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la Source de Lumière ou la conspiration des Bergawa

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Un livre spirituel qui nous instruit sur le bien et le mal, un combat eternel.

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  • la Source de Lumire ou la conspiration des Bergawa

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    Dharma contre Adharma.

    La bataille cleste, ternelle et invisible, a trouv un terrain de jeu. Bali. Sa civilisation, lgendaire mais fragile.

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    Nicolas Ferrand-Touray (Nko) 2010 - 2011

    All Right reserved

    Tous droits rservs de reproduction,

    de traduction

    et dadaptation pour tous pays.

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    Introduction Depuis la nuit des temps, Bali est une terre mystrieuse. Paysage infini de majestueuses rizires sculptes, aux couleurs meraude. Une source dnergie pure jaillit des temples, la Tirta Amerta, une eau magique qui purifie les mes des balinais. Inpuisable et miraculeuse, elle rapproche les hommes et les dieux. En hritage des peuples dAtlantide, leur civilisation mystique reut une connaissance occulte, une Doctrine secrte. Les sages initis du royaume ont ainsi une mission divine : la perptrer absolument par les traditions et la transmettre pour le Salut de lHumanit. Mais une terrible menace plane sur eux. Un plan Noir des dmons, les Kala Rauh, qui mnent une conspiration avec les Bergawa, afin de semparer de leau sacre, pour dtruire en silence leur civilisation. Clbrant une fte cosmique perptuelle, les danses de Shiva rythme tout un univers encore bienveillant. Mais jusqu quand ? Lheure tourne. Bali va-t-elle se perdre dans la danse ?

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    LErreur ne devient pas Vrit

    parce quelle se propage et se multiplie.

    La Vrit ne devient pas Erreur,

    parce que personne ne la voit.

    Gandhi

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    Avant propos

    Chers amis lecteurs, Nous nous connaissons que depuis quelques secondes, mais je suis certain que nous allons passer ensemble un moment enrichissant. Je vais prsent vous exposer ce projet. Au cur du systme balinais, jai eu la chance daccder au Bali dantan, le vrai et lauthentique, pour y tudier, comprendre et exprimenter les mystres et les lgendes. En tant que passionn dhistoire des civilisations et des philosophies anciennes, je me suis immerg dans leur univers sacr, avec amour et passion. Sur un plan purement mtaphysique, dans les doctrines transmises prcieusement de gnration en gnration, il ma t possible de retrouver le chemin du processus alchimique, celui de la qute dun Gral, enfin accessible, ayant pour objectif ultime la transformation des consciences. Une science qui leur permet en dfinitif lunion avec ltre suprme, Sanghyang Widi, en lui abandonnant totalement leur me individuelle. Maintenant, si la Source de Lumire est entre vos mains, ce nest pas grce un fortuit hasard ou un concours de circonstances, mais cest quelle vous est destine.

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    Ainsi, permettez-moi de vous proposer une grande aventure philosophique, aux origines de la culture millnaire de Bali, lle des Dieux. Dans cette histoire mtaphorique, mettant en relief la dimension hroque et rsistante dun peuple courageux, jai essay de retracer historiquement lpope extraordinaire dun royaume, celui des courageux Majapahit, que lon appelle les balinais. Ceux qui justement migrrent peu peu pour survivre, en direction dune Terre promise, indique par la Providence, vers une le abondante combien mystrieuse. Invincible mais pacifique, ce peuple recra par miracle sa culture, sur les bases dune connaissance hrite des anciens, celle dont lorigine provient des continents engloutis de lAtlantide, transmise par des tres suprieurs. Dcouvrons ensemble ce monde diffrent, la fois proche et lointain, baign de puissantes nergies magntiques, car situ lexacte intersection de lignes telluriques, sur la grille de notre plante bleue. Ouvrons prsent nos chakras pour laisser lnergie divine se diffuser comme par miracle, et profitons tous du pouvoir magique de la Kundalini. Contemplons en silence, un horizon verdoyant caress par une brume humide, et respirons profondment latmosphre envotant de ces lieux mystiques.

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    Mditons face de majestueux volcans, les monts Agung, les dignes reflets de la grandeur de lautorit divine, sur les Plans terrestres. Admirons la couleur meraude de milliers de rizires donatrices, sculptes travers les sicles, pousant la courbe et le flanc de douces collines, arroses par un ingnieux systme dirrigation. Gurissons de notre ignorance fondamentale et de nos faiblesses originelles, pour devenir ce que nous sommes rellement. Des tres spirituels, dont la mission est dexprimenter cette vie humaine, dans lamlioration ncessaire de notre karma. Buvons avec eux la source de Lumire, cette eau miraculeuse, clef de vote et cordon ombilical de leur culture ancestrale, du nom de Tirta Amerta. Purifions ensemble notre me dans les rituels sacrs et les crmonies religieuses, en essayant douvrir notre troisime il, sige de la conscience suprme. Pensons aussi un modle de socit atypique et unique au monde, faisant la fiert dune communaut bienveillante, juste et quilibre. Prononons avec enthousiasme les mantras occultes, comme le font les prtres du temple : Tat wan Assi, Brahman est en Toi, et Tu es en Lui. Ayons toujours lesprit, qu Bali, mme le surnaturel est naturel. Et laissons nous guider par sa magie infaillible.

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    Dcouvrons, que depuis la nuit des temps, au niveau religieux, social ou architectural, les balinais ont conserv jalousement des connaissances trs anciennes, puises au fond dune doctrine secrte, dont ils sont les gardiens. Seuls contre tous. Dans la joie de leurs traditions inaltrables, ils participent une fte cosmique perptuelle, la fois tmoins et acteurs dune bataille cleste, ternelle et invisible. De Dharma contre Adharma. Avec ce roman, jai aussi essay de faire lloge de lharmonie des humains avec une nature harmonieuse, communicante mais aussi si fragile ; de limportance du sacr dans nos socits, dsormais combien scularises. Prenons conscience de ce besoin naturel de spiritualit et de sens existentiel, face des valeurs matrialistes destructrices, profanant dans lallgresse, lensemble des perspectives de notre humanit, cupide, goste et avide de distractions. Superficialit dun monde moderne face la profondeur danciens savoirs philosophiques. Ralisons que Bali est peut-tre notre miroir tous. Quirresponsable et aveugle, notre socit ne voit pas dans les yeux rouges du Minotaure, au fond du labyrinthe obscur, la promesse potentielle de son autodestruction, inluctable et dans une lente agonie.

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    Abordons galement nombres de sujets combien universels. Celui par exemple de la prservation des cultures premires, de la fragilit des cosystmes insulaires, et surtout dun sujet prcis, et ce jour le plus proccupant : leau et son imminente raret. Ce prcieux lment, enjeu dune bataille entre Forces antagonistes dans le roman, est lenjeu rel de la situation moderne de Bali, o la distribution et le partage commence devenir trs problmatique. Ralisons que dici 2015, lle pourrait peut-tre devenir le symbole de la crise de leau lchelle mondiale, vu les perspectives dun dveloppement effrn et incontrlable. Devenue lune des premires destinations touristiques, sa survie court terme est directement menace. Avec une superficie de seulement 5633 km2, Bali a accueilli en 2009, 5.7 millions de touristes, soit presque le double de sa population, qui compte 3.9 millions dhabitants. La population idale de lle, tant donn ses ressources, a t tablit 1.5 millions. Le constat qui va suivre est saisissant : Quarante-huit plages subissent une rosion grave. La temprature en un an est passe dune moyenne de 28/30 degrs 33 degrs en raison de la trop forte densit de population. Les chambres dhtels sont elles aussi en surnombre : 78 000 alors que le nombre optimum est de 22 000.

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    Si lon compte que chaque chambre a besoin en moyenne de 300 litres deau par jour, ce sont 23.4 millions de litres qui sont consomms quotidiennement par les seuls touristes.

    Pour couronner le tout, ce sont depuis 1983, 25 000 hectares de forts qui ont t abattus, soit un cinquime du couvert forestier balinais. Situation dramatique, fruit dune mauvaise gestion des ressources, conduisant son modle de dveloppement vers un point de non-retour, cela malgr le fait que la confrence du climat des Nations Unies stait droul Bali en 2009,

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    Nusa Dua, immense complexe touristique artificiel. Il y a, dissmins sur cette petite le, 5 grands golfs de niveau international, dont deux sont reconnus comme tant les meilleurs et les plus beaux dAsie, par les magazines Forbes et Fortune. Le paradis des golfeurs, pour ainsi dire.

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    Lindustrie touristique a surexploit avec outrance et irresponsabilit les eaux souterraines. Selon des rapports cologiques rcents, provenant dassociations reconnues, notamment le Giec, le niveau des nappes phratiques a vu son niveau baiss comme jamais et une partie des cours deau est dj sec. Sur les 401 rivires de Bali, 162 sont en situation trs critique, et le niveau deau et la pression baisse inexorablement. Quatre grands lacs volcaniques connaissent des problmes de sdimentation grave. Le lac Bunyan, lun des plus profonds de Bali, a fait face une baisse de 3.5 mtres du niveau depuis 2000. La consquence de cette surexploitation est lintrusion de leau de mer dans les nappes phratiques. Leau devient de plus en plus sal et les agriculteurs ont de grandes difficults par faire pousser leurs rcoltes, ainsi que les utilisateurs, qui ont des problmes deau potable, dans leur alimentation quotidienne. Sachant que les balinais sont un peuple vivant essentiellement de la culture dun riz trs demandeur en eau, il est facile dimaginer limpact direct de cette volution, sur la stabilit sociale des populations locales, composes pour lessentiel de familles dagriculteurs.

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    Rappelons-nous que dans le pass, au dbut du dix neuvime sicle, en 1906 et 1908, menacs dans leur existence mme, les balinais avaient dmontr le caractre ternel de leur civilisation, en dcrtant le fameux puptan, un rituel de sacrifice collectif. Cet acte dhonneur avait retentit dans les froids palais dEurope, lpoque ancienne puissance coloniale. En vertu dun hrosme et dune totale insoumission, ils staient dfendus jusqu la mort, contre un ennemi cruel et matriellement bien plus fort queux.

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    Mettons-nous la place des balinais, ne serais-ce quune minute et refusons comme eux de devenir un produit artificiel du folklore, destination de consommateurs superficiels. Dans cette histoire, qui est une pure fiction, je ne vise videmment personne en particulier, aucuns groupes dintrts, aucun dveloppement immobilier. Je caricature librement les puissances de largent qui arrivent facilement corrompre la faiblesse des hommes, les amenant parfois raliser des actions prjudiciables leur propre cosystme. Les dmons Kala Rauh dans lhistoire sont une mtaphore caricaturale de lavidit des puissances de largent et leur mandataire, Maya Danaya et le clan des Bergawa, sont le symbole de ces business man irresponsables et cupides. LIndonsie et ses 240 millions dhabitants majorit musulmane, ses 17 000 les et ses 33 fdrations, composes de multiples ethnies, sont trs soucieux de la sauvegarde de leur environnement sur le long terme. Ce pays la taille dun continent est en train de comprendre limportance de ses ressources sur un plan cologique. Les populations locales attendent un respect lgitime de la part de lautorit centrale de Jakarta, aux dcisions parfois trop brutales ou trop peu attentive leurs intrts vitaux.

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    Certain quils vont sur la bonne voie du dveloppement durable, ils pourraient faire de ses enjeux des valeurs ajoutes leur programme politique. Le Golkar et Monsieur Suharto sont bien conscients du virage Vert que leur pays est en train de prendre, et ce avec enthousiasme, car ils sont des personnalits respectables, honorant la rpublique. Imaginons enfin, que la Source de Lumire est un message la dimension anticipatrice et au caractre peut-tre prmonitoire, dont nous pouvons tous tre les hros, notre niveau. Cela ds prsent. Simplement si nous lavons choisi. Vivons donc ensemble cette exprience initiatique et transformatrice.

    Que la Force soit avec nous.

    Niko

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    Glossaire

    Bali Hindouisme

    Rfrences

    A propos de lauteur

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    Respects mes amis balinais et indonsiens, Wayan, Alit, Agung, Tommy, Bambang, dont jai toujours apprci le sens de lhumour et la confiance rciproque.

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    Sommaire 1 Aux origines atlantes 2 Les enfants de la Lumire 3 Vers la Terre promise 4 Ultime expdition 5 Une culture ternelle 6 Le banjar, sacre communaut 7 Combat de coqs 8 Les kriss royaux 9 Le plan des Kala Rauh 10 Mandat pour Maya Danaya 11 Une sorcire nomme Leyak 12 Une heureuse rencontre 13 La visite du Mal 14 De mauvais prsages 15 A travers champs 16 Les bains de Klungkung 17 Le sceau de Krishna 18 Galungan et Kuningan 19 Mise en garde du yogi 20 De la magie noire 21 Le chemin de Lovina 22 La grotte de Shamballa 23 Un jardin dans le dsert 24 Pche en mer 25 Symbole de la Swastika 26 A la belle toile de Vga

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    27 Le chantier des Tnbres 28 Sortilge en cours 29 La nature de Brahman 30 Structure pyramidale 31 Rite du panca yadna 32 Une pnurie alarmante 33 Le clan des Bergawa

    34 La vision juste et le Soi 35 matre des enfers

    36 Des pouvoirs de gurison 37 La fleur de lotus 38 A la recherche des Signes sacrs 39 Perdus dans la danse 40 Un parfum de rvolution 41 Inauguration du domaine 42 Le dpart des guerriers 43 Une nymphe cleste 44 Les pierres du yogi 45 Chute du temple 46 Les chefs du mensonge 47 Limpossible rdemption 48 Retour des hros 49 La prophtie du Kaliyoga 50 En lune de miel 51 La lgende dIndra

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    1 Aux origines atlantes Il y a treize mille ans, un chaos indescriptible dtruisit tout la surface de la Terre et les continents de lAtlantide furent engloutis sous les eaux. Prises par surprise, les grandes cits de cet ge dor scroulrent les unes aprs les autres, emportant avec elles, le souvenir de leur antique gloire. Les volcans crachrent une paisse lave en fusion qui recouvrit une grande partie des plaines. Jadis fertiles, elles furent rduites en cendres, brules dans leur intgralit. Puis la mer se resserra, des plaines de sables arides remplacrent ce qui tait nagure l'ocan, les montagnes jusque-l couvertes par des eaux profondes, surgirent dans la violence. Des masses rocheuses se percutaient, dans une destruction assourdissante et un chaos indescriptible. Le sol trembla des mois durant, sans relche et les peuples atlantes moururent tous dans lhorreur. Flammes immenses balayant lhorizon, tsunamis aux vagues surnaturelles, temptes de sable gantes, ces catastrophes dtruisaient tout sur leur passage. Il faisait nuit mme le jour et en quelques semaines, la temprature baissa brutalement. Les saisons sinversrent, lhiver remplaa le printemps.

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    Une fume paisse et irrespirable fit suffoquer les poumons des rares survivants. Malades, ils toussrent du sang. Plus personne ne savait o aller, ni quoi faire. Les atlantes hurlaient en se lamentant, sentant leur fin imminente. Des inondations recouvrrent la totalit de la surface des champs, o certains saccrochaient encore comme ils le pouvaient, des troncs darbres fracasss. Sans grand espoir, ils se lamentaient de peur. Des corps flottaient de partout, dgageant une odeur nausabonde. Sur les terres dessches, des enfants pleuraient sans fin, abandonns par leurs parents disparus. Les animaux couraient dans tous les sens, ivres de folie. Les temps taient sans avenir et lodeur de la mort se rpandait partout. Lespoir, comme la civilisation, avait sombr dans le nant. La race humaine semblait pouvoir disparatre jamais. Malgr cela, lhumanit tait sous protection des tres suprieurs. Dans cette horreur inimaginable, un peuple du Pacifique, descendant de lantique civilisation de M, la partie orientale de lAtlantide, fut miraculeusement guid. Ils taient issus du peuple de Sanatana Dharma ou lOrdre ternel, et furent ainsi choisis et pargns par la Providence. C'est de cette manire que fut prserve, au bnfice de cette race, la continuit de leurs connaissances, la doctrine secrte et son ternelle sagesse.

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    Tel le pilote, qui, gouverne son navire, les dieux s'attachrent conduire les mes choisies par cette vision, comme avec un gouvernail, et selon leur propre dessein. Dans une mystrieuse vision prophtique, les lus furent rassembls sur une montagne, o sigeait un temple. Miraculeusement, ils furent sauvs, nemportant avec eux que le sang et les larmes du souvenir. Ils avaient vcu lapocalypse dans une horreur inoubliable. - Par la grce des dieux, nous sommes vivants ! - Quelle est cette force trange qui nous guide ? O nous conduisent les tres de lumire ? Perplexes devant ce miracle, la plupart tait silencieux. Les dieux les emmenrent avec eux, les dposant ensuite dans un archipel compos dinnombrables les exotiques, o ils survcurent dans des conditions primitives. Un archipel gant de milliers dles, dans la zone sud de lAsie. Ils restrent ainsi une longue priode, dans un ge primaire, dsesprs et traumatiss. La nourriture comestible, comme leau potable, demeurait introuvable. Il ne restait que trs peu de chance de survie pour ces dizaines de milliers de rescaps. Issus de cits prospres la culture brillante, ils taient maintenant confronts la vie sauvage.

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    Eux, les anciens commerants, les notables, les artisans, les prtres ou les artistes, toutes ces communauts devaient assurer leur subsistance au jour le jour. Ils avaient jadis si bien vcus, et maintenant ils devaient survivre. Le chacun pour soi tait dsormais la rgle absolue. Le cannibalisme menaant, il fallait souvent partir, seul ou en petits groupes, sans se perdre et errer, travers les paysages dvasts. Avec le temps, ils se rassemblrent en tribus afin de sorganiser et se protger. Mais la loi du plus fort tait sans piti. Shabillant de peau de btes, ils chassaient le gibier avec de simples couteaux, fabriquant des piges naturels, avec les moyens du bord. Ils sunirent aussi pour combattre dautres tribus, avec lesquelles ils entraient en comptition pour le contrle de quelques territoires o le gibier tait plus abondant. - Allons o la cueillette est facile, o les champs sont plus fertiles ! Les nuits, hantes par des cauchemars, taient longues. Constamment sur leurs gardes, ils restaient trs vigilants et la scurit tait le premier de leurs soucis. Rgulirement, ces survivants affrontrent de terribles prdateurs, des tigres aux crocs tranchants comme des lames, eux aussi affams et prts tout. Ils durent combattre sans fin dans la jungle, au pril de leur courte vie.

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    Mais peu peu, les choses sarrangrent. Le soir, prenant un repos mrit, ils se rappelaient les chants sacrs du temple, ceux de leurs anctres atlantes disparus. Ils rapprirent les rites perdus et les traditions oublies. Dans des contres restes vierges, ils construisirent des villages entiers avec un bois dune qualit extraordinaire, provenant dune nature luxuriante. Ce peuple lu rsista labominable, assista des scnes atroces, danimaux froces, dvorant parfois sous leurs propres yeux, des membres rests isols de leur propre famille. Dans ce contexte, les sentiments humains avaient des difficults merger. Mles et femelles se mfiaient les uns des autres, luttant pour un pouvoir social. Malgr cela, les dieux observaient leur reconqute, dans une bienveillance cosmique. Une preuve ncessaire, suite la grande purification prcdente quavait voulue lunivers. Ainsi, ces survivants de lAtlantide commencrent se rorganiser et rapprendre leurs antiques connaissances. Doucement, ils recrrent la civilisation perdue. Parfois, un yogi marchant seul, le visage lumineux, leur apparaissait. Les tribus stonnaient la vue de ce curieux personnage et visiblement, il navait pas peur de saventurer en solitaire. Jamais personne ne sut vraiment o il habitait.

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    Il venait souvent limpromptu, pour leur donner des paroles sacres, laidant dans leur travail philosophique. Un soir de pleine lune, il leur dlivra une parole : - Ceux qui possdent la sagesse, unis dans la vision de l'me, renonant au fruit des oeuvres, librs de la servitude des renaissances, atteignent le havre o nulle affliction ne demeure. Quand ton me passera au-del de la fort de l'illusion, tu ne feras plus de cas de ce qui fut enseign ou sera enseign. Quand, s'tant soustraite l'enseignement traditionnel, ton me se dressera, stable et ferme, ton gain sera alors l'union avec le divin. Les peuples survivants taient heureux de lentendre, sentant que les dieux ne les avaient pas abandonns. Quun tre suprme tait l, invisible, mais avec lhumanit. Le yogi rapparut chaque anne, la mme date. Les guerriers le connaissaient maintenant, considrant ce sage comme un envoy du ciel, les guidant dans leur chemin. Le yogi aimait beaucoup les enfants, il leur donnait chaque fois de belles fleurs de lotus. Ctait la premire fois que ces jeunes de la nouvelle gnration voyaient ce genre de plante. Ce mystrieux personnage instruisaient galement les paysans, au sujet de lagriculture.

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    Suivant les conseils du yogi, ils en rcuprrent soigneusement les graines, les firent germer, en les semant habilement dans leurs champs. Aprs quelques annes, ils russirent rcrire les textes sacrs sur des rouleaux de papier. La Gta et ses dix-huit chapitres, son ultime description de l'me, celle de Krishna, en sa vritable nature qui est dieu en manifestation. Ils en discutaient le soir, philosophant au coin dun feu crpitant, savourant une chair tendre issue dune bonne chasse. Des chansons sacres, des danses du feu animaient de joyeuses soires. Ainsi, ils rapprirent rire et saimer, eux qui avaient tant soufferts, des annes durant. Leurs dons artistiques refirent surface et se dvelopprent de faon naturelle de jour en jour. Ils peignaient des scnes divines, sculptaient du bois tendre, et crivaient les nouvelles lois qui allaient bientt rgir leur communaut. Le temps ntait plus la guerre, mais et lamour. A la paix de lesprit.

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    2 Les enfants de la Lumire Un soir de pleine lune, un vnement improbable se produisit. Une trace rouge carlate, entoure de lumire, apparut dans le ciel. Ctait une mtorite entrant dans latmosphre. Elle percuta le sol, avec une violence incroyable. Dune taille denviron de deux mtres de diamtre, elle perfora une roche de calcaire, surplombant une plaine sauvage. Des tigres vinrent les premiers sur la zone de limpact, probablement intrigus. Encore rouge incandescente et fumante, la mtorite ntait pas arrive dans la discrtion. De nombreux chasseurs avaient observ la chose et repr limpact. Cette pierre descendue du Ciel allait devenir une attraction pour les tribus, qui la regardaient avec peur, mais aussi avec respect. Aprs quelques mois, ils tentrent en vain de la dcouper en morceaux, mais ils dcouvrirent que le mtal tait indestructible. Sa rsistance tait dune autre dimension par rapport aux autres. Comprenant rapidement son intrt, il la transportrent avec eux, tant bien que mal, pour la dposer au cur dun temple rserv cet effet. Mais une nuit, un envoy dune tribu hostile, tenta de renseigner sur le lieu de stockage de la prcieuse mtorite.

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    Il fut heureusement arrt in extremis et interrog virilement, comme le prconisait le chef de la scurit. - Pour qui travailles-tu ? demanda un garde. - Pourpour les Bergawa ! - Je naime pas ce groupe. Dit leur de se calmer et de rentrer au plus vite dans leurs forts - Oui, trs bien, ce sera fait. - Je te laisse la vie sauve, uniquement pour leur donner ce message. dit le chef trs nerv. Ayant chou dans sa mission dinvestigation, le messager rentra embarrass chez les siens. Il arriva devant une grotte avec une pierre coulissante. -Cest moi ! annona-t-il un garde. - Qui moi ? Je ne connais pas Moi. Le code ? - Rex 84. parla doucement lenvoy. - Rentre, dpche-toi. On tattend. Il expliqua aux Bergawa o se trouvait avec approximation la mtorite, mais ne put donner le lieu de stockage exact, au grand damne de ses confrres. -Tu connais la sanction de ceux qui chouent dans leur mission, nest-ce pas ? - Jai oubli. dclara-t-il en tremblant de peur. - A cause de toi, nous sommes grills. Ils savent maintenant que nous voulons cette mtorite. - Viens par l. Allez approche. Pose ta main !

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    Il la posa sur une table et sans quil nait le temps de lenlever, un couteau lui transpera le milieu de la paume. Il hurla de souffrances. -Ahahahahahah ! Quelle mauviette celui-l. Il partit mettre un bandage quune femme lui posa rapidement. Les Bergawa ntaient pas tendres avec ceux qui se faisaient prendre la main dans le sac et dmasquaient leurs relles intentions. Car leurs intentions devaient restes dans le secret. Une anne passa pour le meilleur et pour le pire. Au fil du temps, les peuples des autres tribus retrouvrent tous leurs facults intellectuelles et artistiques. Ils organisrent rgulirement des concours de textes et de pomes entre tribus, afin dlever ensemble le niveau des consciences, jusque l, encore relativement endormies. Cest ainsi quune jeune femme se fit remarquer plusieurs reprises, belle comme une desse, elle sappelait Dewa. Elle avait de longues et fines jambes, un visage anglique, des cheveux noirs pais et onduls. A leurs yeux, elle incarnait le renouveau de la race, mais surtout, elle avait de surprenants dons dcriture. Une surdoue qui faisait la fiert dune tribu appele les Majapahit, ou les rsistants, daprs leur capacit rsister sans faillir.

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    Cette tribu respecte en raison de son efficacit au combat, tait aussi connue pour retrouver les mystres du pass. Leurs membres taient trs couts. Un soir de rjouissances, elle fut invite prsenter son travail. Une assemble danciens avait pour tche de juger les diffrentes prestations et dlire celle qui gagnerait lpe des amazones. Une longue pe aux caractristiques surnaturelles, fabrique partir dun mtal unique, issu de lastrode rcupre auparavant. Une mystrieuse caste, appele la caste du Feu, compose de matres artisans, en gardait jalousement les secrets de fabrication. En cette nuit de pleine lune, Dewa monta sur un rocher dominant lassemble des sages. Des totems sculpts en forme de divinits, taient clairs par des torches flamboyantes. Elles prsidaient une scne au dcor solennel et occulte, o le jury tait coiff de ttes de tigres, et entour de musiciens, dont le visage taient peints de symboles divins. La foule tait venu nombreuse pour assister au spectacle. Alors la jeune fille commena son pome

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    - Toi, le Puissant, prsent en tout lieu et en tout. Tu nous veilles la lumire, la nuit, Tu nous glisses dans le sommeil, Tu nous guides dans notre errance. Aller l'aventure nous plaisait. Trois jours, nous errmes. Nous avions du feu, des provisions et des vtements. Autour de nous, maints oiseaux et cerfs sauvages. Quoi de plus ? Au-dessus de nous, les couchers de soleil, Les levers, le vent parfum, charg d'effluves. D'abord nous traversmes une large valle. Verts taient les champs et bleus les lointains. Puis des forts et des marcages moussus. La bruyre fleurissait. Des mousses rouilles nous nous dtournmes. Nous vitmes des gouffres insondables. Nous nous basions sur le soleil. Il se voile. Nous coutons le vent. Sur le versant humide, les rafales nous assaillaient. Le vent se calma. La fort s'claircit. Nous suivmes une crte rocheuse. Comme des os blanchis rsistaient les guerriers. Sous la lumire, des masses de rochers veins se pressaient. (1) Dewa fit une petite pause de quelques secondes, puis reprit sa respiration

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    - En un lent travail de cration. Elles descendaient et se jetaient en cascades. Au-del de la crte rocheuse, on n'y voyait rien. La nuit tombait. Sur les marches du temple gigantesque, nous devions descendre. Des nuages. Tout s'assombrit. En-dessous la brume s'tendait. Les pas de la descente se faisaient de plus en plus abrupts. Avec difficult, nous glissons sur la mousse. Plus bas, le pied ne peut rien toucher. Ici, nous devons passer la nuit. Nous dormirons jusqu'au matin. Une longue nuit paisible. En nous veillant, nous n'entendmes que le sifflement confus de vols. Rgulirement rsonnait une lointaine plainte. L'est s'illumina. Les nues couvraient la valle. Aigus comme de la glace, en masse bleues, elles se dressaient serres. Pendant longtemps, nous demeurmes assis hors du monde. Jusqu' ce que le brouillard se disperse. Au-dessus de nous s'levait la paroi. Et en-dessous, bleuissait un abme insondable... (1) La foule lapplaudit comme elle lavait mrit.

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    Elle fut rcompense logiquement, par le jury des sages, qui lui remit lpe des amazones. - Le Conseil te nomme princesse Majapahit ! Les sages lhonorrent tous de ce titre. Sauf un, qui proclamait sa loyaut la tribu des Bergawa. La jeune fille ny croyait pas, elle qui navait jamais recherch la clbrit ou les titres de gloire. Elle devint, malgr elle, trs populaire. Le revers de la mdaille fut que les puissants des tribus voulurent la marier. Refusant leur proposition, aussi gnreuse quelles puissent tre, elle se mit en retrait du peuple. Certains insistrent, la menaant de mort si elle continuait refuser leur gnreuse demande en mariage. Il y eut quelques provocations, mais elle dtenait cette pe magique, cette arme que les mles redoutaient plus que tout. -Il ne peut en rester quun, vous tes prvenus ! Une fois, elle mit terre un de leur chef, qui avait un emblme dun serpent peint sur son torse. Grce un jeu de jambes incroyablement rapide et une fougue contrle, la guerrire le neutralisa. Elle lui pargna gnreusement la vie, la lame de son pe pointant devant sa gorge. Mais humili par ses pairs et bless dans son estime, il se donna la mort, ne pouvant supporter un pareil affront. Ce fut un exemple pour les autres. Ils nenvisageaient plus de laffronter en duel, de peur que lissu du combat leur soit dfavorable.

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    Dewa souhaitait rester une femme libre. Les prtendants respectaient dornavant son choix. Trois annes passrent paisiblement et la vie continua pour les tribus. Culture du riz, coupe du bois, cueillette dans les forts, et amnagement du village, taient quelques unes de leurs activits principales. Un soir, le curieux yogi vint spcialement rencontrer la nouvelle princesse, pour lui remettre un prsent : une bague dargent trs magntique, un anneau rond sur lequel tait grav une srie de motifs gomtriques. Deux triangles, six petits rectangles et trois longs, qui avaient une forme demi-cylindrique. A l'extrmit des pointes des triangles, l'anneau tait perfor et un sillon grav l'intrieur de l'anneau unissait ces deux trous. - Merci yogi, pour cette fabuleuse bague ! - Il sagit de la bague atlante. Il ny en a quune... Conserve-l prcieusement. Elle procure une immunit contre les agressions dautres dimensions, elle te protgera contre les influences et les dangers de toute nature. - Mais comment te remercier ? - Tu la amplement mrit, fais-en bon usage. Cette bague atlante formait un mur vibratoire neutralisant toutes les vibrations malfiques, les sortilges et mme les envotements. Elle favorisait aussi les contacts mtaphysiques.

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    Sur ces paroles, le yogi disparut, laissant la princesse contemple sa bague. Le lendemain soir, pendant quelle repensait ce yogi et ses messages, un contact cleste se produisit. Un ange de lumire la visita par surprise dans sa chambre, la rveillant de son lit. Dabord paralyse en douceur, elle fut traverse par dintenses nergies, celles dun immense amour, venu caresser son me. - Qui es-tu ? demanda-t-elle un peu apeure, surprise par une telle prsence. - Je suis Thoth latlante, matre des mystres, gardien de la mmoire ancestrale, roi, sage et mage. Dewa se dressa dans son lit, prenant un linge pour se couvrir la poitrine. Ce ntait pas un rve. - Demande moi ce que tu veux et je texaucerais. Calmement, elle prit son souffle et rflchit. - Jai entendu parler de notre ancien Monde, avant les cataclysmes, mais seulement avec parcimonie. Jaimerais connatre notre vraie histoire. Racontes-la moi je ten prie Lange commena le rcit de la grande histoire. - Dans les jours anciens, votre peuple tait grand, plus grand que tout ce que peuvent concevoir ceux qui tentourent. Il possdait une sagesse ancienne, puisant au cur dun savoir infini, provenant de lenfance de la Terre.

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    Sages parmi les sages, les enfants de la Lumire taient parmi vous. Ils taient puissants parce que leur pouvoir venait du feu ternel. Mon pre tait le plus grand des enfants des hommes. Ctait lui le Gardien du grand temple o pouvaient venir les hommes des races qui habitaient nos dix les, afin de rencontrer les enfants de la Lumire. Porte-parole de la divine triade, il savait parler aux rois avec la voix qui doit tre obie. Puis arriva le moment o le gardien du temple demanda que je comparaisse devant lui. Peu denfants des hommes ont survcu lpreuve de son visage clatant; le mme visage que projettent les enfants de la Lumire lorsquils ne sont pas incarns dans un corps physique. Je fus choisi parmi les enfants des hommes pour recevoir lenseignement du Gardien, afin daccomplir ses desseins, qui mrissaient dans le sein des temps. Sans autre dsir que celui datteindre la sagesse, cest dans ce tabernacle que jai pass de lenfance la maturit et que jai reu lenseignement sacr de mon pre sur les mystres anciens. Jusquau moment o le feu ternel de la sagesse vint sinstaller en permanence en moi. Pendant une longue priode, je fus assign au temple pour apprendre encore et toujours plus de cette sagesse divine.

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    Puis il me fut possible dapprocher la lumire du grand feu. Dewa suivait attentivement le rcit incroyable de Toth et de cette Atlantide disparue. - Le Gardien du temple me montra la voie de la Chambre des dieux, le monde derrire le monde ; l o le grand roi sige sur son trne de gloire. Devant cette grande sagesse, je me suis prostern en hommage aux seigneurs de la vie et aux seigneurs de la mort, pour recevoir la clef de la Vie qui permet dentrer dans le cercle de la vie perptuelle, librant de la mort. Jai appris voyager vers les toiles jusquau point o lespace et le temps fusionnent. Et aprs avoir bu longuement dans la coupe de la sagesse, jai appris plonger dans le cur des hommes afin dy dcouvrir de plus grands mystres. Ma joie fut grande parce que mon me ne trouvait de repos et de satisfaction que dans cette qute infinie de vrit. Jai travers les ges pour dcouvrir le secret de ceux qui mentourent et les voir goter la coupe de la mort pour ensuite renatre la vie. Lange contait cette histoire dune tonnante manire. - Mais pourquoi notre peuple a-t-il t dtruit ? demanda Dewa. Elle attendait des explications.

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    - Jai vu le voile de lobscurit qui a recouvert le royaume de lAtlantide. Cette grande terre qui fut jadis une toile clatante, devint une toile secondaire. Peu peu, les penses des atlantes se tournrent vers lobscurit jusquau moment o le Gardien, dans son dtachement, pronona la parole qui appelait le pouvoir. Cest alors que les grandes eaux recouvrirent la Terre et modifirent son quilibre. Il ne resta que le temple de Lumire, seul et intact, sur la montagne dUndal qui mergeait au dessus des eaux et qui prserva temporairement ses habitants des fureurs des grandes fontaines. Elle imaginait ces vnements extraordinaires. - Comment notre peuple a survcu sur cette montagne ? demanda-t-elle. Lange reprit: - Alors le Matre mappela pour me dire : - Rassembles mon peuple avec le grand art que tu as appris avant les grandes eaux et transporte-le au loin pour accomplir le plan que tu connais dj. Jai alors rassembl mon peuple et nous sommes partis dans une direction guide par la Providence, laissant derrire nous le temple dans lobscurit. Juste avant quil ne sombre son tour dans les grandes eaux, jusquau jour o il rapparatra, lorsque les temps seront accomplis. - Cest incroyable. Mais quattends-tu de moi ?

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    Lange lui rpondit : - Dewa, en tant que princesse du royaume, tu es la dpositaire de cette histoire, celles des hritiers de lAtlantide. Tu dois la transmettre en ces termes. Je rponds tes commandements afin que plusieurs de tes enfants puissent tre levs cette dignit. Maintenant que je tai rvl ces mystres, il est temps que je retourne dans la chambre des dieux, en laissant derrire moi un peu de ma sagesse. Prserve-toi et garde prcieusement le commandement du Gardien : Lves toujours plus haut tes yeux vers la Lumire. Le temps tait suspendu et les minutes lui semblaient dune dure ternelle. - Et maintenant me voici nouveau uni au Matre. Par ma dignit naturelle et mon vouloir je suis Un avec le grand Tout. Je vous quitte pour un temps. Gardez et vivez mes commandements et ainsi je serai avec vous pour vous aider et vous guider vers la lumire. Maintenant devant moi, souvre le portail o je menfonce dans la nuit (2) Lange disparut dans un flash lumineux, blouissant Dewa. Elle nen revenait pas et mis plusieurs jours raliser ce contact cleste. Avec le temps, elle sut comment expliquer cette incroyable histoire son peuple, sous forme de lgendes et de contes, transmis oralement.

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    Les Majapahit, hritiers des peuples rescaps de lAtlantide, initis par les enseignements des tres suprieurs, fondrent ainsi en cet endroit tropical du monde, une culture aux caractristiques uniques. - Nous avons prsent les clefs de notre hritage ! Grce au rcit de Toth lAtlante, des sages se rvlrent parmi eux, expliquant leurs confrres la doctrine secrte qui leur fut lgue. Leur enseignant pourquoi la vraie nature de l'me avait souvent du mal se manifester, cause de choses extrieures qui faisaient obstacle au rayonnement du dieu intrieur, car projetant une ombre devant la face du soleil. Que toutes les forces instinctives de l'me animale emprisonnaient l'homme rel et limitaient ses forces. Les sages enseignaient que les forces animales avaient un objectif qui diffrait de celui de l'homme intrieur et, quen consquence, elles faisaient obstacle ses progrs et la ralisation de son tre. Cet tre ignorant, qui s'emptrait dans ses activits, devait se librer avant d'entrer en possession de son hritage de pouvoir, de paix et de flicit. Il ne pouvait atteindre la libert avant qu'aient disparu toutes les modifications susceptibles d'tre ressenties et que les formes se soient transformes, leurs activits apaises et leur agitation calme.

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    3 Vers la Terre promise Sur les les de limmense archipel, les cataclysmes avaient fait merger du nant de majestueux volcans, que les peuples autochtones nommrent, Agung, ou le Grand. Ces montagnes volcaniques crachrent leur lave durant des sicles et des sicles, fumant ensuite dans une trompeuse tranquillit. Les monts Agung, symboles de la grandeur des dieux, incarnaient la toute-puissance dune autorit divine, qui rgnait sur les univers matriels du plan terrestre. Le peuple des Majapahit les clbraient merveilleusement dans chaque crmonie, dans le respect des traditions hrites des anciens. Ils vivaient harmonieusement sur le flanc des collines qui composaient le doux relief de leurs valles, organisant une vie juste et quilibr entre les membres de leurs communauts. Les diffrences sociales taient quasiment inexistantes et la voie du dharma rglementait les murs. La vertu dominait naturellement le vice, partout o elle le pouvait. Les matins de la saison humide, un sage spirituel avait lhabitude de mditer au sommet de lun des cent cinquante volcans de larchipel. Une lgre brume recouvrait les rizires den bas.

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    Sur les hauteurs, le soleil perait derrire une fine pluie, formant ainsi un arc-en-ciel. Le sage tait ainsi labri de lagitation du village, contemplant un panorama extraordinaire. Dtendu, il respirait profondment. Une voix, celle du silence, envahissait son corps. Alors quelque chose se produisit : il ressentit une mystrieuse force qui attira son intention. Le sage vit un rayon qui descendit du ciel, indiquant une terre lointaine, par del locan. Un nouvel horizon, situ lest. Il observa ce phnomne inattendu lorigine mystrieuse, se rappelant exactement lemplacement du rayon. Quand il rentra au village, il alla voir aussitt les autorits religieuses, pour leur conter son tonnante vision. - Un rayon venu du ciel ma indiqu clairement lest, vers les terres lointaines. - Cest un oracle. La prophtie sest donc manifeste ! Le rayon indique notre terre promise. - Moi je pense que ce rveur a mang des petits champignons. Il a d hallucin ! Une personne influente au sein des conseillers minents du temple essaya de discrditer le message et sa prophtie, pour des raisons tranges. -On dirait un Bergawa qui parle ! Ncoutons pas ce rabat-joie. conclua le conseil.

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    Les villages dcidrent donc de prendre trs au srieux ce signe manifeste de la Providence. Un sentiment daccomplissement divin tait perceptible parmi les dignitaires religieux. Ils convoqurent les chamanes, qui rcitrent alors un mantra trs ancien et trs puissant : BaliBaalii.Tat wan Asi La formule magique, tant attendue, venait dtre prononce. Lhistoire allait changer. Dans les curs des villageois, une impression tait palpable, celle dune prophtie en train de se raliser, de manire providentielle. Un mouvement au sein de leurs communauts se mit en place. Un grand projet tait n, celui dexplorer cette contre inconnue, quils appelrent Bali, du nom du mantra magique. Lanne suivante, lexpdition entrana environ quatre cents disciples dans la direction indique par la lumire. Aprs avoir prpar une vingtaine de solides bateaux, ils traversrent locan pour dbarquer sur la terre promise. Arriv prs des ctes, le rayon se manifesta encore une fois. Il leur montra lintrieur de lle. Un site montagneux, une vingtaine de kilomtres des ctes, proximit dun grand volcan. - Suivons le rayon cleste !

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    Ils marchrent dans la profondeur de territoires habits par les singes, continuant leur route jusquau volcan dsign. Sur place, admirant les lieux, ils firent une pause, mettant en place une stratgie. Le vrai travail pouvait commencer. Ils dfrichrent pendant des mois durant, non sans peine, lpaisse fort au pied du volcan, abattant de grands arbres centenaires. Au bout de quelques semaines, les pionniers, curieux, remontrent une abondante rivire la couleur meraude. Les travailleurs eurent la bonne ide de sy baigner. Ils dcouvrirent que cette rivire avait des pouvoirs de gurison car toutes leurs blessures et leurs plaies furent guries instantanment. Les muscles de leurs membres se relchrent, comme par miracle. - Cette eau provient dune source magique, cest certain. pensaient-ils juste titre. Ils sy rafrachirent en sclaboussant comme des enfants, prenant cette eau magique dans le creux de leurs mains, sen servant parfois de miroir. Les explorateurs la burent pleines gorges. Les plus tmraires grimpaient du haut des rochers surplombant la rivire, pour y plonger joyeusement. Ils nageaient tous dans des tourbillons de bonheur, profitant du bon temps, respirant les odeurs de la jungle.

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    - , Bali, jardin de lEden! chantrent-ils en se tapant dans les mains, dans un enthousiasme enfantin. Un scribe avait prit position sur un des rochers, face la cascade, observant calmement le droulement des choses. Son travail tait dannoter dans de prcieux carnets, lensemble des caractristiques de cette nouvelle Terre promise, afin de prparer un rapport pour le Conseil Majapahit. Ainsi il nomma cette rivire wos, du sanscrit wosada qui signifiait sant. Avec le temps, le terme volua, et il devint ubad ou ubud, soit le remde. Ils dcouvrirent ensuite que les sols taient trs fertiles, les fruits poussaient merveilleusement. Des mangues, des durians, des ananas et des kiwis linfini, taient porte de bras. - Jamais nous navions vu des durians si gros ! racontaient ceux qui revenaient de la cueillette. Ce fruit ressemblait une grosse sphre hrisse de piquants. Son got tait aussi puissant que son odeur tait forte, sa passion aussi tenace que la rpulsion pouvait tre grande. Ils en mangrent comme des affams, se rendre malade, tellement ce fruit leur sembla divin. Le soir ils faisaient des barbecues de cochons sauvages, dansant autours des braises, imitant les inoubliables danses du temple. Puis le chef sonna la fin de la rcration. Ils devaient rentrer.

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    De retour dans leur terre dorigine, les pionniers restrent sous le charme de Bali. Ils rendirent leurs rapports et leur conclusion aux anciens. - Cette le est un vrai paradis terrestre ! - Etes-vous bien certain de cela ? Le peuple fut surprit de cette nouvelle. - Le sol est plus fertile que comme nulle part ailleurs, et leau est magique... - Nous couterons les Signes sacrs conclurent les sages du royaume. Cinq longues annes passrent. Un jour ils dcidrent une grande entreprise, celle de partir coloniser Bali. Il fallait organiser un convoi charg de cette mission. Les sages prenaient lengagement dy construire un imposant complexe architectural de temples, selon leur science millnaire. - Nous lappellerons Besakih, il sera notre futur temple mre, celui de nos grandes crmonies. annoncrent-ils la tribune, dans une euphorie gnrale. - Nous cacherons aussi un trsor l-bas, avant quil ne soit trop tard. Il pourrait nous servir dans le futur, nous devons rpartir habilement nos richesses, au cas o. A leur plus grand tonnement, le curieux conseiller qui discrdita auparavant la prophtie se proposa de les accompagner dans leur priple.

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    Une premire expdition, lourde dhommes, dingnieurs et galement de matriel, repartit donc Bali sur le lieu prcis du rayon. Ils prirent galement le coffre remplit dor et de pierres prcieuses, sur lequel tait grav un symbole atlante. Ils avaient achemins de leau potable en quantit suffisante, dans de grandes rserves. Les Majapahit se posrent dans les clairires de la fort quils avaient dfriche et crrent un campement rudimentaire. Ils cachrent le trsor dans une grotte, puis ils finirent la coupe du bois exotique, durant environ six mois, le stockant mthodiquement, la priphrie du chantier. Labeur et sueur rsumait un quotidien prouvant. -Il faut beaucoup boire, sinon vous ne tiendrez pas, dit ltrange conseiller. Il avait avec lui une petite gourde dans laquelle il avait fabriqu un poison mortel. Une nuit, il la renversa dans la rserve deau et se volatilisa dans lobscurit. Comme prvu, son complot contre lexpdition se ralisa. Rapidement, la transpiration des aventuriers fut de plus en plus intense et la temprature de leurs corps augmenta. Comme si de rien ntait, ils continurent le chantier, sans sen soucier vritablement. - Wayan, je me sens anormalement fatigu depuis plusieurs joursdit lun deux son responsable. - Moi aussi, mon cur palpite ds que je force un peuajouta un autre.

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    De vrais symptmes apparurent. Alors ils durent se rendre lvidence. La rivire elle seule ne put gurir ceux qui furent touchs. Les choses devinrent de plus en plus tranges et linquitude se rpandit dans les esprits. De manire prvisible, plus de cinq mille travailleurs et ingnieurs furent infects par cette trange maladie, qui les stoppa dans leur lan. Nombres dentre eux dcimrent sur place. Un incroyable retournement du sort. Profitant de cette priode de troubles, lempoisonneur fit un deuxime coup. Il alla rcuprer le trsor et le dplaa dans un autre endroit, que lui seul connaissait. Le coffre avait chang dendroit. Les Majapahit rentrrent prcipitamment dans leurs terres natales, affaiblis moralement et physiquement. Ceux qui avaient travaill pour le noble projet furent mis en quarantaine, gmissant dans leurs foyers. Laventure balinaise se solda finalement par un dsastre absolu. Ctait lincomprhension gnrale la cit. - Nous ne comprenons pas cette injustice! se lamentrent-ils, voyant souffrir la mort et steindre leurs proches. - Nos fils ont t sacrifis dans cette mission !

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    -Cest quelle ntait pas si divine que a ! insinua le conseiller. Ainsi, les sages durent pour un temps reporter les expditions Bali. Des crmonies et des chants, accompagns de sacrifices, furent dcids pour apaiser les dieux. Mais une maldiction semblait planer sur lopration. Le chef de lexpdition vint voir le chef du temple pour lui dtailler lemplacement du trsor. - Nous avons cach le coffre, voil la carte. - Cest une bonne chose de faite, flicitations. Dix annes passrent. Pour autant, les Majapahit nabandonnrent pas le projet dict par les dieux, qui testaient leur motivation et leur courage. Cela faisait partie du plan divin, ils devaient tre la hauteur de leurs anctres atlantes. - Bali est notre avenir, frres, nous devons persvrer ! expliqurent-ils un peuple qui commenait douter de la lgitimit de cette mission. Le projet avait dj cot la vie de nombreux jeunes et ils redoutaient de mettre en pril la nouvelle gnration. Laventure cota aussi une petite fortune aux ressources de leur royaume.

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    Et pour couronner le tout, lendroit choisit par le rayon se situait lintrieur des terres, dans un lieu trs difficile daccs, une altitude de mille cinq cent mtres, situ au pied du volcan Agung. Impossible donc de faire plus compliquer. - Pourquoi le rayon indique ce lieu si difficile daccs ! se lamenta la plupart des citoyens. Mais les sages savaient que Bali tait le futur du royaume et Besakih, son centre de gravit cosmique. Dans leur archipel dorigine, les conflits faisaient rage. Il tait temps de penser partir car leur scurit tait menace. A lorigine, le territoire qui tait directement contrl par les Majapahit s'tendait jusqu' l'ancienne terre de la dynastie des Sanjaya. Celle qui avait construit le temple de Prambanan dans le centre de lle de Java, l o tait tombe jadis une norme mtorite. Mais des querelles de succession avaient entran leur dclin. Leur territoire passa progressivement sous le contrle de leurs anciens vassaux, les princes de Kediri. Pour compliquer encore la situation, dautres princes venus dOrient prirent possession de larges terres dans le nord-ouest de larchipel. Le dtroit de Malacca devint un carrefour maritime majeur pour le commerce, notamment avec le dclin de la route de la soie L'archipel sintgra donc un vaste rseau commercial domin par ces marchands.

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    Les princes des principaux ports se convertirent progressivement leur politique. Trs dtermins dans leur volont hgmonique, ces nouveaux conqurants avaient pris le contrle des voies maritimes, et finalement, lensemble du commerce. Puis leurs troupes conquirent leur tour les Kediri. Ce fut un succs gnral, car sur le grand archipel, la plupart des autres cultures obtemprrent. Sauf une, qui demeura insoumise. - Ils veulent imposer leurs murs et leur nouvelle philosophie toutes les tribus ! se lamentaient les peuples Majapahit. - Ils vont arriver leurs fins, nous devons fuir ! - Ces guerriers vont nous voler nos richesses ! Au fur et mesure, lasss et affaiblis par les guerres tribales, les Majapahit conclurent que rapidement, ils devaient quitter dfinitivement leurs terres dorigine. Pour une Terre promise, par les dieux.

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    4 Ultime expdition Profitant dune courte priode de paix, ils repartirent lassaut de cette le qui se faisait tant dsirer. Avec un projet encore plus grand, avec des moyens gigantesques, ils parvinrent finalement leurs fins. Emmenant avec eux toute leur brillante culture, ils migrrent vers la terre promise, lle de Bali. Les meilleurs artisans, les ingnieurs, les prtres et les artistes vinrent sur le site pour participer de grandioses constructions. Trois sicles passrent. Il ncessita environ douze gnrations de colons pour terminer le complexe de temples Besakih. Ctait le fruit dun rel exploit logistique et architectural, avec des moyens relativement limits, dun point de vue technique. Le rsultat fut la hauteur de leur gnie. En tout, trente temples spars sur sept terrasses diffrentes, avec de grands escaliers de roches de lave noires, qui montaient en traversant des portes deux montants spars. Ainsi, ils pouvaient accder au divin, envelopps dans des sarongs satins, pars d'offrandes fates de fleurs. Autour des trois principaux temples ddis la Trinit cosmique de Shiva, Brahma et Vishnu, dix-huit sanctuaires spars furent galement construits.

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    Besakih illustra leur victoire sur les lments de la nature. Un fabuleux projet, qui transcenda tout ce valeureux peuple, dsormais appels les balinais. Des ftes mmorables sy droulrent sans fin. - Balinais, ce nest pas termin. Sur chaque point dnergie, il nous faudra construire dautres temples, six en extrmit, sur les falaises ctires de lle. Des temples semi-aquatiques, comme le bal kambang Klungkung, faits de multiples pavillons flottants, accessibles uniquement par des passerelles entoures de jardins, de lotus et de nnuphars. Dautres sur des rochers en front docan, comme le pura de Tanah Lot, un temple marin entour de six autres difices religieux. Ou encore le pura dUluwatu, un temple construit au sommet d'une falaise, tel un sanctuaire perch face la mer, au-dessus de ses rouleaux lgendaires. Toutes ces constructions dmontrrent le gnie hors pair de ce peuple de btisseurs. Les points dnergie de Bali taient bien utiliss. Lle avait t soigneusement dessine par les dieux comme une porte des toiles, avec un magntisme puissant qui se nourrissait de ses propres nergies telluriques. Bali avait sept points cardinaux reprsentant ses sept centres principaux, quivalent aux sept chakras. A leur exact emplacement, le peuple balinais construisit ses magnifiques temples.

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    5 Une culture ternelle Ctait donc au pied du majestueux volcan Agung, que ce jeune peuple balinais, allait pouvoir faire quotidiennement ses offrandes, dans de joyeuses crmonies cosmiques. Ils devaient perptuer et transmettre la doctrine secrte qui leur avait t lgue par les anciens. Pour le Salut de lhumanit. Respecter scrupuleusement le calendrier des lunes, afin de planifier les rites et les crmonies dans le temps, tait primordiale. Aucune modification ne fut autorise, dans quelque domaine que ce soit, architecture, vie sociale, et surtout vie religieuse. Linnovation thologique tait formellement interdite, les chefs spirituels tant trs conservateurs. Leur savoir demeurait si prcieux quil ne pouvait le diluer ni le mlanger avec dautres pratiques ou systmes de penses. Ils avaient inlassablement contrls, vrifis et mis lpreuve, dans chacun des dpartements de la nature, les traditions du pass, aux moyens des visions indpendantes des grands adeptes. Quelques-uns dentre eux, dont les lampes brillaient dune manire plus intenses, avaient t conduits par les esprits purs de cause en cause, jusqu la source mme de la nature.

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    Ils avaient retrouv quun principe primordial devait tre. Ce principe tait le don de soi-mme aux dieux, vivant en harmonie avec une nature divine. Ainsi, les balinais se sentaient investis dune mission divine. Activer lnergie cosmique, fruit dun amour inconditionnel la nature, par les offrandes de chacun, pour tous, faites aux dieux. Dintenses nergies magntiques circulaient via les lignes telluriques de lle et ils devaient en profiter tous. Ensuite, ce fut dans larchitecture des temples sacrs, les pura, quils brillaient le plus dans le respect des anciennes traditions. Dans le village, le temple civil, ou pura desa, se devait dtre un temple indpendant du pura puseh ou le temple des origines. Ses portes, les kori agung, souvraient toujours sur l'ouest et contenaient trois cours. Dans la premire cour, se trouvait le bal wantilan, immense pavillon ouvert o se runissaient les villageois lors des ftes, pour les combats de coq par exemple. Dans la deuxime cour, l'angle sud-ouest se trouvait le bal kulkul. Ct sud, le bal gong, ct nord-est, vers le centre de la cour, se trouvait le bal Agung, le lieu de runion du conseil des anciens. Ctaient lendroit que les esprits ancestraux choisissaient pour rendre visite leurs descendants.

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    Ct nord, de l'ouest vers l'est, il y avait le Pelinggih Bhatari Sri, rsidence de la desse de la prosprit et de l'agriculture, o les balinais entreposaient de temps autre les rcoltes de riz du village. Puis se formait la cour du Mayasih, ddie la desse des accomplissements et des dcisions ainsi qu' Dewi Melanting, desse de la compassion et de la misricorde, des graines, des jardins et des marchs. Le trne, ou pepatih, regardait vers l'ouest pour accueillir le fondateur originel et premier ministre du village ; et le padmasana situ la place la plus importante, angle nord-est, tait le sige de Surya. A Bali, larchitecture des temples tait vritablement occulte, et chaque emplacement avait un sens bien prcis. Le royaume resplendissait grandement de ses nouvelles lumires. Les soirs de pleines lunes, les orchestres des gamelans accompagnaient des chants aux musiques envotantes, berant tout un peuple linnocence originelle. De multiples xylophones gants, en bronze et en bambou, les gangsas, les caressaient de leur douceur sonore. Chaque semaine, les familles balinaises se prparaient clbrer leurs dieux protecteurs. Certains dentre eux portaient des masques de divinits, taills tous dans le mme arbre, le punyan pule, ce bois aux vertus ancestrales.

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    Lors des processions, les hommes portaient tous le mme costume, compos de deux sarongs, la couleur blanche et jaune. Ils shabillaient dune veste blanche et plaaient un turban sur leurs ttes, dont chaque ct reprsentait le bien et le mal. Le soir, ils admiraient les danses du kecak, une mlope chante, au rythme hypnotique. Cinquante balinais, aux torses nus taient assis par terre dans un cercle, en formaient le chur, scandant en acclr, "tjak a tjak", crant des sons de transe. Cette danse mystrieuse tait la plus dramatique des danses balinaises, sa vraie fonction tait le pouvoir de communiquer avec les dieux et les anctres, afin de leur transmettre les souhaits du peuple. Plus tard dans la nuit, venait la danse du feu. Les danseurs sautaient travers des boules de flammes et devaient teindre ensuite ce feu avec leurs pieds nus. Lambiance tait trange, remplissant latmosphre dnergie mystique, chassant les dmons de lle. Les danses rejang, des danses collectives et exclusivement fminines, faites de gestuelle simple, merveillaient les villageois, notamment ceux en qute dune future pouse pour sunir. A larrire, quelques mtres seulement, il y avait une jungle toujours proche, la vgtation paisse et luxuriante.

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    Des singes, parfois solitaires, des mles virils et des femelles soucieuses, semblaient participer eux aussi ces grandes crmonies. Attirs instinctivement par les odeurs libres, les singes taient finalement jaloux des balinais, ces derniers stant incarns leur place, sur leur territoire. Ils sestimaient secrtement plus lgitimes pour honorer les esprits de la fort et pour habiter les temples de la jungle. Lesprit dHanuman, la divinit violente la tte de singe, les animait de jalousie. Mais les balinais les respectaient, les vnrant comme des animaux sacrs. Les ftes Bali taient trs colores. De somptueuses tenues authentiques, inchanges depuis des sicles, dans des couleurs satines, de rouges, de jaunes et de blancs immacules, refltaient la grandeur et la chaleur de ce royaume. Le peuple balinais sexprimait naturellement sous la bienveillance du ciel. Des tissus traditionnels en damier de carreaux noir et blanc, des poleng, habillaient leurs corps transpirants de sueur et leurs visages luisaient, portant firement lhistoire de leur royaume lgendaire. Il y avait Bali, plus que nulle part ailleurs, une plnitude artistique ingale, intacte et conserve prcieusement au fil des temps. Dans la cour du palais royal dUbud, de jeunes balinaises spcialement maquilles pour loccasion sadonnaient aux danses legong.

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    Leurs corps sveltes et taills, dans de lents mouvements rptitifs, sans commencement ni fin, craient dinnombrables offrandes cosmiques pour les dieux. Ces danses reliaient ainsi des humains exils dans leur chair, aux puissantes forces invisibles du Bien. Chaque geste avait son propre rythme. Tous taient minutieusement excuts, grce des techniques rptes lentranement, depuis leur plus jeune ge. Les danseuses racontaient des rcits historiques et mythologiques ou encore des scnes religieuses, inspires du Ramayana, le livre sacr hindouiste. A lextrieur du palais, des divertissements nocturnes opposaient Barong, le lion mythique et lumineux, Rangda, la sorcire tnbreuse, celle qui dispensait les maladies et la mort, faisant rire les enfants. Toutes ces ftes permettaient en dfinitif lunion sacre avec ltre suprme, Sanghyang Widi, en lui abandonnant totalement son me individuelle ; Un parfum dternit flottait sur ce paradis retrouv, latmosphre mystique. Ils jouissaient du moment prsent, sans vraiment se soucier du lendemain. Bali tait le joyau dune humanit, baignant dans une insouciante scurit.

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    6 Le banjar, sacre communaut Chacun des sept temples suprieurs de Bali, en accord avec la puissante caste des brahmanes, avait choisi un des leurs. Un guerrier pour reprsenter leur banjar, la communaut des villageois. Ces guerriers taient au nombre de sept, comme autant des sept chakras de Bali. Ils vivaient normalement sur lle, assistant aux rjouissances comme tout chacun. Ils se dplaaient rgulirement, souvent en quipe, de villages en villages, de royaumes en royaumes, pour recueillir les dolances suprmes des balinais. Reconnaissables parmi la foule, grce leur robe beige et leur ceinture en peau, ils portaient une bandoulire en cuir de taureau, sur laquelle tait fix un long sabre incrust de plusieurs pierres prcieuses. Dambulant au milieu de tous, ils faisaient la fiert du peuple, qui les honorait comme des dieux vivants. Il y avait Jimbaran, au sud de lle, un march populaire de poissons o pcheurs et commerants rivalisaient de fracheur pour des clients combien connaisseurs.

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    Ils venaient frquemment au petit matin, sentir et toucher le meilleur poisson de lle, pour ensuite le prparer dans les warung familiaux, de petites choppes la restauration rapide et naturelle. Une matine, latmosphre tait bonne enfant, comme laccoutume. Cest alors quau milieu du march, un yogi arriva par surprise, vtu trs simplement. De lourds chapelets ornaient un torse tatou de mantras crits en sanscrit, dcors de mandalas sacrs. Les balinais reculrent. Les bruits du march diminurent. Prenant une coupe deau pose sur un bar, il sembla vouloir sadresser au public tout entier. Mais le yogi montra du doigt lun dentre eux, en insistant, comme pour lui adresser un message en particulier. Il visa Indra de Klungkung, un des sept guerriers. Indra comprit, attendant le message de ce yogi. Alors ltranger se mit chanter un extrait de la Bhgavad Gta. - Allons! Je vais maintenant vous exposer mes divines manifestations, en m'en tenant l'essentiel, meilleur des kuru, car mon expansion est illimite. Des cratures je suis le commencement, la fin, et le milieu. Je suis la mort qui emporte tout, la source des choses venir. Je suis le sceptre de ceux qui matrisent les peuples, l'art politique des conqurants, le silence des secrets, la connaissance des tudiants.

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    Et quelle que soit la forme de tout tre, je le suis. Il n'est pas d'tre, mobile ou immobile, qui existe en dehors de moi. Je suis le but, le soutien, le seigneur, le tmoin, la demeure, le refuge, l'ami, l'origine, la dissolution, la permanence, le rceptacle, le germe, l'immuable. C'est moi qui rchauffe, retient, ou laisse aller la pluie ; Je suis l'immortalit et la mort. C'est moi qui suis l'tre et le non-tre. Jugement, connaissance, savoir exempt d'engagement, patience, vrit, matrise de soi, plaisir et douleur, existence et non-existence, crainte et scurit, non-nuisance, contentement, austrit, libralit, honneur et dshonneur, toutes ces manires d'tre, dans leur diversit comme dans leur singularit, viennent de moi. Quand on connat rellement cette procession et ce pouvoir yogique qui sont miens, on est unifi par un yoga inbranlable; sur ce point il n'y a pas de doute. Tous les balinais furent perplexes lcoute de son envole lyrique. Ils lapplaudirent en lacclamant. Essouffl par son discours, le yogi alla sassoir sur le tabouret dun brave commerant. Indra vint sa rencontre, lui donnant boire. Le yogi but schement puis reposa la coupe sur la table. - Ton discours tait dune grande sagesse.

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    Do viens-tu, yogi ? - Cela na pas dimportance... rpondit-il vaguement. A prsent, les sept guerriers entouraient amicalement ce si trange yogi. - Veux-tu partager avec nous un humble repas ? - Je ne mange plus depuis que je sais - Que veux-tu dire ? demandrent-ils, troubls par cette rponse. Le yogi se leva brusquement, disparaissant dans la foule vibrante du march. Les guerriers furent tonns par son comportement. Une bien curieuse raction. - Mes frres, ny pensons plus, allons plutt nous rgaler de ces poissons ! sexclama lun deux. Ils se dirigrent alors vers un bistrot rput, o une dizaine de cuisiniers saffairaient dans une paisse fume, autour de grands barbecues. Ils prparaient aux feux de bois les recettes dont ils avaient le secret, du poisson fris aux herbes du volcan, des doux cochons de lait rtit, les babi guglin, et du bebek tutuk, succulent canard au miel. Les guerriers sassirent sur les bancs et se servirent un verre de la liqueur local, larak madu, un fort alcool de sucre de canne, trinquant la protection des dieux. Ils tremprent des morceaux de crevettes fris, des kropok, dans un bol la sauce pice et bien piquante, quils appelaient la sambal.

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    - Il parait que cette boisson en a fait trpasser trois la semaine dernire ! plaisanta un guerrier. Les autres rirent pleine joie, terminant ce fort breuvage. - Ils ont d en abuser. sexclama Indra. - Quil en soit ainsi ! dit lun deux, aprs avoir pos virilement son verre sur le comptoir. Ce peuple ternel et immortel, ne craignait pas dtre rappel par la mort, aussi subite quelle pouvait tre. La mort, pour les balinais, tait juste une simple syncope dune grande partition cosmique. Elle permettait de librer lessence immortelle, lAtman, perptuant inlassablement le cycle cosmique des rincarnations, jusqu lmancipation absolue de tout dsir, ultime dlivrance couronne par lunion avec Sanghyang Widi. Ainsi ils savaient par leur doctrine que tout tait temporaire, depuis la vie phmre de la luciole, jusqu celle du soleil.

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    7 Combat de coqs Le lendemain, les guerriers partirent pour Sanur, le village voisin, fameux pour ses tissages doubles liens, appels les gringsing. Plus questhtiques, leurs fonctions premires taient de se protger des forces de la magie noire, quils craignaient par-dessus tout. La prsence des guerriers ne passa pas inaperue et une grande agitation se fit sentir parmi les villageois. De bouche oreille, la nouvelle se transmit la vitesse de lclair. Les balinais avaient en effet la discussion sociale facile et sadonnaient quotidiennement dinterminables bavardages, pouvant reprsenter un quart de leur temps libre. Ils partageaient ensemble, ce quils avaient en tte, et ce dont quoi ils rvaient, pour leur famille ou pour leur le, quils aimaient tant. Pour des raisons de circulation des nergies positives, tous les coins des rues et toutes les intersections de routes, ils disposaient de petites offrandes, des canang sari, composes de fleurs, de riz, dpices et dencens, le tout soigneusement dpos dans une feuille de bananier plie en carr. Les balinais les dposaient aussi devant leur maison ou leurs commerces, cela deux fois par jour.

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    Les rues de Bali taient aussi entirement dcores de penjor dresss devant chaque maison, de longues offrandes en bambou dune hauteur denviron trois mtres, dont la forme rappelait la queue de Barong. A leur extrmit, pendait un tissage color, reprsentant les forces du Bien. Le dcor tait soign. Les guerriers avancrent dans les rues du village et traversrent des pasars, de grands marchs aux fleurs et aux fruits. Ils croqurent quelques mangues au passage. Les guerriers continurent et marqurent le pas chez un marchand o ils virent les tissages recherchs, le tout dans un dsordre, organis tant bien que mal. - A combien pourrais-tu me vendre ce gilet ? demanda lun deux au marchand. - La protection contre la magie noire na pas de prix ! rpondit du tac au tac le commerant habile. - Je le sais, mais elle a un cot. Je toffre en change cette pice dargent. - Donnes men deux, et ce gilet est toi ! ngocia le balinais. - Allez, tu es bien dur en affaire ! Il lui donna donc deux pices, puis saisit le nouveau gilet, lenfilant aussitt. Ses amis vrifirent sa confection, confirmant les bonnes qualits de ce nouveau vtement.

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    Il y avait une trs ancienne coutume laquelle les balinais consacrait beaucoup de leur temps et une bonne partie de leur argent. Ctaient les combats de coqs, les historiques sabungan. Devant leur maison, de nombreux villageois cajolaient passionnment des coqs, parfois durant toute la matine. Ils restaient assis les admirer, les caresser et les nourrir, se comparant jalousement leurs protgs. - Regardez l-bas, il y a un rassemblement. Ils virent une cinquantaine de balinais runis, et marchrent en leur direction. - Cest encore un combat de coq ! dit un guerrier. Autour et dans une arne dessine, dans la chaleur, la poussire et l'odeur du sang, au milieu des cris et des gesticulations, se jouait un froce combat. Ces jeux ntaient pas une simple pratique ludique, mais une sorte de jeu d'enfer, mettant en cause les tensions inhrentes leur socit de castes. Ils palpitaient tous devant ces luttes bestiales. Cette pratique caractrisait un ancestral besoin de saffronter travers ces coqs, car ces hommes s'identifiaient profondment eux. Elle donnait un aspect plus sauvage Bali, loin du raffinement des crmonies et des danses. Une de leur seule activit publique strictement masculine, o la femme n'avait pas sa place. Mais les apparences pouvaient s'avrer trompeuses.

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    Mticuleusement ritualiss, ces jeux constituaient en dfinitif un triomphe de leur civilisation, faits de codes dhonneur et de rglements pointus, sous la direction dun juge, le saja kommong. Vritable pivot de la vie locale, ce gardien des rgles avait hrit des lois de ce jeu, de gnrations en gnrations. On ne badinait pas avec les coqs, et des paris taient organiss constamment. Souvent entour de litiges, ils se devaient dtre trs rglements. Ainsi, le combat sorganisa. - Maintenant, attachons les perons ! dit lun des propritaires, dcidemment trs impatient den dcoudre. Les perons, appels des tadji, taient de fines lames tranchantes, aiguiss les nuits de pleine lune, ou encore aux moments des clipses. Ils devaient tre drobs aux regards des femmes, pour des raisons de superstition. Ces armes furent donc accroches aux pattes des belles volailles, sen servant sans le savoir comme des armes. Cela faisait de ces coqs, de parfaits gladiateurs grce galement leur rapide coup de bec. - Mettons-les face face ! sexclama la foule. Elle observait les joueurs manipuls les coqs, qui paradaient dignement. Un coq blanc de plumes rouges affrontait un autre noir, tachet de petites pointes de marron.

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    Ils sexhibaient comme de vrais hros, combattants mort. Les deux coqs tant dsormais arms, les organisateurs les mirent au milieu de l'arne. Comme le voulait la tradition, ils placrent une noix de coco perce d'un trou dans un sceau d'eau. Son liquide coula environ une vingtaine de secondes, un coup de gong marquait le dbut et la fin. Il marquait galement une priode o les manipulateurs n'avaient pas le droit de toucher aux coqs. Puis les coqs se regardrent. Mais ils ne sattaqurent pas. - Il faut se battre ! Allez ! les encouragrent-ils. Comme le voulait le rglement, les animaux furent repris en main, ne stant pas affronts au cours de la priode du gong. Alors les propritaires agitrent vigoureusement leurs volailles. Ils leur firent gonfler les plumes et leur tirrent les ailes. Puis ils les remirent de nouveau au milieu de l'arne. Le jeu commena alors. Il allait tre sanglant. - Vas-y mon grand ! Pas de piti ! criait une foule presse et hystrique. La clameur prit alors une ampleur presque frntique. Les coqs engagrent la bataille en se volant dessus dans une furie bestiale, qui dura moins dune dizaine de secondes. De la poussire et des plumes flottaient sur larne. Puis le coq blanc recula.

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    Les balinais distingurent des tches de sang, le coq bless par lperon saignait. Il montra de grandes difficults marcher, se repliant finalement sur lui-mme. Lperon lavait visiblement touch labdomen. Mais le coq noir voulut poursuivre le combat et lachever. Dans une cruelle apothose, il sapprocha de son rival et lui administra un coup de bec final. - Pan ! Le bruit sec dun crne fendu se fit entendre. - Cest fini, mon coq a gagn ! dit lheureux propritaire, dans une immense jouissance. Ses amis le congratulrent avec allgresse. Le juge dcida de lissu du combat en levant la main, indiquant le ct du vainqueur. Les spectateurs applaudirent et donnrent chacun leurs commentaires sur cette partie sanglante. Le combat de coqs n'avait pas pour fonction d'apaiser ou d'attiser les tensions sociales, mais permettait simplement de les afficher la vue de tous. Le combat dans l'arne ne traduisait pas la manire dont les choses se passaient entre les hommes, mais plus certainement la manire dont elles se passaient en imagination. Il parlait de relations sociales entre diffrents rangs sociaux. A Bali, la violence tait absente de la vie quotidienne. Cependant, ctait un des seuls moments ou l'alus balinais, leur traditionnel ct timide et rserv, disparaissait totalement.

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    8 Les kriss royaux A la fin du combat, les guerriers dpassrent larne poussireuse. En marchant, ils remarqurent quune importante crmation se prparait dans le village. Deux grands chars faits de bambous taient ports par une trentaine dhommes. Sur l'un deux, un tigre norme dapparat dominait la prsentation des offrandes. Sur l'autre, loiseau mythique Garuda, symbolisait le monde des humains. Par le nombre et la qualit des offrandes, les guerriers purent deviner que le dfunt tait un homme trs respect. La grandeur de la crmation tait bien entendu proportionnelle la renomme et la fortune de la famille. De nombreuses fleurs, des brochettes de sat, du buf, et de multiples fruits, taient disposes sur le bas des chars. Les hommes soulevrent ces structures et les firent tourner trs vite, pour ainsi garer les mauvais esprits qui pourraient se trouver proximit. Puis ils partirent en procession jusqu'au lieu dsign pour la crmation. - Ctait Ketut Saputra, du banjar de Sanur, lui dit une balinaise attriste. - Paix son me. sen navra Indra.

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    Le corps du dfunt tait plac dans la tour mortuaire, appel le bad. Cette tour symbolisait le mont Merupakan, o lunivers et sa base reprsentait le monde infrieur. Les amis assistrent une partie de la crmation. Lheure suivante, ils marchrent de nouveau tranquillement dans les rues, et des villageois les reconnurent facilement. Le chef du village en fut inform. - Cette venue est de trs bon augure ! Il linterprta comme un excellent prsage, annonant de meilleures pluies pour les rcoltes, une vigoureuse sant pour les plus anciens ou encore une bienveillance divine pour les femmes enceintes. Nombreuses taient les superstitions enracines dans leur inconscient collectif. Le chef du banjar dcida spcialement la fabrication de kriss royaux, de fabuleux poignards la puissance lgendaire, pour ces htes de qualit. Ils taient le fruit dun lent travail dorfvre dartisans rputs, appels les pand keris, la caste des forgerons, qui se transmettait jalousement le savoir, de pre en fils, et aussi le mystre de la divine mtorite. Anciens prtres du feu, ils vouaient un culte au volcan Batur, considr comme le volcan dtenant les plus grands pouvoirs pour la forge des kriss.

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    Ces armes, avec leur lame sacre, tait larme ultime des dieux partant affronter les forces du mal. Elles se devaient forcment davoir les qualits requises. Compose dun mlange dacier tremp et dune rare substance de mtorite, la matire ainsi cre tait dune rsistance irrsistible. La roche de mtorites tait garde comme un trsor dans les coffres du palais, et un seul gramme suffisait la production dun poignard. - Gardiens du temple, ouvrez-le coffre ! Il fut exceptionnellement ouvert pour loccasion. Les artisans vinrent rcuprer le gral galactique, issu dun astrode jadis tomb aux pieds du temple de Prambanan. Ce don cleste, tel un cadeau miraculeux, faisait lhonneur et la fiert des balinais. Ainsi, aprs une sage vrification astrale sur le calendrier wuku, la date lunaire sembla favorable et la purification pralable fut dcide. Des rituels furent organiss par la communaut. Les artisans choisis durent jens srieusement et mdits longuement, afin de crer des penses pures, ncessaires la bonne participation des nergies positives. Des danses et des chants se droulrent toute la journe devant lentre de la maison de la forge et chaque tape de la fabrication tait accompagne par la rcitation de mantra.

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    Le travail des pand keris avanait avec dextrit. Les lames furent habilement fabriques base de fer, dor et de cuivre, dans une forme ondule, reprsentant un serpent en mouvement. Puis ils nettoyrent ces lames leau pure une premire fois, avant dutiliser du jus de citron, une seconde fois. Avec un fin pinceau, les artisans lustrrent les lames laide dune pierre trs dure, une warangan, et ils y ajoutrent quelques gouttes darsenic. Le nettoyage tant termin, ils talrent lhuile de santal avec une fleur de coton. Pour finir, ils essuyrent les lames avec de la sciure de bambou car lhuile essentielle pure pouvait abmer le manche et le fourreau de bois si elle entrait en contact. Les kriss royaux taient enfin termins. Ils furent dposs sur un autel consacr devant le temple pour y tre prsents firement une foule effervescente, qui se mouvait dans une liesse indescriptible. Les balinais taient dans un tat desprit exalt, des larmes coulrent abondamment et leurs jambes se mirent trembler. Le bras lev, ils se serraient entre eux, formant une masse compacte de corps entrelacs, les spectateurs ressentant une force invisible qui les connectait.

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    Mme les plus anciens participaient cette mare humaine. Il y avait une solidarit unique au sein de leur communaut indivisible. Ils taient l, par centaines, chantant des paroles sacres. - Om Shanti, Om Shanti, Om Shanti Des traits tirs, des visages fatigus retrouvaient leur beaut dorigine, merveills par cette nergie fleur de peau, rappelant quelques dames ges, leur jeunesse heureuse vcue dans la gnrosit. Mme nostalgiques, elles acceptaient dignement leur vieillesse, dans lacceptation de leur karma. Des adolescents regroups par dizaines, ivres de joie, sautaient en lair, faisant tancer la foule. - guerriers de Bali, approchez maintenant ! Ils essayrent de se frayer un passage parmi la foule, qui les touchait de ses mains joyeuses, afin de rcuprer un peu de leur divinit, mais aussi pour les bnir de leurs prires. Ils montrent sur lautel ou les sept glaives les attendaient, poss dlicatement sur un tissu de soie blanc. Suivant un protocole rituel, ils salignrent face au peuple et attendaient la venue du grand prtre spirituel, le pendanda. Alors le chef arriva sur lautel, habill dune paisse robe, de couleur beige. Il saida dune canne en bois pour marcher, sur laquelle on pouvait distinguer, son extrmit, un joyau rouge.

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    Le matre de crmonie tait suivi dune quipe de belles nymphes, des wida dari, au corps lancs, habilles de robes blanches. Elles portaient, tels des anges ails, de grands casques dor illuminant des sourires radieux. Nullement impressionnes, elles apportaient les offrandes dans de volumineux paniers dosier, garnis de ptales de fleurs dbordantes. Puis le chef spirituel prit les kriss et les montra la foule hystrique. - Mes frres, voici les pes royales ! dclara-t-il. Les balinais hurlrent de joie. Ne pouvant les toucher, ils rvrent secrtement dtre aussi un hros, un jour, limage de leurs guerriers. Les nymphes leurs remirent les somptueux poignards, pliant un genou devant des athltes phbes, dignement honors par leur cit. Les kriss furent levs au ciel avec dtermination. Dans une joie exalte, constante et bruyante, la foule se libra de ses intenses motions. - Ils sont merveilleux. Ils sont magnifiques ! Les femmes prirent leurs paniers et des mains douces plongrent lintrieur pour y saisir des ptales odorants. Elles arrosrent avec harmonie les hros dune pluie de fleurs, qui flotta avec lgret, comme par enchantement.

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    Ctait limage rafraichissante dune nature reconnaissante, les initiant son baptme divin. Puis les nymphes chantrent un pome issu des Upanishad, en louanges : - Que notre discours reflte et s'accorde notre esprit, que notre esprit reflte notre discours. l'Unique, irradiant ta propre splendeur, Rvle-toi nous. Que tous deux, discours et esprit, vous nous transmettiez le Vda. Que tout ce que nous avons entendu ne quitte jamais notre esprit. Nous runirons et comblerons la diffrence entre le jour et la nuit, nous prononcerons ce qui est verbalement vridique; nous prononcerons ce qui est mentalement vridique. Puisse Brahman nous protger; Puisse-t-Il protger celui qui parle et enseigne, Puisse-t-Il nous protger; Om ! Shanti ! Shanti ! Om ! Paix ! Paix ! Paix ! La foule sembrassa dans un bonheur lectrique. Les balinais se congratulrent intensment avant de sinviter dans leurs chaumires fter ce grand jour. Les armes avaient t remit leurs protecteurs. Les balinais respectaient la tradition et les grands principes de ses lois. Ils suivaient la voie du dharma. Les dieux pouvaient ainsi savourer cet vnement populaire, dun peuple dont ils avaient pris la responsabilit. Depuis lunivers, le plan divin suivait son cours.

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    9 Le plan des Kala Rauh Mais une partie de lunivers ne participait pas ce plan, loin de l. Observant les balinais rver dans leur sommeil de gloire, les dmons de Bali, les Kala Rauh sagitrent dans lombre. Ils voulurent briser cette lune de miel, au ciel un peu trop toil. Ils ne pouvaient accepter tant de ferveur, tant doffrandes et tant de connaissances sacres utilises pour le Bien. Ils avaient peur que les autres peuples du monde comprennent leur tour le mantra de Bali, quils copient le calendrier lunaire et reproduisent eux-aussi soigneusement leurs rites et leurs crmonies. Ils avaient peur que les mystres se dvoilent, peur que les secrets soient rvls. Quils puissent transmettre la doctrine secrte qui leur avait t lgue par les tres suprieurs et quils propagent les vrits ternelles. Il fallait rapidement, dune manire ou dune autre, teindre cette lumire qui illuminait le monde sacr, dun feu qui brlait de transcendance dans le cur des balinais. Dun feu qui ranimait la flamme cleste, dun feu qui finalement, rapprochait les hommes et les dieux. Alors les Kala Rauh dcidrent dentrer dans une guerre globale de lnergie, lchelle de la plante.

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    Ils voulurent semparer de la Tirta Amerta, leau sacre, cet lixir d'immortalit, pour les priver de ses vertus purificatrices, et surtout pour asscher leurs rizires donatrices. Dtruire en toute connaissances de causes une nature quilibre, couper les arbres des forts et rendre malade une population affole. Le symbole sacr de la Swastika devra tre invers afin de donner le pouvoir et le rgne Kali. Capter lnergie cosmique de Bali, pour finalement la retourner contre les balinais, telle tait la finalit et la nature de leur plan malfique. Ils navaient pas de piti dans leur volont de destruction, ni de limites dans leurs intentions. Bali tait vis, mais pas seulement. Les dmons dcidrent danantir toutes les forces de la lumire prsentes sur la plante, afin dviter lactivation de ses principaux centres dnergie. Le mantra de Bali devait steindre au plus vite, soublier jamais en disparaissant dans le nant. Ils mirent donc excution leur plan diabolique pour renverser lquilibre parfait du cosmos, leur sombre avantage.

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    10 Le mandat de Maya Les Kala pensaient que le monde se divisait en trois catgories : un petit nombre qui faisait se produire les vnements, eux en loccurrence. Un groupe un peu plus important qui veillait leur excution et les regardait saccomplir, les dnomms Bergawa, et enfin une vaste majorit qui ne savait jamais ce qui sest produit en ralit, c'est--dire, les balinais dans leur ensemble Pour ce faire, les Forces du mal avait besoin de mandater un reprsentant terrestre, suffisamment rceptif, charg de cette obscure mission. Elles neurent que peu de mal le trouver. Il y avait sur le bord du lac Batur, au pied dun volcan tnbreux, un balinais dnomm Maya Danaya. Il tait le fils unique dune famille trs riche, qui possdait un trsor cach, dor et de pierres prcieuses. Elle lavait dcouvert dans une fort aux alentours de Bedugul, lintrieur dun coffre grav dun symbolisme cosmique, issu des atlantes. La rumeur disait aussi que ctait sur les informations dune ancienne secte, les Bergawa, que le lieu avait pu tre identifi, dans le secret. Les villageois racontaient quavec cette fortune, la famille stait offerte dinnombrables terres agricoles, au fil du temps et dans lanonymat le plus absolu.

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    Cela pour ne pas veiller les soupons sur lorigine des incroyables fonds, car la discrtion tait de mise dans ce genre doprations. Maya avait ensuite hrit de lensemble de ce patrimoine. Dune nature excentrique, il voyait le monde tourner autour de son nombril. Il avait lhabitude de porter une sorte de casque, reprsentant des flammes et son torse tait orn de multiples bijoux antiques. Depuis lenfance, il tait passionn par llevage de chevaux de race, quil choisissait toujours de couleurs noires, leur faisant tatouer un serpent, comme emblme occulte. Maya en dtenait ainsi une bonne vingtaine. Cependant, toujours insatisfait de possder, il semblait malheureux dans cette vie cupide. Comme le voulait la tradition balinaise, les citoyens taient tous soumis une dme obligatoire, sous forme dun impt solidaire que les autorits fiscales prlevaient sur chacun des foyers de lle. Cette part slevait hauteur de trente pour cent de leurs revenus et dix pour cent de leur capital, pour que le banjar local, lautorit de la communaut, puisse financer ses nombreuses crmonies religieuses. La collecte servait aussi crer un fond susceptible daider les familles les plus dmunies, sous forme de divers prts dargent, des taux favorables.

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    Le systme tait de conception trs sociale et dans lesprit, ce qui appartenait aux balinais appartenait aussi au banjar, et donc finalement toute la communaut de lle. Selon les anciennes lois, toutes les terres de Bali appartenaient aux dieux, qui les avaient offertes gracieusement aux balinais pour quils puissent les travailler et en vivre harmonieusement. Cependant Maya avait des conceptions trs diffrentes. Lindividualisme primait dans sa faon de voir les choses. Un gosme absolu, contre-sens total de laltruisme fondamental de la socit dans laquelle il voluait. Cela lui valut logiquement dtre considr comme le mouton noir de son banjar. A lheure des comptes, il refusa de payer sa part fiscale relle. Au fur et mesure, il fut montr du doigt et accus descroqueries rptes, car il ntait pas jour de ses paiements. - Il na rien compris notre philosophie, celui-l ! - Il ment toujours sur ses rserves ! Il va falloir bientt le rquisitionner ! - Je suis sr que cest une famille de Bergawa ! - Arrte avec ces histoires dormir debout, ca fait dj belle lurette que ces sornettes nintressent que les demeurs. De plus, ce qui inquitait le banjar, ctait le fait que Maya dtenait des morceaux entiers