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DÉCEMBRE 2019 • MARC JEANSON • BOTANIQUE & NOMENCLATURE OPHRYS MASSILIENSIS • NOUVEAU LIPARIS À LA RÉUNION ISOCHILUS CARNOSIFLORUS • FLORICULTURA • CHINE • IGUAZU • VOSGES journal des amateurs d’orchidées N° 223 (VOL. 50) L’ORCHIDOPHILE N° 223 (VOL. 50) OPHRYS MASSILIENSIS - LIPARIS À LA RÉUNION - FLORICULTURA - CHINE - IGUAZU - VOSGES - BOTANIQUE & NOMENCLATURE - ISOCHILUS CARNOSIFLORUS

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DÉCEMBRE2019

• MARC JEANSON

• BOTANIQUE & NOMENCLATURE

• OPHRYS MASSILIENSIS

• NOUVEAU LIPARIS À LA RÉUNION

• ISOCHILUS CARNOSIFLORUS

• FLORICULTURA

• CHINE • IGUAZU • VOSGES

j o u r n a l d e s a m a t e u r s d ’ o r c h i d é e s N° 223 (VOL. 50)

L’ORCHIDOPHILEN° 223 (VOL. 50)• OPHRYS M

ASSILIENSIS- LIPARIS À LA RÉUNION - FLORICULTURA - CHINE - IGUAZU - VOSGES - BOTANIQUE & NOMENCLATURE - ISOCHILUS CARNOSIFLORUS

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317 Ophrys apifera.

393 Paphiopedilum purpuratum

SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ORCHIDOPHILIE

PRÉSIDENTS D’HONNEUR† Georges MOREL (1970-1972)† Marcel LECOUFLE (1972-1981)† Docteur Jean CAMARD (1981-1982)† Docteur Maurice GRINFEDER (1986-1995)† Roger BARBIER (1995-1998)Janine BOURNÉRIAS (1998-2002)Alain JOUY (2002-2008)Pierre LAURENCHET (2008-2018)

COMPOSITION DU BUREAUPrésident : Jean-Michel HERVOUET

[email protected] Vice-Présidents: Michel LE ROY et

Pierre LAURENCHETSecrétaire : Robert GUICHARD -

[email protected]ésorier : Jean-Louis LAURENCIN

[email protected]édacteur en Chef L’Orchidophile :

David LAFARGERelations avec les sociétés régionales:

Alain FALVARD [email protected] et formation: Alain BENOÎTRelations internationales: Charlotte DUPONTAutre : Philippe FELDMANN

CONSEIL D’ADMINISTRATIONAlain BENOÎT, Gérard BRATEAU, Jacques BRY,Roselyne BUSCAIL, Pierre CHALUS, CharlotteDUPONT, Philippe DURBIN, Solange ESNAULT,Robert GUICHARD, Alain FALVARD, PhilippeFELDMANN, Jean-Michel HERVOUET, Caroline IDIR,Jean-Claude LACHARPAGNE, David LAFARGE, PierreLAURENCHET, Jean-Louis LAURENCIN, GeorgetteLECARPENTIER, Michel LE ROY, Jean-Michel MATHÉ,Jean-Marie NADEAU, Michel NICOLE, Daniel PRAT,Jean-Claude ROBERDEAU, Gil SCAPPATICCI, Marc-André SÉLOSSE, Michel SÉRET.

RESPONSABLESCommission scientifique : Étienne DELANNOYCommission conservation : Jean-Michel MATHÉBibliothécaire : Michel GIRAUDAdministrateur Web : Mikael BUSIRéseaux sociaux : Juliette DAURY-BONNET et

Quentin MARTINI

SOCIÉTÉ FRANÇAISED’ORCHIDOPHILIE (SFO)

Association sans but lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901

Siège social: 17 quai de la Seine, F-75019 PARIS

Tél. 01 40 37 36 46 (répondeur)

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ADHÉRENTE À:l’EOC (European Orchid Council).

Quatre numéros par an

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONJean-Michel HERVOUET

RÉDACTEURDavid LAFARGE

RÉDACTEUR ADJOINTJean-Pierre AMARDEILH

COMITÉ DE RÉDACTIONPierre AUTHIERClaire BATISSENicole BORDES

Jean-Michel HERVOUETQuentin MARTINIMichel NICOLE

Hélène RODRIGUEZGeneviève THOUVENIN

Certificat d’inscription à la Commission Paritaire n° 0922G86986Prépresse : QUETZAL, [email protected],

Tél. 01 47 30 24 48. Imprimé en Union Européenne.© SFO - Paris - Dépôt légal décembre 2019 – ISSN : 0750-0386

ASSOCIATIONS RÉGIONALES, GROUPEMENTS ETSECTIONSSFO AQUITAINE (24-33-40-47-64) – Solange ESNAULT-

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SFO ÎLE-DE-FRANCE (75-77-78-91-92-93-94-95) –Alain BENOÎT - [email protected] - www.sfo-idf.fr

SFO LANGUEDOC (12-30-34-48) – Michel NICOLE [email protected] - orchidees-du-languedoc.fr

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SFO NORD (02-59-60-62-80) – Frédéric DEBRUILLE - [email protected] -www.orchid-nord.com

SFO NORMANDIE (14-27-50-61-76) – Christian NOËL - [email protected] - www.sfo-normandie.com

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SFO STRASBOURG – AROS – Françoise JAEHN - [email protected] -aros.asso.fr

SOCIÉTÉS ADHÉRENTES ET CORRESPONDANTESASSOCIATION FRANCOPHONE POUR LE JUGEMENT D’ORCHIDÉES

(AFJO) – Albert FALCINELLI - [email protected] - www.afjo.org

ORCHIDÉES 33 AUDENGE – Jacques FERNANDEZ - [email protected]

ORCHIDÉES ET PLANTES EXOTIQUES D’AQUITAINE (OPEA)Christiane MERLO - [email protected] - opea.free.fr

SOCIÉTÉ ORCHIDÉES LOIRE OCÉAN (SOLO)www.orchidees-loire-ocean.fr

Photographie de première de couverture:

Dactylorhiza sambucina(Photo Hervé PARMENTELAT).

SOMMAIRE

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349 Liparis à la Réunion

339 Ophrys massiliensis

377 Epipogium aphyllum

365 Isochilus carnosiflorus ‘Summer Soltice’

Décembre 2019 n° 223 - Vol. 50 (4)

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327

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349

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317

364398

L’Orchidophile

Quelques notions de biologie pour comprendre laclassification des orchidées. Par Pascal DESCOURVIÈRES.Une brève introduction à la morphologie et à lanomenclature des orchidées. Par David LAFARGE.Combien le genre Ophrys compte-t-il d’espèces? Unedispute scientifique. Par Raoul BINO & Huub LÖFFLER.L’aire de répartition d’Ophrys massiliensis s’étend versl’ouest de l’Occitanie (France). Par Romieg SOCA et al.Découverte d’un nouveau Liparis à La Réunion.Par Charles-Henri ROBERT.D’où vient le nom des orchidées? Les prêtres dansants.Par Rob BÖCK.Trois collecteurs et un Dendrobium. Par Rudolf JENNY.

Isochilus carnosiflorus Lindl., une orchidée rare etsingulière. Par David ROSENFELD.Floricultura : d’importateur à exportateur d’orchidées.Par Rob BÖCK & Gab van WINKEL.Fiche de culture : Scaphosepalum swertifolium (Rchb.f.)Rolfe 1890. Par Michel GIRAUD.

Les orchidées du Massif vosgien. Par Hervé PARMENTELAT.Une carte postale d’Iguazú. Par Jean-Michel HERVOUET.La réserve naturelle provincial de Guangdong Zijin Baixi.Par Olaf Gruß.

Mot du rédacteur. Par David LAFARGE.Les orchidées de BECKMANN. Par Tony GOUPIL.Bénévoles. Par Robert GUICHARD et Jean-Michel HERVOUET.Note de lecture. Par Michel GIRAUD.Marc JEANSON, Botaniste. Par David LAFARGE.En souvenir de Pierre JACQUET (1932-2019). Par Gil SACCAPATICCI.Roger ENGEL (1923-2018) et les orchidées, une passiondévorante. Par Agnès ARTIGES et al.Coin des artistes : des plantes à la peinture : mon parcoursjusqu’au RHS Botanical Art Show 2018. Par Esmée WINKEL.À noter dans vos agendas.Lettre du Président. Par Jean-Michel HERVOUET.

conseRVaTion

cULTURe

QUaRTieRs LiBRes - Vie De La sociÉTÉ

connaissance

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Dans l’imaginaire collectif hexagonal, lamontagne vosgienne est associée à une longueligne bleue, celle d’une forêt lointaine où lesapin donne au paysage des tonalités azurées.C’est que la forêt vosgienne est célèbre : elleprit corps sous la plume de Jules CÉSAR lui-même, qui évoquait, dans « La Guerre desGaules », la silva vogesus pour figurer l’im-mense étendue forestière jugée impénétrableet qui prenait en écharpe les limites orientalesde l’Empire romain. Des siècles plus tard, laligne bleue des Vosges symbolisait pour lesFrançais de la Belle Époque la limite entre lesterres orientales de notre territoire et les« pays perdus » à la fin du Second Empire.Mais peut-on réduire les montagnes vos-giennes à de vastes étendues forestières ? Il estvrai que pour le naturaliste féru de botanique,les Vosges sont plutôt associées aux fougères,aux lichens, aux mousses et pas tellement auxorchidées. Pourtant, au-delà de ces lieux com-muns, nous verrons que la montagne vos-gienne abrite un éventail intéressant detaxons, dont certains particulièrement rareset recherchés des amateurs.

UNE GÉOLOGIE COMPLEXE ET UNCARREFOUR BIOCLIMATIQUED’orientation nord-sud, les crêtes vos-

giennes forment la ligne la plus élevée d’unmassif qui sépare les plateaux calcaires lor-rains, à l’ouest, de la plaine d’Alsace, à l’est.Cette dernière s’est affaissée en gradins suc-cessifs il y a plus de 40 millions d’années. Ces

mouvements tectoniques très anciens sont àl’origine de cet effondrement, en même tempsque les Alpes s’érigeaient et, dans une moin-dre mesure, le Massif vosgien. Celui-ci estconstitué de matériaux anciens datant du cy-cle hercynien, à savoir des roches métamor-phiques, essentiellement granitiques, qui ontretrouvé une nouvelle jeunesse grâce à l’oro-génèse alpine. Le versant lorrain est caractérisépar des pentes douces et régulières, modeléespar les glaciations du quaternaire qui ontcreusé leur sillon au sein des granits vosgiens.Le versant alsacien est lui aussi marqué parl’empreinte glaciaire, mais il présente un facièsbeaucoup plus abrupt, aux allures alpines,avec des vallées relativement courtes qui plon-gent vers la plaine rhénane. Cette forte dissy-métrie court tout au long d’une ligne régu-lière, du Donon (1008 m) au Grand Ballon(1 424 m) en passant par le Hohneck(1363m). Un peu plus au sud et à l’ouest, unedeuxième ligne de crêtes, parallèle à la pre-mière et séparée par la vallée de la Thur, sou-tient les sommets du Grand Ventron (1204m)ou du ballon d’Alsace (1247 m) (Fig. 1). Na-turellement, ces deux faîtières marquent unerupture. Leur orientation nord-sud constitueun obstacle pour les perturbations océaniquespoussées par les vents dominants. Le climatmontagnard qui sévit aux altitudes les plusélevées se double d’une forte influence océa-nique à l’ouest (effet barrière) et d’une in-fluence continentale à l’est. Le fœhn réchauffeles vallées alsaciennes et favorise la culture de

Décembre 2019 - L’Orchidophile 377

Résumé.– Comparé à d’au-tres massifs français et leursvastes étendues calcaires(Alpes, Pyrénées et même Jura)le Massif vosgien semble défa-vorisé en matière d’orchidées.Néanmoins, sa position de car-refour bioclimatique et la variétéde ses biotopes lui permettentde compter bon nombre d’or-chidées, dont certaines parmiles plus rares de France.

Mots-clés.– Massif vosgien ;Vosges ; Alsace ; Lorraine ; Or-chidaceae ; Orchidées ; Ham-marbya paludosa ; ×Pseudo-rhiza bruniana ; Epipogiumaphyllum.

Abstract.– Compared to otherFrench mountain ranges andtheir large limestone areas (theAlps, the Pyrenees and even theJura), it may be thought that theVosges Mountains are a lessfavourable ground for orchids.Nevertheless, its position as abioclimatic crossroads and itsvaried biotopes allow us to findmany orchids there, some ofthem being among the rarest inFrance.

Keywords.– Vosges Mountains;Vosges; Alsace; Lorraine; Or-chidaceae; Orchids; Hammar-bya paludosa; ×Pseudorhizabruniana; Epipogium aphyllum.

Les orchidées du massif vosgien

Hervé PARMENTELAT*

(Toutes les photographies sont de l’auteur).

PARMENTELAT H., 2019.– The orchids from the Vosges. L’Orchidophile 223: 377-385.

CONSERVATION

Si vous avez à l’esprit que les Vosges, ce sont avant tout des forêts bleutées de sapins et que lesorchidées y sont rares, vous allez peut-être changer d’avis avec cet article d’un passionné de natureet de photographie.

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la vigne en même temps que le piémont alsa-cien prend parfois des allures de garrigue mé-diterranéenne, quand la pluviométrie n’a plusrien à envier aux stations réputées les plusarides de France, telles Nice ou Collioure…Dans le même temps, de l’autre côté des crêtes,la cité géromoise est noyée sous une pluviomé-trie importante ! L’ensemble des milieux natu-rels que portent les contreforts vosgiens sontdonc marqués par des influences climatiquesvariées et l’image d’un massif essentiellementforestier développée dans les revues touristiquesne doit pas tromper : l’intérêt biologique et éco-logique des Vosges dépasse largement le cadresylvicole. Carrefour géographique et botanique,les Vosges connaissent une diversité végétalede grand intérêt avec des plantes arrivéesjusqu’ici au gré des grandes phases climatiquesqui ont touché l’Europe depuis la fin des gla-ciations du quaternaire, il y a 14000 ans envi-ron. Périodes tantôt froides, autorisant l’ins-tallation de plantes arctiques ou alpines ; tantôtchaudes, offrant aux plantes méditerranéennesou continentales la possibilité de s’établir ; tan-tôt fraîches et humides permettant l’accueild’espèces venues de l’Ouest comme l’emblé-matique jonquille (Narcissus pseudonarcissusL.). Toutes ces grandes vagues climatiques sontà l’origine d’un véritable cosmopolitisme bo-tanique incluant les fougères, les mousses maisaussi les plantes à fleurs et donc les orchidées.Bon nombre d’espèces se maintiennent au seinde milieux naturels particuliers et fragiles quela montagne leur offre. Ces plantes relictuelles,comme l’arum des marais (Calla palustris L.),le nénuphar nain [Nuphar pumila (Timm) DC]ou le Malaxis des marais [Hammarbya palu-dosa) (L. Kuntze)] pour les orchidées, ne sub-sistent que dans des stations localisées corres-pondant à des exigences de vie très particulièreset sont donc très menacées, notamment par leseffets du réchauffement climatique.Parmi les milieux remarquables, on trouve

les pelouses rases des sommets aux allures detoundra arctique, paysages qui trouvent leuréquivalent en Ecosse, en Irlande ou en Norvège.S’y ajoutent des lacs et des tourbières, enlacéspar de vastes forêts de résineux. Ces milieuxconstituent des refuges pour un grand nombred’espèces boréo-alpines. Les plantes supportantmal l’acidité des granits vosgiens se sont instal-lées pour leur part sur les pelouses calcaires dupiémont alsacien ou sur les couches dolomi-tiques de la Déodatie.

DÉLIMITATIONS DU MASSIF VOSGIENDélimiter le massif vosgien n’est pas chose

aisée. En France, le seuil de 500 mètres d’altitudeest utilisé pour classer nos villes et villages en« commune de montagne ». Nous évoqueronsrapidement les Vosges du Nord, au-delà de Sa-verne, dont la couverture gréseuse ne dépasseque très rarement 500m. Du nord vers le sud, lemassif vosgien ne prend réellement corps qu’àpartir du Col de Saverne et il se termine dans sapartie méridionale par les Vosges saônoises quiplongent sur la porte de Bourgogne. À l’ouest, ils’achève par la première des côtes de Lorraine,celle des grès vosgiens, qui fait office de ported’entrée du massif entre Raon-l’Étape et Saint-Dié-des-Vosges et jusqu’à Remiremont plus ausud. Ces grès vosgiens plongent plus à l’ouestsous les couches sédimentaires calcaires etmarneuses et laissent place à un relief de côtes,les fameuses cuestas, caractéristiques de laplaine et du plateau lorrain. À l’est, le piémont alsacien, appelé également collines sous-

378 L’Orchidophile - Décembre 2019

CONSERVATION

Fig. 1.– Carte du massif vosgien.

Peut-on réduire les montagnes vosgiennes à devastes étendues forestières ? Il est vrai que pourle naturaliste féru de botanique, les Vosges sontplutôt associées aux fougères, aux lichens, auxmousses et pas tellement aux orchidées.

Le massif vosgien

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Fig. 2.– Prairies àDactylorhiza au Tholy (88),

le 18 mai 2018.

vosgiennes, se situe en position d’interfaceentre la montagne et la plaine d’Alsace qu’il do-mine légèrement. Ces promontoires constituésde calcaire, et donc favorable aux orchidées, ap-partiennent-ils au massif vosgien ou à la plained’Alsace ? La question reste ouverte mais si l’onconsidère une fois encore l’altitude de 500 mcomme référence, la plupart du piémont n’en-tre pas dans notre étude. Seules quelques col-lines, notamment autour d’Osenbach, à l’abridu Petit Ballon (1272m), entreraient dans l’es-pace montagnard à proprement parler.Considérant ce seuil altitudinal et ces limites

nord-sud et est-ouest, le massif vosgien s’étendsur deux régions (Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté) et sept départements (Moselle,Meurthe-et-Moselle, Vosges, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Haute-Saône et Territoire de Belfort).

LES MILIEUX NATURELS VOSGIENS ETLEURS ORCHIDÉESLes prairies de moyenne montagneLa culture des graminées fourragères, dé-

diées à l’élevage bovin, caractérise bon nombrede prairies de la montagne vosgienne, sur lesdeux versants du massif. Ces prairies naturellesmésotrophes ont longtemps été d’une granderichesse floristique. Malheureusement, lesfauches précoces et les amendements ont lar-gement contribué à la disparition d’espèces.Néanmoins, on trouve encore çà et là de bellesprairies. La présence de Dactylorhiza majalis(Rchb.) P.F. Hunt & Summerhayes constitue engénéral un bon indicateur de l’intégrité du mi-lieu. Il peut former parfois des populations deplusieurs centaines, voire milliers de pieds. Iln’est que trop rarement accompagné de Neoti-nea ustulata (L.) R.M. Bateman (jamais sur le

versant lorrain et rarement sur le versant alsa-cien), un peu plus souvent d’Anacamptis morio(L.) R.M. Bateman, dont la station la plus hautese situe à plus de 700 m d’altitude. Neottiaovata (L.) Bluff & Fingerhuth et Gymnadeniaconopsea (L.) R.Br. s’invitent quelques fois auflorilège des prairies vosgiennes, de mêmequ’Orchis mascula (L.) L., très fréquent sur leslisières et les talus routiers. Mais les orchidéesles plus fréquentes sur les prairies vosgiennessont Dactylorhiza maculata (L.) Soó (Fig. 2) etPlatanthera chlorantha (Custer) Rchb. Cesdeux-là sont très présentes et forment parfoisdes populations très denses. À noter que Pla-tanthera bifolia (L.) Rich. est beaucoup plusrare dans ces prairies de moyenne montagne,parfois même manquant. Quant à Coeloglos-sum viride (L.) Hartman, il est étonnammentabsent à cet étage, excepté sur une unique sta-tion redécouverte récemment, à Saint-Dié-des-Vosges. Concernant Spiranthes spiralis (L.)Chevallier, il existe de nombreuses mentionshistoriques sur les prairies vosgiennes mais l’es-pèce a semble-t-il disparu…

Les forêts des Vosges gréseuses et le cas parti-culier de la DéodatieHormis les prairies de fauche évoquées pré-

cédemment, les Vosges gréseuses sont peu fa-vorables aux orchidées. Elles constituent lapartie occidentale du massif vosgien et se dé-ploient vers le nord, à partir de la Vallée de LaBruche en Alsace, pour former un vaste plateaudont les altitudes sont le plus souvent infé-rieures à 500 mètres. Les forêts de pins sur solsacides laissent peu de place aux orchidées,même à Goodyera repens (L.) R.Br., trop rarecôté lorrain, un peu moins en Alsace et dans lesVosges du Nord. Seul Epipactis helleborine (L.)Crantz se montre parfois abondant dans ces fo-rêts gréseuses ainsi que sa variété minor (R.Engel) R. Engel (Fig. 3) qui affectionne les solspauvres et sableux. On peut rencontrer égale-ment Neottia nidus-avis (L.) Rich., Neottiaovata, et plus rarement Cephalanthera damaso-nium (Miller) Druce.La géologie du bassin déodatien est com-

plexe, en position d’interface entre les rochescristallines des Hautes-Vosges au sud et à l’estet les matériaux sédimentaires du bassin per-mien au nord-ouest. À cela s’ajoutent les zonesalluvionnaires déposées par la Meurthe. Mais cequi nous intéresse se situe dans une couchecomposée de grès que les géologues appellent la

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CONSERVATION

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« couche de Saint-Dié ». Dans sa partie infé-rieure, la formation a subi un enrichissement endolomie liée à une interruption de la sédimen-tation, sous un climat sans doute beaucoupplus aride. Roche sédimentaire carbonatée, ladolomie présente des caractéristiques chi-miques proches du calcaire, donc favorable auxorchidées… La couche de dolomie ne dépasseguère quelques mètres d’épaisseur. Elle cein-ture le massif de l’Ormont entre Nayemont-les-Fosses au sud et Saint-Jean-d’Ormont au nord.Cette particularité géologique au sein du bassinpermien de Saint-Dié-des-Vosges permet à desespèces inféodées au calcaire de s’installer,comme Ophrys apifera Huds. ou Epipactismuelleri Godfery. La Déodatie constitue doncun écrin particulier au sein du versant lorraindu massif vosgien. Ces dernières années Epi-pactis atrorubens (Bernh.) Besser, Orchis pur-purea Huds. et Anacamptis pyramidalis (L.)Rich. y ont été trouvés. La prospection doit yêtre poursuivie avec méthode car d’autres dé-couvertes sont possibles.

La hêtraie-sapinière (figures 4 & 5)Il s’agit du groupement forestier dominant,

établi le plus souvent sur des sols acides, richeset profonds. Tantôt le hêtre domine, tantôt lesapin, en fonction de l’exposition, de l’humi-dité et de la profondeur du sol. Les orchidéesne sont pas forcément à leur aise au sein de ces

forêts. On peut y observer cependant Cepha-lanthera longifolia (L.) Fritsch dans les secteursles plus chauds, Dactylorhiza maculata, Platan-thera chlorantha et Orchis mascula, assez fré-quent en lisière.

L’étage collinéen alsacienAu même étage, entre 500 et 750 mètres d’al-

titude, les sommets des collines alsaciennes pré-sentent en quelques endroits un milieu thermo-phile original, sur des promontoires rocheux degrauwackes particulièrement bien exposés et quifurent jadis propices à l’installation de châteauxforts. Ici, la hêtraie-sapinière laisse place à des prés-bois que le botaniste alsacien ISSLER nommait la

380 L’Orchidophile - Décembre 2019

CONSERVATION

Fig. 3.– Epipactishelleborine var. minor dansles Vosges gréseuses àMoussey (88), le 30 juillet 2019.

Fig. 4.– Lisière de la hêtraie-sapinière avec Orchis

mascula à Soultzeren (68),le 5 mai 2019.

Fig. 5.– Epipogiumaphyllum dans unesapinière humide àStosswihr (68), le 17 juillet 2012.3 4

5

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« garide siliceuse » (Fig. 6), afin de souligner la res-semblance entre ces milieux et la garrigue calcaireméditerranéenne. À des altitudes relativement éle-vées (750m au Stauffen au-dessus de Soultzbach-les-Bains), la chênaie très clarifiée offre la possi-bilité à des plantes remarquables de s’installer,comme la pulsatille commune (Anemone pulsa-tilla L.), le lin d’or (Galatella linosyris Rchb. f.) oule Lis martagon (Lilium martagonL.). Du côté desorchidées, on trouve Orchis mascula, Cephalan-thera longifolia et Cephalanthera rubra (L.) Rich.mais surtout Dactylorhiza sambucina (L.) Soó(Fig. 7). Même si l’espèce se raréfie sur les pro-montoires les moins élevés, elle forme encore par-fois de belles populations, dès les beaux joursd’avril. À noter que l’orchis sureau ne fleurit icique sous sa forme jaune.

Les sapinières et sapinières humides (Fig. 8)les forêts de conifères illustrent la carte pos-

tale traditionnelle des Vosges. L’enrésinementimportant que les vallées ont connu dès la findu XIXe siècle et tout au long du XXe siècle, est

essentiellement dû à la déprise agraire qui s’estopérée en même temps que les industries (es-sentiellement textiles) s’installaient le long descours d’eau dans toute la montagne. Ces forêtsde sapins et d’épicéas marquent le paysage, fer-mant certaines vallées du département desVosges à plus de 80, voire 90 %! Sous les sapi-nières humides, on recherchera quelques taxonsrares et protégés comme Neottia cordata (L.)Rich. (Fig. 9). L’espèce est assez fréquente, no-tamment sur le versant lorrain particulière-ment humide, plus rare côté alsacien. Elle peu-ple les saulaies aux abords des tourbièresfermées ou sous les sapinières humides, for-mant sur les sphaignes des colonies de plu-sieurs centaines, voire milliers, de pieds. Coral-lorhiza trifidaChâtelain (Fig. 10) est nettementplus rare avec quelques stations haut-rhinoises,entre le Hohneck et le Col du Bonhomme, etdeux en Lorraine, entre Gérardmer et La Bresse.La probabilité de trouver de nouvelles stationsest toutefois importante car les mentions his-toriques de l’espèce ne sont pas rares et les

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CONSERVATION

Fig. 7.– Dactylorhizasambucina à Rimbach-près-

Guebwiller (68), le 24 avril 2018.

Fig. 8.– Sapinière humide àGérardmer (88), le 11 août 2017.

Fig. 6.– « Garide siliceuse »du Stauffen (68) et

Dactylorhiza sambucina,11 mai 2001.

Entre 500 et 750 mètres d’altitude, les sommets descollines alsaciennes présentent en quelques endroits unmilieu thermophile original, sur des promontoires rocheuxde grauwackes particulièrement bien exposés et quifurent jadis propices à l’installation de châteaux forts…

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milieux susceptibles de l’accueillir sont nom-breux. C’est peu ou prou la même chose pourEpipogium aphyllum Sw. dont les seules sta-tions avérées sont sur le versant alsacien. L’es-pèce est mentionnée dans la littérature côtélorrain et l’espoir de l’y retrouver est réel. Desobservations uniques mais non confirmées sontconnues sur les deux versants du massif.

Les tourbières et zones humidesLes Hautes-Vosges sont un véritable château

d’eau et les tourbières nombreuses font du mas-sif l’un des plus réputés de France pour lesplantes inféodées à ces milieux, notamment les Cy-péracées (carex, linaigrettes…), les Éricacées et denombreuses plantes rares et protégées sur leplan national comme les droséras (Drosera ro-tundifolia L., D. intermedia Hayne, D. longifolia L.,D.×obovata Mert. & W.D.J. Koch) ou la scheuch-zérie des marais (Scheuchzeria palustris L.).Les orchidées y sont moins nombreuses.

Hormis Corallorhiza trifida et Neottia cordataévoqués dans le paragraphe précédent, on ytrouve quelques Dactylorhiza. D. maculata estsans doute le mieux représenté, accompagnébien souvent par D. majalis avec lequel il s’hy-bride fréquemment. Sur les tourbières d’alti-tude, ce dernier est remplacé par un taxon dontles caractéristiques morphologiques semblentdavantage se rapporter à un petit D. majalis demontagne, sans doute Dactylorhiza parvimaja-lis D. Tyteca & Gattoye. C’est le cas dans leshautes-vallées de la Moselotte et de la Meurthe,côté lorrain, ainsi qu’au Champ du Feu et dansles tourbières de pente des crêtes, côté alsacien.

Dans les Vosges du Nord, les tourbières sontégalement nombreuses, enclavées dans le pay-sage forestier caractéristique des plateaux gré-seux du Buntsandstein. Certaines revêtent unhaut niveau patrimonial et notamment deuxtourbières mosellanes protégées de la région deBitche. Celles-ci constituent les seules stationsvosgiennes de Dactylorhiza traunsteineri(Saut.) Soó, taxon disparu de la plaine d’Alsaceet probablement absent des Hautes-Vosges,bien qu’il soit cité dans de nombreuses flores(sans doute s’agit-il d’une confusion avec D.parvimajalis évoqué précédemment).Mais l’espèce la plus rare des tourbières

vosgiennes est sans aucun doute Hammarbyapaludosa (L.) O. Kuntze (Fig. 10). À la fin duXIXe siècle, le malaxis des marais était cité surneuf tourbières, toutes dans la région de Gé-rardmer. Aujourd’hui, il n’est connu que d’unseul site, redécouvert en 2000 par Henri MA-THÉ et Alain PIERNÉ, sur la commune de LaBresse. Le Conservatoire des espaces naturelsde Lorraine est désormais gestionnaire du site.Un plan destiné à lutter contre la diminutiondes effectifs a été mis en place il y a trois ans.À noter qu’une observation récente de l’es-pèce sur une autre tourbière au-dessus de Gé-rardmer n’a pour l’heure pas été confirmée.Les chances de retrouver Hammarbya palu-dosa ailleurs existent même si l’espèce est enrégression partout en France. À noter que lafragilité des milieux qui l’accueillent et la toutepetite taille de l’espèce, qui passe facilementinaperçue, n’incitent guère à mener des pros-pections intensives…

Fig. 9.– Neottia cordata à Xonrupt-Longemer (88), le 6 juin 2015.

Fig. 10.– Corallorhiza trifida sur les aiguilles desapins à Gérardmer (88), le 11 juin 2015.

Fig. 11.– Hammarbyapaludosa à La Bresse (88),

le 14 août 2019.

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Les Hautes-Chaumes (Fig. 12)Les Ballons des Vosges sont la plupart du

temps recouverts de chaumes, une formationrase proche de la prairie subalpine. Le carac-tère primaire d’une partie de ces Hautes-Chaumes est aujourd’hui contesté et il semblebien que ces formations soient toutes le résul-tat de déboisements entrepris dès le Moyen-Âge. Le climat particulièrement rude à cesaltitudes, associé à un élevage extensif transhu-mant, empêchent toute fermeture du milieu.Les sommets sont balayés par les vents domi-nants porteurs de précipitations abondantesapportant de forts cumuls de neige en hiver. La végétation des chaumes est dominée par

diverses Poacées comme le nard raide (Nardusstricta L.) et les Éricacées comme la callune [Cal-luna vulgaris (L.) Hull] ou la myrtille (Vacciniummyrtillus L.). Parmi les fleurs remarquables oncitera l’anémone (ou pulsatille) d’Autriche(Anemone scherfelii Ullepitsch) ou encore l’ar-nica (Arnica montana L.). Ce dernier constitueles plus belles populations de France et dont lacueillette, très réglementée, permet d’alimenterles laboratoires pharmaceutiques européens.Les orchidées ont la part belle sur les

chaumes vosgiennes, dès la fin du mois d’avrilavec Dactylorhiza sambucina (fig. 7) qui restecependant rare et localisé sur quelques chaumesdu Haut-Rhin. Comme partout, la forme jauneest dominante mais elle est parfois exclusivesur certains sites, notamment à des altitudesplus modestes. Les plus belles populations avecles formes jaune et rouge en mélange se ren-contrent autour du Grand Ballon. Au début del’été, les chaumes se couvrent de populationsdenses de D. maculata. À noter que dans cer-tains secteurs, notamment autour du Mark-stein et du Grand Ballon, de nombreux indivi-dus montrent des indices labellaires prochesde Dactylorhiza fuchsii (Druce) Soó. Si l’onconsidère comme possible la présence de D. fuchsii dans les Vosges cristallines, il faut

bien admettre que les deux taxons n’y formentjamais de populations nettement séparées etdonc qu’il n’est pas insensé de ranger le toutdans la variabilité de D. maculata… Sur leschaumes, l’espèce est accompagnée de Platan-thera chlorantha, P. bifolia ainsi que de Pseu-dorchis albida (L.) A. Löve & D. Löve. Celui-cipeut se rencontrer du Champ du Feu jusqu’auBallon d’Alsace, toujours au-dessus de 1000 md’altitude.L’hybride intergénérique entre D. maculata et

P. albida (×Pseudorhiza bruniana Hunt) estfréquemment observé, notamment entre leMarkstein et le Grand Ballon (Fig. 13). Sa dé-couverte au début des années 2000 a provoquéun enthousiasme certain auprès des orchido-philes locaux et notamment des membres de la

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CONSERVATION

Fig. 12.– Les Hautes-Chaumes, massif du Hohneck, le 22 juin 2012.

Fig. 13.– Portraits croisés de ×Pseudorhiza bruniana du massif vosgien.

Les crêtes et sommets des Vosgessont le plus souvent nommésBallons, terme dont l’origine nousrenvoie semble-t-il à Belen, ouBelenos, le Dieu du soleil, adoré parles Celtes qui allumaient sur lessommets de grands bûchers lors dessolstices et équinoxes…

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SFOLA qui y ont consacré une attention parti-culière pendant plus de dix ans, ce qui a permisde dénombrer un peu plus de 130 individus dif-férents, offrant un panel de couleurs remar-quable, du blanc pur au rose soutenu.De manière plus localisée, on peut aussi

croiser sur les Hautes-Chaumes Gymnadeniaconopsea, Coeloglossum viride et Traunsteineraglobosa (L.) Rchb. (Fig. 14). C. viride quant àlui se rencontre çà et là parmi les landes à Éri-cacées et notamment sur le dessus des versantsalsaciens les mieux exposés. T. globosa ne serencontre qu’au-dessus de 1000 m même s’ils’aventure également dans les formations detype mégaphorbiaie des couloirs à avalanchedes cirques glaciaires, mais entre le Hohneck etle Grand Ballon uniquement. On notera aussila présence à ces altitudes de Dactylorhiza ma-jalis, Neottia ovata et Orchis mascula.

Les collines sous-vosgiennesLa région des collines sous-vosgiennes s’étire

entre la plaine d’Alsace et le massif vosgien, deThann, au sud, jusqu’à Bouxwiller, au nord. Si-tuées entre la faille vosgienne à l’ouest et lafaille rhénane à l’est, elles constituent un espaceoriginal entre plaine et montagne. Le substratcalcaire et un climat chaud et sec, à l’abri dessommets vosgiens, favorisent le développementdes orchidées, mais aussi de la vigne qui occupeune grande partie de ce relief de côtes. Nous ar-rivons ici à la limite orientale de notre étude etseule la colline du Bickenberg à Osenbach

(Fig. 15), enclavée dans les premiers contrefortsdu massif dépasse 500 m d’altitude en sonsommet. Des plantes remarquables y sont visi-bles, notamment la fraxinelle (Dictamnus albusL.). Les orchidées sont nombreuses : Anacamp-tis morio, A. pyramidalis, Gymnadenia conop-sea, Neotinea ustulata, Neottia ovata,Himantoglossum hircinum (L.) Sprengel,Ophrys apifera, Ophrys fuciflora (F.W. Schmidt)Moench, Ophrys insectifera Linné, Orchis an-thropophora (L.) Allioni, Orchis militaris L.,O. purpurea et Spiranthes spiralis. En lisière deces pelouses, parmi les chênaies-hêtraies quiforment un espace de transition vers des forêtsplus montagnardes, on retrouve Cephalantheradamsonium, C. longifolia et C. rubramais aussiNeottia nidus-avis ainsi qu’Epipactis atrorubens,E. helleborine, Epipactis leptochilaGodfery, Epi-pactis microphylla (Ehrh.) Sw et E. muelleri. Cesecteur abrite également les derniers refuges

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CONSERVATION

La région des collines sous-vosgiennes s’étire entre la plained’Alsace et le massif vosgien, deThann, au sud, jusqu’à Bouxwiller,au nord. Situées entre la faillevosgienne à l’ouest et la faillerhénane à l’est, elles constituentun espace original entre plaine etmontagne…

Fig. 14.– Traunsteinera globosa au Grand Ballon (68), le 30 juin 2019.

Fig. 16.– Orchis pallens sur le piémont alsacien à Osenbach (68), le 22 avril 2019.

Fig. 15.– Pelouse calcairedu piémont alsacien à Osenbach, le 28 août 2012.

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alsaciens d’Orchis pallens L. (Fig. 16), orchidéedont l’aire de répartition est montagnarde.

CONCLUSIONSi l’on intègre les hautes collines du piémont

alsacien à notre étude, le massif vosgien recensedonc 38 espèces d’orchidées appartenant à desmilieux naturels très variés. Le Parc naturel ré-gional des Ballons des Vosges recense pour sapart 40 espèces sur son territoire, puisque laplupart des collines sous-vosgiennes du Haut-Rhin entrent dans son périmètre. Ainsi, Ophrysaraneola Rechb. et Orchis simia Lam. sont éga-lement comptabilisés même si les stations nedépassent guère 400 m d’altitude.Bien loin des Alpes ou des Pyrénées, les

Vosges méritent cependant qu’on y pose notreregard de botaniste et d’orchidophile, d’autantque ce patrimoine naturel subit de nombreusespressions menaçant parfois sa survie. Depuis dessiècles, les hommes des montagnes vosgiennesont utilisé et historié ce territoire, parfois hélasau détriment de ses particularismes naturels etsauvages. La plupart des forêts ont perdu leur ca-ractère primaire et bon nombre de parcelles ré-pondent aujourd’hui à une gestion productivistepeu favorable à la biodiversité. Les effets du ré-chauffement climatique commencent à se fairedurement ressentir et les périodes de sécheresserécentes ont malheureusement raison de pansentiers de forêt dont le sapin est la première vic-time, essence dont le système racinaire de sur-face peine à répondre à ses besoins vitaux en eau.Les tourbières sont loin d’être toutes proté-

gées et beaucoup ont été grignotées ou drainéesde manière significative, notamment pour desactivités de loisirs comme le ski.Vestige militaire d’une frontière qu’il fallut

jadis consolider vaille que vaille, la route descrêtes est aujourd’hui prise d’assaut par les au-tomobilistes et les motards et l’ensemble desnombreux vices qu’ils véhiculent : le bruit, lapollution, la vitesse, mais aussi l’incivilité sousla forme de poubelles qui débordent, de bordsde route où foisonnent les papiers gras et autrescanettes ou bouteilles en plastique…Ces quelques exemples sont là pour nous

rappeler que la nature souffre et que la mon-tagne vosgienne ne fait hélas pas exception. Labiodiversité s’étiole ici comme un peu partout

en France et dans le monde et de nombreusesespèces, orchidées comprises, sont aujourd’huimenacées. l

BIBLIOGRAPHIE - WEBOGRAPHIEn BOURNÉRIAS M. et al. (Collectif de la SFO), 2005.–Les orchidées de France, Belgique et Luxembourg,2e édition. Biotope, (Collection Parthénope), Mèze,504 p.

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n PIERNÉ A., PITOIS P., HASENFRATZ A., B. SCHATZ,2009.– Suivi d’une population de l’hybride ×Pseu-dorhiza bruniana (Dactylorhiza maculata × Pseu-dorchis albida) dans les Hautes-Vosges (France) (2epartie). L’Orchidophile 184: 31-41.

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n Site de l’auteur : www.vosges-nature.netn Site de la SFOLA: www.sfola.fr

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CONSERVATION

*Hervé PARMENTELAT411 route du Blanc-Ruxel, 88400 [email protected] - www.vosges-nature.net

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317 Ophrys apifera.

393 Paphiopedilum purpuratum

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Photographie de première de couverture:

Dactylorhiza sambucina(Photo Hervé PARMENTELAT).

SOMMAIRE

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DÉCEMBRE2019

• MARC JEANSON

• BOTANIQUE & NOMENCLATURE

• OPHRYS MASSILIENSIS

• NOUVEAU LIPARIS À LA RÉUNION

• ISOCHILUS CARNOSIFLORUS

• FLORICULTURA

• CHINE • IGUAZU • VOSGES

j o u r n a l d e s a m a t e u r s d ’ o r c h i d é e s N° 223 (VOL. 50)

L’ORCHIDOPHILEN° 223 (VOL. 50)• OPHRYS M

ASSILIENSIS- LIPARIS À LA RÉUNION - FLORICULTURA - CHINE - IGUAZU - VOSGES - BOTANIQUE & NOMENCLATURE - ISOCHILUS CARNOSIFLORUS

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