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Le INSTITUT DES DROITS DE L'HOMME DU BARREAU de BORDEAUX HUMAN RIGHTS INSTITUTE OF THE BAR OF BORDEAUX JOURNAL électronique DES DROITS DECEMBRE 2002 DE L'HOMME 12/2002 SOMMAIRE- SUMMARY La Chronique du procès équitable PROCEDURE PENALE ; INTERROGATION DES TEMOINS ; PREPARATION DE LA DEFENSE ; TRIBUNAL IMPARTIAL Une campagne de presse virulente est dans certains cas susceptible de nuire à l'équité du procès, en influençant l'opinion publique et, par là même, les jurés appelés à se prononcer sur la culpabilité d'un accusé mais les tribunaux ne sauraient fonctionner dans le vide sans qu'auparavant ou en même temps, les questions dont ils connaissent ne puissent donner lieu à discussion, que ce soit dans des revues spécialisées, dans la grande presse ou le public en général CRAXI c. ITALIE (n°2) 5.12.2002 Non-violat. des art. 6-1 (droit à un procès équitable) et 3 b) (droit de disposer des facilités nécessaires à sa défense) ; Violation des art. 6-1 et 6-3-d (droit d’interroger ou faire interroger les témoins) ; Non-violat. art. 6- 1(campagne de la presse)……………………..3 ACCES A UN TRIBUNAL ; EGALITE DES ARMES ; PROCEDURE CONTRADICTOIRE BERGER c. France 03/12/2002 Non-violat. art. 6-1 : accès à un tribunal ; Violation art. 6- 1 : non-communication des conclusions du conseiller rapporteur………. DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE : Le requérant exerçant surabondamment ses droits procéduraux a retardé de manière significative l’issue de l’instruction DEBBASCH c. FRANCE 03/12/2002 Non-violat.art. 6-1………. ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; RECOURS EFFECTIF L’applica- tion de la règle de l’immunité parlementaire absolue (Grande Bretagne) ne saurait passer pour excéder la marge d’appréciation accordée aux Etats lorsque il s’agit de limiter le droit d’accès d’une personne à un tribunal. A . c. ROYAUME-UNI 17/12/2002 Non- violat.art. 6-1 en ce qui concerne l'immunité parlementaire ; Non-violat. art. 6-1 en ce qui concerne absence d'assistance judiciaire ; Non- violat. art. 8 ; Non-violat. art. 14+6 ; Non- violat. art. 13………. DROIT A LA LIBERTE ET A LA SURETE CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; APRES CONDAMNATION ; DISCRIMINATION ; REPARATION {ART 5] WAITE c. ROYAUME-UNI 10.12.2002 Violation art. 5 §§ 4et 5 Non-violat. des articles 5 § 1 et 14……………………………………22 AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; INTRODUIRE UN RECOURS ; CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ;

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Le

INSTITUT DES DROITS DE L'HOMME DU BARREAU de BORDEAUX HUMAN RIGHTS INSTITUTE OF THE BAR OF BORDEAUX

JOURNAL électronique

DES DROITS DECEMBRE 2002

DE L'HOMME 12/2002

SOMMAIRE- SUMMARY

La Chronique du procès équitable PROCEDURE PENALE ; INTERROGATION DES TEMOINS ; PREPARATION DE LA DEFENSE ; TRIBUNAL IMPARTIAL Une campagne de presse virulente est dans certains cas susceptible de nuire à l'équité du procès, en influençant l'opinion publique et, par là même, les jurés appelés à se prononcer sur la culpabilité d'un accusé mais les tribunaux ne sauraient fonctionner dans le vide sans qu'auparavant ou en même temps, les questions dont ils connaissent ne puissent donner lieu à discussion, que ce soit dans des revues spécialisées, dans la grande presse ou le public en général CRAXI c. ITALIE (n°2) 5.12.2002 Non-violat. des art. 6-1 (droit à un procès équitable) et 3 b) (droit de disposer des facilités nécessaires à sa défense) ; Violation des art. 6-1 et 6-3-d (droit d’interroger ou faire interroger les témoins) ; Non-violat. art. 6-1(campagne de la presse)……………………..3 ACCES A UN TRIBUNAL ; EGALITE DES ARMES ; PROCEDURE CONTRADICTOIRE BERGER c. France 03/12/2002 Non-violat. art. 6-1 : accès à un tribunal ; Violation art. 6-1 : non-communication des conclusions du conseiller rapporteur………. DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE

PENALE : Le requérant exerçant surabondamment ses droits procéduraux a retardé de manière significative l’issue de l’instruction DEBBASCH c. FRANCE 03/12/2002 Non-violat.art. 6-1………. ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; RECOURS EFFECTIF L’applica- tion de la règle de l’immunité parlementaire absolue (Grande Bretagne) ne saurait passer pour excéder la marge d’appréciation accordée aux Etats lorsque il s’agit de limiter le droit d’accès d’une personne à un tribunal. A . c. ROYAUME-UNI 17/12/2002 Non-violat.art. 6-1 en ce qui concerne l'immunité parlementaire ; Non-violat. art. 6-1 en ce qui concerne absence d'assistance judiciaire ; Non-violat. art. 8 ; Non-violat. art. 14+6 ; Non-violat. art. 13………. DROIT A LA LIBERTE ET A LA SURETE CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; APRES CONDAMNATION ; DISCRIMINATION ; REPARATION {ART 5] WAITE c. ROYAUME-UNI 10.12.2002 Violation art. 5 §§ 4et 5 Non-violat. des articles 5 § 1 et 14……………………………………22 AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; INTRODUIRE UN RECOURS ; CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ;

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 2REPARATION UNANIMITÉ À LA COUR pour Sevil Dalkiliç DALKILIC c. TURQUIE 05/12/2002 Violation art. 5-3 ; Violation art. 5-4 ; Violation art. 5-5………33 COMPENSATION {ART 5} Le droit à réparation suppose qu’une violation de l’un des autres paragraphes de cette disposition ait été établie par une autorité nationale ou par les organes de la Convention. N.C. c. ITALIE (Grande Chambre) 18/12/2002 Non-violat. art. 5-5……………………………………….35 CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE ; JUGE OU AUTRE MAGISTRAT EXERCANT DES FONCTIONS JUDICIAIRES ; DELAI RAISONNABLE ; RESPECT DE LA CORRESPONDANCE ; INGERENCE ; PREVUE PAR LA LOI {ART 8} SALAPA c. POLOGNE 19/12/2002 Violation art. 5-3 ; Violation art. 5-4 ; Non-violat. art. 6-1 ; Violation art. 8…………………………...38

RESPECT DE LA VIE FAMILIALE

ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 8} Le fait de n’autoriser la requérante à recevoir qu’une visite par mois de la part de sa famille pendant sa détention ne visait pas, et n’était pas non plus proportionné à un but légitime. NOWICKA c. POLOGNE 03/12/2002 Violation art. 5-1 ; Violation art. 8 ………….40 RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; INGERENCE {ART 8} ; PROTECTION DE LA SANTE ; PROTECTION DE LA MORALE ; PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI ; PROCES ORAL ; PROCES EQUITABLE ; PROCEDURE CIVILE L’affaire a été tranchée avec une diligence particulière, comme cela est nécessaire dans les affaires touchant les relations entre un parent et son enfant, pour pallier le risque que l’affaire ne se résolve en réalité de par le temps qui passe HOPPE c. Allemagne 05/12/2002 Non-violat. art. 8, 6 § 1 et 14…………………………..42 RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 8} L’impossibilité dans laquelle ont été placés les requérants de participer au processus

décisionnel ayant abouti à la regrettable séparation – qui dura cinq mois et dix-huit jours – d’avec leur fille les a privés de la protection de leurs intérêts requise par l’article 8 de la Convention VENEMA c. PAYS-BAS 17/12/2002 Violation art. 8 ; Non-lieu à examiner l'art. 6-1…………………….45

LIBERTE D’EXPRESSION « Entretien dans le jardin kurde », avec Abdullah Öcalan Les autorités nationales n'ont pas suffisamment pris en compte le droit du public de recevoir une information d'une autre manière et de porter un regard sur la situation du Sud-Est de la Turquie. YALCIN KÜCÜK c. TURQUIE 5.12.2002 Violation art. 10………………………………..……….49

LIBERTE D'ASSOCIATION SECURITE NATIONALE; PROPORTIONNALITE {ART 11}; DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL DICLE pour le DEP (PARTI DE LA DÉMOCRATIE) c. TURQUIE 10.12.2002 Article 6 non-applicable ; Violation art. 11 ; Non-lieu à examiner l'art. 9, 10 et 14 ; Non-violat. art. 6-1 ….…………………………..52 BIENS -RESPECT DES BIENS{P1-1} INGERENCE ; PROPORTIONNALITE ; MARGE D'APPRECIATION Compte tenu des circonstances exceptionnelles liées à la réunification allemande, la Cour estime que l’Allemagne n’a pas excédé sa marge d’appréciation et qu’il n’a pas manqué, eu égard à l’objectif légitime, de ménager un « juste équilibre » entre les intérêts des requérants et l’intérêt général de la société allemande. WITTEK c. ALLEMAGNE 12/12/2002 Non-violat. P1-1………….…...64 PRIVATION DE PROPRIETE ;ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; BIENS ; RATIONE TEMPORIS SMOLEANU c. ROUMANIE 03/12/2002 LINDNER ET HAMMERMAYER c. ROUMANIE 03/12/2002 Violation art. 6 § 1 Non-violat. P1-1 Article 2 du Protocole n° 4 : irrecevable………………………………...66 TOUS LES ARRETS DECEMBRE 2002 (00)…………………...70

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 3PROCEDURE PENALE ; INTERROGATION

DES TEMOINS ; PREPARATION DE LA DEFENSE ;

TRIBUNAL IMPARTIAL ; Une campagne de presse virulente est dans

certains cas susceptible de nuire à l'équité du procès, en influençant l'opinion publique et, par là même, les jurés appelés à se prononcer

sur la culpabilité d'un accusé mais les tribunaux ne sauraient fonctionner dans le

vide sans qu'auparavant ou en même temps, les questions dont ils connaissent ne puissent donner lieu à discussion, que ce soit dans des revues spécialisées, dans la grande presse ou

le public en général CRAXI c. ITALIE (n°2)

5.12.2002 Non-violation des art. 6-1 (droit à un procès

équitable) et art. 6-3 b) (droit de disposer du temps et des

facilités nécessaires à sa défense) ; Violation des art. 6-1 et 6-3-d (droit

d’interroger ou faire interroger les témoins) ; Non-violation de l'art. 6-1(campagne de la

presse) Cour (première section) n° 00034896/97 ; Dommage matériel - constat de violation suffisant ; Préjudice moral - constat de violation suffisant Droit en cause Code de procédure pénale, articles 512 et 513 Jurisprudence : A.M. c. Italie, arrêt du 14 décembre 1999, ECHR 1999-IX, p. 55, § 25 ; Akay c. Turquie (déc.), no 34501/97, 19 février 2002, non publiée ; Belziuk c. Pologne, arrêt du 25 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 573, § 49 ; Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 158, p. 31, § 89 ; Del Giudice c. Italie (déc.), no 42351/98, 6 juillet 1999, non publiée ; Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, p. 15, § 25 ; Doorson c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1996, Recueil 1996-II, p. 470, § 67 ; D'Urso et Sgorbati c. Italie (déc.), no 52948/99, 3 avril 2001, non publiée ; Ferrantelli et Santangelo c. Italie, arrêt du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 950-951, § 52 ; Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 20, § 66 ; Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A no 168, pp. 31-32, § 62, et p. 40, §§ 89-91 ; Kwiatkowska c. Italie (déc.), no 52868/99, 30 novembre 2000, non publiée ; Lamanna c. Autriche, arrêt du 10 juillet 2001, no 28923/95,

§ 23, non publiée ; Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 151, 28 novembre 2002, non publié ; Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 42 ; Lucà c. Italie, arrêt du 27 février 2001, no 33354/96, § 40 et § 42, non publié ; Lüdi c. Suisse, arrêt du 15 juin 1992, série A no 238, p. 21, § 47 ; P.S. c. Allemagne, arrêt du 20 décembre 2001, no 33900/96, § 21 et § 24, non publié ; Papon c. France (déc.), no 54210/00, 19 novembre 2001, non publiée ; Priebke c. Italie (déc.), no 48799/99, 5 avril 2001, non publiée ; Pullicino c. Malte (déc.), no 45441/99, 15 juin 2000, non publiée ; R.M.M., F.P. et L.P. c. Italie (déc.), no 61692/00, 11 janvier 2001, non publiée ; Raniolo c. Italie (déc.), no 62676/00 21 mars 2002, non publiée ; S. N. c. Suède, arrêt du 2 juillet 2002, no 34209/96, § 45, non publié ; Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 261-C, pp. 56-57, §§ 43-44 ; Sunday Times (no1) c. Royaume-Uni, arrêt du 26 avril 1979, série A no 30, p. 40, § 65 ; Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, CEDH 1999-I, § 27 ; Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 711, § 50 ; Worm c. Autriche, arrêt du 29 août 1997, Recueil 1997-V, p. 1552, § 50 (L’arrêt n’existe qu’en français.) • campagne de presse et procès équitable : Une campagne de presse virulente est dans certains cas susceptible de nuire à l'équité du procès, en influençant l'opinion publique et, par là même, les jurés appelés à se prononcer sur la culpabilité d'un accusé (voir Akay c. Turquie (déc.), no 34501/97, 19 février 2002, non publiée ; Priebke c. Italie (déc.), no 48799/99, 5 avril 2001, non publiée ; D'Urso et Sgorbati c. Italie (déc.), no 52948/99, 3 avril 2001, non publiée ; Del Giudice c. Italie (déc.), no 42351/98, 6 juillet 1999, non publiée). Par ailleurs, on s'accorde en général à penser que les tribunaux ne sauraient fonctionner dans le vide : bien qu'ils aient seuls compétence pour se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence quant à une accusation en matière pénale, il n'en résulte point qu'auparavant ou en même temps, les questions dont ils connaissent ne puissent donner lieu à discussion, que ce soit dans des revues spécialisées, dans la grande presse ou le public en général (voir, mutatis mutandis, Sunday Times (no1) c. Royaume-Uni, arrêt du 26 avril 1979, série A no 30, p. 40, § 65, et Papon c. France (déc.), no 54210/00, 19 novembre 2001, non publiée). A condition de ne pas franchir les bornes fixées aux fins d'une bonne administration de la justice, les comptes rendus de procédures judiciaires, y compris les commentaires, contribuent à les faire connaître et sont donc compatibles avec l'exigence de publicité de

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 4l'audience énoncée à l'article 6 § 1 de la Convention. A la fonction des médias consistant à communiquer de telles informations et idées s'ajoute le droit, pour le public, d'en recevoir (ibidem). Cela est d'autant plus vrai lorsque le procès est, comme en l'espèce, celui d'un personnage connu, tel un ancien premier ministre. Ces personnes s'exposent inévitablement et consciemment à un contrôle attentif tant par les journalistes que par la masse des citoyens (voir notamment Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 42). Partant, les limites du commentaire admissible sont plus larges à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier (ibidem). Cependant, comme tout individu, les personnalités connues sont en droit de bénéficier d'un procès équitable tel que garanti à l'article 6 § 1 de la Convention, ce qui comprend le droit à être entendu par un tribunal impartial. Dans une société démocratique, ce droit occupe une place si éminente qu'une interprétation restrictive de l'article 6 ne correspondrait pas au but et à l'objet de cette disposition (Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, p. 15, § 25). Les journalistes doivent s'en souvenir lorsqu'ils rédigent des articles sur des procédures pénales en cours, car les limites du commentaire admissible peuvent ne pas englober des déclarations qui risqueraient, intentionnellement ou non, de réduire les chances d'une personne de bénéficier d'un procès équitable ou de saper la confiance du public dans le rôle tenu par les tribunaux dans l'administration de la justice pénale (Worm c. Autriche, arrêt du 29 août 1997, Recueil 1997-V, p. 1552, § 50 ; Pullicino c. Malte (déc.), no 45441/99, 15 juin 2000, non publiée ; Papon c. France, décision précitée). • droit d’interroger les témoins : Dès lors que les déclarations d’un témoin n'ont pas contribué à fonder la condamnation du requérant et que, partant, l'impossibilité de le convoquer n'a pas violé le droit de l'intéressé à interroger ou faire interroger les témoins à charge (voir, mutatis mutandis, Kamasinski c. Autriche, arrêt précité, p. 40, §§ 89-91, ainsi que Raniolo c. Italie (déc.), no 62676/00 21 mars 2002, non publiée). Par ailleurs, il doit être indiqué précisément les circonstances sur lesquelles le témoin aurait dû témoigner et démontré que la convocation de ce témoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que le refus de l'interroger a porté atteinte aux droits de la défense (voir Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 158, p. 31, § 89, et R.M.M., F.P. et L.P. c. Italie (déc.), no 61692/00, 11 janvier 2001, non publiée). La recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne et qu'il revient en principe aux juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par elles. La Cour n'est donc pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les déclarations des témoins ayant proféré des accusations auraient dû être écartées ou étaient suffisamment précises et crédibles.

En effet, la tâche que la Convention lui a assignée ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépositions de témoins ont été à bon droit admises comme preuves, ni si elles étaient suffisantes pour fonder une condamnation, mais à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (voir, entre autres, Doorson c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1996, Recueil 1996-II, p. 470, § 67, et Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 711, § 50). Or les éléments de preuve doivent en principe être produits devant l'accusé en audience publique, en vue d'un débat contradictoire. Ce principe ne va pas sans exceptions, mais on ne peut les accepter que sous réserve des droits de la défense ; en règle générale, les paragraphes 1 et 3 d) de l'article 6 commandent d'accorder à l'accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d'en interroger l'auteur, au moment de la déposition ou plus tard (Lüdi c. Suisse, arrêt du 15 juin 1992, série A no 238, p. 21, § 47 ; A.M. c. Italie, arrêt du 14 décembre 1999, ECHR 1999-IX, p. 55, § 25 ; P.S. c. Allemagne, arrêt du 20 décembre 2001, no 33900/96, § 21, non publié). Mais , dans certaines circonstances, il peut s'avérer nécessaire, pour les autorités judiciaires, d'avoir recours à des dépositions remontant à la phase de l'instruction préparatoire, notamment lorsque l'impossibilité de les réitérer est due à des faits objectifs, telle la mort de leur auteur (voir, par exemple, Ferrantelli et Santangelo c. Italie, arrêt du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 950-951, § 52), ou lorsqu'il faut protéger le droit du témoin de garder le silence sur des circonstances qui pourraient entraîner sa responsabilité pénale. Si l'accusé a eu une occasion adéquate et suffisante de contester pareilles dépositions, au moment où elles ont été formulées ou plus tard, leur utilisation ne se heurte pas en soi à l'article 6 §§ 1 et 3 d). Il s'ensuit, cependant, que les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l'article 6 lorsqu'une condamnation se fonde uniquement ou dans une mesure déterminante sur des dépositions émanant d'une personne que l'accusé n'a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l'instruction ni pendant les débats (voir Saï di c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 261-C, pp. 56-57, §§ 43-44, Lucà c. Italie, arrêt du 27 février 2001, no 33354/96, § 40, non publié ; P.S. c. Allemagne, arrêt précité, § 24). La possibilité d'utiliser pour la décision sur le bien-fondé des accusations des déclarations prononcées avant les débats par des coï nculpés s'étant prévalus de la faculté de garder le silence ou par des personnes décédées avant de témoigner prévue par le droit interne de l'Etat défendeur ne saurait priver l'inculpé du droit, que l'article 6 § 3 d) lui reconnaît, d'examiner ou de faire examiner de manière contradictoire tout élément de preuve substantiel à charge (voir, mutatis mutandis, Lucà c. Italie, arrêt précité, § 42). Le requérant ne saurait avoir bénéficié d'une occasion adéquate et suffisante de contester les déclarations qui

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 5ont constitué la base légale de sa condamnation dès lors que ni le requérant ni son défenseur n'ont eu, à aucun stade de la procédure, la possibilité d'interroger ces personnes qui, ayant formulé des affirmations utilisées comme preuves par les juges italiens, doivent être considérées comme des « témoins » aux termes de l'article 6 § 3 d) de la Convention (S. N. c. Suède, arrêt du 2 juillet 2002, no 34209/96, § 45, non publié). • possibilité de s'opposer à l'utilisation,

des déclarations de ses accusateurs : A cet égard, la Cour rappelle qu'aux termes de sa jurisprudence, ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention n'empêchent une personne de renoncer de son plein gré aux garanties y consacrées de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt public important (Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 20, § 66, et Kwiatkowska c. Italie, décision précitée). Benedetto Craxi*, plus connu sous le nom de Bettino Craxi, secrétaire du Parti Socialiste italien et Premier ministre de la République italienne, contre lequel des poursuites pénales furent engagées à la suite de la découverte de graves irrégularités dans les tractations relatives à la conclusion d’un accord entre les groupes Eni et Montedison prévoyant la constitution de la société Enimont. Il fut inculpé en 1992, ainsi que de nombreuses autres personnes, pour faux en écritures comptables, financement illégal de partis politiques, corruption, concussion et recel, toutes infractions commises en particulier à l’occasion de la cession de la participation de la société Montedison à la société Enimont. Un total de 26 notifications de poursuites (avvisi di garanzia) dirigées contre lui furent délivrées. La presse se fit l’écho des poursuites engagées contre le requérant et d’autres personnes du monde politique, économique et institutionnel. Le requérant fut renvoyé devant le tribunal de Milan dans six procédures différentes, à savoir les affaires Eni-Sai, Banco Ambrosiano, Enimont, Metropolitana Milanese, Cariplo et Enel. A l’exception de l’affaire Cariplo, toutes donnèrent lieu à des condamnations du requérant avec des peines d’emprisonnement allant jusqu’à huit ans et six mois. Dans l’affaire Eni-Sai, le requérant était poursuivi pour corruption : il lui était reproché

* Décédé en Tunisie en janvier 2000, sa veuve Anna Maria Moncini Craxi, ainsi que ses deux enfants, Stefania et Vittorio Craxi, ont indiqué qu’ils souhaitaient continuer la présente procédure.

d’avoir influencé et favorisé l’adoption d’un projet de coentreprise (joint venture) entre trois sociétés (dont les sociétés Eni et Sai) appartenant au secteur des assurances. Il aurait, avec d’autres coïnculpés, illégalement versé aux fonctionnaires publics et aux dirigeants des sociétés susmentionnées la somme d’environ 8 779 767 euros (EUR), avec la promesse d’un versement ultérieur d’environ 1 549 370 et 3 615 198 EUR. Selon ses avocats, le requérant n’assista pas à la première audience dans cette affaire en raison de problèmes de santé et de danger pour sa sécurité. Il n’assista à aucune des 55 autres audiences qui eurent lieu dans cette affaire entre avril et décembre 1994, car il s’établit définitivement en Tunisie le 16 mai 1994. Pendant la période de jugement, plusieurs coïnculpés déclarèrent vouloir garder le silence, si bien que leurs déclarations furent jointes au dossier. D’autres accusés dans des procédures connexes furent interrogés à l’audience, et des procès-verbaux d’interrogatoires furent également ajoutés au dossier. Par un jugement du 6 décembre 1994, le requérant fut condamné par défaut à cinq ans et six mois d’emprisonnement. Il fit en vain appel de ce jugement, contestant en particulier l’utilisation des procès-verbaux des déclarations de témoins qu’il n’avait pu interroger. Par ailleurs, la Cour de cassation rejeta son pourvoi par un arrêt du 12 novembre 1996, après avoir relevé que sa condamnation ne se fondait pas exclusivement sur les déclarations d’un coïnculpé, mais que celles -ci étaient corroborées par les affirmations de témoins. Invoquant l’article 6 §§ 1, 2 et 3 b) et d) de la Convention, le requérant dénonçait le caractère inéquitable de la procédure pénale dirigée contre lui. Il soutenait n’avoir pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, et n’avoir pu interroger ou faire interroger les témoins à charge. Par ailleurs, il alléguait que la campagne de presse menée à son encontre avait influencé les juges appelés à se prononcer sur les accusations portées contre lui. Résumé de l’arrêt L’arrêt a été rendu par une chambre composée de 7 juges, Mme Françoise Tulkens (Belge), présidente, Article 6 §§ 1 et 3 b) La Cour rappelle que la présente requête a été déclarée recevable uniquement quant à

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 6l’iniquité de la procédure Eni-sai, et qu’en conséquence, elle ne se prononcera que sur les difficultés rencontrées par le requérant dans le cadre de cette affaire. La Cour relève qu’après le 18 octobre 1994 et jusqu’à l’adoption d’un jugement sur le fond le 6 décembre 1994, les audiences étaient fixées selon un calendrier accepté par les avocats du requérant. Ce dernier ne saurait dès lors se plaindre d’un déroulement pour lequel ses conseils ont donné leur accord. Quant à la période antérieure au 18 octobre 1994, la Cour constate que trente-huit audiences se sont tenues concernant l’affaire Eni-sai, en même temps ou presque en même temps que de nombreuses audiences concernant les autres affaires pour lesquelles le requérant était poursuivi. La Cour note que le requérant, qui ne s’est pas présenté à la première audience, à volontairement quitté l’Italie pour la Tunisie, se soustrayant ainsi à la juridiction d’un Etat qui adhère au principe de prééminence du droit, et renonçant volontairement de comparaître à l’audience. La défense du requérant a dès lors été assurée pas des avocats, lesquels ont été amenés à prendre part dans un court laps de temps à de nombreuses audiences. Cependant, il ne ressort pas du dossier que la défense qu’ils ont assurée ait été défectueuse ou dépourvue d’efficacité. Par ailleurs, les avocats du requérant n’ont pas fourni d’explication pertinente à la Cour sur les raisons pour lesquelles ils n’avaient pas attiré l’attention des autorités nationales avant le 9 novembre 1994 sur les difficultés qu’ils rencontraient dans la préparation de la défense. D’autre part, en ce qui concerne la procédure d’appel, les avocats du requérant n’ont signalé aucun rapprochement important des dates d’audiences susceptible de porter atteinte aux droits de la défense. Par conséquent, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 sur ce point. Article 6 §§ 1 et 3 d) La Cour note d’emblée que les déclarations de Pacini Battaglia, dont la lecture avait été faite au procès de première instance car il était introuvable, n’ont pas contribué à fonder la condamnation du requérant. L’impossibilité de le convoquer n’a pas porté atteinte au droit du requérant d’interroger ou faire interroger des témoins à charge. Par ailleurs, le requérant n’a pas démontré que la convocation de cette

personne était nécessaire à la recherche de la vérité, et que le refus de l’interroger a porté atteinte aux droits de la défense. Par conséquent, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner le point de savoir si ce témoin était véritablement introuvable. D’autre part, la Cour relève que les articles 238, 512 et 513 du code de procédure pénale prévoyaient la possibilité d’utiliser pour le bien-fondé des accusations des déclarations prononcées avant les débats par des coïnculpés s’étant prévalus de la faculté de garder le silence, ou des personnes décédées avant de témoigner. Cependant, cette circonstance ne prive pas le prévenu de faire examiner contradictoirement tout élément de preuve substantiel à charge. En l’espèce, la Cour constate qu’il ressort de l’arrêt du 12 novembre 1996 rendu par la Cour de cassation, que le requérant a été condamné exclusivement sur le fondement des déclarations prononcées avant le procès par des coïnculpés qui se sont abstenus de témoigner (MM. Cusani, Molino et Ligresti) et une personne décédée par la suite (M. Cagliari). Le requérant ou ses défenseurs n’ont eu aucune possibilité d’interroger ces témoins, et n’ont pu, par conséquent, contester les déclarations qui ont constitué la base légale de la condamnation de l’intéressé. Sur ce point, la Cour relève que les avocats du requérant n’ont pas soulevé d’exceptions devant le Tribunal de Milan visant à contester la légalité ou l’opportunité de verser au dossier les déclarations litigieuses. Toutefois, l’adjonction au dossier de ces déclarations ayant été faite conformément au droit interne pertinent, tel qu’en vigueur à l’époque des faits, la Cour estime qu’une éventuelle opposition du requérant aurait eu peu de chances de succès, et qu’on ne saurait considérer l’absence d’opposition comme une renonciation tacite du requérant à faire interroger les témoins à charge, d’autant plus que ce point a été soulevé par ce dernier en appel et en cassation. Dès lors, la Cour considère qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) et considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le fait de savoir si MM. Cagliari et Molino ont subi des pressions de la part des autorités, ces derniers ou leurs héritiers n’ayant pas dénoncé ces agissements devant les organes de la Convention. Article 6

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 7La Cour relève que l’intérêt des médias et de l’opinion publique pour l’affaire Eni-sai, résultait de la position éminente occupée par le requérant, du contexte politique dans lequel les faits incriminés avaient eu lieu, ainsi que de leur nature et gravité. Selon la Cour, il est inévitable dans une société démocratique que la presse exprime des commentaires parfois sévères sur une affaire sensible comme celle-ci, mettant en cause la moralité de hauts fonctionnaires et le rapport entre le monde de la politique et celui des affaires. En outre, la Cour note que les juridictions qui ont eu à connaître de la présente affaire étaient composées exclusivement de juges professionnels, et que la condamnation du requérant a été prononcée à l’issue d’une procédure contradictoire. Certes, la Cour vient de constater un manquement aux exigences d’un procès équitable dans cette affaire, mais il résulte de l’application par les juges de dispositions législatives de portée générale, applicables à tous les justiciables. Rien ne permet de penser en l’espèce que les juges ont été influencés par les affirmations contenues dans la presse. Quant à l’argument selon lequel le parquet aurait systématiquement et volontairement communiqué des informations confidentielles à la presse, la Cour relève que le requérant n’a produit aucun élément susceptible d’établir ces allégations. Par ailleurs, la Cour a également eu égard aux autres circonstances alléguées par le requérant, telles que l’envergure prétendument exceptionnelle de la procédure en cause, le temps écoulé depuis les faits et la perspective d’encourir des peines sévères, sans toutefois relever aucune apparence de violation des droits de la défense. Par conséquent, la Cour conclut à la non-violation de l’article 6 sur ce point. La Cour dit, à l’unanimité : � qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 (droit à un procès équitable) et 3 b) (droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à sa défense) de la Convention européenne des Droits de l’Homme en raison du caractère rapproché des dates d’audiences dans les différentes procédures engagées contre le requérant, � qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) (droit d’interroger ou faire interroger les témoins) de la Convention en raison de l’impossibilité d’interroger ou faire interroger

les témoins à charge décédés ou qui se sont prévalus de leur droit de garder le silence, � qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention en raison de la campagne de la presse dirigée contre le requérant, � que l e constat de violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante. (L’arrêt n’existe qu’en français.) EN DROIT I. GRIEFS DÉCLARÉS RECEVABLES ET OBJET DU LITIGE 55. Dans sa décision du 11 octobre 2001 qui, aux termes de sa jurisprudence, délimite l'objet du litige devant elle (voir Lamanna c. Autriche, arrêt du 10 juillet 2001, no 28923/95, § 23, non publiée), la Cour a déclaré recevables les griefs du requérant tirés de l'iniquité de la procédure pénale Eni-sai et concernant notamment l'impossibilité de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de la défense, la violation alléguée du droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et l'influence que la campagne de presse aurait eue sur les juges appelés à se prononcer sur l'affaire. Partant, la Cour ne pourra pas prendre en considération les allégations formulées par le requérant après la recevabilité et qui ne se réfèrent pas aux griefs mentionnés ci-dessus. … 57. Etant donné que les exigences des paragraphes 2 et 3 représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable garanti par le paragraphe 1 de l'article 6, la Cour examinera séparément les différentes doléances du requérant sous l'angle de ces deux textes combinés (voir, parmi beaucoup d'autres, les arrêts Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, CEDH 1999-I, § 27, et Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A no 168, pp. 31-32, § 62). 58. Cependant, en ce qui concerne la référence au paragraphe 3 c) de l'article 6, la Cour observe que les faits de la cause ne révèlent aucune apparence de violation de cette disposition. En effet, elle ne voit pas en quoi le requérant aurait été privé du droit à se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix. Elle analysera donc les griefs de l'intéressé uniquement sous l'angle de l'article 6 §§ 1, 2 et 3 b) et d) de la Convention

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 8(voir, mutatis mutandis, Kwiatkowska c. Italie (déc.), no 52868/99, 30 novembre 2000, non publiée). II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION EN RAISON DU CARACTÈRE RAPPROCHÉ DES DATES DES AUDIENCES DANS LES DIFFÉRENTES PROCÉDURES ENGAGÉES CONTRE LE REQUÉRANT 1. Les arguments des parties (a) Le requérant 59. Le requérant se plaint de ne pas avoir disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense en raison du caractère rapproché des dates des audiences, du nombre des audiences fixées simultanément dans les différentes procédures et de la célérité avec laquelle ces procédures ont été conduites. Il fait valoir, que pendant la période allant du 27 janvier au 5 juillet 1994, à savoir dans un laps de temps de cinq mois et une semaine, la défense était tenue de préparer les audiences dans cinq procédures. En outre, des audiences préliminaires ont été fixées dans les quatre affaires Banco Ambrosiano, Enimont, Cariplo et Metropolitana Milanese entre le 24 mai et le 17 juin 1994, c'est-à-dire dans un délai de 24 jours seulement. De plus, dans le cadre du procès Enimont, la cour d'appel de Milan aurait lu la motivation de l'un de ses arrêts lors du prononcé du dispositif, obligeant ainsi la défense à rédiger ses moyens de pourvoi dans un délai de quinze jours. Le requérant soutient que la responsabilité d'une telle conduite des procédures incombe entièrement au Gouvernement. 60. Le requérant allègue, que du 29 mars au 6 décembre 1994, période au cours de laquelle se sont déroulés les débats du procès Eni-sai, de nombreuses autres procédures judiciaires lourdes étaient pendantes devant d'autres sections du tribunal de Milan, ce qui l'aurait empêché de suivre les débats et d'analyser soigneusement les milliers de pages de documents dont se composaient les dossiers du parquet et du juge. Il en va de même en ce qui concerne la procédure d'appel dans le procès Eni-sai. 61. Le requérant rappelle qu'en Italie, les procédures judiciaires sont notoirement très longues, et soutient que la rapidité et la concentration des procès le concernant

s'expliquent par la volonté de porter atteinte à son image politique. 62. Le requérant soutient que, s'il avait disposé de plus de temps, il aurait pu effectuer des enquêtes dans les archives, auprès du Parlement italien et aux sièges des sociétés privées mises en cause afin de découvrir, notamment, à qui étaient destinées les sommes d'argent versées sur le compte bancaire étranger du Parti Socialiste italien (PSI), démontrant ainsi qu'il n'existait aucun « trésor personnel de Craxi », ce qui aurait affaibli les chefs d'accusation de corruption et de financement illégal de partis politiques. Le requérant aurait, en outre, pu prouver qu'il n'avait jamais participé au projet de coentreprise entre les sociétés Eni et sai, qu'il avait toujours été politiquement favorable à la société publique et qu'il n'était nullement en état d'exercer la moindre influence dans le secteur de la chimie, dominé par les dirigeants d'autres partis politiques. (b) Le Gouvernement 63. Le Gouvernement soutient que le requérant a eu le temps nécessaire pour préparer sa défense. Il observe en particulier que la première audience a été fixée au moins soixante jours après le renvoi en jugement et que le requérant, représenté par deux avocats qui avaient nommé deux autres avocats comme suppléants, avait eu connaissance des actes de la procédure après la demande de renvoi en jugement présentée par le parquet avant l'audience préliminaire. Il souligne en outre que le requérant avait approuvé le calendrier pour la présentation des plaidoiries devant le tribunal de Milan. 64. Par ailleurs, seules quatre audiences ont eu lieu en même temps que les audiences dans les autres procédures dirigées contre le requérant. Au moins un des deux avocats de ce dernier (ou son suppléant) a participé aux audiences dans la procédure Eni-sai. Les deux avocats en question n'ont jamais demandé de renvoi pour empêchement et il ne ressortirait pas du dossier qu'ils défendaient le requérant aussi dans les autres procédures pénales dont celui-ci a fait l'objet. 65. A la lumière de ce qui précède, le Gouvernement soutient que les autorités italiennes ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour concilier le droit du requérant à disposer des facilités nécessaires pour préparer

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 9sa défense avec l'exigence de trancher l'affaire « dans un délai raisonnable ». 2. L'appréciation de la Cour 66. La Cour rappelle tout d'abord que la présente requête a été déclarée recevable uniquement pour autant qu'elle porte sur l'iniquité de la procédure Eni-sai (voir paragraphe 55 ci-dessus). Elle n'est donc pas appelée à se prononcer sur les difficultés rencontrées par le requérant dans la préparation de sa défense dans le cadre des autres procédures judiciaires engagées à son encontre (notamment les affaires Banco Ambrosiano, Enimont, Cariplo et Metropolitana Milanese). 67. La Cour relève ensuite qu'après le 18 octobre 1994 et jusqu'à l'adoption d'un jugement sur le fond (6 décembre 1994), les audiences de la procédure de première instance dans le procès Eni-sai ont été fixées selon un calendrier accepté par les avocats du requérant (voir paragraphe 33 ci-dessus). Ce dernier ne saurait donc se plaindre d'un déroulement pour lequel ses conseils ont exprimé leur accord. 68. Il reste à établir si, pour la période antérieure, le caractère rapproché des dates des audiences et la fixation simultanée d'autres audiences dans les différentes affaires pendantes contre le requérant ont porté atteinte au droit de celui-ci à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. 69. A cet égard, il convient de noter que les débats ont commencé le 29 mars 1994. Le recueil des moyens de preuve s'est terminé le 18 octobre 1994, après une pause du 8 juillet au 22 septembre pour les vacances judiciaires. Au cours de cette période d'activité d'un peu plus de quatre mois, se sont tenues trente-huit audiences concernant l'affaire Eni-sai. Dans cette même période, de nombreuses audiences concernant les affaires Banco Ambrosiano, Enimont, Cariplo et Metropolitana Milanese ont eu lieu en même temps ou presque en même temps que celles de l'affaire Eni-sai. En particulier, huit audiences ont eu lieu au total en avril, onze se sont tenues en mai, vingt et une en juin, vingt et une en juillet, sept du 20 au 30 septembre et treize du 1er au 18 octobre. 70. La Cour observe que le requérant ne s'est pas présenté à la première audience de l'affaire Eni-sai et que le 5 mai 1994, c'est-à-dire un peu plus d'un mois après le commencement de son

procès, il a volontairement quitté l'Italie pour la Tunisie (voir paragraphes 26-28 ci-dessus), se soustrayant ainsi à la juridiction d'un Etat qui adhère au principe de la prééminence du droit et renonçant implicitement à son droit à comparaître à l'audience. Sa défense a dès lors été assurée par des avocats de son choix, Mes Vincenzo Lo Giudice et Nicolò Amato, auxquels s'est associé Me Giannino Guiso (voir paragraphes 47 et 48 ci-dessus). 71. Il est vrai que ces derniers ont été contraints de prendre part, dans un court laps de temps, à un nombre très élevé d'audiences. Cependant, il ne ressort pas du dossier que la défense qu'ils ont assurée ait été défectueuse ou autrement dépourvue d'efficacité. Au contraire, les témoins à charge ayant accepté de déposer ont été interrogés lors des audiences publiques par les conseils du requérant, qui ont par ailleurs, dans les différentes phases du procès Eni-sai, présenté des arguments factuels et juridiques pour contester la crédibilité des témoins accusant leur client. 72. De plus, la Cour relève qu'après la décision déclarant la présente requête recevable, Mes Vincenzo Lo Giudice et Giannino Guiso, qui représentent également le requérant dans la procédure devant les organes de la Convention, ont été invités à indiquer les raisons pour lesquelles ils avaient omis, avant le 9 novembre 1994 (et donc avant la fin de la période incriminée), d'attirer l'attention des autorités nationales sur les difficultés qu'ils rencontraient dans la préparation de la défense. Cependant, aucune explication pertinente n'a été fournie à la Cour sur ce point. 73. Par ailleurs, en ce qui concerne la procédure d'appel dans le cadre du procès Eni-sai, les conseils du requérant n'ont signalé aucun rapprochement important des dates des audiences susceptible de porter atteinte aux droits de la défense. 74. Dans ces circonstances, la Cour ne saurait conclure que les modalités temporelles du déroulement dans le temps de la procédure Eni-sai ont enfreint l'article 6 de la Convention Partant, il n'y a pas eu violation de cette disposition à cet égard. III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION EN RAISON DE L'IMPOSSIBILITÉ

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 10D'INTERROGER OU DE FAIRE INTERROGER LES TÉMOINS À CHARGE 1. Les arguments des parties (a) Le requérant 75. Le requérant allègue avoir fait l'objet d'une « utilisation répressive » de la preuve dans le procès pénal et avance que, dans l'affaire Eni-Sai, les seules preuves à sa charge étaient les déclarations faites par des témoins ou des coïnculpés au cours des investigations préliminaires ou dans le cadre d'autres procédures connexes, et donc en l'absence de ses avocats. Il se réfère, en particulier, aux dépositions de MM. Cagliari, Ligresti, Molino et Cusani, et affirme que ces dernières n'auraient pas dû être utilisées contre lui parce qu'elles n'avaient été ni spécifiquement indiquées dans la décision ordonnant leur production, ni publiquement lues à l'audience, comme le veulent les dispositions pertinentes du CPP. Le requérant considère cependant que, compte tenu du libellé de l'article 513 du CPP, toute objection au versement au dossier des procès-verbaux des déclarations en question formulée en première instance aurait été vouée à l'échec. Il souligne cependant qu'il a soulevé la question de la violation de son droit à interroger les témoins à charge dans ses moyens d'appel et de cassation. 76. Le requérant se plaint également du fait que les déclarations de M. Cagliari – qui selon ses dires seraient fausses, contradictoires et non corroborées par d'autres éléments, comme le veut l'article 192 § 3 du CPP – ont été utilisées comme preuve contre lui, ce qui mettrait en cause la légitimité de la procédure dans son ensemble. En effet, dans un cas pareil, le CPP permet de verser cet élément au dossier sans tenir compte du fait que le suicide du témoin empêche la défense de lui poser des questions lors des débats publics. Par ailleurs, MM. Cagliari et Molino auraient été obligés de l'accuser sous la menace d'une privation de liberté longue et pénible, et donc sous la menace de la torture ou de peines inhumaines ou dégradantes, ce qui serait incompatible avec les articles 3 et 5 § 1 de la Convention. 77. Le requérant soutient enfin que la déclaration selon laquelle M. Pacini Battaglia était devenu introuvable était fausse, la personne en question étant au contraire à la disposition des autorités judiciaires qui, du 28 mars 1992 au 27 septembre 1994, l'auraient

interrogé à plusieurs reprises. Cette circonstance aurait violé le droit du requérant à « obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge ». (b) Le Gouvernement 78. Le Gouvernement observe d'emblée que le requérant ne s'est pas opposé à la lecture des déclarations faites par ses coïnculpés. Il soutient ensuite qu'en principe, dans le système juridique italien, tout accusé a le droit d'interroger les témoins à charge. Cependant, afin de permettre aux juges d'établir les faits de la cause, il est possible, dans certains cas et sous réserve du respect des conditions fixées par la loi, d'utiliser pour la décision des éléments qui ont été recueillis dans le cadre des investigations préliminaires. 79. Dans la présente affaire, les personnes mises en cause par le requérant n'étaient pas des témoins, mais des coïnculpés, qui avaient à ce titre le droit de garder le silence. Or, comme la Cour elle-même l'a reconnu dans l'affaire Saunders c. Royaume-Uni (voir l'arrêt du 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2064, § 68), « même si l'article 6 de la Convention ne le mentionne pas expressément, le droit de se taire et – l'une de ses composantes – le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cur de la notion de procès équitable consacrée par ledit article ». 80. Le Gouvernement souligne que trois intérêts sont en cause : celui du coïnculpé à garder le silence, celui de l'accusé à interroger le témoin coïnculpé et celui de l'autorité judiciaire à ne pas perdre les preuves recueillies pendant l'enquête. La question est si complexe que les dispositions régissant l'utilisation des déclarations d'un témoin à charge qui est en même temps coïnculpé ont été à plusieurs reprises examinées par la Cour constitutionnelle italienne et ont subi des modifications. En particulier, dans sa jurisprudence, la Cour constitutionnelle a rappelé l'existence du principe de « non-perte » (non dispersione) des moyens de preuve recueillis pendant l'instruction. 81. Le Gouvernement fait observer enfin que, le 10 septembre 1997, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté la Recommandation R (97) 13, portant sur l'intimidation des témoins et les droits de la

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 11défense, qui suggère aux Etats d'utiliser « les dépositions faites devant une autorité judiciaire au cours de l'audition préliminaire comme ayant la valeur d'un témoignage devant le tribunal, lorsque la comparution du témoin devant le tribunal ne saurait être envisagée ou lorsque celle-ci pourrait entraîner une menace grave et sérieuse pour sa vie ou sa sécurité personnelle ou celle de ses proches ». 82. Le Gouvernement rappelle également qu'après la fin du procès du requérant, la question de l'utilisation des dépositions remontant à la phase des investigations préliminaires a fait l'objet d'une profonde réflexion, qui a conduit à l'adoption de la loi no 267 du 7 août 1997 (voir paragraphe 52 ci-dessus). 2. L'appréciation de la Cour 83. La Cour note d'emblée que les déclarations de M. Pacini Battaglia n'ont pas contribué à fonder la condamnation du requérant et que, partant, l'impossibilité de le convoquer n'a pas violé le droit de l'intéressé à interroger ou faire interroger les témoins à charge (voir, mutatis mutandis, Kamasinski c. Autriche, arrêt précité, p. 40, §§ 89-91, ainsi que Raniolo c. Italie (déc.), no 62676/00 21 mars 2002, non publiée). Par ailleurs, dans la mesure où le requérant affirme que M. Pacini Battaglia était un témoin à décharge, la Cour relève que M. Craxi n'a pas indiqué précisément les circonstances sur lesquelles celui-ci aurait dû témoigner. Il n'a donc pas démontré que la convocation de ce témoin était nécessaire à la recherche de la vérité et que le refus de l'interroger a porté atteinte aux droits de la défense (voir Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 158, p. 31, § 89, et R.M.M., F.P. et L.P. c. Italie (déc.), no 61692/00, 11 janvier 2001, non publiée). Partant, la Cour n'estime pas devoir se prononcer sur la question de savoir si ce témoin était effectivement introuvable, comme l'affirment les juridictions italiennes ou s'il pouvait aisément être localisé, comme le soutient le requérant. 84. Pour ce qui est de l'impossibilité d'interroger MM. Cagliari, Ligresti, Molino et Cusani, la Cour rappelle que la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne et qu'il revient en principe aux juridictions nationales d'apprécier les éléments recueillis par elles. La Cour n'est donc pas

appelée à se prononcer sur le point de savoir si les déclarations des témoins ayant proféré des accusations auraient dû être écartées ou étaient suffisamment précises et crédibles. En effet, la tâche que la Convention lui a assignée ne consiste pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépositions de témoins ont été à bon droit admises comme preuves, ni si elles étaient suffisantes pour fonder une condamnation, mais à rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (voir, entre autres, Doorson c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1996, Recueil 1996-II, p. 470, § 67, et Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 711, § 50). 85. Or les éléments de preuve doivent en principe être produits devant l'accusé en audience publique, en vue d'un débat contradictoire. Ce principe ne va pas sans exceptions, mais on ne peut les accepter que sous réserve des droits de la défense ; en règle générale, les paragraphes 1 et 3 d) de l'article 6 commandent d'accorder à l'accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d'en interroger l'auteur, au moment de la déposition ou plus tard (Lüdi c. Suisse, arrêt du 15 juin 1992, série A no 238, p. 21, § 47 ; A.M. c. Italie, arrêt du 14 décembre 1999, ECHR 1999-IX, p. 55, § 25 ; P.S. c. Allemagne, arrêt du 20 décembre 2001, no 33900/96, § 21, non publié). 86. En effet, dans certaines circonstances, il peut s'avérer nécessaire, pour les autorités judiciaires, d'avoir recours à des dépositions remontant à la phase de l'instruction préparatoire, notamment lorsque l'impossibilité de les réitérer est due à des faits objectifs, telle la mort de leur auteur (voir, par exemple, Ferrantelli et Santangelo c. Italie, arrêt du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 950-951, § 52), ou lorsqu'il faut protéger le droit du témoin de garder le silence sur des circonstances qui pourraient entraîner sa responsabilité pénale. Si l'accusé a eu une occasion adéquate et suffisante de contester pareilles dépositions, au moment où elles ont été formulées ou plus tard, leur utilisation ne se heurte pas en soi à l'article 6 §§ 1 et 3 d). Il s'ensuit, cependant, que les droits de la défense sont restreints de manière incompatible avec les garanties de l'article 6 lorsqu'une condamnation se fonde

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 12uniquement ou dans une mesure déterminante sur des dépositions émanant d'une personne que l'accusé n'a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l'instruction ni pendant les débats (voir Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 261-C, pp. 56-57, §§ 43-44, Lucà c. Italie, arrêt du 27 février 2001, no 33354/96, § 40, non publié ; P.S. c. Allemagne, arrêt précité, § 24). 87. La Cour relève ensuite que la possibilité d'utiliser pour la décision sur le bien-fondé des accusations des déclarations prononcées avant les débats par des coïnculpés s'étant prévalus de la faculté de garder le silence ou par des personnes décédées avant de témoigner était prévue par le droit interne de l'Etat défendeur, tel qu'en vigueur à l'époque des faits, à savoir les articles 238, 512 et 513 du CPP (voir paragraphes 49-51 ci-dessus). Cependant, cette circonstance ne saurait priver l'inculpé du droit, que l'article 6 § 3 d) lui reconnaît, d'examiner ou de faire examiner de manière contradictoire tout élément de preuve substantiel à charge (voir, mutatis mutandis, Lucà c. Italie, arrêt précité, § 42). 88. En l'espèce, la Cour relève que, comme il ressort de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 1996 (voir paragraphe 41 ci-dessus), les juridictions nationales ont condamné le requérant en se fondant exclusivement sur les déclarations prononcées avant le procès par les coïnculpés qui se sont abstenus de témoigner (MM. Cusani, Ligresti et Molino) et par une personne décédée par la suite (M. Cagliari). Ni le requérant ni son défenseur n'ont eu, à aucun stade de la procédure, la possibilité d'interroger ces personnes qui, ayant formulé des affirmations utilisées comme preuves par les juges italiens, doivent être considérées comme des « témoins » aux termes de l'article 6 § 3 d) de la Convention (S. N. c. Suède, arrêt du 2 juillet 2002, no 34209/96, § 45, non publié). 89. Dans ces conditions, on ne saurait conclure que le requérant a bénéficié d'une occasion adéquate et suffisante de contester les déclarations qui ont constitué la base légale de sa condamnation. 90. Il reste à examiner si le requérant avait une possibilité effective de s'opposer à la lecture, et donc à l'utilisation, des déclarations de ses accusateurs et si, par conséquent, l'absence de toute objection à cet égard pourrait amener à conclure que l'intéressé a

renoncé à son droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. 91. A cet égard, la Cour rappelle qu'aux termes de sa jurisprudence, ni la lettre ni l'esprit de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention n'empêchent une personne de renoncer de son plein gré aux garanties y consacrées de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt public important (Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 20, § 66, et Kwiatkowska c. Italie, décision précitée). 92. En l'espèce, il ressort du dossier que les avocats du requérant n'ont pas soulevé, pendant les débats devant le tribunal de Milan, d'exceptions visant à contester la légalité ou l'opportunité de verser au dossier les déclarations de MM. Cagliari, Cusani, Ligresti et Molino (voir paragraphes 30 et 33 ci-dessus). 93. Cependant, la Cour vient d'observer que l'adjonction au dossier de ces déclarations a été faite conformément au droit interne pertinent (voir paragraphes 49-51 et 88 ci-dessus), qui imposait au juge d'ordonner la lecture et le versement au dossier des déclarations en question lorsqu'elles ne pouvaient pas être répétées ou lorsque leur auteur s'était prévalu de la faculté de garder le silence. Partant, la Cour estime qu'une éventuelle opposition du requérant aurait eu peu de chances de succès, et conclut que le fait de ne pas avoir soulevé d'exception formelle lors des débats devant le tribunal de Milan ne saurait être interprété comme une renonciation tacite au droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Cette conclusion est renforcée par la circonstance que, dans son appel et dans son pourvoi en cassation, le requérant s'est plaint de l'utilisation des déclarations émises par des personnes auxquelles il n'avait jamais eu l'occasion de poser des questions (voir paragraphes 35 et 38 ci-dessus), ce qui démontre sa volonté de revendiquer, au niveau interne, le droit que lui reconnaît l'article 6 § 3 d) de la Convention. 94. Dès lors, il y a eu violation de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention. 95. Au vu de ce qui précède, la Cour n'estime pas nécessaire de se pencher sur l'allégation du requérant selon laquelle MM. Cagliari et Molino auraient subi, de la part des autorités

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 13italiennes, des pressions illégitimes contraires aux articles 3 et 5 § 1 de la Convention (voir paragraphe 76 ci-dessus). A cet égard, elle se borne à constater que les victimes de ces prétendus abus ou leurs héritiers ne les ont pas dénoncés devant les organes de la Convention. IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION EN RAISON DE LA CAMPAGNE DE PRESSE DIRIGÉE CONTRE LE REQUÉRANT 96. Selon le requérant, son procès se serait déroulé dans un climat d'hostilité dont la responsabilité incomberait aux autorités judiciaires et aux médias. La presse écrite, parlée et télévisée aurait établi sa culpabilité avant que les juges n'aient statué. Cette campagne aurait influencé tant l'opinion publique que les juges appelés à se prononcer dans les diverses procédures. Par ailleurs, le parquet aurait systématiquement fourni à la presse et aux médias des informations couvertes par le secret des actes d'enquête. Ainsi, la presse aurait pu révéler l'existence des avis de poursuite avant leur notification officielle. 97. Le requérant expose en outre que l'envergure de la procédure en cause, notamment sa complexité, le nombre des accusés, le laps de temps considérable écoulé depuis les faits ainsi que la perspective d'encourir des peines sévères auraient porté atteinte à son droit à un procès équitable et à ses droits de la défense. 98. La Cour rappelle qu'aux termes de la jurisprudence des organes de la Convention, une campagne de presse virulente est dans certains cas susceptible de nuire à l'équité du procès, en influençant l'opinion publique et, par là même, les jurés appelés à se prononcer sur la culpabilité d'un accusé (voir Akay c. Turquie (déc.), no 34501/97, 19 février 2002, non publiée ; Priebke c. Italie (déc.), no 48799/99, 5 avril 2001, non publiée ; D'Urso et Sgorbati c. Italie (déc.), no 52948/99, 3 avril 2001, non publiée ; Del Giudice c. Italie (déc.), no 42351/98, 6 juillet 1999, non publiée). 99. Par ailleurs, on s'accorde en général à penser que les tribunaux ne sauraient fonctionner dans le vide : bien qu'ils aient seuls compétence pour se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence quant à une accusation en matière pénale, il n'en résulte

point qu'auparavant ou en même temps, les questions dont ils connaissent ne puissent donner lieu à discussion, que ce soit dans des revues spécialisées, dans la grande presse ou le public en général (voir, mutatis mutandis, Sunday Times (no1) c. Royaume-Uni, arrêt du 26 avril 1979, série A no 30, p. 40, § 65, et Papon c. France (déc.), no 54210/00, 19 novembre 2001, non publiée). 100. A condition de ne pas franchir les bornes fixées aux fins d'une bonne administration de la justice, les comptes rendus de procédures judiciaires, y compris les commentaires, contribuent à les faire connaître et sont donc compatibles avec l'exigence de publicité de l'audience énoncée à l'article 6 § 1 de la Convention. A la fonction des médias consistant à communiquer de telles informations et idées s'ajoute le droit, pour le public, d'en recevoir (ibidem). Cela est d'autant plus vrai lorsque le procès est, comme en l'espèce, celui d'un personnage connu, tel un ancien premier ministre. Ces personnes s'exposent inévitablement et consciemment à un contrôle attentif tant par les journalistes que par la masse des citoyens (voir notamment Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 42). Partant, les limites du commentaire admissible sont plus larges à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier (ibidem). 101. Cependant, comme tout individu, les personnalités connues sont en droit de bénéficier d'un procès équitable tel que garanti à l'article 6 § 1 de la Convention, ce qui comprend le droit à être entendu par un tribunal impartial. Dans une société démocratique, ce droit occupe une place si éminente qu'une interprétation restrictive de l'article 6 ne correspondrait pas au but et à l'objet de cette disposition (Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, p. 15, § 25). Les journalistes doivent s'en souvenir lorsqu'ils rédigent des articles sur des procédures pénales en cours, car les limites du commentaire admissible peuvent ne pas englober des déclarations qui risqueraient, intentionnellement ou non, de réduire les chances d'une personne de bénéficier d'un procès équitable ou de saper la confiance du public dans le rôle tenu par les tribunaux dans l'administration de la justice pénale (Worm c. Autriche, arrêt du 29 août 1997, Recueil 1997-

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 14V, p. 1552, § 50 ; Pullicino c. Malte (déc.), no 45441/99, 15 juin 2000, non publiée ; Papon c. France, décision précitée). 102. La Cour relève qu'en l'espèce, l'intérêt des médias italiens pour l'affaire Eni-sai et l'importance que celle-ci revêtait aux yeux de l'opinion publique résultaient de la position éminente occupée par le requérant, du contexte politique dans lequel les faits incriminés avaient eu lieu, ainsi que de la nature et de la gravité de ces derniers. 103. La Cour considère qu'il est inévitable, dans une société démocratique, que la presse exprime des commentaires parfois sévères sur une affaire sensible qui, comme celle du requérant, mettait en cause la moralité de hauts fonctionnaires et le rapports entre le monde de la politique et celui des affaires. 104. De plus, il échet de noter que les juridictions appelées à connaître de l'affaire étaient entièrement composées de juges professionnels. Contrairement aux membres d'un jury, ces derniers jouissent d'une expérience et d'une formation leur permettant d'écarter toute suggestion extérieure au procès. Par ailleurs, la condamnation du requérant a été prononcée à l'issue d'une procédure contradictoire, au cours de laquelle l'intéressé a eu la possibilité de soumettre aux juridictions compétentes les arguments qu'il estimait utiles pour sa défense. Il est vrai que la Cour vient de constater que cette procédure a emporté violation de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (voir paragraphe 94 ci-dessus) ; cependant, en l'espèce un tel manquement aux exigences du procès équitable était dû à l'application, par les juges nationaux, de dispositions législatives de portée générale, applicables à tous les justiciables. Rien dans le dossier ne permet de penser que, dans l'interprétation du droit national ou dans l'évaluation des arguments des parties et des éléments à charge, les juges qui se sont prononcés sur le fond ont été influencés par les affirmations contenues dans la presse. 105. Quant à l'allégation du requérant selon laquelle le parquet aurait systématiquement et volontairement communiqué à la presse des actes confidentiels, la Cour relève que l'intéressé n'a produit aucun élément objectif susceptible de mettre en cause la responsabilité des représentants du parquet ou d'amener à penser que ces derniers auraient manqué à leur

devoir afin de nuire à l'image publique du requérant et du PSI. 106. La Cour a également eu égard aux autres circonstances alléguées par le requérant, telles que l'envergure prétendument exceptionnelle de la procédure en cause, le temps écoulé depuis les faits et la perspective d'encourir des peines sévères, sans toutefois relever aucune apparence de violation des droits de la défense. 107. Eu égard à ce qui précède et compte tenu notamment des garanties inhérentes à la procédure judiciaire dirigée contre le requérant, la Cour ne saurait déceler, en l'espèce, aucune atteinte à l'équité de la procédure. 108. Il s'ensuit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 de la Convention en raison de la campagne de presse dirigée contre le requérant. » Benedetto Craxi was an Italian national born in 1934. Better known by the name of Bettino Craxi, he was Secretary of the Italian Socialist Party and Prime Minister of Italy. He died in Tunisia in January 2000. His widow, Anna Maria Moncini Craxi, and two children, Stefania and Vittorio Craxi, indicated that they wished to pursue the proceedings. Criminal proceedings were instituted against the applicant after serious irregularities were discovered in the negotiations relating to an agreement between the Eni and Montedison groups to form the Enimont company. In 1992 the applicant and numerous others were charged with false accounting, illegal funding of political parties, corruption, extortion and handling offences, all of which had been committed in particular at the time of the sale of Montedison’s shareholding to Enimont. In all, 26 notices of intention to commence criminal proceedings (avvisi di garanzia) were issued against him. The criminal proceedings against the applicant and other political, economic and establishment figures were reported in the press. The applicant was committed for trial in the Milan District Court in six sets of proceedings, namely the Eni-Sai, Banco Ambrosiano, Enimont, Metropolitana Milanese, Cariplo and Enel cases. The applicant was convicted in all but the Cariplo case and given prison sentences of up to eight and a half years.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 15In the Eni-Sai case the applicant was prosecuted for corruption. He was accused of having influenced and facilitated a planned joint venture between three companies (including the Eni and Sai companies) belonging to the insurance sector. It was alleged that he and some of his co-defendants had illegally paid public officials and the directors of the above-mentioned companies 8,779,767 euros (EUR) and promised further payments of approximately EUR 1,549,370 and EUR 3,615,198. According to his lawyers, the applicant did not attend the first hearing in this case on grounds of ill-health and danger to his personal safety. He did not attend any of the other 55 hearings between April and December 1994 because he moved to Tunisia on 16 May 1994. During the trial a number of his co-defendants stated that they wished to remain silent, so their statements were appended to the case file. Other defendants in connected proceedings were questioned at the trial and a transcript of the questioning was also appended to the case file. In a judgment of 6 December 1994 the applicant was sentenced in absentia to five and a half years’ imprisonment. He appealed unsuccessfully against that judgment, challenging in particular the use of transcripts of statements by witness whom he had been unable to cross-examine. The Court of Cassation also dismissed an appeal by the applicant in a judgment of 12 November 1996, holding that his conviction had not been based exclusively on those statements since they had been corroborated by witness evidence. Relying on Article 6 §§ 1, 2 and 3 (b) and (d) of the Convention, the applicant complained of the unfairness of the criminal proceedings against him. He submitted that he had not had adequate time and facilities for the preparation of his defence and that he had been unable to cross-examine the prosecution witnesses or have them cross-examined. He further alleged that the press campaign conducted against him had influenced the judges determining the charges against him. Article 6 §§ 1 and 3 (b) The Court pointed out that the present application had been declared admissible

solely as regards the alleged unfairness of the proceedings in the Eni-Sai case, and that its examination would consequently be limited to the difficulties encountered by the applicant in connection with that case. The Court noted that from 18 October 1994 until the adoption of a judgment on the merits on 6 December 1994, hearings had been scheduled according to a timetable that had been agreed to by the applicant’s lawyers. The applicant could therefore not complain about proceedings that had been arranged with the consent of his counsel. As regards the period before 18 October 1994, the Court noted that thirty-eight hearings had been held in the Eni-Sai case, at the same or almost the same time as numerous hearings in other cases in which the applicant had been prosecuted. The Court noted that the applicant, who had not attended the first hearing, had of his own accord left Italy and moved to Tunisia, thereby removing himself from the jurisdiction of a State that upheld the principle of the rule of law, and had freely chosen not to appear in court. The applicant’s defence had consequently been conducted by lawyers, who had had to take part in a large number of hearings within a short space of time. However, it did not appear from the evidence before the Court that their presentation of his case had been deficient or ineffective. Furthermore, the applicant’s lawyers had not provided the Court with any relevant explanation as to why they had not, until 9 November 1994, drawn the national authorities’ attention to the problems they were encountering in preparing his defence. Moreover, with regard to the proceedings on appeal, the applicant’s lawyers had not made any complaint that the hearings were so close together as to infringe the rights of the defence. The Court accordingly held that there had been no violation of Article 6 under that head. Article 6 §§ 1 and 3 (d) The Court noted at the outset that the witness statements by Pacini Battaglia, which had been read out during the trial at first instance because the witness was untraceable, had not contributed to the applicant’s conviction. The fact that it had been impossible to call that witness had not hindered the applicant’s right to examine or have examined witnesses

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 16against him. Furthermore, the applicant had not shown that it was necessary to call that witness in order to establish the truth or that the refusal to examine him had infringed the rights of the defence. The Court consequently held that it was not necessary to examine whether the witness had really been untraceable. The Court further noted that Articles 238, 512 and 513 of the Code of Criminal Procedure had provided for the possibility, in determining the merits of a charge, of using statements made before the trial by co-defendants who had subsequently exercised their right to remain silent, or by persons who had died before having the opportunity to give evidence in court. However, that fact did not deprive an accused of the right to have any material evidence against him examined in adversarial proceedings. In the present case, the Court observed that it appeared from the Court of Cassation’s judgment of 12 November 1996 that the applicant had been convicted solely on the basis of statements made before the trial by other defendants who had chosen not to give evidence in court (Mr Cusani, Mr Molino and Mr Ligresti) and by a person who had subsequently died (Mr Cagliari). The applicant and his lawyers had not had the opportunity to cross-examine those witnesses and had consequently not been able to challenge the statements which had formed the legal basis for the applicant’s conviction. In that connection, the Court noted that the applicant’s lawyers had not raised any objections in the Milan District Court contesting the lawfulness or advisability of appending the statements in issue to the case file. However, as the statements had been appended to the file in accordance with the relevant domestic legislation in force at the material time, the Court considered that any objection by the applicant would have had little prospect of success and that the failure to raise such an objection could not be construed as a tacit waiver of his right to have prosecution witnesses cross-examined, especially as he had subsequently raised the matter in the Court of Appeal and the Court of Cassation. The Court accordingly held that there had been a violation of Article 6 §§ 1 and 3 (d) under that head and that it was not necessary to examine whether Mr Cagliari

and Mr Molino had been subjected to pressure by the authorities, as the two men in question – or their heirs – had not made any complaint to the Convention institutions on the matter. Article 6 The Court observed that the interest of the media and the public in the Eni-Sai case had stemmed from the eminent position occupied by the applicant, the political context in which the alleged offences had taken place, and their nature and gravity. In the Court’s view, it was inevitable in a democratic society that the press should sometimes make harsh comments on a sensitive case such as the present one, which called into question the morality of high-ranking public officials and the relations between the political and business worlds. The Court further noted that the courts that had dealt with the applicant’s case had been composed exclusively of professional judges and that the applicant had been convicted following adversarial proceedings. Admittedly, the Court had found a breach of the requirements of a fair hearing in the case, but that had resulted from the judges’ application of legislative provisions that were general in scope and were applicable to everyone. There was nothing in the present case to suggest that the judges had been influenced by the statements made in the press. As regards the argument that the prosecution had deliberately and systematically disclosed confidential information to the press, the Court noted that the applicant had not produced any evidence to substantiate those allegations. The Court had also taken into account the other circumstances relied on by the applicant, such as the allegedly exceptional scope of the proceedings in issue, the time that had passed since the relevant events, and the prospect of severe penalties being imposed, but had not found any appearance of an infringement of the rights of the defence. The Court accordingly held that there had been no violation of Article 6 under that head. The Court held unanimously that � there had been no violation of Article 6 §§ 1 (right to a fair hearing) and 3 (b) (right to adequate time and facilities for preparation of defence) of the European Convention on Human Rights on account of the rapid

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 17succession of hearings in the various sets of proceedings against the applicant; � there had been a violation of Article 6 §§ 1 and 3 (d) (right to examine witnesses or have them examined) of the Convention in that it had been impossible to examine or have examined prosecution witnesses who had died or had exercised their right to remain silent; � there had been no violation of Article 6 (right to a fair hearing) of the Convention on account of the press campaign against the applicant; and that � the findi ng of a violation constituted in itself sufficient just satisfaction. (The judgment is in French only.)

ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE

PENALE ; PROCEDURE CIVILE ; EGALITE DES ARMES ; PROCEDURE

CONTRADICTOIRE BERGER c. FRANCE

03/12/2002 Non-violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne le

droit d'accès à un tribunal ; Violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne la

non-communication des conclusions du conseiller rapporteur ;

Cour (deuxième section) Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; 300 EUR pour frais et dépens.- procédure de la Convention Droit en cause Code de procédure pénale, article 575 Jurisprudence : Bellet c. France, arrêt du 4 décembre 1995, série A n° 333-B, p. 41, § 31 ; Bennour c. France, (déc.), n° 48991/99, 13 septembre 2001, non publiée ; Golder c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1975, série A n° 18, p. 18, § 36 ; Hertel c. Suisse, arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, p. 2334, § 63 ; Iatridis c. Grèce [GC] (satisfaction équitable), n° 31107/96, § 54, ECHR 2000-XI ; Levages Prestations Services c. France, arrêt du 23 octobre 1996, Recueil 1996-V, p. 1543, § 40, p. 1543, § 42 ; Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France, arrêt du 31 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 666, §§ 105, 106 ; Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, arrêt du 13 juillet 1995, série A n° 316-B, pp. 78-79, § 59 (L’arrêt n’existe qu’en français.)

Le 30 septembre 1991 Marie Thérèse Berger, la requérante, signa avec la société SOFEBAIL un crédit-bail immobilier pour la rénovation d’un établissement de vacances dont elle souhaitait exploiter le fonds de commerce. La société n’ayant pas achevé les travaux de rénovation dans les délais prévus par le contrat, la requérante porta plainte avec constitution de partie civile contre elle pour escroquerie, vol et abus de confiance. Estimant que l’affaire ne relevait pas de la matière pénale, mais était manifestement d’ordre civil ou commercial, le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu dans cette affaire le 5 mai 1997. La cour d’appel de Colmar rejeta le recours de la requérante, laquelle se pourvut alors en cassation. Le rapport du conseiller rapporteur (contenant un exposé des faits, de la procédure et des moyens de cassation ainsi qu’une analyse juridique de l’affaire et un avis sur le mérite du pourvoi) fut transmis à l’avocat général avant l’audience, mais la requérante n’en eut pas communication. Par un arrêt du 24 septembre 1998, la Cour de cassation déclara son pourvoi irrecevable au motif qu’en l’absence de pourvoi en cassation du ministère public, il appartenait à la requérante de démontrer qu’elle remplissait les conditions de formation d’un pourvoi conformément à l’article 575 du Code de procédure pénale. Dans l’intervalle, la requérante engagea une procédure civile afin de contester la résiliation du crédit-bail immobilier par la SOFEBAIL. Les juridictions du fond la déboutèrent de sa demande. Actuellement, la procédure est pendante devant la Cour de cassation. Invoquant l’article 6 (droit à un procès équitable), la requérante se plaignait de l’iniquité de la procédure pénale à laquelle elle a été partie civile. Elle soutenait que l’arrêt de la Cour de cassation a porté atteinte à son droit d’accès à un tribunal. Par ailleurs, elle alléguait qu’il y a eu rupture de l’égalité des armes du fait de l’absence de transmission à son conseil du rapport du conseiller rapporteur. Quant à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation de la requérante : la Cour constate que la requérante pouvait connaître ses obligations en matière d’introduction d’un pourvoi en cassation à partir du libellé de l’article 575 du Code de procédure pénale. Cette disposition prévoit sept cas dans lesquelles la partie civile peut former seule un pourvoi en cassation, si le

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 18ministère public ne forme pas lui-même de pourvoi. La limitation ainsi imposée résulte de la nature même des arrêts rendus par les chambres de l’instruction et de la place dévolue à l’action civile dans le procès pénal. La Cour ne saurait admettre que la partie civile doive disposer d’un droit illimité à l’exercice du pourvoi en cassation contre les arrêts de non-lieu. En outre, la Cour note que la procédure en cassation succédait à l’examen de la cause de la requérante par le juge d’instruction, puis la chambre d’accusation. De plus, tout en déclarant le pourvoi irrecevable, la cour de cassation l’a cependant examiné afin de contrôler la régularité de la décision attaquée. Enfin, la Cour relève que la requérante avait la possibilité de saisir les juridictions civiles afin de demander réparation du préjudice allégué. Par conséquent, la Cour considère que la requérante n’a pas subi d’entrave à son droit d’accès à un tribunal. Elle ne saurait admettre que le principe de l’égalité des armes a été méconnu en l’espèce, eu égard à la place dévolue à l’action civile dans le procès pénal et aux intérêts complémentaires de la partie civile et du ministère public. A cet égard, la Cour admet que la partie civile ne peut être considérée comme l’adversaire ou l’alliée du ministère public, leur rôle et leurs objectifs étant clairement distincts. Dès lors, la Cour conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 6 § 1 au regard de l’irrecevabilité du pourvoi en cassation. Quant au grief tiré du défaut de transmission du rapport du conseiller rapporteur à la requérante : la Cour rappelle qu’en raison de l’importance de ce rapport, du rôle de l’avocat général et des conséquences de l’issue de la procédure pour l’intéressée, le déséquilibre ainsi créé méconnaît les principes du contradictoire et de l’égalité des armes. Par conséquent, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 sur ce point. Extraits de l’arrêt de la Cour rendu par une Chambre composée de sept juges, M. András Baka, (Hongrie), président, A. Sur l’irrecevabilité du pourvoi en cassation de la requérante « 1. Thèses défendues devant la Cour

23. La requérante affirme qu’il ne faut pas censurer ou réduire la portée générale voulue par l’article 6 de la Convention. Elle considère que la limitation portée par l’article 575 du Code de procédure pénale au droit de la partie civile de se pourvoir en cassation est injuste dans un pays démocratique. Elle se plaint que la décision de rejeter son pourvoi a nui gravement à ses intérêts, car si la Cour de cassation avait reconnu le bien-fondé de sa démarche, elle aurait pu sauver ses biens. 24. Le Gouvernement rappelle d’emblée que, quelles que soient les possibilités d’intervention offertes par la procédure pénale aux parties civiles, l’objectif premier du droit pénal ne concerne pas la réparation de leurs préjudices, mais la poursuite et la répression des auteurs d’infractions. C’est ce principe qui sous-tend les dispositions de l’article 575 du Code de procédure pénale. La limitation portée par cet article à la faculté pour la partie civile de se pourvoir en cassation résulte à la fois de la nature des arrêts des chambres d’accusation et de la place dévolue à l’action civile dans le procès pénal. 25. En particulier, le Gouvernement affirme que les chambres d’accusation (aujourd’hui chambres de l’instruction) ne statuent pas sur le fond de l’affaire, c’est-à-dire qu’elles ne se prononcent pas sur la culpabilité du prévenu, mais contrôlent la bonne marche de l’instruction, et sont notamment conduites, à ce titre, à déterminer la suite qu’il convient de réserver à la poursuite pénale – renvoi devant une juridiction de jugement ou non-lieu. 26. Quant à l’action civile, elle n’est qu’une action accessoire à l’action publique, laquelle est en principe initiée par le ministère public. C’est pourquoi, si le ministère public ne juge pas utile de former un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction attaqué, l’intérêt général ne justifie pas que la partie civile dispose également de cette faculté, à moins que la décision en cause ne nuise gravement à ses intérêts. Si la partie civile disposait d’un droit illimité à l’exercice du pourvoi en cassation contre les arrêts de la chambre de l’instruction et notamment, comme en l’espèce, contre des arrêts de non-lieu – et alors même que le ministère public, qui représente l’accusation, aurait estimé ne pas devoir se pourvoir –, il existerait alors un risque pour l’accusé d’être exposé à des procédures dilatoires ou abusives,

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 19malgré la présomption d’innocence dont il doit bénéficier. En tout état de cause, le Gouvernement souligne que la partie civile conserve toujours la possibilité d’agir devant les juridictions civiles pour solliciter l’indemnisation de son préjudice. 27. Par ailleurs, le Gouvernement note que la chambre criminelle de la Cour de cassation a donné une interprétation souple de la sixième hypothèse énoncée au second alinéa de l’article 575 du Code de procédure pénale, en étendant la notion de « conditions essentielles » de l’existence légale de l’arrêt à sa motivation. La Cour de cassation a ainsi jugé que le pourvoi de la seule partie civile était possible si l’arrêt ne répondait pas aux impératifs de motivation, omettait de répondre aux articulations essentielles du mémoire de la partie civile, ne contenait aucun exposé des faits, ou encore ne contenait pas de motifs suffisants sur les chefs de mise en examen visés dans la plainte avec constitution de partie civile. 28. Pour ce qui est de la présente affaire, le Gouvernement note qu’en exerçant son pourvoi, la requérante n’a soulevé dans son mémoire ampliatif aucun moyen susceptible de justifier l’examen au fond de son pourvoi, en l’absence de celui formé par le ministère public. En effet, la chambre criminelle a considéré que les moyens proposés par la requérante revenaient à « discuter des motifs de fait et de droit retenus par les juges » et ne correspondaient à aucun des cas énumérés au deuxième alinéa de l’article 575 du Code de procédure pénale. Cela étant, la décision d’irrecevabilité rendue par la chambre criminelle a été précédée d’une vérification de la conformité de l’arrêt attaqué aux règles de droit applicables. Force est donc de constater que le pourvoi en cassation formé par la requérante n’a pas été privé de tout effet, puisqu’il a conduit la Cour de cassation à examiner, au moins sommairement, les griefs invoqués au fond et à contrôler la régularité de la décision attaquée. Enfin, le Gouvernement souligne que la plainte de la requérante avait préalablement fait l’objet d’un examen par deux ordres de juridiction successifs qui sont parvenus à la même conclusion. 29. Le Gouvernement conclut qu’en l’espèce l’application à la requérante des dispositions de l’article 575 du Code de procédure pénale

n’a pas porté atteinte à son droit d’accès à un tribunal ni méconnu le principe de l’égalité des armes. A cet égard, le Gouvernement souligne que la partie civile ne peut être considérée comme l’adversaire du ministère public, puisque l’un et l’autre ont un intérêt à ce que les faits à l’origine du dommage subi par la victime, dès lors qu’ils revêtent une qualification pénale, soient poursuivis et jugés. En tout état de cause, le ministère public n’a pas qualité pour se pourvoir contre toutes les décisions des chambres de l’instruction. Il n’est en effet recevable à se pourvoir qu’autant que la décision affecte l’intérêt général, et pas seulement des intérêts privés (Cass. crim. 3 mai 1994, Bull. crim. no 161). Le rôle dévolu respectivement à la partie civile et au ministère public dans le procès pénal explique ainsi l’étendue de leurs pouvoirs pour former un pourvoi en cassation contre les arrêts de la chambre de l’instruction. 2. L’appréciation de la Cour 30. La Cour rappelle que le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect (voir notamment Golder c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1975, série A no 18, p. 18, § 36), n’est pas absolu ; il se prête à des limitations implicitement admises, notamment pour les conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’Etat qui jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation (Levages Prestations Services c. France, arrêt du 23 octobre 1996, Recueil 1996–V, p. 1543, § 40). Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que son droit d’accès à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, entre autres, Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, arrêt du 13 juillet 1995, série A no 316-B, pp. 78-79, § 59 ; Bellet c. France, arrêt du 4 décembre 1995, série A no 333-B, p. 41, § 31). 31. Dans le cas d’espèce, la requérante a souhaité former un pourvoi contre l’arrêt de la chambre d’accusation qui, confirmant l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction, a considéré que les faits dont elle se plaignait ne revêtaient aucune qualification

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 20pénale. Le ministère public n’ayant pas jugé opportun de se pourvoir en cassation, il appartenait à la requérante de démontrer que l’arrêt contre lequel elle formait un pourvoi correspondait à l’un des cas prévus par l’article 575 du Code de procédure pénale. En effet, aux termes de cette disposition, en dehors de sept cas limitativement énumérés, la partie civile n’est pas recevable à former seule un pourvoi devant la Cour de cassation contre un arrêt de la chambre d’accusation, si le ministère public ne forme pas lui-même de pourvoi. Or, le pourvoi de la requérante a été déclaré irrecevable au motif que les moyens proposés ne correspondaient à aucun des cas énumérés au deuxième alinéa de la disposition susmentionnée. 32. Afin de s’assurer que la déclaration d’irrecevabilité n’a pas porté atteinte à la substance même du droit de la requérante « à un tribunal », la Cour recherchera d’abord si les modalités d’exercice du pourvoi en cassation pouvaient passer pour prévisibles aux yeux d’un justiciable, et partant, si la sanction de leur non-respect n’a pas méconnu le principe de proportionnalité (arrêt Levages Prestations Services c. France, précité, p. 1543, § 42). 33. La Cour constate en premier lieu que la requérante pouvait connaître, à partir du libellé même de l’article 575 du Code de procédure pénale, ses obligations en matière d’introduction d’un pourvoi. 34. Il reste donc à la Cour à examiner si l’irrecevabilité prononcée, tout en étant prévisible, n’a pas, au vu des circonstances de l’espèce, porté atteinte au droit d’accès de la requérante à un tribunal, notamment en raison de sa nature ou de ses conséquences. 35. La Cour relève que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire, ce qui signifie que la Cour de cassation ne rejuge pas les affaires dont elle est saisie au fond, mais ne peut que sanctionner une violation de la loi par l’annulation totale ou partielle de la décision attaquée. Le pourvoi en cassation est ouvert en matière pénale à toutes les personnes parties au procès qui ont un intérêt à la cassation. Si la recevabilité du pourvoi de la partie civile est, en dehors de sept cas limitativement énumérés, subordonnée à l’existence d’un pourvoi formé par le ministère public, cette limitation résulte de la nature des

arrêts rendus par les chambres de l’instruction et de la place dévolue à l’action civile dans le procès pénal. La Cour ne saurait admettre que la partie civile doive disposer d’un droit illimité à l’exercice du pourvoi en cassation contre les arrêts de non-lieu, car elle est sensible à l’argument du Gouvernement développé ci-dessus (voir § 26). 36. En outre, la procédure en cassation succédait, en l’occurrence, à l’examen de la cause de la requérante par le juge d’instruction puis par la chambre d’accusation. Par ailleurs, la Cour note que la décision d’irrecevabilité rendue en l’espèce par la chambre criminelle a été précédée, conformément à sa pratique habituelle, d’une vérification de la conformité de l’arrêt aux règles de droit applicables au regard des formalités substantielles. Ainsi, tout en déclarant irrecevable le pourvoi en cassation formé par la requérante, la Cour de cassation l’a cependant examiné afin de contrôler la régularité de la décision attaquée (voir, mutatis mutandis, Bennour c. France, (déc.), no 48991/99, 13 septembre 2001, non publiée). 37. Enfin, la Cour relève que la possibilité s’offrait à la requérante de poursuivre devant les juridictions civiles la société contre laquelle elle avait porté plainte. En fait, la requérante a bien fait usage de cette voie de droit en saisissant le tribunal de grande instance de Strasbourg, mais elle fut déboutée de ses demandes tant en première instance qu’en appel. 38. En conclusion, la requérante n’a pas, du fait des conditions imposées pour la recevabilité de son pourvoi en cassation, subi d’entrave à son droit d’accès à un tribunal tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention. Eu égard à la place dévolue à l’action civile dans le procès pénal et aux intérêts complémentaires de la partie civile et du ministère public, la Cour ne saurait admettre non plus que le principe de l’égalité des armes fût méconnu en l’espèce. A cet égard, la Cour admet avec le Gouvernement que la partie civile ne peut être considérée comme l’adversaire du ministère public, ni d’ailleurs nécessairement comme son alliée, leur rôle et leurs objectifs étant clairement distincts. 39. Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition. »

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B. Sur le défaut de transmission des deux volets du rapport du conseiller rapporteur au conseil de la requérante « 2. L’appréciation de la Cour 42. La Cour a déjà jugé qu’étant donné l’importance du rapport du conseiller rapporteur, principalement du second volet de celui-ci, le rôle de l’avocat général et les conséquences de l’issue de la procédure pour les intéressés, le déséquilibre créé, faute d’une communication identique du rapport au conseil de la partie civile, ne s’accorde pas avec les exigences du procès équitable (arrêt Reinhardt et Slimane–Kaïd c. France précité, p. 666, § 105). 43. La Cour ne distingue en l’espèce aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence : en effet les deux volets du rapport du conseiller rapporteur n’ont pas été communiqués au conseil de la requérante avant l’audience, alors que l’avocat général s’est vu communiquer l’intégralité du dossier. Les principes du contradictoire et de l’égalité des armes ont ainsi été méconnus. 44. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention. » On 30 September 1991 the applicant signed a leasing arrangement with a company called SOFEBAIL for the renovation of a holiday centre which she wanted to run as a going concern. When the company failed to complete the renovation works within the time-period stipulated in the contract, the applicant lodged a criminal complaint and application to join the proceedings as a civil party seeking damages for fraud, theft and fraudulent breach of trust. The investigating judge, who considered that the case did not fall within the ambit of the criminal law but was clearly a civil or commercial case, made an order on 5 May 1997 discontinuing the proceedings. After Colmar Court of Appeal had dismissed an appeal lodged by the applicant, she appealed to the Court of Cassation. The reporting judge’s report (containing a statement of the facts, the procedure and the grounds of appeal, a legal analysis of the case and an opinion on the merits of the appeal) was sent to the Advocate-General before the hearing, but not to the applicant. In a judgment of 24 September 1998 the Court of Cassation declared the appeal inadmissible on the ground that, in the absence of an appeal on points of law by State Counsel’s office, it was incumbent on the applicant to show that she satisfied the conditions for lodging such an appeal laid down in Article 575 of the Code of Criminal Procedure. In the meantime the applicant had instituted civil proceedings challenging the termination of the lease by SOFEBAIL. Her action was dismissed by the tribunals

of fact. Those proceedings are currently pending before the Court of Cassation. Relying on Article 6 (right to a fair trial), the applicant complained that the criminal proceedings in which she had been a civil party had been unfair. She submitted that the Court of Cassation’s judgment had infringed her right of access to a court. She further alleged that there had been a breach of the principle of equality of arms because the reporting judge’s report had not been sent to her lawyer. As regards the inadmissibility of the applicant’s appeal on points of law, the Court noted that the applicant could have discovered the rules governing appeals to the Court of Cassation by reading Article 575 of the Code of Criminal Procedure, which laid down seven cases in which it was possible for civil parties to lodge such an appeal alone in the absence of an appeal by State Counsel’s office. The resulting restriction was necessitated by the very nature of the judgments given by investigating judicial bodies and by the role accorded to civil actions within criminal trials. The Court could not accept that civil parties should have an unlimited right to appeal on points of law against judgments upholding discontinuation orders. The Court further noted that the cassation proceedings followed examination of the applicant’s case first by the investigating judge and then by the Indictment Division of the Court of Appeal. Moreover, while declaring the appeal inadmissible, the Court of Cassation had examined it to review the lawfulness of the impugned decision. Lastly, the Court noted that the applicant had been able to seek compensation for her alleged loss through the civil courts. Consequently, the Court considered that the applicant had not suffered any restriction of her right of access to a court. It could not agree that the principle of equality of arms had been infringed, regard being had to the role accorded to civil actions within criminal trials and to the complementary interests of civil parties and State Counsel’s office. In that connection, the Court accepted that a civil party could not be considered either the opponent or ally of the prosecution, their roles and objectives being clearly different. The Court therefore held unanimously that there had been no violation of Article 6 § 1 on account of the ruling that the appeal on points of law was inadmissible. As regards the complaint that the reporting judge’s report had not been sent to the applicant, the Court observed that because of the report’s importance, the role of the Advocate-General and the consequences of the outcome of the proceedings for the applicant, the resulting imbalance infringed the principles of adversarial procedure and equality of arms. It accordingly held unanimously that there had been a violation of Article 6 § 1 in that respect.

DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE

Le requérant exerçant surabondamment ses droits procéduraux a retardé de manière

significative l’issue de l’instruction DEBBASCH c. FRANCE

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 2203/12/2002

Non-violation de l'art. 6-1 Cour (deuxième section) Jurisprudence : Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 67, ECHR 1999-II ; Lechner et Hess c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A n° 118, p. 19, § 49 ; Boddaert c. Belgique, arrêt du 12 octobre 1992, série A n° 235-D, p. 82, § 39 (L’arrêt n’existe qu’en français.) Charles Debbasch est un ressortissant français né en 1937 et résidant à Paris. Professeur de droit à l’Université d’Aix-en-Provence, il fut président de la Fondation Vasarely, fondée par le peintre Victor Vasarely, pendant dix ans. A la suite de plusieurs plaintes de M. Vasarely et de ses enfants, le requérant fut mis en examen le 28 novembre 1994. Il lui était reproché d’avoir détourné des fonds ou des œuvres d’art au préjudice de la Fondation ou des consorts Vasarely. Le 20 février 2002, le requérant fut notamment condamné à trois ans d’emprisonnement dont un avec sursis et à une amende de 380 000 euros. L’appel interjeté par le requérant est à ce jour pendant. Sur le fondement de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable), le requérant dénonçait la durée de la procédure pénale dirigée contre lui (plus de sept ans et onze mois à ce jour). La Cour constate que l’affaire présentait un degré de complexité important et que le requérant, en exerçant surabondamment ses droits procéduraux a retardé de manière significative l’issue de l’instruction. Relevant qu’on ne saurait reprocher aux autorités judiciaires des périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées, la Cour conclut à l’unanimité qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1. Extraits de l’arrêt de la Cour rendu par une Chambre composée de sept juges, M. András Baka, (Hongrie), président, « … 40. La Cour constate tout d’abord que l’instruction de l’affaire présentait sans conteste un degré de complexité important. Celui-ci découlait de la nature des infractions alléguées ayant trait au détournement de fonds et d’uvres d’art, de la multiplicité des actes dénoncés, du nombre d’investigations menées

tant sur le territoire national qu’à l’étranger, mais surtout du comportement du requérant qui n’a cessé de critiquer le déroulement de l’instruction, de multiplier les recours et de réclamer des actes d’instruction complémentaires. 41. S’agissant en particulier du comportement du requérant, la Cour rappelle que l’article 6 n’exige pas de l’intéressé une coopération active avec les autorités judiciaires. On ne saurait non plus lui reprocher d’avoir tiré pleinement parti des possibilités que lui ouvrait le droit interne. Toutefois, le comportement du requérant constitue un fait objectif, non imputable à l’Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu ou non dépassement du « délai raisonnable » (voir, parmi beaucoup d’autres, Lechner et Hess c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A no 118, p. 19, § 49). En l’espèce, la Cour ne peut que constater qu’en exerçant surabondamment ses droits procéduraux, le requérant a retardé de manière significative l’issue de l’instruction, contribuant ainsi de façon déterminante à la durée globale de la procédure pénale le concernant. L’Etat ne saurait être tenu pour responsable desdits retards. 42. Quant au comportement des autorités judiciaires, la Cour estime qu’on ne saurait leur reprocher des périodes d’inactivité ou de lenteur injustifiées. 43. La Cour rappelle à cet égard que l’article 6 § 1 de la Convention prescrit la célérité des procédures judiciaires, mais il consacre aussi le principe, plus général, d’une bonne administration de la justice (voir Boddaert c. Belgique, arrêt du 12 octobre 1992, série A no 235-D, p. 82, § 39). Dans les circonstances de la cause, le comportement des autorités s’est révélé compatible avec le juste équilibre à ménager entre les divers aspects de cette exigence fondamentale. 44. Eu égard à l’ensemble des éléments recueillis, la Cour estime qu’il n’y a pas eu dépassement du « délai raisonnable » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. 45. Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition. » Charles Debbasch is a French national. He was born in 1937 and lives in Paris. He is a professor of law at Aix-en-Provence University and was President of the

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 23Vasarely Foundation, founded by the painter Victor Vasarely, for ten years. Following a number of complaints by Mr Vasarely and his children, the applicant was charged on 28 November 1994 with misappropriating funds and works of art to the detriment of the Foundation or the Vasarely family. On 20 February 2002 the applicant was sentenced to three years’ imprisonment, one year of which was suspended, and to a fine of 380,000 euros. An appeal lodged by the applicant is still pending. The applicant complained, under Article 6 § 1 (right to a fair trial within a reasonable time), of the length of the criminal proceedings against him (over seven years and eleven months to date). The Court noted that the case was highly complex and that the applicant, by constantly relying on his procedural rights, had significantly delayed the outcome of the investigation. Noting that the judicial authorities could not be criticised for any unjustified periods of inactivity or delay, the court held unanimously that there had been no violation of Article 6 § 1.

ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; RECOURS EFFECTIF

L’application de la règle de l’immunité parlementaire absolue (Grande Bretagne) ne

saurait passer pour excéder la marge d’appréciation accordée aux Etats lorsque il

s’agit de limiter le droit d’accès d’une personne à un tribunal.

A . c. ROYAUME-UNI 17/12/2002

Non-violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne l'immunité parlementaire ; Non-violation de

l'art. 6-1 en ce qui concerne absence d'assistance judiciaire ; Non-violation de l'art. 8 ; Non-violation de l'art. 14+6 ; Non-violation de

l'art. 13 Cour (deuxième section) Opinion séparées : Costa et Loucaides opinion concordante et une opinion dissidente Jurisprudence : Agee c. Royaume-Uni, n° 7729/76, Commission décision du 17 décembre 1976, Décisions et rapports, DR 7, p. 164 ; Airey c. Irlande, arrêt du 9 octobre 1979, série A n° 32, § 26 ; Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], n° 35763/97, § 47, CEDH 2001-XI ; Boyle et Rice c. Royaume-Uni, arrêt du 27 avril 1988, série A n° 131, § 52 ; Fayed c. Royaume-Uni, arrêt du 21 septembre 1994, série A n° 294-B, § 65, § 67, § 77 ; Fogarty c. Royaume-Uni [GC], n° 37112/97, § 36, CEDH 2001-XI ; Golder c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1975, série A n° 18, § 36 ; James et others c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A n° 98, § 85 ;

Jerusalem c. Autriche, n° 26958/95, §§ 36 et 40, CEDH 2001-II ; McElhinney c. Irlande [GC], n° 31253/96, § 37, CEDH 2001-XI ; McVicar c. Royaume-Uni, n° 46311/99, §§ 46-62, CEDH 2002-III ; Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], n° 26083/94, § 59, CEDH 1999-I ; Young c. Irlande, requête n° 25646/94, DR 84, p. 122 . (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) En juillet 1996, au cours d’un débat parlementaire sur la politique municipale du logement, le député de sa circonscription cita le nom de A., une jeune femme noire mère de deux enfants, déclara que son frère se trouvait en prison, donna son adresse exacte et fit des remarques désobligeantes sur son comportement et celui de ses enfants, les accusant d’être les auteurs d’insultes, d’absentéisme, d’actes de vandalisme et d’activités liées à la drogue. Il qualifia la famille de « voisins infernaux » (neighbours from hell), expression qui fut reprise par la suite dans des journaux locaux et nationaux. Selon A., aucune des allégations invoquées par le député de sa circonscription ne fut jamais étayée ou confirmée par les autorités d’enquête, et beaucoup d’entre elles provenaient de voisins motivés par le racisme et la malveillance. A la suite du discours du député et de la publicité défavorable qui en découla, elle reçut des lettres d’injures racistes. Trois semaines après ce discours, on recommanda à l’organisme de gestion de logements dont elle dépendait d’attribuer d’urgence à l’intéressée et ses enfants un autre logement. Ils furent finalement relogés en octobre 1996 et les enfants durent changer d’école. Le discours du député était protégé par une immunité parlementaire absolue, en vertu de l’article 9 de la Déclaration des Droits de 1689 (Bill of Rights 1689). Les articles de presse, dans la mesure où ils rapportaient le débat parlementaire, étaient couverts par une immunité relative. En vertu des conditions attachées à celle-ci, les articles doivent être équitables et précis et ne perdent le bénéfice de cette immunité que s’ils sont publiés pour des motifs illégitimes ou s’ils dénotent une « indifférence inconsidérée » pour la vérité. A. se plaignait, sous l’angle de l’article 6 § de la Convention, qu’en raison du caractère absolu de l’immunité parlementaire, elle n’avait pas eu accès à un tribunal pour défendre sa réputation,

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 24et dénonçait l’impossibilité d’obtenir l’aide judiciaire dans le cadre d’une procédure de diffamation. Elle invoquait en outre les articles 8, 13 et 14, en ce qu’elle avait été désavantagée par rapport à une personne qui aurait fait l’objet de déclarations équivalentes non protégées par une immunité. Résumé de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept jges, M. Jean-Paul Costa (Français), président, Article 6 § 1 Immunité parlementaire La Cour observe que l’immunité parlementaire dont a bénéficié le député en l’espèce visait les buts légitimes que sont la protection de la liberté d’expression au Parlement et le maintien de la séparation entre les pouvoirs législatif et judiciaire. La Cour affirme que la règle de l’immunité parlementaire, qui s’accorde avec les règles généralement reconnues en vigueur au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, ne saurait en principe être considérée comme infligeant une restriction disproportionnée au droit d’accès à un tribunal tel que le consacre l’article 6 § 1. Tout comme le droit d’accès à un tribunal est inhérent à la garantie d’équité de la procédure prévue dans cet article, certaines restrictions touchant l’accès à un tribunal doivent aussi passer pour en faire partie intégrante. L’immunité octroyée au Royaume-Uni aux députés apparaît à plusieurs égards plus étroite que celle accordée aux membres du corps législatif dans certains autres Etats européens. En particulier, l’immunité ne concerne que les déclarations formulées au cours de débats parlementaires dans l’enceinte de la Chambre des communes ou de la Chambre des lords, et non celles prononcées en dehors de ces lieux, même si elles ne sont que la répétition de propos entendus lors de débats parlementaires sur des questions d’intérêt général. De même, aucune immunité ne couvre les déclarations des députés à la presse publiées avant les débats parlementaires, même si leur teneur est ensuite répétée au cours du débat lui-même. L’immunité absolue dont jouissent les députés est de plus conçue pour protéger les intérêts du Parlement dans son ensemble et non ceux des députés à titre individuel, comme le montre le fait qu’elle ne joue pas en dehors du Parlement. Par contraste, l’immunité qui protège les

personnes rapportant les débats parlementaires et celle dont bénéficient les représentants élus aux collectivités locales sont de nature relative. La Cour observe que les victimes de déclarations diffamatoires prononcées devant le Parlement ne sont pas totalement dépourvues de voies de redressement. Elles peuvent notamment, lorsque les remarques offensantes émanent du député de leur circonscription, adresser une requête au Parlement par l’intermédiaire d’une autre député en vue d’obtenir une rétractation. Dans les cas extrêmes, des déclarations délibérément fausses peuvent être sanctionnées par le Parlement comme un outrage envers lui. Le président de chaque chambre du Parlement exerce un contrôle général sur les débats qui s’y tiennent. La Cour considère que tous ces facteurs sont pertinents pour trancher la question de la proportionnalité de l’immunité dont a bénéficié le député en l’espèce. Il s’ensuit que l’application de la règle de l’immunité parlementaire absolue ne saurait passer pour excéder la marge d’appréciation accordée aux Etats lorsqu’il s’agit de limiter le droit d’accès d’une personne à un tribunal. La Cour souscrit aux arguments de la requérante selon lesquels les allégations formulées à son sujet dans le discours du député étaient extrêmement graves et totalement inutiles dans le cadre d’un débat sur la politique municipale du logement. Il est particulièrement regrettable que le député ait cité à plusieurs reprises son nom et son adresse. La Cour estime que les conséquences malheureuses qu’ont eu sur la vie de la requérante et de ses enfants les remarques du député étaient totalement prévisibles. Cependant, ces considérations ne sauraient modifier sa conclusion quant à la proportionnalité de l’immunité parlementaire en cause, car la création d’exceptions à cette immunité, dont l’application serait alors fonction des faits particuliers à chaque cause, aurait pour effet de saper considérablement les buts poursuivis. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 6 § 1 s’agissant de l’immunité parlementaire dont a bénéficié le député. Assistance judiciaire La Cour constate que la requérante avait droit à l’origine à deux heures de consultation d’avocat gratuites dans le cadre du système « Green Form » (formulaire vert) et qu’après juillet 1998, elle aurait pu engager un solicitor en

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 25bénéficiant d’arrangements spéciaux pour le paiement des honoraires. Même si elle courait le risque d’être condamnée aux dépens si elle perdait la procédure judiciaire qu’elle avait la possibilité d’engager, elle aurait pu évaluer ce risque en connaissance de cause avant de décider d’ester ou non en justice en recourant au système « Green Form ». La Cour conclut que l’absence d’assistance judiciaire aux fins d’engager une procédure en diffamation s’agissant de la déclaration de presse non protégée par l’immunité n’a pas empêché la requérante d’avoir un accès effectif aux tribunaux. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 6 § 1 pour ce qui est de l’absence d’assistance judiciaire. Article 8 Ayant jugé que les questions centrales qui se posent sur le terrain de l’article 8 sont les mêmes que celles soulevées sous l’angle de l’article 6 § 1 quant à l’immunité parlementaire dont a bénéficié le député, la Cour conclut à la non-violation de l’article 8. Article 14 La Cour considère que le grief tiré de l’article 14 soulève des questions identiques à celles déjà examinées au titre de l’article 6 § 1. En tout état de cause, aucun parallèle ne saurait être dressé entre des déclarations formulées lors de débats parlementaires et des propos tenus dans le discours ordinaire de sorte que l’article 14 entre en jeu. Il n’y a donc pas eu violation de cette disposition. Article 13 La Cour rappelle que l’article 13 ne va pas jusqu’à garantir un recours permettant de contester devant une autorité nationale les lois votées au Parlement d’un Etat contractant au motif qu’elles sont contraires à la Convention. La Cour en conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 13. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) A. who lives in Bristol, is a young black woman with two children. During a parliamentary debate on municipal housing policy in July 1996, A.’s Member of Parliament (MP) named her, stated that her brother was in prison, gave her precise address and made derogatory remarks about the behaviour of both her and her children. He mentioned verbal abuse, truancy, vandalism and drug activity and called the family the "neighbours from hell", a phrase which was subsequently quoted in local and national newspapers.

A. states that none of the allegations referred to by her MP had ever been substantiated or upheld by the investigating authorities and that many of them came from neighbours motivated by racism and spite. Following the MP’s speech and the ensuing adverse publicity, she received racist hate-mail. The responsible housing association was advised that she and her children should be moved as a matter of urgency three weeks after the speech was given. They were eventually re-housed in October 1996 and the children were obliged to change schools. The MP’s statement was protected by absolute parliamentary privilege under Article 9 of the Bill of Rights 1689. The press reports, to the extent that they reported the parliamentary debate, were protected by qualified privilege. This privilege requires the reports to be fair and accurate and is only lost if they are published for improper motives or with "reckless indifference" to the truth. A. complained, under Article 6 § 1 of the Convention, that, given the absolute nature of parliamentary privilege, she was denied access to a court to defend her reputation and that legal aid was not available for defamation proceedings. She also relied on Articles 8, 13 and 14 in that she was disadvantaged, compared to a person about whom equivalent statements had been made in an unprivileged context. Decision of the Court Article 6 § 1 Parliamentary Immunity The Court observed that the parliamentary immunity enjoyed by the MP in the present case pursued the legitimate aims of protecting free speech in Parliament and maintaining the separation of powers between the legislature and the judiciary. The Court maintained that a rule of parliamentary immunity, which was consistent with and reflected generally-recognised rules within Member States of the Council of Europe and the European Union, could not in principle be regarded as imposing a disproportionate restriction on the right of access to court as embodied in Article 6 § 1. Just as the right of access to court was an inherent part of the fair trial guarantee in that Article, so some restrictions on access had likewise to be regarded as inherent. The immunity afforded to MPs in the United Kingdom appeared to be in several respects narrower than that afforded to members of legislatures in certain other European States. In particular, the immunity concerned only statements made in the course of parliamentary debates on the floor of the House of Commons or House of Lords and not to statements made outside Parliament, even if they amounted to a repetition

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 26of statements made during the course of Parliamentary debates on matters of public interest. Nor did any immunity attach to an MP’s press statements published prior to parliamentary debates, even if their contents were repeated subsequently in the debate itself. The absolute immunity enjoyed by MPs was moreover designed to protect the interests of Parliament as a whole as opposed to those of individual MPs, as illustrated by the fact that the immunity did not apply outside Parliament. In contrast, the immunity which protected those engaged in the reporting of parliamentary proceedings, and that enjoyed by elected representatives in local government, were qualified in nature. The Court observed that victims of defamatory misstatement in Parliament were not entirely without means of redress. In particular, they could, where their own MP had made the offending remarks, petition the House through any other MP with a view to securing a retraction. In extreme cases, deliberately misleading statements might be punishable by Parliament as a contempt. General control was exercised over debates by the Speaker of each House. The Court considered all these factors to be of relevance to the question of proportionality of the immunity enjoyed by the MP in the present case. It followed that the application of a rule of absolute Parliamentary immunity could not be said to exceed the margin of appreciation allowed to States in limiting an individual’s right of access to court. The Court agreed with the applicant’s submissions to the effect that the allegations made about her in the MP’s speech were extremely serious and clearly unnecessary in the context of a debate about municipal housing policy. The MP’s repeated reference to her name and address was particularly regrettable. The Court considered that the unfortunate consequences of the MP’s comments for the lives of the applicant and her children were entirely foreseeable. However, those factors could not alter the Court’s conclusion as to the proportionality of the parliamentary immunity at issue, since the creation of exceptions to that immunity, the application of which depended upon the individual facts of any particular case, would seriously undermine the legitimate aims pursued. There had, accordingly, been no violation of Article 6 § 1 regarding the parliamentary immunity enjoyed by the MP. Legal Aid The Court noted that the applicant was entitled to an initial two hours’ free legal advice under the "Green Form" scheme and, after July 1998, could have engaged a solicitor under conditional fee

arrangements. Although she would have remained exposed to a potential costs order in the event that any legal proceedings were unsuccessful, she would have been able to evaluate the risks in an informed manner before deciding whether or not to proceed had she taken advantage of the "Green Form" scheme. The Court concluded that the unavailability of legal aid for the purposes of bringing defamation proceedings in respect of the unprivileged press statement did not prevent the applicant from having effective access to court. There had, therefore, been no violation of Article 6 § 1 regarding the unavailability of legal aid. Article 8 Having found that the central issues that arose in relation to the applicant’s Article 8 complaint were the same as those arising in relation to her Article 6 § 1 complaint about the parliamentary immunity enjoyed by the MP, the Court found no violation of Article 8. Article 14 The Court considered that the applicant’s Article 14 complaint raised issues which were identical to those already examined in relation to Article 6 § 1. In any event, no analogy could be drawn between what was said in parliamentary debates and what was said in ordinary speech so as to engage Article 14. There had therefore been no violation of Article 14. Aticle 13 The Court recalled that Article 13 did not go so far as to guarantee a remedy allowing a Contracting State’s primary legislation to be challenged before a national authority on grounds that it was contrary to the Convention. The Court therefore held that there had been no violation of Article 13.

CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; GARANTIES

PROCEDURALES DE CONTROLE ; ARRESTATION OU DETENTION

REGULIERES ; APRES CONDAMNATION ; DISCRIMINATION ; REPARATION {ART 5]

. WAITE c. ROYAUME-UNI

10.12.2002 Violation de l’article 5 §§ 4

et 5 Non-violation des articles 5 § 1 et 14

Cour (quatrième section) n° 00053236/99 Aucune question distincte au regard de l'art. 13 ; Non-violation de l'art. 14 ; 2 500 EUR pour préjudice moral et 8 000 EUR pour frais et dépens.- procédure de la Convention Jurisprudence : Camp et Bourimi c. Pays-Bas, n° 28369/95, CEDH 2000-X, § 37 ;

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 27Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], requête n° 28957/95, § 124, CEDH 2002-... ; De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, arrêt du 18 juin 1971, série A n° 12, pp. 40-41, § 76 ; Hussain c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1996, Recueil 1996-I, pp. 269-270, § 54; Singh c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 285, §§ 8-10, § 39, p. 300, §§ 67-68 ; Stafford c. Royaume-Uni [GC], n° 46295/99, CEDH 2002-IV, §§ 81-83 ; Sutherland c. Royaume-Uni [GC], n° 25186/94, arrêt du 27 mars 2001 ; Thynne, Wilson et Gunnell c. Royaume-Uni, arrêt du 25 octobre 1990, série A n° 190-A, pp. 26-27, § 68, p. 31, § 82 ; Van Droogenbroeck c. Belgique, arrêt du 24 juin 1982, série A n° 50, p. 20, § 20 ; Weeks c. Royaume-Uni, arrêt du 2 mars 1987, série A n° 114, p. 23, § 42, pp. 25-27, §§ 46-51, p. 28, § 56 ; Wynne c. Royaume-Uni, arrêt du 18 juillet 1994, série A n° 294-A, p. 15, § 36.(L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Le requérant, Neville Charles Waite, un ressortissant britannique, est né en 1964 et réside à Londres. Le 12 octobre 1981, à l’âge de 16 ans, il fut reconnu coupable du meurtre de sa grand-mère. A son procès, il plaida en vain la responsabilité atténuée au motif qu’il était toxicomane (il inhalait de la colle depuis plusieurs années). Il fut condamné à une peine de prison pour « la durée qu’il plairait à Sa Majesté » (detention at Her Majesty’s Pleasure) en vertu de l’article 53 § 1 de la loi de 1933 sur les enfants et les adolescents. La période dite « punitive » (tariff), c’est-à-dire le nombre d’années de détention nécessaire pour répondre aux impératifs de répression et de dissuasion, fut fixée à dix ans. Le 26 janvier 1994, à l’âge de 29 ans, il fut libéré sous condition. Le 21 juillet 1997, le ministre approuva la recommandation de la commission de libération conditionnelle de révoquer l’élargissement sous condition du requérant et de le réincarcérer au motif qu’il consommait des substances illicites, avait une relation sexuelle avec un mineur, ne maintenait pas le contact avec son agent de probation et avait tenté de se suicider. Le 5 septembre 1997, la commission de libération conditionnelle examina le dossier du requérant, sans tenir d’audience et, le 14 octobre 1997, confirma la décision de révoquer la libération conditionnelle de l’intéressé.

En juillet 1998, le requérant reçut le dossier de la commission de libération conditionnelle. Avant l’examen de son cas par la commission, il consulta un avocat qui l’informa que l’administration pénitentiaire n’avait pas suivi la procédure applicable à la réintégration conformément aux dispositions transitoires mises en œuvre dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi de 1997 sur les peines criminelles. En vertu de ces dispositions administratives, il aurait dû bénéficier d’une audience contradictoire. Le 30 septembre 1998, le requérant sollicita un contrôle juridictionnel. L’autorisation lui fut accordée le 6 octobre 1998. Le 27 octobre 1998, la commission de libération conditionnelle tint une audience à laquelle le requérant assista et fut représenté par un avocat. L’intéressé fut libéré le 17 novembre 1998. Le 21 décembre 1999, le requérant fut réintégré en prison à la suite de son arrestation pour possession de stupéfiants des catégories A (ecstasy) et B (cannabis). La commission de libération conditionnelle recommanda sa réintégration en prison. Actuellement, le requérant est détenu dans une prison à régime ouvert. Le requérant se plaignait de ne pas avoir bénéficié d’une audience contradictoire lorsqu’il avait été réintégré en prison à la suite de sa libération conditionnelle Selon lui, les motifs de sa réintégration revêtaient un caractère discriminatoire et n’avaient aucun rapport avec le but de sa peine. Il se plaignait en outre de ne pas avoir pu obtenir réparation et de ne pas avoir disposé d’un recours à cet égard. Il invoquait les articles 5 §§ 1, 4 et 5 (droit à la liberté et à la sûreté), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de discrimination). Quant à l’article 5 § 4 (droit d’obtenir qu’un tribunal statue à bref délai sur la légalité de la détention), la Cour européenne des Droits de l’Homme relève que si le 5 septembre 1997 la commission de libération conditionnelle a examiné les observations écrites du requérant concernant sa réintégration en prison, elle n’a pas tenu d’audience contradictoire et l’intéressé n’a pas eu la faculté d’interroger ou de contre-interroger des témoins concernant les allégations selon lesquelles sa conduite était dangereuse pour autrui. Le requérant aurait en fait dû bénéficier d’une telle audience en vertu des dispositions administratives applicables à

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 28l’époque. Etant donné que la personnalité du requérant ainsi que son degré de maturité et son sérieux étaient importants pour décider de sa dangerosité, l’article 5 § 4 exigeait une audience contradictoire dans le cadre d’une procédure emportant représentation par un défenseur et possibilité de citer et d’interroger des témoins. Par conséquent, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 4. En outre, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 5 (droit à réparation) en raison de l’impossibilité, à l’époque des faits, d’obtenir réparation pour un manquement à l’article 5 § 4. Concernant l’article 5 § 1, la Cour rappelle que la conduite du requérant avant sa réintégration en prison avait inquiété son agent de probation pour un certain nombre de raisons. Elle est convaincue que l’arrestation de l’intéressé pour possession de stupéfiants et le fait que celui-ci ait admis qu’il lui était impossible de se libérer de sa toxicomanie ont été déterminants dans la décision de réincarcération. Ces éléments, combinés avec le défaut de coopération de l'intéressé avec son agent de probation, ont permis de conclure que le requérant n’était plus fiable et que son comportement était imprévisible. Eu égard en particulier au fait que l’intéressé était toxicomane lorsqu’il a commis le meurtre en 1981, la Cour estime qu’il existait un lien suffisant entre sa réintégration en prison et la peine pour meurtre qui lui avait été infligée à l’origine pour justifier la mesure de réincarcération. La Cour conclut, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 1. Quant à l’article 14, la Cour relève que la décision de réincarcérer le requérant s’appuyait notamment sur le fait que celui-ci avait une relation avec un mineur. A l’époque, l’âge du consentement pour les actes homosexuels entre hommes consentants était de dix-huit ans, alors que celui pour les relations hétérosexuelles était de seize ans. La Cour estime qu’il ne faut pas nécessairement considérer qu’une relation du requérant, un détenu bénéficiant d’une libération conditionnelle, avec une jeune fille de seize ans n’aurait pas préoccupé le service de probation. Pour apprécier le risque de dangerosité pour autrui d’une personne condamnée pour meurtre, le service de probation aurait inévitablement examiné les relations de l’intéressé, qu’elles fussent ou non passibles de sanctions pénales. En outre, la

relation en question était connue depuis plusieurs mois sans qu’aucune mesure n’ait été prise. Il apparaît que ce sont l’arrestation du requérant pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et le fait que celui-ci n’ait pas maintenu le contact avec son agent de probation qui ont suscité de vives inquiétudes. Par conséquent, bien que la relation en question fut invoquée dans les rapports, la Cour estime qu’elle ne saurait passer pour avoir joué un rôle déterminant dans la réintégration en prison de l’intéressé. Dès lors, il n’a pas été établi que le requérant ait fait l’objet d’une différence de traitement dans la jouissance de ses droits en raison de son orientation sexuelle. Partant, la Cour conclut, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14. La Cour estime également qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 13. Elle octroie au requérant 2 500 EUR pour préjudice moral et 8 000 EUR pour frais et dépens. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Neville Charles Waite, a United Kingdom national, was born in 1964 and lives in London. Aged 16, he was convicted of the murder of his grandmother on 12 October 1981. At his trial, he had unsuccessfully raised the defence of diminished responsibility, as he had been addicted to glue sniffing for several years. He was sentenced to detention at Her Majesty’s Pleasure under section 53(1) of the Children and Young Persons Act 1933. His tariff (the portion of sentence representing punishment and deterrence) was set at 10 years. On 26 January 1994, aged 29, he was released on life licence. On 21 July 1997, the Secretary of State accepted a recommendation from the Parole Board to revoke the applicant’s licence and recall him to prison on the grounds that he had been misusing illegal drugs, having a sexual relationship with a minor, failing to maintain contact with his supervising officer and that he had attempted suicide. On 5 September 1997, the Parole Board considered the applicant’s case, without holding an oral hearing, and, on 14 October 1997, upheld the decision to revoke his licence. In July 1998, the applicant received his parole dossier. On seeking legal advice prior to his Parole Board review, the applicant was advised that the Prison Service had failed to apply the procedure applicable to his recall under the interim arrangements implemented pending the entry into force of the Crime Sentences Act 1997. Under those administrative provisions, he should have received an oral hearing. On 30 September 1998, the applicant applied for judicial review. Leave was granted on 6 October 1998. An oral hearing was held by the Parole Board on 27 October 1998, at which the applicant was present and represented. He was released on 17 November 1998.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 29On 21 December 1999, the applicant was again recalled to prison, following his arrest for possession of a Class A drug (ecstasy) and a Class B drug (cannabis). His recall was recommended by the Parole Board. He is currently being detained in an open prison. The applicant alleged that he had no oral hearing when he was recalled to prison, that the grounds of his recall were discriminatory, not connected with the purpose of his sentence and that he had no opportunity to obtain compensation or any remedy. He relied on Articles 5 §§ 1, 4 and 5 (right to liberty and security), 13 (right to an effective remedy) and 14 (prohibition of discrimination) of the European Convention on Human Rights. Concerning Article 5 § 4 (right to have lawfulness of detention decided speedily by a court), the European Court of Human Rights noted that, while the Parole Board considered the applicant’s written representations concerning his recall on 5 September 1997, no oral hearing took place and the applicant had no opportunity to examine or cross-examine witnesses relevant to the allegations that his conduct posed a risk to the public. The applicant should in fact have received such a hearing under the administrative provisions which applied at that time. As the applicant’s personality and level of maturity and reliability were of importance in deciding on his dangerousness, Article 5 § 4 required an oral hearing in the context of an adversarial procedure involving legal representation and the possibility of calling and questioning witnesses. The Court therefore held, unanimously, that there had been a violation of Article 5 § 4. The Court further held, unanimously, that, as there was no possibility of obtaining compensation at the time concerning the breach of Article 5 § 4, there had also been a violation of Article 5 § 5 (right to compensation). Concerning Article 5 § 1, the Court recalled that the applicant’s conduct prior to his recall was causing concern to his supervising probation officer on a number of grounds. The Court was satisfied that the decision to recall was, to a decisive degree, influenced by the applicant’s arrest for drugs possession and his admission that his drugs habit was beyond his control. This, combined with his failure to co-operate with his probation officer, provided rounds for concluding that he was no longer reliable and that his conduct was unpredictable. Having regard, in particular, to the fact that the offence of murder in 1981 was committed against a background of substance abuse, the Court found sufficient connection between the recall and the original sentence for murder in 1981 to justify his recall. The Court held, unanimously, that there had been no violation of Article 5 § 1. Regarding Article 14, the Court noted that the decision for the applicant’s recall included reference to his relationship with a minor, who was male. At that time, the age of consent for male consensual adult homosexual relations was set at 18, while the age of consent for heterosexual relations was 16. The Court did not consider that it must necessarily be assumed that it would not have been of concern to the probation service if the applicant, a prisoner on life licence, had become involved in a relationship with a girl of 16 years. In their assessment of any risk of dangerousness to the public of a person convicted of murder, it would

have been inevitable that his relationships would have come under scrutiny, whether contrary to criminal law or not. Furthermore the relationship was known about for some months without any action being taken. It appeared that it was the applicant’s arrest for drugs offences and his failure to keep in contact with his probation officer which gave rise to serious alarm. While therefore the relationship was referred to in the reports, the Court did not find that it could be considered as playing a determinative role in his recall to prison. It had therefore not been established that the applicant had been treated differently in the enjoyment of his rights on the grounds of sexual orientation. The Court therefore held, unanimously, that there had been no violation of Article 14. The Court also found that no separate issue arose under Article 13. (The judgment is available only in English.) Excerpts from judgement given by a Chamber, Mr Matti Pellonpää (Finnish),President, “ALLEGED VIOLATION OF ARTICLE 5 § 4 OF THE CONVENTION “A. The parties’ submissions 54. The applicant submitted that he did not disagree that the Parole Board was a court for the purposes of Article 5 § 4 when deciding whether or not to confirm recall of a prisoner following revocation of a licence. The critical issue was whether this provision was violated by the failure to afford the applicant an oral hearing with adversarial procedures before the Board in September 1997. He argued that issues arose concerning his character and mental state, e.g. his psychological state resulting in his previous suicide attempt and the significance of his drugs abuse which rendered an oral hearing essential to the fairness of the proceedings (relying on Hussain v. the United Kingdom and Singh v. the United Kingdom, cited above). He pointed out that at the subsequent oral hearing that did take place some time later all the issues were fully examined and the panel came to the conclusion that he had not posed any risk of violence and directed his release. 55. The Government submitted that on his recall to prison the applicant had access to a court satisfying the requirements of Article 5 § 4 of the Convention. The Parole Board which authorised his continuing detention was independent of the executive and the parties and had the power to direct the Secretary of State to order the applicant’s release. While minors and persons of unsound mind were

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 30entitled to an oral hearing, with representation, this was not always the case. An oral hearing was not essential to the fairness of the proceedings in the applicant’s case as he did not dispute the facts that led to his recall, as he had been provided with all the materials before the Board and had made written representations to the Board and on the basis of the facts admitted, the Board was bound to conclude that public protection required that he be confined. The review took place approximately six weeks after recall and was therefore prompt. The decision in October 1998 to direct release was based on the progress that he had made since his first recall to prison. The applicant’s second recent recall on drug related matters to prison indicated that he continued to raise matters of grave concern having regard to the circumstances in which the original murder offence came to be committed. B. The Court’s assessment 56. The Court recalls that where a national court, after convicting a person of a criminal offence, imposes a fixed sentence of imprisonment for the purposes of punishment, the supervision required by Article 5 § 4 is incorporated in that court decision (see De Wilde, Ooms and Versyp v. Belgium, judgment of 18 June 1971, Series A no. 12, pp. 40-41, § 76, and Wynne v. the United Kingdom, judgment of 18 July 1994, Series A no. 294-A, p. 15, § 36). This is not the case, however, in respect of any ensuing period of detention in which new issues affecting the lawfulness of the detention may arise (see Weeks v. the United Kingdom, judgment of 2 March 1987, Series A no. 114, p. 28, § 56, and Thynne, Wilson and Gunnell v. the United Kingdom, (cited above, pp. 26-27, § 68). Thus, in the Hussain judgment (cited above, pp. 269-70, § 54), the Court decided in respect of a young offender detained during Her Majesty’s pleasure that, after the expiry of the tariff period, Article 5 § 4 required that he should be able periodically to challenge the continuing legality of his detention since its only justification could be dangerousness, a characteristic subject to change. Where in the Singh case (cited above, p. 285, §§ 8-10), the applicant was recalled to prison after release on licence due to alleged concerns about his conduct, the Court on the same basis found issues of lawfulness potentially arose

concerning the grounds for his continued detention which attracted the guarantees of Article 5 § 4. 57. In this case, the applicant was released on life licence in January 1994 after expiry of his tariff. He was recalled to prison on 21 July 1997 by the Secretary of State on recommendation of the Parole Board following concerns as to his conduct, which included misuse of drugs, a sexual relationship with a minor, attempted suicide and failure to keep contact with his supervising probation officer. The Court finds, in light of the above case-law, that the applicant was entitled under Article 5 § 4 to proceedings to have any issues of lawfulness of this re-detention determined by a court. 58. While the Parole Board considered the applicant’s written representations concerning his recall on 5 September 1997, no oral hearing took place and the applicant had no opportunity to examine or cross-examine witnesses relevant to the allegations that his conduct posed a risk to the public. The applicant should in fact have received such a hearing under the administrative provisions applying pending the entry into force of the Crime Sentences Act 1997. The Government have argued that this oversight was not material in the applicant’s case, as he had admitted the facts leading to recall and on the basis of those facts the Board was bound to conclude that public protection required that he be confined. 59. The Court is not persuaded by the Government’s argument which appears to be based on the speculative assumption that whatever might have occurred at an oral hearing the Board would not have exercised its power to release. Article 5 § 4 is first and foremost a guarantee of a fair procedure for reviewing the lawfulness of detention – an applicant is not required, as a precondition to enjoying that protection, to show that on the facts of his case he stands any particular chance of success in obtaining his release. In matters of such crucial importance as the deprivation of liberty and where questions arise involving, for example, an assessment of the applicant’s character or mental state, the Court’s case-law indicates that it may be essential to the fairness of the proceedings that the applicant be present at an oral hearing. In such a case as the present, where

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 31characteristics pertaining to the applicant’s personality and level of maturity and reliability are of importance in deciding on his dangerousness, Article 5 § 4 requires an oral hearing in the context of an adversarial procedure involving legal representation and the possibility of calling and questioning witnesses (see the above-mentioned Singh judgment, p. 300, §§ 67-68). 60. The Court concludes that there has been in that respect a violation of Article 5 § 4 of the Convention. II. ALLEGED VIOLATION OF ARTICLE 5 § 1 OF THE CONVENTION 61. Article 5 § 1 of the Convention provides as relevant: “1. Everyone has the right to liberty and security of person. No one shall be deprived of his liberty save in the following cases and in accordance with a procedure prescribed by law: (a) the lawful detention of a person after conviction by a competent court...” A. The parties’ submissions 62. The applicant argued that there was no sufficient connection between his recall to prison and the circumstances of the original offence to justify his detention under Article 5 § 1(a). His failure to keep appointments was not an adequate ground for recall, while the misuse of drugs bore no similarity to his behaviour prior to the original offence, which was located in a climate of authoritarian family relationships, bullying and lack of support. His attempt at suicide was an illegitimate ground for detention, showing no danger to the public, while his relationship with MM was supportive rather than abusive. 63. The Government submitted that the applicant’s detention after recall was justified by his original sentence for murder. There was a causal link between that sentence and his recall as his admitted failure to keep appointments with his probation officers, his abuse of drugs and unstable behaviour were sufficient grounds to conclude that he constituted a danger to the public. The circumstances of his recall also bore sufficient similarity to the original offence to cause concern. B. The Court’s assessment

64. The question arises whether the continued detention of the applicant after recall on 21 July 1997 under the original life sentence imposed on him for murder in 1981 complied with the requirements of Article 5 § 1 of the Convention. 65. It is not contested that this detention was in accordance with a procedure prescribed by English law and otherwise lawful under English law. The Court’s case-law indicates however that it may be necessary to look beyond the appearances and the language used and concentrate on the realities of the situation (Van Droogenbroeck v. Belgium, judgment of 24 June 1982, Series A no. 50, p. 20, § 20). In Weeks v. the United Kingdom (cited above, p. 23, § 42), which concerned the recall to prison by the Secretary of State of an applicant who had been released from a discretionary life sentence for robbery, the Court interpreted the requirements of Article 5 as applying to the situation as follows: “The lawfulness required by the Convention presupposes not only conformity with domestic law but also, as confirmed by Article 18, conformity with the purposes of the deprivation of liberty permitted by the sub-paragraph (a) of Article 5 § 1 (see as the most recent authority the Bozano judgment of 18 December 1986, Series A no. 111, p. 23, § 54). Furthermore, the word ‘after’ in sub-paragraph (a) does not simply mean that the detention must follow the ‘conviction’ in point of time: in addition, the ‘detention’ must result from, ‘follow and depend upon’ or occur ‘by virtue’ of the ‘conviction’ (ibid., pp. 22-23, § 3, and the Van Droogenbroeck judgment ... p. 19, § 35). In short, there must be a sufficient causal connection between the conviction and the deprivation of liberty at issue (see the above mentioned Van Droogenbroeck judgment, p. 21, § 39).” 66. The Court recalls that in the Weeks case it was found that the discretionary life sentence imposed on the applicant was an indeterminate sentence expressly based on considerations of his dangerousness to society, factors which were susceptible by their very nature to change with the passage of time. On that basis, his recall, in light of concerns about his unstable, disturbed and aggressive behaviour, could not be regarded as arbitrary or unreasonable in terms of the objectives of the sentence imposed

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 32on him and there was sufficient connection for the purposes of Article 5 § 1(a) between his conviction in 1966 and recall to prison in 1977 (judgment cited above, pp. 25-27, §§ 46-51). More recently, in Stafford v. the United Kingdom ([GC], no. 46295/99, ECHR 2002-IV, §§ 81-83), the Court found a breach of Article 5 § 1 where the detention after recall of an adult mandatory life prisoner was based on the risk of non-violent offending unconnected with the basis of his original detention of murder many years before. 67. The Court recalls that in this case the applicant’s conduct prior to his recall was causing concern to his supervising probation officer on a number of grounds. The decision for his recall made by the Secretary of State identified four concerns – misuse of drugs, involving arrest for possession, a sexual relationship with a minor, failure to maintain contact with his probation officer and to be honest with her and his attempted suicide. The applicant has argued that these grounds did not disclose any risk of danger to the public which could be related to his original conviction for murder, inter alia as his relationship with the minor was not abusive, the drugs incident was not in any way assimilable to the circumstances of the murder and his attempted suicide disclosed only a risk to himself. 68. The Court notes that the probation officer was aware from April 1997 of the applicant’s relationship with a minor but that this did not lead to any specific action. It was not until his arrest for possession of drugs, attempted suicide and failure to attend meetings with his probation officer that it appears that serious consideration was given to the question whether he was showing signs of posing a risk to the public. While it is true that his probation officer took the view that he was primarily a risk to himself and the Assistant Chief Probation Officer referred specifically to the relationship with the minor, the Court is satisfied that the decision to recall was nonetheless to a decisive degree influenced by his arrest for drugs possession and his admission that his drugs habit was beyond control. This, combined with his failure to co-operate with his probation officer who was supervising his rehabilitation in the community, provided, in the Court’s view, grounds for concluding that he was no longer reliable and

that his conduct was unpredictable. Having regard to the circumstances of this case and, in particular, having regard to the fact that the offence of murder in 1981 was committed against a background of substance abuse, the Court finds sufficient connection, as required by the notion of lawfulness in Article 5 § 1(a) of the Convention, between the recall and the original sentence for murder in 1981. 69. The Court concludes that there has been no violation of Article 5 § 1 disclosed in the present case. III. ALLEGED VIOLATION OF ARTICLE 5 § 5 OF THE CONVENTION 70. Article 5 § 5 of the Convention provides: “Everyone who has been the victim of arrest or detention in contravention of the provisions of this article shall have an enforceable right to compensation.” 71. The applicant complained that he had no enforceable right to compensation in respect of the violation of Article 5 § 4 above. 72. The Government argued that his detention had been lawful in domestic terms and also in compliance with the Convention. In any event, it was not the lack of oral hearing which had been causative of his detention, but rather the unacceptable risk that he posed to the public. 73. The Court has found above a violation of Article 5 § 4 in that the applicant did not receive a review of the lawfulness of his detention in accordance with the requirements of that provision. No possibility of obtaining compensation existed at that time in domestic law in respect of that breach of the Convention. The applicability of Article 5 § 5 is not dependent on a domestic finding of unlawfulness or proof that but for the breach the person would have been released (see Thynne, Wilson and Gunnell, p. 31, § 82, and the authorities cited therein). 74. There has, accordingly, been a violation of Article 5 § 5 of the Convention. IV. ALLEGED VIOLATION OF ARTICLE 14 OF THE CONVENTION 75. The applicant complained that he had been discriminated against in the enjoyment of his rights under Articles 5 and 8 of the Convention. 76. Article 14 provides: “The enjoyment of the rights and freedoms set forth in [the] Convention shall be secured without discrimination on any ground such as

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 33sex, race, colour, language, religion, political or other opinion, national or social origin, association with a national minority, property, birth or other status.” Article 5 is set out above (paragraph 61) while Article 8 provides as relevant in its first sentence: “1. Everyone has the right to respect for his private ... life...” A. The parties’ submissions 77. The applicant submitted that the decision to recall him on grounds of his relationship with a 16-year-old boy breached Articles 5 and 8 of the Convention in conjunction with Article 14. He was engaged in a consensual homosexual relationship and there was no suggestion that it was abusive. If he had been engaged in a relationship with a 16-year-old girl, this would have been lawful and constituted neither a criminal offence nor grounds for recall to prison. The applicant noted that the Government appeared to concede that if his homosexual relationship had formed a basis for recall that there would have been a violation of Article 8, referring to the case of Sutherland v. the United Kingdom ([GC], no. 25186/94, judgment of 27 March 2001). He disputed their assertion that this was not a reason for his recall, pointing out that it was included in the grounds of the decision and would not have figured there if it had been irrelevant. The relationship had the taint of illegality because of the discriminatory laws existing as to the age of consent for homosexual activity and it was very unlikely that a mutually supportive relationship with a 16-year-old girl would have been advanced as a ground of recall. 78. The Government submitted that the applicant was not discriminated against on the basis of his sexual orientation. They pointed out that his association with MM was known from April 1997 and did not lead by itself to his recall to prison. The reference to that relationship in the reasons for recall had to be read in context, namely the fact that MM was aged 16 and a vulnerable individual was relevant to the question whether he posed a risk to the public when taken in association with his drug abuse and unstable behaviour. Furthermore, the applicant was not recalled to prison simply due to that relationship. The principal reason was his admitted drug abuse

in circumstances where the original murder offence had been committed under the influence of “glue sniffing”. B. The Court’s assessment 79. For the purposes of Article 14 a difference in treatment between persons in analogous or relevantly similar positions is discriminatory if it has no objective and reasonable justification, that is if it does not pursue a legitimate aim or if there is not a reasonable relationship of proportionality between the means employed and the aim sought to be realised. Moreover, the Contracting States enjoy a margin of appreciation in assessing whether and to what extent differences in otherwise similar situations justify a different treatment (see Camp and Bourimi v. the Netherlands, no. 28369/95, ECHR 2000-X, § 37). 80. The Court recalls that in this case the decision for the applicant’s recall included reference to his relationship with a minor who was male. At that time, the age of consent for male consensual adult homosexual relations was set at 18, while the age of consent for heterosexual relations was 16. The age for male homosexuals was not brought down to 16 until a few years later when the Sexual Offences (Amendment) Act 2000 came into force. The Court does not consider that it must necessarily be assumed that it would not have been of concern to the probation service if the applicant, a prisoner on life licence, had become involved in a relationship with a girl of 16 years. In their assessment of any risk of dangerousness to the public of a person convicted of murder, it would have been inevitable that his relationships, as with other aspects of his life affecting his stability, would have come under scrutiny, whether contrary to the criminal law or not. Furthermore, as the Government points out, the relationship with MM was known for some months without any action being taken. It appears that it was his arrest for drugs offences and his failure to keep in contact with his probation officer which gave rise to serious alarm. While therefore the relationship with MM was referred to in the reports, the Court does not find that it can be considered as playing a determinative role in his recall to prison.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 3481. In the circumstances, it has not been

established that the applicant has been treated differently in the enjoyment of his rights under Articles 5 or 8 of the Convention on grounds of his sexual orientation. There has therefore been no violation of Article 14 of the Convention.”

CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; AUSSITOT TRADUITE

DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; INTRODUIRE UN RECOURS

; REPARATION UNANIMITÉ À LA COUR

pour Sevil Dalkiliç

DALKILIC c. TURQUIE 05/12/2002

Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 5-4 ; Violation de l'art. 5-5

Cour (troisième section) n° 00025756/94 5 500 EUR pour dommage moral ;1 500 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Droit en cause Loi nº 2845, article 16 Jurisprudence : Arrêt Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2282, § 78 ; Arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, série A no 145-B, p. 33, § 61 et § 62 ; Arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, série A no 12 ; Arrêt Demir et autres c. Turquie, 23 septembre 1998, Recueil 1998-IV, p. 265, § 41 ; Arrêt Murray c. Royaume-Uni, 28 octobre 1994, série A no 300, p. 27, § 58 ; Arrêt Neumeister c. Autriche, 27 juin 1968, série A no 8 ; Arrêt Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, §§ 49-53 et 79, CEDH 1999-II ; Arrêt Sakik et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2623, §§ 44, 53 et 60 . (L’arrêt n’existe qu’en français.)

Sevil Dalkiliç est avocate. Elle est actuellement

détenue à la maison d'arrêt de Kirsehir. A l'époque des faits, elle était membre de

l'Association des droits de l'homme et du Parti social-démocrate populaire (SHP).

Le 2 mars 1994 vers 2 h 30, la requérante fut arrêtée par la police à Kirsehir. Elle fut placée en garde à vue jusqu'au 17 mars 1994. Il lui était reproché d'avoir porté assistance à une bande armée illégale, à savoir le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan).

Le 17 mars 1994, la requérante fut traduite devant le juge assesseur près la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara qui ordonna sa mise en détention provisoire. Par un acte d'accusation présenté le 21 avril 1994, le procureur de la République près la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara intenta une action pénale contre la requérante, sur la base des articles 168 et 264 § 6 du code pénal, réprimant la formation des bandes armées pouvant commettre des délits contre l'Etat et les pouvoirs publics et l'usage de violence en utilisant des explosifs et des armes prohibées. Par un arrêt du 7 février 1995, la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara condamna la requérante à trente ans d'emprisonnement ainsi qu'à une amende. La Cour de cassation confirma le jugement de première instance. Extraits de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept juges, M. Ireneu Cabral Barreto (Portugais),président, « A. Article 5 § 3 de la Convention 18. La requérante allègue qu'au mépris de l'article 5 § 3 de la Convention, elle n'a pas été traduite « aussitôt » devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires. 19. Le Gouvernement fait valoir que la requérante a été placée en garde à vue dans le cadre d'une instruction visant plusieurs accusés et menée conformément à la législation en la matière. Il soutient que les soupçons ayant fondé l'arrestation de la requérante ont été confirmés par sa condamnation à trente ans d'emprisonnement pour des infractions relevant du terrorisme. 20. La Cour a déjà admis à plusieurs reprises par le passé que les enquêtes au sujet d'infractions terroristes confrontent indubitablement les autorités à des problèmes particuliers (voir, entre autres, les arrêts Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, série A no 145-B, p. 33, § 61, Murray c. Royaume-Uni, 28 octobre 1994, série A no 300, p. 27, § 58, Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2282, § 78, Sakik et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2623, § 44, et Demir et autres c. Turquie, 23 septembre 1998, Recueil 1998-IV, p. 265, § 41). Cela ne signifie pas, toutefois, que celles-ci aient carte

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 35blanche, au regard de l'article 5, pour arrêter et placer en garde à vue des suspects, à l'abri de tout contrôle effectif par les tribunaux internes et, en dernière instance, par les organes de contrôle de la Convention, chaque fois qu'elles choisissent d'affirmer qu'il y a infraction terroriste (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Murray précité). 21. Dans l'affaire Brogan et autres précitée (p. 33, § 62), la Cour a conclu qu'une période de garde à vue de quatre jours et six heures sans contrôle judiciaire allait au delà des strictes limites de temps fixées par l'article 5 § 3, même quand elle a pour but de prémunir la collectivité dans son ensemble contre le terrorisme. 22. En l'espèce, la garde à vue de la requérante a débuté avec son arrestation le 2 mars 1994 et a pris fin le 17 mars 1994, lorsqu'elle a comparu devant le juge assesseur près la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara. Sa garde à vue a donc duré quinze jours. A supposer même que les activités reprochées à la requérante aient présenté un lien avec une menace terroriste, la Cour ne saurait admettre qu'il ait été nécessaire de la détenir pendant quinze jours sans intervention judiciaire. 23. En conclusion, la Cour estime qu'une durée de garde à vue de quinze jours n'est pas conforme à la notion de promptitude, telle qu'elle se dégage de la jurisprudence précitée. Partant, il y a eu violation de l'article 5 § 3 de la Convention. B. Article 5 § 4 de la Convention 24. La requérante affirme n'avoir disposé d'aucune voie de recours afin de contester sa garde à vue en violation de l'article 5 § 4 de la Convention. 25. Le Gouvernement ne se prononce pas en la matière. 26. La Cour relève à cet égard que la notion de tribunal, au sens de l'article 5 § 4, implique avant tout que l'autorité appelée à statuer doit avoir un caractère judiciaire, c'est à dire être indépendante du pouvoir exécutif (voir les arrêts Neumeister c. Autriche, 27 juin 1968, série A no 8, De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, série A no 12, et, mutatis mutandis, Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, §§ 49-53, CEDH 1999-II). 27. La Cour rappelle que dans l'affaire Sakik et autres précitée (§ 53), elle a déjà relevé qu'il

n'existait pas, dans la procédure devant une cour de sûreté de l'Etat, de voie de recours adéquate et effective qui permettrait de mettre en cause la conformité d'un placement en garde à vue aux impératifs de la Convention. 28. En conclusion, il y a eu violation de l'article 5 § 4 de la Convention. C. Article 5 § 5 de la Convention 29. Alléguant la violation de l'article 5 § 5 de la Convention, la requérante soutient que la durée de sa garde à vue étant conforme à la législation interne, elle n'était pas en droit de réclamer une réparation. 30. Le Gouvernement ne se prononce pas en la matière. 31. La Cour note que, selon la législation turque à l'époque des faits, le délai maximum de la garde à vue dans la procédure devant les cours de sûreté de l'Etat s'élevait à quinze jours pour ce qui est des infractions collectives. Ainsi, un éventuel recours en réparation se fondant sur une telle durée n'aurait pas eu de chance de succès devant les instances nationales (arrêt Sakik et autres précité, § 60). 32. Partant, il y a eu violation de l'article 5 § 5 de la Convention. » Sevil Dalkýlýç is a Turkish lawyer. She was born in 1960 and is currently imprisoned in Kýþehir Prison. At the material time she was a member of the Human Rights Association and the People’s Social Democratic Party (SHP). The applicant was arrested by the police on 2 March 1994 on suspicion of having assisted an illegal armed group, namely the PKK. She was held in police custody until 17 March 1994, when she was brought before a judge who ordered her to be placed in pre-trial detention. On 7 February 1995 she was sentenced to 30 years’ imprisonment by the National Security Court under legal provisions relating to the prevention of the formation of armed groups capable of committing crimes against the State and public authorities and violent acts with explosives and illegal weapons. Relying on Article 5 §§ 3, 4 and 5 (right to liberty and security), the applicant complained that she had not been brought "promptly" before a judge after her arrest, that she had had no remedy by which to challenge her detention in police custody and that she had been unable to seek compensation for the excessive length of her detention in police custody. The Court accepted that the investigation of terrorist offences undoubtedly presented the authorities with special problems, but that did not mean that they had carte blanche to arrest suspects and take them into police custody, free from all judicial scrutiny, whenever they asserted that there had been a terrorist offence. In the present case the applicant had been held in police custody for 15 days. Even supposing that there had been

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 36a link between her activities and a terrorist threat, such a lengthy period was incompatible with the concept of promptness as set out in the Court’s case-law. The Court accordingly held unanimously that there had been a violation of Article 5 § 3 of the Convention. The Court’s case-law was also authority for the finding that in proceedings before national security courts there was no adequate and effective means of challenging the compatibility of detention in police custody with the requirements of the Convention. Consequently, the Court concluded unanimously that there had been a violation of Article 5 § 4 of the Convention. Lastly, the Court noted that, according to the Turkish legislation applicable at the material time, the maximum length of detention in police custody in connection with proceedings in national security courts was 15 days in the case of collective offences. A compensation claim grounded on detention for such a period would have had no prospects of success in the domestic courts. The Court accordingly held unanimously that there had been a violation of Article 5 § 5 of the Convention .(The judgment is available only in French.)

DROIT A REPARATION {ART 5}

Le droit à réparation énoncé à l’article 5 § 5 suppose qu’une violation de l’un des autres

paragraphes de cette disposition ait été établie par une autorité nationale ou par les organes de la Convention. En l’espèce, les autorités

nationales n’ont pas déclaré que la détention provisoire ou l’assignation à domicile du requérant étaient illégales ou contraires à

l’article 5 de la Convention. N.C. c. Italie 18/12/2002

Non-violation de l'art. 5-5 Cour (Grande chambre) Droit en cause Code de procédure pénal, article 315 Jurisprudence : Ciulla c. Italie, arrêt du 22 février 1989, série A n° 148, p. 18, § 44 ; Padovani c. Italie, arrêt du 26 février 1993, série A n° 257-B, p. 20, § 24 ; Pisano c. Italie [GC] (radiation), 24 octobre 2002, n° 36732/97, § 47 ; Sakik et autres c. Turquie, arrêt du 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2626, § 60 ; Wassink c. Pays-Bas, arrêt du 27 septembre 1990, série A n° 185-A, p. 14, § 38 . Soupçonné d’avoir commis les infractions d’abus de pouvoir et de corruption dans l’exercice de ses fonctions de directeur technique, conseiller technique et économique, et représentant spécial et agent de la société X, N. C. fut arrêté le 3 novembre 1993. Selon les déclarations de témoins, il lui était reproché

d’avoir fait nommer Y, directeur de l’urbanisme de la municipalité de Brindisi, aux fonctions d’ingénieur en chef d’un projet de construction de route et de maître d’œuvre en second pour les travaux de construction du nouveau centre de détention de Lecce, en contrepartie de fausses déclarations faites par ce dernier au bénéfice de la société X. Par une décision du 13 novembre 1993, le tribunal de Brindisi rejeta la demande de mise en liberté formée par le requérant, au motif qu’il y avait à son encontre un « grave indice de culpabilité » (gravi indizi di colpevolezza) mais, relevant que son casier judiciaire était vierge, le tribunal accéda à sa demande subsidiaire et l’assigna à domicile. Le requérant demanda l’annulation de l’ordonnance d’assignation à domicile étant donné qu’il avait démissionné de son poste de directeur technique de la société X, et, le 20 décembre 1993, le tribunal de Brindisi ordonna sa libération immédiate. Par un jugement du 15 avril 1999, le tribunal de Brindisi acquitta le requérant au motif que les faits reprochés ne s’étaient pas produits (perché il fatto non sussiste). Ce jugement devint définitif le 14 octobre 1999. Invoquant l’article 5 § 5 de la Convention, le requérant alléguait que le droit italien ne lui avait pas permis de demander réparation du préjudice subi en raison d’une détention provisoire, qui selon lui, n’avait pas respecté l’article 5 §§ 1 c) et 3 de la Convention. Extraits de l’arrêt rendu par la Grande Chambre composée de 17 juges, M. Luzius Wildhaber (Suisse), président « … 49. La Cour rappelle que le paragraphe 5 de l’article 5 se trouve respecté dès lors que l’on peut demander réparation du chef d’une privation de liberté opérée dans des conditions contraires aux paragraphes 1, 2, 3 ou 4 (Wassink c. Pays-Bas, arrêt du 27 septembre 1990, série A no 185-A, p. 14, § 38). Le droit à réparation énoncé au paragraphe 5 suppose donc qu’une violation de l’un de ces autres paragraphes ait été établie par une autorité nationale ou par les institutions de la Convention. 50. La Cour relève qu’en l’espèce les autorités italiennes n’ont pas déclaré que la détention provisoire ou l’assignation à domicile du requérant étaient illégales ou autrement

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 37contraires aux paragraphes 1 à 4 de l’article 5. Le requérant a présenté devant la Cour de nombreux arguments, à la fois juridiques et factuels, pour démontrer que les paragraphes 1 c) et 3 de la disposition en question avaient été méconnus dans son cas. Il a notamment affirmé que, contrairement aux articles 273 et 274 du CPP, il n’existait aucun indice grave de sa culpabilité et il ne subsistait aucun risque réel de récidive en l’espèce. Cela démontrerait, selon lui, que sa privation de liberté n’était pas justifiée au sens de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 5 et n’avait pas été ordonnée « selon les voies légales ». Enfin, le requérant a soutenu que la durée de la mesure de précaution était déraisonnable. 51. Cependant, la Cour n’estime pas nécessaire de se pencher sur la question de savoir si les paragraphes 1 c) et 3 de l’article 5 ont été enfreints en l’espèce, car, à supposer même que les exigences de ces dispositions n’aient pas été respectées, il n’y a dans l’affaire du requérant aucune apparence de violation du paragraphe 5 de l’article 5. 52. A cet égard, la Cour rappelle que la jouissance effective du droit à réparation garanti par cette dernière disposition doit se trouver assurée à un degré suffisant de certitude (Sakik et autres c. Turquie, arrêt du 26 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, p. 2626, § 60, et Ciulla c. Italie, arrêt du 22 février 1989, série A no 148, p. 18, § 44). 53. En l’espèce, la Cour observe que l’article 314 du CPP prévoit la possibilité pour toute personne ayant été acquittée d’introduire une demande en réparation au motif que les faits reprochés ne se sont pas produits, qu’elle n’a pas commis les faits, que les faits ne sont pas constitutifs d’une infraction ou ne sont pas érigés en infraction par la loi (voir paragraphe 40 ci-dessus). Ce droit à réparation est exclu seulement si l’intéressé a contribué à provoquer sa privation de liberté intentionnellement ou par faute lourde, condition qui ne semble pas présente dans le cas du requérant. 54. Or, le 15 avril 1999, le requérant a été acquitté sur le fond par le tribunal de Brindisi au motif que les faits reprochés ne s’étaient pas produits. Cette décision est devenue définitive le 14 octobre 1999 (voir paragraphes 27 et 28 ci-dessus). A partir de ce moment, le requérant

aurait pu introduire une demande fondée sur l’article 314 du CPP. Il s’ensuit que l’ordre juridique italien garantissait au requérant, à un degré suffisant de certitude, un droit à réparation pour la détention provisoire qu’il avait subie. 55. Il est vrai que ce droit a pris naissance au moment où le jugement d’acquittement du tribunal de Brindisi est devenu définitif et que s’il avait été condamné, le requérant n’aurait, semble-t-il, pu obtenir aucune compensation pour avoir été détenu alors que le risque de récidive était prétendument inexistant ou pour la durée prétendument excessive de sa privation de liberté (voir paragraphe 40 ci-dessus). 56. Toutefois, ces circonstances ne sauraient être considérées comme décisives. En effet, il n’incombe pas à la Cour d’examiner in abstracto la législation et la pratique pertinentes, mais de rechercher si la manière dont elles ont touché le requérant a enfreint la Convention (voir, mutatis mutandis, Padovani c. Italie, arrêt du 26 février 1993, série A no 257-B, p. 20, § 24). 57. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, le requérant avait la possibilité, aux termes de l’article 314 du CPP, de demander réparation pour sa privation de liberté, sans être appelé à prouver que sa détention avait été illégale ou excessivement longue. Pour octroyer cette réparation les juridictions nationales auraient pu baser leur appréciation sur le fait que le requérant avait enfin été acquitté par le tribunal de Brindisi, une circonstance qui, en droit italien, aurait rendu sa détention provisoire « injuste » (ingiusta) indépendamment de toute considération quant à son illégalité. La Cour estime que dans ces conditions la compensation due au requérant selon le CPP italien du fait de son acquittement se confond avec toute compensation à laquelle il aurait pu avoir droit au sens de l’article 5 § 5 de la Convention au motif que sa privation de liberté était contraire aux paragraphes 1 ou 3 (voir, mutatis mutandis, Pisano c. Italie [GC], arrêt (radiation) du 24 octobre 2002, no 36732/97, § 47). A cet égard, il convient de noter que le droit à réparation en question se fonde sur la même disposition du CPP - l’article 314 - et que celle-ci ne prévoit aucune différence entre le montant de la compensation due à la suite d’un acquittement sur le fond et le montant

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 38pouvant être versé du fait de l’illégalité de la détention provisoire. » . Par conséquent, la Cour considère qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 5 de la Convention. The applicant was suspected of having committed the offences of abuse of official authority and corruption in the performance of his duties as technical director, technical and economic adviser and special representative and agent of a company, X. He was arrested on 3 November 1993. According to witness statements, he was alleged to have commissioned Y, the head of Brindisi District Council’s town-planning department, as chief engineer for a road-building project and as assistant project manager for the construction of a new detention centre in Lecce, in exchange for false declarations which Y had made to the X company’s advantage. In a decision of 13 November 1993 Brindisi District Court dismissed an application by the applicant for his release, holding that there was "substantial evidence" of his guilt (gravi indizi di colpevolezza); however, noting that he had no criminal record, the court allowed the request he had made in the alternative and placed him under house arrest. The applicant applied to have the order placing him under house arrest revoked as he had resigned from his post as technical director of the X company, and on 20 December 1993 Brindisi District Court ordered his immediate release. In a judgment of 15 April 1999 the Brindisi District Court acquitted the applicant on the ground that the alleged facts had never occurred (perché il fatto non sussiste). That judgment became final on 14 October 1999. Relying on Article 5 § 5 of the Convention, the applicant complained that he had not been entitled under Italian law to claim compensation for the damage sustained on account of his pre-trial detention, which, in his view, had not complied with Article 5 §§ 1 (c) and 3 of the Convention. Decision of the Court The Court reiterated that the right to compensation set forth in Article 5 § 5 presupposed that a violation of one of the other paragraphs of Article 5 had been established by a domestic authority or by the Convention institutions. In the case in question the national authorities had not held that the applicant’s pre-trial detention or house arrest had been unlawful or contrary to Article 5 of the Convention. Although the applicant had submitted to the Court numerous arguments to show that the measures depriving him of his liberty had contravened Article 5 §§ 1 (c) and 3, the Court did not consider it necessary to examine whether those provisions had been infringed because, even supposing that they had been, there was no appearance of a violation of Article 5 § 5 in the applicant’s case. The Court observed that Article 314 of the Italian Code of Criminal Procedure ("the CCP") provided for the possibility of a claim for compensation by anyone who had been acquitted on the grounds that the alleged facts had never occurred, he had not committed the offence, no criminal offence had been committed or the facts

alleged did not amount to an offence in law. In the present case the applicant could have made a claim under Article 314 of the CCP from the moment at which his acquittal had become final – that is, on 14 October 1999. The Italian legal system had therefore afforded him, with a sufficient degree of certainty, the right to compensation in respect of his detention pending trial. The Court noted that, following his acquittal, the applicant had had the possibility of applying for compensation for having been held in pre-trial detention, without having to prove that the detention had been illegal or excessively long. In awarding compensation the national courts could have based their assessment on the fact that the applicant’s acquittal had rendered his pre-trial detention "unjust" (ingiusta) independently of any consideration of illegality. The Court considered that in those circumstances the compensation due to the applicant under the Italian CCP was indissociable from any compensation he might have been entitled to under Article 5 § 5 of the Convention. In that connection, it observed that Article 314 of the CCP made no distinction between the amount of compensation payable following an acquittal and the amount payable for unlawful pre-trial detention. The Court therefore held that there had been no violation of Article 5 § 5 of the Convention.

CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; GARANTIES

PROCEDURALES DE CONTROLE ; JUGE OU AUTRE MAGISTRAT EXERCANT DES

FONCTIONS JUDICIAIRES ; DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE ; RESPECT DE LA CORRESPONDANCE ;

INGERENCE ; PREVUE PAR LA LOI {ART 8}

SALAPA c. POLOGNE 19/12/2002

Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 5-4

; Non-violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 8 ;

Cour (troisième section) Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant Jurisprudence : Akdivar et autres c. Turquie, du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV , p. 1219, § 105 ; Di Giovine c. Italie, n° 39920/98, 26.7.2001, § 24 ; Domenichini c. Italie, du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1800, § 33 ; Kawka c. Pologne, n° 25874/94, §§ 53-61, 9 janvier 2001; ; Kurt c. Turquie, du 25 mai 1998, Recueil 1998-III, p. 1192, § 159 ; Niedbala c. Pologne, n° 27915/95, §§ 48-57, 4 juillet 2000, non publié ; Petra c. Roumanie, 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, p. 2853, § 36 ; Radaj c. Pologne, nos. 29537/95 et 35453/97, 28

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 39novembre 2002 ; Szeloch c. Pologne, n° 33079/96, § 101, 22 février 2001 ; Trzaska c. Pologne, n° 25792/94, §§ 70-79,11 juillet 2000 ; Wloch c. Pologne, n° 27785/95, §§ 125-136, 9 octobre 2000 . (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Marek Sa³apa est un ressortissant polonais né en 1955 purgeant actuellement une peine de prison. Le 26 février 1996, le procureur régional plaça M. Sa³apa en détention car celui-ci était soupçonné de trafic de drogue. Le 15 mars 1996, le tribunal régional de Jelenia Góra rejeta l’appel formé par le requérant contre l’ordonnance de détention. Le 25 mars 1996, puis à une date ultérieure inconnue, le procureur régional de Wroc³aw refusa d’accéder aux demandes de libération émanant du requérant. La détention du requérant fut prolongée à six reprises et ses recours en vue d’être libéré furent refusés. Le 24 avril 1997, le procureur régional de Wroc³aw présenta au tribunal régional l’acte d’accusation du requérant et de neuf coaccusés. Y étaient cités 20 témoins à interroger et 224 éléments de preuve à soumettre lors de l’audience. La première audience dans cette affaire eut lieu le 17 novembre 1997. Au cours de celle-ci et d’audiences ultérieures, le tribunal rejeta diverses demandes présentées par le requérant en vue de sa libération et prolongea encore sa détention. Le 31 mai 1999, le requérant fut condamné pour trafic de drogue et faux en écritures à dix ans d’emprisonnement et à une amende de 250 000 zlotys polonais. Il fit appel en vain. Le requérant se plaignait notamment, sous l’angle de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté), d’avoir été privé de sa liberté par une décision d’un procureur, qui n’est pas un « juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » et, au titre de l’article 5 § 4, de ce que la procédure relative à sa détention provisoire n’a pas revêtu un caractère contradictoire. Il se plaignait également, invoquant l’article 8 (droit au respect de la correspondance), de l’interception par les gardiens de prison de lettres qu’il avait adressées à la Commission européenne des Droits de l’Homme et, au titre de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable), de ce que la

procédure pénale dirigée contre lui a dépassé un délai raisonnable. La Cour européenne des Droits de l’Homme rappelle qu’à l’époque des événements en cause, le fait qu’un procureur puisse passer pour un magistrat habilité à exercer des « fonctions judiciaires » ne protégeait pas contre une privation de liberté arbitraire ou injustifiée. La Cour dit donc, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3. Rappelant que les procédures disponibles pour contrôler la légalité de la détention étaient également inadéquates faute d’être contradictoires, la Cour dit à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4. Concernant l’article 6 § 1, la Cour relève que la période à examiner a duré cinq ans, huit mois et quatre jours. Toutefois, eu égard à la complexité de le cause et au fait que le requérant a largement contribué à la durée de la procédure, la Cour dit, par six voix contre une, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1. Quant à l’ouverture de la correspondance du requérant, la Cour conclut que le droit applicable n’indiquait pas avec suffisamment de clarté de quelle latitude les autorités compétentes disposaient en ce domaine ni ne fournissaient d’indication sur la manière dont cette latitude devait être exercée. Jugeant que l’ingérence dans le droit du requérant au respect de sa correspondance n’était pas « prévue par la loi », la Cour dit à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 8. La Cour dit enfin, à l’unanimité, que le constat de violation constitue une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) On 26 February 1996 the Regional Prosecutor remanded Marek Sa³apa in custody on suspicion of drug trafficking and, on 15 March 1996 Jelenia Góra Regional Court dismissed the applicant’s appeal against the detention order. On 25 March 1996 and on an unknown later date the applicant’s requests for release were refused by the Wroc³aw Regional Prosecutor. The applicant’s detention was extended a further six times and his applications for release refused. On 24 April 1997 the Wroc³aw Regional Prosecutor submitted a bill of indictment against the applicant and nine other co-accused to the Regional Court. The indictment contained a list of 20 witnesses to be interviewed and 224 items of evidence to be produced at the hearing. The first hearing in the case was held on 17 November 1997. During this and subsequent hearings, various

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 40requests by the applicant for release were rejected and his detention was further prolonged. On 31 May 1999 the applicant was convicted of drug trafficking and forgery of documents and sentenced to ten years’ imprisonment and a fine of 250,000 Polish Zlotys. He appealed unsuccessfully. The applicant complained, in particular, under Article 5 § 3 (right to liberty and security) that he was deprived of his liberty by a decision of the public prosecutor who was not a "judge or other officer authorised by law to exercise judicial power" and under Article 5 § 4 that the proceedings concerning his detention on remand had not been adversarial. He also complained, under Article 8 (right to respect for correspondence), that letters from him to the European Commission of Human Rights had been intercepted by prison guards, and, under Article 6 § 1 (right to a fair trial within a reasonable time), that the criminal proceedings against him had exceeded a reasonable time. The European Court of Human Rights reiterated that, at the time of the events in question, the fact that a prosecutor could be regarded as an officer exercising "judicial power" failed to protect against arbitrary or unjustified deprivation of liberty. The Court therefore held, unanimously, that there had been a violation of Article 5 § 3. Reiterating that the available proceedings to review the lawfulness of detention were also inadequate, not being adversarial, the Court held, unanimously, that there had been a violation of Article 5 § 4. Concerning Article 6 § 1, the Court observed that the period to be examined had lasted five years, eight months and four days. However, the case being complex and the applicant having considerably contributed to the length of the proceedings, the Court held, by six votes to one, that there had been no violation of Article 6 § 1. Concerning the opening of the applicant’s correspondence, under Article 8, the Court concluded that the applicable law did not indicate with sufficient clarity the extent of the relevant authorities’ discretion in that sphere or provide guidance on how that discretion was to be exercised. Finding that the interference with the applicant’s correspondence was not "in accordance with the law", the Court held, unanimously, that there had been a violation of Article 8. The Court further held, unanimously, that the finding of a violation constituted sufficient just satisfaction for non-pecuniary damage. (The judgment is available only in English.)

RESPECT DE LA VIE FAMILIALE

ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; DROIT DES DETENUS ;

RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE

DEMOCRATIQUE {ART 8}

Le fait de n’autoriser la requérante à recevoir qu’une visite par mois de la part de sa famille pendant sa détention ne visait pas, et n’était pas non plus proportionné à un but légitime. Dès lors, cette restriction était contraire à l’article 8

NOWICKA c. POLOGNE 03/12/2002

Violation de l'art. 5-1 ; Violation de l'art. 8 ; Cour (deuxième section) Dommage matériel - demande rejetée ; 10 000 EUR pour dommage moral ainsi que 2 000 EUR pour frais et dépens.- procédure de la Convention Jurisprudence : Benham c. Royaume-Uni, arrêt du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 752-753, §§ 40 et 42 ; Berlinski c. Pologne (déc.), n°s 27715/95 et 30209/96, 18 janvier 2001, non publiée ; D.G. c. Irlande, n° 39474/98, § 104, § 105, § 107, 16 mai 2002, non publiée ; Giulia Manzoni c. Italie, arrêt du 1 juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1191, § 25 ; Johansen c. Norvège, requête n° 10600/83, Commission décision de 14 octobre 1985, DR 44, p. 162 ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, § 164, CEDH 2000-XI ; Matter c. Slovaquie, n° 31534/96, § 66, 5 juillet 1999, non publié ; McVeigh et autres c. Royaume-Uni, requêtes n°s 8022/77, 8025/77, 8027/77, Commission décision de 18 mars 1981, Décisions et rapports (DR) 25, pp. 37-38 et 42 . (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Dobrochna Nowicka, qui réside à £ódŸ, hérita de 25 % de biens se composant d’un immeuble d’habitation et d’un terrain situés à £ódŸ. Le 18 octobre 1990, elle fut désignée comme administratrice de ces biens. Par la suite, elle demanda à l’ancien administrateur des biens, une association, d’arrêter de percevoir les loyers des locataires vivant dans l’immeuble, ce à quoi celle-ci se refusa. La requérante contesta aussi le droit de M. H.D. de percevoir le loyer auprès des personnes louant des locaux commerciaux dans l’immeuble. Le 8 mars 1994, M. H.D. engagea des poursuites à titre privé pour diffamation à l’encontre de Mme Nowicka au motif que celle-ci avait informé une banque qu’il avait obtenu un prêt de cette banque par des moyens frauduleux et qu’il remboursait ce prêt avec des revenus provenant de biens appartenant à elle-même.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 41Au cours du procès dirigé contre Mme Nowicka devant le tribunal de district de £ódŸ, celui-ci demanda des renseignements sur ses antécédents et sa santé mentale. Comme elle ne s’était pas présentée à deux examens psychiatriques qu’il avait ordonnés, le tribunal décida qu’il y avait lieu de l’arrêter et de la placer en détention provisoire afin qu’elle se conforme à ses ordonnances. Le 25 octobre 1994, elle fut arrêtée et transférée à la prison n° 1 de £ódŸ. Le 2 novembre 1994, elle subit un examen psychiatrique. Les spécialistes conclurent qu’ils ne pouvaient émettre un diagnostic à l’issue d’un seul examen. Elle fut libérée le 3 novembre 1994. Le 8 novembre 1994, le tribunal de district de £ódŸ ordonna que la requérante subisse un examen psychiatrique dans un établissement médical. La requérante ne s’y présenta pas. Elle fut arrêtée le 23 mars 1995 puis conduite en prison le lendemain. La fille de la requérante ayant demandé si celle-ci pouvait recevoir des visites, le tribunal de district décida qu’elle avait droit à une visite par mois. Entre le 19 avril et le 26 mai 1995, la requérante subit un nouvel examen psychiatrique. Le rapport médical conclut que ses capacités intellectuelles étaient largement au-dessus de la moyenne et qu’elle ne présentait aucun signe de maladie mentale ou de retard mental. Il indiquait également qu’elle avait une personnalité paranoïde et qu’elle savait ce qu’elle faisait lorsqu’elle avait commis l’infraction alléguée. Elle fut libérée de prison le 3 juin 1995. Par la suite, le tribunal de district de £ódŸ décida d’abandonner les poursuites pénales dirigées contre elle. La requérante se plaint en particulier de violations de l’article 5 § 1 et de l’article 8. Résumé de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept juges, M. Jean-Paul Costa (Français), président : Article 5 § 1 La Cour relève que la requérante a d’abord été détenue pendant huit jours avant de voir un psychiatre, qui a terminé son examen le jour même du rendez-vous. Quant au second examen, il a été précédé de 28 jours de détention. La Cour considère que ces deux périodes de détention préalable à un examen ne

sauraient se concilier avec le souhait des autorités de garantir l’exécution immédiate de l’obligation imposée à la requérante. De plus, les « motifs purement techniques » invoqués par le Gouvernement pour expliquer la durée de la détention précédant le premier examen ne justifient pas le maintien de la requérante en détention pendant huit jours. Eu égard à la durée de la détention, la Cour estime que les autorités n’ont pas ménagé un juste équilibre entre la nécessité de garantir l’exécution immédiate de l’obligation en question et celle de protéger le droit à la liberté. Quant à la détention de la requérante après les examens psychiatriques, la Cour note que, bien que le premier examen se soit terminé le 2 novembre 1994, elle n’a été libérée que le lendemain 3 novembre après une nuit en détention. Le second examen a pris fin le 26 mai 1995, mais la requérante est restée détenue pendant huit jours encore, jusqu’au 3 juin 1995. Le Gouvernement n’a pas expliqué pourquoi la requérante est restée en détention après les examens. La Cour note de plus que la détention après le 2 novembre 1994 et le 26 mai 1995 respectivement n’avait aucune base au regard de l’article 5 § 1 b). La Cour conclut que la détention de la requérante, qui a duré au total 83 jours et a été ordonnée dans le cadre de poursuites privées engagées à la suite d’un conflit de voisinage, est contraire à l’article 5 § 1. Article 8 La Cour considère que le grief de la requérante selon lequel les décisions de l’obliger à subir un examen psychiatrique et de l’arrêter, ainsi que sa détention pendant 83 jours, étaient contraires à l’article 8 ne soulève aucune question distincte de celles couvertes par le constat de violation de l’article 5 § 1. S’agissant des restrictions touchant les visites familiales, la Cour relève que, bien que la détention elle-même puisse passer pour viser les buts légitimes que sont la prévention des infractions pénales et la protection de la santé et des droits d’autrui, la décision du juge de ne permettre qu’une seule visite par mois à la requérante ne visait ni n’était proportionnée à aucun but légitime. Cette restriction fut infligée à la requérante alors qu’elle a subi une détention de 83 jours dans le cadre d’une affaire où elle ne contestait pas les faits qui lui étaient reprochés par l’auteur des poursuites. De plus,

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 42le Gouvernement n’a pas montré que cette mesure était justifiée. La Cour prend note de l’argument du Gouvernement selon lequel toutes les demandes présentées par des membres de la famille de la requérante en vue de rendre visite à celle-ci ont été accueillies favorablement après que la décision restreignant le droit de visite eut été prise ; cependant, la famille de la requérante n’a présenté pareilles demandes qu’une fois par mois. Il apparaît donc que la retenue dont a fait preuve la famille en matière de visites est la conséquence de la décision du juge de limiter les visites à une par mois. La Cour conclut que le fait de n’autoriser la requérante à recevoir qu’une visite par mois de la part de sa famille pendant sa détention ne visait pas, et n’était pas non plus proportionné à un but légitime. Dès lors, cette restriction était contraire à l’article 8.(L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Dobrochna Nowicka, lives in £ódŸ, Poland. She inherited a 25% share in an apartment building and a plot of land in £ódŸ and, on 18 October 1990, was appointed administrator of the property. Subsequently, she asked the previous administrator of the property to stop collecting rent from tenants living in the apartment building, which it refused to do. She also challenged the right of Mr H.D. to collect rent from tenants leasing business premises in the building. On 8 March 1994, Mr H.D brought a private prosecution for criminal libel against Ms Nowicka on the ground that she had informed a bank that he had obtained a loan from the bank under false pretences and had been repaying it from income obtained from her property. During the trial against Ms Nowicka before £ódŸ District Court, the court requested information about her background and mental health. As she failed to attend two psychiatric examinations ordered by the court, the court decided that she should be arrested and detained on remand in order to secure her compliance. On 25 October 1994 she was arrested and transferred to £ódŸ Prison No. 1. On 2 November 1994 the applicant underwent a psychiatric examination. The psychiatrists who examined her concluded that they could not make a diagnosis based on a single examination. On 3 November 1994 she was released from detention. On 8 November 1994 £ódŸ District Court decided that the applicant should undergo a psychiatric examination in a medical establishment. The applicant again failed to attend. On 23 March 1995 she was arrested and transferred to prison the next day. In response to a request for visiting rights from the applicant’s daughter, the District Court ruled that the applicant was allowed one visit a month. Between 19 April and 26 May 1995 the applicant underwent a further psychiatric examination. The medical report concluded that her intellectual ability

was substantially above average and that she showed no signs of being either mentally ill or retarded. The opinion also stated that she had a paranoid personality and that she had understood what she was doing at the time when she committed the alleged offence. On 3 June 1995 she was released from prison. Subsequently, £ódŸ District Court discontinued the criminal proceedings against her. The applicant complained, in particular, of violations of Article 5 § 1 and Article 8 of the Convention. Decision of the Court Article 5 § 1 The Court observed that the applicant was initially detained for eight days before she was given an appointment with psychiatrists. Her examination was completed the same day. Her second examination was preceded by 28 days’ detention. The Court considered that both periods of pre-examination detention could not be reconciled with the authorities’ desire to secure the immediate fulfilment of the applicant’s obligation. Moreover, the "purely technical reasons" relied on by the Government in the context of the length of detention preceding the first examination could not justify holding the applicant in custody for eight days. Taking into account the duration of detention, the Court was of the view that the authorities failed to draw a balance between the importance of securing the immediate fulfilment of the obligation in question, and the importance of the right to liberty. Regarding the applicant’s detention after her examinations, the Court observed that, although her first examination ended on 2 November 1994, she was held in custody overnight and was released only on 3 November 1994. The second examination ended on 26 May 1995, but she remained in detention for eight days until 3 June 1995. The Government had failed to provide an explanation for the applicant’s post-examination detention. The Court further noted that applicant’s detention after 2 November 1994 and 26 May 1995 had no basis under Article 5 § 1 (b). The Court concluded that the applicant’s detention, which lasted for a total period of 83 days and was imposed in the context of a private prosecution arising out of a neighbours’ dispute, was in breach of Article 5 § 1. Article 8 The Court considered that the applicants’ complaints that the decisions to order her to undergo a psychiatric examination and to arrest her and her 83-day detention were in breach of Article 8 did not raise any separate issue not covered by the finding of a violation of Article 5 § 1. Concerning restrictions on family visits, the Court observed that, although the detention itself could be considered to pursue the legitimate aims of the prevention of crime and the protection of health and the rights of others, the judge’s decision restricting the applicant’s visiting rights to one visit per month did not pursue, and was not proportionate to, any legitimate aim. The restriction was imposed on the applicant who was held in detention for 83 days in a case in which she did not contest the private prosecutor’s submissions on

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 43the facts of the case against her. Moreover, the Government had failed to show that it was justified. Although the Court noted the Government’s submission that all applications for leave to visit the applicant lodged by the members of her family were allowed, after the decision restricting visiting rights had been made, the applicant’s family filed further applications only once a month. It appeared, therefore, that the family’s restraint in the number of applications lodged resulted from the judge’s decision concerning monthly visits. The Court concluded that the restriction on the applicant’s right to see members of her family to one visit per month while in detention did not pursue, and was not proportionate to, any legitimate aim, and was therefore in breach of Article 8.(The judgment is available only in English.)

RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ;

INGERENCE ; PROTECTION DE LA SANTE ; PROTECTION DE LA MORALE

; PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 8} ;

PROCES ORAL ; PROCES EQUITABLE ; PROCEDURE CIVILE

L’affaire a été tranchée avec une diligence particulière, comme cela est nécessaire dans les affaires touchant les relations entre un

parent et son enfant, pour pallier le risque que l’affaire ne se résolve en réalité de par le

temps qui passe HOPPE c. ALLEMAGNE

05/12/2002 Non-violation des articles 8, 6 § 1 et 14

Cour (troisième section) n° 00028422/95 ; Jurisprudence : Elsholz c. Allemagne [GC], n° 25735/94, §§ 43, 48, 50 et 52, CEDH 2000-VIII ; Helmers c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A n° 212-A, p. 16, § 36 ; Hokkanen c. Finlande, arrêt du 23 septembre 1994, série A n° 299-A, p. 20, § 55 ; Jan-Åke Andersson c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A n° 212-B, pp. 44-46, § 23 et §§ 27-29 ; Johansen c. Norvège, arrêt du 7 août 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 1001-1002, § 52 ; McMichael c. Royaume-Uni, arrêt du 24 février 1995, série A n° 307-B, p. 57, § 91 ; T.P. et K.M. c. Royaume-Uni, n° 28945/95, § 71 et § 72, CEDH-2001-V ; Vidal c. Belgique, arrêt du 22 avril 1992, série A n° 235-B, p. 32, § 33 ; W. c. Royaume-Uni arrêt du 8 juillet 1987, série A n° 121, p. 29, § 64 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.)

En avril 1990, Peter Hoppe et sa femme eurent une fille, Svenja. Le couple se sépara en décembre 1992. Svenja resta chez sa mère, qui engagea une procédure de divorce. Le 19 octobre 1994, le tribunal de district de Wuppertal décida à l’issue de deux audiences que le requérant aurait le droit de voir Svenja un samedi sur deux ainsi que le 26 décembre, le lundi de pâques et le lundi de Pentecôte. Tous les experts entendus pendant la procédure indiquèrent que l’enfant, âgée de quatre ans, vivait un conflit de loyauté auquel elle ne pouvait faire face. Le requérant était incapable d’accepter des restrictions à son droit de visite et ne se montrait pas préoccupé par la santé psychologique de l’enfant. La mère de Svenja n’était pas encore parvenue à donner à sa fille un sentiment de sécurité tel que celle-ci puisse voir le requérant sans éprouver de la peur. Svenja avait donc besoin de périodes de repos de deux semaines chez sa mère. Le requérant interjeta appel. Le 9 mars 1995, la cour d’appel de Düsseldorf accrut le droit de visite du requérant en l’autorisant à voir Svenja du samedi matin au dimanche soir le premier week-end de chaque mois où elle pouvait se rendre chez lui. L’appel fut rejeté pour le surplus. La cour d’appel considéra que, tant qu’il n’y aurait pas d’accord entre les parents, toute visite provoquerait des tensions émotionnelles chez l’enfant. Il fallait donc apprécier le droit de visite du requérant en tenant compte du conflit qui existait toujours entre les parents. Le requérant saisit la Cour constitutionnelle fédérale, qui estima que le recours du requérant ne soulevait aucune question d’importance fondamentale. Le requérant fut par la suite autorisé à voir sa fille tous les week-ends. Le 24 octobre 1994, le tribunal de district de Wuppertal prononça le divorce et confia à la mère de Svenja l’autorité parentale en considérant que cela était dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle élevait sa fille et s’occupait d’elle dans une atmosphère d’amour et de compréhension et assurait son bien-être avec un intense intérêt. Svenja avait besoin d’une vie stable sans tiraillements entre deux appartements et deux styles d’éducation différents. Le tribunal constata que le requérant ne comprenait pas que ses souhaits nuisaient au développement psychologique de Svenja.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 44Le requérant fit appel en vain devant la cour d’appel, qui estima qu’il n’y avait pas lieu de tenir une audience en présence des parties car les faits pertinents ressortaient clairement du dossier. La Cour constitutionnelle fédérale refusa également d’examiner le recours constitutionnel du requérant car celui-ci ne soulevait aucune question d’importance fondamentale. Le requérant alléguait en particulier que les décisions des tribunaux allemands relatives à son droit de visite à l’égard de sa fille et l’octroi de l’autorité parentale à la mère ont violé son droit au respect de sa vie familiale, qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable dans la procédure pertinente et qu’il a fait l’objet d’une discrimination. Il invoquait les articles 6 (droit à un procès équitable), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination). Concernant l’article 8, la Cour estime que les tribunaux internes ont considéré avec soin la question du droit de visite et celle de l’octroi de l’autorité parentale. Le tribunal de district s’est appuyé sur des rapports d’experts et sur les témoignages des parents au cours d’audiences ; il était ainsi mieux placé que le juge européen pour ménager un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu. De plus, la cour d’appel a confirmé les décisions du tribunal de district. La Cour est donc convaincue que, lorsqu’elles ont réduit le droit de visite du requérant et accordé l’autorité parentale à la mère de l’enfant, les autorités nationales n’ont pas outrepassé la marge d’appréciation dont elles jouissent en la matière. De plus, la Cour note que, en particulier au cours de la procédure de première instance, le requérant a eu la possibilité, avec l’aide de son avocat, de présenter ses arguments par écrit et par oral. La Cour est convaincue qu’il n’apparaissait pas nécessaire que la Cour d’appel tienne une audience. La Cour considère en outre que l’affaire a été tranchée avec une diligence particulière, comme cela est nécessaire dans les affaires touchant les relations entre un parent et son enfant, pour pallier le risque que l’affaire ne se résolve en réalité de par le temps qui passe. La Cour est donc convaincue que les exigences procédurales découlant implicitement de l’article 8 ont été respectées et que le requérant a joué dans le processus décisionnel un rôle

suffisamment important pour lui assurer la protection requise de ses intérêts. Partant, la Cour conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 8. Concernant l’article 6 § 1, la Cour relève que des audiences ont eu lieu en première instance et que le tribunal de district de Wuppertal a pris en compte diverses expertises. La cour d’appel de Düsseldorf avait donc essentiellement à trancher la question des tensions entre les parents et du bien-être de l’enfant. Une audience n’aurait rien ajouté de pertinent aux questions dont la cour d’appel avait à connaître. Le recours formé par le requérant ne soulevait aucune question de fait ou de droit non susceptible d’être résolue de manière adéquate à partir des divers éléments dont disposait la cour d’appel. La Cour note de plus que le requérant a bénéficié d’une représentation en justice tout au long de la procédure et a eu amplement l’occasion de présenter les arguments qu’il jugeait utile de communiquer. En conséquence, considérant la procédure interne dans son ensemble, la Cour juge à l’unanimité qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 pour ce qui est de l’inéquité alléguée de la procédure et de l’absence d’audience devant la cour d’appel de Düsseldorf. Ne trouvant aucun argument pour étayer l’allégation selon laquelle les tribunaux allemands, en exigeant que les parents fassent une demande commune en vue de se voir octroyer conjointement l’autorité parentale, auraient commis une discrimination envers l’un des deux parents divorcés, la Cour conclut à l’unanimité qu’il n’y a pas eu violation de l’article 14 pris avec l’article 8.(L’arrêt n’existe qu’en anglais.) In April 1990 a daughter, Svenja, was born to Peter Hoppe and his wife and in December 1992 the applicant and his wife separated. Svenja stayed with her mother who instituted divorce proceedings against her husband. On 19 October 1994 Wuppertal District Court, following two hearings, decided that the applicant was entitled to see Svenja every second Saturday as well as St Stephens day, Easter Monday and Whit Monday. All the experts heard in the proceedings gave evidence that four-year-old Svenja was exposed to a conflict of loyalty and that she could not cope with the situation. The applicant was incapable of accepting restrictions on access and did not show concern for the child’s psychological health. Svenja’s mother had not yet managed to give Svenja such a feeling of security as to

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 45permit her to visit the applicant without feelings of fear. Svenja therefore needed the intervals of two weeks as times of rest in her mother’s home. The applicant appealed. On 9 March 1995 Düsseldorf Court of Appeal increased the applicant’s right of access by ruling that every first visiting weekend a month the applicant was entitled to see Svenja from Saturday morning until Sunday evening. The remainder of his appeal was dismissed. The court found that, as long as there was no agreement between the parents, any visit was an emotional strain for the child. The applicant’s right of access had therefore to be assessed in the context of the continuing conflict between the parents. The applicant referred the case to the Federal Constitutional Court, which considered that the applicant’s complaint did not raise any issue of fundamental importance. The applicant’s visiting rights were later extended to every weekend. On 24 October 1994 Wuppertal District Court granted the divorce and gave Svenja’s mother parental authority, as being in Svenja’s best interests. She educated and looked after her daughter in an atmosphere of love and understanding and took an intense interest in ensuring her well-being. Svenja needed a stable life without being torn between different apartments and different styles of education. The Court noted that the applicant failed to see that his wishes obstructed Svenja’s psychological development. The applicant appealed unsuccessfully to the Court of Appeal, which had considered that an oral hearing with the parties was not necessary, the relevant facts being clear from the case-file. The Federal Constitutional Court also refused to entertain the applicant’s constitutional complaint as not raising any issue of fundamental importance. The applicant alleged, in particular, that the German courts’ decisions concerning his right of access to his daughter and the awarding of parental authority breached his right to respect for his family life, that he was denied a fair hearing in the relevant proceedings and that he had been subjected to discrimination. He relied on Articles 6 (right to a fair hearing), 8 (right to respect for private and family life) and 14 (prohibition of discrimination). Concerning Article 8, the European Court of Human Rights found that the domestic courts carefully considered the questions of access and of awarding parental authority. The District Court relied on expert reports and on the evidence given by the parents at hearings and was thus in a better position than the European judges to strike a fair balance between the competing interests involved. Furthermore, the District Court judgments were upheld by the Court of Appeal. The Court was therefore satisfied that when reducing the applicant’s rights of access and awarding parental authority to the child’s mother, the national authorities acted within the margin of appreciation afforded to them in such matters. The Court further noted, in particular in the first-instance proceedings, that the applicant, assisted by counsel, had the opportunity to present his arguments in writing and orally. The Court was satisfied that no

hearing before the Court of Appeal appeared necessary, however. The Court further considered that the case was decided with special diligence, as required in cases concerning a person’s relationship with his or her child, in view of the risk that the passage of time might result in a de facto determination of the matter. The Court was therefore satisfied that the procedural requirements implicit in Article 8 were complied with and that the applicant was involved in the decision-making process to a degree sufficient to provide him with the requisite protection of his interests. Accordingly, the Court held unanimously that there had been no violation of Article 8. Concerning Article 6 § 1, the Court noted that hearings had been held at first instance and that Wuppertal District Court took into account various expert opinions. The main question raised before Düsseldorf Court of Appeal concerned the strained relations between the parents and the child’s well-being. A hearing would not have added anything of relevance to the matters the Court of Appeal had to decide. The appeal lodged by the applicant did not raise any questions of fact or law which could not be resolved adequately on the basis of the various elements at the disposal of the Court of Appeal. The Court further noted that the applicant was legally represented throughout the proceedings and had ample opportunity to submit arguments as he saw fit. Accordingly, viewing the domestic judicial proceedings as a whole, the Court held, unanimously, that there had been no violation of Article 6 § 1 regarding the alleged unfairness of the proceedings and the lack of an oral hearing before Düsseldorf Court of Appeal. Finding nothing to substantiate the allegation that the German courts, in requiring a common proposal of the parents to be granted the joint exercise of parental authority, discriminated against one of the divorced spouses, the Court held, unanimously, that there had been no breach of Article 14, taken together with Article 8. (The judgment is available only in English.)

RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES

D'AUTRUI ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 8}

L’impossibilité dans laquelle ils ont été placés de participer au processus décisionnel ayant abouti à la regrettable séparation – qui dura

cinq mois et dix-huit jours – des requérants et de leur fille les a privés de la protection de leurs intérêts requise par l’article 8 de la

Convention VENEMA c. PAYS-BAS

17/12/2002 Violation de l'art. 8 ; Non-lieu à examiner l'art.

6-1 ; Cour (deuxième section) Dommage matériel - demande rejetée ; 15 000 EUR pour dommage moral et 22 475 EUR pour

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 46frais et dépens. Jurisprudence : B. c. Royaume-Uni, du 8 juillet 1987, série A n° 121, § 65 ; K. et T. c. Finlande [GC], n° 25702/94, § 166, 12 juillet 2001 ; Krcmár et autres c. République tchèque, n° 35376/97, 3 mars 2000, § 52 ; McMichael c. Royaume-Uni, arrêt du 24 février 1995, série A n° 307-B, p. 57, § 92 ; Meulendijks c. Pays-Bas, n° 34549/97, 14 mai 2002, § 63 ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, n° 56547/00, 16 juillet 2002, § 113, §§ 114-116, §§ 124-126 ; T.P. et K.M. c. Royaume-Uni [GC], n° 28945/95, § 73, CEDH 2001-V (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) En juillet puis en août 1994, Kimberly Venema , née le 14 février 1994, fut emmenée à l’hôpital pour des problèmes d’arrêts respiratoires et de tachycardie. Constatant que l’enfant ne présentait physiquement aucun problème, les médecins commencèrent à se dire qu’elle était en parfaite santé et que Mme Venema souffrait peut-être du syndrome de Münchhausen par procuration. La famille Venema fut maintenue sous surveillance médicale, mais les médecins ne s’ouvrirent pas de leurs soupçons à M. et Mme Venema. Kemberly fut une nouvelle fois conduite à l’hôpital le 14 décembre 1994, à la suite d’un incident s’étant produit deux jours plus tôt. Le 20 décembre 1994 fut organisée pour l’examen du cas de Kimberly une réunion entre des médecins et un représentant du Conseil de la protection de l’enfance. Cette réunion eut lieu sans la participation de M. et de Mme Venema, qui n’avaient pas été informés de sa tenue. Le 3 janvier 1995, les médecins envoyèrent un rapport au Conseil de la protection de l’enfance. Ils disaient croire que la vie de Kimberly était en danger et que des mesures d’urgence s’imposaient. Ils exprimaient l’avis selon lequel il n’était pas possible de discuter la question avec M. et Mme Venema, compte tenu du risque de les voir réagir de manière imprévisible. Le 4 janvier 1995, un juge des enfants prononça une ordonnance de mise sous tutelle provisoire, sans avoir entendu M. et Mme Venema. Il ordonna par ailleurs que Kimberly fût enlevé à sa famille. M. et Mme Venema ne furent informés de la décision que le 6 janvier 1995, lorsqu’ils arrivèrent à l’hôpital pour reprendre leur fille et qu’on leur interdit de la voir. Le même jour, et là encore sans avoir entendu M.

et Mme Venema, le juge des enfants prononça une nouvelle ordonnance, qui prévoyait le placement de Kimberly dans un foyer d’accueil, dont le nom et l’adresse ne furent pas communiqués aux parents. Cette ordonnance fut exécutée le même jour. Le 10 janvier 1995, M. et Mme Venema furent entendus par le juge des enfants, qui décida que la mise sous tutelle provisoire devait rester en vigueur mais qu’il fallait recueillir sans tarder de nouveaux avis auprès d’un psychiatre et d’un pédopsychiatre. Un régime de visite fut mis en place en vertu duquel M. et Mme Venema furent autorisés à voir Kimberly une fois tous les quinze jours. Le psychiatre consulté remit un rapport dans lequel il concluait que rien n’indiquait que M. et Mme Venema représentassent un quelconque danger pour Kimberly, bien que l’on ne pût « entièrement exclure » que Mme Venema souffrît du syndrome de Münchhausen par procuration. M. et Mme Venema interjetèrent appel de la décision, soumettant à l’appui de leur recours divers avis médicaux, dont trois émanant de psychiatres qui recommandaient le retour de Kimberly dans sa famille, la fillette ne leur paraissant courir aucun risque auprès de ses parents. Le 15 mars 1995, la cour d’appel rejeta le recours. Le 22 mai 1995, à la suite d’une audience à huis clos, le juge des enfants révoqua l’ordonnance de placement et l’ordonnance de mise sous tutelle provisoire, qu’il refusa de remplacer par une ordonnance de mise sous tutelle définitive. Kimberly fut rendue à M. et Mme Venema. L’affaire suscita des questions au Parlement et une plainte au secrétaire d’Etat à la Justice (Staatssecretaris van Justitie), qui ordonna une enquête officielle. Celle-ci déboucha sur un rapport concluant notamment que si le Conseil de la protection de l’enfance avait sans nul doute cherché de bonne fois à protéger les intérêts de Kimberly, il aurait gagné à « faire preuve de davantage de créativité dans la recherche d’une solution respectueuse des intérêts des parents ». Les requérants allèguent notamment la violation des articles 6 et 8 de la Convention. Ils critiquent le fait que les décisions de justice ayant entraîné la séparation de leur famille ont été prises en l’absence de toute raison médicale et n’ont pas été révoquées aussitôt qu’il est

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 47apparu qu’elles n’étaient pas justifiées, et ils reprochent aux autorités de ne pas les avoir associés au processus décisionnel ayant abouti à la séparation de leur famille. Résumé de l’arrêt rendu par une chambre de sept juges , M. Jean-Paul Costa (Français), président, Article 8 La Cour admet que, lorsque des mesures doivent être prises d’urgence pour protéger un enfant, il peut ne pas toujours être possible, compte tenu justement de l’urgence, d’associer au processus décisionnel les personnes qui ont la garde de l’enfant. Semblable concertation peut même ne pas être souhaitable si les personnes en question sont perçues comme représentant une menace immédiate pour l’enfant. En l’espèce il y avait toutefois lieu de convaincre la Cour que les autorités nationales avaient pu à bon droit considérer qu’il existait des circonstances justifiant que l’enfant soit soustrait de façon abrupte à la garde de ses parents sans que ceux-ci eussent été avisés ou consultés au préalable. En particulier, il convenait d’établir qu’une évaluation soigneuse de l’impact que pouvaient avoir sur les parents et sur l’enfant la mesure de prise en charge envisagée et les autres solutions possibles avait été effectuée avant la mise en oeuvre de la mesure litigieuse. La Cour note qu’on ne lui a pas expliqué de manière satisfaisante pourquoi les médecins ayant eu à connaître du cas ou le Conseil de la protection de l’enfance n’auraient pas pu s’arranger pour discuter de leurs préoccupations avec les requérants et donner l’occasion à ces derniers de dissiper les soupçons pesant sur eux, au besoin en renvoyant aux expertises obtenues par leurs soins. La Cour se dit non persuadée que les requérants auraient pu réagir de manière imprévisible si la question avait été abordée avec eux. Elle estime que cette justification, si elle n’est pas dépourvue de toute pertinence, ne pouvait à elle seule être considérée comme suffisante pour exclure les parents de Kimberly d’une procédure qui revêtait une importance personnelle immense pour eux, d’autant moins que Kimberly se trouvait en parfaite sécurité (à l’hôpital) les jours ayant précédés l’adoption de l’ordonnance provisoire.

A aucun moment les requérants n’ont pu exercer la moindre influence sur l’issue de la procédure, empêchés qu’ils ont été de contester, par exemple, la fiabilité des renseignements recueillis dans la cause ou d’ajouter au dossier des informations émanant de leurs propres sources. Ce n’est que le 10 janvier 1995, lorsqu’eut lieu l’audience devant le juge des enfants, que les parents de Kimberly purent exprimer leurs vues. Cette audience intervint six jours après que le juge des enfants, sur la base des craintes non vérifiées du Conseil de la protection de l’enfance, eut émis l’ordonnance de mise sous tutelle provisoire et l’ordonnance portant enlèvement de Kimberly à sa famille et quatre jours après qu’il eut prononcé une ordonnance prévoyant le placement de la fillette dans un foyer d’accueil. Avant l’audience, des mesures avaient déjà été prises qui, compte tenu de leur impact immédiat et de l’âge de l’enfant, étaient difficiles à redresser. Pour la Cour, il eût fallu, c’était là une exigence essentielle, que les parents se vissent donner l’occasion de faire valoir leur propre point de vue avant le prononcé de l’ordonnance provisoire. L’impossibilité dans laquelle ils ont été placés de participer au processus décisionnel ayant abouti à l’adoption de l’ordonnance provisoire les a privés de la protection de leurs intérêts requise par l’article 8 de la Convention, y compris de leur droit de contester la nécessité de la mesure sollicitée par le Conseil de la protection de l’enfance. Il convient de noter que cette mesure est à la base de la regrettable séparation – qui dura cinq mois et dix-huit jours – des requérants et de leur fille. Constatant que, sans justification suffisante, les autorités compétentes ont mis les requérants devant des faits accomplis, la Cour juge qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention. Article 6 § 1 Considérant que, tels qu’ils ont été déclarés recevables, les griefs formulés par les requérants sur le terrain de l’article 6 coïncident largement avec ceux énoncés sous l’angle de l’article 8, la Cour juge qu’aucune question distincte ne se pose au regard de l’article 6 § 1 de la Convention. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

In July and August 1994 Kimberly Venema , born on 14 February 1994n was taken into hospital because her breathing sometimes stopped and her heart beat too fast. The doctors found nothing physically wrong and

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 48began to suspect that Kimberly was healthy and that Mrs Venema might be suffering from Münchhausen by Proxy syndrome.The Venema family was kept under medical observation but the doctors did not discuss their suspicions with Mr and Mrs Venema. Kimberly was again taken into hospital on 14 December 1994, following an incident two days earlier. The doctors held a meeting with a representative of the Child Welfare Board on 20 December 1994 to discuss Kimberly’s case without involving or informing Mr and Mrs Venema. On 3 January 1995 the doctors sent a report to the Child Welfare Board stating that it was believed that Kimberly’s life was at risk and that urgent action was required. The report expressed the opinion that it was not possible to discuss the matter with Mr and Mrs Venema, there being a danger that they might react unpredictably. On 4 January 1995 the juvenile judge made a provisional supervision order (voorlopige ondertoezichtstelling), without hearing Mr and Mrs Venema, at the same time ordering Kimberly to be placed away from her family. Mr and Mrs Venema were only informed of the decision on 6 January 1995 on arriving at the hospital to collect Kimberly, when they were denied access to her. The same day the juvenile judge issued a further order, again without hearing Mr and Mrs Venema, for Kimberly to be taken to a foster home, the name and address of which were withheld from them. This order was carried out the same day. On 10 January 1995 Mr and Mrs Venema were heard by the juvenile judge, who decided that the provisional supervision order should remain in force, but that further opinions should be obtained as soon as possible both from a psychiatrist and a child psychiatrist. Mr and Mrs Venema were allowed to see Kimberly once every two weeks under an access arrangement. The psychiatrist’s report concluded that there were no indications that Mr and Mrs Venema posed any danger to Kimberly, although it could "not be entirely ruled out" that Mrs Venema was suffering from Münchhausen by Proxy Syndrome. Mr and Mrs Venema appealed, submitting various medical accounts supporting their case, including statements from three psychiatrists who recommended that Kimberly be returned to them as she would be in no apparent danger. On 15 March 1995 the Court of Appeal dismissed the appeal. On 22 May 1995, following a hearing in camera, the juvenile judge rescinded the provisional supervision order and the placement order, at the same time refusing to replace the provisional supervision order with a permanent one. Kimberly was handed back to Mr and Mrs Venema. The case led to questions in Parliament and a complaint to the Deputy Minister of Justice (Staatssecretaris van Justitie) who ordered an official enquiry. The report of the official inquiry concluded, among other things, that although the Child Welfare Board had no doubt sought in good faith to protect Kimberly’s interests, it might with advantage "have displayed more creativity in seeking a solution that did more justice to the parents’ interests". Article 8

The Court accepted that, when action had to be taken to protect a child in an emergency, it might not always be possible, because of the urgency of the situation, to associate in the decision-making process those having custody of the child. Nor might it even be desirable to do so if those having custody of the child were seen as the source of an immediate threat to the child. However, the Court had to be satisfied that the national authorities were entitled to consider that there existed circumstances justifying the abrupt removal of a child from the care of its parents without any prior contact or consultation. In particular, it had to be established that a careful assessment of the impact of the proposed care measure on the parents and the child, and the possible alternatives, had been carried out prior to the implementation of a care measure. The Court found that it had not been explained to its satisfaction why the doctors involved in the case or the Child Welfare Board could not have made arrangements to discuss their concerns with the applicants and to give them an opportunity to dispel those concerns, if need be with reference to their own medical experts’ opinions. The Court was not persuaded that the applicants might have reacted unpredictably if the matter was discussed with them. In the Court’s opinion, that justification, while it might be relevant, could not of itself be considered sufficient to exclude Kimberly’s parents from a procedure of immense personal importance to them, the less so having regard to the fact that Kimberly was in perfect safety (in hospital) in the days preceding the making of the provisional order. The applicants were at no stage able to influence the outcome of the procedure by, for example, contesting the reliability of the information compiled in their case or adding information from their own sources to the file. It was not before 10 January 1995, when the hearing before the juvenile judge took place, that Kimberly’s parents could express their views. This was six days after the juvenile judge, on the basis of the untested fears of the Child Welfare Board, had issued the provisional supervision order and an order for Kimberley to be placed away from her family and four days after the juvenile judge had issued an order to have Kimberly placed in a foster home. Before Kimberly’s parents were heard and given a chance to dispute the validity of the Child Welfare Board’s fears, measures had already been taken which, because of their immediate impact and Kimberly’s age, were difficult to redress. For the Court, it was crucial for the parents to be able to put forward their own point of view at some stage before the making of the provisional order. The unjustified failure to allow them to participate in the decision-making process leading to the making of the provisional order denied them the requisite protection of their interests under Article 8 of the Convention including their right to challenge the necessity for the measure sought by the Child Welfare Board. That measure, it had to be noted, formed the basis of the regrettable separation of the applicants and their daughter for a period of five months and 18 days. Finding that the competent authorities had presented the applicants with faits accomplis without sufficient

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 49justification, the Court held that there had been a violation of Article 8. Article 6 § 1 Considering that the applicants’ complaints under Article 6 (as declared admissible) largely coincided with their complaints under Article 8, the Court found that no separate issue arose under Article 6 § 1.(The judgment is available only in English.)

LIBERTE D’EXPRESSION

INGERENCE ; INTEGRITE TERRITORIALE ; SECURITE NATIONALE ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE

{ART 10} « Entretien dans le jardin kurde »,

avec Abdullah Öcalan

Les autorités nationales n'ont pas suffisamment pris en compte le droit du public

de recevoir une information d'une autre manière et de porter un regard sur la situation

du Sud-Est de la Turquie. YALCIN KÜCÜK c. TURQUIE

5.12.2002 Violation de l’article 10

Cour (troisième section) n° 00028493/95 Dommage matériel - demande rejetée ; 4 000 EUR pour dommage moral, ainsi que 1 500 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Droit en cause Loi nº 3713, article 8 ; Code pénal, article 36(1) Jurisprudence : Arslan c. Turquie [GC], no 23462/94, § 58, 8 juillet 1999 ; Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A no 236, § 46, p. 23 ; E.K. c. Turquie, no 28496/95, § 59, § 67 et §§ 69-71, 7 février 2002 ; Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ; Gerger c. Turquie [GC], no 24919/94, § 50 et § 73, 8 juillet 1999 ; Ibrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, § 60, 10 octobre 2000 ; Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1568, § 58 ; Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 41, p. 46, §§ 41-42 ; News Verlags GmbH & CoKG c. Autriche, no 31457/96, § 52, CEDH 2000-I ; Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], no 23118/93, § 43, CEDH 1999-VIII ; Okçuoglu c. Turquie [GC], no 24246/94, § 44, 8 juillet 1999 ; Öztürk c. Turquie [GC], no 22479/93, § 64, CEDH 1999-

VI ; Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95 § 62, CEDH 1999-IV ; Sürek c. Turquie (no 3) [GC], no 24735/94, § 40, 8 juillet 1999 ; Sürek c. Turquie (no 4) [GC], no 24762/94, § 54, 8 juillet 1999 ; Zana c. Turquie, arrêt du 25 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, p. 2539, § 10 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) En décembre 1992, Yalçin Küçük fut arrêté en possession d’enregistrements audiovisuels d’un entretien qu’il avait eu avec Abdullah Öcalan, le chef du PKK. Poursuivi pénalement pour apologie d’une organisation terroriste, il fut acquitté par la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul le 26 avril 1993 au motif que les documents incriminés n’avaient pas été portés à la connaissance du public. En avril 1993, le requérant publia un livre intitulé « Entretien dans le jardin kurde », reproduisant sous forme de questions et réponses l’entretien qu’il avait eu avec le chef du PKK. Certains passages de l’ouvrage évoquaient notamment le « programme d’autonomie culturelle pour les Kurdes » ou encore les fondements du nationalisme turc. Poursuivi pour propagande séparatiste, le requérant fut condamné le 2 août 1994 par la cour de sûreté de l’Etat à deux ans d’emprisonnement et 250 000 000 livres turques (TRL) d’amende, tandis que l’ouvrage en question fut confisqué. La cour retint que l’ouvrage divisait l’Etat de la République de Turquie en deux parties : la Turquie et le Kurdistan, et qu’il faisait de la propagande pour la formation d’un Etat kurde. A la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 4126 du 27 octobre 1995, la cour de sûreté de l’Etat réexamina l’affaire et ramena la peine du requérant à un an de prison et 100 000 000 TRL d’amende. Cette condamnation fut confirmée par la Cour de cassation. Invoquant l’article 10 de la Convention, le requérant soutenait que sa condamnation en raison de la publication d’un ouvrage a porté atteinte à son droit à la liberté d’expression. Résumé de l’arrêt rendu par une chambre composée de 7 jges, M. Ireneu Cabral Barreto (Portugais), président, La Cour relève que la confiscation de l’ouvrage et la condamnation pénale du requérant

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 50s’analysent en une ingérence dans son droit à la liberté d’expression, et que ces mesures ont été prises en application des articles 8 § 1 de la loi n° 3713 et 36 § 1 du code pénal. Eu égard au caractère sensible de la situation régnant dans le Sud-Est de la Turquie en matière de sécurité, et à la nécessité pour les autorités d’exercer leur vigilance face à des actes susceptibles d’accroître la violence, la Cour estime que cette mesure avait pour but de protéger l’intégrité territoriale, l’unité et la sécurité nationales. La Cour relève que l’ouvrage est rédigé sous la forme d’un entretien, contenant des passages concernant la cause kurde et d’autres critiquant ou commentant certains faits politiques, historiques et littéraires. Elle considère qu’il convient de replacer le livre dans le contexte général, qui est écrit dans un style littéraire et métaphorique. Bien que certains passages contiennent des critiques virulentes à l’égard notamment des autorités turques, la Cour estime qu’il s’agit plus d’un reflet de l’attitude intransigeante adoptée par l’une des parties au conflit plutôt que d’une incitation à la violence. A cet égard, la Cour rappelle qu’elle a conscience des préoccupations des autorités qui redoutent que des mots ou actes aggravent la situation régnant en matière de sécurité dans le Sud-Est du pays, mais elle considère en l’espèce que l’ensemble du livre n’incite pas à la violence, à la résistance armée ou au soulèvement. Selon la Cour, les autorités n’ont pas suffisamment pris en compte le droit du public de recevoir une information d’une autre manière et de porter un regard sur la situation du Sud-Est de la Turquie. En l’espèce, rien ne permet de conclure que l’ouvrage litigieux contenait des passages incitant à la « haine » et faisant « l’apologie de la violence » ou de « l’incitation à la violence ». Par ailleurs, la Cour relève également la nature et la lourdeur des peines infligées au requérant. De l’avis de la Cour, le contenu de la publication litigieuse ne présentait pas, au regard notamment de la sécurité et l’ordre publics, un caractère de nature à justifier la gravité de l’atteinte à la liberté d’expression du requérant. La condamnation de ce dernier et la confiscation de l’ouvrage ne répondaient pas à un besoin social impérieux et n’étaient pas proportionnés au but légitime poursuivi. Dès lors, l’ingérence dans le droit à la liberté

d’expression du requérant ne peut pas être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique ».

Extraits de l’arrêtExtraits de l’arrêt : « 37. La Cour se réfère

aux principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l'article 10 (voir, entres autres, Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A no 236, § 46, p. 23, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 45, CEDH 1999-I, Öztürk c. Turquie [GC], no 22479/93, § 64, CEDH 1999-VI, Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], no 23118/93, § 43, CEDH 1999-VIII, News Verlags GmbH & CoKG c. Autriche, no 31457/96, § 52, CEDH 2000-I, et, en dernier lieu, E.K. précité, §§ 69-71). 38. La Cour constate que le requérant a été condamné pour avoir fait de la propagande séparatiste par voie de publication en raison d'un livre contenant un entretien avec le chef du PKK. Elle rappelle que l'ingérence en cause doit être examinée en ayant égard au rôle essentiel des publications, autres que celles de la presse périodique, qui portent sur un sujet d'actualité dans une démocratie (voir, parmi d'autres, Okçuoglu c. Turquie [GC], no 24246/94, § 44, 8 juillet 1999, Sürek c. Turquie (no 4) [GC], no 24762/94, § 54, 8 juillet 1999, Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 41, et Fressoz et Roire précité, § 45). Si toute publication ne doit pas franchir les bornes fixées en vue, notamment, de la protection des intérêts vitaux de l'Etat, telles la sécurité nationale ou l'intégrité territoriale, contre la menace du terrorisme, ou en vue de la défense de l'ordre ou de la prévention du crime, il lui incombe néanmoins de communiquer des informations et des idées sur des questions politiques, y compris sur celles qui divisent l'opinion. A sa fonction qui consiste à en diffuser s'ajoute le droit, pour le public, d'en recevoir. La liberté de recevoir des informations ou des idées fournit à l'opinion publique l'un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Lingens précité, p. 46, §§ 41-42). 39. La Cour portera une attention particulière aux termes employés dans le livre et au contexte de sa publication. A cet égard, elle tient compte des circonstances entourant les cas soumis à son examen, en particulier des difficultés liées à la lutte contre le terrorisme

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 51(voir Ibrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, § 60, 10 octobre 2000, et Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1568, § 58). 40. La Cour relève que la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara a constaté que les charges retenues contre le requérant au titre de l'article 8 de la loi no 3713 (paragraphes 15 et 18 ci-dessus) étaient établies. Cette juridiction est parvenue à ce résultat en considérant que, dans l'ensemble, le requérant faisait de la propagande séparatiste par voie de publication. La Cour note d'emblée que le livre est rédigé sous forme d'un entretien au travers duquel le requérant pose des questions au chef du PKK. Il est vrai que, même si le livre contient des passages concernant la cause kurde, d'autres sujets sont évoqués et, à cette occasion, l'un et l'autre des intervenants critiquent ou commentent certains faits politiques, historiques et littéraires. Cela étant, quand bien même le texte parle du « programme d'autonomie culturelle des Kurdes » ou émet des réserves au sujet de ceux qui ont fondé la République de Turquie ou développé « l'idéologie du nationalisme turc », la Cour estime qu'il faut replacer le livre dans le contexte général, qui est écrit dans un style littéraire et métaphorique. Il est vrai que l'entretien contient des critiques virulentes à l'égard des citoyens ou des autorités turques (paragraphe 12 ci-dessus, pp. 205 et 209-210 du livre en question). Toutefois, la Cour considère qu'il s'agit là plus d'un reflet de l'attitude intransigeante adoptée par l'une des parties au conflit plutôt que d'une incitation à la violence. De fait, dans l'ensemble, la teneur du livre ne saurait passer pour inciter à l'usage de la violence, à la résistance armée, ou au soulèvement ; c'est là, aux yeux de la Cour, un élément essentiel à prendre en considération (voir Gerger c. Turquie [GC], no 24919/94, § 50, 8 juillet 1999). Bien entendu, la Cour a conscience des préoccupations qu'éprouvent les autorités au sujet de mots ou d'actes susceptibles d'aggraver la situation régnant en matière de sécurité dans le Sud-Est où, depuis 1985 environ, de graves troubles ont fait rage entre les forces de sécurité et les membres du PKK et ont entraîné de nombreuses pertes humaines et la proclamation de l'état d'urgence dans la plus grande partie de la région (arrêt Zana précité, p. 2539, § 10).

41. Toutefois, en l'espèce, la Cour est d'avis que les autorités nationales n'ont pas suffisamment pris en compte le droit du public de recevoir une information d'une autre manière et de porter un regard sur la situation du Sud-Est de la Turquie. Dès lors, rien ne permet de conclure que le livre incriminé contenait des passages incitant à la « haine » et faisant « l'apologie de la violence » (voir Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95 § 62, CEDH 1999-IV) ou de « l'incitation à la violence » (voir Sürek c. Turquie (no 3) [GC], no 24735/94, § 40, 8 juillet 1999). 42. La Cour note aussi que le requérant a été condamné à une peine d'emprisonnement d'une année et à amende pénale de 100 000 000 TRL (paragraphe 18 ci-dessus). En outre, le livre litigieux a été confisqué par les autorités (paragraphe 15 ci-dessus). La Cour souligne à cet égard que la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu'il s'agit d'apprécier la proportionnalité de l'ingérence. 43. Dans le cas présent, la Cour estime que le contenu de la publication ne présentait pas, au regard notamment de la sécurité et de l'ordre publics, un caractère de nature à justifier la gravité de l'atteinte à la liberté d'expression du requérant, constituée par sa condamnation pénale. En définitive, la Cour considère que la condamnation du requérant et la confiscation de l'ouvrage ne répondaient pas à un besoin social impérieux et n'étaient pas non plus proportionnées au but légitime poursuivi. 44. A la lumière de ces considérations, la Cour conclut que l'ingérence dans le droit à la liberté d'expression du requérant ne peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique », de sorte qu'il y a eu violation de l'article 10. » (L’arrêt n’existe qu’en français.) In December 1992 Yalçýn Küçük was arrested while in possession of audio-visual cassettes of an interview he had had with Abdullah Öcalan, the PKK leader. He was prosecuted for publicly vindicating a terrorist organisation but acquitted by the Istanbul National Security Court on 26 April 1993 on the ground that the cassettes in question had not been shown to the public. In April 1993 the applicant published a book entitled "Interview in the Kurdish Garden", which reproduced in question and answer form the interview he had had with the PKK leader. Certain

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 52passages of the book referred, among other things, to the "programme for Kurdish cultural autonomy" or to the foundations of Turkish nationalism. The applicant was prosecuted for separatist propaganda and sentenced by the National Security Court to two years’ imprisonment and a fine of 250,000,000 Turkish liras (TRL). Copies of the book were confiscated. The court found that the book divided the State of the Turkish Republic into two parts: Turkey and Kurdistan, and that it was a propaganda tool for the creation of a Kurdish state. After Law no. 4126 of 27 October 1995 came into force, the National Security Court re-examined the case and reduced the applicant’s sentence to one year’s imprisonment and a fine of TRL 100,000,000. That sentence was upheld by the Court of Cassation. Relying on Article 10 (freedom of expression), the applicant submitted that his conviction for publishing the book infringed his right to freedom of expression. Decision of the Court The Court noted that the confiscation of the book and the applicant’s criminal conviction amounted to an interference with his right to freedom of expression and that those measures had been taken under section 8(1) of Law no. 3713 and Article 36 § 1 of the Criminal Code. Having regard to the sensitivity of the security situation in south-east Turkey and to the need for the authorities to be alert to acts capable of fuelling additional violence, the Court found that the aim of the measure was to protect territorial integrity and national unity and security. The Court noted that the book, which took the form of an interview, contained passages concerning the Kurdish cause and others criticising or commenting upon various political, historical and literary issues. It considered that the book, which was written in a literary and metaphorical style, had to be put into context. Although certain passages contained fierce criticism, especially of the Turkish authorities, the Court considered that that was a reflection of the intransigent stance that had been taken by one of the parties to the conflict rather than an incitement to violence. In that connection, it reiterated that while it was conscious of the authorities’ concerns that words or deeds might exacerbate the security situation in south-east Turkey, it considered that the book taken as a whole did not constitute an incitement to violence, armed resistance or an uprising. The Court was of the view that the authorities had failed to have sufficient regard to the general public’s right both to receive alternative forms of information and to survey the situation in south-east Turkey. In the case before it, there was no

evidence that the book contained passages inciting people to "hatred" or "vindicating or inciting violence". It also took into account the nature and severity of the sentences imposed on the applicant. The Court found that the content of the book, in particular from the perspective of public safety and public order, did not justify such a serious interference with the applicant’s freedom of expression. The applicant’s conviction and the confiscation of the book did not meet a pressing social need and were not proportionate to the legitimate aim pursued. Accordingly, the interference with the applicant’s right to freedom of expression could not be regarded as being "necessary in a democratic society". The Court held unanimously that there had been a violation of Article 10 (freedom of expression) of the European Convention on Human Rights. Under Article 41 (just satisfaction) of the Convention, the Court awarded the applicant 4,000 euros (EUR) for pecuniary and non-pecuniary damage and EUR 1,500 for costs and expenses.(The judgment is in French only.)

LIBERTE D'ASSOCIATION

SECURITE NATIONALE; PROPORTIONNALITE

{ART 11}; DROITS ET OBLIGATIONS DE

CARACTERE CIVIL DICLE pour le DEP (PARTI DE LA

DÉMOCRATIE) c. TURQUIE 10.12.2002

Article 6 non-applicable ;

Violation de l'art. 11 ; Non-lieu à examiner l'art. 9, 10 et 14 ; Non-violation de l'art. 6-1 ;

Cour (quatrième section) Dommage matériel - demande rejetée ; 200 000 EUR à Hatip Dicle pour dommage moral, à transférer aux membres et dirigeants du DEP, ainsi que 10 000 EUR pour frais et dépens. Opinions séparées : Gölcüklü (partiellement séparée, partiellement dissidente) Droit en cause Constitution, articles 14 et 68 ; Loi nº 2820 portant réglementation des partis politiques, articles 78, 80, 81 et 101 Jurisprudence : Ahmed et autres c. Royaume-Uni du 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI, pp. 2377-2378, § 55 ; Bock c. Allemagne du 29 mars 1989, série A n° 150, p. 18, § 37 ; Castells c. Espagne du 23 avril 1992, série A n° 236, pp. 23-24, § 46 ; Goodwin c.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 53Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-501, § 40 ; Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 24, p. 23, § 49 ; Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A n° 298, p. 26, § 37 ; Lawless c. Irlande du 1er juillet 1961 (fond), série A n° 3, pp. 45-46, § 7 ; Nikolova c. Bulgarie [GC], n° 31195/96, § 79, CEDH 1999-II ; Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie du 30 janvier 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 17, §§ 25 et 27, pp. 21-22, § 45, p. 27, §§ 57, 58 ; Parti de la liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie [GC], n° 23885/94, CEDH 1999-VIII, § 41, §§ 55-57 ; Parti socialiste et autres c. Turquie du 25 mai 1998, Recueil 1998-III, pp. 1256-1257, §§ 46 et 47, pp. 1257-1258, § 48 ; Pierre-Bloch c. France, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, §§48-61 ; Refah Partisi, Erbakan, Kazan et Tekdal c. Turquie, n°s 41340/98, 41342/98, 41343/98, 41344/98, décision du 3 octobre 2000 ; Sadak et autres c. Turquie du 11 juin 2002 (n° 2), n°s 25144/94, 26149/95 à 26154/95, 27100/95 et 27101/95, CEDH 2002-IV. § 56 ; Sadak et autres c. Turquie du 17 juillet 2001, n°s 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, CEDH 2001-VIII ; Sürek c. Turquie (n° 1) [GC], n° 26682/95, § 64, CEDH 1999-IV ; Van Geyseghem c. Belgique [GC], n° 26103/95, § 45, CEDH 1999-I ; Vogt c. Allemagne du 26 septembre 1995, série A n° 323, p. 25, § 52 ; Yazar et autres c. Turquie, n°s 22723/93, 22724/93 et 22725/93, § 49, § 57, 9 avril 2002 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) [RAPPEL : Malgré son rôle autonome et la spécificité de sa sphère d’application, l’article 11 doit s’envisager aussi à la lumière de l’article 10. La protection des opinions et la liberté de les exprimer constitue l’un des objectifs de la liberté de réunion et d’association consacrée par l’article 11. Il en va d’autant plus ainsi dans le cas de partis politiques, eu égard à leur rôle essentiel pour le maintien du pluralisme et le bon fonctionnement de la démocratie. Il n’est pas de démocratie sans pluralisme. C’est pourquoi la liberté d’expression consacrée par l’article 10 vaut, sous réserve du paragraphe 2, non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A no 24, p. 23, § 49, et Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A no 298, p. 26, § 37).

Etant donné que leurs activités prennent part à un exercice collectif de la liberté d’expression, les partis politiques peuvent déjà prétendre à la protection des articles 10 et 11 de la Convention (arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie du 30 janvier 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 17, §§ 42 et 43). Liens entre la démocratie et la Convention : (voir, parmi d’autres, l’arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres précité, pp. 21–22, § 45) : « La démocratie représente sans nul doute un élément fondamental de « l’ordre public européen » (...). Ceci ressort d’abord du préambule à la Convention, qui établit un lien très clair entre la Convention et la démocratie en déclarant que la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales reposent sur un régime politique véritablement démocratique d’une part, et sur une conception commune et un commun respect des droits de l’homme d’autre part (...). Le même préambule énonce ensuite que les Etats européens ont en commun un patrimoine d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit. La Cour a vu dans ce patrimoine commun les valeurs sous-jacentes à la Convention (...) ; à plusieurs reprises, elle a rappelé que celle-ci était destinée à sauvegarder et promouvoir les idéaux et valeurs d’une société démocratique (...). En outre, les articles 8, 9, 10 et 11 de la Convention requièrent d’apprécier les ingérences dans l’exercice des droits qu’ils consacrent à l’aune de ce qui est « nécessaire dans une société démocratique ». La seule forme de nécessité capable de justifier une ingérence dans l’un de ces droits est donc celle qui peut se réclamer de la « société démocratique ». La démocratie apparaît ainsi comme l’unique modèle politique envisagé par la Convention et, partant, le seul qui soit compatible avec elle. » Limites dans lesquelles les formations politiques peuvent mener des activités en bénéficiant de la protection des dispositions de la Convention (arrêt Parti communiste unifié de Turquie précité, p. 27, § 57) : « (...) l’une des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre de résoudre par le dialogue et sans recours à la violence les problèmes que rencontre un pays, et cela même quand ils dérangent. La démocratie se nourrit en effet de la liberté d’expression. Sous ce rapport, une formation politique ne peut se voir inquiétée pour le seul fait de vouloir débattre publiquement du sort d’une partie de la population d’un Etat et se mêler à la vie politique de celui-ci afin de trouver, dans le respect des règles démocratiques, des solutions qui puissent satisfaire tous les acteurs concernés. » Un parti politique peut mener campagne en faveur d’un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux conditions : les moyens utilisés à cet effet doivent être à tous points de vue légaux et démocratiques ;

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 54(2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Il en découle nécessairement qu’un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas une ou plusieurs règles de la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs (arrêt Yazar et autres c. Turquie, nos 22723/93, 22724/93 et 22725/93, § 49 (9.4.02) ; voir aussi, mutatis mutandis, les arrêts Parti socialiste et autres c. Turquie du 25 mai 1998, Recueil 1998–III, pp. 1256-1257, §§ 46 et 47, et Lawless c. Irlande du 1er juillet 1961 (fond), série A no 3, pp. 45–46, § 7). On ne saurait exclure non plus que le programme d’un parti politique ou les déclarations de ses responsables cachent des objectifs et intentions différents de ceux qu’ils affichent publiquement. Pour s’en assurer, il faut comparer le contenu dudit programme ou desdites déclarations avec l’ensemble des actes et prises de position de leurs titulaires (voir les arrêts précités Parti communiste unifié de Turquie et autres, p. 27, § 58, et Parti socialiste et autres, pp. 1257-1258, § 48). Par ailleurs, dans la recherche de la nécessité d’une ingérence dans une société démocratique, l’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 11 § 2, implique un « besoin social impérieux ». La Cour n’a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l’angle de l’article 11 les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation. Il ne s’ensuit pas que la Cour doit se borner à rechercher si l’Etat défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut considérer l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 11 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Ahmed et autres c. Royaume-Uni du 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI, pp. 2377-2378, § 55 ; l’arrêt Goodwin c. Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-501, § 40).] Hatip Dicle est un ressortissant turc né en 1955. Il a introduit la présente requête en son propre nom ainsi qu’au nom du DEP (Demokrasi Partisi : Parti de la Démocratie) dont il était le président jusqu’à sa dissolution par la Cour constitutionnelle en 1994. Le DEP fut fondé le 7 mai 1993. Les 18 députés du Parlement turc qui appartenaient au HEP (Parti du travail du peuple: Halkin Emegi Partisi) dissous en juillet 1993, et qui avaient

été élus en 1991 sur la liste du parti politique SHP (social démocrate), adhérèrent au DEP. Le 2 novembre 1993, le Procureur général de la République intenta une action en dissolution du DEP. Il lui reprochait d’avoir enfreint les principes de la Constitution et la loi sur les partis politiques en raison d’une déclaration écrite du comité central et de deux discours de l’ancien président du DEP tenus lors de deux réunions en Allemagne et en Irak. Les avocats du DEP demandèrent à la Cour constitutionnelle la tenue d’une audience. Ils firent valoir dans leurs observations que la dissolution du parti serait contraire aux textes internationaux, et contestèrent la légalité et la valeur des vidéos enregistrées lors des réunions à l’étranger. Par un arrêt du 16 juin 1994, la Cour constitutionnelle décida de dissoudre le DEP au motif que ses activités étaient de nature à porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Etat et à l’unité de la nation. Par ailleurs, les 13 députés membres de la Grande Assemblée nationale de Turquie et du DEP, ainsi que M. Dicle furent déchus de leur qualité de député. La Cour constitutionnelle retint que les propos et déclarations litigieux faisaient référence à l’existence en Turquie d’un peuple kurde distinct, soulignaient que ce peuple menait un combat pour l’indépendance et prévoyaient l’admission d’une identité kurde avec toutes ses conséquences, à savoir la création d’un Etat indépendant par la destruction de celui qui existe. Elle estima en outre qu’il était fait référence à une égalité entre deux nations, et que les actes d’une organisation terroriste étaient présentés comme un combat pour l’indépendance. La Cour conclut que les activités du DEP entraient entre autres dans le cadre des restrictions énoncées à l’article 11 paragraphe 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Le requérant alléguait que la dissolution du DEP et les sanctions accessoires infligées avaient porté atteinte aux articles 9, 10 et 11 de la Convention. En outre, invoquant l’article 14 le requérant se plaignait d’une discrimination à l’égard du DEP en raison des opinions politiques qu’il représentait. Enfin, sur le fondement de l’article 6 § 1, le requérant dénonçait l’absence d’audience publique dans cette affaire.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 55Résumé de l’arrêt rendu par une chambre composée de 7 jges, M. Antonio Pastor Ridruejo (Espagnol), président, Article 11 La Cour relève d’emblée que dans son arrêt de dissolution la Cour constitutionnelle n’a pas examiné la conformité de la loi du programme et des statuts du DEP ; elle ne s’est prononcée que sur le point de savoir si ses activités politiques se heurtaient ou non aux interdictions en la matière, et a tiré argument de trois déclarations pour se prononcer. En conséquence, la Cour considère qu’elle peut limiter son examen aux dites déclarations, et rejette par ailleurs la demande du Gouvernement tendant à l’élargissement de l’examen aux condamnations pénales de plusieurs députés postérieurement à la dissolution du parti. Sur le point de savoir si le DEP poursuivait des buts contraires aux principes de la démocratie, la Cour constate que la déclaration écrite ainsi que les discours ayant conduit à la dissolution du parti tendaient à la reconnaissance de l’identité kurde et critiquaient de manière virulente la politique gouvernementale à l’encontre des citoyens d’origine kurde. Pour autant, la Cour ne les considère pas contraires aux principes fondamentaux et rappelle que le bon fonctionnement de la démocratie exige que les formations politiques puissent introduire dans le débat public des propositions, fussent elles de nature à heurter les lignes directrices de la politique gouvernementale ou les convictions majoritaires dans l’opinion publique. Par ailleurs, la Cour n’est pas convaincue par la thèse du Gouvernement selon laquelle la formulation de la part du DEP des réclamations d’autonomie ou de séparatisme se résume en l’espèce en un soutien aux actes terroristes. Selon elle, il n’est pas utilement démontré dans l’arrêt de dissolution que le DEP envisageait de compromettre le régime démocratique en Turquie par le biais de ses projets politiques. Il n’est pas non plus soutenu que le DEP avait des chances réelles d’instaurer un système gouvernemental qui ne serait pas approuvé par tous les acteurs de la scène politique. Sur le point de savoir si le DEP menait sa campagne politique par des moyens légaux et démocratiques ou si ses dirigeants prônaient le recours à la violence comme moyen politique,

la Cour doit rechercher s’il y a eu en l’espèce, comme le soutient le Gouvernement, incitation à la haine ethnique, à l’insurrection et à la violence. Quant au discours prononcé à Bonn et à la déclaration écrite du comité central, la Cour observe que si elles contiennent de sévères critiques à l’encontre de certains comportements du Gouvernement, ces deux déclarations n’expriment aucun soutien ou approbation explicites du recours à la violence à des fins politiques. Selon la Cour, il s’agit d’une virulente critique politique des autorités turques, qui ne peuvent à elles seules constituer des éléments de preuve afin d’assimiler le DEP aux groupes armés procédant à des actes de violence. La Cour n’est pas convaincue qu’ainsi ils poursuivaient un but autre que celui de remplir leur devoir de signaler les préoccupations de leurs électeurs. Elle considère par conséquent que la mesure de dissolution appliquée au DEP en raison de ces deux déclarations ne correspondait pas à un « besoin social impérieux ». Quant à la déclaration faite par l’ex-président du DEP en Iraq, la Cour relève qu’il contenait trois messages : d’une part son désir d’un Etat kurde séparé et uni, d’autre part l’assimilation du mouvement armé du PKK à une guerre de libération du Kurdistan du nord dans l’objectif de fonder un Etat kurde, et enfin, la stigmatisation des parties adverses notamment le Gouvernement de Turquie. Selon la Cour, le deuxième et troisième message s’analysent en une approbation au recours à la force comme moyen politique et à un appel de le faire, de sorte que dans le contexte de l’époque, ces propos étaient susceptibles d’insuffler une haine profonde et irrationnelle envers ceux qui étaient présentés comme des ennemis de la population d’origine kurde. Le recours à la violence semble ainsi être une mesure de libération nécessaire et justifiée face à l’ennemi. Selon la Cour, la mesure prise à l’encontre de ces propos répondait à un « besoin social impérieux ». Elle constate par ailleurs que des poursuites pénales ont été entamées contre l’auteur de ces propos. Toutefois, la Cour note qu’il s’agit ici d’un seul discours tenu par ex-dirigeant du parti, prononcé à l’étranger dans une autre langue que le turc et devant un public qui n’était pas directement concerné par la situation en Turquie. Son impact potentiel sur la « sécurité nationale », « l’ordre » public ou « l’intégrité

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 56territoriale » en Turquie était donc très limité. Ainsi, selon la Cour, ce discours ne pouvait à lui seul justifier une sanction aussi générale que la dissolution de tout un parti politique, d’autant que la responsabilité pénale de son auteur avait déjà été engagée. Par conséquent, la dissolution du DEP en raison de ce discours en Iraq ne saurait passer pour proportionnelle aux buts visés. Dès lors, la Cour conclut que la dissolution du DEP ne peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique », et qu’il y a en l’espèce violation de l’article 11. Extraits de l’arrêt : « A. Sur l’applicabilité de l’article 11 28. Le Gouvernement défendeur soulève, à titre préliminaire, la question de l’applicabilité de l’article 11 de la Convention aux partis politiques. Selon lui, les Etats parties à la Convention n’ont à aucun moment entendu soumettre au contrôle des organes de Strasbourg leurs institutions constitutionnelles et notamment les principes qu’ils considèrent comme des conditions essentielles de leur existence. Le discours d’un parti politique, amplifié par une organisation implantée sur de nombreux points du territoire, pourrait faire encourir à l’Etat un grand danger lorsqu’il prône le séparatisme territorial et l’éclatement national en incitant la haine entre les différentes composantes de la population. Dans ces cas extrêmes, les critères de la jurisprudence de la Cour en la matière ne seraient pas pertinents, dans la mesure où l’acte en question ne relève pas du discours politique ordinaire basé sur le pluralisme des opinons. Le Gouvernement estime que l’examen de la jurisprudence des organes de la Convention en matière des partis politiques, montre que la dissolution de ces derniers relève de la marge d’appréciation des cours constitutionnelles s’agissant des principes constitutionnels fondamentaux de la Turquie. 29. Le requérant estime que rien dans le libellé de l’article 11 ne permet de considérer que les partis politiques en seraient exclus. 30. Dans son arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, la Cour a jugé que les partis politiques représentent une forme d’association essentielle au bon fonctionnement de la démocratie et que, eu égard à l’importance de celle-ci dans le système de la

Convention, il ne saurait faire aucun doute que lesdits partis relèvent de l’article 11. Elle a rappelé d’autre part qu’une association, fût-ce un parti politique, ne se trouve pas soustraite à l’empire de la Convention par cela seul que ses activités passent aux yeux des autorités nationales pour porter atteinte aux structures constitutionnelles d’un Etat et appeler des mesures restrictives (arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie du 30 janvier 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 17, §§ 25 et 27). La Cour ne voit aucune raison de parvenir à une autre conclusion en l’espèce. Il s’ensuit que cette exception du Gouvernement ne peut être retenue. B. Sur l’observation de l’article 11 1. Sur l’existence d’une ingérence 31. Le Gouvernement, sous réserve de ses observations quant à l’applicabilité de l’article 11, ainsi que le requérant reconnaissent que la dissolution du DEP s’analyse en une ingérence dans le droit à la liberté d’association du requérant. C’est aussi l’opinion de la Cour. 2. Sur la justification de l’ingérence 32. Pareille ingérence enfreint l’article 11, sauf si elle était « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire, dans une société démocratique », pour les atteindre. a) « Prévue par la loi » 33. Les parties s’accordent à considérer que l’ingérence était « prévue par la loi », les mesures litigieuses prononcées par la Cour constitutionnelle reposant notamment sur les articles 2, 3, 14 et 68 ancien de la Constitution puis 78, 80, 81 et 101 de la loi no 2820 sur les partis politiques (paragraphes 25 - 26 ci-dessus). b) But légitime 34. Pour le Gouvernement, l’ingérence litigieuse visait plusieurs buts légitimes : la défense de la sûreté publique, la protection des droits d’autrui, la sécurité nationale et l’intégrité territoriale du pays. 35. Le requérant affirme que les responsables du DEP n’ont aucunement prôné ni la séparation des kurdes de la Turquie, ni la fondation d’un Etat nouveau kurde. 36. La Cour estime que les mesures litigieuses peuvent passer pour avoir visé au moins un des buts légitimes au sens du paragraphe 2 de

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 57l’article 11 : la protection de l’intégrité territoriale et, ainsi, la « sécurité nationale ». c) « Nécessaire dans une société démocratique » i. Thèses des comparants Le requérant 37. Le requérant conteste les motifs avancés par la Cour constitutionnelle turque dans sa décision de dissolution du DEP et repris par le Gouvernement dans ses conclusions. Il soutient que les discours litigieux des dirigeants du DEP se sont contentés de mettre l’accent sur la nécessité de développer la langue et la culture du "peuple kurde" et de critiquer les agissements des forces de sécurité contre la population d’origine kurde. Le requérant fait valoir aussi que la notion du "peuple" kurde n’implique pas nécessairement le fait que les Kurdes forment une "nation" à part ayant droit à un Etat indépendant. Il soutient que l’arrêt de dissolution du parti a sanctionné le fait que les dirigeants du parti aient mis l’accent sur l’identité kurde de certains citoyens turcs. 38. Le requérant rappelle également que le pluralisme dans une société démocratique exige la libre expression de toutes les opinions, même si celles-ci ne correspondent pas à celles exprimées par le Gouvernement. Selon le requérant, la dissolution du DEP a eu comme conséquence d’empêcher une partie de la population de participer au débat politique. Le Gouvernement 39. Le Gouvernement soutient que, selon la Cour constitutionnelle turque, les principes caractérisant le régime constitutionnel de l’Etat, y compris celui concernant l’indivisibilité de la nation, constituent des valeurs absolues que les partis politiques sont tenus de respecter. Le Gouvernement fait valoir que le DEP, en précisant qu’il existait un peuple kurde distinct en Turquie et soulignant que celui-ci livrait une guerre de libération nationale, essayait d’établir, au sein de la nation turque, une discrimination fondée sur l’appartenance ethnique. Cette approche, qui propose de créer une minorité basée sur l’origine ethnique au sein de la nation, est incompatible avec l’intégrité nationale. Or cette dernière notion se fonde sur l’égalité des droits des citoyens sans aucune distinction.

40. Par ailleurs, selon le Gouvernement, dans une période de terrorisme menaçant l’intégrité territoriale, les dirigeants d’un parti politique doivent s’abstenir de propos appuyant les terroristes ou reprenant leurs thèses ou faisant leur apologie. Se référant aux déclarations de l’ex-président du parti, qui a présenté les assassinats commis par les militants séparatistes comme les actes d’une lutte de libération des citoyens kurdes, le Gouvernement fait valoir qu’à aucun moment, les instances dirigeantes du DEP ne se sont départies de telles déclarations, mais se sont identifiées complètement avec ces prises de position. Ces propos et prises de position s’aligneraient aux rapports tissés et promus entre le DEP et le PKK. Le Gouvernement se réfère à cet égard à la condamnation des ex-députés du DEP au pénal pour être membres du PKK, organisation séparatiste armée. Les discours mis en cause en l’espèce, compte tenu de leur caractère provocateur et incitatrice à la violence, seraient en conformité avec les objectifs poursuivis par le PKK dans ses actions armées. 41. Quant à l’absence de condamnation au pénal prononcée à l’encontre des auteurs des déclarations en question dans la présente affaire, le Gouvernement fait observer que la dissolution d’un parti politique ne constitue pas une conclusion liée à la violation d’une norme pénale, mais un moyen de préserver l’ordre libéral démocratique et, en tant que tel, joue un rôle préventif. En résumé, les activités ne constituant pas des infractions pénales pourraient justifier cette dissolution. 42. Le Gouvernement estime que, dans ces circonstances, la dissolution du DEP était « nécessaire dans une société démocratique » et répondait à un besoin social impérieux, à savoir la sauvegarde de l’ordre public et des droits d’autrui. ii. Appréciation de la Cour 43. La Cour rappelle que, malgré son rôle autonome et la spécificité de sa sphère d’application, l’article 11 doit s’envisager aussi à la lumière de l’article 10. La protection des opinions et la liberté de les exprimer constitue l’un des objectifs de la liberté de réunion et d’association consacrée par l’article 11. Il en va d’autant plus ainsi dans le cas de partis politiques, eu égard à leur rôle essentiel

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 58pour le maintien du pluralisme et le bon fonctionnement de la démocratie. Il n’est pas de démocratie sans pluralisme. C’est pourquoi la liberté d’expression consacrée par l’article 10 vaut, sous réserve du paragraphe 2, non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A no 24, p. 23, § 49, et Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A no 298, p. 26, § 37). Etant donné que leurs activités prennent part à un exercice collectif de la liberté d’expression, les partis politiques peuvent déjà prétendre à la protection des articles 10 et 11 de la Convention (arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie du 30 janvier 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 17, §§ 42 et 43). 44. Quant aux liens entre la démocratie et la Convention, la Cour a fait les observations suivantes (voir, parmi d’autres, l’arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres précité, pp. 21–22, § 45) : « La démocratie représente sans nul doute un élément fondamental de « l’ordre public européen » (...). Ceci ressort d’abord du préambule à la Convention, qui établit un lien très clair entre la Convention et la démocratie en déclarant que la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales reposent sur un régime politique véritablement démocratique d’une part, et sur une conception commune et un commun respect des droits de l’homme d’autre part (...). Le même préambule énonce ensuite que les Etats européens ont en commun un patrimoine d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit. La Cour a vu dans ce patrimoine commun les valeurs sous-jacentes à la Convention (...) ; à plusieurs reprises, elle a rappelé que celle-ci était destinée à sauvegarder et promouvoir les idéaux et valeurs d’une société démocratique (...). En outre, les articles 8, 9, 10 et 11 de la Convention requièrent d’apprécier les ingérences dans l’exercice des droits qu’ils consacrent à l’aune de ce qui est « nécessaire dans une société démocratique ». La seule

forme de nécessité capable de justifier une ingérence dans l’un de ces droits est donc celle qui peut se réclamer de la « société démocratique ». La démocratie apparaît ainsi comme l’unique modèle politique envisagé par la Convention et, partant, le seul qui soit compatible avec elle. » 45. La Cour a aussi déterminé les limites dans lesquelles les formations politiques peuvent mener des activités en bénéficiant de la protection des dispositions de la Convention (arrêt Parti communiste unifié de Turquie précité, p. 27, § 57) : « (...) l’une des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre de résoudre par le dialogue et sans recours à la violence les problèmes que rencontre un pays, et cela même quand ils dérangent. La démocratie se nourrit en effet de la liberté d’expression. Sous ce rapport, une formation politique ne peut se voir inquiétée pour le seul fait de vouloir débattre publiquement du sort d’une partie de la population d’un Etat et se mêler à la vie politique de celui-ci afin de trouver, dans le respect des règles démocratiques, des solutions qui puissent satisfaire tous les acteurs concernés. » 46. Sur ce point, la Cour a déjà estimé qu’un parti politique peut mener campagne en faveur d’un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux conditions : (1) les moyens utilisés à cet effet doivent être à tous points de vue légaux et démocratiques ; (2) le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Il en découle nécessairement qu’un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas une ou plusieurs règles de la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs (arrêt Yazar et autres c. Turquie, nos 22723/93, 22724/93 et 22725/93, § 49 (9.4.02) ; voir aussi, mutatis mutandis, les arrêts Parti socialiste et autres c. Turquie du 25 mai 1998, Recueil 1998–III, pp. 1256-1257, §§ 46 et 47, et Lawless c. Irlande du 1er juillet 1961 (fond), série A no 3, pp. 45–46, § 7).

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 59 47. On ne saurait exclure non plus que le programme d’un parti politique ou les déclarations de ses responsables cachent des objectifs et intentions différents de ceux qu’ils affichent publiquement. Pour s’en assurer, il faut comparer le contenu dudit programme ou desdites déclarations avec l’ensemble des actes et prises de position de leurs titulaires (voir les arrêts précités Parti communiste unifié de Turquie et autres, p. 27, § 58, et Parti socialiste et autres, pp. 1257-1258, § 48). 48. Par ailleurs, dans la recherche de la nécessité d’une ingérence dans une société démocratique, l’adjectif « nécessaire », au sens de l’article 11 § 2, implique un « besoin social impérieux ». La Cour n’a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes compétentes, mais de vérifier sous l’angle de l’article 11 les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation. Il ne s’ensuit pas que la Cour doit se borner à rechercher si l’Etat défendeur a usé de ce pouvoir de bonne foi, avec soin et de façon raisonnable : il lui faut considérer l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si elle était « proportionnée au but légitime poursuivi » et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants ». Ce faisant, la Cour doit se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 11 et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Ahmed et autres c. Royaume-Uni du 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI, pp. 2377-2378, § 55 ; l’arrêt Goodwin c. Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-501, § 40). 49. En l’espèce, il appartient à la Cour d’apprécier si la dissolution du DEP et les sanctions accessoires infligées au requérant répondaient à un « besoin social impérieux » et si elles étaient « proportionnées aux buts légitimes poursuivis ». 50. La Cour note d’emblée que dans son arrêt de dissolution, la Cour constitutionnelle n’a pas examiné la conformité de la loi du programme et des statuts du DEP, mais s’est prononcée uniquement sur la question de savoir si ses activités politiques se heurtaient ou non aux interdictions en la matière. Pour prononcer la

dissolution du parti, elle a tiré argument de deux déclarations publiques de son ex-président ainsi que d’une déclaration de l’une de ses instances dirigeantes, qu’elle a considérées comme des faits et éléments de preuve liant ce parti politique dans son ensemble. En conséquence, la Cour peut limiter son examen aux dites déclarations. A cet égard, la Cour ne peut donner suite à la demande du Gouvernement d’élargir la portée de l’examen de l’affaire aux condamnations pénales de plusieurs députés du DEP postérieurement à la dissolution de ce parti politique. Elle rappelle à cet égard que dans son arrêt Sadak et autres c. Turquie du 17 juillet 2001 (nos 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96 (Sect. 1) (bil.), CEDH 2001-VIII), elle a constaté que les ex-députés du DEP avaient été condamnés pour être membres d’une organisation terroriste à l’issue d’un procès qui comportait plusieurs manquements aux exigences de l’article 6 de la Convention. En outre, aucun élément du dossier ne donne foi à l’affirmation du Gouvernement selon laquelle les actes ou discours des ces ex-députés du DEP aient été pris en compte par la Cour constitutionnelle dans l’arrêt concernant la dissolution du parti. Besoin social impérieux 51. La Cour doit d’abord élucider la question de savoir si le DEP poursuivait des buts contraires aux principes de la démocratie. Il est vrai que la Cour constitutionnelle turque reprocha au DEP d’« envisager l’admission d’une identité kurde avec toutes ses conséquences, à savoir la création d’un Etat indépendant » au détriment de la Turquie et d’éperonner ainsi la cause du PKK menée par des actes de terrorisme. 52. La Cour constate à son tour que le comité central du DEP affirmait, dans sa déclaration écrite en question, qu’il existait un conflit armé en Turquie en raison du problème kurde, que ce problème était de nature politique et qu’il devait être résolu dans le respect de l’identité kurde. Dans les discours de l’ex-président du DEP, parallèlement à des critiques virulentes contre les politiques gouvernementales à l’égard des citoyens d’origine kurde et à des plaidoiries de la lutte pour la reconnaissance de l’identité kurde, quelques remarques reflétaient une aspiration à la fondation d’un Etat kurde.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 60 53. La Cour accepte que les principes mentionnés par les instances du DEP, tels que la solution politique du problème kurde, la reconnaissance de l’identité kurde et le souhait exprimé par son ex-président de fonder une administration autonome ou séparée ne sont pas, comme tels, contraires aux principes fondamentaux de la démocratie. Même si des propositions s’inspirant de ces principes risquent de heurter les lignes directrices de la politique gouvernementale ou les convictions majoritaires dans l’opinion publique, le bon fonctionnement de la démocratie exige que les formations politiques puissent les introduire dans le débat public afin de contribuer à la solution des questions générales qui concerne l’ensemble des acteurs de la vie politique (voir, parmi d’autres, l’arrêt Vogt c. Allemagne du 26 septembre 1995, série A no 323, p. 25, § 52 ; l’arrêt Parti communiste unifié de Turquie et autres précité, § 57 ). 54. La Cour n’est pas convaincue par la thèse du Gouvernement selon laquelle la formulation de la part du DEP de réclamations d’autonomie ou de séparatisme se résume, dans les circonstances de l’espèce, en un soutien aux actes terroristes. Si on acceptait ce point de vue, on aurait diminué la possibilité pour les formations politiques de traiter ces types de question dans le cadre d’un débat démocratique, et on aurait permis aux mouvements armés de monopoliser la défense de ces principes, ce qui serait fortement en contradiction avec l’esprit de l’article 11 et avec les principes démocratiques qui l’inspirent (Yazar et autres c. Turquie, nos 22723/93, 22724/93 et 22725/93, précité, § 57). 55. Toujours en ce qui concerne la compatibilité des idées prônées par le DEP avec les principes de la démocratie, la Cour considère qu’il n’est pas utilement démontré dans l’arrêt de dissolution du 30 juin 1994 que le DEP, par le biais de ses projets politiques, envisageait de compromettre le régime démocratique en Turquie (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Parti de la liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie [GC], no 23885/94, CEDH 1999-VIII – (8.12.99), p. 356, § 41). Il n’est pas non plus soutenu devant la Cour que le DEP avait des chances réelles d’instaurer un système gouvernemental qui ne serait pas approuvé par tous les acteurs de la scène politique (voir, mutatis mutandis, arrêt

Parti communiste unifié de Turquie précité, p. 27, § 57). 56. Quant à la question de savoir si le DEP menait sa campagne politique par des moyens légaux et démocratiques, ou si ses dirigeants prônaient le recours à la violence comme moyen politique, la Cour constitutionnelle estima que dans les déclarations du DEP, les actes d’une organisation terroriste étaient considérés comme étant le combat pour l’indépendance livré par des citoyens d’origine kurde, vivant à l’est et au sud-est de l’Anatolie, régions que le DEP appelait le Kurdistan. 57. Ces constats se trouvent à la base de la thèse que le Gouvernement a soutenue devant la Cour et selon laquelle les responsables du DEP auraient incité la population à la haine ethnique, à l’insurrection, et donc à la violence. La Cour doit rechercher si de tels constats peuvent passer pour être fondés sur une appréciation acceptable des faits pertinents. 58. Elle préfère examiner en premier lieu le discours de l’ex-président du DEP prononcé à Bonn et la déclaration écrite du comité centrale du DEP, intitulée « l’appel à la paix de la part du DEP ». 59. Elle observe d’abord que dans ces deux déclarations, les dirigeants du DEP n’exprimaient aucun soutien ou approbation explicites du recours à la violence à des fins politiques. Il est vrai que les deux déclarations comportent des critiques sévères et hostiles à l’encontre de certains comportements du Gouvernement en matière de sécurité et de réclamations pro-kurdes. Elles réagissent également contre les agissements des forces de l’ordre dans leur lutte contre le terrorisme. Cependant selon la Cour, il s’agit d’une critique politique des autorités turques, à laquelle l’usage de mots tels que « refus », «génocide », « exil », « révolution kurde » confère une certaine virulence. En tout état de cause, ces critiques ne peuvent constituer, à elles seules, des éléments de preuve afin d’assimiler le DEP aux groupes armés procédant à des actes de violence. La Cour rappelle à cet égard que les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard du gouvernement que d’un simple particulier. Dans un système démocratique, les actions ou omissions du Gouvernement doivent se trouver placées sous le contrôle attentif des pouvoirs législatif et judiciaire, de la presse et de

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 61l’opinion publique (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Castells c. Espagne du 23 avril 1992, série A no 236, pp. 23-24, § 46). 60. La Cour n’est pas convaincue que dans ces deux déclarations, les responsables du DEP, en critiquant la politique gouvernementale et les agissements des forces de l’ordre, poursuivaient un but autre que celui de remplir leur devoir de signaler les préoccupations de leurs électeurs. Elle conclut que s’agissant de ces deux déclarations, la mesure de dissolution appliquée au DEP ne correspondait pas à un « besoin social impérieux ». 61. Quant à la déclaration de l’ex-président du DEP faite lors de la réunion d’un parti politique kurde-irakien, le KDP, la Cour note que celle-ci comprend plusieurs messages : le premier reflète le désir de son auteur d’un Etat kurde séparé et uni. Un deuxième message assimile le mouvement armé du PKK à une guerre de libération au Kurdistan du nord et qualifie les militants du PKK morts dans ce conflit armé, d’enfants du peuple kurde qui se sont sacrifiés pour la patrie et pour la libération des kurdes afin de fonder un Etat kurde. Un troisième message a pour but de stigmatiser les parties adverses, notamment le Gouvernement de Turquie, par l’emploi du terme « ennemi » qui « utilise des hélicoptères Cobra » et qui, quand il « tue, il ne se demande pas si c’est un membre du KDP ou si c’est un membre du PKK » mais qui « dit qu’ils sont kurdes ». 62. Selon la Cour, notamment les deuxième et troisième messages que contient le discours prononcé à Erbil par l’ex-président du DEP s’analysent en une approbation au recours à la force comme moyen politique et à un appel de le faire, tout en renforçant des préjugés déjà ancrés dans divers milieux de la société et qui se sont exprimés au travers d’une violence meurtrière. Il convient en outre de noter la situation qui régnait en matière de sécurité dans le Sud-Est de la Turquie en 1993, lorsque ces propos ont été prononcés : depuis 1985 environ, de graves troubles faisaient rage entre les forces de sécurité et les membres du PKK et avaient entraîné de nombreuses pertes humaines et la proclamation de l’état d’urgence dans la plus grande partie de la région (arrêt Zana précité, p. 2539, § 10). Dans ce contexte, force est de considérer que la

teneur des propos était susceptible d’insuffler une haine profonde et irrationnelle envers ceux qui étaient présentés comme « ennemis » de la population d’origine kurde. De ce fait, le lecteur retire l’impression que le recours à la violence est une mesure de libération nécessaire et justifiée face à « l’ennemi ». 63. La Cour estime sur ce point que la prise d’une mesure à l’encontre des propos de l’ex-président du DEP à Erbil au nord de l’Irak pouvait raisonnablement répondre à un « besoin social impérieux ». La Cour constate d’ailleurs qu’une instruction pénale avait été déclenchée contre l’auteur de ces propos. Pour les besoins de la présente affaire, la Cour doit déterminer maintenant si la dissolution du parti auquel appartenait l’auteur de ce discours constituait une mesure proportionnelle au but visé. Proportionnalité de la mesure litigieuse 64. La Cour rappelle que la nature et la lourdeur des sanctions infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité de l’ingérence par rapport aux buts qu’elle poursuit (voir, par exemple, l’arrêt Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 64, CEDH 1999-IV). Elle considère qu’en l’espèce, un seul discours tenu par un ex dirigeant du parti prononcé à l’étranger dans une autre langue que le turc et devant un public qui n’était pas directement concerné par la situation en Turquie avait un impact potentiel très limité sur la « sécurité nationale », l’« ordre » public ou l’« intégrité territoriale » de la Turquie. Dans ces circonstances, la Cour est d’avis que ce discours ne pouvait constituer à lui seul une raison justifiant une sanction aussi générale que la dissolution de tout un parti politique, tout en se souvenant que la responsabilité individuelle de son auteur avait été déjà engagée au plan pénal. La Cour estime ainsi que la dissolution du DEP pour le discours de son ex-président à Erbil, en Iraq du nord, ne saurait passer pour proportionnelle aux buts visés. 65. En conclusion, la dissolution du DEP, dans la mesure où elle était fondée sur la déclaration de son comité central et le discours de son ex-président à Bonn, ne correspondait pas à un « besoin social impérieux », et dans la mesure où elle se basait sur le discours de son

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 62ex-président à Erbil, n’était pas proportionnelle aux buts visés. Il en résulte que la dissolution du DEP ne peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique ». 66. Il y a donc eu violation de l’article 11 de la Convention. » Article 9, 10 et 14 Les griefs portant sur les mêmes faits que ceux examinés sur le fondement de l’article 11, la Cour juge inutile de les examiner séparément. (L’arrêt n’existe qu’en français.) Article 6 La Cour rappelle que de tels griefs sont incompatibles avec les dispositions de l’article 6 étant donné qu’il n’y a pas en l’espèce de contestation relative à un droit de caractère civil. Par ailleurs, le droit au respect des biens du DEP ne faisant pas l’objet du litige débattu devant la Cour constitutionnelle. Partant, l’article 6 ne trouve pas à s’appliquer. « 70. La Cour a déjà considéré, dans la décision sur la recevabilité de l’affaire Refah Partisi, Erbakan, Kazan et Tekdal contre la Turquie (Nos 41340/98, 41342/98, 41343/98, 41344/98, déc. 03.10.2000) que des griefs similaires étaient incompatibles ratione materiae avec les dispositions de l’article 6 de la Convention : « (...) l’applicabilité de l’article 6 § 1 à une procédure constitutionnelle dépend du fond et de l’ensemble des données de chaque cas d’espèce (arrêt Bock c. Allemagne du 29.03.1989, série A no 150, p. 18, § 37). Elle doit donc déterminer si les allégations formulées par les requérants au cours de la procédure constitutionnelle en question peuvent s’analyser en une contestation relative à un droit de caractère civil ou à une accusation en matière pénale. En effet, la procédure devant la Cour constitutionnelle portait sur un litige relatif au droit du R.P. de poursuivre, en tant que parti politique, ses activités politiques. Il s’agissait donc, par excellence, d’un droit de nature politique qui, comme tel, ne relève pas de la garantie de l’article 6 § 1 de la Convention. Il en est de même de l’interdiction, faite par l’article 69 de la Constitution aux fondateurs et aux dirigeants des partis politiques dissous, d’être fondateurs et dirigeants d’un nouveau parti. Il s’agit, ici aussi, d’une restriction des droits politiques des intéressés qui ne saurait

relever de l’article 6 § 1 de la Convention, ni au titre d’une contestation portant sur un droit civil, ni au titre d’une accusation en matière pénale. Il est vrai que la dissolution du R.P. a entraîné d’office, en vertu de la loi nationale, le transfert de son patrimoine au Trésor public et qu’à ce titre, une contestation aurait pu s’élever à propos d’un droit patrimonial, et donc civil au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Cependant, le droit au respect des biens du R.P. ne faisait aucunement l’objet du "litige" débattu devant la Cour constitutionnelle. Les parties, à savoir le procureur général et le R.P., n’ont contesté, ni dans le cadre de la procédure constitutionnelle, ni dans le cadre d’une autre procédure, le transfert des biens du R.P. au Trésor public, conséquence directe de la dissolution du parti politique telle que prévue par la loi. La Cour est d’avis que la présente affaire se distingue de l’affaire Ruiz-Mateos précitée (arrêt du 23 juin 1993, série A no 262, p. 24, § 59) qui portait sur des actions dont le caractère « civil » au sens de l’article 6 § 1 était indéniable, et sur des procédures constitutionnelles inextricablement liées aux premières. En l’espèce, toutefois, il n’y a pas eu de contestation portant sur un droit civil au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, le transfert des biens des parties ne faisant l’objet d’aucun litige (voir, mutatis mutandis, arrêt Pierre-Bloch c. France, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, fasc. 53, §§48-61). Partant, la Cour estime que la procédure litigieuse ne concernait ni une contestation sur les droits et obligations de caractère civil des requérants ni une accusation en matière pénale dirigée contre eux, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. » 71. La Cour n’aperçoit aucune raison de s’écarter de cette conclusion dans le cadre de la présente affaire. Il est vrai que le droit au respect des biens du DEP ne faisait aucunement l’objet du « litige » débattu devant la Cour constitutionnelle, ni d’une autre procédure, le transfert des biens du HEP au Trésor public étant la conséquence directe de la dissolution du parti politique telle que prévue par la loi. Partant, l’article 6 de la Convention ne s’applique pas au cas d’espèce » (L’arrêt n’existe qu’en français.)

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 63Hatip Dicle is a Turkish national who was born in 1955. His application has been lodged in his own name and on behalf of the Democracy Party (Demokrasi Partisi– DEP), of which he was the president until its dissolution by the Constitutional Court in 1994. The DEP was founded on 7 May 1993. It was joined by 18 members of the Turkish Parliament who had previously been in the Work of the People Party (Halkin Emegi Partisi – HEP), which was dissolved in July 1993, and who had been elected in 1991 as candidates of the Social Democrat Party (SHP). On 2 November 1993 the Principal Public Prosecutor brought an action for the dissolution of the DEP on the ground that it had infringed constitutional principles and the Law on Political Parties in a written declaration that had been made by its central committee and speeches by its former president at two meetings in Germany and Iraq. The DEP’s lawyers requested the Constitutional Court to hold a hearing. They argued in their submissions that it would be contrary to international law to dissolve the party and contested the legality and evidential value of video recordings that had been made at the meetings. On 16 June 1994 the Constitutional Court ordered the dissolution of the DEP on the ground that its activities were liable to undermine the territorial integrity of the State and the unity of the nation. Mr Dicle and the 13 members of the DEP with seats in the Turkish National Assembly were disqualified from parliamentary office. The Constitutional Court found that reference had been made in the declaration and speeches to the existence of a separate Kurdish people in Turkey fighting for their independence, and that the acceptance of a Kurdish identity with all the consequences that entailed, namely the creation of an independent state and the destruction of the existing State, had been advocated. It also considered that there had been references to equality between two nations and that the acts of a terrorist organisation had been presented as a struggle for independence. The Constitutional Court said in conclusion that the activities of the DEP were among those that could be restricted under paragraph 2 of Article 11 of the European Convention on Human Rights. The applicant alleged that the dissolution of the DEP and the associated penalties had infringed Articles 9, 10 and 11 of the Convention. He also complained of discrimination against the DEP on the ground of the political opinions it represented, contrary to Article 14. Lastly, relying on Article 6 § 1, the applicant complained of the lack of a public hearing. Decision of the Court Article 11 The Court noted at the outset that the Constitutional Court had failed to examine in its judgment dissolving the party whether the DEP’s programme and constitution were legal. It had confined itself to deciding whether its political activities contravened relevant regulations and had relied on three declarations in reaching its decision. Consequently, the Court considered that it need only examine those declarations and rejected the Government’s request for it to widen the scope of its examination to encompass

the criminal convictions of various members of parliament from the party following its dissolution. As to whether the DEP pursued aims that contravened democratic principles, the Court noted that the written declaration and the speeches that had led to the dissolution of the party lent towards recognition of Kurdish identity and were fiercely critical of governmental policy towards citizens of Kurdish origin. Nevertheless, it did not find those declarations to be contrary to fundamental principles and reiterated that if democracy was to work properly, it was essential that political bodies be allowed make public proposals, even if they conflicted with the main planks of governmental policy or prevailing public opinion. Furthermore, the Court did not find persuasive the Government’s argument that the DEP’s call for autonomy or separatism was tantamount to support for terrorist acts. In its view, the Constitutional Court had not established to the requisite standard, in its judgment dissolving the DEP, that the DEP was seeking to undermine democracy in Turkey through its political policies. Nor had it been suggested that the DEP had any real prospects of establishing a system of government that did not meet with the approval of all the players on the political stage. As to whether the DEP had carried on its political campaign by lawful and democratic means or whether its leaders had advocated the use of violence as a political tool, the Court had to examine whether, as the Government had maintained, there had been any incitement to ethnic hatred, rebellion or violence. With regard to the speech that had been made at Bonn and the written declaration issued by the central committee the Court observed that although they were severely critical of certain aspects of the Government’s performance, they had not expressed any explicit support or approval of the use of violence for political ends. The Court considered that, though fierce, such political criticism of the Turkish authorities could not in itself constitute evidence that the DEP was equivalent to an armed group implicated in acts of violence. The Court was not persuaded that the aim of the party in making those declarations was other than to fulfil its duty of voicing the concerns of its voters. It consequently considered that there had been no "pressing social need" to dissolve the DEP on account of those two declarations. As regards the declaration made by the former president of the DEP in Iraq, the Court noted that it conveyed three messages: firstly, that a separate unified Kurdish state was desirable; secondly, that the activities of the armed movement within the PKK compared to a war to liberate north Kurdistan and to found a Kurdish state there; and, lastly, that the DEP’s political opponents, in particular the Turkish Government, were disreputable. The Court considered that the second and third messages amounted to approval of the use of force as a political tool and a call to use force. In the circumstances existing at the material time those words were capable of inspiring a deep irrational hatred of those who were presented as the enemies of the population of Kurdish origin. Recourse to violence appeared to have been presented as a necessary and justified means of obtaining freedom from the enemy.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 64The Court found that the measure taken in respect of that the declaration met a "pressing social need". It noted that criminal proceedings had been taken against the maker of the statement. However, it considered that what was at issue was a single speech by a former leader of the party that had been made overseas in a language other than Turkish and to an audience that was not directly concerned by the situation in Turkey. Its potential impact on "national security" public "order" or the "territorial integrity" of Turkey was therefore very limited. Accordingly, the Court found that that speech could not by itself justify so general a penalty being imposed as the dissolution of an entire political party, particularly as the maker of the speech had already been prosecuted. Consequently, the dissolution of the DEP on account of the speech made in Iraq could not be regarded as proportionate to the aims pursued. Accordingly, the Court held that the dissolution of the DEP could not be regarded as "necessary in a democratic society" and that there had been a violation of Article 11. Articles 9, 10 and 14 Since these complaints concerned the same matters as those examined under Article 11, the Court considered it unnecessary to examine them separately Article 6 The Court held that the complaints were incompatible with the provisions of Article 6, since there was no dispute in the case before it over a civil right. Further, the right to the peaceful enjoyment of the DEP’s possessions had not been in issue before the Constitutional Court. Consequently, Article 6 was not applicable.(The judgment is in French only.)

BIENS ; RESPECT DES BIENS

INGERENCE {P1 1} ; PROPORTIONNALITE ; MARGE

D'APPRECIATION Compte tenu des circonstances exceptionnelles

liées à la réunification allemande, la Cour estime que l’Allemagne n’a pas excédé sa

marge d’appréciation et qu’il n’a pas manqué, eu égard à l’objectif légitime, de ménager un

« juste équilibre » entre les intérêts des requérants et l’intérêt général de la société

allemande. WITTEK c. ALLEMAGNE

12/12/2002

Non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1 Cour (troisième section) n° 00037290/97 Droit en cause Loi du 23 septembre 1990 sur les questions patrimoniales non résolues, article 1 § 3 ; Ordonnance du 23 novembre 1989 sur la réglementation des questions patrimoniales

Jurisprudence : Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2955, § 31 ; Ceskomoravská myslivecká jednota c. République tchèque (déc.), n° 33091/96, 23 mars 1999 ; Gasus Dosier- und Fördertechnik GmbH c. Pays-Bas, arrêt du 23 février 1995, série A n° 306-B, p. 46, § 53 ; Glässner c. Allemagne (déc.), n° 46362/99, CEDH 2001-VII ; Iatridis c. Grèce [GC], n° 31107/96, § 54 et § 55, CEDH 1999-II ; James et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A n° 98-B, pp. 29-30, § 37 ; Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 23, § 38 ; Sporrong et Lönnroth c. Suède, arrêt du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 26, § 69 ; Teuschler c. Allemagne (déc.), n° 47636/99, 22.4.1999 ; Yagzilar et autres c. Grèce, n° 41727/98, § 40, CEDH 2001-XII .(L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Sabine et Harro Wittek firent l’acquisition en mai 1986, d’une maison située à Leipzig, sur le territoire de la République démocratique allemande (RDA) pour un prix de 56 000 Marks de la RDA. Cette maison était construite sur un terrain appartenant à l’Etat (volkseigenes Grundstück) pour lequel ils obtinrent un droit d’usufruit (dingliches Nutzungsrecht) en vertu des articles 287 et suivants du code civil (Zivilgesetzbuch) de la RDA. Selon les requérants, la section des affaires intérieures du district de la ville (Abteilung innere Angelegenheiten des Stadtbezirks) de Leipzig les informa que s’ils voulaient quitter définitivement la RDA, il leur fallait céder leur bien au moyen d’une vente ou d’une donation. Le 8 décembre 1989, ils firent officiellement une donation sous forme notariée à un couple de personnes, mais en réalité les acquéreurs versèrent aux requérants 55 000 Deutsch Mark (DM) sur un compte en banque suisse. Les requérants prétendent que la maison et le terrain sont à présent estimés à 600 000 DM, ce que le Gouvernement conteste, les intéressés étant uniquement usufruitiers du terrain. Après la réunification de l’Allemagne, les requérants tentèrent de récupérer la maison et le droit d’usufruit directement auprès des acquéreurs, puis devant les juridictions civiles. La Cour fédérale de justice (Bundesgerichtshof) estima que le litige relevait de la compétence des juridictions administratives, la loi du 23

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 65septembre 1990 sur la réglementation des questions patrimoniales non résolues / loi sur le patrimoine (Gesetz zur Regelung offener Vermögensfragen - Vermögensgesetz) trouvant à s’appliquer en l’espèce. Cette loi prévoit un droit à restitution pour les citoyens de la RDA ayant été contraints de céder leur bien afin de pouvoir quitter légalement leur pays. Les requérants portèrent l’affaire devant les juridictions administratives. La Cour administrative fédérale (Bundesverwaltungsgericht) estima que les conditions énoncées à l’article 1 § 3 de la loi sur le patrimoine n’étaient pas réunies : la situation de contrainte liée au départ de la RDA n’existant plus après l’ouverture de la frontière le 9 novembre 1989, et l’existence de tromperie ou de manœuvres déloyales à l’origine de la cession du bien n’étant pas établie. Par deux décisions du 22 janvier 1997, la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht) rejeta les recours des requérants contre les décisions des juridictions civiles et administratives. Sur le fondement de l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété), les requérants soutenaient que le refus des juridictions allemandes de leur restituer le bien situé sur le territoire de la RDA avait porté atteinte à leur droit au respect de leurs biens. La Cour relève que la Cour fédérale de justice a déclaré que la cession de leur bien par les requérants à l’époque de la RDA était nulle. Ces derniers n’ayant pu faire valoir leur droit à restitution par la suite devant les juridictions nationales, la Cour considère qu’il y a eu ingérence dans leur droit au respect de leur bien, et que cette ingérence était fondée sur les dispositions de la loi sur le patrimoine. Cette loi visant à régler les conflits patrimoniaux suite à la réunification allemande en cherchant à établir un équilibre socialement acceptable entre des intérêts divergents, la Cour considère que l’ingérence poursuivait un but d’intérêt général. Sur le point de savoir si cette ingérence était proportionnée, la Cour relève que le tribunal administratif de Leipzig a conclut qu’il n’y avait pas en l’espèce de manœuvres déloyales au sens de l’article 1 § 3 de la loi sur le patrimoine. Les requérants ont en effet cédé leur bien près d’un mois après l’ouverture de la frontière et pouvaient, par conséquent, quitter librement leur pays sans être tenus de le céder.

L’analyse ainsi faite par le tribunal paraît bien fondée à la Cour, même si la période entre l’ouverture de la frontière le 9 novembre 1989 et la réunification allemande le 3 octobre 1990 était marquée par une grande incertitude, en particulier sur le plan juridique. Par ailleurs, les requérants ne disposaient que d’un droit d’usufruit personnel sur le terrain, si bien qu’ils n’auraient pu conserver le bien même en cas de déménagement au sein de la RDA. Enfin, la Cour relève surtout qu’ils ont acheté la maison 56 000 Marks de la RDA en mai 1986 et qu’en décembre 1989 les acquéreurs du bien leur ont versé 55 000 DM ce qui équivalait à l’époque à 220 000 Marks de la RDA pour les transactions entre personnes privées. Dès lors, même si la valeur du bien a depuis augmenté, on ne saurait considérer que les intéressés ont dû supporter une « charge disproportionnée ». Compte tenu de ces éléments et des circonstances exceptionnelles liées à la réunification allemande, la Cour estime que l’Allemagne n’a pas excédé sa marge d’appréciation et qu’il n’a pas manqué, eu égard à l’objectif légitime, de ménager un « juste équilibre » entre les intérêts des requérants et l’intérêt général de la société allemande. Par conséquent, la Cour conclut à l’unanimité, à la non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1. In May 1986 Sabine and Harro Wittek bought a house in Leipzig, in the German Democratic Republic (GDR), for 56,000 GDR marks. The house had been built on land belonging to the State (volkseignes Grundstück) over which they acquired a life interest (dingliches Nutzungsrecht) by virtue of Articles 287 et seq. of the Civil Code (Zivilgesetzbuch). The applicants stated that the Internal Affairs Department of Leipzig City Council (Abteilung innere Angelegenheiten des Stadtbezirks) had informed them that if they wished to leave the GDR for good they had to transfer the property by sale or by gift. On 8 December 1989 they made an official gift in notarial form to a couple, although in reality the latter paid them 55,000 German marks (DEM) into a Swiss bank account. The applicants alleged that the house and land were now worth DEM 600,000, which the Government denied as the applicants possessed only a life interest in the land. After German reunification the applicants sought to recover the house and the life interest directly from the purchasers. They subsequently brought an action in the civil courts. The Federal Court of Justice (Bundgerichtshof) ruled that the dispute came within the jurisdiction of the administrative courts as the Law

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 66of 23 September 1990 on the Resolution of Outstanding Property Issues – Law of Property (Gesetz zur Regelung offener Vermögensfragen – Vermögensgesetz) was applicable. That law provides former citizens of the GDR with a right to restitution of their land if they were forced to transfer it in order to be permitted to leave the country legally. The applicants brought proceedings in the administrative courts. The Federal Administrative Court (Bundesverwaltungsgericht) found that the conditions set out in section 1 (3) of the Law of Property were not satisfied, as the applicants had been under no obligation to make the gift in order to leave the GDR following the reopening of the border on 9 November 1989, and had not shown that they had been induced to make the transfer by deception or unfair practices. By two decisions of 22 January 1997 the Federal Constitutional Court (Bundesverfassungsgericht) dismissed the applicants’ appeals against the decisions of the civil and administrative courts. The applicants complained under Article 1 of Protocol No. 1 (protection of property) that the refusal of the German courts to order the return of their property in the former GDR constituted an interference with their right to the peaceful enjoyment of their possessions. The Court noted that the Federal Court of Justice had ruled that the transfer of the applicants’ property at the time of the GDR was null and void. As the applicants could not subsequently rely on their right to restitution before the German courts, the Court considered that there had been an interference with their right to peaceful enjoyment of their possessions and that this interference had been based on the provisions of the Law of Property. As that Law was designed to resolve property disputes following German reunification by seeking to establish a socially-acceptable balance between diverging interests, the Court held that the interference had pursued an aim that was in the general interest. With regard to the issue whether that interference had been proportionate, the Court noted that Leipzig Administrative Court had concluded that there had not been any unfair practices in the present case within the meaning of section 1(3) of the Law of Property. The applicants had indeed transferred their property nearly one month after the border had been reopened and had therefore been able to leave their country freely without being obliged to transfer it. The Court found that analysis by the German Administrative Court to be well-founded, even if the period between the reopening of the border on 9 November 1989 and German reunification on 3 October 1990 had been marked by much uncertainty, in particular as far as legal matters were concerned. Furthermore, the applicants had only had a life interest in the land, so would not have been able to retain title to it even if they had moved within the GDR. Lastly, the Court noted above all that they had purchased the house for 56,000 GDR marks in May 1986 and that in December 1989 the purchasers of the property had paid them DEM 55,000, which was the equivalent at the material time of 220,000 GDR marks for transactions between private individuals. Accordingly, even if the value of the property had since increased, the applicants

could not be deemed to have had to bear a "disproportionate burden". Having regard to the above factors and to the exceptional circumstances of German reunification, the Court found that Germany had not exceeded its margin of appreciation and that, given the legitimate objective, had not failed to strike a "fair balance" between the interests of the applicants and the general interest of German society. Consequently, the Court held unanimously that there had not been a violation of Article 1 of Protocol No. 1.

BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ;

ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; RATIONE TEMPORIS

L’action tendant à obtenir la restitution de la maison ne faisait naître, dans le chef de la requérante, aucun droit de créance, mais

uniquement l’éventualité d’obtenir pareille créance

I- SMOLEANU c. ROUMANIE

II - LINDNER ET HAMMERMAYER c.

ROUMANIE

I- SMOLEANU c. ROUMANIE 03/12/2002

Violation de l’article 6 § 1 Non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1 Cour (deuxième section) n° 00030324/96 Dommage matériel - demande rejetée ; 5 000 EUR pour dommage moral, Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, CEDH 1999-VII, pp. 250-256, §§ 31-44, p. 261, §§ 63-65 ; Lupulet c. Roumanie, requête n° 25497/94, décision de la Commission du 17 mai 1996, Décisions et Rapports (DR) 85-A, p. 126, p. 133 ; Malhous c. République tchèque (déc.), n° 33071/96, 13 décembre 2000, CEDH 2000-XII ; Mario de Napoles Pacheco c. Belgique, requête no. 7775/77, décision de la Commission du 5 octobre 1978, DR 15, p. 143 ; Meftah et autres c. France, [GC] n°s 32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 61, CEDH 2002 ; Ouzounis et autres c. Grèce, n° 49144/99, § 25, 18 avril 2002, non publié ; Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, arrêt du 29 novembre 1991, série A n° 222, p. 23, § 51 ; Pressos Compania Naviera S.A. c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 21, § 31 ; Van der Mussele c. Belgique, arrêt du 23 novembre 1983, série A n° 70, p. 23, § 48 .(L’arrêt n’existe qu’en français.)

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 67 La privation d’un droit de propriété ou d’un autre droit réel constitue en principe un acte instantané et ne crée pas une situation continue de « privation d’un droit » (voir, par exemple, Lupulet c. Roumanie, requête no 25497/94, décision de la Commission du 17 mai 1996, Décisions et Rapports (DR) 85-A, p. 126). La notion de « biens » contenue à l’article 1 du Protocole no 1 peut recouvrir tant des « biens actuels » (arrêt Van der Mussele c. Belgique du 23 novembre 1983, série A no 70, p. 23, § 48) que des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété (voir les arrêts Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande du 29 novembre 1991, série A no 222, p. 23, § 51, et Pressos Compania Naviera S.A. c. Belgique du 20 novembre 1995, série A no 332, p. 21, § 31). En revanche, l’espoir de voir reconnaître la survivance d’un ancien droit de propriété qu’il est depuis bien longtemps impossible d’exercer effectivement ne peut être considéré comme un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (Malhous c. République tchèque (déc.), no 33071/96, 13 décembre 2000, CEDH 2000 – XII), et il en va de même d’une créance conditionnelle s’éteignant du fait de la non-réalisation de la condition (Mario de Napoles Pacheco c. Belgique, requête no 7775/77, décision de la Commission du 5 octobre 1978, DR 15, p. 143, et Lupulet c. Roumanie, décision précitée, p. 133). Même si le tribunal départemental de Prahova a tranché le 13 janvier 1995 en faveur de la requérante, son affaire était pendante devant les juridictions roumaines jusqu’à l’obtention d’une décision définitive, et l’action tendant à obtenir la restitution de la maison ne faisait naître, dans le chef de la requérante, aucun droit de créance, mais uniquement l’éventualité d’obtenir pareille créance (voir Ouzounis et autres c. Grèce, no 49144/99, § 25, 18 avril 2002, non publié). En vertu du décret n° 92/1950, l’Etat nationalisa en 1950 l’immeuble composé d’une maison de deux appartements, d’un garage et du terrain attenant, qu’Elena Smoleanu avait reçu en dot de son père en 1944. La requérante intenta une première action en revendication à laquelle le tribunal départemental de Prahova fit droit. Cet jugement fut toutefois cassé le 13 juin 1995 par la cour d’appel de Ploieºti au motif que les juridictions n’étaient pas compétentes pour connaître de l’application du décret de nationalisation. En mars 1996, la requérante intenta une action en restitution de propriété fondée sur la loi n° 112/1995. La commission administrative lui restitua l’appartement qu’elle avait occupé en

tant que locataire, et lui alloua une indemnisation pour le reste de la maison et le terrain, mais rejeta sa demande relative au garage. Estimant qu’elle avait perçu une indemnité inférieure à la valeur des biens, la requérante saisit le tribunal de première instance de Ploieºti d’une plainte dont l’examen fut suspendu en raison de l’introduction parallèle d’une deuxième action en revendication immobilière. Cette seconde action en revendication fut rejetée le 30 mars 1998 par la cour d’appel de Ploieºti au motif que l’introduction d’une action en restitution par la requérante impliquait sa reconnaissance de la légalité de la nationalisation du bien. L’action en restitution aboutit quant à elle à une confirmation de la décision de la commission administrative. Invoquant l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, la requérante dénonçait le refus de la cour d’appel de reconnaître compétence aux tribunaux pour trancher une action en revendication. Par ailleurs, sur le fondement de l’article 1 du Protocole n°1 (protection de la propriété), elle se plaignait de ce que les arrêts de la cour d’appel ont porté atteinte à son droit au respect de ses biens. Rappelant sa jurisprudence sur ce point, la Cour estime que l’exclusion par l’arrêt du 13 juin 1995 de la cour d’appel de l’action en revendication de la requérante est en soi contraire au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 § 1 de la Convention. Par ailleurs, en estimant qu’il n’était pas nécessaire de trancher une action en revendication du fait de l’existence d’un autre recours pendant relatif au bien litigieux, la cour d’appel, par son arrêt du 30 mars 1998, a refusé à la requérante le droit d’accéder à un tribunal. Par conséquent, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 6 § 1 sur ces deux points. La Cour relève que la requérante ne peut se prétendre victime d’une violation de son droit de propriété qu’en ce qui concerne la partie du bien litigieux qui n’a pas été restituée. Elle rappelle en premier lieu qu’elle n’est pas compétente pour examiner les circonstances ou effets continus de la nationalisation, celle-ci ayant eu lieu avant la date d’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Roumanie à savoir le 20 juin 1994

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 68Extraits de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept juges, M. Jean-Paul Costa (Français), président : « … 45. … la Cour rappelle, premièrement, qu’elle ne peut examiner une requête que dans la mesure où elle se rapporte à des événements s’étant produits après l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Partie contractante concernée. En l’espèce, la maison de la requérante a été nationalisée en 1950, soit bien avant le 20 juin 1994, date à laquelle la Convention est entrée en vigueur à l’égard de la Roumanie. La Cour n’est donc pas compétente ratione temporis pour examiner les circonstances de la nationalisation ou les effets continus produits par elle jusqu’à ce jour. 46. Elle rappelle et confirme sa jurisprudence bien établie selon laquelle la privation d’un droit de propriété ou d’un autre droit réel constitue en principe un acte instantané et ne crée pas une situation continue de « privation d’un droit » (voir, par exemple, Lupulet c. Roumanie, requête no 25497/94, décision de la Commission du 17 mai 1996, Décisions et Rapports (DR) 85-A, p. 126). Le grief de la requérante est donc incompatible avec les dispositions de la Convention pour autant qu’on peut le comprendre comme critiquant en tant que telles les mesures adoptées sur le fondement de la loi no 92/1950 à l’égard de la maison de la requérante avant l’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Roumanie. 47. La requérante ne peut donc se plaindre d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1 que dans la mesure où les procédures qu’elle incrimine se rapportaient à ses « biens », au sens de cette disposition. A cet égard, la Cour rappelle que la notion de « biens » contenue à l’article 1 du Protocole no 1 peut recouvrir tant des « biens actuels » (arrêt Van der Mussele c. Belgique du 23 novembre 1983, série A no 70, p. 23, § 48) que des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété (voir les arrêts Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande du 29 novembre 1991, série A no 222, p. 23, § 51, et Pressos Compania Naviera S.A. c. Belgique du 20 novembre 1995, série A

no 332, p. 21, § 31). En revanche, l’espoir de voir reconnaître la survivance d’un ancien droit de propriété qu’il est depuis bien longtemps impossible d’exercer effectivement ne peut être considéré comme un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (Malhous c. République tchèque (déc.), no 33071/96, 13 décembre 2000, CEDH 2000 – XII), et il en va de même d’une créance conditionnelle s’éteignant du fait de la non-réalisation de la condition (Mario de Napoles Pacheco c. Belgique, requête no 7775/77, décision de la Commission du 5 octobre 1978, DR 15, p. 143, et Lupulet c. Roumanie, décision précitée, p. 133). 48. En l’espèce, la requérante a saisi les autorités nationales compétentes de deux procédures en revendication et d’une action administrative en restitution, afin de récupérer en nature la maison. En intentant ces actions, elle cherchait à se voir reconnaître un droit de propriété qui, à l’époque de la demande introductive d’instance, n’était plus le sien. En conséquence, la procédure ne se rapportait pas à un « bien actuel » de la requérante. 49. Il reste à examiner si elle pouvait avoir une « espérance légitime » d’obtenir la restitution de la maison. La Cour note que la demande administrative visait la nationalisation « sur titre », et était soumise à certaines conditions. Dans la mesure où elle les a remplies, elle a obtenu partiellement gain de cause. La restitution en nature et en l’intégralité de la propriété litigieuse aurait pu être obtenue si les tribunaux avaient décidé, en évaluant les circonstances de l’affaire, que la nationalisation de la maison avait été effectuée « sans titre ». Ceci est une situation de fait, pour laquelle la compétence appartient au premier chef aux juridictions nationales, la Cour ne pouvant pas spéculer sur l’issue de la procédure si les tribunaux internes l’avaient tranchée. Même si le tribunal départemental de Prahova a tranché le 13 janvier 1995 en faveur de la requérante, son affaire était pendante devant les juridictions roumaines jusqu’à l’obtention d’une décision définitive, et l’action tendant à obtenir la restitution de la maison ne faisait naître, dans le chef de la requérante, aucun droit de créance, mais uniquement l’éventualité d’obtenir pareille créance (voir Ouzounis et autres c. Grèce, no 49144/99, § 25, 18 avril 2002, non publié).

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 69 Il en découle que la requérante n’a pas prouvé avoir une « espérance légitime » pour la partie du bien pour laquelle elle n’a pas obtenu entière satisfaction en droit national. » Dès lors, la Cour conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1. (L’arrêt n’existe qu’en français.) In 1950, under Decree no. 92/1950, the State nationalised a house converted into two flats, a garage and adjoining land which Elena Smoleanu had received as a dowry from her father in 1944. The applicant first lodged an application for recovery of possession, which was granted by Prahova County Court. That court’s judgment was quashed, however, on 13 June 1995 by Ploieºti Court of Appeal on the ground that the courts did not have jurisdiction to examine application of the nationalisation decree. In March 1996 the applicant lodged an application for restitution of property under Law no. 112/1995. The Administrative Board returned to the applicant the flat she had occupied as a tenant and awarded her compensation for the rest of the house and land, but dismissed her application in respect of the garage. The applicant, who considered that the compensation she had received was less than the value of the property, lodged a complaint with Ploieºti Court of First Instance. Examination of her complaint was adjourned because a second application for recovery of possession had been lodged at the same time. That application was refused on 30 March 1998 by Ploieºti Court of Appeal on the ground that the fact that the applicant had lodged an application for restitution meant that she accepted that the nationalisation had been lawful. The application for restitution resulted in the Administrative Board’s decision being upheld. Relying on Article 6 § 1 of the European Convention on Human Rights (right of access to a court), the applicant complained of the Court of Appeal’s refusal to recognise that the courts had jurisdiction to determine an action for recovery of possession. She further complained, under Article 1 of Protocol No. 1 (protection of property), that the Court of Appeal’s judgments had infringed her right to peaceful enjoyment of her possessions. Referring to its case-law on that point, the Court ruled that the dismissal of the applicant’s action for recovery as a result of the Court of Appeal’s judgment of 13 June 1995 had in itself infringed the right of access to a court, guaranteed by Article 6 § 1 of the Convention. In addition, by holding in its judgment of 30 March 1998 that it was not necessary to determine an action for recovery because another appeal about the disputed property was pending, the Court of Appeal had likewise denied the applicant the right of access to a court. Consequently, the Court held unanimously that there had been a violation of Article 6 § 1 in these two respects. The Court noted that the applicant could claim to be the victim of an infringement of her right of property only in respect of that part of the property which had not been returned to her. It observed in the first place that it

did not have jurisdiction to examine the circumstances or continuing effects of nationalisation, which had taken place before the date when the Convention came into force with regard to Romania, namely 20 June 1994. It further noted that the actions brought by the applicant did not relate to a "present possession" and that she had not established that she had a "legitimate expectation" of securing recovery of that part of the property in respect of which her claims had not been upheld by the domestic courts. It accordingly held unanimously that there had been no violation of Article 1 of Protocol No. 1.

II - LINDNER ET HAMMERMAYER c.

ROUMANIE Violation de l’article 6 § 1

Non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1 Article 2 du Protocole n° 4 : irrecevable

Cour (deuxième section) n° 00035671/97 ; Irrecevable sous l'angle de P4-2-2 Dommage matériel - demande rejetée ; 5 000 EUR pour dommage moral ; 400 EUR pour frais et dépens; Jurisprudence : Voir SMOLEANU c. ROUMANIE n° 00030324/96 03/12/2002 (Voir page 66).(L’arrêt n’existe qu’en français.) Alexandru Lindner et Cristina Hammermayer intentèrent une action en revendication immobilière en vue d’obtenir restitution d’un immeuble situé à Bucarest, composé de trois appartements acquis par leur mère en 1939, et que l’Etat confisqua en 1975 en vertu du décret n° 223/1974. Le tribunal de première instance de Bucarest fit droit à leur demande au motif que la décision administrative de confiscation était illégale, faute d’avoir été notifiée à leur mère. Toutefois, sur appel de la ville, la cour d’appel de Bucarest rejeta le 14 octobre 1996 l’action en revendication des requérants, et jugea que les intéressés pouvaient uniquement se prévaloir des dispositions de la loi n° 112/1995 sur la restitution de certains biens nationalisés. Invoquant l’article 2 du Protocole n° 4 (liberté de circulation), les requérants soutenaient que la confiscation a été déterminée par le fait que leur mère ait immigré en Allemagne en 1975. En outre, sur le fondement de l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal), les requérants dénonçaient le refus de la cour d’appel de reconnaître compétence aux juridictions pour trancher une action en revendication. Par

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 70ailleurs, les requérants se plaignaient de l’atteinte portée au droit au respect de leurs biens par l’arrêt de la cour d’appel et invoquaient à cette fin l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété). La Roumanie ayant ratifié la Convention le 20 juin 1994, le grief tiré de la violation de l’article 2 du Protocole n° 2 concernant la liberté de circulation de la mère des requérants en 1975 échappe à la compétence de la Cour, qui dès lors le déclare irrecevable. La Cour relève que la cour d’appel n’a examiné aucun des arguments des requérants et leur a demandé de s’adresser à la commission administrative pour trancher leur demande de restitution. Le fait pour la cour d’appel de préciser que la confiscation était « sur titre » ne permet pas de déduire que la juridiction ait procédé à un examen au fond de la validité du titre de confiscation. Il s’ensuit que la cour d’appel a exclu l’action en revendication des requérants de la compétence des tribunaux, en violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Quant au grief tiré de l’atteinte au droit de propriété, la Cour rappelle qu’en raison de la date d’entrée en vigueur de la Convention à l’égard de la Roumanie, elle n’est pas compétente pour examiner les circonstances ou effets continus de la confiscation. Par ailleurs, la Cour relève que la procédure intentée par les requérants ne se rapportait pas à un « bien actuel », et qu’ils n’ont pas établi avoir une « espérance légitime » de se voir restituer l’immeuble litigieux. Dès lors, elle conclut à l’unanimité à la non-violation de l’article 1 du Protocole n° 1. In their capacity as beneficiaries of their mother’s estate, Alexandru Lindner and Cristina Hammermayer brought an application for recovery of possession of property situated in Bucharest comprising three flats purchased by their mother in 1939 and confiscated by the State in 1975 under Decree no. 223/1974. The Bucharest Court of First Instance granted their application on the ground that the administrative decision to confiscate the property had been unlawful because it had not been served on their mother. However, on an appeal by Bucharest City Council, the Bucharest Court of Appeal dismissed the applicants’ claim, holding that they could avail themselves only of the provisions of Law no. 112/1995 on the restitution of certain nationalised property. Relying on Article 2 of Protocol No. 4 (freedom of movement), the applicants submitted that the confiscation had been determined by the fact that their mother had emigrated to Germany in 1975. They further complained, under Article 6 § 1 (right of access

to a court), of the Court of Appeal’s refusal to accept that the courts had jurisdiction to determine an action for recovery of possession. They also complained that the Court of Appeal’s judgment had interfered with their right to peaceful enjoyment of their possessions and relied in that connection on Article 1 of Protocol No. 1 (protection of property). As Romania had ratified the Convention on 20 June 1994, the complaint of a violation of Article 2 of Protocol No. 4 as regards the applicants’ mother’s freedom of movement in 1975 fell outside the jurisdiction of the Court, which accordingly declared it inadmissible. The Court noted that the Court of Appeal had not examined any of the applicants’ arguments and had asked them to apply to the Administrative Board to determine their restitution claim. The fact that the Court of Appeal had found that the confiscation had been effected "by warrant" did not permit the conclusion that it had reviewed the lawfulness of the confiscation order. It followed that the Court of Appeal had excluded the applicants’ action for recovery of possession from the jurisdiction of the courts, in breach of Article 6 § 1 of the Convention. As regards the complaint of an infringement of the right of property, the Court observed that on account of the date on which the Convention came into force with regard to Romania it did not have jurisdiction to examine the circumstances or continuing effects of the confiscation. It further noted that the proceedings brought by the applicants did not relate to a "present possession" and that they had not established that they had a "legitimate expectation" of securing recovery of the disputed property. The Court accordingly held unanimously that there had been no violation of Article 1 of Protocol No. 1.

TOUS LES ARRETS

DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME

DECEMBRE 2002 (00)

03/12/2002 Cour (deuxième section) SMOLEANU c. ROUMANIE n° 00030324/96 03/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ; RATIONE TEMPORIS Violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de P1-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 5 000 EUR pour dommage moral, Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, CEDH 1999-VII, pp. 250-256, §§ 31-44, p. 261, §§ 63-65 ; Lupulet c. Roumanie, requête n° 25497/94, décision de la Commission du 17 mai 1996, Décisions et Rapports (DR) 85-A, p.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 71126, p. 133 ; Malhous c. République tchèque (déc.), n° 33071/96, 13 décembre 2000, CEDH 2000-XII ; Mario de Napoles Pacheco c. Belgique, requête no. 7775/77, décision de la Commission du 5 octobre 1978, DR 15, p. 143 ; Meftah et autres c. France, [GC] n°s 32911/96, 35237/97 et 34595/97, § 61, CEDH 2002 ; Ouzounis et autres c. Grèce, n° 49144/99, § 25, 18 avril 2002, non publié ; Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, arrêt du 29 novembre 1991, série A n° 222, p. 23, § 51 ; Pressos Compania Naviera S.A. c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 21, § 31 ; Van der Mussele c. Belgique, arrêt du 23 novembre 1983, série A n° 70, p. 23, § 48 (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) LINDNER ET HAMMERMAYER c. ROUMANIE n° 00035671/97 03/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ; RATIONE TEMPORIS Violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de P1-1 ; Irrecevable sous l'angle de P4-2-2 Dommage matériel - demande rejetée ; 5 000 EUR pour dommage moral ; 400 EUR pour frais et dépens; Jurisprudence : Altun c. Allemagne, n° 10803/83, Rapport de la Commission du 7 mars 1984, Décisions et Rapports (DR) 36, p 236 ; Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 54-55, CEDH 1999-VII ; Hiro Balani c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A n° 303-B, pp. 29-30, § 27 ; Lupulet c. Roumanie, requête n° 25497/94, décision de la Commission du 17 mai 1996, DR 85-A, p. 126, p. 133 ; Malhous c. République tchèque (déc.), n° 33071/96, 13 décembre 2000, CEDH 2000-XII ; Mario de Napoles Pacheco c. Belgique, requête n° 7775/77, décision de la Commission du 5 octobre 1978, DR 15, p. 143 ; Ouzounis et autres c. Grèce, n° 49144/99, § 25, 18 avril 2002, non publié ; Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, arrêt du 29 novembre 1991, série A n° 222, p. 23, § 51 ; Pressos Compania Naviera S.A. c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 21, § 31 ; Van der Mussele c. Belgique, arrêt du 23 novembre 1983, série A n° 70, p. 23, § 48 (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section)

DEBBASCH c. FRANCE n° 00049392/99 03/12/2002 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE Non-violation de l'art. 6-1 Jurisprudence : Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 67, ECHR 1999-II ; Lechner et Hess c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A n° 118, p. 19, § 49 ; Boddaert c. Belgique, arrêt du 12 octobre 1992, série A n° 235-D, p. 82, § 39 (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) BERGER c. FRANCE n° 00048221/99 03/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE PENALE ; PROCEDURE CIVILE ; EGALITE DES ARMES ; PROCEDURE CONTRADICTOIRE Non-violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne le droit d'accès à un tribunal ; Violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne la non-communication des conclusions du conseiller rapporteur ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; 300 EUR pour frais et dépens.- procédure de la Convention Droit en cause Code de procédure pénale, article 575 Jurisprudence : Bellet c. France, arrêt du 4 décembre 1995, série A n° 333-B, p. 41, § 31 ; Bennour c. France, (déc.), n° 48991/99, 13 septembre 2001, non publiée ; Golder c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1975, série A n° 18, p. 18, § 36 ; Hertel c. Suisse, arrêt du 25 août 1998, Recueil 1998-VI, p. 2334, § 63 ; Iatridis c. Grèce [GC] (satisfaction équitable), n° 31107/96, § 54, ECHR 2000-XI ; Levages Prestations Services c. France, arrêt du 23 octobre 1996, Recueil 1996-V, p. 1543, § 40, p. 1543, § 42 ; Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France, arrêt du 31 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 666, §§ 105, 106 ; Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, arrêt du 13 juillet 1995, série A n° 316-B, pp. 78-79, § 59 (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) NOWICKA c. POLOGNE n° 00030218/96 03/12/2002 GARANTIR L'EXECUTION D'UNE OBLIGATION PRESCRITE PAR LA LOI ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 8}

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 72Violation de l'art. 5-1 ; Violation de l'art. 8 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 10 000 EUR pour dommage moral ainsi que 2 000 EUR pour frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Benham c. Royaume-Uni, arrêt du 10 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 752-753, §§ 40 et 42 ; Berlinski c. Pologne (déc.), n°s 27715/95 et 30209/96, 18 janvier 2001, non publiée ; D.G. c. Irlande, n° 39474/98, § 104, § 105, § 107, 16 mai 2002, non publiée ; Giulia Manzoni c. Italie, arrêt du 1 juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1191, § 25 ; Johansen c. Norvège, requête n° 10600/83, Commission décision de 14 octobre 1985, DR 44, p. 162 ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, § 164, CEDH 2000-XI ; Matter c. Slovaquie, n° 31534/96, § 66, 5 juillet 1999, non publié ; McVeigh et autres c. Royaume-Uni, requêtes n°s 8022/77, 8025/77, 8027/77, Commission décision de 18 mars 1981, Décisions et rapports (DR) 25, pp. 37-38 et 42 . (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) 05/12/2002 Cour (troisième section) HOPPE c. ALLEMAGNE n° 00028422/95 05/12/2002 RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; INGERENCE ; PROTECTION DE LA SANTE ; PROTECTION DE LA MORALE ; PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 8} ; PROCES ORAL ; PROCES EQUITABLE ; PROCEDURE CIVILE Non-violation de l'art. 8 ; Non-violation de l'art. 6-1 Jurisprudence : Elsholz c. Allemagne [GC], n° 25735/94, §§ 43, 48, 50 et 52, CEDH 2000-VIII ; Helmers c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A n° 212-A, p. 16, § 36 ; Hokkanen c. Finlande, arrêt du 23 septembre 1994, série A n° 299-A, p. 20, § 55 ; Jan-Åke Andersson c. Suède, arrêt du 29 octobre 1991, série A n° 212-B, pp. 44-46, § 23 et §§ 27-29 ; Johansen c. Norvège, arrêt du 7 août 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 1001-1002, § 52 ; McMichael c. Royaume-Uni, arrêt du 24 février 1995, série A n° 307-B, p. 57, § 91 ; T.P. et K.M. c. Royaume-Uni, n° 28945/95, § 71 et § 72, CEDH-2001-V ; Vidal c. Belgique, arrêt du 22 avril 1992, série A n° 235-B, p. 32, § 33 ; W. c.

Royaume-Uni arrêt du 8 juillet 1987, série A n° 121, p. 29, § 64 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (troisième section) DALKILIC c. TURQUIE n° 00025756/94 05/12/2002 AUSSITOT TRADUITE DEVANT UN JUGE OU AUTRE MAGISTRAT ; INTRODUIRE UN RECOURS ; CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; REPARATION Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 5-4 ; Violation de l'art. 5-5 ; 5 500 EUR pour dommage moral ;1 500 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Droit en cause Loi nº 2845, article 16 Jurisprudence : Arrêt Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, p. 2282, § 78 ; Arrêt Brogan et autres c. Royaume-Uni, 29 novembre 1988, série A no 145-B, p. 33, § 61 et § 62 ; Arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, série A no 12 ; Arrêt Demir et autres c. Turquie, 23 septembre 1998, Recueil 1998-IV, p. 265, § 41 ; Arrêt Murray c. Royaume-Uni, 28 octobre 1994, série A no 300, p. 27, § 58 ; Arrêt Neumeister c. Autriche, 27 juin 1968, série A no 8 ; Arrêt Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, §§ 49-53 et 79, CEDH 1999-II ; Arrêt Sakik et autres c. Turquie, 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2623, §§ 44, 53 et 60 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (troisième section) YALCIN KUCUK c. TURQUIE n° 00028493/95 05/12/2002 LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; INTEGRITE TERRITORIALE ; SECURITE NATIONALE {ART 10} ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} Violation de l'art. 10 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 4 000 EUR pour dommage moral, ainsi que 1 500 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Droit en cause Loi nº 3713, article 8 ; Code pénal, article 36(1) Jurisprudence : Arslan c. Turquie [GC], no 23462/94, § 58, 8 juillet 1999 ; Castells c. Espagne, arrêt du 23 avril 1992, série A no 236, § 46, p. 23 ; E.K. c. Turquie, no 28496/95, § 59, § 67 et §§ 69-71, 7 février 2002 ; Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 45, CEDH 1999-I ; Gerger c. Turquie [GC], no 24919/94, § 50 et § 73, 8 juillet 1999 ; Ibrahim Aksoy c. Turquie, nos 28635/95, 30171/96 et 34535/97, § 60, 10 octobre 2000 ;

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 73Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, p. 1568, § 58 ; Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 41, p. 46, §§ 41-42 ; News Verlags GmbH & CoKG c. Autriche, no 31457/96, § 52, CEDH 2000-I ; Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], no 23118/93, § 43, CEDH 1999-VIII ; Okçuoglu c. Turquie [GC], no 24246/94, § 44, 8 juillet 1999 ; Öztürk c. Turquie [GC], no 22479/93, § 64, CEDH 1999-VI ; Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95 § 62, CEDH 1999-IV ; Sürek c. Turquie (no 3) [GC], no 24735/94, § 40, 8 juillet 1999 ; Sürek c. Turquie (no 4) [GC], no 24762/94, § 54, 8 juillet 1999 ; Zana c. Turquie, arrêt du 25 novembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VII, p. 2539, § 10 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (première section) MAHMUT DEMIR c. TURQUIE n° 00022280/93 05/12/2002 VIE ; RECOURS EFFECTIF ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 184 140.95 EUR) Cour (première section) CRAXI c. ITALIE n° 00034896/97 05/12/2002 TEMOINS ; INTERROGATION DES TEMOINS ; OBTENIR LA CONVOCATION DE TEMOINS ; PREPARATION DE LA DEFENSE ; TEMPS NECESSAIRE ; FACILITES NECESSAIRES ; TRIBUNAL IMPARTIAL ; PROCEDURE PENALE Non-violation des art. 6-1 (droit à un procès équitable) et art. 6-3 b) (droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à sa défense) ; Violation des art. 6-1 et 6-3-d (droit d’interroger ou faire interroger les témoins) ; Non-violation de l'art. 6-1(campagne de la presse); Dommage matériel - constat de violation suffisant ; Préjudice moral - constat de violation suffisant Droit en cause Code de procédure pénale, articles 512 et 513 Jurisprudence : A.M. c. Italie, arrêt du 14 décembre 1999, ECHR 1999-IX, p. 55, § 25 ; Akay c. Turquie (déc.), no 34501/97, 19 février 2002, non publiée ; Belziuk c. Pologne, arrêt du 25 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 573, § 49 ; Bricmont c. Belgique, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 158, p. 31, § 89 ; Del Giudice c. Italie (déc.), no 42351/98, 6 juillet 1999, non publiée ; Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, p. 15, § 25 ;

Doorson c. Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1996, Recueil 1996-II, p. 470, § 67 ; D'Urso et Sgorbati c. Italie (déc.), no 52948/99, 3 avril 2001, non publiée ; Ferrantelli et Santangelo c. Italie, arrêt du 7 août 1996, Recueil 1996-III, pp. 950-951, § 52 ; Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 20, § 66 ; Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A no 168, pp. 31-32, § 62, et p. 40, §§ 89-91 ; Kwiatkowska c. Italie (déc.), no 52868/99, 30 novembre 2000, non publiée ; Lamanna c. Autriche, arrêt du 10 juillet 2001, no 28923/95, § 23, non publiée ; Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 151, 28 novembre 2002, non publié ; Lingens c. Autriche, arrêt du 8 juillet 1986, série A no 103, p. 26, § 42 ; Lucà c. Italie, arrêt du 27 février 2001, no 33354/96, § 40 et § 42, non publié ; Lüdi c. Suisse, arrêt du 15 juin 1992, série A no 238, p. 21, § 47 ; P.S. c. Allemagne, arrêt du 20 décembre 2001, no 33900/96, § 21 et § 24, non publié ; Papon c. France (déc.), no 54210/00, 19 novembre 2001, non publiée ; Priebke c. Italie (déc.), no 48799/99, 5 avril 2001, non publiée ; Pullicino c. Malte (déc.), no 45441/99, 15 juin 2000, non publiée ; R.M.M., F.P. et L.P. c. Italie (déc.), no 61692/00, 11 janvier 2001, non publiée ; Raniolo c. Italie (déc.), no 62676/00 21 mars 2002, non publiée ; S. N. c. Suède, arrêt du 2 juillet 2002, no 34209/96, § 45, non publié ; Saïdi c. France, arrêt du 20 septembre 1993, série A no 261-C, pp. 56-57, §§ 43-44 ; Sunday Times (no1) c. Royaume-Uni, arrêt du 26 avril 1979, série A no 30, p. 40, § 65 ; Van Geyseghem c. Belgique [GC], no 26103/95, CEDH 1999-I, § 27 ; Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, arrêt du 23 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 711, § 50 ; Worm c. Autriche, arrêt du 29 août 1997, Recueil 1997-V, p. 1552, § 50 (L’arrêt n’existe qu’en français.) 10/12/2002 Cour (quatrième section) STEPHEN JORDAN (N° 2) c. ROYAUME-UNI n° 00049771/99 10/12/2002 ACCUSATION EN MATIERE PENALE ; DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE Applicabilité Article 6 applicable Violation de l'art. 6-1 ; 2 500 EUR pour préjudice moral et 9 000 EUR pour frais et dépens. - procédure nationale et procédure de la Convention Jurisprudence : Bouilly c.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 74France, n° 38952/97, § 33, 7 décembre 1999, non publié ; Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], requête n° 28957, § 124, CEDH 2002-… ; Davies c. Royaume-Uni, n° 42007/98, § 38, 16 juillet 2002, non publié ; Del Federico c. Italie, n° 35991/97, § 21, 4 juillet 2002, non publié ; Eckle c. Allemagne, arrêt du 15 juillet 1982, série A n° 51, § 73 ; Engel et autres c. Pays-Bas arrêt du 8 juin 1976, série A n° 22, §§ 80-85 ; Findlay c. Royaume-Uni, arrêt du 25 février 1997, Recueil 1997-I ; Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII ; Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique arrêt du 18 octobre 1982, série A n° 54, § 17 ; Lustig-Prean et Beckett c. Royaume-Uni (satisfaction équitable), n°s 31417/96 et 32377/96, §§ 30-33, 25 juillet 2000, non publié ; Portington c. Grèce, arrêt du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI, § 33 ; Smith et Grady c. Royaume-Uni (satisfaction équitable), nos. 33985/96 et 33986/96, § 28, CEDH 2000-IX. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Cour (quatrième section) DICLE POUR LE PARTI DE LA DEMOCRACY (DEP) c. TURQUIE n° 00025141/94 10/12/2002 LIBERTE D'ASSOCIATION ; INGERENCE {ART 11} ; SECURITE NATIONALE {ART 11} ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 11} ; PROPORTIONNALITE ; DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL Applicabilité Article 6 non-applicable ; Exception préliminaire rejetée (ratione materiae) ; Violation de l'art. 11 ; Non-lieu à examiner l'art. 9, 10 et 14 ; Non-violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 200 000 EUR à Hatip Dicle pour dommage moral, à transférer aux membres et dirigeants du DEP, ainsi que 10 000 EUR pour frais et dépens. Opinions séparées : Gölcüklü (partiellement séparée, partiellement dissidente) Droit en cause Constitution, articles 14 et 68 ; Loi nº 2820 portant réglementation des partis politiques, articles 78, 80, 81 et 101 Jurisprudence : Ahmed et autres c. Royaume-Uni du 2 septembre 1998, Recueil 1998-VI, pp. 2377-2378, § 55 ; Bock c. Allemagne du 29 mars 1989, série A n° 150, p. 18, § 37 ; Castells c. Espagne du 23 avril 1992, série A n° 236, pp. 23-24, § 46 ; Goodwin c.

Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-501, § 40 ; Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 24, p. 23, § 49 ; Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A n° 298, p. 26, § 37 ; Lawless c. Irlande du 1er juillet 1961 (fond), série A n° 3, pp. 45-46, § 7 ; Nikolova c. Bulgarie [GC], n° 31195/96, § 79, CEDH 1999-II ; Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie du 30 janvier 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 17, §§ 25 et 27, pp. 21-22, § 45, p. 27, §§ 57, 58 ; Parti de la liberté et de la démocratie (ÖZDEP) c. Turquie [GC], n° 23885/94, CEDH 1999-VIII, § 41, §§ 55-57 ; Parti socialiste et autres c. Turquie du 25 mai 1998, Recueil 1998-III, pp. 1256-1257, §§ 46 et 47, pp. 1257-1258, § 48 ; Pierre-Bloch c. France, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, §§48-61 ; Refah Partisi, Erbakan, Kazan et Tekdal c. Turquie, n°s 41340/98, 41342/98, 41343/98, 41344/98, décision du 3 octobre 2000 ; Sadak et autres c. Turquie du 11 juin 2002 (n° 2), n°s 25144/94, 26149/95 à 26154/95, 27100/95 et 27101/95, CEDH 2002-IV. § 56 ; Sadak et autres c. Turquie du 17 juillet 2001, n°s 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, CEDH 2001-VIII ; Sürek c. Turquie (n° 1) [GC], n° 26682/95, § 64, CEDH 1999-IV ; Van Geyseghem c. Belgique [GC], n° 26103/95, § 45, CEDH 1999-I ; Vogt c. Allemagne du 26 septembre 1995, série A n° 323, p. 25, § 52 ; Yazar et autres c. Turquie, n°s 22723/93, 22724/93 et 22725/93, § 49, § 57, 9 avril 2002 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (quatrième section) WAITE c. ROYAUME-UNI n° 00053236/99 10/12/2002 CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; APRES CONDAMNATION ; DISCRIMINATION ; REPARATION {ART 5] Violation de l'art. 5-4 ; Non-violation de l'art. 5-1 ; Violation de l'art. 5-3 ; Aucune question distincte au regard de l'art. 13 ; Non-violation de l'art. 14 ; 2 500 EUR pour préjudice moral et 8 000 EUR pour frais et dépens.- procédure de la Convention Jurisprudence : Camp et Bourimi c. Pays-Bas, n° 28369/95, CEDH 2000-X, § 37 ; Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], requête n° 28957/95, § 124, CEDH 2002-... ; De Wilde, Ooms et Versyp c.

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 75Belgique, arrêt du 18 juin 1971, série A n° 12, pp. 40-41, § 76 ; Hussain c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1996, Recueil 1996-I, pp. 269-270, § 54; Singh c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 285, §§ 8-10, § 39, p. 300, §§ 67-68 ; Stafford c. Royaume-Uni [GC], n° 46295/99, CEDH 2002-IV, §§ 81-83 ; Sutherland c. Royaume-Uni [GC], n° 25186/94, arrêt du 27 mars 2001 ; Thynne, Wilson et Gunnell c. Royaume-Uni, arrêt du 25 octobre 1990, série A n° 190-A, pp. 26-27, § 68, p. 31, § 82 ; Van Droogenbroeck c. Belgique, arrêt du 24 juin 1982, série A n° 50, p. 20, § 20 ; Weeks c. Royaume-Uni, arrêt du 2 mars 1987, série A n° 114, p. 23, § 42, pp. 25-27, §§ 46-51, p. 28, § 56 ; Wynne c. Royaume-Uni, arrêt du 18 juillet 1994, série A n° 294-A, p. 15, § 36.(L’arrêt n’existe qu’en anglais.) 12/12/2002 Cour (troisième section) WITTEK c. ALLEMAGNE n° 00037290/97 12/12/2002 BIENS ; RESPECT DES BIENS ; INGERENCE {P1 1} ; PROPORTIONNALITE ; MARGE D'APPRECIATION Non-violation de P1-1 Droit en cause Loi du 23 septembre 1990 sur les questions patrimoniales non résolues, article 1 § 3 ; Ordonnance du 23 novembre 1989 sur la réglementation des questions patrimoniales Jurisprudence : Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2955, § 31 ; Ceskomoravská myslivecká jednota c. République tchèque (déc.), n° 33091/96, 23 mars 1999 ; Gasus Dosier- und Fördertechnik GmbH c. Pays-Bas, arrêt du 23 février 1995, série A n° 306-B, p. 46, § 53 ; Glässner c. Allemagne (déc.), n° 46362/99, CEDH 2001-VII ; Iatridis c. Grèce [GC], n° 31107/96, § 54 et § 55, CEDH 1999-II ; James et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A n° 98-B, pp. 29-30, § 37 ; Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique, arrêt du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 23, § 38 ; Sporrong et Lönnroth c. Suède, arrêt du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 26, § 69 ; Teuschler c. Allemagne (déc.), n° 47636/99, 22.4.1999 ; Yagzilar et autres c. Grèce, n° 41727/98, § 40, CEDH 2001-XII Cour (troisième section)

CALLI c. TURQUIE n° 00026543/95 12/12/2002 RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 70 000 EUR au titre du préjudice matériel et moral ainsi que pour frais et dépens) Cour (troisième section) ADALI c. TURQUIE n° 00031137/96 12/12/2002 VIE ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 85 589.79 EUR) Cour (troisième section) YALCIN c. TURQUIE n° 00031152/96 12/12/2002 VIE ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 85 589.79 EUR) Cour (troisième section) SOGUKPINAR c. TURQUIE n° 00031153/96 12/12/2002 VIE ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 85 589.79 EUR) Cour (troisième section) SEN c. TURQUIE n° 00031154/96 12/12/2002 VIE ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Conclusion Radiation du rôle (règlement amiable :: 108 932.46 EUR) 17/12/2002 Cour (deuxième section) GOLEA c. ROUMANIE n° 00029973/96 17/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCES EQUITABLE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ; LOCUS STANDI ; VICTIME Exception préliminaire rejetée (forclusion) ; Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art 6-1 en raison du droit d'accés à un tribunal ; Violation de P1-1 ; Satisfaction équitable reservée ; 650 EUR pour frais et dépens Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Artico c. Italie, arrêt du 13 mai 1980, série A n° 37, p. 13, § 27 ; Brumarescu c. Roumanie (satisfaction équitable) [GC], n° 28342/95, §§ 22 et 27, Recueil des arrêts et décisions 1999-VII ; Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, § 50, §§ 52 et 53, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII ; Hodos et

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 76autres c. Roumanie, n° 29968/96, § 42, 21 mai 2002, non publié . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) GHEORGHIU c. ROUMANIE n° 00031678/96 17/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCES EQUITABLE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE Exception préliminaire rejetée (non-épuisement, victime) ; Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du droit d'accés à un tribunal ; Non-lieu à examiner l'art. 6-1 du fait de l'application prétendument rétroactive de la loi ; Violation de P1-1 ; Restitution du bien litigieux aux requérants dans les trois mois, à défaut d’une telle restitution, 200 000 EUR pour le dommage matériel et 2 500 EUR pour frais et dépens - procédure nationale Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) SEGAL c. ROUMANIE n° 00032927/96 17/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCES EQUITABLE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ; DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL ; VICTIME Exception préliminaire rejetée (ratione materiae, non-épuisement, victime) ; Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du droit d'accés à un tribunal ; Non-lieu à examiner l'art. 6-1 en ce qui concerne l'égalité des armes ; Violation de P1-1 ; Satisfaction équitable réservée; Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Acquaviva c. France, arrêt du 21 novembre 1995, série A n° 333-A, p. 14, § 46 ; Brumarescu c. Roumanie (satisfaction équitable) [GC], n° 28342/95, § 22, Recueil des arrêts et décisions 1999-VII ; Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, § 50, §§ 52 et 53, §§ 54-55, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII ; Masson et Van Zon c. Pays-Bas, arrêt du 28 septembre 1995, série A n° 327-A, p. 17, § 44 . (L’arrêt n’existe qu’en français.)

Cour (deuxième section) BOC c. ROUMANIE n° 00033353/96 17/12/2002 Applicabilité Article 6 applicable ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCES EQUITABLE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE ; DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL ; VICTIME ; TRIBUNAL INDEPENDANT ; TRIBUNAL IMPARTIAL Exception préliminaire rejetée (ratione materiae, victime) ; Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du droit d'accés à un tribunal ; Non-violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne l'indépendance et l'impartialité de la Cour Suprême de Justice ; Violation de P1-1 ; 15 000 EUR pour dommage matériel ainsi que 1 500 EUR pour dommage moral Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Acquaviva c. France, arrêt du 21 novembre 1995, série A n° 333-A, p. 14, § 46 ; Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII ; Masson et Van Zon c. Pays-Bas, arrêt du 28 septembre 1995, série A n° 327-A, p. 17, § 44 ; Pretto c. Italie, requête n° 7984/77, décision de la Commission of 11 juillet 1979, Décisions et rapports 16, p. 93 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) SAVULESCU c. ROUMANIE n° 00033631/96 17/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCES EQUITABLE ; BIENS ; PRIVATION DE PROPRIETE Violation de l'art. 6-1 du fait de l'absence d'un procès équitable ; Violation de l'art. 6-1 en raison du droit d'accés à un tribunal ; Violation de P1-1 ; Restitution du bien litigieux aux requérants dans les trois mois, à défaut d’une telle restitution, 215 000 EUR pour dommage matériel : 15 000 EUR pour dommage moral et 62 EUR pour frais et dépens. Droit en cause Code de procédure civile, article 330 Jurisprudence : Brumarescu c. Roumanie [GC], n° 28342/95, §§ 31-44, §§ 61-62, § 70, §§ 73-74, CEDH 1999-VII . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) TRAORE c. FRANCE n° 00048954/99 /12/2002 DELAI RAISONNABLE ;

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 77PROCEDURE ADMINISTRATIVE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 10 000 EUR (dix mille euros) pour préjudice matériel et moral et 1 943,50 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Jurisprudence : Pelissier et Sassi c. France, [GC], n° 25444/94, 25 mars 1999, CEDH 1999-II, § 67 .(L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) HEIDECKER-CARPENTIER c. FRANCE n° 00050368/99 17/12/2002 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE ADMINISTRATIVE Applicabilité Article 6 applicable Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 14 000 EUR (quatorze mille euros) pour dommage moral et 1 525 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Jurisprudence : Pelissier et Sassi c. France, [GC], n° 25444/94, 25 mars 1999, CEDH 1999-II, § 67 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) FAIVRE c. FRANCE n° 00046215/99 17/12/2002 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE ADMINISTRATIVE ; PROCEDURE PENALE Applicabilité Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 8 000 EUR pour dommage moral et 4 000 EUR pour frais et dépens Jurisprudence : Pelissier et Sassi c. France, [GC], n° 25444/94, 25 mars 1999, CEDH 1999-II, § 67 . (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) COSTE c. FRANCE n° 00050528/99 17/12/2002 Applicabilité .PROCEDURE PENALE ; ACCES A UN TRIBUNAL Violation de l'art. 6-1 ; 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral et 700 EUR (sept cents euros) pour frais et dépens Droit en cause Code de procédure pénale, article 583 Jurisprudence : Khalfaoui c. France, n° 34791/97, 14 décembre 1999, §§ 47, 53, 58, CEDH 1999-IX (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (troisième section) RAGAS c. ITALIE (Révision) n° 00044524/98 17/12/2002 Conclusion 20 658,28 EUR (vingt mille six cent cinquante-

huit euros vingt-huit centimes) pour dommage moral et 2 065,83 EUR (deux mille soixante-cinq euros quatre-vingt-trois centimes) pour frais et dépens. (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (deuxième section) A. c. ROYAUME-UNI n° 00035373/97 17/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; RECOURS EFFECTIF Non-violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne l'immunité parliamentaire ; Non-violation de l'art. 6-1 en ce qui concerne absence d'assistance judiciaire ; Non-violation de l'art. 8 ; Non-violation de l'art. 14+6 ; Non-violation de l'art. 13 Opinion séparées : Costa et Loucaides opinion concordante et une opinion dissidente Jurisprudence : Agee c. Royaume-Uni, n° 7729/76, Commission décision du 17 décembre 1976, Décisions et rapports, DR 7, p. 164 ; Airey c. Irlande, arrêt du 9 octobre 1979, série A n° 32, § 26 ; Al-Adsani c. Royaume-Uni [GC], n° 35763/97, § 47, CEDH 2001-XI ; Boyle et Rice c. Royaume-Uni, arrêt du 27 avril 1988, série A n° 131, § 52 ; Fayed c. Royaume-Uni, arrêt du 21 septembre 1994, série A n° 294-B, § 65, § 67, § 77 ; Fogarty c. Royaume-Uni [GC], n° 37112/97, § 36, CEDH 2001-XI ; Golder c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1975, série A n° 18, § 36 ; James et others c. Royaume-Uni, arrêt du 21 février 1986, série A n° 98, § 85 ; Jerusalem c. Autriche, n° 26958/95, §§ 36 et 40, CEDH 2001-II ; McElhinney c. Irlande [GC], n° 31253/96, § 37, CEDH 2001-XI ; McVicar c. Royaume-Uni, n° 46311/99, §§ 46-62, CEDH 2002-III ; Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], n° 26083/94, § 59, CEDH 1999-I ; Young c. Irlande, requête n° 25646/94, DR 84, p. 122 . (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (deuxième section) MITCHELL ET HOLLOWAY c. ROYAUME-UNI n° 00044808/98 17/12/2002 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 5 000 EUR pour dommage moral et 15 000 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Jurisprudence : Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne, arrêt du 13 juin 1994 (Article 50), série A n° 285-C, pp. 57-58, §§ 16-20 ; Cakici c. Turquie, arrêt du 8 juillet

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 781999, Recueil 1999-IV, § 127 ; Capuano c. Italie, arrêt du 25 juin 1987, série A n° 119, § 28 ; Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], n° 35382/97, § 19, CEDH 2000-IV ; Di Pede c. Italie, arrêt du 26 novembre 1996, Recueil 1996-IV, n° 17, § 35 ; Hornsby c. Grèce, arrêt du 19 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-II n° 33, §§ 40-41 ; Horvat c. Croatie, n° 51585/99, § 52, CEDH 2001-VIII ; Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, CEDH 2000-XI, §§ 146-160 ; Nikolova c. Bulgarie [GC], n° 31195/96, § 79, CEDH 1999-II ; Philis c. Grèce (n° 2), arrêt du 27 juin 1997, Recueil 1997-IV, § 49 ; Salesi c. Italie, arrêt du 26 février 1993, série A n° 257-E, § 24 ; Zanghì c. Italie, arrêt du 19 février 1991, série A n° 194-C, § 23 . (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (deuxième section) VENEMA c. PAYS-BAS n° 00035731/97 17/12/2002 RESPECT DE LA VIE FAMILIALE ; PROTECTION DES DROITS ET LIBERTES D'AUTRUI ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 8}Violation de l'art. 8 ; Non-lieu à examiner l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 15 000 EUR pour dommage moral et 22 475 EUR pour frais et dépens. Jurisprudence : B. c. Royaume-Uni, du 8 juillet 1987, série A n° 121, § 65 ; K. et T. c. Finlande [GC], n° 25702/94, § 166, 12 juillet 2001 ; Krcmár et autres c. République tchèque, n° 35376/97, 3 mars 2000, § 52 ; McMichael c. Royaume-Uni, arrêt du 24 février 1995, série A n° 307-B, p. 57, § 92 ; Meulendijks c. Pays-Bas, n° 34549/97, 14 mai 2002, § 63 ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, n° 56547/00, 16 juillet 2002, § 113, §§ 114-116, §§ 124-126 ; T.P. et K.M. c. Royaume-Uni [GC], n° 28945/95, § 73, CEDH 2001-V (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) 18/12/2002 Cour (Grande chambre) N.C. c. ITALIE n° 00024952/94 18/12/2002 COMPENSATION {ART 5}Exception préliminaire rejetée (forclusion) ; Non-violation de l'art. 5-5 Droit en cause Code de procédure pénal, article 315 Jurisprudence : Ciulla c. Italie, arrêt du 22 février 1989, série A n° 148, p. 18, § 44 ; Padovani c. Italie, arrêt du 26 février 1993, série A n° 257-B, p. 20, § 24 ; Pisano c. Italie [GC] (radiation), 24 octobre

2002, n° 36732/97, § 47 ; Sakik et autres c. Turquie, arrêt du 26 novembre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2626, § 60 ; Wassink c. Pays-Bas, arrêt du 27 septembre 1990, série A n° 185-A, p. 14, § 38 . 19/12/2002 Cour (première section) PAOLA ESPOSITO c. ITALIE n° 00030883/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 4356,96 EUR pour le dommage matériel ; 8 000 EUR pour le dommage moral Jurisprudence : Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, §§ 46-66, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) SAVIO c. ITALIE n° 00031012/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 5 300,00 EUR pour le dommage matériel ; 5 000 EUR pour le dommage moral et 2 000 EUR pour les frais et dépens. Jurisprudence : Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 30, CEDH 1999-V ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/9, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A n° 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) GIAGNONI ET FINOTELLO c. ITALIE n° 00031663/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 4 465,00 EUR pour le dommage matériel ; 9 000 EUR pour le dommage moral et 1 000 EUR pour les frais et dépensà chacun des requérants. Jurisprudence : Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n°

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 7921463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A n° 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) M.P. c. ITALIE n° 00031923/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 36 532,37 EUR pour le dommage matériel et 2 000 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Bottazzi c. Italie, n° 34884/97, Recueil des arrêts et décisions 1999-V, § 30 ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A n° 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) GUIDI ET AUTRES c. ITALIE n° 00032374/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 500,00 EUR pour le dommage matériel ; 3 000 EUR pour le dommage moral et 750 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Conventionà chacun des requérants Jurisprudence : Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) M.C. c. ITALIE n° 00032391/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 3 000 EUR pour le dommage moral et 1 500 EUR pour frais et dépens - procédure de la Convention Jurisprudence : Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, CEDH 1999-V, § 30 ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35and 46-66, CEDH 1999-

V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) SANELLA c. ITALIE n° 00032644/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 12 500,00 EUR pour le dommage matériel ; 3 000 EUR pour le dommage moral et 2 000 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Immobiliare Saffi v. Italy [GC], no. 22774/93, 28.7.99, §§ 18-35, 46-66 and 79, ECHR 1999-V ; Lunari v. Italy, no. 21463/93, 11 January 2001, §§ 34-46 ; Palumbo v. Italy, no. 15919/89, 30 November 2000, §§ 33-47 ; Scollo v. Italy judgment of 28 September 1995, Series A no. 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) GENI SRL c. ITALIE n° 00032662/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - demande rejetée ; 9 000,00 EUR pour le dommage matériel et 2 000 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 30, CEDH 1999-V ; Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], n° 35382/97, CEDH 2000-IV, § 35 ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A n° 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) IMMOBILIARE SOLE SRL c. ITALIE n° 00032766/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - demande rejetée ; 11 400,00 EUR pour le dommage matériel et 2 000 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], no

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 8035382/97, CEDH 2000-IV, § 35 ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A n° 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) SCURCI CHIMENTI c. ITALIE n° 00033227/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 4 740,00 EUR pour le dommage matériel et 10 000 EUR pour le dommage moral Jurisprudence : Immobiliare Saffi v. Italy [GC], no. 22774/93, §§ 18-35, 46-66 and 79, ECHR 1999-V ; Lunari v. Italy, no. 21463/93, 11 January 2001, §§ 34-46 ; Palumbo v. Italy, no. 15919/89, 30 November 2000, §§ 33-47 ; Scollo v. Italy judgment of 28 September 1995, Series A no. 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) FOLLIERO c. ITALIE n° 00033376/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 1 500,00 EUR pour le dommage matériel ; 3 000 EUR pour le dommage moral et 2 000 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, CEDH 1999-V, § 30 ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 .ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCE(L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) L. ET P. c. ITALIE n° 00033696/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 8 380 EUR pour le dommage matériel ; 5 000 EUR pour le dommage moral et 1 500 EUR

pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/9, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) FIORANI c. ITALIE n° 00033909/96 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 21 000 EUR pour le dommage matériel ; 8 000 EUR pour le dommage moral et 2 000 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A n° 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) FLERES c. ITALIE n° 00034454/97 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 61 600,00 EUR pour le dommage matériel ; 10 000 EUR pour le dommage moral et 2 000 EUR pour les frais et dépens. Jurisprudence : Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 30, CEDH 1999-V ; Immobiliare Saffi c. Italie [GC], n° 22774/93, §§ 18-35, 46-66 et 79, CEDH 1999-V ; Lunari c. Italie, n° 21463/93, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Palumbo c. Italie, n° 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A n° 315-C, p. 56, § 50 (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (première section) ZAZZERI c. ITALIE n° 00035006/97 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 11 000,00 EUR pour le dommage matériel ; 9 000 EUR pour le dommage moral et 2 000 EUR

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LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 46 DECEMBRE 2002 81pour les frais et dépens. Jurisprudence : Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, CEDH 1999-V, § 30 ; Arrêt Immobiliare Saffi c. Italie [GC], no 22774/93, §§ 18-35 and 46-66, CEDH 1999-V ; Arrêt Lunari c. Italie, no 21463/96, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Arrêt Palumbo c. Italie, no 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Arrêt Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A no 315-C, p. 56, § 50 (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (première section) AUDITORE c. ITALIE n° 00035550/97 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS Violation de P1-1 ; Violation de l'art. 6-1 ; 1 200,00 EUR pour le dommage matériel ; 3 000 EUR pour le dommage moral et 1 500 EUR pour les frais et dépens. - procédure de la Convention Jurisprudence : Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, CEDH 1999-V, § 30 ; Arrêt Immobiliare Saffi c. Italie [GC], no 22774/93, §§ 18-35 et 46-66, CEDH 1999-V ; Arrêt Lunari c. Italie, no 21463/96, 11 janvier 2001, §§ 34-46 ; Arrêt Palumbo c. Italie, no 15919/89, 30 novembre 2000, §§ 33-47 ; Arrêt Scollo c. Italie du 28 septembre 1995, série A no 315-C, p. 56, § 50 (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (première section) FIORENTINI VIZZINI c. ITALIE n° 00039451/98 19/12/2002 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 6 000 EUR pour dommage matériel et moral et pour frais et dépens) Articles 6-1 ; 37-1 ; 39 ; P1-1 Jurisprudence : ; (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (troisième section) LOGICA - MOVEIS DE ORGANIZACAO, LDA. c. PORTUGAL n° 00054483/00 19/12/2002 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE ; PROCEDURE CIVILE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION ; RESPECT DES BIENS D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable 3 500 EUR au titre du

préjudice moral et 1 250 EUR pour frais et dépens.) (L’arrêt n’existe qu’en français.) Cour (première section) CULJAK ET AUTRES c. CROATIE n° 00058115/00 19/12/2002 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ; VICTIME Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 4 500 EUR au ommageer et second requérants pour dommage moral et 2000 EUR pour frais et dépens Jurisprudence : Horvat c. Croatie, n° 51585/99, §§ 50 et 59, 26 juillet 2001, CEDH 2002-.. ; Humen c. Pologne [GC], n° 26614/95, § 60, 15 octobre 1999, non publié ; Mikulic c. Croatie, n° 53176/99, § 38, 7 février 2002, CEDH 2002-.. ; Öztürk c. Turquie [GC], n° 22479/93, § 83, CEDH 1999-VI ; Styranowski c. Pologne, n° 28616/95, § 46, CEDH 1998-VIII (L'arrêt n'existe qu'en anglais.) Cour (troisième section) SALAPA c. POLOGNE n° 00035489/97 19/12/2002 JUGE OU AUTRE MAGISTRAT EXERCANT DES FONCTIONS JUDICIAIRES ; CONTROLE DE LA LEGALITE DE LA DETENTION ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE ; DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE ; RESPECT DE LA CORRESPONDANCE ; INGERENCE ; PREVUE PAR LA LOI {ART 8} Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 5-4 ; Non-violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 8 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - constat de violation suffisant Jurisprudence : Akdivar et autres c. Turquie, du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV , p. 1219, § 105 ; Di Giovine c. Italie, n° 39920/98, 26.7.2001, § 24 ; Domenichini c. Italie, du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1800, § 33 ; Kawka c. Pologne, n° 25874/94, §§ 53-61, 9 janvier 2001; ; Kurt c. Turquie, du 25 mai 1998, Recueil 1998-III, p. 1192, § 159 ; Niedbala c. Pologne, n° 27915/95, §§ 48-57, 4 juillet 2000, non publié ; Petra c. Roumanie, 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, p. 2853, § 36 ; Radaj c. Pologne, nos. 29537/95 et 35453/97, 28 novembre 2002 ; Szeloch c. Pologne, n° 33079/96, § 101, 22 février 2001 ; Trzaska c. Pologne, n° 25792/94, §§ 70-79,11 juillet 2000 ; Wloch c. Pologne, n° 27785/95, §§ 125-136, 9 octobre 2000 . (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

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INSTITUT.DES.DROITS.DE.L'HOMME. DES.AVOCATS. EUROPÉENS.

LUXEMBOURG L’Institut a pour objet : - l’étude des droits de l’homme et plus particulièrement de la Convention européenne des

droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et ses protocoles ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

- la formation des avocats en droit international des droits de l'homme en vue de la défense

devant les juridictions internationales et notamment les Cours et Tribunaux pénaux internationaux. - la défense et les interventions en faveur des avocats victimes de leur combat pour les droits

de l’homme dans le monde. - l'organisation de manifestations, colloques, séminaires et participation à des publications

relatives aux droits de l'homme. - l'attribution d'un Prix des droits de l'homme à un avocat. Peuvent y adhérer : 1°/ Les barreaux des pays membres du Conseil de l’Europe, les organisme de défense des

droits de l'homme qui en émanent ou toute personne morale ayant le même objet statutaire. 2°/ Tout avocat inscrit à un barreau d’un état membre du Conseil de l’Europe ou juriste

membre d’une institution de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe, présenté par deux membres associés au moins, est admis en cette qualité par une décision du conseil d'administration réunissant la majorité des voix.

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Le Journal des Droits de l’Homme est préparé par l’Institut des Droits de l’Homme de l’Union des Avocats Européens et par l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bordeaux. Le Journal des

Droits de l’Homme. Supplément gratuit réservé aux membres de l’IDHBB. Ne peut être vendu.

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