laboratoire de physique des hautes energies, epfllphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 table...

342
Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFL PARTICULES ELEMENTAIRES Aurelio Bay, BSP, bureau 616 Tél : (021)693 0474 [email protected] http://lphe.epfl.ch/~bay 1

Upload: lethuan

Post on 22-Apr-2018

239 views

Category:

Documents


6 download

TRANSCRIPT

Page 1: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFL

PARTICULES ELEMENTAIRES

Aurelio Bay, BSP, bureau 616 Tél : (021)693 [email protected] http://lphe.epfl.ch/~bay

1

Page 2: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Remerciements

Cette nouvelle version du cours de Physique des particules a été entièrement revuepar le Prof. Maurice Gailloud et traduite en LaTeX par Mme Christiane Roth etMme Marianne Chave. J’aimerais les remercier.

A. Bay

Quelques références

1 Table du Particle Data Group (PDG). Accès en ligne : http ://pdg.lbl.gov.2 Quarks and Leptons. F. Halzen, A.D. Martin. Ed. John Wiley & Sons, Inc.3 An introduction to Quarks and Partons. F.E. Close. Ed. Academic Press.4 Introduction to High Energy Physics. D.H. Perkins. Ed. Addison-Wesley.5 Weak interactions of leptons and quarks. E.D. Commins, P.H. Bucksbaum.

Ed. Cambridge University Press6 Gauge Theories in Particle Physics. I.J.R. Aitchison, A.J. Hey. Ed. Adam

Hilger LTD7 An introduction to gauge theories and the “new physics”. E. Leader, E.

Predazzi. Ed. Cambridge University Press8 Relativistic Quantum Mechanics. J.D. Bjorken, S.D. Drell. Ed. McGraw-

Hill.9 Elementary particle physics. D.C. Cheng, G.K. O’Neill. Ed. Addison-Wesley

10 Introduction to Elementary Particles. D. Griffiths. Ed. John Wiley & Sons,Inc.

11 The physics of Elementary Particles. H. Muirhead. Ed. Pergamon Press.12 Nuclear and Particle Physics. W.E. Burcham, M. Jobes. Ed. Longman

Scientific & Technical.

2

Page 3: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

1 IntroductionCette introduction est un panoramique de la matière qui sera traitée au cours

de l’année acadèmique. Elle contient un résumé de certains concepts qui ont étéprésentés au cours “Introduction à la Physique Nucléaire et Corpusculaire” de3ème année. On y trouve quelques notions complémentaires sur les détecteurs, lesaccélérateurs et sur les rayons cosmiques. On y développe aussi quelques aspectsdu rapport entre la physique des particules, l’astrophysique et la cosmologie.

1.1 Motivations et historique

La physique des particules décrit l’Univers comme un ensemble de particules“ponctuelles” qui communiquent par des interactions. Elle n’est pas une science“géométrique” ou un édifice bâti sur quelques postulats de base. Toutefois cettevision s’appuie solidement sur des fondements mathématiques et certaines desprédictions théoriques ( par exemple le “Modèle Standard”, abrégé en SM par lasuite) sont en accord remarquable avec les faits d’observation.

Dans ce cours on sacrifiera quelque peu le côté formel de la théorie pour laisserplace à un point de vue plus intuitif et expérimental.

Différents critères peuvent être considérés pour juger de la qualité d’une théo-rie. L’un d’eux est le principe d’économie (le rasoir d’Occam) qui demande quele nombre des entités utilisées soit réduit au strict minimum. Dans le cas présentil s’agit du nombre des “particules élémentaires” + le nombre des “types d’inter-actions” + le nombre des “lois fondamentales” reliant le tout. On a ici un pointde vue -réductioniste- : décomposition du phénomène dans ses éléments les plussimples. Le point de vue opposé -l’holisme- est de dire qu’on ne doit pas perdrede vue les corrélations à grande échelle.

Un autre critère appliquable est que la théorie soit complète, c’est-à-direqu’elle couvre convenablement le domaine qu’elle décrit, sans superflu. Elle nedoit pas laisser certains “mystères” de côté. A la fin du IXX siècle, Maxwell avaitmarié l’électricité et le magnétisme dans sa théorie de l’électromagnétisme (e.m.).Hertz et d’autres expérimentateurs avaient confirmé l’existence des ondes e.m..Un savant bien connu avait affirmé qu’on avait tout compris ; il ne restait qu’àexpliquer les résultats de l’expérience de Michelson et Morley et le problème ducorps noir...

Le Modèle Standard en vogue au XXI siècle s’en sort avec 12 “particulesélémentaires + 12 antiparticules” (6 quarks + 6 antiquarks et 6 leptons + 6antileptons ), et un mécanisme d’échange intervenant dans les différents typesconnus de champs d’ interaction : gravifique, faible, électromagnétique et fort. Lesquanta de ces champs sont le graviton pour l’interaction gravifique, le systèmeγ, Z, W± pour l’interaction électro-faible et les gluons pour l’interaction forte.A cela il faut rajouter la particule de Higgs.

Le SM introduit un nombre élevé de paramètres à ajuster, au moins 18 voire

3

Page 4: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

25 paramètres si les neutrinos s’avèrent massifs. De plus, il requiert la présencesimultanée des 6 quarks (antiquarks) et des 6 leptons (antileptons) pour que cer-taines grandeurs physiques (par ex. des sections efficaces) restent finies. Le SMsous-entend l’existence d’un pont entre ces deux mondes, mais ne nous dit pas oùse situe ce pont. Par ailleurs, il contient des choix arbitraires, il n’explique pasl’origine de la violation de CP (Chapitre 4) ; la théorie de la gravitation y estabsente.

Des tentatives sont en cours en vue de relier les traitements des différents typesd’interaction, voire à la limite de les unifier. Dans les Grand Unified Théories”(GUT), on s’efforce de cerner la nature du pont entre quarks et leptons. Les théo-ries “Super Strings”, Super Symmetry (SUSY), etc., ont l’ambition d’amener àune théorie globale incluant la gravitation. Toutefois, elles impliquent une en-torse dans le nombre des particules élémentaires ; par exemple, dans SUSY, on estamené à introduire des “super partenaires” aux constituants originels ( les squarks,sleptons,....).

Notre vision actuelle des constituants élémentaires de la matière est très diffé-rente de celle prévalant dans la décennie 1960, alors que des dizaines de particulesqualifiées “d’élémentaires” peuplaient le Zoo des physiciens des hautes énergies(High Energy Physics : HEP). La procédure suivie pour effectuer cette mise enordre s’est inspirée de la méthode classique des savants du 18ème siècle : classerles données en mettant en évidence leurs éléments communs, chercher à consti-tuer des familles, s’efforcer de trouver une explication rationnelle à ce classement.Le catalogue des plantes et animaux sur terre a trouvé une explication “dynami-que” raisonnable dans la théorie évolutionniste de Darwin. Il a été établi que lesbriques élémentaires engendrant le monde biologique sont les 4 bases qui com-posent l’ ADN (acide désoxyribonucléique). Mendeleev a construit le tableau deséléments chimiques, qui a été expliqué par la suite par le modèle atomique.

A titre d’illustration, on a représenté dans le tableau 1.1.1 une classificationdes particules élémentaires qui ferait abstraction de l’existence des quarks.

familles genres espèces interactions1 leptons e µ τ et les ν EW2 hadrons mesons π η K... toutes3 baryons p n Λ Ω ∆ toutes4 quanta G γ Z W±

gluons

Table 1.1.1 – Classification des particules élémentaires sans prendre en comptel’existence des quarks

Les leptons sont caractérisés par le fait qu’ils subissent l’influence de l’inter-action electro’faible (EW) et ne sont pas affectés directement par l’interaction

4

Page 5: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

forte.Les hadrons subissent l’interaction forte. En particulier protons et neutrons se

lient dans le noyau de l’atome par une manifestation de l’interaction forte, la “forcenucléaire”, un peu comme la force de Van der Walls qui est une manifestation dela force e.m. liant les molécules. Les hadrons sont subdivisés en mésons de spinentier et en baryons de spin demi-entier.

A la quatrième ligne du tableau 1.1.1, on donne les quanta des champs qu’onassocie aujourd’hui aux différents types d’interaction.

L’examen de ce tableau amène tout naturellement à la question : les particulesdes lignes 1 à 3 sont-elles ou non élémentaires ? La réponse à cette question estfournie par une expérience “à la Rutherford” susceptible de révéler l’existenced’une structure. Plus précisèment, on cherche à établir que la particule examinéen’a pas de structure jusqu’à une échelle spatiale

δx ≈ ℏp≈ ℏcE

(1.1.1)

ou p est la quantité de mouvement du projectile-sonde.En d’autres termes, cette particule de taille inférieure à δx est considérée

comme ponctuelle. Les leptons sont ponctuels 1 (de taille < 10−16 cm), et toutedéviation par rapport au comportement ponctuel est explicable par la théorieElectrodynamique Quantique, (QED), comme on le verra par la suite (Cha-pitre 5). Il est établi que le proton, par contre, est non ponctuel ; sa taille est del’ordre de 10−13 cm, (< r2 >1/2= 0.74 ± 0.24 fm) 2, résultat obtenu par l’étudede la diffusion élastique e-p avec un faisceau d’électrons de 188 MeV et une cibled’H2. Ultérieurement, on a utilisé un faisceau d’électrons de plus de 7 GeV et ladiffusion inélastique sur le proton pour révéler la présence de “partons” (qui sont- à l’échelle d’énergie utilisée - des corpuscules “ponctuels”).

Remarquons que le grand nombre de hadrons identifiés est en lui-même unindice de l’existence d’une structure interne. L’étude de familles de hadrons montreun certain ordre quand on classe les particules de même spin-parité JP selon latroisième composante de leur isospin I3 et leur étrangeté S (voir figures 1.1.1 à1.1.4) 3. On observe que les hadrons de même isospin I ont une masse comparable(donc indépendante de I3). Par exemple, la masse des π± ne diffère que de 4%de la masse du π0. L’isospin apparaît être une bonne symétrie du système, cequi signifie qu’une “rotation dans l’espace d’isospin” laisse invariante l’énergie dusystème (à quelques % près). De plus, l’isospin I se révèle être conservé dans lesprocessus engendrés par l’interaction forte. L’invariance en fonction de l’étrangetéS apparaît moins évidente : la masse du Kaon est de l’ordre de 3 fois la masse du

1. D. P. Barber et al. Phys. Rev. Lett. 43, (1979) 1915.2. R. Hofstadter et R.W. McAllister Phys. Rev. 98 (1955) 217 et Phys. Rev.102,(1956) 851.3. Une classification alternative est celle de T. Regge : au lieu de classer les hadrons de même

JP en fonction de leurs nombres quantiques internes, on reporte la masse des hadrons en fonctionde leur spin, à nombres quantiques internes fixés.

5

Page 6: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.1.1 – Nonet de mésonsJP = 0− (octet+singulet η′)

Figure 1.1.2 – Nonet de mésonsJP = 1− (octet+singulet ϕ)

Figure 1.1.3 – Octet de baryons JP = 1/2+

pion. Toutefois, une différence d’une unité d’étrangeté S correspond à une mêmedifférence de masse (à 10% près) chez les baryons que chez les mésons (voir par ex.figure 1.1.4). Cette régularité a conduit à la prédiction de l’existence de l’hypéronΩ− avant la découverte de celui-ci 4. D’autre part, elle a amené Gell-Mann et Zweigen 1964 à émettre l’hypothèse de la structure en quarks des hadrons. Le tableau1.1.2 donne les nombres quantiques internes des 3 quarks nécessaires pour rendrecompte de l’ensemble des états hadroniques connus à l’époque.

Dès lors, si l’on admet une différence de masse de l’ordre de 150 MeV entrele doublet de quarks u,d et le quark étrange s, on peut expliquer les figures 1.1.1à 1.1.4 en postulant que les mésons sont des paires quark-antiquark (états qq)et les baryons des combinaisons de trois quarks qqq (ou qqq). Par exemple le π+

est un système ud, le K0 un système ds, le proton un système uud, le neutronun système udd, etc..

4. Expérience à Brookhaven National Laboratory. V.E. Barnes et al. Phys. Rev. Lett. 12,204 (1964)

6

Page 7: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.1.4 – Décuplet de baryons 3/2+

Saveur B J I I3 S Qu 1/3 1/2 1/2 +1/2 0 +2/3d 1/3 1/2 1/2 -1/2 0 -1/3s 1/3 1/2 0 0 -1 -1/3

Table 1.1.2 – Nombres quantiques internes des quarks du modèle originel deGell-Mann et Zweig

Dans le SM actuel, l’ensemble des 6 quarks (et 6 antiquarks) : u, d, c, s, t, b(voir le tableau 1.1.3 5 sont impliqués dans la formation d’états liés de hadrons,en conséquence de l’interaction forte transmise par les gluons. Ces quarks ont-ilsune réalité physique ou sont-ils seulement des artifices mathématiques ? Peut-onassimiler les quarks aux partons et satisfaire ainsi aux principe d’économie énoncéprécédemment ? Pourquoi n’a-t-on pas observé jusqu’ici de quark à l’état libre(isolé) ? Comment expliquer par exemple le mécanisme de l’événement représentédans la figure 1.1.9 ? Nous laissons ces questions ouvertes pour le moment.

Avant de conclure ce survol, nous revenons sur le sujet des interactions entreles particules élémentaires. Le tableau 1.1.4 donne un certain nombre de carac-téristiques de chacun des types d’interaction connus.

5. on a donné le qualificatif anglais auquel se rapporte le symbole de saveur usuellementutilisé

7

Page 8: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

saveur/ charge autre nbre masse massequalificatif electr. quantique constituante lagrangienne

interne MeV/c2 MeV/c2

d “down” -1/3 I3=-1/2 350 5 à 15u “up” 2/3 I3=+1/2 350 2 à 8s “strange” -1/3 S=-1 550 100 à 300c “charm” 2/3 C=+1 1300 à 1800b “bottom” -1/3 B=-1 4700 à 5300t “top” 2/3 T=+1 173000

Table 1.1.3 – Caractéristiques des quarks du Modèle Standard. Notons que lesmêmes symboles S, C, B et T sont utilisables dans d’autres contextes. Par ex. lesymbole B désigne le nbre baryonique dans le tableau 1.1.2

Q. : le temps de vie du neutron est de 15 min environ. Il s’agit d’un processusfaible. Comment expliquer un temps si long, si l’on compare aux valeurs canoniquesde la table ?

A chaque type d’interaction on associe une “charge”, par extension de la chargeélectrique dans l’interaction e.m..

La conditio sine qua non pour que la portée du champ d’interaction soit infinieest que son quantum ait une masse nulle. Cette condition n’est toutefois passuffisante ; par exemple, on admet sur la base des données expérimentales actuellesque le gluon, vecteur de l’ interaction forte, a une masse nulle bien que la portéedu champ fort soit de l’ordre du fm.

On introduit des facteurs de couplage (mot à retenir) sans dimension, pourpouvoir comparer les intensités des “forces” en action. Ces facteurs de couplagesont dans les rapports 1/10−2/10−5/10−38 respectivement pour les interactionsforte/e.m./faible/gravifique.

Dans la dernière ligne du tableau 1.1.4, on donne les temps de vie de particulesqui se désintègrent sous l’effet de l’interaction concernée. Il apparaît que plusintense est l’interaction, plus courte est la durée de vie de la particule.

Quelles sont les sources d’information disponibles sur les quanta des champsd’interaction ?

Nous laissons ici de côté le cas du graviton, car il ne joue pas de rôle en HEPaux énergies accessibles actuellement..

Pour le photon on dispose de beaucoup de résultats d’observation et de mesuredes processus tels que : l’effet photoélectrique, l’effet Compton, la diffusion Cou-lombienne sur le champ d’un noyau (figure 1.1.5 and figure 1.1.6), le rayonnementde freinage ou Bremmstrahlung (p.ex. figure 1.1.10), la radiation γ cosmique.

8

Page 9: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

interaction gravifique e.m faible forteexemple de poids des cohésion radioactivité β cohésionmanifestation corps de l’atome du noyau

ondes e.m.quantum graviton photon W±,Z gluonspinparite 2 1− 1 1−

masse 0 0 80.2(W) 0( ?)[GeV/c2] 91.2(Z)portée [m] ∞ ∞ 10−18 ≤ 10−15 (1 fm)

“charge” masse ch. électrique ch. faible ch. de couleurcouplage K(Newton) GF (Fermi) ”g”pot. statique −Km1m2/r −q1q2/4πr −geff e

−µr

4πr

couplage KM2/ℏc = α = e2/4πℏc (Mc2)2GF/(ℏc)3 αs = g2/4πℏcsans 0.59×10−38 = 1/137.036 =1.01×10−5 =1 à 10dimension (1/128 au LEP) (0.113 au LEP)

σ typique [m2] 10−33 10−44 10−30

à 1 GeVtemps de vie 10−16 a −21 10−7 a −13 10−22 a −24

[sec]

Table 1.1.4 – Caractéristiques des types d’interaction. M est la masse du proton,e la charge du proton

Les bosons W et Z sont produits et observés au collisionneur pp du Fermi-lab(dans l’Illinois), au LEP et LHC (au CERN) et au SLC (à Stanford, Califor-nie). Par exemple, le LEP a été ajusté dans une première phase sur la productiondu boson Z, et dans une seconde phase sur la production de couples W+W−.La figure 1.1.7 donne un exemple de désintégration faible où intervient l’échanged’un boson W. Les figures 1.1.8 à 1.1.11 représentent des processus d’interactiontypiques observés au LEP.

Le gluon comme le quark n’est pas observable isolément. Sa mise en évidenceest indirecte via la formation d’un jet de hadrons. La figure 1.1.11 illustre un telprocessus. Nos connaissances actuelles à ce sujet se fondent essentiellement sur lesexpériences auprès des collisionneurs de particules.

Q. : calculer la valeur de µ (table 1.1.4, interaction forte) qui correspond à uneportée de 1 fm.

9

Page 10: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.1.5 – Diffusion Coulombienne : un e− interagit avec le champ e.m. d’unnoyau ; l’électron est diffusé sous l’angle θ. (voir chapitre 5)

Figure 1.1.6 – En a) : collision électron - proton. En b) interprétation physiqueoù l’on considère un photon virtuel sondant la structure e.m. du proton (“diffusioninélastique profonde”, voir chapitre 6)

1.2 Sources radioactives 6

On peut dire que la physique des particules est née avec l’observation par Bec-querel (1885) que les sels d’uranium émettent une radiation qui peut impressionnerles plaques photographiques après avoir traversé un écran opaque.

Les sources radioactives peuvent être naturelles ou produites par activation,dans un réacteur par exemple. Les produits radiopharmaceutiques utilisés dans leshôpitaux sont en général produits par des cyclotrons (p. ex. le desoxyglucose activéau 18F, qui sert comme traceur du métabolisme du glucose, ou l’eau marquée à l’

6. Voir cours d’introduction, notice des TP3 et cours sur les modèles nucléaires.

10

Page 11: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.1.7 – En a) : désintégration du muon (µ). En b) interprétation dumécanisme de la désintégration du µ+ par l’échange d’un boson virtuel W del’interaction faible (voir chapitre 7)

Figure 1.1.8 – Annihilation d’une paire électron - positron, création d’un photon(ou Z) et désintégration de ce dernier en un paire particule-antiparticule. S’il s’agitd’une paire quark-antiquark, on observe deux jets d’hadrons comme montré à lafigure 1.1.9

15O).Au laboratoire de physique des particules, on utilise des sources d’α, β, γ et

de neutrons. Il s’agit souvent d’outils de calibration de détecteurs et de test. Lesénergies accessibles vont du keV à quelques MeV. Par exemple l’ 88Y émet desphotons de 1.8 MeV. Pour obtenir une énergie plus élevée on peut utiliser dessources composées, comme la source Pu-Be qui émet des photons de 4.43 MeV.Dans cette source, un émetteur α (le Pu) est entouré de Be. Ce dernier, après

11

Page 12: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.1.9 – Processus d’hadronisation. La paire quark-antiquark n’est pasvisible directement dans l’état final. Lorsque l’énergie disponible est suffisante(∼10 GeV), il se forme deux groupes de particules (essentiellement des pions) -les jets -. Le mécanisme dit de l’hadronisation est représenté par une boîte

Figure 1.1.10 – Production additionnelle d’un (ou plusieurs) photon. Le dia-gramme montre deux cas possibles : γI correspond à l’émission du photon dans“l’état initial”, γF l’émission dans “l’état final” (quand X est une particule chargée).Dans le calcul du processus, il intervient une contribution d’interférence entre cesdeux possibilités

capture de la particule α, devient du 12C∗ qui peut se trouver dans un état excitéà un niveau de 4.43 MeV. Ce dernier se désexcite par émission γ.

1.3 Les particules cosmiques

En 1912 V. F. Hess découvre qu’un électroscope à bord d’un ballon enregistredes charges électriques. Vingt ans plus tard, avec l’invention du compteur Geiger,on met en évidence une activité continue de particules cosmiques au niveau de

12

Page 13: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.1.11 – Evénement à trois (ou plus) jets d’hadrons. Le processus imaginéest l’émission d’un (ou plusieurs) gluon par un des quarks de l’état final

la mer. L’exposition d’émulsions photographiques nucléaires permet la découvertedu positron (1932), du muon (1933-1938), du pion (1947) ainsi que des particules“étranges” (Λ, K0, K+). La création de paire γ → e+ e− est également observéepour la première fois dans le rayonnement cosmique. En 1948 on y découvre desions He puis ceux d’éléments plus lourds, jusqu’à l’ U.

La présence de neutrinos a pu être révélée grâce à des détecteurs composésde tonnes de matière pour compenser la très faible probabilité d’interaction. Ilest apparu que ces neutrinos peuvent être de provenance solaire, galactique etextragalactique.

Des photons de très grande énergie ( jusqu’à 100 TeV) sont observés àl’aide de détecteurs couvrant une surface de l’ordre du km2, de calorimètres enorbite et, plus récemment, à l’aide de détecteurs à lumière Cherenkov.

Remarquons par ailleurs que nous nous trouvons dans un bain de photonscosmologiques du fond à environ 2.7 K.Q. : quelle est la densité d’énergie et le nombre de ces photons ?

La Galaxie a une luminosité de 1033 à 1034 W dans la bande de fréquences durayonnement cosmique, à comparer à 1037 W dans le spectre visible et à 1032 Wdans la bande des rayons X.

En plus de son intérêt en astrophysique et en cosmologie, le rayonnementcosmique trouve une utilisation importante comme source de haute énergie pourla calibration des détecteurs. A la surface de la terre, le taux intégré sur l’anglesolide est de l’ordre de 500 particules/m2/sec.

Le rayonnement cosmique primaire ( “à la source”) est essentiellement consti-tué de protons, d’ α et de noyaux lourds dans les proportions de 86/12/1 % ; on ytrouve en plus environ 1% d’électrons, 0.1% de γ et des traces d’antiprotons et depositrons. Ce rayonnement traverse le milieu interstellaire où il interagit (spalla-tion) avec une matière de faible densité mais sur des parcours énormes. Les par-

13

Page 14: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.3.1 – Nombre de particules dans une gerbe e.m. en fonction de l’altitude ;en paramètre : énergie du photon primaire

ticules chargées sont déviées par les champs magnétiques interstellaires, célestes,solaire et terrestre. L’information sur la composition initiale du rayonnement etsur sa provenance s’en trouve dégradée. On voit ici l’intérêt de se concentrer surles gamma de haute énergie. Les neutrinos donnent aussi une bonne informationsur leur source, entre autre sur la direction de celle-ci, mais avec un taux d’évé-nements très faible. Ce qu’on observe sur terre dépend encore de l’interaction desparticules avec le milieu atmosphèrique. L’atmosphère a une longueur d’interac-tion de 70 g/cm2 et une longueur de radiation X0 de 34 g/cm2. Au niveau de

14

Page 15: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

la mer, les gerbes e.m. engendrées par les γ ont traversé environ 30 X0. L’atmo-sphère est donc un excellent calorimètre ; l’ennui est que le maximum du nombredes particules de la gerbe e.m. se trouve à quelques km d’altitude (4 km pour desgerbes de γ de 1016 eV et 8 km à 1012 eV, voir figure 1.3.1).

La figure 1.3.2 donne la composition des particules secondaires au niveau de lamer 7. La diffusion latérale à ce niveau est de l’ordre du km2 pour les gerbes e.m.et de quelques km2 pour les gerbes hadroniques. Dans les deux cas on peut estimerl’énergie initiale en comptant le nombre des particules (résolution mauvaise). Lesgerbes hadroniques peuvent être différenciées des gerbes e.m. par le fait qu’ellescontiennent des muons (de π → µ νµ).

Figure 1.3.2 – Flux du rayonnement cosmique secondaire au niveau de la mer

Les théories d’astrophysique doivent rendre compte de la composition du rayon-nement cosmique primaire et de son spectre d’énergie. La figure 1.3.3 donne lacompilation de plusieurs mesures du flux de particules cosmiques (essentiellement

7. J. Ziegler, Nucl. Instr. Meth. 191 (1981) 419.

15

Page 16: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.3.3 – Spectre énergétique de la composante hadronique du rayonnementcosmique primaire. Pour aplatir la distribution, on a multiplié le taux par E−2.7

(en haut) et E−3 (le zoom en bas)

des hadrons). On y observe une loi du type :

dN

dE∝ E−α avec α = 2.7 jusqu’à 107GeV et 3.0 au delà

16

Page 17: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Il est probable que la plus grande partie de ce rayonnement est d’origine ga-lactique, dans les supernovae selon l’hypothèse de F. Zwicky (1938). Dans ce cas,toutefois, on s’attend à trouver une proportion d’ions lourds supérieure à ce qu’onobserve. On suppose que l’interaction avec le milieu interstellaire est suffisantepour casser des ions lourds et dégrader ainsi la composition du rayonnement.

En 1949 E. Fermi a imaginé un processus d’accélération basé sur un modèlesimple : des nuages “magnétiques” se déplaçant dans l’espace frappent les parti-cules chargées et leur impartissent une accélération. Après plusieurs collisions ontrouve une distribution en loi de puissance. Ce modèle ne fonctionne pas commetel, mais il est à la base des modèles plus récents qui attribuent l’accélération àdes centres diffuseurs microscopiques dans des régions turbulentes près des centresgalactiques, dans les nuages en expansion des super-novae etc..

La présence d’une composante exotique dans le rayonnement cosmique n’estpas exclue. L’annihilation de certaines particules, postulée pour résoudre le pro-blème de la “matière noire” (voir plus loin), peut donner des gamma de l’ordre duGeV.

La particule cosmique la plus énergetique observée jusqu’ici (il s’agit proba-blement un proton) a une énergie estimée à environ 3 1020 eV. Aucun modèleactuel n’apporte d’explication quantitative sur une telle observation. Il a été sug-géré que des particules cosmiques de très haute énergie proviennent de “défautstopologiques” qui perdurent depuis la création de l’Univers. Pour simplifier, aprèsle Big Bang, l’univers s’est cristallisé en se refroidissant mais le cristal formé ades clivages et des dislocations. La procédure de “cristallisation” engendre une“brisure de symétrie”, qui sera discutée au Chapitre 9. Ces défauts (parois, cordes-strings-, monopoles, textures,...) permettraient aussi d’expliquer la structure àgrande échelle de l’Univers (amas de galaxies etc.) car ils constituent des centresd’attraction gravitationnelle.Q. : estimer l’énergie d’une balle de fusil.

Par application du théorème du viriel aux ammas de galaxies, considéréescomme des systèmes isolés en équilibre, on peut faire une prédiction de la massequi participe à la gravitation. La masse prédite équivaut à environ 10 fois la masseestimée de la matière visible (lumineuse). Par ailleurs, ce même facteur 10 est re-quis par les cosmologues. Plusieurs hypothèses ont été formulées pour expliquerl’origine de cette “masse manquante” ou matière noire : présence de neutri-nos massifs, d’axions, de super-particules, de monopoles, de “cordes” cosmiques.On a postulé aussi sur l’existence de planètes froides et opaques (les MACHOs).Certaines observations indiquent l’existence d’un effet de microlensing, c.à.d. defocalisation de la lumière d’une étoile appartenant au Nuage de Magellan parun objet opaque se situant entre la source et l’observateur. En 1999, l’étude dessupernovae (de type Ia) a montré que l’expansion de l’univers est en phase d’accé-lération. Ce phénomène inattendu est maintenat décrit par une forme (inconnue)d’énergie noire, qui produit une sorte de pression négative. En combinant toutes

17

Page 18: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

les données des mesures cosmologiques (supernovae, fond cosmologique à 2.7 K,mesures graviationnelles,...) on arrive à un ensemble de paramètres qui montrentque l’univers est “plat” (au sens de la relativité), constitué d’énergie noire pourenviron 70 %, et matière pour le reste. La matière visible est seulement quelques%. De plus, le nombre de photons (du fond à 2.7 K) est plus que 109 fois le nombrede baryons (protons + neutrons). D’après le modèle, l’univers a 14 109 années.(Voir articles annexés sur matière et énergie noire.)

1.4 Particules et Astrophysique (les astroparticules)

La physique des particules joue un rôle important en astrophysique et réci-proquement. Les informations recueillies dans l’une de ces disciplines ont souventd’étroites répercussions dans l’autre. Par exemple, si la masse manquante de l’Uni-vers est due à l’existence de neutrinos massifs, une limite supérieure est assignéeà cette masse. Autre exemple : les contraintes sur les proportions des baryons etdes photons dans l’univers fixent le nombre d’espèces de neutrinos ; l’estimationde 2.3±0.8 espèces a été fournie bien avant les résultats des expériences du LEP.

La physique stellaire a été dominée durant de nombreuses années par unproblème qui a mobilisé l’attention des experts de ce secteur : le flux de neutrinossolaires mesuré était de 40 à 70% inférieur au flux prédit par le “Modèle solairestandard” 8.

Relevons ici quelques unes des expériences de pointe réalisées à ce sujet. Cesexpériences sont en général sensibles à une certaine bande d’énergie des ν, commeindiqué sur la figure 1.4.1. Le détecteur HOMESTAKE utilisait l’absorption de νpar le 37Cl qui se transforme en 37Ar. Le taux mesuré était de 2.2±0.2 SNU (1SNU = 10−36 captures par atome et par seconde) à comparer avec les prédictionsthéoriques de 8.0±3.0 (modèle de Bahcall 9) ou 6.4±1.2 (chez Turck-Chièze 10).

L’expérience KAMIOKANDE utilisait la lumière Cherenkov émise par les élec-trons de recul issus de collisions ν - e dans l’eau ; elle a confirmé l’existence dudéficit. Elle a aussi prouvé que le signal observé vient bien du soleil (voir fi-gure 1.4.2).

L’expérience GALLEX utilisait l’absorption de ν par le 71Ga qui se transformeen 71Ge ; elle a mesuré un taux de 87±14±7 SNU, à comparer à un taux attendude plus de 130 SNU.

Le Modèle Standard du Soleil est considéré par les experts comme fournissantdes prédictions fiables sur le flux de neutrinos produit. Il restait donc à suspecterla prise en compte incorrecte d’effets en rapport avec les propriétés des ν ou avecleur détection.

On peut supposer que les ν disparaissent par désintégration spontanée. Cette

8. notez que ce modèle n’a rien à voir avec la Modèle Standard (SM) mentionné au § 1.19. J.N. Bahcall and Pinsonneault, Rev. Mod. Phys., 64 (1992) 885.

10. S. Turck-Chièze et al, Astrophys. J. 335 (1988) 4415.

18

Page 19: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.4.1 – Spectre de neutrinos solaires. Les indications en paramètresconcernent les processus de production. Voir J.N.Bahcall Neutrinos Astrophysicschap.3. Ed.Cambridge Univ.Press

hypothèse est en contradiction avec l’observation d’une bouffée (burst) de cesparticules lors de l’explosion de la Supernova 1987a qui se trouve à 165000 annéeslumière.

On peut postuler que les ν sont massifs. Dans ce cas, des transmutationsνe → νµ et νµ → ντ deviennent possibles. Les résultats des expériences sus-mentionnées reposent sur l’emploi de détecteurs sensibles exclusivement aux νe ;ce qui pourrait entraîner un défaut dans le taux de comptage mesuré.

Sur la base de nos connaissances actuelles de l’interaction faible, (voir chapitre7), il apparaît que dans chacune de ces expériences le détecteur n’est sensible qu‘àl’une des composantes d’interaction : soit celle due au courant chargé (échange deW), soit celle due au courant neutre (échange de Z). Cet état de fait pourrait êtrela cause du déficit de flux constaté et du faible accord entre les résultats.

Récemment une nouvelle génération d’expériences ont été initiées, parmi les-quelles celle de l’Observatoire Sudbury dont le détecteur (SNO) à lumière Cheren-

19

Page 20: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.4.2 – Distribution angulaire des événements ν - e enregistrés par ledétecteur de l’expérience KAMIOKANDE ; la direction du soleil est prise commeaxe de référence

kov exploite les deux composantes de l’interaction faible 11. Les premiers résultatsobtenus apportent une réponse non ambigüe aux questions soulevées ci-dessus. Leflux de neutrinos déduit du total des interactions enregistrées est en parfait accordavec les prédictions théoriques du Modèle solaire Standard. De plus, des neutrinostransmutés sont mis en évidence dans le flux de ν solaires 12. La transmutation desaveur est confirmée, ce qui amène à la conclusion que les neutrinos sont massifs.Notons qu’en 1998 la collaboration Super-Kamiokande avait annoncé l’observa-tion d’une anomalie dans le flux de ν présents dans les gerbes du rayonnementcosmique (voir URL : http://www-sk.icrr.u-tokyo.ac.jp/sk/index_e.htmlet http://www.phys.hawaii.edu/~superk/). Approximativement le nombre deνµ devrait être le double de celui de νe. L’observation montre un déficit dans le

11. The SNO Collaboration. Nucl. Instr. Meth. A449(2000)172, http://www.sno.phy.

queensu.ca

12. le détecteur SNO permet de sélectionner les νe engendrés dans le soleil par la réaction8B → 8Be∗ + e+ + νe

20

Page 21: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.4.3 – Température de l’Univers primitif, en fonction du temps. La si-tuation du LEP correspond à 10−10 s. La subdivision en “ères dominantes” estindiquée. 1 GeV correspond à 1013 Kelvin

comptage des νµ compatible avec ∆m2 = (mνµ −mνe)2 ≈ 3× 10−3 eV2.

On a là des exemples supplémentaires d’interconnexions entre la physique desparticules et l’astrophysique.

En Cosmologie, citons parmi les problèmes étudiés auxquels on n’a pas encorede réponse définitive : l’origine de l’asymétrie matière-antimatière, la structureà grande échelle de l’Univers, la nature de la masse manquante et de l’énergienoire. Les énergies mises en oeuvre dans les collisionneurs tels que LEP sont dumême ordre que celles qui reignaient dans l’Univers à 10−10 sec (figure 1.4.3).Le futur LHC au CERN permettra de gagner 1-2 ordres de grandeur. On voitque l’accroîssement des énergies accessibles dans les expériences de physique desparticules donne accès à des informations concernant l’état d’un univers de plus enplus jeune. En astrophysique des “hautes énergies” l’effort actuel se concentresur l’observation dans la radiation cosmique de γ et de ν à des énergies de l’ordredu TeV. On s’intéresse tout particulièrement aux mécanismes de production et/oud’accélération des particules ; différentes hypothèses ont été émises à ce sujet :

21

Page 22: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

quasars, étoiles à neutrons, trous noirs, accélérateurs galactiques et autres sourcesexotiques. Dans ce contexte, mentionnons une expérience réalisée à l’université deGenève dans laquelle on a observé des coïncidences associées à des gerbes d’originegalactique (à ne pas confondre avec les gerbes produites dans l’atmosphère).

L’Univers renferme un grand nombre de secrets qui restent à percer. Les étudesen Cosmologie touchant à la création de l’Univers sont de nature à contribuer demanière décisive aux tests des théories de grande unification (GUT) (c’est le pointde vue holistique).

Les chercheurs en physique des particules, en astrophysique et en cosmologiesont engagés dans un futur de collaboration fructueuse ; on parle dorénavant dela physique des astroparticules.

1.5 Les accélérateurs

En HEP on peut travailler en régime de collisionneur ou en régime de ciblefixe. Dans le premier cas, deux faisceaux se rencontrent au centre du détecteuret font une collision “frontale”. Le carré de l’énergie dans le centre de masse estalors :

s = 2E1E21 +√

[1− (m1/E1)2] [1− (m2/E2)2]+m21 +m2

2 (1.5.1)

Dans un collisionneur tel que le LEP : m1=m2=m et E1=E2=E. La relation 1.5.1donne : √

s = 2E

Par contre, en régime de cible fixe, le projectile 1 frappe le noyau cible 2 au repos(E2=m2). Si E1 ≫ m1 et m2 on peut déduire de la relation 1.5.1 que :

√s ∼=

√2m2E1

La figure 1.5.1 donne un historique des collisionneurs utilisés jusqu’à aujourd’huiet en projet.

L’avantage du régime collisionneur sur le régime cible fixe est compensé parle fait que le nombre d’interactions y est beaucoup plus faible. On introduit leconcept de Luminosité L de la machine ; la luminosité est définie comme le tauxd’interactions par unité de section efficace :

Taux d′interactions[s−1]= σL (1.5.2)

La luminosité L est proportionnelle à l’intensité des faisceaux et inversément pro-portionnelle à leur section. Dans une collisionneur comme le LEP, les faisceauxsont discontinus et groupés en paquets (“bunches”). On s’arrange pour qu’un “bun-ch” e+ rencontre son homologue e− précisément à l’endroit où l’on a installé ledétecteur. Si l’on a b “bunches” dans chaque faisceau :

L =n1n2

Abf =

I1I2e2bfA

(1.5.3)

22

Page 23: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.5.1 – Les collisionneurs : les cercles désignent les e+e−, les carrés lescollisionneurs hadroniques. Les collisionneurs en service ont des symboles noircis

où ni est le nombre de particules/bunch, f la fréquence de révolution et A lasection du faisceau. Les Ii sont les courants moyens, e la charge de l’électron. Siles “bunches” sont à peu près gaussiens, on obtient : A=4πσxσy. La figure 1.5.2montre la situation du LEP le 23-7-1994. Si l’on tient compte des informationscomplémentaires suivantes :

b=8

f=3 105 km/s / 26.7 km=11.2 103 s−1

σy ≈ 10µm

23

Page 24: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.5.2 – Le LEP au 23-AUG-1994 17 :18 :18. L’énergie nominale est de45.572 GeV, les courants d’e+ et d’e− sont de 1.381 mA, et 1.519 mA. Les mo-niteurs de luminosité des expériences donnent une luminosité de 4 à 5 1030 cm−2

s−1

σx ≈ 250µm donc A≈ 2.5 10−8 m2

la relation (1.5.3) donne (pour I1= 1.4 C s−1, I2= 1.5 C s−1 et e=1.6 10−19 C) :L=3.7 1030 s−1cm−2. Ce résultat est voisin des valeurs mesurées par les moniteursde Luminosité des expériences.

L’ancêtre des collisionneurs e+e− est la machine AdA (Anello di Accumulazione),construite à Frascati, dont les faisceaux avaient une énergie de 250 MeV.

La figure 1.5.3 montre la variation de la section efficace d’interaction e+e−

en fonction de l’énergie dans le c.m. Entre 1991 et 1995 l’énergie accessible auLEP (phase I) était située au voisinage immédiat de la masse du Z (91.173 GeV).Au pic (à la résonance) le taux d’interactions est maximal : on a mesuré unesection efficace de e+e− → Z → hadrons de 30.4±0.1 nb 13 et une section efficacee+e− → Z → µ+µ− de 1.5 nb.

Pour L = 1031 cm−2 s−1, le taux d’événements hadroniques est de 0.3 s−1 etde 0.015 s−1 dans la voie di-muon. En un an (on utilise normalement un inter-

13. rappel : 1 nb = 10−33 cm2

24

Page 25: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.5.3 – La section efficace d’interaction e+e− en fonction de l’énergie dansle c.m.

valle de temps “efficace” correspondant à 1/3 d’année) et une luminosité intégréede 105nb−1 = 100pb−1 = 1038 cm−2 on s’attend à recueillir environ 3 millionsd’événements hadroniques, si on reste au pic de la résonance et si l’efficacité d’ac-quisition reste proche de 100%.

Entre 1996 et 2000, l’énergie du LEP (phase II) a atteint environ 100 GeV parfaisceau, permettant entre autre la production de paires W+W− sur leur couchede masse.

1.6 Les détecteurs

Le détecteur 14 est l’interface entre le phénomène physique étudié et le phy-sicien. Dans une description quantique, l’observation interfère sur le processusphysique élémentaire, afin que ce processus devienne “phénomène” (étymologie :

14. Voir cours d’introduction

25

Page 26: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

ce qui apparaît). La détection se base sur la physique des intéractions particule–matière. Une courte introduction sur ce sujet est donnée en fin de chapitre.

Luminosity MonitorSilicon detector

e−

e+

Outer Cooling Circuit

Muon Detector

Vertex DetectorHadron Calorimeter

DoorCrown

Barrel Yoke

Main Coil

Inner Cooling Circuit

BGO Crystals

Figure 1.6.1 – Ensemble des sous-détecteurs de l’expérience L3 au LEP

Des exemples de détecteurs seront donnés au fur et à mesure de la présentationdes expériences. Les “gros détecteurs” sont très souvent constitués par l’assemblagede sous-détecteurs. Dans les expériences sur collisionneur ( le LEP, p.ex.), onutilise essentiellement des détecteurs disposés “en couches”. La figure 1.6.1 montrele détecteur de l’expérience L3. Voici quelques données concernant une expérienceau LEP :

• poids : plus d’acier que la tour Eiffel• dimensions : O(101) m• coût : O(102) MCHF• nombre de physiciens : O(102) (O(103) pour les détecteurs LHC).

A partir du point de collision, on décrit ci-dessous les sous-détecteurs compo-sant un gros détecteur typique, avec leurs dimensions.

• 0.1-0.2 m : détecteur de micro-vertex. Il s’agit d’un détecteur à l’état

26

Page 27: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

solide, constitué d’un grand nombre de diodes (105 ou plus au LHC), qui peutdonner la position de la trajectoire de particules chargées avec une précision dequelques dizaines de microns (figure 1.6.2). Il aide en particulier à résoudre unvertex secondaire rapproché du vertex primaire (exemple de désintègration d’unméson B0 figure 1.6.2 b).

Figure 1.6.2 – En a) : détecteur de microvertex de l’expérience Delphi au LEP.En b) : événement candidat de Z → bb

• 0.2-1 m : traceur (“tracker”) interne. Il s’agit d’un détecteur à l’état gazeuxqui permet d’enregistrer la trajectoire de particules chargées sur un parcours im-portant. Un champ magnétique de 0.5-1.5 Tesla permet alors d’effectuer la mesurede l’impulsion des particules à partir de la courbure de leur trajectoire. Dans uneTime Projection Chamber (TPC) la résolution en impulsion transversale peut êtreparamétrisée par : σp1/pt[%] =

√0.42× p2t + 2.3. L’expérience L3 était équipée

d’une Time Expansion Chamber TEC de 1 m diamètre, permettant d’atteindreune résolution de σp1/pt =

√0.5× p2t + 8.0. Avec une TPC on peut aussi estimer

l’énergie déposée par ionisation par unité de longueur (dE/dx), grandeur liée àla masse de la particule, à sa charge et à sa vitesse. Cette information aide àl’identification d’une particule, si on en connaît l’impulsion (figure 1.6.3).

• 1-1.5 m : calorimètre e.m.. Il permet la détection et la mesure des photons

27

Page 28: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

et des e+, e−. Ces particules produisent des gerbes e.m. 15. La conversion en signalélectrique se fait par des scintillateurs, des chambres à ionisation, des cristauxscintillants, etc. Avec les cristaux de BGO de l’expérience L3, on a une résolutionen énergie de : σE/E[%] = 1.5/

√E[GeV ] + 0.8 (1% à 50 GeV par exemple), et

une résolution sur le point d’impact d’environ 1 mm.Le développement d’une gerbe e.m. est caractérisé par la longueur de radiation

X0 du milieu (qui vaut approximativement 190A/Z2). On peut le comprendre, carla structure d’une gerbe est étroitement liée à ce paramètre : un photon qui traverse1X0 de matière a une probabilité de 0.55 d’être converti en une paire e+e− et laperte d’énergie d’un électron est en moyenne de 1/e sur cette même épaisseur. Larésolution atteinte dépend, entre autre, de la fraction de la gerbe contenue dans lecalorimètre. On considère qu’une profondeur de 20X0 est nécessaire pour contenir95% de l’énergie dissipée.

• 1.5-3 m calorimètre hadronique. Il permet la détection et la mesure deshadrons. Les gerbes hadroniques sont beaucoup plus pénétrantes que les gerbese.m. et requièrent plus de matière absorbante. Les matériaux de base communé-ment utilisés sont le Cu, le Pb, l’U... Dans l’expérience L3 on a des plaques de238U appauvri alternant avec des chambres à fils proportionnelles ; la résolutionen énergie est de σE/E[%] = 55/

√E[GeV ] + 5% (13% à 50 GeV). Une gerbe ha-

dronique est formée des particules rapides créées lors de l’interaction forte entrele hadron incident et les nucléons du milieu. Ces particules secondaires sont prin-cipalement des pions et des nucléons. Les π0 se désintègrent en photons et sont lasource de gerbes e.m. (pour un hadron de 10 GeV, environ 20% de l’énergie estconvertie en gerbes e.m.). Une fraction de l’énergie échappe à la mesure parce queconvertie en énergie d’excitation et de fission nucléaire ou émise sous la forme deneutrinos non détectés (voire de muons non détectés).

La géométrie des gerbes hadroniques peut être paramètrisée en terme de la lon-gueur d’interaction λ qui vaut approximativement 390 A−2/3 [cm]. Cette grandeurest liée à la probabilité d’interaction hadronique. Un bon calorimètre hadroniquedevrait avoir au moins 5λ.

• 3-10 m détecteur de muons. A l’extérieur des calorimètres ci-dessus il nesubsiste essentiellement que des µ et des ν. Les muons rapides peuvent traverser degrandes épaisseurs de matière, la perte d’énergie se faisant presque exclusivementpar l’ionisation courante (p.ex. dE/dx=12 MeV/cm dans le Fe). L’impulsion desmuons est déterminée par l’analyse de la courbure magnétique des trajectoiresrepèrées à l’aide de chambres multifilaires. Dans l’expérience L3 la résolution enimpulsion était d’environ 3% pour les muons de 50 GeV.

Les détecteurs sont des systèmes complexes, asservis à des stations d’ordina-teurs qui supervisent les fonctions vitales : qualité des données par l’analyse dite

15. pour un modèle simple de gerbe e.m. voir annexe

28

Page 29: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 1.6.3 – dE/dx mesurées pour différents types de particules en fonction deleur quantité de mouvement dans la TPC de l’expérience PEP4/9 au SLAC

on-line, fonctionnement des alimentations, surveillance des liquides de refroidis-sement et des gaz alimentant les détecteurs, contrôle du champ magnétique, duniveau de radiation. Les ordinateurs effectuent également le transfert des donnéesacquises vers un support du type bande magnétique, disque optique,... Ces donnéessont ensuite analysées off-line, les calibrations sont appliquées et les résultats phy-siques en sont extraits. Il est en général nécessaire de comparer ces résultats avecceux provenant d’un programme de simulation qui contient ce qu’on sait théori-quement des processus à étudier, de la géométrie du détecteur et de l’évolution deson état de fonctionnement avec l’âge (canaux de lecture morts ou bruyants etc.).Un programme de simulation de ce type est appelé programme de Monte-Carlo,parce que les événements sont générés à partir de tirages de nombres aléatoires.Les événements simulés peuvent être traîtés par le programme d’analyse standardcomme les événements réels. Le développement des gerbes e.m. peut être simuléde manière très précise (au niveau de O(1)% dans le programme EGS de SLAC).La simulation des gerbes hadroniques est nettement plus grossière (programmesFLUKA, GEISHA,...) ; toutefois la précision requise y est plus faible, car elle est

29

Page 30: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

de toute manière limitée par la résolution intrinsèque.

1.7 Interaction des particules avec la matière

1.7.1 Photons et électrons

On peut décrire phénoménologiquement l’interaction de photons qui tra-versent une épaisseur dx de matière homogène par l’absoption d’une fraction :

dN

N= −µdx

le signe − indique que les dN sont perdus, µ est le coefficient d’absorption, Nle nombre de photons à l’entrée.

Figure 1.7.1 – Sections efficaces d’absorption des photons en fonction de leurénergie, a) dans le carbone ; b) dans le plomb

L’intégration donne la décroissance exponentielle en fonction de l’épaisseurtotale :

N = N0 exp(−µx)

µ peut être calculé théoriquement à partir de la section efficace σ d’absoption, quireprésente la probabilité pour un photon d’interagir avec le milieu. Trois processusdominent (voir figure 1.7.1) :

• 1) τ : l’effet photoélectrique : γ +A→ A+ + e−, dominant pour Eγ < 500KeV. Les discontinuités dans la courbe σp.e. correspondent à des transitionsentre couches électroniques de l’atome ;• 2) l’effet Compton (σCompton) : γ + e− → γ + e− et la diffusion cohérente

sur les atomes (σRayleigh) : γ + A→ γ + A ;

30

Page 31: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

• 3) la production de paires dans le champ nucléaire (κnuc) et dans celui dese−(κe), dominante pour Eγ > 2 MeV.

De plus, on peut observer des réactions photonucléaires avec les noyaux quisont suivies en général par l’émission de nucléons (σPH.N.).

La section efficace de l’effet photoélectrique est proportionnelle à Z5 pourEγ > mec

2. La section efficace de création de paires est proportionnelle à Z2. Lenombre total d’électrons disponibles pour effectuer une diffusion Compton est del’ordre de Z/atome.

En conclusion, l’effet global doit être fonction du Z (moyen) de la substance.

Figure 1.7.2 – Perte d’énergie fractionnaire par unité de longueur de radiationen fonction de l’énergie des électrons (positrons)

Un électron qui traverse la matière perd de l’énergie par ionisation commetoute particule chargée (figure 1.7.2). Pour des énergies de plus de 10 MeV, leprocessus dominant est celui de Bremsstrahlung : e → γ + e qui a lieu dans lechamp coulombien d’un noyau. L’intervention de ce champ est indispensable pourassurer la conservation de (E,p) ; il s’agit en effet d’une diffusion γ + e→ γ + e,où le premier photon est virtuel et représente le quantum d’énergie e.m. échangéeentre le noyau et l’électron.

La perte moyenne d’énergie par collision dépend du Z2 de la substance. Ontrouve que l’on peut exprimer la perte d’énergie par rayonnement sous la forme :

dE

dx= − E

X0

,

31

Page 32: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

valable pour E >> mec2. X0 est appelée la longueur de radiation. L’énergie

moyenne des électrons à la profondeur x est donnée approximativement par :

< E(x) >= E0 exp(−x/X0)

Les fluctuations statistiques sont importantes étant donné la nature stochastiquede l’interaction (théories de Landau et Vavilov). Donc, pour x = X0 l’énergiemoyenne est réduite d’un facteur 1/e.

La longueur de radiation X0 dépend du matériel traversé ; cette dépendanceest donnée par une expression du type :

X0 ≈ 180A/Z2 [g/cm2]

valable à ∼20% pour Z > 13.Par exemple dans le Fe : 180 · 56/262 = 14.9 g/cm2=14.9/7.87=1.89 cm, à

comparer avec 1.76 de la table.Si maintenant on revient à la production de photons par rayonnement on

trouve que la section efficace est aussi proportionnelle à A/Z2. On peut doncutiliser la longueur de radiation pour caractériser ce processus. La probabilité deconversion en paire e+e− est donnée par :

P ≃ 1− exp

(− 7x

9X0

)Sur une distance X0, la probabilité de conversion d’un photon en un couple e+e−vaut environ 1− e−0.8 = 0.55, à peu près constante à partir de 1 GeV.

En conclusion, à haute énergie où la perte d’énergie par radiation et la créationde paires dominent, l’interaction des électrons et des photons dans la matière nedépend que de la valeur de X0. On peut ainsi caractériser la topologie des gerbese.m. initiées par une de ces particules de façon indépendante de la substance.

1.7.2 Gerbes électromagnétiques

Elles sont générées par l’interaction de gamma ou d’électrons énergétiques avecla matière (interactions e.m.). Comme précédemment on est amené à normaliserles distances en terme d’ X0 la longueur de radiation. Dans ce cas, on obtient pourles électrons :

δEradiation∼= −E

δx

X0

(E > 1 GeV)

De plus il y a une valeur de l’énergie de l’électron Ec (E critique) en dessousde laquelle la perte d’énergie par collision (ionisation du milieu) domine la pertepar radiation :

Ec = 580/Z MeV

32

Page 33: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

valable à 10% près pour Z > 13.Notons que certains auteurs désignent par ε l’énergie critique et par Ec l’énergie

du seuil de détection.Un modèle simple de génération d’une gerbe e.m. se trouve dans le livre de

W. Heitler 16. Un photon incident d’énergie E0 traversant une épaisseur X0 aune prob. = 0.55 de se convertir en une paire e+e−. Chaque particule généréea en moyenne une énergie E0/2 (figure 1.7.3). Après une distance X0, l’énergie

e−

e+

0 1 2 3

γ

Xo

Figure 1.7.3 – Développement d’une gerbe électromagnétique (modèle deW.Heitler)

de chaque électron est réduite par un facteur e−1. Une grande partie de cetteénergie est émise sous forme de photons avec une énergie comparable à E0. Onsuppose qu’un seul photon est émis avec E = (E0/2)/2. On a maintenant 4particules et on est à une profondeur de 2X0. Et ainsi de suite. Après tX0, ona 2t particules. Le processus s’arrête quand E0/2

t devient plus petit que Ec. Ace stade, le nombre de particules est maximal : Nmax = E0/Ec et la profondeurvaut : tmax = log(E0/Ec) log 2.

Ce modèle simple peut être amélioré. Des programmes de simulation (commeEGS “électron gamma shower” de SLAC) sont capables de reproduire les caracté-ristiques des gerbes avec une précision de 1 à 5%. Toutefois des formules simplespour des estimations sont disponibles :

• Position du maximum : tmax = log(E0/Ec) − t0 avec t0 = 1.1 pour des

16. W. Heitler : The Quantum Theory of Radiation. 3d edition. Oxford Press (1954).

33

Page 34: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

gerbes initialisées par des e± et t0 = 0.3 pour des1 gamma. La gerbe e.m.produite par des e± commence plus tôt que celle créée par un γ.• Le centre de gravité de la gerbe vaut tmax+1.4 et tmax+1.7 respectivement

pour les cas e± et γ.• Un bon détecteur “calorimétrique” doit pouvoir contenir la gerbe e.m. dans

sa presque totalité. La perte vers l’arrière (mais aussi le “back-scattering”vers l’avant..) fluctue autour d’une valeur moyenne et affecte la résolutionde la mesure. On trouve en moyenne que la gerbe a perdu 98% de sonénergie dans environ L98% = 2.5tmax . Un bon calorimètre fait 20X0 aumoins.• La longueur totale des traces de particules chargées vaut T = E/Ec .• D’autre part, la dimension latérale de la gerbe est fonction de la profondeur.

Physiquement elle est déterminée par l’angle moyen de bremsstrahlung(≈ pe/me) et par les effets de diffusion multiple. On trouve que la gerbe estcontenue dans un rayon ρM : ρM ∼= X0

21 MeVEc

(le rayon de Molière) jusqu’àla profondeur tmax. Intégré sur toute la profondeur, le rayon nécessairepour collecter 90% de l’énergie vaut : R90% = 2ρM . On a souvent besoin deparamétriser le comportement moyen des gerbes. Cela est utile pour desroutines de “Fast Showering”.

1.7.3 Gerbes hadroniques

L’interaction e.m. des hadrons chargés devient négligeable à haute énergie. Lesprocessus forts à partir de quelques GeV/c ont une section efficace totale σtot del’ordre de 20-50 mb, dont une certaine fraction est constituée par de la diffusionélastique (≃ 20% dans le cas p− p).

Pour mesurer la probabilité d’absorption d’un hadron dans la matière on uti-lise généralement une section efficace qui ne contient pas les contributions élas-tiques (diffusion cohérente sur les noyaux) ou quasi-élastiques (diffusion sur lesnucléons du noyau) : σabs = σtot − σe1 − σq.él.. Par exemple on trouve queσabs ≈ 41.2 A0.71 [mb] pour des neutrons sur des noyaux de poids atomique A.

On n’a pas d’approche simple pour décrire une gerbe hadronique. On définitune longueur d’absorption : λ0 = A/NAρσabs qui permet de “normaliser” latopologie de la gerbe (un peu comme X0 dans la gerbe électromagnétique). Uneapproximation est par exemple :

λ0[cm] ≃ 35 A1/3

ρ≃ 390 A−2/3

Il existe des programmes de simulation (Geisha, Fluka,...) mais leur précision estréduite. Les fluctuations des gerbes hadroniques sont beaucoup plus grandes cellesdes gerbes e.m., ce qui complique la résolution du problème.

Une gerbe typique est engendrée par la création de particules rapides parinteraction forte sur les nucléons de la matière. Les secondaires sont pour l’essentiel

34

Page 35: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

des pions et des nucléons. Souvent des π0 sont produits, ce qui donne des sous-gerbes e.m. A 10 GeV, cela représente 20% de l’énergie dissipée ; la fraction deπ0 est donnée à peu près par 0.1 log(E [GeV]). Une partie de l’énergie est perdueen excitation et fission nucléaire, ce qui réduit la part de l’énergie “visible”. Uneautre part de la réduction vient de la production de neutrinos non détectés. Danscertaines expériences les muons échappent aussi à la détection.

Rappelons quelques relations utiles :

• Le maximum de la gerbe (en unités λ0) : tmax = 0.90 + 0.36 log(E[GeV ]).• La profondeur correspondant à une déposition de 95% de l’énergie est don-

née par : t95% = tmax + 2.5 E0.13. En pratique un calorimètre hadroniquedevrait avoir une épaisseur d’au moins 5λ0.• 95% de l’énergie de la gerbe est contenue dans un rayon R95% = 1λ0.

Le tableau donne une certain nombre d’informations concernant les matériauxusuellement utilisés pour les calorimètres.

35

Page 36: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

a) a) a) b) a) c)

Matériel Z A ρ dE/dx λ0 (cm) λ0 (cm) X0 Ec e.m.

(g/cm2) (MeV/cm) pour N pour π (cm) (MeV) λatt(X0)

C 6 12.0 ≈ 1.55 ≈ 2.76 49.9 64.9 ≈ 27.5 75.9

Al 13 27.0 2.70 4.37 37.2 45.8 8.9 39.3 2.7

A liquide 18 40.0 1.40 2.11 80.9 97.7 14.0 29.8

Fe 26 55.9 7.87 11.6 17.1 18.9 1.76 20.5

Cu 29 63.5 8.96 12.9 14.8 17.2 1.43 18.7 3.0

Sn 50 118.7 7.31 9.4 22.8 24.7 1.21 11.4 3.5

W 74 183.9 19.3 22.6 10.3 10.5 0.35 7.9 4.1

Pb 82 207.2 11.35 12.8 18.5 18.4 0.56 7.2 3.9

U 92 238.0 18.95 20.7 12.0 11.4 0.32 6.6

NaI 3.67 4.84 41.3 2.59 12.5

Scintillateur plastique 1.032 2.03 68.5 42.9 87.1

Lucite ≈ 1.2 2.32 65.0 34.5 80.0

Table 1.7.1 – Paramètres de matériaux utilisés pour les calorimètres. Note :λ0 = longueur d’absorption nucléaire, X0 = longueur de radiation, Ec =énergiecritique. a) De la table PDG (1978). b) La section efficace inélastique des pionsσi = 31.2 A0.744 (mb) a été utilisée. c) Les valeurs correspondent à des gerbesélectromagnétiques de 6 GeV

36

Page 37: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

2 Relativité et mécanique quantiqueDans ce chapitre, on esquisse la procédure qui amène au mariage de la mé-

canique quantique et de la relativité (restreinte 17). La recherche de formes cova-riantes des équations du mouvement conduit aux équations de Klein-Gordon etde Dirac. L’équation de Klein-Gordon permet de décrire la propagation des parti-cules de spin 0, l’équation de Dirac celle des particules (et antiparticules) de spin1/2.

2.1 Relativité restreinte

2.1.1 Invariants et tenseurs

Dans la géométrie euclidienne, on a des systèmes de coordonnées particuliers,les repères “cartésiens”. On passe d’un repère (observateur O) à l’autre (O’) pardes transformations linéaires orthogonales qui conservent la distance tri-dimensionnelle ( pour l’instant composantes covariantes et contravariantes sontconfondues ; leur différence apparaîtra plus loin) :

dl2 = dx2 + dy2 + dz2 =∑i=1,3

dx2i (2.1.1)

dl2 est un invariant lors de transformations linéaires orthogonales du type :

x′i = ci +∑j

bijxj avec la condition∑j

bijbkj = δik (2.1.2)

qui exprime l’orthogonalité de b et qui implique que le déterminant de b est| b |= ±1. Le cas | b |= −1 fait passer d’un système droit à un gauche et viceversa. Un segment dxi se transforme par :

dx′i =∑j

bijdxj (2.1.3)

En vertu de cela, l’élément de volume est conservé :

dV ′ =∏i=1,3

dx′i =∂(x′1, x

′2, x

′3)

∂(x1, x2, x3)

∏i=1,3

dxi = 1×∏i=1,3

dxi = dV (2.1.4)

car le jacobien vaut | b |.On a ainsi la possibilité de définir des grandeurs indépendantes de l’observateur

O. Par exemple la grandeur dw=dx+dy n’est pas un invariant, comme on peut lemontrer en effectuant une rotation autour de l’axe z.

17. A. Einstein, The meaning of Relativity. Ed. Princeton University Press 1955 (voir aussiref. : 8).

37

Page 38: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On a une autre façon d’exprimer l’invariance par rapport à l’observateur.Considérons une droite :

xi = Ai + λBi i = 1, 2, 3; | B |= 1 (2.1.5)

λ parcourt la droite.Dans le repère de O’, on obtient aussi l’équation d’une droite :

x′i = A′i + λB′

i | B′ |= 1 B′i =

∑k

bikBk etc... (2.1.6)

Les équations (2.1.5) et (2.1.6) ont la même forme, donc l’expression d’unedroite est la même pour les deux observateurs. C’est une forme (formulation)covariante. Cela vient du fait que l’élément xi −Ai − λBi se transforme commel’intervalle dxi. C’est cet élément qui définit les points de la droite et le voisinagede celle-ci.

Tout objet dont les coordonnées se transforment comme les éléments dxi estappelé un vecteur. Par exemple, le gradient d’une fonction scalaire est un vecteur.On a vu que dl2 est le même pour tout observateur, donc quand un vecteur estnul pour un observateur il l’est pour tous, lors d’une transformation homogène.En conclusion, la définition d’un vecteur s’exprime (presque) indépendamment detoute représentation géométrique.

On procède de même avec des tenseurs d’ordre 2,3,... qui se transforment parmultiplication par 2,3,... fois la matrice b. Les scalaires et les vecteurs sont doncdes tenseurs d’ordre 0 et 1 respectivement.

Une grandeur comme dl2 est dite invariante parce qu’ on a annihilé toutedépendance par rapport à la transformation en question. En géométrie, on réalisecela de façon formelle par l’introduction d’une métrique g qui permet de calculerla longueur d’un intervalle, en tout point de l’espace. L’action de la métrique estde muter un vecteur qui se transforme via la multiplication par b en un autre quise transforme via la multiplication par b−1.

On va maintenant introduire une définition et une notation standard, permet-tant une représentation en coordonnées généralisées. Un vecteur infinitésimal dP ,dans un repère donné, peut être complètement représenté par les trois nombresdxi (i en apex) :

dP =∑i

∂P

∂xidxi

Les dérivées ∂P∂xi

constituent en pratique les vecteurs de base du repère. Les troisnombres dxi constituent un système contravariant, dans le sens que, pour quedP ait une signification “universelle”, un changement dans les vecteurs de base∂P∂xi

doit être contrebalancé par un changement dans les dxi. En effet, soit unchangement de coordonnées O→ O′ ; les vecteurs de base sont changés en

∂P

∂x′i=∂P

∂xj∂xj

∂x′i

38

Page 39: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

(la sommation sur les indices identiques j est sous-entendue), et les éléments dxi

sont changés en dx′i = ∂x′i

∂xjdxj.

Il est toutefois possible de décrire le même vecteur par trois nombres dxi (i enindex) : dxi = dP ∂P

∂xi. Ces trois nombres constituent un système covariant.

Les composantes covariantes et contravariantes représentent le même vecteur. Onpeut passer d’une composante à l’autre si l’on connaît la métrique g :

gij =∂P

∂xi· ∂P∂xj

= gji (2.1.7)

x

v

v

v

v

v x 111

2

2

2

Figure 2.1.1 – Composantes covariantes et contravariantes d’un vecteur, en co-ordonnées obliques

Cela se généralise à une grandeur vectorielle quelconque. Considérons 3 grandeursfonctions d’un point de l’espace qui, lors d’un changement de coordonnées, setransforment comme les différentielles des coordonnées dxi :

a′i =

∂x′i

∂xjaj (2.1.8)

On dit que les aj sont les composantes contravariantes d’un vecteur (c’est lasituation usuelle). La situation des composantes covariantes est donnée par :

a′

i =∂xi

∂x′jaj (2.1.9)

Dans ce sens, l’opérateur ∂i = ∂/∂xi est covariant (il a un comportement “ 1contravariant ”).

Dans le cas euclidien g =diag(1, 1, 1), et ai = ai. Toutefois cela n’est pas toujoursle cas : déjà en coordonnées obliques on peut distinguer les deux représentations

39

Page 40: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

(figure 2.1.1). La métrique g permet de transformer une composante covarianteen une composante contravariante. L’expression :

δs2 = gijδxiδxj = δxjδx

j (2.1.10)

définit l’élément de longueur (invariant) ; elle exprime le fait que la somme desproduits des composantes covariantes et contravariantes est un une grandeur in-variante (le produit des dérivées définissant le passage d’un repère à l’autre donnel’unité).

La théorie de Maxwell et l’expérience de Michelson et Morley à la fin duIXXême siècle ont amené 1) au principe de relativité (équivalence des systèmes enmouvement relatif rectiligne et uniforme) et 2) à la conclusion que tout observateurinertiel doit mesurer la même vitesse de propagation de l’onde électromagnétique.D’où la nécessité de marier espace et temps sous la forme des transformations deLorentz.

2.1.2 Les transformations de Lorentz

Elles sont obtenues sous les hypothèses suivantes :

1) tout observateur inertiel est équivalent (principe de la relativité res-treinte) ;2) tout observateur inertiel obtient c lors de la mesure de la vitesse de lalumière.

Soit un référentiel O. Un point de l’espace temps par rapport à O est défini parun quadrivecteur, P = (t, r) = (t, x, y, z). Si O’ est un référentiel en mouvementrectiligne et uniforme par rapport à O de vitesse v//x, alors l’événement P estobservé dans O’ en P’, dont le quadrivecteur est donné par la transformation deLorentz (voir figure 2.1.2)

Considérons dans O deux événements en P0 = (0,0) et P1=(t,x,0,0). Leur dis-tance quadridimensionnelle est s = P1 − P0. On peut montrer queδs2 = (ct)2 − x2 est un invariant (de Lorentz), c.à.d. que tout observateur enmouvement rectiligne et uniforme par rapport à O doit obtenir la même valeur deδs2 pour ce couple d’événements. En effet, dans O’ on a :

P ′0 = P0 et P ′

1 = (γ(t− vx/c2), γ(x− vt), 0, 0) (2.1.11)

Le module de leur distance quadridimensionnelle est :

δs′2 = c2γ2

(t− v

c2x)2− γ2(x− vt)2 = δs2 (2.1.12)

Les expressions covariantes sont donc décrites par des quadrivecteurs aµ, où l’indexµ varie de 0 à 3.

40

Page 41: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

x’

z’

y’

t’

=

=

=

y

z

γ

γ

( x − v t ) = γ ( x − β c t )

( t − v x / c2 ) == γ ( t − x / c )β

ou β = v / c < 1 et γ = ( 1 − β2

)−1/2

> 1x

x’

0

0’

v

y’y

Figure 2.1.2 – Transformation de Lorentz si v est parallèle à x. Si v est dans uneautre direction, les relations sont à adapter

On introduit une métrique de l’espace-temps g :

g =

1−1

−1−1

, gµν = gµν (2.1.13)

qui permet de définir l’invariant 18 :

ds2 = gµνdxµdxν = dxνdx

ν (2.1.14)

On a posé :

x0 ≡ ct, x1 ≡ x, x2 ≡ y, x3 ≡ z (2.1.15)

Remarquons que si l’on utilise la métrique diag(1,1,1,1) et xo=ict, le signe de ds2est inversé.

Sous la forme matricielle les transformations de Lorentz s’écrivent (dans le casd’une vitesse v⧸⧸x) :

x′µ = Λµνx

ν avec Λ =

γ −γβ 0 0−γβ γ 0 00 0 1 00 0 0 1

(2.1.16)

18. rappel : la sommation sur les indices identiques est sous-entendue

41

Page 42: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On peut montrer que les matrices Λ jouissent d’une structure de groupe. Eneffet, les transformations de Lorentz constituent une sorte de rotation dans l’espacetemps. Λ′Λ′′ est aussi une transformation de Lorentz. Quand β → 0 alors Λ →diag(1,1,1,1), ce qui nous donne l’élément neutre. L’expression :

Λαβ = gβρgασΛρσ (2.1.17)

permet de calculer l’élément inverse.

Q. : le groupe est-il commutatif ?

CL

δτ

CL-

tH+ +

H+s

-Ht

-Hs

Figure 2.1.3 – Intervalles dans l’espace-temps. Voir texte

On peut d’ailleurs compléter cette structure par les rotations dans l’espacetout court et former ainsi le groupe de Lorentz. Si l’on persévère et que l’onrajoute des translations dans l’espace temps, on obtient le groupe de Poincaré,qui a comme limite pour β petit celui de Galilée.

Deux événements reliés par un signal de lumière donnent δs2 = 0. Si deuxévénements ont un δs2 > 0, (cδt)2 > δx2, alors une information a pu être échangée(en tout cas à la vitesse c) et ils peuvent donc être en connexion causale. Siδs2 < 0, aucune relation de cause à effet doit exister.

Pour une famille d’observateurs, deux événements P0 et P1 ayant une sépa-ration δs2 se situent dans le plan δx, δt sur une des 4 hyperboles H qui ontcomme asymptote les cônes de lumière CL (voir figure 2.1.3 ; les échelles ontété choisies de façon à avoir ces cônes à 45 ).

Le cas δs2 > 0 est appelé une séparation de “genre temps” ; c’est le cas où laconnexion causale est possible. Il existe un observateur (celui au repos par rapport

42

Page 43: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

aux événements) pour lequel δx = 0 et δt = δτ , où τ est le temps propre. Si P0

est dans le passé de P1 on est sur l’hyperbole H+t (sur H−

t si c’est l’opposé).Le cas δs2 < 0, dit de “genre espace”, interdit la connexion causale. Il existe

un observateur pour lequel les deux événements ont lieu simultanément, en deuxendroits différents.

Un signal de vitesse c peut coupler deux événements qui se situent sur le cônede lumière.

2.1.3 Espace et temps en relativité

Considérons l’expérience suivante (voir figure 2.1.4) : l’observateur O veutmesurer l’intervalle de temps ∆t entre deux événements qui ont lieu au reposdans O’ : l’opinion de O’ est donc que ∆x′ = 0 et ∆t′ vaut p. ex. 1 seconde.Supposons que les événements consistent en l’émission d’une impulsion de lumièrequi peut être captée par des photocellules. Pour pouvoir effectuer la mesure, Odispose un grand nombre de photocellules sur le parcours de O’. Une photocelluledonne le START du chronomètre de O. Le STOP est donné par la photocellulela plus proche de O’ au moment du second événement. Naturellement toutes lesphotocellules doivent être préalablement synchronisées par O. Pour ce faire,on peut, avant l’expérience, les amener au même point et vérifier qu’elles donnentune réponse synchrone à une même impulsion fournie.

d d dd d

stop

,

TDC

d

O

O v

start

d

photocellule

retardprogramme

convertisseurtemps−>digitalTDC

Figure 2.1.4 – Schéma de principe d’un dispositif devant permettre la mesure dela dilatation du temps

Lors de l’expérience, on peut supposer que le premier événement a lieu alorsque O et O’ se croisent et que c’est à cet instant que les observateurs démarrent

43

Page 44: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

les chronomètres respectifs :

x0 = x′

0 = 0 et t0 = t′

0 = 0

Le second événement a lieu en O’ à l’instant t′1, toujours à l’origine en O’,x

′1 = 0, mais en x1 = vt1 en O. On applique les transformations de Lorentz :

x′

1 = γ(x1 − vt1) = 0 comme prévu

t′

1 = γ(t1 − vx1/c2) = γ(t1 − v2t1/c2) = t1/γ

Donc t1 = γt1′ est plus “long” que t′1. C’est la dilatation du temps de O’

observé par O.Ce résultat a conduit au paradoxe des jumeaux. En 1970, on 19 avait compté

305 papiers qui discutaient de ce paradoxe (sans compter les ouvrages de SF, NewAge, etc.).

On procède de façon analogue pour montrer la contraction des longueurs.

A-t-on en physique des particules des preuves expérimentales directes de ladilatation du temps ? Une mesure quantitative de ce phénomène est le byproductde l’expérience g-2 (voir figures 2.1.5 2.1.6) ayant conduit à la détermination dufacteur gyromagnétique du muon 20. Dans cette expérience, des pions chargés sontinjectés dans un anneau de stockage de 14 m de diamètre. Les pions chargés sedésintègrent en vol en donnant des muons : π → µν. Les muons se placent surdes orbites stables et se désintègrent selon le schéma : µ → eνν. Les électronsémis sont détectés par des compteurs à scintillation disposés sur le pourtour del’anneau.

L’impulsion des µ est de 3.094 GeV/c ce qui donne un γ=E/m=3.095/0.1056=29.30. Les muons au repos ont un temps de vie τµ=2.197 µsec. En vol on observeune pente du taux de comptage compatible avec γτµ= 64.37 µsec.

Q. : le paradoxe des jumeaux est-il ainsi vérifié ?On reprendra la discussion de cette expérience lorsqu’on parlera des propriétés

du muon.

2.1.4 Quadrivecteur énergie-impulsion

La notion de vitesse est généralisée par l’introduction du quadrivecteur :

uµ =dxµ

dτ≡ c

(dt

dτ,1

c

dx

)(2.1.18)

τ est le temps propre de la particule c’est à dire le temps dans le système où laparticule est au repos.

19. L.Marder, Time and the space traveller. Ed. Univ. of Pennsylvania Press, 197120. J. Bailey et al. Nucl. Phys. B150 (1979) 1 ; F.J.M. Farley et E. Picasso, Annu. Rev. Nucl.

Part. Sci. 29 (1979) 243

44

Page 45: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 2.1.5 – Anneau de stockage à muons : a) vue schématique de dessus, avecles 40 aimants dipolaires et les 20 compteurs de particules ; b) vue en coupe d’unaimant dipolaire en forme de C ; c) vue en coupe de la chambre à vide où circulele faisceau de muons. Cette chambre est ajustée dans l’entrefer des aimants

On a :

dt

dτ= γ et

dx

dτ=dx

dt

dt

dτ= vγ donc : uµ ≡ c

(γ, γ

v

c

)(2.1.19)

On voit que u2 = c2 est un invariant.En multipliant par m, la masse de la particule définie dans son système de

repos, on obtient le quadrivecteur énergie-impulsion :

pµ ≡ (γmc, γmv) = (E/c,p) avec : p2 = c2m2 (2.1.20)

donc p2 est un invariant, ce qui est attendu, car il s’agit de l’énergie de masse dela particule, dans son système au repos.

L’énergie cinétique d’une particule est définie par :

T = E −mc2 (2.1.21)

Q. : montrer que T = mv2/2 quand v ≪ c.

45

Page 46: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 2.1.6 – Taux de comptage en fonction du temps. La courbe supérieure serapporte à l’échelle selon l’abscisse ; les autres courbes se rapportent à des échellesdécalées

2.1.5 Covariance en électrodynamique

Un exemple d’expression covariante est celle qu’on obtient en écrivant l’équa-tion de continuité dρ

dt+ div(j) = 0 sous la forme :

∂µjµ = 0 où l’on pose j0 = cρ (2.1.22)

Il faut bien réaliser que la covariance de l’équation de continuité exprime une si-tuation physique précise : tout observateur doit observer une accumulation

déperdition à l’endroitoù le courant diverge. De même, on peut reformuler les équations de Maxwell defaçon covariante. On définit le tenseur du champ e.m. :

F µν =

0 −Ex −Ey −EzEx 0 −Bz ByEy Bz 0 −BxEz −By Bx 0

(2.1.23)

On peut ainsi combiner les deux éq. de Maxwell pour div(E) et rot(B) en

∂µFµν =

cjν (2.1.24)

Ex. : prouver que l’antisymétrie F µν = −F νµ implique 2.1.22.

46

Page 47: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les deux éq. de Maxwell homogènes découlent automatiquement 21 une foisque nous avons introduit les potentiels vecteur (A) et scalaire (V ) : B = rot(A)et E = −grad(V )− 1

c∂A∂t

.

Si l’on combine ces potentiels :

Aµ ≡ (V,A) on trouve : F µν = ∂µAν − ∂νAµ (2.1.25)

Ce qui permet de réécrire l’éq. 2.1.24 :

∂µ∂µAν − ∂ν(∂µAµ) =

cjν (2.1.26)

Or, on peut effectuer une redéfinition du potentiel, ce qu’on appelle une trans-formation de jauge. Cela est possible car la transformation :

Aµ → Aµ + ∂µf(t,x) (2.1.27)

ne change pas la description physique.

On impose donc la contrainte (jauge de Lorentz) :

∂µAµ = 0 (2.1.28)

ce qui donne :

∂µ∂µAν =

cjν ou 2Aν =

cjν (2.1.29)

2 est le d’Alembertien

∂µ∂µ = ∂µ∂µ (2.1.30)

On obtient ainsi des expressions compactes dans lesquelles la covariance estexplicite. Par exemple, l’invariance du produit F µνFµν est automatique.

Q. : que vaut ce produit ?

2.2 Les équations de Klein-Gordon et de Dirac 22

La transition de la mécanique quantique non relativiste (QM) à son corres-pondant relativiste (RQM) devrait s’effectuer en douceur. On aimerait garder lesprincipes de base :

1) Dans la mécanique quantique non relativiste, un état est mathématiquementexprimé par une fonction d’état ψ, qui est fonction d’un certain nombre de

21. Les éq. homogènes peuvent s’obtenir de : ∂µFµν = 0 où Fµν = 12ε

µναβFαβ . VoirJ. D. Jackson : Classical Electrodynamics. Ed.John Wiley & Sons, Inc.(1975) Sect. 11.9.

22. Voir ref. : 6, 8 et 9.

47

Page 48: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

degrés de liberté. P. ex., on peut écrire pour l’état d’une particule : ψ(q, s, t), où qsont les coordonnées classiques, s le spin ou tout autre degré de liberté interne, tle temps. | ψ |2 est une quantité définie positive, interprétée comme la probabilitépour la particule de se trouver dans cet état.

2) Toute observable Ω est représentée par un opérateur hermitique⟨ψ∣∣ Ωψ⟩ =⟨

Ωψ∣∣ ψ⟩ En particulier, l’impulsion p de la particule est donnée par :

pi →ℏi

∂qic. à d. p = iℏ∇ (2.2.1)

3) Un état physique est un vecteur propre de l’observable Ω si :

Ωϕn = ωnϕn (2.2.2)

où ωn est la valeur propre réelle qui correspond au vecteur propre ϕn.

4) Un état arbitraire s’exprime comme une superposition linéaire d’un ensemblecomplet de fonctions de base (vecteurs propres) :

ψ =∑n

anφn avec l’orthogonalité :⟨φn∣∣ φm⟩ = δnm (2.2.3)

| an |2 représente la probabilité de trouver le système dans l’état n.

5) L’espérance mathématique de l’observable Ω est donnée par :

⟨Ω⟩ψ = ⟨ψ|Ω|ψ⟩ =∑n

| an |2 ωn (2.2.4)

Dans les relations ci-dessus, le signe⟨ ∣∣ ⟩ correspond à l’intégration sur les coor-

données et la sommation sur les états internes.

6) L’évolution d’un système physique est représentée par l’équation de Schrö-dinger :

iℏ∂ψ

∂t= Hψ (2.2.5)

H est l’Hamiltonien du système. Si le système est fermé, H est indépendant det ; ses valeurs et vecteurs propres représentent les états stationnaires possibles dusystème “au repos”. Si l’on considère une particule d’énergie cinétique p2/2m, dansun potentiel (réel) V, l’équation devient :(

−ℏ2∇2

2m+ V

)ψ = iℏ

∂tψ (2.2.6)

48

Page 49: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

De façon analogue à 2.2.1, on pose :

E → iℏ∂

∂t(2.2.7)

On va maintenant se restreindre au cas des particules libres (V=0).Si l’on multiplie l’eq.(2.2.6 avec V=0) par ψ∗ et on soustrait son complexe

conjugué multiplié par ψ, on obtient l’équation de continuité :

dt+∇ · j = 0 avec : ρ = ψ∗ψ et : j =

ℏ2mi

[ψ∗∇ψ − (∇ψ∗)ψ] (2.2.8)

Cette équation exprime la conservation de la probabilité, donc de la propriétéd’existence de la particule et des caractéristiques qu’elle transporte. Par exemplesi l’on multiplie ρ et j par la charge de la particule, on exprime la continuité ducourant électrique.

La première tentative de transposer tout cela dans un contexte relativiste partde l’expression de l’énergie E2 = (pc)2 + (mc2)2. En utilisant 2.2.1 et 2.2.7 onobtient :

−ℏ2∂2t ψ = (−ℏ2c2∇2 +m2c4)ψ (2.2.9)

qui peut s’écrire sous la forme d’une équation d’onde :[2+

(mcℏ

)2]ψ = 0 Equation de Klein-Gordon (2.2.10)

Observons que (2.2.10) implique des solutions à énergie négative (∼ exp(±iEt/ℏ)) !Cela découle du fait que l’on a une ambiguïté de signe dans la solution :

E = ±√

(pc)2 + (mc2)2

On verra que cette situation n’est pathologique qu’en apparence et qu’en finde compte elle sera utile pour décrire l’état des antiparticules.

Partant de (2.2.10), la procédure ci-dessus amène à l’équation de continuité :

∂t(ψ∗∂tψ − ψ∂tψ∗) + ∇(ψ∗∇ψ − ψ∇ψ∗) = 0 , ou

∂µ(ψ∗∂µψ − ψ∂µψ∗) = ∂µjµ = 0 (2.2.11)

Le problème est qu’ à cause du second ordre de la dérivée temporelle dans l’eq.2.2.10, l’expression :

(ψ∗∂tψ − ψ∂tψ∗) (2.2.12)

49

Page 50: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

n’est pas définie positive, ce qui empêche de l’associer à une densité de probabilité !En effet, si l’on considère une solution :

ψ(x, t) = N exp

(− iℏEt+

i

ℏp · x

)(2.2.13)

on obtient une densité 2N2E, qui est négative pour la solution avec E<0. Histo-riquement, ce problème a amené à l’abandon provisoire de l’équation de Klein-Gordon.

En 1928, P.A.M. Dirac construit une équation covariante qui admet une densitéde probabilité positive. Pour faire cela, il considère nécessaire de limiter au premierordre la dérivation par rapport au temps, comme dans l’équation de Schrödinger.Pour obtenir une forme covariante, il faut également une dérivation du premierordre par rapport à l’espace. Donc Dirac écrit une équation de la forme :

iℏ∂tψ = −iℏ(α1∂1ψ + α2∂2ψ + α3∂3ψ) + βmc2ψ ≡ Hψ (2.2.14)

qui, en plus de la covariance sous les transformations de Lorentz, doit satisfaireà :

E = +(c2p2 + c4m2)1/2 (2.2.15)

On voit que si les αi sont des nombres, l’expression entre parenthèse dans la 2.2.14n’est pas invariante par rotation. La conclusion de Dirac est qu’on peut obtenirune solution convenable en considérant une fonction d’onde à 4 composantes eten introduisant des matrices 4x4 pour les αi et β.

On peut imaginer la forme de cette solution si l’on impose la covariance àl’équation. Donc on réécrit 2.2.14 sous la forme :(

iℏγµ∂

∂xµ−mc

)ψ = 0 Equation de Dirac (2.2.16)

avec les 4 paramètres γµ, µ=0,1,2,3, à déterminer. Dans l’espace des p on a :

(γµ pµ −mc)ψ = 0 (2.2.17)

La détermination de ces paramètres se fait en multipliant 2.2.16 à gauche par(−iℏγµ∂/∂xµ − mc), et en cherchant à récupérer une forme à la Klein-Gordon.On obtient alors les conditions :

γµ, γν ≡ γµγν + γνγµ = 2gµνI où I =

(1 00 1

)(2.2.18)

Il y a une famille de solutions équivalentes dont une représentation est :

γ0 =

(1 00 −1

), γi =

(0 σi

−σi 0

)(2.2.19)

50

Page 51: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Dans (2.2.18) et (2.2.19) les 1 et les 0 représentent des matrices 2x2, et les σi sontles matrices de Pauli. On introduit aussi :

γ5 = iγ0γ1γ2γ3 =

(0 11 0

)(2.2.20)

La fonction d’onde a donc la forme d’un double spineur :

ψ =

ψ1

ψ2

ψ3

ψ4

(2.2.21)

Notons qu’il ne s’agit pas d’un quadrivecteur !

2.2.1 Le courant pour les particules de Dirac

On définit le courant par (N.B. : a† = (a∗)t) :

jµ(x) = cψ†(x)γ0γµψ(x) = cψ(x)γµψ(x) où ψ = ψ†(x)γ0 (2.2.22)

ψ est appelé l’adjoint de ψ. ψ satisfait l’équation de Dirac adjointe que l’on obtienten prenant le † de 2.2.16 et en multipliant par γ0. On trouve que cette expressionsatisfait l’équation de continuité ∂µjµ = 0. jµ est un quadrivecteur de Lorentz,qui a pour composante temporelle la quantité définie positive j0 = ρc = cψγ0ψ =cψ†ψ, comme attendu.

Notons que ψ†ψ n’est pas un scalaire (un invariant) de Lorentz ; on peut mon-trer que ψψ par contre est invariant.

2.2.2 Les solutions de l’équation de Dirac

Considérons tout d’abord la situation statique, p = 0. Dans ce cas, on a lapaire de solutions :

ψ±(t) = e+i(mc2t/ℏ)ψ±(0) (2.2.23)

avec :

ψ+ =

(ψ1

ψ2

)et ψ− =

(ψ3

ψ4

)(2.2.24)

mc2 est l’énergie de la particule au repos ; la solution à l’exposant positif corres-pond encore à des énergies négatives. On associera ces solutions aux antiparticules.On reconnait d’autre part dans (2.2.24) deux spineurs utilisables pour décrire unélectron et un positron de spin 1/2.

51

Page 52: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Venons-en à la situation dynamique, p = 0. On est intéressé à des états d’éner-gie définie, donc à des solutions en forme d’onde plane :

ψ(r, t) = ae−i(Et−p·r)/ℏu(E,p) (2.2.25)

qu’on écrit de façon condensée :

ψ(x) = aeixp/ℏu(p) (2.2.26)

Si l’on insère (2.2.26) dans l’équation de Dirac, où les matrices γ sont définies en(2.2.19) et (2.2.20), on obtient les 4 solutions (notations de la ref. 9) :

u(1) = N

10cpz

E+mc2c(px+ipy)

E+mc2

, u(2) = N

01

c(px−ipy)E+mc2−cpzE+mc2

si E =√m2c4 + p2c2

u(3) = N

cpz

E−mc2c(px+ipy)

E−mc210

, u(4) = N

c(px−ipy)E−mc2−cpzE−mc201

(2.2.27)

si E = −√m2c4 + p2c2

avec N =√

(| E | +mc2)/c

On a choisi la normalisation 2E particules par unité de volume (ref 2 et 9) :

u†u = 2 | E | /c (2.2.28)

Remarquons que d’autres normalisations sont possibles : u†u=1, | E |/mc2...

u(1) et u(2) sont des vecteurs propres de l’opérateur énergie avec la valeur propre+| E |u(3) et u(4) sont des vecteurs propres avec la valeur propre –| E |.

On associe conventionellement les vecteurs propres u(3) et u(4) au positron.On veut que pour le positron comme pour l’électron E >0, ce qui s’obtient

52

Page 53: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

si l’on change le signe de E et simultanément celui de p . Donc on réinter-prète les solutions pour des particules à E négative comme des solutions pourles antiparticules à E positive.

On obtient :

v(1)(E,p) = u(4)(−E,−p) = N

c(px−ipy)E+mc2−cpzE+mc2

01

v(2)(E,p) = u(3)(−E,−p) = N

cpz

E+mc2c(px+ipy)

E+mc2

10

(2.2.29)

Dorénavant on laissera de côté les notations u(3) et u(4), les vecteurs propresu(1) et u(2) représentant les e− et les vecteurs propres v(1) et v(2) les e+.

Les u satisfont à l’équation :

(γµpµ −mc)u = 0 (2.2.30)

et les v à l’équation :

(γµpµ +mc)v = 0 (2.2.31)

Remarquons que pour revenir à la forme (2.2.14) il faut faire la substitution :

γ0 = β et γi = βαi (2.2.32)

Quelques questions se posent :

• 1) Que cachent effectivement les solutions à énergie négative ?

On ne veut pas de particules de cette sorte. Une masse négative est difficileà concevoir : pensez à F=ma... ! Dirac a donné la réponse suivante à cette inter-rogation : des objets à énergie négative existent dans l’Univers, mais les états demasse -m et charge q qui correspondent à (−E,−p), E > 0 sont normalement tousuniformément occupés. En effet on considère ici des “fermions” qui se distribuentuniformément entre les états disponibles (voir le principe d’exclusion de Pauli) 23.Si l’on apporte une certaine quantité d’énergie δE > 2 mc2 au système “vide”, unepaire particule-trou peut se former par passage d’une de ces pseudo-particules à

23. Cette interprétation ne s’applique donc pas aux bosons...

53

Page 54: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

trou=antiparticule

particule2+m

2−m

E

Figure 2.2.1 – Formation d’une paire particule-trou selon Dirac

l’état de particule, de masse m et charge q. Le trou se comporte comme une an-tiparticule caractérisée par (E,p), masse m et charge −q. Un trou qui avance estéquivalent à une particule qui recule ! D’où les éq. 2.2.29. Il faut remarquer quece problème est contourné par la théorie quantique des champs.

• 2) Les vecteurs propres u(1) et u(2) représentent-ils un électron dans des états despin ±1/2 ?

La réponse est : non. Si l’on définit l’opérateur de spin :

S =ℏ2

(σ 00 σ

)(2.2.33)

on peut vérifier que l’on n’a pas des vecteurs propres de Sz. La raison en estque seul le moment angulaire total J = L + S est une quantité “conservée” etl’équation de Dirac implique cette conservation.

Exercice. : montrer que :

S1 =iℏ2γ2γ3 S2 =

iℏ2γ3γ1 S3 =

iℏ2γ1γ2 (2.2.34)

et, à partir de là, que :

S = −1

2γ0γ5γ (2.2.35)

C’est seulement dans le cas particulier px=py=0, (quand on projette le spin lelong de la direction du mouvement z et par L = 0)) qu’on obtient l’association

54

Page 55: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

u(1) = |+⟩ et u(2) = |−⟩. Cette projection s’appelle l’hélicité et l’opérateur cor-respondant est :

λ ≡ S · p =ℏ2

(σ · p 00 σ · p

)où p = p/ | p | (2.2.36)

Les états possibles sont λ = ±ℏ/2 (hélicités positive et négative) que l’on repré-sente par (figure 2.2.2) :

+1/2

−1/2

Figure 2.2.2 – Etats d’hélicité positive et négative

La petite flèche donne la direction de la particule, la grosse représente la pro-jection du spin sur cette direction.

L’opérateur hélicité commute avec l’Hamiltonien H : λ est un bon nombrequantique.

Q. : l’hélicité est-elle un invariant de Lorentz ?

• 3) A t’on vraiment obtenu une formulation covariante ? Il devrait être clair queoui : on a tout fait pour !

Pour le démontrer, il faut chercher une prescription qui permette de passerde l’état ψ(x) décrit par l’observateur O à l’état ψ′(x′) décrit par O’, où ψ′(x′)satisfait l’équation de Dirac :(

iℏγµ∂

∂x′µ−mc

)ψ′(x′) = 0

(γµp′µ −mc)ψ′(x′) = 0 (2.2.37)

La transformation doit être linéaire

ψ′(x′) = S(O,O′)ψ(x), où S est une matrice 4x4 (2.2.38)

En effet la solution existe, voir p. ex. ref. 8.

• 4) L’équation de Dirac admet-elle une limite non-relativiste raisonnable ?

A partir de 2.2.19,20, 2.2.23,24 et 2.2.32, on obtient :

55

Page 56: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Hψ = (cp ·α+mc2β)ψ = Eψ[c

(0 σσ 0

)· p+mc2

(1 00 −1

)]ψ = Eψ (2.2.39)

d’où le couple :cσ · pψ− = E −mc2)ψ+

cσ · pψ+ = E +mc2)ψ−

Dans la limite non relativiste, E est dominé par mc2 :

ψ− =cσ · pE +mc2

ψ+ −→σ · p2mc

ψ+ (2.2.40)

On appelle ψ− la “petite” composante, car affectée par le facteur 1/2mc.On montre que si l’on considère la particule en interaction avec un champ e.m.

externe et qu’on introduit le “couplage minimal” :

pµ → pµ − e

cAµ A ≡ (V,A), (2.2.41)

on tombe sur l’équation de Pauli :

iℏ∂

∂tφ =

[(p− (e/c)A)2

2m− eℏ

2mcσ ·B + eV

]φ (2.2.42)

avec B = rot(A) et φ un spineur (φ = eimc2t/ℏψ+).

On voit que dans sa limite non relativiste, l’équation de Dirac comprend unterme qui décrit l’interaction entre l’électron et le champ magnétique :

− eℏ2mc

σ ·B ≡ −g e

2mcS ·B avec : S =

1

2ℏσ et g = 2 (2.2.43)

g est le facteur de Landé de la particule.

• 5) Qu’en est-il des particules de spin entier 0, 1 etc... ?

On revient à l’équation de Klein-Gordon et on y applique la même conventionque pour l’éq. de Dirac : on considère les énergies négatives comme étant asso-ciées aux antiparticules. L’éq. de KG est apte à décrire une particule scalaire(oupseudo-scalaire, comme l’on verra plus tard) ; elle est invariante vis-à-vis destransformations de Lorentz. On peut voir cela de façon intuitive en remarquantque l’opérateur [2 -(mc2)2] est un invariant. Donc pour que le produit par ψ resteinvariant, il faut que la fonction d’onde soit un scalaire. Elle ne doit pas dépendred’une direction privilégiée de l’espace ; le spin doit être nul. Un formalisme appro-prié doit être élaboré pour la description des états de particules de spin 1,3/2, 2,5/2, etc.

56

Page 57: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

2.3 Les unités naturelles

On simplifie souvent l’écriture des formules par l’adoption des unités natu-relles :

c = h/2π = ℏ = 1 (2.3.1)

L’éq. de Dirac devient :

(γµpµ −m)ψ = 0 (2.3.2)

que souvent l’on abrège par :

(/p−m)ψ = 0 avec : /a = γµaµ (2.3.3)

Q. : vérifier que 197 MeV = 1 fm−1

2.4 Propriétés 24 des matrices γ

γµ, γν = 2gµν

γ5 = iγ0γ1γ2γ3

γµ, γ5 = 0γµγµ = 4γµγ

νγµ = −2γνγµγ

νγλγµ = 4gνλ

γµγνγλγσγµ = −2γσγλγν

2.5 L’équation de Dirac pour m = 0

On doit traiter à part la limite m→0. La seule particule connue de masse (peutêtre) nulle et de spin 1/2 est le neutrino.

24. Pour des informations plus complètes, voir par ex. Ref. 10 Appendix C.

57

Page 58: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les eq. 2.2.30 et 2.2.31, pour m = 0 donnent :

γµpµu = 0 et γµpµv = 0 (2.5.1)

L’éq. pour u (qui correspond à la “particule”) peut s’écrire :

γipiu = −γ0p0u = −γ0Eu car p0 = E (2.5.2)

ou aussi :

γ · pu = γ0Eu (2.5.3)

On multiplie de chaque côté par −12γ0γ5 et on utilise l’éq. 2.2.35, ce qui donne :

S · pu =1

2γ5Eu ou

S · p| p |

u = λu =1

2γ5u (2.5.4)

On a utilisé le fait que pour une “particule” de masse nulle E=+| p |.Multiplions 2.5.4 par γ5 et ajoutons et soustrayons le résultat obtenu à l’équa-

tion de départ :

λ(1 + γ5)u =1

2(1 + γ5)u

λ(1− γ5)u = −1

2(1− γ5)u (2.5.5)

où λ est donné par 2.2.36. Donc :

(1± γ5)u (2.5.6)

sont des états d’hélicité positivenegative pour la “particule”. La situation pour l’“antiparticule”(la fonction est alors v et E = − | p |) donne des résultats inversés.

Par la suite on montrera expérimentalement que pour les neutrinos seul l’étatd’hélicité négative existe (d’hélicité positive pour les antineutrinos).

58

Page 59: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

3 Les propriétés des particules

3.1 Introduction

Dans ce chapitre on présente un certain nombre des caractéristiques des par-ticules observées dans la nature : leurs masse, charge, temps de vie,spin, ... Unaccent particulier est mis dans l’exposé des méthodes expérimentales permet-tant la détermination de ces grandeurs.

3.2 La masse

La masse d’une particule est la valeur que l’on obtient par (E2− p2)1/2. Doncla masse est l’élément qui reste dans l’Hamiltonien (ou le Lagrangien) quand p=0et que l’on a éliminé toute interaction. Il s’agit donc d’un nombre bien défini pourune particule libre et stable 25.

Dans le cas d’une symétrie parfaite entre particule et antiparticule, leurs massessont identiques.

Il n’est pas évident de définir clairement la masse d’un quark, particule quel’on ne trouve pas à l’état libre. Dans ce cas -pathologique-, plusieurs définitionssont utilisées :

• la masse “lagrangienne” est la valeur supposée pour un quark libre (donclorsque l’interaction forte est “éteinte”). Cette valeur peut se déduire par des mo-dèles théoriques et elle est de l’ordre de quelques MeV pour les quarks u et d, etde 100-300 MeV pour le quark s.

• la masse “constituante” est essentiellement une masse effective qui se rapporteà un quark en interaction à l’intérieur d’un hadron. Pour les quarks u et d parexemple, on peut considérer que les constituants du proton (uud) se partagentchacun 1/3 de la masse disponible, ce qui donne 300-400 MeV environ. Si l’onprend la masse du Λ (usd) et que l’on soustrait la masse du nucléon, on détermineun excès d’environ 170 MeV, ce qui nous permet d’attribuer à la masse du quarks environ 300+170 MeV.

On attribue une masse zéro au photon (expérimentalement on a une limitemγ < 3 10−33 MeV, par la valeur du champ magnétique galactique 26). On connaîtavec une bonne précision la masse du Z et celle du W. Par contre, l’attribution d’une masse au gluon se heurte au même ordre de difficulté que pour les quarks : legluon aime la vie communautaire et il est observé exclusivement en interaction.On admet une masse nulle, mais avec quelques doutes 27.

25. On verra au cours du chapitre 5, lorsqu’ on parlera des “propagateurs”, une autre définitionde la masse

26. M. Chibisov et al. Sov. Phys. Uspekhi 19 (1976) 62427. M. Consoli, J. H. Field. Phys. Rev. 49D (1994) 1293

59

Page 60: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Considérons aussi la situation des particules instables. Dans ce cas, la préci-sion sur la valeur de la masse est affectée par le temps de vie τ , via la relationd’incertitude : Γτ ≥ ℏ, où Γ est appelée la largeur. La particule ρ par exemple aune masse mρ= 768 MeV, mais elle a une durée de vie de l’ordre de 4.10−24s quise traduit par une largeur Γρ = 151 MeV, soit 20% de mρ. Les bosons Z et W ontune largeur de l’ordre de 2 GeV, environ 2% de la valeur centrale de leur masse.

Quand la largeur Γ de la particule est non négligeable, on parle plutôt derésonance 28, à la place de “particule”. Typiquement, les objets qui vivent < 10−22

sec sont des “résonances”. L’origine du mot résonance peut se comprendre p. ex.si l’on considère la production d’un de ces objets. Les exemples classiques sontles résonances πN , (pion-nucléon : p + π+ → ∆(1232) etc.). On les produit parbombardement d’une cible de nucléons par un faisceau de pions. Ce faisceau estassimilable à une onde plane qui peut, à une énergie donnée, entrer en résonanceavec “la boîte de potentiel” que constitue le nucléon. La probabilité de formationdu système composé est alors donnée par :

σ ∝ Γ2/4

(E − ER)2 + Γ2/4(3.2.1)

Figure 3.2.1 – Courbe de résonance de Breit-Wigner

La relation 3.2.1 est appelée : de Breit-Wigner (voir figure 3.2.1). On aural’occasion d’en discuter dans un chapitre à venir (voir aussi figure 1.5.3 et coursd’introduction).

28. Si le Higgs existe, sa largeur est proportionnelle au cube de sa masse. Cela donneraitune largeur de l’ordre de 100% pour une masse de 1 TeV. On peut se demander, dans un telleéventualité, si l’on pourra encore parler de résonance...

60

Page 61: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On va maintenant étudier quelques techniques standards pour la mesure de lamasse.

3.2.1 La mesure de la masse à partir de la profondeur de pénétrationdans un milieu

La profondeur de pénétration d’une particule dans la matière peut être calculéeà partir de la perte d’énergie spécifique dE

dx(relation de Bethe-Block). On trouve

que le parcours (“range”) jusqu’à l’arrêt de la particule est essentiellement fonctionde la vitesse de celle-ci à l’entrée : R(v). On sait par ailleurs que la courbure dela trajectoire dans un champ magnétique appliqué est fonction de la quantité demouvement p. Les mesures combinées de la courbure magnétique à l’entrée dansla matière et de la profondeur de pénétration dans celle-ci permettent donc unedétermination de la masse de la particule : m = p/v. Cette méthode a été utiliséepar Barkas et al. 29 pour la première détermination précise des masses du pionchargé et du muon. Les résultats étaient déjà remarquablement précis (∼ 1%) :pour le π+ : mπ+ = 273.3±0.3 × la masse de l’électronpour le π− : mπ− = 272.8±0.3 × la masse de l’électronpour le µ+ : mµ+ = 206.9±0.2 × la masse de l’électron

3.2.2 La mesure par les contraintes cinématiques

On utilise les lois de conservation de l’énergie et de l’impulsion. La méthode

Figure 3.2.2 – Spectre de la masse effective de paires de photons

29. W.H. Barkas, W. Birnbaum, F.M. Smith. Phys. Rev. 101(1956) 778

61

Page 62: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

nécessite une reconstruction la plus complète possible des paramètres cinémati-ques qui caractérisent une désintégration ou une réaction entre particules. Soit

Figure 3.2.3 – Spectre de la masse effective de paires de pions

par exemple la désintégration π0 → γ1γ2. Contruisons la quantité :

m2γ1γ2

= (pγ1 + pγ2)2 où p = (E,p) (3.2.2)

Dans le cas particulier de photons de masse nulle, on obtient :

m2γ1γ2

= 2E1E2(1− cos θ12) où cos θ12 =p1 · p2

| p1 || p2 |(3.2.3)

Les mesures combinées des énergies E1,E2 et de l’angle θ12 permettent de déter-miner mγ1γ2 (masse effective). Si les deux photons considérés sont issus d’un π0,

62

Page 63: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

on doit avoir < mγ1γ2 >= mπ0 = 134.9743 MeV/c2. En pratique, les mesures sontentachées d’erreurs liées à la résolution finie de l’appareillage, ce qui affecte lavaleur reconstruite de mγγ (voir figure 3.2.2).

Q. : que vaut la largeur à mi-hauteur du pic de π0 ? Quelle est la largeur attendued’après les tables ?

Q. : à quoi correspond la bosse entre 500 et 600 MeV?

Q. : quelle est l’origine du fond à peu près continu ?

Dans le cas de la désintégration ρ → ππ, on procéde de façon similaire, lespions remplaçant les photons. Toutefois la largeur naturelle du ρ domine la pro-cédure et on a des difficultés à reconnaître la particule (la résonance), événementpar événement. Sur un grand nombre d’événements, le spectre permet une iden-tification des caractéristiques de l’objet (voir figure 3.2.3).

La masse du neutrino qui est associée aux désintégrations β est très petite(mais probablement non nulle). On essaie de déterminer cela par les graphiquesde Kurie. On utilise un modèle des désintégrations β simple et la règle d’or deFermi :

probabilité de transition =2π

ℏ| Mif |2 ρf (3.2.4)

où Mif contient l’information dynamique de l’interaction et ρf est le facteurd’espace de phase qui contient la densité des état finaux.

Lors de la désintégration n → p + e− + νe, l’élément de matrice Mif peutêtre considéré comme constant. Il contient la constante de Fermi au carré G2

F quiexprime la force en jeu, et une série de sommes sur les spins et les angles (à discuterdans le chapitre sur l’interaction faible). Ce qui nous intéresse maintenant est ladensité d’états finaux, donc le nombre de possibilités pour le proton, l’électronet le neutrino de se partager l’énergie disponible, ici la masse du n (ou celle dunoyau qui se désintègre). Il s’agit d’un état instable avec une certaine largeur Γ.On considère par contre que le proton (ou le noyau final) est stable ; sa masseest donc bien définie. On peut transférer toute l’indétermination initiale sur lesystème des deux leptons, d’énergie totale :

E0 = Ee + Eν (3.2.5)

La densité d’état finaux peut donc se calculer à partir de cette quantité :

ρf = dN/dE0 (3.2.6)

On considère une particule confinée dans un volume V=L3 très grand (comparéaux dimensions du neutron). Cette particule est décrite par une fonction d’ondestationnaire ψ = Asin(kxx) sin(kyy) sin(kzz) avec les conditions aux bords de laboîte : Lkx = πnx,... nx =1,2,3,...

63

Page 64: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 3.2.4 – Graphique de Kurie pour des netrons libres ; a) : spectre théorique ;b) : idem, convolué avec les imperfections de mesure ; c) et d) : résultats de deuxexpériences

Donc, pour une quantité de mouvement p =| p | on a :

p = ℏ√kx

2 + ky2 + kz

2 =πℏL

√nx2 + ny2 + nz2 =

πℏLn (3.2.7)

64

Page 65: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Le nombre maximum d’états disponibles avec une valeur de la quantité de mou-vement plus petite que p est donné par 1/8 du volume de la sphère de rayonn = pL/πℏ :

N ∝ L3p3

h3(3.2.8)

Par différentiation on obtient :

dN ∝ L3p2dp

h3donc :

dN

dp∝ p2 (3.2.9)

La densité des états disponibles pour l’électron (p) et le neutrino (pν) considérésindépendants est :

d

dp

dN

dpν∝ p2p2ν (3.2.10)

Une fois choisie l’énergie Ee de l’électron, celle Eν du neutrino considéré de massenulle est déterminée par Eν =| pν |= E0 − Ee. Ce qui donne :

d

dp

dN

dE0

∝ p2(E0 − Ee)2 (3.2.11)

Donc la contribution dW associée à l’état final avec un électron d’impulsion com-prise entre p et p+ dp est :

dW ∝2 p2dp(E0 − Ee)2 d’où on tire :dW

p2dp∝ (E0 − Ee)2 (3.2.12)

Dans le cas d’un neutrino massif on aurait un facteur multiplicatif additionnel :

dW

p2dp∝ (E0 − Ee)2

√1−

(mνc2

E0 − Ee

)2

(3.2.13)

Le taux d’événements prédit comprenant un électron d’énergie Ee est donc unefonction quadratique de (E0 − Ee).

Si l’on divise le nombre d’événements observés dans chaque intervalle d’énergiepar le p2 correspondant et qu’on prend la racine carrée de ce nombre, on doit ob-tenir une distribution linéaire qui s’annulle en Ee = E0, pour le cas de mν = 0. Ons’attend par contre à un seuil plus bas, en Ee = E0−mν , pour un neutrino massif.Le point d’intersection avec l’axe x est donc sensible à mν . Il faut toutefois tenircompte de la résolution finie de l’appareillage, qui modifie sensiblement l’allure dela courbe (figure 3.2.4) 30

30. K.E. Bergkvist : Nucl. Phys. B39 (1972) 317.E.F. Tretyakov et al. : Bull. Acad. Sci. USSR. Phys. Ser. 40 (1976) 1.

65

Page 66: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 3.2.5 – Taux d’événements près du seuil de production e+e− → τ+τ−

Figure 3.2.6 – Histoire du “scan” près du seuil de production de τ+τ−, par BES

La table PDG (2000) donne une masse mνe < 3.0 eV (avec un niveau deconfiance de 95%). Mentionnons d’autre part que la mesure de la largeur du burstde neutrinos de la SN 1987A a permis de donner une limite mνe < 23 eV.

On va étudier maintenant la mesure de la masse d’une particule par la méthodedu seuil de production de cette particule.

On considère le cas du τ , un lepton d’environ 1.8 GeV de masse, qui se désin-tègre en leptons plus légers ou en hadrons.

66

Page 67: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

La méthode appliquée par la collaboration BES 31, avec quelques innovations,utilise un collisionneur e+e− dans lequel l’énergie des faisceaux est ajustable autourde la valeur mτ . On est donc proche du seuil de production e+e− → τ+τ−, commeillustré dans la figure 3.2.5.

Voyons d’abord le principe de la méthode : on explore la région du seuil envariant pas à pas l’énergie des faisceaux d’une fraction de MeV ; on mesure à chaqueétape le taux d’événements produits (par ex. τ → eντνe et τ → µντνµ). La courbede seuil est du type représenté dans la figure 3.2.5, le bruit de fond est supposénul, (par ex. pas d’intrusion par des muons cosmiques dans le lot d’événements).La pente de la courbe au seuil est déterminée par les incertitudes de mesure etpar la largeur intrinsèque du τ . Ensuite, on ajuste aux points expérimentaux unecourbe théorique qui contient mτ comme paramètre libre.

Cette méthode a été affinée par la collaboration BES pour tenir compte dufait que cette pente au seuil est très abrupte. L’énergie du faisceau est modifiéede façon dynamique et itérative, en cherchant à se maintenir à cheval entre le cas“zéro événement” et le cas “proche de zéro” (voir figure 3.2.6). Cette procédure apermis d’optimaliser la précision statistique du résultat. La collaboration BES aobtenu : mτ = 1776.9+0.2

−0.3 ± 0.2 MeV.Q. : Pourqoi BESS a choisi comme signature de la production de taus les

couples e+µ− et e−µ+, et pas e+e− or µ+µ− ?

p pz

ν

lepton avec

⊥grand p

non observe

Figure 3.2.7 – Evénement présentant la signature de la désintégration leptoniquedu boson W produit lors d’une collision p− p

Une cinématique incomplète permet aussi d’obtenir des renseignementssur la masse d’une particule. Par exemple l’étude du spectre des électrons dela désintégration W → eνe, où les bosons W sont produits dans des collisionsproton-antiproton, a permis de déterminer la masse du W. Le processus a unesignature caractéristique (voir figure 3.2.7) : le lepton chargé a généralement une

31. BES collaboration. Phys. Rev. Lett. 69 (1992) 3021.

67

Page 68: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

man

quan

teE

E⊥e

[GeV]

20

40

60

20 40 600

0

[GeV

]

Figure 3.2.8 – Energie transversale manquante Emanquante⊥ en fonction de l’énergie

transversale de l’électron Ee⊥ pour des événements candidats à la désintégration

W± → e± + νe(νe)

grande énergie et souvent une composante transversale importante de son énergie,vu la grande masse du boson. Le neutrino, qui échappe à l’observation, manifestesa présence par l’intermédiaire d’une grande énergie manquante et souvent parune composante transversale importante de cette énergie manquante. La situa-tion est différente du cas d’une désintégration β, dans laquelle le nucléon initialest pratiquement au repos. Le W a une impulsion variable, car il est produit parla rencontre des partons du proton et de l’antiproton (voir chapitre 6), fragmentsqui transportent une fraction inconnue de l’impulsion des nucléons. En général,les trajectoires du lepton chargé et du neutrino ne sont pas collinéaires en rai-son du mouvement du boson mère. Si l’on néglige en première approximation lacomposante transversale de la quantité de mouvement du boson, on peut écrire :

pe⊥ + pν⊥ ≃ 0 (3.2.14)

Ee⊥ ≃ Eν

⊥ ≡ Emanquante⊥

Les pℓ⊥ et Eℓ⊥ sont des composantes transversales de pℓ et Eℓ

ℓ . La masse de l’élec-tron est négligée en regard de son énergie cinétique. En réunissant l’ensemble desdonnées fournies par l’appareillage de mesure au sujet des leptons chargés et deshadrons issus de la collision et connaissant la direction et l’énergie des faisceaux,

68

Page 69: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

on peut déterminer l’énergie transversale manquante. Une bonne corrélation estobservée entre les valeurs de Ee

⊥ et Emanquante⊥ déterminées événement par événe-

ment (voir figure 3.2.8).

Figure 3.2.9 – a) : Distribution de la masse transversale des leptons de pp →W± → eνe, à 630 GeV ; b) : l’histogramme est un spectre tiré de l’expérience UA1au SPS du CERN

On introduit la masse transverse mT telle que :

m2T = (Ee

⊥ + Eν⊥)

2 − (pe⊥ + pν⊥)2 (3.2.15)

En tenant compte de 3.2.14, on trouve :

mT ≃ 2Ee⊥ ≃ 2Eν

⊥ (3.2.16)

De plus, on a 0 ⩽ mT ⩽MW .La figure 3.2.9 a) montre la prédiction théorique pour mT à une énergie dans

le c.m.√s = 630 GeV. La queue est due à la largeur intrinsèque du W (ΓW=2.08

GeV). On a inclu la contribution du bruit irréductible (c.à.d. ayant la mêmetopologie que le signal) provenant de :

69

Page 70: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

W+ → τ+ντ (idem W−) e+νeντ

La figure 3.2.9 b) montre un spectre de mT tiré des données de l’expérienceUA1 au SPS du CERN 32 Il n’est pas possible d’en déduire directement la massedu boson, car on ne connaît pas sa quantité de mouvement ni celle du neutrino.Cette information est extraite de la comparaison entre le spectre mesuré de lamasse transversale de l’électron et le spectre prédit par la simulation Monte Carlode cette quantité. Le programme de simulation prend en compte les effets de larésolution expérimentale et de l’acceptance du détecteur. La masse du W , laisséecomme paramètre libre, est déduite de l’ajustement du spectre simulé au spectremesuré (voir § 7.2 pour applications numériques).

3.3 La charge électrique

L’expérience de Millikan est l’expérience de base. L’atome d’H est neutre doncqe = −qp. Les atomes plus lourds sont aussi globalement neutres ; on en déduitpour le neutron qn = 0. On se base sur le principe de la conservation de la chargeélectrique pour déduire la charge d’autres particules. On a cherché des chargesfractionnaires (p.ex. quarks libres) par des expériences à la Millikan, ou avec desTPC (voir paragraphe 1.6), sans succès. La charge des quarks est un problème quisera traité à part. La table du PDG donne pour la charge du photon une limitesupérieure de 2 10−32 fois la charge de l’électron.

3.4 Le temps de vie des particules

On utilise des techniques de temps de vol (Time Of Flight, TOF) qui per-mettent de déterminer τ par d = v τ , où v est la vitesse de la particule et d ladistance parcourue. Si v est proche de c, le temps de vie apparent de la parti-cule est affecté par la dilatation du temps, ce qui allonge d dans le référentiel dulaboratoire. Pour v proche de c :

d = v τγ ≈ c τγ où γ =[1− (v/c)2

]−1/2 (3.4.1)

Comme on l’a vu dans l’introduction, les gros détecteurs installés sur les collision-neurs possèdent des détecteurs de micro-vertex. Ces dispositifs ont une résolutionspatiale des traces de l’ordre de la dizaine de microns. Malheureusement, la plu-part d’entre eux ont une structure cylindrique avec les senseurs en bandes (strips)disposés parallèlement à la ligne du faisceau. Cela leur donne la capacité de me-surer l’angle azimuthal ϕ, mais pas l’angle polaire Θ par rapport à l’axe z (le

32. G.Arnison et al. Phys. Lett. 166B (1986) 484

70

Page 71: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

faisceau). On obtient donc une projection dans le plan r − ϕ des traces de par-ticules chargées. On a utilisé ces détecteurs de micro-vertex pour la mesure dutemps de vie des mesons B au LEP et à Fermilab.

Figure 3.4.1 – a) : définition de la distance de vol d et du paramètre d’impactδ ; b) : distribution de d pour des B+ par CDF ; c) : distribution du paramètred’impact par OPAL

Au LEP, les B sont produits par désintégration du Z : Z→B+X. L’énergie des Best variable, mais elle est très piquée à une valeur proche de MZ/2. Le B se propagesur une certaine distance d à partir de son point de création (vertex primaire) et ilse désintègre en plusieurs particules B→Y (figure 3.4.1.a). A partir de la mesuredes trajectoires représentées par X, on peut par intersection reconstruire le vertexprimaire 33. Avec un nombre suffisant de trajectoires issues du vertex secondaire(Y), on peut aussi obtenir par intersection la position de celui-ci et calculer lavaleur de d. CDF à Fermilab 34 a publié un résultat obtenu de cette façon (voirfigure 3.4.1.b) et relatif au méson B+.

On peut s’intéresser à la désintégration leptonique (Y= lepton chargé + ν)de la particule. Dans ce cas, on n’a pas assez d’informations pour calculer d. Onconstruit alors la distribution du paramètre d’impact δ. δ est la distance la plus

33. Dans certaines analyses on se contente du vertex primaire nominal : le lieu de rencontremoyen des faisceaux du collisionneur.

34. F.Abe et al. Phys. Rev. Lett. 72 (1994) 3456

71

Page 72: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

courte (closest approach) entre la direction du lepton chargé et le vertex primaire(voir figure 3.4.1.c). La figure montre une distribution expérimentale qui a permisà la collaboration OPAL au LEP 35 de déterminer le temps de vie du méson B+.Q. : quelle est la relation entre τ et la valeur moyenne de δ ? Montrer que lefacteur de Lorentz γ n’apparaît pas dans la relation finale (pour γ ≫ 1).

Les temps de vie du µ+ et du µ− ont été déterminés par les expériences g-2(voir § 2.1). La comparaison de ces deux temps de vie est un test de la symétrieparticule-antiparticule (théorème CPT, chapitre 4). On a (voir table PDG) :

τµ = (2.19703±0.0004)·10−6 sτµ+/τµ− = 1.00002± 0.00008

Comme vu précédemment, la largeur Γ d’une résonance donne de façon indi-recte le temps de vie par la relation d’incertitude.

3.5 Le spin

Le spin est aussi une propriété intrinsèque de la particule. Les spins de l’élec-tron, du proton et du neutron, ainsi que celui du photon ont été déterminés par desmesures de physique atomique et nucléaire avant 1930. Le photon a un spin 1, ils’agit d’un boson, c. à d. une particule obéissant à la statistique de Bose-Einstein.L’électron, le proton et le neutron sont des fermions de spin 1/2, particules quisatisfont aux règles de la statistique de Fermi-Dirac. Cette dernière est liée à larègle du principe d’exclusion de Pauli.

Q. : les valeurs possibles que l’on peut obtenir lors de la mesure de la compo-sante z d’un moment cinétique J=1 sont ±1 et 0. Cela est-il valable pour le spindu photon ?

Il faut observer que la quantité conservée dans une réaction est le momentcinétique total J , qui est la somme de la partie orbitale L et du spin S : J =L+S. On trouve que les valeurs propres de L sont des valeurs entières (en unités deℏ), tandis que les valeurs propres de S peuvent être entières ou demi-entières. Uneconséquence importante est que les fermions entrent en jeu toujours par paire,par exemple :

π− + p → n + γspin 0 1/2 1/2 1

35. P.D. Acton et al. Phys. Lett. B307 (1993) 247

72

Page 73: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On détermine le spin des autres particules par la loi de conservation du momentangulaire.

Le spin du neutrino (de l’antineutrino) produit dans la désintégration β est de1/2 :

O14 → N14∗ + e+ + νespin 0 0 1/2 ?

B12 → C12 + e− + νespin 1 0 1/2 ?

Pour le muon, le schéma de désintégration µ→ e+ ν + ν suggère un spin 1/2.L’étude de la structure fine du “muonium” (état µ+e−) a permis à Hughes et al.en 1960 36 de montrer définitivement qu’il s’agit d’une particule de spin 1/2.

Le spin du pion a été déterminé par l’étude des processus :

p + p → π+ + d et son inverse :π+ + d → p + p

Les sections efficaces de ces deux processus sont liées par le principe du “bilandétaillé” (voir § 1.1.4 et § 3.5.1 de la réf. 4). On trouve :

σT (p+ p→ π+ + d) =3 | pπ |2

2 | pp |2(2sπ + 1)σT (π

+ + d→ p+ p) (3.5.1)

Les résultats d’expériences indépendantes 37 sont compatibles avec la valeur desπ = 0.

Pour le kaon, la désintégration en K+ → π+ + π0 fixe un spin entier. De plus,K0 → π0 + π0 montre que le spin du K doit être pair, car les pions de l’étatfinal sont identiques et doivent être générés dans un état de moment angulaireorbital pair, pour satisfaire la statistique de Bose-Einstein. L’absence du modeK0 → π0 + γ indique que le Kaon a un spin 0.

Pour l’hypéron Λ, la désintégration Λ0 → p+ π− indique que le spin est demi-entier.

36. V.W. Hughes et al. : Proceedings of the International Conference on High-energy Phyicsat CERN (1962) 473

37. R.Durbin et al. Phys. Rev. 83 (1951) 646D.L. Clark et al. Phys. Rev. 83 (1951) 649W.F. Cartwright et al. Phys. Rev. 91 (1953) 677

73

Page 74: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

D’autres méthodes sont utilisées pour déterminer le spin. Par ex. la distributionangulaire des produits de désintégration d’une résonance est affectée par le spin(voir plus loin).

Q. : une particule se propage selon l’axe x. Quelle serait la distribution angu-laire de ses produits de désintégration, si la particule a un spin=0 ?

La détermination de l’hélicité du neutrino mérite une discussion à part.

3.5.1 L’hélicité du neutrino

Pour une particule de spin 1/2 et de masse nulle, l’hélicité positive ou négativeest une valeur indépendante de l’observateur. La particule se déplace à la vitessede la lumière et il n’y a pas de repère d’inertie dans lequel cette vitesse change dedirection.

J=0

J=1

J=0

152

152

152

C.E.Eu

Sm

Sm

**γ 152Sm

152e + 152Sm*+ νe* γ + 152Sm

Eu

Figure 3.5.1 – Schéma de la capture électronique (C.E.) dans l’152Eu

L’observation de la violation de la parité 38 dans la désintégration β avaitsuggéré en 1958 l’étude de l’hélicité des neutrinos. Le résultat de l’expérience deGoldhaber et al. 39 est que tout neutrino (ν électronique, dans l’expérience) a unehélicité négative. A l’opposé l’antineutrino a une hélicité positive. L’expérienceest décrite dans la figure 3.5.3.

Dans la mesure de l’hélicité du νe, on utilise le processus de capture électroni-que” (voir figure 3.5.1). Un e− de la couche atomique K de l’152Eu (Z=63) est“absorbé” par un proton du noyau. Le processus donne un neutron plus un neutrinoνe. Le noyau qui en résulte est le 152Sm∗ (Z=62) où l’étoile indique qu’il se trouvedans un état excité. La quantité de mouvement totale initiale étant nulle, le 152Sm∗

part en direction opposée au νe.Le temps de vie du 152Sm∗ est de (3.5±1.0)10−14 s. Ce noyau va se désexciter

par émission d’un photon (transition de type E1) de 961 KeV (dans 10% descas), (voir figure 3.5.3.b). Le noyau excité 152Sm∗ a une certaine vitesse dans leréférentiel du laboratoire. Sa désexcitation est presque instantanée et l’agitation

38. Expérience de C.S. Wu et al., Phys. Rev. 105 (1957) 1413, sera expliquée plus loin39. Helicity of Neutrinos. M. Goldhaber et al. Phys. Rev. 109 (1958) 1015

74

Page 75: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

thermique n’a pas le temps de modifier sa vitesse. Dans ce même référentiel, lephoton de 961 KeV est donc déplacé vers le rouge ou le bleu dans le spectre,suivant sa direction d’émission, par l’effet Doppler.

Prenons le cas d’un photon émis dans une direction opposée à celle du neutrino.Si l’on considère les deux possibilités pour l’hélicité de l’électron initial, du fait quela C.E. est faite sur une couche K (L=0) d’un atome avec un noyau de spin J=0,on obtient les deux situations de la figure 3.5.2. Les flèches minces représentent lavitesse et les flèches épaisses le spin. On voit que pour pouvoir compenser le spinde l’e−, la polarisation du photon doit être telle que son hélicité a le même signeque celle du neutrino. Il nous reste donc à trouver une méthode pour :1) sélectionner les désintégrations avec photon et neutrino à 180o (il s’agit doncdes photons déplacés vers le bleu du spectre) ;2) mesurer la polarisation du photon droite ou gauche.

γ e

e ν

Figure 3.5.2 – Hélicités du νe de recul et du γ de desexcitation e.m. selon ladirection du spin de l’e− capturé par le noyau d’152Eu

L’opération 2) est réalisée en interposant un polarimètre de Fe magnétisé (voirfigure 3.5.3.a). Le spin des électrons libres est antiparallèle à la direction duchamp B. En agissant sur la direction de B on favorise la diffusion Compton desphotons de polarisation gauche ou droite. Le pouvoir d’analyse du polarimètrea été préalablement testé à l’aide d’une source de photons de polarisation connue.Dans l’expérience, la polarité de B était changée chaque 3 min., pour compenserdes éventuels effets systématiques.

L’opération 1) est réalisée par la méthode de la “diffusion résonnante”. Ondétecte seulement les photons diffusés par une cible en 152Sm. L’absorption parle niveau (très étroit) à 960 KeV est favorisée si le photon a gagné de l’énergiedu fait du recul du noyau de Sm∗. Les photons déplacés vers le bleu sont doncfavorisés comme demandé. Le niveau excité du Sm∗ se désexcite par des émissions

75

Page 76: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

de photons de 960 KeV ou (960-122)=838 KeV (figure 3.5.3.b).

Figure 3.5.3 – a) schéma de principe de l’expérience de Goldhaber et al. ; b)spectre des photons mesurés dans le détecteur NaI. A et C : canaux tests ; B :canaux du signal attendu

Le résultat de l’expérience est donné sous la forme :

δ = 2(N− −N+)/(N− +N+) = +0.017± 0.003

où les N± représentent les taux de comptage avec direction d’analyse du polari-mètre positive ou négative. En tenant compte du pouvoir d’analyse, le résultatattendu pour une polarisation gauche de 100% des photons (et donc une héliciténégative des neutrinos) est δ=+0.025 (à 10%). On en conclut que les photons del’expérience sont polarisés à :

100 ∗ 0.017/0.025 = 68± 14% (3.5.2)

Ce résultat doit être comparé à la valeur zéro, qui correspondrait à une polarisationnulle. La signification statistique de ce résultat vaut donc de 68/14≈5σ. L’écart parrapport à 100% est due au fait que l’angle photon-neutrino n’est pas exactementde 180o. De plus l’agitation thermique peut changer la direction du recul du noyaudans l’intervalle de temps s’écoulant entre la CE et l’émission du photon.

On peut trouver une expression mathématique qui tue la composante droite(ou gauche) d’une particule de masse nulle.

Q. : soit∣∣ν, λ = −1

2

⟩l’état du neutrino gaucher. Que vaut P

∣∣ν, λ = −12

⟩?

Q. : montrer que 12(1± γ5) sont des projecteurs (se rapporter au § 2.5...).

76

Page 77: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

3.6 Le moment magnétique dipolaire

On peut faire des mesures très précises des moments magnétiques. Il s’agit desmesures parmi les plus précises en physique.

Pour une particule ponctuelle (électron de Dirac) de spin s, charge q, massem, la valeur du moment magnétique dipolaire µ est définie par :

µ = gqℏ2mc

s (3.6.1)

g est le facteur de Landé. L’électron de Dirac a un g=2.

L’interaction du dipôle avec un champ B induit un changement dans l’énergiedu système. Dans le cas de fermions de spin 1/2 et de moment µ, la dégénérescenceest levée et les deux sous-états ont une séparation en énergie de :

∆E = 2µB , où B =| B | (3.6.2)

De plus le système subit la précession de Larmor autour de B, avec une vitesseangulaire :

ωL = gq

2mcB = γB (3.6.3)

γ est le rapport gyromagnétique

γ = µ/ℏs (3.6.4)

Dans le cas de particules non élémentaires (p, n, etc.), le moment magnétique estdéterminé par la somme des moments magnétiques intrinsèques des composants,à laquelle s’ajoute une contribution due au mouvement orbital de ces composants.On trouve pour les fermions non élémentaires des valeurs de g très différentes de2.

Dans le cas des leptons, les valeurs tabulées du moment magnétique sont gé-néralement exprimées en magnéton de Bohr µB ; dans le cas des hadrons, elles lesont en magnéton nucléaire µN :

µB =eℏ

2mec; µN =

eℏ2Mpc

(3.6.5)

où me = masse de l’électron et Mp = masse du proton.

3.6.1 Mesure du rapport gyromagnétique du proton γp

On met un échantillon de H2 liquide (LH2) dans un champ B. Les protons seséparent suivant leur état de spin sz = +1/2 ou -1/2. Ces deux sous-états sontséparés par une énergie 2µpB. On peut engendrer une transition entre ces deuxsous-états en appliquant un champ oscillant transversal de fréquence ωR=2µpB

77

Page 78: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

(voir figure 3.6.1). Pour cette fréquence on observe un pic d’absorption de R.F.car les probabilités d’occupation de ces sous-états sont différentes, à l’équilibrethermique, l’énergie inférieure étant favorisée par le facteur : exp(2µpB/kT). A larésonance on trouve 40 γp=ωR/B=(2.6752±0.00002)104 rad s−1G−1.

Exprimé en unités de magnéton nucléaire µN on obtient µp=2.79 pour le protonet µn = −1.91 pour le neutron. Ces valeurs sont éloignées du résultat que l’onobtient par l’équation 3.6.1 (1 pour le proton et 0 pour le neutron), ce qui montreque ces nucléons ont une structure interne.

3.6.2 Détermination des anomalies de l’électron et du muon

échantillon

B

ω

ω ωR

Puissance absorbée

Figure 3.6.1 – Dispositif pour la mesure de γp

La théorie de Dirac prévoit g=2 pour une particule ponctuelle. Toutefois, mêmedans ce cas, les corrections radiatives qu’on calcule en QED donnent une pré-diction g >2. Ces corrections tiennent compte des graphes 1 à 4 représentés dansla figure 3.6.2.

Le graphe 1 est la contribution de l’ordre le plus bas : le photon (c. à d., la sondee.m. qui explore la particule) interagit avec la particule “ponctuelle”. Toutefois, àtout instant, la particule ponctuelle peut émettre un photon virtuel. L’émissionde celui-ci viole la conservation de l’énergie-impulsion et il doit être résorbé enun temps qui soit compatible avec la relation d’incertitude d’Heisenberg. D’où lapossibilité d’un graphe du type 2 qui constitue une correction radiative. Laprobabilité d’émission de ce photon est proportionnelle à αem(≈ 1/137). Chaquephoton échangé supplémentaire (ex. : graphe 3) amène un facteur multiplicatif

40. R.L. Driscoll et P.L. Bender Phys. Rev. Lett. 1 (1958) 413.

78

Page 79: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 3.6.2 – 1 : couplage e.m. à une particule chargée ; 2 : correction radiativeà l’ordre αem ; 3 et 4 : corrections de deuxième ordre ; 4 est la “polarisation duvide”

αem. Le graphe 4 contient une boucle électron-positron polarisée (comme les mo-lécules polaires de H2O sont polarisées par un champ créé par une charge q), onparle de polarisation du vide. Cette contribution constitue une sorte d’écranà la particule nue (de la même façon que les molécules d’eau réduisent le poten-tiel associé à une charge q immergée, par un facteur ϵ=78). La valeur de γ estdonc modifiée par les corrections radiatives. On exprime la valeur théorique del’anomalie Aℓ = (gℓ − 2)/2 où (ℓ = e, µ) sous la forme d’une série en puissancesde a=αem/π :

Pour l’électron : (g-2)/2 = 0.5a - 0.32848a2 + 1.19a3 + ... = (1159652.2±0.2)10−9

valeur mesurée (PDG) : (1159652.188±0.004)10−9

Pour le muon : (g-2)/2 = 0.5a + 0.76578a2 + 24.45a3 + ... = (1165916±6)10−9

valeur mesurée (PDG) : (1165923±8)10−9

Dans le cas du muon on a tenu compte de corrections “hadroniques” de l’ordre de10−6.

La mesure de l’anomalie des leptons chargés peut se faire avec grande précisiondu fait du petit écart de g par rapport à 2.

Dans un champ magnétique B un électron ou un muon a une trajectoire spi-ralée, caractérisée par la fréquence cyclotronique :

ν = ωc/2π, ωc =e

mcB

Supposons d’autre part ces leptons polarisés, leur spin étant parallèle ou anti-parallèle à leur vitesse. On les injecte dans l’appareillage où règne un champ Bperpendiculaire à la direction du faisceau. A la rotation cyclotronique de vitesseangulaire ωc va s’ajouter la précession de Larmor du moment magnétique, de

79

Page 80: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

vitesse angulaire :

ωL = (g/2)ωc

Donc : si g=2, après chaque tour, la direction de la polarisation par rapportà la direction du mouvement sera la même qu’ à l’injection. Si g =2(1+Aℓ), unephase δ va s’ajouter :

δ = (ωL − ωc)t = AℓeBt/mc

Dans le cas de l’électron, on utilise la méthode de “double diffusion”. Un fais-ceau d’électrons finement collimaté est dirigé sur une cible d’Au et on sélectionneles électrons diffusés à 90. Ceux-ci sont partiellement polarisés perpendiculai-rement au plan de diffusion (diffusion polarisante). Ils sont amenés à “spiraler”dans une bouteille magnétique (B = 1kG) et au bout d’un certain temps en sontextraits pour être diffusés sur une seconde cible d’Au (diffusion analysante). Lesmesures de la direction de la polarisation et de la direction de propagation desélectrons à la sortie du champ magnétique permettent de déterminer déphasageδ, d’où l’on déduit la valeur de l’anomalie.

Dans le cas du muon, on utilise les propriétés particulières de la désintégrationfaible. On part d’un faisceau de π± se désintègrant en π± → µ±νµ(νµ). Dansle référentiel de repos du pion (spin 0), le muon et le neutrino sont émis dos àdos avec des hélicités opposées. Or, on a vu que le neutrino a exclusivement unehélicité négative. La conservation du moment cinétique implique aussi une héliciténégative pour le µ+ (figure 3.6.3.a) 41.

Prenons par exemple le cas de π+ se désintègrant en vol, on peut obtenir desmuons polarisés négativement si l’on sélectionne ceux dont l’énergie est maximale.Dans ce cas, le muon a été émis parallèlement au faisceau (et le neutrino anti-parallèlement). Dans l’expérience de Bailey et al. (voir § 2.8), seule une fraction 210−3 des muons ayant la bonne quantité de mouvement est stockée dans l’anneausupraconducteur où s’effectue la précession. En utilisant à nouveau les propriétésde la désintégration faible, on peut mesurer la polarisation des µ+ au temps tde leur désintégration en µ+ → e+νµνe. Dans le référentiel de repos du muon, lespectre d’énergie du positron a une valeur maximale de ≈ mµ/2. Cela correspondà la situation dans laquelle les deux neutrinos sont émis parallèlement et en direc-tion opposée au positron. Si l’on sélectionne les positrons d’énergie maximale, ons’assure d’être dans la configuration susmentionnée et d’avoir les positrons émisparallèlement au faisceau. La somme des hélicités du neutrino et de l’antineutrinos’annule ; pour conserver le moment cinétique, le positron doit donc avoir unehélicité dirigée comme celle du muon, figure 3.6.3 b) ou c).

En b) on a la situation au moment où le pion s’est désintégré. Si l’on considèreun temps t correspondant à une précession de 180, c’est la situation en c) quise présente. L’interaction faible favorise la désintégration où le positron est émis

41. L’hélicité de µ− serait positive.

80

Page 81: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

b)

c)

a)

µ+

µ+

νν

νν

e

e

+

+

π+

ν

e

e

µ

µ

µ

Figure 3.6.3 – a) : le π+, boson de spin 0, se désintègre en un muon d’héliciténégative ; b) : désintégration du muon qui n’a pas subi de précession et c) : aprèsrenversement du spin

dans la direction de polarisation du µ+ ; on montre que Prob±µ (θ) ∝ 1± cos(θ), où

θ est l’angle entre la direction de la polarisation du muon et la direction d’émissiondu positron (électron). D’où la modulation attendue dans le nombre de positronsd’énergie maximale que l’on mesure par des scintillateurs situés sur le pourtourde l’anneau de stockage (voir figure 2.1.5). On paramétrise ce nombre par :

N(t) = N0 exp(−t/τ)[1− A cos(2πνat+ ϕ)] où 2πνa = ωL − ωc

L’ajustement aux valeurs mesurées (voir figure 2.1.6) permet de déterminerνa d’où la valeur de l’anomalie du muon.

81

Page 82: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

4 Symétries et lois de conservation

4.1 Introduction

Les symétries et les lois de conservation sont des instruments de travail précieuxpour le physicien, en particulier pour le physicien des particules 42. Ces conceptssont utilisés en spectroscopie atomique, nucléaire et hadronique. Chaque état estclassé en termes de “bons” nombres quantiques (p. ex. le moment cinétique J)qui sont associés à des observables conservées. Ces observables commutent avecl’Hamiltonien qui décrit l’évolution du système. En 1917 Emmy Noether a publiéson théorème qui associe les concepts de symétrie et de conservation.

Qu’est ce qu’une symétrie ? Dès que les propriétés d’un système sont indis-cernables lorsque ce système est soumis à des changements objectifs (rotation,translation, etc.) on parle de symétrie. Donc il s’agit d’une situation de “non me-surabilité”.

Prenons le cas d’un potentiel d’interaction entre deux particules, situées en r1

et r2 par rapport à un observateur O. On considère le cas d’un potentiel central :V (r1, r2) = V (r1 − r2). Pour l’observateur O’, déplacé du vecteur x par rapportà O, on obtient : V (x+ r1,x+ r2) = V (r1 − r2). Ce résultat coïncide avec celuiobtenu par l’observateur O. Donc, on ne peut pas distinguer ces deux observateurssur la base de leur mesure de V . On peut considérer O’ une fois en r1 et une foisen r2 et calculer F 1 = −dV/dr1 = −dV/d(r1 − r2) = ... = −F 2 ce qui amèneà la conclusion triviale que la somme des forces sur ce système isolé s’annule :F 1 + F 2 = 0. Si la somme des forces est nulle, on a aussi (lex II ) : dp/dt = 0,donc p = cte, c’est-à-dire p est conservé.

En conclusion : le fait de ne pas pouvoir situer ce système de façon absoluedans l’espace est équivalent à dire que les propriétés physiques du système sontinvariantes par translation. Cela se traduit par la conservation de la quantité demouvement du système. On peut résumer cela par l’organigramme suivant :

Non mesurabilité de la position absolue⇔ Invariance par translation dans l’espace

Conservation de la quantité de mouvement

On va maintenant se concentrer sur la description quantique. On a alors dessymétries de type spatio-temporelles (translation dans l’espace-temps, rotation,...)mais aussi des symétries “internes” (conjugaison de charge, isospin,...).

Dans l’exemple précédent, on a opéré sur la position de l’observateur, par uneredéfinition du système de coordonnées : O → O’, le système des deux particulesrestant inchangé. On dit qu’on a effectué une transformation “passive”.

42. Voir références 10 et 12

82

Page 83: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On serait arrivé aux mêmes conclusions si l’on avait considéré l’observateur fixeet l’on avait fait subir une translation x au système étudié (les résultats physiquesobtenus au LEP sont invariants par translation du LEP p. ex. sur une planète enorbite autour de β Orionis). On parle dans ce cas de transformation “active”.

Considérons une transformation passive O→ O’ (par exemple une translationx→ x′ = x+ a que l’on symbolise par :

x→ x′ = f(x) (4.1.1)

Soit ψ(x) l’état du système physique en x pour l’observateur O. L’état de cesystème en x′ pour l’observateur O’ est défini par la fonction transformée ψ′(x′)telle que :

ψ′(x′) = ψ(x) (4.1.2)

Si l’on inverse 4.1.1 :

x = f−1(x′) (4.1.3)

on peut écrire :

ψ′(x′) = ψ(f−1(x′)) (4.1.4)

x′ est quelconque, donc on peut laisser tomber les primes sur x :

ψ′(x) = ψ(f−1(x)) (4.1.5)

Cela suggère une nouvelle interprétation de la transformation : ψ′(x) est mainte-nant, pour l’observateur O, la fonction d’onde du système “activement” transformé(déplacé, tourné,...).

En principe, les transformations active et passive sont équivalentes. Dans unespace isotrope, si l’on effectue p. ex. la rotation R (active) d’un objet S et simulta-nément on imprime la même rotation R (transformation passive) de l’observateurO, O ne rendra pas compte du changement sur S. Par contre, si l’espace n’est pasisotrope vis à vis de l’objet S, O constatera un changement de configuration.

On décrit la transformation (active) par un opérateur U unitaire 43 qui dé-pend de la transformation f :

ψ′ = Uψ (4.1.6)

L’unitarité permet de conserver la norme de ψ :⟨Uψ

∣∣ Uψ⟩ = ⟨ψ ∣∣ ψ⟩ U †U = 1 U−1 = U † (4.1.7)

43. Voir référence 12.

83

Page 84: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Par la transformation f , l’observable A devient l’observable A’ dont l’espérancemathématique pour l’état ψ′ est identique à celle de A pour l’état ψ :

⟨ψ|A|ψ⟩ = ⟨ψ′|A′|ψ′⟩ (4.1.8)

Q. : montrer que :

A′ = UAU † (4.1.9)

Si f est une symétrie vis à vis de A, c’est à dire si A est invariante sous f ,A’=A, on obtient A’ = UAU† et UA = AU.

Donc A commute avec U :

[U,A] = 0 (4.1.10)

Avant de passer au traitement des différentes symétries, remarquons qu’on consi-dère souvent des transformations infinitésimales : (translation, rotation,...) cequi simplifie les calculs. On peut ensuite intégrer pour obtenir la transformationfinie.

“We will go to Asgard... now”, (Thor) said. At that moment he raised his hand as if to pluckan apple, but instead of plucking he made a tiny, sharp turning movement. The effect was as ifhe had twisted the entire world through a bilionth part of a degree. Everything shifted, was fora moment minutely out of focus, and then snapped back again as a suddenly different world.This world was a much darker one and colder still. 44

4.1.1 Etats, opérateurs et symétries

Cette section porte sur l’action d’un opérateur qui représente une symétriepossible du système vis à vis d’une observable O. Par exemple, une balle blancheest invariante par rotation, si l’observable est la couleur.

Soient :

ψ : l’état du système ;O : une observable associée à un détecteur et à un expérimentateur

(typiquement : l’énergie du système, son Hamiltonien) ;U : une opération du type rotation, translation, parité, ... et telle que

U †U = 1.

Que l’opération U soit associée à une symétrie ou non (il faut néanmoins desconditions du type : isotropie de l’espace, etc... ), si l’on transforme le système :ψ′ = Uψ et simultanément le détecteur : U(O) = O′ = UOU †, le résultat del’expérience reste inchangé.

En effet :

44. Douglas Adams : The Long Dark Tea-time of the Soul.

84

Page 85: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

(mesure de O′ pour ψ′) =< ψ′ | O′ | ψ′ >=< Uψ | UOU † | Uψ >

ce qui s’écrit aussi :

(ψ†U †UOU †Uψ) = (ψ†1O1ψ) = (ψ†Oψ)

avec (ψ, φ) =∫d3xψ∗(x)φ(x), ψ et φ appartenant à l’espace de Hilbert des états.

On obtient donc : < ψ′ | O′ | ψ′ >=< ψ | O | ψ >, comme prévu.

Un test d’invariance (c. à d. de symétrie) peut se faire de deux façons :

a) on fixe le détecteur O et on bouge le système ψ → ψ′ O → Ob) on fixe le système et on bouge O (en sens inverse) ψ → ψ O → O′′

avec O′′ donné par U−1(O) ≡ U †OU :

a) et b) sont équivalents (si l’espace est isotrope, etc.) < ψ′ | O | ψ′ >=< ψ | O′′ |ψ >

En effet :< ψ′ | O | ψ′ >= (ψ†U †OUψ) = ψ†(U †OU)ψ =< ψ | O′′ | ψ >

Si l’on a une situation de symétrie, alors :

< ψ′ | O | ψ′ >=< ψ | O′′ | ψ >=< ψ | O | ψ >=< ψ | O′ | ψ >[U,O] = 0

4.2 Invariance par translation dans l’espace, par translationdans le temps et par rotation dans l’espace

4.2.1 La translation dans l’espace

Considérons un objet décrit par sa fonction d’onde ψ(x). Une translation in-finitésimale x→ x+ δx, à l’ordre O(δx), s’exprime par (Cf. 4.1.5) :

ψ′ ≡ ψ(x− δx) ∼= (1− δx · ∂∂x

)ψ(x) = (1− iδx · p)ψ(x) (4.2.1)

en unités naturelles p ≡ −i∇. On peut donc introduire l’opérateur de translationinfinitésimale :

D(δx) ≡ 1− iδx · p (4.2.2)

Une translation finie X peut se décomposer en N petits pas δx = X/N :

D(X) ≡ D(δx)N = (1− iδx · p)N ≈ 1− iNδx · p+(iNδx · p)2

2!− (iNδx · p)3

3!+ ...

ce qui donne :

D(X) ≡ exp(−iX · p) (4.2.3)

85

Page 86: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Revenons au cas infinitésimal D(δx) que l’on va écrire D pour alléger leséquations.

L’invariance par translation signifie qu’il est impossible par la mesure du sys-tème de différencier les états de celui-ci avant et après la translation. Cela setraduit par l’invariance de l’énergie du système, globalement déplacé de δx. L’Ha-miltonien H doit satisfaire à :

H(x) = H(x− δx) (4.2.4)

Appliquons l’opérateur D sur l’état ϕ(x) = H(x)ψ(x) :

D(H(x)ψ(x)) = Dϕ(x) = ϕ(x−δx) = H(x−δx)ψ(x−δx) = H(x)ψ(x−δx) =H(x)Dψ(x)

où on a utilisé 4.2.4.

On en tire :

D(H(x)ψ(x)) = H(x)Dψ(x) d’où (DH(x) − H(x)D)ψ(x) = 0, pour unefonction d’onde ψ(x) quelconque, donc :

[D,H] = 0 (4.2.5)

D commute avec l’Hamiltonien, ce qui est une façon équivalente d’indiquer queD laisse invariant l’Hamiltonien (voir 4.1.10). En substituant 4.2.3 dans 4.2.5, onobtient la loi de conservation de la quantité de mouvement :

[p, H] = 0 (4.2.6)

En conclusion : on a exprimé l’invariance de H lors d’une translation du système,ce qui constitue une symétrie (de translation). Cela nous a conduit à la loi deconservation de p.

Reprenons le cas général d’une transformation unitaire infinitésimale de para-mètre δ, U(δ), que l’on exprime par :

U(δ) = 1 + iδG+O(δ2) (4.2.7)

G est appelé le générateur de la transformation. On peut remonter à la trans-formation finie ∆+δ :

U(∆ + δ) = (1 + iδG)U(∆) (4.2.8)

[U(∆ + δ)− U(∆)]/δ = iGU(∆) (4.2.9)

A la limite δ → 0 :dU(∆)

d∆= iGU(∆) (4.2.10)

86

Page 87: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’intégration donne :U(∆) = exp(iG∆) + C (4.2.11)

la constante C peut être choisie égale à 0 pour satisfaire la contrainte U(0)=1. Latransformation U doit être unitaire :

U †U = 1 ⇒ 1− iδ(G† −G) +O(δ2) = 1 (4.2.12)

Cela montre que G† = G, G est Hermitique, une caractéristique des observables.D’autre part, si U commute avec H (H invariant sous U), G commute aussi

avec H :[G,H] = 0 (4.2.13)

Donc l’observable G est une constante en fonction du temps. Dans cette termino-logie l’opérateur quantité de mouvement est appelé le générateur des transla-tions dans l’espace.

4.2.2 La translation dans le temps

Considérons maintenant un change-ment de l’origine de l’échelle temporelleet admettons que le système physique finisoit indifférenciable après une translationdans le temps. On n’a donc pas la possibi-lité de déterminer une origine absolue dutemps à partir des caractéristiques du sys-tème. L’Hamiltonien ou le Lagrangien quidécrivent le système ne dépendent pas ex-plicitement de t : ∂H

∂t=0. Donc H est une

constante. Cela n’est rien d’autre que l’ex-pression de la conservation de l’énergiedu système. L’Hamiltonien H est l’opéra-teur associé à la translation dans le temps.

4.2.3 La rotation dans l’espace

L’invariance par rotation signifie que les états d’un système de particules avantet après la rotation sont indiscernables. On va montrer que l’invariance par rota-tion est associée à la conservation du moment angulaire. On considère le cas d’uneparticule sans spin mais, sans le prouver, on peut affirmer que les conclusions sontgénéralisables au cas d’une particule avec spin.Une rotation infinitésimale δθ autour de l’axe z est représentée par la matrice M :

Rotation : x 7→Mx M≡

cos δθ − sin δθ 0sin δθ cos δθ 00 0 1

∼= 1 −δθ 0

δθ 1 00 0 1

(4.2.14)

87

Page 88: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On introduit l’opérateur Rz qui transforme l’état ψ :

Rz(δθ)ψ(x) ≡ ψ(M−1x) = ψ(x+ yδθ,−xδθ + y, z) ∼= ψ(x) + δθ(y∂x − x∂y)ψ(x)

L’expression entre parenthèse du dernier terme est proportionnelle à la compo-sante selon l’axe z de l’opérateur moment angulaire

L = r × p : Lz ≡ i(y∂x − x∂y), ce qui donne (i2 = −1)Rz(δθ)ψ(x) = (1− iδθLz)ψ(x).On peut généraliser à une rotation autour de l’axe n, | n |= 1 :

Rnψ(x) = (1− iδθnL · n)ψ(x) (4.2.15)

Appliquons cet opérateur à l’état ϕ(x) = H(x)ψ(x) (on note x′ =M−1x) :

Rn(H(x)ψ(x)) = Rnϕ(x) = ϕ(x′) = H(x′)ψ(x′) (4.2.16)= H(x)ψ(x′) = H(x)Rnψ(x)

où on a fait usage de la condition d’invariance :

H(x) = H(x′)

Comme prévu :

[Rn, H] = 0 ce qui est équivalent à [L, H] = 0 (4.2.17)

car la rotation est quelconque.Si l’on considère les particules avec spin, on peut substituer à 4.2.8 :

Rnψ(x) = (1− iδθnJ · n)ψ(x) (4.2.18)

où ψ contient en plus l’information sur le spin de la particule et J = L+ S.

C’est en effet, le moment cinétique total qui est conservé :

[J , H] = 0 (4.2.19)

J joue le rôle de générateur de la rotation.

Remarque : au Chap. 9 on verra une autre sorte de symétrie, dite invariance dejauge. L’invariance de jauge e.m. implique la conservation de la charge e.m..

4.3 La parité

Nous allons maintenant considérer le cas des symétries discrètes : parité, conju-gaison de charge, renversement du temps...

88

Page 89: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

La transformation par parité d’un système de particules est définie par l’opéra-tion :

P : xi 7→ −xi (4.3.1)

où i numérote les particules. Il s’agit d’une symétrie par rapport à l’originedu repère. Le quadrivecteur (t,x) se transforme donc en P (t,x) ≡ (t,−x) : P ≡diag(1,−1,−1,−1).

Remarquez qu’en coordonnées polaires x = R sin θ cosϕ, y = R sin θ sinϕ,z = R cos θ, la transformation se traduit par R′ = R, θ′ = π − θ, ϕ′ = π + ϕ.

Il est clair que :

P 2 = identité. (4.3.2)

(les éléments du groupe “parité” sont donc P et P2=I).

Q. : se convaincre que l’on ne peut pas réduire P à une rotation ; montrer queP est équivalente à une réflexion dans un miroir plan suivie d’une rotation.

Q. : quel est le comportement sous P de la quantité de mouvement p, dumoment angulaire orbital L = r × p, du spin S, des champs E et B, du temps,d’un quadrivecteur, de la charge électrique Q, du produit scalaire S · p ?

L’opération P équivaut, à une rotation près, à échanger la droite et la gauche.Donc, si le système observé est invariant sous les rotations, l’étude de son compor-tement sous P est équivalent à l’étude de son comportement sous une réflexion.

On peut se demander si la distinction entre la droite et la gauche a une valeuruniverselle... ? Sur terre, il est clair que les organismes vivants ont effectué unchoix ; toutefois cela pourrait être dû aux “conditions initiales” présentes lors de lanaissance de la vie. Par exemple, la brisure de la symétrie pourrait s’expliquer parle fait que les premiers organismes se sont formés à partir des molécules orientéessous l’effet du champ magnétique terrestre, ou sous l’influence de la rotation de laterre,... On peut même imaginer une situation totalement symétrique, à l’origine.Le premier organisme a décidé qu’il serait dextrogire. La progéniture n’a pas eude choix. Toutefois on peut imaginer qu’ en moyenne la vie dans l’Univers est toutà fait démocratique : il y a autant de civilisations qui se saluent en se serrant lamain (ou tentacule, ou pince, ou...) gauche que de civilisations qui se serrent ladroite.

Pour un système de particules invariant sous la parité, on a :

H(x′i) ≡ H(Pxi) = H(xi) (4.3.3)

Il s’agit d’une symétrie exacte (dans la limite de la précision expérimentale) pourles interactions e.m. et forte, mais qui est violée par l’interactions faible. Donc,la Nature fait une différence entre la droite et la gauche.

89

Page 90: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Considérons maintenant la situation où la parité est une bonne symétrie. Pre-nons le cas d’une particule définie par la fonction d’onde ψ. On introduit l’opéra-teur :

Pψ(x, t) = Paψ(−x, t) (4.3.4)

A priori, la valeur Pa dépend de la particule : on introduit des valeurs indexées parle nom de la particule en question : Pγ, Pπ, Pp,... La condition 4.3.2 implique queles valeurs de Pa possibles sont +1 et −1. On appelle Pa la parité intrinsèquede la particule, car elle caractérise la particule au repos.

Q. : montrer que la fonction d’onde d’une particule au repos est un vecteur proprede P avec valeur propre Pa.Montrer que si la particule a un moment orbital défini (caractérisé par le nombrequantique L), sa fonction d’onde est aussi un vecteur propre de P avec la valeurpropre Pa(−1)L : Pψnℓm(x, t) = Pa(−1)Lψnℓm(x, t).

La généralisation à plusieurs particules en x1, x2,... est :

Pψ(x1,x2, ..., t) = P1P2...ψ(−x1,−x2, ...t) (4.3.5)

Donc, pour les particules 1 et 2 dans un état de moment angulaire orbital L onobtient :

Pψ(x1,x2t) = P1P2(−1)Lψ(x1,x2, t) (4.3.6)

Pour un système caractérisé par son hamiltonien H, l’invariance sous P impliqueque :

[H,P ] = 0 (4.3.7)

La conservation de la parité signifie que la parité de la fonction d’onde qui décritle système est invariante au cours du temps. P est une constante du mouvement,même si les particules constituant ce système interagissent et se transforment end’autres particules. Cette conclusion est vérifiée pour les interactions forte et e.m. ;ce n’est pas le cas pour l’interaction faible.

Les arguments qu’on a appliqué aux générateurs des transformations conti-nues ne sont plus valables dans le cas d’une transformation discrète. Tou-tefois, si P est l’opérateur parité, il doit satisfaire (P )2 = I. Donc, de parl’unitarité de P , PP † = I ; on déduit que P = P †, c. à. d. qu’il s’agit d’unopérateur Hermitique et il peut être assimilé à une observable. D’où lesvaleurs propres Pa. Ces considérations s’appliquent aux symétries du typeU2 = I (conjugaison de charge C, “parité G”,...), mais pas à l’inversion dutemps T .

90

Page 91: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On a les dénominations suivantes, en fonction du comportement de la grandeursous P :

Scalaire P (s) = sPseudoscalaire P (p) = −pVecteur (polaire) P (v) = −v(Pseudo)vecteur (axial) P (a) = a

Une particule de spin 0 est dite scalaire si sa parité est positive (Jparité = 0+)et pseudoscalaire si sa parité est négative (0−), etc...

De même pour un 4-vecteur, on a :

4-vecteur: (scalaire,vecteur) → (scalaire, −vecteur)pseudo 4-vecteur: (pseudoscalaire, vecteur axial) → (−pseudo scalaire,vecteur axial)

• Dans le processus a+ b→ a+ b+ c où P est conservée, on obtient la parité dec si l’on connaît les moments angulaires orbitaux L de a+ b et ℓ de a+ b+ c. Ondoit avoir :

PaPb(−1)L = PaPbPc(−1)ℓ ce qui donne : Pc = (−1)L+ℓ

C’est un cas privilégié pour déterminer la parité d’une particule.

• Si par contre la particule c est toujours produite en association avec une par-ticule d, seule la parité relative Pc · Pd pourra être déterminée.

On a la règle générale :

pour les fermions : Pparticule = −Pantiparticule

pour les bosons : Pparticule = +Pantiparticule

Q. : si ψ est un double spineur de Dirac, montrer que Pψ(r, t) = γ0ψ(−r, t).Que vaut le courant de Dirac Jµ = ψγµψ transformé sous l’opération P ? EtAµ = ψγµγ5ψ ?

4.3.1 Parité des leptons

Particule et antiparticule apparaissent dans un même double spineur en tantque solutions de l’équation de Dirac. On trouve que pour une paire de fermion-antifermion :

PfPf = −1 (4.3.8)

91

Page 92: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Pour tester cela on doit faire recours à l’interaction e.m., car les leptons ne sontpas affectés par l’interaction forte (IF) et, comme on l’a mentionné, l’interactionfaible (WI) viole la parité. L’étude de l’annihilation du parapositronium (e+ et e−liés, avec un moment angulaire orbital L=0), e+e− → γγ, a montré que 4.3.8 estvalable pour le système e+e−. D’autre part on ne peut pas déterminer les paritésintrinsèques du e+ et du e− en jouant sur d’autres réactions car on a toujours unnombre pair de leptons en jeu : e+e− →e+e−, e+γ →e+γ, ... En conséquence laparité intrinsèque des leptons n’est pas référée dans la table PDG.

4.3.2 Parité des quarks

On a le même problème que pour les leptons : dans les interactions forte ete.m., les quarks sont créés par paires quark-antiquark. Donc on fixe la parité desquarks positive et celle des antiquarks négative, par cohérence avec les parités deshadrons et antihadrons..

4.3.3 Parité des hadrons

D’après les règles précédemment établies, un méson composé d’un quark etd’un antiquark (ex. :π+ =

∣∣ud⟩) a une parité intrinsèque :

Pméson = PqPq(−1)L = (−1)L+1 (4.3.9)

avec L, le nombre quantique orbital. Si l’on prend des mésons au plus bas niveauénergétique, L = 0, on prédit que la parité intrinsèque est −1. Il s’agit donc departicules pseudoscalaires, JP = 0−. Les pions et les kaons sont des exemplesde mésons pseudoscalaires.

Dans le cas des baryons, le problème du moment angulaire orbital est un peuplus compliqué a traiter, car on a trois quarks (ou trois antiquarks). Néanmoins, onpeut traiter facilement le cas L = 0 pour lequel on obtient une parité (+1)3 = +1.Pour l’antibaryon (−1)3 = −1. Donc le proton et le neutron ont une parité +1.

4.3.4 Parité du photon

On décrit le champ e.m. (photonique) par le quadrivecteur A = (V,A). A estlié à E par : E = −∇V − ∂A

∂t≡ −∂µAµ.

Puisque P (E) = −E et P (∂t,∇) = (∂t,−∇) on obtient : P (V,A) = (V,−A).

Donc on attribue au photon une parité négative. Le photon est un vecteur :JP = 1−.

4.3.5 Parité du pion

Considérons tout d’abord la parité du pion chargé. On utilise la réaction :

92

Page 93: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

π− + d → n + n

S 0 1 1/2 1/2∑Si 1 0, 1

L 0 xJ 1 ⇒ 1 (conservation du J)

Le pion se met en orbite autour de deuton ; il est par la suite capturé depuisl’orbite S (ℓ=0), qui a le plus grand recouvrement avec le proton du deuton. Laparité de l’état initial est donc : PπPd(−1)ℓ = PπPd. Le deuton est formé d’unneutron et d’un proton liés, principalement dans l’état 3S1, c’est-à-dire 45 avec unspin S=1 et un moment angulaire orbital L=0 ; sa parité vaut (+1)(+1)(−1)L =+1. L’état initial de la réaction est donc caractérisé par une parité égale à celledu pion.

Voyons comment attribuer les moments angulaires ; avec les deux neutrons del’état final de la réaction on peut former des combinaisons de spin antisymé-trique S = 0 (du type |↑↓⟩) et symétrique S = 1 (du type |↑↑⟩) :

|0, 0⟩ =1√2

(∣∣12, 12

⟩1

∣∣12,−1

2

⟩2−∣∣12,−1

2

⟩1

∣∣12, 12

⟩2

)(4.3.10)

|1,+1⟩ =∣∣12, 12

⟩1

∣∣12, 12

⟩2

|1, 0⟩ =1√2

(∣∣12, 12

⟩1

∣∣12,−1

2

⟩2+∣∣12,−1

2

⟩1

∣∣12, 12

⟩2

)|1,−1⟩ =

∣∣12,−1

2

⟩1

∣∣12,−1

2

⟩2

On voit que l’échange des particules 1↔2 est équivalent à un changement designe de l’état antisymétrique, tandis que cet échange laisse les états symétriquesinvariants.

Si les deux neutrons sont dans l’état de spin antisymétrique (du type |↑↓⟩), on a∑Si=0 et x=1. S’ils sont dans l’état de spin symétrique (du type |↑↑⟩),

∑Si=1 et

x peut prendre les valeurs 0,1,2. Or, le neutron est un fermion, la fonction d’ondedu système des deux neutrons doit être antisymétrique : ψ(n1, n2) = −ψ(n2, n1).Si la partie spinorielle de la fonction d’onde est antisymétrique, la partie spatialedoit être symétrique et vice et versa :

La seule possibilité qui satisfasse simultanément la conservation de J et lastatistique de Fermi-Dirac est

∑Si = 1, x = 1 et J = 1.

En conclusion, la parité de l’état final de la réaction est donnée par PnPn(−1)1 =−1. La conservation de la parité dans l’interaction forte impose donc une paritéintrinsèque du pion chargé égale à −1.

45. rappel de la notation spectroscopique : 2S+1LJ .

93

Page 94: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

∑Si requis par requis par

Fermi-Dirac conservation de J

0 x = 0, 2, 4, ... x = 11 x = 1, 3, 5, ... x = 0, 1, 2

L’étude de la désintégration π0 → γγ a montré que la parité intrinsèque dupion neutre est aussi négative. Les états de charge du pion forment donc un tripletJP = 0− de particules pseudoscalaires.

4.3.6 Violation de la parité

Les physiciens ont commencé à s’intéresser à ce sujet à partir de la décennie1950 ; ils y ont été amenés par la recherche de la solution au fameux puzzle “θτ ”.On avait identifié à l’époque deux particules instables, de masses et de durée devie voisines 46, qu’on avait appelées : θ et τ (cette dernière n’a rien à voir avec lelepton τ actuel). On avait aussi reconnu que la particule θ se désintègre en 2 pions,la particule τ en 3 pions. L’analyse en spin-parité des processus de désintégrationà deux et à trois corps avait amené aux résultats suivants. Dans la désintégrationdu θ+ :

θ+ → π+ + π0

S Sθ+ 0 0L 0 xJ Sθ+ ⇒ Sθ+ (conservation du J)

d’où : x = Lππ = Jππ = Sθ+

Pππ = P π+P π0

(−1)Lππ = (−1)2(−1)Lππ = (−1)Lππ

La parité θ+ pouvait donc être caractérisée 47 par la séquence JPθ+=0+, 1−, 2+,...,en fonction de la valeur de Sτ+ .

Dans la désintégration du τ+ :Il était commode pour l’analyse de décomposer le moment angulaire orbital

final en deux termes, L caractérisant le mouvement relatif des deux π+, et ℓcaractérisant le mouvement relatif du π− par rapport au système π+π+. Le pionn’ayant pas de spin, on a :

| L− ℓ |≤ Jπππ ≤| L+ ℓ |

46. 966.7±2.0 et 966.3±2.0 en unité de masse électronique,1.21±0.02 et 1.19±0.05 10−8 sec.

47. La parité était supposée être conservée dans le processus de désintégration.

94

Page 95: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

τ+ → π+ + π+ + π−

S Sτ+ 0 0 0L 0 L ℓJ Sτ+ ⇒ Sτ+ (conservation du J)

La parité de l’état final est donnée par :

Pπππ = Pπ+Pπ+Pπ−(−1)L(−1)ℓ = (−1)3(−1)L+ℓ

Ajoutons que L ne peut prendre que des valeurs paires, car il s’agit de deux bosonsidentiques devant satisfaire à la statistique de Bose-Einstein (leur fonction d’ondedoit être paire).

On pouvait donc assigner les valeurs de spin-parité suivantes à la particule τ+,en fonction des valeurs de ℓ et de L (voir figure 4.3.1).

L

π

π

π

+

+

JP

012012

L

000222

12210

0−

+

+

−2 31 2 3 4

+ +

− − − −

Figure 4.3.1 – Définition de ℓ et L pour le système de trois pions

Une analyse des caractéristiques cinématiques de la désintégration en 3 corpsde la particule τ+ faite par Dalitz 48 avait montré que l’assignation JPτ+ = 0−

était nettement favorisée. Cette prédiction était incompatible avec la prédictionde spin-parité faite pour la particule θ. Notons que le désaccord subsiste si l’onprend les premiers états d’excitation orbitale du système des trois pions.

Ces résultats avaient conduit aux conclusions suivantes : soit le θ et le τ sontdes particules distinctes, soit il s’agit de la même particule et l’un des processusde désintégration viole la parité 49.

48. R.H. Dalitz : Phil. Mag. 44(1953) 1068.49. On sait aujourd’hui qu’il s’agit bien de la même particule, que l’on désigne sous le nom de

kaon.

95

Page 96: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

En 1956, Lee et Yang 50 observaient que si la conservation de la parité dansles interactions forte (I.F.) et électromagnétique (e.m.) était prouvée expérimen-talement, il n’existait pas de preuve équivalente pour l’interaction faible (W.I). Ilssuggéraient l’étude de processus faibles devant permettre la mise en évidence d’uneéventuelle violation de la symétrie droite-gauche. Cette suggestion était rapide-ment mise en application dans une expérience réalisée à l’université de Columbia(N.Y.).

4.3.7 L’expérience de Wu et al.

Wu et al. 51 étudient la désintégration bêta (W.I) du cobalt :

60Co → 60Ni∗ + e− + νe

L’objectif est de mesurer la distribution angulaire des électrons émis par unéchantillon de 60Co polarisé dans un champ magnétique. Le sel de Co est maintenuà la température de 0.01 K pour réduire l’agitation thermique dépolarisante. Lerésultat de l’expérience est que ces électrons sont émis préférentiellement dansla direction opposée à celle du vecteur polarisation du Co. La valeur moyennede < JCo · pe > est donc non nulle et de plus négative. Ce résultat apporte lapreuve que la parité est violée dans le processus étudié. En effet, si l’on appliquel’opérateur de parité à ce produit scalaire, on obtient :

P (JCo · pe) = −JCo · pe (JCo · pe est un pseudoscalaire)P (< JCo · pe >) = − < JCo · pe >

On voit que l’invariance sous P ne peut être satisfaite que si < JCo · pe >= 0,ce qui est contredit par l’expérience.

On peut voir la chose d’un point de vue intuitif, en raisonnant à l’aide d’unmiroir plan (voir figure 4.3.2). Rappelons que P est équivalente à une réflexionplus une rotation de 180 ; on admet que le système est invariant sous la rotation.Dans l’image donnée par le miroir, le courant dans les bobines et la polarisationdu Co sont inversés ; on a représenté le vecteur polarisation à la manière d’un tire-bouchon. Par contre la direction d’émission des e− est conservée. L’expériencemontre que la configuration de gauche est plus probable que celle de droite :< JCo · pe > < 0 ; la parité est donc violée dans le processus de désintégrationfaible. La rotation subséquente des 180 n’affecte pas la valeur du produit JCo ·peet donc ne change pas le résultat de la discussion.

L’interprétation microscopique du processus est la suivante : le 60Co a un spinJCo=5 et le 60Ni∗ un spin JNi=4. Considérons (voir figure 4.3.3) le cas extêmeoù les deux leptons sont émis dos à dos. Puisque l’antineutrino est exclusivement

50. T.D. Lee, C.N. Yang, Phys. Rev. 104, (1956) 254.51. C. S. Wu, E. Ambler, R. Hayward, D. Hoppes, R. Hudson, Phys Rev 105 (1957) 1413.

96

Page 97: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Miroir

CoJ

CoJ

ii

e e

ii

Figure 4.3.2 – Représentation schématique de l’expérience de Wu et al.

droitier (hélicité +1), on comprend que dans cette configuration l’électron soitforcé à être gaucher (hélicité −1) et à être émis en direction opposée au spin duCo, de façon à assurer la conservation du moment angulaire.

On peut remarquer que la violation observée de la parité est maximale. Parexemple, dans l’Univers on trouve 100% de ν gauchers et 0% de ν droitiers ;l’opposé est vrai pour les antineutrinos 52.

La violation de la parité a été observée par la suite dans d’autres processus régispar l’interaction faible, par exemple dans la désintégration de muons polarisés 53

et d’hypérons polarisés 54.

52. Un autre point de vue est qu’il existe un nombre égal de neutrinos gauchers et droitiers,mais que ces derniers sont stériles, c. à d. qu’ils ne couplent avec aucune autre particule, doncqu’ils sont invisibles.

53. R.L. Garwin et al. Phys. Rev. 105 (1957) 141554. F. Eisler et al. Phys. Rev. 108 (1957) 1353 et F.S. Crawford et al Phys. Rev. 108 (1957)

1102

97

Page 98: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Jz = 5

Jz = 4 Jz = 1

e

νe

60Ni *Co60

z

Figure 4.3.3 – Désintégration du 60Co : configuration favorisée

On reprendra ce sujet plus en détail au chapitre 7 consacré à l’interactionfaible.

4.4 La conjugaison de charge

La conjugaison de charge C (opérateur quantique C) est l’opération qui rem-place les particules d’un système par leurs antiparticules, sans altérer les autrescaractéristiques (quadrivecteur (E,p), spin, hélicité...). Par cette opération, toutesles charges et les moments magnétiques sont inversés, donc le bilan énergétiqueassocié à l’interaction e.m. ne subit pas de changement :

[Hem, C] = 0 (4.4.1)

C est aussi une symétrie de l’IF, donc :

[Hem +HIF , C] = 0 (4.4.2)

Par contre, l’Hamiltonien de l’interaction faible n’est pas invariant sous C :

[HWI , C] = 0 (4.4.3)

98

Page 99: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On va se limiter, pour le moment, à :

H = Hem +HIF (4.4.4)

Il faut distinguer deux classes de particules :

1) les particules qui sont différentes de leurs antiparticules : a=p,n,π+, K+,... donc pour lesquelles : a = a ;2) les particules qui sont identiques à leurs antiparticules : α = γ, π0, η, ...

Q. : étudier le cas du neutron en termes de structure de quarks. Idem pour lesystème des K neutres.

Bien que le neutron ait une charge nulle, il a un moment magnétique non nulqui est changé de signe par C (ce qui prouve qu’il ne s’agit pas d’un constituantélémentaire).

Nous définissons la fonction d’onde, p. ex. d’un proton, par |p, ψ⟩, les dépen-dances en quantité de mouvement, spin,... étant contenues dans la fonction ψ

Un système pion-nucléon sera décrit, p. ex., par :

|π+, ψ1; p, ψ2⟩ ≡ |π+, ψ1⟩|p, ψ2⟩ etc... (4.4.5)

Avec cette notation, on a, pour les deux classes de particules ci-dessus :

C|a, ψ⟩ = η|a, ψ⟩ et C|α, ψ⟩ = Cα|α, ψ⟩ (4.4.6)

Dans le premier cas on n’a pas d’état propre ; dans le second on a un état propre,avec la valeur propre Cα. Le facteur de phase Cα est similaire à celui que l’ona rencontré avec l’opérateur P ; puisque C2=1, on obtient Cα = ±1. On appelleparfois ce facteur la parité C. Dans le cas des particules de type “a”, le facteurde phase est arbitraire (car de toute façon non mesurable) ; on rencontre les deuxconventions : Ca = ±1.

Pour un système de particules :

C|a1, ψ1; a2, ψ2; ...; an, ψn;αn+1, ψn+1; ...;αm+n, ψm+n⟩ = (4.4.7)Cαn+1 ...Cαn+m|a1, ψ1; a2, ψ2; ...; an, ψn;αn+1, ψn+1; ...;αm+n, ψm+n⟩

Un système composé d’une particule et de son antiparticule (même de type a) estun état propre de C, car en pratique l’opérateur C effectue l’échange des deuxparticules :

C|a, ψ1; a, ψ2⟩ = |a, ψ1; a, ψ2⟩ = ±|a, ψ1; a, ψ2⟩ (4.4.8)

99

Page 100: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

le signe ± dépend du caractère symétrique ou antisymétrique de l’état de cesystème lors de l’échange de a et de a. Par exemple, pour le système π+, π− :

C|π+π−;L⟩ = (−1)L|π+π−;L⟩ (4.4.9)

Du point de vue de l’observateur, l’opération conjugaison de charge revient à

π π

π π

C

r r

r r2 2

1 1

Figure 4.4.1 – Transformation par C du système de deux pions

échanger la position des deux particules. Si c’est une symétrie du système, onobtient un système équivalent au précédent, dans lequel la position relative desdeux particules a changé de signe : R = r1 − r2 devient −R, ce qui se répercutesur la partie spatiale de la fonction d’onde : C(ψ(R)) = ψ(−R). Comme déjàdiscuté, cette partie spatiale est symétrique pour L pair, antisymétrique pour Limpair.

Considérons le cas du système fermion-antifermion ff .Repetita juvant : avec les deux spins 1/2 on peut former les combinaisons de spinantisymétrique (S = 0) et symétrique (S = 1) suivantes :

|0, 0⟩ =1√2

(∣∣12, 12

⟩1

∣∣12,−1

2

⟩2−∣∣12,−1

2

⟩1

∣∣12, 12

⟩2

)(4.4.10)

|1,+1⟩ =∣∣12, 12

⟩1

∣∣12, 12

⟩2

|1, 0⟩ =1√2

(∣∣12, 12

⟩1

∣∣12,−1

2

⟩2+∣∣12,−1

2

⟩1

∣∣12, 12

⟩2

)|1,−1⟩ =

∣∣12,−1

2

⟩1

∣∣12,−1

2

⟩2

Sous l’opération parité C, la partie spinorielle de la fonction d’onde amèneun facteur multiplicatif (−1)S+1, la partie spatiale un facteur (−1)L et la partie

100

Page 101: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

intrinsèque (voir chapitre 4.3) un facteur −1. Donc au total, pour le systèmefermion-antifermion 55 :

C∣∣f, f , J, L, S⟩ = (−1)S+L

∣∣f, f , J, L, S⟩ (4.4.11)

4.4.1 La parité C du photon

On peut s’inspirer de la procédure utilisée pour la parité P. Sous C le potentielvecteur se transforme comme :

C(A(t,x)) = CγA(t,x) (4.4.12)

Le champ E et le potentiel scalaire V changent de signe sous C, car toutes lescharges sont inversées. De E = −∇V − ∂A

∂t≡ ∂µA

µ on tire que A change ausside signe.

Donc :

Cγ = −1. (4.4.13)

4.4.2 La parité C du π0

Dans le modèle des quarks, le pion neutre est un état 1S0 du système : 1√2

(uu+ dd). On lui prédit donc une parité Cπ0 = (−1)L+S = (−1)0+0 = 1. Cela estconfirmé expérimentalement par la désintégration observée en deux photons :

π0 → γγ (4.4.14)

Il s’agit d’une désintégration e.m. qui conserve C, on peut donc écrire :

Cπ0 = CγCγ = 1 (4.4.15)

Ce processus est interprété à l’aide du diagramme d’annihilation triangulaire dela figure 4.4.2. Sur le strict plan du couplage e.m., la désintégration en 3 photonsdevrait se manifecter dans la proportion :

Γ(π0 → γγγ)

(Γπ0 → γγ)≃ O(αem) ≈

1

137≈ 1% (4.4.16)

Expérimentalement on trouve que la voie en 3 photons est supprimée par unfacteur d’au moins 10−8, ce qui est une conséquence de la conservation de C. Onse rend compte de la puissance de ce critère de sélection.

55. Voir p. ex. K. Gottfried and V. F. Weisskopf, Concepts of Particle Physics, vol 2, OxfordUni. Press, p. 249-250, note 14.

101

Page 102: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 4.4.2 – Schéma de désintégration du π0

4.4.3 Parité C du η

Le η est une particule pseudoscalaire comme le π0. On a les modes de désin-tégration :

η → γ + γ Br = 0.39η → π0 + π0 + π0 Br = 0.32η → π0 + π+ + π− Br = 0.24

(4.4.17)

Le temps de vie est de (table PDG) : τ = ℏΓ= 6.6 10−22/1.2 10−3 = 5.5 10−19

s., temps typique de l’interaction e.m.. Les rapports d’embranchement sont si-milaires, donc les trois processus sont de nature e.m.. Les deux premières voiesdonnent chacun Cη=+1, sans ambiguïté. On a utilisé la dernière voie pour un testd’invariance sous C de l’interaction e.m.. Si C est une bonne symétrie, l’état final :

π0(p) + π+(p1) + π−(p2) (4.4.18)

doit être identique à son conjugué sous C :

π0(p) + π−(p1) + π+(p2) (4.4.19)

En conséquence les spectres des deux pions chargés doivent être identiques, cequi est confirmé expérimentalement au niveau de 10−3.

102

Page 103: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

4.4.4 Non conservation de C dans l’interaction faible

La non conservation de C dans l’interaction faible peut être mise en évi-dence par les effets directement observables auxquels elle donne lieu. Prenons parexemple les processus de désintégration faible : π± → µ±+νµ(νµ). En conséquencedes propriétés du neutrino et de la conservation du moment angulaire, le µ+ etle µ− ont des hélicités (et des polarisations) opposées. Imaginons une expérienceréalisée dans un faisceau mixte de π±, avec un appareillage capable de sélectionnerles muons dans un état d’hélicité (de polarisation) donné. Le taux de comptageobtenu sera non nul dans l’une des voies et nul dans l’autre. La violation de Camène donc à des situations non équivalentes en ce qui concerne les particules del’état final des désintégrations ci-dessus.

Q. : montrer que si l’on fait suivre C de P on restaure la symétrie du système ;

soit∣∣ν, λ = −1

2

⟩l’état du neutrino gaucher. Que valent C

∣∣ν, λ = −12

⟩et CP∣∣ν, λ = −1

2

⟩?

4.5 Le renversement du temps

L’invariance par renversement du temps découle de l’idée que si l’on pouvaitinverser la flèche du temps on verrait essentiellement la même physique et lesystème pour lequel

T : (t, r) 7→ (−t, r) (4.5.1)

serait indiscernable de l’original. La mécanique de Newton est invariante par ren-versement du temps car elle s’exprime par des équations du second degré en t :

md2

dt2r(t) = F (r(t)) (4.5.2)

Donc, si une particule parcourt une trajectoire r(t), cette même trajectoire seraune solution pour le système au mouvement inversé : rT (t) 56 passe par les mêmespoints que r(t), mais à des temps −t : rT (t) = r(−t). Cette symétrie n’est pas va-lable si, p. ex., la force est une fonction de la vitesse. Naturellement, tout cela doitêtre considéré au niveau microscopique, car on sait qu’un système macroscopiqueévolue vers une condition plus chaotique.

Si le renversement du temps est une symétrie du système, son applicationamène à un système dynamiquement équivalent à l’original, pour lequel tout vec-teur lié au mouvement change de direction : la quantité de mouvement p estchangée en −p, le moment angulaire J en −J , le courant (e.m. ou autre) j en−j, etc.. Il faut ajouter que lors d’une interaction l’état “initial” et l’état “final”sont échangés :

56. N.B. : par la suite on utilisera la notation AT = T (A).

103

Page 104: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

T (état initial) → (état final) et T (état final) → (état initial).

Le problème de la symétrie T est conceptuellement et mathématiquementplus compliqué à traiter que celui des symètries P et C car on n’a pas de quan-tité conservée. Mathématiquement cela s’explique par le fait que l’on ne sait pasconstruire une observable T , c.à.d. un opérateur linéaire hermitique. Un système(sans spin) caractérisé par un Hamiltonien H, obéit à l’équation de Schrödinger :

Hψ(r, t) = i∂

∂tψ(r, t) (4.5.3)

Si l’on suppose H invariant sous T et on change le signe de t, on obtient :

Hψ(r,−t) = −i ∂∂tψ(r,−t) (4.5.4)

On constate que la fonction ψ(r,−t) n’obéit pas à la même équation que ψ(r, t) !Par contre, si l’on prend le conjugué complexe de 4.5.3, en tenant compteH∗ = H ;on a :

Hψ∗(r,−t) = i∂

∂tψ∗(r,−t) (4.5.5)

On voit que ψ(r, t) et ψ∗r,−t) obéissent à la même équation. L’état transformépeut donc être décrit par :

T (ψ(r, t)) = ψ∗(r,−t) (4.5.6)

Cela n’est pas surprenant car on a déjà observé que les états initial et final doiventêtre échangés, T est un opérateur antiunitaire ; en notation bra-ket on a :

T |ψ⟩ = |ψ⟩T T ⟨ψ| = T⟨ψ|

T⟨f∣∣ i⟩ = T

⟨f∣∣ i⟩T =

⟨i∣∣ f⟩ = ⟨f ∣∣ i⟩∗

avec la conséquence que :

|ψ⟩ = a|ψ1⟩+ b|ψ2⟩ ⇒ T |ψ⟩ = a∗T |ψ1⟩+ b∗T |ψ2⟩

(4.5.7)

D’autre part, on ne peut pas construire un vecteur propre de T et, a fortiori,définir une quantité conservée.

L’état d’une particule de quadrivecteur (E,p), se propageant le long de l’axex est décrit par :

ψ(x, t) ∝ ei(p·x−Et) (4.5.8)

L’application du renversement du temps donne :

Tψ(x, t) ∝ ei(−p·x−Et) (4.5.9)

104

Page 105: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

ce qui est équivalent à l’état d’une particule se propageant selon l’axe -x.

Q. : prouvez que : ⟨ψT∣∣r∣∣ψT⟩(t) = ⟨ψ|r|ψ⟩(−t) (4.5.10)

De même on obtient : ⟨ψT∣∣p∣∣ψT⟩(t) = −⟨ψ|p|ψ⟩(−t) (4.5.11)

⟨ψT∣∣L∣∣ψT⟩(t) = −⟨ψ|L|ψ⟩(−t) (4.5.12)

Et par analogie : ⟨ψT∣∣S∣∣ψT⟩(t) = −⟨ψ|S|ψ⟩(−t) (4.5.13)

Q. : quelle est l’action de T sur l’hélicité d’une particule ?

L’opération T appliquée à une particule dans l’état de spin |S, Sz⟩ entraîneun renversement du spin et amène à l’état |S,−Sz⟩. Cette opération est doncéquivalente à une rotation de 180 autour de l’axe y :

T |S, Sz⟩ ∝ Ry(π)|S, Sz⟩ (4.5.14)

On peut montrer que pour une particule de spin 1/2 décrite par le spineur(ψ+

ψ−

)(r, t), l’état transformé est donné par :

(Tψ+

ψ−

)(r, t) = −iσy

(ψ+

ψ−

)(r,−t) (4.5.15)

où :

σy =

(0 −ii 0

)Lors d’un calcul d’élément de matrice M associé à une transition A → B, l’inva-riance par renversement du temps amène à l’équivalence :

⟨ψB|M |ψA⟩ =⟨ψTA∣∣M ∣∣ψTB⟩ (4.5.16)

Si le renversement du temps est une “symétrie” du système, l’amplitude de tran-sition de l’état A vers l’état B est identique à celle de l’état transformé de B versl’état transformé de A :

A→ B est équivalent à BT → AT

105

Page 106: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Une façon de tester l’invariance sous T est de comparer le taux d’une réactiona+b → c+d à celui de son inverse c+d → a+b (où a = c and b = d).

Il faut souligner que même si |MAB |=|MBA |, les taux d’événements attendussont différents, car l’espace de phase accessible n’est pas le même pour les deuxdirections.

Dans le cas où les projectiles sont non polarisés et les produits de réaction sontdétectés par un dispositif insensible au spin, on a :

(2Sa + 1)(2Sb + 1) p2abdσabdΩ

= (2Sc + 1)(2Sd + 1) p2cddσcddΩ

(4.5.17)

où pab et pcd sont les valeurs de la quantité de mouvement des particules dans leréférentiel du c.m. de la réaction et les Si sont les valeurs du spin de ces particules.C’est le principe du bilan détaillé (voir Chapitre 3)

Les résultats des tests effectués sur des interactions e.m. et forte sont compa-tibles avec l’hypothèse d’invariance sous T. Toutefois la précision expérimentalesur ce genre de test n’est que de l’ordre du %.

Un autre test d’invariance sous T repose sur la mesure du moment dipolaireélectrique. On définit classiquement le moment dipolaire électrique d’un systèmeformé de charges qi situées en ri par :

d =∑i

qiri (4.5.18)

T laisse inchangés q et r, donc d est aussi inchangé. Si T est une symétrie, lemoment dipolaire d doit être nul. En effet le seul vecteur qui caractérise uneparticule au repos est son spin. On s’attend donc à ce que spin et moment dipolaireélectrique soient parallèles. De façon intuitive, on écrit :

d = fS

Sous l’opération T , d est invariant alors que S change de signe :

T : d 7→ −fS.

Le facteur f doit donc être nul d’où d = 0.Le moment électrique dipolaire du neutron peut être mesuré par différentes

méthodes de résonance magnétique. Une de ces méthodes consiste à polariser lesneutrons produits dans un réacteur par diffusion sur un écran de fer magnétisé.Ce faisceau (partiellement) polarisé traverse une région où sont appliqués deschamps électrique et magnétique parallèles et uniformes. On cherche à effectuerun retournement des spins par application d’une RF à la fréquence adéquate. Sile moment électrique est non nul, on s’attend à trouver un léger déplacementde cette fréquence par rapport à la valeur de Larmor. La mesure est effectuéealternativement en présence et en l’absence de champ électrique de façon à réduire

106

Page 107: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

le risque de biais expérimental. Le résultat obtenu est exprimé sous la forme d’unelimite supérieure. La moyenne des expériences actuelles les plus précises donne(table PDG) : dneutron <0.63 10−25 ecm (“Confidence Level”, C.L.=90%).

Q. : chercher dans la table des particules les résultats pour l’électron et le proton.

4.6 Violation de CP et le système des Kaons neutres

CP est une grandeur conservée dans les interactions forte et électromagnétique.Qu’en-est-il dans l’interaction faible ? Jusqu’aux environs de 1960, on a considéréque l’opération de CP était également une bonne symétrie dans l’interaction faiblece qui apparaissait réconfortant, la violation de P étant par un concours de circons-tances compensée par la violation de C. Depuis lors, on a découvert des processusfaibles où CP est manifestement violée.

4.6.1 Le système des Kaons neutres

Le méson K0 et son antiparticule K0 ont l’étrangeté SK0 = 1 et SK

0 = −1.En terme de structure en quarks, on a K0 = ds et K0

= ds (N.B. : le quark s al’étrangeté −1). Le nombre quantique étrangeté n’est pas conservé dans l’interac-tion faible. Les désintégrations :

K0(K0)→ π+π− et K0(K

0)→ π0π0

sont observées. Elles peuvent être décrites par un graphe du type représenté dansla figure 4.6.1. Avec les deux quarks et les deux antiquarks sortants on peut formerles deux pions finaux dans leurs différents états de charge.

0K K 0( )

d ( )u

d (d)

u u( )

s( )

π π−+

π π0 0

d (d)

)u ( d

+W (W )−s

ou

Figure 4.6.1 – Diagramme de désintègration du K0(K0)

L’observation de ces modes de désintégration communs auK0 et à l’K0 suggèrela possibilité d’un mécanisme tel que celui représenté à la figure 4.6.2. Il s’agit d’un

107

Page 108: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

K W W

s u d

00 K++

d u s

Figure 4.6.2 – Diagramme de conversion d’un K0 en un K0

diagramme en “échelle” comprenant un double échange de boson vecteur W. Parl’intervention de l’interaction faible un état d’étrangeté S=−1(+1) se transformespontanément en un état d’étrangeté S=+1(−1) à travers un état virtuel à deuxpions :

K0 ↔ 2π ↔ K0

En raison de ce mécanisme, la fonction d’onde d’un kaon à un instant donnépeut être représentée comme une superposition de |K0⟩ = |ds⟩ et de

∣∣∣K0⟩=∣∣ds⟩.

Considérons des kaons au repos et à leur niveau énergétique le plus bas ; ilssont caractérisés par JP=0−. C’est à dire que :

P |K0⟩ = −|K0⟩ et P∣∣∣K0

⟩= −

∣∣∣K0⟩

(4.6.1)

D’autre part, avec la convention η = −1 (4.4.6), on a :

C|K0⟩ = −∣∣∣K0

⟩et C

∣∣∣K0⟩= −|K0⟩ (4.6.2)

Remarquez que le choix η = +1 changerait les signes des formules qui suivent, sansrien changer aux conclusions physiques. L’opération conjointe de C et P donne :

CP |K0⟩ =∣∣∣K0

⟩et CP

∣∣∣K0⟩= |K0⟩ (4.6.3)

Définissons les états :

|K01⟩ =

1√2

(|K0⟩+

∣∣∣K0⟩)

et |K02⟩ =

1√2

(|K0⟩ −

∣∣∣K0⟩)

(4.6.4)

108

Page 109: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Appliquons à ces états l’opérateur CP :

CP |K01⟩ = CP 1√

2

(|K0⟩+

∣∣∣K0⟩)

= 1√2

(CP |K0⟩+ CP

∣∣∣K0⟩)

= 1√2

(∣∣∣K0⟩+ |K0⟩

)= +|K0

1⟩(4.6.5)

De même :

CP |K02⟩ = −|K0

2⟩ (4.6.6)

|K01⟩ et |K0

2⟩ sont des états propres de CP avec les valeurs propres +1 et −1.On a donc deux états orthogonaux avec des valeurs propres de CP déterminées.

Considérons maintenant la désintégration (faible) du kaon neutre en deux ettrois pions.

Dans l’état final de la désintégration en deux pions, on peut introduire lemoment orbital relatif Lππ. Le kaon et le pion étant sans spin, Lππ = 0 par suitede la conservation du moment angulaire. Pour la voie en π0π0 on prédit que :

P (π0π0) = (Pπ)2 · (−1)Lππ = (−1)2(−1)0 = +1

C(π0π0) = (Cπ)2 = +1

d’où :

CP (π0π0) = +1 (4.6.7)

Pour la voie en π+π− :

P (π+π−) = +1C(π+π−) = (−1)Lππ = +1

d’où :

CP (π+π−) = +1 (4.6.8)

Dans l’état final de la désintégration en trois pions (π1, π2, π3) on est dans unesituation voisine de celle décrite par la figure 4.3.1 ; on doit introduire deux mo-ments angulaires orbitaux : Lπ1π2 et ℓπ3 tels que Lπ1π2 + ℓπ3 = 0 (par suite de laconservation du moment angulaire). Pour la voie π0π0π0, la statistique de Bose-Einstein requiert que Lπ0

1π02

et ℓπ03

soient pairs en raison de la symétrie du systèmeπ0π0π0. Il s’en suit que :

CPπ01π

02

= +1

CPπ03

= −1 (Cπ03= +1, Pπ0

3= (−1)(−1)ℓπ0

3 = −1)

d’où :

CP(π0π0π0) = −1 (4.6.9)

109

Page 110: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Pour la voie π+π−π0, cet argument de symétrie n’est pas valable. Par contre,on peut remarquer que le bilan énergétique de cette désintégration est petite enregard de la masse des particules (Qπππ ≃ 80 MeV) ; l’état final est donc dominépar les ondes Lπ+π−= 0 et ℓπ0= 0 (on a choisi par commodité π3 = π0). Dans cettesituation dominante, on prédit que :

CP (π+π−) = +1 (idem pour le cas des deux pions)CP (π0) = −1 (Cπ0 = +1, Pπ0 = (−1)(−1)ℓπ0 = −1)

d’où :

CP (π+π−π0) = −1 (4.6.10)

En résumé :

|K01⟩ → π0π0 ou π+π−

|K02⟩ → π0π0π0 |K0

2⟩ → π+π−π0 (bonne approx.)(4.6.11)

|K01⟩ ↛ π0π0π0 |K0

1⟩↛ π+π−π0 (bonne approx.)

|K02⟩ ↛ π0π0 ou π+π−

(4.6.12)

L’étude expérimentale de ces processus de désintégration révèle l’existence dedeux états de kaons neutres ayant des masses pratiquement identiques (∼ 498MeV) et des durées de vie très différentes.

L’un appelé K zéro Short (K0S) a un temps de vie de (0.8926± 0.0012) 10−10

s et se désintègre en deux pions :

K0S → π+π− Br = 68.61± 0.28% (4.6.13)K0S → π0π0 Br = 31.39± 0.28% (4.6.14)

110

Page 111: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’autre appelé K zéro Long (K0L) a un temps de vie de (5.7± 0.04) 10−8 s et

se désintègre en trois pions ainsi qu’en modes semi-leptoniques :

K0L → π0π+π− Br = 12.38± 0.21%(4.6.15)

K0L → π0π0π0 Br = 21.6± 0.8% (4.6.16)

K0L → π± + ℓ± + νℓ(νℓ) Br = 65.7± 0.6% (4.6.17)

où ℓ = e, µ

Q. : pourquoi cette grande différence dans le temps de vie ?

La comparaison avec les règles 4.6.11 et 4.6.12, suggère l’association :

K01 = K0

S et K02 = K0

L (4.6.18)

Il faut souligner le problème conceptuel posé par la définition de la “particuleK zéro”. On produit ce kaon normalement par interaction forte, ce qui donne lesétats propres de l’étrangeté : K0 et K0. La particule se désintègre par interactionfaible en donnant des états de durée de vie définie (états propres de CP : K0

1 etK0

2 ?) Préfère-t-on accorder le statut de “réalité” à l’état avec un contenu en quarksdéterminé, ou à l’état ayant un temps de vie bien défini ?

En 1964 on a mis en évidence pour la première fois l’existence de la voie dedésintégration :

K0L → π+π− (4.6.19)

Il s’agit d’un signal très tênu, puisque le rapport d’embranchement est del’ordre de 10−3. La voie en deux pions neutres a été observée ultérieurement avecun rapport d’embranchement du même ordre de grandeur. Cette observation aapporté la première preuve que CP peut être violée dans un processus d’interactionfaible.

4.6.2 Observation de la violation de CP

La voie de désintégration K0L → π+π− a été observée pour la première fois 57

à l’aide du dispositif de la figure 4.6.3. Un faisceau de protons de 30 GeV estdirigé sur une cible de Be. Parmi les particules secondaires produites, les chargées(pions, kaons,...) sont balayées par le champ d’un aimant, les photons provenantde désintégration π0 → γγ sont absorbés dans un écran de Pb de 4 cm d’épaisseur,et il reste principalement des kaons neutres.

Q. : quelle est la fraction de photons de haute énergie éliminée ?

57. J.H. Christenson et al. Phys. Rev. Lett. 13 (1964) 138.

111

Page 112: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

K 0L

K 0L

C

π−

π+

18 mAimant

Cible Pb K 0S

P

E B E

S

Figure 4.6.3 – Schéma du dispositif de mesure de la violation de CP avec lesKaons neutres

La composante K0S s’atténue rapidement et à la distance de 18 m où se situe

le collimateur d’entrée du dispositif de détection il ne reste pratiquement plus quela composante K0

L.

Q. : quelle est la fraction de K0S survivant après ces 18 m?

La région où les désintégrations K0L → π+π− sont recherchées est définie par

une enceinte contenant de l’hélium gazeux pour minimiser les interactions de K0

avec le milieu. Les deux pions chargés sont détectés dans deux séries de chambresà étincelles (E) entre lesquelles est intercalé un aimant d’analyse (B). Ce doublespectromètre magnétique est complété par des scintillateurs (S) et par un dé-tecteur Cherenkov qui sélectionne les particules chargées rapides (β >0.75). Lamesure se fait en coïncidence entre les deux bras. Les sources de bruit sont réduitesen requérant :

1) que les pions soient de charges opposées,2) que la masse effective des deux pions soit compatible avec la masse du kaon,3) que le vertex de désintégration reconstruit par l’extrapolation des deux

trajectoires soit proche de la ligne de faisceau.

L’expérience a conduit au résultat important que le K0L se désintègre en deux

pions, avec un rapport d’embranchement R=(K0L → π+π−)/(K0

L → tous les modeschargés)= (2.0±0.4)·10−3.

On a peut envisager deux mécanismes :

112

Page 113: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

1) un mécanisme “direct” : K0L=K0

2 est un système qui peut violer CP, commereprésenté graphiquement par le cas 1) de la figure 4.6.4 ;

2) un mécanisme “indirect” passant par le mélange des états ; les états K0S et

K0L ne sont pas des états purs en |K0

1⟩ et |K02⟩, mais une superposition

de ces états caractérisée par un paramètre ϵ (à priori complexe et tel que| ϵ |≪ 1) :

K0L

ππ

0

ππ

K0L

K1

2)1)

Figure 4.6.4 – Mécanismes envisageables de la désintègration du K0L

|K0S⟩ =

1√1+ | ϵ |2

(|K01⟩ − ϵ|K0

2⟩) et (4.6.20)

|K0L⟩ =

1√1+ | ϵ |2

(ϵ|K01⟩+ |K0

2⟩) (4.6.21)

La présence de la composante |K01⟩ (le cas 2 de la figure 4.6.4) dans l’amplitude

de désintégration de l’état K0L donne une probabilité d’observer la voie K0

L → 2πde :

|ϵ|2

1 + |ϵ|2= |ϵ|2 (4.6.22)

Une analyse détaillée montre que le mécanisme 2) est dominant, avec | ϵ | =(2.284 ± 0.014) 10−3, plus une faible composante de l’ordre de 10−6 associée aumécanisme 1).

L’interprétation de la violation de CP est d’une certaine façon plus complexeque celle de la violation de P. La violation de P est maximale et on a vite trouvé lecontexte théorique approprié permettant de décrire cela. Par contre, la violationde CP n’est pas franche et l’interprétation de ce petit effet n’est pas évidente. Onreprendra ce sujet plus tard.

L’étude des modes semi-leptoniques de désintégration du K0L a conduit égale-

ment à l’observation d’une violation de CP. Si CP était conservée, les voiesK0L → π−ℓ+νℓ et π+ℓ−νℓ seraient équiprobables. Expérimentalement on a obtenu :

Γ(π−ℓ+νℓ)−Γ(π+ℓ−νℓ)Γ(π−ℓ+νℓ)+Γ(π+ℓ−νℓ)

≃ 3 · 10−3. En conséquence de la violation de CP, il est doncpossible de distinguer de façon absolue la production de matière et d’antimatièredans des processus faibles.

113

Page 114: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

4.6.3 La régénération du K0S

Quand un faisceau de protons p. ex. passe à travers un bloc de matière, il enressort atténué mais les protons restent des protons (sauf ceux qui ont interagi,évidemment).

Par contre, si l’on fait passer un faisceau pur de K0L à travers un écran de

matière, on observe à la sortie la présence d’une composante K0S ! Si l’on ignore le

mélange d’états (on fixe ϵ = 0), un faisceau de K0L se décompose en :

|K0L⟩ = |K0

2⟩ =1√2

(|K0⟩ −

∣∣∣K0⟩)

(4.6.23)

Les composantes K0 et K0 interagissent de façon différente (interaction forte)

avec les nucléons de la matière. Après avoir parcouru un certain trajet, les deuxcomposantes sont atténuées par un facteur a et b respectivement (a et b<1). Ace moment l’état du faisceau sera décrit par :

|f⟩ = 1√2

(a |K0⟩ − b

∣∣∣K0⟩)

(4.6.24)

Utilisant 4.6.23 ainsi que K0S = 1√

2

(K0 > +

∣∣∣K0⟩)

on peut écrire 4.6.24 sous laforme :

|f⟩ = 1

2(a+ b)|K0

L⟩+1

2(a− b)|K0

S⟩ (4.6.25)

On voit que si a = b une composante K0S apparaît dans le faisceau initialement

pur en K0L. On observe expérimentalement que b<a, c. à d. que la composante

K0 est plus fortement absorbée que la composante K0.

D’une part la réaction :

K0+ p→ π+ + Λ0 (4.6.26)

n’a pas de contrepartie pour le K0, en conséquence de la conservation de l’étran-geté dans l’interaction forte. D’autre part, la réaction :

K0+ n→ K− + p (4.6.27)

est plus fréquente que la réaction :

K0 + p→ K+ + n (4.6.28)

car il y a plus de neutrons que de protons dans les noyaux atomiques (intermé-diaires et lourds).

114

Page 115: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

4.6.4 L’oscillation d’étrangeté

Des kaons neutres d’étrangeté S définie sont produits dans une réaction comme :

π− + p → K0 + Λ0

S = 0 0 1 −1 (4.6.29)

Au cours du temps une composante K0 va apparaître dans l’échantillon de K0

t/τS

K 01

0.8

0.6

0.4

0.2

0

0 2 4 6 8 10 12

mτ S=0.5∆

0−Kα(t

)et

(t)

α2

2

Figure 4.6.5 – Représentation de l’oscillation d’étrangeté en fonction du temps

par le mécanisme précédemment décrit. De plus, la composante courte du K0 vadisparaître plus rapidement que sa composante longue. Considérons en t=0 l’état :

|K0⟩ = 1√2(|K0

L⟩+ |K0S⟩) (4.6.30)

Le système évolue en fonction du temps t suivant l’oscillation exp(−iEt) =(exp−imxt) (où x=Short et Long) multipliée par l’atténuation exp(−Γxt/2) dueà la désintégration spontanée 58. Ce dernier terme correspond à la disparition deskaons dans le faisceau, associée à un temps de vie τx = (Γx)

−1 (en effet la proba-bilité de trouver le système dans l’état Ψ(t) est | Ψ(t) |2, ce qui est proportionnelà (-expΓxt)).

58. On a posé ℏ=1. Pour avoir les dimensions usuelles des grandeurs il faut faire la substitutionE → E/ℏ,m→ m/ℏ,Γ→ Γ/ℏ, où ℏ ≃ 6.582122 · 10−22MeV· s.

115

Page 116: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Ecrivons :

|Ψ(t)⟩ = 1√2(aL(t)|K0

L⟩+ as(t)|K0S⟩) (4.6.31)

avec :

ax(t) = exp(−imxt) exp(−Γxt/2) x = L,S (4.6.32)

Au temps t tel que τS ≪ t ⪕ τL, la composante courte a disparu, et seule la longuesubsiste. Intéressons-nous par contre au régime dans la région t de l’ordre de τS.Décrivons le mélange des composantes d’étrangeté S = 1 et S = −1 sous la forme :

|Ψ(t)⟩ =(α(t)|K0⟩+ α(t)

∣∣∣K0⟩)

(4.6.33)

avec

α(t) =1

2[aS(t) + aL(t)] et α(t) =

1

2[aS(t)− aL(t)] (4.6.34)

En utilisant 4.6.32, la probabilité de trouver un état d’étrangeté S = +1 au tempst est :

| α(t) |2= 1

4

[e−ΓSt + e−ΓLt + 2 cos(∆mt)e−(ΓS+ΓL)· t2

](4.6.35)

avec ∆m =| mS −mL |.Dans le cas de l’étrangeté S = −1 cette probabilité est donnée par (voir

figure 4.6.5) :

| α(t) |2= 1

4

[e−ΓSt + e−ΓLt − 2 cos(∆mt)e−(ΓS+ΓL)· t2

](4.6.36)

Ce comportement a été vérifié lors d’une première expérience effectuée à Broo-khaven 59 (USA). L’apparition de K0 en fonction de la distance à la source de K0

(donc en fonction du temps) était observée en utilisant les signatures caractéris-tiques :

K0+ p→ π+ + Λ et π0 + Σ+ (4.6.37)

L’expérience a été répétée à plusieurs reprises depuis lors. La valeur de ∆m tabuléeest :

∆m = (0.5307± 0.0015) · 1010 s−1 (4.6.38)

59. F.Muller et al. Phys. Rev. Lett. 3 (1960) 418.

116

Page 117: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

4.7 Le théorème CPT.

L’opération de symétrie CPT présente un intérêt particulier à cause du théo-rème dit de CPT de Luders et Zumino (1954) et Pauli (en 1955). Ce théorèmeénonce qu’en théorie quantique des champs l’invariance de l’Hamiltonien sous lestransformations de Lorentz implique l’invariance de cet Hamiltonien sous l’opéra-tion combinée CPT, même si cette invariance n’est pas vérifiée sous les opérationsC, P et T effectuées séparément. En conséquence un système (ou une interaction)qui viole P viole aussi CT par compensation pour assurer l’invariance sous CPT.Dans ce cas, au moins une des symétries C ou T est violée. De même, si T estune bonne symétrie, alors CP est aussi conservé, donc C et P sont toutes deuxconservées ou toutes deux violées.

P C T applicationsIF, e.m.

x x aucunex x WI (désinteg.β)x x aucunex x x K0

L → 2π

Table 4.7.1 – Conséquences du théorème CPT. La présence du x signifie que lasymétrie en question est violée

Le tableau 4.7.1 montre les combinaisons possibles avec des applications.

L’opérateur quantique O = CPT a le même comportement que T : on n’a pasd’observable correspondante, donc pas de valeur et vecteur propres. CPT a poureffet d’inverser le quadrivecteur (t, r) : CPT(t, r) = (−t,−r)

Considérons le cas d’une particule distincte de son antiparticule (type a) :

O|a,p,J ...⟩ = η⟨a,p,−J , ...| (4.7.1)

car p est inversé sous P et sous T alors que J n’est inversé que par T . L’invariancede l’Hamiltonien sous O implique que :

[H,O] = 0 O−1HO = H (4.7.2)

et pour une amplitude de transition de l’état a à l’état b :

⟨b|H|a⟩ = ⟨b|O−1HO|a⟩ = ⟨Ob|H|Oa⟩ = ⟨a|H∣∣b⟩ (4.7.3)

Pour la particule a au repos, H représente sa masse et on en tire que l’ antiparticulea la même masse que la particule :

ma = ma (4.7.4)

117

Page 118: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Cette conséquence peut être utilisée comme test de la conservation sous CPT.CPT transforme la particule au repos avec la projection du spin Jz en son

antiparticule avec la projection −Jz. On retrouve l’orientation originale par unerotation de 180 autour des axes y ou x. Si l’on admet l’invariance sous la rotation,CPT a les mêmes effets que C sur l’état de la particule sans impliquer l’invariancesous C. La symétrie CPT est donc prédominante.

Avec les mêmes arguments que ci-dessus on peut montrer que la particule etl’antiparticule ont le même temps de vie :

Γa = Γa (4.7.5)

Il en est de même pour le moment magnétique. Dans le terme d’interaction e.m. :δE = −g qℏ

2mcJ ·B, l’opération CPT transforme qa → −qa, Ja → −Ja, B → B

et ma → ma. Il s’en suit que :

ga = ga (4.7.6)

Les expériences du type (g-2) ont permis de tester l’invariance sous CPT avecune très grande précision. Par ex. dans les expériences (g − 2) du CERN portantsur le muon (voir chapitre 2), on a obtenu :

τµ+/τµ− = 1.00002± 0.00008 (voir chapitre 3)(gµ+ − gµ−)/ < gµ >= (−2.6± 1.6) · 10−8 (voir PDG)

Différents types d’expériences ont été effectuées sur l’électron. L’expérience la plusprécise 60 a donné le résultat suivant :

(ge+ − ge−)/ < ge >= (−0.5± 2.1) · 10−12

J.H. Field et al. 61 donnent un compte rendu d’un ensemble des tests d’inva-riance sous CPT, CP et T effectués avec les leptons chargés.

4.8 L’isospin.

Les familles de hadrons se caractérisent entre autre par le fait que les massesdes particules sont très voisines (différences de l’ordre du pour cent ou moins) :par ex. les mésons chargés et neutres, le proton et le neutron, les hypérons chargéset neutres, etc. On imagine que cette caractéristique est le reflet de la structureinterne des hadrons ; néanmoins l’examen attentif des différentes familles montrequ’il ne s’agit pas uniquement d’effets e.m. Le formalisme de l’isospin apporte unéclairage détaillé sur cette question.

Le concept d’isospin a été introduit par Heisenberg en 1932. A cette époque oncherchait à interpréter les analogies de comportement de noyaux ayant un mêmepoids atomique, c. à d. un même nombre de nucléons = Nprotons + Nneutrons. Il

60. R.S. Van Dyck et al. Phys. Rev. Lett. 59 (1987) 26.61. J.H. Field et al. Sov. Phys. Usp. 22 (1979) 199.

118

Page 119: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

s’agissait de pénétrer le secret des forces nucléaires : la force nucléaire agissantentre deux protons est-elle la même que celle agissant entre deux neutrons ? Qu’enest-il du système proton-neutron ?

Considérons le cas de noyaux miroirs, c. à d. pour lesquels le nombre desneutrons et le nombre des protons sont échangés, par exemple H3 et He3. Si l’onse limite aux interactions à deux corps, dans H3 on peut former les paires pn,pn et nn, dans He3 les paires pn, pn et pp. La différence est qu’une paire nn estdevenue une paire pp. Si l’on admet la symétrie de charge dans l’interactionnucléaire et que l’on soustrait la contribution e.m. dans la paire pp, on prédit queces deux noyaux ont la même énergie de liaison. La mesure des énergies de liaisondonne 8.49 MeV pour le H3 et 7.73 MeV pour l’He3. On estime la contributione.m. à 0.83 MeV, ce qui rend pratiquement compte de la différence entre les deuxénergies de liaison mesurées.

On en déduit que les interactions p-p et n-n sont les mêmes une fois l’interactione.m. déclenchée.

Examinons le triplet isotopique C12 (6p et 6n), B12 (5p, 7n), N12 (7p, 5n). Cesnoyaux diffèrent par leur Z. Le bore-12 et l’azote-12 sont des noyaux miroirs. Ils sedésintègrent selon le schéma de la figure 4.8.1. Les niveaux d’énergie sont donnéspar rapport à l’état fondamental du C12.

MeV

16.4

15.1

13.4

B C N

1

1

1

0+

+

+

+

12 12 12

βγ

β

+

Figure 4.8.1 – Niveaux d’énergie du triplet avec N=12

Les niveaux fondamentaux du bore-12 et de l’azote-12 sont voisins l’un del’autre et situés une dizaine de MeV au-dessus du niveau fondamental du car-bone -12. Le premier niveau excité du carbone-12 se place entre les niveaux fon-damentaux du bore-12 et de l’azote-12. Ce triplet d’états est caractérisé par unmême JP et par des énergies comparables. Après avoir tenu compte de l’interactione.m. (proportionnelle à Z(Z−1)), on conclut à l’égalité des interactions nucléaire

119

Page 120: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

p-p, n-n et p-n. C’est le principe de l’indépendance de charge. Remarquonsque la comparaison des énergies n’a de sens que pour des particules dans le mêmeétat quantique. A cet égard il y a une différence fondamentale entre les systèmespp, nn et pn associée au principe de Pauli qui requiert l’antisymétrie des états departicules identiques. Certains états du système pn sont des états interdits auxsystèmes pp et nn.

Considérons le système composé de deux nucléons identiques (pp ou nn). Lethéorème spin-statistique impose l’antisymétrie de la fonction d’onde globale. Lapartie spatiale de la fonction d’onde a la parité (−1)L, la partie spinorielle laparité (−1)S+1. Dans le cas où L = 0 p. ex., cela implique que seul l’état de spinS = 0 est permis (c’est à dire l’état 1S0 en notation spectroscopique habituelle).Par contre pour le système pn formé de deux nucléons différents, les deux états1S0 et 3S1 sont accessibles. Il est clair que si l’on veut comparer les systèmes pp,nn et pn du point de vue énergétique, il faut considérer des configurations avecle même 2S+1LJ . Le concept de symétrie peut être étendu à la partie “espace decharge” de la fonction d’onde. Cette nouvelle partie que nous rendons explicitepar la notation |p⟩|p⟩ et |n⟩|n⟩ est symétrique par l’échange des particules No 1et No 2. En d’autre termes, elle ne modifie pas la symétrie globale de la fonctiond’onde des systèmes di-proton et di-neutron, si l’on écrit la fonction globale sousla forme : Ψpp = |Espace⟩|Spin⟩|p⟩|p⟩ et Ψnn = |Espace⟩|Spin⟩|n⟩|n⟩.

Considérons maintenant le cas de deux nucléons différents (pn). Dans l’ “espacede charge” on peut former des états symétrique respectivement antisymétrique :

a)1√2(|p⟩|n⟩+ |n⟩|p⟩) b)

1√2(|p⟩|n⟩ − |n⟩|p⟩) (4.8.1)

Dans le cas de l’état de charge symétrique on retrouve la situation précédente,et on est amené à associer cette configuration à celle des systèmes pp et nn (seull’état 1S0 est permis). On a un triplet d’états analogues. Dans le cas de l’étatde charge antisymétrique, la partie spatiale et de spin de la fonction d’onde doitêtre symétrique (état 3S1). On a ici un état singulet.

Dans la nature on ne trouve pas d’états liés |p⟩|p⟩ ou |n⟩|n⟩. Les considérationsprécédentes amènent à prédire qu’il n’existe pas d’état lié 1S0 du système |p⟩|n⟩.C’est en effet ce qu’on observe : le seul état existant de deux nucléons liés est ledeuton, qui est un état 3S1, avec une petite composante 3D1 (proportion 3.9%,parité +1, L = 2, S = 1, J = 1). L’Hamiltonien décrivant l’état de deux nucléonsliés comprend donc une contribution dépendante du spin ; l’attraction est plus fortelorsque les deux spins sont alignés (S = J = 1) que lorsqu’ils sont antiparallèles(S = J = 0).

On remarque l’analogie de traitement entre la partie “espace de charge” de lafonction d’onde (partie isospinorielle) et la partie spinorielle (cas de deux spins1/2). On peut faire la substitution :

|p⟩ ↔(

10

)|n⟩ ↔

(01

)(4.8.2)

120

Page 121: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

et utiliser les mêmes règles et outils pour les isospineurs que pour les spineurs.La différence est que la rotation d’un spineur a lieu dans l’espace physique alorsque l’isospineur tourne dans un espace imaginaire “de charge” ou “d’isospin”. Unétat quelconque est représenté par :

|N⟩ = a

(10

)+ b

(01

)(4.8.3)

qui signifie que l’objet a une probabilité | a |2 d’être un proton, | b |2 d’être unneutron. Les matrices de Pauli (renommées τi, pour l’occasion) permettent deconstruire les composantes du vecteur (opérateur) isospin I :

(4.8.4)

I1 =1

2τ1 =

1

2

(0 11 0

), I2 =

1

2τ2 =

1

2

(1 −ii 0

), I3 =

1

2τ3 =

1

2

(1 00 −1

)Pour caractériser un état d’isospin, on donne I2 et I3 : le proton et le neutron

sont des états propres de ces deux opérateurs :

I2|p⟩ = I(I + 1)∣∣I = 1

2, I3 = +1

2

⟩=

3

4|p⟩, I3|p⟩ = +

1

2|p⟩ (4.8.5)

I2|n⟩ = I(I + 1)∣∣I = 1

2, I3 = −1

2

⟩=

3

4|n⟩, I3|n⟩ = −

1

2|n⟩

On définit les opérateurs :

I± = I1 ± iI2 (4.8.6)

Ils permettent de transiter entre les états de même I et différentes valeurs de I3.

Q. : calculer I+|p⟩, I+|n⟩, I−|p⟩, I−|n⟩.

L’opérateur charge électrique est défini par :

Q =1

21+ I3 =

(1 00 0

)(4.8.7)

Les états |p⟩ et |n⟩ en sont des états propres avec les valeurs propres +1 et 0.

L’algèbre est la même pour l’isospin 1/2 que pour le spin 1/2. Les composantesdu vecteur isospin satisfont à la relation de commutation : [Ii, Ij] = i ϵijkIk. Ellesse transforment conformément aux règles du groupe SU(2). Le proton et le neutronforment une représentation fondamentale de dimension 2.

On se demande si d’autres représentations sont possibles et quelle en est leursignification physique. Considèrons les états d’isospin d’un système de deux nu-cléons ; on peut former les états :

|I = 1, I3 = +1⟩ = |p1p2⟩|I = 1, I3 = 0⟩ = 1√

2(|p1n2⟩+ |n1p2⟩) l’isotriplet

|I = 1, I3 = −1⟩ = |n1n2⟩(4.8.8)

121

Page 122: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

|I = 0, I3 = 0⟩ = 1√2(|p1n2⟩ − |n1p2⟩) l’isosingulet (4.8.9)

On a numéroté les particules et simplifié l’écriture par |a⟩|b⟩ → |ab⟩. Si l’onse rapporte à la discussion précédente, la symétrie de la partie isospinorielle dela fonction d’onde est donnée par (−1)I+1. L’isotriplet est donc symétrique paréchange des particules 1 et 2 et l’isosingulet antisymétrique.

On peut maintenant énoncer le principe d’exclusion de Pauli généralisé.La fonction d’onde globale des deux nucléons doit être antisymétrique par échangedes deux particules, c. à d. par échange des coordonnées spatiales, des spins et desisospins :

Ψ(x1,S1, I1;x2,S2, I2) = −Ψ(x2,S2, I2;x1,S1, I1) (4.8.10)

Il s’en suit que :

(−1)I+S+L = −1 (4.8.11)

Q. : vérifier qu’on obtient les fonctions d’onde étudiées plus haut pour L=0.La généralisation à un ensemble de nucléons se fait par composition des vec-

teurs isospin, comme pour les vecteurs moment angulaire. Pour B nucléons, l’isos-pin du système prend différentes valeurs, séparées d’une unité situées entre 0 etB/2 pour B pair et entre 1/2 et B/2 pour B impair.

Dans le cas de deux nucléons, la charge électrique est donnée par I3 + 1 (enunité de charge électronique). On peut généraliser à B nucléons :

Q =1

2B × 1+ I3 (4.8.12)

Les règles ci-dessus s’appliquent au cas d’antiprotons et d’antineutrons à condi-tion de leur attribuer un nombre baryonique B = −1. Il en est de même pour letriplet composé de π± et π0, si on attribue un B = 0 aux pions et si l’on identifieles états :

|I = 1, I3 = +1⟩ ↔ |π+⟩|I = 1, I3 = 0⟩ ↔ |π0⟩|I = 1, I3 = −1⟩ ↔ |π−⟩

(4.8.13)

On dispose dès lors d’un formalisme qui permet de décrire un système mixte denucléons et de pions.

4.9 Conservation de l’isospin.

En vue de tester le formalisme, faisons l’hypothèse que l’isospin total I d’unsystème de particules est conservé dans l’interaction forte :

[HIF , I] = 0 (4.9.1)

122

Page 123: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Pour simplifier la discussion, supposons négligeables les parties e.m. et faible del’Hamiltonien, alors l’équation 4.9.1 peut être étendue à l’Hamiltonien total :

[H, I] = 0 (4.9.2)

On en déduit les règles suivantes :

1) Des états d’énergie définie ont des valeurs bien déterminées de I2 etde I3. Des états de même I et différentes valeurs de I3 sont dégénérésen énergie.2) I2 et I3 sont conservés pendant une transition.

Notons qu’en présence d’une perturbation e.m. du système, on aurait uneviolation de 4.9.2 et les états de même I ne seraient plus dégénérés en I3. Onserait dans un cas de symétrie approchée.Donnons une application de la règle 1) au système deux nucléons et définissonsun Hamiltonien pour l’interaction nucléon-nucléon :

Hint = U + V I1 · I2 (4.9.3)

Q. : montrer que 4.9.3 est compatible avec 4.9.1.

I1 et I2 agissent sur les nucléons individuels et I = I1 + I2 est l’isospin totaldu système.

On a :

I2 = (I1 + I2)2 = I2

1 + I22 + 2I1 · I2 =

3

4+

3

4+ 2I1 · I2 (4.9.4)

En combinant avec 4.9.3 on obtient :

I = 1 → I1 · I2 = +1/4 → Hint = U + V/4 (4.9.5)

I = 0 → I1 · I2 = −3/4 → Hint = U − 3V/4 (4.9.6)

On a donc un moyen de quantifier la différence entre l’état singulet (deuton) etl’état triplet d’isospin (états non liés) d’un système de deux nucléons.

Illustrons maintenant la règle 2) par la description des processus de diffusionpion-nucléon :

π± + p→ π± + p diffusion “élastique” (4.9.7)π− + p→ π0 + n “échange de charge” (4.9.8)

123

Page 124: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

En conséquence de la conservation de l’isospin, les valeurs de I, I3 du systèmepion-nucléon dans les états initial et final de chacun de ces processus sont lesmêmes. Si on avait à faire à des états purs d’isospin, l’amplitude de transitionserait de la forme :

⟨Ψ(I ′, I ′3)|M|Ψ(I, I3)⟩ = δI′IδI′3I3M2I (4.9.9)

où I, I3 se rapportent à l’état initial et I’, I’3 à l’état final 62. De plus, l’élément dematriceM2I est invariant sous la rotation dans l’espace d’isospin, donc indépen-dant de I3 d’où : [M2I , I] = 0. Avec un pion d’isospin I = 1 et un nucléon d’isospin= 1/2 on peut former des systèmes caractérisés par un isospin total 3/2 ou 1/2.Utilisant une table de coefficients de Clebsch-Gordan, on trouve effectivement :∣∣3

2,+3

2

⟩= |1, 1⟩

∣∣12, 12

⟩≡ |π+p⟩∣∣3

2,−3

2

⟩= |1,−1⟩

∣∣12,−1

2

⟩≡ |π−n⟩∣∣3

2,+1

2

⟩= 1√

3|1, 1⟩

∣∣12,−1

2

⟩+√

23|1, 0⟩

∣∣12,+1

2

⟩≡ 1√

3|π+n⟩+

√23|π0p⟩∣∣1

2,+1

2

⟩=√

23|1, 1⟩

∣∣12,−1

2

⟩− 1√

3|1, 0⟩

∣∣12,+1

2

⟩≡√

23|π+n⟩ − 1√

3|π0p⟩∣∣3

2,−1

2

⟩= 1√

3|1,−1⟩

∣∣12, 12

⟩+√

23|1, 0⟩

∣∣12,−1

2

⟩≡ 1√

3|π−p⟩+

√23|π0n⟩∣∣1

2,−1

2

⟩= −

√13|1,−1⟩

∣∣12, 12

⟩+ 1√

3|1, 0⟩

∣∣12,−1

2

⟩≡ −

√23|π−p⟩+ 1√

3|π0n⟩

(4.9.10)

Pour les états plus précisément concernés dans les processus ci-dessus, on obtienten utilisant la table dans l’autre direction :

|π+p⟩ =∣∣32,+3

2

⟩(4.9.11)

|π−p⟩ =1√3

∣∣32,−1

2

⟩−√

2

3

∣∣12,−1

2

⟩(4.9.12)

|π0n⟩ =

√2

3

∣∣32,−1

2

⟩+

1√3

∣∣12,−1

2

⟩(4.9.13)

On est donc amené à définir deux éléments de matrice associés à l’isospin total1/2 et 3/2 :

M1 =⟨12, I3∣∣M∣∣1

2, I3⟩

et M3 =⟨32, I3∣∣M∣∣3

2, I3⟩

(4.9.14)

Dans le cas de la diffusion élastique π+p seul l’état d’isospin total 3/2 est concerné ;la section efficace de transition se réduit à :

σπ+p→π+p = K | M3 |2 (4.9.15)

K contient les facteurs d’espace de phase, de spin, ... Si l’on néglige la différencede masse entre particules chargées, le facteur K est le même pour les réactions

62. L’élément de matrice pour l’isospin total I est écrit conventionnellementM2I .

124

Page 125: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

4.9.7 et 4.9.8. Par contre, dans le cas de la diffusion élastique π−p il intervient unecomposante d’isospin total 3/2 et une composante d’isospin total 1/2 ; on a donc :

σπ−p→π−p = K

[1

3M3 +

2

3M1

]2(4.9.16)

Il en est de même dans le cas de l’échange de charge où les particules de l’étatinitial et de l’état final sont différentes :

σπ−p→π0n = ⟨π0n|M|π−p⟩ = K

[√2

3M3 −

√2

3M1

]2(4.9.17)

On en déduit les rapports des sections efficaces :

σπ+p→π+p : σπ−p→π−p : σπ−p→π0n :=| M3 |2:[1

3M3 +

2

3M1

]2:

[√2

3M3 −

√2

3M1

]2

(4.9.18)

La figure 4.9.1 montre les valeurs mesurées des sections efficaces pion-proton etpion-deuton en fonction de l’énergie. Si l’on se place au niveau du premier picobservé à 1.23 GeV/c dans le CM, on trouve des valeurs de sections efficacesd’environ 200 mb : 25 mb : 50 mb (cette dernière est calculée en soustrayant de lasection efficace totale π−p (environ 75 mb) la section efficace élastique (25 mb)).On a donc des rapports mesurés d’environ 8 :1 :2. A cette énergie les processus4.9.7 et 4.9.8 sont dominés par la formation de l’état résonnant ∆(m=1.232 GeV/c,J=3/2, I=3/2). On peut donc admettre dans ces conditions que M3 ≫ M1

et négliger la contribution de M1 dans les relations 4.9.16 à 4.9.18. On obtientalors des rapports calculés d’environ 9 :1 :2, en bon accord avec les résultats del’expérience.

Q. : traiter de la même façon le cas de la diffusion nucléon-nucléon en analysantles réactions :

p+ p→ π+ + d, p+ n→ π0 + d, n+ n→ π− + d ;

montrer que le rapport des sections efficaces de ces trois réactions, basé sur laconservation de l’isospin, est de 2 : 1 : 2 ;

que vaut I pour la particule ρ ? Laquelle de ces désintégrations fortes est interdite :ρ+ → π+π0, ρ− → π−π0, ρ0 → π−π0, ρ− → π−π+, ρ0 → π0π0 ?

4.10 L’isospin, SU(2) et les quarks.

On anticipe dans ce paragraphe sur l’étude de la structure en quarks deshadrons présentée au chapitre sur le modèle des quarks.

125

Page 126: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 4.9.1 – Sections efficaces totales et élastiques pion-nucléon et pion-deuton,en fonction de la quantité de mouvement du faisceau de pions et de l’énergie dansle c.m.

126

Page 127: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On peut faire remonter la raison d’être du formalisme d’isospin au fait que lesquarks u et d, qui sont les constituants des particules les plus communes (p, n,pions) ont une masse très voisine. La différence de masse n’est que de quelquesMeV, ce qui est petit en regard p. ex. de la masse du proton. On a :

| mu −md | /mp = O(10−3) (4.10.1)

Du point de vue de l’interaction forte, ces deux quarks jouent un rôle identiquedans la structure des hadrons. Si on néglige l’effet des interactions e.m. et faible,la symétrie u ↔ d apparaît lorsqu’on compare la masse des nucléons :

p = uud , mp = 938 MeV ; n = udd , mn = 940 MeV (4.10.2)

Le kaon est un autre exemple, avec le quark s dans le rôle de spectateur :

K+ = us mK+ = 494 MeV K0 = ds mK0 = 498 MeV (4.10.3)

L’échange d’un quark u et d’un quark d a un effet de l’ordre de quelques pourcents,au maximum.

Dans le formalisme d’isospin appliqué aux quarks, on considère que (u, d)forment les éléments de base d’une représentation de dim = 2 de SU(2), c’est àdire :

u =∣∣I = 1

2, I3 = +1

2

⟩d =

∣∣I = 12, I3 = −1

2

⟩(4.10.4)

Les nucléons et les pions sont des représentations obtenues par combinaison debriques u et d. Pour les hadrons formés par d’autres quarks, comme par exempleles kaons, il faut ajouter des degrés de liberté supplémentaires, ce qui conduità recourir à des groupes de dimension supérieure : SU(n), n>2). L’addition dedeux isospins obéit aux règles usuelles d’addition des spins. La figure 4.10.1 estune représentation graphique intuitive illustrant la composition de deux isospins(spins). Cette méthode graphique sera utile dans le cas du SU(n).

L’application de la relation 4.8.12 aux quarks u et d donne une charge élec-trique 1/6 + 1/2 = 2/3 et respectivement 1/6 − 1/2 = −1/3, en attribuant lavaleur B = 1/3 à chaque quark.

Pour le proton, système uud, I3 vaut 1/2 + 1/2− 1/2 = 1/2 ; pour le neutron,la configuration udd donne I3 = −1/2. On peut donc associer la paire p, n à undoublet I = 1/2.

Si l’on additionne 3 (iso)spin 1/2, on obtient un quadruplet 3/2 et deux dou-blets 1/2, ce qui en utilisant la dimension des représentations (dim = 2I + 1),s’écrit formellement :

2⊗ 2⊗ 2 = (3⊕ 1)⊗ 2 = 4⊕ 2⊕ 2 (4.10.5)

On peut associer l’un des doublets au système p, n, et le quadruplet au système++,+,0,− composés des quarks uuu, uud, udd et ddd respectivement.

127

Page 128: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

3 1

2 2

I3

I3

−1/2 0 1/2 1−1

=

+

−3/2 3/2

4 2

3 2

2

3

2−1/2

=

+

−1/2 0 1/2 1−1

+1/2

Figure 4.10.1 – A gauche : composition de deux isospins 1/2. A droite composi-tion d’un isospin 1/2 et d’un isospin 1

Les différents états de charge du ont des masses très proches d’environ 1232MeV.

Pour distinguer le n du 0, p. ex., il faut écrire explicitement la compositionSU(2) des deux hadrons, ce qui sera fait dans le chapitre sur le modèle des quarks.

Si l’on additionne un quark et un antiquark, on peut former un triplet d’isospinI = 1 et un singulet d’isospin I = 0. Dans la nature on trouve effectivement letriplet des pions, et le η comme candidat à la position du singulet.

Considérons maintenant le système du kaon. Dans ce cas l’isospin ne s’appliquequ’aux composantes u et d ; la composante s est à considérer à part. En incluantl’étrangeté, la relation (4.8.12) devient :

Q =1

2(B + S)× 1+ I3 =

1

2Y × 1+ I3 (4.10.6)

Y est appelée l’hypercharge ; c’est le barycentre de la charge du multiplet.Les K± ont B=0 et S = ± 1, donc Q = (0± 1)/2± 1

2= ±1. Pour les quarks

constituants on a :

Q

(ud

)=

1

2

(1

3+ 0

)± 1

2=

(+2/3−1/3

), Q(s) =

1

2

(1

3− 1

)+ 0 = −1

3

On peut dès lors anticiper la forme que prend l’opérateur Q quand on prenden compte l’ensemble des saveurs de quark du SM :

Q =1

2(B + S + Cha.+Bot.+ Top.)× 1+ I3, avec : (4.10.7)

128

Page 129: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Cha. = “Charm”,Bot. = “Bottomness”,Top. = “Topness”.D’autre part, on s’en tient à la définition : Y = B + S.

4.11 La parité G.

On a vu que l’opérateur conjugaison de charge C n’a des fonctions propres quepour les particules indiscernables de leur antiparticule. Il s’agit donc de particulesneutres, comme le π0 :

C|π0⟩ = Cπ0 |π0⟩ = +1|π0⟩ (4.11.1)

Par contre, un π+ est transformé en π− et vice versa :

C|π+⟩ = |π−⟩ (4.11.2)C|π−⟩ = |π+⟩

Mais il y a une autre façon de transformer un π+ en π− : on peut effectuer unerotation de 180 dans l’espace d’isospin, par exemple autour de l’axe y associé àI2 (on aurait pu choisir l’axe x associé à I1) :

R2(π) = exp(iπI2) (4.11.3)

l’opération a pour effet de changer le signe de I3. L’application de R2(π) à l’état|I1, I3 = 0⟩ donne :

R2(π)|I, 0⟩ = (−1)I |I, 0⟩ (4.11.4)

Q. : démontrer (4.11.4).

On définit l’opération combinée :

G = C R2(π) (4.11.5)

G est appelée la parité G ou aussi l’isoparité.On obtient pour les pions neutres :

G|π0⟩ = C R2(π)|π0⟩ = C R2(π)|I = 1, I3 = 0⟩ = C(−1)1|1, 0⟩= −C|1, 0⟩ = −C|π0⟩ = −|π0⟩

Pour les pions chargés on a une liberté de choix de la phase, que l’on utilise defaçon à obtenir la même valeur propre −1 que pour le pion neutre. La famille dupion se caractérise donc par :

G|π⟩ = Gπ|π⟩ où Gπ = −1 (4.11.6)

129

Page 130: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

G est un nombre quantique multiplicatif ; pour un système de N pions chargés ouneutres, on a :

GN = (−1)N (4.11.7)

D’une façon générale les mésons sans Etrangeté, sans “Charm”, sans “Bottom-ness”, etc... sont des états propres de G, avec les valeurs propres :

G = (−1)IC0 (4.11.8)

où C0 est la parité C de l’élément neutre du multiplet d’isospin.

G est conservée dans l’interaction forte ; par contre G est violée dans les in-teractions électromagnétique et faible. Illustrons cette prédiction par quelquesexemples.

Le méson ρ est caractérisé par : I=1, C0 = −1, donc Gρ=+1. La désintégrationforte ρ → ππ est permise car l’ensemble de deux pions a une parité G positive.Par contre la désintégration forte du ρ en un nombre impair de pions est interdite.

Nous avons vu que la paire fermion-antifermion a une conjugaison de chargeC=(−1)L+S (4.4.11).

Le système nucléon-antinucléon forme un isomultiplet I=1 ; Il est donc un étatpropre de G, avec les valeurs propres :

G = (−1)I+L+S = (−1)(−1)L+S (4.11.9)

En conséquence de la conservation de G, le système NN dans l’état de momentorbital L=0 s’annihile en un nombre impair de pions si S=0 (singulet de spin) eten un nombre pair de pions si S=1 (triplet de spin).

On voit qu’à l’intérieur des limites de son champ d’application, l’opérateur Gprésente de l’intérêt, en raison de la contrainte de sélection qu’il introduit danscertains processus gouvernés par l’interaction forte.

4.12 Le théorème spin et statistique

Le précurseur de ce théorème est le principe d’exclusion de Pauli, qui s’appliqueà des fermions identiques, comme les électrons de l’atome. Le théorème qui associespin et statistique a été énoncé par Schwinger en 1951. A la base il y a le principede causalité 63 : les messages entre deux particules ne peuvent pas se propager plusvite que c. La règle est la suivante :

les particules à spin entier (les bosons) sont soumis à la statistique de Bose-Einstein, les particules à spin demi-entier (fermions) à celle de Fermi-Dirac.

63. Voir par ex., K. Gottfried, V.F. Weisskopf, Concepts of Particle Physics, Vol II, AppendixIV.

130

Page 131: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Le choix de la statistique détermine la symétrie de la fonction d’onde qui décritune paire de particules identiques lorsqu’on échange leur rôle. On peut imaginerqu’un ange, vivant dans l’univers U , numérote deux particules avec les étiquettes1 et 2 et que lui seul peut lire les étiquettes. Un petit diable décide de créer unautre univers, U ′. Dans U ′ les deux particules ont été échangées : la 1 exactementdans la même configuration que la 2 avait dans U , et réciproquement pour la 2.Les fonctions d’onde qui décrivent le système (1,2) dans U ′ et dans U sont demême signe si les deux particules sont des bosons et de signe opposé si les deuxparticules sont des fermions :

Ψ→ +Ψ pour les bosonséchange 1←→ 2 :

Ψ→ −Ψ pour les fermions(4.12.1)

La fonction d’onde d’un système est composée de sa partie spaciale et desparties correspondant aux degrés de libertés internes (spin, isospin, couleur, ...) :

ψi = ψ(espace)i χ(spin)i t(isospin)i ...

L’échange de deux particules du système signifie transporter les identificateurs(position, nombres quantiques) de la particule 1 sur la particule 2 et vice et versa :

Ψ(x1,S1, I1; x2,S2, I2) −→ ±Ψ(x2,S2, I2; x1,S1, I1) (4.12.2)Ψ(1, 2) −→ ±Ψ(2, 1)

Appelons ψa la fonction d’onde qui représente l’état de la particule a et ψb lafonction d’onde qui représente l’état de la particule b. Ces particules peuvent êtredes bosons ou des fermions ; à priori, il peut s’agir de bosons (fermions) différentsou identiques. On obtient les états du système des deux particules en formant :

Ψbosons =1√2(|ψa⟩1|ψb⟩2 + (|ψb⟩1|ψa⟩2)

Ψfermions =1√2(|ψa⟩1|ψb⟩2 − (|ψb⟩1|ψa⟩2)

S’il s’agit de deux fermions identiques ψa = ψb, on a Ψfermions = 0. On est ramenéau principe de Pauli. Les conséquences de ce théorème sont nombreuses dans lesdifférents secteurs de la physique. Pour des exemples d’applications en physiquedes particules.

Il faut aussi mentionner les tentatives récentes de mettre en évidence les effetsde la statistique de Bose sur l’émission de pions dans des collisions à haute éner-gie. Pour des pions identiques (même charge) qui sont émis dans une régions defragmentation “restreinte”, on s’attend à ce que la distribution angulaire relativesoit modifiée par la statistique de Bose.

131

Page 132: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

qq

pp

21

α

Figure 4.12.1 – Production de hadrons par fragmentation dans le processuse+e− → q + q

La fragmentation d’une paire quark-antiquark issue d’une collision électronpositron génère des jets d’hadrons (voir figure 4.12.1). On s’intéresse à la distri-bution des angles α entre les paires de pions chargés de même signe et de signesopposés. Pour que l’effet de “condensation” de la statistique de Bose soit actif, ilfaut que les particules proviennent de la même source. On s’attend à observer uneffet non nul lorsque les deux particules ont une quantité de mouvement procheen module et direction, donc presque au repos dans leur c.m. (large recouvrementde leur fonction d’onde).

En pratique on considère une fonction de corrélation :

R(p1,p2) =σ(p1,p2)

σ(p1)σ(p2)

qu’on paramétrise par la fonction :

R(Q) = 1 + λ exp(−r2Q2) (4.12.3)

où Q2 = (p1 + p2)2 − 4m2

π = M2ππ − 4m2

π, un petit Q2 correspond à des parti-cules “proches’ ; r représente les dimensions de la région source. Enfin λ mesurel’importance de la corrélation.

Les figures 4.12.2 et 4.12.3 montrent le résultat d’expériences au LEP. Dans lafigure, R±(Q) = N±±(Q)/N+−(Q), où N±± et N+− sont les nombres de paires depions chargés de même signe et de signes opposés. Pour éliminer le biais pouvantprovenir de corrélations résiduelles dans l’échantillon de référence, les valeurs deR± dans les données ont été rapportées à celles prédites par simulation MonteCarlo. De plus, le facteur Corr représente des corrections pour des effets coulom-biens et pour la contamination en paires mal identifiées. L’accumulation près del’origine est compatible avec un regroupement important des bosons identiques.Le résultat de l’ajustement donne r = 0.8 fm pour la partie de la source affec-tée par l’effet. Le paramètre de corrélation λ s’étale sur une plage importante ;l’interprétation de l’effet est encore incertaine.

132

Page 133: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 4.12.2 – Rapport du nombre de paires de pions de même signe et designes opposés en fonction de la variable Q = (M2

ππ − 4m2π)

1/2, où Mππ est lamasse effective des deux pions

Figure 4.12.3 – Taille de la région source affectée en fonction du paramètrede corrélation ; comparaison des résultats de différentes expériences au LEP etportant sur des paires de pions et des paires de kaons

133

Page 134: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5 L’interaction électromagnétique (e.m.)

5.1 Introduction

Le graphe de la figure 5.1.1 représente la diffusion e.m. d’une particule sur uneautre. Le quantum responsable du processus est un photon, c’est à dire le quantumde l’interaction e.m.. Le processus n’est possible que si les particules sont chargéesou si elles sont composées de particules chargées, bien que globalement neutres.Dans ce dernier cas, les particules peuvent avoir un moment magnétique non nulet l’interaction e.m. avoir lieu via la composante “magnétique” (p. ex. : le neutrona une charge nulle mais un moment magnétique non nul).

pa pb

pc pdtemps

q

c d

"1" "2"

ba

Figure 5.1.1 – Diagramme de la diffusion e.m. de deux particules chargées

Nous voulons calculer, p. ex., la probabilité que la particule 2 (qui va de bà d) soit diffusée dans l’angle solide ∆Ω. Imaginez une expérience dans laquellela particule 1 (de a à c) est un noyau de charge Z appartenant à une cible fixeet la particule 2 un électron appartenant à un faisceau. Les noyaux cible sontau repos dans le référentiel du laboratoire. Un ensemble d’aimants focalisent lefaiscea d’électrons sur la cible. Le détecteur des électrons est placé sous l’angleθ par rapport à l’axe du faisceau et couvre la portion d’angle solide ∆Ω. Le fluxd’électrons incidents est Ib=nb vb où nb est la densité des particules dans le faisceauet vb leur vitesse. Soit N le nombre de noyaux contenus dans la portion de la cibletouchée par le faisceau. Le taux des électrons diffusés dans le détecteur est donnépar :

∆W = IbN

∫∫∆Ω

(dσ(θ)

)dΩ , dΩ = sinθ dθ dϕ (5.1.1)

où dσ(θ)dΩ

est la section efficace différentielle de diffusion e.m. sous l’angle θ.On fait ici l’hypothèse que le détecteur est sensible à toute la gamme des énergiesaccessibles à la particule diffusée d (cela n’est souvent pas le cas car il y a un seuil

134

Page 135: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

de comptage, p. ex. à cause du bruit ; on doit alors introduire une intégrationsupplémentaire du type :

∫ Emax

EseuildE)

On a aussi admis que le taux de réaction ne dépend pas de l’angle azimutalϕ : c’est le cas pour un faisceau non polarisé et pour un détecteur insensible à lapolarisation des particules diffusées. On a aussi intégré sur la dispersion en énergiedu faisceau. Le terme dσ/dΩ inclut l’effet des spins des particules, etc..

Dans cet exemple, la section efficace totale, σ, serait obtenue en intégrantsur l’angle solide 4π. Puisque le taux W a la dimension temps−1, σ a la dimension(temps−1) / (vitesse × volume−1) = surface. L’unité usuelle est le barn = 10−24

cm2 ou l’un de ses sous-multiples (mb, µb, nb,...) .

Les prédictions théoriques de la section efficace sont basées sur la règle d’or deFermi. Le facteur densité d’état (ou espace de phase) est donné dans l’annexe C.4.Les caractéristiques physiques du processus sont essentiellement contenues dansl’élément de matrice (ou amplitude de transition)M :

dσ =2π

ℏ|M|2 × d(espace de phase) (5.1.2)

Dans le c.m. de la réaction, on obtient :

dΩ=

(ℏc8π

)2Stat

(Ea + Eb)2| p2 || p1 |

× | M |2 (5.1.3)

Stat est un facteur statistique qui vaut 1/2 (1) si les deux particules de l’état finalsont identiques (différentes). On a appelé p1 ≡ pa = −pb, p2 ≡ pc = −pd.

Pour le cas d’une diffusion élastique, | p1 |=| p2 | et on peut introduireEi = Ea + Eb.

Cherchons maintenant à expliciter la forme deM sur la base de nos connais-sances de l’interaction e.m.. On peut deviner les composantes en jeu. D’une part,pour que la diffusion ait lieu il faut que les deux particules soient “présentes” dansla même région d’espace temps. En termes de “quasi-mécanique quantique”, leurscourants de probabilité doivent se croiser pendant un temps suffisamment longpour qu’une certaine quantité de quadrimoment soit transférée sous forme d’unphoton virtuel. L’expression deM doit donc contenir une intégrale du produit desdeux densités de courant de probabilité :M∝

∫d4xj1j2. D’autre part, l’interac-

tion étant de type e.m., un terme proportionnel à la charge de chaque particuledoit être introduit comme facteur multiplicatif à chaque j, qui représenteront lecourant e.m..

Il reste à inclure le photon virtuel échangé, caractérisé par le quadrivecteur :

qµ = (pa − pc)µ = (pd − pb)µ (5.1.4)

Pour ce faire on insère une fonction f(q) (à déterminer) dans l’expression de l’am-plitude, qui prend la forme :

M = αeacebd

∫d4x(jac)f(q)(jbd) (5.1.5)

135

Page 136: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

α est un facteur qui représente la force du couplage e.m., ei sont les charges desparticules a=c et b=d.

La relation 5.1.5 peut être comparée à l’expression classique de l’interactionentre deux courants électriques.

L’examen de la relation (5.1.5) appelle quelques remarques.

a) Les courants jac et jbd sont des 4-vecteurs et f(q) un scalaire ; M est doncune amplitude invariante de Lorentz.

b) L’expression de M est symétrique en jac et jbd et dépend de la chargeportée par chaque particule. Une différence de masse entre ces particulesn’intervient que dans les facteurs cinématiques (espace de phase).

c) Si les particules sont identiques, il faut faire intervenir des diagrammescroisés, car on ne peut pas distinguer les trajectoires ac et bd. De plus ilfaut symétriser ou antisymétriser l’amplitude, selon la nature des particules(bosons ou fermions).

5.2 L’interaction e.m. au premier ordre de perturbation

Voir ref. 6. Considérons le cas de deux particules a (≡ c) et b (≡ d) différentes,supposées ponctuelles et sans spin ; par exemple convenons que a (c) est un pionpositif et b (d) est un kaon positif, supposés “sans structure”.

Si ces particules (pseudo)scalaires se propagent librement et avec une énergiedéfinie, leur fonction d’onde s’écrit :

Ψi = Ni exp(−ipix) i = a, b, c, d (5.2.1)

N est un facteur de normalisation que l’on discute dans l’annexe C.3. Les fonctions5.2.1 sont des solutions de l’équation de Klein-Gordon (2.2.10).

Pour une introduction au sujet, imaginons l’interaction e.m. représentée par laforme simple d’un potentiel oscillant V(t)=exp(−iωt). En présence de l’interactionl’équation de Klein-Gordon devient :

(2+m2)Ψ = −V (t)Ψ (5.2.2)

Un résultat de la théorie de perturbation est qu’ au premier ordre l’amplitudeassociée à la perturbation V est donnée par :

M = −i∫d4xΨ∗

cVΨa (5.2.3)

Si l’on remplace dans 5.2.3 Ψa et Ψc par la fonction d’onde 5.2.1 64 et si l’on neconsidère que la partie dépendante du temps, l’intégrale dans 5.2.3 devient :∫

d4xΨ∗cVΨa ∝

∫dt expi(Ec − ω − Ea) = 2πδ(Ec − ω − Ea) (5.2.4)

64. les particules sont décrites en dehors de la région d’interaction

136

Page 137: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On a donc un transfert d’énergie du potentiel vers la particule tel que : Ec = Ea+ω.Remarquez que l’on obtient un résultat identique si l’on considère un pion

négatif et que l’on applique la convention de Feynman qui identifie l’antiparticuleayant une énergie positive avec une particule remontant le temps ayant une énergienégative.( voir figure 5.2.1).

π+E<0

π+π−π+ +π

b)

−πE>0

a)

Figure 5.2.1 – Représentation conventionnelle d’une particule et d’une antiparti-cule dans un diagramme de Feynman : a) au vertex d’une diffusion ; b) au vertexd’une création de paire

L’inversion des quadrivecteurs : pi = (Ei,pi) → (−Ei, −pi) et l’échange desétats “initial” et “final” (on parle souvent d’états d’“entrée” et de “sortie”) donneun résultat exprimant correctement la conservation de l’énergie (exercice).

De même, on obtient (figure 5.2.1 b ) pour la création de paires le résultat :

(5.2.5)∫d4xΨ∗

π+sortieVΨπ+entrée =

∫d4xe+iEπ+ te−iωte−i(−Eπ− )t ∝ 2πδ(Eπ+ − ω + Eπ−)

L’énergie ω communiquée par le potentiel d’interaction se répartit entre lesdeux pions de la paire créée.

Nous pouvons maintenant étendre les considérations ci-dessus au cas de l’in-teraction e.m. décrite par un quadripotentiel Aµ. Si l’on effectue le remplacement(couplage minimal) ∂µ → ∂µ+ ieAµ dans l’équation de Klein-Gordon, on obtient :

(2+m2)Ψ = −ie(∂µAµ + Aµ∂µ)Ψ + e2(Aµ)2Ψ (5.2.6)

Q. : démontrer l’équation 5.2.6.

On peut tenter une première approximation en laissant de côté le terme en(Aµ)2 et en remplaçant dans l’équation 5.2.3 V par :

V = ie(∂µAµ + Aµ∂µ) (5.2.7)

M = −i∫d4xΨ∗

c [ie(∂µAµ + Aµ∂µ)] Ψa (5.2.8)

137

Page 138: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Effectuons l’intégration quadridimensionnelle par parties du premier terme de lasomme : ∫

d4xΨ∗c∂µA

µΨa = Ψ∗cA

µΨa|+∞−∞ −

∫d4x(∂µΨ

∗c)A

µΨa

.Le terme de surface est nul si A est nul à l’infini, dans l’espace et dans le

temps. L’amplitude devient :

M = e

∫d4x[Ψ∗

c(∂µΨa)− (∂µΨ∗c)Ψa]A

µ = −i∫d4xjµA

µ (5.2.9)

Après substitution des fonctions d’onde Ψa et Ψc par leur expression pour desparticules libres (5.2.1) :

M = −ieNaNc(pa + pc)µ

∫d4x e−iqxAµ (5.2.10)

avec le quadrivecteur de transfert qµ donné par :

qµ = (pa − pc)µ (5.2.11)

On définit le (quadri)courant e.m. par :

jµ = ie [Ψ∗c(∂

µΨa)− (∂µΨ∗c)Ψa] (5.2.12)

C’est une extension du concept de courant donné au chapitre 2 (voir 2.2.8), quis’applique lorsqu’on est en présence d’interaction (graphe de la figure 5.2.2).

c

ap

p

V

temps

1

3

Figure 5.2.2 – Vertex de diffusion

On veut décrire l’évolution du courant de la “charge électrique” transportéesuccessivement par a et c, le photon ayant une charge nulle. Pour ce faire, onconstruit l’élément de matrice du courant e.m. évalué entre l’état initial a et l’étatfinal c :

jµ(pion) ≡ ⟨c|jemµ|a⟩ = ⟨pion(pc)|jemµ|pion(pa)⟩ (5.2.13)

138

Page 139: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Notons que le courant e.m. est conservé (la charge de a est la même que celle dec) :

∂µjµ = 0 (5.2.14)

On verra que dans l’interaction faible, le courant faible peut impliquer des par-ticules ayant des charges électriques différentes (p.ex., un électron devenant unneutrino électronique).

La forme du courant initial pour des états représentés par des ondes planes sedéduit de 5.2.13 :

(5.2.15)

jµac = eNaNc(pa + pc)µ exp−i(pa − pc)x = eNaNc(pa + pc)

µ exp−iqx

Il reste à exprimer le champ Aµ créé par “l’autre” particule et introduire le ré-sultat dans 5.2.10. L’expression finale doit être symétrique au niveau des courantsdes deux particules, comme on l’a mentionné en 5.1. On s’inspire à nouveau desconcepts de l’électrodynamique classique ; le courant de “l’autre” particule génèrele champ Aµ sous la contrainte des équations de Maxwell 65 :

∂µ∂µAν = jν ou 2Aν = jν (5.2.16)

On a adopté la condition de jauge “de Lorentz” :

∂µAµ = 0 (5.2.17)

Pour l’expression du courant final on a par symètrie une forme similaire à 5.2.15 :

jµbd = eNbNd(pb + pd)µ expi(pd − pb)x = eNbNd(pb + pd)

µ expiqx (5.2.18)

Le moment de transfert q est tel que :

qµ = (pd − pb)µ = (pa − pc)µ (5.2.19)

On remarque que la dépendance spatio-temporelle dans l’expression du courantest contenue dans le terme de l’exponentielle, et que 2 exp(iqx) = (−q2) exp(iqx).On en déduit que le potentiel Aµ qui satisfait 5.2.16 est de la forme :

Aµ = − 1

q2jµbd (5.2.20)

65. courant exprimé en unités naturelles et “rationalisé”, ce qui élimine le 1/4π et permet desimplifier les notations. Voir J.D.Jackson : Classical Electrodynamies. Appendix on Units andDimensions.

139

Page 140: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

En substituant 5.2.18 et 5.2.20 dans 5.2.10, on obtient pour l’amplitude :

M = +i

∫d4xjacµ

1

q2jµbd = (5.2.21)

= ie2NaNbNcNd(pa + pc)µ(pb + pd)µ

1

q2

∫d4x e−i(pa−pc)xei(pd−pb)x

L’intégrale donne un facteur (2π)4δ(pc+pd−pa−pb), qui exprime la conservation dela quantité de mouvement et de l’énergie. Les Ni sont des facteurs de normalisationrelatifs aux particules entrantes et sortantes. Par la suite ces facteurs disparaissentdes expressions, absorbées par des facteurs cinématiques décrits dans l’annexe C.3.Le Dirac δ(pc+pd−pa−pb) disparaît également, la conservation du quadrimomentétant implicitement admise.

5.3 Le diagramme de Feynman pour l’amplitude de diffu-sion e.m. π+K+ → π+K+

pc

ie (pa + pc ) ν

pd1 1

1 1

igµνie ( p + pd )µ

q 2

pa bp

b

Figure 5.3.1 – Diagramme de Feynman pour la diffusion de deux bosons

L’amplitude invariante de Lorentz de la diffusion e.m. π+K+ → π+K+ aupremier ordre en αem = e2/4π s’écrit sous sa forme “à la Feynman” :

M = (−i)e(pa + pc)µ−igµν

q2(−i)e(pb + pd)ν (5.3.1)

On reconnaît dans 5.2.21 les différents éléments constitutifs de 5.3.1. R. Feyn-man a imaginé de décrire picturalement ces éléments dans un graphe tel que celuide la figure 5.3.1.

140

Page 141: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

εµ

εµ*

−ieγµ

k2 − m 2

− g +k kνµµν /mi

2

iµk µ + m

k2 − m 2γ

− i / (k −m2 2)

i (− gµν / k2 )

21

21

p,

−ie p( + ,p )µ

ou

ou

ou

u(p)u(p)−

v(p)−

v(p)

Representation,

antibosonouBoson

,

sortie (final)entree (initial)Fermion

Antifermionsortie (initial)entree (final)

,

antibosonouBoson

photon inclu

−ie p +p,)(µgα β

− p,αgµβ − p

β gµα

1

2

1

2

,Vertex electrodynamique

Spin

1

1

Boson

Fermion

Photon

massifBoson

0

1

1

0−0

1−1

p

graphiqueDescription Facteur

multiplicatif

Lignes externes

Lignes internes

0

Particules ponctuelles

Figure 5.3.2 – Règles pour les diagrammes de Feynman. Les facteurs multipli-catifs sont utilisés dans la construction de l’élément de matrice -iM. Notons queu(p) et v(p) sont des spineurs de fermion et d’antifermion. eµ est le quadrivecteurde polarisation d’un boson de spin 1

141

Page 142: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’application dans la jauge de Lorentz des règles de Feynman suivantes (voirfigure 5.3.2) permet de retrouver la relation 5.3.1 ; on introduit :

1) un facteur 1 pour tout boson externe, entrant ou sortant (et supposé ponc-tuel) ;

2) un terme -ie(p+p’) pour chaque vertex impliquant 2 particules de spin 0et un photon interne ;

3) un propagateur 1/q2 pour le photon (jauge de Lorentz).Le facteur q2, parfois appelé “la masse au carré du photon virtuel”, est non nul.

La forme 1/q2 vient du choix de la jauge de Lorentz. Cette forme serait différentepour d’autres choix de jauge, mais les résultats physiques seraient les mêmes. Lefacteur gµν fait la connexion entre les deux vertex e.m..

La probabilité de transition est donc proportionnelle à :

|Mfi|2 = [(pa + pc)(pb + pd)]2

(e2

q2

)2

(5.3.2)

5.4 Section efficace différentielle de π+K+ → π+K+ dans lec.m. de la réaction

Plaçons-nous dans le référentiel du c.m. de a et b. Dans ce référentiel, la formuleC.4.7 se réduit à :

dσ(i→ f) =1

4|p|Ei|Mfi|2dLips(pa + pb, pj)

où Ei = Ea + Eb. Utilisant C.6.6 pour le dLips, on obtient :

dσ(i→ f) =1

4 | p | Ei| Mfi |2

1

(4π)2| p |Ei

dΩ =| Mfi |2

(8πEi)2dΩ

On retrouve la relation 5.1.3 si le processus est élastique (|p1| = |p2) et si onpose ℏc = 1. La section efficace différentielle de diffusion dans le c.m. s’écrit donc :

dΩ(c.m.) =

|Mfi|2

(8πEi)2(5.4.1)

où l’élément de matrice au carré est donné par 5.3.2.

142

Page 143: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5.5 Section efficace différentielle sous forme “invariante”

On définit communèment les grandeurs invariantes (voir la table PDG sous“Kinematics”) :

Variables de Mandelstam :

s = (pa + pb)2 = (pc + pd)

2

t = (pa − pc)2 = (pb − pd)2

u = (pa − pd)2 = (pb − pc)2

s+ t+ u = m2a +m2

b +m2c +m2

d (5.5.1)

En terme de ces variables, la section efficace différentielle s’écrit :

dt=

1

64π

|M|2

(papb)2 − (mamb)2(5.5.2)

que l’on peut développer en :

dt=

1

16π

|M|2

[s− (ma +mb)2] [s− (ma −mb)2](5.5.3)

On peut aussi exprimer |M |2 en fonction de s, t, u. On trouve, à partir de5.3.2 :

|M|2 = e4(s− ut

)2

= (4παem)2

(s− ut

)2

(5.5.4)

143

Page 144: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Q. : montrer que dans l’approximation ma ≪ mb, et | pb |≪ mb on trouve laformule de Rutherford :

(dσ

)Rutherford

=1

4

α2

| pa |21

sin4(θ/2)(5.5.5)

5.6 Amplitudes de diffusion e.m. de π+π+ → π+π+

et de π+π− → π+π−

Dans le cas de deux bosons identiques, l’amplitude doit être symétrique paréchange des deux particules. Dans le langage des graphes de Feynman, on doitprendre en compte le graphe dans lequel les deux particules finales sont échangées(voir figure 5.6.1).

pcpd

pb

pa

q,

pa pb

pcpd

q

Figure 5.6.1 – Diagramme d’échange pour la diffusion π+π+

L’amplitude de diffusion s’écrit :

M(π+π+) = (−i)3e2[(pa + pc)µ(pb + pd)

µ

(pb − pd)2+

(pa + pd)µ(pb + pc)µ

(pb − pc)2

](5.6.1)

On peut utiliser ce résultat pour écrire l’amplitude de diffusion π+π− → π+π−.Le π− étant pris comme l’antiparticule, on lui applique la règle de l’inversion du4-vecteur (figure 5.6.2).

On échange l’état entrant b et l’état sortant d et on effectue un changementde signe des 4-vecteurs :

M(π+π−) [pa, pb; pc, pd] ≡M(π+π+) [pa,−pd; pc,−pb]

144

Page 145: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

pa pb

pc pd

pa

pc

pb

pd

π π π π+ − + +

Figure 5.6.2 – Diagramme d’échange pour la diffusion π+π−.

ce qui donne :

M(π+π−) = (−i)3e2[(pa + pc)µ(−pd − pb)µ

(−pd + pb)2+

(pa − pb)µ(−pd + pc)µ

(−pd − pc)2

]=

(5.6.2)

= (−i)3e2[−(pa + pc)µ(pd + pb)

µ

(pb − pd)2+

(pa − pb)µ(−pd + pc)µ

(pa + pb)2

]On reconnaît dans le premier terme l’amplitude obtenue pour π+K+, hormis unchangement de signe dû à la présence d’une charge négative. Le deuxième termecorrespond à un processus d’annihilation comme représentée par le graphe de lafigure 5.6.3

π πpbpa

pcpd

pa pb

Figure 5.6.3 – Diagramme d’annihilation π+π− → γ∗ → π+π−

145

Page 146: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5.7 Photons réels et “massifs”

La solution des équations de Maxwell pour le champ E de l’onde e.m. libre sepropageant selon l’axe z peut être écrite :

E(t, z) = (exE1 + eyE2) exp(ikz − iωt) (5.7.1)

Une forme analogue peut être prise pour le champ B orthogonal à E et à l’axede propagation. Le vecteur unité e constitue la base dans laquelle on exprime lapolarisation de l’onde.

Les amplitudes E1 et E2 sont des quantités complexes, ce qui permet d’intro-duire un déphasage δ entre les deux projections. Pour le champ physique on prendla partie réelle de la solution. Si δ = 0, on a une polarisation linéaire : le champ Eoscille dans un plan qui fait un angle θ = tan−1(E2/E1) par rapport à l’axe x. Sila phase n’est pas nulle, on parle de polarisation elliptique. En particulier, sielle est de 90, la polarisation est circulaire. Le champ physique tourne autourde l’axe z et deux polarisations circulaires gauche et droite sont possibles :

E(t, z) = E(ex ± iey) exp(ikz − iωt) (5.7.2)

c. à. d., pour le champ réel :

Ex = E cos(kz − ωt) Ey = ∓E sin(kz − ωt)

On parle d’hélicités positive et négative : λ = ±1.Dans 5.7.1 la polarisation de l’onde est décrite à l’aide des deux composantes

linéaires orthogonales selon ex et ey. On peut alternativement définir une baseformée des deux vecteurs complexes orthogonaux :

e± =1√2(ex ± iey) que l’on complète par la direction e0 = z (5.7.3)

La solution 5.7.1 devient :

E(t, z) = (e+E+ + e−E−) exp(ikz − iwt) (5.7.4)

Cela revient à exprimer l’état de polarisation comme une superposition de deuxpolarisations circulaires d’hélicités opposées. Dans cette base, l’onde polarisée cir-culairement avec λ = +1 a les composantes (1,0,0) et celle avec λ = −1 lescomposantes (0,0,1).

On associe généralement le champ du photon au potentiel A. Dans la jaugede Coulomb, la solution de l’équation de propagation 2A = 0 est de la forme :

A = eN exp(ik · r − iωt) (5.7.5)

146

Page 147: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

La relation 5.7.5 représente une onde (photon) de polarisation e se propageantdans la direction k telle que :

k · e = 0 (5.7.6)

Q. : vérifier cela pour la jauge de Coulomb ∇A = 0.

Conventionnellement e indique la direction du champ E. Ses composantespeuvent être définies sur une base de polarisations linéaires (comme dans 5.7.1)ou sur une base de polarisations circulaires (5.7.3). Dans ce dernier cas on a :

e(λ = +1) =

100

e(λ = −1) =

001

(5.7.7)

L’état

100

représente un photon d’hélicité +1.

5.7.7 montre que l’on a bien deux états de polarisation c. à. d. deux étatsd’hélicité indépendants.

Dans le cas d’un photon “massif” on aurait aussi la possibilité d’une compo-sante longitudinale :

e(λ = 0) =

010

(5.7.8)

On peut vérifier que si l’on effectue une rotation d’angle θ autour de l’axe zde propagation de l’onde, dans la base “linéaire” les composantes se tranformentcomme :

e′x = ex cos θ − ey sin θe′y = ex sin θ + ey cos θ (5.7.9)e′z = ez

tandis que dans la base “circulaire” elles se transforment comme :

e′+ = e+ exp(i(+1)θ)

e′− = e− exp(i(−1)θ) (5.7.10)e′0 = ez

On reconnait ici la forme de l’opérateur de rotation autour de l’axe z pour uneparticule de spin 1 : Rz(θ) = exp(iJzθ) (voir §4.2).

Ce sujet est repris dans les paragraphes qui suivent, en considérant séparémentle cas d’une particule ayant une masse et le cas d’une particule de masse nulle (lephoton).

147

Page 148: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Q. : étudier l’émission de rayonnement e.m. par un électron non relativiste dans unchamp magnétique (rayonnement cyclotron). Quelle est la polarisation de l’ondee.m. parallèlement au champ magnétique ? Et perpendiculairement à ce champ ?

Q. : idem pour le cas relativiste (rayonnement synchrotron).

5.8 La particule massive de spin 1

Aux états d’hélicité λ = +1, 0, −1, on fait correspondre un vecteur polarisatione(λ). Si on se place dans le référentiel de repos de la particule, on a la basecartésienne :

ex = (1, 0, 0) ey = (0, 1, 0) ez = (0, 0, 1) (5.8.1)

Communément l’état est décrit dans une base de polarisation circulaire :

e(λ = +1) ≡ − 1√2(1, i, 0)

e(λ = 0) ≡ (0, 0, 1) (5.8.2)

e(λ = −1) ≡ − 1√2(1,−i, 0)

avec la condition d’orthogonalité :

e∗(λ)e(λ′) = δλλ′ (5.8.3)

Pour décrire l’objet en mouvement, on est amené à construire un quadrivecteur :

e = (e0(λ), e(λ)) (5.8.4)

avec e0 = 0 dans le système de repos de la particule. Dans ce système on a aussip = (M, 0, 0, 0), d’où :

pµeµ(λ) = 0 (5.8.5)

Ce résultat est valable dans tout repère, et montre que l’on a trois quadrivecteursde polarisation indépendants. On a bien une particule de spin 1.

5.9 La particule de masse nulle et de spin 1 (le photon)

La particule se propage dans le vide à vitesse c et on n’a pas de référentiel derepos. Ecrivons la solution de l’équation d’onde libre 2Aµ = 0 sous la forme :

Aµ = Neµ exp(−ikx) (5.9.1)

avec :

k2 = 0 (5.9.2)

148

Page 149: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

car l’objet est de masse nulle. La jauge de Lorentz ∂µAµ = 0 se traduit par :

kµeµ = 0 (5.9.3)

Cette condition est analogue à 5.8.5, mais ici elle est associée au choix de la jauge.

Etablissons maintenant que l’on a que deux états de polarisation indépendantset que la condition d’orthogonalité 5.7.6 est toujours valable. On peut montrer quela jauge de Lorentz est encore satisfaite si l’on remplace :

Aµ → Aµ − ∂µχ (5.9.4)

pourvu que la fonction scalaire χ soit une solution de l’équation :

2χ = 0 (5.9.5)

Si χ est de la forme exp(-ikx), 5.9.4 devient :

Aµ → Aµ − iαkµ exp(−ikx) = N(eµ + βkµ) exp(−ikx)

ce qui est équivalent à changer le vecteur polarisation d’une quantité proportion-nelle au quadrimoment de la particule :

eµ → eµ + βkµ (5.9.6)

Puisque k2 = 0, ce nouveau quadrivecteur de polarisation satisfait toujours 5.9.3.On peut s’arranger pour trouver la valeur de β qui annulle la composante tempo-relle du nouveau quadrivecteur e. De cette façon, on retrouve à partir de 5.9.3 lacondition de transversalité k ·e = 0, qui exprime aussi l’existence de deux états depolarisation indépendants. Remarquez que ce raisonnement tient parce que l’objeta une masse nulle (k2 = 0).

Dans les règles de Feynman, on inclut la possibilité de faire participer unphoton réel de quadrimoment k et polarisation λ à un processus de diffusion :

Aµ = Neµ(k, λ) exp(−ikx) pour le photon entrant(5.9.7)

Aµ = Neµ∗(k, λ) exp(+ikx) pour le photon sortant

avec la relation d’orthogonalité (le signe moins vient du fait que l’on a un quadri-vecteur) :

e∗(λ)e(λ′) = −δλλ′ (5.9.8)

La normalisation est la même que pour les particules de spin 0.

149

Page 150: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5.10 La particule de spin 1/2

La procédure est analogue à celle utilisée pour la particule de spin 0 (§5.2),hormis qu’on part maintenant des solutions de l’équation de Dirac. On a vu (§2.2)que ces solutions sont de la forme :

Ψ = ω(p, s) exp(−ipx) (5.10.1)

où ω est le quadrispineur de Dirac, de type u (équation 2.2.27) pour la particuleet de type v (2.2.29) pour l’antiparticule.

Partant de la structure générale du courant (2.2.22), on peut exprimer ladensité de courant de probabilité pour l’interaction e.m. (calculée à partir de∫d4xΨfVΨi) sous la forme :

jµ(e−) = (−e)ΨfγµΨi (5.10.2)

ce qui peut être développé en :

jµ(e−) = (−e)NiNfu(pf , sf )γµu(pi, si) expi(pf − pi)x (5.10.3)

Nous adoptons la même normalisation que pour la particule de spin 0. D’autresconventions sont possibles. Les règles de Feynman pour un électron et un positronsont rappelées dans la figure 5.3.2.

Q. : l’interaction e.m. d’un fermion de spin 1/2 s’exprime par un courant “vecto-riel” de la forme ufγµui. Montrer que l’hélicité du fermion est conservée.

Pour donner un exemple, l’amplitude de diffusion e.m. d’un électron par unpion positif e−π+ → e−π+ est exprimée par :

M =

∫d4xjν(e−)

gµνq2jµ(π+) (5.10.4)

Le propagateur est encore de la forme 1/q2. Une fois éliminés les facteurs denormalisation et le Dirac δ, nous obtenons l’analogue de 5.3.1 :

Msasc = i(−i)eu(pc, sc)γµu(pa, sa)−igµν

q2(−i)e(pb + pd)ν (5.10.5)

Les états de spin des fermions entrant et sortant sont spécifiés par les indices saet sc (graphe de la figure 5.10.1).

La construction de la section efficace différentielle est ici plus compliquée quedans la diffusion de deux bosons. Etant donné la présence du spin on va obtenir :

dσsasc ∝ |Msasc|2 (5.10.6)

• Si l’on a des électrons non polarisés on doit faire une moyenne sur les états despin +1/2 et −1/2.

150

Page 151: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

ie

u(pa,sa)pa bp

u−(pc,sc) pc pd

π+

igie ( p + pd )b νµγ

1

1

q2

µν

e−

Figure 5.10.1 – Diagramme de Feynman pour la diffusion e−π+ → e−π+

• Si le détecteur est insensible à la polarisation, on a pour chaque état de spin àl’entrée deux états de spin possibles à la sortie, sur lesquels il faut sommer.

La section efficace “non polarisée” est donc :

dσNP =1

2

∑sa

∑sc

dσsasc (5.10.7)

Le calcul de l’élément de matrice peut se faire en exprimant explicitement lesfonctions d’onde (les “u” données au chapitre 2). Quelques exemples sont donnésau §5.12.

Q. : étudier le cas de la diffusion de deux particules de spin 1/2.

5.11 Le propagateur d’une particule massive

Le propagateur photonique est de la forme 1/q2 (voir 5.2.20). La quantité q2est nulle pour le photon réel, mais elle est non nulle pour le photon virtuel dupropagateur. Rappelons schématiquement qu’on a été amené à 5.2.20 par :

2A = j ∼ (q · q)A = j → A ∝ 1

q2j

où j est le courant e.m..

Considèrons maintenant un boson massif de spin 0, obéissant à l’équation deKlein-Gordon :

(2+m2)ϕ = jh → (−p2 +m2)ϕ = jh

où jh est la source de “courant bosonique”.

151

Page 152: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

La solution est de la forme :

ϕ ∝ 1

p2 −m2jh

On est amené à la règle :

propagateur d’un boson de spin 0, de masse m et de 4-impulsion p :

−ip2 −m2

(5.11.1)

La relation 5.11.1 est à utiliser p. ex. dans le cas de la diffusion Compton surun pion positif (graphe de la figure 5.11.1). L’expression du propagateur présente

π+

i− p − m2 2)(

Figure 5.11.1 – Diagramme de la diffusion Compton sur le π+

un pôle quand la particule échangée devient réelle. Cette propriété permet unedéfinition alternative de la “masse” : c’est la valeur de p2 au pôle du propagateur.

D’autres subtilités sont présentes dans le propagateur de particules de spin1/2 ou 1, le dénominateur en p2- m2 étant toujours là. Pour les fermions de spin1/2, on a 66 :

propagateur d’un fermion de spin 1/2, de masse m et de 4-impulsion p :

i/p+m

p2 −m2(5.11.2)

66. Voir par ex. ref. 8, chap. 6.

152

Page 153: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5.12 Calcul de quelques sections efficaces dσ/dΩ

Considérons la probabilité de diffusion électron pion : e−π+ → e−π+. On doitcalculer :

|Msasc |2 =Msasc(Msasc)∗ =

(e2

q2

)2

[u(pc, sc)γµu(pa, sa)(pb + pd)µ] [...]†

où u = u†γ0.

Pour un scalaire conjugué complexe et conjugué hermitique coïncident. Leterme conjugué hermitique donne :

[u(pc, sc)γνu(pa, sa)(pb + pd)ν ]† =

[u†(pa, sa)γ

†νu

†(pc, sc)](pb + pd)

ν =

=[u†(pa, sa)γ

†νγ

†0u(pc, sc)

](pb + pd)

ν

Puisque (exercice) :

γ†νγ†0 = γ†νγ0 = γ0(γ0γ

†νγ0) = γ0γν , on a aussi :

[u†(pa, sa)γ0γνu(pc, sc)

]= [u(pa, sa)γνu(pc, sc)]

En conclusion, dans le calcul de 5.10.7, on doit évaluer :

12

∑sa

∑sc|Msasc |2 =

= 12

(e2

q2

)2∑sa

∑sc[u(pc, sc)γµu(pa, sa)(pb + pd)

µ] [u(pa, sa)γνu(pc, sc)(pb + pd)ν] =

= 12

(e2

q2

)2∑sa

∑sc[u(pc, sc)γµu(pa, sa)] [u(pa, sa)γνu(pc, sc)] (pb + pd)

µ(pb + pd)ν =

= 12

(e2

q2

)2LµνT

µν

On a donc le produit de deux tenseurs :

1

2

∑sa

∑sc

| Msasc |2=1

2

(e2

q2

)2

LµνTµν (5.12.1)

le tenseur leptonique (fermion spin 1/2) est :

Lµν =1

2

∑sa

∑sc

[u(pc, sc)γµu(pa, sa)] [u(pa, sa)γνu(pc, sc)] (5.12.2)

le tenseur hadronique (boson spin 0) est :

T µν = (pb + pd)µ(pb + pd)

ν (5.12.3)

153

Page 154: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Cette séparation, qui est associée au fait que l’on a échangé uniquement un photonentre les deux courants, est bénéfique en termes du calcul.

Pour le tenseur leptonique de la forme 5.12.2, en introduisant les valeurs ex-plicites de u et après un peu d’algèbre, on trouve :

Lµν =1

2Tr[(/pc +m)γµ(/pa +m)γν

]où : (5.12.4)

/p = γµpµ.

L’application des théorèmes de traces aux matrices γ 67 donne :

Lµν = 2[pcµpaν + pcνpaµ + (q2/2)gµν

](5.12.5)

Le développement du calcul conduit à l’expression suivante pour la sectionefficace différentielle angulaire 68, en admettant le pion au repos et sans structure :

dσNPdΩ

(e−π+) =α2

4 | p |2 sin4(θ/2)cos2(θ/2)

| p′ || p |

≡(dσ

)ss

(5.12.6)

avec | p | et | p′ | les quantités de mouvement de l’électron avant et après lacollision.

On a négligé la masse de l’électron, ce qui a permis d’écrire :

q2 = −4 | p || p′ | sin2(θ/2)

Le facteur | p′ | / | p | est dû au recul de la particule cible (masse M). Il peutêtre exprimé sous la forme (à démontrer comme exercice) :

| p′ || p |

= 1/

[1 +

2 | p |M

sin2(θ/2)

](5.12.7)

Si la particule cible est très lourde par rapport au projectile, on peut poser |p′||p| ≃

1.

Q. : partant des tenseurs 5.12.5 et 5.12.3 effectuer en détail le calcul de dσ/dΩpour la diffusion e−π+ → e−π+.

Dans le cas de la diffusion e−µ− → e−µ−, on doit contracter deux tenseursfermioniques, le tenseur électronique Lµν et son homologue muonique Mµν . Lerésultat est :

dσNPdΩ

(e−µ−) =

(dσ

)ss

[1− q2 tan2 θ/2

2M2

](5.12.8)

67. Voir par ex. ref 6, annexe D.2, ou ref. 10, § 7.7.68. appelée communément : section efficace de Mott. On trouve aussi la notation

(dσdΩ

)ss

,l’indice ss signifiant “sans structure”.

154

Page 155: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Le terme en tan θ/2 est dû au fait que l’électron et le muon interagissentnon seulement par leurs charges électriques mais également par leurs momentsmagnétiques. M est ici la masse du muon.

Exprimée en terme des variables de Mandelstam s, t, u cette section efficaces’écrit :

dt(e−µ−) =

2πα2

t2

[1 +

u2

s2

](5.12.9)

On trouve aussi :

dy(e−µ−) =

2πα2

t2s(1 + (1− y)2

)(5.12.10)

y=(p-p’)/p où p et p’ sont les modules des quantités de mouvement de l’électrondans le référentiel du muon “cible”.

La section efficace différentielle d’annihilation e+e− → µ+µ− dans le c.m.(toutes les masses ont été négligées et on est loin de la production de Z) estdonnée par :

dσNPdΩ

(e+e− → µ+µ−) =α2

4q2(1 + cos2 θ) (5.12.11)

et la section efficace totale par :

σNP (e+e− → µ+µ−) =

4πα2

3

1

s=

21.7 nb[Efaisceau(GeV )]2

(5.12.12)

avec q2 = 4E2faisceau et 2Efaisceau =

√s.

Q. : justifier 5.12.12. par des arguments dimensionnels. Justifier la dépendanceangulaire de 5.12.11, sur la base de la conservation de l’hélicité.

La diffusion Bhabha e+e− → e+e− (dans le c.m et loin du Z) est donnée par :

155

Page 156: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

dσNPdΩ

(e+e− → e+e−) =α2

2s

[1 + cos4

(θ2

)sin4

(θ2

) −2 cos4

(θ2

)sin2

(θ2

) +1 + cos2θ

2

](5.12.13)

Q. : pourquoi cette relation est-elle si différente de celle détenue pour e+e− →µ+µ− ?

5.13 Le concept du facteur de forme

Jusqu’ici nous avons supposé le pion et le kaon ponctuel, Que se passe-t-il si nous voulons tenir compte de la structure de ces particules ? Il s’agit dedéterminer l’effet de la distribution des charges électriques à l’intérieur du pion.On représente conventionnellement cet effet par un disque plein (“blob”) au vertex(voir graphe de la figure 5.13.1). La forme explicite de la distribution de charge

pc

a pa

c

q

π

Figure 5.13.1 – Interaction d’un pion avec structure

à l’intérieur d’un pion (et d’un hadron en général) est très difficile à trouverà cause de l’influence dominante de l’interaction forte. Il est plus commode dechoisir l’approche indirecte amènant au concept du facteur de forme. Supposonsl’interaction e.m.représentée par un potentiel V constant dans le temps. Si l’onconsidère la partie spatiale et que l’on se limite à un calcul au premier ordre,l’amplitude de transition M est proportionnelle à la transformée de Fourier dupotentiel :

M∼∫d4xΨ∗

fVΨi ∼∫d3xe−ipf ·xV (x)eipi·x ∼

∫d3xV (x)e−iq·x ∼

V (q)

où q = pf − pi.

156

Page 157: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Du point de vue classique et non relativiste, le potentiel V(x) est associé à ladistribution de densité de charges : ρ(x)par :

V (x) ∼ e2∫d3x′

ρ(x′)

|x− x′|

Le développement du calcul donne :

∼V (q) ∼ e2

|q2|F (q) , avec F (q) =

∫d3xρ(x)e−iq·x

Q. : établir ce résultat à titre d’exercice. Pour éviter que l’intègrale définissantV (x) diverge, introduire un coefficient “d’écrantage” de la forme e−a|x′|, où a estréduit à zéro une fois l’intégration effectuée.

Si la distribution de charges du pion est supposée sphérique, on conclut que Fne dépend que du module de q, non de sa direction :

F (q)→ F (q2)

La distribution de charge à l’intérieur du pion vue par un observateur en mou-vement n’a pas la symétrie sphérique. Dans un traitement relativiste le momentde transfert devient le quadrimoment de transfert q → q, et on retrouve dans leterme 1/q2 l’expression du propagateur du photon vu précédemment. De mêmeF (q2) → F (q2) et on obtient une forme invariante F (q2) qui est définie par unintégrale sur l’espace-temps.

Q. : montrer que pour un potentiel de type Yukawa dû à la distribution de densitéde masses : ρ(r) = m2

8πexp(−mr)

r, on obtient le facteur de forme F (q2) = 1

1+q2/m2 .On a un pôle en q2 = −m2.

A la base du concept de facteur de forme, il y a donc une distribution dedensité des constituants (charges électriques, magnétiques, faibles,....) confinéspar l’interaction forte. Ce facteur, qui représente l’extension de la source, agit surle vertex d’interaction avec le photon (ou avec les autres bosons vecteurs).

5.14 Facteur de forme et symétrie

Des arguments simples permettent de donner les caractéristiques du facteurde forme. Considérons le cas du pion, particule sans spin. Le vertex du couplageavec le photon est caractérisé par les deux quadrivecteurs pa et pc. Le courant e.m.entre l’état a et l’état c est donné par (5.2.13) :

jµ(pion) = ⟨pion(pc)|jemµ|pion(pa)⟩ ∝ e(pc + pa)µ exp(iqx) (5.14.1)

Cette expression est applicable au pion supposé ponctuel. On aimerait la modifierpour tenir compte de la structure de la particule. Pour que la toile ainsi tissée

157

Page 158: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

tienne, il faut que toute modification conserve la structure 4-vectorielle du courant,de façon à ce que l’amplitude (5.3.1) reste un invariant de Lorentz. Le courantdu pion dans la transition pa → pc ne peut être construit qu’à l’aide des deuxquadrivecteurs indépendants.

pa + pc et q = pc − pa (5.14.2)

et du scalaire indépendant :

q2 = p2a + p2c − 2papc = 2M2 − 2papc (5.14.3)

où M = masse du pion.

Notons que le scalaire (pa + pc)2 est lié à q2 par :

(pa + pc)2 = p2a + p2c + 2papc = 2M2 + 2papc = −q2 + 4M2

Une expression invariante de Lorentz pour le courant pionique peut être déduitede (5.14.1) en effectuant la substitution :

e(pc + pa)µ → e

[F (q2)(pc + pa)

µ +G(q2)qµ]

(5.14.4)

Imposons maintenant la conservation de la charge e.m. à l’aide de l’équationde continuité :

∂µjµ = 0 → qµj

µ = 0 (5.14.5)

Le facteur qµ vient de la dérivation de l’onde plane dans 5.14.1. Le produit scalaireappliqué à l’expression de droite de 5.14.4 donne effectivement 0 pour le premierterme ; le second terme de cette expression par contre, n’est nul que dans la limited’un moment de transfert nul (ou avec un photon non virtuel). On en tire laconclusion qu’on doit avoir G(q2) = 0 et que le facteur de forme décrivant le pionréel est le seul scalaire F (q2).

La règle de Feynman pour un boson de spin 0, avec structure, requiertl’adjonction d’un facteur F(q2) à chaque vertex e.m..

La section efficace différentielle (p. ex. 5.12.6) est à corriger par le facteur|F (q2)|2 :

dΩ=

(dσ

)ponct.× |F (q2)|2 (5.14.6)

Si le moment de transfert q est proche de zéro, le photon échangé n’est pas ca-pable de reconnaître l’existence d’une structure car la longueur d’onde atteint ladimension physique de la particule. A la limite q → 0 le photon sonde ne perçoitque la charge totale de la cible. On est conduit à normaliser F de façon telle que :

F (q2 = 0) = 1 (5.14.7)

158

Page 159: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5.15 Graphes d’ordres supérieurs ; le problème des infinis(divergence ultraviolette) ; la procédure de renormali-sation

L’électrodynamique quantique (QED) présente quelques points délicats quenous voulons soulever ci-dessous.

Les graphes que nous avons étudiés jusqu’ici ne comportent qu’une seule par-ticule échangée, photon virtuel dans le graphe de la figure 5.1.1, pion virtuel danscelui de la figure 5.11.1. La particule échangée (“interne”) peut sortir de sa couchede masse ; par contre sa quantité de mouvement est déterminée par les quantitésde mouvement des particules “externes” en raison des lois de conservation. Parexemple, dans le graphe de la figure 5.1.1, l’intégration sur tous les états intermé-diaires possibles donne :

+∞∫∞d3k δ(pc − pa − k) δ(pd − pb + k) ≈ δ(pc − pa + pd − pb)

avec k = pc − pa = pd − pb = q

(5.15.1)

ce qui explique le facteur 1q2

du propagateur du photon (§5.2).

b)k

p pp k

a)k

p p’p1 2

propagateur

Figure 5.15.1 – Diagrammes de la correction dite de self-énergie

On est amené à concevoir des situations plus compliquées en ce qui concernele mécanisme d’échange. Par exemple, dans les graphes de la figure 5.15.1, laparticule échangée émet un photon virtuel puis le réabsorbe. On prend cet effeten compte en appliquant une correction au propagateur de la particule (appeléecorrection de self-énergie). Pour ce faire, il faut considérer toutes les configurationsintermédiaires possibles (graphe a) :

∞∫−∞

d3k d3p′ δ(p1 − p′ − k) δ(p′ − p2 + k)..... ≈ δ(p2 − p1)

∞∫−∞

d3k..... (5.15.2)

On voit que la dépendance en p′ est “absorbée”, mais que k reste libre de variersous réserve de la contrainte que k + p′ = p1 = p2 ≡ p (voir graphe b).

159

Page 160: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

En toute généralité, le calcul de l’amplitude implique une intégrale à 4 dimen-sions de la forme : ∫

d4k1

k2 [(p− k)2 −m2](5.15.3)

qui se comporte asymptotiquement comme :∫d4k/k4 ≈

∫dk k3/k4 ≈

∫dk

k

Cette intégrale diverge logarithmiquement (divergence ultraviolette), ce qui amèneà placer une limite supérieure d’intégration (cut-off Λ) :∫ Λ dk

k≈ log Λ

La contribution du graphe 5.15.1 peut être évaluée à condition de “régulariser”

+ + + + ...=

prop

agat

eur

Figure 5.15.2 – Diagrammes de la correction dite de self-énergie à des ordrescroissants

l’intégration par ce “cut-off” Λ. On est dans une situation peu satisfaisante, agravéesi l’on considère des graphes encore plus compliqués tels que ceux représentésdans la figure 5.15.2. A la limite on peut concevoir un nombre infini de graphesdonnant lieu chacun à un terme divergent à régulariser. La renormalisation est uneprocédure permettant de résoudre astucieusement un problème apparemment sansissue. Tout d’abord, on peut démontrer (voir par ex. ref. 6, chap 6.10) que sommerles corrections de self-énergie sur l’ensemble des graphes imaginables équivaut àsubstituer au propagateur 1/(p2 −m2) le propagateur 1/(p2 −m’2) dans 5.15.3,où :

m′ = m(1 +∞∑i=1

αidi(Λ2)) (5.15.4)

160

Page 161: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les coefficients di sont propres aux graphes d’ordre αi ; chaque terme de la sommede 5.15.14 diverge si Λ→∞.

On peut faire l’association suivante : la masse m intervenant dans le propa-gateur de 5.15.3 est une grandeur inacessible à l’expérimentateur, c’est la massede la particule “nue” ; m’ est la grandeur relevante du point de vue de la me-sure physique, c’est la masse de la particule environnée de son nuage de photonsvirtuels.

On peut inverser 5.15.4 pour exprimer la grandeur m en terme de la massemesurable m’, et substituer dans le propagateur. Si par exemple on revient augraphe de la figure 5.15.1, le facteur m à l’ordre α2 à subtituer peut s’écrire :

m = m′(1− d log Λ)

Il diverge quand Λ→∞ mais a pour effet de contrebalancer le mauvais compor-tement de l’intègrant de 5.15.3.

Les étapes importantes de la procédure de renormalisation de la masse sontdonc :

• on effectue des corrections dites de self-énergie au propagateur d’une particule“nue” (figure 5.15.1), ce qui entraîne une divergence lors de l’intégration sur lesétats intermédiaires ;

• on régularise cette divergence par l’introduction d’une coupure supérieure (cut-off Λ) ;

• on exprime la masse (m) de la particule “nue” en terme de la masse mesurable(m’) de la particule “habillée” des photons virtuels ;

• on peut dès lors prendre en compte toutes les corrections de self-énergie sansrencontrer de difficulté de comportement lors de l’intégration.

D’autres corrections interviennent,dans les calculs d’amplitude de transition,qui sont également la cause de problème de divergence d’intégration. Le grapheen forme de boucle de la figure 5.15.3 en est un exemple ; il donne lieu à cequ’on appelle communément la correction “de polarisation du vide”. Le problèmeest résolu dans ce cas en effectuant la renormalisation de la charge électrique dela particule du propagateur, selon une procédure parallèle à celle mise en oeuvrepour la masse. Mentionnons également la nécessité d’une renormalisation des états

Figure 5.15.3 – Diagramme de la correction dite de polarisation du vide

(fonctions d’onde) des particules entrantes et sortantes, seuls les états physiques de

161

Page 162: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

ces particules étant à prendre en compte, non leurs états propres de l’hamiltonienlibre.

En résumé, on dit que l’électrodynamique quantique actuelle (QED) est unethéorie entièrement renormalisable en ce sens que tous les problèmes de divergencedans les calculs d’amplitude ont été résolus. Un de ses grands succès réside dansles prédictions de l’anomalie a=(g-2)/2 des leptons chargés, prédictions vérifiéespar l’expérience à mieux de 10−8 dans le cas de l’électron (voir § 3.6).

5.16 Graphes d’ordres supérieurs ; autres problèmes d’infi-nis (divergence infrarouge)

Les graphes de la figure 5.16.1 sont un exemple de processus d’ordre supérieurpouvant impliquer les particules “externes” ; il s’agit de l’émission d’un photon réel,soit dans l’état initial soit dans l’état final d’une réaction d’annihilation e+e−. Cephénomène est effectivement observé, comme le montre la figure 5.16.2 ; c’est cequ’on appelle un événement Bhabha radiatif.

e

e

+

b)e

e

+

a)

Figure 5.16.1 – Diagrammes du processus Bhabha radiatifs ; graphe a : émissiond’un photon par une particule chargée de l’état final ; graphe b émission d’unphoton par le positron de l’état initial

La prise en compte d’un tel processus amène à faire un correction dans lescalculs de l’amplitude de transition. Sans entrer dans le détail de ces calculs,mentionnons le problème occasionné par le comportement divergent du termecorrectif lorsque l’énergie du photon tend vers zéro (divergence infrarouge) oulorsque les trajectoires du photon et du lepton émetteur sont collinéaires.

On est ici hors du contexte de la procédure de normalisation. On s’en sort enpratique en introduisant des coupures aux limites inférieures, justifiées par le faitque les appareils ont un seuil de détection en énergie et une résolution angulairefinie. L’effet de telles coupures est étudié dans les programmes de simulation àl’aide des générateurs Monte Carlo.

162

Page 163: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 5.16.2 – Evénement Bhabha radiatif du type e+e− → e+e−(γ) observépar le détecteur L3 au CERN. Les faisceaux sont perpendiculaires à la figure et lacollision a eu lieu au centre de celle-ci. Le e+ et le e− de l’état final ont donné dessignaux en correspondance dans le détecteur à trace central et dans le calorimètre.Le photon est reconnaissable par la présence d’un signal dans le calorimètre etl’absence de trace correspondante

163

Page 164: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

6 Partons et quarks.Ce chapitre est consacré à l’étude phénoménologique de la structure des ha-

drons au moyen d’une sonde e.m.. On examine d’abord les caractéristiques dela diffusion électron (ou muon)-proton et en particulier la “diffusion inélastiqueprofonde”. On présente ensuite les enseignements qu’on peut tirer de l’étude del’annihilation e+e− → γ → qq.

6.1 La diffusion électron-nucléon.

La collision d’un électron (ou d’un muon) ponctuel avec un proton (avec struc-ture) est représentée par le diagramme de la figure 6.1.1. L’expérience consiste àenvoyer un faisceau d’électrons (ou de muons) sur une cible de protons au reposdans le laboratoire. On observe les produits de la collision : le lepton diffusé et lesparticules X.

La tache grise (“blob”) représente le fait que la sonde (le photon virtuel) doitfaire face à un proton avec structure. Plusieurs régimes sont possibles :

electron

proton

,k

,

0

X

q

p

k

p

Figure 6.1.1 – Diagramme de la diffusion électron-proton.

• le hadron peut sortir intact, la diffusion est élastique ; X=proton et MX =Mproton ;

• X peut être un état excité du nucléon (N*,). MX =M(resonance) > Mproton ;

• X peut représenter plusieurs hadrons produits, dont la masse effective W >Mproton.

Dans certaines expériences, on ne mesure que le lepton diffusé, les particulesindiquées par X étant “ignorées”. On parle alors de mesure de la section efficaceinclusive. Dans la prédiction théorique de la section efficace inclusive, il fautsommer sur tous les états finaux X accessibles.

164

Page 165: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On peut mesurer une section efficace différentielle d2σ/dk′dθ en fonction de laconfiguration du lepton sortant, c’est à dire de son angle de diffusion θ dans lelaboratoire par rapport à la direction du faisceau et de son énergie. Dans le casoù l’énergie du faisceau est suffisamment élevée, on réalise ainsi une expérience àla Rutherford, qui a pour objectif d’explorer la structure e.m. du nucléon à desdimensions O (1fm).

De telles expériences ont été effectuées au SLAC (USA) dans la décennie 1960.Leurs résultats sont compatibles avec l’existence d’une structure interne : lespartons.

Le plus gros collisionneur e−p actuel est HERA (Hambourg). Un faisceaud’électrons de 30 GeV est dirigé sur un faisceau de protons de 82 GeV. La lu-minosité est de 16× 1030 cm−2s−1. Les deux expériences installées sur la machinesont ZEUS et H1.

On peut déjà faire quelques prédictions qualitatives sur le comportement del’interaction.

• Si le moment de transfert q est petit, le noyau cible subit un simple recul etla diffusion est élastique. Le lepton projectile ne parvient pas à résoudre lastructure de la cible ; la section efficace différentielle angulaire est du type donnépar la relation 5.12.8 pour la diffusion e−µ− :

dΩ=

[α2

4 | k |2 sin4(θ/2)cos2(θ/2)

]| k′ || k |

[1− q2 tan2(θ/2)

2M2

](6.1.1)

Le terme en | k′ | / | k | est dû au recul de la cible. Le terme avec la tangente estattribué au spin du noyau cible, donc à son moment magnétique. Le terme dansle premier crochet multiplié par | k′ | / | k | correspond à la section efficace deMott, pour un noyau cible de masse M sans structure (notée aussi

(dσdΩ

)ss

).

• Si le moment de transfert q est grand, le lepton projectile acquiert un pouvoird’analyse lui permettant de révéler la structure du nucléon cible. On doit doncmodifier dans la relation 6.1.1 le terme contenant la charge électrique en introdui-sant un facteur correctif A(q2), comparable au facteur de forme F (q2) que l’on aintroduit pour le pion cible dans le cas de la diffusion e−π (§ 5.13). De même lapartie magnétique de 6.1.1 doit être multipliée par un facteur de correction B(q2).On obtient finalement une expression de la forme :

dΩ=

(dσ

)ss

×[A(q2) +B(q2) tan2(θ/2)

](6.1.2)

• Dès que l’énergie transférée est supérieure à un certain seuil, le recul X peutêtre constitué par une résonance voire plusieurs particules : c’est la diffusioninélastique. La masse effective du système X est supérieure à la masse du nu-cléon et l’énergie nécessaire pour former X est prise aux dépens de l’énergie totaledisponible.

165

Page 166: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

6.2 Section efficace différentielle angulaire de diffusionélastique électron-proton et électron-neutron.

Les directives exposées au § 5.10 sont applicables ici : le courant e.m. associéau proton en interaction doit satisfaire 1) à l’invariance de Lorentz et 2) à laconservation de la charge. L’expression 5.10.3 devient pour le proton supposéponctuel :

jµ(proton) = (+e)NN ′u(p′, s′)γµu(p, s) expi(p′ − p)x

Pour un proton cible non ponctuel, elle se transforme en :

jµ(proton) = (+e)NN ′u(p′, s′)

[γµF1(q

2) +iκF2(q

2)

2Mσµνqν

]u(p, s) expi(p′ − p)x

(6.2.1)

Notons qu’en raison du spin du nucléon on est amené à introduire deux facteurs decorrection F1(q

2) pour le terme électrique et F2(q2) pour le terme magnétique. Ce

dernier terme contient le facteur κ correspondant à la partie anormale du momentmagnétique du nucléon, et le facteur :

σµν =1

2i [γµ.γν ] (6.2.2)

Q. : que vaut σµν ?

A la limite q → 0, on a :

pour le proton : F1(0) = 1 F2(0) = 1

pour le neutron : F1(0) = 0 F2(0) = 1 (6.2.3)

Le moment magnétique anormal du nucléon contribue à modifier l’interaction dela particule. Rappelons que pour un fermion de Dirac sans structure κ = 0.

La section efficace différentielle angulaire est donnée par la relation 6.1.2, oùles facteurs A(q2) et B(q2) peuvent être exprimés en termes de F1(q

2) et F2(q2) :

dΩ= (

dΩ)ss ×

[F 2

1 (q2) + τκ2F 2

2 (q2)] + [2τ(F1(q

2) + κF2(q2))2] tan2(θ/2)

(6.2.4)

où τ = −q2/4M2.

C’est ce qu’on appelle communément la section efficace de Rosenbluth.

Dans la littérature on trouve aussi la forme équivalente :

166

Page 167: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

q2

q2

tan 221θ

dΩdσ

Β

0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

0.01

0.02

0.03

A ( )

= ( )

dΩdσ

ss

pente

Figure 6.2.1 – Section efficace différentielle normalisée de la diffusion e−p, enfonction de tan2(θ/2) pour un q2 fixe de -3 GeV2. Les points expérimentauxconfirment la validité de la formule de Rosenbluth. Le calcul au premier ordre(un seul photon échangé) donne une bonne approximation de la section efficace.

dΩ=

(dσ

)ss

×(

G2E + τG2

M

1 + τ

)+ 2τG2

M tan2

2

)(6.2.5)

où :

GE(q2) = F1(q

2) + κq2

4M2F2(q

2)

GM(q2) = F1(q2) + κF2(q

2) (6.2.6)

GE(q2) et GM(q2) sont appelés les facteurs de forme électrique et magnétique de

167

Page 168: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Sachs :

pour le proton : GpE(0) = 1 Gp

M(0) = 1 + κ = 2.7928... = µp

pour le neutron : GnE(0) = 0 Gn

M(0) = 1 + κ = −1.9130... = µn (6.2.7)

où µp et µn sont exprimés en magnéton nucléaire : µN . (Voir la table PDGpour des valeurs plus précises.)

L’hypothèse sous-jacente dans la relation de Rosenbluth est qu’ un seul pho-ton est échangé dans le processus (interaction au 1er ordre). Cette prédiction esttestée expérimentalement. Si l’on fixe la valeur de q2, on peut représenter le rap-port dσ

dΩ/(dσdΩ

)ss

en fonction de tan2(θ/2) et vérifier la relation linéaire 6.2.4 (voirfigure 6.2.1).

Pour les mesures de diffusion sur le proton, on utilise une cible d’hydrogèneliquide. Le détecteur est capable d’identifier l’électron sortant et d’en déterminersa direction et son énergie.

La cinématique de la diffusion e + p → e + p peut-être décrite à l’aide desvariables définies sur la figure 6.1.1, où dans le cas présent X est un proton. Avantla diffusion :

pe = (| k |,k) ≡ (| k |, | k |, 0, 0)pp = (M, 0, 0, 0)

La masse de l’électron a été considérée négligeable en regard de son énergie ciné-tique ; le nucléon cible est supposé à l’arrêt. Après la diffusion :

p′e = (| k′ |,k′) avec k′ = 1 | k′ | (cos θ, sin θ, 0)p′p = (E ′,p′)

Q. : montrer que si la diffusion est élastique :

| k′ | / | k |=(1 +

2 | k |M

sin2(θ/2)

)−1

(6.2.8)

cette relation permet de contrôler l’élasticité de la réaction.

On a :

q2 = (pe − p′e)2 = (| k | − | k′ |)2 − (k − k′)2

≃ −2 | k || k′ | (1− cosθ) = −4 | k || k′ | sin2(θ/2) (6.2.9)

On définit souvent : Q2 = −q2 (pour se débarrasser du signe négatif). En combi-nant les relations 6.2.8 et 6.2.9, on obtient :

Q2 =4 | k |2 sin2(θ/2)

1 + 2|k|M

sin2(θ/2)(6.2.10)

168

Page 169: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On voit qu’il est possible de jouer sur les valeurs de l’énergie du faisceau | k | et del’angle de diffusion θ de façon à conserver une valeur fixe de Q2 ; c’est la procédureutilisée pour construire les points expérimentaux de la figure 6.2.1. Observons queQ2 prend sa valeur maximum pour θ = 180 :

Q2max =

4 | k |2

1 + 2|k|M

Pour les mesures de diffusion sur le neutron, on utilise une cible de deutériumliquide. On doit donc soustraire la contribution du proton et effectuer quelquescorrections nucléraires :

dΩ(e-n) =

dΩ(e-d)− dσ

dΩ(e-p) + δ(nucléaires)

Ces expériences ont montré que les facteurs de forme présentent un comportementsimple :

GpE(q

2) = GpM(q2)/µp = Gn

M(q2)/µn = G(q2)

GnE(q

2) ≃ 0 (6.2.11)

La fonction G(q2) est bien représentée par un pôle d’ordre 2 (ou dipôle) :

G(q2) =1

(1 +Q2/M2v )

2=

1

(1− q2/M2v )

2(6.2.12)

Avec Mv = 0.84 GeV, l’ajustement au facteur de forme magnétique du protonest correct à 10% près, jusqu’à Q2 ≃ 20GeV2. La figure 6.2.2 montre un certainnombre de ces ajustements.

Un facteur de forme dipolaire correspond dans l’espace physique ordinaire àune distribution de la densité de charges de type exponentiel :

ρ(r) = ρ0 exp(−rMv) (6.2.13)

Q. : calculer le rayon quadratique moyen du proton correspondant à Mv = 0.84GeV .

Observons que pour une particule de Dirac (ponctuelle) on a G(q2) = 1,quel que soit le q2. Les relations 6.2.12 et 13 expriment le fait que le protonn’est pas ponctuel. De plus, 6.2.13 indique l’absence d’un centre “dur” ponctueldans le nucléon. On ne peut donc pas imaginer le proton comme un objet ponctuelentouré par un nuage de pions, comme proposé par Yukawa (figure 6.2.3). Pour

169

Page 170: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

une distribution à la Yukawa ∼ r−1 exp(−rMv), on aurait obtenu un G(q2) de laforme (1 +Q2/M2

v )−1.

Remarquons finalement que G(q2) tend vers 0 comme 1/Q4 (eq. 6.2.12). Donc

la section efficace de diffusion élastique décroît très vite comme → 1k2

(1Q4

)2∼

1Q2

(1Q4

)2. On verra que cela n’est pas le cas de la section efficace de diffusion

inélastique.

6.3 La diffusion inélastique électron-proton.

On recourt à la figure 6.1.1 pour définir les variables de la cinématique dee+ p→ e+X. Rappelons (§ 6.1) qu’ X peut désigner une résonance baryoniquede masse MX = Mres > Mp, ou un ensemble de plusieurs hadrons de masseeffective W . La cinématique d’ X est encore décrite par le quadrivecteur (E ′,p′).De plus, en admettant que le mécanisme de la réaction est dominé par l’échanged’un photon (comme dans la diffusion élastique), on introduit les composantes duquadrimoment de transfert q = (ν, q).

Au vertex leptonique, la relation (6.2.9) s’applique :

Q2 = −q2 ≃ 4 | k || k′ | sin2(θ/2) , avec | k | − | k′ |= ν

me ≪ | k |

Au vertex hadronique (le proton cible est supposé à l’arrêt) on a :

Q2 = −q2 = −(p′ − p)2

= −(p′)2 − p2 + 2p′p

= −W 2 −M2 + 2E ′M , avec E ′ −M = ν

d’où :

Q2 =M2 −W 2 + 2Mν (6.3.1)

La grandeur W peut prendre différentes valeurs (spectre continu) selon laconfiguration de l’ensemble hadronique produit, à énergie du lepton incident etangle de diffusion donnés. En toute généralité dans la diffusion inélastique e − ples quantités Q2 et ν sont des variables non strictement corrélées ; cette paire devariables est appelée communément “de Mandelstam”. On peut utiliser la pairealternative θ et W .

Q. : établir l’expression de W en fontion de | k |, | k′ | et θ.

Observons que dans le cas de la diffusion élastique e− p, W =M , et de 6.3.1 :

Q2 = 2Mν (6.3.2)

170

Page 171: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

les quantités Q2 et ν sont donc proportionnelles.

S’il y a production d’une résonance hadronique, la masse de l’état produit estfonction des valeurs de Q2 et ν :

Mres =Wres = (M2 + 2Mν −Q2)1/2 (6.3.3)

Ces différentes situations sont illustrées par les diagrammes de la figure 6.3.1.Si l’on reporte la quantité Q2 en fonction de 2Mν (fig 6.3.1a), la diffusion élastiqueest décrite par une droite à 45 passant par l’origine. La production de résonancesest décrite par des droites parallèles décalées, dont l’abscisse à l’origine permetde déduire la valeur centrale de la masse (les résonances ont une certaine largeur,symbolisée par un trait épais dans le graphique).

On définit la région de diffusion inélastique profonde (Deep Inelastic Scattering,abrégé par la suite DIS) comme celle où W est grande par rapport aux masses desrésonances hadroniques, et où Q2 est grande également (≈ O(> 1Gev2)) ce quiconfère un pouvoir de pénétration élevé au photon sonde. Il s’est avéré possible,dans de telles conditions, de mettre en évidence une structure interne du nucléon(en partons ponctuels).

On peut en comprendre les raisons profondes en comparant les résultats d’expé-riences DIS sur une cible d’hydrogène (LH2) à ceux d’expériences antérieures dephysique nucléaire relatives à la diffusion d’électrons sur des noyaux atomiques.

La figure 6.3.2 concerne spécifiquement la diffusion d’électrons de 0.4 GeV surune cible d’Hélium liquide 69. Elle montre (courbe en trait continu) l’allure de lasection efficace de diffusion en fonction de l’énergie (| k′ |) de l’électron diffusé,sous un angle de 45 . On observe sur la droite du graphique un pic prononcé, qu’oninterprète comme résultant de la diffusion élastique cohérente sur les noyaux d’He.Pour | k |= 0.4 GeV, θ = 45 et une masse du centre diffuseur M ≃ 4 GeV, larelation 6.2.8 donne en effet | k′ |≃ 0.39 GeV. Avec une valeur de ν ≃ 0.012GeV, le Q2 = 2MHeν correspondant est d’environ 0.091 GeV2. La surface sous lepic est relativement importante ; pour les diffusions en cause, le photon virtueln’est pas parvenu à résoudre la structure interne du noyau cible. Rappelons quele noyau d’He a une taille d’environ 1.4.A1/3 ≃ 2.2 fm, la taille du nucléon étantd’environ 1 fm (0.2 GeV en unité naturelle). On observe également au centre dugraphique une large bosse s’étendant de 0.3 à 0.36 GeV. Le pic reporté sur lafigure en traitillé représente la diffusion élastique du même faisceau d’électronssur une cible de protons (LH2). La valeur de ν correspondante est de 0.045 GeVpour un Q2 = 2Mpν de 0.083 GeV2. La coïncidence des emplacements suggèrel’interprétation suivante : la bosse résulte des diffusions quasi-élastiques d’élec-trons sur les nucléons individuels du noyau d’He. L’effet d’étalement s’expliquecomme la conséquence du mouvement de Fermi des nucléons dans le noyau et del’implication des forces nucléaires.

69. R.Hofstadter et al. Rev. Mod. Phys. 28 (1956) 214

171

Page 172: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les résultats de séries d’expériences de ce type, effectuées pour des valeurscroissantes de Q2, montrent que l’importance relative de la bosse croît aux dé-pens de celle du pic de diffusion cohérente (et donc du facteur de forme élastiqueFHe(Q

2)). La structure nucléonique du noyau est de mieux en mieux révélée aufur et à mesure que s’accroît l’efficacité du photon (virtuel) en tant que sonde.

On s’attend à observer le même genre d’effet dans la diffusion électron-nucléonà haute énergie. La figure 6.3.3 montre des résultats de mesure de diffusion surune cible d’hydrogène (LH2), sous l’angle θ = 10 70.

Le faisceau d’électrons a une énergie de | k | = 4.879 GeV ; | k′ | (élastique)= 4.52 GeV, ce qui correspond à un Q2(élastique) = 0.67 GeV2. Le pic élastiqueétroit est représenté à l’extrémité droite du graphique ; on voit également d’autrespics plus larges à des valeurs inférieures de | k′ |. Cette structure est interprétéecomme résultant de l’excitation de résonances baryoniques, mécanisme absentdans la diffusion à 400 MeV sur des noyaux d’He. Par exemple, le pic à | k′ |= 4.26GeV correspond à une masse Mres = W ≃ 1.2 GeV (d’après 6.3.1) ; il s’agit del’état excité ∆(1238) référé dans la table PDG.

La prééminence de l’excitation de résonances a d’importantes répercussionssur le choix d’un domaine de (Q2, ν) adéquat pour faire de la diffusion inélastiqueprofonde. Par exemple, si l’on se rapporte à la situation de la figure 6.3.3, avec unQ2 de 0.67 GeV2 et pour des centres diffuseurs (partons) ayant une masse de l’ordrede Mp/3 ≃ 0.31 GeV on trouve un pic élastique à | k′ |≃ 3.9 GeV, ν(élastique)≃ 1GeV, soit en plein dans la région des résonances. Si l’on veut avoir une chance derésoudre la structure en partons du nucléon, il faut impérativement se placer àdes valeurs de Q2 et ν bien supérieures à celles ci-dessus.

Puisqu’on fait souvent référence à la situation dans la diffusion élastique, il estcommode pour la discussion d’introduire la variable :

x = Q2/2Mν où 0 ≤ x ≤ 1. (6.3.4)

Q. : dessiner les courbes à x=cte sur le graphique de la figure 6.3.1 a.

Il est instructif d’examiner l’allure de la section efficace de diffusion sur le nu-cléon vu comme un système formé de 3 quarks, en fontion de cette variable x età Q2 fixé. C’est ce qu’on a représenté qualitativement dans la figure 6.3.4 pourdes valeurs de Q2 différant de 3 ordres de grandeur. Aux petites valeurs de Q2

(≃ 0.5 GeV2), la diffusion cohérente sur le nucléon (x ≃ 1) et l’excitation de réso-nances dominent. Aux valeurs intermédiaires de Q2 (≃ 1 GeV2), c’est la diffusionquasi-élastique incohérente sur les partons qui domine (bosse centrée autour dex ≃ 1/3) ; la structure résonnante, bien qu’encore apparente, est rejetée en di-rection du (modeste) pic élastique. Aux très grandes valeurs de Q2(≃ 100 GeV2),le maximum de la section efficace se déplace vers x = 0, la structure résonnanteet le pic élastique ont quasiment disparu. Ce déplacement caractéristique peut

70. W.Bartel et al. Phys.Lett. 28B (1968) 148

172

Page 173: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

être interprété à l’aide de la théorie QCD (voir figure 6.3.5). L’émission de gluons(figure 6.3.5 b) peut entraîner une dégradation de l’énergie du parton (donc dex). Des paires virtuelles qq peuvent être créées (figure 6.3.5 c) et venir enrichirla “mer de quarks”, affectant le photon sonde au même titre que les quarks “devalence”.

Les résultats des expériences de diffusion inélastique profonde (DIS) sontcommunément représentées sous la forme d’une section efficace différentielle àdeux dimensions (une dimension dans le cas de la diffusion élastique), où la pairede variables est choisie dans la liste : θ, | k′ |, Q2, ν et W . Par exemple, dansla figure 6.3.3 on a utilisé l’expression d2σ(θ, | k′ |)/dΩd | k′ |. On rencontre plussouvent la forme équivalente dσ2/dQ2dν, qui peut être déduite de la relation 6.1.2 :

d2σ

dQ2dν=

4πα2

Q4

|| k′ || k |

[W2(Q

2, ν) cos2(θ/2) + 2W1(Q2, ν) sin2(θ/2)

](6.3.5)

=πα2

4 | k |2 sin4(θ/2)

1

| k || k′ |[W2(Q

2, ν) cos2(θ/2) + 2W1(Q2, ν) sin2(θ/2)

]Les Wi(Q

2, ν) sont appelés les fonctions de structure. La dépendance deces fonctions envers les variables Q2 et ν est explicitée car en diffusion inélastiqueces deux variables ne sont pas (rigidement) liées. Expérimentalement, la détermi-nation des fonctions de structure W1 et W2 demande que l’on fasse varier k’ et θen maintenant Q2 et ν fixes. Cela permet de séparer les deux contributions.

Revenons à l’interprétation du phénomène comme l’addition incohérente dediffusions par l’ensemble des partons d’un nucléon. Si le processus élémentaire estla diffusion élastique sur un parton de masse m égale à une fraction f de la massedu proton, m = fM on peut poser en première approximation :

Q2 = 2mν = 2fMν

On s’attend donc à observer une corrélation entre Q2 et ν dans la régiondu DIS et voir la dépendance des Wi réduite (du moins asymptomatiquement) àune seule de ces variables. Par conséquent, on peut admettre qu’à Q2 et ν fixes laprobabilité de diffusion élastique élémentaire est liée à la probabilité de trouverle parton de masse fM dans le nucléon. L’effet de structure peut être exprimé enfonction du rapport :

f = xBjorken = x = Q2/2Mν

C’est l’hypothèse dite du “scaling de Bjorken”. Les fonctions de structure pré-

173

Page 174: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

sentent un ajustement de taille (“scaling”) :

quand Q2 →∞ et ν → ∞ à x = Q2

2Mν= fixé

MW1(Q2, ν) → F1(x)

νW2(Q2, ν) → F2(x)

(6.3.6)

Les résultats d’ expériences effectuées au SLAC 71 confirment qu’il existe unedépendance simple des fonctions de structure envers la variable x (1/ω dans l’ar-ticle) et que les fonctions F1(x) et F2(x) restent finies 72, même aux très grandesvaleurs de Q2 et de ν (figures 6.3.6 et 6.3.7)

Le terme ”scaling” signifie précisément que si l’on multiplie tout 4-vecteur(E,p) par une constante, ces fonctions Fi(x) restent inchangées.

R. Feynman 73 a donné une interprétation physique de cet effet de “scaling”.On se place comme observateur attaché à l’électron ; dans ce référentiel le protona une impulsion grande et on peut en négliger sa masse. Le photon sonde voitdonc passer un projectile extrêmement rapide et dispose d’un temps très courtO(1/ν) pour interagir. Grâce à une sorte d’effet stroboscopique, il voit les partons(qui fluctuent dans le proton) comme gelés en des positions données et il heurteun de ces partons. On admet que ce parton transporte la fraction f de la quantitéde mouvement du proton et que sa masse effective m = fM est négligeable parrapport à Q2 : m ≃ 0 (on parle de masse effective du fait que ce parton est lié auxautres partons dans le proton). On admet enfin qu’après l’interaction le partonest (presque) libre. Soit P = (| p |, 0, 0, | p |) la 4-impulsion du proton avant lacollision et fP celle du parton . Après la collision, la 4-impulsion du parton estfP + q telle que (fP + q)2 = m2 ≃ 0. On considère que la masse effective duparton ne s’accroît pas au cours de la collision ou qu’elle reste négligeable (ce quiest raisonnable, si l’on considère le parton libre et s’il n’y a pas d’états partoniquesexcités... !). Puisque f 2P 2 = f 2M2 = m2 ≃ 0, on obtient :

f = −q2/2Pq = Q2/2Mν ≡ x (6.3.7)

Notons que cette relation est applicable aussi dans le référentiel du laboratoire,car q2 et Pq sont des invariants de Lorentz.

Le diagramme de la figure 6.3.8 représente l’interaction du photon sonde avecun des partons du nucléon, les autres partons étant des spectateurs. Après l’in-teraction les partons reforment des hadrons par un processus compliqué appeléhadronisation (voir § 6.6). Le processus se déroule sur une échelle de temps trèsétendue en regard de la durée du processus élémentaire de diffusion.

71. M. Breidenbach et al. Phys. Rev. Lett. 23 (1969) 93572. Notons que ces deux fonctions ne sont pas à confondre avec les fonctions définies au § 6.2.73. R.P. Feynman Phys. Rev. Lett. 23 (1969) 1415

174

Page 175: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

6.4 La structure du proton.

Les prédictions théoriques concernant les fonctions de structure sont faites enadmettant que le parton est une particule de Dirac de spin 1/2. Ce parton estsymbolisé par q, où q peut être l’un des quarks u,d ou s,... ; sa charge électriqueen unité de la charge du positron est indiquée par zq. Il a une probabilité q(x)dxde se trouver dans le proton avec une quantité de mouvement comprise entrexP et (x + dx)P . Cette probabilité est une propriété intrinsèque au nucléon,indépendante des processus dont il peut être le siège. On utilise l’expression dela section efficace différentielle de diffusion de deux fermions de spin 1/2 (voir5.12.9), en effectuant la substitution α→ zqα :

dt= z2q

2πα2

t2

(1 +

u2

s2

)(6.4.1)

Dans la relation 6.4.1 et celles qui suivent dans ce paragraphe, il est convenu queles variables cinématiques s, t, u (avec chapeau) sont relatives au parton, tandisque les variables cinématiques s, t, u (sans chapeau) sont relatives au proton. Sil’on néglige les masses des partons, on peut montrer que (exercice) :

s ≃ xs u ≃ xu t = t = −Q2 (6.4.2)

Doncdσ

dt=

dtet

u2

s2=u2

s2

Dans la diffusion inélastique, on a besoin de deux variables cinématiques et on estamené à définir la section efficace doublement différentielle :

d2σ

dt(xdu)= z2q

2πα2

t2

(1 +

u2

s2

)δ(xs+ xu+ t) (6.4.3)

La fonction δ assure l’élasticité de l’interaction élémentaire : s + t + u ≃ 0 (lacontribution des masses est supposée négligeable). La structure en partons estprise en compte en insérant dans 6.4.3 la probabilité q(x)dx définie ci-dessus, enintégrant sur x et en sommant sur les partons présents. Cette sommation esteffectuée en identifiant les partons aux quarks. On obtient :

d2σ

dtdu=

2πα2

t2

(1 +

u2

s2

) 1∫0

dxδ(xs+ xu+ t)∑q

z2qxq(x) (6.4.4)

Remarquons que le facteur 1/t2 = 1/Q4 est extérieur à l’intégrale ; toute l’infor-mation sur la structure est contenue dans la somme et celle-ci est indépendantede Q, d’où le “scaling” de Bjorken. A partir de cela, on peut montrer que (voirpar ex. ref.12 § 12.5 :

175

Page 176: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

2xF1(x) = F2(x) =∑q

z2qxq(x) (6.4.5)

La relation 6.4.5 (dite de Callan et Gross (1969)) est une conséquence du faitque l’on considère les quarks comme des particules ponctuelles. On obtient, parexemple : F2 = x[4

9u(x) + 1

9d(x) + 4

9u(x) + 1

9d(x) + ...].

On s’intéresse à extraire les distributions partoniques q(x) des données re-cueillies en diffusion inélastique profonde. Dans ce but, il est nécessaire d’intro-duire certaines contraintes pour garantir que le nucléon (p ou n) ait les bonsnombres quantiques. Le proton a 2 quarks u et un quark d :

1∫0

dx(u(x)− u(x)) = 2 et1∫

0

dx(d(x)− d(x)) = 1 (6.4.6)

Sa charge baryonique est 1 et son isospin I3 = 1/2, d’où :

B =

1∫0

dx1

3(u(x)− u(x) + d(x)− d(x) + s(x)− s(x) + ...) = 1 (6.4.7)

I3 =

1∫0

dx

[1

2(u(x)− u(x))− 1

2(d(x)− d(x))

]=

1

2(6.4.8)

Des expressions similaires peuvent être décrites pour les charges d’étrangeté, decharme, ... (Str = Cha = ... = 0).

Ensuite il faut exprimer la section efficace différentielle de diffusion en termedes q(x) et effectuer un ajustement de la forme obtenue aux valeurs mesurées decette section efficace. Par exemple pour la diffusion inélastique ep→ eX on peutétablir l’expression :

dx(e− p) = 8πα2s

Q4x

4

9[u(x) + u(x)] +

1

9

[d(x) + d(x) + s(x) + s(x)

](6.4.9)

La symétrie d’isospin p− n au niveau des quarks amène à postuler que :

up(x) = dn(x), dp(x) = un(x), sp(x) = sn(x) (6.4.10)

176

Page 177: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Si on tient compte de ces relations et si on convient que u = up, d = dp, s = sp,la section efficace de diffusion sur le neutron peut s’écrire :

(6.4.11)dσ

dx(e− n) = 8πα2s

Q4x

4

9

[d(x) + d(x)

]+

1

9[u(x) + u(x) + s(x) + s(x)]

Mentionnons que la structure du nucléon peut être sondée également par ladiffusion inélastique profonde de neutrino : νℓN → νℓX et νℓN → ℓX, où ℓ = e, µ.Le mécanisme d’interaction consiste dans ce cas dans l’échange d’un boson faible(Z,W). La section efficace différentielle prend une forme voisine de celle de larelation 6.3.5. Toutefois on est amené à introduire trois fonctions de structure partype de nucléon (et d’antinucléon), en raison de la nature particulière du courantfaible (voir chapitre 7).

La grande quantité de données collectées a permis de tirer des renseignementssur la structure interne du nucléon. La figure 6.4.1 montre une paramétrisation desdistributions partoniques en fonction de la variable x. La théorie QCD a confirméque cette vision partonique du nucléon est correcte, en première approximation.En introduisant la composante gluonique du nucléon, QCD est aussi capable d’ex-pliquer la violation du scaling visible sur la figure 6.3.7 (les courbes sur cette figurereprésentent la prédiction théorique). La figure 6.4.2 donne une interprétation dela forme des distributions partoniques, dans le cas d’un seul quark par hadron, 3quarks libres, 3 quarks liés (quarks de valence) et 3 quarks liés avec la possibilitéde créer des paires de quarks virtuelles (quarks de la mer).

6.5 L’annihilation e+e− → γ∗ → qq.

Au chapitre 5 on a présenté l’annhilation e+e− avec production d’une pairelepton-antilepton :

e+e− → γ∗ → ℓℓ , où ℓ = e, µ ou τ

Rappelons que la section efficace différentielle dans le c.m. e+e−, au premier ordreet loin de la région de formation d’un boson intermédiaire Z, peut être écrite sousla forme (voir 5.12.11) :

dσNP

dΩ(e+e− → ℓℓ) =

α2

4q2(1 + cos2 θ) (6.5.1)

et la section efficace intégrée sous la forme (5.12.12) :

σNP(e+e− → ℓℓ) =

4πα2

3· 1s

(6.5.2)

avec : q2 = 4E2faisceau et 2Efaisceau =

√s

177

Page 178: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’indice NP indique que les faisceaux sont supposés non polarisés et que l’ap-pareillage de détection est insensible à la polarisation des leptons produits.

Rappelons encore que les relations 6.5.1 et 6.5.2 ne sont pas applicables à ladiffusion Bhabha : e+e− → e+e−.

Ces prédictions théoriques ont été testées expérimentalement sur la voie e+e− →µ+µ−, dans une large plage en énergie ; la dépendance générale en 1/s est vérifiée.

On peut considérer l’extension de ces prédictions à la réaction d’annihilation :

e+e− → γ∗ → qq

où q(q) symbolise un quark (antiquark) de charge électrique zq, avec zq = 2/3 ou1/3.

On tient compte de la charge fractionnaire du quark en effectuant à nouveaula substitution suivante α2 → z2qα

2 dans les relations 6.5.1 et 6.5.2 :Rappelons que les quarks ne sont pas observables comme particules libres. Ils

peuvent être mis en évidence via la formation de hadrons à laquelle ils donnentlieu par le mécanisme de la “fragmentation” (le processus est étudié en détail au§ 6.6). Expérimentalement, la séparation des voies d’annihilation en leptons et enhadrons implique la mise en oeuvre d’un appareillage de détection complexe etrequiert l’application de critères de sélection adéquats. Les paires de muons sontaisément reconnaissables vu la relative longue durée de vie de ce lepton et songrand pouvoir de pénétration dans la matière. Les paires de tau sont plus difficilesà séparer car ce lepton se désintègre dans 66% des cas en hadrons (essentiellement3 pions). La voie d’annihilation en hadrons donne naissance principalement à desévénements à haute multiplicité ; dans les expériences au LEP, on a demandé ty-piquement la présence d’au moins 8 hadrons pour qu’un événement soit classécomme annihilation hadronique. Une autre source importante de bruit de fondest constituée par le processus communément appelé ”à deux gamma”, qui est re-présenté par le diagramme de la figure 6.5.1. Un photon de rayonnement (virtuel)est engendré par chacune des particules incidentes ; les deux photons interagissenten se matérialisant en hadrons. En général, la fraction d’énergie soustraite auxfaisceaux est petite ; l’e− et l’e+ poursuivent leur course faiblement déviés et res-tent confinés dans le canal du faisceau, échappant de ce fait à la détection parl’appareillage. Par conséquent, on peut admettre que les événements purementhadroniques, à haute multiplicité et avec une large fraction de l’énergie disponibleemportée par les hadrons, sont essentiellement dus à l’annihilation hadronique.

Les résultats d’analyse sont généralement présentés sous la forme d’un rapport :

R =σ(e+e− → hadrons)σ(e+e− → µ+µ−)

=Nhadrons

Ndimuons· εdimuons

εhadrons(6.5.3)

où :

178

Page 179: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Nhadrons etNdimuons sont les nombres d’événements sélectionnés et se rapportantà la même période d’acquisition de données ;

εhadrons et εdimuons sont les efficatités de mesure ; ces facteurs ont été déterminésau préalable à l’aide de programmes de simulation par méthode de Monte Carlo.

Notons que le rapport R ainsi défini est indépendant de la luminosité intégrée,paramètre qu’il faudrait connaître si l’on voulait passer directement de Nhadrons àla section efficace σ(e+e− → hadrons), (voir § 1.5). Par ailleurs, on considère queles caractéristiques physiques de cette section efficace sont correctement reflétéesdans R, étant donné la connaissance approfondie qu’on a des caractéristiques deσ(e+e− → µ+µ−), (voir chapitre 5).

La figure 6.5.2 montre comment le rapport R varie en fontion de l’énergiedu faisceau

√s/2. Sur la gauche du graphique, on observe des pics suggérant

l’existence d’un mécanisme résonnant comme celui représenté dans le graphiquede la figure 6.5.3 et qui peut être représenté par la réaction en chaîne :

e+e− → γ∗ → résonance(JPC = 1−−)→ℓℓ(+γ)hadrons(+γ)

La masse de l’état résonnant est liée à la position du pic, ses nombres quantiquesJ, P sont ceux du photon ; ses modes de désintégration et rapports d’embran-chement se reflètent dans la nature des particules finales observées et dans leursproportions.

Un autre fait à remarquer dans le graphique de la figure 6.5.2 est la présencede paliers approximatifs dans les valeurs du rapport R, chaque palier s’amorçantau niveau d’une (de) résonance spécifique, par exemple le ϕ, le J/ψ et l’Υ. Cettestructure en escalier est mise en relation avec les seuils de production des pairesde quarks des différentes familles connues, p. ex.. : ϕ → ss, J/ψ → cc, Υ → bb.On s’attend à trouver encore un escalier au seuil X → tt, c’est à dire

√s ≃ 360

GeV. On peut également chercher à rendre compte du niveau de ces paliers enpartant du modèle des quarks et en utilisant les prédictions de 6.5.2 . Le tableau6.6.1 donne les voies ouvertes à partir de différents seuils en énergie (

√s/2) et les

valeurs attendues du rapport R. Ces prédictions s’écartent des valeurs mesuréesde R par un facteur d’environ 3. Toutefois la concordance peut être rétablie sil’on tient compte du fait que le quark porte une charge de couleur susceptible deprendre trois valeurs différentes. Une paire qq peut donc être produite dans troissous-états de couleur, ce qui multiplie par trois le nombre de voies effectivementouvertes. D’autres implications du concept de la couleur 74 seront étudiées auchapitre 8.

74. Notons que d’autres modèles de quarks ont été proposés. Dans le modèle de Nambu, parex., les quarks ont des charges électriques entières (ou nulles). Ces charges ne sont différentes dezéro que pour certaines couleurs, de telle sorte que si l’on en fait la moyenne sur les différentescouleurs impliquées, on retrouve les valeurs prédites par le modèle de Gell-Mann, ainsi que lesvaleurs de R du tableau 6.6.1.

179

Page 180: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

6.6 Production de jets hadroniques dans l’annihilation e+e−.

Comme on l’a mentionné au § 6.5, la paire quark-antiquark produite donnelieu au phénomène d’hadronisation ou fragmentation : l’énergie du systèmeqq se convertit en énergie de masse et en énergie cinétique d’un certain nombre dehadrons. A partir d’un

√s de l’ordre de 5 à 10 GeV, on observe que ces hadrons

forment des gerbes collimatées, qu’on appelle des jets. Ce processus est illustrédans les figures 6.6.1 a) et b).

√s/2 Rés. Voies R R

seuil Ouvertes sans la charge couleur avec...[GeV]

≃0.4 ρ, ω dd, uu (13)2 + (2

3)2 = 5

91.66

≃0.5 ϕ dd, uu, ss (13)2 + (2

3)2 + (1

3)2 = 2

32.

≃1.6 J/ψ dd, uu, ss, cc (13)2 + (2

3)2 + (1

3)2 + (2

3)2 = 10

93.33

≃4.8 Υ dd, uu, ss, cc, bb (13)2 + (2

3)2 + (1

3)2 + (2

3)2 + (2

3)2 = 11

93.66

≃180. X dd, uu, ss, cc, bb, tt (13)2 + (2

3)2 + (1

3)2 + (2

3)2 + (1

3)2 + (2

3)2 = 15

95.

Table 6.6.1 – Rapport R = σ(e+e− → qq)/σ(e+e− → µ+µ−) prédit par le modèledes quarks standard de Gell-Mann, sans et avec la charge de couleur.

180

Page 181: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.2.2 – Facteurs de forme magnétique et électrique du proton et du neu-tron.

181

Page 182: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

π+ π0

π0π+

π+

π+

0.8 fm

pnp p p p

p n n p

Figure 6.2.3 – Image de la structure du proton comme étant celle d’un centredur ponctuel, entouré par un nuage de pions virtuels (à la Yukawa). Les résultatsexpérimentaux sont en desaccord avec cette représentation.

182

Page 183: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

2Mν

resonances’

elastique’

DIS

Q2

a)

GeV 2[ ]2Q

W 2GeV2[ ]15010050

0

50

100

112

2

b)

1 GeV minlimite elastique

,

Figure 6.3.1 – a) : les régions de la diffusion ep. b) les domaines que l’on peutexplorer avec des faisceaux de 20 et 56 GeV.

183

Page 184: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.3.2 – Diffusion d’électrons de 400 MeV sur des noyaux d’He, à 45 .

184

Page 185: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.3.3 – Diffusion d’électrons de 4.879 GeV sur des noyaux d’H.

185

Page 186: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.3.4 – Diffusion d’électrons sur des noyaux d’H, pour trois ordres degrandeurs de Q2.

186

Page 187: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

a)

c)

qq

b)

Figure 6.3.5 – Diffusion inélastique e-proton a) diagramme de base ; b) le photontouche le quark après émission d’un gluon ; c) le photon touche un quark de lamer (voir aussi 6.41 b).

187

Page 188: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.3.6 – Ajustement de taille ( “scaling”). Dépendance en x des fontionsF1 et F2 pour une série de mesures à Q2 > 1 GeV2.

188

Page 189: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.3.7 – Facteur de forme F2(x,Q2) du nucléon déterminé par diffusion

inélastique. Un facteur multiplicatif (entre parenthèse) a été appliqué à F2 afind’étendre la plage des valeurs d’x représentée sur la figure.

189

Page 190: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Hadrons

PxP

q

xP+q

(1−x)P

Figure 6.3.8 – Diagramme de la diffusion d’un lepton sur un parton qui trans-porte une fraction xP de l’impulsion du proton.

Figure 6.4.1 – Exemple de paramétrisation des fonctions q(x) (la courbe g(x)donne la contribution des gluons).

190

Page 191: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

1)

2)

3)

4)

F2

F2

F2

F2

1

petit x

x

x

x

x

1/3

1/3

1/3

quarks de la mer

quarks de valence

Figure 6.4.2 – Interprétation de la fonction de structure d’un proton dans lessituations suivantes : 1) un seul quark par proton, 2) 3 quarks libres, 3) 3 quarksliés, 4) 3 quarks liés, avec la possibilité de créer des quarks de la mer.

e+

e−

γ

γ

Figure 6.5.1 – Diagramme du processus “à deux gamma”.

191

Page 192: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.5.2 – R = σ(e+e− → hadrons)/σ(e+e− → µ+µ−) en fonction deEfaisceau =

√s/2.

f

ρ, ω, φ

fe+

e−

Figure 6.5.3 – Diagramme du mécanisme de résonance dans l’annnihilatione+e− → qq.

192

Page 193: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

HADRON

SAT

ON

I

I .......

.

.

..

..

..

..

.

. . . . . . ..

.

..

...

..

.

.

..

..

..

..

.

....... .

.

..

..

..

..

........

.

.

. . . . . . ..

...

...

..

.

.

..

..

..

..

.

....... .

.

a) b)

e

e

q

q−−

+

Figure 6.6.1 – a) e+e− → deux jets de hadrons. b) événement observé par ledétecteur TASSO au collisionneur PETRA (Hambourg).

193

Page 194: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On fait l’hypothèse que les jets de hadrons sont produits en moyenne dans ladirection de propagation des constituants de la paire qq originale 75. La distributionangulaire des jets devrait donc vérifier la dépendance en (1 + cos2 θ) typique del’annihilation en fermions de spin 1/2 (voir 6.5.1). Le graphique de la figure 6.6.2montre que cette prédiction est vérifiée par l’expérience. Remarquons que dansl’annihilation en bosons de spin 0 on aurait une dépendance en sin2 θ.

Figure 6.6.2 – Dépendance angulaire de la production de jets dans l’annihilatione+ e− → hadrons. La courbe représente la fonction ((1 + cos2 θ).

On observe aussi des événements à 3 jets, comme celui de la figure 6.6.3 b). Onsuppose qu’un de ces jets est associé à l’émission d’un gluon, suivant le diagrammede la figure 6.6.3 a). Il n’est pas possible de reconnaître avec certitude le jet associéau gluon ; les modèles suggèrent que dans environ 70% des cas c’est le jet le moinsénergétique.

Les résultats de mesures de corrélation angulaire sont compatibles avec l’hy-pothèse que le gluon est de spin un. Remarquons que la production de jets estobservée aussi dans les collisions à haute énergie proton-antiproton et lepton-nucléon.

Toute interprétation microscopique du mécanisme de la production de jets

75. Expérimentalement, l’identification de jets parmi l’ensemble des particules d’un événementimplique la mise en oeuvre d’algorithmes complexes.

194

Page 195: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

hadroniques doit prendre en compte le fait que l’énergie convertie en hadrons dansle c.m. du système reste concentrée autour de la direction des quarks primaires.

Un premier modèle d’interprétation phénoménologique a été proposé par Fieldet Feynman 76 qui se base sur l’analyse de jets produits par collision hadron-hadron. Dans ce modèle les partons (quarks) du projectile et de la cible diffusentpuis fragmentent en hadrons de façon indépendante, sous réserve que les lois deconservation de (E,p) restent satisfaites. Les données expérimentales sont bienreproduites, entre autre la distribution transversale des hadrons de fragmentation,sauf dans la région entre les jets (voir plus loin).

Le modèle phénoménologique actuel le plus populaire est celui de la corde(“string”) 77. Il est utilisé par exemple dans les Monte Carlo de l’Université deLund, nommée “JETSET” et “PYTHIA”.

e

e

q

q−−

+

g

a) b)

Figure 6.6.3 – Production d’événements à trois jets dans l’annihilation e++e− →hadrons.

L’idée est que le champ d’interaction forte entre le quark et l’antiquark quis’éloignent évolue différemment du champ e.m.. A distance ≪ 1 fm, le potentieldécroît en 1/r (comme le potentiel Coulombien) ; à partir de O 1 fm, au contraireil croît linéairement. Dans une approche non relativiste, on peut décrire cetteévolution par (figure 6.6.4) :

V (r) ≈ −4

3

αs(r)

r+ kr (6.6.1)

Le premier terme de droite de 6.6.1 correspond à une phase “perturbative” del’interaction forte à courte distance, avec αs(r) valant typiquement 0.1 à 0.5 (dans

76. R.D. Field and R.P. Feynman, Phys. Rev. D15 (1977) 2590.77. Voir par ex. ref. 7, vol2, chap. 25.

195

Page 196: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

[r GeV −1]

−20

−15

−10

−5

0

5

10

15

20

0.01 0.1 1 10 100

V(r

) [G

eV

]

Figure 6.6.4 – Variation du potentiel d’interaction forte entre le quark et l’anti-quark. Note : la variable reportée en abscisse est effectivement ℏcr, où on a poséℏc = 1.

la figure 6.6.4 on a posé 0.2). Au delà du fm, la partie linéaire du potentiel prendle dessus. On imagine qu’entre les deux quarks (figure 6.6.5), il y a formation d’untube de lignes de forces appelé usuellement une corde (“string”) de paramètre(tension) k, où :

k = 0.2 GeV2 k/ℏc ≃ 1 GeV/fm.

La corde décélère les deux quarks ; il y a conversion de l’énergie cinétique desquarks en énergie potentielle dans la corde. Si l’énergie cinétique initiale est faible,les deux quarks se comportent comme un Yo-Yo et ils oscillent perpétuellement.La figure 6.6.6 montre une paire qq, sans masse qui oscille sous la contrainte d’uneforce de rappel : dp/dt = ±kt. La trajectoire dans l’espace-temps est inclinée si lec.m. est en mouvement par rapport au repère utilisé (figure 6.6.6 b) Par contre,si l’énergie est suffisante pour créer une deuxième paire quark-antiquark, les deuxquarks s’éloignent jusqu’à ce que la corde se casse et se sépare en deux parties.Et ainsi de suite (figure 6.6.6 c). La production de mésons et de baryons parfragmentation peut se représenter par un diagramme où chaque type de hadron

196

Page 197: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

a) b)

Figure 6.6.5 – Lignes de flux du champ de couleur a) : à une distance ≪ 1 fm,elles ont une configuration voisine de celle des lignes du champ e.m. entre deuxcharges opposées ; b) si l’on éloigne les deux quarks au delà de ≃ 1 fm, ces lignesse concentrent en un tube de flux appelé corde (“string”).

X X X

a) b) c)

t t t

Figure 6.6.6 – a) une paire quark-antiquark de masse nulle oscille autour de soncentre de masse supposé immobile par rapport au repère (si la masse était nonnulle les trajectoires seraient des hyperboles) ; b) la même paire si le c.m. est enmouvement ; c) une corde, dont le c.m. est au repos dans le repère, se coupe enquatre morceaux.

est reconnaissable à sa structure en quarks (voir figure 6.6.7).Le modèle de la corde, essentiellement monodimensionel, explique de façon

naturelle la concentration des trajectoires de particules dans les jets. Expérimen-

197

Page 198: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.6.7 – Représentation intuitive du contenu en quarks des hadrons. Engris les mésons (qq) et en noir des baryons (3 quarks). Les deux quarks primaires(leading quarks) se retrouvent dans les hadrons au bout de la corde.

talement on constate une certaine dispersion de ces trajectoires, même dans lesjets les plus énergétiques que l’on sait produire. La dispersion est plus ou moinsgaussienne autour de la direction moyenne du jet :

dp2t∼ exp(−σtp2t ) (6.6.2)

où : pt est la composante de la quantité de mouvement dans le plan perpendiculaireà l’axe du jet. Le paramètre σt a été déterminé empiriquement et vaut environ 1.5GeV−2.

On peut interpréter phénoménologiquement cette dispersion en imaginant quela corde a des modes d’oscillation transversaux ou qu’elle est le siège d’une sorted’agitation thermique.

Par delà cette description phénoménologique un certain nombre de problèmesdoivent être résolus :

• lorsque un hadron est produit, quelle fraction z d’énergie et d’impulsion longi-tudinales emporte-t-il ?

Pour une paire quark-antiquark les Monte Carlo de Lund utilisent une expres-sion de la forme (fonction de fragmentation) :

f(z) =(1− z)a

zexp

(−bm

2t

z

)(6.6.3)

198

Page 199: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

q q

q

g

q

q q

a) b)

c)

g g

cordecord

e

Figure 6.6.8 – Evénement à trois jets ; a) la corde s’étire entre le quark, le gluonet l’antiquark. Les flèches indiquent la direction du mouvement de la corde àmi-chemin entre les jets ; b) structure de l’événement à trois jets dans l’espacedes impulsions dans le modèle de fragmentation à corde (idéalisée, sans agitationlatérale) et c) dans le modèle à fragmentation indépendante.

où mt est la “masse transversale” du hadron : mt = (m2 + p2t )12 et a et b sont des

paramètres à fixer expérimentalement.

• dans quelles proportions les quarks de différentes saveurs sont-ils produits ? Avecquelle probabilité va-t-on produire une paire qq avec une saveur spécifique ? Pour

199

Page 200: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

q q

corde

a) b)

q q

γ

Figure 6.6.9 – Evénement à deux jets et un photon dur ; a) la corde s’étire entrele quark et l’antiquark ; b) structure dans l’espace des impulsions pou le modèlede fragmentation à corde (idéalisée, sans agitation latérale).

une paire qq de saveur donnée on postule une probabilité de création de la forme :

Prob(qq) ∝ exp

(−πm2

q

K

)(6.6.4)

où K est un paramètre empirique.

Tenant compte des masses estimées, on trouve des probabilités relatives :

P (uu)/P (dd)/P (ss)/P (cc) ≃ 1/1/0.3/10−11 (6.6.5)

La production de quarks lourds (c,b,...) est donc fortement inhibée lors de l’ha-dronisation. On observe néanmoins que des quarks lourds peuvent être créés dansles processus d’hadronisation à grand transfert d’énergie tels que ceux engendréspar la paire qq primaire. Dans ces circonstances, le facteur masse du quark joue unrôle moins important et la relation 6.6.4 doit être modifiée dans ce sens. D’autresparamètres doivent être déterminés, par exemple définir quand (et comment) pro-duire des mésons pseudoscalaires ou vectoriels. Au total les programmes JETSETet PYTHIA comportent plusieurs dizaines des paramètres et options à ajuster.

Dans un événement à trois jets, la corde subit une déformation dans la directiondu gluon (figure 6.6.8 a). La topologie des hadrons produits en sera affectée. Lemodèle de la corde prédit un dépeuplement de la région entre les deux quarks, cequi est en désaccord avec la prédiction du modèle à fragmentation indépendante,(figure 6.6.8 b et c).

Ces prédictions du modèle de la corde sont confirmées, qualitativement, par lesrésultats de différentes expériences (à PEP, à PETRA et au LEP). En particulieron a comparé les topologies d’événements à 3 jets associés à l’émission d’un gluon(qqg) et à 2 jets avec émission d’un gamma radiatif (qqγ). Ces topologies sont

200

Page 201: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 6.6.10 – Comparaison des événements qqγ et des événements qqg ; a) défi-nition de l’angle ϕ ; b) résultats expérimentaux à PEP et c) au LEP ; distributionspolaires du nombre moyen de particules calculé sur une centaine d’événements parclasse ; on a admis que le jet associé au gluon est le moins énergétique des troisjets ; dans la région située entre les jets de quarks (région fléchée), on observeune différence entre les nombres d’événements/classe dans le sens attendu par lemodèle de la corde.

illustrées à la figure 6.6.9. Le photon, contrairement au gluon, ne participe pasà l’interaction forte ; la corde entre le quark et l’antiquark conserve une grandeénergie potentielle (corde tendue). Il doit en résulter un excès de particules entreles deux jets de quarks dans les événements de type qqγ par rapport aux événe-ments du type qqg. C’est effectivement ce qu’on observe sur la figure 6.6.10 b etc.

201

Page 202: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

7 L’interaction faible.

7.1 Introduction.

Dans le Modèle Standard, les vecteurs de l’interaction faible (WI) sont les “bo-sons intermédiaires” W± et Z. Ces bosons sont massifs (contrairement au photon),ce qui a comme conséquence que la portée de l’interaction faible est très courte.Leur masse est de l’ordre de 100 GeV, leur largeur de l’ordre de 2 GeV et ils ontune grande variété de voies de désintégration (voir la table PDG).

Si on décrit l’élément de matrice WI en terme de courant de probabilité (voirchapitre 5 pour l’interaction e.m.), on peut classer ces courants faibles en deuxcatégories :

1) les courants chargés 78 (CC), ayant pour médiateurs les bosons W±.

Les processus qu’ils engendrent sont connus depuis longtemps et ont été étudiésbien avant que la théorie électrofaible ait été élaborée (1967-68) 79. On distingue :

• les processus purement leptoniques, tels que la désintégration du muon (fi-gure 7.1.1).

νeν µ

µ

W

e

Figure 7.1.1 – Diagramme de la désintégration purement leptonique µ− → e− +νe + νµ

• les processus purement hadroniques, tels que la désintégration du Λ (fi-gure 7.1.2).

Q. : dessiner le diagramme de la désintègration Λ→ π0 + n.

• les processus semileptoniques, tels que la désintégration β du neutron (fi-gure 7.1.3).

78. On trouve parfois la formulation “avec ou sans changement de charge”.79. Ce qu’on désigne aujourd’hui sous le nom de Modèle de Glashow, Weinberg, Salam (voir

ref 5).

202

Page 203: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

W

d u s

d u u u d

Λ

p π

Figure 7.1.2 – Diagramme de la désintégration purement hadronique Λ→ π−+p

p

ddu

du u

n

e νe

W

Figure 7.1.3 – Diagramme de la désintégration semileptonique n→ p+ e− + νe

2) les courants neutres (CN), ayant pour médiateur le boson Z.

Expérimentalement, ce n’est qu’en 1973 que des processus régis par l’échange

203

Page 204: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

d’un boson Z (virtuel) ont été identifiés, c’est à dire plusieurs années après lapublication du modèle de Glashow, Weinberg, Salam. La première observation aété faite dans une expérience réalisée au PS du CERN avec la chambre à bullesGargamelle remplie de fréon liquide et exposée dans un faisceau de νµ(νµ) 80. Deuxtypes d’événements ont été identifiés à cette occasion, répondant à la signatureattendue :

a) νµ + e− → νµ + e−

où l’électron initial est un électron d’une couche atomique ;

b) νµ(νµ) +N → νµ(νµ) +X

où le N initial est le nucléon d’un noyau et X représente un ou plusieurshadrons.

Le mécanisme de ces processus est représenté par les diagrammes de la fi-gure 7.1.4. L’interprétation en terme de courant faible neutre (échange de Z) ap-

νµ

νµ

Z

e

e

hadronsνµ

µν

Z

a) b)

Figure 7.1.4 – Diagrammes de a) νµ + e− → νµ + e− ; b) νµ +N → νµ +X

paraît non ambiguë. L’échange d’un W± impliquerait nécessairement la présenced’un muon dans l’état final. Les événements observés se caractérisent justementpar l’absence de muon.

Q. : dessiner les diagrammes de processus auxquels donnerait lieu l’échange deW±.

Ces premiers résultats ont été confirmés par la suite en recourant à différentestechniques de mesure. De plus, les expériences ont été étendues à d’autres proces-sus impliquant un courant (faible) neutre (voir § 7.4).

80. F.J. Hasert et al. Phys. Letters 46B (1973) 121 et 46B (1973) 138.

204

Page 205: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

7.2 Premières observations des bosons W± et Z.

L’observation de bosons W± et Z réels a constitué une deuxième étape im-portante dans le test des prédictions du modèle de Glashow, Weinberg, Salam.Cette étape a été franchie dans la décennie 1980, grâce aux progrès réalisés dansle domaine des accélérateurs et dans celui des détecteurs de particules. Avec lamise en exploitation au CERN en 1982 du collisionneur p− p (Ec.m. = 540 GeV)les expérimentateurs ont disposé des moyens nécessaires à la production de bo-sons W± et Z. Deux des détecteurs installés sur l’anneau de collisions (ceux desexpériences UA1 et UA2) ont été conçus spécialement pour permettre l’identifi-cation des leptons chargés et des hadrons issus des collisions et la mesure de leurdirection de propagation et de leur énergie 81. Ces détecteurs ont essentiellementles caractéristiques de ceux décrits au § 1.6.

q

q

p

q qqq

qqp

X

X,

W ou Z

Figure 7.2.1 – Mécanisme de production d’un boson W± ou Z dans la collisionproton-antiproton.

Le diagramme de la figure 7.2.1 montre comment on se représente le mécanismede production d’unW± ou d’un Z. On admet qu’un des (3) quarks du proton et undes (3) antiquarks de l’antiproton participent effectivement à la réaction. Les deuxautres quarks (antiquarks) ne jouent qu’un rôle de spectateurs et donnent lieu parfragmentation à un jet de hadrons X et un jet d’antihadrons X’. Une fois créé, leboson W± ou Z se désintègre par interaction faible en une paire de quarks (qq)ou en une paire de lepton (ℓℓ). Bien que dominantes, les voies de désintégrationen quarks sont difficiles à séparer, les hadrons auxquels elles donnent lieu parfragmentation étant mêlés aux autres hadrons de l’événement. C’est pourquoi larecherche initiale s’est concentrée sur les modes de désintégration leptoniques, etplus spécialement sur les voies :

W± → e+(e−) + νe(νe)

Z → e+ + e− ou µ+ + µ−

81. G. Arnison et al. (UA1 collaboration) Phys. Letters 122B (1983) 103 et 126B (1983) 398.M. Banner et al. (UA2 collaboration) Phys. Letters 122B (1983) 476 et 129B (1983) 130.

205

Page 206: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 7.2.2 – Evénement présentant la signature de la désintégration leptoniquedu boson Z produit lors d’une collision p− p.

La procédure d’analyse mise en oeuvre dans la cas du boson W a été exposée au§ 3.2. Les premières valeurs de masse publiées ont été les suivantes :

MW = 80+10−6 GeV/c2, pour la collaboration UA1

= 80+5−5 GeV/c2 , pour la collaboration UA2

L’annonce de la découverte du boson Z est venue ultérieurement à celle du W .C’est que la section efficace de production du Z est dix fois plus faible que celledu W , il a donc fallu plus de temps pour recueillir un nombre significatif d’événe-ments. Par ailleurs, l’identification du Z est plus aisée que celle du W car les deuxleptons issus de la désintégration sont chargés et donc détectés par l’appareillagede mesure. La figure 7.2.2 montre un événement typique sélectionné dans l’appa-reillage d’UA1 ; on distingue les deux jets de hadrons issus des quarks spectateurset les deux leptons issus du boson Z. L’énergie déposée par la paire e+ − e−

dans le calorimètre électromagnétique peut être représentée dans un graphiquebidimensionnel (lego, voir la figure 7.2.3). On peut vérifier que les composantestransversales de cette énergie se compensent. Dans la figure 7.2.3 b on représenteun événement où l’un des leptons est accompagné d’un photon de freinage. Lamasse du boson peut être déterminée à partir du calcul de la masse effective despaires e+e− :

meff = [(Ee+ + Ee−)2 − (pe+ + pe−)

2]12 (7.2.1)

La figure 7.2.4 a) montre le spectre de la masse effective obtenu.

206

Page 207: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 7.2.3 – Evénements candidats à Z → e++e−. a) représentation de l’éner-gie déposée dans le calorimètre e.m. par l’e+ et l’e− ; la direction des trajectoiresest définie par l’angle θ par rapport à l’axe des faisceaux et l’angle ϕ autour decet axe. b) événement dans lequel un des leptons a subi une diffusion inélastiqueavant son entrée dans le calorimètre ; le photon de freinage donne également unsignal dans ce calorimètre

Figure 7.2.4 – Spectres de masse effective meff pour des événements candidatsà Z → ℓ+ℓ−, où ℓ± = e± et µ±.

207

Page 208: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’appareillage d’UA1 permettait l’identification et la mesure de muons. Lafigure 7.2.4 b) montre le spectre de masse effective de paires µ+µ−, où les muonssont issus de la désintégration Z → µ+ + µ−. La différence entre les nombresd’événements des histogrammes de la figure 7.2.4 est un reflet de la différenced’efficacité du déclenchement sur ces deux voies de désintégration. L’ajustementd’une fonction de résonance de Breit-Wigner tenant compte des incertitudes demesure a permis de donner une première estimation de la masse et de la largeurdu Z :

MZ = 95.2± 2.5 GeV/c2 ; ΓZ < 5.1 GeV/c2 (UA1)

= 91.9± 1.9 GeV/c2 ; ΓZ < 11 GeV/c2 (UA2)

7.3 Les processus à courants chargés.

7.3.1 La Théorie de Fermi.

E. Fermi en 1934 a donné une interprétation de la désintégration β radioactive.Il s’est basé sur le modèle d’interaction e.m. (figure 7.3.1 a) pour lequel l’amplitudede Lorentz a la forme :

jµAµ ≡ jµ

1

q2j′µ (7.3.1)

A l’époque on ne savait rien des bosons intermédiaires. A défaut d’informationsur l’agent de l’interaction faible, Fermi a supprimé le propagateur, ce qui revientà admettre que cette interaction est ponctuelle (figure 7.3.1 b) :

1

q2jµ

j’µ

j’µ

a) b)

Figure 7.3.1 – Diagramme avec boson et diagamme avec interaction ponctuelle.

Pour le processus n→ p+e+νe, Fermi a construit une amplitude de la forme :

M≈ jW (np)µ · jW (eνe)µ (7.3.2)

208

Page 209: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

où jW désigne un courant faible vectoriel par analogie avec le courant e.m.(voir § 5.2). D’autre part il a introduit un paramètre de couplage GF analogue àαem.

√GF est en quelque sorte associé à une “charge faible” des particules.

L’énergie en jeu lors d’une désintégration β est petite, ce qui amène Fermi àconsidérer que | M | est constante dans le calcul de la probabilité de transition(voir § 3.2) :

W =2π

ℏG2F | M |2

dN

dE(7.3.3)

Le spectre d’ énergie de l’e− est donc uniquement déterminé par le terme “d’espacede phase” dN

dE. Ce spectre avec mν = 0 a la forme :

N(| p |) ∝| p |2 (E0 − E)2 (7.3.4)

Cette forme est bien reproduite par les résultats d’expérience, ce qui valide aposteriori l’approximation | M |≃ cte. A cause de la grande masse du nucléon,l’énergie disponible E0 est partagée presque exclusivement entre l’e et l’ νe.

La constante GF est une mesure de l’intensité de l’interaction. Elle peut êtredéterminée en comparant la prédiction de 7.3.3, intégrée sur tout l’espace de phase,à la probabilité de transition mesurée. On trouve :

GF = 1.166 10−5 GeV−2 (7.3.5)

Remarquez que GF a la dimension [1/E2] alors que αem est sans unité 82. Cela estdû à l’absence du propagateur en 1/q2.

Cette version de la théorie de Fermi ne s’applique qu’aux transitions dites “deFermi” dans lesquelles les noyaux (ou les hadrons) initial et final sont dans le mêmeétat de spin. Cette limitation est inhérente au choix du courant faible vectoriel(voir § 7.4). Dans le cas d’un changement d’état de spin entre les noyaux initial etfinal et émission d’une paire de leptons avec un moment angulaire orbital non nul(par ex. dans 6He(JP = 1+)→ 6Li(JP = 0+) + e− + νe), on parle de transitionde Gamow-Teller 83.

Différents perfectionnements de la théorie devront encore être apportés pourparvenir à rendre compte des données expérimentales. Par exemple la structure ducourant faible devra être adaptée pour inclure la violation de la parité, comme onl’a exposé au chapitre 4. La description d’un processus faible tel que : νµ + e− →µ− + νe en est un autre exemple. Si l’on suppose l’interaction ponctuelle à la

82. On a posé ℏc = 1 ; si on veut rétablir la dimension correcte de GF , il faut écrire GF /(ℏc)3 =1.166 10−5 GeV−2.

83. Auteurs d’une nouvelle version de la théorie. Par ailleurs George Gamow est le concepteurdu Big-Bang. Edward Teller est le concepteur de la bombe H et de la guerre des étoiles ; ilproposait de construire un accélérateur pour envoyer un faisceau de particules sur l’URSS. Ceprojet a été considéré irréalisable à cause du champ magnétique terrestre. Un vrai bienfaiteurde l’humanité, surnommé “E-T”, d’après Spielberg !

209

Page 210: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Fermi, le calcul donne une dépendance en énergie de la section efficace différentielleangulaire de la forme 84 :

νe

ee

µ

νµ

Figure 7.3.2 – Interprétation du processus νµ+e− → µ−+νe par une interactionponctuelle.

dΩ≈ G2

F

π2E2 (7.3.6)

Or le principe de l’ “unitarité” (voir plus loin) prescrit que la section effi-cace décroît comme 1/E2. Ce type d’évolution est bien ce qu’on trouve dans desprocessus de QED, par ex. dans la section de e+e− → µ+µ− (voir 5.12.12) :

σ =4πα2

em

3

1

E2(7.3.7)

Rappelons que dans cette expression la constante αem est sans dimension. Cequi amène à introduire une nouvelle constante de couplage faible g, grandeur sansdimension analogue à αem. Le modèle de Glashow, Weinberg, Salam montre qu’onobtient la bonne dépendance en énergie si l’on fait entrer en jeu la masse du bosonW en posant :

GF ∼ g2/M2W (7.3.8)

Note sur le principe d’ ”unitarité” 85.

On peut écrire la section efficace comme une somme des contributions d’unnombre infini d’ “ondes partielles” :

σ =4π

E2

∞∑ℓ=0

(2ℓ+ 1) sin2 δℓ

84. Cette prédiction peut être rendue plausible par un raisonnement d’analyse dimensionnelle.85. voir par ex. ref. 12, chapitre 9

210

Page 211: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

La condition d’unarité s’exprime par le fait que chaque élément sin2 δℓ est plutpetit que 1. Dans la Théorie de Fermi, seule l’onde partielle ℓ = 0 contribue, carl’interaction est ponctuelle (paramètre d’impact nul) :

σ =4π

E2sin2 δ0 <

E2

Donc, la limite “unitaire” :

σΩ

≲ 1

E2=

1

E2est violée par 7.3.6 quand :

G2FE

2

π2>

1

E2

c’est à dire pour :

E ≈ 1√GF

∼ O (100 GeV)

7.3.2 Retour à la violation de la parité.

Ce paragraphe est un complément au § 4.3 dans lequel on a présenté l’expé-rience du Wu et al. (1957). Rappelons que cette expérience portait sur la mesurede la distribution angulaire des électrons émis lors de la désintégration β de noyauxde cobalt polarisés :

60Co(JP = 5+)→ 60Ni(JP = 4+) + e− + νe

Les auteurs ont trouvé que cette distribution angulaire (voir figure 7.3.3) est asy-métrique et qu’elle est de la forme :

I(θ) ≈ 1

π+ α

J · peEe

(7.3.9)

où :

J est le vecteur unité selon JCo

pe, Ee sont la quantité de mouvement et l’énergie de l’e−α est le paramètre d’asymétrie, à déterminer.

Q. : montrer que la conservation de la parité implique : α = 0.

L’ajustement de la forme 7.3.9 à la distribution angulaire observée a donné :α = −1 (violation de P à 100%). Ce résultat a conduit à d’intéressantes consé-quences concernant l’hélicité de l’électron.

Dans une transition de Gamow-Teller, telle que celle ci-dessus, la différenced’états de spin entre les noyaux initial et final se retrouve entièrement dans l’ad-dition des spins des deux leptons (état triplet de spin) ; il n’y a pas de moment

211

Page 212: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Coθ 60

Pe

J

e

axe

z

Figure 7.3.3 – Test de violation de la Parité dans la désintégration β du 60Co.

orbital emporté par la paire e− − νe. Il s’en suit que les spins sont alignés sur lespin du 60Co et que 7.3.9 peut aussi s’écrire :

I(θ) ≈ 1 + αSe · peE0

(7.3.10)

où Se est le vecteur unité selon Se, le spin de l’électron.

On peut en extraire l’hélicité moyenne de l’électron :

< λe− >=

∫ π/20

I(θ)dθ −∫ ππ/2

I(θ)dθ∫ π/20

I(θ)dθ +∫ ππ/2

I(θ)dθ= α| p−

e |Ee−

= α | β−e |= − | β−

e | (7.3.11)

avec α = −1.

Des études similaires faites sur des transitions G− T avec émission β positiveont montré que :

< λe+ >= + | βe+ | (7.3.12)

avec α = +1.

212

Page 213: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Par ailleurs, les mesures directes et indépendantes de la polarisation des leptonschargés à l’aide de différentes techniques d’analyse ont confirmé ces résultats. Detelles expériences ont porté non seulement sur les désintégrations β radioactivesmais aussi sur les désintégrations de muons :

µ± → e± + νe(νe) + νµ(νµ) (7.3.13)

La masse du muon étant de 105 MeV, l’électron sélectionné près du maximum dudu spectre a un | βe |⋍ 1. Cela montre qu’à la limite ultrarelativiste, l’hélicité desleptons chargés tend vers l’hélicité de leurs neutrinos (voir § 3.5).

Le tableau 7.3.1 résume l’ensemble de ces résultats.

ℓeptons : ℓ+ ℓ− νℓ νℓ

λ : v/c −v/c +1 -1

Table 7.3.1 – Hélicité des leptons (ℓ = e, µ, τ)

7.3.3 L’interaction V −A.

Il s’avère nécessaire de modifier la théorie phénoménologique de Fermi pourrendre compte des transitions de Gamow-Teller (G-T) et de la violation de la pa-rité. Considérons d’abord une processus semileptonique, tel que la désintégrationdu neutron. On peut dans un premier temps, modifier comme suit la forme ducourant faible :

n→ p + e− + νeF : ↑ ↑︸︷︷︸

J=0

↑ ↓︸︷︷︸S=0

M∼ GF (ψ∗pψn)(ψ

∗eψνe) (7.3.14)

n→ p + e− + νeGT : ↑ ↓︸︷︷︸

J=1

↑ ↑︸︷︷︸S=1

M∼ GGT (ψ∗pσψn)(ψ

∗eσψνe) (7.3.15)

L’opérateur σ agit sur les spineurs ψi de façon à permettre la nouvelle configura-tion de spin. Expérimentalement on trouve :

GGT

GF

= 1.18± 0.03 (7.3.16)

213

Page 214: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On peut montrer que 7.3.14 et 7.3.15 sont les limites non relativistes des produits :

F : ∼ (ψpγµψn)(ψeγµψνe) (7.3.17)

GT : ∼ (ψpγµγ5ψn)(ψeγµγ

5ψνe) (7.3.18)

formés à l’aide des courants vectoriels et axiaux :

V : (JV )µ = ψγµψ ≡ V µ (7.3.19)A : (JA)µ = ψγµγ5ψ ≡ Aµ (7.3.20)

Ces courants sont représentés par les diagrammes de la figure 7.3.4, l’effet dupropagateur (pointillé) étant négligé. Les produits de courants tels que 7.3.17 et

νe

νe

W W

n

p

n

p e e

Figure 7.3.4 – Equivalence des diagrammes de la désintégration β du neutron.

7.3.18 donnent des quantités scalaires de parité positive. Si l’on veut introduire laviolation de la parité il faut concevoir un mélange de courants de parité positiveet négative. C’est ce qu’on obtient avec le mélange V −A.

M∼ G(aV pn + bApn)µ(cV eν + dAeν)µ (7.3.21)

où a, b, c, d et G sont des paramètres à définir.En explicitant on fait apparaître les produits V V et AA de parité positive et

V A de parité négative. La comparaison avec les résultats expérimentaux conduità la paramétrisation suivante :

M≈ GF (ψpγµ(1− GGT

GF

γ5)ψn)× (ψeγµ(1− γ5)ψνe)︸ ︷︷ ︸Lµ

(7.3.22)

Le courant leptonique Lµ contient le projecteur 12(1 − γ5) qui, agissant sur le

spineur du neutrino, en sélectionne la composante gauche (droite pour le ν) 86.L’écart entre les valeurs de GF et GGT mesurées peut être expliqué comme

résultant de l’implication de l’interaction forte entre les quarks participant auprocessus.

86. Notez qu’en fonction de la métrique adoptée vous pouvez trouver dans la littérature ceprojecteur écrit 1

2 (1 + γ5).

214

Page 215: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

νe

νe

W W

νµ

µ

νµ

µ

e e

Figure 7.3.5 – Equivalence des diagrammes de la désintégration µ− → e+νe+νµ

Considérons ensuite un processus purement leptonique, telle que la désinté-gration du muon (figure 7.3.5). Son amplitude est proportionnelle au produit dedeux courants leptoniques :

M≈ Gµ[uνµγµ(1− γ5)uµ− ][ue−γµ(1− γ5)uνe ] (7.3.23)

Le calcul détaillé 87 conduit au taux de la désintégration 88.

1

τ= G2

µm5µ/192π

3 (7.3.24)

En introduisant les valeurs mesurées mµ = 105.65 MeV et τ = 2.197 10−6 s, onpeut déterminer la constante de couplage Gµ. La valeur obtenue est très prochede celle de GF :

Gµ −GF

GF

= 0.028± 0.013 (7.3.25)

Ce petit écart peut également être expliqué en tenant compte du caractère ambi-valent des quarks, constituants sensibles aux interactions forte et faible (Cabibbo,voir § 7.3.6).

Une fois pris en compte les écarts entre les constantes de couplage, il res-sort une propriété remarquable du couplage dans les courants faibles chargés, sonuniversalité :

couplage [(eνe) avec (pn)] ∼= couplage [(eνe) avec (µνµ)] (7.3.26)

Cette propriété peut être mise en parallèle avec celle des couplages e.m. proton-proton, proton − e+, µ+ − µ+ ; on sait que ces couplages sont identiques, bienque le proton soit une particule non pontuelle 89. Cette égalité est due au fait quec’est la charge totale (conservée) de l’objet qui est en jeu (figure 7.3.6).

87. Voir D. Bailin, Weak interactions, Ed. Adan Hilger LTD, Bristol § 3.1.88. On a laissé de côté ici de petites corrections dépendant de (me/mµ)

2 ainsi que les correc-tions radiatives.

89. Vrai à basse énergie, quand le photon intermédiaire ne peut pas discerner les constituantsdu nucléon.

215

Page 216: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

++ ...

µp

Figure 7.3.6 – A faible énergie, un proton (particule composée) est “vu” par lemédiateur de l’interaction e.m. comme une particule ponctuelle.

De même il semble exister une charge faible conservée et un couplage uniquepour toute particule sensible à l’interaction faible (voir figure 7.3.7) ; sa valeur estde l’ordre de

√GF .

νe++ ...

ee

n µ

p νµ

Figure 7.3.7 – Un nucléon “vu” par l’interaction faible est globalement similaireà un lepton.

Le concept d’universalité de l’interaction faible est vérifié avec grande précisionpour les familles de leptons. L’application aux familles de quarks fait l’objet du §7.3.6.

216

Page 217: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

7.3.4 Amplitude avec propagateur de boson W ; comportement à basseénergie.

Imaginons un faisceau de neutrino muons intercepté par une cible de matériellourd, et considérons la réaction : νµ + e− → µ− + νe, où e− est un électron d’unecouche atomique.

Notons qu’il s’agit d’un processus purement leptonique comme dans la dés-intégration du muon (§ 7.3.3) ; par contre l’énergie totale en jeu peut être plusélevée (seuil à ≃ mµc

2) en fonction de l’énergie du faisceau.

Figure 7.3.8 – Diagramme de νµe− → µ−νe avec un boson intermédiaire W

transportant la quantité de mouvement q.

Nous postulons que le mécanisme de la réaction est régi par l’échange d’unboson W virtuel (interaction à distance, suivant le diagramme de la figure 7.3.8).L’application des règles de Feynman (voir § 5.3.2) amène à une amplitude de laforme :

M =g2

2

[uµ−γµ

(1− γ5)2

uνµ

]−gµν + qµqν/M2

W

q2 −M2W

[uνeγν

(1− γ5)2

ue−

](7.3.27)

où :

ui est le spineur du lepton ig est une “charge faible”, qui permet de définir le couplage faible, par analogie

à la charge électrique qui définit le couplage e.m.q est le quadri-moment du boson échangéMW est sa masse (≃ 80 GeV/c2)

L’expression du propagateur semble difficile à comprendre de prime abord ;toutefois, si l’on se place dans la situation où q2 ≪M2

W , cette expression se réduit

217

Page 218: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

à la forme simple gµν/M2W . Dans ces conditions on peut faire plus aisément la

comparaison avec l’amplitude correspondante pour l’interaction ponctuelle :

Mponct. =GF√2

[uµ−γµ(1− γ5)uνµ

]gµν [uνeγν(1− γ5)ue− ] (7.3.28)

On voit qu’à basse énergie l’amplitudeM =⇒Mponct. si l’on pose :

g2

8M2W

=GF√2

(7.3.29)

L’interaction ponctuelle, postulée dans la théorie de Fermi, s’avère justifiée à pos-tériori puisque dans un processus de désintégration β q2 ≃ O(1Mev2)≪M2

W .On se rend compte d’autre part que la différence entre l’interaction faible et

l’interaction électromagnétique est due plus à la différence entre les masses de leursmédiateurs qu’à la différence entre leurs constantes de couplage. Il s’en suit qu’àtrès haute énergie (≫ 100 GeV) les deux interactions sont de force comparable.

7.3.5 Désintégration du pion chargé en modes purement leptoniques.

Le pion chargé a deux modes de désintégration purement leptoniques (voirtable PDG), avec des rapports d’embranchement mesurés de :

π± → µ±νµ(νµ) : 0.999877→ e±νe(νe) : 1.230 10−4

Ces résultats constituent une application intéressante des contraintes résultantdes propriétés d’hélicité des leptons (§ 7.3.2).

De prime abord, sur la base de pures considérations énergétiques (espace dephase disponible), on prédirait une dominance de la voie électronique sur la voiemuonique. C’est la situation inverse que l’on observe, et la théorie des courantsV −A permet d’en rendre compte. Elle prédit des taux de désintégration dans lerapport :

Γ(π → eν)

Γ(π → µν)≃(me

)2

·(m2π −m2

e

m2π −m2

µ

)2

= 1.2 10−4 (7.3.30)

On peut le comprendre si l’on se réfère à la structure du courant faible impliquédans un tel processus.

Considérons par exemple la désintégration purement leptonique d’un π+. Elleest régie par un courant chargé de la forme :

jµ = uℓγµ

(1− γ5

2

)uνℓ ≡ uℓγ

µ

(1− γ5

2

)(1− γ5

2

)uνℓ (7.3.31)

≡ uℓ

(1 + γ5

2

)︸ ︷︷ ︸

hℓ=+1

γµ(1− γ5

2

)uνℓ︸ ︷︷ ︸

hνℓ=−1

où ℓ = muon ou électron

218

Page 219: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

πe+ νe

+

s se+ νe

Figure 7.3.9 – Désintègration du pion positif ; états de spin imposés par la conser-vation du moment angulaire.

Ce courant implique un νℓ d’hélicité -1 et un ℓ d’hélicité +1 90. Or, le pion n’ayantpas de spin, la conservation à la fois de la quantité de mouvement et du momentangulaire impose à l’ℓ et au νℓ d’être dans le même état d’hélicité(figure 7.3.9). Unetelle configuration a 104 fois plus de chance d’être réalisée dans la voie muoniqueque dans la voie électronique, parce que le muon est relativement lent par rapportà l’électron à cause de la différence des masses (tableau 7.3.1).

7.3.6 La théorie de Cabibbo 91.

Pour bien comprendre le mécanisme de l’interaction faible dans les hadronset le mettre en relation avec celui imaginé pour les leptons, il est nécessaire deremonter au niveau du processus élémentaire impliquant les quarks. Des illustra-tions en ont été données au § 7.1. Le diagramme de la figure 7.1.3 représentela désintégration semileptonique du neutron ; l’échange de boson W se fait entreun vertex impliquant des quarks (antiquarks) et un vertex impliquant des lep-tons (antileptons). Le diagramme de la figure 7.1.2 représente la désintégrationpurement hadronique du lambda ; l’échange de boson W se fait ici entre deuxvertex impliquant des quarks (antiquarks), ce qui complique l’interprétation àcause de l’interaction forte entre les hadrons de l’état final. C’est pourquoi nousavons fait le choix de décrire des processus semileptoniques. De plus, nous nousconcentrons pour l’instant sur les processus impliquant les deux familles (géné-rations) de quarks 92 : (ud) et (cs) et les deux familles de leptons : (νee−) et (

νµµ−).

L’application du principe d’universalité amène à postuler que les couplages duW aux quarks et aux leptons peuvent être caractérisés par la même constanteg 93. Toutefois, l’expérience montre que dans le cas des leptons ce couplage n’alieu qu’avec les partenaires d’une même famille (conservation de la charge lepto-

90. Remarquons que le couplage au W± sélectionne un état d’hélicité déterminé du leptonchargé.

91. N. Cabibbo Phys. Rev. Lett. 10 (1963) 531.92. En fait, seuls les quarks u, d et s étaient connus en 1963 ; l’extension au doublet (cs) date

de 1970 (voir §7.5).93. Abstraction faite du léger écart entre les valeurs mesurées Gµ et GF .

219

Page 220: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

νµ νµ

W

µ

ud

W

µ

s u

a) b)

Figure 7.3.10 – Diagrammes des désintégrations semileptoniques a) π− → µ− +νµ (∆S = 0) et b) K− → µ− + νµ (∆S = 1).

nique) ; par exemple :

e− → νe +W− , µ− → νµ +W−

⇏ νµ +W− ⇏ νe +W−

Par contre, dans le cas des quarks, on observe que ce couplage a lieu non seulementavec les partenaires d’une même famille mais aussi, bien que moins fréquemment,avec des quarks appartenant à des familles différentes. Les diagrammes de lafigure 7.3.10 a) et b) en donnent des exemples ; notez la différence de saveur(ici d’étrangeté ∆S = 1) entre les deux quarks impliqués dans le couplage avec leW du diagramme b). Le rapport entre les taux de désintégration observés dansles processus avec et sans changement d’étrangeté, après la prise en compte desfacteurs cinématiques (espace de phase), est d’environ 1/20 ce qui donne 94 unrapport d’environ 1/2 au niveau de la constante de couplage.

N. Cabibbo a cherché à résoudre cette intrigante question et à restaurer la vali-dité du principe d’universalité. Pour ce faire, il a suggéré l’existence d’une dualitédans les états d’un quark, selon qu’on étudie l’interaction forte ou l’interactionfaible de celui-ci. Pour le doublet des quarks légers, il a imaginé le schéma demélange suivant 95 :

état propre de l’interaction état propre de l’interactionforte faible(ud

)⇐⇒

(ud′

)=

(u

d cos θC + s sin θC

)94. Le taux de transition est proportionnel à g4.95. Le choix de mélanger les membres inférieurs des doublets était arbitraire ; cette convention

est restée en vigueur.

220

Page 221: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Un état s′ peut être construit en imposant qu’il soit orthogonal à d′ :

s′ = −d sin θC + s cos θC

.θC est appelé communément l’angle de Cabibbo. Sa valeur a pu être déterminée

expérimentalement à partir des taux de transition dans des processus avec et sanschangement d’étrangeté, tels que ceux de la figure 7.3.10.

Le couplage au vertex des quarks est pondéré par un facteur cos θC pour letype dWu et par un facteur sin θC pour le type sWu . Le couplage au vertex desleptons reste inchangé. Avec ces modifications, la théorie prédit que :

Γ(K− → µ−νµ)

Γ(π− → µ−νµ)≈ Γ(Λ→ pe−νe)

Γ(n→ pe−νe)

(7.3.32)

≈ g4 sin2 θCg4 cos2 θC

= tan2θC

Le symbole ≈ signifie qu’on a laissé de côté des facteurs cinématiques connus etdépendant du processus. Ces facteurs étant pris en compte, on a obtenu :

θC = (12.8± 0.2) (7.3.33)

La même approche est valable pour la comparaison entre les taux de transitionde processus hadroniques et leptoniques. Par exemple :

Γ(n→ pe−νe)

Γ(µ− → e−νµνe)≈ g4 cos2 θC

g4= cos2 θC (7.3.34)

A partir des taux de transition mesurés et tenant des facteurs cinématiques, on aobtenu dans ce cas :

θC = (12± 1) (7.3.35)

ce qui est compatible avec la valeur de θC ci-dessus.Nous sommes maintenant en mesure de répondre à la question laissée en sus-

pens au § 7.3.3 et relative aux constantes de couplageGµ etGF . En nous souvenant(relation 7.3.29) que Gµ ≈ g2 alors que GF ≈ g2 cos2 θC (transition avec ∆S = 0),nous pouvons écrire que :

Gµ −GF

GF

=g2 − g2 cos2 θCg2 cos2 θC

=1

cos2 θC− 1

(7.3.36)≃ 0.045 (à comparer à 7.3.25)

Ces résultats ont été considérés, à l’époque, comme un grand succès de la théoriede Cabibbo. Il restait néanmoins certaines questions dérangeantes (voir § 7.5) ;de plus, la découverte d’une troisième famille de quarks et de nouvelles voies detransition a conduit à la généralisation de cette théorie (voir § 7.6).

221

Page 222: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

7.4 Les processus à courants neutres.

L’idée d’un médiateur neutre (lourd) de l’interaction faible a été suscitée pardes problèmes de divergence rencontrés 96 lors de l’évaluation de certains dia-grammes. On en donne un exemple à la figure 7.4.1 a, avec le diagramme dusecond ordre représentant la contribution du courant faible chargé 97 au processuse+e− → µ+µ−. L’amplitude calculée sur la base de ce diagramme diverge à hauteénergie. Ce défaut est lié au fait que le courant faible chargé (échange de W±) n’estpas un courant conservé 98 (comme l’est le courant e.m.). Une théorie avec courantfaible conservé requiert l’existence d’un courant faible neutre et d’un boson vec-teur neutre (Z) associé. Il s’est avéré que l’adjonction des diagrammes b) et c) audiagramme a) de la figure 7.4.1 permet de contrecarrer cette divergence, et mêmede la compenser exactement si les couplages aux vertex des bosons, gγ, gW± etgZ

99, sont dans des rapports bien déterminés. La théorie électrofaible (Glashow,Weinberg, Salam) prescrit que :

gγgW±

= sin θW ;gγgZ

= sin θW cos θW (7.4.1)

cos θW =MW±

MZ

(7.4.2)

où :

MW± , MZ sont les masses de bosons faiblesθW (0 < θW < π

2) est appelé l’angle de Weinberg ; c’est un paramètre libre

de la théorie.

La valeur de θW peut être déterminée expérimentalement à partir de différentessources d’informations, entre autres les masses mesurées des bosons W± et Z. Latable PDG donne, pour une énergie égale à MZ

100 :

sin2 θW = 0.231 , θW ≃ 28.7

Le courant faible neutre se trouve généralement exprimé sous la forme :

j0µ

faible = ufγµ(gfV − g

fAγ

5)uf (7.4.3)

96. Il ne s’agit pas ici d’une question de renormalisation comme en QED.97. Cette contribution s’ajoute à celle du courant e.m. (voir 7.3.7).98. Pour une démonstration, voir ex. K. Gottfried and V.F. Weisskopf. Concepts of Particle

Physics, vol. II, chap. VI, Ed. Oxford Univ. Press99. Dans les chapitres précédents, on a posé gγ = e et gW± = g ; d’autres définitions peuvent

se rencontrer dans la littérature, qui en diffèrent par des facteurs constants.100. Les relations 7.4.1 et 7.4.2 sont valables au premier ordre du calcul ; diverses correctionsradiatives interviennent, qui dépendent du schéma de renormalisation adopté ; c’est pourquoi lavaleur de sin2 θW dépend de l’énergie.

222

Page 223: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

ee

µ

ee

µ

e

µµ

νµ

νe

γZ

c)µ

W W

a)µ

ZZ

b)

µ

e

e

µ

e

Figure 7.4.1 – a,b,c) : Diagrammes du second ordre (box diagrams) contribuantà l’annihilation e+e− → µ+µ−.

où : gV et gA sont des coefficients dépendant du fermion concerné par le couplage(voir tableau 7.4.1). L’examen du tableau 7.4.1 et de la relation 7.4.3 suscite

fermions gV gA

νe νµ ντ12

12

ℓeptonse− µ− τ− −1

2+ 2 sin2 θW −1

2

U : u c t 12− 4

3sin2 θW

12

quarksD : d s b −1

2+ 2

3sin2 θW −1

2

Table 7.4.1 – Coefficients des parties vectorielle (gV ) et axiale (gA) du courantfaible neutre, pour les différents leptons et quarks (U = quarks up, D = quarksdown, les différences de masses étant ignorées).

quelques remarques :

• la partie axiale du courant neutre est identique à celle du courant chargé (uni-versalité du couplage axial) ;

• la partie vectorielle du courant neutre change en fonction de la catégorie de lep-tons et quarks, contrairement à celle du courant chargé. Ceci vient de la connexion

223

Page 224: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

entre courant faible neutre et courant e.m. ; et plus particulièrement du fait quele courant neutre (comme le courant e.m.) est susceptible de donner un couplageavec les deux états d’hélicité du fermion, alors que le courant chargé ne donne uncouplage qu’avec l’état d’hélicité gaucher du fermion (droitier de l’antifermion) ;

• pour les neutrinos, fermions purement gauchers, gV ≡ gA et le courant neutreprend la structure V −A du courant chargé ; on retrouverait cette même structuresi sin θW → 0, le boson Z se comporterait comme une composante neutre de bosonW .

L’application de la théorie de Cabibbo aux courants neutres conduit à une pré-diction intéressante concernant les processus où il y a un changement d’étrangetédu quark impliqué par le couplage au Z. En effet, les courants aux vertex d′Zd′

et s′Zs′ sont de la forme 101 :

j0(d′d′) ≈ (d cos θc + s sin θc)(d cos θ + s sin θc) = (7.4.4)

= dd cos2 θc + ss sin2 θc + (ds+ sd) sin θc cos θc

j0(s′s′) ≈ (s cos θc − d sin θc)(s cos θc − d sin θc = (7.4.5)= ss cos2 θc + dd sin2 θc − (ds+ sd) sin θc cos θc

Ils sont tous deux susceptibles d’engendrer un changement d’étrangeté, et ilest logique d’en faire la somme. On constate alors que dans la somme, les termesen sd et sd disparaissent. Les courants faibles neutres conservent l’étrangeté (et lasaveur en général), contrairement aux courants faibles chargés. Cette prédictionest vérifiée expérimentalement ; on en donne des illustrations avec les diagrammesreprésentés à la figure 7.4.2. La voie de désintégration K± → π±νν a un rapportd’embranchement mesuré 1.6 10−10. Notons que ce processus ne peut pas êtreinterprété par un diagramme du 2ème ordre. Pour la voie de désintégration K0 →µ+µ−, le rapport d’embranchement mesuré est < 3.2 10−7. On peut construire undiagramme du 2ème ordre dans ce cas, et nous y reviendrons au § 7.5.

Q. : les voies de désintégration K± → π0ℓ±ν(ν) où ℓ± = e±, µ± sont permises ;en dessiner les diagrammes représentatifs.

Les courants neutres sont impliqués dans une variété de processus ; on a déjàmentionné les diffusions élastique et inélastique de neutrinos sur les électronsdes couches atomiques ou sur les noyaux. Nous revenons ici sur les processusd’annihilation e+e− :

e+e− → ℓ(ℓ) où ℓ(ℓ) = νe(νe), e+(e−), νµ(νµ), µ

+(µ−, ...

→ q(q) où q(q) = u(u), d′(d′), c(c), s′(s′), ...

101. On a laissé de côté les facteurs intermédiaires γµ, ... pour la clarté de l’écriture.

224

Page 225: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

ν

Z

u

u d ν

s

µ µa) b)

d

Z

s

Figure 7.4.2 – Diagrammes du 1er ordre des processus de désintégration : a)K+ → π+νν ; b) K0 → µ+µ−.

Ces processus sont représentés par le diagramme du premier ordre de la fi-gure 7.4.3.

e

f

f

e

, Zγ

Figure 7.4.3 – Diagramme dominant de l’annihilation e+e− → ff , où f(f) = ℓ(ℓ)ou q(q).

Aux basses énergies (Ec.m. ≪ MZ), le mécanisme est régi essentiellement par

225

Page 226: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 7.4.4 – Section efficace d’annihilation e+e− → qq → hadrons en fonc-tion de l’énergie totale dans le c.m.(

√s) ; a) formation de résonances ; b) valeurs

expérimentales dans la région du Z ; les courbes représentent l’ajustement d’uneBreit-Wigner pour différentes valeurs du paramètre Nν .

l’échange du γ. Quand on s’élève dans l’échelle des énergies, la contribution duZ prend de l’importance. L’interférence entre les deux échanges devient visible,et c’est par ce moyen qu’on a pu faire une première évaluation de la masse du Zavant de disposer de l’énergie dans le c.m. correspondant au seuil de production.A l’approche de MZ , la section efficace jusqu’alors décroissante augmente brus-quement, puis lorsqu’on balaye la région du Z, elle évolue selon une courbe à laBreit-Wigner, typique de la manifestation d’un phénomène de résonance. Cettedescription qualitative est illustrée dans les graphiques de la figure 7.4.4. Ils re-

226

Page 227: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 7.4.5 – Sections efficaces d’annihilation e+e− → ℓ+ℓ−, où ℓ± = e±, µ±, τ±.

présentent des données recueillies auprès de différents collisionneurs e+e−, entreautres au LEP (phase 1) et au SLAC (Stanford) 102. Le mécanisme résonnant ason siège au vertex de production du Z (vertex primaire) ; en conséquence, soneffet se répercute sur toutes les voies de désintégration du Z.

Dans l’approximation de Born, la section efficace intégrée de la voie e+e− →

102. Les faisceaux du LEP et du SLAC ont été conçus justement pour permettre, dans unepremière phase, le balayage extrêmement précis de la région du Z (Ee+ + Ee− ≃ 90 GeV).

227

Page 228: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

ff , dans la région de la résonance, peut être représentée par 103) :

σ(e+e− → Z → ff) = 12πΓe+e−ΓffM2

Z

s

(s−M2Z)

2 +M2ZΓ

2Z

(7.4.6)

où :

s = (Ee+ + Ee−)2 est le carré de l’énergie totale dans le c.m. ;

Γe+e− est la largeur caractéristique de e+e− → Z (égale celle de Z → e+e−) ;Γff est la largeur partielle de la voie Z → ff ;ΓZ est la largeur totale du Z.

Dans le cadre du modèle standard, on peut exprimer la largeur partielle sousla forme :

Γff =N fCGFM

2Z

6π√2

(g2V + g2A)(1 + δ) (7.4.7)

où :

GF est la constante de couplage de Fermi ;N fC est un facteur de “couleur” (NC = 1 pour les leptons et NC = 3 pour les

quarks, voir § 6.5) ;gV ,gA sont les coefficients de couplage du courant faible neutre (tableau 7.4.1) ;δ est un facteur de correction tenant compte de différents effets secondaires

calculables (interaction e.m. entre leptons chargés, interaction forte entre quarks).

La largeur totale ΓZ peut être développée en terme des largeurs partielles desdifférentes voies ff à considérer :

ΓZ = Γe+e− + Γµ+µ− + Γτ+τ− +NνΓνν + Γhad (7.4.8)

où :

Nν est le nombre de familles de neutrinos ; ce paramètre a été explicité in-tentionnellement. On pose souvent NνΓνν = Γinv, les neutrinos n’ayant pas étéobservés directement.

Γhad = Γuu + Γcc + Γdd + Γss + Γbb (7.4.9)≡ 2ΓUU + 3ΓDD

est la largeur partielle de l’ensemble des voies hadroniques accessibles (la notationU , D est définie dans le tableau 7.4.1).

103. La section efficace est exprimée en GeV−2 parce qu,on a posé ℏc = 1 ; si on veut la valeuren nbarn par exemple, il faut introduire un facteur (ℏc)2 = 0.389... T eV 2 · nbarn.

228

Page 229: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les différentes sections efficaces mesurées ont été utilisées pour en extraire lespropriétés du boson Z, en particulier sa masse, sa largeur totale et ses largeurspartielles leptonique et hadronique. La méthode d’analyse consiste à faire un ajus-tement de l’expression 7.4.6 aux données expérimentales recueillies sur les voiesobservables. Les résultats sont consignés dans la table PDG ; nous nous bornonsici à mentionner quelques uns d’entre eux :

• MZ = 91.1876± 0.0021 GeV, la valeur centrale de la masse ;

• ΓZ = 2.4952± 0.0023 GeV, la largeur totale ; cette valeur est tirée de l’analysedes voies hadroniques,qui sont les plus abondantes (70%) ;

• Γℓ+ℓ− = 0.08398± 0.00009 GeV, la largeur partielle de la voie leptonique ℓ+ℓ− ;en fait les trois voies leptoniques e±, µ±, τ± (voir figure 7.4.5) ont fait l’objetde mesures séparées et les résultats trouvés concordants (test de l’universalité ducouplage) ;

• Γhad = 1.744 ± 0.002 GeV, la largeur partielle de l’ensemble des voies hadro-niques ;

• Γinv = 0.499±0.0015 GeV, la largeur de l’ensemble des voies neutrinos (non ob-servées) ; on a pu tirer le nombre de familles de neutrinos, sachant que Γνν/Γℓ+ℓ− =1.99 (prédiction du modèle standard) ; le résultat obtenu (voir fig. 7.4.4 b) est 104

Nν = 2.984± 0.008.

7.5 Le mécanisme de GIM ; prédiction du quark charmé.

On a vu que les interactions à courants neutres ne contribuent pas au chan-gement de l’étrangeté (et de la saveur en général) dans les processus faibles. Parailleurs, il existe de tels processus avec changement d’étrangeté, dont le méca-nisme peut s’interpréter à l’aide d’un diagramme du second ordre. La figure 7.5.1on montre deux exemples, un processus semileptonique avec ∆S = 1 et un pro-cessus purement hadronique avec ∆S = 2. Ces deux processus ont été analysés endétail, et il s’avère que le taux de transition mesuré est dans les deux cas au moins104 fois plus faible que le taux calculé à l’aide du diagramme, ce qui laisse supposerl’intervention d’un mécanisme de rétention tout particulièrement efficace. Un telmécanisme a été imaginé par Glashow, Iliopoulos et Maiani (GIM) en 1970 105. Ilsont postulé l’existence d’un partenaire (le quark c) au quark s, les deux famillesde quarks (ud) et (cs) formant un ensemble parallèle aux deux familles de leptons(νee ) et (

νµµ ) alors connues. Les auteurs ont admis de surcroît 106 que ce nouveau

104. Ce résultat a été confirmé par la mesure directe de la voie e+e− → ννγ, où γ est un photonde rayonnement émis par l’une des particules des faisceaux.105. S.L. Glashow, J. Iliopoulos, L. Maiani Phys. Rev. D2 (1970) 1285106. Ces hypothèses rendaient plausible le fait qu’aucune manifestation de ce quark n’avaitencore été signalée.

229

Page 230: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

quark est très lourd par rapport aux trois autres, et qu’il porte une saveur nouvelle(le “Charm”) qui est conservée dans les interactions forte et électromagnétique etsusceptible d’être violée dans l’interaction faible. Ils ont ensuite pris en comptela théorie de Cabibbo et les faits établis concernant les courants neutres. Ils ontintroduits les couplages de courants chargés uWd′ et cWs′, les couplages croisésentre familles étant proscrits, par analogie avec la situation chez les leptons.

ud

µ

µ

νµu

W

W

b)a)

d

dW

W

W W

d

d

u

u us

s

s

s

s

Figure 7.5.1 – a) Diagramme de la désintégration K0 → µ+µ− ; b) diagrammesde l’oscillation K0 ←→ K

0.

Figure 7.5.2 – Echanges de quarks u et c ; couplages aux vertex uWd, uWs, cWdet cWs.

Si l’on revient aux diagrammes de la figure 7.5.1, on voit qu’il faut joindre àl’échange du quark u celui du quark c, comme représenté dans la figure 7.5.2. Entenant compte des couplages aux vertex, on est conduit à une amplitude de laforme :

⟨µ+µ−|M|K0⟩ ≈ g4 sin θc cos θc [f(mu,MW , ...)− f(mc,MW , ...)] (7.5.1)

où les f(...) sont des facteurs cinématiques calculables contenant entre autres lespropagateurs des quarks u et c et celui du boson W .

230

Page 231: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’effet du mécanisme de GIM apparaît dans la différence des deux termesentre le crochet de 7.5.1 ; à la limite, si les quarks u et c avaient la même masse,l’amplitude prédite serait nulle.

Pour l’oscillation K0 ←→ K0 le calcul est plus compliqué que ci-dessus, parce

qu’on a quatre vertex impliquant un quark ; le mécanisme de GIM est donc opérantà l’entrée et à la sortie du diagramme et l’amplitude prédite s’en trouve à fortioriextrêmement atténuée.

Les prédictions du modèle de GIM ont trouvé une brillante confirmation en1974 107 avec la découverte du méson J/ψ (système cc) et par la suite avec l’ex-ploration de la physique des hadrons charmés.

7.6 Extension à la troisième famille de fermions. Le modèlestandard.

En 1973 déjà, c’est à dire avant la découverte du méson J/ψ (1974) et celle dulepton τ (1975), Kobayashi et Maskawa 108 ont postulé l’existence d’une troisièmefamille de quarks. Leur motivation a été d’aménager le modèle de Cabibbo-GIMpour y inclure la violation de CP observée dans des processus à courant faiblechargé (rappel § 4.6). Ils ont montré 109 que cet aménagement implique l’extensiondu modèle au minimum à trois familles de quarks. C’est l’arrangement qu’ontrouve encore dans le modèle standard actuel, avec les trois doublets :

(ud′

) (cs′

) (tb′

)Le mélange des états inférieurs, réalisé auparavant par la matrice unitaire 2×2

à 1 paramètre (l’angle θC) de Cabibbo :

MC =

(cos θC sin θC− sin θC cos θC

)est obtenu dès lors au moyen d’une matrice unitaire 3×3 à 4 paramètres (3 angles+ 1 phase) qu’on appelle matrice de Cabibbo, Kobayashi, Maskawa, et qu’on peut

107. J.J. Aubert et al. Phys. Rev. Lett. 33 (1974) 1404 et J.E. Augustin et al. Phys. Rev. Lett.33 (1974) 1406.108. M. Kobayashi, K. Maskawa Progr. Theor. Phys. 49 (1973) 652.109. Il faut rendre complexe un des éléments de la matrice, via un terme de déphasage ; cettephase peut toujours être absorbée avec une matrice 2×2, en exploitant les contraintes d’unitaritéet en redéfinissant la phase d’un état de quark.

231

Page 232: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

écrire sous la forme 110 :

MCKM =

c12 c13 s12 c13 s13e

−iδ13

−s12c23 − c12s23s13eiδ13 c12c23 − s12s23s13eiδ13 s23c13

s12s23 − c12c23s13eiδ13 −c12s23 − s12c23s13eiδ13 c23c13

(7.6.1)

avec :

cij = cos θij ; sij = sin θij ; 0 ≤ θij ≤ π2

i, j = 1, 2, 3 : index des familles (générations)

δ13 = déphasage, 0 ≤ δ13 ≤ 2π

Notons qu’à la limite θ13 et θ23 → 0, on retrouve comme sous-ensemble leséléments de la matrice de Cabibbo, en identifiant θ12 à θC .

Dans le cadre de cette extension, le courant faible chargé qui s’écrivait :

j+µ

W = (u c)γµ(1− γ5)MC

(ds

)devient :

j+µ

W = (u c t)γµ(1− γ5)MCKM

dsb

(7.6.2)

Il donne lieu à un mécanisme de GIM généralisé aux trois quarks supérieurs et auxtrois quarks inférieurs. On peut commodément se rappeler les couplages impliquésdans les éléments de MCKM en écrivant : d′

s′

b′

=

Vud Vus VubVcd Vcs VcbVtd Vts Vtb

dsb

(7.6.3)

Certains éléments Vij peuvent être rendus complexes par le choix du termede déphasage e±iδ13 . La détermination expérimentale de ces différents éléments dematrice est une tâche considérable, à laquelle on travaille encore d’arrache-pied. Latable PDG expose en détail les sources d’informations utilisées. Les éléments de lapremière ligne et de la troisième colonne, qui ont été déterminés directement parl’analyse de processus de désintégration, ont une forme simple car c13 ≃ 1. Descontraintes d’unitarité permettent d’améliorer la connaissance d’éléments pour

110. C’est la forme recommandée dans la table PDG actuelle ; on trouve d’autres formes équi-valentes dans la littérature, entre autres dans l’article original de Kobayashi et Maskawa.

232

Page 233: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

lesquels on manque encore de mesures directes précises. La meilleure estimationactuelle situe le déphasage dans les limites δ13 = 1.02± 0.22 radian.

La table PDG donne les intervalles de confiance à 90% sur les valeurs de | Vij |.Les ordres de grandeur à retenir sont :

| Vij |=

0.975 0.22 0.0030.22 0.974 0.040.01 0.04 0.999

La relation entre le facteur de phase e±iδ13 et la violation de CP peut se comprendreen faisant référence au théorème CPT (§ 4.7) et aux propriétés de l’opérateur T(§ 4.5). Rappelons que l’invariance de l’hamiltonien sous CPT implique que laviolation de T entraîne la violation de CP, et réciproquement. Rappelons d’autrepart que l’opération T consiste dans l’échange des états initial et final, combinéà l’opération de conjugaison complexe. Si le déphasage δ13 = 0, les éléments Vi,jcomplexes sont modifiés sous l’opération T (et CP), ce qui se répercute sur lescourants correspondants et l’amplitude de transition.

Cette approche est essentiellement phénoménologique, elle ne fournit pas derenseignement sur l’origine de la violation de CP dans des processus à courantfaible chargé, origine qui reste présentement mystérieuse.

233

Page 234: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

8 L’interaction forte, le modèle des quarks etéléments de chromodynamique quantique (QCD).

8.1 Introduction.

Au chapitre 4, on a anticipé les idées de base qui permettent de construireun modèle “statique” des quarks. Le but était d’expliquer la variété des spectresde hadrons connus. Avant la mise en évidence des hadrons charmés, les hadronsavaient été classés sur la base de leur spin-parité JP en octets, nonets, décuplets(figures 1.1.1 à 1.1.4) dans le plan (S − I3) où I3 est la troisième composantede l’isospin, S est l’étrangeté (alternativement dans le plan (Y − I3) où Y estl’hypercharge).

On a vu qu’on peut associer la conservation de l’isospin au fait que mu ≃ md

et au fait que les interactions u−u, u−d et d−d sont les mêmes si l’on “désactive”la composante e.m.. Dans la limite d’une parfaite symétrie d’isospin, on aurait :

mproton = mneutron et mπ± = mπ0

La symétrie d’isospin est décrite par le groupe spécial unitaire SU(2), dont lequark u et le quark d constituent les éléments de base. On va développer ce casdans le prochain paragraphe. L’adjonction du quark s amène à SU(3) (on parledu groupe SU(3) “saveur”, pour le distinguer du groupe SU(3) “couleur”). Dansla généralisation SU(N), où N > 2, on utilise le terme de symétrie de spinunitaire.

Dans le cadre des représentations du groupe SU(3) les états liés antiquark-quark, assimilables aux mésons, forment des singulets et des octets ; les états liésde trois quarks (trois antiquarks), assimilables aux baryons, sont organisés ensingulets, octets et décuplets. Les propriétés de ce groupe permettent d’expliquerla classification mentionnée ci-dessus 111.

Dans cette approche on rencontre certains problèmes, p. ex. comment incorpo-rer le spin et le moment angulaire orbital des quarks, comment respecter la statis-tique de Fermi, comment tenir compte de la brisure de la symétrie (ms > mu,d...).

8.2 SU(2)isospin : la symétrie d’isospin.

La représentation fondamentale d’SU(2) est celle du doublet de spin 1/2. Dansle contexte du modèle des quarks, un état pur est représenté par l’un des vecteursde base :

|u⟩ =(10

)|d⟩ =

(01

)(8.2.1)

111. Notons qu’une représentation peut ne pas être réellement occupée pour des raisons exté-rieures à SU(3). Par exemple, le singulet d ’SU(3) n’est pas occupé par les baryons de JP = 1

2

+

et 32

+, ce qui s’explique en raison de l’antisymétrie de leur fonction d’onde totale.

234

Page 235: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

d’où la syntaxe :

ξ =

(ud

)(8.2.2)

| ξu |2= la probabilité que le quark soit de type u.

La rotation d’un angle θ autour de la direction n dans l’espace de l’isospin esteffectuée au moyen d’un opérateur unitaire U :

U =⇒ UI(nθ) = exp−iI · nθ (8.2.3)

Dans le cas de l’isodoublet (I=1/2) :

U 12(nθ) = exp−i1

2τ · nθ (8.2.4)

Les τi sont les “générateurs du groupe” (ici les matrices de Pauli 112). Si l’onapplique U sur l’état ξ, on obtient l’état transformé :

ξ′ = Uξ (8.2.5)

P. ex., dans le cas d’une rotation autour de l’(iso)axe y, on obtient (voir A.5.3.7) :

ξ′ =

(u′

d′

)=

(cos θ/2 − sin θ/2sin θ/2 cos θ/2

)(ud

)(8.2.6)

A cause de l’unitarité de U , la norme est conservée :

(ξ′)†(ξ′) = ξ†U †Uξ = ξ†ξ (8.2.7)

L’étude du groupe se fait souvent en considérant la transformation infinitésimale :

ξ′ = ξ + δξ = (1− iδθI · n)ξ =⇒I= 1

2

(1− i12τ · nδθ)ξ (8.2.8)

L’unitarité impose que les générateurs soient de trace nulle. C’est bien le cas desmatrices de Pauli :

Trace (τi) = 0

De plus les rotations et donc les générateurs ne commutent pas, ce qui s’ex-prime par :

[Ii, Ij] = iεijkIk où ε123,231,312 = 1 et ε213,132,321 = −1 (8.2.9)

C’est ce qu’on appelle usuellement l’algèbre d ’SU(2). Par exemple :[1

2τi ,

1

2τj

]= iεijk

1

2τk (8.2.10)

112. Dans le cas de l’isospin, on les désigne généralement par les lettres τ , τi.

235

Page 236: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les opérateurs I2 et Iz permettent de classer un état à l’aide de leurs valeurspropres. Les I± permettent de transiter entre les états de même I2.

Pour notre exemple avec :

τ1 =

(0 11 0

), τ2 =

(0 −ii 0

), τ3 =

(1 00 −1

)(8.2.11)

(1

2τ3

)u =

1

2

(1 00 −1

)(10

)=

1

2

(10

)=

1

2u(

1

2τ3

)d =

1

2

(1 00 −1

)(01

)=

1

2

(0−1

)= −1

2d

τ± =1

2(τ1 ± iτ2) d’où τ+ =

(0 10 0

), τ− =

(0 01 0

)(8.2.12)

Appliquons aux vecteurs de base :

τ+u =

(0 10 0

)(10

)= 0 , τ−u =

(0 01 0

)(10

)=

(01

)= d

τ+d =

(0 10 0

)(01

)=

(10

)= u , τ−d =

(0 01 0

)(01

)= 0

Un opérateur de Casimir est celui qui commute avec tout générateur du groupe.On peut vérifier que dans SU(2) l’opérateur I2 commute avec I1, I2 et I3 :

[I2, Ij] = 0 Ij = 1, 2, 3 (8.2.13)

Donc on peut construire des états propres de I2 et d’un Ij à choix (choix stan-dard :I3) :

I2|I, I3⟩ = I(I + 1)|I, I3⟩(8.2.14)

I3|I, I3⟩ = I3|I, I3⟩

Dans SU(2), l’opérateur de Casimir I2 vaut :

C ≡ I2 =1

2(I+I− + I−I+) + I23 =

1

2I+, I−+ I23 (8.2.15)

Pour une représentation donnée I, les valeurs propres de I2 sont I(I + 1). Parexemple, on a I2 = 0 pour I = 0, 1/2(1/2 + 1) pour I = 1/2, etc.

236

Page 237: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

8.3 Représentations 2 et 2.

L’isodoublet I = 1/2, avec ses projections I3 = ±1/2, permet de représenterles quarks u et d. On définit la représentation 2 par :

2 ≡(ud

)(8.3.1)

Pour la paire d’antiquarks, il est intéressant de définir la représentation conju-guée 2 par 113 :

2 ≡(

d−u

)(8.3.2)

Effectivement, on peut montrer (à faire comme exercice) que le doublet :

ϕ =

(d−u

)(8.3.3)

se transforme, par rotation dans l’espace de l’isospin, comme le doublet des quarksξ = (ud) :

ϕ′ = Uϕ (8.3.4)

C’est une situation particulière au groupe SU(2). Elle ne se retrouve pas avec lesgroupes SU(N) où N > 2.

8.4 La brisure de SU(2)isospin.

On a vu au chapitre 4 que si l’on fait subir à un système physique une trans-formation unitaire U (dans le cas présent une rotation dans l’espace d’isospin) etsi le système transformé ne peut pas se distinguer du système initial, alors :

[H,U ] = 0 (8.4.1)

et réciproquement. Cela conduit à une loi de conservation associée à U . Pourl’isospin,

[H, I] = 0 (8.4.2)

implique la conservation de l’isospin. Inversement on peut imprimer une rotationau système dans l’espace de l’isospin sans que les propriétés énergétiques de cesystème soient affectées.

113. L’opération conjugaison de charge introduit un facteur de phase arbitraire. Nous avonsadopté la convention de Condon-Shortley. Dans la littérature, on trouve aussi la conventionopposée 2 ≡

(−du

).

237

Page 238: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Par exemple imaginons un quark isolé (sic) et au repos :

⟨q|H0|q⟩ = mq = masse du quark q (8.4.3)

Si l’on fait une rotation d’angle δθ dans l’espace d’isospin on obtient l’état trans-formé q′ :

|q′⟩ = U |q⟩ ≈ (1− iI · nδθ)|q⟩ (8.4.4)

Mais :

⟨q′|H|q′⟩ ≈ ⟨q|(1 + iI · nδθ)H(1− iI · nδθ)|q⟩ or :

(1 + x)H(1− x) = H + xH −Hx+O(x2) ce qui donne :

⟨q′|H|q′⟩ = ⟨q|H|q⟩+ ⟨q|[H, I]|q⟩+O(δθ2) (8.4.5)

Donc, si [H0, I] = 0, on déduit que :

⟨q′|H0|q′⟩ = mq′ = ⟨q|H0|q⟩ = mq (8.4.6)

Considérons de même un système de quark q en interaction dans l’état d’isospin|I, I3⟩. Si l’Hamiltonien qui décrit ce système commute avec I, on obtient la mêmeénergie pour tous les membres du multiplet d’isospin |I,−I⟩, |I,−I + 1⟩, ..., |I,+I⟩ :

⟨I,−I|H|I,−I⟩ = ⟨I,−I + 1|H|I,−I + 1⟩ = ... = ⟨I,+I|H|I,+I⟩ (8.4.7)

Si le système est au repos dans le laboratoire, H = H0 donne la “masse” dusystème q et tous les membres du multiplet ont la même masse :

mI(I3 = −I) = mI(I3 = −I + 1) = ... = mI(I3 = +I)

Par exemple pour les états de charge du pion on prédit que :

m(π+) = m(π0) = m(π−), si la symétrie d’isospin est parfaite.

Donnons un contre-exemple. Considérons l’opérateur de charge électrique Q telque :

Q|ensembles de particules⟩ =

( ∑ensemble

charges

)|ensemble de particules⟩

(8.4.8)

En général :

[Q, I] = 0 (8.4.9)

238

Page 239: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

et les membres d’un même multiplet d’isospin ont des charges différentes 114 :

Q|π+⟩ = +1|π+⟩ Q|π−⟩ = −1|π−⟩ Q|π0⟩ = 0|π0⟩

D’une façon générale, si un terme de l’Hamiltonien contient la charge électrique,cet Hamiltonien a peu de chance d’être invariant sous les transformations dansl’espace d’isospin. C’est le cas du terme qui exprime l’interaction e.m. : Hem ∝Q1Q2.

Donc, si :

Hint = HIF +Hem (8.4.10)

décrit le système q en interaction, on a :

[Hint, I] = [HIF , I]︸ ︷︷ ︸0

+ [Hem, I]︸ ︷︷ ︸= 0

(8.4.11)

et l’isospin est une symétrie “brisée” par l’interaction e.m. Par exemple la massedes deux pions chargés diffère de quelque % de la masse du pion neutre.

On peut chercher à quantifier cette brisure de symétrie. Pour donner une idéede ce qui peut se passer dans q, considérons les différences de masse dans lessystèmes du pion et du kaon.

Pour le système du pion :

δπ = mπ+ −mπ0 = 4.6 MeV (8.4.12)

Cette différence peut être due à différentes contributions :

a) δud = md −mu ;

b) l’interaction électrostatique proportionnelle à Q1Q2/⟨R⟩, où Q1 et Q2

sont les charges des deux quarks, à distance moyenne ⟨R⟩ ;

c) l’interaction “magnétique” proportionnelle à µ1, µ2 ∝ Q1

m1

Q2

m2

où les µi sont les moments magnétiques et mi les masses des quarks.Dans le cas de pions, la contribution a) est nulle, car on considère qu’en

moyenne au cours du temps le contenu en quark u et d est identique pour π±

et π0. On peut englober la contribution c) dans b), qui devient un terme “effectif”pour les contributions ∝ Q1Q2.

Les fonctions d’onde des pions sont (voir plus loin) :

π+ ≡ du et π0 ≡ 1√2(uu− dd) (8.4.13)

114. Les valeurs propres de Q sont exprimées en unité de la charge du positron.

239

Page 240: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Calculons l’espérance mathématique de Q1Q2 :

⟨π+|Q1Q2|π+⟩ =⟨du∣∣Q1Q2

∣∣du⟩ = +2

3

1

3

⟨du∣∣ du⟩ = 2

9(8.4.14)

⟨π0|Q1Q2|π0⟩ = 1

2

⟨uu− dd

∣∣Q1Q2

∣∣uu− dd⟩ = (8.4.15)

1

2

(⟨uu|Q1Q2|uu⟩+

⟨dd∣∣Q1Q2

∣∣dd⟩+ 0 + 0)

=1

2

(−4

9− 1

9

)= − 5

18

Rappelons que les états |uu⟩ et∣∣dd⟩ sont orthogonaux.

La contribution b) est donnée par :

π+ :2

9⟨R−1⟩π, π0 : − 5

18⟨R−1⟩π

δπ =

(2

9+

5

18

)⟨R−1⟩π =

1

2⟨R−1⟩π (8.4.16)

(⟨R−1⟩ est un paramètre à déterminer expérimentalement). A l’aide de δπ donnéepar 8.4.12, on obtient : ⟨R−1⟩π = 9.2 MeV 115.

Considérons maintenant le système du kaon :

δK = mK+ −mK0 = −4 MeV (8.4.17)

Dans ce cas, on a une contribution de a), car on a un contenu différent en quarkslégers :

K+ : su K0 : sd

masses : mu +ms md +ms

Q1Q2 =23

13= 2

9−1

313= −1

9

Donc :

δK = mu +ms −md −ms +2

9⟨R−1⟩K −

1

9⟨R−1⟩K

= mu −md +1

3⟨R−1⟩K (8.4.18)

Si l’on admet que ⟨R−1⟩K ≈ ⟨R−1⟩π = 9.2 MeV, on obtient :

−4 = mu −md +1

39.2 ; δud = md −mu ≃ 7 MeV (8.4.19)

Ce sont là des ordres de grandeurs. La même approche pour les baryons donne lesestimations δud = 4 à 7 MeV et ⟨R−1⟩effectif = 2 à 3 MeV.

115. Rappel : on a posé ℏc = 1.

240

Page 241: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

8.5 Représentation de dimension 3 de SU(2)isospin.

Cette représentation concerne, par ex., l’isotriplet I = 1. Elle est utile pourdécrire le système des pions π+, π0, π−, représenté par la base : 1

00

,

010

,

001

(8.5.1)

Les générateurs sont (A5.1.21) :

I1 =1√2

0 1 01 0 10 1 0

, I2 =1√2

0 −i 0i 0 −i0 i 0

, I3 =

1 0 00 0 00 0 −1

(8.5.2)

La représentation I = 1 peut se déduire de la représentation fondamentale 1/2 eneffectuant le produit direct :

1

2⊗ 1

2= 0⊕ 1 (8.5.3)

Exprimé en termes de dimensions, ce produit s’écrit : 2⊗ 2 = 1⊕ 3.On peut montrer (exercice) que la forme des générateurs 8.5.2 est cohérente

vis-à-vis de 8.5.3. En effet, si Ψ0,1 = (ψ⊗ϕ)0,1 définissent les états singulet et tripletformés par le couplage des deux spineurs ψ et ϕ, alors la rotation R donne :

Ψ′0,1 = U

↑Ψ0,1 ≡ (U

↑ψ ⊗ U

↑ϕ)0,1 = (ψ′ ⊗ ϕ′)0,1 (8.5.4)

de 8.5.2 Rotations de spineurs( 12× matrice de Pauli de 8.2.13)

Q. : montrer que si l’on utilise∼ψ =

1√2

−a+ ci(a+ c)

b

à la place de ψ =

abc

,

on obtient Rθ :∼ψ 7→

∼ψ

′= R(−θ)

∼ψ, avec R la matrice de rotation dans R3.

Comment construit-on les fonctions d’onde Ψ0,1 ? En d’autres termes, com-ment arranger exactement u, d, u et d de façon à respecter l’algèbre de SU(2) ?Considérons un système qq (méson), c. à d. 2⊗ 2. En s’inspirant des systèmes de

241

Page 242: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

spin 1/2, on a :

état singulet ≡ 1√2

∣∣dd+ uu⟩= |0, 0⟩

(8.5.5)

état triplet ≡

∣∣du⟩ = |1, 1⟩1√2

∣∣dd− uu⟩ = |1, 0⟩|−ud⟩ = |1,−1⟩

Q. : vérifier que les états du triplet ont la même symétrie vis à vis de l’échangeu↔ −d, u↔ d.

La construction de ces états se fait en considérant un état “extrême” (| I3 |= I)et en appliquant les opérateurs I± (sous l’annexe E, voir E.1.11) :

I−|I, I3⟩ =√I(I + 1)− I3(I3 − 1) |I, I3 − 1⟩

(8.5.6)I+|I, I3⟩ =

√I(I + 1)− I3(I3 + 1) |I, I3 + 1⟩

Avec les définitions du doublet (ud) (8.2.1) et de l’antidoublet (d−u) (8.3.3) on a

I+|d⟩ = [34+ 1

4]12 |u⟩ = |u⟩

I+|u⟩ = −I+|−u⟩ = −1∣∣d⟩ = ∣∣−d⟩

I+|u⟩ = I+∣∣d⟩ = 0

(8.5.7)

Des relations analogues peuvent s’écrire pour I−.

A partir de |−ud⟩, on peut construire l’ensemble du triplet par application deI+, en tenant compte des relations :

I+|1,−1⟩ =√2|1, 0⟩

I+|1, 0⟩ =√2|1, 1⟩

I+|1, 1⟩ = 0

(8.5.8)

Idem, pour l’état singulet :

I+|0, 0⟩ = 0 (8.5.9)

242

Page 243: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

I I3 Q JP Candidat

1 1 1 du 0− π+

1 0 0 1√2(dd− uu) 0− π0

1 -1 -1 −ud 0− π−

0 0 0 1√2(dd+ uu) 0− η

Table 8.5.1 – Représentations d’SU(2)isospin et associations possibles aux mésonspseudoscalaires non étranges connus.

Le tableau 8.5.1 donne les représentations d’SU(2)isospin, leurs nombres quan-tiques et leurs associations possibles aux mésons pseudoscalaires non étrangesconnus.Q. : discuter les associations proposées dans le tableau 8.5.1.

On peut construire également les fonctions d’onde de deux quarks (qq) enappliquant le schéma : 2⊗2 = 3⊕1. On obtient un état antisymétrique et 3 étatssymétriques du point de vue de la saveur :

1√2

(ud− du)

uu

1√2

(ud+ du)

dd

(8.5.10)

Ils ne correspondent à aucun état lié connu (Q = 4/3, 1/3, −2/3 !).

8.6 SU(3) : la symétrie unitaire.

L’extension de la symétrie d’isospin SU(2) à la symétrie unitaire SU(3) estliée à l’introduction dans le modèle des quarks d’un troisième quark s porteur

243

Page 244: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

d’étrangeté S 116. En bref :

doublet ξ =

(ud

)⇐⇒ isospin I

triplet φ =

uds

⇐⇒ isospin I + étrangeté S

Un état pur est dès lors représenté par l’un des vecteurs de base 117 :

|u⟩ =

100

, |d⟩ =

010

, |s⟩ =

001

Lors d’une rotation dans l’espace combiné isospin-étrangeté (symétrie unitaire),l’état ϕ se transforme comme :

ϕ′ = Uϕ (8.6.1)

U ∈ SU(3) est une matrice 3 × 3 unitaire de det=1, que l’on peut écrire :

U = exp

(−θn · λ

2

)≡ exp (−θn · F ) avec dim n = 8 (8.6.2)

Dans SU(2) on avait trois générateurs représentés par les matrices de Pauli. DansSU(3) on a huit générateurs représentés par (matrices de Gell-Mann) :

λ1 =

0 1 .1 0 .. . .

, λ2 =

0 −i .i 0 .. . .

, λ3 =

1 0 .0 −1 .. . .

λ4 =

0 . 1. . .1 . 0

, λ5 =

0 . −i. . .i . 0

, λ6 =

. . .. 0 1. 1 0

(8.6.3)

λ7 =

. . .. 0 −i. i 0

, λ8 =1√3

1 0 00 1 00 0 −2

que l’on complète avec λ0 =2√3

1 0 00 1 00 0 1

116. nombre quantique additif noté Str. dans la relation (4.10.7)117. à ne pas confondre avec les états de base de la représentation de dimension 3 d’SU(2).

244

Page 245: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les points représentent des zéros ; ils ont pour objet de souligner la présence dessous-groupes SU(2) dans SU(3). En particulier, si on laisse de côté la composanteétrange s de l’état ϕ, λ1, λ2, λ3 représentent la partie “isospin” du groupe :

F1 =λ12≡ I1 , F2 =

λ22≡ I2 , F3 =

λ32≡ I3 (8.6.4)

Donc les opérateurs d’échelle :

I± = F1 ± iF2 (8.6.5)

permettent d’engendrer le sous-espace isospin de la “symétrie unitaire”.

De même, on parle de Uspin et Vspin (dont la signification intuitive viendraplus loin), avec les opérateurs d’échelle 118 :

U± = F6 ± iF7 , V± = F4 ∓ iF5

U3 = −12F3 +

√34F8 , V3 = −1

2F3 −

√34F8

(8.6.6)

et :

Y =2√3F8 (8.6.7)

Ce dernier fait fonction d’opérateur “hypercharge”, où Y = B + S 119.

On peut aisément vérifier la relation 8.6.7 car B=1/3 pour chacun des 3 quarks,S = −1 pour le quark s et 0 pour les quarks u et d (tableau 1.1.2). On a :

Y =2√3F8 =

2√3

1√3

1

2

11−2

=1

3

11−2

(8.6.8)

Appliquons aux états u et s par exemple :

Y |u⟩ = Y

100

=1

3|u⟩ , Y |s⟩ = Y

001

= −2

3|s⟩ (8.6.9)

ce qui donne bien les valeurs de B + S attendues.

118. certains auteurs définissent l’axe V3 dans le sesn opposé de celui adopté ici, ce qui serépercute sur la définition de V±119. rappel : aussi Y = Bar.+ Str. dans la relation (4.10.7)

245

Page 246: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’opérateur de charge Q est défini par (4.10.6) :

Q =1

2Y + I3 →

F8√3+ F3 =

1

6

11−2

+1

2

1−1

0

=

23

−13

−13

(8.6.10)

comme on s’y attend.

i j k fkij i j k dijk i j k dijkfkij = −fkji dijk = djik dijk = djik

1 2 3 1 1 1 8 1/√3 3 5 5 1/2

1 4 7 1/2 1 4 6 1/2 3 6 6 −1/2

1 5 6 −1/2 1 5 7 1/2 3 7 7 −1/2

2 4 6 1/2 2 2 8 1/√3 4 4 8 −1/(2

√3)

2 5 7 1/2 2 4 7 −1/2 5 5 8 −1/(2√3)

3 4 5 1/2 2 5 6 1/2 6 6 8 −1/(2√3)

3 6 7 −1/2 3 3 8 1/√3 7 7 8 −1/(2

√3)

4 5 8√3/2 3 4 4 1/2 8 8 8 −1/

√3

6 7 8√3/2

Table 8.6.1 – Les constantes de structure d’SU(3) ; les fkij sont antisymétriques,les dijk sont symétriques.

Dans le cas d’SU(2), ϕ′ = (1 − iθn · I)ϕ permet l’étude des représentationsdu groupe. On a des reprentations I de dimensions 1,2,3,..., (spin 0, 1/2, 1,...) quisont astreintes à l’algèbre d’SU(2) :

[Ii, Ij] = iϵijkIk (8.6.11)

246

Page 247: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Dans le cas d’SU(3), c’est ϕ′ = (1− iθn · F ) qui permet cette étude obéissant àl’algèbre d’SU(3) :

[Fi, Fj] = ifkijFk Fi, Fj =1

3δij + dijkFk (8.6.12)

Les fkij et dijk sont appelés les constantes de structure du groupe ; leurs valeurs ensont données dans le tableau 8.6.1.

Dans SU(2) l’opérateur de Casimir a été défini par la relation 8.2.15. DansSU(3) cet opérateur est défini par :

F 2 ≡8∑i=1

FiFi =1

2I+, I−+ I23 +

1

2U+, U−+

1

2V+, V−+ F 2

8 (8.6.13)

Avant de discuter du comportement de F 2, cherchons à concrétiser les représen-tations de SU(3).

8.7 Les représentations d’SU(3).

On raisonne par analogie avec SU(2). Rappelons que dans SU(2) l’état d’isospindu système est défini par le |I, I3⟩ :

I ↔ indique la représentation en jeu

I3 ↔ indique l’élément ∈-I,-I+1,...,I − 1, I

Partant de la représentation fondamentale 1/2 (dim=2), on peut former lesreprésentations I = 0 et 1 (dimensions 1 et 3) par le diagramme de composition(dit diagramme des poids figure 8.7.1) : Pour I = 1, le diagramme donne 3

−1/2 +1/2

d u

representationfondamentale

I 3

η

,

pionsdu ud

(

=

−1/2 0 1/2 1−1

−1/2 +1/2

22

13

2 )Dim

=

+

Figure 8.7.1 – Diagramme des poids d’SU(2) lors de l’addition de deux isospins1/2.

états représentés aux extrémités et au centre du segment correspondant. Les 3

247

Page 248: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

états de charge du pion sont les candidats pour ces états physiques du systèmequark-antiquark. Pour I = 0, on a 1 état représenté à l’origine de I3. Le méson ηest le candidat pour cet état physique.

U3

V3

I 3 I 3

U3

V3

33

u d

s

12

1212

12

12

12

12

12

12

12

12

12

3

s

d u

Figure 8.7.2 – Les représentations fondamentales d’SU(3)saveur 3 et 3 dans lesystème d’axes I3, U3, V3.

Dans SU(3), on travaille dans un espace géométrique bidimensionnel 120 en-gendré par I3 et l’étrangeté S, ou aussi par I3 et l’hypercharge Y = B + S 121.

Pour une représentation donnée (voir plus loin) la base sera définie par les 3nombres :

(I, I3, Y ) ou (I, F3, F8) avec F3 ≡ I3, F8 ≡√3

2Y (8.7.1)

Exemple :π+ ≡ |octet qq, I = 1, I3 = +1, Y = 0⟩

signifie que le pion positif est le membre de l’octet des quarks uds ; dans cet octet,il occupe la position Y = 0, I3 = +1. Notons qu’on ne peut pas laisser de côtél’indication I = 1, car il y a une dégénérescence.

On trouve aussi cette expression écrite sous la forme :

π+ ≡

∣∣∣∣∣∣8, Y = 0︸ ︷︷ ︸SU(3)

, 3, I3 = +1︸ ︷︷ ︸SU(2)

120. La dimension de l’espace est égale au nombre de générateurs qui peuvent être diagonaliséssimultanément.121. On utilise la notation SU(3)saveur pour rappeler qu’on se situe dans l’espace I3 − Y .

248

Page 249: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les représentations fondamentales d’SU(3)saveur 3 et 3 peuvent s’exprimer gra-phiquement, soit dans le système d’axes I3, U3, V3 (figure 8.7.2) soit dans lesystème d’axes I3, Y = B + S (figure 8.7.3). On peut vérifier graphiquement que

I 3 I 3

33

13

32

13

32

u

s

d

211

2 211

2u ( ,0 ),

211

2

12

12

21

21

211

2

d

3

0

s (0

12 2

(

(0

12 2

Y = B + S

1 1

(

( )0,,

),,

),,

)0,,)0, ,

Figure 8.7.3 – Les représentations fondamentales d’SU(3)saveur, dans le systèmed’axes I3, Y = B + S ; les valeurs de I3, U3, V3 correspondantes sont donnéesentre parenthèses.

I3 = −(V3 + U3) ou l’établir à l’aide des opérateurs 8.6.7 :

V3 + U3 =

(−1

2F3 −

√3

4F8

)+

(−1

2F3 +

√3

4F8

)= −F3 ≡ −I3 (8.7.2)

Les opérateurs I±, U±, V± ont l’action suivante :

I+ fait I3 → I3 + 1 et Y → YU+ fait I3 → I3 − 1

2et Y → Y + 1

V+ fait I3 → I3 − 12

et Y → Y − 1(8.7.3)

En ce qui concerne les représentations 3 et 3, il faut relever ici la différence desituation par rapport à celle évoquée sous SU(2). Il n’est pas possible d’arrangerun triplet d’antiparticules de telle sorte qu’il se transforme comme le triplet desparticules. Si l’on choisit de décrire les triplets correspondants par :

ψ

uds

et φ =

u

ds

(8.7.4)

249

Page 250: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

l’ensemble des générateurs λi à utiliser pour le triplet φ s’obtient par 122 :

λi = Wλ∗W−1 où W =

0 1 0−1 0 00 0 −1

(8.7.5)

U3

12

12

du

us

V3

I 3

s

u d

u

u u

Figure 8.7.4 – Procédé graphique de construction d’états qq.

Graphiquement on peut effectuer le produit direct 3 ⊗ 3, c. à d. combinerantiquarks et quarks 123 pour former les états de mésons. Considérons par ex.(voir figure 8.7.4) le point où se trouve le quark u, c’est-à-dire en : I3 = 1/2, U3 =0, V3 = −1/2 ; entourons ce point du triangle des antiquarks u, s, d, ce qui donneles combinaisons :

I3 U3 V3

uu = (−12+ 1

2, 0 + 0 , 1

2− 1

2) = ( 0 , 0 , 0 )

su = ( 0 + 12, 1

2+ 0 , −1

2− 1

2) = ( 1

2, 1

2,−1 )

du = ( 12+ 1

2, −1

2+ 0 , 0− 1

2) = ( 1 ,−1

2,−1

2)

L’opération étant répétée en partant des quarks d et s, on obtient un hexagonedont les sommets et le centre sont occupés par les différentes combinaisons d’états

122. Voir par ex. S. Gasiorowicz, Elementary particle physics. Ed. J. Wiley and Sons, chap. 16et 17.123. On peut aussi faire le produit direct 3 ⊗ 3 c’est-à-dire combiner deux quarks ; cela nesemble donner aucun état physiquement observable.

250

Page 251: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

V3

U3

I 3

us

sd su

udud

sd

dd ss, ,uu

Figure 8.7.5 – Ensemble des représentations (nonet) obtenues par le produitdirect 3⊗ 3.

possibles (voir figure 8.7.5). La position centrale comporte une dégénérescenced’états, puisqu’on trouve en ce point les combinaisons uu, dd, ss. Pour arrangercet ensemble on s’inspire de la procédure utilisée dans le cas de SU(2). On partd’un état extrême non ambigu, et on applique l’un des opérateurs I±, U± ouV± faisant transiter d’un sous-état à l’autre le long de l’axe correspondant (parexemple : (I+|I, I3 = −I⟩ ⇒ |I, I3 = −I + 1⟩). Dans SU(2) l’action de I+ dans lesous-espace Y = 0 amène à définir au centre (I = 0) le pion neutre et un candidatη (8.5.10) :

π0 ≡ |1, 0⟩ = 1√2(dd− uu) (8.7.6)

η ≡ |0, 0⟩ = 1√2(dd+ uu) (8.7.7)

La décomposition 2⊗ 2 = 3⊕ 1 donne un (iso) triplet (pion) et un (iso) singulet(eta). Dans SU(3) la décomposition 3⊗3 = 8⊕1 donne un octet et un singulet. Lesingulet doit être complètement symétrique par échange u, d et s (comme l’état|0, 0⟩ dans SU(2), 8.5.5). On va donc l’écrire 124 :

η1 ≡ |singulet⟩ ≡∣∣∣ 1︸︷︷︸ , 1︸︷︷︸⟩ ≡ 1√

3(uu+ dd+ ss) (8.7.8)

124. On reviendra aux formes η1 et η8 dans le § 8.9 (relations 8.9.8 et 8.9.9).

251

Page 252: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

dimension de SU(↑3)

↑et de SU(2) isospin

Pour cet état I±|1, 1⟩ = V±|1, 1⟩ = U±|1, 1⟩ = 0.

L’état représenté par 8.7.6 fait partie de l’octet d’SU(3)saveur et du tripletd’isospin.

π0 = |8, Y = 0,3, I3 = 0⟩ = 1√2(dd− uu) (8.7.9)

On peut construire une combinaison orthogonale à 8.7.8 et 8.7.9 faisant partiede l’octet d’SU(3)saveur et du singulet d’isospin :

η8 = |8, Y = 0,1, I3 = 0⟩ = 1√6(dd+ uu− 2ss) (8.7.10)

La décomposition 3⊗3 = 8⊕1 est représentée graphiquement dans la figure 8.7.6

3 3

8,1>

18

8,3> 1,1>

Figure 8.7.6 – Décomposition 3⊗ 3 = 8⊕ 1

Il est commode, en vue de la généralisation de recourir au langage de la théoriedes groupes.

On peut montrer que toutes les représentations d’SU(3)saveur correspondent àdes structures géométriques dans le plan (I3, Y ) avec périmètre convexe, triangles,hexagones et plus généralement les formes :

TTTTTT QQQQQ

p

q

252

Page 253: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On peut donc classer une représentation par deux nombres, p et q, qui in-diquent le nombre de pas qu’il faut faire selon les axes V3 (Vspin) et I3 (Ispin)pour atteindre un extrême du domaine convexe à partir d’un autre extrême.

I q I+ϕmax = 0

0 · 0

1/2 · ←− · 1

1 · ←− · ←− · 2

3/2 · ←− · ←− · ←− · 3ϕmax

Table 8.7.1 – SU(2) : q en fonction de I quand on part de ϕmax où I3 = Imax = I

Dans SU(2), seul l’axe I3 est concerné. Dans le tableau 8.7.1 on donne lesvaleurs de q en fonction des valeurs de I quand on part de ϕmax où I3 = Imax = I.En partant de l’état maximal, on peut donc faire 2I sauts avec l’opérateur d’échelleavant de se trouver dans le vide ; le 2I + 1ième saut donne : (I−)2I+1ϕmax = 0.

Dans SU(3) la même procédure peut être appliquée sauf qu’il faut raisonnerselon les axes I3, U3 et V3 du plan (voir figure 8.7.7). L’état maximal est celui quia la propriété :

I+ϕmax = U+ϕmax = V+ϕmax = 0 (8.7.11)

Si l’on applique à ϕmax p+1 fois l’opérateur V−, on se trouve dans le vide. Onrecule donc d’un pas et on fait p sauts (V−)pϕmax. A partir de là , si l’on appliqueq+1 fois l’opérateur I− on est à nouveau dans le vide (I−)

q+1(V−)pϕmax = 0.

L’état ϕmax est défini par :

I3 = 12(p+ q) = Imax3

Y = 13(p− q) = Y max

(8.7.12)

Dans SU(2) la valeur propre de I2 est :

⟨I2⟩ = I(I + 1) = I2 + I = (Imax3 )2 + Imax3

où Imax3 est la valeur propre I3 de l’état ϕmax.

253

Page 254: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 8.7.7 – Classification dans SU(3)

Dimension (p,q) ⟨F 2⟩

1 (0,0) 03 (1.0) 4/33 (0,1) 4/38 (1,1) 36 (2,0) 10/310 (3,0) 6

Table 8.7.2 – Valeurs propres de F 2 en fonction de (p, q)

Dans SU(3) on peut montrer que :

⟨F 2⟩ = (Imax3 )2 + 2Imax3 +3

4(Y max)2 (8.7.13)

En utilisant 8.7.12 on obtient :

⟨F 2⟩ = 1

3(p2 + pq + q2) + p+ q (8.7.14)

Le tableau 8.7.2 donne les valeurs propres de F 2 en fonction des valeurs de (p, q).On voit qu’elles ne spécifient pas complètement la représentation (comme c’étaitle cas pour I2) : par ex. : F 2(3) = F 2(3) = 4/3.

254

Page 255: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

8.8 Le modèle statique des quarks.

Ainsi qu’on l’a rappelé dans l’introduction (§ 8.1), il existe une bonne corres-pondance entre la classification en JP des hadrons observés et les représentations(irréductibles) du groupe SU(3)saveur pour les états liés qq et q q q (ou q q q).Toutefois, la symétrie unitaire n’est que grossièrement respectée, p. ex. les massesde hadrons appartenant à un multiplet d’SU(3)saveur donné présentent de notablesdifférences entre elles. Ainsi, on est amené à compléter le modèle en admettantque les propriétés du hadron sont fonctions du contenu en quarks de valence, de laconfiguration spatiale et de l’état de spin relatif de ces derniers. Par ex.. on consi-dère que la masse du système croît quand l’état d’excitation radiale (n=1,2,...) etl’état d’excitation orbitale (L=0,1,2,...) augmentent.

q(q) I I3 S B Q Y = 2(Q− I3)

u(u) 1/2 ±1/2 0 ±1/3 ±2/3 ±1/3

d(d) 1/2 ∓1/2 0 ±1/3 ∓1/3 ±1/3

s(s) 0 0 ∓1 ±1/3 ∓1/3 ∓2/3

Table 8.8.1 – Nombres quantiques additifs des quarks (antiquarks) légers et duquark (antiquark) étrange.

Pour simplifier l’exposé, nous en restons ici aux quarks (antiquarks) des troissaveurs u(u), d(d) s(s) 125 ; on en rappelle les nombres quantiques dans le tableau8.8.1. De plus, nous nous concentrons sur certaines situations particulières d’étatsmésoniques et baryoniques où l’interprétation dans le cadre des représentationsd’SU(3)saveur n’est pas triviale.

8.9 Les systèmes liés qq (mésons).

La symétrie SU(3)saveur prédit que le système lié qq (où q est l’une des troissaveurs) peut se situer dans un singulet ou dans un octet de symétrie unitaire, cequi s’exprime par la décomposition :

3⊗ 3 = 1⊕ 8 (8.9.1)

125. L’extension à une quatrième saveur de quark est présentée au § 8.13. Voir aussi la tablePDG, chapitre 13 Quark model.

255

Page 256: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Pour l’état singulet du système qq, on a : I = 0, S = Y = 0 ; pour les étatsde l’octet, on a : I = 0 ou 1, S = Y = −1, 0 ou 1. Le modèle ne prévoit pasd’état d’isospin I = 3

2, 2, ... et d’étrangeté (d’hypercharge) S(Y ) = ∓2, ∓3, ....

Cette prédiction est vérifiée par l’étude des mésons et de leurs états excités. Parexemple, la recherche de candidats à l’isospin I = 3

2se désintégrant dans la voies

K±π± et celle de candidats à l’isospin I = 2 se désintégrant dans les voies π±π±

a toujours été infructueuse.

Q. : dans quelles voies de désintégration faut-il rechercher d’éventuels mésonscandidats à l’étrangeté S = ±2 ?

Le quark (l’antiquark) est un fermion (spin 12) ; le système qq peut donc se

trouver dans l’état singulet de spin : S = 0, Sz = 0, ou dans les états triplets despin : S = 1 ; Sz = −1, 0 ou 1 selon que les spins des quarks constituants sontantiparallèles (↑↓) ou parallèles (↑↑) 126. Ce spin doit être combiné avec le momentorbital relatif L,Lz des membres de la paire qq pour obtenir le moment angulaireJ, Jz du système (son spin, pour l’observateur placé au barycentre ). L’ensemble deces informations se retrouve en condensé dans la notation spectroscopique usuelle2S+1LJ .

La fonction d’onde du système peut être définie comme le produit de deuxtermes, l’un se rapportant à la représentation d’SU(3)saveur, l’autre aux configura-tions spaciale et spinorielle :

|méson⟩ =⇒ |qq⟩ =∣∣∣∣ composanted’SU(3)saveur

⟩|L,Lz, J, Jz⟩ (8.9.2)

par ex., la fonction d’onde d’un méson π+ peut se définir par :

|π+⟩ = |8, Y = 0, I = 1, I3 = 1⟩ |0, 0, 0, 0⟩ (8.9.3)

Une fois donnés I3 et Y , la charge électrique est fixée (relation 4.10.6). De même,une fois donné L, la parité du système est déterminée par : P = (−1)L+1 (voirrelation 4.3.10).

Après ce bref rappel, nous venons au problème d’interprétation de certainsétats mésoniques.

Dans le tableau 8.9.1, on a extrait de la table PDG une série de mésons nonétranges et étranges connus avec les nombres quantiques additifs attribués et ledomaine des masses concerné. Il est frappant de trouver dans la colonne I = 0généralement deux états neutres (I3 = Y = 0) identifiés pour un JPC donné et avecdes masses voisines. Notons qu’un troisième état neutre est contenu implicitementdans la colonne I = 1 pour le même JPC . Rappelons qu’SU(3)saveur de son côtéprédit également trois états neutres I3 = S = Y = 0 : le membre neutre du triplet

126. Il est courant de désigner l’étrangeté et le spin par la même lettre S ; le contexte danslequel ces grandeurs sont utilisées devrait permettre de lever toute ambiguïté à leur sujet.

256

Page 257: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

2S+1LJ JPC du, uu, dd su, sd uu, dd, ss région deI = 1 I = 1

2I = 0 masse [MeV]

1S0 0−+ π K η , η′ 100-600

3S1 1−− ρ K∗(892) ω , ϕ 700-1000

1P1 1+− b1(1235) K1B h1(1170) , ? 1100-1300

3P0 0++ a0(1450) K∗0(1430) f0(1370) , f0(1710) 1400-1700

3P1 1++ a1(1260) K1A f1(1285) , f1(1420) 1300-1400

3P2 2++ a2(1320) K∗2(1430) f2(1270) , f ′

2(1525) 1300-1500

1D2 2−+ π2(1670) K2(1770) ? , ? 1700-1800

3D1 1−− ρ(1700) K∗(1680) ω(1650) , ?

Table 8.9.1 – Etats liés du système qq ; mésons non étranges et étranges assignésà ces états.

d’isospin (contenu en quarks : 1√2(uu+dd), le singulet d’SU(3)saveur ( 1√

3(uu+dd+

ss)), et le membre neutre de l’octet ( 1√6(uu+dd−2ss)). L’assignation du premier

de ces états est immédiate ; celle des deux autres, par contre, n’est pas évidenteet requiert un examen plus approfondi. A titre d’exemple, nous considérons lasituation des mésons pseudoscalaires JPC = 0−+ et celle des mésons vecteursJPC = 1−− (les deux premières lignes du tableau 8.9.1) 127.

Mésons pseudoscalaires.On rappelle dans le tableau 8.9.2 leur appartenance aux représentations d’SU(3)saveur,

leur masse et leur contenu en quarks.La masse du système qq peut s’exprimer sous la forme :

m = ⟨qq|H0|qq⟩ =M(2S+1LJ) +mq +mq où : (8.9.4)

127. La situation des mésons de spin J > 1 est présentée dans la table PDG, chap. 13 Quarkmodel.

257

Page 258: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

H0 est l’opérateur de masse ;

M(2S+1LJ) est la contribution dépendant des états de spin et de momentorbital ; on admet que cette contribution est indépendante de la saveur du quark.

Pour simplifier l’écriture dans ce qui suit, on pose :

mq = mq = m0 pour les quarks u et d= ms pour le quark s

M(1S0) = M0

Dans cette notation, les masses des états du tableau 8.9.2 s’écrivent :

mπ = M0 + 2m0 (8.9.5)mK = M0 +m0 +ms (8.9.6)

mη8 =⟨

1√6(uu+ dd− 2ss)

∣∣∣H0

∣∣∣ 1√6(uu+ dd− 2ss)

⟩= M0 +

1

6

⟨uu|H0|uu⟩︸ ︷︷ ︸=2m0

+⟨dd∣∣H0

∣∣dd⟩︸ ︷︷ ︸=2m0

+ ⟨uu|H0

∣∣dd⟩︸ ︷︷ ︸=0

+ ..... + 4⟨ss|H0|ss⟩︸ ︷︷ ︸=8ms

= M0 +

2

3m0 +

4

3ms (8.9.7)

En combinant 8.9.5, 8.9.6 et 8.9.7, on obtient la relation de Gell-Mann-Okubo 128 :

mη8 =1

3(4mK −mπ) (8.9.8)

mη1 =⟨

1√3(uu+ dd+ ss)

∣∣∣H0

∣∣∣ 1√3(uu+ dd+ ss)

⟩= M0 +

1

3(4m0 + 2ms) (8.9.9)

On peut également en tirer une relation entre mη1 et les masses de mésons obser-vés 129.

La composante des interactions responsable de la violation de symétrie SU(3)saveur

peut engendrer le mélange des états appartenant au singulet et à l’octet. Cet effetde mélange peut être décrit à l’aide d’une matrice de rotation R :(

η′

η

)= R

(η1η8

)=

(cos θps sin θps− sin θps cos θps

)(η1η8

)(8.9.10)

128. Dans la table PDG et dans la littérature, on trouve cette relation (et celles qui suivent)écrites en terme des masses au carré. L’argumentation est que les bosons sont décrits par l’équa-tion de Klein-Gordon où la masse est présente sous sa forme quadratique.129. Nous n’explicitons pas cette relation, car elle conduit à des résultats peu satisfaisants, enparticulier pour les mésons pseudoscalaires. Voir à ce sujet par exemple, B.T. Feld, Models ofElementary Particles, Blaisdell. Publ. Comp. (1968), chap. 14 et 15.

258

Page 259: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

multiplet états masse m ∆ m=m-mπ m2 contenu en quarksd’SU(3)saveur [MeV] [MeV] [GeV2]

π+ du140

π− ud

π0 135 0 0.0182 1√2(uu− dd)

8 K+ su494

K− us

K0 sd497 362 0.2470

K0

ds

8 η8 ≃ 612 1√6(uu+ dd− 2ss)

1 η1 ≃ 8861√3(uu+ dd+ ss)

m18 ≃ 155

mélangede η 547 407 0.2995 −η1 sin θps + η8 cos θps

8 et 1η′ 958 818 0.9174 η1 cos θps + η8 sin θps

θps ≃ −23

Table 8.9.2 – Série de mésons pseudoscalaires JP = 0−. Notons que si les massessont remplacées par leur carré dans les relations 8.9.8 à 8.9.16, on obtient : θps ≃−11 .

où θps est l’angle de mélange pour les mésons pseudoscalaires.

259

Page 260: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Par rapport à la base η, η′, la matrice des masses est diagonale :

H0

(η′

η

)=

(mη′ 00 mη

)(η′

η

)(8.9.11)

Par contre, dans la base η8, η1, par suite de l’effet de mélange, on a 130 :

H0

(η1η8

)=

(m1 m18

m81 m8

)(η1η8

)(8.9.12)

où : (m1 m18

m81 m8

)= R† ·

(mη′ 00 mη

)·R

Après multiplication des matrices et égalisation terme à terme, on peut obtenirdifférentes relations entre les masses et l’angle de mélange, telles que :

m1 +m8 = mη +mη′ (8.9.13)m2

18 = m281 = m1 ·m8 −mη ·mη′ (8.9.14)

tan2 θps =m8 −mη

mη′ −m8

(8.9.15)

tan θps =m18

mη′ −m8

=m8 −mη

m18

(8.9.16)

Les masses inconnues sont déterminées à l’aide des masses mesurées en procédantdans l’ordre suivant : m8 de 8.9.8, m1 de 8.9.13 et m18 de 8.9.14. L’angle demélange θps s’en déduit à l’aide des relations 8.9.15 ou 8.9.16 (les résultats sontdonnés dans le tableau 8.9.2).

Notons que le signe de θps est fonction du signe de m18. Nous avons admis quem18 < 0 en suivant la recommandation de la table PDG 131.

Mésons vecteurs.Le tableau 8.9.3 est le pendant du tableau 8.9.2 et la comparaison ligne à ligne

permet de faire la correspondance entre les deux séries de mésons. Les compo-sitions en quarks du singulet et de l’octet sont les mêmes, mais la configurationspinorielle est différente ; aussi avons-nous utilisé des caractères différents pourdésigner ces états.

Les masses des mésons vecteurs sont supérieures aux masses des mésons pseu-doscalaires, ce qui indique que dans la relation 8.9.4 M(3S1) = M1 > M(1S0) =

130. Pour alléger l’écriture, on a écrit m1 et m8 pour les masses du singulet et de l’octetd’SU(3)saveur.131. Voir table PDG chapitre 13 Quark Model.

260

Page 261: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

multiplet états masse m ∆ m=m-mπ m2 contenu en quarkd’SU(3)saveur [MeV] [MeV] [GeV2]

ρ+ du766

ρ− ud

ρ0 769 0 0.591 1√2(uu− dd)

K∗+ su8 892

K∗− us

K∗0 sd896 127 0.803

K∗0

ds

8 ω8 ≃ 938 1√6(uu+ dd− 2ss)

1 ω1 ≃ 8841√3(uu+ dd+ ss)

m18 ≃ 112

mélangede ϕ 1019 1.038 −ω1 sin θv + ω8 cos θv

8 et 1ω 783 0.613 ω1 cos θv + ω8 sin θv

θv ≃ 36

Table 8.9.3 – Série de mésons vecteurs JP = 1−. Notons que si les masses sontremplacées par leur carré dans les relations 8.9.8 à 8.9.16, on obtient : θv ≃ 39 .

M0. Les masses inconnues et l’angle de mélange θv sont déterminés en suivant le

261

Page 262: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

même schéma qu’auparavant et en convenant de faire les substitutions suivantes :

K0 =⇒ K∗0(896) ; π0 =⇒ ρ0 dans 8.9.8

η′ =⇒ ω ; η =⇒ ϕ dans 8.9.13 et 8.9.16

(Voir les résultats dans le tableau 8.9.3).

Il apparaît dans le cas présent qu’on s’approche de la situation du mélangeidéal où θidéal = 35.3 ; cos θidéal =

√23; sin θidéal =

√13

et :

|ϕ⟩ ≈ −∣∣∣ 1√

3(uu+ dd+ ss)

⟩√13+∣∣∣ 1√

6(uu+ dd− 2ss)

⟩√23= −|ss⟩

|ω⟩ ≈ −∣∣∣ 1√

3(uu+ dd+ ss)

⟩√23+∣∣∣ 1√

6(uu+ dd− 2ss)

⟩√13= 1√

2(uu+ dd)

On en trouve une confirmation dans le fait que le méson ϕ (essentiellementsystème ss) se désintègre en kaons et en pions dans la proportion :

BR(ϕ→ KK) ≃ 83%

BR(ϕ→ ρπ, ρππ) ≃ 16%

La masse du ϕ dépasse de peu le seuil de désintégration en KK, ce qui expliquela largeur observée (Γϕ ≃ 4.5MeV ). Les mécanismes de la désintégration du ϕ sontune application de la règle OZI 132 qui prescrit la prédominance du processus régipar un diagramme connecté (figure 8.9.1 a) sur le processus régi par un diagrammedéconnecté (figure 8.9.1 b). Pour expliquer le rapport d’embranchement de lavoie ϕ → ρπ, on postule l’intervention d’un mécanisme concurrentiel du typeϕ→ KK → ρπ (diagramme de la figure 8.9.2).

8.10 Les systémes liés q q q et q q q (baryons et antibaryons).

La symétrie SU(3)saveur prédit que le système q q q (q q q) peut se présenterdans 27 combinaisons différentes (rappel, on se limite à 3 saveurs), ce qui s’exprimepar la décomposition :

3⊗ 3⊗ 3 = 3⊗ (6⊕ 3) = 10⊕ 8⊕ 8′ ⊕ 1 (8.10.1)

Dans ce qui suit on admet que les trois quarks sont dans l’état d’excitation le plusbas possible (n = 1, L = 0).

Les états du décuplet 10.132. S. Okubo, G. Zweig, J. Iizuka Phys. Lett. 5 (1963) 165, Suppl. Prog. Theor. Phys. 37-38(1966) 21.

262

Page 263: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

s

s s

ρ π+

ud

a) b)

s

s

uK K +

u

φ φs

ud

Figure 8.9.1 – a) Diagramme de ϕ → KK favorisé par la règle OZI ; b) Dia-gramme de ϕ→ ρπ défavorisé par la règle OZI.

sd

ρ

π+

sφ K

K+

u

d

u

Figure 8.9.2 – Diagramme de ϕ→ KK → ρπ, où KK est un état intermédiairevirtuel.

Les spins des quarks sont alignés, le système est donc dans l’état symétriquede spin : |↑↑↑⟩ =

∣∣J = 32, JZ

⟩, où JZ peut prendre les valeurs −3

2− 1

2, 1

2, 3

2.

La figure 8.10.1 représente les baryons observés et leur contenu en quarks, dansle système d’axes I3, Y . Les antibaryons correspondants seraient représentés parune figure symétrique par rapport à ces deux axes. Les états situés aux sommets

263

Page 264: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

du triangle sont manifestement symétriques en terme de la saveur des quarks ; parcontinuité l’ensemble des états de la représentation 10 doivent l’être. Donc dansla figure 8.10.1 il faut comprendre que :

ddu =⇒ sym(ddu) =1√3(ddu+ dud+ udd) (8.10.2)

et de même :

uds =⇒ sym(uds) =1√6[(uds+ usd) + (dus+ dsu) + (sud+ sdu)] (8.10.3)

Y

I 3

ddd ddu duu uuu

dds

dss uss

uus

Σ

Ξ

Y

I 3

∆ ∆ ∆

Σ Σ

Ξ Ξ

dus

sss2

1

0

1

Ω

(1232)

(1385)

(1530)

(1672)Ω

Σ

+ ++

* *0 +*

**

0

0

Figure 8.10.1 – Décuplet JP = 32

+ et baryons correspondants.

Les opérateurs I± peuvent être utilisés pour construire les états intermédiairesà partir des états situés aux sommets du triangle (voir figure 8.10.2) ; par exemple :

I−(uuu) ≈ I−(u)uu+ uI−(u)u+ uuI−(u)

=1√3(duu+ udu+ uud) (8.10.4)

Le facteur 1√3

est introduit pour assurer la normalisation de la fonction d’onde.

Relevons que des états de fermions dont la fonction d’onde est complète-ment symétrique sont proscrits par le principe d’exclusion de Pauli. Dans le casprésent, l’antisymétrie globale est restaurée par l’adjonction d’une composanted’SU(3)couleur antisymétrique.

Les quarks sont porteurs d’une charge de couleur, susceptible de prendre troisvaleurs différentes 133. Formellement on peut désigner ces trois couleurs par leurs

133. Le concept de la charge de couleur des quarks sera développé au § 8.15.

264

Page 265: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 8.10.2 – Configurations du système (qqq) prédites par SU(3)saveur.

265

Page 266: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

initiales, par exemple celles des trois couleurs red, green, blue. Pour les états qqq(baryons), on prescrit que :

|composante (SU(3)couleur⟩ = |antisym. rgb⟩ =

= 1√6[(rgb-rbg) + (gbr-grb) + (brg-bgr)]

(8.10.5)

Ces états sont donc des singulets d’SU(3)couleur, c’est à dire “incolores”.

Pour les états d’antibaryons, on définit les charges de couleur complémentairesr g, b, au même titre qu’on a des charges électriques de signes opposés. Il n’y aensuite qu’à faire les substitutions adéquates dans 8.10.5.

Notons ici que les systèmes liés qq (mésons) échappent à la contrainte de lastatistique de Fermi-Dirac ; on garde cependant la prescription qu’il s’agit d’états“incolores”, ce qui conduit à écrire leur composante d’SU(3)couleur sous la forme :

|composante d’SU(3)couleur de qq⟩ =

= 1√3(rr + gg + bb)

(8.10.6)

L’ état du singulet 1.Dans l’état singulet, la composante d’SU(3)saveur est complètement antisymé-

trique (figure 8.10.2) :

|composante (SU(3)saveur de qqq⟩ =⇒ antisym.(uds) =

= 1√6[u(sd− ds) + d(us− su) + s(du− ud)]

(8.10.7)

Q. : 1) montrer que l’état singulet d’SU(3)saveur du système qqq avec L = 0 est in-terdit par la statistique de Fermi-Dirac compte tenu des prescriptions sur SU(3)couleur ;

2) chercher un candidat pour ce singulet d’SU(3)saveur dans la table PDG eten donner les nombres quantiques.

Les états des octets 8 et 8′.La composante d’SU(3)saveur a une symétrie mixte relativement aux paires de

quarks q1q2, q2q3 et q1q3. On peut construire ainsi (voir figure 8.10.2) trois octetsψ12, ψ23 et ψ13 dont deux seulement sont indépendants. Effectivement, on peutvérifier en prenant les termes correspondants des octets que ψ13 = ψ12 + ψ23.

Les opérateurs I± permettent de transiter d’un état à l’autre le long de l’axeI3 de l’octet. Par exemple, partant de l’état φ = 1√

2(ud − du)d dans l’octet ψ12,

266

Page 267: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

on a :

I+[(ud− du)d] = I+[ud− du]d+ (ud− du)I+[d]= (I+[u]d+ uI+[d]− I+[d]u+ dI+[u])d+ (ud− du)u= (0 + uu− uu+ 0)d+ (ud− du)u= (ud− du)u

(8.10.8)

La construction de la composante spinorielle n’est pas triviale. Rappelons que lafonction d’onde totale du système des trois quarks doit être antisymétrique :

(8.10.9)|q1q2q3⟩︸ ︷︷ ︸antisym.

= |comp. spaciale L=0⟩︸ ︷︷ ︸symétrique

· |comp. de spin⟩︸ ︷︷ ︸?

· |comp. d’SU(3)saveur⟩︸ ︷︷ ︸sym. mixte︸ ︷︷ ︸

symétrique

·

· |comp. d’SU(3)couleur⟩︸ ︷︷ ︸antisymétrique

Cette contrainte implique que la fonction d’onde soit symétrique par l’échangesimultané du spin et de la saveur. La structure de la composante spinorielle estdonc déterminée par la symétrie mixte de la composante d’SU(3)saveur. Illustronscette corrélation en raisonnant de nouveau sur l’état φ = 1√

2(ud− du)d de l’octet

ψ12. Dans un premier temps, on associe la partie antisymétrique en saveurs (ud−du) à une composante antisymétrique en spins des quarks :

(ud− du)⊗ (↑↓ − ↓↑) = u ↑ d ↓ −u ↓ d ↑ −d ↑ u ↓ +d ↓ u ↑ (8.10.10)

L’association ainsi réalisée est manifestement symétrique, ce qu’on peut vérifieren échangeant la position des deux quarks. Remarquons de plus qu’elle donneune contribution nulle au spin du système. Dans un second temps, on complètel’association ci-dessus en adjoignant à chacun des termes de droite de 8.10.10 letroisième quark muni de son spin (d ↑ ou d ↓). Dans un troisième temps, onsymétrise l’état obtenu en effectuant dans chacun de ces termes une permutationde la position du troisième quark par rapport aux deux autres. L’expression finalecomporte 12 termes qui peuvent être partiellement regroupés comme suit :

1√18

[−2(d ↑ d ↑ u ↓)− 2(d ↑ u ↓ d ↑)− 2(u ↓ d ↑ d ↑)

+u ↑ d ↑ d ↓ +u ↑ d ↓ d ↑ +d ↓ u ↑ d ↑

+d ↑ u ↑ d ↓ +d ↑ d ↓ u ↑ +d ↓ d ↑ u ↑]

(8.10.11)

Le facteur 1√18

assure la normalisation de l’état. Le spin du système est déterminépar le spin du troisième quark (J = 1/2, JZ = ±1/2).

267

Page 268: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

La même démarche peut être empruntée pour les autres membres de l’octetψ12 (figure 8.10.2) ainsi que pour les membres de l’octet ψ23. On obtient des ex-pressions identiques membre à membre pour ces deux octets (à vérifier à titred’exercice) ; ainsi les octets 8 et 8′ dans 8.10.1 se confondent, une fois lescomposantes de spin introduites et la symétrisation adéquate effectuée. Les ex-pressions détaillées pour l’ensemble des membres de l’octet baryonique se trouventdans la littérature spécialisée 134. Notons que ces expressions se trouvent souventécrites sous une forme rationalisée plus commode pour l’exploitation. Par exemple,on trouve 8.10.11 écrite comme suit :

8.10.11 =⇒ 1√6

[−2⟨↓ ↑ ↑u d d

⟩+

⟨↑ ↑ ↓u d d

⟩+

⟨↑ ↓ ↑u d d

⟩](8.10.12)

où⟨↓ ↑ ↑u d d

⟩≡

symétr.

1√3[u ↓ d ↑ d ↑ + d ↑ d ↑ u ↓ + d ↑ u ↓ d ↑]

En conclusion, l’application des règles de symétrie unitaire et des règles de lastatistique de Fermi-Dirac amène à prédire que les baryons (antibaryons) nonétranges et étranges dans l’état fondamental se situent dans le décuplet de spinJ = 3/2 (figure 8.10.1) et dans l’octet de spin J = 1/2 (figure 8.11.1).

8.11 SU(3)saveur⊗ SU(2)spin.

La procédure décrite au § 8.10 peut-être étendue et formalisée en s’appuyantsur les règles de la théorie des groupes. La combinaison des symétries SU(3)saveur

et SU(2)spin engendre la symétrie SU(6)saveur-spin. Les états de base de la représen-tation 6 sont :

u ↑ =

100000

, u ↓ =

010000

, d ↑ =

001000

, d ↓ =

000100

,

s ↑ =

000010

, s ↓ =

000001

134. Voir par ex. W.M. Gibson et B.R. Pollard, Symmetry Principles in Elementary ParticlePhysics. Ed. Cambridge University Press. (1976) Table 11.6.

268

Page 269: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

/212/3 2/3/21

Y

I 3

ddu duu

dds

dss uss

uus

Y

I 3

Σ Σ

Ξ ΞΛ

n pN

ΣΛ

Ξ

(939)

(1195)(1116)

(1318)1

1

1

1

0Σ0

0

dus +

0

011

Figure 8.11.1 – Octet JP = 12

+ et baryons correspondants.

Dans le cas d’un système de trois quarks (antiquarks), on peut constituer 216états, à distribuer entre différents multiplets qui se distinguent par leurs propriétésde symétrie. Le tableau 8.11.1 aide à comprendre comment les symétries des par-ties SU(3)saveur et SU(2)spin se combinent. On obtient la décomposition suivante :

6⊗ 6⊗ 6 = 56S ⊕ 70M ⊕ 70′M + 20A

où S signifie complètement symétrique, A complètement antisymétrique et Mà symétrie mixte.

Le 56-plet complètement symétrique est formé à l’aide des produits S ⊗ S etM ⊗M et il se décompose comme suit :

56 = 10

(J =

3

2

)⊕ 8

(1

2

)On lui associe le décuplet et l’octet des baryons connus dans l’état d’excitation

L = 0.Le 20-plet complètement antisymétrique et le 70-plet à symétrie mixte se dé-

composent comme suit :

20 = 1

(3

2

)⊕ 8

(1

2

)70 = 10

(1

2

)⊕ 8

(3

2

)⊕ 8

(1

2

)⊕ 1

(1

2

)Le 70′-plet a la même structure que le 70-plet et ne s’en distingue que par

des symétries sous-jacentes opposées dans les paires de quarks constituantes. Cesdifférents multiplets trouvent des affectations dans les résonances baryoniquescorrespondant aux états d’excitation L = 1, 2, ... On se situe alors dans le cadre

269

Page 270: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

des représentations d’SU(6) ⊗ O(3), où O(3) concerne la partie spaciale de lafonction d’onde.

Symétrie SU(3)saveur S M A

Symétrie SU(2)spin

S(J = 32) S M A

M(J = 12) M S, M, A M

Table 8.11.1 – Symétries SU(6)saveur-spin du système de 3 quarks en fonction dessymétries SU(3)saveur et SU(2)spin. Notons qu’il n’existe pas d’état complètementantisymétrique de spin pour le système de 3 quarks dans l’état fondamental (L =0).

8.12 Applications numériques du modèle statique des quarks.

8.12.1 Chromomagnétisme dans les mésons pseudoscalaires (JP = 0−)et les mésons vecteurs (JP = 1−).

On fait ici un retour au § 8.9 et plus spécifiquement au terme M(2S+1LJ) dansl’expression de la masse du système qq (relation 8.9.4). Dans le cas des mésonspseudoscalaires et vecteurs (L = 0, S = J = 0 et 1), ce terme se réduit à l’effet dela configuration des spins du quark et de l’antiquark. Dans QCD, il est représentécomme le résultat de l’interaction chromomagnétique entre les moments associésaux charges de couleur 135. :

∆Echromo =8πα

3| ψ(0) |2 < sq · sq >

mq ·mq

où : (8.12.1)

α = αqq =43αs , αs = constante de couplage fort,

ψ(rq, rq) = fonction d’onde du système qq prise à l’origine (rq = rq = 0),

135. Une relation analogue décrit l’interaction électromagnétique entre le moment magnétiquede l’électron et celui du proton dans l’atome d’hydrogène ; dans ce cas, α = αe est la constantede structure fine. Voir un livre de physique atomique, au chapitre sur la structure hyperfine duspectre optique.

270

Page 271: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

mq(mq) et sq(sq) = masse et spin de l’antiquark (quark).

méson JP , I masse mesurée masses effectives ∆Echromo

[ GeV ] des constituants

π 0−, 1 ≃ 0.140 2m0 −34

Kqq

m20

K(K) 0−, 1/2 ≃ 0.490 m0 +ms −34

Kqq

m0ms

ρ 1−, 1 ≃ 0.770 2m014

Kqq

m20

K∗(K∗) 1−, 1/2 ≃ 0.890 m0 +ms14

Kqq

m0ms

Table 8.12.1 – Contributions à la masse de mésons pseudoscalaires et vecteurs,selon le modèle statique des quarks.

Le couplage de spin moyen vaut :

< sq · sq > =1

2

[J(J + 1)− 1

2

(1

2+ 1

)− 1

2

(1

2+ 1

)](8.12.2)

=

−3

4pour J = 0

14

pour J = 1

Le tableau 8.12.1 donne les contributions des masses effectives (constitutives) etde l’interaction chromomagnétique dans les isotriplets des mésons π et ρ et lesisodoublets des mésons K et K∗. On a repris la notation du § 8.9 ; de plus pouralléger l’écriture on a posé :

32π

9αs | ψ(0) |2= Kqq

En composant les masses dans l’octet vecteur et l’octet pseudoscalaire :

mρ(770)−mπ(140) =⇒ Kqq

m20

≃ 0.630GeV (8.12.3)

mK∗(890)−mK(490) =⇒ Kqq

m0 ·ms

≃ 0.400GeV (8.12.4)

d’où :ms

m0

≃ 1.6 (8.12.5)

271

Page 272: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

En comparant les masses à l’intérieur des octets :

mK(490)−mπ(140) = ms −m0 −3

4

(Kqq

m0ms

− Kqq

m20

)≃ 0.350 GeV

m∗K(890)−mρ(770) = ms −m0 +

1

4

(Kqq

m0ms

− Kqq

m20

)≃ 0.120 GeV (8.12.6)

d’où en combinant 8.12.4, 8.12.5 et 8.12.6 :

ms −m0 ≃ 0.180 GeV

m0 ≃ 0.300 GeV (quarks u, d)

ms ≃ 0.480 GeV (quark s) (8.12.7)

Notons qu’il s’agit ici de masses effectives (constitutives) des quarks dans lesmésons ; elles ne doivent pas être confondues avec les masses “courantes” entrantdans la construction du Lagrangien QCD.

8.12.2 Chromomagnétisme dans les baryons du décuplet (JP = 32

+) et

de l’octet (JP = 12

+).

Dans ces systèmes de trois quarks (antiquarks), on peut former trois paires q-q (q-q) dont il faut déterminer les contributions à l’interaction chromomagnétiqueet en faire la somme.

La contribution d’une paire q1-q2 est représentée par une expression du type(8.12.1), dans laquelle α = αqq =

23αs, αs = constante de couplage fort 136.

Le tableau 8.12.2 montre les contributions des masses effectives et de l’interac-tion chromomagnétique totale dans le décuplet (JP = 3

2

+) et l’octet (JP = 12

+).On a posé : 16π

9αs | ψ(0) |2= Kqq.

Dans le cas du décuplet, l’évaluation des couplages de spin est simple à faire,puisque les trois spins sont alignés. Pour chacune des paires de quarks, on a (de8.12.2) : < sqi ·sqj >= 1

4, et il suffit de pondérer par l’inverse des masses concernées

pour obtenir le ∆Echromo correspondant.

En ce qui concerne l’octet, l’évaluation des couplages de spin requiert uneattention particulière, car le résultat diffère d’un multiplet d’isospin à l’autre, ce

136. Le facteur 12 entre αqq et αqq sera justifié au § 8.15

272

Page 273: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

baryon JP , I masse mesurée masses effectives ∆Echromo

[ GeV ] des constituants

∆(1232) 32

+, 3

2≃ 1.23 3m0

34

Kqq

m20

τ(1385) 32

+, 1 ≃ 1.38 2m0 +ms

12

Kqq

m0ms+ 1

4

Kqq

m20

Ξ(1530) 32

+, 1

2≃ 1.53 m0 + 2ms

12

Kqq

m0ms+ 1

4

Kqq

m2s

Ω(1672) 32

+, 0 ≃ 1.67 3ms

34

Kqq

m2s

N(939) 12

+, 1

2≃ 0.94 3m0 -3

4

Kqq

m20

Λ(1116) 12

+, 0 ≃ 1.12 2m0 +ms -3

4

Kqq

m20

τ(1179) 12

+, 1 ≃ 1.18 m0 + 2ms − Kqq

m0ms+ 1

4

Kqq

m20

Ξ(1318) 12

+, 1

2≃ 1.33 3ms − Kqq

m0ms+ 1

4

Kqq

m2s

Table 8.12.2 – Contributions à la masse des baryons du décuplet et de l’octet,selon le modèle statique des quarks.

qui se répercute sur le ∆Echromo correspondant. A titre d’exemple, nous examinonsen détail le cas des hypérons Σ(1179) et Λ(1116), formés de deux quarks légers(1,2, d’isospin I1ou2 =

12) et d’un quark étrange (s, Is = 0).

Dans l’isotriplet Σ(IΣ = 1) la paire formée des deux quarks légers est néces-sairement dans l’état symétrique d’isospin (Ipaire = 1) et dans l’état symétriquede spin 137 ; d’où (de 8.12.2) : < s1 · s2 >= 1

4. D’autre part :

∑i<j

< si · sj >=1

2

[JΣ(JΣ + 1)− 3

1

2

(1

2+ 1

)]= −3

4

ce qui laisse pour l’ensemble des deux paires mixtes (1, s et 2, s) :< s1 · ss > + < s2 · ss >= −3

4− 1

4= −1.

137. Rappelons que l’antisymétrie de la fonction d’onde est assurée par sa partie SU(3)couleur.

273

Page 274: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Après pondération par l’inverse des masses, on obtient (voir tableau 8.12.2) :∆Echromo = − Kqq

m0ms+ 1

4

Kqq

m20.

Dans l’isosingulet Λ(IΛ = 0), la paire des quarks légers est l’état antisymétriqued’isospin (Ipaire = 0) et dans l’état antisymétrique de spin. On obtient dans ce cas :< s1 · s2 >= −3

4, < s1 · ss > + < s2 · ss >= −3

4+ 3

4= 0, et ∆Echromo = −3

4

Kqq

m20.

Q. : déterminer les couplages de spin dans les paires de quarks du doublet N(939)et du doublet Ξ(1318) ; tenir compte du fait que ces systèmes comprennent deuxquarks de même saveur.

L’ajustement à l’ensemble des masses mesurées (tableau 8.12.2) donne :

m0 ≃ 0.360 GeV ; ms ≃ 0.540 GeV (8.12.8)

ms/m ≃ 1.5 (8.12.9)

Kqq

m20

≃ 0.200 GeV ;Kqq

m0ms

≃ 0.135 GeV (8.12.10)

Ces résultats sont en accord qualitatif (10 à 20%) avec ceux obtenus dans lesoctets mésoniques.

8.12.3 Moments (électro)magnétiques dipolaires de l’hypéronΩ(JP = 3

2

+) et des baryons de l’octet (JP = 1

2

+).

En l’absence de moment orbital (L = 0), le vecteur moment magnétique dubaryon est la somme des vecteurs moments magnétiques des trois quarks consti-tuants :

µB =∑i=1

µqi , µqi = µqi · σqi (8.12.11)

où :

σqi est l’opérateur de spin,

µqi ≃ Qqieℏ

2mqic(pour les applications présentes, on suppose les quarks ponctuelset on néglige l’effet d’une éventuelle anomalie),

Qqi est l’opérateur de charge (avec son signe),

eℏ2mqic

est le magnéton intrinsèque.

Par convention, on exprime la valeur du moment magnétique (comme en géné-ral celle du moment angulaire) comme le maximum de sa composante selon l’axe

274

Page 275: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

de quantification choisi (et non comme le module de µ !). Pour les quarks u, d ets, avec σZ = +1, on obtient :

(µu)Z = +3

2

eℏ2muc

, (µd)Z = −1

3

eℏ2mdc

, (µs)Z = −1

3

eℏ2msc

, (8.12.12)

Les valeurs numériques de ces moments magnétiques sont communément donnéesen unité de magnéton nucléaire : µN = eℏ

2mpc, grandeur connue avec une grande

précision (voir table PDG). Avec les valeurs des masses constitutives 8.12.8, ontrouve par exemple :

(µu)Z =2

3

mp

mu

µN ≃ 1.7µN ; (µd)Z = −1

3

mp

md

µN ≃ −0.9µN

(µs)Z = −1

3

mp

ms

µN ≃ −0.6µN

Le moment magnétique d’un baryon B peut être exprimé sous la forme :

(µB)Z = ⟨B ↑|3∑i=1

(µqi)Z |B ↑⟩ (8.12.13)

où |B ↑⟩ = |B, σZ = +1⟩ symbolise la fonction d’onde normalisée d’SU(6)saveur-spin.L’application la plus simple concerne l’hypéron Ω−, puisqu’il s’agit d’un sys-

tème de trois quarks s aux spins alignés (JP = 32

+) :

(µΩ)Z = 3(µs)Z = −mp

ms

µN ≃ −1.8µN

L’application du modèle aux baryons de l’octet JP = 12

+ requiert un certaineffort ; nous l’illustrons par l’exemple du moment magnétique du neutron. Afind’alléger l’écriture, on utilise la forme rationalisée 8.10.13 de la fontion d’onded’SU(6)saveur- spin :

|n ↑⟩ = 1√6

(−2⟨↓ ↑ ↑u d d

⟩+

⟨↑ ↑ ↓u d d

⟩+

⟨↑ ↓ ↑u d d

⟩)(8.12.14)

en rappelant que ⟨ ... ⟩ signifie une symétrisation telle que :⟨↓ ↑ ↑u d d

⟩=

1√3(u ↓ d ↑ d ↑ + d ↑ d ↑ u ↓ + d ↑ u ↓ d ↑) (8.12.15)

Chacun des trois termes de (8.12.15) contribue par :(1√3

)2

[−(µu)Z + (µd)Z + (µd)Z ]

275

Page 276: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

En insérant ce résultat dans le premier terme de (8.12.14) et en développant dela même manière les deux autres termes, on obtient :

(µn)Z = 3

(1√6

)2

22(

1√3

)2

[−(µu)Z + 2(µd)Z ]

+

(1√3

)2

[(µu)Z + (µd)Z − (µd)Z ] (8.12.16)

+

(1√3

)2

[(µu)Z − (µd)Z + (µd)Z ]

= −1

3(µu)Z +

4

3(µd)Z

On peut alternativement arriver à ce même résultat en raisonnant sur la dé-pendance spinorielle des fonctions d’onde. En effet, l’état de spin du neutron estdéterminé par l’état de spin de son quark u et l’état (symétrique) de spin dela paire des quarks d. On a donc à combiner les états de spin |↓⟩u · |↑↑⟩dd et|↑⟩u|↑↓ + ↓↑⟩dd avec des poids appropriés donnés par la table de coefficients deClebsch-Gordan :∣∣1

2,+1

2

⟩n=

√2

3

∣∣12, −1

2

⟩u|1,+1⟩dd −

√1

3

∣∣12, +1

2

⟩u|1, 0⟩dd (8.12.17)

Le premier terme de 8.12.17 donne la contribution de 23[−(µu)Z+2(µd)Z+2(µd)Z ],

le second terme la contribution de 13[(µu)Z + 0], soit au total −1

3(µu)Z + 4

3(µd)Z .

Dans SU(6)saveur-spin, le proton ne diffère du neutron que par l’échange dessaveurs u et d ; on s’attend donc à trouver :

(µp)Z = −1

3(µd)Z +

4

3(µu)Z (8.12.18)

ce qui peut se vérifier en effectuant le développement complet du calcul.Dans le cas des différents hypérons de l’octet JP = 1

2

+, on s’appuyera sur lespropriétés de symétrie discutées au § 8.12.2 pour établir les expressions de leurmoment magnétique.

Les prédictions du modèle statique des quarks pour l’ensemble des baryonsstables 138 sont consignées dans le tableau (8.12.3), ainsi que les valeurs mesuréescorrespondantes (voir table PDG). Les prédictions numériques (troisième colonnedu tableau) sont fonctions des valeurs des masses constitutives des quarks ; on aadopté ici les moyennes de (8.12.7) et (8.12.8), soit mu = md ≃ 0.33 GeV, ms ≃0.51 GeV.

Notons que les rapports (µp)Z/(µn)Z et (µΛ)Z/(µΩ)Z , qui sont indépendantsde ces masses dans le cadre du modèle des quarks, sont en bon accord avec lesrapports mesurés.

138. C’est-à-dire à vie moyenne relativement longue (≫ 10−20s), car se désintègrant par interac-tion faible ou électromagnétique.

276

Page 277: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

baryon moment magnétique dipolaire en unité µN

contributions des quarks valeurs prédites valeurs mesurées

p 43(µu)Z − 1

3(µd)Z 2.84 2.793....± (2.9 10−8)

n 43(µd)Z − 1

3(µu)Z -1.89 −1.913....± (5 10−7)

Λ (µs)Z -0.61 −0.613± 0.004

Σ+ 43(µu)Z − 1

3(µs)Z 2.72 2.458± 0.010

Σ0 23(µu)Z + 2

3(µd)Z − 1

3(µs)Z 0.83 ?

Σ− 43(µd)Z − 1

3(µs)Z -1.06 −1.160± 0.025

Ξ0 43(µs)Z − 1

3(µu)Z -1.44 −1.250± 0.014

Ξ− 43(µs)Z − 1

3(µd)Z -0.49 −0.6507± 0.0025

Ω− 3(µs)Z -1.83 −2.02± 0.05

Table 8.12.3 – Moments magnétiques dipolaires des baryons de l’octet JP = 12

+

et de l’hypéron Ω− ; prédictions du modèle statique des quarks et valeurs mesurées.

8.13 Extension aux nouvelles saveurs de quark.

La découverte des quarks c, b et t 139 a rendu nécessaire l’extension de laclassification des hadrons basée sur SU(3)saveur. Nous nous bornons dans ces notesà une brève présentation de ces développements.

Le tableau 8.13.1 est un complément au tableau 8.8.1 et donne les valeursdes nombres quantiques additifs relevantes pour l’extension aux quarks lourds.La notation et la convention de signe sont celles de la table PDG. La chargebaryonique ne figure plus explicitement dans le tableau 8.13.1 afin d’éviter laconfusion avec la “bottomness” ; elle est néanmoins contenue (±1

3) dans la valeur

139. Rappel des dates de mises en évidence expérimentales :quark c : 1974 (voir réf. § 7.5).quark b : 1977 S.W. Herb et al. Phys. Rev. Lett. 39 (1977) 252.quark t : 1994 F. Abe et al. Phys. Rev. Lett. 73 (1997) 225.

277

Page 278: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

de l’hypercharge Y des différents quarks 140.

d(d) u(u) s(s) c(c) b(b) t(t)propriété

Q : charge électr. ∓13

±23

∓13

±23

∓13

±23

I3 : comp. 3 d’isospin ∓12

±12

0 0 0 0

S : “strangeness” 0 0 ∓ 1 0 0 0

C : “charm” 0 0 0 ± 1 0 0

B : “bottomness” 0 0 0 0 ∓ 1 0

T : “topness” 0 0 0 0 0 ± 1

Y : hypercharge ±13

±13

∓23

±13

∓13

±13

Table 8.13.1 – Nombres quantiques additifs des quarks (antiquarks).

8.13.1 Extension au charme ; SU(4)saveur.

Examinons la classification des hadrons comprenant au moins un quark c (ouun antiquark c) et un (ou des) quark plus léger que ce quark c (u, d, s ou u, d, s).

L’état générique à considérer est :

φ =

udsc

qui se transforme comme :

φ⇒ φ′ = Uφ

140. On se conforme ici à la relation 4.10.6, où l’hypercharge Y est définie comme la chargebaryonique + l’étrangeté, et à la relation 4.10.7 qui tient compte de l’extension aux nouvellessaveurs de quarks : Q = 1

2Y + 12 (Cha. + Bot. + Top.)+ I3.

278

Page 279: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

C

Y

3I

sc

1

1

1 112

12

2

2

2

2

1

1

cs

cuuc

ud du

sd su

us

cucd

ds

dd

sscc

uu

Figure 8.13.1 – Les 16 états du système qq prédits par SU(4)saveur (saveurs u, d,s, c).

où Uε SU(4)saveur est construite à l’aide de 15 générateurs (matrices 4× 4), satis-faisant à des relations de commutation du type 8.6.12 141. Pour les représentationsdu groupe, il est usuel de conserver les axes I3−Y d’SU(3)saveur en leur adjoignantl’axe C (le“Charm”). Des opérateurs d’échelle sont introduits comme auparavantpour engendrer des transitions entre états d’une même représentation ou de re-présentations différentes. Dans le cas présent des opérateurs X± produisent destransitions le long de l’axe C, par exemple :

141. Pour la forme explicite de ces matrices et pour les valeurs des constantes de structured’SU(4), voir par exemple : D. B. Lichtenberg Unitary Symmetry and Elementary Particles Ed.Acad. Press (1978), chap. 6.

279

Page 280: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

b)a)

ucc

1

dcc

1

1

1

scc

C

2

3

1

2

1

ddc uucudc

dsc

udd uud

uusdds

dss uss

ssc

uds

Y

I3

usc

1

1

2

uscdsc

udc

13

2

uds

Y

C

1

I 3

1

12

2

21

2

12

12

Figure 8.13.2 – a) Les 20 états à symétries de saveur mixtes du système qqqprédits par SU(4)saveur ; b) les 4 états antisymétriques de saveur (non occupablessi L = 0).

X+|sss⟩ ⇒ |css⟩ , X−|cuu⟩ ⇒ |uuu⟩ , etc.

Les 16 états du système qq (mésons) sont distribués entre un singulet et un 15-plet d’SU(4)saveur. La sous-structure d’SU(3)saveur est révélée par la décomposition :15 ⇒ 1 ⊕ 8 ⊕ 3 ⊕ 3, où les membres du singulet et de l’octet ont C = 0 et lesmembres des triplets ont C = ±1. La figure 8.13.1 donne les positions de cesdifférents états dans l’espace I3 − Y − C.

Q. : 1) en s’appuyant sur les figures 1.1.1 et 1.1.2, (§ 1.1), compléter la fi-gure 8.13.1 en entrant les mésons non étranges et étranges avec JP = 0− etJP = 1− ;

2) en se référant à la table PDG la plus récente, entrer les mésons charmés avecJP = 0− et JP = 1−.

Les 64 états du système qqq (baryons) sont répartis entre un 20-plet symé-trique 20S, deux 20-plets à symétries mixtes 20M , 20′M et un quadruplet antisy-métrique 4A. Le contenu d’SU(3)saveur se retrouve en effectuant les décompositions

280

Page 281: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

33

3

ddd uuu

ccc

sss

ucc

1

1

1

scc

Y

I 3

2

3

1

ssc

uus

dss

uds

C

1

dds1

2

udd uud

dsc usc

udc uucddc

dcc

uss

2

221

221

Figure 8.13.3 – Les 20 états symétriques de saveur du système qqq prédits parSU(4)saveur.

(le “Charm” C est en indice) :

20S = 80 ⊕ 61 ⊕ 31 ⊕ 32

20M(20′M) = 100 ⊕ 61 ⊕ 32 ⊕ 13

4A = 10 ⊕ 31

Les membres des multiplets 20M et 20′M se distinguent par des symétries in-ternes différentes dans les paires de quarks ; ils se confondent une fois introduitle spin. Les membres du 4A sont absents si le système est dans l’état fondamen-tal (prescriptions de la statistique de Fermi-Dirac). Les figures 8.13.2 et 8.13.3montrent les positions de l’ensemble de ces états dans l’espace I3 − Y − C.

Depuis 1974, date de la découverte du méson J/ψ (système cc), les hadronscharmés ont fait l’objet d’une prospection intense, ayant permis l’identification de

281

Page 282: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

l’ensemble des mésons et d’une grande partie des baryons avec C = ±1. Aucunbaryon doublement charmé n’a encore été observé. Les spectres de masses fontapparaître que la brisure de la symétrie SU(4)saveur est nettement accentuée parrapport à celle sous-jacente d’SU(3)saveur.

Q. : 1) en s’appuyant sur les figures 1.1.3 et 1.1.4, (§ 1.1), compléter les fi-gures 8.13.2 et 8.13.3 en entrant les baryons non étranges et étranges avecJP = 1

2

+ et JP = 32

+ ;

2) en se référant à la table PDG la plus récente, entrer les baryons charmés avecJP = 1

2

+ et JP = 32

+.

Q. : relever dans la table PDG les masses des mésons D± et D0(D0) et celles des

baryons charmés Σ++c et Σ0

c ; les comparer aux masses des mésons K± et K0(K0)

et à celle des hypérons Σ±. Utiliser des relations de chromomagnétisme (§ 8.12)pour évaluer la masse effective (constitutive) du quark c.

L’étude des processus faibles impliquant les hadrons charmés a permis de dé-terminer les éléments Vcd et Vcs de la matrice CKM (voir § 7.6). L’étude desdésintégrations faibles des mésons D0 et D0

s sont d’un grand intérêt par com-paraison à celle du K0(K

0), car elles donnent également lieu au phénomène de

mélange d’états (voir § 4.6).Les propriétés du charmonium (système cc) seront examinées au § 8.14.

8.13.2 Extension à la “bottomness” : SU(5)saveur.

On considère ici la situation des hadrons formés au moins d’un quark b(b) etd’un (ou de) quark plus léger (u, d, s, c ou u, d, s, c).

L’état générique est un vecteur à cinq composantes dont les transformationssont régies par les règles de la symétrie SU(5)saveur (24 générateurs).

Les états du système qq (mésons) comprennent un singulet d’SU(5)saveur etd’un 24-plet. Le système qqq (baryons) forme un multiplet de 125 états qui sedécompose comme : 125 = 35S ⊕ 40M ⊕ 40′

M ⊕ 10A. Les baryons de spin J = 32

sont à associer au 35S-plet, ceux de spin J = 12

au 40M -plet (40M et 40′M seconfondent une fois le spin introduit).

L’investigation menée depuis 1977 a permis l’identification de tous les mésonsB attendus et d’un certain nombre de leurs états excités ; par contre, seuls lesbaryons Λ0

b (système udb), Ξ0b (usb) et Ξ−

b (dsb) sont reconnus (table PDG 2002).Les spectres de masses montrent que la brisure de symétrie est beaucoup plusimportante que dans SU(4)saveur.

Q. : rechercher les masses du méson B± et du Λ0b dans la table PDG, les comparer

aux masses du K± et du Λ ; en déduire la masse effective (constitutive) du quark

282

Page 283: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

b.

L’étude des désintégrations faibles du B± et du B±c a permis de déterminer les

valeurs des éléments Vub et Vcb de la matrice CKM.Les propriétés des désintégrations faibles duB0(B

0) et duB0

s (B0

s) sont à mettreen relation avec celles des mésons K0(K

0), D0(D

0) et D0

s(D0

s). Leur étude estd’une importance majeure comme test additionnel (voir § 4.6) de la violation deCP dans des processus faibles. Notons que la situation est plus favorable d’un pointde vue expérimental avec les mésons B0 qu’avec les mésons D0, car la signaturedes désintégrations est mieux reconnaissable (mb ≫ mc).

Les propriétés du bottomonium (système bb) sont exposées au § 8.14.

8.13.3 Extension au top.

Ce secteur n’a pas encore été exploré.Dans l’expérience ayant conduit à la découverte du quark t (Tevatron, Lab. de

Fermi 1994), les mécanismes de production dominants sont :

qq → tt et gg → tt (toponium)

où t→ W−b et t→ W+b

Les bosons W± sont identifiés via leurs produits de désintégration leptoniqueet hadronique. Le quark b est reconnu via sa signature de jet caractéristique.

8.14 Les quarkonia.

On appelle communément quarkonia les états liés et sans saveur (à saveurcachée), où q(q) concerne un des quarks lourds c, b ou t. Le charmonium est lesystème cc, le bottomonium le système bb et le toponium le système tt. Expéri-mentalement, on observe leur formation dans les collisions e+e−, pp ou p-noyauaux hautes énergies, sous la forme d’étroits pics de résonance dans les sectionsefficaces totale et partielle (voir par ex. la figure 7.4.4). Historiquement, ces obser-vations ont joué un rôle majeur dans la confirmation de l’existence des différentessaveurs de quark.

Dans une description non relativiste, un système qq est caractérisé par sonmoment angulaire J = L + S, où L est le moment orbital relatif et S le spintotal (S = 0 ou 1). La parité du système est donnée par Pqq = (−1)L+1 etsa conjugaison de charge par Cqq = (−1)L+S. De nombreux états de quarkoniapeuvent être formés, impliquant différents mécanismes de création. Par exemple,dans les collisions e+e−, le mécanisme de formation dominant est l’échange d’unphoton virtuel dans la voie s, ce qui donne naissance à des états de quarkoniaavec JPC = 1−− (nbres quantiques du photon). Dans la table PDG, ces états sontdésignés par les symboles ψ (ou J/ψ), Υ et θ en fonction des saveurs concernées.

283

Page 284: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5.1eV7

12

316α2 mec

eV−48.4.10mec

∆E10

−5

X10

−4

X

2+ +1+ +0+ +1+ − JPC0− + 1− −

3P1

3P2

1P13P0

31 1S

11 S0

12 S0

32 S1

M1

M1

E1

E1

M1

10

0

0

10

α4

22

2

2

2

2

[eV]

Figure 8.14.1 – Les niveaux d’énergie du positronium (syst. e+e−) en fonc-tion de leur JPC caractéristique. Les lignes en traitillé désignent les transi-tions dominantes de la desexcitation e.m.. On a fait usage de la notation de laspectroscopie atomique : N2S+1LJ .

L’état 3S1 (méson vecteur) est le plus abondant, les états avec L > 0 étant atténuéspar l’effet de la barrière de moment angulaire. Pour des valeurs de JPC différentesde 1−−, la table PDG emploie une notation spectroscopique différenciée : χc, χb, ...si on est dans l’état triplet de spin et L > 0, ηc, ηb, ... et hc, hb, ... si on est dansl’état singulet de spin et L = 0 et L > 0 respectivement 142.

On peut construire un modèle du quarkonium basé sur le modèle du positro-nium (système e+e−) bien connu en théorie QED. En première approximation, onpeut rechercher les niveaux d’énergie stationnaires de ce système pour un puits depotentiel coulombien Vem = −α

roù α = e2/ℏc est la constante de structure fine.

142. Selon la table PDG 2002, aucun état ηb n’a encore été clairement identifié.

284

Page 285: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

r [fm]dominance de Kr

1rdominance de 4

3αs

V [

GeV

]

0.5 1 1.5 2 2.5 3

−10

−5

0

5

−15

−20

0

Figure 8.14.2 – Puits de potentiel du quarkonium VQCD(r). Ce graphique est uneportion de la figure 6.6.4, avec une échelle dilatée et linéaire en abscisse.

Ces niveaux sont représentés par la relation de Bohr 143 :

EN = −α2 mec2

4

1

N2où (8.14.1)

N = 1, 2, ... ; en spectroscopie N est appelé le nombre quantique principal ;N = n + L ; n = 1, 2, ... est le nombre quantique radial ; L = 0, 1, ..., N − 1 estle nombre quantique orbital.

Cette relation contient implicitement les contributions d’excitations radiale etorbitale et prédit des niveaux dégénérés en N . Cette prédiction est en désaccordavec l’observation (voir figure 8.14.1). On peut rétablir un accord plus satisfaisantpar l’introduction de différents termes correctifs à Vem. Le couplage de spin-orbite(VLS ≈ L · S) et le couplage spin-spin (VSS) sont bien connus dans la descriptiondes niveaux électroniques de l’atome et des niveaux nucléoniques du noyau. Onles retrouve avec le positronium (et avec le quarkonium) ; selon la théorie QED,les corrections des niveaux dues à VLS et VSS sont comparables en importance etde l’ordre de :

∆E ≃ α4 mec2 · 1

N3(8.14.2)

143. Voir par exemple référence 10.

285

Page 286: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

− −1 + −1 + +1 + +2+ +0− +0 JPC

4.5

4.0

3.5

3.0

mas

se [G

eV]

χ c1(1P)

hadrons

χ c2 (1P)

hadrons

(4415)ψ

(4040)ψ(4160)ψ

ψ(1S)

ηc (2S)

χ c 0

ηc

γ γγγ h (1P)c

DDseuil

ππ η ,π0

J hadrons

(1P)

(1S)

radiatifhadrons hadrons

hadrons

(3770)ψψ (2S)

γ γγ*

hadrons

γ

Figure 8.14.3 – Les niveaux d’énergie du charmonium en fonction de leur JPC .Les lignes fléchées indiquent les transitions dominantes attendues. La notation estcelle de la table PDG, qui s’inspire de la notation de spectroscopie nucléaire ; unétat singulet de spin est écrit X(nL), un état triplet XJ(nL), où n est le nbrequantique radial, L le nbre quantique orbital (rappel : N = n + L, J = L + S,S = 0 ou 1).

Il s’y ajoute une correction spécifique affectant les niveaux 1S(L− 0) du positro-nium, l’électron et le positron pouvant s’annihiler en photons réels. L’effet combinéde ces corrections est inclus dans le spectre représenté à la figure 8.14.1 et on ydonne explicitement la séparation entre les niveaux 13S1 et 11S0.

Les niveaux supérieurs du positronium se desexcitent par émission de photons ;les transitions e.m. dominantes sont indiquées sur la figure. Elles ont fait l’objetde mesures spectroscopiques de haute précision ; l’accord avec les prédictions deQED est très bon (tout au moins pour les premiers niveaux).

La séparation mesurée des niveaux 21S0 et 11S0 est de 5.1 eV ; on peut en tirerune valeur approximative de α à l’aide de (8.14.1) :

E2 − E1 = −α2 mec2

4

(1

4− 1

), d’où

α =

(16

3

5.1 [eV ]

0.51 · 106[ eV ]

)=

1

136.9

Venons-en maintenant à la prédiction des niveaux d’énergie du quarkonium

286

Page 287: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

état cc JPC masse largeur[MeV ] [MeV ]

ηc(1S) 0−+ 2980 16.

ηc(2S) 0−+ 3594 < 8.

J/psi(1S) 1−− 3097 0.087

ψ(2S) 1−− 3686 0.3

hc(1P ) 1+− 3526 < 1.1

χc0(1P ) 0++ 3415 16.

χc1(1P ) 1++ 3510 0.9

χc2(1P ) 2++ 3556 2.

Table 8.14.1 – Masses et largeurs intrinsèques d’états identifiés du charmonium(table PDG 2002). La notation spectroscopique utilisée est définie dans la légendede la figure 8.14.3.

dans le cadre de l’approximation non relativiste. Remarquons que cette approxi-mation se justifie ici du fait que les constituants du système sont lourds (mc ≃1.8 GeV/c2, mb ≃ 5.3 GeV/c2, mt ≃ 175 GeV/c2).

On a déjà eu l’occasion de présenter une forme plausible pour le potentield’interaction qq (voir relation 6.6.1) :

VQCD = −4

3

αsr

+Kr , où (8.14.3)

αs est la constante de couplage fort,K est un paramètre empirique,le facteur 4

3sera justifié au § 8.15.

Rappelons que le premier terme de 8.14.1, dominant aux courtes distances, re-flète l’échange d’un gluon ; le second terme, prépondérant aux grandes distances,permet d’assurer le confinement des quarks (voir figure 8.14.2). Comme aupara-vant dans le modèle du positronium, des corrections à (8.14.3) sont apportées sous

287

Page 288: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

état bb JPC masse largeur[MeV ] [MeV ]

ηb(1S) 0−+ 9300 ?

Υ(1S) 1−− 9460 0.053

Υ(2S) 1−− 10023 0.044

Υ(3S) 1−− 10355 0.026

χb0(1P ) 0++ 9860 ?

χb1(1P ) 1++ 9893 ?

χb2(1P ) 2++ 9913 ?

χb0(2P ) 0++ 10232 ?

χb1(2P ) 1++ 10255 ?

χb2(2P ) 2++ 10269 ?

Table 8.14.2 – Masses et largeurs intrinsèques d’états identifiés du bottomonium(table PDG 2002). La notation spectroscopique utilisée est définie dans la légendede la figure 8.14.3.

la forme de couplages VLS et VSS. Elles amènent des paramètres qui sont ajustésempiriquement. Les figures 8.14.3 et 8.14.4 montrent les niveaux d’énergie et lestransitions prédites par le modèle des quarks pour les systèmes du charmoniumet du bottomonium. Les tableaux 8.14.1 et 8.14.2 donnent les masses et largeursintrinsèques mesurées pour les différents états identifiés (table PDG 2002). Lemodèle théorique permet de reproduire les niveaux observés à une précision del’ordre du pourcent (les premiers niveaux d’excitation tout au moins).

On peut évaluer la constante de couplage fort αs(E) à partir de la séparationmesurée des niveaux d’énergie 23S1 et 13S1 et en utilisant la relation (8.14.1), où

288

Page 289: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

b0b1

b2bη

Seuil BB

bη (3S)

hb

I

hb

I

I

I

− −1 + −1 + +1 + +2+ +0− +0 JPC

I

I

9.5

10.0

10.5

11.0

b0(2P)(2P) b1(2P) b2(2P)

(11019)

(10865)

hadrons

hadrons

hadrons

(3S)

(10580)

Mas

se [G

eV]

(1S)

χ (1P)χ (1P)

χ (1P)(2S)

γ

(1P)

γ γ(1S)

χ χ χγ

γ(2S)

Figure 8.14.4 – Les niveaux d’énergie du bottomonium en fonction de leur JPC .Les lignes fléchées indiquent les transitions dominantes attendues. Pour la notationutilisée, voir l’explication donnée dans la légende de la figure 8.14.3.

ss

φ

9999

J/ ψ

999 9

99

9

99999

9

a) b)

su

K K +u

cc

sq qq

q qq1

2 3

2 3

1

1 2 3M M M

Figure 8.14.5 – Diagrammes dominants de la désintégration d’états du charmo-nium. a) états JPC = 1−− situés au-dessus du seuil DD, diagramme connecté ;b) états JPC = 1−− situés au-dessous du seuil DD, diagramme déconnecté avecéchange de 3 gluons virtuels. Mi=mésons non charmés.

289

Page 290: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

43αs est à substituer à α. A l’énergie correspondant à la masse du charmonium :

αs(mJ/ψ) ≃3

4

(16

3

3.69− 3.10

1.8

) 12

≃ 1.

A l’énergie de masse du bottomonium, le calcul donne 144 :

αs(mΥ) ≃3

4

(16

3

10.02− 9.46

5.3

) 12

≃ 0.5

Le modèle du quarkonium révèle une caractéristique propre à ce système : lespremiers niveaux du spectre se situent au-dessous du seuil de désintégration endeux hadrons porteurs de la saveur de quark lourd concernée. Dans le charmonium,les niveaux L = 0, N = n < 3 sont en dessous du seuil de désintégration en DD(voir figure 8.14.3), et dans le bottomonium les niveaux L = 0, N = n < 4sont en dessous du seuil de désintégration en BB (voir figure 8.14.4). Pour cesniveaux, la désintégration peut être soit e.m. avec émission de photons soit forteavec production de hadrons légers. Le mécanisme dans ce second cas implique undiagramme déconnecté (voir figure 8.14.5 b) et donc un processus fortement inhibé(règle d’OZI, voir § 8.9). On comprend dès lors pourquoi ces états de quarkoniaont des largeurs intrinsèques réduites (par ex. ΓJ/ψ ≃ 90 KeV, ΓΥ ≃ 50 KeV) 145.

Q. : Dans le diagramme b) de la figure 8.14.5 on a trois gluons échangés. Indiquerles règles de sélection déterminantes. Comparer à l’annihilation e+e− à l’arrêt dansl’état triplet de spin.

Relevons encore que les états singulets ont des largeurs intrinsèques bien su-périeures à celles des états triplets correspondants (par ex, Γηc(1S) ≃ 13 MeV).On peut le comprendre en rappelant que par suite de la conservation de C, lemécanisme dominant est un échange à deux gluons dans le premier cas (Γ ≈ α2

s)et à trois gluons dans le second (Γ ≈ α3

s)146.

8.15 La charge de couleur : SU(3)couleur.

Le concept de la charge de couleur a déjà été abordé au § 6.5 et au § 8.10.Notre objectif ici est d’approfondir l’examen du sujet, en particulier de montrercomment on peut déterminer les facteurs de couplages (facteurs de couleur) re-levant à différentes situations pratiques, de justifier le postulat contenu dans lesrelations 8.10.5 et 8.10.6, et de retrouver le facteur αqq/αqq = 1/2 utilisé dans lesapplications de chromomagnétisme (§ 8.12.1 et § 8.12.2).

144. A l’énergie de masse du boson Z, la table PDG donne αs(mZ) ≃ 0.12).145. Par comparaison, le méson ϕ(système ss) a une largeur de Γϕ ≃ 4.5MeV ; notons que lamasse du ϕ(1020 MeV) dépasse le seuil de désintégration en KK.146. Rappel : le gluon a une conjugaison de charge Cgluon = −1 comme le photon.

290

Page 291: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Rappelons que la théorie QCD est basée sur le groupe SU(3)couleur, cette symé-trie étant supposée exacte 147. Les générateurs de ce groupe sont les huit matricesde Gell-Mann λi(i = 1, ... , 8) décrites en 8.6.3, l’algèbre du groupe est celui définipar les relations de commutation 8.6.12. Dans QCD, on admet qu’un quark desaveur donnée (q = u, d, s, ...) est porteur à la fois d’une charge électrique sourced’interaction e.m. et d’une charge de couleur source d’interaction forte. Il se dis-tingue en cela fondamentalement d’un lepton. De plus, on postule que la chargede couleur peut prendre trois “couleurs” différentes qu’on appelle communémentrouge (r), verte (g) et bleue (b) 148. L’antiquark (q = u, d, s, ...) est porteur d’unecharge électrique de signe opposé et aussi d’une charge de couleur de signe opposéqu’on appelle r, g, b.

Ces trois états de couleur et ces trois états d’anticouleur sont les vecteurs debase 3 et 3 de la représentation du groupe dans le plan λ3, λ8 :

|couleur⟩ =

rgb

,∣∣couleur

⟩=

rg

b

(8.15.1)

L’interaction entre deux quarks ou entre un antiquark et un quark est propagéepar un gluon (vecteur) appartenant à l’octet (8c) de couleur-anticouleur dans3c ⊗ 3c = 1c ⊕ 8c (à mettre en parallèle avec l’octet qqsaveur) :

g1 = br , g2 = gr , g3 = gb ,

g4 = rb , g5 = rg , g6 = bg ,

g7 =1√2(rr − gg) , g8 =

1√6(rr + gg − 2bb)

(8.15.2)

Les états de gluons ainsi définis sont porteurs de charges de couleur, et de ce faitpeuvent interagir entre eux 149.

L’état de gluon appartenant au singulet (1c) de couleur-anticouleur :

g0 =1√3(rr + gg + bb) (8.15.3)

est un invariant sous les transformations d’SU(3)couleur ; il ne contribue pas à l’in-teraction forte entre quarks (ou antiquarks) porteurs de couleur. On reviendra enfin de paragraphe sur le rôle possible d’un tel singulet de gluon.

147. Relevons la différence avec SU(3)saveur, qui n’est qu’une symétrie approchée.148. Notons que ces couleurs ne doivent pas être prises au sens littéral, mais comme des valeursde charge.149. Notez ici la différence de situation par rapport à celle prévalant avec le photon, qui neporte pas de charge électrique.

291

Page 292: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Figure 8.15.1 – Situations de couplage de couleur entre deux quarks différents(r, b) ; illustrations du courant de couleur correspondant.

9 9 9 9 9 99 9g7 g8

r r

a) b)

r

r

r

r

,

rr

r

r

r

Figure 8.15.2 – Situation de couplage de couleur entre deux quarks identiques(r) ; courant de couleur correspondant.

Venons-en au calcul des facteurs de couplage intervenant aux vertex quarks(antiquarks)-gluons. Différentes situations sont illustrées dans les figures 8.15.1 et8.15.2. La figure 8.15.1 présente les deux situations de couplage de couleur entredeux quarks différents porteurs par ex. de charges r et b ; dans le couplage rb→ br,

292

Page 293: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

seul l’état de gluon g1 = br entre en ligne de compte dans l’échange, ce qui donnela contribution ⟨rb|Hc|br⟩ = +β2 ; dans le couplage rb → rb, c’est l’échange del’état de gluon g8 = 1√

6(rr+ gg−2bb) qui a lieu, pour lequel on a la contribution :

⟨rb|Hc|rb⟩ = 1√6(− 2√

6)β2 = −1

3β2. La grandeur β introduite aux vertex quarks-

gluon est une mesure de la force de couleur (−β au vertex antiquarks-gluon) ; elleest directement reliée à la constante du couplage fort αs, comme on va le voir.

type de couplage états de gluon contributionde couleur échangés au couplage

rb→ br g1 +β2

rb→ rb g8 −13β2

rr → rr g7 et g8 +23β2

rr → bb g1 −β2

br → br g8 +13β2

rr → rr g7 et g8 −23β2

Table 8.15.1 – Facteurs de couplage pour différentes situations pratiques. Lesétats de gluons sont ceux définis dans la relation 8.15.2. D’autres situationspeuvent être réalisées par permutations r ↔ g ou b↔ g.

La figure 8.15.2 présente la situation de couplage de couleur entre deux quarksidentiques porteurs par ex. de la charge r : rr → rr ; les états de gluons g7 et g8participent à l’échange et donnent la contribution totale ⟨rr|Hc|rr⟩ = 1√

21√2β2+

1√6

1√6β2 = +2

3β2. Les contributions relatives aux couplages de couleur impliquant

un quark et un antiquark se déduisent des résultats précédents en effectuant unchangement du signe de β au vertex antiquarks-gluon. Le tableau 8.15.1 résumel’ensemble des situations évoquées ci-dessus.

Appliquons maintenant ces résultats aux systèmes qq et qqq associables auxhadrons observés.

La paire qq (méson) peut être dans l’état singulet de couleur ou dans un desétats de l’octet de couleur 150. Pour l’état singulet, la composante de couleur de la

150. Rappel : 3⊗ 3 = 1⊕ 8.

293

Page 294: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

fonction d’onde s’écrit (voir 8.10.6) :

|qq, 1c⟩ =1√3(rr + gg + bb)

La combinaison de couleur rr génère trois contributions, celle de rr → rr(−23β2),

celle de rr → bb(−β2) et celle de rr → gg(−β2), dont la somme fait −83β2. Les

deux autres combinaisons de couleur (gg et bb) donnent des sommes équivalentes,par symétrie. Après avoir tenu compte du facteur de normalisation de la fonc-tion d’onde, on obtient la contribution totale : 1√

31√3· 3 · (−8

3β2) = −8

3β2. Le

signe négatif signifie que l’interaction en question est de nature attractive. Pourles états de l’octet, les composantes de la fonction d’onde |qq, 8c⟩ ont la mêmestructure de couleur que les composantes de l’octet de gluons (relation 8.15.2). Lacontribution de chaque état au couplage de couleur peut être établie en suivant lamême procédure que ci-dessus et en s’appuyant sur les données du tableau 8.15.1.On trouve que cette contribution vaut +1

3β2 pour chacun de ces huit états. Elle

représente une interaction de nature répulsive.

Q. : montrer que pour les membres de l’octet de couleur de la paire qq, la contri-bution au couplage de couleur vaut +1

3β2.

Ces résultats justifient le postulat contenu implicitement dans la relation 8.10.6.

Les paires qq du système qqq (baryon) peuvent être dans un état de l’antitripletde couleur ou dans un état du sextet de couleur ; elles sont couplées au troisièmequark (triplet de couleur) pour former l’une des représentations irréductibles del’ensemble qqq : 1c, 8c ou 10c

151.Pour l’antitriplet

∣∣qq, 3⟩, on a les configurations de couleur (rb− br), (bg−gb)et (gr − rg) dont les contributions au couplage sont équivalentes par symétrie. Ilnous suffit d’évaluer la contribution de la première, en nous reportant au tableau8.15.1 :

⟨rb− br|Hc|rb− br⟩ = ⟨rb|Hc|rb⟩+ ⟨br|Hc|br⟩ − ⟨rb|Hc|br⟩ − ⟨br|Hc|rb⟩ =

2(−1

3β2)− 2(β2) = −8

3β2 (couplage attractif)

Tenant compte du facteur de normalisation de la fonction d’onde du système qqq(voir 8.10.5) on obtient pour l’ensemble des trois configurations de couleur de la

paire qq :(

1√6

)23(−8

3β2)= −4

3β2.

Pour le sextet |qq, 6c⟩, on a les configurations de couleur : rr, bb, gg, 1√2(rb+

br), 1√2(rg+ gr) et 1√

2(gb+ bg) ; le calcul montre que leur contribution d’ensemble

vaut : +23β2 (couplage répulsif).

151. Rappel : 3⊗ 3 = 3⊕ 6 ; 3⊗ 3⊗ 3 = (3⊕ 6)⊗ 3 = 1⊕ 8⊕ 8′ ⊕ 10.

294

Page 295: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Q. : montrer que pour les membres du sextet de couleur de la paire qq, la contri-bution au couplage de couleur vaut +2

3β2.

Ces résultats ont des implications intéressantes sur les couplages de couleurpossibles du système qqq. Dans l’état singulet de couleur |qqq, 1c⟩, complète-ment antisymétrique, toute paire qq est dans l’état antitriplet (couplage attractif).Dans le décuplet de couleur |qqq, 10⟩, complètement symétrique, toute paire qqest dans l’état sextet (couplage répulsif). Enfin, dans les deux octets de couleur|qqq, 8c et 8′c⟩, certaines des paires qq se rattachent à l’antitriplet et d’autres ausextet (mélange de couplages attractif et répulsif). On voit que la configurationdu singulet du système qqq est la seule où l’on obtient une attraction mutuelleentière des trois quarks. C’est donc la configuration de couleur favorisée pour ladescription de l’état lié qqq, ce qui justifie le postulat contenu implicitement dansla relation 8.10.5.

Dans les raisonnements ci-dessus, l’interaction de couleur (entre quarks et anti-quarks) est décrite comme résultant de l’échange d’un gluon (virtuel), par analogieavec l’échange d’un photon dans l’interaction e.m.. Dans cette approximation, ilest légitime d’attribuer les facteurs de couplage calculés pour les singulets |qq, 1c⟩et |qqq, 1c⟩ à la composante du potentiel d’interaction dominant à courte distance(≈ 1

r) :

Vqq(r)⇐ −8

3β21

r(8.15.4)

Vqq(r)⇐ −4

3β21

r(8.15.5)

En comparant les relations (8.15.4) et (8.14.3), on déduit que :

β2 =αs2, αs = constante de couplage fort. (8.15.6)

D’autre part, en comparant (8.15.5) à (8.15.4), on retrouve le facteur 12

mentionnéau § 8.12.2.

Nous faisons maintenant un retour à la question du rôle possible du gluon g0(état singulet de couleur). Les systèmes liés qq et qqq (hadrons) observés dansla nature étant des singulets de couleur, on peut concevoir à priori l’existenced’une composante d’interaction de type nouveau résultant de l’échange de g0 152.Le gluon étant de masse nulle, cette composante de force aurait une portée infinie(comme pour le photon) ce qui est en contradiction avec les faits observés (confi-nement des quarks). L’état de gluon g0 (s’il existe) ne paraît pas jouer de rôlesignificatif dans les états liés qq et qqq. Par contre, on peut imaginer des singulets

152. Notons que l’échange d’un gluon “coloré” de l’octet (type g1 à g8) aurait pour effet detransformer des hadrons neutres (de couleur) en hadrons chargés (de couleur), processus nonobservé à ce jour.

295

Page 296: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

de couleur formés par couplage de deux ou plusieurs gluons porteurs de charges decouleur ; c’est ce qu’on nomme des “glueballs”. La production de tels états ainsi quecelle des paires qq liées à un gluon excité (hybrides) dans les collisions à haute éner-gie est prédite par QCD. Ils devraient être reconnaissables grâce à des signaturescaractéristiques (par ex. nbres quantiques exotiques JPC = 0−−, 0+−, 1−+, ...).La table PDG fait mention de certaines catégories d’événements candidats pourles “glueballs” et les hybrides 153.

8.16 Dépendance en énergie des constantes de couplage.

L’évocation du concept de “constante de couplage” fait, à priori, penser à unegrandeur de valeur fixe et immuable. En fait, dans les théories QED et QCD,ce concept est utilisé dans le cadre élargi d’une constante de couplage effective,dépendant de l’énergie en jeu dans le processus décrit 154. La motivation en estla suivante : dans le développement perturbatif à la Feynman de la théorie, ilpeut apparaître des termes correctifs importants à grand transfert d’énergie qu’ilest commode en pratique d’absorber dans un (ou un nombre restreint de) fac-teur dépendant de l’échelle d’énergie, typiquement d’une constante de couplageeffective.

Illustrons cette approche en faisant un retour au problème de l’anomalie del’électron et du muon (voir § 3.6). On conçoit qu’il est commode en pratique desubstituer à la longue série de puissances de a = αem/π la forme ramassée :

Aℓ = (gℓ − 2)/2 =0.5

παeff , où : (8.16.1)

αeff = α(q2) est la constante de couplage effective (“running coupling constant”),q est le quadri-moment du photon virtuel impliqué dans le mécanisme d’échange.

Le facteur αeff inclut les contributions des corrections radiatives décrites parles diagrammes de la figure 3.6.2. La plus importante est celle due à la polarisationdu vide, qui se traduit par un effet d’écran affectant la charge apparente du leptonconcerné (figure 8.16.1). A l’ordre le plus bas des corrections, c’est-à-dire avec unphoton échangé et une boucle e+e− intermédiaire, QED prédit que (voir appendice8) :

α(q2) ≃ αem

1− αem

3πln(

q2

4m2e

) , où : (8.16.2)

αem = α(q2 → 0) = e2/4πϵ0ℏc, la constante de structure fine,(2me)

2 ≃ 1 < q2 < 400 [MeV]2

153. Voir table PDG sous : Meson Particle Listings Non-qq candidates.154. C’est ce qu’on appelle généralement “the running coupling constants” dans la littératurede langue anglaise.

296

Page 297: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Si des échanges à grandes valeurs de q2 sont possibles, des corrections d’ordres su-périeurs sont à introduire, qui tiennent compte de diagrammes à plusieurs boucleset de boucles de fermions plus lourds que l’électron (leptons et quarks). Si on negarde que les termes logarithmiques dominants, on obtient la relation approxima-tive suivante :

α(q2) ≃ α(q20)

1− α(q20)

∑i

q2>4m2i

Q2i ln

(q2

4m2i

) , où : (8.16.3)

Qi, mi sont les charges et masses des fermions concernés,q0 est une valeur de référence arbitraire.

On voit que dans QED la constante de couplage effective croît lentement en fonc-tion de q2 ; par exemple, α(0) = αem ≃ 1/137, α(mW ≃ 80 GeV) ≃ 1/128.

+

+

++

−−

− −

−−

++

+ +

+e−

e+

e+e−

particulenue

particule decharge +e

~ ~sonde

+e

Figure 8.16.1 – Représentation schématique de l’effet d’écran autour d’une par-ticule portant une charge électrique.

gg−

r−

r−r−

99 9 9 9 9 9 9 9 )~~ 99 9 9 9 9 9 9 9 )

rg−

99 9 9 9 9 9 9 9 )

rg−

9 )

9 ) 9)

9)9)

999

9 99

999

9

99 999 9

r

bb

gg

r−

rr

r

r

rg

r−

de couleur rquark de charge

br−

999

r−r

Figure 8.16.2 – Représentation schématique de l’effet d’écran autour d’un quarkporteur d’une charge de couleur.

En théorie QCD, les interactions quarks-gluons peuvent également être pa-ramétrisées en terme d’une constante de couplage effective αs(q2). Une (ou des)boucle de quark-antiquark donne lieu à un effet d’écran sur la charge de cou-leur du quark sondé (voir figure 8.16.2). De plus, un gluon peut engendrer uneboucle de gluons ; il s’avère que pour certains états de polarisation de cette boucle

297

Page 298: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

il se manifeste un effet d’anti-écran. Dans l’approximation où l’on ne prend encompte à nouveau que les termes logarithmiques dominants, la théorie prédit unedépendance de αs(q2) de la forme :

αs(q2) ≃ αs(q

20)

1 +Bαs(q20) ln(q2

q20

) , où : (8.16.4)

B = 11Nc−2Ns

12π,

Nc = 3 couleurs de quark,Ns = nombre de saveurs de quark impliquées,q0 = valeur de référence de q.

Vu que B > 0 et αs(q20) > 0, on voit de la relation 8.16.4 que dans QCD laconstante de couplage effective αs(q2) diminue quand q2 croît. La figure 8.16.3montre la variation observée dans l’intervalle 1 < q < 100 GeV.

αs(

q)

0.3

0.2

0.1

01 10 10 2

q [GeV]

Figure 8.16.3 – Evolution de αs en fonction de l’énergie échangée ; la courbe entrait plein représente l’ajustement de la relation 8.16.4 aux valeurs mesurées.

On trouve dans la littérature une forme de paramétrisation alternative deαs(q

2), qu’on obtient en définissant un facteur d’ “échelle” Λ (ou ΛQCD) tel que :

Λ2 = q20 exp

(− 1

Bαs(q20)

)298

Page 299: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

En insérant ce nouveau paramètre dans (8.16.4), on obtient la forme simple :

αs(q2) ≃ 1

B ln(q2

Λ2

) (8.16.5)

La valeur de Λ est fonction du nombre de saveurs de quark impliquées, donc del’énergie mise en jeu. Par exemple, pour l’énergie équivalente à la masse du bosonZ, des expériences au LEP 155 ont donné les résultats suivants :

pour Ns = 5 saveurs (u, d, s, c, b) ,

B = (33-10)/12π− ≃ 0.61 ,

Λ(5) = 216+25−24 MeV/c ,

αs(Z) = 1/0.61 ln[(91.2 · 103/216)2] ≃ 0.117.

Relevons les caractéristiques saillantes de l’évolution de αs(q2) :

• aux faibles moments de transfert q ≤ 200 MeV c’est-à-dire à grande distancerelative des quarks r = ℏc

q≥ 1 fm, αs ≥ 1 , ce qui se reflète par l’effet de

confinement observé des quarks.

• aux grands moments de transfert q ≫ 1 GeV c’est- à-dire aux faibles distancesrelatives r ≪ 1 fm, αs ≪ 1, ce qui fait apparaître les quarks comme quasi-libres (déconfinement). A la limite q → ∞ αs(q

2) → 0 ; c’est ce qu’on appellecommunément la “liberté asymptotique”.

Sur cette base, on peut rendre compte de la dépendance en r du potentiel d’in-teraction représenté en 6.6.1 ou 8.14.3. Effectivement, si l’on imagine un potentielde la forme V (r) ∝ αs

r(αs supposée fixe) et qu’on substitue à αs une constante

de couplage effective représentée par exemple par (8.16.5), on peut écrire :

V (r) ≈ 1

r

1

ln(qΛ

)2 ≈ 1

r

1

ln(RΛ

r

)2 où : (8.16.6)

RΛ =ℏcΛ≃ 1 fm (si Λ ≃ 200 MeV/c)

Pour r ≪ 1 fm et RΛ/r ≫ 1, le facteur 1/ ln(...) varie lentement et la dépendanceen r de V (r) est dominée par le facteur 1

r(décroissance d’allure coulombienne).

Pour r ≫ 1 fm et RΛ/r ≪ 1, le facteur 1/ ln(...) varie rapidement (en gros commer2) ce qui donne une dépendance V (r) ≈ r (croissance linéaire).

155. Voir par ex. la table PDG sous 9. Quantum chromodynamics.

299

Page 300: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On voit qu’aux grands moments de transfert (> O(1GeV/c)2) c’est-à-dire auxcourtes distances (≪ 1 fm), αs(q2) ≪ 1 et l’emploi de la méthode des pertur-bations dans les calculs de QCD est justifiée. Par contre aux faibles moments detransfert c’est à dire aux grandes distances (≫ 1 fm), αs(q2) ≥ 1 et le recours à unmodèle phénoménologique est nécessaire dans la description des processus. Rap-pelons par exemple le modèle de la corde pour décrire le processus de formationdes jets hadroniques (§ 6.6).

8.17 Exemples de construction d’amplitudes de transitionen QCD.

QCD est une théorie de jauge (voir chapitre 9) basée sur les propriétés dugroupe SU(3)couleur. Dans cette théorie on postule qu’un quark (antiquark) est por-teur d’une charge de couleur pouvant prendre l’une des trois valeurs r, g, b (r, g, b).Cette charge est supposée responsable de l’interaction forte entre deux quarks (etentre un quark et un antiquark). La propagation de l’interaction est faite vial’échange d’un (ou de) gluon appartenant à l’octet d’SU(3)couleur (g1, ..., g8, voir8.15.2). Un gluon appartenant au singulet de couleur (g0) ne participe pas à cetéchange. Le fait que les gluons de l’octet soient porteurs d’une charge de couleurcomplique les règles de Feynman applicables en théorie QCD ; en particulier, cesgluons peuvent interagir entre eux, contrairement aux photons, qui ne portentpas de charge. Un certain nombre d’informations à ce sujet sont réunies dans lafigure 8.17.1 156 , qui constitue un complément à la figure 5.3.2. On peut se rendrecompte des similitudes et des différences entre les situations en QED et QCD.

A titre d’application, on montre ci-après comment se construit l’amplitudede transition (diagramme du premier ordre) dans trois processus impliquant desquarks (antiquarks) et des gluons. L’interaction e.m. entre quarks est laissée decôté. Le développement complet des calculs se trouve dans les livres spécialisés 157.

8.17.1 Diffusion (forte) d’un quark sur un autre quark de saveur dif-férente.

Le processus est représenté par le diagramme de la figure 8.17.2 a). Remar-quons que le diagramme croisé de la figure 8.17.2 b) n’a pas à être pris en compteici puisque par hypothèse les saveurs des quarks sont différentes 158, telles que :u + d → u + d . La notation est celle de la figure 8.17.1, µ et ν sont des

156. Rappelons que les fonctions u et v contiennent la dépendance spatio-temporelle, les fonc-tions c et a la dépendance de couleur (3 composantes pour c, 8 composantes pour a). Les λα

sont les matrices de Gell-Mann (8.6.3) ; les fαβγ sont les constantes de structure d’SU(3).157. Voir par exemple réf. 7 (appendix 1), réf. 10 (chapitre 9) où l’on trouve un traitement duprocessus d’annihilation qq → gg pour des quarks à l’arrêt et dans l’état singulet de spin.158. Ce serait un diagramme concurrent si les quarks étaient de la même saveur.

300

Page 301: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

propagateurgluon

vertex qqg)( −)(vertex γ+

qi +mq)(2q −m2

q :

∼((

))( 66

66 :

∼((

))( 66

66 :

:

:

− f αβγ[gµ (k1−k2)λ+g λ(k2−k3)µ+g (µλ k3−k1) ]νν νgs

)3(USf α βγ = cste de structure d’ couleur

pas devertex γ γ γ

sortant

entrant

sortant

entrant

sortant

entrant :

:

q :

( p)u

( p)µε

( p)µε*

( p)v

( p)v

( p)u

(u p)c

(µε* p)aα *

(µε p)aα

(v p)c

/−(u p)c

/−(v p)c

vertex ggg

(((666∼

(((6 6 6 ∼ ∼6666() (

β ν,

α ,µ

γ,λ

k

k

k1

2

3

:

∼6666(((

α ,µ:

)))))))))))) 6666((( ∼α,µ

:qβ,ν

i− gs

2λα γµ

q 2qi− gµ δα β

ν

: − i eγµ

i− gµ

q2

ν

.qqi ( + m )

m22 −

propagateur

antiquark

quark−

sortant

entrant

sortant

entrant

sortant

entrant

propagateurlepton−

antilepton

QED QCD

propagateurphoton :

antilepton

photon

lepton

antiquark

gluon

quark:

:

:

:

:

:

Figure 8.17.1 – Comparaison des règles de Feynman pour l’évaluation de dia-grammes du premier ordre en QED et en QCD.

301

Page 302: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

indices spatio-temporels , α et β des indices de couleur ; de plus, on pose :u(pi)ci, ...,≡ u(i)ci pour alléger l’écriture.

9 9 9 9 9 99 9 9 9 9 9 9 99 9

a) b)

4 4

2 2

3 3

1 1 1 2

4 3

q

p p ,

p ,p ,

,

c c

c c

Figure 8.17.2 – Diagrammes du premier ordre représentant la diffusion (forte)quark-quark.

On définit les courants de quarks :

jµα1 = [u(3)c†3][−igs2λαγµ][u(1)c1] (8.17.1)

jνβ2 = [u(4)c†4][−igs2λβγν ][u(2)c2] (8.17.2)

le propagateur du gluon :

− igµνδαβ

q2(8.17.3)

et l’amplitude de transition :

−iMqq = jµα1

(−igµνδ

αβ

q2

)jνβ2

En regroupant les produits de spineurs spatio-temporels d’une part et ceux despineurs de couleur d’autre part, l’amplitude s’écrit :

Mqq = −g2s1

q2[u(3)γµu(1)] [u(4)γµu(2)]

1

4(c†3λ

αc1)(c†4λ

αc2) (8.17.4)

On définit :

g2s = 4παs, αs est la constante de couplage fort,

fqq =1

4(c†3λ

αc1)(c†4λ

αc2), le facteur de couleur.

302

Page 303: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

La sommation sur l’indice de couleur α est implicite :(8∑

α=1

)

La relation 8.17.4 représente aussi l’amplitude de diffusion e.m. e− + µ− →e− + µ− si l’on pose : gs = ge et fqq = 1 (pas de facteur de couleur). Parconséquent les relations 5.12.8 à 5.12.10 sont applicables aux sections efficacesdifférentielles.

On a vu au § 8.15 que la valeur du facteur fqq est fonction de la configuration decouleur des deux quarks en interaction, c’est-à-dire soit l’antitriplet (combinaisonsantisymétriques) soit le sextet (combinaisons symétriques). On en a déjà fait lecalcul pour le premier cas, par une voie rapide ; effectuons à titre d’exemple lecalcul pour un état typique du sextet, rr, en partant de l’expression de fqq dans(8.17.4). On a :

c1 = c2 = c3 = c4 =

100

d’où :

f 6qq =

1

4

8∑α=1

(100)λα 1

00

(100)λα 1

00

=1

4

8∑α=1

(λ11α λ11α )

Un coup d’oeil aux matrices λα de Gell-Mann (voir 8.6.3) fait apparaître queseules λ3 et λ8 ont une entrée en position 11. Par conséquent :

f 6qq =

1

4[λ113 λ

113 + λ118 λ

118 ] =

1

4

[(1)(1) +

(1√3

)(1√3

)]= +

1

3(8.17.5)

En langage non relativiste, on a vu que le signe positif de fqq correspond à unpotentiel d’interaction répulsif.

8.17.2 Diffusion (forte) d’un quark sur un antiquark de saveur diffé-rente.

On a un processus du type : u+ d→ u+ d , dont le mécanisme est représentépar le diagramme de la figure 8.17.3 a). Le diagramme 8.17.3 b) est ignoré puisqueles saveurs sont différentes par hypothèse. Avec la notation de la figure 8.17.1, onpeut écrire d’emblée :

−iMqq = [u(3)c†3][−igs

2λαγµ

][u(1)c1]

[−igµνδαβ

q2

](8.17.6)

[v(2)c†2][−igs

2λβγν

][v(4)c4]

303

Page 304: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

9 9 9 9 9 99 9

a) b)

4 4

2 2

3 3

1 1

9999

99

1 2

3 4

q

p p ,

p ,p ,

,

c c

c c

Figure 8.17.3 – Diagrammes du premier ordre représentant la diffusion (forte)quark-antiquark.

En regroupant les catégories de spineurs comme auparavant, on peut écrirel’amplitude sous la forme :

Mqq = −g2s1

q2[u(3)γµu(1)][v(2)γµv(4)]

1

4(c†3λ

αc1)(c†2λ

αc4) (8.17.7)

avec :

g2s = 4παsfqq = 1

4(c†3λ

αc1)(c†2λ

αc4)

(sommation sur l’indice α implicite)

Si l’on substitue gs → ge, αs → α et l’on pose f = 1 dans (8.17.7), cette relationreprésente l’amplitude de diffusion e.m. : e− + µ+ → e− + µ+.

On a vu au § 8.15 que le système qq peut être dans la configuration du singuletde couleur ou dans celle de l’octet de couleur, et on en a donné les valeurs dufacteur de couleur fqq 159

8.17.3 Annihilation (forte) d’un antiquark et d’un quark de mêmesaveur.

Trois diagrammes du premier ordre contribuent aux processus d’annihilationen deux gluons (voir figure 8.17.4 a,b,c).

Pour le diagramme 8.17.4 a), on a 160 :

−iMa = [v(2)c†2][−igs2λβγµ][ε∗4µa

β∗4 ]

[i(/q +m)

q2 −m2

][−igs

2λαγν ][ε∗3νa

α∗3 ][u(1)c1] (8.17.8)

159. Rappel : le coefficient β2 vaut αs/2.160. Rappel de la figure 5.3.2 et de la notation de Dirac (2.3.3) : /p = γµpµ.

304

Page 305: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

3 33ε

1 1

9 9 9 9)

9999

(

4 4α,µ3

9) 9

4

999a) b)

2 2

c)

δ,σ

γ,λ

)

9999

99

)

4

1 2

39 9 99)

( 9999β,να,µ

1 2

)

9 9 9 9 9(

9999

(

β,ν

β,να,µ, ,p c

p ,c

cp , ,

q

p ,c

q

q

Figure 8.17.4 – Diagrammes du premier ordre représentant l’annihilation (forte)qq → gg.

Mais :

q = p1 − p3q2 −m2 = p21 − 2p1p3 + p23 −m2 = −2p1p3(gluon sans masse !).

D’où en regroupant les facteurs de couleur en fin d’expression :

Ma = −g2s1

p1p3v(2)[/ε∗4(/p1 − /p3 +m)/ε∗3]u(1)

1

8(aα∗3 a

β∗4 )(c†2λ

βλαc1) (8.17.9)

(sommation sur les indices α, β implicite).

De façon similaire, mais en inversant l’ordre des matrices λ, on peut écrirepour le diagramme 8.17.4 b) :

Mb = −g2s1

p1p4v(2)[/ε∗3(/p1 − /p4 +m)/ε∗4]u(1)

1

8(aα∗3 a

β∗4 )(c†2λ

αλβc1) (8.17.10)

Ces amplitudesMa etMb ont leurs correspondantes dans l’annihilation e.m. :e+e− → γγ, si dans (8.17.9) et (8.17.10) on fait la substitution gs → ge et on laissede côté les facteurs de couleur.

305

Page 306: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Le diagramme 8.17.4 c) se caractérise par la présence d’un vertex à troisgluons ; en se rapportant à ce sujet à la figure 8.17.1, on peut écrire

−iMc = [v(2)c†2][−igs2λδγσ][u(1)c1]

[−ig

σλδδγ

q2

]−gsfαβγ[gµν(−p3 + p4)λ + gνλ(−p4 − q)µ + gλµ(q + p3)ν ][εµ∗3 aα∗3 ][εν∗4 a

β∗4 ]

Mais :

q = p3 + p4q2 = 2p3p4 ;

de plus :

ε∗3p3 = ε∗4p4 = 0 (condition de Lorentz), d’où :

Mc = ig2s1

p3p4v(2)[(ε∗3ε

∗4)(/p4 − /p3)− 2(p4ε

∗3)ε

∗4 + 2(p3ε

∗4)ε

∗3]u(1)f

αβγaα∗3 aβ∗4 (c†2λ

γc1)

(sommation sur les indices de couleur implicite).

Cette amplitudeMc n’a pas de correspondante dans l’annihilation e+e− → γγ.

Remarques :Les applications ci-dessus se situent dans le cadre de la théorie QCD per-

turbative. Cette approche concerne le comportement à très courte distance del’interaction qq (qq), c’est-à-dire celui régissant les processus à grand transfertd’énergie (vers la limite de la liberté asymptomatique). Citons parmi ces pro-cessus permettant de tester les prédictions théoriques : la diffusion inélastiqueprofonde, l’annihilation e+e− en leptons et hadrons à haute énergie, les collisionshadron-hadron à grand transfert d’énergie, la désintégration d’états de quarko-nium. Certains d’entre eux ont fait l’objet de présentations dans les chapitresprécédents du cours.

L’étude du comportement à longue distance de l’interaction qq (ou qq), eten particulier le problème du confinement des quarks, entre dans le cadre demodèles phénoménologiques (voir chapitre 6.6) et dans celui de la théorie QCDnon perturbative (théorie de jauge sur réseau). Ce dernier sujet n’est pas abordéici.

306

Page 307: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

9 Les théories de jauge ; la théorie électrofaible(EW).

9.1 Introduction : concept d’invariance de jauge.

Le concept d’ Invariance de Jauge (IJ) vient d’une idée d’Hermann Weyl(1921) qui a essayé d’unifier la gravitation et l’électromagnétisme dans une théorieinspirée des concepts géométriques de la relativité générale. H. Weyl introduit unfacteur d’échelle (jauge) qui modifie localement la géométrie. Soit une fonctionf(x) dépendant de l’endroit x. Si la géométrie a une échelle uniforme, ∀x,

f(x+ dx) = f(x) + ∂µf(x)dxµ (9.1.1)

Par contre, si l’unité de mesure (la jauge) varie d’un point à l’autre, 9.1.1 doitêtre corrigée par un facteur S(x) qui dépend du lieu :

f(x+ dx) = f(x) + ∂µf(x)dxµ[1 + Sνdxν ] (9.1.2)= f(x) + (∂µ + Sµ)f(x)dxµ + 0(dx2)

H. Weyl a cherché à faire correspondre Sµ au champ e.m. Aµ, sans succès.V. Fock et F. London en 1927 et H.Weyl en 1929 trouvèrent une solution

satisfaisante à ce problème en observant l’équivalence :

écriture classique écriture quantique

pµ → pµ − eAµ ⇐⇒ i(∂µ + ieAµ)(9.1.3)

Donc l’idée de H. Weyl aurait fonctionné en physique quantique si Sµ → ieAµ.

Dans le § 9.2, on commence par donner la signification de l’ IJ en théorie QED.On montre que :

éq. de Maxwell =⇒ IJ

Par la suite on inverse le raisonnement ; en supposant l’ IJ valable on en déduitles lois de l’ e.m. :

IJ =⇒ éq. de Maxwell =⇒ QED

Cette approche peut se généraliser à d’autres types d’interactions, par ex. :

IJ(SU(3)couleur) =⇒ QCD

On considère deux types de symétrie de jauge : l’une dite GLOBALE et l’autredite LOCALE. Elles se distinguent par le paramètre caractérisant le changementde phase de la fonction d’onde :

307

Page 308: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Sym. Globale : ψ(x) → ψ′(x) = expiα ψ(x) où α =constanteSym. Locale : ψ(x) → ψ′(x) = expiα(x) ψ(x) où α = α(x)

On sait que la description physique d’un système “libre” n’est pas affectée par lechangement de la phase Globale (sauf cas pathologique). En langage de la théoriedes groupes, on parle d’invariance sous le groupe U(1) des phases.

9.2 Invariance de jauge en théorie QED.

Si Aµ est le champ e.m., on sait que la transformation de jauge :

Aµ → Aµ − ∂µf(x) (9.2.1)

laisse invariante la description du phénomène considéré ; f(x) est une fonctionarbitraire des coordonnées. L’ IJ en e.m. est démontrée en observant que leschamps E et B sont insensibles à cette transformation, ce qui se reflète sur leséquations du mouvement.

En notation covariante, les grandeurs :

Fµν = ∂νAµ − ∂µAν (9.2.2)

et

F µν =1

2εµναβFαβ (9.2.3)

sont insensibles à la transformation 9.2.1.

Les équations de Maxwell 161 sont écrites sur la base de Fµν et F µν :

div(E)rot(B)

→ ∂µFµν = jν (9.2.4)

rot(E)div(B)

→ ∂µF

µν = 0 (9.2.5)

La substitution de 9.2.2 dans 9.2.4 donne :

2Aµ − ∂µ(∂νAν) = jµ (9.2.6)

Si l’on adopte la jauge de Lorentz :

∂νAν = 0 (9.2.7)

161. On a posé : 4πc = 1.

308

Page 309: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

on obtient une forme à la Klein-Gordon, pour une particule de masse nulle :

2Aµ = 0 (9.2.8)

La relation 9.2.6 est invariante sous la transformation de jauge Aµ ⇒ Aµ −∂µf(x). Il n’en serait pas ainsi si le photon avait une masse M = 0. L’équationd’onde correspondante serait (éq. de Proca) :

(2+M2)Aµ − ∂µ(∂νAν) = jµ (9.2.9)

qui n’est pas invariante de jauge. Donc l’invariance de jauge e.m. est reliée au faitque la masse du photon est nulle (voir chapitre 5).

Ajoutons que les équations 9.2.4 et 9.2.5 contiennent la conservation du courante.m. :

∂µjµ = 0 (9.2.10)

On peut suspecter que la conservation du courant e.m. (et en particulier la conser-vation de la charge, j0, en l’absence d’une source) soit d’une façon ou d’une autreconnectée à l’invariance de jauge ; toutefois cette connexion n’est pas immédiate.

Mentionnons le raisonnement de E. P. Wigner (1949) pour montrer que lacharge électrique est conservée. Supposons qu’on crée une charge q en échangeantun travail W . Pour annihiler cette charge il faut échanger un travail −W parconservation de l’énergie. Si la charge q est créée en x1 et déplacée en x2 et s’ilexiste une d.d.p. V entre x1 et x2, le système gagne une énergie qV . Au total :

E = +W +qV −W = qV

Le principe de la conservation de l’énergie et l’existence de “potentiels” amènent àla conclusion que la charge q ne peut pas être créée ; elle ne peut être que conservée.

Q. : peut-on contourner ce raisonnement ?

Pour mettre en évidence l’effet de l’ IJ, plaçons-nous dans l’approximationnon relativiste. L’équation de Schrödinger en présence d’un champ e.m. est :[

1

2m(−i∇+ qA)2 + qV

]ψ(x, t) = i

∂ψ

∂t(x, t) (9.2.11)

Considérons la transformation de jauge :

A→ A′ = A+∇f (9.2.12)

V → V ′ = V − ∂f

∂toù :

f = f(x, t).

309

Page 310: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Si l’on insère 9.2.12 dans 9.2.11, l’équation de Schrödinger a pour solution lafonction ψ′ telle que :

| ψ′(x, t) |=| ψ(x, t) | , (9.2.13)

car on veut que la densité de probabilité soit conservée. Donc ψ′ et ψ ne dif-fèrent que par leur phase. On vérifie (exercice) que cette phase vaut expiqf. Latransformation de jauge complète est donc :

A→ A′ = A+∇f

V → V ′ = V − ∂f

∂t(9.2.14)

ψ → ψ′ = expiqfψ

Remarquez que f = f(x, t), donc la transformation de jauge est locale. Sousforme “covariante”, la transformation 9.2.14 s’écrit :

Aµ → A′µ = Aµ − ∂µfψ → ψ′ = expiqfψ (9.2.15)

L’extension au traitement relativiste sera examinée au § 9.5.

9.3 L’invariance de jauge comme “programme” de construc-tion de la théorie de l’ e.m..

Dans le paragraphe précédent l’ équation de Schrödinger, est prise commepoint de départ. Nous avons vérifié que la dynamique contenue dans cette équa-tion est invariante sous la transformation de jauge 9.2.14. La fonction d’onde estmodifiée par le changement de la phase locale (fonction du lieu) :

ψ(x, t)→ ψ′(x, t) = expiqf(x, t)ψ(x, t) (9.3.1)

Au § 9.5 on inversera ce raisonnement :

1) on demandera que la théorie soit invariante sous la transformation de jauge(∼= phase) locale, 9.3.1 ;

2) on en déduira que le système décrit est forcément en interaction, le systèmeétant affecté par un champ (A, V ). Les équations de propagation avec interactione.m. en découleront.

On conçoit intuitivement qu’un changement de la phase locale de la fonctiond’onde ψ → ψeiα(x) est incompatible avec la description d’un système libre. Consi-dérez le cas de l’expérience d’Young avec un écran à deux trous (voir figure 9.3.1).

310

Page 311: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Ψ

Ψ2

Figure 9.3.1 – Schéma de l’expérience d’Young.

La fonction ψ sur l’écran est la superposition “cohérente” des deux contributionsψ1 et ψ2. L’intensité de la tache sur l’écran est proportionnelle à | ψ |2 :

| ψ |2=| ψ1 + ψ2 |2 = | ψ1 |2 + | ψ2 |2 +2Reψ∗1ψ2

= | ψ1 |2 + | ψ2 |2 +2 | ψ1 || ψ2 | cos δ

où δ est la différence de phase entre ψ1 et ψ2. Il est clair qu’on peut multipliersimultanément ψ1 et ψ2 par un facteur de phase commun eiα, où α ∈ R =constante, sans altérer le résultat physique. Par contre il est exclu d’introduiredans ce système “libre” un déphasage local eiα(x,t) sans affecter la cohérence entreψ1 et ψ2 ; l’invariance de jauge locale 9.3.1 n’est pas une symétrie du système“libre”. Il faut nécessairement introduire un champ qui agisse sur la particule :

invariance de jauge locale ⇐⇒ champ d’interaction

Autrement dit en terme de l’IJ locale il s’avère impossible de distinguer l’effetd’un champ de forces de celui d’un changement de phase de ψ.

Avant de considérer la situation d’une symétrie de jauge locale, on va exa-miner le cas d’une symétrie globale, ce qui nous permettra de définir les outilsmathématiques. La symétrie globale est d’ailleurs intéressante en elle-même.

9.4 Transformation de jauge globale.

Soit la transformation de jauge globale :

ψ → ψ′ = eiαψ avec α = constante (9.4.1)

On introduit communément la charge de la particule q dans le facteur de phaseen posant α = qθ, d’où :

ψ → ψ′ = eiqθψ avec θ = constante (9.4.2)

Cette transformation de jauge est applicable aux équations de Dirac libre et deKlein-Gordon libre.

311

Page 312: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Considérons de façon générale la transformation continue à 1 paramètre :

Uθ ≡ eiq1θ où : q = chargeθ = paramètre1 = générateur

Uθ ∈ groupe U(1)Uθ : ψ → ψ′ = Uθψ

On a aussi la transformation infinitésimale :

ψ → (1 + iqθ)ψ (9.4.3)

L’invariance de l’hamiltonien du système : ⟨ψ|H|ψ⟩ = ⟨ψ′|H|ψ′⟩ implique la com-mutativité de q et H :

[H, q] = 0, (9.4.4)

ce qui est équivalent à dire que la “charge” q est conservée. q est une constante dumouvement 162.

Plus communément on exploite l’IJ globale du Lagrangien :

L(x, t) ≡ L(x) = L(ψ(x), ∂µψ(x)) (9.4.5)

On requiert que L(x, t) soit invariant sous la transformation ψ → ψ + iqθψ =ψ + δψ :

0 = δL =∂L

∂ψδψ +

∂L

∂(∂µψ)δ(∂µψ) (9.4.6)

mais : δ(∂µψ) = iqθ∂µψ car : ∂µθ = 0 d’où :

0 =∂L

∂ψiqθψ +

∂L

∂(∂µψ)iqθ∂µψ (9.4.7)

Remplaçons ∂L∂ψ

par son expression tirée de l’éq. d’Euler-Lagrange :

0 = iθ

[∂

∂xµ∂L

∂(∂µψ)qψ +

∂L

∂(∂µψ)q∂µψ

](9.4.8)

0 = iθ∂

∂xµ

[∂L

∂(∂µψ)qψ

](9.4.9)

162. q peut être une charge e.m. ou tout autre nombre quantique additif à conserver : nombrebaryonique, hypercharge.... Pour SU(N) on aura une situation semblable, par ex. SU(3)couleur,voir § 9.6.

312

Page 313: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On définit le courant associé à la transformation de jauge :

jµ = iq∂L

∂(∂µψ)ψ (9.4.10)

La relation 9.4.9 exprime que la divergence 4-dimensionnelle :

∂µjµ = 0 (9.4.11)

c’est-à-dire que le courant jµ est conservé. Ce fait est associé à la symétrie U(1).On a ici une application du théorème de Noether :

∃ une symétrie continue globale

∃ un courant conservé

Le Lagrangien d’une particule de Dirac libre L = ψ(iγµ∂µ−m)ψ par exempleest invariant sous la transformation ψ → eiqθψ. Appliquons dans ce cas la défini-tion du courant 9.4.10 :

jµ = iq∂L

∂(∂µψ)ψ = iq(ψiγµ)ψ = −qψγµψ (9.4.12)

On obtient le “courant de Dirac” conservé associé à q.

9.5 Transformation de jauge locale.

On va maintenant réaliser le programme annoncé au § 9.3. La transformationde jauge locale est :

ψ(x)′ → eiα(x)ψ(x) = eiqθ(x)ψ(x) (9.5.1)

Le gradient de ψ est affecté par le changement de phase :

∂µψ′(x)→ eiqθ(x)

∂µψ(x) + iqψ(x)∂µθ(x)︸ ︷︷ ︸E

On voit que ∂µψ′ = eiqθ(x)∂µψ ce qui est incompatible avec les équations de Diracou Klein-Gordon libres. Pour rétablir cette compatibilité, il faut trouver une formede dérivée Dµ telle que :

(Dµψ)′ → eiqθ(x)Dµψ (9.5.2)

On l’obtient en définissant la dérivée covariante :

Dµ = ∂µ + iqAµ (9.5.3)

313

Page 314: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

où Aµ est un champ de jauge tel que :

Aµ(x)→ A′µ(x) = Aµ(x)− ∂µθ(x) (9.5.4)

Effectivement :

Dµ → (Dµψ)′ = D′

µψ′

= (∂µ + iqA′µ)ψ

′ = (∂µ + iqAµ − iq∂µθ)eiqθψ= ∂µ(e

iqθψ) + iqAµeiqθψ − iqeiqθ∂µθψ

= eiqθ∂µψ + iq∂µθeiqθψ + iqAµe

iqθψ − iqeiqθ∂µθψ= eiqθ(∂µ + iqAµ)ψ

= eiqθDµψ

comme désiré.

En appliquant la définition 9.5.3 au Lagrangien :

L = ψ(iγµ∂µ −m)ψ (9.5.5)

on obtient la forme avec interaction e.m. :

L = ψ(iγµ(∂µ + iqAµ)−m)ψ (9.5.6)= ψ(iγµ∂µ −m)ψ − qψγµψAµ

La partie “interaction” est :

Lint = −qψγµψAµ = jµAµ (9.5.7)

où jµ est le courant qui vient de la symétrie U(1) du Lagrangien.

• En résumé, demander l’invariance de jauge locale 9.5.1 impose la modificationde l’Hamiltonien et du Lagrangien libres par l’introduction d’un “champ de jauge”Aµ. Cela peut se faire par la substitution :

∂µ → ∂µ + iqAµ ≡ Dµ (9.5.8)

où Dµ est la dérivée covariante. (N.B. : l’IJ implique le “couplage minimal”2.2.41).

• Si on ajoute dans 9.5.6 le terme qui décrit la propagation des photons libres :−1

4FµνF

µν , on obtient le Lagrangien total :

L = ψ(iγµ∂µ −m)ψ + jµAµ −1

4FµνF

µν (9.5.9)

L’application de l’équation d’Euler-Lagrange amène à l’équation d’onde d’un champsans masse :

2Aµ − ∂µ(∂νAν) = jµ (9.5.10)

314

Page 315: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Remarquez que dans le cas d’un champ massif on aurait un terme (2 + m2)Aµ

qui n’est pas invariant de jauge.La description du système d’un fermion plus un champ de jauge en interaction

est ainsi complète.Un raisonnement similaire s’applique dans la description du système d’un bo-

son plus un champ de jauge, en partant du Lagrangien approprié.

9.6 Généralisation des transformations de jauge globales.

On a déjà fait usage (chapitre 8) de transformations globales de type SU(N),où SU(N) est un groupe à N2−1 paramètres. Dans la représentation fondamentale,la base engendre un espace à N dimensions. Rappelons-en deux exemples :

exemple 1 : SU(2)isospin : ψ =

(pn

)transformation : ψ′ = Uψ avec U = exp(iθiτi/2), où les τi sont les matrices dePauli,

θ ≡

θ1θ2θ3

sont les paramètres de transformation.

Si U est une symétrie du système, alors l’isospin I ≡ τ2

est conservé (I2 et I3 sontconservés).

exemple 2 : SU(3)saveur : ψ ≡

uds

et SU(3)couleur : ψ ≡

rgb

transformation : ψ′ = Uψ avec U = exp(iαiλi/2), où les λi sont les matrices deGell-Mann et (α1, α2, ..., α8) sont les paramètres de la transformation.

9.7 Généralisation des transformations de jauge locales ;théories de Yang et Mills.

• Considérons le cas d’une symétrie SU(2) :

ψ =

(ψ1

ψ2

)→ ψ′ = exp

(iα

τ

2

)ψ = exp(iα · T )ψ =

(ψ′1

ψ′2

)(9.7.1)

Admettons que les paramètres α dépendent de la position x dans l’espace-tempset introduisons une “charge” g telle que : α = α(x) = gθ(x) ; la transformations’écrit :

ψ′ = exp(igθ · T )ψ (9.7.2)

315

Page 316: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

S’inspirant du raisonnement développé pour la symétrie U(1) (§ 9.3), on imposeà la théorie d’être invariante sous 9.7.2. Introduisons la dérivée covariante (cfr9.5.3) :

Dµ = ∂µ + igT ·W µ(x), où (9.7.3)

les W µ sont 3 champs de jauge sans masse :

W µ ≡ (W µ1 , W

µ2 , W

µ3 ) (9.7.4)

Si l’on demande que Dµψ → exp(igT · θ)Dµψ, on trouve 163 l’analogue de 9.5.4 :

W µ → (W µ(x)− ∂µθ(x)− gθ(x) ·W µ(x) (9.7.5)

Le facteur multiplicatif de g est dû au fait que le groupe SU(2) est non-Abelien.D’une façon générale, les générateurs d’SU(N) où N>1 ne commutent pas. Enconséquence, l’introduction de la dérivée covariante Dµ dans l’équation de Dirac :

(iγµDµ −m)ψ = 0

ou dans le Lagrangien :

L = [−i(Dµψ)γµ −mψ]ψ

va produire des termes en (gψγµTψ)·W µ qui représentent l’interaction des champsW µ et du courant jµ = ψγµTψ avec un couplage unique g. On a ici l’analogue deqψγµψAµ de l’interaction e.m. (cfr. 9.5.7). On trouve de plus des termes d’auto-interaction du type WWW et WWWW (voir la figure 9.7.1).

Q. : établir l’expression des termes d’auto-interaction.

• On peut être tenté d’appliquer sans autre la procédure à l’interaction faibleen faisant l’association W1 W2 W3 ⇒ W±, Z. Toutefois on se heurte à unproblème du fait que le terme de la masse dans le Lagrangien ∼ m2W µWµ (mde l’ordre de 100 GeV) est incompatible avec l’invariance de jauge. On verraultérieurement comment remédier à cela.

• Considérons le cas de la symétrie SU(3)couleur.

Rappelons que la fonction d’onde ψ d’un quark comporte une partie dépendantde la charge de couleur :

|couleur⟩ =

rgb

⇒ ψ1

ψ2

ψ3

163. voir par ex. ref.7 § 2.3.4

316

Page 317: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

W W

W

W

W W

WWa) b) c)

Figure 9.7.1 – Diagrammes d’interactions avec le champ W ; a) interaction avecun courant de fermion ; b et c) auto-interactions.

L’ IJ nous conduit à introduire 8 champs de jauge sans masse Aα, α = 1, ...8(les gluons), qui interagissent avec les charges de couleur des quarks. Les termesd’interaction sont de la forme 164 :

gsψγµλ

α

2ψAα = gsj

αAα

De plus on a des termes d’interaction du champ de jauge avec lui-même, ty-piques d’un groupe non-Abélien. Ce sont les interactions à 3 et 4 gluons (§ 8.17).

En résumé :- Dans l’hypothèse d’une symétrie de jauge locale SU(N), on obtient N2-1

champs de jauge dont les quanta sont des bosons sans masse. Ces bosonsinteragissent avec les fermions et entre eux si N>1.

- La version globale de la même symétrie de jauge SU(N) garantit que lescharges sont conservées. Les courants (e.m., de couleur, ..) satisfont àl’équation de continuité ∂µjαµ ≡ 0 (α est associé aux charges en question).

9.8 Effet d’écran par champ scalaire ; bosons de Higgs etbosons de Goldstone.

Est-il possible d’avoir des champs de jauge massifs sans détruire l’invariancede jauge de la théorie et par conséquent la validité de la procédure ?

Un raisonnement heuristique amène de prime abord à une réponse négative.En effet, on a introduit ces champs pour “connecter” des points de l’espace-tempsoù les fonctions d’onde ont des phases différentes. Ces points pouvant se trouverà des distances arbitrairement grandes, le vecteur de la connexion doit avoir uneportée infinie, d’où un champ de jauge de masse nulle.

164. Rappel : gs =√4παs, αs = constante de couplage fort.

317

Page 318: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Toutefois, on a des exemples en physique du solide où le photon prend unemasse effective lors du passage dans un milieu où des courants peuvent s’établir.C’est un effet d’écran dû à l’excitation du milieu qui s’oppose au changement. Lecas limite est celui du supraconducteur qui expulse le champ B de son intérieur(donc Mphoton →∞).

L’interprétation de cet effet est la suivante. Dans la jauge de Lorentz on a2A = j. Si le courant j est créé par la présence d’un champ A, disons j = −M2A,on obtient 2A = −M2A, ce qui est équivalent à l’équation de propagation d’unchamp massif :

(2+M2)A = 0 (9.8.1)

Supposons qu’on cherche à faire pénétrer ce milieu par un champ B. La réponsedu milieu s’exprime par 165 :

∇×B = j = (−M2A) (9.8.2)

Si l’on prend le rotationnel de cette expression on obtient avec ∇×A = B :

∇2B = −M2B (9.8.3)

La solution de l’équation 9.8.3 est du type :

B = B0 exp−Mx (9.8.4)

caractérisée par la longueur de pénétration :

λ = 1/M (9.8.5)

Un exemple de cette situation est celle d’un corps supraconducteur maintenuen dessous de sa température critique Tc. Les paires de Cooper constituent ungaz de bosons donnant lieu à un courant macroscopique (elles peuvent être toutesdans le même état quantique |p⟩) :

j = (−Q2/m) | ϕ |2 A (9.8.6)

Dans cette expression, Q = 2 (en unité de e), m = 2me (en unité d’ℏc), | ϕ |2=ns

2, où ns est le nombre d’e− supraconducteur par unité de volume. On obtient

l’équation de London (1950) en prenant le rotationnel :

∇× j = − 22

2me

ns2B (9.8.7)

La longueur de pénétration est :

λ =M−1 =

√2me

222

ns(9.8.8)

Pour ns ≃ 4.1028 m−3, 2me ≃ 5.1014 m−1, on obtient λ ≃ 10−8 m ≃ 100 Å, ce quicorrespond à une masseM = ℏc/λ ≃ 20 eV. Si la température du supraconducteurest élevée au-dessus de sa température critique Tc, ns diminue brusquement et enconséquence la longueur de pénétration λ grandit (M ≃ 0) (voir figure 9.8.1).

165. On a posé : 4πc = 1.

318

Page 319: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

[m−1]M

108

cΤΤ

Figure 9.8.1 – Evolution de la masse effective du photon en fonction de la tem-pérature d’un milieu supraconducteur.

Pour transposer une telle situation dans le contexte d’une théorie de jauge, onest amené a postuler l’existence dans tout l’espace d’un champ scalaire (champde bosons) susceptible d’engendrer un courant “d’écrantage” 166 à la façon despaires de Cooper. En conséquence les champs de jauge (et les champs de fermions)peuvent acquérir une masse.

Ce champ présente une caractéristique qu’on ne retrouve dans aucun autrechamp rencontré en physique des particules, l’amplitude moyenne dans le vide estnon nulle :

⟨0|ϕ|0⟩ = 0 (9.8.9)

La description théorique d’un tel champ a été élaborée à partir d’une suggestionde Y. Nambu et sur la base de la théorie de Ginzburg-Landau en supraconducti-vité 167.

166. Rappel de 5.2.11 ; le courant associé à un champ scalaire ϕ est donné par : jµ(ϕ) =iq[ϕ∗(∂µϕ)− (∂µϕ∗)ϕ].167. Les expériences au LEP II du CERN ont fourni un signal ténu d’événements candidatscomme quanta de ce champ ; toutefois ces premiers résultats demandent à être confirmés ; voirtable PDG 2002, Gauge and Higgs Boson Particle Linstings.

319

Page 320: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

a) v (φ1, 2)φ

φ2φ1

φ2

v (φ1, 2)φ

Vmin µ/λ)=r(Cercle φ1

b)

Figure 9.8.2 – Allure du potentiel dû au champ complexe ϕ = ϕ1+ iϕ2 ; a) V (ϕ)pour µ2 > 0 ; b) V (ϕ) pour µ2 < 0.

Considérons le champ scalaire complexe ϕ ∈ C, ϕ = 1√2(ϕ1 + iϕ2), les com-

posantes ϕ1 et ϕ2 étant réelles. Le Lagrangien exprimé en fonction de ϕ, ϕ∗ et deleurs dérivées s’écrit :

L = (∂µϕ)(∂µϕ)∗ − V (ϕ) (9.8.10)

Le terme du potentiel peut être explicité sous la forme :

V (ϕ) = −µ2ϕ∗ϕ+ λ2(ϕ∗ϕ)2 (9.8.11)

= −1

2µ2(ϕ2

1 + ϕ22) +

1

4λ2(ϕ2

1 + ϕ22)

2, où

µ et λ sont des constantes positives.

Dans le plan complexe ϕ1, ϕ2, V (ϕ1, ϕ2) a l’allure d’un fond de bouteille (voirfigure 9.8.2 a ). A l’origine ϕ1 = ϕ2 = 0, V (ϕ1, ϕ2) a un maximum local corres-pondant à un état instable. Le lieu des minima de V (ϕ1, ϕ2) se situe sur le cerclede rayon :

| ϕmin |=√ϕ21 + ϕ2

2 =µ

λ≡ f√

2(9.8.12)

Il représente l’ensemble des états d’équilibre stable. Pour ces états, la relation(9.8.9) est satisfaite :

⟨0|ϕmin|0⟩ =f√2= 0

320

Page 321: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

On peut passer d’un de ces états d’équilibre à l’autre par la transformationglobale U(1) = eiα, où α ∈ R est un paramètre réel ; ces états sont donc de laforme :

ϕvide =f√2eiα (9.8.13)

Si l’on prend un de ces états d’équilibre au hasard, il apparaît dissymétriquealors que le potentiel (et le Lagrangien) est symétrique (invariant) sous la transfor-mation U(1). On a une situation de symétrie brisée (on dit aussi de symétrie cachée).

C’est intentionnellement qu’on a mis un signe négatif devant le terme en µ2

de l’expression (9.8.11) 168. Si on avait mis un signe positif, V (ϕ1, ϕ2) aurait eul’allure d’un fond d’amphore (voir figure 9.8.2 b ), avec un minimum en ϕ1 =ϕ2 = 0. L’état d’équilibre stable en question serait symétrique sous U(1) ci-dessus.La valeur µ2 = 0 est donc un point critique où s’effectue la transition entre lasolution d’un état d’équilibre symétrique et celle d’états d’équilibre dégénérésdissymétriques.

Revenons à une situation de symétrie brisée en considérant l’état :

ϕ(x) =1√2

(µλ+ η(x) + iχ(x)

)(9.8.14)

où η(x) et χ(x) sont des champs scalaires tels que :

⟨0|ηmin|0⟩ = 0 et ⟨0|χmin|0⟩ = 0 (9.8.15)

On peut se représenter η(x) comme une fluctuation radiale autour de ϕ1 = µλ

etχ(x) comme une fluctuation azimutale autour de ϕ2 = 0. On se situe donc auvoisinage d’un point de l’axe réel du plan (voir figure 9.8.3).

Si on insère (9.8.14) dans l’expression du Lagrangien (9.8.10) en tenant comptede (9.8.11), on obtient :

L =

[1

2(∂µη)(∂

µη)− 1

2(2µ2)η2

]+

[1

2(∂µχ)(∂

µχ)

]+ ... (9.8.16)

On n’a explicité ici que les termes significatifs pour la présente discussion.

Q. : construire l’expression complète du Lagrangien ; voir que L(η) est effective-ment dissymétrique, alors que L(ϕ) est symétrique.

Le terme en η(x) représente la contribution d’un champ scalaire visiblementmassique (mη =

√2µ2), c’est ce qu’on nomme le champ des bosons de Higgs. Le

168. Dans la littérature, on trouve plus souvent ce terme avec le signe positif, mais on choisitde définir µ2 < 0.

321

Page 322: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

µ/λ

Vmin

V Re

Im φ

η

χφ

= φ2

φ = φ1

Figure 9.8.3 – Vmin(Re(ϕ), Im(ϕ)) = Vmin(ϕ1, ϕ2).

terme en χ(x) représente la contribution d’un champ scalaire sans masse, c’est cequ’on appelle le champ de bosons de Goldstone 169.

On peut comprendre intuitivement ce résultat en imaginant un petit déplace-ment par rapport à la région Vmin (figure 9.8.3) ; se déplacer radialement coûte del’énergie cinétique, d’où la présence d’un terme de masse, alors que se déplacertangentiellement ne coûte rien.

Il faut maintenant examiner les conséquences de l’interaction entre ces champsde bosons et un champ de jauge ; c’est l’objet du paragraphe suivant.

9.9 Brisure de la symétrie de jauge locale ; mécanisme deHiggs.

Dans sa forme la plus simple, le mécanisme de Higgs 170 est essentiellement lemodèle de Goldstone qu’on vient de présenter, avec l’addition d’une interactionélectromagnétique. Celle-ci est amenée par l’application du principe de jauge ex-posé au § 9.5 : on requiert l’invariance du Lagrangien sous une transformation dejauge locale, ce qui impose l’introduction d’un champ de jauge Aµ via la substi-tution ∂µ → ∂µ + iqAµ. En se bornant aux termes les plus significatifs pour le

169. Ce modèle est une illustration d’un théorème général dû à J. Goldstone, Nuovo Cimento19 (1961) 154.170. P.W.Higgs Phys. Lett.12 (1964) 132 et Phys.Rev.Lett. 13 (1964) 508

322

Page 323: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

présent exposé, on obtient l’expression du Lagrangien suivante :

Lη,χ,Aµ =

[1

2(∂µη)(∂

µη) +1

2(2µ2)η2

]+

[1

2(∂µχ)(∂

µχ)

](9.9.1)

+

[−1

4FµνF

µν +1

2

(qµλ

)2AµA

µ

]+ ... , où :

Fµν = ∂µAν − ∂νAµ

Q. : construire l’expression complète du Lagrangien Lη,χ,Aµ.

On retrouve les contributions des champs “d’écrantage”, c’est-à-dire le champmassique η(x) et le champ sans masse χ(x) (Goldstone) ; de plus, on trouve lacontribution d’un champ de jauge massique Aµ(masse qµ

λ). Cette situation nouvelle

pose un problème touchant au nombre de degrés du système. En effet le champAµ purement transversal au départ, acquiert une polarisation longitudinale endevenant massique, donc un degré de liberté supplémentaire. Cet accroissementdoit trouver une compensation par ailleurs. Elle peut être mise en évidence enredéfinissant le champ ϕ(x) en termes de son module et de sa phase, sous laforme :

ϕ(x) =1√2

[µλ+H(x)

]exp

(iξ(x)µλ

)où : (9.9.2)

H(x) et ξ(x) sont des scalaires réels aux moyennes dans le vide nulles.

Par une transformation de jauge adéquate sous SU(2)L, on s’arrange à compen-ser le facteur de phase, ce qui entraîne l’élimination du champ ξ(x) (Goldstone)dans l’expression du Lagrangien. C’est ce qu’on appelle le mécanisme de Higgs.Dans cette jauge particulière (appelée communément jauge unitaire), l’expressiondu champ ϕ(x) est :

ϕ′ =1√2

[µλ+H(x)

](9.9.3)

et celle du champ Aµ :

A′µ(x) = Aµ(x) +

1

q µλ

∂µξ(x) (9.9.4)

323

Page 324: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

A

A

H

H

H3 H4

AµAµHH2AµAµ

H

H

H

H

H

H

A

A

H

H

Figure 9.9.1 – Diagrammes d’interaction entre champ de Higgs et champ Aµ etchamp de Higgs avec lui-même.

Le Lagrangien (9.9.1) devient :

LH,Aµ =

[1

2(∂µH)(∂µH) +

1

2(2µ2)H2

](9.9.5)

+

[−1

4FµνF

µν +1

2

(qµλ

)2AµA

µ

]+

(q2µ

λ

)HAµA

µ +1

2q2H2AµA

µ − λµH3 − 1

4λ2H4 +

1

4

µ4

λ2

Q. : construire l’expression du Lagrangien LH,Aµ.

Le Lagrangien LH,Aµ décrit correctement le spectre de masses attendu. Il repré-sente deux particules massives interagissantes : le boson scalaire de Higgs (massemH =

√2µ2) et le boson de jauge vectoriel Aµ (masse mAµ = qµ

λ). Les autres

termes de la relation 9.9.5 décrivent (à la constante 14

µ4

λ2près) les interactions

entre les champs (voir figure 9.9.1).Cette analyse peut être étendue à d’autres symétries de jauge que U(1) ; nous

l’illustrons au § 9.10.

324

Page 325: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

9.10 La théorie électrofaible (EW).

9.10.1 L’isospin et l’hypercharge faibles, la symétrie SU(2)L × U(1)Y .

Le nom de la théorie électrofaible (modèle de Glashow, Weinberg, Salam) adéjà été évoqué dans ce cours, en particulier au chapitre 7. Notre objectif ici estd’en exposer les bases et d’en rappeler les prédictions saillantes, sans entrer dansdes détails de calcul.

L’invariance de jauge est une propriété centrale des théories de champs quan-tiques parce qu’elle garantit que les grandeurs calculées ont des valeurs finies 171.La théorie QED en est un exemple ; on a vu (§ 9.2) que le Lagrangien LQED estinvariant sous la transformation de jauge :

U(1) = exp[iqα(x)] (9.10.1)

On se pose dès lors la question : quel est le groupe de symétrie de jauge relevantdans le cas de l’interaction faible ? Une réponse a été suggérée par S.L. Glashow(1961) en se fondant sur l’observation que les courants faibles chargés n’affectentque la composante gauchère (hélicité -1) des fermions (leptons et quarks), alors quele courant faible neutre (de même que le courant e.m.) touche les composantes gau-chère et droitière (hélicité ±1). 172. On introduit le concept d’isospin faible, définipar le vecteur-opérateur T (T1, T2, T3) dont les composantes Ti sont les générateursdes transformations d’un groupe de symétrie SU(2)L dans l’espace d’isospin faible.Les Ti ne commutent pas : [Ti, Tj] = iεijkTk (groupe non-Abélien). Les membresgauchers d’une famille de fermions sont considérés comme formant un doubletd’isospin faible, tel que 173 :

T =1

2, T3 =

+1/2−1/2

(νee−

)L

, ... ou(ud′

)L

, ... (9.10.2)

Ce doublet se transforme sous SU(2)L comme :

χ′L ⇒ exp[igθ(x) · T ] χL, où (9.10.3)

χL =

(νee−

), ..., ou

(ud′

)L

, ...

g est “une charge faible”, par analogie avec la charge électrique unité e,T = 1

2τ , où les τi sont les matrices de Pauli.

171. Typiquement les amplitudes de transition dans le calcul des perturbations sont renorma-lisables (§ 5.15).172. Rappelons que les composantes fL,R d’un fermions f s’obtiennent par l’opération de pro-jection : fL,R = 1

2 (1∓ γ5)f , avec L pour “left” et R pour “right”.173. Pour simplifier l’écriture, on s’est limité à la première famille, la description peut êtreétendue aux deux autres familles.

325

Page 326: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Les membres droitiers de la même famille de fermions sont considérés commeformant un singulet d’isospin faible, tel que 174 :

T = 0 ; T3 = 0 : e−R , ... , uR , d′R , ... (9.10.4)

Ils se transforment sous U(1)YW comme :

χ′R =⇒ exp[ig′θ(x)

YW2

]χR , où (9.10.5)

χR = e−R , ... ou uR , d′R , ...

g′ est “une autre charge faible”,YW est l’hypercharge faible.

La grandeur YW est définie par analogie avec l’hypercharge introduite en in-teraction forte 175 (relation 4.10.6) :

YW2

= Q− T3

On a consigné dans le tableau 9.10.1 les valeurs numériques des nombres quan-tiques (additifs) T, T3 et YW assignés aux différents états de fermions.

Les transformations locales 9.10.3 et 9.10.5 impliquent l’existence de champsd’interaction. Le modèle de Glashow, Weinberg, Salam introduit trois champs dejauge associés au groupe SU(2)L et formant un triplet d’isospin faible 176 (vecteur) :

T = 1, T3 =

+1−10

:

W µ1

W µ2

W µ3

(9.10.6)

et un champ de jauge associé au groupe U(1)YW formant un singulet d’isospinfaible (scalaire) :

T = 0 ; T3 = 0 : (Bµ) (9.10.7)

La symétrie combinée SU(2)L×U(1)YW étant supposée parfaite, ces champs sontsans masse.

On peut dès lors écrire les expressions des dérivées covariantes. Pour les fer-mions gauchers :

Dµ = ∂µ + igτ

2·W µ + ig′

YW2

Bµ (9.10.8)

174. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas de transition faible faisant passer d’un membredroitier à l’autre dans une même famille de fermions. Rappelons par ailleurs que les neutrinosne sont observés que dans l’état gaucher (§ 3.5).175. Remarquons qu’il n’existe aucune connexion physique entre les concepts d’isospin et d’hy-percharge d’une part et ceux d’isospin et d’hypercharge faibles d’autre part ; il n’y a entre euxqu’une similitude de construction formelle.176. Notons que dans le modèle, le photon et le gluon n’ont pas d’attribut d’isospin faible.

326

Page 327: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Q T T3 YW

états de fermion

νe, νµ, ντ 0 12

+12

-1

e−L , µ−L , τ

−L -1 1

2-12

-1

e−R, µ−R, τ

−R -1 0 0 -2

uL, cL, tL +23

12

+12

+13

d′L, s′L, b

′L −1

312

−12

+13

uR, cR, tR +23

0 0 +43

d′R, s′R, b

′R −1

30 0 −2

3

Table 9.10.1 – Valeurs des nombres quantiques d’isospin et d’hypercharge faiblesattribuées aux différents états d’hélicité des fermions.

et pour les fermions droitiers, non affectés par SU(2)L :

Dµ = ∂µ + ig′YW2

Bµ (9.10.9)

Si l’on prend en compte les termes d’énergie cinétique des champs de jauge, l’ex-pression du Lagrangien invariant prend la forme suivante :

L = χLγµ

[∂µ − igτ

2·W µ − ig′YW

2Bµ

]χL (9.10.10)

+ χRγµ

[∂µ − ig′YW

2Bµ

]χR −

1

4W µν ·W µν − 1

4BµνB

µν

L’examen des composantes d’interaction des fermions gauchers et droitiers avecles champs W µ et Bµ amène à d’intéressantes déductions. Celles avec le champ

327

Page 328: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

W µ peuvent être écrites :

−igjµ ·W µ = −ig[

1√2(j+µW

µ+ + j−µWµ−) + j3µW

µ3

], où : (9.10.11)

jµ = χLγµτ

2χL ,

j±µ = j1µ ± ij2µ ,

W µ± =1√2(W µ1 ∓ iW µ2)

Celles avec le champ Bµ ont la forme 177 :

−ig′jYWµ2

Bµ = −ig′[(jemµ − j3µ)Bµ] , où : (9.10.12)

jYWµ = χLγµYWχL + χRγµYWχR ,

jemµ = eχLγµQχL + eχRγµQχR

On reconnaît dans la première partie du terme de droite de (9.10.11) la contri-bution à l’interaction provenant des courants faibles “chargés”. La seconde partiede ce terme, jointe à (9.10.12), représente les contributions de courants “neutres” ;toutefois, on ne distingue pas du premier coup d’oeil ce qui peut provenir ducourant faible “neutre” et du courant électromagnétique. Le modèle de GWS nousapporte l’éclairage nécessaire à ce propos ; il considère que les champs W µ3, Bµ

sont des combinaisons linéaires (et orthogonales) des champs Zµ, Aµ :(W µ3

)=

(cos θW sin θW− sin θW cos θW

)(Zµ

), où : (9.10.13)

θW est l’angle de mélange électrofaible, appelé communément l’angle de Weinberg(voir § 7.4).

En substituant les expressions deW µ3 et Bµ en termes de Aµ, Zµ dans (9.10.11)et (9.10.12), et en regroupant les dépendances en Aµ, Zµ, on obtient pour lescontributions de courant “neutres” :

−i[(g sin θW − g′ cos θW )j3µ + g′ cos θW jemµ ]Aµ (9.10.14)

−i[(g cos θW + g′ sin θW )j3µ − g′ sin θW jemµ ]Zµ

On reconnaît maintenant dans (9.10.14) la forme usuelle du couplage e.m.−iejemµ Aµ si l’on pose 178 :

g =e

sin θW; g′ =

e

cos θW(9.10.15)

177. On fait usage de la relation : YW

2 = Q+ T3, en tenant compte du fait que T3 = 0 pour lefermion droitier.178. Si l’on se rapporte aux notations du § 7.4, on a : gγ = e, g = gW±, g′ = gZ sin θW .

328

Page 329: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

et par conséquent 179 :

g′

g= tan θW (9.10.16)

1

g2+

1

g′2=

1

e2(9.10.17)

Tenant compte de (9.10.16), le terme de couplage faible “neutre” peut s’écriresous la forme :

−i g

cos θW(j3µ − sin2 θW j

emµ )Zµ = −i g

cos θWjNCµ Zµ , où : (9.10.18)

jNCµ = j3µ − sin2 θW jemµ

On voit apparaître ainsi des connexions intimes entre le courant faible “neutre”jNCµ et le courant électromagnétique jemµ , ainsi qu’entre les constantes de couplagefaibles et e.m.. Ces prédictions du modèle GWS ont été testées avec succès, hormisque les quanta des champs faibles (bosons W± et Z) ont été trouvés massifs (voirchapitre 7). Toutefois, on sait, au moins en principe, comment remédier à ce défautdu modèle en s’inspirant de la procédure décrite aux § 9.8 et 9.9. Cette secondeétape fait l’objet du paragraphe suivant.

9.10.2 Symétrie locale brisée SU(2)L⊗U(1)Y ; implication du méca-nisme de Higgs.

On a quatre champs de jauge dont trois doivent être rendus massifs, soit lesbosons W± associés aux courants faibles chargés et le boson Z associé au courantfaible neutre. Il faut donc introduire un champ scalaire avec au moins trois degrésde liberté, et s’assurer de plus qu’une symétrie de jauge reste non brisée de tellesorte qu’un champ de jauge sans masse subsiste pour représenter le photon. Dansle modèle GWS, on introduit un champ scalaire complexe se transformant commeun doublet d’SU(2)L 180 :

T =1

2, T3 =

+1/2−1/2 ϕ =

ϕ+ = 1√

2(ϕ1 + iϕ2)

ϕ0 = 1√2(ϕ3 + iϕ4)

, où : (9.10.19)

ϕ1, ... , ϕ4 sont des scalaires réels,ϕ+, ϕ0 ont des charges électriques +1 et 0 respectivement ; leur hypercharge faiblevaut donc YW = +1.

179. g2 et g′2 sont sans dimension ; e2 est exprimé en unité d’ε0ℏc ; numériquement, on a :g2/4π ≃ 1/30 ; g′2/4π ≃ 1/100 ; e2/4π ≃ 1/137 ; sin2 θW ≃ 0.231, (pour l’énergie équivalenteà MZ ≃ 90 GeV).180. Notons que ce champ est supposé former un singulet de couleur.

329

Page 330: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Ce champ est supposé avoir une moyenne non nulle dans le vide, et on fait lechoix ϕ1 = ϕ2 = ϕ4 = 0 ; ϕ3 =

µλ) 181 :

⟨0|ϕ|0⟩ = ϕvide =1√2

(0µλ

)(9.10.20)

En suivant la procédure décrite au § 9.9, on développe ϕ(x) autour de l’état devide choisi, et on redéfinit l’isodoublet en termes de son module et de sa phase :

ϕ(x) =1√2

(0µλ

+ H(x)

)exp

(iξ(x) · τ

2µλ

), où : (9.10.21)

H(x) et [ξ1(x), ξ2(x), ξ3(x)] sont des champs réels, de moyennes nulles dansle vide,(τ1, τ2, τ3) sont les matrices de Pauli.

Par un choix de jauge adéquat (jauge unitaire), le facteur de phase est compensé defaçon à éliminer les trois composantes ξ1(x), ξ2(x), ξ3(x) (bosons de Goldstone).Les trois degrés de liberté ainsi libérés se retrouvent dans les composantes depolarisation longitudinale des champs W± et Z. Dans cette jauge, le Lagrangienest de la forme :

LH,W±µ,Zµ,Aµ =

[1

2(∂µH)(∂µH) +

1

2(2µ2)H2

](9.10.22)

+

[−1

2(FW−)µν(FW+)µν +

1

2

(gµ

λ

)2(W−)µ(W+)

ν

]+ −1

4ZµνZ

µν +1

2

( µ2λ

)2(g2 + g′2)ZµZ

µ

+

[−1

4FµνF

′µν]+ ....... , où :

Fµν = ∂µAν − ∂νAµFW∓)µν = ∂µ(W∓)ν − ∂ν(W∓)µZµν = ∂µZν − ∂νZµ

On n’a conservé dans (9.10.22) que les termes d’énergies cinétiques et d’énergies demasse concernant le boson de Higgs et les bosons de jauge 182. En ce qui concernele spectre de masses, les prédictions du modèle sont 183 :

MW± =1

2gµ

λ; MZ =

1

2(g2 + g′2)

12µ

λ; d’où : (9.10.23)

181. Ce choix est en rapport avec la conservation de la charge électrique.182. L’expression complète du Lagrangien peut se trouver dans la littérature spécialisée, voirpar ex. ref. 2, 6, 7, ou “Electroweak interactions” P. Renton Ed. Cambridge Univ. Press.183. Le facteur 1

2 dans l’expression de MW± se comprend si on développe en terme des com-posantes Wµ

i dans 9.10.22.

330

Page 331: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

MW±MZ

= g(g2+g′2)1/2

= cos θW

MH = (2µ2)1/2

En combinant (9.10.23) et (7.3.29) et en utilisant (7.3.5), on obtient :

µ

λ= (√2 GF )

− 12 = (

√2 · 1.166 · 10−5)−

12

≃ 246 GeV

Le modèle ne fait par contre aucune prédiction sur les valeurs de µ et de λ prisesséparément, et en conséquence sur la masse (

√2µ2) du boson de Higgs.

Observons par ailleurs que le champ électromagnétique n’est présent dans9.10.22 que par sa composante d’énergie critique (Mγ = 0).

L’existence du photon sans masse est une conséquence du choix (9.10.20).L’état du vide neutre ainsi défini est tel que (T3 = −1

2, YW = +1) :

Qϕvide =

(T3 +

YW2

)ϕvide = 0 (9.10.24)

Il est invariant sous la transformation :

U(1)e.m.ϕvide = exp(ieQα(x))ϕvide = ϕvide (9.10.25)

pour toute valeur de α(x).

U(1)e.m. est en fait un sous groupe de SU(2)L×U(1)YW . Des quatre générateursT , YW , seule la combinaison Q de (9.10.24) satisfait à (9.10.25), impliquant quele photon reste sans masse. Les trois autres générateurs brisent la symétrie et lesbosons associés deviennent massifs.

9.10.3 Couplage entre champ de Higgs et champs de fermion.

Considérons tout d’abord le cas des leptons. Rappelons (§ 9.10.1) que lesmembres de chacune des trois familles de leptons constituent un doublet d’isospinfaible gaucher χL =

(νℓℓ−

)L

et un singulet d’isospin faible droitier χR = ℓ−R, oùℓ− = e−, µ− ou τ−. Le couplage au champ de Higgs apporte une contribution auLagrangien de :

LH,lepton = −gℓ[(χLϕvideχR) + (χRϕvideχL)] (9.10.26)

= − gℓ√2

[µλ(χLχR + χRχL) +H(χLχR + χRχL)

], où :

gℓ = constante de couplage (arbitraire),ϕvide = 1√

2

(0µλ+H(x)

)et ϕvide =

1√2

(0 µ

λ+H(x)

)331

Page 332: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Le lepton chargé acquiert une masse de :

mℓ− =gℓ√2

µ

λ(9.10.27)

De plus, il présente un couplage au boson de Higgs dont l’intensité vaut gℓ√2=

mℓ−µλ

.La valeur de µ

λétant connue, on voit que la constante gℓ peut être déterminée à

partir des masses mesurées des leptons chargés.Remarquons que le neutrino νℓ, qui n’a pas de composante d’isospin faible

droitière, reste sans masse.La situation est plus compliquée dans le cas des quarks, car rappelons que

les deux membres de chacune des trois familles de quarks sont présents dansl’isodoublet faible gaucher et dans l’isosingulet faible droitier 184. Afin d’engendrerdes termes de masse pour le membre supérieur, on est amené à postuler l’existenced’un champ de Higgs conjugué, dont la forme dans le vide est :

∼ϕvide = iτ2ϕ

∗vide =

(µλ

+ H(x)0

)(9.10.28)

Cette construction garantit que ϕvide et∼ϕvide se transforment de la même façon

sous SU(2)L. De plus on attribue à∼ϕ une hypercharge YW = −1 de telle sorte que

la relation Q = T3 +YW2

est encore satisfaite.La contribution au Lagrangien due au couplage entre quarks et champ de Higgs

devient (on s’est limité ici à la famille des quarks légers) :

LH,quark = − gd√2

[µλ(χLd

′R + d

′RχL) +H(χLd

′R + d

′RχL)

](9.10.29)

− gu√2

[µλ(χLuR + uRχL) +H(χLuR + uRχL)

]+ ....... , où :

gd et gu sont des constantes de couplage,

χL = (ud′)L.

Les termes de masse et de couplage au boson de Higgs ont des caractéristiquescomparables à celles trouvées dans le secteur des leptons.

Remarquons que le formalisme conçu pour les familles de quarks peut êtreutilisé pour les familles de leptons si l’on admet que les neutrinos ont une masse 185.

184. Expérimentalement les deux membres des familles de quarks sont trouvés massifs.185. Des expériences récentes indiquent effectivement que c’est le cas ; voir § 1.4 et la tablePDG 2002 sous Lepton Particle Listings, Neutrino mixing.

332

Page 333: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

9.11 Le Modèle Standard. Théories de grande unification(GUT).

Le modèle de Glashow, Weinberg, Salam donne une interprétation cohérenteet unifiée des interactions électromagnétique et faible (EW), basée sur le groupede jauge SU(2)L ⊗ U(1)YW , qui contient implicitement le groupe U(1)e.m..

Le Modèle Standard (S.M.) est un mariage du modèle GWS et de la théorieQCD décrivant l’interaction forte. Il est basé sur le groupe de jauge combiné :

S.M. ⊃ SU(3)couleur︸ ︷︷ ︸QCD

couplage gs

⊗ SU(2)L ⊗ U(1)YW︸ ︷︷ ︸EW

couplages g,g′

(9.11.1)

Le principe d’invariance de jauge est applicable. La brisure de symétrie spon-tanée (BSS) n’affecte que la partie SU(2)L⊗U(1)YW . On admet que cette brisurede symétrie se désactive lorsqu’on se situe à une énergie dépassant un certain seuil.Formellement, la restauration de la symétrie peut être représentée par l’adjonctiondans l’expression du potentiel (9.8.13) d’un terme dépendant de la températureet de la forme :

V (ϕ1, ϕ2, T ) = V (ϕ1, ϕ2) +λ

8

2

T 2(ϕ21 + ϕ2

2) (9.11.2)

Quand T augmente, la moyenne ⟨0|ϕmin|0⟩ diminue et s’annule en :

TC = 2µ

λ≃ 500 GeV

Le mariage des théories EW et QCD semble arbitraire à priori. Il s’avère toutefoisque la théorie EW n’est renormalisable que si l’on prend en compte à la fois les 3charges de couleur et les 3×2 saveurs de quarks. On a là une indication en faveur dela recherche d’une unification des théories. Néanmoins le Modèle Standard laissebeaucoup de questions en suspens telles que : pourquoi la nature a-t-elle fait lechoix particulier des symétries SU(3)C , SU(2)L et U(1)YW ? Quelle est l’origine dela violation de CP ? Le champ de Higgs existe-t-il vraiment ? Comment réduire lenombre des paramètres (18) du modèle ? En bref, bien que les tests expérimentauxeffectués à ce jour aient fournis des vérifications remarquables des prédictions duModèle Standard, on a encore de multiples raisons de chercher à approfondir lesconnaissances de ce sujet. C’est l’objectif poursuivi par les théories de grandeunification (GUT = Grant Unified Theories).

L’idée de base consiste à postuler l’existence d’un groupe de jauge étendu G,dont les groupes SU(3)C , SU(2)L, U(1)YW , ... seraient des sous-groupes :

G ⊃ SU(3)C ⊗ SU(2)L ⊗ U(1)YW (9.11.3)

333

Page 334: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

g5""SU:g ( )2

( )3gS: SU

g’:U( )1 Y

01 1501 10

SSB pour laEWpartie :

YU( )1+o2( )

01 5MW

+o emU( )1( )3SU C

GUT

g

g

em

E [GeV]

L

UM

SU L

C

Figure 9.11.1 – Evolution des constantes de couplage dans le schéma de grandeunification. Au-dessus de la température (l’énergie) critique, toutes les constantescoïncident (g5).

Il serait dès lors possible de prédire les relations entre les paramètres de ces sous-groupes, typiquement entre les constantes de couplage gs, e, g et g′ 186.

De nombreuses propositions ont été faites en vue d’une formulation concrètede ce schéma de base ; le premier modèle proposé et le plus simple 187 est fondésur le groupe de jauge SU(5), comprenant 25 générateurs dont 4 générateurs com-mutables 188. Dans ce modèle, on définit une température critique TC ≃ MU en-dessous de laquelle la brisure de symétrie se manifeste et en-dessus de laquelle lasymétrie SU(5) est restaurée. Dans la figure 9.11.1, cette transition est représentéeen terme des constantes de couplage effectives des sous-groupes (gs, e, g et g′)et d’une constante de couplage effective (g5) du groupe SU(5). Lorsqu’on descenddans l’échelle des énergies, on observe la séquence :

SU(5) =⇒∼1015GeV

SU(3)C ⊗ SU(2)L ⊗ U(1)YW =⇒∼102GeV

SU(3)C ⊗ U(1)e.m.

Parmi les prédictions du modèle, citons :

186. Notons que dans le modéle GWS, les relations entre e, g et g′ font intervenir l’angle deWeinberg θW , dont la valeur n’est pas prédite.187. H. Georgi and S.L. Glashow Phys. Rev. Lett. 32 (1974) 438.188. Ce sont ceux des sous-groupes, soient I3, Y pour SU(3)C et T3, YW pour SU(2)L etU(1)YW

.

334

Page 335: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

• la valeur de θW (E) ; en MU ≃ 1015 GeV : sin2 θW = 3/8 ; en MW ≃ 80GeV : sin2 θW ≃ 0.205 ;• la quantification des charges (charge électrique, nombres quantiques in-

ternes, ...), en rapport avec le caractère non commutatif de SU(N), pour N> 1 ;• l’existence d’un mode de désintégration du proton en p→ e+π0, τp ≃ 1034a,

en rapport avec la prédiction de nouveaux bosons de jauge X susceptiblesd’engendrer des transitions quark ←→ lepton (voir figure 9.11.2) ; cettevaleur de τp est compatible avec la limite inférieure observée.

e+

−u

e

d−

+u

u

d d

u

u ux

dx

Figure 9.11.2 – Diagrammes de la désintégration du proton dans SU(5) GUT.

Les modèles GUT actuels les plus élaborés sont encore peu satisfaisants à diffé-rents points de vue. Par exemple, la gravitation n’est pas inclue dans ces schémasd’unification. Le problème réside dans le fait que la relativité générale n’incor-pore pas d’effets quantiques alors que le Modèle Standard est fondamentalementdépendant de la description quantique.

Un autre problème (appelé communément problème de la hiérarchie) concernel’énorme écart d’énergies séparant l’échelle d’unification électrofaible (≃ 102 GeV)et l’échelle de grande unification (≃ 1015 GeV). Une troisième échelle encore pluséloignée est représentée par la masse de Planck :

MPlanck ≃√

ℏc/GNewton ≃ 1.2.1019GeV

où la constante de gravitation GNewton approche de l’unité.

Citons parmi les tentatives d’unification de l’ensemble des interactions connuesdans la nature les théories de supercordes et entre autre un sous-produit de celles-ci : les théories de la supersymétrie (SUSY).

Dans les théories SUSY, on introduit une transformation de supersymétriepermettant de relier une champ de fermion ψ à un champ de boson ϕ (et vice etversa) :

Qα|ψ⟩ = |ϕ⟩, où :

α=1,..., 4 est un index de spineur.

335

Page 336: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

L’opérateur Qα obéit à des relations de commutation et d’anticommutation :

[Qα, pµ] = 0

[Qα,Mµν ] = 1

2(σµνQ)α

Qα, Qβ = −2(γµ)αβpµ, où :

(9.11.4)

σµν = i2[γµ, γν ]

Qβ = QTβ γ

0 (T pour transposé).

Ainsi toute particule fondamentale est supposée possèder un superpartenaire ;le tableau 9.11.1 donne un échantillon du vocabulaire utilisé dans les théoriesSUSY. Particule et superpartenaire se voient attribuer un nouveau nombre quan-tique (multiplicatif) appelé parité R et défini comme suit :

R = (−1)2J+3B+L, où : (9.11.5)

J(ℏ) est le spin,

B la charge baryonique,

L la charge leptonique.

Conventionnellement on choisit R = +1 pour la particule ordinaire et −1 pourson superpartenaire.

Usuellement, la parité R est supposée conservée 189. Il s’ensuit par exemple queles particules supersymétriques doivent être générées par paires dans les collisionsentre particules ordinaires. De plus, dans cette condition, la particule supersy-métrique la plus légère doit être stable puisqu’elle ne peut pas se désintégrer enparticules ordinaires 190.

Les théories SUSY apportent un certain nombre de réponses aux problèmesmentionnés ci-dessus. En ce qui concerne le problème de la hiérarchie, des prédic-tions numériques fiables sont rendues possibles sur le spectre de masse des bosonsde Higgs impliqués dans la brisure de symétrie GUT et la brisure de symétrieélectrofaible 191. D’autre part, l’algèbre représenté dans (9.11.4) fait apparaîtreune connexion entre les générateurs Qα de la supersymétrie et les générateurs de

189. Ce n’est pas une condition nécessaire à priori.190. Les recherches conduites jusqu’ici auprès des collisionneurs e+e−, pp et ep n’ont pas permisla découverte de particule supersymétrique avec les caractéristiques prévues par la théorie.191. Il s’avère que les termes de corrections radiatives (dans le calcul des masses) dûs auxboucles de particules et de leurs partenaires supersymétriques sont de signes opposés et secompensent, d’où l’élimination des divergences dans la procédure de renormalisation. Les massesattendues des bosons de Higgs HX et HW devraient être de l’ordre de grandeur des masses desbosons de jauge correspondants (repectivement ≃ 1015 GeV et 102 GeV).

336

Page 337: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

particule spin superparticule spin(ℏ) (ℏ)

lepton 1/2 slepton 0

quark 1/2 squark 0

photon 1 photino 1/2

gluon 1 gluino 1/2

W± 1 wino 1/2

Z 1 zino 1/2

Higgs 0 Higgsino 1/2

graviton 2 gravitino 3/2

Table 9.11.1 – Particules et leurs partenaires supersymétriques.

transformations dans l’espace-temps. La supersymétrie implique donc la structurede l’espace-temps, ce qui laisse entrevoir sa relation avec la relativité générale et laperspective d’une unification des interactions forte, électrofaible et gravifique 192.

192. Voir par ex. “Introduction to supersymmetry and supergravity” P. West Ed. World Scien-tific (1990).

337

Page 338: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

Table des matières1 Introduction 3

1.1 Motivations et historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Sources radioactives 193 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101.3 Les particules cosmiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121.4 Particules et Astrophysique (les astroparticules) . . . . . . 181.5 Les accélérateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221.6 Les détecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251.7 Interaction des particules avec la matière . . . . . . . . . . 30

1.7.1 Photons et électrons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301.7.2 Gerbes électromagnétiques . . . . . . . . . . . . . . . 321.7.3 Gerbes hadroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

2 Relativité et mécanique quantique 372.1 Relativité restreinte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.1.1 Invariants et tenseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372.1.2 Les transformations de Lorentz . . . . . . . . . . . . . . . 402.1.3 Espace et temps en relativité . . . . . . . . . . . . . . . . 432.1.4 Quadrivecteur énergie-impulsion . . . . . . . . . . . . . . . 442.1.5 Covariance en électrodynamique . . . . . . . . . . . . . . 46

2.2 Les équations de Klein-Gordon et de Dirac 194 . . . . . . . . 472.2.1 Le courant pour les particules de Dirac . . . . . . . . . . . 512.2.2 Les solutions de l’équation de Dirac . . . . . . . . . . . . . 51

2.3 Les unités naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572.4 Propriétés 195 des matrices γ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572.5 L’équation de Dirac pour m = 0 . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

3 Les propriétés des particules 593.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593.2 La masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

3.2.1 La mesure de la masse à partir de la profondeur de péné-tration dans un milieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

3.2.2 La mesure par les contraintes cinématiques . . . . . . . . . 613.3 La charge électrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 703.4 Le temps de vie des particules . . . . . . . . . . . . . . . . . 703.5 Le spin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

3.5.1 L’hélicité du neutrino . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 743.6 Le moment magnétique dipolaire . . . . . . . . . . . . . . . . 77

3.6.1 Mesure du rapport gyromagnétique du proton γp . . . . . 77

193. Voir cours d’introduction, notice des TP3 et cours sur les modèles nucléaires.194. Voir ref. : 6, 8 et 9.195. Pour des informations plus complètes, voir par ex. Ref. 10 Appendix C.

338

Page 339: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

3.6.2 Détermination des anomalies de l’électron et du muon . . . 78

4 Symétries et lois de conservation 824.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

4.1.1 Etats, opérateurs et symétries . . . . . . . . . . . . . 844.2 Invariance par translation dans l’espace, par translation

dans le temps et par rotation dans l’espace . . . . . . . . . 854.2.1 La translation dans l’espace . . . . . . . . . . . . . . . . . 854.2.2 La translation dans le temps . . . . . . . . . . . . . . . . . 874.2.3 La rotation dans l’espace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

4.3 La parité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 884.3.1 Parité des leptons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 914.3.2 Parité des quarks . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924.3.3 Parité des hadrons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924.3.4 Parité du photon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924.3.5 Parité du pion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 924.3.6 Violation de la parité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 944.3.7 L’expérience de Wu et al. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

4.4 La conjugaison de charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 984.4.1 La parité C du photon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1014.4.2 La parité C du π0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1014.4.3 Parité C du η . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1024.4.4 Non conservation de C dans l’interaction faible . . . . . . . 103

4.5 Le renversement du temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1034.6 Violation de CP et le système des Kaons neutres . . . . . 107

4.6.1 Le système des Kaons neutres . . . . . . . . . . . . . . . . 1074.6.2 Observation de la violation de CP . . . . . . . . . . . . . . 1114.6.3 La régénération du K0

S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1144.6.4 L’oscillation d’étrangeté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

4.7 Le théorème CPT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1174.8 L’isospin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1184.9 Conservation de l’isospin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1224.10 L’isospin, SU(2) et les quarks. . . . . . . . . . . . . . . . . . 1254.11 La parité G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1294.12 Le théorème spin et statistique . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

5 L’interaction électromagnétique (e.m.) 1345.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1345.2 L’interaction e.m. au premier ordre de perturbation . . . 1365.3 Le diagramme de Feynman pour l’amplitude de diffusion

e.m. π+K+ → π+K+ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1405.4 Section efficace différentielle de π+K+ → π+K+ dans le c.m.

de la réaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

339

Page 340: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

5.5 Section efficace différentielle sous forme “invariante” . . . 1435.6 Amplitudes de diffusion e.m. de π+π+ → π+π+

et de π+π− → π+π− . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1445.7 Photons réels et “massifs” . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1465.8 La particule massive de spin 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . 1485.9 La particule de masse nulle et de spin 1 (le photon) . . . . 1485.10 La particule de spin 1/2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1505.11 Le propagateur d’une particule massive . . . . . . . . . . . 1515.12 Calcul de quelques sections efficaces dσ/dΩ . . . . . . . . . 1535.13 Le concept du facteur de forme . . . . . . . . . . . . . . . . . 1565.14 Facteur de forme et symétrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1575.15 Graphes d’ordres supérieurs ; le problème des infinis (di-

vergence ultraviolette) ; la procédure de renormalisation . 1595.16 Graphes d’ordres supérieurs ; autres problèmes d’infinis

(divergence infrarouge) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

6 Partons et quarks. 1646.1 La diffusion électron-nucléon. . . . . . . . . . . . . . . . . . 1646.2 Section efficace différentielle angulaire de diffusion

élastique électron-proton et électron-neutron. . . . . . . . . 1666.3 La diffusion inélastique électron-proton. . . . . . . . . . . . 1706.4 La structure du proton. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1756.5 L’annihilation e+e− → γ∗ → qq. . . . . . . . . . . . . . . . . . 1776.6 Production de jets hadroniques dans l’annihilation e+e−. 180

7 L’interaction faible. 2027.1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2027.2 Premières observations des bosons W± et Z. . . . . . . . . 2057.3 Les processus à courants chargés. . . . . . . . . . . . . . . . 208

7.3.1 La Théorie de Fermi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2087.3.2 Retour à la violation de la parité. . . . . . . . . . . . 2117.3.3 L’interaction V −A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2137.3.4 Amplitude avec propagateur de boson W ; compor-

tement à basse énergie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2177.3.5 Désintégration du pion chargé en modes purement

leptoniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2187.3.6 La théorie de Cabibbo 196. . . . . . . . . . . . . . . . . 219

7.4 Les processus à courants neutres. . . . . . . . . . . . . . . . 2227.5 Le mécanisme de GIM ; prédiction du quark charmé. . . 2297.6 Extension à la troisième famille de fermions. Le modèle

standard. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

196. N. Cabibbo Phys. Rev. Lett. 10 (1963) 531.

340

Page 341: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

8 L’interaction forte, le modèle des quarks etéléments de chromodynamique quantique (QCD). 2348.1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2348.2 SU(2)isospin : la symétrie d’isospin. . . . . . . . . . . . . . . . 2348.3 Représentations 2 et 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2378.4 La brisure de SU(2)isospin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2378.5 Représentation de dimension 3 de SU(2)isospin. . . . . . . . 2418.6 SU(3) : la symétrie unitaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2438.7 Les représentations d’SU(3). . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2478.8 Le modèle statique des quarks. . . . . . . . . . . . . . . . . . 2558.9 Les systèmes liés qq (mésons). . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2558.10 Les systémes liés q q q et q q q (baryons et antibaryons). . 2628.11 SU(3)saveur⊗ SU(2)spin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2688.12 Applications numériques du modèle statique des quarks. . 270

8.12.1 Chromomagnétisme dans les mésons pseudoscalaires(JP = 0−) et les mésons vecteurs (JP = 1−). . . . . . . 270

8.12.2 Chromomagnétisme dans les baryons du décuplet(JP = 3

2

+) et de l’octet (JP = 1

2

+). . . . . . . . . . . . . 272

8.12.3 Moments (électro)magnétiques dipolaires de l’hypé-ronΩ(JP = 3

2

+) et des baryons de l’octet (JP = 1

2

+). . . . 274

8.13 Extension aux nouvelles saveurs de quark. . . . . . . . . . . 2778.13.1 Extension au charme ; SU(4)saveur. . . . . . . . . . . . 2788.13.2 Extension à la “bottomness” : SU(5)saveur. . . . . . . 2828.13.3 Extension au top. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283

8.14 Les quarkonia. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2838.15 La charge de couleur : SU(3)couleur. . . . . . . . . . . . . . . 2908.16 Dépendance en énergie des constantes de couplage. . . . . 2968.17 Exemples de construction d’amplitudes de transition en

QCD. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3008.17.1 Diffusion (forte) d’un quark sur un autre quark de

saveur différente. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3008.17.2 Diffusion (forte) d’un quark sur un antiquark de sa-

veur différente. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3038.17.3 Annihilation (forte) d’un antiquark et d’un quark

de même saveur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304

9 Les théories de jauge ; la théorie électrofaible (EW). 3079.1 Introduction : concept d’invariance de jauge. . . . . . . . . 3079.2 Invariance de jauge en théorie QED. . . . . . . . . . . . . . 3089.3 L’invariance de jauge comme “programme” de construction

de la théorie de l’ e.m.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3109.4 Transformation de jauge globale. . . . . . . . . . . . . . . . . 311

341

Page 342: Laboratoire de Physique des Hautes Energies, EPFLlphe.epfl.ch/~exopp/particules/part.pdf · 1 Table du Particle Data Group ... 6 Gauge Theories in Particle Physics. ... 12 Nuclear

9.5 Transformation de jauge locale. . . . . . . . . . . . . . . . . . 3139.6 Généralisation des transformations de jauge globales. . . . 3159.7 Généralisation des transformations de jauge locales ; théo-

ries de Yang et Mills. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3159.8 Effet d’écran par champ scalaire ; bosons de Higgs et bo-

sons de Goldstone. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3179.9 Brisure de la symétrie de jauge locale ; mécanisme de Higgs.3229.10 La théorie électrofaible (EW). . . . . . . . . . . . . . . . . . 325

9.10.1 L’isospin et l’hypercharge faibles, la symétrie SU(2)L×U(1)Y . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325

9.10.2 Symétrie locale brisée SU(2)L⊗U(1)Y ; implicationdu mécanisme de Higgs. . . . . . . . . . . . . . . . . . 329

9.10.3 Couplage entre champ de Higgs et champs de fermion.3319.11 Le Modèle Standard. Théories de grande unification (GUT).333

342