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« 1*11 join with black despair against my soul,And to myself become an enemy. »

(Richard III)

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GÉNÉALOGIE DU FANATISME.

En elle-même toute idée est neutre, ou devrait

l'être mais l'homme l'anime, y projette ses flammeset ses démences impure, transformée en croyance,elle s'insère dans le temps, prend figure d'événe-ment le passage de la logiqueà l'épilepsie estconsommé. Ainsi naissent les idéologies, les doc-trines, et les farces sanglantes.

Idolâtres par instinct, nous convertissons en incon-ditionné les objets de nos songes et de nos intérêts.L'histoire n'est qu'un défilé de faux Absolus, une succession de temples élevés à des prétextes, un avilisse-ment de l'esprit devant l'Improbable. Lors mêmequ'il s'éloigne de la religion, l'homme y demeureassujetti s'épuisant à forger des simulacres de dieux,il les adopte ensuite fiévreusement son besoin defiction, de mythologietriomphe de l'évidence et duridicule. Sa puissance d'adorer est responsable detous ses crimes celui qui aime indûment un dieu,contraint les autres à l'aimer, en attendant de les

exterminer s'ils s'y refusent. Point d'intolérance,d'intransigeance idéologique ou de prosélytisme qui

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PRÉCIS DE DÉCOMPOSITION

ne révèlent le fond bestial dr enthousiasme. Que

l'homme perde sa faculté d'indifférence il devientassassin virtuel qu'il transforme son idée en dieules conséquences en sont incalculables. On ne tuequ'au nom d'un dieu ou de ses contrefaçons lesexcès suscités par la déesse Raison, par l'idée denation, de classe ou de race sont parents de ceux del'Inquisition ou de la Réforme. Les époques de fer-veur excellent en exploits sanguinaires sainte Thé-rèse ne pouvait qu'être contemporaine des autodafés,et Luther du massacre des paysans. Dans les crisesmystiques, les gémissements des victimes sont paral-lèles aux gémissements de l'extase. Gibets, cachots,bagnes ne prospèrent qu'à l'ombre d'une foi, de cebesoin de croire qui a infesté l'esprit pour jamais.Le diable paraît bien pâle auprès de celui qui disposedune vérité, de sa vérité. Nous sommes injustes àl'endroit des Nérons, des Tibères ils n'inventèrentpoint le concept d'hérétique ils ne furent querêveurs dégénérés se divertissant aux massacres. Lesvrais criminels sont ceux qui établissent une ortho-doxie sur le plan religieux ou politique, qui distin-guent entre le fidèle et le schismatique.

Lorsqu'on se refuse à admettre le caractère inter-changeable des idées, le sang coule. Sous les résolu-tions fermes se dresse un poignard les yeux enflam-més présagent le meurtre. Jamais esprit hésitant,atteint d'hamlétisme, ne fut pernicieux le principedu mal réside dans la tension de la volonté, dans

l'inaptitude au quiétisme, dans la mégalomanie pro-méthéenne d'une race qui crève d'idéal, qui éclatesous ses convictions et qui, pour s'être complue àbafouer le doute et la paresse, vices plus noblesque toutes ses vertus s'est engagée dans une voie

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de perdition, dans l'histoire, dans ce mélange indé-cent de banalité et d'apocalypse. Les certitudes yabondent supprimez-les, supprimez surtout leursconséquences vous reconstituez le paradis. Qu'est-ce que la Chute sinon la poursuite d'une vérité etl'assurance de l'avoir trouvée, la passion pour undogme, l'établissement dans un dogme ? Le fana-tisme en résulte, tare capitale qui donne àl'homme le goût de l'efficacité, de la prophétie, dela terreur, lèpre lyrique par laquelle il contamineles âmes, les soumet, les broie ou les exalte. N'yéchappent que les sceptiques (ou les fainéants et lesesthètes), parce qu'ils ne proposent rien, parce quevrais bienfaiteurs de l'humanité ils en détruisent

les partis pris et en analysent le délire. Je me sensplus en sûreté auprès d'un Pyrrhon que d'un saintPaul, pour la raison qu'une sagesse à boutades estplus douce qu'une sainteté déchaînée. Dans un espritardent on retrouve la bête de proie déguisée on nesaurait trop se défendre des griffes d'un prophète.Que s'il élève la voix, fût-ce au nom du ciel, de la

cité ou d'autres prétextes, éloignez-vous-en satyrede votre solitude, il ne vous pardonne pas de vivreen deçà de ses vérités et de ses emportements sonhystérie, son bien, il veut vous le faire partager, vousl'imposer et vous défigurer. Un être possédé par unecroyance et qui ne chercherait pas à la communiqueraux autres, est un phénomène étranger à la terre,où l'obsession du salut rend la vie irrespirable. Regar-dez autour de vous partout des larves qui prê-chent chaque institution traduit une mission lesmairies ont leur absolu comme les temples l'admi-nistration, avec ses règlements, métaphysique àl'usage des singes. Tous s'efforcent de remédier à

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la vie de tous les mendiants, les incurables même yaspirent les trottoirs du monde et les hôpitauxdébordent de réformateurs. L'envie de devenir source

d'événements agit sur chacun comme un désordremental ou comme une malédiction voulue. La société,

un enfer de sauveurs Ce qu'y cherchait Diogèneavec sa lanterne, c'était un indifférent.

Il me suffit d'entendre quelqu'un parler sincère-ment d'idéal, d'avenir, de philosophie, de l'entendredire « nous» avec une inflexion d'assurance, d'invo-

quer les « autres », et s'en estimer l'interprète,pour que je le considère mon ennemi. J'y vois untyran manqué, un bourreau approximatif, aussi haïs-sable que les tyrans, que les bourreaux de grandsclasse. C'est que toute foi exerce une forme de ter-reur, d'autant plus effroyable que les « purs » ensont les agents. On se méfie des finauds, des fripons,des farceurs pourtant on ne saurait leur imputeraucune des grandes convulsions de l'histoire necroyant en rien, ils ne fouillent pas vos cœurs, ni vosarrière-pensées ils vous abandonnent à votre non-chalance, à votre désespoir ou à votre inutilité l'hu-manité leur doit le peu de moments de prospéritéqu'elle connut ce sont eux qui sauvent les peuplesque les fanatiques torturent et que les « idéalistes »ruinent. Sans doctrine, ils n'ont que des caprices etdes intérêts, des vices accommodants, mille fois plussupportables que les ravages provoqués par le despo-tisme à principes car tous les maux de la vie vien-nent d'une « conception de la vie ». Un hommepolitique accompli devrait approfondir les sophistesanciens et prendre des leçons de chant et decorruption.

Le fanatique, lui, est incorruptible si pour une

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idée il tue, il peut tout aussi bien se faire tuer pourelle dans les deux cas, tyran ou martyr, c'est unmonstre. Point d'êtres plus dangereux que ceux quiont souffert pour une croyance les grands persécu-teurs se recrutent parmi les martyrs auxquels on n'apas coupé la tête. Loin de diminuer l'appétit depuissance, la souffrance l'exaspère aussi l'esprit sesent-il plus à l'aise dans la société d'un fanfaron quedans celle d'un martyr et rien ne lui répugne tantque ce spectacle où l'on meurt pour une idée.Excédé du sublime et du carnage, il rêve d'un ennuide province à l'échelle de l'univers, d'une Histoiredont la stagnation serait telle que le doute s'y dessi-nerait comme un événement et l'espoir comme unecalamité.

L'A:TI-PROPHÈTE.

Dans tout homme sommeille un prophète, etquand il s'éveille il y a un peu plus de mal dans lemonde.

La folie de prêcher est si ancrée en nous qu'elleémerge de profondeurs inconnues à l'instinct deconservation. Chacun attend son moment pour pro-poser quelque chose n'importe quoi. Il a une voixcela suffit. Nous payons cher de n'être ni sourds nimuets.

Des boueux aux snobs, tous dépensent leur géné-rosité criminelle, tous distribuent des recettes de

bonheur, tous veulent diriger les pas de tous la vieen commun en devient intolérable, et la vie avec soi-

même plus intolérable encore lorsqu'on n'intervient

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point dans les affaires des autres, on est si inquietdes siennes que l'on convertit son « moi » en reli-gion, ou, apôtre à rebours, on le nie nous sommesvictimes du jeu universel.

L'abondance des solutions aux aspects de l'existencen'a d'égale que leur futilité. L'Histoire manufactured'idéaux. mythologie lunatique, frénésie des hordeset des solitaires. refus d'envisager la réalité tellequelle, soif mortelle de fictions.

La source de nos actes réside dans une propensioninconsciente à nous estimer le centre, la raison et

l'aboutissement du temps. Nos réflexes et notre orgueiltransforment en planète la parcelle de chair et deconscience que nous sommes. Si nous avions le justesens de notre position dans le monde, si comparerétait inséparable du vivre, la révélation de notreinfime présence nous écraserait. Mais vivre, c'ests'aveugler sur ses propres dimensions.

Que si tous nos actes depuis la respirationjusqu'à la fondation des empires ou des systèmesmétaphysiques dérivent d'une illusion sur notreimportance, à plus forte raison l'instinct prophétique.Qui, avec la vision exacte de sa nullité, tenterait d'êtreefficace et de s'ériger en sauveur ?a

Nostalgie d'un monde sans « idéal », d'une agoniesans doctrine, d'une éternité sans vie. Le Paradis.

Mais nous ne pourrions exister une seconde sans nousleurrer le prophète en chacun de nous est bien legrain de folie qui nous fait prospérer dans notrevide.

L'homme idéalement lucide, donc idéalement nor-

mal, ne devrait avoir aucun recours en dehors du

rien qui est en lui. Je me ngure l'entendre « Arra-ché au but, à tous les buts, je ne conserve de mes

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désirs et de mes amertumes que leurs formules.Ayant résisté à la tentation de conclure, j'ai vaincul'esprit, comme j'ai vaincu la vie par l'horreur d'ychercher une solution. Le spectacle de l'homme,quel vomitif1 L'amour, une rencontre de deuxsalives. Tous les sentiments puisent leur absolu dansla misère des glandes. Il n'est de noblesse que dans lanégation de l'existence, dans un sourire qui surplombedes paysages anéantis.

(Autrefois j'avais un « moi » je ne suis plus qu'unobjet. Je me gave de toutes les drogues de la soli-tude celles du monde furent trop faibles pour me lefaire oublier. Ayant tué le prophète en moi, commentaurais-je encore une place parmi les hommes ?)

DANS LE cimetière DES DÉFINITIONS.

Sommes-nous fondés à imaginer un esprit s'écriant« Tout m'est à présent sans objet, car j'ai donnéles définitions de toutes choses » ? Et si nous

pouvions l'imaginer, comment le situer dans ladurée ?a

Ce qui nous environne, nous le supportons d'autantmieux que nous lui donnons un nom et passonsoutre. Mais embrasser une chose par une définition,si arbitraire soit-elle, et d'autant plus grave qu'elleest plus arbitraire, puisque l'âme y devance alorsla connaissance, c'est la rejeter, la rendre insipideet superflue, l'anéantir. L'esprit oisif et vacant etqui ne s'intègre au monde qu'à la faveur du som-meil à quoi pourrait-il s'exercer sinon à élargirle nom des choses, à les vider et à leur substituer

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des formules ? Ensuite il évolue sur leurs décombres

plus de sensations rien que des souvenirs. Souschaque formule gît un cadavre l'être ou l'objetmeurt sous le prétexte auquel ils ont donné lieu.C'est la débauche frivole et funèbre de l'esprit. Etcet esprit s'est gaspillé dans ce qu'il a nommé etcirconscrit. Amoureux de vocables, il haïssait le

mystère des silences. lourds et les rendait légers etpurs et il est devenu léger et pur, puisque allégé etpurifié de tout. Le vice de définir a fait de lui unassassin gracieux, et une victime discrète.

Et c'est ainsi que s'est effacée la tache que l'âmeétendait sur l'esprit et qui seule lui rappelait qu'ilétait vivant.

CIVILISATION ET FRIVOLITÉ.

Comment supporterions-nous la masse et la pro-fondeur fruste des œuvres et des chefs-d'œuvre, si

à leur trame, des esprits impertinents et délicieuxn'avaient ajouté les franges du mépris subtil et desironies primesautières ? Et comment pourrions-nousendurer les codes, les mœurs, les paragraphes ducœur que l'inertie et la bienséance ont superposésaux vices intelligents et futiles, si n'existaient pas cesêtres enjoués que leur raffinement place tout à lafois aux sommets et en marge de la société ?

Il faut être reconnaissant aux civilisations qui n'ontpas abusé du sérieux, qui ont joué avec les valeurs etqui se sont délectées à les enfanter et à les détruire.Connaît-on en dehors des civilisations grecque et fran-caise une démonstration plus lucidement badine du

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néant élégant des choses ? Le siècle d'Alcibiade et ledix-huitième siècle français sont deux sources deconsolation. Tandis que ce n'est qu'à leur stade der-nier, à la dissolution de tout un système de croyanceset de mœurs que les autres civilisations purent goû-tcr à l'exercice allègre qui prête une saveur d'inutilitéà la vie, c'est cn pleine maturité, en pleine posses-sion de leurs forces et de l'avenir, que ces deux sièclesconnurent l'ennui insoucieux de tout et perméable àtout. Est-il symbole meilleur que celui de madame duDeffand, vieille, aveugle et clairvoyante, qui, tout enexécrant la vie, y goûte néanmoins les agréments del'amertume ?

Personne n'atteint d'emblée à la frivolité. C'est un

privilège et un art c'est la recherche du superficielchez ceux qui s'étant avisés de l'impossibilité de toutecertitude, en ont conçu le dégoût c'est la fuite loindes abîmes, qui, étant naturellement sans fond, nepeuvent mener nulle part.

Restent cependant les apparences pourquoi nepas les hausser au niveau d'un style ? C'est là définirtoute époque intelligente. On en vient à trouver plusde prestige à l'expression qu'à l'âme qui la supporte,à la grâce qu'à l'intuition l'émotion même devientpolie. L'être livré à lui-même, sans aucun préjugéd'élégance, est un monstre il ne trouve en lui quedes zones obscures, où rôdent, imminentes, la terreur

et la négation. Savoir, par toute sa vitalité, que l'onmeurt, et ne pouvoir le cacher, est un acte de bar-barie. Toute philosophie sincère renie les titres de lacivilisation, dont la fonction consiste à tamiser nossecrets et à les travestir en effets recherchés. Ainsi, la

frivolité est l'antid(,te le plus efficace au mal d'êtrece qu'on est par elle nous abusons le monde et dis-

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simulons l'inconvenance de nos profondeurs. Sans sesartifices, comment ne pas rougir d'avoir une âme ?Nos solitudes à fleur de peau, quel enfer pour lesautres Mais c'est toujours pour eux, et parfois pournous-mêmes, que nous inventons nos apparences.

DISPARAÎTRE EN DIEU.

L'esprit qui soigne son essence distincte est menacéà chaque pas par les choses auxquelles il se refuse.L'attention le plus grand de ses privilègesl'abandonnant souvent, il cède aux tentations qu'il avoulu fuir, ou devient la proie de mystères impurs.Qui ne connaît ces peurs, ces frémissements, cesvertiges qui nous rapprochent de la bête, et des pro-blèmes derniers ? Nos genoux tremblent sans seplier nos mains se cherchent sans se joindre nosyeux se lèvent et n'aperçoivent rien. Nous conser-vons cette fierté verticale qui raffermit notre cou-rage cette horreur des gestes qui nous préserve desdémonstrations et le secours des paupières pour cou-vrir des regards ridiculement ineffables. Notre glisse-ment est proche, mais non inévitable l'accidentcurieux, mais nullement nouveau un sourire

point déjà à l'horizon de nos terreurs. nous neculbuterons point dans la prière. Car enfin Il ne doitpas triompher sa majuscule, c'est à notre ironie dela compromettre les frissons qu'il dispense, à notrecœur de les dissoudre.

Si vraiment un tel être existait, si nos faiblesses

l'emportaient sur nos résolutions et nos profondeurssur nos examens, alors pourquoi penser encore,

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puisque nos difficultés seraient tranchées, nos inter-rogations suspendues et nos épouvantes apaisées ? Ceserait trop facile. Tout absolu personnel ouabstrait est une façon d'escamoter les problèmeset non seulement les problèmes, mais aussi leur racine,qui n'est autre chose qu'une panique des sens.

Dieu chute perpendiculaire sur notre effroi, saluttombant comme un tonnerre au milieu de nos

recherches qu'aucun espoir n'abuse, annulation sansdétours de notre fierté inconsolée et volontairement

inconsolable, acheminement de l'individu sur une

voie de garage, chômage de l'âme faute d'inquié-tude.

Quel plus grand renoncement que la foi ? Il estvrai que sans elle on s'engage dans une infinitéd'impasses. Mais tout en sachant que rien ne peutmener à rien, que l'univers n'est qu'un sous-produitde notre tristesse, pourquoi sacrifierions-nous ce plai-sir de trébucher et de nous écraser la tête contre la

terre et le ciel ?

Les solutions que nous propose notre lâcheté ances-trale sont les pires désertions à notre devoir dedécence intellectuelle. Se tromper, vivre et mourirdupe, c'est bien ce que font les hommes. Mais ilexiste une dignité qui nous préserve de disparaître enDieu et qui transforme tous nos instants en prièresque nous ne ferons jamais.

VARIATIONS SUR LA MORT.

I. C'est parce qu'elle ne repose sur rien, parceque l'ombre même d'un argument lui fait défaut que

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nous persévérons dans la vie. La mort est trop exactetoutes les raisons se trouvent de son côté. Mystérieusepour nos instincts, elle se dessine, devant notreréflexion, limpide, sans prestiges, et sans les fauxattraits de l'inconnu.

A force de cumuler des mystères nuls et de mono-poliser le non-sens, la vie inspire plus d'effroi que lamort c'est elle qui est le grand Inconnu.

Où peut mener tant de vide et d'incompréhen-sible ? Nous nous agrippons aux jours parce que ledésir de mourir est trop logique, partant inefficace.Que si la vie avait un seul argument pour elle dis-tinct, d'une évidence indiscutable elle s'anéanti-

rait les instincts et les préjugés s'évanouissent aucontact de la Rigueur. Tout ce qui respire se nourritd'invérifiable un supplément de logique serait funesteà l'existence, effort vers l'Insensé. Donnez un

but précis à la vie elle perd instantanément sonattrait. L'inexactitude de ses fins la rend supérieureà la mort un grain de précision la ravalerait àla trivialité des tombeaux. Car une science positivedu sens de la vie dépeuplerait la terre en un jour etnul forcené ne parviendrait à y ranimer l'improba-bilité féconde du Désir.

II. On peut classer les hommes suivant les cri-tères les plus capricieux suivant leurs humeurs,leurs penchants, leurs rêves ou leurs glandes. Onchange d'idées comme de cravates car toute idée,tout critère vient de l'extérieur, des configurations etdes accidents du temps. Mais, il y a quelque chosequi vient de nous-mcmes, qui est nous-mêmes, uneréalité invisible, mais intérieurement vérifiable, une

présence insolite et de toujours, que l'on peut conce-

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voir à tout instant et qu'on n'ose jamais admettre,et qui n'a d'actualité qu'avant sa consommationc'est la mort, le vrai critère. Et c'est elle, dimension

la plus intime de tous les vivants, qui sépare l'huma-nité en deux ordres si irréductibles, si éloignés l'unde l'autre, qu'il y a plus de distance entre euxqu'entre un vautour et une taupe, qu'entre une étoileet un crachat. L'abîme de deux mondes incommu-

nicables s'ouvre entre l'homme qui a le sentimentde la mort et celui qui ne l'a point cependant tousles deux meurent mais l'un ignore sa mort, l'autrela sait l'un ne meurt qu'un instant, l'autre ne cessede mourir. Leur condition commune les situe pré-cisément aux antipodes l'un de l'autre aux deuxextrémités et à l'intérieur d'une même définitioninconciliables, ils subissent le même destin. L'un vit

comme s'il était éternel l'autre pense continuelle-ment son éternité et la nie dans chaque pensée.

Rien ne peut changer notre vie si ce n'est l'insi-nuation progressive en nous des forces qui l'annu-lent. Aucun principe nouveau ne lui vient ni dessurprises de notre croissance ni de l'efflorescence denos dons elles ne lui sont que naturelles. Et rien denaturel ne saurait faire de nous autre chose que nous-mêmes.

Tout ce qui préfigure la mort ajoute une qualitéde nouveauté à la vie, la modifie et l'amplifie. Lasanté la conserve comme telle, dans une stérile iden-

tité tandis que la maladie est une activité, la plusintense qu'un homme puisse déployer, un mouvementfrénétique et. stationnaire, la plus riche dépensed'énergie sans geste, l'attente hostile et passionnéed'une fulguration irréparable.

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