fabre - les visions d'ignace de loyola dans la diffusion de l'art jésuite

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The Johns Hopkins University Press is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to MLN. http://www.jstor.org Les Visions d'Ignace de Loyola dans la diffusion de l'art jésuite Author(s): Pierre-Antoine Fabre Source: MLN, Vol. 114, No. 4, French Issue (Sep., 1999), pp. 816-847 Published by: The Johns Hopkins University Press Stable URL: http://www.jstor.org/stable/3251364 Accessed: 10-04-2015 09:05 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. This content downloaded from 86.7.18.140 on Fri, 10 Apr 2015 09:05:01 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Misticismo ignaciano

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    http://www.jstor.org

    Les Visions d'Ignace de Loyola dans la diffusion de l'art jsuite Author(s): Pierre-Antoine Fabre Source: MLN, Vol. 114, No. 4, French Issue (Sep., 1999), pp. 816-847Published by: The Johns Hopkins University PressStable URL: http://www.jstor.org/stable/3251364Accessed: 10-04-2015 09:05 UTC

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  • Les Visions d'Ignace de Loyola dans la diffusion de l'art jesuite

    Pierre-Antoine Fabre

    Le probleme de la representation figur6e d'une vision n'est peut-etre qu'un cas particulier de celui, beaucoup plus general, de l'echelle, c'est-a-dire de la solution d'une difficult6 visuelle selon les procedures propres a un projet rationnel: proportion, mesure; et, en ce sens, un aspect particulier du systeme de representation complexe elabor6 au sein de la Compagnie de Jesus au cours du premier siecle de son existence, entre peinture, sculpture et architecture.' La caracteristique de ce cas particulier etant qu'une vision peut legitimement toute la gamme des echelles et des supports, puisque la vision, phenomene interne, est en quelque sorte aux dimensions de l'ame, c'est-a-dire sans nulle mesure mat6rielle, mais que, du fait meme que l'ame s'y absorbe, s'y trouve transportee, extasiee, etc., cette mme vision occupe tout le champ, tout le champ deserte par la vue sensi- ble. La vision est donc dans l'infime et dans l'immense. Elle est, pour tous ceux qui s'y trouvent livr6s-disent-ils-ce qu'on ne peut pas ne pas voir, mais cela aussi bien parce qu'elle que parce qu'elle aimante le regard

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    Trois exemples2: la Vision de saint Jean a Patmos, de Diego Velasquez, vers 1618 (Ill. 1), la Vision de sainte Therese, d'Alonso Cano, vers 1629 (Ill. 2), la Vision de saint Jean a Patmos, du Greco, vers 1580-1585 (111.3).

    Ne perdons pas de vue ce probleme des echelles, des variations d'echelles. Car la r6flexion que je propose sur le destin des visions d'Ignace de Loyola dans la diffusion de 1' ?art jsuite> ne concerne pas seulement ce qu'il en est de la repr6sentation des visions du fondateur de la Compagnie deJesus sur diff6rents supports, dessin6s, grav6s, peints; elle concerne 6galement ce qu'il en est de la fonction de ces repr6sentations dans la diffusion de l'

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    Ill. 1. Diego Velasquez, Vision de saintJean a Patmos, vers 1618, 135 X 102, National Gallery, Londres.

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    Ill. 2 (left). Alonso Cano, Vision de sainte Therese, vers 1629, 98 X 42, collection particuliere. Ill. 3 (right). Le Greco, Vision de saintJean a Patmos, vers 1580-1585, 236 X 138, Museo de santa Cruz, Tolede.

    faire voir, d'une vue immobile, ce mouvement-la? Comment faire voir, en bref, dans une peinture, une vision? Or la m&me question pourrait se formuler de la facon suivante-et c'est de l'une a l'autre de ces deux formulations que je propose d'aller: non pas qu'est-ce que faire voir une vision dans une image, mais: qu'est-ce que voir une image? Qu'est-ce qu'avoir la vision d'une image? Le probleme des visions se trouve place ici au coeur de 1' >, de sa diffusion. La vision, pour le dire ainsi, insiste ou diffuse, infuse dans l'image. Mais comme on va le voir, cette infusion-la ne va nullement de soi. Or,

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  • PIERRE-ANTOINE FABRE

    tres curieusement, la possibilite meme d'une vision de l'image est pourtant d'emblee a l'oeuvre: elle est contournee, elle est redout6e, elle est refusee-mais elle est ainsi, comme clandestinement, cultivee.

    Je voudrais, a travers l'histoire de la venue au visible des visions d'Ignace de Loyola, esquisser quelque chose d'une genese de l'?art Jesuite>.

    Mais qu'est-ce donc au juste qu'une vision? En toute rigueur, mystique et physique, c'est l'acte de voir. La vision parfaite, c'est l', comme l'a ecrit Michel de Certeau4, c'est la mort: c'est l'etre en presence de la pure lumi&re, sans que les corps mate- riels n'y fassent plus aucune difference, aucune ombre.

    Giovanni Battista Gaulli, l'un des grands peintres d'eglise romains du XVIIe siecle, montre puissamment cette vision mortelle et eternelle dans l'esquisse qu'il realise en 1675 pour un tableau de l'eglise du Quirinal (qui sera donc reproduite ), et qui re- pr6sente la mort de Francois Xavier (canonise en 1622) (Ill. 4). Un carre de lumiere decoupe toutes choses, des anges aux lignes d'ho- rizon-vers la mer de Chine. Un carre de lumi&re d6coupe toutes choses indifferemment, car la lumiere est, tres pr6cisement, cette indifference aux choses.

    Mais de ce point de vue, la vision comme acte de voir, pur acte de voir dans la pleine lumiere, definit aussi la vision terrestre en tant qu'elle n'est pas vision de quelque chose, vision d'un objet, mais acte perceptif, acte d'un sujet. Le terme meme, ?vision>>, porte cette dualite: designe-t-il un contenu visuel, ou cet acte? L'examen attentif des textes lies a la description des visions d'Ignace de Loyola montre que, chez lui en particulier-peut-etre parce que, dans la tradition qui s'attache a lui dans le contexte de la Contre-R6forme catholique, le probl&me de l'image devotionnelle se pose avec une exigence sp6ciale-tout concourt a ce que le contenu des visions tende, le plus possible, le plus qu'il est humainement possible, a s'effacer au bene- fice du pur acte de voir. Pas seulement chez lui, mais tres certaine- ment dans ce moment-la, comme en temoignerait par exemple cette vision de saint Francois, d'auteur inconnu, au XVIIe siecle (Ill. 5): le saint tend les bras vers un ciel charg6, un ciel lumineux, mais lourd de visions, dont les nuages t6moignent-le nuage, on le sait, tenant la frontiere poreuse d'ici-bas et du champ c6leste.

    4 Michel de Certeau, La Faiblesse de croire, 6d. Luce Giard (Paris: Seuil, 1987).

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    Ill. 4. Giovanni Battista Gaulli, Mort de Saint FranSois Xavier, 1675, 64 X 46, Pinacotheque du Vatican.

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  • PIERRE-ANTOINE FABRE

    *

    Revenons a Ignace. Dans le recit qu'il donne, a la fin de sa vie, de ce qu'il a v6cu, et singulierement des nombreuses visions qui l'ont affecte, un constat s'impose: pas grand chose a voir. Ainsi, par exemple, de cette vision:

    Le parecia ver una cosa blanca, de la qual salian algunos rayos, y que della hacia Dios lumbre5.

    Ou de celle-ci:

    Alzandose el Corpus Domini, vi6 con los ojos interiores unos como rayos blancos que venian de arriba6.

    Ou encore de celle-ci:

    Muchas vezes y por mucho tiempo, estando en oraci6n, veia con los ojos interiores la humanidad de Christo, y la figura que le parecia era como un cuerpo blanco, no muy grande ni muy pequefio, mas no veia alguna distinci6n de miembros7.

    Suivie de:

    A nuestra Senora tambi6n ha visto en simil forma, sin distinguir las partes8. Ces textes font du comment voir, des modalitds de l'acte de voir-il lui semblait voir, il ne distinguait pas, etc.-le quasi-objet de l'acte de voir. Comme si le voyant tenait lieu du vu, comme si, a l'extreme, Ignace ne voyait rien d'autre que lui-meme voyant-voyant quoi? Voyant de la lumiere.

    II est dans ce texte une vision 6trange, plus que tout autre peut- etre, celle-ci:

    Y perseverando en la abstinencia de no comer carne, y estando firme en ella, ... se le represent6 delante carne para comer, como que la viese con ojos corporales, sin haber precedido ningun deseo della; y le vino tambien juntamente un grande asenso de la voluntad para que de alli adelante la comiese.9

    L'abstinence, le jeine: le corps s'est creus6. Le corps s'est creus6 jusqu'a se figurer-mais sans distinguer aucune des parties-comme

    5Fontes Narrativi de S. Ignatio de Loyola et de Societatis Iesu initiis (FN), I (Rome: Monumenta Historica Societatis Iesu, 1943), 402. 6 FN I:402.

    7FN 1:402-4. 8FN I:404.

    FN I:400.

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    Q;

    S0

    II

    0~

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    un morceau de viande. Le corps s'est creus6 jusqu'a devoir, jusqu'a ne pas pouvoir ne pas se figurer lui-meme. II n'est plus qu'un point de vue sur un corps subsistant defigure. A tel point que, des differentes copies en circulation apres la mort d'Ignace de ce recit, l'une indique (pas n'importe laquelle de ces copies d'ailleurs, puisqu'il s'agit de l'une de celles que le gouvernement de la Compagnie de Jesus collecte et met sous le boisseau au moment de la preparation de la premiere biographie officielle d'Ignace, a laquelle nous devrons revenir)-l'une, donc, indique, non pas , mais: L'asenso est asiento, decouverte d'un lieu-d'un pur lieu de voir-au moment ou l'abstention se renverse dans une obtention, au moment ou le jeune fait de la viande, au moment ou ce qui a ete vomi fait finalement retour. Ce qui a ete vomi: on trouvera, peut-etre, le mot excessif. Qu'on attende la suite.

    Mais, auparavant, pr6cisons ceci: cette vision d'un morceau de viande n'est a ma connaissance relayee dans aucune des-pourtant tr&s nombreuses, voire innombrables, d'ou cette clause de prudence- biographies d'Ignace de Loyola produites entre 1572 (date de publi- cation de la premiere biographie officielle) et la fin du XVIIe sicle; et elle est tout autant absente des series iconographiques parallelement realis6es-- une seule exception possible (Ill. 6). Cette gravure appartient a une serie dessinee par Rubens et gravee par Barbe en 1605-1606. C'est le moment dujefne. Le d6mon menace; l'abstention fait rage. A droite de l'image, un grand carr6 vide. Le service de la viande in extremis est imminent. Mais rien. L'infigurable figure, dans le texte ignatien, du corps voyant r6duit au presque rien d'un morceau de viande-dans un lieu-assentiment de la volonte et en l'absence de tout d6sir-trouve sa representation dans la quadrature d'un pur champ visuel. Le morceau de viande est a gauche de l'image, sous les deux especes du pain et du vin, mais il est aussi devant l'image: la oui nous sommes, nous, qui voyons l'image. Cette reference au rituel eucharistique n'est pas au hasard: si j'ai, en tant que corps voyant, une vision de l'image, la ou elle se reduit a un pur champ visuel (a droite de la gravure), et sije vois aussi la vision dans l'image (a gauche de la gravure),je transforme l'image en vision etje le fais en formulant pour moi-meme ces paroles: >Je parle l'image comme le pretre parle le pain, et l'image devient alors la vive fantaisie de mon imagination.

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    Or il est remarquable que le premier cycle, peu connu, consacr6e la vie d'Ignace de Loyola, r6alise par le graveur flamand Jer6me Wierix en 1609-1610 (a 1'epoque de la b6atification du fondateur de la Compagnie de Jesus), nous conduise finalement a une issue voisine: la premi&re vision d'Ignace de Loyola a laquelle ses successeurs se trouvent confrontes dans leur tentative d'en rendre figurativement compte, c'est, pr6cis6ment, une vision d'Ignace: non pas une vision qu'aurait eu Ignace, mais une vision d'Ignace lui-meme-morceau de viande transfigur6 par sa sanctification celeste (11. 7). On reperera au passage les deux 6chelles de vision que Wierix organise dans sa gravure et on imaginera, entre elles, l'infinit6 virtuelle des autres 6chelles possibles, qui balaye comme un spectre lumineux l'image grav6e. Mais comment en est-on arriv6 la, au terme d'un parcours de douze gravures largement consacrees aux visions d'Ignace? Comment en est-on arrive a cette vision de l'acte pur de voir, au point extreme ou sa seule capacit6 de figurer est dans la representation du sujet voyant?

    Je ne peux faire ici qu'un parcours rapide de ces onze gravures, qui, je le pr6cise, dans leur forme premiere n'6taient pas liees en un ordre fixe, la douzieme gravure pouvant faire irruption a tout moment dans la serie; la douzi&me comme toutes les autres et par exemple celle-ci, arretee plus tard comme neuvi&me gravure (11. 8).

    Que fait donc Ignace? I1 voit, probablement. I1 est, dit la legende, circonscrit d'une lumiere celeste, et plusieurs le regardent [a diversis adspicitur]. Le voyant est vu, par des temoins dissimules, sans doute, mais actuellement observateurs. Or tout s'organise autour de cela: qui le voit voyant? C'est une question fondamentale: car le saint est celui qui a refus6 de se voir lui-meme, celui qui a renonce a la reflexivit6 et s'expose aux yeux de Dieu, a la seule vue de Dieu. Mais ceci rel&ve de la seule relation, exclusive, secrete, du saint et de son Dieu. Pour les temoins, pour ceux qui epient, il n'y a que le saint, tournant le dos aux hommes et, de ce fait meme, leur cachant la lumiere-c'est bien pour cela qu'il doit entre Dieu et les hommes-comme la lune 6clipse le soleil. La r6flexivit6 du saint, vu voyant, est cette opacit6, qui est aussi son humanite, fut-ce sous la forme ultime, la forme sublime, accordee a l'ascete, d'un >.

    La premiere gravure-Saint-Pierre apparait a Ignace malade et le sauve de la mort (Ill. 9)-est ici en marge: j'y reviendrai autrement, car cette repr6sentation, qui connnaitra un developpement considerable, n'est pas une vision, mais une apparition. Elle n'est pas une vue des

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    11. 7 (left). Jerome Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis Iesu, Anvers, 1609-1610, planche 12. 11. 8 (right). J. Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis Iesu, planche 9.

    yeux interieurs, mais une presence miraculeusement sensible. Retenons toutefois qu'ici, Ignace est seul, et qu'il voit celui qui lui apparait. Son geste s'adresse vers lui en priere. La superposition de saint Pierre nimb6 a l'ensemble de la sc&ne est cependant telle, notons-le aussi, que nous le voyons en meme temps que lui, qu'il se montre a nous en meme temps qu'a lui. Au-dela, tout change, quel que soit l'ordre retenu.

    La deuxi&me gravure (Ill. 10) montre Ignace priant, mais nous montre, a nous qui voyons l'image, quelque chose, la Vierge et l'enfant J6sus, que nous ne voyons pas Ignace voir. Au fond, deux temoins exclus.

    La troisi&me gravure (111. 11) montre Ignace voyant, et nous fait voir ce qu'il voit, mais repr6sente aussi, avec insistance, deux t6moins exclus de la vision d'Ignace.

    La quatri&me gravure (et cinquieme de la s6rie) (Ill. 12): Ignace, sans t6moins, voit.

    La dixieme gravure de la s6rie (Ill. 13), ainsi que la onzieme (Ill. 14) acheminent les t6moins vers une transmission directe de la vision

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    ll. 9 (left). J. Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis Iesu, planche 1. ll. 10 (right). J. Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis lesu, planche 2.

    d'Ignace. Cette derniere gravure, en particulier, leve express6ment les yeux du t6moin vers la vision d'Ignace-qui n'est pas d'ailleurs n'importe laquelle puisque, justement, Ignace voit monter vers les hauteurs celestes un certain Hosius,jeune compagnon d'Ignace mort en 1538, peu avant la fondation de la Compagnie deJesus: passage de temoin.

    Puis la douzi&me planche, que nous connaissons (111. 7), celle des fils d'Ignace voyant leur pere comme dans une vision.

    La serie est grave: elle est meme aust&re. Nous sommes loin, tres loin-du moins en apparence (mais c'est une autre histoire)-du triomphe d'Ignace a la voute de sa grande eglise romaine. Il s'yjoue cependant quelque chose d'essentiel: la mise en oeuvre du vecteur des visions comme condition de possibilit6 de l'inscription d'Ignace dans le cadre d'une representation devotionnelle, et cela a travers le constat des limites de la mise en figure de ses visions: la ou les temoins commencent de voir Ignace voyant, Ignace vient, si j'ose dire, s'y coller, morceau de viande defigure et r6figur6 dans l'espace de ses propres visions. Defigure et refigure: ne pretons ici attention qu'a un seul detail, celui de la seconde planche (11. 10).

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    Ill. 11 (left). J. Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis Iesu, planche 3. Iii. 12 (right). J. Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis Iesu, planche 4.

    Un double nimbe de lumiere circonscrit Ignace, tres precis6ment: mais le premier le defigure, en ce sens qu'il s'ecarte de ses contours pour d6finir le lieu de son corps, alors que le second, a partir de cette defiguration, reconstitue, par un second tour d'inscription, la figure d'un corps nimbe.

    Que les saints se voient au sens ou leurs contours ne se donnent que comme ce qui reste d'ombre, de trait, de limite, dans une irresistible propension a l'effusion lumineuse, n'est certainement pas pour nous surprendre. En temoignerait, par exemple, cette rencontre, reci- proquement effusive, entre Saint Ignace de Loyola et saint Philippe Neri (Ill. 15). Deux saints qui se voyaient beaucoup, a ce qu'il parait; mais on voit ici ce que c'est, pour deux saints, que de se voir. Ils ont, en quelque sorte, une vision d'eux-memes, avec un leger avantage pour celui de droite (mais il s'agit d'une commande jesuite, la encore dessin6e par Rubens et gravee par Barbe dans les annees 1605-1606).

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    Ill. 13 (left). J. Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis Iesu, planche 10. Ill. 14 (right). J. Wierix, Vita B. P Ignatii de Loyola, fundatoris Societatis lesu, planche 11.

    I1 reste cependant que, si cette s6rie nous dit quelque chose d'un premier aspect de la fonction des visions d'Ignace de Loyola dans la genese d'une iconographie du fondateur de la Compagnie de Jesus, nous ne sommes guere avances concernant le destin d'une icono- graphie de ces visions elles-memes. Je l'ai indiqu6: la s6rie de Jerome Wierix nous faisait comparaitre comme temoins de certaines visions dont les t6moins repr6sent6s semblaient exclus. Mais au moment meme oui ces temoins-la prenaient la rel&ve, les visions elles-memes s'effagaient. Le probleme reste donc entier-comment faire croire qu'Ignace a vu?-d'autant plus redoutable que cette s6rie de gravures articule dynamiquement dans chacune de ses 6tapes le probleme de la vision comme acte de voir, un acte de voir qui ne pourrait se repre- senter lui-meme que sous les traits du voyant: chacune des gravures representant Ignace voyant trouve dans la representation d'Ignace objet de vision sa figure reflexive.

    Pour comprendre comment l'iconographie d'Ignace de Loyola et de ses visions 6chappe a l'aporie, a l'impasse r6flexive vers laquelle la

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  • PIERRE-ANTOINE FABRE

    serie de gravures de Jer6me Wierix nous a conduit, il nous faut revenir bien en arriere, la ofu, comme je l'annoncais, la vue d'une image s'offrait des le depart comme relais instable a la representation d'une vision. Le recit dict6 par Ignace de Loyola a la fin de sa vie livre, des ses premieres pages, une surprenante vision. Nous sommes au moment ou Ignace, blesse au si&ge du Pampelune en 1521, engage le mouvement de sa conversion:

    Estando una noche despierto, vi6 claramente una imagen de Nuestra Sefiora con el santo Nifio Jesus, con cuya vista por espacio notable recibi6 consolaci6n muy excesiva, y qued6 con tanto asco de toda la vida pasada, y especialmente de cosas de carne, que le parecia habersele quitado del anima todas las especies que antes tenia en ella pintadas'?.

    Voila, en verite, une vision troublante: vision d'une image, qui, a la maniere du joueur de flfte attirant les rats hors de la cite, draine de l'ame d'Ignace les vues degoftantes qui en tapissaient toutes les parois. L'image de la vierge et de l'enfant Jesus passe ici, pour reprendre les mots d'Ignace, un mauvais . Car cette image n'est-elle pas la derniere qu'Ignace aura vue avant que, par l'ouverture de sa vision, soient vomies toutes celles qui 6taient en lui-toutes, donc aussi bien la derniere recue, celle de Notre Dame, qui n'aura servi qu'a declencher le spasme? On percoit cependant,je le dis d'embl6e, que par cette vision, quelque chose s'indique d'une relation qui pourrait etre posee entre la vision comme acte de voir, et l'image comme objet de cette vision, et que ce court texte ouvre en fait un gouffre entre l'une et l'autre en meme temps qu'il definit leur articulation legitime: il faut des images pour, les rejetant, acc6der enfin a la vision pure-une vision pure, toujours retardee, mais toujours active dans ce rejet. Mais il n'y a pas de doute que ce texte perturbe-et perturbe ceux-la meme qui, neanmoins, ont su en con- server la trace: la est toute la complexite de l'affaire, une complexit6 qui n'est autre que celle du role des visions d'Ignace dans la diffusion de l'artjesuite.

    De cette perturbation, je ne peux evidemment pas ici instruire le dossier detaille. Mais il suffira d'un texte et de deux images pour en donner un apercu.

    Le texte, c'est celui de Pedro de Ribadeneira, attele d&s les ann6es 1560 a la redaction d'une Vie d'Ignace, qui allait devenir la premiere biographie officielle du fondateur de la Compagnie de Jesus (en

    10 FN 1:374.

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    11. 15 (left). L. Barbe, P. P. Rubens, Vita Beati P Ignatii, Rome, 1605-1606. 11. 16 (right). Theodore Galle, Petrus Ribadeneira toledanus, vers 1610.

    meme temps qu'il 6tait le promoteur de son portrait, mais un portrait dans lequel il tend a se repr6senter lui-meme, selon une logique qui releverait de la meme analyse que les douze gravures de Jerome Wierix, comme par exemple dans ce portrait de Theodore Galle [Ill. 16]. Je n'y insiste pas davantage ici.11)

    Ribadeneira, donc, s'occupe a disjoindre, dans la version qu'il donne de la premiere vision d'Ignace, deux moments distincts: Ignace regarde une image de la Vierge, Ignace voit la Vierge en vision.

    Se levant6 una noche de la cama (como muchas vezes solia) a hacer oraci6n, ... y estando puesto de rodillas delante de una imagen de Nuestra Senora, ... se sinti6 en toda la casa un estallido muy grande y el aposento en que estava temb6l12

    Puis, quelques jours plus tard:

    11 On peut lire sur le sujet, peu etudi6 jusqu'ici, P. A. Fabre, "Le profil d'un fondateur: Genese du portrait d'Ignace de Loyola (1556-1622)", Trois: Revue d'criture et d'rudition 10, 1995. 12 FN IV: 91-93.

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  • PIERRE-ANTOINE FABRE

    Y fue asi que, estando velando una noche, le apareci6 la esclarecida y soberana Reyna de los Angeles, que traia en sus brazos a su preciosissimo Hijo, y con el resplandor de su claridad le alumbrava.... Y dur6 buen espacio de tiempo esta visi6n la cual causo en 61 tan grande aborrecimiento de su vida pasada .. . que parecia que quitavan y raian de su anima, como con la mano, todas las imagenes y representaciones feas13.

    Remarquable transformation, dont tous les termes demanderaient un examen approfondi. Je reviendrai sur le basculement de la vision dans une apparition-dans une apparition dont cependant, il faut le noter, Ribadeneira souligne d'abord et surtout la lumi&re. Nous sommes donc maintenant devant deux 6evnements-le spectacle d'une image, le surgissement d'une vision-apparition. C'est cette version-la, et seulement celle-la-faut-il s'en 6tonner?-qui connaitra un grand developpement iconographique. L'autre-la Vierge en miroir des rejets d'Ignace-releverait plut6t de ces autoportraits fictifs d6crits par le jans6niste Pierre Nicole-et m6dites par Louis Marin14-qui s'achevent soit dans l'immondice, soit dans une perfec- tion que seule la mort d6couvre. II faudrait ici une 6tude tres fine et diff6renci6e de la place d'une telle s6quence-le saint en extase devant une image-selon la diversite des pratiques spirituelles et artistiques de la Contre-Reforme, comme par exemple, pour l'icono- graphie de Saint Philippe N6ri, fondateur de l'Oratoire, contemporain d'Ignace (nous les avons crois6s plus haut dans une rue de Rome), ce grand tableau peint par Jean Miel en 1659 (Ill. 17).

    J'en viens maintenant a deux gravures, autres preuves des effets multiples de la vision d'Ignace-vision d'une image-et de ses transformations. L'atelier anversois des graveurs Philippe, Cornelius et Theodore Galle ex6cute en 1610 une s6rie de gravures-sur les projets du peintre espagnol Juan de Mesa, le premier auteur du portrait de Ribadeneira grav6 par Galle-pour illustrer une nouvelle 6dition de la Vie d'Ignace du meme Ribadeneira.

    Voyons la premiere gravure de cette s6rie (Ill. 18): nous rep6rons a droite de l'image (non sans relever et tenir en m6moire, a gauche de l'image, l'apparition de saint Pierre), d'une part l'6pisode de l'oraison d'Ignace devant l'image peinte de Notre Dame, d'autre part la vision de Notre Dame. Mais nous remarquons-ruse de l'image-que la legende de la gravure a laquelle renvoie la lettre B, ne fait nulle mention de l'image de la Vierge, pas plus qu'elle n'enonce la vision

    3 FNIV: 93. 14 Louis Marin, Des Pouvoirs de l'image (Paris: Seuil, 1993).

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    Ill. 17. Jean Miel, Notre Dame apparaat a Saint Philippe Neri, 1659, 76 X 57, Galleria Sabauda, Turin.

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  • PIERRE-ANTOINE FABRE

    d'Ignace ( quej'annoncais en commencant comme une insistance de la vision dans la repr6sentation, vision clandestine, au defaut de l'articulation du texte et de l'image. Ruse du dessinateur, puis du graveur, faussant compagnie a l'

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    Ill. 18. Th. Galle et al., Vita Beati Patris Ignatii, Anvers, 1610, planche 1.

    Ill. 19. Th. Galle et al., Vita Beati Patris Ignatii, planche 3.

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  • PIERRE-ANTOINE FABRE

    premiere vision d'Ignace: une image regardee, vue et revue, une image-vision, une image support de vues successives?

    Tenons en r6serve cette premiere approche d'une vue de l'image, pour nous deplacer dans une autre direction, ouverte par le texte de Ribadeneira: car s'il est vrai que nous voyons, sous nos yeux, se construire un relais visuel de la reduction du trouble provoque, dans le texte ignatien, par la collusion de l'acte de voir et d'un effectif contenu figur--il est vrai aussi que Ribadeneira ne se limite pas a ce que j'ai appele une vision-apparition de Notre Dame. II insiste autre- ment aussi pour garantir au recit de la vie mystique d'Ignace-voire a son illustration figuree-le socle sensible objectif qui lui manquait. II invente, en effet, l'apparition de Pierre-c'est-a-dire,je le repete, non pas une vision int6rieure, mais une venue en presence miraculeuse- au chevet d'Ignace mourant de ses blessures.

    Ignace indiquait, dans le recit qu'il fait, peu avant sa mort, de sa vie passee:

    Solia ser el dicho infermo devoto de San Pedro, y asi quiso nuestro Senor que aquella misma media noche se comenzase a hallar mejor'7.

    Ribadeneira pr6cise: Ignacio habia siempre tenido San Pedro por particular patr6n y abogado, y como a tal le avia reverenciado y servido; y assi se entiende que le apareci6 este glorioso apost6l la noche misma de su mayor necesidad, como quien le venia a favorecer y le traia la saludl8.

    Le texte latin de la Vie de Ribadeneira, publie avant le texte espagnol, reste d'ailleurs beaucoup plus prudent, puisqu'il se contente d'un:

    Une apparition: il suffisait d'y penser! Une presence tangible- bien que, comme on le sait, il soitjustement interdit de toucher. Mais n'est-il pas tout aussi interdit de toucher aux images, dans le cadre regle par le Concile de Trente de la veneration legitime des images, pour ce qu'elles representent, et non pas pour ce qu'elles sont? Les apparitions auraient-elles donc alors quelque chose a voir avec les images? Et si oui, a quoi bon toutes ces transformations?

    A quoi bon, en effet! Le point est crucial. Car nous allons le voir, l'apparition de Pierre nous porte elle aussi a voir une image; mais par un detour qui, si l'on peut dire, sauve les apparences.

    7 FN 1:368. 18 FN IV:85.

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    Ill. 20. Th. Galle et al., Vita Beati Patris Ignatii, planche 20.

    Une chose est certaine: la position de l'apparition en amont de la premiere vision d'Ignace (celle-ci fft-elle scind6e entre la contempla- tion d'une image et une apparition) expose saint Pierre, morphologi- quement, a de fortes turbulences.

    L'ultime gravure pour la serie d'illustrations de la Vie de Ribadeneira realisee en 1610 (Ill. 20) inscrit a son programme, en haut a gauche, une scene que tout porte-par sa position, par ses deux figures-a identifier comme l'apparition de Pierre a Ignace; alors que pas du tout: il s'agit au contraire de la premiere apparition d'Ignace a un malade, donc du premier temps d'un cycle nouveau. Or, il faut observer que l'apparition de Pierre, la encore par sa position, ne peut se suffire d'un placement unique dans l'ordre d'une serie narrative. Elle est sur son bord; elle cadre le r6cit; elle r&gle la lecture. Et voila du coup qu'elle tient le d6but et aussi la fin d'un cycle illustre, comme une cle musicale. Ainsi, par exemple, dans cette feuille pari- sienne de 1590 (Ill. 21). Elle ouvre le cycle (1), mais c'est en miroir de l'image qui le clot (12), l'une et l'autre image cadrant une figure exterieure au cycle (d), et cette figure trouve elle-meme son reflet au

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  • PIERRE-ANTOINE FABRE

    bas de la feuille (a). Quelle est cette figure, elle aussi soustraite a la chaine narrative? La figure du voyant dans l'acte pur et repete de voir: Frequenter a Deo illustrantur (). On voit ainsi of nous a reconduit l'apparition-de la r6capitulation d'un cycle a la reproduction d'un acte.

    Marquons l'insistance de cette structure (mise en miroir de la con- version et de la mort), dans cette autre feuille (11. 22), dans celle-ci enfin (Ill. 23), oi l'apparition d'Ignace (carre droit du carre 15) repond a celle de saint Pierre (1)-mais a une autre echelle.

    Que nous enseigne ce bref apercu de l'iconographie des visions d'Ignace de Loyola, et des inflexions qui, dans le r6cit transmis de sa vie, nous ont semble liees a une demande de mise en figure? I1 nous enseigne que nous devons penser ensemble ce qui releve de la vision et ce qui rel&ve de l'apparition, non pas comme deux categories heterogenes de ce que l'on appelle l'exp6rience mystique, mais tout au contraire comme le rapport de deux intensit6s-voir comme sije voyais avec les yeux du corps, voir comme si ce que je voyais 6tait devant moi, effectivement la--l'exp6rience mystique ne se d6finis- sant-on le voit bien ici-que de ce rapport, et de la variation perp6tuelle de ces deux intensit6s. On pourrait dire ceci: le contenu de vision tend a apparaitre, mais, parallelement l'acte de vision resiste a se fondre dans l'apparition. C'est-at-dire, pour nous: toute vision repr6sentee passe du c6t6 de l'apparition; mais ce passage se heurte a la r6sistance d'une vue de l'image qui ne se laisse pas r6duire au spectacle de ses figures. Ce qui d6finirait un champ sp6cifique, celui d'une vision de l'apparition. Ce quej'appelai d'abord:

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  • 840 PIERRE-ANTOINE FABRE

    Ill. 23. Anonyme, Vita Ignatii, vers 1600.

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  • M L N

    elle pourvoit>. Il/elle: le texte, en effet est ambivalent (le petit > lui-meme suspendu au-dessus des autres lettres de l'6nonc6). Or les deux lectures sont bien diff6rentes: car dans le premier cas, c'est Philippe N6ri qui, ayant vu-en vision-la Vierge sur le toit de son 6glise, sort son 6chelle pour r6parer le toit; dans le deuxieme cas, la Vierge apparait et soutient le toit jusqu'a ce que Philippe N6ri vienne la relayer. Dans le premier cas, nous voyons la Vierge telle que Philippe N6ri l'a vue en vision; dans le second cas, telle qu'elle lui est effectivement apparue. Or le large pilier qui divise l'image rend indecidable le fait de savoir si Philippe N6ri voit ou ne voit pas la Vierge sur son toit. Cette fracture centrale compose dans l'image le spectacle de Philippe Neri voyant et celui de la Vierge apparaissant. La contiguit6 de ces deux pans spatialise une anamor- phose de la vision et de l'apparition: il faudrait revoir ou revisiter, a partir de 1, la contiguit6 du lieu de la vision du tableau et du lieu de l'apparition de Notre Dame dans l'iconographie de la Vie d'Ignace de Ribadeneira.

    C'est, a tout le moins, dans cette direction que l'on peut comprendre la malicieuse reproduction, au milieu du XVIIIe siecle, de la gravure de Luca Ciamberlano pour une Vie illustr6e de Philippe N6ri (Ill. 25): la vision menace de se replier et de ne laisser place, dans le d6sen- chantement, qu'a une tourterelle sur le bord d'un toit. Mais le cadre veille-du coin de l'oeil-a l'ouverture du champ visuel, qui ne se confond nullement avec une fenetre (ferm6e). Malice corollaire: le petit

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    Ill. 24. Luca Ciamberlano, S. Filippo vede la Iii. 25. Tarsilia Vittoria Seyter, San Filippo vede la gloriosa Madonna sorreggere il tetto della chiesa di Santa Vergine che sostiene il tetto della chiesa della Vallicella che stava Maria in Vallicella, in Gian Pietro Bacci, Vita di per cadere e vi provede, in T. S. Seyter, Vita di San Filippo San Filippo Neri, Rome, 1622. Neri, 1 7 64.

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  • MLN

    11. 26. Th. Galle et al., Vita Beati Patris Ignatii, planche 20.

    c'etait le cas, plus haut, de la r6eptition des cycles narratifs des portraits illustr6s. Ignace note en effet, dans le recit de sa vie:

    Ha visto tan chiaramente che Iddio padre lo metteva con Cristo che non gli basterrebe l'animo di dubitare di questo, senonch6 Iddio Padre lo metteva col suo figliuolol9.

    La repetition de l'enonc

  • 844 PIERRE-ANTOINE FABRE

    Ill. 27. Alonso Vazquez, San Ignacio al que se le aparece la Santissima Trinidad, 254 x 194, Cathedrale de Seville.

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  • M L N

    visibilite du Pere, mais il n'est pas le P&re visible), et construit du meme coup le rapport de la vision et de l'apparition, de la vision de et dans l'apparition: Ignace ne peut voir le Pere et le Fils d'un seul et meme regard, confondant alors le Pere visible et sa visibilite et, par consequent, l'image articule necessairement ce qu'il voit et ce que nous voyons, dans ce qui devient, par contiguit6, une vision d'image, comme le champ visuel ouvert par la vision infigurable du > tait contigu au pain et au vin (Ill. 6).

    J'ai ouvert ce parcours sur une serie de visions racont6es, racont6es puis ecrites, a partir desquelles, d'une part dans d'autres textes, puis dans des images, quelque chose comme une representation de ces visions etait tent6. Je voudrais au terme, revenir non pas a ces visions 6crites, mais a ce qui, dans une ecriture, peut etre vu, a une vision de et dans l'ecriture. Ainsi du recto du quatri&me feuillet du manuscrit autographe du Journal des motions interieures d'Ignace de Loyola (Ill. 28), selon le titre propos6 par Maurice Giuliani, qui a fait connaitre ce texte en France il y a une quarantaine d'ann6es. Les 27 feuillets conserves de cejournal ont ete rediges par le fondateur de la Compagnie deJesus en 1544-1545. Ignace y note pour lajournee du vendredi 15 fevrier 1544 les lignes suivantes, ecrites au bas de ce quatri&me feuillet:

    ... pareciendo que echava en verguenza a nuestra seiiora en rogar por mi tantas vezes, con mi tanto faltar a tanto que se me escondia ...

    Puis:

    Y despues de acabada la misa, en mucha parte deste tiempo de la misa, del preparar y despues, conmucho sentir y veer a nuestra senora mucho propicia delante del Padre, a tanto que en las oraciones al padre, al hijo y al consagrar suyo, no podia que aella no sintiese, o viese como quien es, parte o puerta de tanta gracia que en espiritu sentia; al consagrar monstrando ser su carne en la de su hijo con tantas intelligencias y gracias que escribir no se podria20.

    Quelques annees plus tard-vers 1575-Gil Gonzalez Davila, assistant de la province d'Espagne aupres du gouvernement romain de la

    20 Ignace de Loyola, Constitutiones Societatis Iesu, I, Monumenta Historica Societatis Iesu 63 (Rome: Typis Pontificiae Universitatis Gregorianae, 1934), 94.

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  • 846 PIERRE-ANTOINE FABRE

    Ill. 28. Archives romaines de la Compagnie deJesus, Inst. 1, fol. 4r.

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  • M L N

    Compagnie de J6sus, voit le Journal d'Ignace. Et sije dis