la lutte contre le terrorisme en droit international

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  • 8/13/2019 La Lutte Contre Le Terrorisme en Droit International

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    Universit de Reims Champagne-Ardenne

    Facult de droit et de science politique

    THESE

    Pour obtenir le grade de

    Docteur de lUniversit de Reims Champagne-Ardenne

    Discipline : Droit international et Relations internationales

    parMr. Adriano MENDY

    LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME EN DROIT

    INTERNATIONAL

    Sous la direction deMr. Jean-Pierre COLIN

    Membres du jury

    Mr. Jean-Pierre COLIN Professeur mrite lUniversit de Reims

    Mr. Albert BOURGI Professeur lUniversit de Reims

    MME Francine DEMICHEL Professeur mrite lUniversit de Paris VIII St Denis

    Mr. Isaac Yankhoba NDIAYE Professeur agrg, ancien doyen de la facult des Sc.juridiques et politiques de lUniversit Cheikh Anta Diop de Dakar (Sngal)

    Mr. Raphal PORTEILLA Matre de confrences lUniversit de Dijon

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    Remerciements

    Mes remerciements vont naturellement au professeur Jean-Pierre Colin.

    Je tiens remercie les membres du jury pour leur disponibilit.

    Je remercie le personnel de la bibliothque universitaire Robert de Sorbon.

    Mes remerciements sadressent galement tous ceux qui, par leur aide et leur soutien, montencourag dans la poursuite de mes travaux, notamment Ousmane Diouf, Ibou Tine,

    messieurs et mesdames Ndiaye, Dieng, Denis.

    Je remercie particulirement Viviane Reboud, M. Benot Billon

    Je tiens remercie aussi Nathalie Coutlet, Elimane Kane et Abdoul Aziz Mbaye pour la

    relecture de la thse.

    Bien videmment, un grand merci mon pouse qui a su supporter labsence de ma

    prsence la maison.

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    A mes parents

    A MamaA Mariama

    A mes frres et surs

    A mes cousins et

    cousines

    A Dibor

    A Antoine

    A YabsaA Charles

    A Me Diallo

    A Flix et Dbora

    A la mmoire dAngla

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    Sigles et abrviations

    ADM Arme de destruction massive

    AFDI Annuaire franais de droit international

    AGNU Assemble gnrale des Nations Unis

    AIEA Agence internationale pour lnergie atomique

    Ann. IDI Annuaire de lInstitut de droit international

    ASACR Association sud-asiatique de coopration internationale

    CAERT Centre africain dtude et de recherche sur le terrorisme

    CCT Comit contre le terrorisme cr par le Conseil de scurit

    CDI Commission du droit internationalCEDH Cour europenne des droits de lhomme

    CEI Communaut des Etats indpendants

    CICR Comit international de la Croix-Rouge

    CIJ Cour internationale de Justice

    CIMA Commission internationale de la navigation arienne

    CIUDP Confrence internationale pour lunification du droit pnal

    Comit 1267 Comit cr en application de la rsolution 1267 (1999) du Conseilde scurit des Nations Unies

    Comit 1540 Comit cr en application de la rsolution 1540 (2004) du Conseil

    de scurit

    CJCE Cour de Justice des Communauts europennes

    CPJI Cour permanente de Justice internationale

    Comit 1267 Comit cr en application de la rsolution 1267 (1999) du CSNU

    CPI Cour pnale internationaleDAI Documents dactualit internationale

    DIH Droit international humanitaire

    ETA Euskadi ta askatasuna

    FGVAT Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme

    GAFI Groupe daction financire sur le blanchiment dargent

    IDI Institut de droit international

    IRA Irish Republican army

    JDI Journal de droit international

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    JEDI Journal europen de droit international

    JOCE Journal officiel des Communauts europennes

    LEA Ligue des Etats arabes

    MAE Mandat darrt europen

    MPSI Menace contre la paix et la scurit internationales

    OACI Organisation de laviation civile internationale

    OCI Organisation de la Confrence islamique

    OEA Organisation des Etats amricains

    OIAC Organisation pour linterdiction des armes chimiques

    OIPC Organisation internationale de la police criminelle (Interpol)

    OIT Organisation international du travail

    OMD Organisation mondiale des douanes

    OMI Organisation maritime internationale

    ONU Organisation des Nations Unies

    ONUDC Office des nations Unies contre la drogue et le crime

    OUA Organisation de lUnit africaine

    PPS Problmes politiques et sociaux

    RBDI Revue belge de droit international

    RCADI Recueil des cours de lAcadmie de droit international

    Rec. Recueil des arrts de la Cour internationale de Justice

    RDILC Revue de droit international et de lgislation compare

    RFDA Revue franais de droit arien (et spatial)

    RGDIP Revue de droit international public

    RICR Revue internationale de la Croix-Rouge

    RSA Recueil des sentences arbitrales

    RSDIE Revue suisse de droit international et de droit europenRTDH Revue trimestriel des droits de lhomme

    SDN Socit des Nations

    SFDI Socit franaise pour le droit international

    UA Union africaine

    UE Union europenne

    UNESCO Organisation des Nations Unies pour lducation, la science et la

    culture

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    Sommaire

    INTRODUCTION .. 8

    Partie prliminaire :

    LES PROBLEMES SOULEVES PAR LA NOTION

    DE TERORISME EN DROIT INTERNATIONAL ..13

    Titre I : LES TENTATIVES DE DEFINITION JURIDIQUE DUTERRORISME16

    Chapitre 1: Lexamen rtrospectif des premires dfinitions du terrorismeau niveau international : des tentatives de dfinition avortes..17

    Chapitre 2 : Vers une dfinition universelle du terrorisme ?.............................................44

    Titre II: LA SPECIFICITE DU TERRORISME EN TANT QUECRIME AUTONOME.77

    Chapitre 1: Les caractres politique et international du terrorisme...78

    Chapitre 2 : La distinction des crimes terroristes de certains crimes de droitinternational...89

    Premire partie :

    LEVOLUTION DU CADRE NORMATIF DE LUTTE CONTRE

    LE TERORRISME.96

    Titre 1 : LA VOIE CLASSIQUE : LENCADREMENT DE LA LUTTE CONTRELE TERRORISME PAR DES MECANISMES CONVENTIONNELS98

    Chapitre 1 : Les constantes de la lutte contre le terrorisme...99

    Chapitre 2 : Lrosion du systme conventionnel de lutte contre le terrorisme.151

    Titre 2 : LA VOIE INSTITUTIONNELLE : LE CONSEIL DE SECURITE

    ET LE TERRORISME EN TANT MENACE CONTRE LA PAIXET LA SECURITE INTERNATIONALES174

    Chapitre 1: Le concept de MPSI dans le cadre des Nations Unies...175

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    Chapitre 2 : Les implications de la qualification du terrorisme en tant queMPSI en relation avec les attentats du 11 septembre 2001...196

    Deuxime partie :

    LA RECHERCHE DUNE SOLUTION GLOBALE AU TERRORISME.226

    Titre 1 : LES MOYENS DECOULANT DU DROIT INTERNATIONAL.....228

    Chapitre 1 : La lutte contre le terrorisme dans le respect du droitdes relations amicales...229

    Chapitre 2 : La lutte contre le terrorisme et droits de lhomme :

    le dilemme entre lobligation de protger toute personne contre

    le terrorisme et lobligation de respecter les droits de lhomme 285

    Chapitre 3: La place des victimes dans la lutte contre le terrorisme...307

    Titre 2: LA COOPERATION INTERNATIONALE : UNE CONDITIONSINE QUA NONPOUR UNE LUTTE EFFICACE ET DURABLE

    CONTRE LE TERRORISME..331

    Chapitre 1: La coopration internationale : une obligation pour les Etats.332

    Chapitre 2 : La ncessit de rponses complmentaires pour combattre

    le terrorisme.354

    Conclusion gnrale..384

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    INTRODUCTION

    Nul nest labri du terrorisme, que lon se trouve dans le mtro de Tokyo ou dans un

    autocar Tel-Aviv, que lon fasse du lche-vitrine Londres, que lon se promne dans les

    rues de Moscou, que lon soit militaire en Arabie Saoudite ou fonctionnaire Oklaoma-city,

    le terrorisme est dsormais un flau aveugle qui fait fi des frontires 1. Ainsi sexprimait

    lancien prsident amricain Bill Clinton, le 6 aot 1996, dans le contexte de la multiplication

    des actes de terrorisme travers le monde2. Cet accroissement des actes de terrorisme ne revt

    pas seulement un aspect quantitatif, il rvle galement une volution qualitative en ce qui

    concerne les moyens et les possibilits daction des terroristes. Il nest qu penser limportance de lavion dans laccomplissement des actes de terrorisme : il est la fois une

    cible privilgie et une arme redoutable. En outre, la mondialisation des changes et le

    phnomne constat de lacclration de la circulation des personnes et des biens, notamment

    dans un but conomique, impliquent une grande fluidit des dplacements et engendrent en

    consquence une trs forte vulnrabilit pour tous les pays du monde. Enfin, nous savons

    maintenant que la connaissance scientifique et technologique, dans le domaine de larmement

    et des explosifs, se dveloppe sans cesse et quil est possible de nos jours dutiliser desprocds moins coteux pour fabriquer des armes dangereuses (chimiques, biologiques, entre

    autres), ce qui permet un grand nombre de terroristes ou de groupes terroristes de pouvoir

    les acqurir.

    Le terrorisme devient ainsi lun des dfis auquel le monde est confront de nos jours. En

    effet, des pays appartenant tous les systmes politiques, conomiques, rgions

    gographiques, religions et cultures, ont t victimes du terrorisme. Aussi, la lutte contre ce

    flau concerne-t-elle toute lhumanit : cest la communaut internationale3 dans son

    1Traduction in Dossiers mondiaux, revue lectronique de lAgence dinformation des Etats-Unis, fvrier 1997,p.1. A consulter sur : http://www.usinfo.state.gov/journals/itgic/0297/rjgf/rjgf0297.htm2On citer entre autres : mars 1995 :attentat au gaz sarin dans le mtro de Tokyo ; avril 1995 : attentat contre lebtiment de ladministration fdrale Oklahoma City (Etats-Unis) ; janvier 1996 : attentat contre la banquecentrale du Sri Lanka. Source : Questions internationales, juillet-aot 2004.3La communaut internationale sentend ici non seulement comme un [e]nsemble des Etats pris dans leuruniversalit, mais aussi comme un [e]nsemble plus vaste incluant, ct des Etats, les organisationsinternationales vocation universelle() , J. SALMON (dir.),Dictionnaire de droit international public,Bruxelles, Bruylant, 2001, pp 205-206. Par ailleurs, [t]ous les Etats jouissent de lgalit souveraine. Ils ontdes droits et des devoirs et sont membres gaux de la communaut internationale, nonobstant les diffrences

    dordre conomique, social, politique ou dune autre nature., Dclaration relative aux principes du droitinternational touchant les relations amicales et la coopration entre les Etats, annexe la rsolution 2625 (XXV)de lAssemble gnrale de lONU, 24 octobre 1970.

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    ensemble qui est vise travers des valeurs fondamentales qui la fondent et lui donnent un

    sens, en loccurrence le droit la vie, le droit la scurit. En condamnant vigoureusement les

    actes terroristes, la communaut internationale nentendait-elle pas exprimer lide que les

    actes terroristes ne portent pas seulement atteinte au droit interne de lEtat o ils sont commis,

    mais au droit international lui-mme.

    Le droit international est un corpus de rgles qui ont pour origine principale les accords

    entre les Etats (qui en sont les principaux acteurs et destinataires) ou qui manent

    dorganisations internationales auxquelles les Etats ont accord et reconnu le pouvoir de crer

    des normes internationales. Il a pour objet, entre autres, de rglementer les relations au sein de

    la communaut internationale. En outre, la rfrence aux valeurs communes contenues dans la

    Charte de lOrganisation des Nations Unies incite les Etats dfendre une communaut

    internationale fonde sur le respect du droit international4.

    Cette affirmation sest une fois de plus manifeste face au terrorisme o la communaut

    internationale a inscrit la lutte contre ce flau en particulier dans une perspective juridique.

    Amorc ds lentre-deux-guerres, le mouvement sest accentu dans la deuxime moiti du

    XXme sicle corrlativement aux diverses manifestations du terrorisme. En effet, la suite

    de la multiplication des actes terroristes contre laviation civile5et contre les diplomates dans

    les annes soixante et soixante-dix, puis contre la scurit maritime au milieu des annes

    quatre-vingt, les Etats ont adopt des conventions destines incriminer et renforcer leur

    coopration en vue de prvenir et rprimer les actes quils ont fait entrer dans la catgorie des

    actes de terrorisme. Il sest agi dabord de rglementations sectorielles , c'est--dire

    conclues dans le cadre de certaines institutions spcialises plus directement concernes par

    les activits terroristes. Il en est ainsi, par exemple, de lOrganisation de laviation civile

    internationale (OACI), lOrganisation maritime internationale (OMI), lAgence internationale

    pour lnergie atomique (AIEA). Il en est de mme de lONU au travers de lAssemble

    gnrale des Nations Unies (AGNU). Cette volont dorganiser une riposte juridique auterrorisme sest traduite par ladoption, ce jour, de treize conventions et protocoles

    vocation universelle. Ensuite, dans les annes quatre-vingt-dix, le Conseil de scurit, saisi de

    situations dans lesquelles des Etats ou des groupes privs taient impliqus dans la

    prparation ou la perptration dactes de terrorisme, a adopt dans ce cadre des mesures

    4

    Voir par exemple le prambule de la Charte.5Par exemple, le dtournement de deux avions de la compagnie El Al, le 23 juillet et le 26 dcembre 1968 ;lexplosion en vol dun avion de la Swissair le 21 fvrier 1970.

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    coercitives, notamment contre la Libye, le Soudan ou encore contre Al Qada6. Limplication

    du Conseil sest dailleurs intensifie aprs les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis

    dAmrique, dans la mesure o il considre le terrorisme comme une menace contre la paix et

    la scurit internationales7.

    Paralllement aux diverses actions menes au sein du systme des Nations Unies, de

    nombreuses initiatives ont t prises dans le cadre dorganisations rgionales, qui sont

    dailleurs les premires adopter des textes contre le terrorisme en tant que tel. Il en ainsi, de

    lOrganisation des Etats dAmrique (OEA), du Conseil de lEurope, de lAssociation sud-

    asiatique de coopration rgionale (ASACR), de la Ligue des Etats arabe (LEA), de la

    communaut des Etats indpendants (CEI), de lOrganisation de la confrence islamique

    (OCI) ou encore de lOrganisation de lunit africaine (OUA devenue Union africaine).

    En somme, que ce soit dans le cadre universel ou rgional, les dispositifs conventionnels

    contre le terrorisme reposent, schmatiquement, sur trois axes principaux :

    - lincriminationdans le droit interne de chaque pays des actes de terrorisme viss par les

    instruments pertinents;

    - la rpressionconfie exclusivement aux tribunaux nationaux, en raison de labsence dune

    juridiction internationale comptente pour juger les terroristes;

    - la coopration internationale, sense tre loutil par excellence dune action efficace

    contre le terrorisme.

    Malgr lexistence de cet arsenal juridique, la question de ladquation du droit

    international la lutte contre le terrorisme na jamais t pose avec autant dacuit que dans

    la priode qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. En dautres termes,

    la question de laptitude du droit international en vigueur rpondre au terrorisme de

    lenvergure du 11 septembre 2001 a t pose. En loccurrence, le respect du droit rgissant

    lusage de la force arme et des instruments de protection des droits de lhomme a t

    considr comme une contrainte excessive, inadapte la lutte mene contre le terrorisme.Par ailleurs, comme laobserv Luigi Condorelli, la rfrence au droit international fut tout

    simplement absente des discours immdiats des responsables politiques quant la stratgie de

    riposte. Le droit international semblait tre peru comme dpourvu de relle pertinence,

    incapable de jouer un rle dans le choix des actions mener contre le terrorisme8. Pour

    6Nous reviendrons sur ces trois dans le titre 2 de la 1epartie (pp 182-187)7En loccurrence les rsolutions 1368 (2001), 1373 (2001), 1564 (2004), voir infra1epartie, titre 2, section 1

    (p.187).8L. CONDORELLI, Les attentats du 11 septembre et leurs suites : o va le droit international ? , RGDIP,2001, p.829.

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    Claire Trean, () le droit lui aussi semble frapp de stupeur, incapable de nommer ce qui

    venait de se produire et qui nobissait aucune de ses catgories homologues9.

    Le droit international est-il aussi inadapt quon le prtend face aux exigences de la lutte

    contre le terrorisme ? La rponse mme quarrie cette question ne peut tre que ngative. De

    plus, le droit international est, comme nous lavons soulign prcdemment, constitu de

    normes que les Etats ont adoptes ou acceptes. Nous conviendrons plutt avec Grard

    Soulier du difficile chemin emprunt par le droit international pour faire face au terrorisme.

    En effet, () par lui-mme, le droit [international]ne peut apporter quune rponse trs

    partielle la question du terrorisme ; mais cela ne signifie en aucune faon que la rponse au

    terrorisme doive saffranchir du droit : si la rponse lillgalisme est lillgalisme, le droit

    nexiste plus pour personne 10.

    Lobjectif que nous poursuivrons dans cette tude sera de dmonter que le droit

    international reste un difice solide sur lequel sorganise la lutte contre le terrorisme. Pour

    tayer cette ide, notre terrain dinvestigation sera donc les conventions et protocoles

    universels, qui sont les voies traditionnelles dexpression de la volont des Etats, et, plus

    rcemment, les rsolutions du Conseil de scurit des Nations Unies prises en vertu du

    chapitre VII de la Charte. Cependant, les instruments contre le terrorisme adopts dans le

    cadre rgional seront pris en compte, en particulier dans la mesure o ils confirment ou

    compltent les dispositifs universels.

    En outre, nous ne limiterons pas notre tude aux rgles spcifiquement labores dans le

    but de lutter contre les actes de terrorisme car dautres rgles encadrent cette lutte sans que

    celle-ci soit leur objet. Il en va ainsi des rgles rgissant lusage de la force arme, des rgles

    relatives aux relations amicales entre les Etats, ou encore de celles protgeant les droits de la

    personne ou des victimes du terrorisme.

    Une autre prcision mthodologique simpose encore : la lutte contre le terrorisme

    peut tre conduite de diffrentes manires puisque que le terme lutte renvoie lidedune action soutenue et nergique dun individu ou dun groupe pour rsister une force

    hostile() 11. De faon gnrale, la lutte contre le terrorisme sera envisage ici sous deux

    aspects identifis sous les termes contre-terrorisme et antiterrorisme . Le contre-

    terrorisme correspond lensemble des mesures destines combattre le terrorisme en amont

    9 Terrorisme, guerre : les armes du droit international , Le Monde, 18 et 19 novembre 2001, p.13.10

    Comment combattre le terrorisme ? , in 11 septembre 2001 : ondes de choc , Manire de voir, Le Mondediplomatique, novembre-dcembre 2001, p.40.11Le nouveau petit Robert, 2007, p.1491.

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    de laction. Quant lantiterrorisme, il rassemble les moyens pris en aval pour lutter contre les

    manifestations du terrorisme12.

    Ces prcisions mthodologies tant faites, il est aussi lgitime de soulever un certain

    nombre de questions connexes notre problmatique gnrale. Les mcanismes

    conventionnels actuels sont-ils efficaces pour combattre le terrorisme? Comment le droit

    international rsout-il le problme du soutien tatique au terrorisme ? La qualification du

    terrorisme de menace contre la paix et la scurit internationales par le Conseil de scurit

    ouvre-t-elle la voie lusage de la force contre les terroristes ? La voie militaire est-elle

    efficace en la matire ?

    Autant de questions qui alimentent le dbat de leffectivit du droit international, travers

    ses diffrents aspects, dans la lutte engage par les Etats contre le terrorisme. Nous allons

    essayer de rpondre ces questionnements dans cette tude. A cette fin, notre travail

    comportera deux parties :

    - la premire partie sera consacre une analyse du cadre normatif de lutte contre le

    terrorisme ;

    - la deuxime partie portera sur la recherche, non seulement partir du cadre normatif existant

    mais aussi travers certains aspects du droit international, dune solution globale en vue

    dradiquer le terrorisme.

    Mais, auparavant, nous examinerons dans une partie prliminaire les problmes que soulve

    la notion de terrorisme en droit international.

    12

    Pour plus de dtails sur ces deux notions, voir entre autres auteurs, J. BAUD,Le renseignement et la luttecontre le terrorisme. Stratgies et perspectives internationales, Paris, Lavauzelle, 2005, respectivement pp 349-350 et pp 374 -375.

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    PARTIE PRELIMINAIRE

    LES PROBLEMES SOULEVES PAR LA NOTION DE TERRORISME EN DROIT

    INTERNATIONAL

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    14

    Historiquement, le terrorisme dsignait une mthode de gouvernement fonde sur la

    terreur. Son origine remonte la Rvolution franaise de 1789. Le terme fut employ pour la

    premire fois dans la priode 1793-1794 qui voit la chute de Robespierre, pour caractriser en

    effet la politique de terreur exerce par le Comit du salut public sous son autorit 13. Cette

    manuvre terminologique visait discrditer laction de Robespierre, puisque les

    thermidoriens qui le renversrent taient eux aussi membres de la Convention. Ils ne

    pouvaient pas en fait le rendre responsable de la terreur ; aussi laccusaient-ils dun crime

    nouveau, celui davoir exerc le terrorisme, c'est--dire labus de la terreur exerce par lEtat.

    Ce qui donnait laction de Robespierre une allure illgale et odieuse14.

    Le terrorisme est donc n en haut , au sein de lEtat et pendant longtemps, il dsignera

    exclusivement la violence exerce par celui-ci sur son propre territoire. Le sens du mot va

    ensuite voluer la fin du XIXme sicle. Sous des formes plus violentes, allant de

    lassassinat politique lusage dengins explosifs, le terrorisme contre lEtat saffirme, avec

    les attentats perptrs en Russie dans les annes 1880 par les nihilistes, puis dans les annes

    1890 par les anarchistes dans lensemble de lEurope. Ainsi, de mthode de conservation et de

    protection de lEtat, le terrorisme devient jusqu nos jours, loutil de sa contestation.

    Si le mot est relativement nouveau, la chose, elle, est ancienne. Les exemples historiques

    ne manquent pas15. Mais, il faut souligner quil ny a pas de continuit entre ce que lon en

    faisait ses dbuts et ses utilisations modernes. Comme le souligne Jean-Franois Gayraud,

    entre le terrorisme ancien et celui de la fin du XXe sicle, il ny a plus de diffrence de

    degrs, mais de nature. Lamateurisme a cd la place au professionnalisme : le phnomne

    terroriste a acquis de nouvelles dimensions16.

    Les mthodes et les cibles du terrorisme ont en effet volu : on passe dattentats cibls

    contre des personnes investies dune autorit politique, conomique ou militaire, des

    attentats de masse dans les lieux publics, dans le but de provoquer le maximum de victimes.

    LEtat nest plus vis directement, mais indirectement. Selon Jean-Paul Charnay, cette

    13Toutefois le terme terrorisme napparat pour la premire fois dans le supplment du dictionnaire delAcadmie franaise quen 1798. Il y est dfini justement comme un mode de gouvernement.14Voir J. WACIORSKI,Le terrorisme politique, Ed. A. Pedone, 1939, p.29. Voir aussi A. GEFFROY, Terreuret terrorisme : les mots en hritage, du nologisme au concept in A. GERARD (d.),La Vende : aprs laTerreur, la reconstruction, Librairie Acadmique Perrin, 1997, pp144-161.15Parmi les exemples les plus anciens, citons celui des sicarii (ou zlotes) au 1 ersicle qui utilisent la techniquedu terrorisme pour tenter de repousser lenvahisseur romain ou ceux qui collaborent avec lui. Plus clbre, le casde la secte des Assassins (ou Hashsahins) au Moyen Age. Pour plus de dtails sur ces deux exemples classiques,voir G. CHALIAND et A. BLIN, Zlotes et Assassins in G. CHALIAND et A. BLIN (dir.), Histoire duterrorisme. De lAntiquit Al Qaida, Nouvelle dition augmente, Paris, Bayard, 2006, pp 63-92.16

    Dfinir le terrorisme: est-ce possible, est-souhaitable? , Revue internationale de criminologie et de policetechnique, 1988/2, p.187.

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    inversion rsulterait largement de la dmocratisation du pouvoir : la thorie du poignard

    tait concomitante au tyrannicide dirig contre le souverain unique ; la philosophie de la

    bombe sapplique au souverain collectif, dmos, demeurant parfois slective sil le faut17. A

    ces changements de cibles et de mthodes, sajoutent la diversit de situations dans lesquelles

    sont commis les actes de terrorisme, ainsi que la constitution de rseaux terroristes

    transnationaux. En consquence, des difficults vont apparatre, dune part, quant ce que lon

    peut mettre sous le couvert de terrorisme, et dautre part, quant la distinction de celui-ci

    avec certains actes de violence, surtout aprs le 11 septembre.

    Ainsi, leffort renouvel de combattre le terrorisme en ce dbut du XXIe sicle bute

    encore et toujours sur deux obstacles majeurs :

    - sa dfinition unanimement accepte compte tenu des enjeux politiques dans ce sens (titre I) ;

    - sa spcificit en tant qu crime autonome de droit international (titre II).

    17J-P CHARNAY (dir.), Terrorisme et culture, Centre dEtudes et de Recherches sur les Stratgies et lesConflits, Cahier n20, Paris, Ed. Stratgique, 1981

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    Section 1 :

    La dfinition du terrorisme dans les travaux des confrences internationales pour

    lunification du droit pnal et de la Socit des nations : dfinition par les effets de lacte

    La mthode consistant dfinir le terrorisme en sappuyant sur ses effets, a t adopte

    aussi bien par la doctrine que dans les textes juridiques internationaux. Elle est une parfaite

    illustration de la difficult de saisir dune faon prcise et complte le contenu du terrorisme.

    La doctrine prsentait ses travaux principalement dans le cadre des CIUDP de 1927 1935.

    Quant aux instruments juridiques, ils taient raliss par la convention pour la prvention et la

    rpression du terrorisme labore sous les auspices de la SDN.

    Il convient donc de rechercher la dfinition du terrorisme dans les travaux des CIUDP( 1), dune part, et dans les travaux de la SDN, dautre part ( 2).

    1 : La dfinition du terrorisme dans les travaux des CIUDP

    Comme leur titre mme lindique, la raison dtre de ces confrences (qui runissaient

    des juristes de diffrents Etats pour tablir des dispositions lgislatives communes), tait detravailler lunification des rgles du droit pnal sur le plan international, en vue dassurer

    une rpression plus efficace de la criminalit ordinaire, mais aussi de diminuer limpunit de

    la criminalit politique18. En tant que phnomne criminel, le terrorisme intressait les CIUDP

    qui doivent nanmoins le circonscrire. A ce titre, deux notions essentielles sont apparues : la

    notion de danger universel (I) et celle de la terreur (II). Ces deux notions ont t les bases de

    dfinition juridique du terrorisme.

    I/ La notion de danger universel comme fondement de la dfinition juridique du

    terrorisme

    La notion de danger universel peut tre considre comme notion originaire de la

    conception juridique du terrorisme : le danger universel tant entendu dans le sens dun

    danger commun, menaant toute lhumanit.

    18Voir P. TZOCOFF,Les Confrences internationales pour lunification du droit pnal, Thse de droit, Nancy,1936, pp 8-13.

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    En effet, la premire CIUDP, tenue en 1927 Varsovie, avait tabli une liste de certaines

    infractions qui paraissaient prsenter un danger pour tous les Etats, et qui pour ce motif furent

    appeles delicta juris gentrumet en avait dcid que ces infractions seraient passibles dune

    rpression universelle, base sur la possibilit de juger leur auteur sur le lieu de leur

    apprhension, sans gard au territoire o elles ont t commises19.

    De cette notion de danger universel sont nes deux ides tendant dfinir le

    terrorisme :

    -le terrorisme cre un danger commun : dlits qui peuvent faire courir un danger commun

    (A) ;

    -le terrorisme est dirig contre les bases de toute organisation sociale (B).

    A/ Le terrorisme cre un danger commun

    Sous la lettre e de larticle 6, la confrence de Varsovie a en effet numr, parmi les

    dlits du droit des gens qui seront punis selon le principe de la rpression universelle,

    lemploi intentionnel de tous moyens capables de faire courir un danger commun . Le

    danger commun ne menace pas une personne ou des biens dtermins, mais les individus

    personnellement indtermins et une quantit indtermine de biens.

    La troisime CIUDP, tenue Bruxelles en 1930, devait soccuper de la codification des

    dlits du droit des gens, la formule de Varsovie devant servir de point de dpart pour cette

    dlibration. A la formule de Varsovie, le comit dorganisation de la confrence a ajout,

    entre parenthses, le mot terrorisme 20, pour prciser le dlit libell la lettre e de

    larticle 6. Le supplment accidentel , ou du moins suggestif, est devenu dune telle

    importance quil fut trait comme sujet principal, au dtriment de la question originelle. Ainsi,

    fut introduite ltude du terrorisme dans les CIUDP. Le terrorisme convient-il lemploi

    intentionnel de tous moyens capables de faire courir un danger commun? En tout tat decause, les dbats nont pas abouti ni Paris ni Bruxelles, car une vive opposition se fit jour

    contre la dfinition du terrorisme au moyen de larticle 6, lettre e .

    19Confrence de Varsovie, rsolutions ; dlits du droit des gens, article 6 : sera galement puni daprs les lois(x), indpendamment de la loi du lieu o linfraction a t commise et de la nationalit de lagent, quiconqueaura commis ltranger une des infractions suivantes : a) piraterie ; b) falsification de monnaies mtalliques,autres effets publics ou billets de banque ; c) traite des esclaves ; d) traite des femmes ou enfants ; e) emploiintentionnel de tous moyens capables de faire courir un danger commun ; f) trafic de stupfiants ; g) trafic de

    publications obscnes ; h) autres infractions punissables, prvues par les conventions internationales etconclues par lEtat (x) , Actes de la confrence, Paris, Sirey, 1929, p. 133.20Actes de la confrence de Bruxelles, Paris, Sirey, 1933, p. 17.

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    Du point de vue de Ionesco Dolj, rapporteur de la premire commission de la confrence

    de Varsovie, les dlits commis avec des moyens de pril commun, prsentent un danger pour

    la morale universelle et la communaut internationale. Quant au premier rapporteur du

    terrorisme, le professeur Gunzburg, il reprit la formule de Varsovie et la dveloppa. Pour lui,

    lemploi intentionnel de moyens capables de produire un danger commun sera tabli chaque

    fois quun acte met en pril la vie, lintgrit corporelle, la sant humaine ou menace de

    dtruire des biens importants. Toutefois, Gunzburg considre a critiqu linitiative du comit

    dorganisation de la confrence de Bruxelles, qualifiant de terrorisme lemploi intentionnel

    de moyens capables de faire courir un danger commun 21.

    A la confrence de Paris de 1931, la formule de Bruxelles a t svrement critique. Le

    professeur Radulesco a fait remarquer, dans son rapport prsent la confrence, que la

    dfinition ainsi donne ne renferme pas tous les actes par lesquels peut se manifester le

    terrorisme. Par contre, il peut y avoir emploi de ces moyens sans quil y ait acte de

    terrorisme22.

    Le professeur J.A. Roux a approfondi la critique dans son rapport pour la confrence de

    Madrid de 1933 : Lemploi intentionnel de moyens capables de faire courir un danger

    commun, crit-il, ne suppose ncessairement ni comme intention ni comme effet, le terrorisme

    qui est lapeurement dune population par des actes de violence. Inversement, le terrorisme

    nimplique pas obligatoirement lemploi de moyens propres faire natre un danger commun.

    On peut terroriser une population par le lche assassinat dhommes politiques, chefs de parti

    sans que lensemble de la population soit en pril 23.

    Dans la mme perspective, nous pouvons citer Lemkin, pour qui le terrorisme ne

    sapplique pas une forme lgislative commune, le terrorisme ne constitue pas une notion

    juridique : terroristes, actes de terrorisme, ce sont des expressions employes dans la langue

    courante et dans la presse pour dfinir un tat desprit spcial chez les dlinquants qui, en

    outre, ralisent encore de par leurs actions des dlits particuliers24.Nous pouvons dire que les critiques susmentionnes sont fondes. Lexpression moyens

    capables de faire courir un danger commun est trs vague et ne caractrise pas le terrorisme.

    21Actes de la confrence de Bruxelles, p. 115. Daprs Gunzburg, le terrorisme a un sens diffrent qui nest pasde la comptence de la confrence de prciser. Pour lui, lemploi du mot terrorisme serait une rupture avec latradition de la confrence de Varsovie et pourrait laisser croire quon a voulu crer un crime nouveau, celui duterrorisme, ct et indpendamment des actes commis laide de moyens capables de faire courir un dangercommun , p. 115.22Actes de la confrence de Paris, Paris, Sirey, 1933, p. 48.23

    Rapport et projet de textes prsents par le professeur J. A. Roux, in Actes de la confrence de Madrid, Paris,Pedone, 1935, pp 43-44.24Voir rapport Lemkin, op-cit.

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    Il est difficile, en effet, de qualifier de terroriste quelquun qui met le feu sa maison pour

    toucher la prime dassurance alors que par son acte, il peut mettre de nombreuses personnes

    ou de nombreux biens en danger. A contrario, lattentat de Marseille de 1934, qui ne fait pas

    de doute en ce qui concerne son caractre terroriste, ne fut pas commis avec des moyens

    capables de faire courir un danger commun

    Compte tenu des rticences et critiques quon vient dvoquer, lide de dfinir le

    terrorisme partir du danger commun na pas survcu la confrence de Bruxelles.

    Nanmoins, elle a eu une influence sur certaines notions, notamment celle des dlits contre les

    bases de toute organisation sociale.

    B/ Le terrorisme est dirig contre les bases de toute organisation sociale

    Le critre a t introduit par les juristes italiens, dAmelio et Alosi, lors de la confrence

    de Madrid en 1934. En ralit, ce critre nest quune reproduction de la thorie des dlits

    sociaux adopte par lInstitut de droit international loccasion de sa session de Genve du 8

    septembre 189225. Cependant, les dlits que les italiens envisagent dans leur systme sont des

    dlits terroristes. Or, la notion de terrorisme tait trangre aux considrations qui avaient

    abouti la cration de la thorie des dlits sociaux. Ainsi, dans leur dfinition, sera considr

    comme dlit de terrorisme :

    1-Le fait de celui qui, dans le but de renverser toute organisation juridique et conomique

    de la socit, emploie des moyens violents ou frauduleux, capables de produire un danger

    commun lorsque du fait drive un dommage ou un danger pour la scurit publique ;

    2- la dvastation et le pillage, lorsquils sont commis dans le mme but ;

    3- lusage de bombes et dautres matriaux explosifs, inflammables ou similaires, aptes

    porter la terreur parmi la population, chaque fois que le coupable aura agi dans le but

    prcdemment indiqu26.

    Dans cette dfinition, le dlit terroriste est caractris par deux lments : le but de

    renverser toute organisation sociale, que les juristes italiens considrent comme lessence de

    la notion de terrorisme du fait quon est en prsence dune attaque dirige contre les

    25En effet, selon larticle 4 adopt au sujet de lextradition des criminels politiques, Ne sont point rputs dlitspolitiques au point de vue de lapplication des rgles qui prcdent, les faits dlictueux qui sont dirigs contre

    les bases de toute organisation sociale et non pas seulement contre tel Etat dtermin, ou contre telle forme degouvernement , Annuaire de lInstitut de Droit International, T. LXII, pp 182-183.26Actes de la confrence de Madrid, op-cit.,p. 347.

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    intrts communs de tous les Etats, on na pas besoin de prouver que le terrorisme est un

    danger universel. Il lest par son essence mme27. Cependant, la considration quil est de

    lessence du terrorisme de renverser les bases de toute organisation sociale, nempcha pas les

    juristes italiens dintroduire dans leur dfinition un deuxime lment, celui de lemploi de

    moyens capables de produire un danger commun . Ils estiment, en effet, que le coupable se

    servira presque toujours dun de ces moyens qui ont dsormais acquis dans la technique des

    diverses lgislations la dnomination constante de moyens entranant un danger commun28.

    Mais la formule italienne est trs critiquable. Dabord, la notion de lemploi de moyens

    capables de produire un danger nest pas une notion dterminant lessence du terrorisme. Et

    bien que son introduction se soit faite titre secondaire, elle ne servait, dans la pense de ses

    auteurs, qu circonscrire lide principale, savoir les dlits contre la base de toute

    organisation sociale. En outre, le rapporteur gnral de la deuxime commission, le professeur

    J. A. Roux, a critiqu la formule italienne dans son commentaire : [d]onc, larticle 1erna

    pour but que la rpression de la seconde forme de terrorisme, le terrorisme social, terrorisme

    quun certain nombre de lgislations ont appel dun nom diffrent, peut-tre mieux

    appropri, anarchie29.

    Cependant, bien quelle soit vague et sans signification juridique, la notion de base de

    toute organisation sociale permet au moins de distinguer le terrorisme dautres dlits ayant

    pour but la vengeance ou la cupidit (comme lexemple de la personne qui incendie sa maison

    pour arnaquer la compagnie dassurance). Cest ce qui explique son succs relatif la

    confrence de Madrid. En effet, celle-ci a gard intacte la conception du terrorisme comme

    dlit dirig contre les bases de toute organisation sociale, mais elle remplaa la notion

    secondaire de la formule italienne relative lemploi de moyen de pril commun par celle

    de moyens de nature terroriser la population 30.

    Cette retouche a donn pour ainsi dire naissance une nouvelle notion, savoir la terreur,

    sur laquelle les juristes pnalistes vont dsormais fonder la dfinition du terrorisme.

    27Ibid., p 346.28Ibidem, pp 349 et s. Les juristes italiens expliquent que leur concept du terrorisme fut inspir par les articlessuivants du code pnal italien : article 422 (dlits contre la scurit publique : carnage) ; article 419 (dvastationet pillage) ; article 420 (intimidation publique par des explosifs. Larticle 285 du chapitre II (dlits contre lapersonnalit interne de lEtat) runit le carnage, la dvastation et le pillage lorsquils visent compromettre lascurit intrieure de lEtat et, ce titre, leur applique une sanction plus grave que celle prvue dans les articles422, 419 et 420.29Actes de la confrence de Madrid, op-cit., p. 245.30

    Larticle 1er

    des textes adopts par la confrence de Madrid stipule : celui qui, en vue de dtruire touteorganisation sociale, aura employ un moyen quelconque de nature terroriser la population, sera puni de() , Actes de la confrence, op-cit., p. 335.

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    II/ La notion de terreur comme fondement de la dfinition du terrorisme

    Le mot terreur (du latin terror) apparat pour la premire fois dans la langue au XIVe

    sicle (1355) sous la plume du moine Bersuire. Il dsignait initialement une peur ou une

    anxit extrme correspondant le plus souvent une menace vaguement perue, peu familire

    et largement imprvisible . Dans le premier dictionnaire de lAcadmie franaise paru en

    1694, le mot terreur contient deux lments : un lment dordre psychique, cest--dire

    une pouvante, une grande crainte, une agitation de violence de lme cause par limage dun

    mal prsent ou dun pril prochain. Le second lment est dordre corporal qui a trait aux

    manifestations extrieures du corps, rsultant de la terreur31. Ainsi entendue, la terreur peut

    natre de laction des hommes, mais aussi des causes naturelles (ruptions volcaniques,

    tremblements de terre ou prsence nocturne de btes sauvages prs des agglomrations)32.

    Introduite la confrence de Paris (du 27 au 30 dcembre 1931) dans le projet de textes

    soumis la troisimecommission par le Bureau international pour lunification du droit pnal,

    la notion de terreur a connu, au travers des confrences, une certaine volution. Deux

    tendances, en effet, se sont dgages. La premire tendance considre la terreur comme un

    lment essentiel, mais non exclusif, la dfinition du terrorisme (A), alors que la deuxime

    tendance y voit lunique essence du terrorisme (B).

    A/ La terreur : lment essentiel mais non exclusif dans la dfinition du terrorisme

    Pour cette tendance, la terreur peut tre considre comme la base de la dfinition du

    terrorisme, mais laide dautres lments qui interviennent alternativement selon les

    diffrents points de vue. Ces lments sont tantt la violence, tantt lemploi de moyens de

    pril commun, tantt les deux la fois33. Daprs larticle 1erdu projet prcit, Quiconque

    aura en vue de terroriser la population, fait usage contre les personnes ou les proprits, de

    bombes, mines () sera puni de ()34. La notion de terreur, implicite dans le verbe

    terroriser , apparat comme llment de base, mais prcise par dautres lments

    considrs comme secondaires. Lintention de lauteur de lacte (exprime par les termes en

    vue de ), considre comme un lment accessoire, nest pas suffisante, car, comme le

    31Acadmie franaise,Le Dictionnaire des arts et des sciences, tome IV, Paris, 1694, p. 476.32

    Guillaume Gilbert, Terrorisme et droit international , RCADI, 1989, III, vol. 215, p. 296.33P. WURTH, La rpression internationale du terrorisme , Thse, Lausanne, 1941, p. 35.34Article 1erdu projet de textes, in Actes de la confrence de Paris, op-cit., p. 68.

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    prcise J. Warciorski, la seule circonstance que son acte est de nature rpandre la terreur

    ou bien cre ltat de terreur, ne suffirait pas pour le qualifier de terroriste35.

    Certains auteurs, limage de Radulesco, prnent cette tendance, mais ils estiment que la

    terreur nest pas llment exclusif du terrorisme. Ainsi, ses yeux, seront considrs

    comme actes de terrorisme, toutes les infractions, les actes prparatoires en vue desdites

    infractions, ainsi que les ententes et associations ayant pour but dimposer par la violence ou

    par lintimidation une doctrine politique ou sociale 36.

    Dans cette dfinition, nous pouvons noter que la violence joue le mme rle que la

    terreur. A la confrence de Copenhague (du 31 aot au 30 septembre 1935), le professeur

    Gunzburg adopta la mme ligne de conduite, mais il remplaa le terme violence par

    lexpression lemploi de moyens capables de faire courir un danger commun37.

    De ce qui prcde, nous pouvons dire que la terreur constitue un lment essentiel dans

    les dfinitions susmentionnes, mais qu ct delle, la violence et lemploi de moyens

    capables de faire courir un danger commun, interviennent dans la dfinition du terrorisme.

    B/ La terreur : essence unique du terrorisme

    A la confrence de Copenhague, le rapporteur Givanovitch, dlgu yougoslave, prfre

    lide dintimidation. Selon ses termes, les infractions de terrorisme politique sont les

    infractions qui servent leur auteur de moyen direct ou indirect de raliser des buts

    politiques propres ou ceux dautrui par lintimidation obtenue laide de la violence exerce

    contre des personnes ou des biens38. Une nuance doit tre apporte relativement lemploi

    de lexpression laide de la violence . Or, celle-ci ne peut pas tre confondue avec celle

    prcdemment exprime par Radulesco o la violence est considre comme un lment

    constitutif du terrorisme, accessoire par rapport la terreur. En dautres termes, si pourRadulesco le terrorisme se dfinit par la violence pour lintimidation, quant Givanovitch, le

    terrorisme se caractrise uniquement par lintimidation, laide de la violence ntant quun

    moyen dobtenir cette intimidation.

    35J. WACIORSKI, op-cit., p. 66.36Article 1erdu texte propos par Radulesco dans son rapport prsent la confrence de Paris, Actes de laconfrence, op-cit., p. 52.37Il prcise : sera puni de () celui qui aura cr un danger commun ou un tat de terreur (), Rapportprsent la confrence de Copenhague, VImeCIUDP, Actes de la confrence, Paris, Pedone, 1938, p. 174.

    Cette conception sera adopte finalement par la confrence de Copenhague (voir le prambule, p.420).38Article 1erdu rapport prsent par Givanovitch la confrence de Copenhague, Actes de la confrence, op-cit.,p. 161.

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    De mme, le dlgu polonais la confrence, le professeur Lemkin, considre la terreur

    comme essence unique du terrorisme. Il utilise des formules diffrentes pour exprimer cette

    ide, que ce soit au plan interne ou international. Sur le plan interne, Lemkin utilise

    lexpression une inquitude publique ou un tat de terreur () dans larticle 1erdes textes

    quil a proposs la confrence : Quiconque dans le but de provoquer une inquitude

    publique ou un tat de terreur () . Au plan international, il parle de troubles dans les

    relations internationales39.

    Il faut remarquer que la notion de terreur a un rle dessence unique du terrorisme aussi

    bien dans le cadre national quinternational. La distinction entre terrorisme interne et

    terrorisme international (sur laquelle nous reviendrons) nest pas dtermine ici ; entre ces

    deux types de terrorisme, il ny a quune diffrence de biens protgs et une question de

    procdure40.

    En dfinitive, les travaux des CIUDP ont certes permis dintroduire la notion de

    terrorisme dans le domaine juridique, il savre cependant que les intervenants navaient

    tudi le terrorisme que sous langle des effets produits. Pour certains, ces effets sont la

    production dun danger commun, et pour dautres, la provocation de la terreur.

    Mme en dehors des confrences cites, les auteurs de lpoque nont pas drog ce courant

    gnral. Malgr les critiques que Waciorski a formules lgard des dfinitions proposes

    dans les CIUDP, celui-ci reconnat que toute ide du terrorisme se confond avec une notion

    commune, celle de la terreur41. Pour lui, le terrorisme est une mthode daction par laquelle

    lagent tend produire la terreur pour imposer sa domination42.

    Egalement, nous pouvons citer lattitude de M. Sottile qui dmontre jusqu quel point les

    juristes de lpoque, traumatiss par les consquences horribles du terrorisme

    rvolutionnaire, nen voyaient que leffet. Mme sil considre le recours la terreur pour

    dfinir le terrorisme comme tautologique , il adopta la mme attitude en considrant le

    terrorisme comme lacte criminel perptr par la terreur, la violence, par une grande

    intimidation, en vue datteindre un but dtermin43.

    39Actes de la confrence de Copenhague, op-cit., pp 199-200.40J. WACIORSKI, op-cit., p. 69.41J. WACIORSKI, op-cit., p. 87.42Ibid., p. 98. Lauteur dfinit lacte terroriste comme tant un moyen par lequel lagent tend produire laterreur pour imposer sa domination , ibid.43A. SOTTILE, Le terrorisme international , RCADI, 1938-III, p. 96. Remarquons que celui-ci reconnatlimpossibilit de dfinir le terrorisme sans recours la mthode tautologique en employant le mot terreur ,

    car, dit-il, les autres mots comme pouvante, intimidation, effroi nexpriment pas la mme ide que la terreur. Ladifficult provient galement du fait que le terrorisme est une dsignation gnrique, englobant toute une sriedactes multiformes comportant violence et terreur () ,Ibidem, p. 95.

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    En effet, la suite de lattentat de Marseille du 5 octobre 1934, sold par la mort du roi

    Alexandre de Yougoslavie et de Louis Barthou, ministre franais des Affaires trangres, le

    gouvernement yougoslave saisit le Conseil de la SDN, en vertu de larticle 11, alina 2 du

    Pacte, dune demande denqute. Par une lettre du 9 dcembre 1934, la France communiqua

    au Conseil de la SDN un mmorandum contenant des principes gnraux, susceptibles de

    servir de base pour la conclusion dun accord international en vue de la rpression des

    crimes commis dans un but de terrorisme politique46. Cependant, la Grande-Bretagne, par la

    voie de M. Eden, son reprsentant, fit observer, suite la demande sollicite par la

    Yougoslavie, que le Conseil ntant pas une Cour de justice, na pas sa disposition les

    moyens pour procder une enqute, mais quil doit aider les Etats rtablir entre eux des

    relations pacifiques. La rsolution propose par la Grande-Bretagne fut adopte lunanimit.

    Le Conseil (), considrant que les rgles du droit international concernant la rpression

    de lactivit terroriste, nont pas, lheure actuelle, une prcision suffisante pour garantir

    dune manire efficace la coopration internationale cet gard, dcide de constituer un

    comit charg de faire une tude de cette question en vue de llaboration dun avant-projet

    de convention internationale (), dcide que ce comit sera compos de onze membres

    () 47.

    Sous la prsidence du dlgu belge, le comte Henri Carton de Wiart, le comit a tenu

    trois sessions. Dans sa premire (avril-mai 1935), le comit adopte deux avant-projets portant

    respectivement sur la convention pour la rpression du terrorisme et sur linstitution dune

    Cour pnale internationale.

    Dans sa deuxime session, tenue au mois de janvier 1936, le comit rvisa, compte tenu

    des observations des gouvernements, les deux avant-projets. Les nouveaux textes furent

    soumis au Conseil de la SDN qui, aprs examen, chargea le secrtaire gnral de les

    communiquer aux membres pour observations48.

    A lAssemble de septembre 1936, la question donna lieu une vive discussion au seinde la premire commission qui consacra quatre sances lexamen des propositions du comit

    et des observations des gouvernements. A la suite de ces crations, lAssemble de la SDN

    adopta le 10 octobre 1936 une rsolution dans laquelle elle exprima le vu que le comit

    46SDN, document n C 196, p. 70 ; appel aussi mmorandum Laval, du nom de son auteur.47Journal officiel de la SDN, 1934, Annexe 1524, p. 1839-1840. Le comit en question fut compos dexpertsdes pays suivants : Belgique, Royaume uni, Chili, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, Roumanie, Suisse,URSS.48Dix neuf pays formulrent des critiques et des propositions damendement : Australie, Autriche, Belgique,

    Bolivie, Chine, Estonie, Finlande, Hongrie, Inde, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Siam, Tchcoslovaquie, URSS, Venezuela. En mme temps, la question fut inscrite lordre du jour lAssemble de septembre 1936.

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    veuille bien revoir ses conclusions en ce qui concerne les deux avant-projets quil a prpars,

    en saidant des observations contenues dans les rponses des gouvernements, ou formules au

    cours des discussions, afin quune confrence diplomatique soit convoque par le Conseil en

    193749.

    La troisime et dernire session du Comit se tint en avril 1937. Le rsultat de ses travaux

    fut transmis par le secrtaire gnral tous les membres de la SDN. Par sa rsolution du 27

    mai 1937 convoquant une confrence intergouvernementale pour le 1ernovembre de la mme

    anne, le Conseil de la SDN a charg le secrtaire gnral dinviter aussi des Etats non

    membres50. Enfin, sur la base des derniers avant-projets de convention labors par le Comit

    des Onze, et la lumire des dbats lAssemble, la confrence adopta le 16 novembre 1937

    deux conventions : lune relative la prvention et la rpression du terrorisme, lautre pour la

    cration dune Cour pnale internationale51.

    Nous allons nous intresser maintenant la dfinition du terrorisme donne par la

    premire convention internationale sur le terrorisme.

    II/ La dfinition du terrorisme dans la convention de la SDN : une dfinitionnumrative et limitative

    Dans la prsente convention, lexpression actes de terrorisme sentend des faits

    criminels dirigs contre un Etat dont le but ou la nature est de provoquer la terreur chez des

    personnalits dtermines, des groupes de personnes ou dans le public52.

    Cette incrimination de larticle 1er, alina 2 de la convention de 1937 est claire par une

    numration limitative donne par larticle 2 qui prvoit comme terroristes les catgories

    suivantes :

    - faits intentionnels dirigs contre la vie ou lintgrit corporelle ou la sant ou la libert du

    chef de lEtat, ou des personnes exerant les prrogatives du chef de lEtat, de ses successeurs

    ou des conjoints de ces personnes, des personnes revtues de fonctions ou charges publiques

    lorsque le fait a t commis en raison de leurs fonctions ;

    49Journal officiel de la SDN, 1936, supplment spcial n 155, p. 135.50Les Etats non membres sont : Allemagne, Brsil, Costa-Rica, Ville libre de Dantzig, Etats-Unis, Island, Japon,Lichtenstein, Monaco, Saint-Marin, cits par P. WURTH, op-cit., p. 93.51 Les deux conventions ont t largement commentes par Antoine Sottile, Donnedieu de Vabres, JerzyWaciorski prcits. La tension internationale aboutissant la Seconde guerre mondiale empcha

    malheureusement toute ratification.52Article 1er, alina 2 de la convention de Genve de 1937 sur la prvention et la rpression du terrorisme, SDN,C. 546, 1937, V, p. 100.

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    - faits ayant pour but de dtruire, dendommager des biens publics ou destins usage public

    appartenant une autre partie contractante ou qui relve delle. Ces biens doivent donc

    appartenir ou relever dun Etat autre que celui sur le territoire duquel lacte a t commis ;

    - faits intentionnels de nature mettre en pril des vies humaines par la crainte dun danger

    commun ;

    - tentative de commettre les infractions prvues dans les trois catgories prcdentes ;

    - le fait de fabriquer, de se procurer, de dtenir ou de fournir des armes, munitions, produits

    explosifs ou substances nocives en vue de lexcution de lacte en quelque pays que ce soit ;

    - en outre, larticle 3 de la convention envisage la complicit, cest--dire lassociation ou

    lentente, linvestigation, la participation ou laide qui permettent laccomplissement dactes

    terroristes.

    Les lments de dfinition fournis de la sorte napparaissent pas moins bien insuffisants.

    Outre, son caractre vague, cette dfinition est tautologique en raison de la ncessit de

    recourir au mot terreur. Cette rfrence la terreur ne fait quinscrire la dfinition du

    terrorisme dans un cercle vicieux53. Le professeur Donnedieu de Vabres a justement critiqu

    cette dfinition quil trouve la fois trop large et trop troite. Selon ses termes, la dfinition

    prconise dans la convention est trop large, parce que leffet motif est commun la

    plupart des faits criminels (). Elle est trop troite, lorsquelle mentionne les faits

    criminels dirigs contre un Etat, alors que les actes viss sous la qualification de terrorisme

    peuvent menacer des groupes dEtats, ou troubler la socit, envisage indpendamment de

    la forme tatique 54.

    En outre, laffirmation selon laquelle cette tautologie est invitable, a t rejete par Jules

    Basdevant qui la considrait comme une chappatoire55. Il ne ressort de cette convention,

    aucune dfinition tangible du terrorisme56. En donnant une panoplie aussi large pouvant

    comprendre toutes sortes de faits dlictueux, mme peu graves, dont la nature serait de

    rpandre la terreur, la convention de 1937 offre une dfinition un peu arbitraire.

    53P. MARTENS, Lintrouvable acte de terrorisme , in Rflexions sur la dfinition et la rpression duterrorisme, Actes du colloque de lAssociation belge des juristes dmocrates des 19 et 20 mars 1973, Ed. delUniversit libre de Bruxelles, 1974, p.32.54H. DONNEDIEU DE VABRES, La rpression internationale du terrorisme : les deux conventions deGenve (16 novembre 1937) , op-cit. p.42.55Voir lintervention de Jules Basdevant pendant la confrence internationale pour la rpression du terrorisme, inActes de la confrence, op-cit., p. 78. Voir galement A. SOTTILE, op-cit., p. 95 ; Eric David, Le terrorismeen droit international , in Rflexions sur la dfinition et la rpression du terrorisme, Actes du Colloque delUniversit Libre de Bruxelles, 19 et 20 mars 1973, Bruxelles, d. de lUniversit de Bruxelles, 1974, pp. 109-113 ; P. WURTH, op-cit.,pp 50-52.56

    Notons que la convention parle non pas de terrorisme, mais de lacte terroriste. Rappelons que J. Waciorski afait la mme distinction en considrant le terrorisme comme une mthode daction et lacte terroriste commele moyen par lequel lagent tend produire la terreur, inLe terrorismepolitique, op-cit., p.98.

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    Ainsi, pour dfinir le terrorisme, nous pouvons avoir plusieurs rponses qui varient selon

    la personnalit de chacun dentre nous57. Comme nous lavons prcdemment signal, la

    notion de terreur na pas de sens spcifiquement juridique ; elle relve plus de lordre

    psychologique que du droit.

    Au total, les travaux raliss au sein des CIUDP et de la SDN ont nanmoins le mrite

    davoir jou un rle prcurseur dans la conception juridique du terrorisme qui va apparatre

    sous un autre aspect aprs la seconde guerre mondiale. En effet, il ne sagit plus de simposer

    par la terreur, mais dune forme nouvelle de lutte contre certaines violations des droits

    fondamentaux de lhomme et des peuples. Ce nouveau visage du terrorisme met en vidence

    limportance des causes dans sa conception juridique. Il ne sagit plus alors de leffet du

    terrorisme, mais plutt de ses causes qui doivent tre le centre de gravit autour duquel va

    seffectuer dsormais tout essai de dfinition du terrorisme.

    Section 2 :

    La dfinition du terrorisme dans les travaux du Comit spcial de lAssemble gnrale

    des Nations-Unies de 1972 1985: dfinition du terrorisme selon ses causes

    LONU a subi trs tt le phnomne terroriste avec lassassinat en 1948 de son mdiateur

    en Palestine, le comte Folk Bernadotte. Lavis consultatif rendu le 11 avril 1949 par la Cour

    internationale de justice, la demande de lAssemble gnrale, na pas abord le problme

    du terrorisme58. En revanche, deux rsolutions importantes adoptes ultrieurement par

    lAGNU sy rfrent plus ou moins directement. Il sagit, dune part, de la rsolution 2625 du

    24 octobre 1970, dite Dclaration relative aux principes du droit international, touchant les

    relations amicales et la coopration entre les Etats, conformment la Charte des Nationsunies, qui affirme que chaque Etat le devoir de sabstenir dorganiser et dencourager des

    actes () de terrorisme()59. Une affirmation analogue est contenue, dautre part, dans la

    rsolution 2734 du 16 dcembre 1970 sur le renforcement de la scurit internationale.

    Cest seulement en septembre 1972, linitiative de son secrtaire gnral, M. Kurt

    Waldheim, que lAGNU dcide dinscrire la question du terrorisme international au cur de

    57 Voir dans ce sens la polmique entre Vanhamel et Pella, in Actes de la confrence internationale pour la

    rpression du terrorisme, op-cit., pp. 37 et s.58Avis de la CIJ du 11 avril 1949, Recueil CIJ.59Nous allons revenir sur ces deux rsolutions dans la deuxime partie de notre travail.

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    ses dbats. Cette dcision fait suite lattentat contre la dlgation isralienne aux jeux

    olympiques de Munich la mme anne. Par la rsolution 3034 du 18 octobre 1972, lAGNU

    dcide de crer un comit spcial60charg dtudier la question du terrorisme61.

    Ce comit spcial sest runi trois reprises en 1973, en 1977 et en 1979. Lors de ces

    trois sessions, des lments nouveaux ouvrent au droit une nouvelle perspective propos du

    terrorisme. Celui-ci apparat en effet aprs la Seconde guerre mondiale sous des aspects

    diffrents : la lutte contre certaines violations des droits fondamentaux des peuples. Ce

    nouveau visage du terrorisme met en vidence limportance de ses causes sous-jacentes dans

    sa conception juridique. Ainsi, lintroduction de la notion de causes sous-jacentes dans la

    dfinition du terrorisme ( 1) a pour consquence une bipolarisation des dbats au sein du

    comit spcial ( 2).

    1 : La notion de causes sous-jacentes

    Afin de bien cerner la notion de causes sous-jacentes du terrorisme, nous allons voir

    successivement comment elle est apparue dans la dfinition du terrorisme (I) et comment

    lidentifier (II).

    I/ Lapparition de la notion de causes sous-jacentes dans la dfinition du terrorisme

    La notion de causes sous-jacentes du terrorisme est apparue sur la scne internationale

    dans un contexte particulier. Rappelons que lapparition de cette notion est conscutive

    lattentat perptr contre la dlgation isralienne aux jeux olympiques de Munich le 5

    septembre 1972. Malgr le choc de lmotion cause par cet attentat, des contradictions sont

    apparues trs rapidement lAssemble gnrale des Nations unies.En effet, le secrtaire gnral de lONU a demand lAssembl gnrale dinscrire la

    question du terrorisme international lordre du jour de sa vingt-septime session62. La

    60Ce comit est compos de trente cinq membres dsigns selon le principe de la reprsentation gographique.Voir pour plus de dtail, A. MENDY, La lutte contre le terrorisme international travers les travaux du comitspcial de lAssemble gnrale de lONU sur le terrorisme , mmoire de DEA, Reims, 2003.61 Algrie, Autriche, Barbade, Canada, Congo, Etats-Unis, France, Guine, Hati, Hongrie, Inde, Iran, Italie,Japon, Mauritanie, Nicaragua, Nigeria, Panama, Rpublique araba syrienne, Rpublique socialiste sovitiquedUkraine, Rpublique unie de Tanzanie, Royaume uni de Grande-Bretagne et dIrlande du Nord, Sude,

    Tchcoslovaquie, Tunisie, Turquie, URSS, Uruguay, Venezuela, Ymen, Ymen dmocratique, Yougoslavie,Zare et Zambie.62Voir ONU, doc.off. A/8791 et doc. off. A/8791/ADD1.

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    question fut inscrite sous le titre suivant : Mesures visant prvenir le terrorisme

    international qui met en danger ou anantit dinnocentes vies humaines, ou compromet les

    liberts fondamentales63. Est-ce dire quil existe des vies humaines que lon peut sacrifier

    parce que non innocentes ?64

    LAssemble gnrale a renvoy ltude de ce sujet la sixime commission 65avec une

    modification radicale qui marque la naissance dune nouvelle tendance dans lordre

    international en ce qui concerne le terrorisme. Au titre original, il a t rajout la phrase

    suivante : () et tude des causes sous-jacentes des formes de terrorisme et dactes de

    violence qui ont leur origine dans la misre, les dceptions, les griefs et le dsespoir et qui

    poussant certaines personnes sacrifier des vies humaines, y compris la leur, pour tenter

    dapporter des changements radicaux.

    Ce long libell et ses termes significatifs ont rvl lexistence dun foss grandissant qui

    sparait les pays occidentaux des pays arabes, africains, ainsi quun certain nombre de pays

    non aligns. Alors que pour les uns, le terrorisme tait une mthode de combat barbare quil

    tait impossible de cautionner (car il mettait en danger dinnocentes vies humaines et liberts

    fondamentales), les autres soutenaient que le terrorisme pouvait tre une forme de lutte pour

    la libert ; il fallait mme reconnatre quelle constituait un droit sacr pour les peuples

    opprims en faveur desquels lONU tait incapable dintervenir.

    A la sixime commission, quatre projets de rsolutions furent donc proposs ; ils

    refltaient les tendances contradictoires apparues au cours des dbats. Les Etats-Unis ont

    soumis un projet de seize articles ax sur la prvention et la rpression de certains actes de

    terrorisme international66. Ce projet amricain visait ladoption par lONU de mesures

    immdiates et invitait les Etats devenir durgence parties aux conventions de Tokyo de

    1963, de La Haye de 1970 et de Montral de 197167. Un autre projet, oppos celui des Etats-

    Unis, a t propos par un groupe de seize Etats du tiers-monde. Il insistait sur limportance

    de ltude des causes sous-jacentes du terrorisme international et prvoyait la cration duncomit spcial. Un projet que lon peut qualifier de compromis fut prsent par quatorze

    63La rsolution, prsente par la Zambie, lInde et lAlgrie, a t adopte par 76 voix contre 35 (parmilesquelles les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, Isral), et17 abstentions (dont la France).64Nous voyons que ltude de la question du terrorisme a t fausse ds le dpart.65LAGNU dispose de six commissions : la premire est charge des questions de dsarmement et de scuritinternationale ; la deuxime des questions conomiques et financires ; la troisime des questions sociales,humanitaires et culturelles ; la quatrime des politiques spatiales et de la dcolonisation ; la cinquime desquestions administratives et budgtaires ; et enfin la sixime des questions juridiques.66

    Voir ONU, Doc. A/C. 6/L.851. Les Etats-Unis ont adopt un point de vue ngatif reposant sur une philosophiede rpression, sans aucun essai vritable pour rsoudre le problme du terrorisme.67Ces trois conventions seront analyses tout au long de notre travail.

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    Etats68: il envisageait aussi la cration dun comit spcial et demandait la commission du

    droit international une contention. Enfin, un projet damendement fut dpos par le Lesotho.

    Il insistait essentiellement sur la ncessit de maintenir et damliorer les relations amicales

    entre les Etats.

    Finalement, la sixime commission a donn la priorit au projet des pays du tiers-monde

    et elle la adopt une large majorit. Il en a t de mme de lAssemble gnrale en sance

    plnire par la rsolution 3034 du 18 dcembre 197269.

    Ladoption de cette rsolution est trs significative, car une perspective nouvelle sappuyant

    sur ltude des causes sous-jacentes du terrorisme est inscrite au cur des dbats

    lAssemble gnrale. En commentant ce changement dattitude de lONU, Mario Bettati

    utilise une mthode statistique : on remarquera () que sur les soixante-huit mots de ce

    nouvel intitul, vingt et un seulement concernent la vision classique du problme, cest--dire

    lintrt des victimes des actes ; quarante-sept concernent lapproche nouvelle, cest--dire

    les circonstances attnuantes dans lesquelles agissent les auteurs auxquels les dbats

    accorderont une manire daction rcursoire70.

    Lide directrice de la rsolution 3034 reposait plus sur le volet prventif que rpressif.

    En effet, le droit inalinable lautodtermination et lindpendance de tous les peuples

    soumis des rgimes coloniaux et racistes et dautres formes de domination trangre, a t

    raffirm ainsi que la lgitimit de la lutte des mouvements de libration nationale. La

    rsolution est alle plus loin en condamnant les actes de rpression et de terrorisme

    auxquels les rgimes coloniaux, racistes et trangers continuent se livrer en privant des

    peuples de leur droit lgitime lautodtermination et lindpendance et dautres droits de

    lhomme et liberts fondamentales71.

    Nous venons de voir comment la notion de causes sous-jacentes est apparue dans le

    monde juridique international. Si elle a occup une place centrale dans les dbats en ce qui

    concerne le terrorisme, une polmique sest dclenche quant son identification.

    68Le projet des pays du tiers-monde (A/C. 6/L.880/Rev. 1) raffirme galement le droit inalinable des peuples lautodtermination et lindpendance, il condamnait les actes de rpression et de terrorisme auxquels se livrentles rgimes coloniaux, racistes et trangers. Les Etats signataires de ce projet taient : Afghanistan, Algrie,Cameroun, Congo, Guine, Guine quatoriale, Guyane, Inde, Kenya, Madagascar, Mali, Mauritanie, Soudan,Tchad, Yougoslavie et Zambie.69Pour un rsum des dbats, voir P. RATON, Travaux de la commission juridique de lAssemble gnraledes Nations unies (XXVIIme session) , AFDI, 1972, pp. 544-583 ; voir aussi Textes de la rsolution in Annexes,pp. 565-571.70M. BETTATI, Les atermoiements de lONU , Problmes politiques et sociaux, la lutte internationale contre

    le terrorisme, n 259, mai 1975, pp 31-34.71 4. La formule a t reprise intgralement par plusieurs rsolutions ultrieures : A/RES/31/102 du 15dcembre 1976 ; A/RES/32/147 du 16 dcembre 1977 ; A/RES/34/145 du 17 dcembre 1979.

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    II/ Lidentification des causes sous-jacentes du terrorisme

    Une question fondamentale se posait lpoque : quelles sont les causes sous-jacentes du

    terrorisme ? Mais ct de celle-ci, une autre question surgit, savoir pourquoi de telles

    situations se manifestent-elles par la violence ?

    Nous allons reprendre sparment ces deux questions.

    A/ Quelles sont les causes sous-jacentes du terrorisme ?

    Le gouvernement des Emirats Arabes Unis, dans son observation prsente le 20 fvrier

    1979 au secrtariat gnral, conformment la rsolution 32/147, a dtermin les causes sous-

    jacentes du terrorisme. Celles-ci rsident dans :

    a) Lincapacit des Nations unies raliser ses objectifs, surtout ceux qui tardent mettre

    fin toutes les formes de colonialisme, doppression et de racisme qui violent les droits de

    lhomme et les liberts fondamentales.

    b) Lincapacit des Nations unies :

    - instaurer la coopration internationale ;

    - rsoudre les problmes sociaux et conomiques des pays en dveloppement ;

    - rduire lcart croissant entre les pays riches et les pays pauvres ;

    et lever le niveau de vie de la grande majorit des peuples qui continuent ne pas disposer

    du minimum ncessaire pour vivre dans la dcence et la dignit.

    c) Lincapacit des Nations unies trouver un rglement juste et durable aux nombreux

    problmes internationaux crs par lusurpation et la spoliation, ou par linjustice ou

    lexpulsion de leur patrie dont ont t victimes plusieurs peuples, au premier rang desquels le

    peuple palestinien.

    d) Lincapacit des Nations unies appliquer les rsolutions adoptes lunanimit et une

    crasante majorit, ou imposer des sanctions contre les Etats coupables dagression ou

    contre les Etats qui violent le droit international et les pratiques tablies 72.

    Lincapacit ainsi dcrie de lOrganisation mondiale encourage certains Etats

    commettre de nouveaux actes dagression, de nouvelles violations du droit international et

    bafouer les rsolutions de lOrganisation des Nations unies. Cette incapacit pousse ainsi les

    72Nations-Unies, doc. off. A/Actes uniformes. 160/4, pp 2-6 ; voir galement le rapport du comit spcial duterrorisme international, 34mesession, supplment 37, Doc. Off. A/34/ 37, 1979, pp 13-14.

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    peuples lss prendre des armes, se battre, et se sacrifier pour rtablir leur libert et leur

    indpendance.

    B/ Pourquoi les situations susmentionnes se manifestent-elles par la violence ?

    Dans son tude sur le terrorisme et notamment ses origines , le secrtariat gnral des

    Nations unies a rpondu cette question73. Selon cette tude, la violence a t mise en

    corrlation troite avec le terrorisme. Elle va de pair avec une transformation sociale radicale.

    Dans le pass, la violence a marqu les poques de transformations rapides. Depuis la cration

    des Nations Unies o la structure de la socit se modifie une vitesse sans prcdent, la

    violence a t frquente. La rsignation et la passivit avec lesquelles, selon cette tude, laplus grande partie de lhumanit acceptait autrefois les malheurs de lexistence, ont cd la

    place de nouveaux espoirs et de nouveaux besoins dont le progrs technologique et la

    croissance dmographique simultans se trouvaient lorigine74. Le colonialisme et son

    jumeau, le racisme, ont chang de visage pour devenir plus insidieux et plus dangereux, en

    dpit de lindpendance politique de certains pays. La situation des groupes de populations o

    le progrs conomique et social a t relativement lent, na gure favoris lexercice et le

    respect des droits de lhomme et des liberts fondamentales75

    .Ltude prpare par le secrtariat gnral a reli toutes ces causes prcdentes au

    terrorisme par lintermdiaire dun facteur actif, celui de la violence ; celle-ci apparat dans ce

    contexte comme lessence du terrorisme ou son origine mme. Les situations susmentionnes

    ont, selon ltude du secrtariat, contribu la misre, aux dceptions, aux griefs et au

    dsespoir qui, sils ne sont pas eux-mmes causes de terrorisme, sont des conditions

    psychologiques ou des tats desprit qui peuvent provoquer directement ou indirectement des

    actes de violence

    76

    .Le but de ltude du secrtariat gnral est de montrer comment la violence, en tant que

    contrecoup des situations susmentionnes, se prsente de plus en plus sous la forme du

    terrorisme. Avec le progrs et limportance des moyens dinformation qui font des incidents

    localiss des vnements mondiaux, le terrorisme se manifeste comme un acte de

    73Etude prpare par le secrtariat conformment la dcision prise par la sixime commission sa 1314mesance, le 27 septembre 1972, Doc. Off. A/C.6/414.74

    ibid., p.8.75Voir ONU, Doc. Off. A/C.6/418, p.8.76Ibid., p.8.

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    communication. Il attire lattention de la Communaut internationale sur les causes quil peut

    prtendre reprsenter.

    Cependant, ltude estime que le terrorisme peut tre le rsultat dun fanatisme aveugle

    ou de lattachement une idologie extrmiste qui subordonne un objectif unique la

    moralit et toutes les autres valeurs humaines77. Mais dans un cas comme dans lautre, le

    rsultat est toujours le mme, des vies humaines sont en danger. En outre, une ide quon peut

    qualifier de trompeuse a t avance dans ltude du secrtariat, savoir : la violence

    engendre la violence, le terrorisme provoque le contre terrorisme, lequel conduit son tour

    dans une spirale incessante une nouvelle recrudescence du terrorisme 78.

    Cette ide a t reprise par lAlgrie dans sa proposition prsente au sous-comit plnier

    des causes sous-jacentes du terrorisme international. Selon cette conception, le terrorisme est

    une forme extrme de la violence. Par consquent, ce sont ses causes qui provoquent le

    recours la violence. Laggravation des situations qui engendrent la violence aboutit la

    transformation de celle-ci en terrorisme79.

    Pour Pierre Martens, la violence, ce nest quelquefois () quune rplique () un

    interlocuteur qui a pratiqu au pralable une violence, moins apparente sans doute, mais

    aussi profonde quinsidieuse parce quelle sincarne dans une institution80. Pour dautres,

    au contraire, la lgitimation de la violence se fait par subterfuge, elle prtend tre la solution

    dun problme alors quen ralit, elle substitue en elle-mme le problme. Aussi, Frederich

    Hacker, met-il dans le mme sac ceux quil appelle les aptres de la violence , savoir

    Sartre, Fanon, Edwige Cleaver, Che Guevara, Hochi Minh, Mao Ts-toung. Au nom de

    lgosme, crit-il, ils sanctifiaient la violence contre la violence en ftant dans la destruction

    de lhomme le triomphe de lhumanit (). Fascins et aveugls par la force dattraction

    quils clbrent en celle-ci, ils en viennent traiter le moyen comme une fin absolue81.

    Les vives oppositions qui se sont souleves lapparition et lidentification de la notion

    des causes sous-jacentes, ont mis en vidence celle-ci en tant que fondement de la dfinitiondu terrorisme. Cette mise en cause sest traduite par une polmique entre les Etats au sein du

    comit spcial sur le terrorisme. Cette phase se singularise par labsence de tout aspect

    rpressif et par lide que le terrorisme peut connatre des circonstances attnuantes, par

    77ONU, Doc. Off. A/C.6/418, p.9.78Ibid.79Voir rapport du comit spcial du terrorisme international, AGNU, Doc. Off. 28 mesession, supplment n 28(A/9028), Annexe B, pp 25 et 27.80 L introuvable acte de terrorisme , inRflexions sur la dfinition et la rpression du terrorisme,op-cit.,

    p.40.81F. HACKER, Agression, violence dans le monde moderne, traduit de lallemand, Paris, Ed. Calmann-Lvy,1972, p. 103.

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    exemple un climat environnemental dfavoris engendrant contestations et revendications,

    mme si () linjustice subie ne justifiera jamais linjustice des actions terroristes82.

    Jusqu la fin des annes soixante-dix, lONU a fait preuve dune certaine timidit et se

    rserve dans linterprtation du terrorisme en raison de tiraillements tatiques quant ce quil

    faut mettre sous lgide de terrorisme .

    2 : Les controverses tatiques au sein du comit spcial autour de la dfinition du

    terrorisme : dialectique terrorisme dEtat/terrorisme individuel

    On retrouve propos du terrorisme, tel quil est envisag lONU, les grandes

    contradictions du monde lpoque de la dtente. Ces contradictions sont apparues trsrapidement au sein du sous-comit charg de la dfinition du terrorisme. Avant dexaminer

    les controverses engages autour de la dfinition du terrorisme, il convient de prsenter

    dabord un bref aperu des dbats sur lopportunit dune dfinition et sur la possibilit den

    laborer une.

    Lopportunit mme de la dfinition a t mise en doute par certaines dlgations. Le

    sentiment dominant rsidant sur le fait quil tait impossible de dfinir avec exactitude le

    concept de terrorisme en recourant une des trois catgories connues : dfinition abstraite ou

    gnrale, dfinition numrative ou analytique et dfinition mixte83.

    Dans la recherche des critres retenir, une opposition fondamentale est apparue entre les

    dlgations en ce qui concerne le contenu de la dfinition du terrorisme. A cet gard, deux

    tendances se sont en effet manifestes au sein du comit spcial et correspondent deux

    visions diffrentes de ce quest le terrorisme : la conception des pays du tiers-monde portant

    sur le terrorisme dEtat (I) et la conception des pays occidentaux ou terrorisme individuel (II).

    82Propos de M. HARMEL, reprsentant belge lONU, Doc. ONU, A/PV.2059, 5 octobre 1972, cit par J.J.ASALMON et M. VINCINEAU, la pratique du pouvoir excutif et le contrle des chambres lgislatives enmatire de droit international , RBDI, 1975-1, p.383.83

    Voir J-P COLIN, Les nouveaux Etats et lvolution du droit international , Annuaire du tiers-monde, 1977,pp 448-449. Voir aussi P. TAVERNIER, Lvolution de lattitude des Nations-Unies vis--vis du terrorisme ,Ars, 1989-2, pp 16-18.

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    I/ La conception des pays du tiers-monde et des pays non-aligns : le terrorisme dEtat

    Pour la plupart des pays du tiers-monde, le terrorisme est avant tout celui dun Etat et

    notamment la politique raciste et colonialiste quil convient de condamner en premier lieu.

    Cette condamnation figurait dj expressment dans la rsolution 3034 (XXVII) de lAGNU

    ( 4). Selon cette conception, le terrorisme dEtat est lorigine de toute autre forme de

    raction violente. Le terrorisme individuel nest que la consquence logique du terrorisme

    officiel et il disparatra quand celui-ci aura disparu. Sur ce point, le tiers-monde est rejoint par

    lURSS et les pays de lEst. Cest cette forme de terrorisme qui est la plus dangereuse et la

    plus meurtrire puisquelle est exerce par un Etat puissant et laide de moyens plus

    importants. Cest donc le terrorisme dEtat ou officiel qui sacrifie le plus de vies innocentes et

    quil faut par consquent liminer en priorit84.

    Les pays dfendant cette vision du terrorisme insistaient sur le droit

    lautodtermination, que ne saurait remettre en cause la condamnation du terrorisme. Aussi, le

    projet de proposition des non-aligns indique-t-il que les actes de terrorisme international

    comprennent :

    1) les actes de violence et autres actes de rpression auxquels les rgimes coloniaux, racistes

    et trangers se livrent contre les peuples qui luttent pour leur libration, pour leur droit

    lgitime lautodtermination, lindpendance et pour dautres droits de lhomme et

    liberts fondamentales ;

    2) le fait pour un Etat de tolrer ou aider les organisations de vestiges, de groupes fascistes

    ou mercenaires dont lautorit terroriste est dirige contre dautres pays souverains ;

    3) les actes de violence commis par des individus ou des groupes dindividus qui mettent en

    danger ou anantissent dinnocentes vies humaines ou compromettent les liberts

    fondamentales avec cette mise en garde : cette dfinition ne doit pas porter atteinte au droit

    inalinable, lautodtermination et lindpendance de tous les peuples soumis des

    rgimes coloniaux et racistes et dautres formes de domination trangre, ni la lgitimit

    de leur lutte, en particulier de la lutte des mouvements de libration nationale, conformment

    aux buts et principes de la charte et aux rsolutions pertinentes des organes de lONU ;

    4) les actes de violence commis par des individus ou des groupes dindividus en vue dun gain

    personnel, dont les effets ne se limitent pas un Etat85.

    84

    Voir J.F PREVOST, Les aspects nouveaux du terrorisme international , AFDI, 1973, p.592.85 Voir rapport du comit spcial du terrorisme international, Doc. Off., 28 me session, supplment n 28(A/9028), p.23. Voici la liste des pays ayant particip ce projet : Algrie, Congo, Guine, Inde, Mauritanie,

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    Dans leur projet, les pays non-aligns ont mis en exergue deux types de terrorisme dEtat.

    Le premier concerne, selon le Ymen, le terrorisme massif perptr par des rgimes

    imprialistes et racistes contre les peuples asservis ainsi que contre ceux qui luttent pour leur

    droit lautodtermination86. Le deuxime type dactes inclus dans le terrorisme dEtat est

    relatif aux autres actes commis par des Etats contre la souverainet dautres Etats. Daprs le

    gouvernement du Ymen dmocratique, ce type de terrorisme concerne le terrorisme

    pratiqu par des Etats, que ce soit par lusage de la force dirige contre la souverainet et

    lindpendance dun autre Etat ou par le blocus conomique ou encore par la mise en pril

    de la scurit et des ressources de petits Etats 87. Une troisime catgorie de terrorisme

    dEtat a t passe sous silence, elle est relative au terrorisme pratiqu par les gouvernements

    des pays du tiers-monde contre leurs propres populations. La dlgation de Fidji a t la seule

    aborder le problme sous cet angle. Selon Fidji, il faut aussi condamner les actes de

    terrorisme dEtat par lesquels, dans le but de maintenir leur position politique, des

    gouvernements terrorisent des individus en menant une politique de rpression ou les

    actes de terrorisme visant ltablissement dune position politique particulire88.

    En clair, les pays du tiers-monde insistaient sur le droit lautodtermination, que ne

    saurait remettre en cause la condamnation du terrorisme, alors que les puissances coloniales

    ont souvent tendance assimiler les nationalistes aux terroristes. A ce propos, la position du

    Sngal, considr comme un Etat modr, est sans quivoque. Pour la dlgation

    sngalaise, la lutte authentique des peuples opprims pour leur libration et lobtention de

    lgalit des droits, qui constituent en fait la ngation du terrorisme, doit tre considre

    comme sacre. Ceux qui cherchent assimiler leurs actes de terrorisme la lutte pour la

    libration portent prjudice aux combats authentiques des peuples pour lindpendance et

    lautodtermination, et fournissent aux forces de la domination trangres des arguments et

    des excuses pour renforcer et prolonger un rgime doppression89.

    A loppos de cette conception, les pays occidentaux, en particulier, dfendent lideselon laquelle le terrorisme est avant tout un acte commis par un individu ou un groupe

    dindividus.

    Nigeria, Rpublique arabe syrienne, Rpublique unie de Tanzanie, Tunisie, Ymen dmocratique, Yougoslavie,Zare et Zambie.86Voir le rapport du comit spcial, Doc. Off., 28mesession, supplment n 28 (A/9022), p.23.87Doc. Of