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Page 1: I SPECTACLES - Dirk Coopmanpar Léon Stynen à !'occasion de !'Ex po 58, les tours de Philippe Samyn dans Ie cadre du projet Manhattan (1967) à la gare du Nord à Bruxelles ou encore
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I SPECTACLES

ARCHITECTURE

L'utopie en sommeil Une exposition

labyrinthe au pays d'une architecture beige avortée, à naitre ou jetée aux oubliettes.

1950·1990 : une saga qui survole certitudes et

débats, prises de conscience et n'importe

quo i.

uti léc par deux guerrcs mond ialcs, I'Europe du xxc siècle a vécu !'utopie par a rchitectes int er­posés . Sauf en Belgi­

que ? A grands renforts de plans, ma­quettes, dessins ct photos, l'exposition d'été de la Fendation peur I'Architec­turc à Bruxelles intitulée « Unbuilt Bclgium » (jusqu'au 6 septembre) cou­vrc les quarante dernières années de projets non aboutis, refusés. aban­donnés, oubliés mais un jour rêvés. Premier constat : les propositions réu­nics ici, épurcs d'étudiants. projets vi­sionnaires ou reuvres dïmagination se nt , peur la plupart , étrangemcnt.. . sobres. Pourquoi ? Si. durant les an­nées 50, point de départ de l'exposi­tion , on peut en chcrcher les raisons dans une esthétique internationaliste qui fit déferler sur Ie monde des mil­Hers de cubes prêts à l'emploi. on de­vrait de la même façon pouvoir cxpli­quer par les diktats du postmoder­nisme, les causes des päleurs plus ré­centes. De fait , la Belgique n 'échappa guère ni à ces projets monstrueusc­ment unifennes ni à ces excès de cita­tions quc l'e n voit fleurir depuis qucl­ques années aux quatrc coins du pays sous fe rme de frontons, chapiteaux à l'antiquc ct aut res motifs empruntés.

Mais, décidérnent. il y a une autre réponsc à trouver. Et sa ns aucun doute, davantagc liée à la mentalité de notre pays et au caractère sérieux de scs bätisseurs. Un esprit concret qui interdirait la seule rêverie poétique et

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n'autoriscrait l'original ité ou la futu­rologie que dans la mesure ou elle peut se traduire par du solide. Entendez. du « possible » . C'est à ce point vrai que certains architectes refusèrent de céder peur l'cxposition lcurs dessins si leur nom se voyait associé à celui d'ar­chitcctc-utopiste ... Pourtant , on n ·au­ra jamais autant porté sur la voie pu­blique Ie grand débat sur la villc. Ja­mais autant qu'aujourd'hui , on n·a commenté Ie rólc hautement symboli­que joué par tel ou tel édifice. Jamais on n 'a autant évoqué la sauvegarde du patrimoine. Alors. ne serait-il pas tcn1ps de regarcter de plus près ces quarante années mises à l'écart que la

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Fandation pour l'architecturc. de ma­nière p arce l la ire certes m ais convaincante. nous propose en avant­goût de la « journée du Patrimoinc »

prévue, cctte année, Ie dimanche 13 septembrc ?

o ·cmblée, il faudrait faire unc dis­tinetion nette cntre les projets concer­nani ce que !'on pourrait appeler des « unités » et ccux visant à rnadelerou remodeler tout un quarticr, voire unc ville entière. Dans la première c.:atégo­rie, on aurait pu s'attendre à voir défi­ler une suite de propositions de mai­sons di tes unifamil ialcs, mais elles font rarement l'objet d'ûn concours d'idées. Par contre, d'autres signes so­litaires mais plus chargées symboli­quement. ne manqucnt pas Ie rendez­vous. On so nge par exe mple a u « pont ». IJ reste un enjeu profession­nel de tai lle puisque pour Monsieur Tout-Ie-Monde, il semble relever du seul calcul des ingénicurs. Mais il y a une autre dimeosion à Ja réalité du pont. Au-delà de la prouesse techni­que, il relie, jette un trait d"union, réu­nit. 11 établit un lieu d'échange et de passage , oû parfois, so ngeons au Ponte Veechic des Florentins, il fait bon aussi s'attarder. Ccrtains archi­tectes ont mêmc rêvé d'y lager !'habi-tat. ,

Dans une ville comme Bruxelles, c·est Ie ring ou la pctite ceinture qui fait office de fleuve. Mabardi ct Becker rccouvrcnt alors cette dcrnière d'une structure mult ifonction nelle dans u n projet de 1965. Emery. Har­denne ct V aniacthem rclient en 1972 Ie haut et Ie bas de la ville par un tapis suspendu. A Liège. Ruggeri imagine un immeublc qui enjambe la Meuse en

grimpant jusqu'à 600 mètrcs de hau­teur. Récemment, Luc Dcleu, après avoir proposé des architectures sur porte-avions, trouvait une salution criginale pour Ie passage du TGV à Bruxelles : un rail suspendu à la ma­nière du pont de Brooklyn. Et pour­quoi pas eneare un pont-musée qui en­jamberait !'autoroute à la hallleur de la butte de Waterloo pour rappeler aux automobilistes prcssés l'illustre rencontre entre Français et Britanni­ques (projet Rik Nys) ?

A cöté des ponts, se dresse, presquc en antithèse, la tour. Cellc qui joueau clocher ou à la prison. Celle qui défie Ie ciel et relie Ie feu souterrain au so­leil. La tour Eiffel était un cri. En 1919, El Lissitzky imaginait une autrc tour de 400 mètres de hauteur et !'ar­chitecte américain Wright prévoyait un immeuble de I 600 mètres ~ Quel­ques projets témoignem ici. Ceux de la Tour des Communications imaginés par Léon Stynen à !'occasion de !'Ex­po 58 , les tours de Philippe Samyn dans Ie cadre du projet Manhattan (1967) à la gare du Nord à Bruxelles ou encore les deux immcubles pour un Hilton façon Sixties. Enfin, !"archi­tecte rêve parfois de poser en plein creur de la ville, par cxemple aux abords du Botaniquc. une sphère énorme, belle seulcment de sa pureté (Axel Ghyssaert , 1990). Ou d'ériger. au bord de la mer du Nord , une énormc bitte d'amarragc (Projet Sea Trade Center à Zcb rugge de Remi Koolhaas, 1989), au voisinage d'un terril un manurnental sablier (Manuel Gomez. 1987) ou, sur Ie sable même, une série de cabines dont !"ensemble reproduirait Ie corps couché d'une

baigneuse (Gorik et Karel Lindemans, 1988).

Et les villes ? On peut les créer de rien. Ce sont alors les cités nouvelles dont la Belgigue ne fu t jamais très friande. Louvain-la-Ncuve aura néan­moins permis un large débat sur cette thématiquc. D'autrcs projets nous ré­vèlent des choix différcnts. Ségréga­tion des fonctions hier, rccours aux analogics organiques dans les temps qui suivent et enfin, plus récemment, via un méla nge des fonctions, une préoccupation plus nette de retour à !'image historique ct de réhabilitation du patrimoinc. Le débat se corse lors­qu'il s'agit. comme pour la place Saint-Lambert à Liègc ou pour Ie Car­refour de I'Europe à Bruxelles, d'amé­nager un site hautement marqué par la mémoire des pierres.

L'évolution des projcts. leur aban­don pour d'autres et les solutions fina­lement choisies laisscnt bien voir les changements de mcntalités. On aura ainsi évité Ie pire dans la cité des Princes évêqucs lorsqu'on se rappelie­ra que Ie Plan particulier de 1968 pré­voyait rien moins que l'implantation, en plein creur de Liège d'un réseau autoroutier, une gare d'autobus, un parking de mille places et par-dessus une dallede béton pour Ie moins mini­maliste. Aujourd'hui , on discute tau­jours ma is sur un autre projet, nette­ment plus conv ivial, signé Claudc Strebclle. Pour Ie Carrefour de I"Eu­rope. il n'aura pas fallu moins de ... 50 ans pour que, de concour. d'idées en projets d'écolcs, on trouve enfin une salution à cettc béance scandaleusc sé­parant la cathédrale Saint-M ichel. la gare centrale et la Grand-Piace occa­sionnée par l'historique raté du percc­ment de la jonction Nord-Sud. Yoici deux ans, enfin , on comblait eet im­mense parvis par les a rchitec tures pseudo-anciennes que l'on sait.

A Bruxelles, l'histoire du quarticr Nord mérite aussi qu'on s'y attarde. Tout comme la réutilisation d'anciens terriJs ou eneare la mise dans !'eau, projet « Aquarius >> , des principaux bätimcnts rcligicux de la ville de Gand , voi re la lancinante saga des projets de réaménagements de la rive gauche d'Anvers dont la première ma­quette. signée Le Corbusier, remonte aux années 30. Mais cela. ce sont en­care d'autrcs histoires belgcs racon­tées à la Fandation pour l'architcc­ture. Seul regrct : !'absence d"un cata­logue. Est-ce aussi par peur de !'uto­pie ? Guy Gilsoul •

Bruxelles, Fandation pour l'Architec­ture, 55, rue de !'ermitage. 1050. Jus­qu.'au 6 septembre.

LE VIF/L"EXPRESS- 14 AOÜT 1992 4 9

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