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GABRIELA LÖFFELdocumentation

(sélection)

[email protected]://vimeo.com/gabrielaloeffel

http://loeffelgabriela.comhttp://www.sikart.ch

Vidéostills « Offscreen »

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inside Installation vidéo 2019

performance Installation vidéo 2017-2018

unseen Série de photographies caisson lumineux 2016

the case Installation vidéo 2015

fassung #1 Installation vidéo 2015

offscreen Installation vidéo 2013 ( DE 2014 )

embedded language Installation vidéo 2013

sans titre Série de photographies 2012

setting Installation vidéo 2011

the easy way out Installation vidéo 2010

fallbeispiel Installation vidéo 2006

angle vide Installation vidéo 2005

fokus Installation vidéo 2002-2003

cv

textes

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Sommaire

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Vidéostills « INSIDE »2019

insideInstallation / 3 canaux vidéo / hautparleurs / 35min. / 2019

Avec lA pArticipAtion de

ti WAng - InterprèteAnnely Steiner, lAurent AuSSel - Technicien*es studio volumétriquedefinitionS deS termeS :Avocate Guangzhou ChinaAvocat Shanghai ChinaSébAStien guex - Historien Université LausannemArc-André renold - Professeur Université Genève et avocat

Mes recherches pour « Inside » ont commencé à Shanghai, au sein de la zone franche, à l’« International Artwork Exchange Center » alors en construction. Dans ce projet j’aborde la question des Ports Francs d’art notamment en utilisant et en observant les processus de traduction. Mon questionnement a trait aux conditions structurelles des systèmes financier internationaux tels qu’ils sont à l’œuvre dans les Ports Francs d’art.Après Shanghai, j’ai poursuivi ces recherches aux Ports Francs de Genève. Là, devant le premier Port Franc d’art au monde, j’ai mis en scène et filmé un moment de traduction. Les Ports Francs y deviennent pour ainsi dire la scène de la performance de l’interprète professionnelle Ti Wang, qui traduit du mandarin en anglais des extraits de conversation échangés et enregistrés lors de ma visite guidée sur le chantier du «  International Artwork Exchange Center » à Shanghai. Une deuxième partie de « Inside » porte sur l’intérieur des ports francs. L’impossibilité de filmer cet intérieur réel m’a menée vers la réalité virtuelle et ses lieux de provenance et de production : les studios VR. C’est dans un des studios les plus novateurs en Europe en ce qui concerne la capture volumétrique, 4DViews à Grenoble, que l’interprète Ti Wang assure à nouveau l’interprétation entre le chinois et l’anglais. Cette fois-ci, elle traduit des textes que j’ai commandités auprès de plusieurs spécialistes de la question des Ports Francs (des juristes et historien de Chine et de Suisse). Chacun d’eux a explicité et commenté les termes que je leur ai proposés, par exemple : « territory », « technique», « investment » etc. L’interprète est conduite par le biais d’un casque de réalité virtuelle à travers un Port Franc d’art en 3D conçu à partir de mes indications et, tout en visitant l’intérieur de cette enceinte fictive, elle entend et interprète ces descriptions enregistrées. Ces différentes phases de travail et processus de traduction ont été filmés intégralement et montés ensemble avec ces voix multiples sous la forme d’une installation vidéo trois canaux.La transposition de ces thèmes, issus des Ports Francs d’art, dans l’espace de la traduction, du langage performatif, et de la réalité virtuelle, me permet de créer les interstices qui pourraient interrompre des réponses trop rapides, et de faire entrevoir des zones de recoupement entre politiques économiques, structures financières et marchés de l’art.

Filmé aux Ports Francs de Genève, à l’International Artwork Exchange Center de Shanghai et au studio VR «4D Views» Grenoble.

La vidéo existe également en version sous-titrée en français.

Réalisé avec le soutien du Fonds cantonal d’art contemporain (FCAC) Genève, du Pour-cent culturel Migros, du Masé Studio Genève et de Pro Helvetia.

video-extrAit :https://vimeo.com/427366913

Exposition « INSIDE » Cacy 2020Photo : Claude Cortinovis 3

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performance Installation / projection vidéo 2 canaux / hautparleurs / 25min. / 2017-2018

Avec lA pArticipAtion de

Amy cArroll - Coach de parole en publicrudi vAn der merWe - Locuteur

Le point de départ de cette installation vidéo est l’enregistrement audio d’un discours de présentation du directeur technique d’une société de Homeland-Security. J’ai réalisé cet enregistrement audio durant un salon professionnel de l’industrie de sécurité.Ces dernières années depuis 2001, les industries de sécurité ont été promues et consolidées ; ce développement des industries et services dans le domaine de la sécurité intérieure pourrait être interprété, d’une certaine façon, comme une représentation économique du politique. Que ce soit dans les budgets des états ou la performance des marchés boursiers, la sécurité intérieure génère toujours un intérêt et un chiffre d’affaire croissants. Politisé, le terme « sécurité » est transformé en discours, et occupe une place toujours plus large dans les sphères publique et privée, mais souvent sans qu’ait lieu une discussion consistante et essentielle sur sa définition.Le contenu de ce discours de présentation enregistré soulève plusieurs questions quant aux intérêts en jeu, tant économiques que politiques, et dans le même temps l’usage du langage et de la rhétorique devient apparent.Pour examiner alors plus en détail ce discours, pour travailler ce qui est dit et de quelle manière, j’ai chargé Amy Carroll, coach en communication orale, de l’optimiser. Amy Carroll retravaille ce discours avec le locuteur, Rudi van der Merwe, devant la caméra, sur la scène d’une salle de conférence vide. La coach soumet l’enregistrement du discours à un perfectionnement au travers duquel le langage du corps, tout comme le langage parlé, sont spécifiquement adaptés à leur fonction. Ce processus d’optimisation et d’appropriation par une spécialiste de la prise de parole en public, m’a permis de construire un regard soutenu sur le langage parlé ici, et sur le contenu du discours. Les procédés de production d’un langage efficace, servant à véhiculer des intérêts économiques, politiques, comme dans ce discours, devraient devenir visibles ici. J’ai filmé ces instants performatifs de la coach en communication orale Amy Carroll et du locuteur Rudi van Merwe avec plusieurs caméras et sous des angles différents. Le lieu du tournage, le centre de conférence de l’École Polytechnique de Lausanne (EPFL) sert de cadre et d’espace à l’esthétique symbolique, afin également de soulever les questions autour du langage et de la re-présentation. L’installation consiste de deux projections vidéo et du son en stéréo diffusé par les haut-parleurs.

EXTRAIT DE L’ENREGISTREMENT “The market size last year is about three-hundred-ninety billion Dollars. One example of our findings is that the dominance of the USA in this market will continue. The second one will be China, which is today the second one. () What are the fastest-growing markets - this is very important, because you want to go to a market which grows very fast, because you can then catch a market share - it is big data, video analytics, cybersecurity and video surveillance. And then border and perimeter barriers due to, mainly to Europe, is the second-fastest market”

Filmé au Swiss Tech Convention Center EPFL à Lausanne.

La vidéo existe également en version sous-titrée en français.

Réalisé avec le soutien de l’Office de la culture du canton de Berne, de Abteilung Kulturelles de la ville de Berne, du Masé Studio Genève, du Swiss Tech Convention Center EPFL Lausanne.

video-extrAit :https://vimeo.com/270951304

Vidéostills « Performance » 2017

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unseenSérie de 7 photographies / 34,6cm x 52cm x 9cm / caisson lumineux / 2016

J’ai réalisé cette série photographique durant l’édition 2016 du Sibos - l’acronyme de Swift International Banking Operations Seminar – qui se tenait à Genève. Le Sibos est le plus important salon professionnel du secteur de la finance. Il a lieu chaque année dans une ville différente, rassemblant jusqu’à 8000 P.D.G., décideurs et experts d’institutions financières du monde entier. Des spécialistes venant d’infrastructures du marché financier, de sociétés multinationales, ainsi que leurs partenaires du secteur technologique, s’y réunissent dans un cadre exclusif pour négocier, élaborer des stratégies fiscales et commerciales, établir des réseaux et identifier les enjeux futurs auxquels l’industrie de la finance sera confrontée. Cet événement me permettait d’observer de près la présentation et la représentation des acteurs de la finance. Lors de Sibos, adressé exclusivement à un public de professionnels accrédités, des traces telles que celles de la politique financière internationale remontaient à la surface visible. Le prix d’entrée de CHF1000 par jour suffisait à exclure la présence d’un public plus large.J’ai appliqué un regard d’observation sur l’architecture des stands d’exposition. Le design de ces installations qui dirigent les regards portés de l’extérieur ; des espaces vitrés qui contrôlent visibilité et vision et rendent impossible l’identification des personnes se trouvant à l’intérieur. C’est cette architecture qui fragmente, qui organise chacun des regards de l’extérieur qui a retenu mon intérêt pour cette série photographique ; la non-visibilité y est au centre, constituant le cadre d’« Unseen ». Les photographies sont présentées sous la forme de caissons lumineux, un objet qui me permet de reprendre et prolonger la perspective thématique de l’espace clos.

Photographie de la série «Unseen»Caisson lumineux 5

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the case Installation / 2 canaux vidéo / casques d’écoute / 34min. / 2015

L’édition 2014 de l’« Elsa Moot Court Competition on WTO Law » (concours de plaidoirie en droit de l’OMC), qui s’est tenue au siège de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) à Genève, constitue le point de départ de « The Case ». L’Organisation mondiale du commerce est l’une des seules organisations internationales à traiter, sur le plan mondial, des règles économiques et commerciales entre les Etats. En 1995, l’OMC remplace le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), qui avait été institué en 1947. Ses principaux objectifs sont de promouvoir le libéralisme économique par l’ouverture commerciale, de régler les litiges commerciaux et de surveiller les politiques nationales.L’« Elsa Moot Court Competition on WTO Law » est un débat portant sur une affaire juridique fictive. C’est une tribune, un échange, au cours duquel le langage se mue en rhétorique et devient ainsi un instrument discursif et politique. Et c’est tout au long de ce débat, alors que l’on présente et que l’on négocie des règles rhétoriques, qu’apparaissent aussi, et qu’apparaissent surtout, les moments politiques qui révèlent le pouvoir du langage.J’ai filmé deux équipes de juristes pendant la demi-finale et la finale du concours: l’équipe provenant de la prestigieuse Université privée Harvard Law School de Cambridge, qui représentait l’accusation en finale, et l’équipe de l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes, qui détenait, pour la même affaire, tantôt l’accusation en demi-finale, tantôt la défense en finale.Lors de cette édition du concours, deux Etats fictifs africains, la République fédérale d’Aquitania et le Royaume uni de Commercia s’affrontent devant le Tribunal commercial de l’OMC. L’affaire peut être résumée de la façon suivante : En 2005, la province Nova Tertia située en République fédérale d’Aquitania, cède l’approvisionnement en eau ainsi que le traitement des eaux à une entreprise privée, Avanti SA, avec laquelle elle signe un contrat sur 20 ans.En 2007, l’entreprise augmente le prix de ses prestations de 70%. En même temps, en dépit des multiples injonctions du gouvernement, elle refuse de réaliser les travaux d’extension et de réparation du réseau de distribution des eaux. En découle un important soulèvement de la population contre l’accord conclu avec Avanti SA.En 2009, Nova Tertia annule de façon anticipée le contrat avec Avanti SA, ce à quoi Avanti SA demande au Ministère du commerce du Royaume uni de Commercia, où se trouve le siège de l’entreprise, de porter plainte contre la République fédérale d’Aquitania auprès de l’instance judiciaire de l’OMC.Cette affaire imaginée décrit un scénario qui porte sur des sujets très réalistes et présents dans l’actualité. Elle soulève des questions relatives à la création de rhétorique et de langage ainsi que de leurs applications juridiques dans le cadre de mécanismes politiques ou économiques. J’oppose au contenu de ce scénario un langage en images fictionnalisées. Ces images permettront de former des hypothèses pour ainsi venir déranger les frontières entre les matières relevant du documentaire et celles relevant de la fiction.Les vidéos sont présentées sur deux écrans, synchronisés, accrochés l’un à côté de l’autre, et le son sur des écouteurs.

Filmé à l’OMC, Genève.

La vidéo existe également en version sous-titrée en français.

Réalisé avec le soutien de l’Office de la culture du canton de Berne, Bourse pour les arts visuels 2015.

video-extrAit :https://vimeo.com/171408018 Exposition « The Case » Dazibao Montréal, 2015

Photo : Marilou Crispin

Vidéostills « The Case » 2015

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fassung #1 Installation / 1 canal vidéo / casques d’écoute / photographie 13cm x17cm / 24min. / 2015

Avec lA pArticipAtion de

benedikt greiner - Comédien

Lors des célébrations du centième anniversaire des forces aériennes suisses, la « Air 14 », j’ai mené un entretien avec l’un des collaborateurs de Pilatus Aircraft. Sur la base d’un commun accord, il m’a livré un certain nombre d’avis personnels. Cette entreprise aéronautique peut être considérée comme une sorte de symbole de la politique suisse en matière d’exportation et d’opérationnalisation de matériel de guerre. Depuis les années 70, cette politique a régulièrement fait l’objet de critiques tant nationales qu’internationales.Suite à l’entretien filmé, qui - sans surprise - ne m’a fourni aucune nouvelle information sur la politique d’exportation du groupe, j’ai reçu un sms de la part de mon interlocuteur chez Pilatus:« Bonjour Madame Loeffel. Je vous prie de traiter de manière confidentielle l’enregistrement que vous avez fait de moi aujourd’hui et je compte sur votre discrétion. Cordiales salutations »Ce message constitue le point de départ de « Fassung #1 ». Selon différentes sources au sein du monde suisse des journalistes économiques, l’on pourrait soupçonner que ce type de mandat de silence, de censure, n’a peut être rien d’une coïncidence. Il s’agirait plutôt d’une méthode en partie intériorisée dans le monde économique qui peut trouver son application notamment auprès des journalistes économiques critiques (souvent tenus et développés en vertu de Loi fédérale contre la concurrence déloyale / LCD). J’ai par la suite transposé cet entretien dans un théâtre, sur une scène vide, le public est absent. Sur la scène, qui elle aussi est un espace de langage rhétorique, l’on trouve un acteur, assis en face d’un écran qui montre l’entretien original. L’acteur a pour mission de transposer la langue que parle la personne filmée en bon allemand (Hochdeutsch). En même temps, il doit transmettre la gestuelle et le langage corporel du collaborateur de Pilatus, dont il devient pour ainsi dire la copie. Ce processus de dédoublement provoque des émotions chez l’acteur, du stress, des moments d’interruption lors desquels l’on voit et l’on entend l’échec du langage, l’échec de la traduction.Ainsi, cette technique de « l’imitation », qui compte parmi les bases du travail d’acteur, m’aide à mettre en exergue l’utilisation du langage par le biais de la copie et de la simulation. L’objectif de la traduction et du transfert de l’interview vers des espaces de langage autres est finalement de créer une distance - une distance qui permet éventuellement de soulever des questions quant aux conditions dans lesquelles évoluent le langage et les rapports de pouvoir.La vidéo est présentée sur un écran équipé d’écouteurs. Une photographie du message sms est accrochée à côté de l’écran.

Filmé au Stadttheater de Berne, Vidmarhalle.

La vidéo existe également en version sous-titrée en français.

Réalisé avec le soutien de Pro Helvetia et du Konzert Theater de Berne.

video-extrAit :https://vimeo.com/167124085

Vidéostills « Fassung #1 » 2015

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offscreenInstallation / projection vidéo 3 canaux / 2 écrans avec cadre / casques d’écoute sans fil

hautparleurs / 28min. / 2012-2013 (version allemande 2014)

Avec lA pArticipAtion de

AliSter mAzzotti - Chorégraphe de cascadestolgA degirmen, SASchA girndt, rAlph güthler, AnjA SAuermAnn, vAneSSA WieduWilt - Cascadesbenedikt greiner - Voix off version allemandepAulo doS SAntoS - Voix off version françaisejulien tSongAS - Voix off version anglaise

« Offscreen » prend pour point de départ le récit d’un jeune homme qui, en 2011, a passé 4 semaines de vacances organisées en Afghanistan et en Iran, en présence constante d’un garde du corps. En effet, le secteur du tourisme propose désormais des vacances dans des zones de conflits telles que l‘Afghanistan, l‘Irak, la Corée du Nord ou la Somalie. Ces vacances se vendent à renfort de slogans comme « Soyez là où ça se passe » ou « Comprendre les conflits de l‘intérieur ». Les activités prévues incluent entre autre la « participation au travail de reconstruction » ou encore des « travaux d‘assistance » sur place. Cette nouvelle industrie du tourisme relève la forme extrême et inquiétante dont nous appréhendons les réalités de la guerre et la manière dont celles-ci peuvent être traitées comme un bien de consommation.Le récit reconstruit est raconté par un acteur, renforçant ainsi la sensation de fiction. Cette voix du narrateur constitue l’axe central de « Offscreen » qui guide le public, muni d’écouteurs sans fil, à travers l’espace d’exposition. Des images vidéo viennent compléter le texte. Le langage visuel crée une dimension supplémentaire, donnant lieu à un espace de réflexion. C’est la production cinématographique, les studios de Babelsberg à Potsdam, en Allemagne, qui serviront de support visuel. Les studios de cinéma constituent un lieu de production de réalités, un endroit où « l‘authenticité » se fabrique par les moyens les plus divers, les outils de simulation de réalité tels que le studio de Greenscreen, la réplique d‘un avion ou encore le décor extérieur - la Berlinerstrasse. Dans ces studios qui fournissent en version grand écran souvenirs, émotions et expériences de guerres historiques ou fictives, j’observe le cadre de leur mise en scène avec ma caméra.Ensuite, j’ai filmé des cascadeurs et cascadeuses lors de « video previews » au studio à effets spéciaux. Les video previews sont des scènes d’entraînement qui ont lieu dans un décor simulé, et qui servent à la préparation avant le tournage final. Dans ce cadre précis, les cascades s’inspiraient du récit de voyage. Les cascadeurs, hommes et femmes, représentent le danger et l’action, qu’ils affrontent tout en prêtant leurs corps aux « originaux », les acteurs. Ils sont donc corps et copie, des corps qui n’existent que dans l’action, où ils symbolisent la maîtrise parfaite de (presque) tout danger.L‘installation consiste en trois projections vidéo, deux des projections se font sur des écrans encadrés et posés dans l‘espace comme un objet, ou encore comme le décor d‘une mise en scène. Les images des cascadeurs, elles, sont directement projetées sur le mur.

L’installation a été réalisée en trois versions, en anglais, en français et en allemand.

Filmé aux Studio Babelsberg Potsdam.

Réalisé avec l’aide précieuse de Studio Babelsberg AG, Potsdam DEAvec le soutien de l’Office de la culture du canton de Berne, de Abteilung Kulturelles de la ville de Berne, de la Bourse 2012 Société des Arts Genève, du Fonds d’art contemporain de la ville de Genève (FMAC), du Fonds cantonal d’art contemporain (FCAC) Genève, du Masé Studio Genève.

video-extrAit, verSion frAnçAiSe :https://vimeo.com/125987688

Vidéostills « Offscreen » 2012-2013

Exposition « Geschichte in Geschichten » Helmhaus Zürich, 2015. Photo : FBM Studio8

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embedded languageInstallation / 2 canaux vidéo / casques d’écoute / 19min. / 2013

Avec lA pArticipAtion de

jeAn-luc montminy - Doubleurjoey gAlimi - Directeur de plateaucAroll cAfArdy - Preneur de son

Lors de la « 20th International Defence Industry Exhibition MSPO » de 2012 en Pologne j’ai interviewé et filmé le responsable d’une entreprise d’armement. J’ai ensuite transposé cet entretien mené en anglais dans un studio de doublage à Montréal. Jean-Luc Montminy, acteur et professionnel du doublage, qui a notamment prêté sa voix (français québécois) à des acteurs comme Bruce Willis et Denzel Washington, a doublé cet entretien en français, avec l’aide d’un directeur de plateau et un technicien du son. J’ai filmé ce processus de construction, déconstruction et reconstruction de discours, processus par lequel le doubleur ainsi que les moyens techniques cinématographiques produisent une autre langue et un autre langage pour le fabricant d’armes. Ainsi, j’en viens à observer la relation entre langage et pouvoir dans son (in)visibilité et à m’interroger sur le rapport dialectique complexe qu’entretiennent le film et la guerre. En effet, depuis le début du cinéma, le film et la guerre sont intimement liés, tant dans la production que dans la technique ou encore la représentation d’images. Le cinéma est l’une des sources et des références de lecture collective de l’Histoire. Dès lors, l‘image en mouvement sert à la fois de témoin et d‘outil politique.La transition du documentaire vers un lieu de production de fiction, le studio, permet de soulever des questions sur le contexte complexe des intérêts politiques et économiques de la fabrication et de la vente d’armement.L’installation est composée de deux écrans plats synchronisés, en mêmes dimensions, accrochés à la même hauteur, avec le son sur casques d’écoute.

Filmé aux studios Cinélume à Montréal.

En coproduction avec Vidéographe et La Bande Vidéo CA.Réalisé avec le soutien de l’Office de la culture du canton de Berne.

video-extrAit :https://vimeo.com/125994663

Vidéostills « Embedded Language » 2013

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sans titreSérie de 8 photographies / 23cm x 34.5cm / texte / 2012

Cette série de photos a été réalisée dans le cadre d’un projet pour lequel je me suis rendue à l’International Defence Industry Exhibition en Pologne, en 2012. Quelque 400 exposants provenant de 29 pays se sont déplacés à l’occasion de ce salon, l’un des trois salons de l’armement les plus importants d’Europe. Ils y proposent leurs « biens et services ». Le monde politique et le monde des affaires s’y rencontrent, s’y montrent sans se préoccuper d’un quelconque regard critique, et négocient des contrats, des relations et des marchés. Le salon se déroule dans une ambiance typique pour ces évènements, festive, accompagnée d’offres culinaires et musicales. Les hôtesses, quant à elles, se chargent elles aussi de veiller à une atmosphère accueillante.C’est ici que l’on peut observer la construction et distorsion de réalités, une forme frappante de banalisation de la guerre, de la politique armée et des forces militaires. On y assiste à une représentation de la guerre dépourvue de sa réalité, traduite en spectacle ou en événement technologique, ce qui m’amène à mettre en lumière la question de l’in/visibilisation. Pour cela, je m’appuie également sur le pouvoir de l’image tel que l’a notamment analysé et dénoncé Judith Butler :

« Efforts to control the visual and narrative dimensions of war delimit public discourse by establishing and disposing the sensuous parameters of reality itself – including what can be seen and what can be heard. As a result, it makes sense to ask, does regulating the limits of what is visible or audible serve as a precondition of war waging, one facilitated by cameras and other technologies of communication? »

Judith Butler Dans : « Frames of War: When Is Life Grievable? » Brooklyn, NY: Verso, 2009

Photographie de la série Sans Titre

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Page 11: GABRIELA LÖFFEL › wp › wp-content › uploads › ... · 2020-06-11 · Série de 7 photographies / 34,6cm x 52cm x 9cm / caisson lumineux / 2016 J’ai réalisé cette série

settingInstallation / projection vidéo 2 canaux / hautparleurs / 33min. / 2011

Avec lA pArticipAtion de

dAniel hug - Sound DesignermirunA cocA-cozmA - Voix off version françaisenAdjA Schulz-berlinghoff - Voix off version allemande

Le site de Grafenwöhr est le plus grand camp d’entraînement militaire américain hors des Etats-Unis : établi en 1910 sous le Royaume de Bavière, il a une surface de 276 km2. Depuis 1945, ce terrain appartient aux Américains. Le camp se situe dans une réserve naturelle et il est interdit d’accès au public. Les soldats qui y sont basés partent pour l’Irak ou l’Afghanistan au bout d’un entraînement d’environ trois semaines. Pendant ce temps, des étudiants, des chômeurs et autres citoyens allemands y sont employés comme figurants ; ils jouent des civils arabes pour l’entraînement des soldats. Ces figurants, appelés Civilians on the Battlefield, et plus particulièrement deux d’entre eux avec lesquels je me suis entretenue, sont au centre de « Setting ». La transcription de ces entretiens est lue par une actrice – un décalage supplémentaire, dans lequel de multiples réalités apparaissent à différents niveaux, tout en nous renvoyant à la situation initiale : la guerre mise en scène et jouée en Bavière. Ces décalages sont également repris dans les dimensions image et son. Le bruiteur Daniel Hug et moi-même avons créé une bande son comprenant notamment des vocabulaires sonores connus des films de guerre, entraînant ainsi des translations de sens et des lectures multiples du récit. J’ai filmé ce moment de création sonore au studio radiophonique pour représenter le son sous forme visuelle et ainsi soulever des questions portant sur les concepts de mise en scène et de réalités.Cette composition visuelle ainsi que les bandes sonores sont installées en double-projection. Or, les images n’apparaissent que de temps en temps. Lors des moment sans images, quand l’écran reste noir, le son emplit tout l’espace et l’on suscite une attente incertaine quant aux prochaines images ; des images qui interviennent à certains moments de la narration, mais qui ne représentent jamais l’histoire. En revanche, elles invitent à la lecture croisée et renforcent la sensation d’une réalité déplacée, impossible à définir.

L’installation a été réalisée en deux versions, en allemand et en français.

Filmé aux studios d’enregistrement de pièces radiophoniques, SRF Bâle. Réalisé avec le soutien de la Abteilung Kulturelles de la ville de Berne, l’Office de la culture (OC) du canton de Berne et du pour-cent culturel Migros.Avec l‘aide de TPC - Technology and Production Center Switzerland AG, Bâle, et du département Cinéma / cinéma du réel de la Head-Genève.

video-extrAit, verSion frAnçAiSe :https://vimeo.com/125984029

https://vimeo.com/125985089

Vidéostills « Setting » 2011

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the easy way outInstallation / projection vidéo 3 canaux / diaporama / casques d’écoute / hautparleurs / 20min. / 2010

Avec lA pArticipAtion de

Sophie hengl, benoît kremer, nAthAlie loiSeAu - Interprètes version françaisecArmen delgAdo, mArkuS mettler, vAleriA tSchAnnen - Interprètes version allemande

Dans « The easy way out », des interprètes, qui, dans le monde des dipomates et des hommes d’affaires, oeuvrent habituellement dans l’ombre, sont projetés sous les feux de la rampe. Ils interprètent une conversation menée par trois personnes qui se croisent à Grafenwöhr, à côté d’un camp d‘entraînement militaire américain en Bavière : un soldat américain qui revient d’Irak, une propriétaire d’hôtel, qui héberge des soldats, et une vendeuse de voitures, bilingue. Cette conversation, que j’ai enregistrée, traite de la vie quotidienne en Bavière ainsi que dans les zones de guerre, et des opinions politiques des uns et des autres. Les interprètes en assurent la traduction simultanée. J’ai filmé simultanément chacun des trois interprètes, qui reprennent chacun les propos de l’un des participants à la discussion. C’est ainsi que j’observe chez eux la recherche de mots, la volonté de communiquer dans une situation difficile à cerner, la tentative de véhiculer un message tout en essayant de comprendre ce qui se passe, simultanément.L’installation comprend les trois projections vidéo des interprètes devant lesquelles on peut écouter, par casques d’écoute, les propos interprétés par chacun d’eux. La bande originale est diffusée par haut-parleurs. L’information transmise est donc fragmentée, ce qui permet au public d’aller à l’écoute des mots, de leur sens et de leur source. On relèvera également les moments où les interprètes sont sans mots face à la conversation qu’ils interprètent, ainsi que les efforts qu’ils déploient pour se soustraire au vide.Sur des écrans défilent des photos qui montrent la frontière entre le camp d’entraînement américain et le village bavarois. On y décèle des symboles territoriaux ainsi que des empreintes culturelles.

« Que celui qui a quelque chose à dire s‘avance et se taise! »

Karl Kraus, dans « In dieser grossen Zeit », Die Fackel n° 404, décembre 1914

L’installation a été réalisée en deux versions, avec des interprètes germanophones et avec des interprètes francophones.

Réalisé avec le soutien de la Abteilung Kulturelles de la ville de Berne, l’Office de la culture (OC) du canton de Berne et du pour-cent culturel Migros.Avec l‘aide de l‘ Ecole de traduction et d’interprétation ETI, Genève.

video-extrAit :https://loeffelgabriela.com/the-easy-way-out/

Exposition « The easy way out » Ex-Machina, Genève 2010Photo : Erika Irmler

[kə] [səlɥi] [ki] [a] [kɛlkəʃoz] [a] [dir] [s] [avãs] [e] [sə] [tɛz]

« Que celui qui a quelque chose à dire s'avance et se taise! »Karl Kraus, 1914 Photographie Diaporama / «The easy way out », 2010

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fallbeispielInstallation / projection vidéo 3 canaux / hautparleurs / loop / 2006

Avec lA pArticipAtion de

julie beAuvAiS, fAbio bergAmASchi, Antonio buil, cAtherine büchi, romAine chApuiS, delphine lAnzA, iSmAel oiArtzAbAl, pAolA pAgAni, pAuline WASSermAnn - Danseurs*ses et comédien*nes

Dans « Fallbeispiel » des danseurs-ses et comédien-nes professionnel-les se soumettent à la réalité physique de la chute. Leurs mouvements de chute sont répétés, invariablement, jusqu’à ce que l’on puisse en déceler les traces physiques qui marquent les corps au fur et à mesure que le temps passe. Or, jamais la chute en tant que telle ne nous est montrée. Ne sont visibles que les moments qui précèdent et qui suivent chaque chute, leur préparation et leur effet. Tout en observant les empreintes que laissent les chutes, on se pose la question, inquiétante, de savoir combien de temps ces corps arriveront encore à tenir, à se maintenir en position sûre. Cette question renvoie directement à la position du spectateur ; peut-on ôter au spectateur son sentiment de sécurité, alors qu’il ne fait qu’observer la scène ? A l’écran, la chute est remplacée par un mouvement de dissolution et de réapparition des corps. Selon l‘espace d‘exposition disponible, ces images sont projetées sur 2 ou 3 canaux. Les projections font apparaître les danseurs et comédiens en taille réelle. Le mouvement dont il est véritablement question, la chute, exclue de l’image, est repris par le biais de plusieurs pistes audio retravaillées. Celles-ci diffusent les bruits que font les corps, les pulsations, les vibrations, le contact au sol. Ces sons ont été enregistrés avec des microphones stéthoscopes et des microphones de contact. Le son circule en mode surround, et s’oppose à une image silencieuse.

Réalisé avec le soutien de la Abteilung Kulturelles de la ville de Berne, l’Office de la culture du canton de Berne et du pour-cent culturel Migros.

video-extrAit :https://vimeo.com/83380266

Exposition « Fallbeispiel » Stargazer, Genève 2010Photo : Erika Irmler

Vidéostills « Fallbeispiel » 2006

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angle videInstallation / vidéo rétroprojection / hautparleurs / 6min. / 2005

Avec lA pArticipAtion de

giudittA, joëlle, SASkiA, SebAStien, Sony - Boxeuses et Boxeurs

Elément important d‘un entraînement de boxe, le « shadow », en français « le vide », suppose le combat, seul, contre un adversaire absent et imaginaire. « Angle vide », mené avec des boxeuses et des boxeurs professionnels, s’articule autour de cette représentation invisible de l’adversaire ainsi que de la lutte contre lui.Dans quelle mesure, et en vertu de quels fantasmes et intérêts, pouvons-nous construire une représentation de nos adversaires et ennemis ? Comment nous les approprions-nous ? Après tout, tout le monde peut être adversaire et ennemi invisible ou menace omniprésente. La caméra enregistre les altérations physiques, progressives, la fatigue, la perte de contrôle émotionnel ou encore la concentration de la boxeuse ou du boxeur. L’espace est dissous grâce à l’effet d’images prises par des caméras fixées sur la tête des boxeurs ainsi qu’un tournage en black box. La vidéo est présentée en rétroprojection au milieu de l’espace d‘exposition.L’adversaire imaginaire est également au cœur des enregistrements audio. En effet, j’ai interrogé les boxeuses et boxeurs sur leurs représentations de l’adversaire manquant. Comment se transposent-ils dans une véritable situation de combat contre un ennemi invisible ? Comment vivent-ils l’agression à l’encontre d’une cible « vide » ? Ces enregistrements audio sont installés en mode surround, ce qui crée l’omniprésence des voix dans l‘espace.

La vidéo existe également en version sous-titrée en allemand.

Réalisé avec le soutien de la Abteilung Kulturelles de la ville de Berne, l’Office de la culture (OC) du canton de Berne.

video-extrAit :https://vimeo.com/49305399

Vidéostills « Angle vide » 2005

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fokusInstallation / 1 canal vidéo / casque d’écoute / 5min.40’’ / 2002-2003

Avec lA pArticipAtion de

AriAne blAtter, corA liechti, letitiA rAmoS, doriS Schmid - Performeuses

Quatre femmes qui n’avaient jamais eu physiquement affaire à une arme tirent pour la première fois avec un pistolet dans une salle de tir. J’observe le moment où les tireuses se confrontent à leurs propres limites, leurs expériences et leur perception/représentation de la violence, moment que je fixe avec une caméra highspeed 16mm (150 images/seconde). « Fokus » est projetée en boucle. La bande-son originale (la respiration des femmes et les coups de feu) est diffusée sur casque d’écoute placé en face de la projection. Ainsi, au moment où il reçoit l’image, le spectateur muni d’un casque se trouve, à l’instar des performeuses, dans une position isolée. Avec « Fokus » je propose également une tentative de questionner les représentations de la violence dans leur rapport au genre (gender) telles que construites par les médias visuels.

Réalisé avec le soutien de la Abteilung Kulturelles de la ville de Berne, l’Office de la culture (OC) du canton de Berne.

video-extrAit :https://vimeo.com/83379312

Vidéostill « Fokus » 2003

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*1972, Oberburg CH

FORMATIONS2005 / 2006 Formation pour l’enseignement artistique HTA, ESBA Genève, Liliane Schneiter2000-2005 ESBA, Ecole supérieure des beaux-arts Genève, Laurent Schmid, Carmen Perrin2002-2003 Akademie der bildenden Künste, Vienne, Peter Kogler.

EXPOSITIONS (sélection)2020« Inside » Centre d’art contemporain Cacy, Yverdon-les-Bains « Storytelling - Erzählende Kunst Heute und Morgen » Grimmwelt, Kassel« Inside » Standard/deluxe, Lausanne« Performance » Optica Centre d’art contemporain, Montréal2019« Film as idea, film as film, film as art » Galeria Studio, VarsovieExposition des nominés au concours Aparté Galerie Ruine, GenèveBody&Soul, Genève2018« A Well-Played Game. Man and his avatar » Alte Fabrik, Rapperswil-JonaArt Paris Art Fair, Videoprogramm, Paris « Stumble and choose » Médiathèque FMAC, Genève« Multiple Contexts » Around Space Gallery, Shanghai« Choreography of the frame » Kunsthalle Exnergasse, Vienne2017« Work in motion » Mast, Bologna Espace libre, Bienne« Video–∑ » Neues Kino, Projektraum M54, Bâle« Extended Cahiers » Ground, Moscou2016« Komplexe Systeme » E-Werk Galerie für Gegenwartskunst, Freiburg iB« Twisting C(r)ash » AthènesSwiss Art Awards, Bâle2015« Geschichte in Geschichten » Helmhaus, Zürich « Twisting C(r)ash » Le Commun, Genève« Embedded Language » Dazibao, Montréal « Fassung #1 » Liste Art Fair Basel, Special Guest au Druckwerk« Kinematographische Räume » Kaskadenkondensator, Bâle2014Swiss Art Awards, Bâle« Bieler Fototage 2014 » Bienne« Cantonale Berne Jura » Kunsthaus, Langenthal2013« The easy way out » La Bande Vidéo, Québec« Move Movie » Centre d’art contemporain Cacy, Yverdon-les-BainsSélection « Prix de la photographie 2013 du canton de Berne » Kornhausforum, Berne« Offscreen » Halle Nord, Genève2012« Setting » Espace d’Art Contemporain (les halles), Porrentruy

2011« Hors Bords » Halle Nord, Genève Swiss Art Awards, Bâle« Crosnier Extra Muros » Société des arts Genève BAC, Genève« Ex-Hibition » Galerie Ex-machina, GenèveMédiathèque « Café de rêves » Helmhaus, Zürich« Art film screening » Red House Gallery, New York « Staging Voices » Progr /Stadtgalerie, Berne2010 « The easy way out » Standard/deluxe, Lausanne« Fokus » Kunstnacht, Neue Galerie Landshut Diffusion « Fallbeispiel » sur Arte «die Nacht/la Nuit»« 50 jpg » Stargazer, Genève« The easy way out » Galerie Ex-machina, Genève2009 Diffusion « Angle vide » sur Arte « die Nacht/la Nuit » « MAC » Fmac, Genève 2008« Fenstersprung » PROGR, Berne« Gleiche Höhe » Projet d’Art Suisse/Autriche,Vienne« In Progress » PROGR, Berne « Tribühne » Passagegalerie Künstlerhaus, Vienne« 700IS Selection 2007 » ATA, San Francisco 2007« 700IS Selection 2007 » Alsager Gallery, Manchester. Filmcentre Rodina, St.Pétersbourg« 700IS » Experimental Film and Vidéofestival, Egilsstadir « Aeschlimann-Corti Stipendienausstellung » Kunstmuseum, Thoune« CWW » O3ONE, Belgrade2006« Live-Streaming de Arte, die Nacht/la Nuit » Centre Georges Pompidou, ParisDiffusion « Angle vide » sur Arte « die Nacht/la Nuit »2005« Angle vide » PROGR Ausstellungszone, BerneDiffusion « Fokus » sur Arte « die Nacht/la Nuit » « Success, Friends and career » Attitudes, Genève« Aeschlimann-Corti Stipendienausstellung » Kunstmuseum, Berne « En mai, fais ce qu’il te plaît » Palais de l’Athénée, Genève2004« Fokus » Kunstsalon Berlin D« Aeschlimann-Corti Stipendienausstellung » Centre PasqueArt, Bienne « Gonna Take You On » Zentralbüro, Berlin« Mitte voll ins Schwarze » Videoprogramm VID, Grosshöchstetten« Electric rendez-vous »Plug.In, Basel

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BOURSES ET PRIX (sélection)2019Aide à la production Fonds cantonal d’art contemporain, Genève (FCAC) 2018 Aide à la création Pour-cent culturel de MigrosContribution à la production, Pro Helvetia 2017Bourse pour artiste de plus de 35 ans de la Ville de Genève, FMAC2016Prix fédéral d’artContribution à la recherche, Pro Helvetia 2015Prix Fondation Irène Reymond 2015Bourse pour les arts visuels, de l’Office de la culture du canton de Berne2013Prix de reconnaissance « Prix de la photographie 2013 » de l’Office de la culture du canton de BerneAide à la création Office de la culture du canton de Berne2012 Bourse 2012 de la Société des arts GenèveAide à la production Fonds d’art contemporain de la ville de Genève (FMAC)Aide à la production Fonds cantonal d’art contemporain, Genève (FCAC)Aide à la création Office de la culture du canton de BerneAide à la création Abteilung Kulturelles de la ville de Berne 2011 Prix fédéral d’artPrix Gertrude HirzAide à la création Pour-cent culturel de MigrosAide à la création Office de la culture du canton de BerneAide à la création Abteilung Kulturelles de la ville de Berne 2009Aide à la création Pour-cent culturel de MigrosAide à la création Office de la culture du canton de BerneAide à la création Abteilung Kulturelles de la ville de Berne 2007 Prix principal «Aeschlimann-Corti Stipendium» 200Aide à la création Office de la culture du canton de BerneAide à la création Abteilung Kulturelles de la ville de Berne Aide à la création Pour-cent culturel de Migros2005 Aide à la création Office de la culture du canton de BernAide à la création Abteilung Kulturelles de la ville de Berne

COLLECTIONSCollections d’art de la Confédération, Office fédéral de la culture SuisseBibliothèque Nationale SuisseCollection des Beaux-Arts JuraCollection d’œuvres d’art du canton de Berne, Office de la culture canton de BerneFMAC / Fonds d‘art contemporain de la Ville de Genève

RÉSIDENCES2021London, Landis&Gyr Stiftung2020Beirut recherche-résidence, Pro Helvetia2018Shanghai, Pro Helvetia2013 « La Bande Vidéo » Québec CA« Vidéographe » Montréal CA2006 « Skaftfell » Seydisfjördur IS« Gil-society » Akureyri IS« Artdirekt » Berlin D

PUBLICATIONS (sélection) « Écouter un Film » Art&Fiction 2020 Sigrid Adorf, Karine Tissot https://artfiction.ch/« Inside› the Market » Kunstbulletin 04.2020 Sønke Gau https://www.artlog.net/« Gabriela Löffel désarme les lieux de pouvoir » Tribune de Genève 05/2020 Florence Millioud-Henriqueshttps://www.tdg.ch/« Offscreen -Wenn Bilder jenseits ihrer Ränder zurückblicken » Fink Verlag München 2019 Sigrid Adorf« slightly slipping on a banana skin » Médiathèque 2016-2018 Genève FMAC 2018 B. Le Pimpec, I.Vuille« Gabriela Löffel - Die Schweizerin erkundet in ihren Videos die Codes der Macht » Artline 06.2016 Annette Hoffmannhttp://magazin.artline.org« Die beunruhigende Abstraktion der Macht » Kunstbulletin 06.2016 Brita Polzer https://www.artlog.netCollection Cahiers d’Artistes 2015 Pro Helvetia 2015 Andrea Cinel https://loeffelgabriela.com/textsPro Helvetia Journal / Liste Art Fair Basel 2015 Daniel Morgenthaler« Gabriela Löffel - Millefeuille » Le Courrier 12. 2013 Samuel Schellenberg« Bühnen für den Krieg » Kunstbulletin 11.2013 Brita Polzer https://www.artlog.net« Setting » Citysharing.ch 2013, Merel van Tilburg http://www.citysharing.ch/« La fiction comme expérience des réalités » Kunstbulletin 05.2011 Françoise Ninghetto https://www.artlog.net/« Le soldat n’est jamais le méchant » Le Courrier 11.2010 et Revue Daté 11/12. 2010 Tilo Steireif

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«Avec le cinéma on parle

de tout, on arrive à tout».

Quelques réflexions autour du travail de Gabriela Löffel

“Through cinema we can discuss

everything, achieve everything.”

Reflections on the work of Gabriela Löffel

on page 47

Andrea Cinel

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Quelques réflexions autour du travail de Gabriela Löffel

Depuis plus de dix ans, Gabriela Löffel construit une œuvre audio-visuelle qui interroge le réel et ses paradoxes. Dans ses installa-tions, elle confronte les spectateurs à des problématiques telles que la représentation de la violence, la banalisation de la guerre, ou encore, la manipulation des discours à des fins économico- politiques. Löffel s’intéresse aux situations où la réalité côtoie la fiction et, en manipulant les codes et les techniques du cinéma, elle met en abîme les contradictions de notre société. Toujours critique, sans pour autant se limiter à une lecture politique uni-voque, son œuvre fragmente les strates narratives et multiplie les références afin de créer des espaces de réflexion. En ce sens, les installations Offscreen (2013) → S. 2—23 et Setting (2011) → S. 24—39 exemplifient toute la complexité et l’engagement de sa démarche.

Setting nous enveloppe dans un environnement spatio-temporel: la double projection alterne l’absence d’images — le noir — à des séquences dans lesquelles le bruiteur professionnel Daniel Hug produit des sons grâce à une pluralité de techniques et d’objets. Une constellation de haut-parleurs émet ces sons façonnés par le bruiteur ou des paysages sonores; au centre de l’installation, il y a un haut-parleur, mais surtout une voix qui retrace l’expérience d’une figurante.

Nous ne sommes pas ici sur le plateau d’un film, mais nous sommes plongés en Bavière, dans le plus grand camp militaire américain hors des Etats-Unis où les soldats s’entraînent avant de partir en Irak ou en Afghanistan. Inauguré en 1910, le site de Grafenwöhr fut utilisé par l’Armée allemande jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après 1945, il devint un territoire américain, dont la position a joué un rôle stratégique durant la Guerre Froide. Aujourd’hui, ce camp est un lieu où des situations de conflit sont notamment scénarisées par des civilians on the battlefield — autrement dit, des figurants engagés pour jouer des civils arabes — afin de former les soldats au combat.

Après avoir interviewé cette figurante, l’artiste fait appel à une narratrice pour interpréter son témoignage. La narratrice nous relate son expérience dans le camp : selon le scénario, la figurante joue parfois le rôle d’une femme afghane ou irakienne, soit la situa-tion est ordinaire, soit il est question de simuler une insurrection.

« COLLECTION CAHIERS D’ARTISTES 2015 » PRO HELVETIA, EDIZIONI PERIFERIA

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Andrea Cinel

Cependant, au moment où les hélicoptères et chars entrent dans l’action, la peur devient tangible, presque réelle, même s’il s’agit d’une guerre fictive. Ces hélicoptères déclenchent quelque chose qui, à nos yeux, va au-delà de la réalité factuelle et qui concerne plutôt des souvenirs filmiques. Revenons un instant sur les pre-mières séquences d’Apocalypse Now de Coppola, lorsque le bruit des moteurs des hélicoptères, et — métaphoriquement — le ventilateur, nous plongent dans la guerre délirante du Vietnam. De manière analogue, en reprenant le vocabulaire sonore des films de guerre, le bruiteur tisse une autre narration qui à la fois s’intègre au récit de la narratrice, et établit une dialectique entre ce que nous voyons et ce que nous entendons, entre l’expérience audiovisuelle et la mémoire cinématographique.

A contrario, le dispositif d’Offscreen se compose de trois projec-tions et deux pistes audio: les haut-parleurs émettent une bande son abstraite qui dialogue avec les images, et un casque sans fil permet de se concentrer sur la voix du narrateur et de déambuler dans l’installation. Deux projections sur écran montrent successivement des décors d’intérieurs — comme le green screen ou la réplique d’un avion —, et d’extérieurs de cinéma — tels que la reconstruction de la Berlinerstrasse utilisée par Polanski dans Le Pianiste. Entre les deux écrans, une projection murale suit une équipe de cascadeurs qui répètent des séquences extrapolées du récit du narrateur.

Löffel se met à l’écoute  d’un jeune Suisse qui, en 2011, par-ticipait à un voyage tout inclus en Afghanistan et en Iran: son voyage correspond à une nouvelle branche de l’industrie du tourisme, à savoir les vacances en zones de conflit. À nouveau, l’interpréta-tion du narrateur ajoute un caractère fictionnel au témoignage et montre la puissance du storytelling. Accompagné par un guide et un garde du corps, ce voyageur découvre une curieuse réalité: dans des pays en guerre, il visite notamment le musée des mines antipersonnel, réside dans des hôtels extrêmement sécurisés, mais encore se rend dans les plus incroyables paysages que ces pays peuvent offrir. Toutefois, il y a un moment dans la narration où la réalité reprend le dessus face à son simulacre, et le récit devient histoire: notre voyageur se trouve à Bagram au moment où l’opération pour assassiner Ben Laden était lancée.

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Quelques réflexions autour du travail de Gabriela Löffel

De la conception, en passant par la production, jusqu’à la réalisa-tion des ces installations, Löffel utilise la procédure du doublage et la méthode de la fragmentation: du témoignage au récit, du son créé au son évoqué, ou encore, de l’enregistrement en prise directe à la mise en abîme de décors de cinéma, Löffel fragmente et redouble les points de vue, ainsi que les sources visuelles et sonores, afin de brouiller les pistes et d’activer le questionnement chez les spectateurs.

De la sorte, Löffel interroge à la fois une approche docu-mentaire et fictionnelle, puisqu’elle part du témoignage direct pour engendrer ensuite un travail de montage et de scénarisation qui juxtapose les interprétations des narrateurs, mais également les images et les sons. À travers un va-et-vient constant entre l’expé-rience subjective et la compréhension universelle de la guerre, l’artiste nous montre comment le réel, la vérité et la fiction sont aujourd’hui des catégories difficilement discernables lorsque nous nous penchons sur la question des guerres actuelles et de leurs représentations. Entre la guerre — télévisée — du Vietnam et la guerre — sans images — du Golfe, l’artiste choisit de ne pas mon-trer les guerres du XXIème siècle, mais de les raconter de manière indirecte à travers les expériences du voyageur et de la figurante, grâce à la voix désincarnée — la voix-off — de narrateurs. Ce refus questionne profondément la valeur des images des médias de masse, mais, de la sorte, Löffel critique également les aspects idéologiques et économiques inhérents à leur production.

Cette façon oblique et politique de représenter la guerre nous rappelle les installations Raw Footage (2006) d’Aernout Mik, ou Serious Games (2009—2010) d’Harun Farocki. Le premier récu-père des images de la guerre en ex-Yougoslavie que les médias n’ont pas diffusées: de cette manière, Mik montre comment des situations d’une extrême gravité s’entrelacent aux temps faibles du quotidien, et critique la spectacularisation de la guerre. Dans Serious Games, Farocki s’intéresse quant à lui aux nouvelles technologies utilisées pour entraîner les soldats au combat: comme les jeux vidéos, ces dernières façonnent la réalité à travers des modèles numériques. Dans sa démarche, Löffel évite toute spectacularisation et analyse les dispositifs qui préparent à la guerre. Ainsi, elle dévoile comment la perception de la guerre naît aujourd’hui de la fiction: entre ceux

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Andrea Cinel

qui croient à l’objectivité des prises de vue et ceux qui voient toute image comme une mise en scène, elle choisit de filmer des séquences abstraites qui tissent des liens avec l’univers cinématographique.

À cet égard, sur le site de Grafenwöhr, les civilians on the battlefield sont littéralement les intermittents d’un spectacle qui se développe à la suite d’un scénario, et qui est proche d’un blockbuster américain. Ce peuple fictif symbolise parfaitement l’idée de «peuples exposés, peuples figurants», puisqu’il représente métonymiquement les peuples arabes victimes des interventions armées étrangères. En effet, comme le remarque Didi-Huberman, les peuples sont aujourd’hui sur-exposés — par l’envoûtante spec-tacularisation et l’attention des médias — et sous-exposés à cause d’une censure guidée par les mêmes médias : selon nous, Setting rappelle précisément que «la sous-exposition nous prive des moyens pour voir, tout simplement, ce dont il pourrait être question» 1. D’une manière opposée, dans Offscreen, le voyage révèle la disneyisation du monde contemporain, la marchandisation et la théâtralisation de tout secteur économique. Tout comme Alice qui s’ennuie auprès de sa sœur qui lit un livre sans images ni dialogues, le jeune Suisse recherche l’aventure et ne distingue plus le monde réel et l’absurde: son voyage est finalement une sorte d’expérience filmique dans laquelle les iraniens et les afghans qu’il rencontre sont des figurants.

Néanmoins, le rapport de Löffel au cinéma ne s’arrête pas là. Les deux installations reprennent des éléments propres à l’univers hollywoodien tels que le studio et les décors. Elles se nourrissent également du travail des techniciens qui participent aux films, et font de ces dernières des véritables œuvres collec-tives. À cet égard, les décors de Babelsberg Studio nous font voyager dans des époques et des lieux qui nous sont familiers grâce aux grandes productions américaines. La Berlinerstrasse révèle littéralement que le cinéma est une question de façade. En même temps, les décors d’intérieurs nous plongent dans une réflexion autour des moyens et techniques de production cinématogra-phique : le green screen constitue le non-lieu par excellence dans lequel tous les mondes sont possibles et peuvent exister. A contra-rio, la réplique de l’avion interroge les clichés et l’homogénéité des scénarios cinématographiques. De plus, le bruiteur

1 Georges Didi-Huberman, Peuples exposés, peuples figurants. L’Oeil de l’histoire 4, 2012, p. 15.

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Quelques réflexions autour du travail de Gabriela Löffel

dans Setting met en abîme le pacte fictionnel vécu au cinéma, qui considère comme véridiques les sons accompagnant les images sur l’écran. De la même manière, les cascadeurs dans Offscreen répètent des scènes extrapolées du récit du jeune Suisse, dans une scénographie minimaliste et imagée grâce aux boîtes en carton qui peuvent représenter toutes sortes d’objets.

En dernière instance, il y a encore les techniques cinéma-tographiques employées, puisque l’artiste alterne longs travellings et séquences courtes, vues d’ensemble et zooms sur des détails, plans fixes et contrechamps: le tout est rythmé par le montage qui — comme le disait Coppola — est la véritable essence du cinéma. Cependant, chez Löffel, il ne faut pas s’arrêter au montage visuel, car le montage sonore exerce probablement un rôle encore plus important. À proprement parler, même s’ils se présentent comme tels, dans ces installations, les bruits et les musiques originels ne sont jamais accessoires ou utilisés comme des remplissages, mais sont plutôt des compositions qui dialoguent constamment avec les voix des narrateurs et les images sur les écrans, ou encore, des sources pour multiplier les strates de la narration et de la critique.

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24 heures, mai 2020

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108 Kunstbulletin 4/2020108

Yverdon-les-Bains — Nahe dem Rathausgebäude aus dem 18.  Jahrhundert, wo früher Lebensmittel für die Bevölkerung lagerten, befindet sich heute das Zentrum für zeitgenössische Kunst (CACY). Seit der Gründung 2013 allen gleichermassen zu-gänglich, ist der Eintritt frei. Im Gegensatz dazu: die hochgesicherten Zollfreilager, deren Betreten für nichtautorisierte Personen unmöglich ist. Gabriela Löffel setzt sich in ihrer neusten, titelgebenden, im CACY zu sehenden 3-Kanal-Videoinstallation ‹Inside›, 2019, mit diesem Phänomen auseinander – konkreter mit den Kunst-Zoll-freilagern Shanghai (Shanghai International Artwork Bonded Service Center) und Genf. Zollfreilager sind – mit ihrem Mix aus Sicherheit, Steuerfreiheit und Diskre-tion – idealer Aufbewahrungsort auch und gerade für Kunstwerke, die nur mehr als Anlage- oder Spekulationsobjekte fungieren. Im Kunstfreilager Genf lagern Schät-zungen zufolge mehr als eine Million Werke – es wäre das grösste Museum der Welt, wäre es öffentlich.

Zu Beginn von Löffels komplexer Auslegeordnung steht der Versuch, Zugang zum im Bau befindlichen Kunst-Zollfreilager Shanghai zu bekommen: Audioaufnahmen ihrer Zurückweisung – Nein, es sei nicht möglich einzutreten, nein, auch nicht einen Blick hineinzuwerfen – entfalten durch die Beharrlichkeit und durch die Abwesenheit von Argumenten eine kafkaeske Absurdität. Dieses Ausgangsmaterial durchläuft im Folgenden eine ganze Reihe von Übersetzungsprozessen, die gleichzeitig eine An-näherung an «das Unsichtbare» sind. Auf einem Bildschirm verfolgt man eine chi-nesische Dolmetscherin dabei, wie sie das in Shanghai aufgezeichnete «Gespräch» zwischen Künstlerin und Personal der Zollfreilager-Firma vor der Kulisse des Zoll-freilagers in Genf simultan ins Englische übersetzt. Im Hintergrund, auf einem an-deren Bildschirm ist die Aussenfassade des im Bau stehenden Kunst-Zollfreilagers Shanghai zu sehen. Auf einem mittig platzierten Screen: die verschriftlichten Defi-nitionen zu Begriffen wie «Transit Zone», «Economy», «Offshore» etc. als Audiomit-schnitt zu hören und von der Übersetzerin übersetzt, die wiederum selbst als eine Art Hologramm der Realität neu in einem VR-Studio in Szene gesetzt wird. Erst dieser aufwendige «Nachbau», also die Programmierung der entsprechenden virtuellen Re-alität, ermöglicht der Übersetzerin den Zugang in den Innenbereich des Freilagers. Und genau diese weitere Übersetzung des unsichtbar Realen ins sichtbar Virtuel-le erst verabschiedet die Idee eines «Originals» und ermöglicht dafür den Blick auf reale gesellschaftliche Machtmechanismen und Ordnungssysteme. Sønke Gau

→ ‹Inside, Gabriela Löffel›, CACY, Yverdon-les-Bains, bis 26.4. ↗ www.centre-art-yverdon.ch

Gabriela Löffel — ‹Inside› the Market

Im Centre d’Art Contemporain ist eine Einzelausstellung der Künstlerin Gabriela Löffel zu sehen, die sich dort auf gekonnte und zeitaktuelle Weise unter anderem mit der paradoxen, marktkonformen Unsichtbarkeit von in Freilagern weggesperr-ter Kunst auseinandersetzt.

109BESPRECHUNGEN // YVERDON-LES-BAINS

Gabriela Löffel · Inside, 2019, Mehrkanal-Videoinstallation, Videostills

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SAMUEL SCHELLENBERG

Le Suisse Peter, appelons-lecomme ça, avait 9500 euros àdépenser pour deux semainesde vacances. Plutôt qu’une

croisière suite-balcon dans les Ca-raïbes ou un séjour thalasso-plongéeaux Maldives, il a choisi l’Afghanistan.Avec garde du corps, Talibans à l’hori-zon, riz-kébab trois fois par jour ettestament à rédiger avant le départ.Un choix incongru, pour ne pas direautre chose, qui est à la base d’Off-screen (2013), impressionnante ins-tallation vidéo de Gabriela Löffel à dé-couvrir à l’espace d’art Halle Nord, àGenève. «Je me demandais qui étaitintéressé par ce genre de voyages or-ganisés...» La réponse tient en 28 mi-nutes, sur trois écrans et d’innom-brables couches pour déconstruireles propos d’un homme qui n’avaitpas grand-chose d’un Rambo.

La multiplication des strates, c’estla spécialité de la Bernoise. Elle en ra-joute à chaque travail, complexifiantun peu plus une démarche qui netient ni de la documentation, ni de lafiction, mais d’une mosaïque de réin-terprétations, traductions ou reca-drages du langage. Le tout dans l’op-tique d’inviter les spectateurs à créerdes liens, «un peu comme si je don-nais du jaune et du rouge pour qu’onpense orange. Ou plutôt, pour qu’oninterroge ces images qui forment nosavis sur la guerre ou la politique», ex-plique la jeune quadragénaire dansl’ambiance chaleureuse du Bâteau-Lavoir, à deux pas d’une Halle Nordun peu trop fraîche pour qu’on s’yéternise. Mèches grises, léger accentSuisse alémanique et tutoiementd’office, elle précise tout de même«éviter d’être didactique».

CARTON-PÂTENotre rendez-vous pour voir Off-

screen, un peu plus tôt dans la ma-tinée, avait été repoussé d’une heurepour cause de problèmes techniques:l’installation est complexe à lancer.Casque audio sur les oreilles, les spec-tateurs suivent le voyage de Peter enAfghanistan. Ce n’est pas le protago-niste qui parle mais un acteur, invité à

faire vivre un texte inspiré des cinqheures d’interviews réalisées par Ga-briela Löffel. On y apprend que le jeu-ne homme a voulu s’offrir une «ré-compense» à la fin de ses études – uneparenthèse spéciale avant une viequ’il prévoit normale (travail, maria-ge, enfants). Et s’il est excité d’avoir as-sisté par hasard au ballet des héli-coptères partis pour tuer Ben Laden,au Pakistan, il regrette l’annulationd’un cours de déminage prévu au pro-gramme: il se réjouissait d’«aider».

Sur les écrans, les images formel-lement très belles sont celles des stu-dios de Babelsberg à Potsdam, où ontété tournés Metropolis, L’Ange bleuou, plus récemment, Stalingrad et LePianiste. La caméra remonte une ruede carton-pâte évoquant la SecondeGuerre mondiale, et suit en parallèleune troupe de cascadeurs. Rien à voiravec les paysages traversés par Peter:la référence au cinéma permet de po-ser de nombreuses questions et dedétourner l’attention pour mieux larecadrer sur l’essentiel. Qu’est-ce quele réel? Qui des médias ou de ces fa-briques d’images façonnent vérita-blement notre vision des guerres et dela géopolitique mondiale?

MIEUX QUE LE JOURNALISMEAu clair sur ce qu’elle veut, pro-

fondément réfractaire au compromis– «c’est exclu, je n’en ferai jamais! Apart peut-être avec les équipes detournage ou les techniciens» –, Ga-briela Löffel s’est lancée dans desétudes artistiques après avoir prati-qué la peinture en autodidacte et sé-journé à Berlin. Elle était motivée parla possibilité de «questionner diffé-remment» ou d’«avoir en main un ou-til puissant» – l’art. Plus tard dans laconversation, elle ajoutera que c’estaussi parce qu’elle est «très curieuse»et que dans ce cas, «l’art est encoremieux que le journalisme. Je peuxvraiment faire ce que je veux.»

Etudier à Berne ne l’intéressaitpas. «J’ai eu envie d’aller dans unautre univers, dont je ne parlais pas lalangue»: elle choisit la ville au jetd’eau, au détriment de Zurich, avecdes études à l’Ecole supérieure desbeaux-arts, entre 2000 et 2006. Elle

intègre immédiatement le milieu dela culture autogérée et des squats.«J’avais vraiment l’impression queGenève était un laboratoire, pas uneentreprise.» Durant ses études, qu’el-le passe en partie à Vienne, elle pra-tique d’abord la peinture, «commetous ceux de [sa] génération», s’amu-se-t-elle. Elle passe à l’image en mou-vement lorsqu’elle veut aborder dessujets politiques: «J’ai eu besoin de çapour éviter les pièges.» Elle lit beau-coup, de Judith Butler à Susan Sontagen passant par Karl Kraus, autour dethématiques centrées sur le genre, laguerre ou les médias.

Ses premières œuvres impliquentmoins de couches qu’Offscreen, maistout de même. Dans Fokus (2003), parexemple, elle filme quatre femmes ti-rant au pistolet, la caméra cadrée surleur visage concentré – on ne voit pasl’arme. Le son reproduit la respirationdes protagonistes, avant de se couperune fois le coup parti. Dans Fallbei-spiel (2006), à voir en ce moment auCentre d’art contemporain d’Yverdon-

les-Bains, des danseurs tombent lesuns après les autres. On ne voit pasleur chute: on l’entend. Et plus récem-ment, l’installation Setting (2011) rap-portait – par l’entremise de comé-diens – les témoignages de figurantsengagés dans un camp d’entraîne-ment militaire étasunien en Bavière,dernière étape avant le conflit irakien. Al’image, un bruiteur et son intrigantmatériel donnent corps aux récits deces «Arabes de service», en général in-terprétés par des Allemands.

MOTS GLAÇANTSLe monde et ses conflits s’invitent

aussi dans la toute dernière œuvre deGabriela Löffel, Embedded Language(2013), encore inédite, autour du récitd’un négociant d’armes polonais ren-contré lors d’une foire spécialisée. Enrésidence à Montréal, l’artiste a par lasuite organisé le doublage de l’inter-view. Au final, l’œuvre s’intéresse enpremier lieu au processus de décom-position du discours pour le «tradui-re» en partition de doubleur, avec

pauses, hésitations et autres rires ner-veux. Les mots cyniques du mar-chand de mort, lorsqu’ils parviennenttout de même à la surface, n’en sontque plus glaçants.

Toujours très accessibles malgréleur complexité, les œuvres de Gabrie-la Löffel sont difficilement vendablesen galerie: les financements de sespièces viennent principalement descollectivités publiques et des nom-breuses distinctions ou bourses reçuesdepuis 2006. Aussi, des travaux com-me Offscreen ou Embedded Languageprennent jusqu’à deux années pourvoir le jour. «Je veux à tout prix éviterles raccourcis: le temps devient unfiltre», explique Gabriela Löffel. Et ilpermet aussi de rajouter quelquescouches, le cas échéant.

Halle Nord, 1 pl. de l’Ile, Genève, jusqu’au

14 décembre, ma-sa 14h-18h, www.act-art.ch

Centre d’art contemporain d’Yverdon-les-Bains,

pl. Pestalozzi, expo «Move Movie»,

jusqu’au 26 janvier, me-di 12h-18h,

www.centre-art-yverdon.ch

ART Par ses installations passionnantes aux strates

multiples, la Bernoise déconstruit le langage pour parler

politique, médias et conflits. A voir à Genève et à Yverdon.Gabriela

Millefeuille

LÖFFEL

Gabriela Löffel au centre de son

installation Offscreen, à Halle Nord. JPDS

• LeMag rendez-vous culturel du Courrier du samedi 7 décembre 2013

Le Courrier, Decembre 2013

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SETTING

citysharing.ch

The complex audio-visual installation “Setting” by Swiss artist Gabriela Löffel starts out friendly enough. During the opening minutes of the work, the visitor finds herself in a room plunged in total darkness, where peaceful sounds of chirping birds and the voice of a woman pour out of five speakers. The placing of the speakers throughout the room, each transmitting a single aural element, ensures a “Surround” sound environment. The narrator, speaking French, is recounting curious events in which she participated. We quickly discover that we are listening to a story that is not meant for our ears. Over a number of years, the woman has worked as an extra in a training camp for mostly American soldiers on their way to combat in Kosovo, Iraq, or Afghanistan. Here, scenes that might occur in war zones are acted out with the help of extras, according to carefully planned scenarios. The sounds of birds and rustling leaves seem to divert our attention from the sinister content of the woman’s story, but in fact create an aural backdrop for one of the poignant contradictions central in “Setting”: the training camp, placed in the hills of rural Bavaria, Germany, is a site of imagination and simulation, a site of make-belief.

The thirty-two minutes of narration are a patchwork of various events and personal impressions from the training camp, as seen through the eyes of a single participant. The artist’s laborious research process could be the basis of a completely different work. But for “Setting”, Löffel has chosen an approach that both mirrors the layering of reality inherent in the hidden practices inside the training camp, as well as focuses on the complex relationships – political, experiential and aesthetic -, between war and its representation in (moving) images. This latter thematic has become crucial since the first televised war in Kuwait under Bush senior, aired “live” on CNN.

During the first nine minutes, “Setting” shows no images. Then, a still image looms up on the left of two screens discernable in the darkened room. For quite some time, this image remains poorly lit, making it difficult to distinguish what we see: a folded microphone-stand, a chair, the contours of a room. Although the narrator’s story is well underway, the image remains fixated at the moment of an overture, waiting to be lit up, waiting for something to happen – as is essential to the moving image. Standing in front of a barely lit, still video screen, our expectations are thwarted. Accustomed as we are to the unremitting flow of images, some visitors have even presumed a technical problem. But this voluntary withholding of the image, frustrating indeed, throws us back onto ourselves and stimulates us to consider our bodily position in the dark. When images finally do flare up on either of two screens in the room, they do not show scenes of war or their simulation. Rather than to redouble the problematic of simulation by presenting us with a staged reconstruction of events in the training camp, Löffel shows a sound designer at work in his studio. The sound effects we see him producing underline or even create the mood of the narrator’s continuing story, which every now and then builds up to a climax, speeding up to greater (emotional) force towards the end. Seeing the sound designer at work, however, creates discrepancies and dismantles the rhetorical process. Eerie, undefined, impressive sound effects turn out to be made by such unexpected actions as breaking vegetables in two, running up and down iron stairs, blowing up a rubber balloon, or rubbing together two ordinary bricks.

In a similar manner, the installation breaks down narrativity - any claim to believability -, by introducing layers of distance to the ungraspable reality of war. Why would a woman from Bavaria speak French? The female voice we hear is that of a professional reader. This may lead us to incur that the narration too is mediated: it is the artist who has edited the interview with the German extra, and who has chosen which fragments to use and in what order. On top of that, the pitch, tone and rhythm of the professional narrator’s voice lends signification to the words.

The choices of process and technique, of what to show and what to tell, and most of all, how to show or tell it, contribute to a complex layering of reality, representation and experience. They also enhance the feeling that is expressed at the end of the narrator’s autobiographical tale: even after so many years of hyper-realistic make-belief, she feels she cannot begin to grasp the atrocity of war that is “so horrible… and so very far away…”. The interviewed extra thus functions as a stand-in for our own, highly mediated access to war. Listening to someone who was trained to simulate life in war-zones is perhaps the closest we can get. But most of all, “Setting” succeeds in giving a rare insight into the visual mechanisms with which we are ourselves “trained” to experience and judge events, choices and people involved in the unfathomable horror of war. And it is not without reason that this word is evoked: just like Conrad’s captain Kurtz’s famous phrase “the horror… the horror…” has come to replace the unspeakable “heart of darkness”, so Hollywood’s adaptation of it guides our imaginary of war in the modern era. The closest the interviewed extra in “Setting” comes to imagining the actual experience of war, is when she describes how she thinks she would feel if actual helicopters were approaching. It is impossible not to be reminded of the helicopter scene in Apocalypse Now. “Setting” contests this tyranny of the image.

MEREL VAN TILBURGArt historian, Paris, 2013

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Gabriela Löffel — la fiction comme

expérience des réalités

Gabriela Löffel · Setting, 2011, Vidéo Still, Installation Vidéo-Audio

49FoKuS // GAbrIeLA LöFFeL

C’est la voix qui d’abord nous happe dans la semi-obscurité de l’installation. Une voix de femme qui, sans affect, parle d’insurgés, de soldats, de bombes, d’ambulanciers, de fusils… Rapidement on comprend qu’il ne s’agit pas du récit d’une guerre réelle et vécue mais celui de l’expérience troublante qui consiste à endosser le rôle de fi-gurant dans un camp d’entraînement militaire. Ce n’est pourtant pas sur cette zone militaire que Gabriela Löffel va diriger sa caméra. Mais sur ce que peut révéler le décalage entre le réel et l’imaginé, l’existant et le simulacre.

Elle avait déjà commencé cette (en)quête sur le lien entre la guerre et le langage dans une vidéo précédente, ‹The Easy Way Out›, 2010, qui avait eu pour point de dé-part une discussion presque furtivement enregistrée au bar d’un hôtel situé au bord de ce même camp bavarois.

Des trois personnes rencontrées, un soldat, une vendeuse de voitures et la pro-priétaire de l’hôtel, nous ne connaîtrons pas leur visage. La conversation constitue l’épitase du travail qui tente de comprendre l’entrelacement des fils du discours, des mots et des silences. Elle est mise en scène, retranscrite, traduite et lue par trois interprètes professionnels qui leur donnent corps comme un comédien pour-rait le faire, à cela près que ces traducteurs sont dans des ‹cabines› individuelles, grises, casque d’écoute sur la tête, stylo à la main et micro à portée de voix. Ce procédé de distanciation est complété par le dispositif de l’installation vidéo : même cadrage pour les trois personnages, projection frontale sur trois écrans et, pour le spectateur, un casque sur la tête, il ne lui est donné d’entendre qu’un inter-prète à la fois et donc de ne saisir la ‹conversation› que par des monologues fragmen-tés par des silences.

Un territoire ambigu

Revenons à ‹Setting› et à l’expérience liée à ce camp militaire dont Gabriela Löffel a appris l’existence par l’Internet. Passablement flouté sur les images satellites de Google Earth, on le découvre difficilement, presque ironiquement situé dans l’une des grandes réserves naturelles d’Allemagne, en Bavière, dans la région de Grafenwöhr. Repris comme camp d’entraînement de l’armée des États-Unis d’Amérique (il a fêté son centenaire en 2010, agrandi sous Hitler il a également servi de camp de déten-tion), il comprend en permanence plus de mille soldats. Vaste zone isolée par des fils de fer barbelés dans laquelle les civils n’y entrent pas sans autorisation, il constitue un territoire limite, frontière et, surtout ambigu. La possible justification de ce camp

L’existence d’un camp d’entraînement militaire américain im-planté en Allemagne a déclenché les récentes recherches de Gabriela Löffel. Celles se concentrent avec acuité dans une installation vidéo-audio ‹Sitting› présentée dans l’exposition ‹Crosnier Extra Muros› de la Société des Arts de Genève qui lui a décerné son Prix artistique. Françoise Ninghetto

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50 Kunstbulletin 5/201150

américain en territoire allemand réside dans une notion que l’information politico-militaire a fait, depuis quelques années, entrer dans notre mode de pensée, la guerre préventive. « Dernier terrain où s’exercent les soldats américains avant d’être en-voyés en Irak ou en Afghanistan », il est, remarque Gabriela Löffel , « un univers où la vie est mise en jeu pour essayer de préserver cette même vie ».

Après une visite guidée du camp, organisée par une association locale pour les habitants de la région, Gabriela Löffel savait qu’il avait trouvé là matière à réflexion et qu’elle allait y engager son travail vidéo. Elle y retourne une deuxième fois en 2010, lors d’une fête germano-américaine populaire durant laquelle des soldats faisaient visiter des tanks stationnés le long de rues bordées de maisons aux formes arabi-santes. Mais que faire avec ces informations, finalement si fragmentaires qu’elles paraissent aisément réductibles à des stéréotypes ?

La parole et les silences

Gabriela Löffel ne se sert pas de la caméra pour enregistrer des images ‹en direct›, le reportage et le documentaire ne constituent pas son terrain d’action. Sa caméra est bien un outil d’observation mais de situations – il n’est sans doute pas erroné de parler de mises en scène – qu’elle crée. Qui ne sont jamais décontextualisées du su-jet qu’elle veut traiter. Mais elle manie l’obliquité. C’est dans cet écart, provoqué par sa manière de se d’aborder le sujet, que son travail ouvre à des réflexions sur le sens de ce que l’on comprend du monde lorsqu’on prend conscience de la fragmentation de nos connaisances.

Ainsi, ‹Setting› sera une nouvelle étape dans sa réflexion autour de la parole. À la suite de sa deuxième visite du camp, elle cherche à obtenir des informations plus précises sur ceux qui, face aux soldats, jouent le rôle des ennemis : les figurants. Ces

Gabriela Löffel · The easy way out, 2010, Installation Vidéo-Audio, Galerie ex-Machina, Genève. Foto d’exposition: Erika Irmler

51FoKuS // GAbrIeLA LöFFeL

derniers, communément des Allemands (actuellement préférence est donnée à des figurants arabes), sont engagés pour des périodes de trois semaines durant les-quelles ils endossent différents rôles, blessé, villageois attaqué, terroriste, insurgé… Leur contrat leur impose de taire le travail qu’ils ont effectué pour l’armée améri-caine. Malgré cette interdiction, Gabriela Löffel a réussi à rencontrer deux figurants qui ont accepté de lui raconter leur si particulière expérience. Pas de déclarations politiques, ils égrènent des situations vécues dans un réel hors du réel… Leurs récits rappellent ces jeux de rôles qui à la fin des années 1960, à la suite de la parution du ‹Seigneur des Anneaux›, 1966, prirent une forme nouvelle créée par Gary Gygax, le ‹Chainmail›. Ces ‹jeux de guerre› qui connaissent une florissante postérité prolongée dans les jeux vidéo.

Tout à l’écoute de la narration des situations guerrières, l’image vient nous sur-prendre. Celles que l’on voit sur les deux écrans sont muettes, elles ne sont en rien illustratives. Muettes mais pas silencieuses : elles montrent un bruiteur roulant sa valise, marchant sur du gravier, tordant une laitue, agitant un baguette… Des sons qui évoquent un corps en léger mouvement, un corps qui se fige, le vent qui bruisse. Cette présence du son, un peu insolite, renvoie aux bruits incessants et puissants qui dominent la campagne alentour du camp. Hors de vue, la guerre fictive transmet, par les bruits des avions, des hélicoptères et des tirs, l’insupportable de sa réalité. On ne s’étonne pas d’apprendre que Gabriela Löffel cite Karl Kraus (1974-1936) comme une de ses références intellectuelles. Ce satiriste qui a stigmatisé la guerre et le bel-licisme tout autant que le faux-semblant généralisé du monde ‹développé› moderne qui n’est pas moins barbare qu’auparavant mais qui a seulement appris à mieux se farder. Karl Kraus qui a consacré une grande partie de son travail à lire attentivement la presse pour l’analyser et en montrer l’imposture à partir de « l’usage qu’elle fait du langage, de la déformation du sens et de la valeur, de la façon dont sont vidés et déshonorés tout concept et tout contenu ».Françoise Ninghetto est historienne de l’art et conservateur au Mamco. [email protected]

≥ ‹Sitting› sera présentée par Gabriela Löffel à bâle, Swiss Art Awards 2011 ≥ Gabriela Löffel, ‹Sitting›, 2011, Installation vidéo-audio, Voix : Miruna Coca-Cozma, Sound Design: Daniel Hug. Abteilung Kulturelles de la Ville de berne. Département Cinéma/cinéma du réel de la Head-Genève.

Gabriela Löffel (*1972, oberburg) vit à Genève et berne2002–2003 Akademie der bildenden Künste, Wien2000–2005 eSbA, ecole supérieure des beaux-arts Genève

expositions2008 ‹In Progress› , ProGr, bern ; ‹Selection 2007IS› , ATA, San Francisco 2009 Duplex, Genève ; «Anonyme Zeichner N°10» Kunstraum Kreuzberg/bethanien, berlin2010 Standard/Deluxe, Lausanne ; ‹The easy way out› Galerie ex-Machina, Genève ; Schweizer Videokunst, Landshut2011 ‹Crosnier extraMuros› , Le Commun, Genève ; rodeo12, Genève

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