recueillis par Jean-Loup Graton

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Conférences >

Homme de paradoxes figurant parmiles dramaturges les plus populaires du

XIXe siècle, Victorien Sardou demeuredans la mémoire contemporaine l’auteurde Madame Sans-Gêne, créée par la« grande » Réjane… Réjane, magnifiqueactrice, sensible et discrète, dont la figures’est effacée au profit de la tumultueuseSarah Bernhardt, pour qui Sardou écri-vit plusieurs pièces, notamment Fédoraet surtout Tosca, restées au répertoire dansleurs versions opératiques.Ayant d’abord conquis le succès sur leboulevard avec des vaudevilles pleinsd’esprit et des drames haletants, Sardoufut consacré de son vivant par l’inscrip-tion de six de ses pièces au répertoire dela Comédie-Française : Patrie, interpré-tée par Le Bargy, et Thermidor parCoque lin, cette dernière pièce ayant faitbeaucoup de bruit jusqu’à une interdic-tion prononcée à la Chambre des dépu-tés pour ses relents de boulangisme. Par-ticipant dans la continuité des roman-tiques (Vigny, Dumas, Hugo…) à la miseen scène de ses spectacles, Sardou futl’homme des grandes fresques, commeon les aimait dans ce XIXe siècle qui s’étaitentiché de décors « riches » selon le voca-bulaire des tapissiers de la Comédie-Française. Mais Sardou, qui avait étéporté par la vision de Michelet d’une his-toire qui trouve sa rédemption dans laRévolution française, a laissé surtout le

souvenir d’un homme de théâtre puisantdans l’imagerie de la grande histoire,revue aux portes de la légende, pourconstruire un univers qui parle à sescontemporains. Sardou écrivait pour les acteurs et sur-tout pour les actrices des rôles dont onrêve encore, dans ces pièces dites « bienfaites » avec des répliques à effet qui sol-licitaient l’approbation du public – etc’est aussi la raison de son adaptationultérieure pour le 7e art. Mais cet auteuravait son jardin secret, l’ésotérisme, envogue en cette fin de siècle de l’ère indus-trielle, des inventions, des utopies et desavancées sociales. L’œuvre est parti -culièrement bien représentée dans les col-lections de la BnF, par une riche icono-

graphie de maquettes, photographies, etpar des manuscrits et correspondancesainsi que de nombreux documents illus-trant la carrière de Sarah Bernhardt.Les journées du colloque international quise tiendront à Tours, à Paris – à la BnFet à l’Inha –, puis à Marly-le-Roi où Sar-dou avait une magnifique propriété, per-mettront de faire revivre une personna-lité essentielle de la littérature drama-tique, dont la notoriété dans le passé n’ad’égal que l’oubli dans lequel elle estaujourd’hui tombée, même si quelquespièces sont actuellement remontées enFrance et en Allemagne. Des lecturesd’extraits de pièces et des projections defilms accompagneront ces journées.

Noëlle Guibert et Isabelle Moindrot

Hommage à Victorien Sardou

VICTORIEN SARDOU, LE THÉÂTRE ET LES ARTS

www.univ-tours.fr/centenairesardou

En partenariat avec l’université de Tours

17 et 18 novembre : Sardou et l’art du théâtre. Tours (Nouvel Olympia)

19 novembre : Sardou et les dramaturgies musicales. Paris (Inha)

20 novembre : Sardou d’un art à l’autre. Paris (BnF, Site François-Mitterrand)

21 novembre : Sardou et le monde. Marly-le-Roi

La BnF s’associe aux manifestations organisées par l’université François-Rabelais de Tours pour les célébrations du centenaire de la disparition de Victorien Sardou.

Victorien Sardou par Carjat.

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Chroniques de la BnF - n°46 - 21

En 1907 et 1912,lorsque furent enfouis48 disques Gramo-phone pour cent ans,c’était, selon Alfred

Clark, l’initiateur del’entreprise, « afin d’ap-

prendre aux hommes de cette époque (lanôtre) : 1° quel était alors l’état desmachines parlantes, encore aujourd’huipresque à leurs débuts et quels progrèssurtout auront amélioré cette précieuseinvention au cours d’un siècle ; 2° quelleétait alors la voix des principaux chan-teurs de notre temps et quelle interpré-tation ils donnaient à quelques-uns desmorceaux les plus célèbres du répertoirelyrique et dramatique. » Des éléments deréponse seront proposés lors de deuxjournées organisées conjointement par laBnF et l’Opéra national de Paris, les 8 et9 décembre 2008.Sur le plan de la technique, la prise de sonet sa restitution, on peut mettre à l’actifdes promoteurs de l’opération d’avoirpensé à les documenter. Outre les

disques, les urnes contiennent des piècesessentielles à leur lecture et même unexemplaire de « machine parlante ».Pourtant, on constate qu’en conserva-tion à long terme, l’idée d’isoler desobjets de leur milieu ambiant et de lesexclure de leur usage « naturel » n’est passans danger : l’isolement des urnes se fitavec des matériaux dangereux qui ontentravé leur ouverture ; leur exclusion autroisième sous-sol du palais Garnier faci-lita le pillage de deux d’entre elles. Mal-gré ces vicissitudes, lors du colloque, lesdisques auront enfin été extraits de leursconteneurs de plomb et auront pu « par-ler ». Paradoxalement, cette expériencedevant magnifier les progrès continusopérés dans les techniques de captationet restitution des sons via des supportss’achève quand ces techniques, en per-mettant la dématérialisation des médias,marquent sans doute la fin de l’éditionde disques. Sur le plan des répertoires etde l’interprétation est confirmé que lesjugements et les goûts artistiques d’uneépoque ne leur survivent pas tous. Seule

une moitié des œuvres, celles de Mozart,Wagner, Rossini, Donizetti, Verdi et Puccini, sont toujours au catalogue deséditeurs et à l’affiche des opéras ; si cer-tains artistes sont demeurés dans lesmémoires, notamment Enrico Caruso, laplupart sont oubliés bien que certains, telPaul Franz dans Lohengrin, restent unmodèle de chant et de style. C’est que lapratique de chanter les pièces vocalesdans sa langue nationale, et non dans lalangue originale du livret, est maintenantreniée. Plus généralement, la hiérarchiedes valeurs musicales a été révisée en unsiècle : aujourd’hui, aucun producteurphonographique ne choisirait de ne trans-mettre aux générations futures que de lamusique classique !En revanche se vérifie la dimension« magique » que continue à revêtir uneexpérience qui se voulait d’abord scien-tifique : cette mise en scène aux parfumsfunèbres et ésotériques continue d’exer-cer son pouvoir, l’impact que suscite tou-jours l’écoute des voix du passé.

Elisabeth Giuliani

Deux des urnes de plomb contenantles disques.

Les urnes de l’Opéra cent ans après

Le 19 mai 1925 une loi institue en France le dépôt légaldes «œuvres phonographiques» (du «disque» dira-t-onschématiquement), mais il faudra attendre le décret du 8 avril 1938 instituant une «Phonothèque nationale»pour que celui-ci devienne une réalité. Soixante-dix ansaprès, la Phonothèque nationale est devenue le département de l’Audiovisuel de la Bibliothèquenationale de France. Patrimoine unique en son genre avecprès de 640 000 références discographiques, mémoireirremplaçable de l’édition phonographique, le dépôt légalest un outil pour l’histoire de notre société. Aussi, encette année anniversaire, a-t-il paru légitime d’interrogerles «soixante-dix ans de dépôt légal du disque». Le caractère unique de la collection qui en est issue ouvreen effet de nombreux champs d’investigation encore trop peu parcourus. Le rapport à l’institution BnF toutd’abord: comment le dépôt légal du disque s’inscrit-il

dans les dispositifs successifs du dépôt légal et en quoi ou comment cette collection de disques fait-elle sens? Nefaut-il pas d’ailleurs élargir cette question de la mémoireinstitutionnelle à deux autres champs sociaux? Celui desindustries du disque d’abord: quelle mémoire du disquetrouve-t-on (ou ne trouve-t-on pas?) chez les producteurs,les éditeurs phonographiques? Celui des collectionneursensuite. En quels termes interroger ces collections

de disques, ces «discothèques» privées qui ont joué et jouent encore un rôle central dans la fabrication d’unemémoire du disque? De la même manière, le contexteinternational ne peut être négligé, on ne saurait en effetappréhender la spécificité du dépôt légal du disque en France si on ne le mettait en perspective avec d’autresdépôts légaux, ou d’autres modes de constitution de collections institutionnelles de disques à l’étranger.Enfin, à l’heure où la dématérialisation de la musique faitla une des journaux avec en corollaire annoncé la «mortdu disque», comment le dépôt légal va-t-il opérer ce glissement du «support» au «en ligne»: rupture oucontinuité des pratiques et des missions? Autant de pistesde réflexion que nous aimerions ouvrir lors de cettejournée à l’occasion de ces soixante-dix ans du dépôtlégal du disque. Pascal Cordereix

Le dépôt légal du « disque » a soixante-dix ans

Journée d’étude commune :Centre de recherches

sur les arts et le langage(CRAL), EHESS/BnF

21 octobre 2008, 9h30–17h30

Site François-Mitterrand, petit auditorium

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Au moment même où sera ainsi célébré le disque, Gallica, la bibliothèque numérique en ligne de la BnF s’ouvrira aux documents sonores. En effet, dès novembre 2008, d’importants pans descollections sonores tout à fait exceptionnelles du département de l’Audiovisuel seront offerts en consultation aux internautes. Ceux-ci pourront ainsi découvrir l’intégralité des enregistrementsfaits par Ferdinand Brunot pour les Archives de la Parole entre 1911 et 1914 : voix célèbres commecelles d’Alfred Dreyfus, Émile Durkheim…, patois et dialectes, langues étrangères, etc. ; ainsi qued’importantes sélections musicales (notamment de musique baroque et de musiques du monde)enregistrées sur disques 78 tours pendant la première moitié du XXe siècle.

GALLICA S’OUVRE AUX DOCUMENTS SONORES

Alain Bashung, jaquette du CD Bleu Pétrôle, 2008.

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cée par l’omniprésence de la télévision,par le mercantilisme, par les mœurs poli-tiques, par le fait que nous ne som mesplus dans une quelconque culture maisdans un « bloc communicant technolo-gique » qui existe en dehors de nous etqui l’emporte sur nous et sur nos desseins.Je ne crois pas que les artistes puissentfaire grand-chose dans cette situation. Fred Forest : J’ajouterai que, à unmoment où notre société est en crise eten recherche de sens, les valeurs symbo-liques produites par les artistes ne peu-vent pas continuer à rester prisonnièresdes manipulations du marché et d’unecréation répondant essentiellement aux

Conférences >

Le colloque international Artmedia XParis 2008 réunira des réflexions

autour de l’éthique et de l’esthétique dela communication technologique. Orga-nisée par Mario Costa, professeur d’es-thétique à l’université de Salerne (Italie),et Fred Forest, artiste et professeur émé-rite à l’université de Nice, cette dixièmeédition clôturera un cycle de travaux com-mencé il y a vingt-cinq ans. Entretien.

Chroniques : Pourquoi avoir crééArtmédia, un projet scientifiquedédié aux rapports entre techno-sciences, philosophie et esthétique,il y a déjà vingt-cinq ans ? Mario Costa : J’avais compris que lesnéotechnologies, dont à l’époque on pou-vait simplement imaginer l’avènement,annonçaient un bouleversement radical,entre autres, de l’art et de l’esthétique, etqu’il fallait y réfléchir de façon philoso-phique. J’ai alors conçu un projet scien-tifique, partagé entre des artistes, des spé-cialistes de l’esthétique et des philo-sophes, qui avait vocation à se poursuivredans le temps pour mieux saisir les muta-tions à venir.

Les artistes d’aujourd’hui ont-ilsencore la possibilité d’exercer cette capacité de «symbolisation»retenue depuis l’origine de l’artcomme l’une de ses fonctionsspécifiques ? M.C. : Je crois que dans notre monde c’esttout l’univers du symbolique qui se trouvedans une crise profonde et peut-être irré-versible. La pensée symbolique a été effa-

COLLOQUE ARTMEDIA

Sous la direction de Mario Costa et Fred Forest

12 décembre 2008 site François-Mitterrand, petit auditorium.

13 décembre 2008 Institut national d’histoire de l’art, site Richelieu, auditorium

Plusieurs manifestations de la BnF mettent à l’honneur, entre le 9 et le 14 décembre, les expressions artistiques développées à partir des nouvelles technologies.

Fenêtres sur les arts numériques et le Net art

mardi 9 décembre 2008, 9h30-18hSite François-Mitterrand, petit auditoriumHistoriens, critiques, artistes et enseignants se réuniront afinde faire découvrir ou mieux connaître les œuvres, multimédiaet informatiques, présentées sur support ou via Internet. Ils s’interrogeront sur les différentes formes que revêt la création sur ce nouveau matériau qu’est le web : quelsoutils pour quelles propositions artistiques se développent surle réseau aujourd’hui ? Des mouvements artistiques y sont-ilslisibles ? S’y dégage-t-il des œuvres « majeures » ? Quellescorrespondances l’art numérique et le Net art établissent-ilsavec les formes d’art qui leur préexistent ?

JOURNÉE D’ÉTUDE : « À LA DÉCOUVERTE DE L’ART NUMÉRIQUE ET DU NET ART : LE WEBMATÉRIAU DE CRÉATION »

lois d’un marketing orchestré par la puis-sance économique. Un questionnementcritique s’impose et notre colloque estl’occasion de réfléchir à la fonction del’art dans le monde de demain. C’est auxartistes de prendre leurs responsabilitéset d’agir. Le rôle des artistes peut être trèsimportant dans l’avenir s’ils prennent encharge leurs responsabilités dans lasociété. Ils peuvent être reconnus commedes producteurs de biens, dont le rôle estde faire réfléchir.

Fred Forest, on vous a dit « pionnierexpérimentateur de l’art vidéo »,vous pratiquez aujourd’hui le Netart… quel est votre parcours ?F. F. : J’ai d’abord été peintre, et j’ai rapi-dement pris conscience de la difficultéinhérente à ce mode d’expression aujour-d’hui. À partir du moment où un tableauest terminé ou signé, il est mort ! Notreépoque est caractérisée par l’instabilité,la mobilité : c’est manifeste dans toute lacyberculture qui existe dans et par le flux :de données, de réseaux… Dès 1968, j’aiorienté ma pratique artistique vers lechamp des nouveaux medias et des tech-nologies de la communication. Je conçoisaujourd’hui des environnements partici-patifs et interactifs qui associent infor-matique et vidéo. Chaque fois qu’appa-raît une nouvelle technologie, elle a unimpact et modifie les formes de commu-nication. C’est ainsi que je me suis inté-ressé à Second Life et que j’y participe.La question, pour tout artiste, c’est detrouver l’adéquation à la sensibilité dumoment, d’inventer de nouvelles formesqui vont correspondre à « l’instant T ».J’ai également créé le Webnet museum,qui est un outil critique dans mon rap-port de forces au système de l’art : l’ar-tiste peut ainsi prendre son destin enmain, il crée ses propres réseaux, ses cir-cuits de diffusion, de monstration, sansdépendre d’aucun pouvoir politique ouculturel. (www.webnetmuseum.org)

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki et Marie Saladin

Dernier ouvrage paru : Art contemporain etinternet. Imaginaire mode d’emploi, F. Forest, Editionsdu Cercle d’art, 2008.

22 - Chroniques de la BnF - n°46

La Corrida de l’art sur Second Life, création de Fred Forest.

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Collections >

Chroniques de la BnF - n°46 - 23

Le département des Manuscrits a acquis en 2008 trois xylographes japonais de textesclassiques illustrés, qui sont étroitement liés à des manuscrits présents dans les collections.

Trois xylographes japonais entrent au département des Manuscrits

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l’Ikoku monogatari (Récit des pays étrangers,réédition de la première édition de 1658),sorte d’encyclopédie illustrée des peuplesétrangers à la Chine, traduite du chinois.

L’essor de la xylographie Ces trois xylographes sont lestémoignages émouvants des premièresdiffusions véritablement publiques de cesgrands textes, dont ils fixent la forme etpropagent l’iconographie. La publicationde ces titres très variés s’est faite dans un contexte de grande prospérité, au début de la période féodale des shôgunTokugawa (1603-1868). La xylographie,jusqu’alors restreinte à la reproduction de textes religieux, connaît un plein essor,galvanisée par le foisonnement desrecherches sur les textes, l’appétit desavoir d’un public lettré toujours pluslarge, et le succès incontesté de la littérature illustrée. Ce développement ne contribua pourtant pas à éteindre la culture manuscrite, toujours vivace,comme en témoigne la production très active de ces mêmes textes sous formede manuscrits enluminés, dans le genredes Nara ehon, livres de luxe produits à la main pour la riche bourgeoisie oul’aristocratie guerrière, et dont ledépartement des Manuscrits possèdeplusieurs titres. La publication

es xylographes extrême-orientaux,livres imprimés à l’aide de planchesde bois gravées en relief à

partir d’un modèle en écriture manuscrite,son entrés dans les collections de la Bibliothèque nationale à partir de la findu XVIIe siècle. L’aspect exotique de l’écriture et l’apparence calligraphique du texte, où le mouvement du pinceausemblait encore se lire, ont conduit, à cette époque, à rattacher ces imprimésaux manuscrits orientaux. Ils ont été ainsi tout naturellement intégrés à la section des manuscrits dans lespremiers classements des collections de la Bibliothèque.Heureuse orientation qui permetaujourd’hui de réunir, au sein du département des Manuscrits, troisxylographes des XVIIe et XVIIIe sièclesnouvellement acquis, avec les manuscritsenluminés de la même époque qui leursont apparentés. Il s’agit de textesclassiques, imprimés pour la première fois au XVIIe siècle : le célèbre Genjimonogatari (Dit du Genji, réédition de1654), roman de cour dont l’année 2008consacre le millénaire de la rédaction, le Kokon chomonjû (Histoires entendues dejadis et naguère, réédition de 1770), recueild’anecdotes édifiantes rédigé en 1254 etimprimé pour la première fois en 1691, et

L En haut : Genjimonogatari.En bas : Kokonchomonjû.

particulièrement remarquable en 1650 du texte intégral du Dit du Genji en60volumes résulte d’un travailmonumental d’édition du texte et deconception des 226 illustrations tirées de la tradition classique, réalisé parYamamoto Shunshô dans le but d’enfaciliter la lecture. Cette édition a faitréférence, et a servi, par exemple, de source iconographique au Nara ehondes mêmes années 1650 de la collectionSmith-Lesouëf, conservé au départementdes Manuscrits. Les deux autresacquisitions concernent des rééditionsd’ouvrages publiés pour la première foisau XVIIe siècle. Le Kokon chomon jû est un recueil d’anecdotes édifiantes (setsuwa)composé par Tachibana no Narisue en 1254. 726 histoires sont regroupées en 30 sections présentées en ordrechronologique ; avec les Histoires qui sontmaintenant du passé et les Contes d’Uji, cet ouvrage représente l’un des troisgrands recueils de setsuwa de la littérature japonaise. Les comparaisonsd’exemplaires mettent en évidence la parenté certaine de ce xylographeimprimé pour la première fois fin XVIIe siècle avec le Nara ehon du muséeCernuschi, daté du début du XVIIIe siècle,et comportant également 76 illustrationsqui y prennent vraisemblablement leur source. L’Ikoku monogatari enfin,apparaît comme une petite encyclopédieprésentant 137 pays étrangers à la Chine,à la fois réels et imaginaires, illustrée en noir avec des rehauts de couleurs à la main ; il s’agit d’extraits, traduits en japonais, des livres 12 à 14 del’encyclopédie chinoise Sansai zue (1607).Comme le précédent, ce xylographe est étroitement lié au Nara ehon Ikokumonogatari de la collection Smith-Lesouëfconservé au département des Manuscrits,qui présente une version manuscrite et richement enluminée du texte avec ses illustrations. La parenté frappante deces xylographes avec les Nara ehonqui leur sont contemporains ouvre toute une série de questions surl’interpénétration des cultures manuscriteet imprimée dans l’histoire du livrejaponais. Ces trois ouvrages sont en coursde numérisation et seront consultablesdans leur intégralité sur Gallica 2, ainsiqu’à partir de la notice dans la baseArchives et manuscrits, permettant peut-être, à l’heure du numérique, de fécondset nouveaux rapprochementsd’exemplaires.

Véronique Béranger

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24 - Chroniques de la BnF - n°46

Brouillon du Rivagedes Syrtes,1951.

Collections >

Les manuscrits de Julien Gracq entrent à la BnF

onsidéré comme l’un des plus grandsécrivains de son temps, Julien Gracq a poursuivi, à l’écart des modes,

des honneurs ou des médias, une œuvre libre et exigeante qui s’est peu à peu imposée par la beauté de son écriture et son intensepouvoir d’évocation. Sans appartenir aumouvement surréaliste, il est, à ses débuts,proche d’André Breton, qui a découvert avec enthousiasme Au château d’Argol (1938),son premier roman. Fidèle à son éditeur José Corti qui publiera tous ses livres, il fuitles jeux du milieu littéraire qu’il dénonce dans La Littérature à l’estomac, et refuse le prix Goncourt décerné au Rivage des Syrtes,en 1951. Si un public fervent le reconnaîtd’abord comme romancier, romancier del’attente où personnages et paysages semblenten suspens entre récit et description, il ledécouvre ensuite, délaissant la fiction, dansune œuvre plus fragmentée et personnelle, aux frontières de la poésie, del’autobiographie et de l’essai. En 1981, laparution d’En lisant en écrivant lui vaut unsuccès unanime auprès de la critique, et Gracqest du très petit nombre d’auteurs à entrer de son vivant dans la Pléiade (1989-1995).

Quinze mille pages manuscritesPour qui parcourt aujourd’hui les quinze millepages manuscrites du fonds Julien Gracq,l’œuvre entière de l’écrivain défile sous lesyeux, telle qu’elle a pris forme sous sa plumeau moment même de sa création. L’écritureest serrée, régulière, sur les minces feuillets de papier soigneusement réunis en liasses,mais la recherche aventureuse : « Écrirecomme on se jette à l’eau…». Entre les copiesau net de son premier roman allégorique etsurréaliste, Au château d’Argol, et les brouillonsde sa dernière tentative romanesque,inachevée (1953-1956), tous les dossiers detravail des grands romans gracquiens sesuccèdent les uns après les autres : Un beauténébreux (1945), l’œuvre maîtresse du Rivagedes Syrtes, Un balcon en forêt (1958), et les

nouvelles réunies dans La Presqu’île (1970).Avec les romans voisinent les poèmes, ceux deLiberté grande, la pièce de théâtre arthuriennedu Roi pêcheur, ou des essais critiques : AndréBreton (1948), quelques brouillons de LaLittérature à l’estomac (1950), des textes dePréférences. Mais à côté de ces dossiers figureaussi un ensemble de trente-six cahiers, dont (selon les termes du testament de Gracq)« le contenu ne pourra faire l’objet d’aucunedivulgation pendant une période de vingtans »… L’abandon de la feuille volante allantde pair avec celui du roman, le cahier estdevenu à partir du milieu des années

cinquante le cadre d’une écriture au jour lejour, fragmentaire ; l’écrivain y puisedésormais la matière de ses livres, de Lettrines(1967, 1974) aux Carnets du grand chemin(1992), en passant par le superbe poèmenarratif des Eaux étroites (1976). Tenus de1954 à 2007, ces cahiers de «Notules » abritentencore de nombreuses pages inédites.

Visite au grand écrivainJulien Gracq continua donc d’écrire jusqu’àses derniers jours, retiré à Saint-Florent-le-Vieil, sa ville natale du pays angevin. C’est là que nous lui rendions visite chaque été,

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Le 22 décembre 2007, voici près de un an déjà, Julien Gracqs’éteignait à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans, léguant à la BnF l’ensemble de ses manuscrits littéraires : « Un legsexceptionnel », comme l’a souligné Bruno Racine, « nonseulement par l’importance et le rayonnement de l’œuvrede Julien Gracq, mais aussi par l’ampleur des documents quientrent ainsi dans les collections de la Bibliothèque. »

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Chroniques de la BnF - n°46 - 25

JulienGracq à Saint-Florent-leVieil, 1981.

comme des lectrices qu’il accueillait sansdéplaisir : Mauricette Berne d’abord, qui du département des Manuscrits lui avait la première écrit son admiration, puis quandelle me proposa de l’accompagner, toutesdeux ensemble, selon un rite immuable de sortie en voiture et restaurant en bord de

Loire… De ces « visites au grand écrivain »restent, entre autres souvenirs, ceux desconversations quasi ininterrompues où il nousentraînait des heures durant, sans que nousvoyions le temps passer. Tous les manuscritsde ses œuvres qu’il conservait auprès de lui entrent officiellement dans les collections

de la rue de Richelieu, rejoignant lesbrouillons de Rimbaud et les cahiers deProust. Il les considérait, disait-il, comme « les vrais restes matériels d’un écrivain », et avait choisi de les confier après sa mort à la Bibliothèque pour qu’ils y trouvent ainsileur «demeure ». Marie Odile Germain

Entretien avec Bernhild Boie, éditrice et amie de l’écrivain

D’une part, il était sensible à l’intérêt de cesdocuments, comme en témoignent leurconservation et le don final à la BnF. D’autre part,il se défiait de leur utilisation par la critiquedont il craignait les erreurs d’interprétation et leschématisme. La dernière phrase de l’entretienqu’il m’avait accordé se ressent, à travers ses détours, de ces contradictions : « Et si l’étudedes manuscrits fait mieux comprendre, ce quej’espère, et ce qui me semble même en chemin,que l’art est un monde où l’exception bousculesans cesse la règle, qu’il n’y a pas chez lui de procédés et de fantaisies dans l’écriture, mêmeles plus invraisemblables, qui ne puissent se révéler payants, et même au centuple, qu’iln’est guère cartésien, reste peu ami de l’ordreet de l’enchaînement des raisons, qu’il est plus proche dans sa démarche que du moregeometrico de l’exubérante et anarchiqueliberté d’invention et de solution manifestée parle monde végétal et le monde animal, je lui enresterai sans réserve reconnaissant. »

Chroniques : Vous avez été l’éditrice desŒuvres complètes de Julien Gracq parues en deux volumes de la Pléiade (1989-1995) ; vous vous êtes entretenue avec lui de sa manière d’écrire pour la revue Genesis(2001). Aviez-vous déjà pu consulter sesmanuscrits, ou les avez-vous découverts enétablissant leur inventaire ? Et quels sont lesprincipaux ensembles que vous avez repérés ?Bernhild Boie : Julien Gracq n’avait passouhaité publier les avant-textes de ses œuvres. Il m’avait cependant autorisée à consulter ses manuscrits pour me permettre de parler deses pratiques d’écrivain dans l’introductiongénérale de la Pléiade. Je n’ai donc pas eu degrandes surprises lors de l’établissement del’inventaire. Pour la plupart des œuvres, nousdisposons de trois sortes de manuscrits : des brouillons, souvent fortement corrigés, descopies de travail intermédiaires moins corrigées,enfin des copies au net, parfois en plusieursexemplaires. Julien Gracq aimait à recopier

son texte une fois le livre fini, en y apportant àl’occasion d’ultimes mises au point.

En plus des cahiers de « Notules »partiellement publiés, et d’un projetromanesque abandonné, le fonds Julien Gracqcomprend-il d’autres inédits ?Oui, mais seulement quelques brefs textes enprose, des rédactions en « écritureautomatique» (par exemple, pour LibertéGrande), des réflexions sur la littérature, enfindes premières ébauches de pièces inachevées.

Julien Gracq a souvent dit son peu de goût à montrer ses manuscrits, ses réticences à l’égard d’une critique trop encline à vouloirdécouvrir un ordre dans ce qui relève de la liberté d’invention du créateur. Pourquoi a-t-il choisi, selon vous, de conserver sesmanuscrits ?Julien Gracq avait une attitude ambiguë envers ses manuscrits et leur interprétation. ©

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Page 26: Expositions Seventies, le choc de la photographie …chroniques.bnf.fr/pdf/chroniques_46.pdfGarry Winogrand, USA, New York, 1972. 2 - Chroniques de la BnF - n 46 et automne marque

www.europeana.eu/n

26 - Chroniques de la BnF - n°46

Coopération >

Inauguration del’exposition Arthur,une légende endevenir, ChampsLibres, Rennes.

thématiques. Le corpus numériqueconstitué collectivement sera accessibledirectement via Gallica 2 et indirecte-ment via le site Web commun. Les par-tenaires se chargeront de l’intégrationdes documents numérisés, avec unaccompagnement éditorial correspon-dant. Les entretiens audiovisuels pro-duits par le service des expositions pourl’exposition BnF pourront être mis à ladisposition de la Médiathèque de Troyes,et intégrés sur le site commun.

Orages de papierLes actions de coopération entre la BnFet la Bibliothèque nationale et universi-taire de Strasbourg sont multiples : dépôtlégal, partage documentaire, action régio-nale, signalement des collections, numé-risation, formations et enfin valorisation.C’est sous cet angle qu’a été conçu le par-tenariat pour la mise en œuvre de l’ex-position Orages de papier : les collections deguerre des bibliothèques ». La coproductioninscrite dans une convention de parte-nariat scientifique inclut la numérisationd’un corpus de journaux de tranchées àpartir des collections BnF, BDIC etBNUS, qui sera enrichi ultérieurementpar ceux de la BM de Lyon. Les conser-vateurs de la BnF (Réserve, Estampes,Arts du spectacle et Audiovisuel) parti-ciperont à la rédaction de plusieurs cha-pitres du catalogue de l’exposition. L’inau-guration de l’exposition aura lieu à Stras-bourg en novembre 2008. Après uneprésentation à Stuttgart en 2009, ellegagnera Paris en 2010. Thierry Cloarec

Deux manifestations en 2008, Le RoiArthur, une légende en devenir avec la

Bibliothèque de Rennes Métropole, etOrages de papier, sur les journaux de tran-chées de la Grande Guerre, avec laBibliothèque nationale et universitaire deStrasbourg et la Bibliothèque de docu-mentation internationale contemporaine,sont issues de cette coopération.

Arthur, une légende en devenirDans le cadre du partenariat qui l’asso-cie à la médiathèque des Champs libresà Rennes, à la Médiathèque de l’agglo-mération troyenne et à la bibliothèquedu musée Condé à Chantilly, toutes troispôles associés, la BnF s’est engagée dansla coproduction d’un cycle de trois expo-sitions sur la légende du roi Arthur, avecapports réciproques des partenaires. Lapremière d’entre elles, Arthur, une légendeen devenir, est présentée à Rennes en2008. La seconde, La Légende du roi

Arthur, se déroulera du 3 novembre 2009au 3 mai 2010 à la BnF. Troyes accueil -lera la troisième, Chrétien de Troyes et lalégende du roi Arthur, en 2010. Parallèlement à la participation au comitéscientifique de l’exposition et aux prêtsd’œuvres, une convention de partenariatscientifique prévoit un site Internet com-mun conçu par le service multimédia dela BnF, ainsi qu’un certain nombre deproduits d’accompagnement utilisablespar les partenaires dans les expositions,consistant en livres à feuilleter et bornes

Une actionculturellecollaborativeLa collaboration de la BnF avec les bibliothèques françaises et les pôles associés, déjà bienconnue pour le partagedocumentaire, se traduit égalementpar la coproduction d’expositions.

Il est déjà le héros de l’exposition Le Roi Arthur, une légende en devenir qui se déroule à Rennesjusqu’au 4 janvier 2009 , il sera celui de La Légende du roi Arthur, à Paris en 2009, et partagera la vedette avec Chrétien de Troyes à Troyes en 2010. Symbolisée par le site commun au troisexpositions, il s’agit d’une collaboration au long cours entre les Champs libres de Rennes, la BnF et la Médiathèque de Troyes.

Cet été à Rennes, un couple d’amoureux,(s’appelleraient-ils Lancelot et Guenièvre ?) se penchesur la borne multimédia qui raconte l’histoire destextes arthuriens. Celle-ci, conçue par la BnF est déjàen place dans l’exposition des Champs libres à Rennes, et sera présente dans celle de la BnF à Paris, et peut-être dans celle de Troyes. Dans le parcours de l’exposition, qui propose un décorimagé, avec un arbre à histoires, un échiquier, certains trésors de la collection unique de manuscritsarthuriens de la BnF côtoient le vénérable manuscrit355, le plus ancien manuscrit enluminé du texteLancelot-Graal, un des joyaux de la bibliothèque deRennes. Il ne fera pas le voyage à Paris. En revanche,

on pourra peut-être voir, dans l’exposition qui se tiendra à l’automne 2009 sur le site François-Mitterrand, Excalibur, l’épée fichée dans la pierre, ou les différents modèles de coupes duGraal. Durant les trois années de cette collaboration,notices, textes, iconographie, audiovisuels etinformations auront été échangés par les nombreuxacteurs du projet, tout cela pour faire rêver les visiteurs de chacune des trois expositions aulégendaire roi Arthur. Chaque exposition montrera un point de vue différent sur un sujet mythiqueinépuisable… une quête du Graal en somme.

Anne-Hélène Rigogne

Pour en savoir plus : expositions.bnf/arthur

Le roi Arthur, un voyage en trois étapes…

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Page 27: Expositions Seventies, le choc de la photographie …chroniques.bnf.fr/pdf/chroniques_46.pdfGarry Winogrand, USA, New York, 1972. 2 - Chroniques de la BnF - n 46 et automne marque

Chroniques de la BnF - n°46 - 27

Il n’est pas nouveau que les cimaises de laBibliothèque nationale de France présentent

les œuvres de photographes étrangers, et maintesexpositions collectives ou monographiques y ont mis à l’honneur la photographie américaine. En 1971, l’exposition New Documents, conçue par le Museum of Modern Art de New York,rebaptisée pour l’occasion Jeunes photographes desUSA, voyagea jusqu’à nos murs. Elle fit découvrirau public des noms encore confidentiels enFrance : Diane Arbus, Lee Friedlander, Garry Winogrand… Ils surprirent, étonnèrent,subjuguèrent. Ils interrogeaient, avec culot et énergie, des pratiques européennes marquéesd’habitudes et de partis pris esthétiques en voied’essoufflement, en premier lieu la conceptiondite «humaniste ». On admirait, on adorait, on détestait, on ne comprenait pas. La conceptionnouvelle d’une photographie, libre, urgente,débarbouillée de préjugés, ne provoqua nirévolution instantanée ni branle-bas de combatfavorable ou hostile. Les jeunes Américainsdonnaient plutôt à réfléchir, et, la photographieétant par excellence un art infra mince, voireporeux, leur vision du monde s’infiltra, s’imposapeu à peu comme une manière féconded’interroger le médium. Raymond Depardon,entre autres, a reconnu son tribut envers elle. Ces artistes adoptaient, dans le sillage de prédécesseurs fameux – Walker Evans, Harry

Callahan, Louis Faurer ou Robert Frank – unemanière presque brutale de bousculer le cadre, de faire surgir le mouvement, de rendre lisible la densité d’informations prodiguée par la rue. Ils portaient sur leur propre culture un regardrugueux, sans concessions. Parfois encoreinventaient-ils par des audaces plastiquespurement photographiques, une vision du mondeirréelle ou fantasmatique, ou faisaient-ils d’unpaysage sans grâce l’objet de tous leurs soins.Anne Biroleau, commissaire de l’exposition etdirectrice de l’ouvrage, propose ici une réflexionstimulante sur la notion de collection appliquéeau remarquable ensemble de photographiesaméricaines détenues par la BnF. Cette analyseest judicieusement complétée par un entretienavec Jean-Claude Lemagny qui a maintenu desliens personnels avec la plupart des photographesreprésentés dans l’ouvrage. Éminent spécialiste du sujet, Gilles Mora dresse un panorama de cettepériode d’effervescence artistique, les années 1960et 1970, marquée par l’apparition des « nouveauxphotographes américains ».

Un livre BnF >IN

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Site Richelieu

58, rue de Richelieu,

75002 Paris.

Renseignements

et inscriptions:

service d’orientation

des lecteurs.

Du lundi au samedi

de 9 heures à 17 heures.

Tél.: 0153798102 (ou 03).

Site François-Mitterrand

Quai François-Mauriac,

75013 Paris.

• Bibliothèque d’étude

Du mardi au samedi

de 10 heures à 20 heures,

le dimanche

de 13 heures à 19 heures

Fermé le lundi.

Renseignements

et inscriptions:

à l’accueil, de mardi à samedi

de 10 heures à 19 heures,

le dimanche de 12 heures

à 19 heures.

Tél.: 0153794041 (ou 43)

ou 0153796061 (ou 63).

• Bibliothèque de recherche

Du mardi au samedi

de 9 heures à 20 heures,

le lundi de 14 heures

à 20 heures.

Réserve des Livres rares:

du mardi au samedi

de 9 heures à 18 heures,

le lundi de 14 heures

à 18 heures.

Renseignements

et inscriptions:

orientation des lecteurs,

du mardi au samedi

de 9 heures à 19 heures,

dimanche de 13 heures

à 18 heures,

lundi de 14 heures

à 19 heures.

Tél.: 0153795503 (ou 06).

Bibliothèque-musée

de l’Opéra

Place de l’Opéra, 75009 Paris.

Tél.: 0153 79 37 47.

Du lundi au samedi

de 10 heures à 17 heures.

Bibliothèque de l’Arsenal

1, rue de Sully, 75004 Paris

Tél.: 0153012507.

Du lundi au vendredi

de 10 heures à 18 heures,

samedi de 10 heures

à 17 heures.

Tarifs cartes de lecteur.

Haut-de-jardin:

1 an: 35 ¤; tarif réduit: 18 ¤;

15 jours: 20 ¤;

1 jour: 3,30 ¤.

Recherche (François-

Mitterrand, Richelieu,

Arsenal, Opéra):

1 an: 53 ¤; tarif réduit: 27 ¤;

15 jours: 35 ¤; tarif réduit:

18 ¤; 3 jours: 7 ¤.

Réservation à distance

de places et de documents

Par Tél.: 0153795701

(ou 02 ou 03 ou 04).

Du mardi au samedi

de 9 heures à 19 heures,

le lundi de 13 heures

à 19 heures

Par Internet: www.bnf.fr

Visites guidées

sur réservation

Publics

Tél.: 0153794063.

Professionnels

Tél.: 0153794949.

Activités pour publics

scolaires et enseignants

Tél.: 0153794100.

Informations générales

Tél.: 0153795959.

Librairie de la BnF

Site François-Mitterrand

Hall Est

Tél. 0145833981

Site Richelieu

Tél. 0142968627

Le choc de la photographie américaine

Par Anne Biroleau et Gilles Mora

340 pages, 250 illustrations. Prix : 48 ¤.

Le choc de la photographieaméricaine

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28 - Chroniques de la BnF - n°46

Focus >

La Bibliothèque de l’Arsenal,ce n’est pas seulement une salle de lecture, un million de livresimprimés, un fonds précieux demanuscrits, des archives inattenduescomme celles de la Bastille, ouencore des estampes; c’est aussi un monument historique méconnu.

La couleur retrouvée du salon de musique de l’Arsenal

L’ancienne résidence des grandsmaîtres de l’artillerie a en effetconservé une part non négligeable de ses décors historiques. Et si l’appartement du maréchal de La Meilleraye bénéficie déjà d’une certaine notoriété, il fautégalement compter maintenant

au nombre de ces trésors le salon demusique. Cette salle est située aupremier étage de l’hôtel particulierconstruit dans la première moitié duXVIIIe siècle par l’architecte Boffrandpour le duc du Maine, le fils légitiméde Louis XIV et de madame de Montespan, qui fut le dernier

à porter le titre de grand maître del’artillerie. Le salon, qui doit sonnom aux attributs musicaux ornantsa partie haute et sa corniche, avaitperdu depuis de très nombreusesannées sa splendeur d’origine. Ses murs étaient recouverts d’uneépaisse couche de peinture grise quidissimulait la finesse des boiseries.Le temps avait terni les peintures en grisaille représentant les quatresaisons et reproduisant les bas-reliefs sculptés par EdmeBouchardon pour la fontaine desQuatre Saisons de la rue de Grenelleà Paris. Grâce à l’action du WorldMonuments Fund, organisationprivée fondée en 1965, dont le siège se trouve à New York, et qui se consacre à la restauration de monuments sur l’ensemble de la planète, le Salon de musiquevient d’être restauré, sousl’impulsion aussi compétentequ’acharnée de Bertrand du Vignaud, son président pourl’Europe. Des sondages préalablespermettaient d’espérer retrouver les couleurs d’origine. Le résultatdépasse les espérances. Les panneaux ont été soigneusementdémontés, ce qui a permis deretrouver sur la pierre des murs unensemble très pittoresque degraffitis anciens et les dessinspréparatoires. Ils ont été ensuitesoigneusement décapés. La peintured’origine est alors réapparue,miraculeusement pourrait-on croire,en fait grâce aux soins des peintresrestaurateurs. La couleur retrouvéeest violine et vert céladon,changeant radicalement l’aspect dela pièce. Deux grands miroirs sontvenus s’ajouter aux deux quisubsistaient. Les quatre grisailles ontété restaurées, tout comme lacheminée avec sa splendide plaquereprésentant Hercule filant la laine.Inauguré le 2 octobre 2008, meubléavec les chaises et les fauteuils quil’ornaient déjà au XVIIIe siècle, lesalon de musique compte désormaisparmi les plus beaux décors parisiensde cette époque. Il sera évidemmentinclus dans le circuit des visites de la bibliothèque. L’ensemble de ces travaux a été réalisé sous la conduite de Jean-FrançoisLagneau, architecte en chef desmonuments historiques. Leur coût,d’un montant de quatre cent milleeuros, a été financé par deux desprincipaux mécènes du WMF :Mr Robert Wilson et l’InternationalMusic and Art.

Bruno Blasselle

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