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Soil Water Balance in the Sudano-Sahelian Zone (Proceedings of the Niamey Workshop, February 1991). IAHS Publ. no. 199,1991. Impact des digues filtrantes sur le bilan hydrique et sur les rendements agricoles dans la region de Rissiam, Burkina Faso W. F. VAN DRIEL Comité Interapicain d'Etudes Hydrauliques (CIEH), 01 BP 369, Ouagadougou, Burkina Faso J. G J. VLAAR Université Agronomique de Wageningen (UAW), Département d'Irrigation et de CES, Nieuwe Kanaal 11, 6709 PA, Wageningen, Pays-Bas Résumé Sur le Plateau central du Burkina Faso, région avec une pluviométrie annuelle entre 500 et 800 mm, une technique de conservation des eaux et des sols qui est couramment appliquée, est la digue filtrante. Une digue filtrante est une digue de pierres libres, construite à travers un thalweg ou bas-fond, sur des champs cultivés. Le Comité Interafricain d'Etudes Hydrauliques, en collaboration avec l'Université Agronomique de Wageningen et l'Association Française des Volontaires du Progrès, a évalué le comportement hydraulique et l'impact hydrologique et agricole d'un nombre de digues filtrantes dans la région de Rissiam, au Burkina Faso, pendant les campagnes agricoles de 1986, 1987 et 1988. La recherche a démontré que l'augmentation des rendements de sorgho cultivé en amont des digues filtrantes est due à la fois à une meilleure disponibilité en eau et à un meilleur approvisionnement en éléments nutritifs, provoqués par le processus de sédimentation au côté amont des digues. L'augmentation de l'infiltration reste marginale pour avoir un impact sur l'alimentation de la nappe phréatique. INTRODUCTION Un nombre de digues filtrantes a été étudié dans la région de Rissiam, Burkina Faso, en ce qui concerne le comportement hydraulique et l'impact hydrologique et agricole. Cette recherche a été exécutée entre 1986 et 1989 par le Comité Interafricain d'Etudes Hydrauliques (CIEH) et l'Université Agronomique de Wageningen (UAW), en collaboration avec l'Association Française des Volontaires du Progrès (AFVP), et financée par la Commission des Communautés Européennes. Comme les trois campagnes de la recherche coïncidaient avec une année de pluviosité moyenne (1986), une année relativement sèche (1987) et une année relativement humide (1988), les résultats permettent de se prononcer sur l'impact hydrologique et agricole dans ces différentes conditions (Vlaar & Wesselink, 1990). 299

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Soil Water Balance in the Sudano-Sahelian Zone (Proceedings of the Niamey Workshop, February 1991). IAHS Publ. no. 199,1991.

Impact des digues filtrantes sur le bilan hydrique et sur les rendements agricoles dans la region de Rissiam, Burkina Faso

W. F. VAN DRIEL Comité Interapicain d'Etudes Hydrauliques (CIEH), 01 BP 369, Ouagadougou, Burkina Faso

J. G J. VLAAR Université Agronomique de Wageningen (UAW), Département d'Irrigation et de CES, Nieuwe Kanaal 11, 6709 PA, Wageningen, Pays-Bas

Résumé Sur le Plateau central du Burkina Faso, région avec une pluviométrie annuelle entre 500 et 800 mm, une technique de conservation des eaux et des sols qui est couramment appliquée, est la digue filtrante. Une digue filtrante est une digue de pierres libres, construite à travers un thalweg ou bas-fond, sur des champs cultivés. Le Comité Interafricain d'Etudes Hydrauliques, en collaboration avec l'Université Agronomique de Wageningen et l'Association Française des Volontaires du Progrès, a évalué le comportement hydraulique et l'impact hydrologique et agricole d'un nombre de digues filtrantes dans la région de Rissiam, au Burkina Faso, pendant les campagnes agricoles de 1986, 1987 et 1988. La recherche a démontré que l'augmentation des rendements de sorgho cultivé en amont des digues filtrantes est due à la fois à une meilleure disponibilité en eau et à un meilleur approvisionnement en éléments nutritifs, provoqués par le processus de sédimentation au côté amont des digues. L'augmentation de l'infiltration reste marginale pour avoir un impact sur l'alimentation de la nappe phréatique.

INTRODUCTION

Un nombre de digues filtrantes a été étudié dans la région de Rissiam, Burkina Faso, en ce qui concerne le comportement hydraulique et l'impact hydrologique et agricole. Cette recherche a été exécutée entre 1986 et 1989 par le Comité Interafricain d'Etudes Hydrauliques (CIEH) et l'Université Agronomique de Wageningen (UAW), en collaboration avec l'Association Française des Volontaires du Progrès (AFVP), et financée par la Commission des Communautés Européennes.

Comme les trois campagnes de la recherche coïncidaient avec une année de pluviosité moyenne (1986), une année relativement sèche (1987) et une année relativement humide (1988), les résultats permettent de se prononcer sur l'impact hydrologique et agricole dans ces différentes conditions (Vlaar & Wesselink, 1990).

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W. F. van Driel & J. C. J. Vlaar 300

DESCRIPTION DE LA ZONE D'ETUDE

La région de Rissiam fait partie du Plateau central du Burkina Faso, à une distance de 6 à 25 km de Kongoussi. La géomorphologie est caractérisée par des zones de collines et plateaux latéritiques, qui se transforment en longs glacis, qui débouchent dans des thalwegs ou bas-fonds. Les sols varient de lithosols sur les glacis à des sols hydromorphes dans les bas-fonds. Les sols sur les glacis sont peu fertiles, compacts, peu perméables et sensibles à l'érosion.

Le climat est soudano-sahélien. La région de Rissiam se trouve sur l'isohyète de 700 mm (1920-1984), mais la moyenne de la pluviométrie annuelle était de l'ordre de 550 mm calculée sur les années 1977-1987.

La région a un peuplement relativement dense, et la pression sur la terre est grande. La nécessité d'une intensification des systèmes agraires, ainsi que des activités de CES/DRS s'impose. Ces derniers font l'objet de nombreux projets d'assistance technique; la digue filtrante est une des techniques vulgarisées.

DESCRIPTION DES DIGUES FILTRANTES

Une digue filtrante est un ouvrage construit en pierres libres ou (à titre exceptionnel) en gabions, situé dans un thalweg ou bas-fond, où les eaux de ruissellement se concentrent pendant les grandes pluies et quelques heures après. La digue filtrante sert à freiner et épandre les eaux de crue sur un champ d'épandage au côté amont, ce qui augmente l'infiltration et provoque une sédimentation de terre, deux phénomènes favorables à la culture pratiquée sur ce champ, le plus souvent du sorgho. La Fig. 1 montre un schéma de digue filtrante.

Fig. 1 Schéma de digues filtrantes.

Les dimensions des digues filtrantes varient beaucoup selon la forme du thalweg/bas-fond: la hauteur ne dépasse généralement pas 2 m au centre du thalweg et diminue vers les côtés. La plus grande largeur est dans ce cas de 4 m; la longueur varie d'habitude entre 40 et 200 m. La digue peut être

301 Impact des digues filtrantes sur le bilan hydrique

toute droite, mais aussi courbée, de sorte qu'elle suit plus ou moins une ligne de courbe de niveau. L'espacement entre des digues filtrantes en succession dans un thalweg/bas-fond dépend surtout de la pente longitudinale qui varie entre 0.5 et 1.5%, comme la superficie du champ d'épandage en amont d'une digue, qui varie généralement entre 0.2 et 5 ha. Le coût de construction de ces ouvrages varie entre 20 000 et 100 000 F CFA par ha (Brasser & Vlaar, 1990) (70-350 $US), non comprise la rémunération d'une main-d'oeuvre fournie par les bénéficiaires, qui varie entre 100 et 400 homme-jours par ha aménagé (Brasser & Vlaar, 1990).

METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

Un échantillon représentatif de digues filtrantes existantes a été sélectionné pour un suivi technique et agronomique. Le Tableau 1 montre les caractéristiques de ces digues: âge, état, dimensions, superficies du bassin versant et du champ d'épandage. Quatre digues étaient équipées d'un seuil épais en béton construit à l'aval, permettant la mesure de débits. Les hauteurs d'eau au côté amont de ces mêmes digues étaient enregistrées à l'aide de limnigraphes. Des pluviomètres étaient installés dans les bassins versants concernés. Un nombre de carrés de 25 m2 était délimité à différentes distances de la digue pour un suivi agronomique. Ce suivi avait lieu dans les champs des paysans; c'est eux qui déterminaient les façons culturales: utilisation de variétés locales de sorgho, semis direct à la pioche sans travail du sol, pas d'apport d'engrais ni de traitement pesticide. L'humidité du sol était suivie à l'aide de tensiomètres. Des échantillons de sol étaient pris à la fin de la campagne agricole, pour analyse des propriétés physiques et chimiques.

RESULTATS

Impact hydrologique

L'impact hydrologique d'une digue filtrante concerne l'augmentation de l'infiltration d'eau dans le sol en amont de la digue d'une part, et le laminage des crues dans le thalweg d'autre part.

Infiltration L'infiltration d'eau dans le sol en amont de la digue a été estimée de deux façons:

à l'aide d'une estimation de la perméabilité à partir de la texture du sol; à l'aide des relevés de la vitesse d'infiltration sur le terrain. La méthode double-anneaux (Munz) étant douteuse, on s'est servi des parties des courbes tracées par les limnigraphes après l'arrêt d'un écoulement d'eau à travers la digue (eau "stagnante"). La texture du sol étant limono-argileuse, un coefficient de perméabilité a

été estimé de: K = 5 x 10"6 m s"1 (CIEH-AFVP, 1987). Dans la formule

W. F

. van Driel &

J. C. J. V

laar 302

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§§

33

5

351

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v

§:§

33

303 Impact des digues filtrantes sur le bilan hydrique

utilisée: Vin{ = K x HIL (loi de Darcy), on prend: K = 5 y- 10"6 m s"1 (coefficient de perméabilité), H = 0.60 m (charge d'eau lors d'un écoulement), L = 0.60 m (couche saturée d'eau), -» VM = 5.0 x 10"6 ms"1 (vitesse d'infiltration).

Lors des mesures par les limnigraphes à Sankondé A et Sankondé B, nous avons trouvé des valeurs moins importantes pour les Vinf> mais dans le même ordre de grandeur que celles estimées ci-haut: les vitesses d'infiltration mesurées étaient entre 0.5 et 4.5 x 10"6 m s"1. Corrigé pour une hauteur d'eau plus grande lors d'un écoulement, nous pouvons prendre une vitesse d'infiltration de 5 x 10"6 m s"1 comme moyenne dans nos estimations.

Pour la digue de Sankondé B, la surface maximale inondée étant d'environ 6700 m2, une vitesse d'infiltration de 5 x 10"6 m s"1 correspond à un débit d'infiltration Qinf = 0.03 m3 s"1, qui est négligeable par rapport au débit qui passe à travers la digue au moment où la hauteur d'eau concernée se produit: ce débit est d'environ 3 m3 s"1.

Ceci veut dire que l'effet de l'infiltration peut être négligé comme facteur dans le dimensionnement d'une digue filtrante. Néanmoins, il est important pour un meilleur approvisionnement en eau des cultures dans la zone d'épandage des crues au côté amont des digues.

Laminage L'effet de laminage est déterminé par la transformation par la digue filtrante de l'hydrogramme d'une crue qui passe dans le thalweg. Cette transformation consiste en une augmentation de la durée de l'écoulement d'une part, et de la diminution du débit maximal (Qmax) d'autre part. Ceci est illustré à l'aide de l'hydrogramme de la crue à Sankondé B du 2 septembre 1986 (Fig. 2). L'effet de la diminution du débit maximal peut être exprimé par un coefficient L défini comme suit: L = Ômax2/ômaxl (ômaxl = l e d é b i t m a x i m a l d e l a c r u e 1 u i "arrive" sur la digue; <2max2 = le débit maximal mesuré sur le seuil en aval de la digue). Pour huit crues analysées sur trois digues filtrantes, nous avons trouvé des valeurs pour L qui varient entre 0.97 et 0.46 m3 s"1, avec la valeur maximale pour la plus grande crue (suite à une pluie de 76 mm) et la valeur de 0.46 suite à une pluie de 25 mm. Le "ralentissement" de la crue était entre 5 et 15 minutes pour le débit maximal. L'effet de laminage est donc presque négligeable pour les plus grandes crues, et cet effet ne peut devenir important qu'avec une succession de digues filtrantes dans le même thalweg. Pour cette raison l'augmentation de l'infiltration par l'effet d'une seule digue doit être attribuée à l'effet d'épandage de la crue sur une plus grande superficie plutôt qu'à l'effet de laminage des crues.

Une estimation très grossière de la quantité d'eau des crues infiltrée en amont des digues filtrantes peut être faite de la manière suivante:

vitesse d'infiltration: 5 x 10"6 m s'1 = 18 mm h"1 (voir ci-avant), temps d'infiltration (totaux des durées des crues): 11-22 h an"1, - lame infiltrée: 200-400 mm an"1. Cette valeur serait une moyenne pour tout le champ d'épandage, les

parties basses recevant plus, et les parties vers les berges moins. Compte tenu

W. F. van Driel & J. C. J. Vlaar 304

^<Wi

Temps (min)

Fig. 2 Hydrogrammes des crues arrivant (Qtota) et partant (Qseui) de la digue filtrante de Sankondé B au 2 septembre 1986.

de ce chiffre d'une part, et de la faible superficie des champs sous l'influence des digues filtrantes par rapport aux bassins versants d'autre part, il est évident que l'effet d'une digue filtrante sur la recharge de la nappe phréatique ne peut être que marginal.

Impact agricole

L'impact agricole des digues filtrantes dépend essentiellement des facteurs suivants:

l'influence de la digue sur l'infiltration et le drainage du sol; l'amélioration des caractéristiques physiques et minérales du sol par la sédimentation de terre et de matière organique provoquée par la digue; les techniques culturales appliquées: choix des variétés, date de semis, travail du sol, fertilisation, etc. Des interactions existent entre ces facteurs, et l'importance des facteurs

dépend de la pluviométrie de la campagne agricole. Les pluviométries des années concernées (1986, 1987 et 1988) sont

données dans la Kg. 3. Les rendements moyens obtenus sont présentés dans le Tableau 2.

Malgré les grands écarts types dans les chiffres des rendements obtenus,

305 Impact des digues filtrantes sur le bilan hydrique

1986 (547mm)

• i il I I , i . l l l l l l l i i l l l liil Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre

1987 (485mm)

Avril Mai Juin Juillet Août SeptembreOctobre

1988 (850mm)

diJJiliijLi Avril Mai Juin Juillet ' Août SeptembreOctobre'

Mois

Fig. 3 Pluviométrie journalière à Kongoussi, Burkina Faso, de 1986 à 1988, total cumulé indiqué entre parenthèses sous l'année. Source: Service Météorologique du Burkina Faso.

la différence entre les rendements obtenus en amont des digues filtrantes et ceux obtenus sur sites témoins (dans des thalwegs sans digues) est assez significative pour les trois années: elle varie entre 0.7 et 1.7 t ha"1, avec la

W. F. van Driel & J. C. J. Vlaar 306

Tableau 2 Rendements calculés à l'aide des moyennes de rendements des carrés de 25 m2 en amont des digues filtrantes et sur sites témoins (moyennes)

Site 1986: 1987: 1988: Rendu Nombre Ecart Rendu Nombre Ecart Rendu Nombre Ecart

de type de type de type

(tha1) carrés (tha1) (tha1) canés (thd1) (tha1) canés (tha1)

Amont de digues filtrantes 2.9

Sites sans digues 1.8

25

13

0.9

0.4

2.7

1.0

24

2

1.1 1.7

ND 1.0

35

15

0.8

0.5

ND = non disponible, données douteuses.

plus grande différence en 1987 (année sèche), et la plus petite différence en 1988 (année humide). En 1988, le rendement moyen obtenu en amont des digues est beaucoup moindre qu'en 1986 et 1987, ce qui s'explique par des problèmes locaux de drainage (excès d'eau). Le fait que ce rendement soit toujours supérieur à celui obtenu sur sites sans digues, met en évidence l'effet d'un meilleur apport en éléments nutritifs en amont des digues, puisque l'humidité n'était pas un facteur limitant les rendements. Dans le Tableau 3

Tableau 3 Rendements calculés à l'aide des moyennes des rendements des carrés de 25 m2 en amont des digues filtrantes, classés selon la distance à la digue (1986, 1987, 1988)

Digue et distance par rapport à la digue

Nané

Moyenne Ecart type SankondèA

Moyenne Ecart type Sankondè B

Moyenne Ecart type Rambo

Moyenne Ecart type

0-10 m 10-30 m

>30m

0-10 m 10-30 m

>30m

0-10 m 10-30 m

>30m

0-10 m 10-30 m

>30m

1986: Rendu

(tha-*-)

3.2 3.3 2.6 3.1 0.3 4.0 4.3 3.2 3.5 0.6 3.2 2.5 2.2 2.6 0.6

Nombre de carrés

(2) W (1)

(2)

(V (5)

(2) (1) (3)

1987: Rendu

(tha'1)

3.0 2.8 2.6 2.8 0.6 4.5 3.3 4.1 4.0 0.5 3.5 2.9 1.7 2.4 1.4 1.9 2.8 1.5 2.0 0.8

Nombre de carrés

(2) W (4)

W (1) W

W (2) (3)

(2) (2) (3)

1988: Rendu

(tha-1)

3.3 1.7 1.9 2.2 0.7 2.5 2.3 1.7 2.0 0.7 1.5 1.0 2.0 1.6 0.7 0.9 0.8 1.1 1.0 0.4

Nombre de carrés

(2) (2) (5)

(3)

4 (6)

(2) W (2)

(2) (2) 0)

307 Impact des digues filtrantes sur le bilan hydrique

une partie des rendements obtenus est présentée d'une façon qui permette de voir les différences entre digues d'une part, et les différences selon la distance à la digue d'autre part. Les chiffres présentés dans le Tableau 3 montrent que pour tous les sites, sauf celui de Rambo, les meilleurs rendements sont obtenus au plus proche de la digue, ce qui s'explique par le fait que les inondations y sont plus fréquentes, et la couche de sédiment plus développée, tandis que la proximité de la digue facilite le drainage du sol. Les rendements relativement bas à Rambo s'expliqueraient d'une part par le fait que cette digue est récente (couche de sédiments pas encore développée), et d'autre part par la morphologie du thalweg, ou mieux bas-fond, qui a une pente longitudinale très faible (0.4%), provoquant plus de problèmes de drainage et d'asphyxie des plants.

Afin de mieux comprendre les facteurs explicatifs de l'impact agricole des digues filtrantes, nous avons effectué un suivi de l'humidité du sol, et des recherches pédologiques.

Humidité du sol

L'humidité du sol a été suivie sur différentes profondeurs à l'aide de tensiomètres. Ce suivi n'avait commencé qu'après le mois de juillet, et ne permet d'étudier l'humidité du sol que pendant la deuxième partie de la campagne. Il a montré que pendant les trois années le sol en amont des digues filtrantes est toujours resté bien humide (pF au-dessous 2.5) sur une profondeur de 60 cm jusqu'à fin septembre (1986), début octobre (1988) ou mi-octobre (1987), contrairement aux sites témoins au côté aval des mêmes digues, où le sol s'asséchait plus vite. Ceci s'explique par une plus grande quantité d'eau infiltrée d'une part, et par une plus grande capacité de rétention d'eau du sol sédimenté d'autre part.

Qualités du sol et du sédiment

Des échantillons ont été pris afin de déterminer les propriétés physiques et chimiques des sols d'origine et des sols de sédiments. Les résultats sont montrés dans les Tableaux 4 et 5.

Malgré des différences entre les sites, le sédiment apporté est partout plus argileux, a une densité apparente moins élevée et une capacité de rétention d'eau (réserve utile) plus élevée que le sol d'origine. De plus il contient plus de matières organiques. Une augmentation des teneurs en azote et d'autres éléments nutritifs n'est pas très significative parce que ces teneurs restent minimes, mais une partie de ces éléments avait déjà été consommée par les plantes au moment du prélèvement des échantillons, qui a eu lieu après la récolte. Des analyses chimiques des plants n'ont pas été effectuées.

A l'aide des différences entre le sol d'origine et le sol de sédiment, une évaluation était possible de la quantité de sédiment déposée annuellement: l'apport varie entre 1 à plus de 10 cm par an, dépendant du site de la digue et de la distance à la digue (les plus grandes valeurs proche de la digue).

W. F. van Driel&J. C. J. Vlaar 308

Tableau 4 Propriétés physiques des sols d'origine et des sols de sédiments en amont de quatre digues filtrantes (moyennes)

Moyennes des échantillons

Sol d'origine (exclu Rambo)

Sol d'origine Rambo

Sols de sédiment (inclus Rambo)

Densité apparente (da)

(g cm'3)

1.40

1.47

1.04

Densité réelle (dr)

(g cm3)

2.6

2.6

2.6

Porosité dr-da „

dr X

46

44

60

100%

Eau utile % grav.

9

16

32

Eau utile en mm par 10 cm de sol

13

23

33

Air % à pF2.5

25

10

16

Tableau 5 Granulométrie et propriétés chimiques des sols d'origine et des sols de sédiments sur quatre sites de digues filtrantes

Site

Nané

SankondéA

SankondéB

Rambo

Sol

Origine Sédiment Origine Sédiment Origine Sédiment Origine Sédiment

Argile

%

22 42-44 14 19-32 14 25-30 16-28 23-28

Matières organiques

%

0.4 - 0.6 3.2 - 4.1 -3.1 - 4.0 0.3 - 0.6 2.6-4.6 0.6 -1.6 2.3 - 3.4

Azote total

CU)

--2.6 - 5.0 0.4 - 0.5 1.4 - 2.9 1.0 - 2.0 1.6 - 2.0

p assimilable (ppm)

-. 2.0 - 3.8 0.7-2.0 0.7-3.7 1.9 - 3.5 3.5 - 4.8

DISCUSSION ET CONCLUSION

Nous avons pu démontrer que, pour la situation des digues filtrantes suivies, qui étaient toutes des digues en bon état, on peut s'attendre à une augmentation des rendements en grain de sorgho entre 0.5 et 1.5 t ha"1, par rapport aux champs témoins situés dans un thalweg sans digue. Les bénéfices sont encore plus grands quand des parties de terrain abandonnées (berges) sont récupérées pour les cultures par la construction d'une digue filtrante; parfois, il s'agit de sites entiers récupérés. L'augmentation des rendements, qui doit être attribuée à une amélioration de l'alimentation des plants en eau, ainsi, qu'en éléments nutritifs apportés par la sédimentation en amont des digues, est beaucoup moins prononcée en année humide qu'en année sèche, surtout pour des sites avec un drainage difficile: bas-fonds avec des pentes longitudinales faibles et des sols relativement lourds. Localement, des problèmes de drainage peuvent même provoquer une baisse de rendement.

Du point de vue des paysans qui cultivent à la fois des parcelles dans un thalweg en amont d'une digue filtrante, et des parcelles sur des terres hautes, l'intérêt de la digue filtrante est très grand en années sèches quand,

309 Impact des digues filtrantes sur le bilan hydrique

contrairement aux parcelles hautes, la digue filtrante assure une bonne récolte, et ceci sans apport de fumier ou d'engrais. C'est cette sécurité des rendements qui explique entre autres l'intérêt des paysans aux digues filtrantes (Brasser & Vlaar, 1990).

Par ailleurs, les quantités d'eau infiltrées dans le sol restent peu importantes par rapport aux crues (voire négligeables par rapport aux grandes crues), et n'ont qu'un impact marginal sur l'alimentation de la nappe phréatique.

REFERENCES

Brasser, M. & Vlaar, J. C. J. (1990) Aménagement de Conservation des Eaux et des Sols par Digues Filtrantes; Expérimentations dans la Région de Rissiam, Burkina Faso, 1986-1989, tome 2: Aspects Socio-économiques. Comité Interafricain d'Etudes Hydrauliques, Ouagadougou, Burkina Faso.

CIEH-AFVP (1987) Les Digues Filtrantes: Aménagement de Conservation des Eaux et des Sols. 1 Année d'Expérimentations dans la Région de Rissiam. Comité Interafricain d'Etudes Hydrauliques, Ouagadougou, Burkina Faso.

Vlaar, J. C. J. & Wesselink, A. J. (1990) Aménagement de Conservation des Eaux et des Sols par Digues Filtrantes; Expérimentations dans la Région de Rissiam, Burkina Faso, 1986-1989, tome 1: Aspects Techniques et Agronomiques. Comité Interafricain d'Etudes Hydrauliques, Ouagadougou, Burkina Faso.