l’adoption de l’hévéa en côte d’ivoire. prix, mimétisme

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Économie rurale Agricultures, alimentations, territoires 330-331 | juillet-septembre 2012 330-331 L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire. Prix, mimétisme, changement écologique et social The Adoption of Rubber in Côte d’Ivoire. Prices, Copying effect, Ecological and social Change François RUF Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/economierurale/3527 DOI : 10.4000/economierurale.3527 ISSN : 2105-2581 Éditeur Société Française d'Économie Rurale (SFER) Édition imprimée Date de publication : 30 juillet 2012 Pagination : 103-124 ISSN : 0013-0559 Référence électronique François RUF, « L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire. Prix, mimétisme, changement écologique et social », Économie rurale [En ligne], 330-331 | juillet-septembre 2012, mis en ligne le 30 juillet 2014, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/3527 ; DOI : 10.4000/ economierurale.3527 © Tous droits réservés

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Économie ruraleAgricultures, alimentations, territoires

330-331 | juillet-septembre 2012330-331

L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire. Prix,mimétisme, changement écologique et socialThe Adoption of Rubber in Côte d’Ivoire. Prices, Copying effect, Ecological and

social Change

François RUF

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/economierurale/3527DOI : 10.4000/economierurale.3527ISSN : 2105-2581

ÉditeurSociété Française d'Économie Rurale (SFER)

Édition impriméeDate de publication : 30 juillet 2012Pagination : 103-124ISSN : 0013-0559

Référence électroniqueFrançois RUF, « L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire. Prix, mimétisme, changement écologique etsocial », Économie rurale [En ligne], 330-331 | juillet-septembre 2012, mis en ligne le 30 juillet 2014,consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/economierurale/3527 ; DOI : 10.4000/economierurale.3527

© Tous droits réservés

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ÉCONOMIE RURALE 330-331/JUILLET-SEPTEMBRE 2012 • 103

L’adoption de l’hévéa par l’agriculturefamiliale en Côte d’Ivoire au cours de

ces vingt à trente dernières années peut êtreanalysée comme un processus d’innova-tion. Pour cette agriculture familiale quis’est principalement développée sur la basedu binôme café-cacao, l’hévéa clonal estune culture complètement nouvelle. Mise àpart une petite exploitation de caoutchoucsauvage au début du XX

e siècle, une possiblediscrète reprise pendant la Seconde Guerremondiale, à base de Funtumia elastica(Clarence Smith, 2009), la Côte d’Ivoirereste absente du secteur caoutchouc jusqu’en1956, où s’amorce un secteur de planta-tions industrielles (Losch, 1983 ; Hirsch2002). Le premier projet d’introduction del’hévéa en agriculture familiale en Côted’Ivoire date de 1968/69, le dernier projet,de 1988-90. Puis l’État et les bailleurs defonds se désengagent pendant vingt ans. Orc’est précisément au cours de cette périodeque l’agriculture familiale se saisit massi-vement de l’innovation et investit dansl’hévéa. La Côte d’Ivoire produit près de100 000 tonnes en 2000, 200 000 tonnes en2007 et 310 000 tonnes en 2011 : ce triple-ment en douze ans, la Côte d’Ivoire le doitd’abord au secteur villageois dont les perfor-mances se rapprochent chaque année duseuil de production des plantations indus-trielles, ce jusqu’en 2004. À partir de 2005,le secteur villageois dépasse le secteur indus-triel. Certes, les cadres investissent aussidans l’hévéa et leur contribution à la produc-tion nationale est confondue statistiquementavec celle des villageois, mais ce mouve-ment des cadres ne devient important qu’àpartir de 2005. L’hévéa produisant à 6 ans,c’est bien l’agriculture familiale qui génèrele boom de caoutchouc des années 2000.

En 1980, cette évolution était imprévisibleet imprévue. Constatant les exigences decette culture « bourgeoise », exigeante encapital et en maîtrise technique, A.-M. PilletSchwartz parle de l’hévéaculture villageoisecomme d’une tentative de vulgarisationavortée (Pillet-Schwartz, 1980).

En 1990, une première dynamiquepaysanne fait jour : « dix ans après sonlancement effectif, le secteur villageoisatteint presque 13 000 hectares [...] on estdéjà loin d’une tentative de vulgarisationavortée » (Losch 1989).

En 2000, alors que l’agriculture fami-liale assistée par des projets commence àfaire ses preuves, cet espoir est mis en doutepar les meilleurs experts de la filière.Compte tenu du coût élevé des investisse-ments en hévéaculture clonale, le désenga-gement complet de l’État, et en corollaire,l’arrêt brutal des crédits et des projets, faitcraindre un coup d’arrêt de la dynamiquepaysanne (Fiko, 2001; Hirsch 2002) : « Pourle secteur villageois [...], l’arrêt des grandsprogrammes a sans doute cassé la dyna-mique des années 1980. Quelques projets[...] font figure d’exception et confortent lathèse selon laquelle, sans financements àlong terme, la filière a toutes les chances depéricliter » (Hirsch, op. cit.).

Entre la morosité dominante au débutdes années 2000 et le triplement de laproduction en 2011, que s’est-il passé ?Derrière les absences de gestion par l’Étatdans les années 1990, ce triplement de laproduction paysanne, même si il est confortépar un début de plantations de « moyenneimportance », par des cadres venus de laville, suggère que l’agriculture familiale aopéré des d’investissements spontanés dansles années 1990 et 2000 largement sous-

L’adoption de l’hévéa en Côte d’IvoirePrix, mimétisme, changement écologique et socialFrançois RUF • CIRAD, Centre international pour la recherche agronomique et le développement),UMR Innovation, Montpellier

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L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire

estimés. Est-ce bien le cas ? Pourquoi etcomment ?

En Côte d’Ivoire, l’innovation « adoptionde l’hévéa » part d’une invention au sensshumpeterien : la création de clones d’hévéapar des systèmes de recherche privés etpublics. À partir d’une telle invention, quelssont les facteurs susceptibles de déclencheret accélérer son adoption par des agentséconomiques insérés dans des réseaux etune société ? Après avoir évoqué les travauxde l’anthropologue Olivier de Sardan inscri-vant l’innovation au sein d’enjeux depouvoir et de négociation, après avoir citéune étude de la banque mondiale évoquantle rôle central de l’appel du marché et desinstitutions publiques, Pichot et Faure (2009)insistent sur deux autres facteurs : les opéra-teurs privés et la pression sur les ressources.Cette « pression » sera analysée ici commeun « mécanisme boserupien » : commentpaysans et sociétés innovent pour surmonterles effets de la pression démographique surleur environnement et leurs systèmes deproduction ? Cette question est par exempletrès présente chez les historiens économistes(Boomgaard et Henley, 2004).

Nous partons donc de quatre grandsfacteurs d’adoption de l’innovation, globa-lement reconnus par les sciences sociales :l’appel du marché, les mécanismes bose-rupiens, l’action des politiques publiqueset du secteur privé, l’innovation commeenjeu de pouvoir et négociation.

La première hypothèse de cette étude estbien que les projets « hévéa », résultatsd’une association entre politiques publiqueset secteur privé, ont joué leur rôle : un rôleclef d’information et d’introduction de laculture. Mais ces projets ont été relayés etvalorisés par une adoption spontanée del’hévéa. Quels pourraient être les détermi-nants de cette adoption « hors projet » ?

L’appel du marché devrait jouer un rôlemajeur, tout d’abord, la hausse de prix ducaoutchouc en valeur nominale et relative,par rapport aux prix du cacao. La régularitédes revenus de l’hévéaculture devrait aussi

constituer un avantage décisif au regard descultures historiques, le caféier et cacaoyer.Cet avantage de la régularité est identifié dèsles premières études du secteur (Losch,1983).

Les effets d’imitation ou de mimétismeentre individus devraient intervenir. Ils sontreconnus comme déterminants dans l’adop-tion en quelques années d’une nouvelleculture pérenne telle que le cacaoyer enIndonésie (Pomp et Burger, 1995). Toute-fois, ces auteurs ont eu tendance à isolerl’effet de mimétisme de celui des prix alorsqu’ils semblent très imbriqués à travers lesrevenus, dès l’entrée en production de laculture pérenne (Ruf et al., 1995). Testercette hypothèse d’interaction entre l’effetd’imitation, prix, et entrée en productionde la plantation, est un des objectifs de l’en-quête lancé en 2008 dans la région deGagnoa, le centre-ouest de la Côte d’Ivoire.

En Afrique de l’Ouest, sur une longuepériode, Chauveau explique ces effets d’imi-tation en raison des réseaux sociaux, desorganisations, des institutions qui structurentles processus d’apprentissages collectif(Chauveau, 1993). Dans le cas de l’hévéaclonal, introduit par des projets, comment leseffets d’imitation interagissent-ils avec lesréseaux et institutions ?

En prolongement de la dimension insti-tutionnelle de l’économie de plantation enCôte d’Ivoire, structurée par des migrationsmassives, on peut faire d’emblée l’hypo-thèse que le dualisme autochtone/immigrantet ses enjeux, notamment de négociation etde conflit sur le foncier interfèrent avec l’in-novation et la dynamique hévéa.

Une autre hypothèse est celle d’un méca-nisme de type boserupien : la pressiondémographique liée aux migrations massivesinduit une dégradation de l’environnementet le déclin de la productivité ; la capacité deproduction diminue et la populationpaysanne se voit dans l’obligation d’émigrerou d’intensifier (Boserup 1965). Appliqué àla Côte d’Ivoire, pays ayant accueilli descentaines de milliers de migrants, un tel

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mécanisme impliquerait que l’hévéa apportedes solutions à la dégradation du milieu,solutions que ne peut plus apporter la cacao-culture, du moins celle pratiquée depuisplusieurs décennies dans le pays. Avantl’hévéa, plusieurs travaux témoignent de ladiversification du binôme cacaoyer-caféier,notamment vers le palmier à huile, lemanioc, l’ananas, voir du cannabis, en partiesous l’effet de la consommation de la renteforêt, du vieillissement de ce verger et lesdifficultés de sa replantation (Ruf, 1987 ;Colin, 1990 ; Mollard, 1993 ; Léonard,1997 ; Léonard et Vimard, 2006).

Éléments de méthodologie

La méthode générale relève de l’histoire del’innovation. Cette approche, appliquée àl’histoire de l’adoption de l’hévéa dansune région de Côte d’Ivoire, le centre-ouest, et plus précisément la petite régionautour de la ville de Gagnoa, doit per-mettre d’expliquer pourquoi et comment onpasse en 25-30 ans de quelques individusadhérant à un projet hévéa à une « fièvre ducaoutchouc ».

En 2000, une première enquête avaitporté sur 150 exploitations réparties sur 12villages de la région de Gagnoa. En 2008,nous avons sélectionné 4 villages parmiles 5 qui ressortaient de l’enquête de 2000comme les plus dynamiques sur l’hévéa.Les 4 villages se répartissent bien sur 4axes géographiques autour de Gagnoa :Gnaliepa, Tehiri, Liliyo, et Logobia (etcampements1 satellites de ce village). Lesenquêtes sont passées auprès de 350 plan-teurs dont 174 possèdent effectivement uneparcelle d’hévéa plantée jusqu’en 2007.Parmi les 176 planteurs ne possédant pas deplantation d’hévéa au début de l’année2008, seulement 3 se déclarent non inté-

ressés par l’hévéa. Les autres ont soit déjàentrepris une pépinière, soit annoncent leurmise en place très prochaine.

Nous raisonnons ici en termes d’adoptionde l’innovation, et donc surtout en termes deplanteurs adoptant la culture, et non sur latotalité des plantations d’hévéa. Lorsqu’unplanteur d’hévéa décide d’étendre ses plan-tations, ce n’est plus une innovation mais uninvestissement.

L’approche de l’adoption de l’hévéaclonal, principalement sur la période 1986-2007, combine l’identification des objec-tifs des acteurs, analyse graphique et corré-lations statistiques. Pour tester l’hypothèsed’un mécanisme boserupien de l’innova-tion, relayant un mécanisme malthusien,impliquant des données agronomiques etdémographiques, on consolide les résultatsd’enquête à l’échelle de l’exploitation (créa-tion continue de nouvelles exploitations parimmigration et par retour de jeunes auvillage) par une analyse de la productivité dutravail. On va vérifier une baisse structurelledu nombre de journées de travail par hectareet de la production par journée de travail surles systèmes cacaoyers, contribuant à déclen-cher l’adoption de l’hévéa.

Dans cette agriculture familiale traverséepar les courants de migration, on se réfèreaux autochtones qui se réclament de l’ethnie« Bété » et détenteurs de droits sur la terre,ainsi qu’aux immigrants. On différencie iciles immigrants originaires du centre de laCôte d’Ivoire dont la plupart se considè-rent comme appartenant à l’ethnie« Baoulé », et les immigrants d’origineétrangère, principalement du Burkina Faso,mais dont la majorité réside en Côte d’Ivoiredepuis de nombreuses années.

Les données traitées se réfèrent à l’agri-culture villageoise et n’intègrent pas lesnouveaux acteurs de l’hévéaculture et del’agriculture ivoirienne que sont les cadrescivils et militaires venant investir dans lesvillages (Ruf 2011). Leur rôle sera simple-ment évoqué dans le dernier paragraphe surles bénéficiaires de l’innovation.

1. En Côte d’Ivoire, les villages formés par lesimmigrants sont appelés « campements », même siau fil des années, certains campements deviennentplus importants que les villages des autochtones.

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L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire

RésultatsLes investissements

de l’agriculture familiale

Avant d’aborder les résultats de l’enquête de2008, nous mobilisons le profil d’adoptionde l’hévéa évalué par l’enquête de 2000 àGagnoa (150 exploitations) comparée à uneautre étude sur la région de Bettié (70exploitations).

1. Gagnoa et Bettié en 2000

La région de Bettié, située à l’est du pays,près de la frontière avec le Ghana, bénéficiede projets autour de 1980. La secondeenquête concerne la région de Gagnoa, ayantbénéficié plus tardivement d’un projet, de1988 à 1990 (figure 1).2

Ces deux enquêtes mettent en évidencedes « cycles d’adoption » : 2 à 3 vaguesd’adoption de 3 à 4 ans, avec à chaque fois,répétition d’un intervalle de 4 ans avec peuou pas de nouvelles plantations.

– Dans le cas de Bettié, la première vague1980-1983 est complètement liée à un

projet, la seconde, 1988-1990, est partiel-lement financée par un projet, mais la troi-sième, 1995-1998, relève uniquementd’investissements de l’agriculture fami-liale.

– Dans le cas de Gagnoa, la première vague1988-1990, est elle-aussi liée à un projet, mais la seconde, de 1997 à 1999, est uneadoption spontanée, sans aide publique.

Représentées en valeurs cumulées, cesphases d’adoption illustrent bien les clas-siques courbes en S (Rogers et Shoemaker,1971 ; Mendras, 1976). Après les « inno-vateurs » qui peuvent ici être considéréscomme les tous premiers planteurs prenantle risque avec le projet, (en particulier und’entre eux qui commence de lui-même dès1980), viennent les « premiers adoptants »,puis les imitateurs, dans la partie exponen-tielle de la courbe.

Toutefois, la discontinuité entre périoded’adoption et de non-adoption suggère desmécanismes plus complexes. Dans le casde l’hévéaculture à Bettié et Gagnoa, lesalternances de 3-4 ans d’adoption et 3-4ans de non-adoption forment un cycle de 7-8 ans. Cet intervalle de temps fait penser audélai d’entrée en production de l’hévéaclonal, de l’ordre de 5-6 ans. C’est aumoment où ils bénéficient de leurs premiers

2. Enquêtes conduites par Jules Keli (CNRA : Cen-tre national de recherche agronomique) et KouaméFiko (BNETD, Bureau national d’études techniqueset de développement) dans une opération derecherche conjointe avec le CIRAD.

Figure 1. Superficies plantées annuellement en hévéas (1977-1999)

Sources : Bettié : (Fiko, 2001) ; Gagnoa (Enquête de J. Keli, non publiée)

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Gagnoa Bettié

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François RUF

Figure 2. Gnaliepa et Tehiri : première adoption de l’hévéa (1986-2007)

Figure 3. Liliyo : première adoption de l’hévéa (1986-2007)

Figure 4. Logobia : première adoption de l’hévéa (1980-2007)

Sources : enquêtes de l’auteur

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L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire

revenus que les innovateurs déclenchent unprocessus d’imitation dans leur entourage.L’effet de mimétisme est donc renforcé parle cycle de vie de la culture pérenne. Cetteconjonction entre effet d’imitation et cyclede vie de la culture pérenne est intuitivemais à notre connaissance peu démontréedans la littérature.

2. Gagnoa en 2008

Les premiers résultats bruts de l’enquêtepermettent de vérifier l’hypothèse d’unedynamique d’adoption de l’hévéa hors projettrès active et surtout de confirmer le rythmede cette dynamique : on retrouve ledeuxième cycle d’adoption à la fin desannées 1990 et on découvre un troisièmecycle d’adoption au milieu des années 2000,au moins dans 3 villages sur 4 (figures 2à 4)3 En 2007, à l’échelle de certains villagescomme Liliyo, on atteint la dernière phasede l’adoption de l’innovation avec les« retardataires ».

Le profil d’adoption de l’hévéa à Logobiane présente que deux cycles mais onretrouve le principe d’une période sans plan-tation d’hévéa avant le réveil des années2000 (figure 4). Comme à Bettié et à Gagnoaen 2000, cette discontinuité dans les vaguesd’adoption suggère des phénomènes pluscomplexes que l’effet de mimétisme et decirculation de l’information par voisinage.Ces vagues d’adoption entrecoupées de non-

adoption renforcent l’hypothèse d’interac-tion entre trois types de facteurs : les effetsprix, le cycle de vie de la culture pérenne(principalement la durée de la phase d’in-vestissement avant les premières produc-tions et revenus), et les effets de mimé-tisme.

Un autre résultat clef pour comprendre ladiffusion de l’innovation hévéa est le précé-dent cultural. Alors que les plantations decafé et cacao ont été historiquement plantéesaprès forêt, les plantations d’hévéa sontmassivement créées après jachères très peuou pas arbustives (tableau 1).

Des résultats complémentaires serontmobilisés au cours de la discussion maisce tableau et ces premières figures consti-tuent bien la trame de l’histoire de l’inno-vation « hévéaculture villageoise » dans larégion de Gagnoa, base de l’interprétation.

DiscussionLes déterminants de l’adoption

de l’hévéa

Avant que le projet 1988-1990 se mette enplace dans la région de Gagnoa, deuxpersonnes jouent le rôle décisif d’innova-teurs. Le premier, alors employé dans unesociété de plantation d’hévéa, prend l’initia-tive d’une petite plantation expérimentaledans son village en bordure de route, en1980, alors que les communautés de cher-cheurs et d’industriels ignorent tout de l’adap-tabilité de l’hévéa dans l’intérieur du pays.Jusqu’alors, l’hévéa s’était développé en« basse côte » dans des conditions de pluvio-métrie plus favorables. En 1984, une missiond’évaluation vient constater le comporte-

3. Cette étude conduite dans le courant de l’année2008 donne les résultats jusqu’en 2007, mais au vudu nombre de planteurs déclarant une pépinièreréalisée en 2008, ayant toutes les chances de devenirplanteurs d’hévéa en 2008 ou 2009, la dynamiquese prolonge au tournant des décennies 2000-2010.

Tableau 1. Répartition des parcelles de cacaoyers, caféiers et hévéas selon le précédent cultural

ForêtsJachères Vieilles caféières

peu arbustives et cacaoyèresTotal

Caféiers 35 (67 %) 16 (31 %) 1 (2 %) 52 (100 %)

Cacaoyers 151 (54 %) 74 (27 %) 53 (19 %) 278 (100 %)

Hévéas 31 (13 %) 172 (74 %) 31 (13 %) 234 (100 %)

(38 %) (46 %) (16 %) (100 %)

Source : enquête de l’auteur, 2008

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ment inattendu des clones à 4 ans et donne unavis favorable au développement de l’hévéadans cette région. En 1986, un autre innova-teur, personnage influent, Directeur d’unegrande société d’État, commence à organiserl’introduction de l’hévéa dans son village. Cesdeux personnes ont joué un rôle clef d’inno-vateur, au plan technique et social, contri-buant au moins indirectement à faire émergerun projet en 1988.

1. 1988-1990Effet projet et premiers enjeux

Apport initial d’information et de capitalÀ quelques exceptions près, liées à l’actionprécoce des deux innovateurs, tous lespremiers planteurs d’hévéa le deviennentgrâce au projet lancé dans cette région en1988. La structure de l’échantillon, sur tousles villages étudiés, démontre bien le rôlefondamental du projet, apportant simulta-nément l’information technique sur cettenouvelle culture, l’hévéa, et l’essentiel dufinancement, en particulier le matérielvégétal clonal (tableau 2).

Ces familles de planteurs de cacao et cafésont alors persuadées que l’hévéa est uneaffaire de plantation industrielle, exigeanteen capital, qui leur est inaccessible. Le projetjoue aussi le rôle de précurseur du marchéen expliquant aux planteurs de cacao et caféqu’il y a bien un marché pour le caout-

chouc, avec des usines déjà installées dansle sud du pays et d’autres qui s’installerontplus tard. Dans la courbe en S de Rogers, lestous premiers adhérents au projet, 2 plan-teurs par village, sont à la limite du statutd’innovateurs et de premiers adoptants. Ilsprennent des risques face à une culture et unmarché qu’ils ne connaissent pas. De fait, surl’ensemble de la région de Gagnoa, la majo-rité des villages rejettent l’innovation hévéa,et les 4 ou 5 villages devenus des foyers dedéveloppement de la culture dans les années2000 le doivent à ces quelques innovateursou premiers adoptants dans chaque village.Après eux, vont venir les imitateurs.

En même temps, ces débuts de l’inno-vation renvoient déjà à bien autre chosequ’un simple processus de diffusion auprèsd’individus d’une communauté.

L’innovation hévéa, enjeu de pouvoir et denégociationL’économie familiale de plantation en Côted’Ivoire s’est construite sur le binôme café-cacao. Au plan social, elle s’est construitesur un dualisme autochtone-immigrants,marqué par la réussite des immigrants grâceau cacao. Pour plusieurs raisons, pendant 20ans, l’innovation « hévéa » reste surtoutune affaire d’autochtones. Ainsi dans cetterégion de Gagnoa, alors que les immigrantsforment au moins deux tiers de la population

Tableau 2. Répartition des planteurs par période d’adoption de l’hévéa

Période de la première plantation avec projet sans projet Total

Avant 1991 47 2 49

1992-2001 2 38 40

2001-2007 1 84 85

Total 50 124 174

Source : enquête de l’auteur (2008)

Tableau 3. Répartition des planteurs par origine géographique et sociale

Période de la première plantation Autochtones Immigrants Total

Avant 1991 41 8 49

1992-2001 34 6 40

2001-2007 65 20 85

Total 140 34 174

Source : enquête de l’auteur (2008)

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L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire

agricole, ceux qui se lancent dans l’inno-vation hévéa ne constituent que 15 % desadoptants jusqu’en 2001, puis 25 % jusqu’en2007 (tableau 3).

Le projet et ses bailleurs de fonds jouentun rôle primordial dans cette relation histo-rique hévéa/autochtonie. D’une part, dès1988, ils craignent eux-mêmes les problèmesfonciers susceptibles de remettre en causeleur investissement. En demandant la four-niture d’un « certificat foncier », ils bloquentles migrants d’entrée de jeu. Par ailleurs,parmi les critères de projets, l’accès auxplantations par une route ou une piste4 enbon état avantage les villages autochtones.Ces derniers sont situés au bord des routeset des principales pistes tandis que les immi-grants ont été installés à distance par lesautochtones.

Les premières années, l’effet de voisi-nage joue à plein. La circulation de l’infor-mation issue du projet se fait logiquement ausein des villages autochtones où l’hévéa estplanté. Elle circule peu dans les campe-ments éloignés mais aussi peu dans lesautres villages autochtones.

Mais l’innovation hévéa est aussi un enjeude pouvoir. La frustration globale desautochtones face à la relative réussite desimmigrants dans le cacao, les incite à nepas passer l’information de projets auximmigrants. « Chacun doit avoir son secret :pour nous c’est l’hévéa » dit un chef devillage autochtone. À Abidjan, la capitaléconomique, les fils et filles des planteursautochtones, comprennent également l’in-térêt qu’ils peuvent trouver dans l’hévéa,qui devient la raison et le moyen de tenter dedissuader leurs parents de céder la terre auximmigrants. Sans le démontrer ici, c’étaitprobablement un enjeu dès le départ pour undes deux premiers innovateurs, mentionnéplus haut.

Dans une large mesure, ce cas de diffu-sion privilégié de l’innovation « hévéa » ausein d’un groupe social, ici les autochtones,illustre bien l’analyse de Mattia Romani,montrant que le processus d’imitation nes’opère pas seulement par proximitéphysique, mais aussi par proximité sociale,privilégiant le partage d’information ausein d’une communauté (Romani 2002).En fait, les deux proximités, physique etsociale, opèrent souvent de concert, puisquela majorité des immigrants réside dans descampements, à distance des villages autoch-tones. Mais surtout, la diffusion privilé-giée entre autochtones ne se réduit pas à unepréférence du partage des connaissancesau sein d’un groupe social mais relèved’une tentative de blocage de l’informa-tion, enjeu de pouvoir, vers les autrescommunautés, celles des immigrants.

Cette conjonction entre une stratégie deprojet et les enjeux de pouvoir saisis par lespremiers adoptants joue un rôle dans leprofil d’adoption de l’hévéa. Sur la périodeétudiée, de 1980 à 2007, les migrants inter-viennent peu dans ce processus d’adoptionen vagues successives.

Toutefois, les points de vue et intérêtsdes autochtones évoluent avec le temps.Si certains affirment « interdire » aux immi-grants de planter l’hévéa, d’autres y voientune nouvelle opportunité de développe-ment du village, et surtout de nombreuxautochtones, pris dans une cisaille entrefaibles revenus et dépenses sociales (école,funérailles, ...) sont toujours dans l’obli-gation financière d’emprunter auprès desimmigrants et/ou de céder des terres.

Après une progression sensible desimmigrants entre 2005 et 2007, l’annéecharnière, où la proportion autochtones/immigrants bascule, est précisément 2008,l’année de l’enquête. Au vu du nombre depépinières installées en 2008, le nombred’immigrants se lançant dans l’hévéa en2008 et 2009 devrait représenter deux tiersdes nouveaux adoptants. Une quatrièmevague d’adoption, cette fois dominée par

4. Pour la région voisine de Sassandra, pour l’adop-tion de palmier à huile par les planteurs de cacao, EricLéonard évoque également ce critère de sélection desparcelles à proximité des routes (Léonard, 1997).

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les immigrants, se prépare donc à partirde 2008.

À ce stade, on peut considérer que leprocessus de diffusion reste dominé par lasphère autochtone jusqu’en 2007. L’adop-tion tardive de l’hévéa par les immigrantscontribue à renforcer la troisième vague eten générer une quatrième, mais n’expliquepas ce processus d’adoption de l’hévéa entrois vagues, avec des intervalles de tempssans adoption.

Autres actions de politiques publiques etdu secteur privé ?Même si les projets s’arrêtent, même sil’État se désengage de la filière hévéa dansles années 1990, d’autres actions de poli-tiques publiques et a fortiori du secteurprivé contribuent-elles à expliquer ces alter-nances d’adoption et non-adoption ?• Une usine ? En 1995-96, sous l’influence

du cadre cité plus haut, la société qui avaitparticipé au projet de 1988-90, construit etouvre l’usine de Yacouli, sur l’axeGagnoa-Soubré. Ce type d’investissementde proximité peut rassurer les planteursquand à la garantie du marché du caout-chouc, et a pu encourager l’adoption del’hévéa. Toutefois, les planteurs de larégion de Gagnoa n’évoquent pas explici-tement ce facteur. Le passage régulier descamions de la société acheminant le caout-chouc vers d’autres usines, constituait déjàune garantie de commercialisation. D’autrepart, une fois opérationnelle, l’Usine deYacouli n’a en rien empêché une secondepériode de non-adoption de l’hévéa dans larégion, au moins de 2000 à 2002.

• Plantations industrielles ? Plus qu’uneusine, la proximité de grandes plantationsfinit par jouer en faveur de la circulation del’information. Une partie du personnelétant recruté localement, les savoirs tech-niques et économiques se diffusent dans lesvillages via ce personnel. Mais la région deGagnoa est précisément une des raresrégions sans plantation industrielle autourde l’usine.

• De nouvelles structures ? En 1991, pourpréparer la filière au désengagement del’État, une nouvelle structure, l’Associa-tion professionnelle des planteurs de lafilière hévéa (APPH) est créée. Mais aumoins dans le centre-ouest, les planteursreconnaissent avoir bénéficié d’un enca-drement sur les plantations créées, maisn’ont pas vu cette structure en mesurede les aider à planter des hévéas. Lapériode 1991-1995 est précisément unepériode de non-adoption.

• L’absence de nouveau projet déclenche-t-elle des innovations ? Les planteurs sonttrès explicites sur ce point : une des raisonsde la première période de non-adoption, de1990 à 1994, est l’espérance de projet.Les 5 à 6 ans de non-adoption correspon-dent en partie au temps nécessaire pourréaliser qu’il n’y aurait plus de projets etpour trouver un moyen d’accéder au maté-riel végétal, aux techniques de greffage, àdes innovations paysannes induites quivont permettre de diminuer le coût d’in-vestissement dans l’hévéa.

Mais les planteurs sont aussi très expli-cites sur l’effet de la réussite des premiersadoptants. C’est donc surtout sur les hypo-thèses de prix, revenus en interaction avecles effets de mimétisme que nous allonsnous appuyer pour expliquer la deuxièmevague d’adoption vers 1995 puis la troi-sième à partir de 2003 ou 2005 selon lesvillages.

2. Le relais par le marchéEffets prix

Une fois l’information apportée par le projetà l’échelle d’un village, on peut en effetpenser que le marché va prendre le relaisdans le processus d’innovation. Ainsi, l’évo-lution des prix du caoutchouc déterminent-ils les décisions d’adoption de l’hévéa horsprojet ? Quels prix ?

Sur l’ensemble de la période étudiée, leprix courant du caoutchouc donne une corré-lation significative et relativement élevée

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L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire

(tableau 4). Le prix constant, (déflaté parl’indice de consommation), n’expliqueraitrien, ce qui peut suggérer qu’en période dehausse de prix courant, l’agriculture fami-liale tient plus compte des prix courantsque des prix constants, un constat fait dansd’autres situations de cultures pérennes (Rufet Ehret, 1993).

Sur la période concernant la troisièmevague d’adoption, tant les prix courantsque constants expliqueraient très large-ment l’adoption de l’hévéa hors projet(tableau 4). Tout se passe comme si unefois l’information largement diffusée dansles villages, le facteur prix devenait déter-minant de l’adoption de l’innovation. Unelecture graphique confirme l’analyse. Lapremière hausse du prix du caoutchoucvers 1993 tarde à produire des effets tandisque la seconde, vers 2003 semble déclen-

cher de nouvelles adoptions sans délai(figure 5).

Les adoptants de cette nouvelle culture,l’hévéa, étant planteurs de cacao et café, etvivant alors des revenus du cacao et ducafé, ont-ils été influencés par la chute duprix de ces produits au cours de cettepériode ?

3. L’effet prix du café

Au moment où l’hévéa est introduit dansles villages étudiés, au cours ou à la fin desannées 1980, le café est déjà en perte devitesse du fait de la concurrence du cacao,mieux rémunéré et moins demandeur entravail. Même dans les villages sans hévéa,l’effondrement du prix en 1990 et 1991accélère la chute. Si une partie des plan-teurs se remet à croire dans le café aumilieu des années 1990, la nouvelle chute

Tableau 4. Prix du caoutchouc en année « n » et nombre de nouveaux adoptants hors-projet au cours de l’année « n+1 »

Période 1986-2007 Période 1999-2007Coefficient (seuil signification) Coefficient (seuil signification)

Prix courant 0,63 (0,011) 0,92 (0,000)

Prix constant N.S 0,93 (0,001)

Figure 5. Première adoption de l’hévéa et prix du caoutchouc (1980-2007)

Sources : nombre adoptants : enquêtes de l’auteur ; prix du caoutchouc : Société africaine des planteurs d’hévéas (SAPH)

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Figure 6. Première adoption de l’hévéa et prix du café (1980-2007)

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Figure 7. Première adoption de l’hévéa et prix du cacao (1980-2007)

Source : enquête de l’auteur

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Tableau 5. Coefficients de corrélation de la variable « nombre de nouveaux adoptants dans l’année » avec lesvariables prix du cacao de l’année précédente

Période 1986-2007 Période 1986-1997 Période 1999-2007Coefficient Coefficient Coefficient

(seuil signification) (seuil signification) (seuil signification)

Prix courant du cacao 0 N.S 0 N.S – 0,17 N.S

Prix constant du cacao – 0,35 N.S – 0,20 N.S – 0,30 N.S

Prix relatifcaoutchouc/cacao 0,41 N.S 0,90 (0,01) 0,78 (0,01)

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au cours des années 2000 multiplie lesabandons. Quelques caféières restent récol-tées partiellement par les femmes et lesenfants mais de plus en plus de chefs d’ex-ploitation se détournent du café. Même sile cacao suffisait à affaiblir le secteur café,l’innovation hévéa a été encouragée parcette baisse structurelle du prix du café etsa volatilité (figure 6).

4. L’effet prix du cacao

Au vu des coefficients de corrélation, néga-tifs mais faibles et sans signification statis-tique, le prix du cacao ne jouerait pas sur ladécision d’adoption de l’hévéa par les plan-teurs de cacao (tableau 5). Le seul signepositif serait le prix relatif caoutchouc/cacaosur des périodes limitées, qui semblentrenvoyer surtout au prix courant du caout-chouc. Deux approches du même processus,celui du découragement envers le cacao,semblent l’expliquer.

L’impact structurel de l’effondrement duprix en 1988-1989

La lecture graphique suggère un impact àlong terme de l’effondrement des prix ducacao en 1989, ayant pu jouer un rôle dansla seconde vague d’adoption de l’hévéa, 6 à8 ans plus tard (figure 7). La campagnecacao 1988-1989 est désastreuse et marquele début d’un déclin structurel des prix et deleur volatilité. Les planteurs sont payés avecdes « bons manifold » dont beaucoup seperdent ou ne sont jamais honorés.

L’année 1989 se situe au milieu du projethévéa dans ces villages de la région deGagnoa, alors que les tout premiers hectaresont été plantés. Les planteurs sont décou-ragés par le cacao mais ils n’ont encoreaucun moyen d’évaluer l’intérêt de ces plan-tations d’hévéa. Il leur faut attendre six ansavant que les hévéas des innovateurs etpremiers adoptants entrent en production.C’est ici qu’intervient l’effet d’imitation eninteraction avec les premiers revenus ducaoutchouc, preuve de leur réussite.

L’effet de mimétismeInteraction avec les prix

et les revenus

1. Le basculement du déterminant« prix cacao /mimétisme caoutchouc »

Les bas prix du cacao dans les années 1990renforcent l’effet mimétisme vers l’adoptionde l’hévéa sur la période 1995-1999. Maisune fois convaincus des avantages de l’hévéaet la filière caoutchouc, des hausses occa-sionnelles du prix du cacao ne les influenceplus. Au contraire, la hausse provisoire desrevenus du cacao est consacrée à l’investis-sement dans l’hévéa. À ce stade de la courbeen S, sa phase exponentielle où les imita-teurs saisissent l’innovation, une hausse deprix de la culture alternative a peu d’impact,encore moins si cette hausse est perçue par lesplanteurs comme volatile.

2. Prix du caoutchouc et mimétisme

À travers ce délai de l’ordre de 6-8 ansentre chaque vague d’adoption, la diffusionde l’hévéa dans la région de Gagnoa offre unbel exemple d’interaction entre le prix etl’effet de mimétisme. En 1994, sous l’effetde la dévaluation, puis sous l’effet d’unehausse du cours international, et d’une trèsfaible taxation du secteur, le prix courantbondit. Les premières plantations d’hévéaétant créées entre 1986 et 1988, un laps detemps de 6 à 8 ans sépare les plantations« projets » des premières plantations « hors-projet ». C’est le laps de temps nécessairepour que l’hévéa entre en production (théo-riquement 5 à 6 ans si l’entretien est parfait,plutôt 6 à 7 ans dans la pratique).

Lorsque la première vague de plantationsentre en production, les premiers revenus desinnovateurs impressionnent les autres villa-geois. Une nouvelle vague d’adoption sedéclenche. Le processus se répète ensuite, ànouveau 6 à 8 ans plus tard. Cette répétitionest particulièrement nette à Gnaliepa (cf.figure 2), Liliyo (cf. figure 3). On la retrouvefort bien sur l’ensemble des 4 villages (cf.figure 5).

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L’analyse de corrélation donne un trèsbon coefficient entre le nombre de planta-tions entrant en production et les prix ducaoutchouc. Le prix du caoutchouc a doncaugmenté au moment optimum pour quel’effet d’imitation opère (tableau 6).

Sans l’entrée en production des premièresplantations, la hausse spectaculaire du prixcourant du caoutchouc en 1994 serait restéesans grand effet sur les taux d’adoption. Toutd’un coup, l’innovateur en hévéaculture peutconstruire une maison ou envoyer tous sesenfants à l’école sans recourir au crédit,acheter une moto, toutes choses que le cacaone permettait plus de faire depuis plusieursannées. Voilà un multiplicateur d’innova-tion et d’investissement très efficace.

3. Revenus et régularité des revenus ducaoutchouc

Les revenus des planteurs sont-ils demeilleurs déterminants que les prix ? Ceuxqui bénéficient de ces premiers revenus del’hévéa reprennent l’investissement dans unenouvelle plantation, hors projet, en la finan-çant par les revenus de la première parcelle.Mais nous étudions ici le processus d’inno-vation, d’adoption de l’hévéa, et donc ladécision de créer une première plantationd’hévéa dans l’exploitation, et non lessuivantes. Ainsi, par définition, les revenus del’hévéaculture n’ont donc pas d’impact directsur l’innovation dans l’exploitation. Enrevanche, on vérifie ici que l’effet d’imitationse produit grâce aux revenus des innova-teurs. Les voisins peuvent évaluer l’intérêt del’innovation par le type de dépenses quepeuvent se permettre les innovateurs etpremiers adoptants.

Au-delà du prix et du revenu global, lesvoisins se rendent également compte dupotentiel de l’hévéa quand ils s’aperçoiventde la régularité des revenus, quasimentmensuels, des premiers hévéaculteurs. Parmiles planteurs enquêtés, 98 % ayant uneparcelle d’hévéa en production soulignentcet avantage des revenus réguliers, parfoisavec des formules très explicites ; « Avecl’hévéa, tu es fonctionnaire » ; « J’ai unsalaire qui m’aide à régler les factures d’élec-tricité » ; « À tout moment, je peux résoudremes problèmes » ; « Nous on gagne l’argenttoute l’année, eux (ceux qui n’ont pas d’hévéaen production) en gagnent deux fois paran » ; « Je ne plante plus que l’hévéa. Je n’aiplus le courage d’investir dans une culturequi me rapporte l’argent seulement deux foisdans l’année ». Pour un planteur de café etcacao, qui passe en effet plusieurs mois sansaucun revenu, la quasi mensualisation desrevenus apportés par l’hévéa constituepresque une révolution. L’effet d’imitationcroit donc aussi par la démonstration desrevenus réguliers apportés par l’hévéa.

À ce stade, l’adoption de l’hévéa dansles villages paraît assez bien expliquée parles prix et l’effet d’imitation, via le niveauet la régularité des revenus des premiersadoptants, et par les enjeux autour dudualisme autochtone/migrant. Pourtant, ceseffets intègrent ou cachent des facteursécologiques très importants.

Déroulement du cycle cacaoDe Malthus à Boserup

En interaction avec le marché et les enjeuxfonciers, l’adoption de l’hévéa par les plan-teurs de cacao répond-elle aussi à un chan-

Tableau 6. Coefficients de corrélation de la variable « nombre de premières plantations entrant en production »avec les variables prix du caoutchouc de la même année

Période 1986-2007Coefficient (seuil signification)

Prix courant du caoutchouc 0,64 (0,024)

Prix constant du caoutchouc 0,86 (0,000)

Prix relatif caoutchouc/cacao 0,87 (0,000)

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gement démographique et écologique,proche d’une articulation entre mécanismes« malthusiens » puis « boserupiens » ? Àpropos de l’effet de l’accroissement démo-graphique sur la production, l’environne-ment et les performances des exploitationsagricoles, cette idée d’une articulation dansle temps entre les approches pessimistes deMalthus et plus optimistes de Boserup a étéabordée dans la littérature scientifique, parexemple sur la relation population-couvertboisé à Madagascar et dans les systèmes decultures vivrières et coton dans les savanesde Côte d’Ivoire (Boisseau et al., 1996 ;Demont et al, 2007).

Selon Malthus, et selon l’interprétationpar Boserup des idées néomalthusiennes,l’accroissement de la population provoqueune certaine destruction des sols, et pouréviter la famine, la population en question sedéplace vers d’autres terres, qu’elle détruità leur tour (Boserup, 1965). La baisse derentabilité de l’ancien système de productionaboutit à des migrations et donc à une auto-régulation de la population (Demon et al, op.cit.). Le déroulement typique d’un cyclecacaoyer, avec consommation progressivede la rente forêt, migration et déplacementdes foyers de production, réponds assezbien à cette approche malthusienne (Ruf,1995).

Selon Boserup, l’accroissement progressifde la population, (éventuellement par immi-gration) entraine un processus d’intensifi-cation. Son modèle évolutif peut être résuméen quatre séquences :

1. la pression de la population augmente ;

2. les terres se raréfient et se dégradent ;

3. la production agricole baisse ;

4. sous l’effet de cette menace, les sociétéshumaines sont capables d’ajuster leurtravail et leurs techniques, d’intensifierpour remonter leur production, au moinslimiter leur déclin (Boserup, 1965).

On voit d’emblée que les trois premièresséquences ne sont pas si opposées avec lesvues néomalthusiennes.

Cette théorie de Boserup, datant de 1965,à l’aube de la révolution verte en Asie, s’ap-puie surtout sur les cultures alimentaires,et sur la réduction des temps de jachère.Pour reprendre les termes de l’auteur, cemodèle s’applique aux « sociétés humainesprimitives ». Boserup exclut donc lesintrants modernes, raisonne plus sur l’in-tensification que l’innovation, insiste surune phase d’augmentation du travail à l’unitéde surface, permise par la croissance démo-graphique : par exemple en agriculturemanuelle, la diminution du temps de jachèreimplique une pression croissante desmauvaises herbes, se traduisant par destemps accrus de désherbage pour empêcherla production de s’effondrer. Lorsqu’ilstestent cette théorie sur les systèmesviviers/coton en savane ivoirienne, les cher-cheurs concluent aussi au rôle clef du travailpour échapper aux mécanismes malthusiens(Demont et al, op. cit.).

Avec Lele et Stone (1988) cité parCouty (1989), soulignons que l’adapta-tion de l’agriculture tropicale à la pres-sion sur les ressources en terres ne seraisonne plus sur le seul facteur travail. « Ilest indispensable, écrivent ces auteurs,qu’à l’intensification automatique résultantde la déformation, en espace clos, durapport travail/surface, s’ajoute une inten-sification interventionniste fondée sur l’in-novation : emploi de la fumure organiqueou minérale pour reconstituer la fertilité,substitution du capital au travail et/oupassage à des cultures plus rémunéra-trices pour améliorer la productivité dutravail. On retrouve ainsi la définition dumot intensif en économie rurale : « Quiutilise beaucoup d’autres facteurs deproduction que la terre » (Couty, 1989).C’est cette rencontre entre une innovationapportée par des entrepreneurs extérieursau milieu (la recherche internationale, leprojet) et le besoin d’intensification décritpar Boserup que nous appelons « méca-nisme boserupien » ou « innovation bose-rupienne ». C’est cette approche moder-

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nisée de la théorie de Boserup que nousvoulons tester : cette innovation « hévéaclonal » a été adoptée, appropriée etadaptée par les planteurs de cacao enréponse partielle à la dégradation de leurenvironnement forestier, au déclin de leurproductivité, changements liés à la pres-sion démographique. Commençons par ladimension démographique.

1. Pression démographique et contextepolitique

La Côte d’Ivoire est le pays de l’immi-gration. Les espoirs de richesse créée parle café et le cacao attirent des centaines demilliers de migrants vers le sud forestier,venant des savanes du centre et du nord dela Côte d’Ivoire, mais aussi des pays sahé-liens voisins, en particulier le BurkinaFaso. Le premier Président de la Côted’Ivoire indépendante, Houphouët-Boigny,a considérablement accéléré ces migra-tions (Chauveau et Léonard, 1996). Auplan local, l’enquête conduite dans larégion auprès de 350 planteurs permetd’illustrer la croissance démographiquedans les villages étudiés, du moins lenombre d’installations de planteurs, recou-vrant à la fois les migrations et les retoursde la ville vers le village (figure 8).

Certes, ne sont recensés ici que les planteursen vie en 2008, mais les immigrants installésdans les campements éloignés des villagesn’ont pas tous été enquêtés. Par ailleurs, lenombre d’actifs et de résidents par exploi-tation est plus élevé chez les immigrants(7,5 résidents par exploitation) en compa-raison des autochtones (5,0 résidents parexploitation). Durand 30 ans, les migrationsdémultiplient le processus de déforestation.

L’augmentation autour de l’année 1990correspond aussi à la crise économique dupays, contribuant à des retours d’autochtonesau village, soit des jeunes ne trouvant plus detravail en ville, soit des retraités ou licen-ciés. Au cours des années 2000, et malgré lararéfaction des forêts, les retours de jeunesautochtones et migrants sont fréquents, repre-nant progressivement les terres et planta-tions après le décès dans la première géné-ration. Mais on trouve encore de nouvellesmigrations. Le léger rebond à partir de 2002correspond au mouvement de réfugiésdéclenché par la tentative de coup d’état enseptembre 2002 et le début de guerre dansle pays. Une partie des autochtones Bétéqui vivent dans le nord du pays rentrentalors vers le sud, dans leurs villages. Lesimmigrants Baoulé et Burkinabé fuyant lesrégions les plus touchées par l’insécurité, en

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L’adoption de l’hévéa en Côte d’Ivoire

particulier l’ouest du pays, se réfugient égale-ment dans des villages du centre-ouest où ilsont des parents.

2. La baisse de productivité des cacaoyères

Tous les planteurs, en particulier les vieuximmigrants d’origine baoulé, évoquent uneproduction et des rendements de cacao élevésil y a encore une dizaine d’années. Ils l’illus-trent en décrivant leurs cours cimentées,servant d’aire de séchage, autrefois recou-verte de cacao, ne recueillant aujourd’hui quequelques îlots de fèves de cacao en pleinesaison. Ce déclin structurel de production etproductivité est difficile à démontrer par uneenquête à un seul passage. Néanmoins, enreconstituant les temps de travaux avecquelques planteurs, on parvient à illustrer leprocessus de déclin des productivités dusystème cacao (cf. tableau 6). Prenonsl’exemple d’une cacaoyère type du centre-ouest, plantée en 1965 (année 0). En admet-tant qu’elle n’ait pas été touchée par les feux,elle suit un déroulement de cycle presqueinexorable. Elle est proche de son optimumagronomique, autour de 700 kg/ha, en 1980(année 15), mais décline autour de 300 kg

(année 25-30) pour être touchée par la morta-lité entre 1995 et 2000 (année 30 à 35).

À ce stade, l’histoire du cacao, notammenten Côte d’Ivoire, nous enseigne que la solu-tion la plus courante consistait à abandonnerla cacaoyère et à en créer une autre par défri-chement de forêt, à proximité si le planteur yavait accès, ou via une nouvelle migrationvers une nouvelle zone pionnière, où leprocessus recommençait (Léna, 1979 ; Ruf,1988, 1995 ; Chauveau et Léonard, 1996).On retrouve au moins en partie le processusnéo-malthusien évoqué plus haut.

Au cours des années 1990-2000, dans lamesure où les planteurs ne disposent plus deréserves de forêts, dans la mesure où ils nepeuvent plus guère migrer, faute de forêtsdisponibles5, ce processus d’émigrationralentit. Dans la mesure où les planteursrencontrent de grandes difficultés à repro-duire le système cacaoyer dans un environ-nement sans forêt, dans la mesure où ils

5. Le processus s’est encore répété au cours desannées 2000 aux dépens des forêts classées à l’ouestdu pays (Parc de la Marahoué, forêts de Mono-gaga, du Cavaly, de Seguela).

Tableau 7. Estimation de la production, du travail et de la productivité du travail au cours du déroulement ducycle de vie d’une cacaoyère, replantée en hévéa en années 30-35.

Cacaoyère CacaoyèreCacaoyère

Hévéasadulte vieillissante

touchée paradultes

mortalité

Année 15 25 35 45

Production du cacao ou caoutchouc fonds de tasse (kg/ha) 750 400 200 2 800Nombre de jours de travail/ha 80 48 35 72

Conditions économiques en 2008Prix cacao ou caoutchouc fonds de tasse (Fcfa/kg) 450 450 450 405Revenu net hors main-d’œuvre (Fcfa/ha) 277 500 160 000 80 000 1 134 000Valorisation journée de travail 3 469 3 333 2 286 15 750

Conditions économiques en 2009Prix cacao ou caoutchouc fonds de tasse (Fcfa/kg) 900 900 900 272Revenu net hors main-d’œuvre (Fcfa/ha) 615 000 340 000 170 000 761 600Valorisation journée de travail 7 688 7 083 4 857 10 578

Conditions économiques en 2010Prix cacao ou caoutchouc fonds de tasse (Fcfa/kg) 800 800 800 555Revenu net hors main-d’œuvre (Fcfa/ha) 540 000 300 000 150 000 1 554 000Valorisation journée de travail 6 750 6 667 4 286 21 583

Simulation économique en 2010 hors taxePrix cacao ou caoutchouc fonds de tasse (Fcfa/kg) 1 150 1 150 1 150 545Revenu net hors main-d’œuvre (Fcfa/ha) 802 500 440 000 220 000 1 526 000Valorisation journée de travail 10 031 9 167 6 286 21 194

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échouent souvent dans la replantationcacaoyère (devenant ce qu’ils appellent parfoisune « loterie » remplaçant la notion d’inves-tissement), l’adoption de l’hévéa clonal appa-raît comme la culture et le capital permet-tant de remonter et sécuriser la production,l’emploi et les revenus6. Les planteurs quiprennent la décision d’abattre les cacaoyers etreplanter en hévéas à cette période, vontpouvoir remonter la quantité de travail et lesrevenus entre 2005 et 2010 (années 40-45)(tableau 7). On retrouve au moins en partie leprocessus boserupien.

3. L’innovation hévéa en réponse audéclin cacaoyer

L’adoption de l’hévéa relève bien d’uneinnovation de type boserupien, au sens d’uneréponse à la dégradation du milieu, à laperte de la rente forêt, et aux difficultés àreproduire le système à base de cacaoyers etcultures vivrières associées. Même au plande la quantité de travail, on voit que l’adop-tion de l’hévéa permet de remonter la quan-tité de travail affectée par hectare de plan-tation mature et productive : de 35 jours/hadans la cacaoyère en fin de vie à 72 jours/hapour les jeunes hévéas matures (tableau 7).

En phase d’implantation, on a vu dans lasection « résultats » que l’hévéa se planteessentiellement par défrichement dejachères. Ces terres sont issues de plantationsde café et cacao abandonnées, brûlées,dégradées, et du système vivrier en rota-tion avec un recru végétal de quelquesannées, peu ligneux (cf. tableau 1). Ce typede précédent cultural engendre une fortequantité de travail, des nettoyages quasimensuels entre les lignes des jeunes hévéas.Ce changement écologique favorise l’adop-tion des herbicides, résorbant une partie des

contraintes en travail mais augmentant biensur les coûts monétaires7.

Cette phase de période immature del’hévéa est donc très consommatrice entravail les premières années, jusqu’à ce queles hévéas commencent à couvrir la parcelle.Cette phase de transition entre donc assezbien dans la théorie boserupienne, souli-gnant la tendance à la baisse de productivitédu travail. Mais une fois l’hévéa entré enproduction, l’innovation permet finalementla remontée de la productivité du travail.Même si on retient plus volontiers le prin-cipe d’une baisse accrue et acceptée de laproductivité du travail dans la théoried’E. Boserup, l’auteur n’excluait pas lapossibilité de sa remontée. On l’accepted’autant plus dans une version moderniséede la théorie boserupienne, intégrant lesintrants chimiques.

Une fois l’hévéa clonal en phase de croi-sière, la remontée de la productivité moné-taire du travail est même très rapide. Certesil faut tenir compte des taxes, très élevéesdans le cas du cacao, faibles dans le cas ducaoutchouc. Mais même après éliminationde l’effet taxe, les conditions du marchémondial des matières premières en 2010donnent un avantage considérable au caout-chouc. La rémunération de la journée detravail serait encore le double de celle ducacao. Or en 2011, le prix du caoutchoucaugmente encore de 30 %, autour de730 Fcfa/kg alors que le prix du cacao redes-cend à 650 Fcfa/kg. Avec de tels rapports deprix, la rémunération du travail en hévéa-culture peut atteindre 5 fois celle obtenueen cacaoculture, d’autant que nos dernièresobservations montrent que les planteurset leur saigneurs s’orientent vers des

6. Ce processus d’épuisement du binôme caféier-cacaoyer et de sa reconversion en nouvelles culturespérennes telles que l’hévéa clonal et le palmierhybride, voire en ananas, a commencé plus tôt en« basse côte », du fait de la création plus précoce deplantations industrielles et d’usines. Voir notammentColin (1990) et Mollard (1993).

7. Un moyen de réduire les coûts consiste aussi àassocier des cultures vivrières mais les rendementssur jachères sont loin d’atteindre ceux obtenus aprèsdéfrichement de forêt. En effet, une part de la renteforêt se réalise dans la production de larges surplusvivriers à peu de frais, véritables sous-produits dela cacaoculture pionnière (Ruf, 1988, Chaleard,1996, Zoungrena, 2004).

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stratégies de forte densité des hévéas et de« saignée à mort », réduisant la durée devie économique de l’hévéa, mais maximi-sant les rendements, au-delà de 2 800 kg/hahypothèse retenue (tableau 7).

Sans préjuger des aléas des coursmondiaux dans les années à venir, onretrouve globalement une version moder-nisée de la théorie de Boserup. La relance del’intensification (augmentation de la produc-tivité par hectare) se produit ici par un chan-gement de culture où la recherche a intégréun savoir-faire exceptionnel dans l’hévéa, lecapital arbre investit par unité de surface8. Lasélection et l’obtention de clones, complétéde techniques agronomiques telles que lastimulation de la saignée contribuent large-ment à cette augmentation simultanée desrendements et de la productivité du travail.Historiquement, en Côte d’Ivoire, le capital« hévéa clonal » est le grand facteur decette intensification. Son adoption corres-

pond à la rencontre entre cette invention etla demande d’intensification d’une popula-tion désemparée face au déclin de la produc-tivité des cacaoyères et à la difficulté d’yremédier en restant dans le cacao9.

En passant de la variable « adoption parl’individu » aux « surfaces plantées », onvoit mieux la relation entre le déclinprogressif des investissements cacaoyers(et l’abandon du café), et l’essor spectacu-laire, toujours en 3 vagues, de l’innovationpuis des investissements sur l’hévéa. Lestentatives de replantation cacaoyère sontlaminées par chaque vague d’adoption del’hévéa, et inversement chaque échec dereplantation de cacaoyers contribue à lancerune nouvelle vague d’adoption de l’hévéa(figure 9).

On retrouve donc la notion de cycle cacaoet de mécanisme boserupien de l’innovations’appliquant aux immigrants. Au cours des

8. Ce qui devrait permettre de compléter l’analysede l’innovation « hévéa clonal » en termes de rentepost-forestière, proche du concept ricardien de rentedifférentielle intensive. On ne peut développer cetteapproche ici.

9. Ce que E. Mollard avait déjà très bien exprimé endes termes voisins, concernant la région de Bonoua,à l’est d’Abidjan : « La diversification des planta-tions industrielles a rencontré les aspirations depaysans bloqués dans l’impasse des caféières vieil-lies » (Mollard, 1993).

Figure 9. Surfaces plantées annuellement en cacaoyers, caféiers, hévéas à Gnaliepa - dominante autochtone (1970-2007)

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Cacaoyer Caféier Hévéa

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années 1990, la majorité des immigrants nesont pas encore prêts pour l’innovationhévéa car ils se satisfont encore des rende-ments et des revenus de plantations de cacao,dans un état jugé acceptable. À la fin desannées 2000, face au degré de mortalité deleurs plantations, aux échecs de la replan-tation, particulièrement aggravés par lesconditions climatiques de 2006 et 2007, lebesoin d’innover se fait plus pressant.

Se croisant avec l’approche boserupienne,le changement de génération finit d’apporterune cohérence globale à cette analyse del’adoption de l’hévéa. En rejoignant leurspères ou en héritant d’eux, les jeunes autoch-tones et les jeunes migrants apportent unenouvelle force de travail orientée versl’hévéa.

Conclusion

La fièvre du caoutchouc a pris la région deGagnoa et au-delà, l’ensemble du pays.Même si l’enquête a porté délibérément surdes villages avancés dans l’hévéaculture,même s’il reste des centaines de villagesqui n’ont pas encore planté d’hévéas, leprocessus est engagé pour plusieurs années.

L’information et le capital, apportés parles projets jusqu’en 1990 ont d’abord jouéun rôle clef, sans négliger l’importance dusuivi par des encadreurs, maintenu après lecoup d’arrêt donné aux projets, financé parla société privée qui en avait compris lesenjeux.

Puis la combinaison de la hausse du coursdu caoutchouc, de la régularité des revenus,et des effets d’imitation, renforcés par lecycle de l’hévéa et sa période de maturationde 6-7 ans, a eu des effets multiplicateursconsidérables, en particulier dans uncontexte de revenus cacaoyer déclinants.Toutefois l’effet d’imitation joue à l’échelledu village, du voisinage et du réseau ausein du village, dans ceux où quelques indi-vidus ont accepté d’adhérer au projet,prenant le risque de l’innovation. Dans lesvillages autochtones où le projet a été refusé

en 1988, l’adoption de l’hévéa est encoremarginale en 2010.

Mais l’explication de l’innovation puis duboum de l’hévéa en Côte d’Ivoire corres-pondent aussi à un mécanisme boserupien.Les planteurs trouvent dans l’hévéa unesolution à leurs problèmes de mortalitécacaoyère. L’hévéa est devenu l’outil pourremonter les revenus face à la dégradationdu milieu et du système productif à base decacaoyers. En même temps, la circulation del’information et du savoir-faire entrepersonnel des plantations industrielles etplanteurs villageois a permis de diminuer lecoût du greffage et du matériel végétal.

Parmi les facteurs de l’adoption tardive del’hévéa par les immigrants, on peut évoquerun processus combinant la stratégie desprojets cherchant des parcelles sécurisées età proximité et la stratégie des autochtonescherchant à tenir les immigrants éloignés duprojet, freinant la circulation de l’informa-tion. L’enjeu pour les autochtones résidedans la renégociation du droit d’usage de laterre par les immigrants ayant planté descacaoyers. Dans le centre-ouest, au-delà desdiscours et de cas isolés, nous n’observonspas de difficultés majeures. Il peut y avoirrenégociation sur les termes de la cession,mais dans l’ensemble, les immigrants plan-teurs de cacao, tant d’origine ivoiriennequ’étrangère, accèdent progressivement àl’hévéa. Cette observation s’applique notam-ment aux fils d’immigrants, nombreux àreplanter les « jachères-cacao-café » enhévéas. Jusqu’en 2008, les sociétés de plan-tation industrielles d’hévéas ne semblaientpas avoir bien réalisé leur « handicap » ense satisfaisant de plantations villageoisesdominées par les autochtones. Ellessemblent désormais avoir intégré l’impor-tance des immigrants.

En définitive, cette innovation « hévéaclonal », au cœur du changement écolo-gique, technique, économique, social et poli-tique, appelle bien d’autres travaux derecherche. Ce type d’étude locale serait àprolonger dans d’autres régions, notamment

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sous l’angle de l’hévéa comme enjeu denégociation entre autochtones, migrants,industriels et cadres. À côté des plantationsindustrielles et villageoises, les cadres civilset militaires prennent une place croissantedans l’innovation et l’investissement hévéa.Il s’agit là d’un bouleversement social quirésonne dans bien d’autres pays et filières.

Au plan de la concurrence et la complé-mentarité avec le cacao, les sociétés privéesdu secteur cacao/chocolat s’inquiètent logi-quement pour leurs approvisionnements etlancent des projets de réhabilitationcacaoyère fort intéressants pour les plan-teurs. D’un côté ils peuvent s’appuyer surleur force d’innovation et sur un socle encoresolide d’habitude du cacao dans le pays.D’un autre côté, au-delà de la conjoncture deprix extraordinairement favorable au caout-chouc en 2010 et 2011, l’hévéa sembleprogresser irrésistiblement sur les terresdégradées où, en attendant les résultats desinnovations lancées par les projets deschocolatiers, la replantation cacaoyère tourneplus à la loterie qu’à l’investissement.

Sur un plan académique, une analyse entermes de rente apparaît donc porteuse d’in-terprétation. L’hévéa clonal, matériel végétal

sophistiqué mais robuste, revalorise lesjachères, est susceptible de générer unenouvelle rente « hévéa et post-forestière » sesubstituant la rente « forêt » réalisée etconsommée par le cacao. Cette nouvellerente rencontre de nouveaux enjeux fonciers.L’interprétation de la « rente hévéa » resteà établir au plan théorique mais au-delà dela conjoncture des prix, une forme de renten’apparaît-elle pas déjà comme moteur del’hévéaculture en Côte d’Ivoire ? Simulta-nément, comme pour la rente forêtconsommée par la cacaoculture, émergeraalors la question de la durabilité d’une rente« hévéaculture clonale ». ■

Remerciements

Sans les excellents enquêteurs que sont GeorgesKonan, Allagba Konan, Josué Kiendré et BonifaceBebo, je n’aurais pas pu collecter les données dequalité à la base de cet article. Au plan de l’ana-lyse, les critiques justifiées des deux lecteurs ano-nymes ont permis d’améliorer considérablementl’article. Je remercie aussi l’Agence française pourle développement (AFD), pour sa position de prin-cipe d’encourager les chercheurs à publier à par-tir des expériences d’expertise réalisées pour lecompte de l’agence.

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