l’analyse de la mise en oeuvre locale du mécanisme de
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L’analyse de la mise en oeuvre locale du Mécanisme deDéveloppement Propre : le cas de la gestion des déchets
solides urbains à Rio de Janeiro.Natalia Pacheco Cruz
To cite this version:Natalia Pacheco Cruz. L’analyse de la mise en oeuvre locale du Mécanisme de Développement Propre :le cas de la gestion des déchets solides urbains à Rio de Janeiro.. Sociologie. Université Toulouse leMirail - Toulouse II, 2019. Français. �NNT : 2019TOU20033�. �tel-03278822�
THÈSEEn vue de l’obtention du
DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
Délivré par l'Université Toulouse 2 - Jean Jaurès
Présentée et soutenue par
Natália PACHECO CRUZ
Le 5 juillet 2019
L'analyse de la mise en oeuvre locale du Mécanisme deDéveloppement Propre : Le cas de la gestion des déchets solides
urbains à Rio de Janeiro
Ecole doctorale : TESC - Temps, Espaces, Sociétés, Cultures
Spécialité : Sociologie
Unité de recherche :CERTOP - Centre d Étude et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir
Thèse dirigée parMARIE-CHRISTINE ZELEM et Carlos SALDANHA MACHADO
JuryM. Sébastien VELUT, Rapporteur
Mme Camille GOIRAND, RapporteureM. Geoffrey CARRERE, Examinateur
Mme Marie-Christine ZELEM, Directrice de thèseM. Carlos Saldanha MACHADO, Co-directeur de thèse
Université Toulouse 2 -Jean Jaurès
Laboratoire CERTOP
THÈSE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ
Spécialité Sociologie
L’analyse de la mise en œuvre locale du Mécanisme de
Développement Propre : le cas de la gestion des
déchets solides urbains à Rio de Janeiro
PACHECO CRUZ Natália
Présentée et soutenue publiquement
Le 05 juillet 2019
Directeur ou Directrice de Recherche Marie-Christine ZELEM, Professeure, Université Toulouse Jean-Jaurès
Carlos José Saldanha MACHADO, Professeur, Fundação Oswaldo Cruz (codirecteur)
JURY GeoffreyCARRERE,Maîtredeconférences,UniversitéToulouseJean-Jaurès(Examinateur)
CamilleGOIRAND,Professeure,IHEAL,UniversitéParisIII(Rapporteuse)SébastienVELUT,Professeur,IHEAL,UniversitéParisIII(Rapporteur)
ÀCélia
EtGladstone(inmemoriam)
5
RÉSUMÉ
La thèse porte sur l’étude de la mise enœuvre de projets duMécanisme de Développement Propre(MDP) dans les décharges à Rio de Janeiro, au Brésil. Le MDP est un instrument de la politique
environnementale onusienne inscrit dans le cadre du Protocole de Kyoto. Ce mécanisme permet la
participationdespaysenvoiededéveloppementaumarchéducarbonemondialàtravers l’installation
detechnologiesderéductiondesémissionsGazàEffetdeSerre(GES)dansdifférentssecteursd’activitéssur leurs territoires. Selon l’article12duTraitédeKyoto, leMDPvise lapromotiondudéveloppement
durabledanscespays.Cetteétudediscutelamiseenœuvredecemécanismedanslesdéchargesdela
métropole de Rio ayant employé la captation du biogaz comme une technologie de réduction de gaz
méthane(CH4)provenantdeladécompositiondesdéchets.Ens’inscrivantdansuneperspectivecritique,notreanalysesefocalisesurledévoilementdesrapportsdepouvoirsderrièreleprocessussocio-politique
d’appropriationlocaledecetinstrumentglobalderéductiondesémissions.Lesélémentsconstitutifsde
lanotionde« développementdurable »présentsdanslesdocumentsattachésàlaConventionCadredes
Nations Unies sur le Changement Climatique ont servi de point de départ à notre analyse. De cettemanière, nous avons utilisé les notions d’« écologisation des pratiques », de « marché » et de « justice
environnementale »commeparamètrespourexaminerladynamiqueduMDPdanslesdécharges.Notre
thèsedéfendl’idéeselonlaquellel’organisationdudomainedetraitementdesdéchetsàRioestunreflet
du programme néo-développementaliste brésilien. La gouvernance locale du secteur est notammenttournéeverslasatisfactiondesintérêtséconomiquesdesacteurslespluspuissantsdusecteur.Dansce
contexte, nousmontrons que le caractère néolibéral duMDP combiné à cette gouvernance locale se
traduitparunemiseenœuvrecontroverséedesobjectifssocio-environnementauxduMDP.
6
ABSTRACT
This current thesis is built on an implementation study of Clean DevelopmentMechanism projects in
landfillsinRiodeJaneiro,Brazil.Thismechanismallowsdevelopingcountriestoparticipateinthecarbon
marketthroughtheadoptionoftechnologiesthatpromoteGHGemissionreductionsintheirterritories.
According to article 12 of the Kyoto Protocol, the CDM adresses the promotion of sustainable
development in these countries as a result of the use of more efficient environmental technologies.
Thereby, thisstudyaimstodiscuss the implementationof themechanism in landfills,whichhavebeen
reducing landfill gasemissionsproducedby thebreakdownofbiodegradablewaste.Basedonacritical
sociologyapproach,thisanalysisfocusesonrevealingthepowerrelationshipshiddenbehindthissocio-
politicalprocessofadoptingaglobalinstrumentofGHGemissionreductioninthewastetreatmentsector
in the Rio de Janeiro metropolitan area. We have used the elements that compose the notion of
“sustainaibledevelopment‘foundinthedocumentsrelatedtotheUnitedNationsFrameworkConvention
on Climate Change as a starting point for our implementation study. In this degreewe have operated
concepts suchas “ecological practices”; “market” and “environnemental justice” inorder to analyse in
detailthedynamicscreatedbytheCDMimplementationinlandfills.Thisanalysispointsouttheinfluence
ofthelocalwastetreatmentgovernanceinthefunctioningofthisinstrumentlocally.Thisgovernanceisa
reflection of the Brazillian New Developmentalism program. The waste treatment sector in Rio is
organized according to the interests of the most powerful actors of the domain. Hence, we have
concluded that CDM’s neoliberal traits combined with the local New Developmentalism produce a
controversialimplementationofthemechanismconcerningCDMsocial-environmentalgoals.
7
REMERCIEMENTS
Sansfinancement,cetravailapuvoir lejourpuisqu’ilyaeubeaucoupdepersonnesprêtesettoujours
disponiblesàm’aider.Ces remerciements serontassezbrefs (puisque la thèseestdéjàassez longue!),
maisjeprometsqu’ilstraduironttouteladensitédemagratitudeenverstoutlemonde.Premièrement,
jeremercieMarie-Christine,madirectrice,dem’avoiracceptéeenthèsesansmêmepasmeconnaitreet
d’avoirsoutenuceprojettoutaulongdeces(presque)6ansdetravail.Jetienségalementàremercier
Carlos Saldanha, mon co-directeur, pour le support scientifique et les nombreuses échanges par
WhatsApp avec l’objectif de m’aider à traduire sociologiquement les évènements rocambolesques
d’ordre politico social ayant eu lieu au Brésil durant la «gestation» de ma thèse. Compte tenu ce
contexte politique au Brésil, j’aimerais remercier fortement les participants demon enquête à Rio de
Janeiro.
En continuant sur le contexte de mon encadrement scientifique, je remercie tous les membres du
CERTOPpourm’avoirdonnél’opportunitédefairepartiedecelaboratoire.Cetteopportunitésetraduit
aussiparlamiseàdispositionderessourcesmatériellespourpoursuivremontravailacadémiquedansles
meilleuresconditions. J’aimerais remercierparticulièrementMarie-GabrielleSuraud,PhilippeLemistre,
ChristelleAbrahametRichardVincendeaupourlesbondecommandes,pourlesréservationsdevol,les
remboursementsdesmissions,pourlesdiscussionset,finalement,pourl’Antidote(logicieldecorrection
defrançaisayantsauvémavie!).
Ecrirelathèseenfrançaisafortementcontribuépourquecettelistederemerciementsserallonge.Ainsi,
je remercie de tout mon cœur mes relecteurs et leur générosité et délicatesse envers mon travail.
Adéline, Laury,Maxime,Mike et Renaud,muito obrigada! À Renaud,mon collègue de bureau qui est
devenumon«coach»sociologique,jeteremercievraimentpourtonaidedetouteordreaulongdeces
années.
Je tienségalementà remercieraussimescollèguesdetravailàSecuritasAccueilauseind’Airbus.Mon
travail comme hôtesse d’accueil à Bellonte durant les weekends est devenu mon lieu préféré pour
réfléchiràmathèse.Sansvotreempathieetcompréhension,j’auraiseubeaucoupdedifficultéàachever
mathèse.
Sil’achèvementdecettethèsen’étaitpaspossiblesansunsupportscientifiquenifinancier,elleenserait
encoremoinssansunsupportémotionnel.JeremercieainsichacundemesamiséparpillésentreleBrésil
8
etlaFrancedem’avoirécoutéeetencouragée(grâceàvosmotsj’aiputenirlesjourslesplusdifficilesoù
l’abandon de ce travailme semblait lameilleure option!).En continuant dans ce sens, je remerciema
mère,CéliaMaria,detout,simplementdetout.Cetravailestlerefletdesonencouragementémotionnel,
financieretprofessionnel. Jemerappelledesesmotsquand j’hésitaisà resterenFrancepour faireun
doctoraten2013.(«SiturestesenFrance,tonstatutd’étudiantenevapaschanger,maissiturentres
sansavoiraumoinsessayédefairelathèse,çaseratonsentimentdefrustrationquinechangerapas!»).
9
AVANT-PROPOS
Cettethèseestnéed’uneenviedefaireunelecturesociologiquedelaréalitédumarchéducarboneau
Brésil,notammentàRiodeJaneiro.Bienquecettethèsesoitréaliséedanslecadreuniversitairefrançais,
monapprochedel’objet,mafaçonderédigercetravailetlecheminementdemonanalysereflètentles
basesdemonprocessusdesocialisationetdescolarisation.Malgrémes10ansdeséjourenFrance, la
rédactionde cette thèsen’estpasenmesurede suivre la sophistication linguistique souventattribuée
aux travaux sociologiques en France. J’essaie donc de respecter le plus possible l’orthographie et la
syntaxefrançaisesdanslebutd’écrireunethèsecompréhensible.
Toutefois, comme il est très connuen Sciences Sociales, la forcede la socialisationet le pouvoir de la
languematernelle ont pris le dessus. En outre, l’anglais est présent dans ce processus de socialisation
commelapremièrelangueétrangèreapprisedepuisuntrèsjeuneâge,uneimpositiondesparentslatino-
américainsquiontenviedevoirleurenfantréussirdanslemondeprofessionneldansunesociétéaussi
inégale.Decettemanière,cettethèsecontientaussidestracesd’anglophonie.
Au regard de «ma brève histoire de formation culturelle/linguistique», à plusieurs reprises durant la
rédaction, mon processus de raisonnement s’est vu «freiné» faute de ressources linguistiques me
permettantd’allerplusloindanslesanalysesplusthéoriques.Ainsi,afindesurmontercette«frustration
intellectuelle»,lesschémasetlesillustrationsontjouéunrôletrèsimportantdansladiscussiondemes
résultats,ainsiquecertainesmétaphoresemployéesetlesmotsentreguillemets.
Mesrelecteursontdoncrespectémonstylederédactionafindenepaschangerl’âmedelathèse:une
thèseen sociologiequiporte sur leBrésil, écritparuneBrésilienneenFrance.Cependant, cette thèse
s’estachevéegrâceausystèmeuniversitairefrançaism’ayantdonnélesressourcespouraccomplirmon
parcoursdeformationacadémiqueetleperfectionnementdelalangue.
10
‘Umdiaeuaindavoumeredimirporinteiro,dopecadodointelectualismo,seDeusquiser.Nãovoutermaisnecessidadedefalarnada,deficarpensandoemtermosdescontrários,detudo,pratentarexplicar
aspessoasqueeunãosouperfeito,masqueomundotambémnãoé…Equeeunãoestouquerendoserodonodaverdade,queeunãoestouquerendofazersozinhoumaobraqueédetodosnósedemais
alguém,queéotempo:overdadeirograndealquimista.Aquelequerealmentetransformatudo!Umpequeninogrãodeareia,éoqueeusou.Sóqueogrãodeareiajáconseguiu,sendotãograndeoumaior
doqueeu,serpequenininhoenãoprecisarsemostrarmais,ficarlá,trabalhaemsilêncio…’
(Iansã,GilbertoGil,1973)
11
Sommaire
RESUMÉ....................................................................................................................................................5
REMERCIEMENTS..................................................................................................................................7
AVANT-PROPOS.....................................................................................................................................9
SOMMAIRE............................................................................................................................................11
INTRODUCTIONGÉNÉRALE.............................................................................................................21
PREMIÈREPARTIE:LERÉGIMECLIMATIQUEGLOBALETLERÔLEDUBRÉSILDANS
L’ENJEUDUCLIMATÀTRAVERSLEDOMAINEDESDÉCHETS..............................................32
CHAPITREI:L’APPROCHEÉCONOMIQUEDESPOLITIQUESENVIRONNEMENTALES:LEMARCHÉDUCARBONE...................32
1.1.Faceàlacriseécologique:entrelesthéoriesdela‘TreadmillofProduction’etlaModernisation
écologique ?...........................................................................................................................................33
1.2.LeMDPetlanouvelledynamiqueNord-SudsurlemarchéduCO2...............................................50
1.3.LebilanduProtocoledeKyotoetlerésultatdelaCOP-21.............................................................76
CHAPITREII:LAGOUVERNANCEDUMDPAUBRESIL:LESREFLETSDESCONTRADICTIONSPOLITIQUESDUPAYS............84
2.1.Lavulnérabilitésocio-économiqueduBrésilfaceauchangementclimatique...............................84
2.2.LestendancesàlahaussedesémissionsdeGESsurleterritoirebrésilien.....................................91
2.3.LeMDP:Unconceptbrésilienaucœurdesnégociationsclimatiques.........................................111
2.4.LepanoramadesprojetsMDPauBrésil........................................................................................122
CHAPITREIII:LAGOUVERNANCEDESDÉCHETSÀRIODEJANEIRO.........................................................................135
3.1.Lagestiondesdéchetsdansl’ÉtatdeRioavantlaPolitiqueNationalesurlesDéchets................136
3.2.LaPolitiqueNationalesurlesDéchetsetunessaidel’Étatpour‘écologiser’lesdéchets............163
CHAPITREIV:UNEANALYSESOCIO-ANTHROPOLOGIQUEDELAMISEENŒUVREDUMDPÀRIO................................192
4.1.LaSociologiecritiquecommeapprocheépistémologique............................................................192
4.2.Laconstructiondel’objetetlaméthodehypothético-déductive..................................................198
4.3.LesacteursetleursrôlesdansleMDPàRiodeJaneiro...............................................................227
4.4.Lerecueildesdonnéesetsesinstruments....................................................................................233
4.5.Violence,corruptionetles‘clandesdéchets’:leslimitesduterrain............................................238
12
4.6.L’analysedecontenucommeméthoded’analysedesentretiens.................................................251
CONCLUSIONPREMIÈREPARTIE......................................................................................................................257
DEUXIÈMEPARTIE:DUPROTOCOLEDEKYOTOÀL’ÉTATDERIODEJANEIRO:LES
DIFFÉRENTSSCÉNARIOSDELAMISEENŒUVREDESPROJETSMDP............................258
CHAPITREV:’BRAZILNOVAGERARLANDFILLGASTOENERGYPROJECT’.................................................................265
5.1.Lecaractèrenovateurduprojetdanslascènenationale..............................................................267
5.2.Leprojetensoi:sonfonctionnementtechniqueetlesacteurs....................................................271
5.3.L’ancienLixãodeMarambaiaetlesrisquessocio-environnementaux..........................................281
5.4.Leretarddanslaproductionénergétiqueàpartirdubiogaz........................................................286
CHAPITREVI:‘GRAMACHOLANDFILLGASPROJECT’...........................................................................................294
6.1.LavulnérabilitéterritorialeduquartierdeJardimGramacho.......................................................295
6.2.LesenjeuxdelafermetureduLixãodeGramacho........................................................................304
6.3.LeprojetMDPdeGramacho.........................................................................................................325
CHAPITREVII:‘POA-CPA-1:LANDFILLGASRECOVERYFROMCTRSANTAROSA’..................................................334
7.1.LaCentraledeTraitementdesDéchetsetsescontroverses..........................................................334
7.2.LasituationactuelledelacoopérativedesancienscatadoresdeSeropédica..............................366
CONCLUSIONDELADEUXIÈMEPARTIE..............................................................................................................376
TROISIÈMEPARTIE:LAGOUVERNANCECLIMATIQUEGLOBALEAPPLIQUÉEAUX
DÉCHARGESÀRIODEJANEIRO...................................................................................................379
CHAPITREVIII:LATERRITORIALISATIONDUMDP:QUELSSONTLESMODESD’APPROPRIATION ?..............................380
8.1.LagouvernanceduMDPàl’échellelocale....................................................................................380
8.2.LatechnologiedansleMDP..........................................................................................................387
8.3.L’écologisationdespratiques........................................................................................................397
8.4.Ledéveloppement:l’emploid’unmotàplusieurssens................................................................403
8.5.Lajusticeenvironnementaledansledomainedesdéchets...........................................................409
CHAPITREIX:LERÉGIMECLIMATIQUEONUSIENINCORPORÉDANSLAGOUVERNANCELOCALEDESDÉCHETS.................422
9.1.Lanotionde‘développementdurable’etsamiseenœuvreauseinduMDPàRio.....................423
9.2.EntrelespolémiquesinhérentesaudomainedesdéchetsàRioetleprincipenéolibéralduMDP
..............................................................................................................................................................427
CONCLUSIONGÉNÉRALE................................................................................................................458
13
BIBLIOGRAPHIE...............................................................................................................................469
SITOGRAPHIE....................................................................................................................................504
LISTEDESSIGLESETDESACRONYMES....................................................................................523
ANNEXES.............................................................................................................................................524
TABLEDESMATIÈRES....................................................................................................................537
14
TABLEDESILLUSTRATIONS
Figure1:Lesexternalitésnégativesdanslemodèleclassiquedumarchéautorégulateur........................44
Figure2:Schémadefonctionnementthéoriquedumarchéducarbone....................................................45
Figure3:Lecycledevied’unprojetMDP.....................................................................................................56
Figure4:Letempsmoyendelavalidationàl’enregistrementd’unprojetMDPauseindelaCCNUCC....59
Figure5:LepourcentagedeprojetsMDPenregistrésparrégiondanslemonde......................................64
Figure6: La tendance de transfert technologique dans les projetsMDP dans lemonde entre 2004 et
2010................................................................................................................................................................67
Figure7: La tendance des émissions de C02 par production des biens et matières premières et
consommationentrelespaysdel’AnnexeIetnon-AnnexeIentre1990et2010.......................................78
Figure8:LatendancedesprixdescréditsCO2danslecadreduMDPencomparaisonauxautrestypesde
marchésdeCO2..............................................................................................................................................80
Figure9:Lesrisquesduchangementclimatiquesurl’AmériqueCentraleetduSud.................................85
Figure10: La vulnérabilité des grandes métropoles de l’Amérique latine aux impacts du changement
climatiquedanslesrégionsinfluencéesparlamer.......................................................................................86
Figure11:Certainsrisquessocio-écologiquesprovoquésparlechangementclimatiqueauBrésil...........88
Figure12:Lescinqmacro-régionsduBrésil.................................................................................................89
Figure13:Lalocalisationdesdifférentsbiomessurleterritoirebrésilien..................................................89
Figure14:L’évolutiondesémissionsbrésiliennesdeCO2parsecteur.......................................................92
Figure15:L’évolutiondesémissionsdeCH4auBrésilparsecteur.............................................................94
Figure16:Latendancedesdifférentessourcesd’énergieauBrésil..........................................................100
Figure17:L’évolutiondesémissionsdeméthaneenGigaTonneprovenantdedéchetssolidesauBrésil
depuis1990..................................................................................................................................................107
Figure18: La participation de chaque région dans la totalité de récolte de déchets solides urbains au
Brésil.............................................................................................................................................................109
Figure19: Les statistiques relatives au dépôt final de déchets solides urbains au Brésil entre 2015 et
2016..............................................................................................................................................................110
Figure20:Uneannoncedatantde1971danslapressepourencouragerledéveloppementdel’industrie
debaseauBrésil...........................................................................................................................................114
Figure21:Leclassementmondiald’enregistrementdesprojetsMDPparpaysjusqu’à2012.................123
15
Figure22: L’évolutionde lademanded’enregistrementetde l’approbationdesprojetsMDPbrésiliens
auprèsdelaCCNUCCde2004à2016.........................................................................................................123
Figure23:LarépartitiondesprojetsMDPpargrandssecteursderéductiondesémissionsauBrésil....127
Figure24:LarépartitiondesprojetsMDPparrégionbrésilienne.............................................................130
Figure25:TableauenpourcentagedesdépôtsdéfinitifsdesdéchetssolidesurbainsauBrésilentre1989
et2008..........................................................................................................................................................138
Figure26:DistribuitiondesdifférentesmodalitésdedépôtfinaldesdéchetsparrégionauBrésilen2009.
.......................................................................................................................................................................139
Figure27: Illustrationsur lepourcentagedeconcessionspubliquesdesservicesdegestiondesdéchets
parrégionauBrésil.......................................................................................................................................140
Figure28:Destinationfinalededéchetsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro.....................................................142
Figure29:Lesmunicipalitésdel’ÉtatdeRiodeJaneiro.............................................................................144
Figure30:LesmunicipalitésdelarégionmétropolitainedeRiodeJaneiro..............................................145
Figure31:Illustrationdelaterritorialisationdesdéchargesàcielouvertcomme« zonesdesacrifice ».153
Figure32:Tauxd’analphabétismeentrecatadorespartranched’âge.....................................................158
Figure33:Illustrationdesétapesdeconstructionetd’opérationd’unedéchargesanitaire...................171
Figure34: L’évolution du programme Lixão Zero concernant le dépôt de déchets dans les « aterros
sanitarios »....................................................................................................................................................175
Figure35: Acteurs impliqués directement dans la nouvelle dynamique de traitement de déchets dans
l’ÉtatdeRio...................................................................................................................................................177
Figure36:ScénariodedépôtdedéchetssolidesurbainsdelarégionSud-esten2016..........................182
Figure37:Municipalités de l’État deRio possédant des décharges à ciel ouvert en fonctionnement en
2017..............................................................................................................................................................182
Figure38: Illustration du scénario de référence des émissions de biogaz dans le cadre de la
méthodologieACM0001. Source:CDMMethodologyBooklet,2016......................................................186
Figure39: Illustration du scénario de réduction des émissions de GES après la mise en œuvre de la
méthodologie ACM0001..............................................................................................................................187
Figure40:Illustrationdel’objetderechercheàl’égardduchampdesdéchetsàRiodeJaneiro............204
Figure41:ÉvolutiondesémissionsenmillionsentonnesdeC02équivalentdanslesecteurdedéchetsau
Brésilde1990jusqu’à2016.........................................................................................................................205
16
Figure42: Distribution du nombre des projets MDP par région au Brésil à la CCNUCC entre 2004 et
janvier2016..................................................................................................................................................206
Figure43:Frisechronologiquesituantlemomentdutravaildeterraindel’analyseduMDPàl’égarddes
évènementsaprèslasignatureduProtocoledeKyoto...............................................................................212
Figure44:Les4dimensionspouratteindreun« développementdurable »selonlaCCNUCC.................219
Figure45:Schémaderepéragedel’outilthématique« gouvernance »dansl’objetdelathèse.............226
Figure46:LeschémadesacteursimpliquésdansleMDPauseindudomainedesdéchetsàRiodeJaneiro
danslesdifférenteséchellesdepouvoirs....................................................................................................229
Figure47:Cartedelarécurrencedescrimesviolentsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro................................241
Figure48:LesmunicipalitésdelarégionmétropolitainedeRiocontrôléesparlesmilices.....................242
Figure49:Indicesd’homicidedesfemmesparunitéfédérativeauBrésil................................................243
Figure50:Dénonciationdelaviolencedansl’ÉtatdeRiodansunepublicationsurlecompteTwitterde
MarielleFrancounjouravantsonassassinat..............................................................................................245
Figure51:Lesrésultatsenchiffresde l’Opérationde« Lava-Jato »dans l’ÉtatdeRioennovembre2017
.......................................................................................................................................................................248
Figure52: LacartedelavilledeRiodeJaneiroetlalocalisationdesesdécharges.................................259
Figure53:L’autrecôtédelarueoùLaCTRdeNovaIguaçusetrouveenface.Photographiepriselorsdu
travaildeterrain,le1eravril2015...............................................................................................................265
Figure54: Les aller-retour des camions à chaque minute devant la CTR qui se trouve à droite.
Photographiepriselorsdutravaildeterrainle1eravril2015....................................................................266
Figure55:FrisechronologiquedesévènementsconcernantleprojetNovaGerar...................................266
Figure56: VisiondeSatellitedelaCTRNovaIguaçu..................................................................................271
Figure57: Cartographiedes acteursparticipants auprojet « NovaGerar landfillGas toEnergyProject ».
.......................................................................................................................................................................275
Figure58: Lesacteursaffichésdevantl’entréedeladéchargesanitairedeCTRNovaIguaçu................281
Figure59:FrisechronologiqueduprojetMDPdeGramacho....................................................................295
Figure60:ImagesatellitedeladéchargedeJardimGramacho................................................................296
Figure61:Montagedeplusieursscènesdudocumentaire« Estamira »...................................................299
Figure62: Affiche officielle du documentaire « Lixo Extraordinário » avec le portrait d’une desœuvres
faites à partir de déchets avec la participation de Tião, leader du Mouvement des Catadores de
Gramacho.....................................................................................................................................................300
17
Figure63 : L’intenseactivitédes« catadores »etlavisiondeladéchargeverslaBaiedeGuanabara.....302
Figure64:LesCatadoresdeGramachotravaillantentourésdenombreuxurubus..................................304
Figure65:LacérémoniedelafermeturedeladéchargedeGramacho.Surlaphoto,lesélusmunicipaux
deRio,lesancienscatadoresetlesagentsdelaCOMLURB ;......................................................................308
Figure66:LesdeuxhangarsduPolodeReciclagemdeGramachoetlevidedetravailleursdanslePoloà
3heuresdel’après-midid’unjeudi.Photoprisele03novembre2014.....................................................316
Figure67:L’amalgamedelacollectededéchetsdanslavilledeRiodeJaneiro.Photopriseenjuin2015
.......................................................................................................................................................................318
Figure68: La décharge de Gramacho actuellement administré par l’entreprise Nova Gramacho. Photo
priseenavril2015lorsdutravaildeterrain................................................................................................327
Figure69:Cartographiedesacteursparticipantsauprojet« NovaGramachoLandfillGasProject »......328
Figure70: L’usine de biogaz de Nova Gramacho dans l’ancienne décharge à ciel ouverte de Jardim
Gramacho.Photopriseenavril2015lorsdutravaildeterrain..................................................................331
Figure71:FrisechronologiquedelasuccessiondesévènementsliésàlaCTRRio..................................335
Figure72: Carte de localisation de décharge de CTR Rio par rapport à l’aquifère de Piranema dans la
régiondeSeropédicaparrapportàl’ÉtatdeRiodeJaneiro.......................................................................337
Figure73:Lescouverturesd’imperméabilisationinstalléesdanslechantierdelaCTRRio.....................338
Figure74:L’entréedelaCTRRioquisetrouveàgaucheetàdroitelesrésidenceslesplusprochesdela
décharge.......................................................................................................................................................344
Figure75:ManifestationdelapopulationdeSeropédicadevantl’Assembléelégislativedel’étatdeRioen
appelantàuneréuniondemobilisationcontrelaconstructiondeladéchargesanitaireen2011...........345
Figure76:VisionaériennedelaCTRRio.....................................................................................................354
Figure77:L’entréedelaCTRCiclusaveclespanneauxdesorganismesderrièresamiseenplace.........357
Figure78:CartographiedesacteursparticipantauCPA-1deSeropédica................................................358
Figure79:Laquantitédedéchetstraitésparlesentreprisesresponsablesdesdéchargessanitairesdans
l’ÉtatdeRio...................................................................................................................................................360
Figure80:LecheminpouraccéderlaCOOTRASER....................................................................................369
Figure81:LesmachineshorsservicesdanslacoopérativeCOOTRASER..................................................370
Figure82:LehangardelaCOOTRASERdansunscénariod’abandon.......................................................370
Figure83: Schéma de la fermeture des décharges à ciel ouvert comme une action qui permettrait la
disparitiondesinégalitésenvironnementalesdanslapopulationde« catadores »àRiodeJaneiro........415
18
Figure84: Le néolibéralisme duMDP et le « néo-developpementalisme » du secteur de déchets à Rio
façonnentlamiseenœuvredesprojetsMDPdecaptationdubiogazdansl’État....................................427
Figure85:Origine« néo-developpementaliste »duprogrammeLixãoZerodugouvernementdel’Étatde
Rio.................................................................................................................................................................439
Figure86: Une mise en œuvre controversée résultant du caractère néolibéral du MDP et du « néo-
développementalisme » apportédans le secteurdu traitementdesdéchets solidesurbains àRiopar le
biaisdesactionspubliques...........................................................................................................................445
Figure87:Notrepropositiondecartographied’acteursimpliquésdanslamiseenœuvredesprojetsdans
lecadreduSMM...........................................................................................................................................452
19
LISTEDESTABLEAUX
Tableau1:Lessecteursd’activitéderéductiondesémissionséligiblesdansleProtocoledeKyoto.........54
Tableau2:principauxcaractéristiquesetobjectifsduprogramme« développementaliste »brésilien......97
Tableau3:Lesquatreprincipesduprogramme« néo-développementaliste »brésilien............................99
Tableau4:Estimationdelaproductiondepétroleparmillionsdebarilsparjourentre2017-2020.......101
Tableau5:Lescritèresdedurabilitépourl’approbationdesprojetsMDPauBrésilcréésparlaCIMGC.131
Tableau6: Distribution de participation de chaquemunicipalité de la région dans le dépôt de déchets
urbainsàladéchargedeGramacho............................................................................................................146
Tableau7:Tauxd’urbanisationbrésiliennedepuis1940...........................................................................164
Tableau8:Tendancedel’augmentationdelaproductiondedéchetsauBrésildepuisl’année2009.....164
Tableau9:ObjectifsprincipauxdelaPNRS.................................................................................................167
Tableau10:principauxinstrumentsdelaPolíticaNacionaldeResíduosSólidos.....................................167
Tableau11:Descriptiondesétapestechniquespourlaconstruction,lefonctionnementetlaclôturedes
« aterrossanitários ».....................................................................................................................................172
Tableau12:Tableaudelacompositiongravimétriquedesdéchetssolidesbrésiliens.............................173
Tableau13:LesÉtapesduprocessusdedélivrancedespermisenvironnementaux(Licençasambientais)
.......................................................................................................................................................................178
Tableau14: Points sur la faisabilité technique et économique pour l’adoption du MDP dans les
décharges,démontréesdanslePlanoEstadualdeResíduosSólidosdel’ÉtatdeRio................................190
Tableau15:PopulationdesprojetsMDPdansl’ÉtatàRiodeJaneiro.......................................................209
Tableau16:Lecorpusdelarecherchedelathèse.....................................................................................210
Tableau17:Catégoriesd’acteursinterrogésauniveaulocal(ÉtatdeRiodeJaneiro)..............................231
Tableau18:Catégoriesd’acteursinterrogésauniveaunational...............................................................232
Tableau19:Thématiquesgénéralesabordéesdans lagrilled’entretiendestinéeauxentreprisesprivées
.......................................................................................................................................................................238
Tableau20:Thématiquesgénéralesabordéesdanslagrilled’entretiendestinéeauxcatadores,auxONG
etàlapresse.................................................................................................................................................238
Tableau21:Nombred’entretiensréalisésen2015et2016......................................................................253
Tableau22:Lesthématiquespourl’analysedecontenu...........................................................................254
20
Tableau23:LescinqinstrumentsmisenplaceparlaMairiedeNovaIguaçupourl’intégrationdesanciens
catadoresdeMarambaiadanslastructureformelledutravail..................................................................284
Tableau24:Objectifspolitiquesetsociauxdel’AssociationdescatadoresdeGramacho.......................313
Tableau25:Critèresenvironnementauxnonconformesdansl’installationdelaCTRRioparrapportaux
normesbrésiliennes.....................................................................................................................................341
Tableau26:Lesorganisationsconsultées lorsde lamiseenplaceduprojetdu« CPA-1 »deSeropédica.
.......................................................................................................................................................................362
Tableau27: Résumé des enjeux présents dans les trois projets MDP figurant comme le corpus de
recherchedelathèse...................................................................................................................................377
Tableau28:Lecroisementdecoutsd’investissementetopérationnelsdansunéquipementde« Flare »et
lamoyennederéductionannuelledechaqueprojetMDPàRio...............................................................393
21
INTRODUCTIONGÉNÉRALE
Au tournant du XXIe siècle, on observe une prise de conscience des organisations internationales,
notamment les Nations Unies, sur l’impact des activités humaines sur les systèmes climatiques.
L’augmentation des émissions anthropogéniques des Gaz à Effet de Serre (GES) dans l’atmosphère
provoquedesdérèglements sur le fonctionnementdes systèmesnaturelsprésentantdes risques1pour
l’humanitéetsesmodesd’organisation.C’estpourquoilaquestionduchangementclimatiqueafaitson
entrée dans l’agenda politique international au début des années90. Ainsi, en 1992, face aux risques
mondiaux du changement climatique, plusieurs pays ont signé la Convention-Cadre des Nations Unies
pour leChangementClimatique (CCNUCC). Il s’agitd’undocumentquiétablituncadrepourmettreen
œuvreunepolitique globalede lutte contre le changement climatique2. La signaturede la Convention
représenteunengagementcollectifdesÉtatsàmenerdesactionspourréduirelesémissionsdesGESà
traverslemonde.Cesactionssontrèglementéesparunepolitiqueglobalenedevantpasmettreenpéril
lacapacitédechaquepayssignataireàcontinuersonprocessusdecroissanceéconomique.Enoutre,la
CCNUCC prévoit que ces mesures de réduction des GES doivent être combinées avec une avancée
technologique pouvant apporter aussi un progrès social dans les pays qui les mettent en place,
notamment lespays lesmoinsrichesde laplanète.Decettemanière, laConventionvise lacréationde
politiques environnementales dans lesquelles la notion de développement durable est inscrite. Son
quatrièmeprincipeestainsidétaillé:« lesParties3ontledroitd’œuvrerpourundéveloppementdurable
et doivent s’y employer. Il convient que les politiques et mesures destinées à protéger le système
climatique contre les changements provoqués par l’homme soient adaptées à la situation propre de
chaque Partie et intégrées dans les programmes nationaux de développement, le développement
économique étant indispensable pour adopter des mesures destinées à faire face aux changements
climatiques. »(CCNUCC,1992:article3,paragraphe4).Lesinstrumentspolitiquespourlamiseenplace
1 Un rapport spécial du Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) de 2018 constate uneaugmentation de la température terrestre de 1,5° C en comparaison aux périodes pré révolution industrielle. Cetteaugmentationmetenrisquecertainesrégionsdelaplanèteenfonctiond’uneaugmentationdesépisodesd’extrêmechaleur,d’intensificationdespluiesoudesépisodesdesècheresse.Enoutre,lahausseduniveaudesocéansenfonctiondelafontedesglacesmetenrisquelesécosystèmesetlesactivitéséconomiquesdanslespetitesilesetlesvillescôtières(IPCC,2018).2LesecrétariatdelaCCNUCCcoordonnelesréunionsdespayssignatairesainsiqu’unconseilscientifiqueettechnologiquedontl’objectifestdefournirdesinformationsscientifiquesettechniquesassociéesauxfinalitésdelaConvention.3LespayssignatairesdelaCCNUCC.
22
des objectifs et des engagements de la Convention prennent la forme de protocoles. L’adoption des
protocolesestdécidéelorsdelaConférencedesParties(COP4).
Ainsi,lepremierinstrumentdelaConventionaétécrééen1997:leProtocoledeKyoto5.Lesprincipesde
la Conventionpour lutter contre le changement climatiquebasés sur le développement technologique
combinéavecledéveloppementéconomiquesontincarnésdanslesprincipesduTraitédeKyoto.Celui-ci
est rentré en vigueur en 2005. Son objectif porte sur la réduction de 5% des émissions des GES (par
rapportauniveaude1990)entre2008et20126danslespaysdits« développés ».L’obligationderéduire
lesémissionsestétablieseulementpourlespaysréférencéscommepays« développés »,ceuxquientrent
danslacatégoriedel’AnnexeIduProtocole.Lesautrespaysn’étantpasclasséscommepaysdel’Annexe
Isontlespays« envoiededéveloppement »etfontpartiedelacatégorieintitulée« Non-AnnexeI ».Ces
paysnesontpastenusderéduireleursémissions.Afind’aideràatteindrecetobjectifderéductionpar
lespaysdéveloppés,letraitéétablitdesmécanismesde« flexibilité ».Autrementdit,ilinstaureuncadre
juridiquepourcréerunmarchéd’échangedequotasdecarboneentrelespayssignataires.Lemarchédu
CO2estdéfinicommeunmécanismefinancierduTraitépermettantauxpaysd’échangerleursvolumes
de réductiondesémissions. Ils peuvent les échanger si leurquantitéde réductiondesémissions a été
plusgrandequeleseuilétabliparleProtocole.Decettemanière,ilspeuventvendrelesurplusdecette
réductionavecd’autrespaysn’ayantpas réussi à respecter leursobjectifsde réduction7. L’échangede
volumedes réductions prend la formede créditsCO2 ayant une valeurmonétaire.Normalement, une
tonnedeC02réduitéquivautàuncréditCO2assortiàunprix.
Ainsi,danslecadreduProtocoledeKyoto,deuxtypesdemarchésdecarboneontétécréés8:leMiseen
ŒuvreConjointe(MOC)9etleMécanismedeDéveloppementPropre(MDP).Lepremiers’avèreêtreun
4ConferenceoftheParties. Ils’agitdelaréunionannuelledetouteslespartiessignatairesdelaConventionpourprocéderàl’exécutiondesobjectifsdelaCCNUCCàtraversledéveloppementdedispositifsjuridiquespourmettreenplacedespolitiquesglobalesderéductiondesémissionsdeGES.5Danscettethèse,nousl’appellerons«Protocole»ou«Traité».6Premierpérioded’engagementduTraité.Ladeuxièmepériodeestcompriseentre2013et2020.7 Chaque pays dispose d’un seuil de réduction propre imposé par le Protocole (Exemple: La France possède un objectif deréductionde0%.SonengagementdansleProtocoleétaitdenepasaugmentersesémissions).Ceseuilestassociéauniveaudesémissionsdechaquepays.8IlexisteaussiunmarchéduCO2dit«volontaire»(Voluntarymarket).CemarchénerentrepasdanslesparamètresjuridiquesdelaCCNUCC.LaparticipationàcemarchéestmoinsbureaucratiquequecelleassociéeàlaConventionpuisqu’ilimposemoinsdecritèresàremplirdanslaprocédured’enregistrementdeprojets.9JointImplementation(JI)
23
marchéentrelespaysayantdesobligationsderéduction.Ilfonctionneexactementdelafaçondontnous
avons décrit unmarché du carbone « type »: un pays « développé » n’ayant pas réussi à atteindre son
objectif de réduction peut acheter des créditsCO2 à d’autres pays de l’Annexe I ayant réalisé des
réductions. LeMDP est quant à lui unmarché du carbone qui inclut la participation des pays en voie
développement,ceuxn’ayantpasd’obligationsderéductiondanslecadreduProtocole.Cemécanismea
été créé pour élargir la possibilité des pays développés de respecter leurs engagements et aussi pour
assurer aux pays de la Non-Annexe I une opportunité de participation au marché du CO2 (Newell &
Patterson,2009).
Leparagraphe3duProtocoledéfinitainsi lefonctionnementduMDP:« autitredumécanismepourun
développement“propre”:a)LesPartiesnefigurantpasdans l’AnnexeIbénéficientd’activitésexécutées
danslecadredeprojets,quisetraduisentpardesréductionsdesémissionscertifiées ;b)LesPartiesvisées
par l’Annexe Ipeuventutiliser lesréductionsdesémissionscertifiéesobtenuesgrâceàcesactivitéspour
remplir une partie de leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction des émissions prévus à
l’article3,conformémentàcequiaétédéterminéparlaConférencedesPartiesagissantcommeréunion
desPartiesauprésentProtocole »(ProtocoledeKyoto:article12,paragraphe3).LeMDPintègrelespays
en voie de développement dans le marché du CO2 à travers la mise en place de technologies de
réductiondesémissionssurleursterritoires.Cettemiseenplacetechnologiqueseréaliseparlebiaisdu
montagedeprojetsdanslessecteursd’activitésprévusdansleTraité.Ainsi,lesÉtatsayantdesdifficultés
à respecter leurs obligations de réductions peuvent financer des projets ou acheter des créditsCO2
provenantdesprojetsMDPmisenœuvredansdespaysenvoiededéveloppement.
La Convention ainsi que le Traité se fondent sur le principe du « développement impératif 10», concept
expliqué par Giddens (2011). Il stipule que les pays en voie de développement ont le droit de se
développeréconomiquement,mêmeauprixd’uneaugmentationd’émissionsdeGES.Enpartantdecette
idée, le MDP est né du « besoin » des pays en voie de développement d’arriver au même niveau de
développementéconomiquequelespayslesplusrichesdelaplanète.Lacommunautéinternationaleau
débutdesannées2000s’attendaitdoncàcequeleMDPpuisseaccroitreletransfertdesressourcesdes
paysdéveloppésverslespaysenvoiededéveloppement.Cetteopérationprendraitalorslaformed’une
10«ThedevelopmentImperative».
24
aidepourpromouvoirdestechnologiesplusperformantesenmatièredeprotectiondel’environnement
dans les pays plus pauvres (Newell & Patterson, 2009). Théoriquement, un marché du carbone qui
englobe les pays en développement pourrait ainsi leur accorder le droit d’emprunter un chemin de
développementéconomiqueplusdurablecomparéauxtrajectoireséconomico-environnementalesprises
parlespaysdel’AnnexeI(Aykut&Dahan,2015 ;Giddens,2011).Decettemanière,lacréationduMDP
ouvrait deux possibilités: la promotion du développement durable dans des pays n’ayant pas
d’engagement dans le Traité et la possibilité pour les pays développés de réaliser leurs objectifs de
réductiondesémissionsendehorsdeleursterritoires.
Néanmoins, plusieurs auteurs pointent les défaillances du fonctionnement duMDP dans lemonde. À
défaut d’établir les paramètres précis de ce qui charpenterait la promotion d’un « développement
durable » par le biais du MDP, la CCNUCC a laissé les portes ouvertes pour l’instrumentalisation du
mécanisme par les acteurs locaux. De ce fait, montrer la contribution d’un projet au développement
durablelocalpeutprendreplusieursformesselonchaquepaysetchaqueresponsabledeprojet(Demaze,
2013 ;Demaze,2009 ;Olsen,2007).Enréalité,Demaze(2009)précisequelestextesonusiens(celuidela
Convention ainsi que celui du Traité) n’établissent pas de lien précis entre la préservation de
l’environnementetundéveloppementéconomiquesoutenu.Cestextessoulignentd’ailleursquel’aspect
technologiquepeutcontribueràlapréservationdel’environnementainsiqu’àlacroissanceéconomique
et que cette association rend possible une « durabilité ». Toutefois, ils n’identifient ni les types de
technologies à utiliser et ni les critères de préservation de l’environnement. Autrement dit, l’ONU ne
définit pas les paramètres de ce qui constituerait une trajectoire de développement plus durable. Ces
imprécisionsà l’échelleglobaleontdébouché surdesambigüitésdans lamiseenœuvreduMDPainsi
quesurplusieurscritiquesquantàsonfonctionnement.
Si chaque aspect de ces critiques est détaillé lors de la première partie de la thèse, nous11 étudierons
ensuitel’exécutiondecetinstrumentauBrésil12.Ainsi,danslecadredecettethèse,l’étudeduMDPau
11Onutilise«nous»quandonfaitréférenceauxdécisionscollectivesduprocessusméthodologiquedelathèse. Ils’agitdesnégociationsetdiscussionsentremoi(ladoctorante),madirectriceetmonco-directeur.Onemploie«je»quandils’agitdesmomentsoùseule ladoctoranteprenddes résolutionspar rapportà l’objetde recherche.Cettedémarcationest seulementmiseenlumièrepourdécrirelesétapesetleschoixméthodologiquesdelathèse.12 Il est important de préciser que leMDP a été déjà notre objet d’étude dans le cadre duMémoire deMaster 2. Plus deprécisionssurlagenèsedelathèseenChapitre4.
25
Brésilaétéentrepriseàtraversl’approchedelasociologiecritiqueetdelasociologiedel’actionpublique
française. L’analyse ambitionne de dévoiler la réalité sociale qui repose derrière l’exécution d’un
mécanismevisantàapportercequiressembleàun« consensus »rhétoriqueglobal: ledéveloppement.
Sousleprismedelasociologiedel’actionpublique,notreanalysesefocalisesurleconceptdela« mise
en œuvre des politiques publiques ». En considérant que le MDP constitue un instrument issu d’une
politique environnementale globale, l’emploi de ce concept commeoutil théorique de recherche nous
aidera à démasquer les jeux d’acteurs, leurs logiques des négociations d’intérêts et les rapports de
domination instaurés à l’échelle locale à partir de l’exécution d’un projetMDP. Ainsi, la thèse pose la
problématique suivante: dans le secteur du traitement des déchets, comment se produit la mise en
œuvre des projets MDP de captation de biogaz13 dans les décharges sanitaires14 dans la région
métropolitaine de Rio ? Au regard de cette problématique, notre objectif consiste à faire une lecture
critiquede la réalitéde lamiseenœuvred’un instrumentde lapolitiqueenvironnementaleonusienne
dans les décharges sanitaires de lamétropole de Rio à partir des aspects constitutifs de la notion de
« développementdurable ».
Enréalité,la« miseenœuvre »signifie« l’apparition »d’unprocessussociopolitiquequisecaractérisepar
unensembled’actionssociales forgéesentredifférentescatégoriesd’acteurspar lebiaisde lamiseen
place d’une action publique (Padioleau, 1982). De cettemanière, son étude révèle la façon dont une
actionpubliqueestreçueparlesacteurssociauxetcommentcesacteurs,différentsdeparleursintérêts
et leurs ressources, s’approprient ces décisions institutionnelles en créant de nouvelles dynamiques
locales (Garcia&Hoeffer, 2015). Padioleau (1982) explique que l’analyse de lamise enœuvre s’avère
être une étudede l’actionpubliquepar « le bas ».Demême, cette analyse donnede l’importance aux
logiqueslocalescommeunaspectpouvantrévélerlespointsdéfaillantsdespolitiquespubliques.
Toutefois,la« miseenœuvre »estunconceptassezlargeetnepossèdepasdedimensionopérationnelle.
Lestravauxempiriquessurcetteapprochen’ontpasaboutiàdesthéoriessurl’usageméthodologiquede
13Composémajoritairementdeméthane (CH4),cegazest responsablede lamauvaiseodeur lorsde ladécompositionde lamatièreorganiquedesdéchets.Lestechnologiesdecaptationdebiogazdesdéchargesvisentsurtoutàréduirelesémissionsdeméthaneenraisondesonimportanteffetdeserre.14 Nom donné au lieu de stockage définitifdes déchets solides urbains au Brésil règlementé par les pouvoirs publics, enportugais «Aterros sanitários».VoirAnnexede la thèsepour la consultationdu lexique relatif au secteurde la gestiondesdéchetsurbainsauBrésil.
26
ce concept sur le terrain (Lascoumes & Galès, 2012). Par conséquent, nous nous sommes limités à
trouverunmoyendel’appliquerànotretravailderecherche.C’estpourquoinousrevenonssurlanotion
de « développement durable ». Nous rappelons que l’objectif de cet instrument est la promotion d’un
développementéconomiquedurabledanslespaysduNon-AnnexeIduProtocole.Nousavonsdoncfait
lechoixméthodologiquedeconstruireuncadrethéoriqueopérationneldel’analysedelamiseenœuvre
duMDPauBrésilàpartirdesélémentscomposantlanotionde« développementdurable ».
À défaut d’aller vers une définition théorique de cette notion en raison de son caractère ambigu et
imprécis15 (Godard,1994 ;Vivien,2003),nousavonsainsiadoptéunedéfinitionplus« pragmatique »et
simplifiéedecequiseraitun« développementdurable »,celledécritedanslesdocumentsdel’ONU.Dans
cettepremièreétapede l’élaborationdenotrecadreopérationnelpourétudier leMDP,nous sommes
allées à la recherche des éléments constitutifs de cette notion décrits dans la Convention et dans le
ProtocoledeKyoto.À l’intérieurdes textesonusiensqui établissent le cadrede lapolitique climatique
globale, nous avons constaté que la conjugaison de 4 dimensions déterminerait, théoriquement, la
réalisation d’un « développement durable » dans les modes actuels de production capitaliste: a) la
préservation des écosystèmes ; b) la croissance économique ; c) le développement économique ; d)
l’éradicationdelapauvreté(caractériséecommeun« développementsocial »).
Cependant,commementionnésplustôt,lesparamètresdechaqueaspectconstitutifdecettenotionne
sont pas explicites dans les textes onusiens. De ce fait, nous avons utilisé des concepts sociologiques
correspondant à chaque élément composant la notion de « développement durable » afin de mieux
encadrernotretravaildeterrainetl’analysedenosrésultats.End’autrestermes,cesconceptsnousont
aidésàétablirdesparamètresthéoriquespourétudierchaque« ingrédient »nécessairepouratteindreun
développementdefaçondurableselonl’objectifduMDP.Ainsi,nouslesavonsremplacésdelamanière
suivante. Premièrement, la dimension « croissance économique » est analysée à travers le prisme du
concept de « marché ». Ce concept délimite un espace où les actions sociales sont orientées vers la
réalisationdel’échangedecapital.Onpartduprésupposéquelaconstructiond’unmarchéestnécessaire
pouravoirunecroissanceéconomique.Ensuite,nousavonsremplacélesdimensionsde« développement
15Certainsauteurs telsqueTheys (2000),Rist (1996)etGiddens (2011) ladéfinissent commeunoxymorepuisqu’elle viseàconcilier deux aspects qui se montrent contradictoires dans le système capitaliste: le développement économique et lapréservationdel’environnement.
27
technologique » et « préservation des écosystèmes » par un seul concept, celui de « écologisation des
pratiques ». Ce concept est associé à la théorie de la Modernisation Ecologique. Elle prévoit une
transformationdessystèmesdeproductioncapitalistesàpartird’undéveloppementtechnologiqueplus
efficacepouvantapporterdesaméliorationsenvironnementales (Buttel,2000).Finalement,nousavons
remplacél’aspect« éradicationdelapauvreté »parleconceptde« justiceenvironnementale ».Lanotion
de« justiceenvironnementale »traduitcomment l’améliorationenvironnementaled’unterritoirehabité
est conditionnée par l’éradication de la vulnérabilité socio-économique de la population qui y habite.
Cettenotionfaitéchoàcelledes« inégalitésenvironnementales »quiexpliquelarelationétroiteentrela
pauvreté et la distribution inégale des risques environnementaux. Autrement dit, afin de pouvoir
protéger une population des risques environnementaux, il faut aussi en finir avec sa précarité socio-
économique. Nous avons ainsi décidé d’appeler ces concepts nos « outils thématiques » pour faciliter
notreanalysedelamiseenœuvreduMDP16.
En continuant sur les aspectsméthodologiques de la thèse, il nous a fallu délimiter un territoire pour
circonscrirel’analysedelamiseenœuvreduMDPauBrésil.Cettedélimitationestimportantepuisquele
Brésil est une République Fédérative dans laquelle chaque État a une certaine autonomie législative.
Autrement dit, chaque État du pays (ou unité fédérale17) peut élaborer ses propres lois et politiques
publiquesdans lamesureoù laConstitution lui confèreuneautonomieadministrative. Il est capitalde
signaler que la mise en place des projets MDP est étroitement liée à la gouvernance locale. Cette
gouvernanceconditionnelechoixdestypesdetechnologiederéductiondesémissions(cellesquisontles
moinschèresoulespluschèressurceterritoire).Lesnormesetlesinfrastructureslocales18déterminent
également quels sont les secteurs les plus attractifs pour l’adoption des projets (Newell, 2009),
influençantlesmodesd’appropriationdumécanismeàl’échellelocale.Nousavonsdoncchoisil’Étatde
RiodeJaneiro,notammentlamétropoledelacapitaledel’État,lavilledeRio.Outrelafacilité19d’entrée
sur leterrain, lepremierprojetMDPenregistréauBrésildans ledomainedesdéchets20setrouvedans
16 Il faut icisignalerquenousneprétendonspasfaireuneévaluationthéoriquede lacapacitéderéalisationde lanotionde“développement durable”. Nous l’utilisons uniquement comme «point de départ» théorique pour l’analyse de la mise enœuvreduMDP.17Unidadefederativa.18Lesinfrastructureséconomiques,politiquesettechnologiques.19 Cette facilité se traduitpar le fait quemoi (ladoctorante) estoriginairedeRio.De cettemanière, connaitre la ville et salogiquedefonctionnementarenduplusfacilel’accèsauterrain.20ProjetMDPinéditdanslesecteurdesdéchetsauBrésiletdanslemonde.
28
une décharge située dans la métropole de Rio. Par ailleurs, un autre aspect ayant contribué à la
délimitation de notre terrain de recherche était le secteur d’activité de la réduction des émissions. Le
secteurdesdéchetsest ledomaineayantattiré leplusdeprojetsMDPdans l’ÉtatdeRio21,maisaussi
celuidont lesémissionsdeGESsontenhausseauBrésilcommedans l’ÉtatdeRio22.Decettemanière,
nous avons choisi 3 décharges sanitaires dans lamétropole de Rio ayant adopté des projetsMDP de
captationdebiogazpourcomposernotrecorpus.
Finalement, nous avons considéré la sociologie critique de Bourdieu comme étant l’approche la plus
appropriée pour discuter la mise en œuvre du MDP dans le domaine des déchets à Rio de Janeiro.
Premièrement,nousconsidéronsquelesecteurdesdéchetsfonctionnecommeun« champ ».Lanotion
de« champ » chezBourdieu traduitunearèneouundomaine« clos »qui fonctionne selon sespropres
règles et normes (Bourdieu & Wacquant, 2014). Nous partons ainsi du principe que la logique de
fonctionnementdusecteurdelagestiondesdéchetssolidesurbainsàRio,avecsespropresrapportsde
domination, façonne l’usage duMDP par les acteurs locaux. Deuxièmement, nous croyons que le fait
d’êtrebrésilienneetnéeàRioaeuuneinfluencedanslechoixdemonobjetderecherche.Enoutre,mes
originesetmonhistoiredesocialisationimpactentfortementlafaçondontjepeuxlireetm’approcherde
cet objet en tant que sociologue et aussi actrice sociale. Dans ce contexte, l’approche engagée de la
sociologie critique a semblé aussi la plus adaptéepour comprendre le fonctionnementd’unepolitique
environnementaleglobaledansunsecteurd’activitélocalequicomporteungrandnombredetravailleurs
informels: lescatadores.Ces travailleursvivantdans laprécaritésocio-économiqueontchoisi le travail
aveclesdéchetscommeformedecontournementdel’exclusionsociale.
Lescatadores23 formentunepopulationdetravailleursquicollectedesdéchetssolidesdans lesrueset
dans les décharges à ciel ouvert au Brésil. Ils cherchent et trient les déchets pour les vendre aux
intermédiaires(atravessadores)afinquecesdernierspuissentlesrevendreauxindustriesderecyclage.La
naissancedecemétieretsoncaractèreinformelsontliésàl’exclusionsociale.Généralement,le« choix »
dedevenircatadorestassociéàuneformedesurviesocio-économiquedansuncontextedemanquede
21Auniveaunational,ilfigurecommele3esecteurayantlamajoritédesprojetsMDP.22Malgréunelégèrebaissedesémissionsobservéedansl’ÉtatdeRioen2015.23 «Chiffonniers» serait la traduction la plus proche de ces travailleurs dans un contexte français (tout en gardant lesspécificitéssocioculturellesdechaquepays).Nousavonschoisidetoujoursutiliser«catadores»pourdésignerlestravailleursinformelsdanslesecteurdesdéchetsdanslecontextebrésilien.
29
qualification professionnelle et/ou demanque d’offre d’emploi. Le caractère informel de cette activité
reflèteainsiles« inégalitéssocialeshistoriques »dupays(Waldman,2013b ;Bosi,2008).
Lescaractéristiquesdémographiquesdelapopulationdescatadoresmontrentleurvulnérabilitésociale.
À l’échelle nationale, le taux d’analphabétisme chez cette population de travailleurs est trois fois
supérieuràlamoyennenationale.Selonlerecensementdel’IBGE,en2010lerevenumoyend’uncatador
deRioétaitde653,15Reais,unchiffre légèrementau-dessusduseuildepauvreté24.ÀRiode Janeiro,
environ 30% des ménages de catadores ne possédaient pas d’infrastructure d’assainissement (IPEA,
2013).Cepanoramade lavulnérabilitédescatadores convergeavec lecontextenationaldes inégalités
socio-économiques.Ilestimportantdepréciserqu’en2017,26,5%delapopulationbrésilienneétaiten
dessousduseuildepauvreté.Enoutre,10%delapopulationlaplusricheauBrésildétiennent43,1%de
la totalité des revenus tandis que les Brésiliens les plus pauvres qui correspondent à 40% de la
populationpossèdentseulement12,3%delatotalitédesrevenus(IBGE,2018).Selonlerapportde2018
de l’OXFAM, leBrésil figureparmi les10pays lesplus inégauxaumonde,occupant la9eplacedans le
classementmondial(OXFAMBrasil,2018).
Le terme « inégalités historiques » est largement diffusé en sciences sociales au Brésil du fait d’une
histoire caractériséepar la colonisationetpar le recoursmassif àunemain-d’œuvred’esclavesvenant
d’Afrique,etcependantplusdetroissiècles.Ainsi,àl’enjeudesinégalitéssocialess’ajoutelaquestionde
la discriminationethniqueauBrésil. Ces inégalités représententdesbarrièrespour la population« non
blanche »enmatièred’accèsaux services sociauxuniversels telsque la santé, l’éducation, le logement
ainsiqueleurinclusiondanslemarchédutravail(Heringer,2002).Àtitreindicatif,selonlerecensement
de l’IBGEde2010,50%de lapopulationbrésilienneest« nonblanche ».Dans cemême recensement,
66% des catadores sont auto déclarés comme « non blancs ». Cependant, la question de l’origine
ethniqueauBrésilreposesurdescritèresdecatégorisationquinecorrespondentpasàl’ancestralité.En
réalité,êtrecatégorisé« nonblanc »peutvarierselonlacouleurdelapeauetlestraitsduvisage.Cette
façonrendlaclassificationracialedifficileauBrésil,raisonpourlaquellenousn’allonspasabordercette
questionliéeauxinégalitésdanslathèse.
24Ceseuilestdéterminéparunrevenumensuelminimumde406Reaisparmois(cequicorrespondàenviron100euros).
30
Auregarddecebrefscénariodescriptifdesinégalitéssocio-économiques(ethistoriques)auBrésiletde
lagenèseduMDP,cette thèseprétendrépondreà laproblématiqueens’articulanten troisparties.La
premièrepartiefaitunétatdes lieuxde larecherchesur leMDPetsur lagestiondesdéchetsàRiode
Janeiro.Elleviseàrendrevisibleslesélémentsayantcontribuéàélaborermonhypothèse.Lathèseviseà
corroborerl’hypothèsequeleMDPestuninstrumentdeluttecontrelechangementclimatiquequiopère
selonunelogiquemarchandepriorisantledéveloppementéconomiqueaudétrimentdelapréservation
environnementale locale et de la correction des enjeux sociaux lors de sa mise en œuvre dans les
décharges sanitaires dans l’État de Rio de Janeiro. Au regard de cette hypothèse, le premier chapitre
remet en cause la place de l’économie dans la résolution des problèmes environnementaux. Dans la
continuité de cette réflexion, nous exposons également les critiques énoncées à propos du
fonctionnementdumarchéducarbonedanslecadreduMDP.Ledeuxièmechapitretraitelaquestionde
l’enjeuclimatiqueàl’échellenationale,demêmequ’ildresseunpanoramadesprojetsMDPdanslepays.
Cechapitreassezdescriptifs’appliqueàmontrerlesdéséquilibressocio-environnementauxentrainéspar
les différents modèles de développement brésiliens. Ensuite, dans le troisième chapitre, nous nous
focalisons sur la gestion des déchets solides urbains à Rio de Janeiro. Ce chapitre est structuré pour
mettreenperspective lagestiondesdépôtsdéfinitifs25desdéchetsdans l’ÉtatdeRioavantetaprès la
miseenvigueurduprogrammede l’ÉtatdeRio, leLixãoZero (« Zérodéchargeà cielouvert »)etde la
PolíticaNacionaldeResíduosSólidos(PolitiqueNationalesurlesDéchets)en2010.Cesactionspubliques
interdisent le fonctionnementdesdéchargesàcielouvertà l’échelle fédéraleetà l’échellede l’Étatde
Rio. Ces politiques rendent également obligatoire la construction de décharges sanitaires comme
l’infrastructure technologique officielle de stockage final de déchets solides. Finalement, le quatrième
chapitredecettepartieviseàexpliquernotredémarcheméthodologique,soitladéfinitiondel’objetde
recherche, le choix desméthodes de recueil des données et lesmultiples limites rencontrées lors du
travaildeterrain.
La deuxième partie de la thèse propose une analyse socio-anthropologique sous la forme de
monographiesàproposdenostroisétudesdecas.Lepremierchapitredecettepartieestdédiéàune
discussion sur le fonctionnement du projet de NovaGerar, le premier projet MDP enregistré dans le
secteurdesdéchetsdanslemonde.Lesixièmechapitredelathèseapportedesélémentsd’analysesurle
25DestinaçãofinaldeResíduosSólidos.
31
projetMDPmis en place dans la plus grande décharge d’Amérique latine: la décharge de Gramacho.
Finalement, lors du septième chapitre, nous présentons le fonctionnement du projet de captation du
biogazdansunedéchargedontl’installationaétéfortcontroversée,laCTRRio.Decettemanière,chaque
chapitrecorrespondàunemonographiedans laquellenousdiscutonsde l’histoiredechaquedécharge
sanitaireen révélant les controverses localesafind’expliciter le contextedemiseenœuvredechaque
projet MDP. Nous argumentons également sur les technologies de réduction des émissions mises en
place dans chaque décharge dans le cadre duMDP et sur leur capacité à apporter une amélioration
environnementalelocale.
Enfin,dans latroisièmepartiede lathèse,nousdressons lebilande lamiseenœuvreduMDPdans le
secteurdesdéchetsdanslamétropoledeRio.Danslehuitièmechapitre,nousexposonslesrésultatsde
notre recherche pour chaque outil thématique constitutif de notre analyse de la notion de
« développementdurable ».De cettemanière, lors dudernier chapitrede la thèse, nous reprenons les
discussionssurlemodèle« néo-développementaliste »brésilienetlecaractèrenéolibéralduMDPafinde
détermineràquelpointcesdeuxaspectsontimpactélaréalisationdesobjectifssocio-environnementaux
dumécanisme.UnefoiscesgénéralisationssurlamiseenœuvrecontroverséeduMDPeffectuées,nous
formulonsunepropositionpour le fonctionnementdunouvel instrumentdemarchépour la réduction
desémissions.Cet instrumentdont les lignesdirectricesne sontpasencoredessinées va remplacer le
MDPlorsdelarentréeenvigueurdel’AccorddeParisen2020.Nousespéronsainsidonnerunevaleur
opérationnelle à ce travail de recherche en l’inscrivant dans la dynamique actuelle de la gouvernance
climatiquemondiale.
32
PREMIÈREPARTIE:LERÉGIMECLIMATIQUEGLOBALETLEROLEDUBRÉSIL
DANSL’ENJEUDUCLIMATÀTRAVERSLEDOMAINEDESDÉCHETS
Cette partie de la thèse est destinée à tracer un panorama théorique de trois thèmes qui composent
notre objet de recherche: la création du MDP comme un instrument économique de réduction des
émissions GES, la gouvernance climatique brésilienne et la gouvernance du secteur de la gestion des
déchetssolidesurbainsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro.Decettemanière,enfaisantl’étatdel’artrelatifà
chaquesujetséparément,lorsduquatrièmechapitre,nousmontronslaconstructiondenotredémarche
hypothético-déductive.Àpartirdecetterevuedelittérature,nousavonsaussiconstruitl’hypothèsedela
miseenœuvreduMDPdans lesecteurdesdéchetsàRiocommelaréalisationd’unobjectifpurement
économiqueparlesacteurslocaux.
CHAPITREI:L’APPROCHEÉCONOMIQUEDESPOLITIQUES
ENVIRONNEMENTALES:LEMARCHÉDUCARBONECOMMEINSTRUMENTDE
LUTTECONTRELECHANGEMENTCLIMATIQUE.
Premièrement,cechapitreaborded’unefaçontrèsbrèvelesréponsessociologiquesàlacriseécologique
mondiale mise en lumière à partir des années70. La discussion s’est focalisée sur les différences
normativesentre la théoriede laModernisationEcologiqueet la« TreadmillofProduction ». La logique
néolibéralede la théoriede laModernisationEcologiqueaune influencesur la créationdumarchédu
carbonecommesolutionpolitiqueàlaluttecontrelechangementclimatique.L’apparitionduMécanisme
deDéveloppementdansleProtocoledeKyotoestensuitel’objetdel’analyse.Lemodusoperandidecet
outil, basé sur les principes de l’économie néoclassique, a laissé apparaitre les inégalitésmondiales et
plusieurs controverses géopolitiques. Finalement, nous présentons un bilan très concis de plus d’une
décennie de mise en œuvre du Traité de Kyoto. Ce bilan est accompagné d’une discussion sur la
métamorphose du MDP dans l’Accord de Paris. Le nouvel accord présente également le marché du
carbonecommel’« unique »alternativepolitiquepourcombattrecephénomèneanthropique.
33
1.1FACEÀLACRISEÉCOLOGIQUEMONDIALE:ENTRELESTHÉORIESDELA« TREADMILLOFPRODUCTION »ETLAMODERNISATIONÉCOLOGIQUE ?
Pour expliquer comment l’économie s’est approprié l’environnement comme une dimension rentrant
danslemarchédecommodités,ilestnécessairedeparlerbrièvementdesrépercussionsdanslemonde
socialdelapriseencomptedel’enjeuduchangementclimatique.Laprisedeconscienceduphénomène
et de ses causes a suscité un grand débat politique et scientifique sur la capacité de l’homme à
transformer son environnement, ainsi que sur les risques pour l’humanité concernant sa propre
empreintesurlaplanète(Crutzen,2002).Durantlesannées70,lemondeaassistéàundéclenchement
deréflexionssurladécentralisationdelaplacedel’hommesurl’ensembledelavieterrestreenraisonde
découvertes scientifiques d’une augmentation exponentielle de GES dans l’atmosphère terrestre. Le
rapportdu« ClubdeRome »de1972,intitulé« HalteàlaCroissance »(1972)ourapportMeadow,aremis
enquestionlacapacitédelaplanèteàgénérerlesressourcesnécessairespouraccompagnerleprogrès
de la société.Unprogrèsqui se traduit par leparadigmede la croissanceéconomique verticale. Cette
criseécologiqueaunecorrélationdirecteavecl’organisationéconomiquesouslaquellel’humanitéopère
(Bonneuil&Fressoz,2013 ;Zalaiewiczetal,2015).« LadégradationgénéraliséedutissudelaviesurTerre
(biosphère)estledeuxièmeélémenttémoignantdubasculementversl’Anthropocène.L’effondrementde
labiodiversitéest liéaumouvementgénéraldesimplification (paranthropisation forestière,agricoleou
urbaine), fragmentation, et destruction des écosystèmes du globe, mais il est aussi accéléré par le
changementclimatique ».(Bonneuil&Fressoz,2013:21)
Cettepriseencomptedesrisquesécologiquesrendusparl’existenced’unecontradictionentrelemodus
operandi du capitalisme et l’écologie a facilité l’ouverture des débats sur la représentation de
l’environnement et son rôle dans notre organisation sociale. Notamment, la prise de conscience de la
capacité humaine d’exploitation progressive des ressources a donné naissance à deux courants des
pensées sociologiques. Ces courants sont apparus entre les années70 et 80 afin d’apporter des
explicationssurcommentlemondesocialpeutfaçonnerlerapportentrel’hommeet l’environnement:
Lathéoriedela« TreadmillofProduction »(ouTOP)etlathéoriedelaModernisationEcologique(Rosaet
al.,2015).
34
D’originenéomarxiste, la théoriede« l’engrenagede laproduction »estunethéoriesocialeaméricaine
crééeparSchnaibergdurantlesannées80.Elleviseàexpliquerleprocessusdialectiqueexistantentrele
développement économique et l’environnement. La vision de l’écosystème comme un fournisseur
éterneldematièrespremières,destinéesàsereconvertirengainséconomiquesparleurtransformation,
est l’élément abstrait structurant des sociétés modernes occidentales (Schnaiberg & Gould, 1994).
« L’engrenagedelaproduction »analysecommentlacroissanceéconomiqueetl’idéedudéveloppement
sontdevenuesdesobjectifs institutionnalisés ainsi quedes composants importantsde la structuredes
sociétésoccidentales (Schnaiberg,1997).Pourcomprendre l’enjeuenvironnementalvécupar lemonde
occidental,ilestfondamentald’observerlesélémentsquiinteragissentdansdesprocessuséconomiques,
politiquesetsociauxdécritssousleprismenormatifdelaTOP.Lathéorieprétendrendreintelligiblesces
enjeux par le dévoilement de la dynamique sociale qui cause les contradictions écologiques. Celles-ci
résultent de l’interdépendance entre la nécessité d’augmenter la production de biens et les
conséquences environnementales de cette production. Le conflit sociologique présenté par la TOP
engagelecapital,l’État,letravailetlesconflitsenvironnementaux(Bacchiegga,2013).
LadynamiquedécriteparlaTOPmontrel’interdépendancedetouslessecteursdelasociétévis-à-visde
l’accélération de la production comme le seulmoyen d’atteindre à un développement économique et
social. Ladynamique, c’est-à-dire l’engrenage, fonctionnedecettemanière: le capital accumulépar la
croissance de la production est investi dans la recherche de nouvelles technologies dont l’objectif est
d’augmenterencoreplus lesprofitsdesentreprises.Ainsi, ledéveloppementdenouvelles technologies
estpossiblegrâceà l’organisationscientifiquedesuniversitésetdesinstitutsderecherche(Gouldetal,
2004).Laraisontientàcequelesystèmeéducatifsoitorganisédesorteàproposerdesformationsqui
visentàaméliorerlastructuredel’engrenagedeproduction.Delamêmefaçon,lesmédiaspromeuvent
la consommation et les avantages du développement économique national afin d’empêcher que
l’engrenageneralentisseounes’arrête.C’estpourquoilaquêtededéveloppementéconomiquedevient
la priorité des politiques des États. Afin de garantir la croissance économique nationale, les États
accordentunepartdeleurpouvoiraucapitalprivéleurpermettantdemaintenirleurproprepouvoir.Par
ailleurs,lesÉtatsestimentmaintenirunrapportdepouvoiréquilibréenverslapopulationencréantdes
politiquespubliquesen faveurde l’emploi etdubien-être social. En réalité, il s’agit d’unpartagede la
croissanceéconomiqueaveclapopulationpourgarantirsasouverainetépolitique(Bacchiegga,2013).De
35
ce fait, selon la modélisation du fonctionnement des sociétésmodernes décrites par la « Treadmill of
Production »,lebien-êtresocialestconditionnéaudéveloppementéconomique.
Toutefois,laproblématiqueenvironnementaleengagéeparcesystèmereposesurlanécessitécontinue
d’extractiondesressourcesnaturelles.Cetteproductionexponentiellegénèredesdéchetsrésultantdes
processus industriels, ainsi que d’autres externalités négatives comme la pollution, tous issus de la
logique accumulative liée à l’encouragement à la consommation. Étant donné que l’engrenage de la
production opère sur les objectifs à court terme, le déséquilibre écologique est une conséquence
négligée par cette dynamique (Schnaiberg, 1997). Ainsi, la théorie de la « Treadmill of Production »
soulignequelesimpactsenvironnementauxperdurerontsilesrelationsentreletravail,lecapitaletl’État
restentancréessurunsystèmedeproductioncroissante(Schnaibergetal,2002).
Lecadrethéoriquede« l’engrenagedelaproduction »montréci-dessusaétédessinédanslesannées80
auxÉtats-Unis.L’objectifétaitd’expliquerlavariabledeladestructionenvironnementaledanslasociété
américaine à travers une explication sociologique montrant comment les forces conductrices de
l’expansionéconomiquerentrentencontradictionaveclaquintessencelimitéedesécosystèmes(Buttel,
2004).Pendant très longtemps,cette théorieaétéclasséecommenéomarxiste.Buttel (2004) souligne
qu’elle était considéréemarxiste à une époque où la sociologie américaine était encore réceptive aux
courantsmarxistes.Cependant, laprédominanceduparadigmenéolibéraldans lemondeest l’unedes
raisonspour lesquellesune théoriematérialisten’apaseuautantdepopularitéparmi la communauté
scientifique du XXIe siècle. L’émergence d’une sociologie post-moderne née de la crise de l’idéologie
marxisteà lafinduXXechercheplutôtàs’écarterdelastructuredelapenséesocialedecetteépoque.
Lessociologuescherchentàcomprendre lasociétémodernecommeunproduitdu« désenchantement
dumonde » (Giddens,1987).Bienqu’elle soitenracinéedans les structures conceptuellesmarxistes, la
métaphore de la « Treadmill of Production » ne suggère pas que les causes des problèmes
environnementaux soient uniquement relatives au capitalisme, aux technologies ou aux entreprises
privées. En réalité, l’enjeu de cette roue de la production qui ne doit jamais s’arrêter est ancré dans
l’ensembledesdynamiquessocialesquilanourrissent.
AvantdecontinuerlesdiscussionsàproposdelathéoriedelaModernisationEcologique,ilestimportant
d’éluciderrapidementdequoiils’agitl’influenceduparadigmenéolibéraldanslesmodesd’organisation
36
économico-politiqueactuels.Lenéolibéralismepeutêtredéfinicommeunepolitiqueéconomiqueet/ou
uneidéologiepolitique(Laval,2018).Leprojetpolitico-économiquenéolibéralquisematérialiseàlafin
du XXe siècle se traduit par « unemarchandisation impitoyable de la société ». (Dardot& Laval, 2010).
Danslerégimenormatifdunéolibéralisme,lemarchépasseàjouerlerôlecentralendehorsduchamp
économique.Decettemanière,lacroyancenéolibéraleplacelemarchécommelasourcepourlacréation
des solutions pour les enjeux publics et privés (Laval, 2007). Harvey (2007) définit le néolibéralisme
commetel:«neoliberalismisatheoryofpoliticaleconomicpracticesproposingthathumanwell-being
canbestbeadvancedbythemaximizationofentrepreneurialfreedomwithinaninstitutionalframework
characterized by private property rights, individual liberty, unencumbered markets and free trade »
(Harvey,2007:22).
Dans l’ordre néolibéral, la rationalité économique du « laissez-faire » s’est imprégnée dans toutes les
sphères de la société. Ainsi, dans une traduction foucaldienne de ce nouvel ordre, l’État cherche à
légitimersonpouvoiràpartirdubonfonctionnementdes jeuxde laconcurrencedans lasociététandis
que lui-même a adopté les mécanismes du marché au sein de ses propres institutions. En réalité,
l’appareil étatique a intériorisé la logique dumarché dès lors qu’il exerce son pouvoir pour réguler et
encourager les jeux de la concurrence (Laval, 2010 ; Harvey, 2007). Nous pouvons penser ainsi que le
néolibéralismearéussiàappliquerlanotiondeconcurrenceau-delàdesactivitésmarchandes.Decette
façon,ilaassujettitouslesautrestypesd’activitéssocialesàcettelogiquemarchande.
D’une façon générale, le néolibéralisme s’applique à trois champs sémantiques. Il peut être traduit
commeuneidéologiedanslamesureoùilcomposeunensemblenormatifdesidéesoùlemarchéestun
espacedeséchangesdebiens capablede réguler lebien-être social. Lenéolibéralismepeutêtre aussi
conçu comme une forme de gouvernement où le pouvoir se légitime par l’encouragement à la
concurrence. Finalement, il peut être aussi interprété comme une forme d’organisation sociale où les
liens sociaux sont construits sous les rapports d’utilité et de la concurrence. (Machado, 201926 ; Laval,
2007).Ainsi,Laval(2010)résumelalogiquenéolibéraledansuneperspectivebourdieusiennecommeune
formededomination.« D’un côté, l’enjeude cequi seranomménéolibéralisme sembleessentiellement
théorique et idéologique. Il s’agit d’une prétention des économistes dominants à imposer leur
26OpdHaber,2012
37
représentation du monde économique et social, produisant par là des effets idéologiques puissants »
(Laval,2010:202).Cettedominationpeutsetraduireparuneinstitutionnalisationdelaconcurrenceoù
nous assistons à la transformation en marchandise des situations « non-marché ». Au regard de cette
brève discussion sur la notion du néolibéralisme, nous allons discuter cette rationalité néolibérale
appliquéeàlarésolutiondelacriseenvironnementaleaulongduchapitre.
Ainsi en fonction de sa relation étroite avec le paradigme néolibéral prédominant, la théorie de la
ModernisationEcologique(ME)créeuncadrenormatifmoinsradicalqueceluide la« TOP ».Au lieude
pointer leparadigmede lacroissanceéconomiquecomme le« vilain »de l’environnement,elleapporte
des explications « sociologiques » sur comment les enjeux environnementaux actuels pourraient être
corrigés au sein du système capitaliste (Mol, 1995). La Modernisation Ecologique met l’accent sur
l’innovation technologique comme un aspect fondamental pour contourner les problèmes
environnementauxauseindumarché.Béalprécisebienlaplacedesinnovationstechnologiquesausein
delathéoriedelaModernisationEcologique:« Plusgénéralement,laModernisationEcologiqueaccorde
unrôledéterminantauxtechnologiesdanslarésolutiondelacriseenvironnementale[…]enparticipantà
laréorientationécologiquedessystèmesproductifs »(Béal,2016:225).
La Modernisation Ecologique explique le potentiel du système capitaliste dans la construction des
mécanismeséconomiquesetpolitico-sociauxpourl’atténuationdesdégâtsenvironnementauxetpourla
correctiondes risquesentrainéspar laproduction croissantepar lebiaisde l’innovation technologique
(Mol& Sonnenfeld, 2000). La théorie se focalise sur la tendance du secteur privé à entreprendre des
améliorationsenvironnementalesdans lesprocessus industrielsafind’optimiser leurproduction.LaME
lance une perspective plus optimiste de l’organisation sociale du capitalisme en prévoyant un
changementdescomportementsd’acteursprivésfaceàl’enjeuenvironnemental.Cechangementsedoit
notamment à un besoin d’augmentation de l’efficacité productive à partir de l’internalisation des
externalitésnégatives(Buttel,2000).
Baséessurl’efficacité,cesaméliorationsseraientviablesdansunemodernisationencoreplusefficacedes
systèmes industriels. De ce fait, la Modernisation Ecologique voit la transformation de pratiques
industrielles transmutées aussi vers les institutions politiques. L’adoption des lois et des politiques
publiquesplusécologiquessuivraitlatendanced’uneproductionplusefficaceentermeséconomiqueset
38
environnementaux(Mol,2002).Decefait,Mol(2002)voitlathéoriedelaMEcommeunoutilquidécrit
les changements structurels de sociétés et des institutions vers l’adoption de la dimension
environnementale dans les pratiques. Cette « nouvelle » rationalité environnementale conduirait à des
changementsàdepetiteséchellesdanslesecteurprivéainsiquedanslesecteurpublicdessociétésplus
modernes. Rosa et al. (2015) expliqueque la théorie de laModernisation Ecologique s’approchede la
théorie économique néoclassique dans la mesure où elle prévoit que les premières étapes du
développement économique d’un pays sont accompagnées de pollutions et de problèmes
environnementaux. En revanche, quand celui-ci atteint un certain niveau de croissance, il adopte
progressivementdespratiquestechnologiquesquileconduirontàlaprotectiondel’environnement.
Auregarddecesprémisses,lathéoriedelaModernisationEcologiquefaitsonapparitionenEuropedans
les années90afinde comprendre sociologiquement les (éventuelles) améliorationsenvironnementales
aperçuesauniveaulocaldanscertainspayseuropéens(Zaccai,2015).Danscecontexte,Hajer(1996)et
Buttel (2000) mettent l’accent sur les deux différents types d’appropriations de la théorie de la
Modernisation Ecologique. La première consiste à l’interpréter comme un outil théorique visant à
comprendrelesdiscourssurl’environnementprésentdansleschampspolitiquesdespaysdéveloppés.La
deuxièmeappropriationreposesursonutilisationcommeunprojettechnocratique.End’autrestermes,il
s’agit d’interpréter la théorie comme un outil théorique permettant d’entreprendre des projets
environnementaux dans une échellemicro. L’objectif ultime serait donc de traduire théoriquement la
recherche de l’optimisation économique à partir des innovations technologiques qui englobent une
dimensionenvironnementale.Enréalité,lathéoriedelaMEnereposepassurunpostulatcommecelle
de la « Treadmill of Production » puisque son développement n’est pas associé à un corpus théorique
sociologique consolidé comme celui des théories marxistes ayant inspiré la construction de la « TOP »
(Buttel,2000 ;Foster,2012).«Instead,ecologicalmodernizationthoughthasbeenmorestronglydriven
by extra-theoretical challenges and concerns (e.g., about how to respond politically to radical
environmentalismandhowtoconceptualizeeco-efficiencyimprovementsthatarecurrentlylinkedtonew
management practices and technical-spatial restructuring of production). EcologicalModernization has
essentiallybeenanenvironmentalscienceandenvironmentalpolicyconceptwhichhassubsequentlybeen
buttressedwithanumberofcitationstosocial-theoreticalliteratures »(Buttel,2000:64).
39
Ainsi, du point de vue des risques, la théorie de laModernisation Ecologique est perçue comme une
réponseplusoptimistequeleradicalismeenvironnementaldela« TreadmillofProduction ».Enréalité,la
distinction entre les deux théories repose sur la question de l’échelle. La « TOP » regarde les risques
environnementauxdansuneperspectiveplusglobale,cellede ladynamiquede laproductiondansune
société.Sonhypothèsereposesurunchangementprofonddansl’organisationdusystèmecapitalisteet
de sa dynamique politico-sociale pour atténuer les risques environnementaux. En revanche, la
ModernisationEcologiquenevoitpaslaviabilitéd’unchangementprofonddanslesystème.Enacceptant
le système capitaliste tel qu’il est, la ME voit les fenêtres de possibilités de changements dans la
production. Elle prend en compte la question environnementale dans les processus industriels à un
niveauplus local. Ces « petits » changements à l’échelle locale configuraient unpas vers l’écologisation
despratiquesdessociétésmodernes.Enraisondecetteperspectivetrèsradicale,lathéoriedela« TOP »
estaperçuecommetrèsutopique(Mol,2000).
Envuedel’absenced’unestructurethéoriquedetraditionsociologique,lathéoriedelaModernisation
Ecologiquedécritunprocessusd’écologisationdessociétéssanscréerd’hypothèsesrobustessurlerôle
del’Étatetdelasociétécivile(Zaccai,2015 ;Bouleau,2011 ;Buttel2000).Lesenjeuxderrièrelesrapports
du pouvoir, ces derniers étant l’enjeu central des études sociologiques, sont négligés dans cette
perspectived’unprocessusd’écologisationdespratiquesau seindu capitalisme.Hajer (1996) et Theys
(2000) révèlent les limites de cette théorie en affirmant qu’elle n’accorde pas assez d’importance à la
questionculturelleetsocialedesproblèmesenvironnementaux(Rudolf,2014).Parailleurs,l’absencede
catégorisation de ces notions a contribué à l’apparition des critiques de cette théorie lors des travaux
empiriques. En réalité, plusieurs travaux ont montré l’absence d’une corrélation entre efficacité
technologiqueetaméliorationenvironnementaleàgrandeéchelle(Foster,2012).
Destravauxempiriquesmontrentquel’augmentationdel’efficacitédanslesprocessusindustrielsportés
par l’incorporation des technologies plus vertes n’a pas réduit les émissions deGES (Rosa et al,2015 ;
York, 2006). Bien qu’il y ait une augmentation dans l’efficacité énergétique, la consommation et la
productionaugmententplusvite.Desortequelacompensationenvironnementaleapportéeparlegain
d’efficacité ne demeure pas avantageuse en termes d’amélioration environnementale (York, 2010). Au
contraire,lesémissionsmondialesdesGESdansl’atmosphèrecontinuentd’augmenter,malgrélacrisede
2008etunebrèvepériodede stabilisation (Tollefson,2017 ; Peterset al, 2012).Dece fait, lesauteurs
40
démontrent que les enjeux environnementaux ne sont pas résolus seulement à travers l’innovation
technologique et l’augmentation de l’efficacité industrielle, selon les principes de la Modernisation
Ecologique (Janicke,2008). Lacriseécologiquepossèdeaussides racinesculturelles.« Thusgrowthhas
become a part of the taken-for-granted assumptions in most contemporary cultures. Shifts in the
composition of consumption and in the techniques of production could in theory compensate for the
growthinscale,but,aswehavenoted,therearemanystrongsystematicforces,political,economic,and
cultural,thatpreventorsubvertsuchtransactions »(Rosaetal.,2015:45).
En continuant sur les limites de la théorie de la ME, un autre aspect faisant l’objet de critiques est
l’absenced’universalitédecette théorie (Fisher&Freudenberg,2001 ;Fosteretal,2010).Envoyant le
jourdansdespayseuropéenscommel’AllemagneetlesPays-Bas,laModernisationEcologiquedécritun
processusd’écologisationdansdessociétésrichesetindustrialisées.QuoiqueMol(2002)aitsignaléque
la globalisation pourrait être un instrument de dissémination des principes de la Modernisation
Ecologique vers d’autres pays, le processus d’écologisation est lié aux spécificités du processus
d’industrialisation de chaque pays. Cela figure comme une limite de la théorie puisque les pays plus
pauvres ont vécu leur processus d’industrialisation de manière bien différente que celle des pays
européens.Notamment,enAmérique latine,oùceprocessusestmarquépar lapauvretéet l’exclusion
socio-économique (Milanez, 2009). De cette manière, les problèmes environnementaux des pays en
développement sont différents de ceux des pays riches. Dans les pays plus pauvres, les problèmes
environnementaux sont souvent étroitement liés aux vulnérabilités sociales. Le processus de
« modernisation »économiquedespayslatino-américainsn’apasrésolulesinégalitéssocialeshistoriques
marquées par le processus de colonisation. En réalité, leur développement industriel, notamment, au
Brésil,acontribuéà l’intensificationdeces inégalitésau lieudepromouvoirunedistributiondecapital.
De cette manière, l’innovation technologique ne peut pas se présenter comme le seul élément
d’amélioration environnementale dans les sociétés des pays en voie de développement (Ficher &
Freudenberg,2001)
Malgrécescritiques,lathéoriedelaModernisationEcologiqueresteuncadrethéorique« trèsséduisant »
pourpenser lesproblèmessocio-environnementauxdans l’actualité.D’ailleurs,commeButtel (2000)et
Fosteretal(2010)lesoulignent,laModernisationEcologiqueestplusséduisantequela« TOP »enraison
duradicalismedecettedernière.Lacriseécologiquesousleregarddela« TreadmillofProduction »acréé
41
uneruptureentreécologieetéconomie.Enrevanche,laModernisationécologiqueenvoulantconserver
lacroyancedanslesystèmecapitaliste,arecréecelien.« Ils’agitenapparenced’unoxymore,c’est-à-dire
delajuxtapositiondedeuxtermesaprioriopposésoucontradictoires »(Theys,2000:13).Enthéorisantla
technisationetl’économisationdel’environnement,cettethéorieaparlélelangagedel’industrie(Béal,
2016 ; Rudolf, 2014). Au lieu de proposer le ralentissement de la production, comme la TOP, laME a
« calmé »ceproposradicalensoulignantquelarésolutiondesproblèmesenvironnementauxsetrouveau
seindecepropresystèmequi lesontcausés (Theys,2000).« Lamodernisationécologiqueaccordeune
importance nouvelle aux régulations marchandes dans la gestion des problèmes environnementaux »
(Béal,2016:3).
Ainsi, le pouvoir de séduction de ce courant de pensée repose dans la maintenance et dans
l’encouragement du statu quo du système économique contemporain. « La modernisation écologique
constitue, en fait, le référentiel contemporain des politiques d’environnement, réalisant un compromis
savantentre lavisionnéolibéraleet lescritiquesenvironnementales »(Mormont,2013:159).Depuis les
années90,lespolitiquesenvironnementalessontmarquéesparce« tournanttechnico-économique »de
résolutionsdesproblèmesenvironnementaux (Theys,2000).Par conséquent, lespolitiquesglobalesde
luttecontrelechangementclimatiqueopèrentdanslalogiquedelacroissanceéconomiqueassociéeàla
réductiondesémissionsdeGES.CommeNewell&Patterson(2009)lesoulignent,lespolitiquesdeclimat
sont à chaque fois plus dirigées vers le marché et par le marché. Ainsi, la création d’un marché du
carboneseprésentecommeunoutilquilégitimeuneréponsenéolibéraleàl’enjeuduclimat(Baileyetal,
2011).Envérité, lanotionde« coût-efficacité »derrière lemarchésemontreplus« attirante »pour les
gouvernementsetlesindustries.Parextension,ilestpréférable,dansunelogiquenéolibérale,deréduire
les émissions de GES à travers lemarché, plutôt qu’à travers la création des lois contraignantes pour
l’industrie(Bailey&Maresh,2009).
1.1.1.Lacréationdumarchéducarbonecommeréponsepolitiqueàlacriseécologique:Quelleestsalogiquedefonctionnement ?
La discipline de l’économie a donné une réponse pragmatique à la résolution de la crise écologique
portée par le phénomène du changement climatique (Mackenzie, 2009). Cette résolution serait la
42
création d’unmécanismed’échange de quotas de carbone visant à réduire les émissions deGES dans
l’atmosphère.Théoriquement, la réductiondesémissionsGESdans laplanète seraiteffectiveà travers
l’incitationmarchande.Cetteréponsedeséconomistesàlacriseenvironnementalerépondexactementà
l’hypothèse de la Modernisation Ecologique. Une hypothèse qui envisage que la correction des
problèmesenvironnementauxapportésparlecapitalismesetrouveauseindusystèmeensoi.Lemarché
du carbone serait ainsi un outil préconisé par les politiques environnementales globales pouvant
concrétiser la possibilité de perpétuer un comportement capitaliste. Ce dispositif vise l’efficacité et le
profit,touten« montrant »unepréoccupationécologique.C’étaitdanslesannées60, lorsduprocessus
deconstructiondelaprisedeconsciencedelacriseenvironnementale,queleséconomistesaméricains
sesont« agités »pourdétecter les faillesdans lessystèmeséconomiquesayantentrainé lesproblèmes
environnementaux. (Gomez-Baggethem, 2009). « Les économistes qui partagent les mêmes
préoccupations que nous, mais sans remettre en cause les visions habituelles des marchés. » (Callon,
2017:453)
Godard (2004) tisse une argumentation philosophique sur la raison du champ de l’économie à
s’intéresserauxproblèmesenvironnementaux.Dufaitdelaconditiondelavulnérabilitéhumainefaceà
la nature, le paradigme technico-scientifique de nos sociétés nous permet d’avoir le sentiment de la
« maitriser »àtraversnosoutilsscientifiques.Ilsoulignequedanslalogiquedelarationalitétechniquedu
champ de la discipline, elle vise à donner du sens à l’environnement à partir de sa quantification. En
réalité, sur les postulats économiques, l’environnement est perçu comme un ensemble des biens
collectifs.Ainsi,lechampdisciplinairedel’économieréussittoujoursàdonneruneréponseplus« rapide »
aux problèmes environnementaux en fonction de son pragmatisme dans la résolution de ces types
d’enjeux (Mackenzie, 2009). Son pragmatisme repose, toujours selon Godard, dans le fait que ses
énoncés possèdent des affinités avec les sciences naturelles et aussi avec les sciences sociales.
L’économie comporte une approche de modélisation de la société étant très proche des Sciences
Naturelles.Mais elle crée également des cadres normatifs sur le comportement humain dans l’espace
privéetpublic.CettedernièredimensionlarapprochedesSciencesSociales.
De ce fait, la discipline de l’Economie de l’Environnement est créée à partir du développement des
méthodes qui peuvent inclure la dimension environnementale dans les modèles économiques. La
fondation théorique de l’Économie de l’Environnement se trouve dans la théorie des externalités.
43
(Cropper & Oates, 1992). La faille dans le système économique repose sur le fait que la théorie de
l’économienéoclassiqueneprendpasencomptedanssonmodèlelesproduitsdesécosystèmes,c’est-à-
dire les ressources naturelles comme des biens privés (Bomtemps & Rotillon, 2013). En réalité, l’air
propreet l’eausontvuscommedesressourcescommunesetpartagées.Hardin(1968)danssonarticle
«Tragédie des communs », explicite la dynamique de l’exploitation « sans règle » par les acteurs
économiquesdesressourcescommunescommeune« tragédie ».Cette« tragédie »prendformedansla
mesureoù,en l’absencederèglesoudeprixsur lesbiens,chaque l’acteur lesutiliseselonsespropres
intérêtsenignorantlesbesoinsdelacommunauté.L’analysedesactionsindividuellesquiexploitentles
bienscommunsaudétrimentdesapréservationpour lacollectivitéaobligé leséconomistesàrevoir le
cadrethéoriquedel’Économienéoclassiqueàproposdesexternalités.
Leproblèmedesexternalitésreposesurceprincipeoùl’actiond’unacteurpeutavoirunimpactnégatif
sur un autre acteur. Comme il n’existe pas de prix fixé sur les biens en commundans le modèle du
marchédanslathéorienéoclassique,lesexternalitésnégatives,c’est-à-direlesdégâtsenvironnementaux,
seproduisentàcausedesdéfaillancesdumarché(Bontemps&Rotillon,2013 ;Gomès-Baggethein,2009).
Ainsi,d’unpointdevueéconomique,lescausesdesenjeuxenvironnementauxreposentsurl’évaluation
défaillante des ressources communes. « Les causes importantes des dégradations environnementales
portent sur la sous-estimation de la valeur des biens environnementaux. Il n’existe même aucun
mécanisme institutionnel, privé ou public, qui conduise à lui en attribuer directement une. Ces biens
apparaissent donc comme gratuits et courent les risques d’être surexploités ». (Bontemps & Rotillon,
2013:23).Lasolution laplus« rationnelle »seraitdoncd’économiser l’usagedecesressourcesen leur
attribuant une valeur (Cropper&Oates, 1992 ; Gomès-Baggethein, 2009). La figure ci-dessousmontre
commentlesexternalitésaffectantlesacteurséconomiquesnesontpasprisesencomptedanslemodèle
d’unsystèmedemarchéautorégulateur.Leslettrescorrespondentàl’actionbilatéraledeventeetachat
dansunsystèmemarchandquineprendpasencomptelavaleurdel’environnementautour.
44
Figure1:Lesexternalitésnégativesdanslemodèleclassiquedumarchéautorégulateur
Source:Godard,2004.
La nécessité de limiter les externalités en raison de la crise écologique a poussé les économistes à
envisagerdeux solutionspossibles. Lapremièreconsisteraità restreindre l’exploitationdecesbiensen
imposant de taxes aux acteurs économiques. Tandis que la deuxième solution serait de laisser à ces
agents la responsabilitéde trouvereux-mêmesune solutionafinqu’ilspuissent continueràutiliser ces
ressourcessanssubirdegrandesrestrictions.Coase(1960)adessiné« lespectrum »etlabasethéorique
dumarchéducarboneenvoyantlapossibilitépourunacteuréconomiqued’endédommagerunautreen
matièred’activitésnuisantauxressourcescommunes.Undroitdepropretéestfixésurcebiencommun
dans l’objectif d’arrêter la production des externalités négatives. La pure rationalité économique qui
repose derrière les échanges d’externalités se traduit par ce qu’il définit comme une « mutually
satisfactorybargain ».Enfait, ils’agitd’unenégociationentreunacteurproducteurd’externalitésetun
autrepouvantlessubir.Enmettantcesdeuxagentsencontactetenattribuantunevaleuràl’utilisation
des ressources, celui produisant les externalités peut dédommager l’autre. D’une autremanière, celui
subissantlesexternalitéspeutaussipayerceluiquilesproduitpourqu’ilarrêtedeles« fabriquer ».Ainsi,
d’un point de vue de la rationalité économique, ces agents arriveraient à un résultat satisfaisant et
réduiraient laproductiondesexternalitésà traverscetterelationmarchande.Dans leplanthéorique, il
est important de souligner que cette négociation n’aurait seulement lieu qu’entre des acteurs
économiques.
Le marché du carbone est né au début des années2000 aux États-Unis lors de la création des
programmespourlaréductiondelapollutionindustrielle27(Mackenzie,2009 ;Newell&Patterson,2009 ;
27“AcidRainTradingProgram”et“RegionalCleanAirIncentiveMarkets”
45
Facheux & Joumni, 2005). Or, comment le marché du carbone fonctionne-t-ild’un point de vue
technique ?UneinstitutionétablitunplafondderéductiondesémissionsdeGESpourchaqueentreprise
oupays,danslecasduProtocoledeKyoto.Chaquepayspossèdeainsiunnombrededroitsdepropriété
correspondantaunombrederéductionsdeGESqu’ilaeffectuésursonterritoire.Danslecasoùcepays
aréduitplusd’émissionsqueleplafonddétermine,ilpeutvendresestitresdepropriétéàd’autrespays
ayantdesdifficultés à réduire leurs émissions. Cettedynamique vise à la créationd’unebourseoù les
acteurs peuvent échanger leurs « titres de propriété de ressources environnementales » (Bontemps &
Rotillon,2013).Enrevanchepourquecettedynamiquefonctionne,« ilestnécessairequelemarchédes
droitsàpolluersoitconcurrentiel,cequiimposeenpratiquelaparticipationd’ungrandnombred’agents »
(Bontemps&Rotillon,2013:57). La figureci-dessous illustrecettedynamiqued’achatetdeventedes
quotasdecarbone.
Figure2:Schémadefonctionnementthéoriquedumarchéducarbone.
Nous observons que lors qu’un plafond de réduction est établi, le pays ayant réalisé des économies
d’émissions peut vendre ses quotas à ceux ayant dépassé le plafond d’émissions. Ainsi, s’agissant de
l’efficacité économique, quel est l’avantage àmettre en place unmarché du carbone ? « En supposant
l’existence de coûts de réduction différenciés entre les agents économiques, le recours à un système
d’échangededroitsd’émissionviseàégaliserlescoûtsmarginauxentrelesdifférentsacteurs. »(Facheux
46
& Joumni, 2005: 48). Dans le contexte du Traité de Kyoto, en établissant un plafond de réduction
d’émissionsàeffectueràunniveauglobal,lemarchépermetauxpaysd’échangerdesdroitsdepropriété
(quotasdeCO2)entreeux.Unobjectifdedépollutionchiffréestpartagéentretouslespayssignataires.
Cette solution s’avère plus attractive pour les gouvernements enmatière des coûts de réductions des
émissions(Borde&Joumni,2007 ;Blanchard,2000).LecoûtderéductiondeGESpeutêtreélevépourun
paysetmoinsélevépourunautre.Ainsi,siunpaysdépasse leplafondd’émissions, ilpeutacheterdes
« créditscarbone28 »provenantd’autrespaysdontlaréductiondeGESnereprésentepasungrandcoût.
Envuedecettedifférencedecoutpourréduirelesémissions,lemarchéducarboneoffrel’opportunité
d’uniformiser le coût marginal de réduction en mettant en contact les agents économiques. Ainsi,
théoriquement, le plafondmondial de réduction serait respecté dans lamesure où, lors des échanges
marchandsdeCO2,lesémissionsémisesd’uncôtéseraientrécompenséesdel’autreàtraversl’absence
des émissions (Facheux & Joumni, 2005). Mais dans quelle mesure une solution d’ordre économique
reflète-t-elledeschoixpolitiques ?
Premièrement, comme Callon (2017) précise, tous les types de marchés possèdent un « agencement
marchand ». Du moment que les acteurs qui constituent un marché n’opèrent pas sur une pure
rationalitééconomique,l’agencementmarchandestunconceptquitraduitlesrapportsentrelesacteurs
ou les institutions intermédiaires structurantunmarché.Dece fait, les relationsentrecesacteurs font
l’objet de rapports de pouvoir. Ainsi, le premier aspect politique dumarché du carbone repose sur sa
régulation. Ainsi, la « transformation » du marché du carbone dans un instrument de politique
environnementalenécessitedeuxélémentsdenaturepolitique: l’établissementdenormesdequalités
environnementales et la créationd’un systèmede régulationdumarché. Lepremier aspect consiste à
déterminerunequalité« idéale »del’airdansuncontextedepollutiondesGES.Enl’occurrence,ils’agit
d’établirquelniveauderéductiondesémissionsseraitnécessairepouratteindreunecertainequalitéde
l’air29 (Cropper&Oates, 1992). Autrementdit, c’est de choisir cequi constitueunniveaudepollution
« acceptable ». Cette action constitue déjà un choix d’ordre politique. Le deuxième aspect est le choix
d’un système régulateur du marché. La mise en place de ce système implique de désigner quelles
28 Dans le cadre du Protocole de Kyoto, les crédits carbone représentent les droits de propriétés correspondant à «l’airpropre»commeunbiencommun.29 Plus tard dans le chapitre, nous allons discuter le plafond de réduction de GES établi par le Protocole de Kyoto pour laréductiondesémissionsauniveauglobal.
47
institutions seront chargées de la sélection et de la coordination des différents types de dispositifs
disponiblespourcontrôlerlefonctionnementdumarché.L’ensembledeceschoixcréeainsidesrelations
depouvoirquipénètrentlastructuredumarché.Celadit,nouspartonsdupostulatqu’unmarchén’est
pas une entité indépendante et autorégulatrice comme préconisent les économistes néoclassiques
(Polanyi,2011).Ilestconditionnéparlesrapportsdedominationetaussiparlanégociationdestratégies
etd’intérêtsentrelesacteursqu’yparticipent(Dobbin,2001).
Unautreaspectquirévèlequelemarchéestproduitd’unchoixpolitiquereposesurl’acted’adoptercet
instrumentcommeunesolutionpourrésoudrelesproblèmesenvironnementaux.LorsduSommetdela
Terre à Rio en 1992, les gouvernements des États-nations ont refusé l’adoption de taxes à l’échelle
nationalecommeinstrumentderéductiondesémissions(Godard,2002).Lerefustientàl’inquiétudedes
pays de ne pas perdre leur compétitivité industrielle dans le marché mondial. « Traditionnellement,
l’arbitrage entre les différentes politiques publiques envisageables pour lutter contre les pollutions est
établi dans le cadre d’une analyse coûts-bénéfices qui compare, pour chaque politique, l’ensemble des
coûtsetdesbénéficesissusdesonapplicationpourlacollectivité.Lechoixseportealorssurlapolitiquede
dépollutionlamoinscoûteuseetgénératricedesbénéficeslesplusélevés. »(Borde&Joumni,2007:55).
Callon(2017)soulignequechoisirentre lesdeuxsolutions(lestaxesoulemarché)représenteunchoix
politiquepuisqu’ilfautavoirdesdispositifsinstitutionnelsquilesmettentenplace.Aulieud’imposerdes
taxescontraignantespourlaréductiondesémissionsdeGES,leProtocoledeKyotoaprévul’échangedes
quotasdepollution(decarbone)entrelespaysafinqu’ilspuissentcontinuerleurcroissanceéconomique.
Dece fait, cettedécisionnemetpasenpéril la structure idéologiqueet institutionnellede l’économie
mondiale. (Gomès-Baggethein, 2009). Mackenzie (2009) précise que le choix de créer un marché du
carboneétaitunestratégiepolitiqueà« mi-chemin ».Elleaservipourplaireàla« droite »pro-marchéetà
la« gauche »environnementalistelorsdesnégociationsclimatiquesglobales.Sid’uncôté,lagouvernance
onusienne sur le changement climatique impose des limites d’émissions dans les pays développés. De
l’autre, ellene restreintpas lesprocessus industrielsde cespaysdans lamesureoùelleprésenteune
possibilité de flexibilité en matière d’échanges de quotas de carbone. Ainsi, au lieu de restreindre le
marchépardestaxes, l’idéedecemarchéducarboneoffredesnouvellesopportunitésd’accumulation
decapitaletcréedenouveaux« agencementsmarchands »(l’apparitiondesrôlesd’intermédiaires,etc.).
48
BienquelechoixdumarchéducarboneaitpluauxÉtatsetauxindustriesnationales,ilasubidesfortes
critiques de la part de la presse, des mouvements écologistes et des ONG environnementalistes
(Hourcade, 2002). Une de ces critiques portait (et porte toujours) d’abord sur la capacité régulatoire
onusienned’empêcherlesabusdanslesystèmed’échangedequotasdecarbone.L’autre« problème »du
marchéducarboneconsistedansl’iniquitédespaysimpliquésdanscesystème.Commelemarchéviseà
uniformiser lecoûtmarginalglobalde réductiondesémissions, ilest sûrquecertainspaysaurontplus
d’avantages dans la vente de crédits que d’autres. En raison de l’organisation économique propre à
chaque pays, chacun se confrontera à des difficultés ou à des avantages dans la mise en place des
différentssystèmesderéductiondesémissions.Ainsi,lecoûtderéductiondepollutionpourceuxayant,
par exemple, une matrice énergétique « plus propre » serait différent de ceux dont le processus de
production est plus polluant. Ces derniers « accusaient » ainsi cette gouvernance climatique globale de
mettreenpéril leurcompétitivité internationale30enuniformisant lacapacitédechaquepaysàréduire
des émissions GES (Godard, 2002). Enfin, les plus grandes critiques portaient sur le recours à un
instrumentdemarchépourlasolutiond’unenjeuenvironnementalquiaétéentrainéparlemarché.« La
critique de ces mécanismes venait naturellement s’insérer dans la critique plus générale de la
mondialisationetlamarchandisation(Hourcarde,2002:152) ».
1.1.2.Leréférentielglobaldespolitiquespubliques:Lerôledeséconomistesdansleprocessusdedécisiondespolitiquesenvironnementales.
« Unaccordtropcouteuxseraimmanquablementremisencause.L’enjeudel’efficacitééconomiquedans
laluttecontreleréchauffementclimatiquen’estdoncpasseulementdeminimiserl’impactnégatifdeces
politiquessurlepouvoird’achatdesménagesàobjectifdonnéderéductiondesesémissions,maisaussià
rendrecetteluttepluscrédible »(Tirole,2009:14).Ainsi,dupointdevuedeséconomistes,Tirole(2009)
précisequelamiseenplaced’uninstrumentcommelemarchéducarbonepourréduirelesémissionsde
GESrendlaluttecontrelechangementclimatique« pluscrédibleetplusefficace ».Parconséquent,avant
30 À propos de la menace à la compétitivité industrielle dans le marché international, les États-Unis ont abandonnél’engagement fait lors du Protocole de Kyoto en 2005. Le pays accusait le traité d’être très contraignant envers les paysdéveloppés en établissant des objectifs de réduction et ,au contraire, pas assez « sévère» avec les pays en voie dedéveloppementcommel’Inde,laChineetleBrésil.Craignantdeperdreleurcompétitivitéauniveauinternationalvis-à-visdespaysenvoiededéveloppement,lesÉtats-Unisn’ontpasratifiéleProtocole(Newell&Patterson,2009;LeMonde,2005).
49
de discuter la création du Mécanisme de Développement Propre, dans le Traité, il est nécessaire de
s’entendrerapidementsurl’emprisede« l’efficacité »commeobjetcentraldanslacréationdespolitiques
publiques.Pourmieuxéluciderlerôlecentraldel’économiedanslafaçondontlemondeestconstruità
travers lespolitiques,PierreMullera créé lanotionde« référentiel global » (2015).Cettenotionviseà
traduire comment une pensée sur le monde conduit le sens de l’action publique. Autrement dit, le
« référentielglobal »estuneperspectivequinousinciteàdéfiniràquoiconsistel’Étatetsurtoutàquoiil
sert(Muller,2015).
Ainsi,lerôledel’Étatdanslessociétésmodernessertàmettreenplacedesdispositifsrationnelsaidantà
mettre en ordre lemarché. Dans cette perspective, l’action publique devient libérale, son objectif est
d’assurerlebonfonctionnementdes« agencementsmarchands ».Parconséquent,Muller(2015)souligne
que l’Economie est le cadre normatif central qui façonne la forme dont nous pensons le monde.
L’efficacité est associée à l’Économie puisque cette discipline travaille sur les outils scientifiques pour
penseretrationaliserlaproductiondelarichesse.Ainsi,laquestionde« l’efficacité »estcentraledansla
pensée économique. « La pensée du monde global est d’abord une pensée économique, parce que la
questioncentraledecettepenséedumondeestcelledelaproductiondelarichesseetdudéveloppement.
Decefait,onobserveuneformed’hégémoniedelapenséeéconomiquedanslapenséedumondeglobal.
Les médiateurs (les intellectuels) qui produisent le référentiel global, et, donc, les cadres cognitifs et
normatifsdel’actionpubliquesontd’abordleséconomistes ».(Muller,2015:70).
Cette notion de « référentiel global » de Muller nous permet de rediscuter comment l’option de la
créationd’unmarchéducarbones’estimposéecommelaseulesolutionpourlaréductiondesémissions
deGESauniveauglobaldanslagouvernanceclimatiquedel’ONU.Plutôtqued’attaquerlessourcesde
pollutions,commeDahan(2014)lerévèle,lapolitiqueenvironnementaleglobaleonusienneapréféréla
créationd’uninstrumentquimaintientl’ordrenéolibéraldel’Occident(Bailey,2007 ;Baileyetal,2011).
Nous voyons également que le « pouvoir » d’acceptation dans lemonde scientifique et politiquede la
théoriedelaModernisationEcologiquepourcomprendrelacriseécologique(Buttel,2000)estdûaufait
qu’elle « obéit » à ce référentiel global construit à partir des principes de l’Économie. En revanche,
Gomez-Baggethem (2009) révèle que les pays en voie de développement s’assujettissent à cette
hégémonienéolibéraledans lecadrede lagouvernanceclimatiqueglobale. Ilestprobablequecertains
deleurssystèmessociopolitiquesn’opèrentpasaunomdel’efficacité.Cependant,lamiseenplaced’un
50
marché du carbone global peut les obliger à rentrer dans le cadre de ce référentiel global occidental.
« When exporting market mechanisms for the protection of nature to developing countries and non-
marketsocieties,internationalcountriesandnon-marketsocieties,internationalorganizationspromoting
marketmechanisms for conservation can consciously or unconsciously contribute tomanufacturing the
‘homo economicus’ in placeswhere such logic was inexistent, or culturally discouraged by the existing
institutionalstructures »(Gomez-Baggethem,2009.:8).
1.2.LEMDPETLANOUVELLEDYNAMIQUENORD-SUDSURLEMARCHÉDUCO2:L’APPARITION
DESOPPORTUNITÉS,DESCONTROVERSESETDESINÉGALITÉS.
LeProtocoledeKyoto,crééen1997,aétabliunobjectifglobalderéductionde5%desémissionsGESau
niveauglobalparrapportauxémissionsde1990,surunepremièrepérioded’engagement(2008-2012).
La deuxièmepériode d’engagementprévoit la réduction de 18% des émissions globales deGES entre
2013-2020.Lesmodalitésdemiseenœuvredecetraitépouratteindrecesobjectifschiffrésderéduction
de GES comptent sur la création des mécanismes de marché donnant une « certaine » flexibilité au
caractèrecontraignantduProtocole(Demaze,2009).LeMécanismeduDéveloppementPropre(MDP)est
né ainsi d’un « appel » à la souplesse dans la concrétisation de ces objectifs au sein des négociations
(Aykut & Dahan, 2015). Pourquoi la « nécessité » de flexibilité ? La réponse repose sur l’établissement
d’unegouvernanceclimatiqueglobalebaséesurladivisionentre« paysdéveloppés »et« paysenvoiede
développement ».CeclivageaétéprésentdanslaConvention-CadredesNationsUniessurChangement
Climatique et s’est concrétisé au sein du traité de Kyoto. Elle assume implicitement l’existence d’une
dichotomieentreledéveloppementéconomiqueetl’environnement(Demaze,2009).
Leprincipede« responsabilitéscommunes,maisdifférenciées »paramètrelapolitiqueonusiennedelutte
contrelechangementclimatique.Enréalité,cettepolitiquepartduprésupposéquetouslespaysontune
partd’engagementdans la luttecontre leréchauffementclimatique.Toutefoisplusieurspaysn’ontpas
lesmêmesniveauxdecroissanceéconomiquepourlutterdefaçonéquitablecontrelephénomène.Dece
fait,letraitéstipulequelespayslesplusémetteursontuneresponsabilitémajeuredansleseffortspour
51
réduirelesémissionsenraisondeleurcapacitééconomiquedemettreenplacedesinstrumentsetdes
technologies pour atténuer le phénomène (Gemenne, 2009). En revanche, les pays en voie de
développementpossèdentdesresponsabilitésdifférenciéessurl’enjeuduclimatdanslamesureoùilsne
possèdentpasunniveauéconomiquecomparableauxpaysdéveloppéspourinvestirdanslesmesuresde
réduction de GES. Ainsi, le Protocole ne leur impose pas d’obligations chiffrées de réduction des
émissions.Celasedoitaussiàunerevendicationdecespaysquicraignaientquel’impositiondesobjectifs
de réductionpuisse« freiner » leur développement économique (Aykut&Dahan, 2015). Finalement, le
traité établit que les pays en voie de développement participent à l’atténuation du changement
climatiqueàpartirdelaparticipationvolontaireauxmécanismesdeflexibilité.
LamiseenplaceduMécanismedeDéveloppementPropreaiderait lespaysde l’Annexe I31àatteindre
leurobjectifderéductiondesémissionsetlespaysenvoiededéveloppement,lespaysduNon-AnnexeI,
à contribuer à cette réduction sans mettre en péril leur « développement économique ». Cette
coopération se concrétiserait à travers la mise en place des projets de technologies propres et d’un
marchéd’échangedequotasdesémissionsdecarbone.« L’objetdumécanismepourundéveloppement
“propre”estd’aiderlesPartiesnefigurantpasàl’AnnexeIàparveniràundéveloppementdurableainsi
qu’àcontribuerà l’objectifultimede laConvention,etd’aider lespartiesviséespar l’Annexe Ià remplir
leursengagementschiffrésdelimitationetderéductiondeleursémissionsprévusàl’article3 »(Article12,
ProtocoledeKyoto,1998).Blanchard(2000)soulignequelacréationdesmécanismesdeflexibilitéétait
stratégiquedans le traitépourdeux raisons. Lapremière reposesur le faitqu’il yavaitune incertitude
quant à la mise en œuvre de ce protocole et l’accomplissement des objectifs de réduction selon les
différents secteurs d’activités des pays développés. D’autre part, le MDP permet aux pays en
développement, après la signature du Traité de Kyoto, de continuer à avoir la croissance économique
commeprioriténationaleaunomdu« développementdurable ».
1.2.1.LacoopérationinternationalecommeprincipethéoriquepourlefonctionnementduMDP
31Voirl’Annexedelathèsepourlalistedespaysfaisantpartiedespaysdel’AnnexeI(lespaysavecdesobjectifsderéductiondesémissionschiffréesimposésparleTraité).LespaysduNon-Annexe,cesonttouslesautresÉtats(nefigurantpassurlaliste)classésdanslacatégorie«paysvoieendéveloppement»quinepossédentpasd’obligationsderéduction.
52
Considérant le faitque leMDPaitétécréépour inclure lespaysendéveloppementdans lemarchédu
carboneetaiderlespaysdel’AnnexeIàatteindreleurobjectifderéduction,ilestnécessairededécrire
son fonctionnement. Ladescription techniquedesmodalitésdeparticipationetdemiseenœuvredes
projetsMDPestindispensablepourcomprendreoùreposentlescontroversesetlescritiquesfaitesàce
mécanisme.Toutd’abord,leprincipebaseduMDPestlacoopérationinternationale.Eneffet,laCCNUCC
part du principe que si les problèmes climatiques étaient traités localement, ils pourraient engendrer
encoreplusdes inégalitésdans lescénario international (Maljean-Dubois&Wamaere,2015).Ainsi,en
raison de la division créée entre « pays développés » et « pays en voie de développement » au sein du
Protocole, le traité part du principe que la coopération internationale pourrait être une solution
envisageablepourquelespaysenvoiededéveloppementcontinuentàsedévelopperetcontribuenten
parallèle à la lutte contre le changement climatique. « [Les parties] coopèrent afin de promouvoir des
modalitésefficacespourmettreaupoint,appliqueretdiffuserdestechnologies,savoir-faire,pratiqueset
procédésécologiquementrationnelsprésentantunintérêtdupointdevuedeschangementsclimatiques,
etprennenttouteslesmesurespossiblespourpromouvoir,faciliteretfinancer,selonqu’ilconvient,l’accès
à ces ressources ou leur transfert, en particulier au profit des pays en développement » (Article 10,
ProtocoledeKyoto,1998:article10).
Ensupposantquelespaysenvoiededéveloppementaientdesdifficultésfinancièresàsedévelopperetà
mettreenplacedes technologies« propres », leMDPprévoit l’essordes technologiesde réductionsde
GES dans ces pays à travers le « financement » des technologies « propres » provenant des pays de
l’Annexe I. Les réductionsdeGEScorrespondantesà lamiseenplacedecesnouvelles technologiesse
transformentencréditscarbone,ouCER(CertifiedEmissionReduction).Cescrédits,chacunéquivalantà
unetonnedeCO2évitée,peuventêtreutilisésparlepaysdel’AnnexeI,financeurduprojet,àatteindre
sonobjectifderéductiondesémissions.LesCERpeuventêtreaussivendusàd’autrespays.Àpartirde
leurcommercialisation,d’autrespaysdel’AnnexeIayantdesdifficultésàaccomplirleursprogrammesde
réduction des émissions imposés par Kyoto peuvent les acheter (UNFCCC, 2018). La dynamique du
marchéducarbonemondialrégléeparKyotoestainsicréée.
UndesinstrumentsdecettecoopérationinternationaleauseinduMDPseraitlaquestiondetransfertde
technologieetdesavoir-faire(Dechezlepetreetal,2009).Decefait,lespaysdéveloppésassisteraientles
pays en voie de développement à se développer « autrement » et suivre une trajectoire plus
53
« écologique » que les pays de l’Annexe I (Das, 2011). Le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur
l’évolution du Climat (GIEC32) définit la notion de transfert de technologie au sein de la gouvernance
climatique globale comme la suivante: « Technology transfer is defined as the broad set of processes
coveringtheflowsofknow-how,experienceandequipmentandistheresultofmanyday-to-daydecisions
of the different stakeholders involved. A number of social, economic,political, legal, and technological
factors influence the flowandquality of technology transfer » (Metzet al., 2000:2). Cettenotion reste
donctrèslargeetcouvreplusieursactionscorrespondantàlanotiondetransferttechnologique.Malgré
lefaitqueletransfertdetechnologienesoitpasobligatoiredanslemécanisme,samiseenplacefigure
comme un élément « attirant » et « stratégique » pour encourager l’adoption dumécanisme au niveau
global(Doranovaetal,2009).
Auregarddecettedéfinition,laConvention-Cadredéfinitletransfertdetechnologiecommeunmoyen
deconcrétisationdelanotionde« développementdurable »danslespaysenvoiededéveloppement33).
« A key, complementary objective is that the CDM is to assist developing countries in achieving their
sustainable development. There are many co-benefits of the investment in climate change mitigation
projectschannelledthroughtheCDMtowardsdevelopingcountries,not leastofwhich is thetransferof
technology and know-how not already available in the host countries » (UNFCCC, 2010: 10). Cette
coopérationseconcrétiseraitsous la formed’aideà lacréationdesprojetsdetechnologiespropres.Le
TraitéprévoitlamiseenplacedeprojetsMDPdans15domainesd’activités,conformémentautableauci-
dessous.
32 Une organisation politico-scientifique de l’Organisation des Nations Unies. Elle représente actuellement la communautéscientifique avec la plus grande autorité internationale dans la production des données scientifiques sur le phénomène duchangementclimatique(ses impactsetsescauses).Saproductionsous la formedepublicationderapportssertdebaseà lacréationdespolitiquespubliquespourlaréductiondesémissionsdeGESainsiquepourl’adaptationauphénomène.LeGIECréunitdesgroupesdescientifiquesdumondeentierpourcomposerl’étatdelieuxsurlephénomène.33Cettenotion,liéeàlamiseenplaceduMDP,seradiscutéeplustarddanscettepartie.
54
Tableau1:Lessecteursd’activitéderéductiondesémissionséligiblesdansleProtocoledeKyoto.
Source:CDMMethodologyBooklet,2017.
1.2.2.Lecycledevied’unprojetMDP:entrerèglesetmodalitésd’unegouvernanceglobaleetlocale.
Unefoisdéfinis lessecteursd’activitéséligiblespourlamiseenplacedeprojetsdanslecadreduMDP,
commentprocéderàlamiseenœuvred’unprojetauniveaulocal ?Premièrement,lemécanismeengage
plusieurs échelles de gouvernance. Il possède un cadre réglementaire englobant une gouvernance
globale, nationale et locale (Newell, 2009). D’abord, il est important de décrire les procédures
bureaucratiques d’enregistrement d’un projet ainsi que le processus de validation des crédits carbone
établis à l’échelle globale par la CCNUCC. De cette manière, nous exposons ici seulement le cadre
normatifétabliparleConseild’AdministrationdelaConvention-CadredesNationsUniespourl’exécution
duMDP. Il est important de signaler que la Convention laisse une certainemarge de liberté à chaque
État-nation de choisir ses propres normes internes d’approbation des projets. Ainsi, les modalités de
gouvernancelocalesduMDPs’avèrenthétérogènesentrelespays(Friberg,2007).
IlestimportantderappelerqueleprincipedesouverainetéestunélémentcléduProtocoledeKyotoet
ses mécanismes (Aykut & Dahan, 2015). Cette dimension amène la gouvernance climatique à la
fragmentationenplusieurséchellesetàunemarged’incertitudequantauxmodalitésdeconcrétisation
decespolitiquesauniveaulocal(Biermann,2011).Lagouvernanceclimatiqueglobalepartd’unprincipe
théoriqueselonlequellespaysacceptentlesnormesd’unrégimeglobaletlesrespectentdanslamesure
oùcesrèglesrejoignentleursintérêtsnationaux(Ehrhardt-Martinezetal,2015).Decefait,l’architecture
durégimeclimatiqueonusiendonneun« pouvoir »égalàtouslespayslorsdelaConférencedesParties
(COP34) où chaque Étatmembre peut faire des propositions dans le processus de prise de décision35.
34L’évènementdesnégociationsclimatiquesentrelespayssignatairesdelaCCNUCCayantlieuchaqueannée.
55
Ainsi,danslarhétoriquedesnégociations,lemarchédesquotasdecarbonegarantitàchaquepaysleur
souveraineté sans imposer une taxe contraignantede réduction. La participation aumarché laisseune
marge demanœuvre au niveau national pour choisir leursmeilleures conditions de réduction de GES
(Hourcade&Ghersi,1998).Àcetégard,letraitépréservecettesouverainetéenimposantseulementles
procéduresdeparticipationdanslemarché.Enrevanche,lesmodalitésdemiseenœuvredesactionsde
réductiondesémissionssontpropresàchaqueÉtat-nation.
Ainsi, différentes formes d’appropriation et de mise en œuvre du MDP apparaissent selon les
organisationsinstitutionnellesparticulièresàchaquepaysainsiqueleurssecteursd’activitésspécifiques
(Gilly&Perrat,2003).Pourmieuxtraduire la« lacune »quiexisteentre lecadreréglementaireduMDP
établipar leConseild’Administrationet lesrésultatspratiquesde lagouvernanceduMDPdanschaque
pays, Friberg (2009) sépare la gouvernance du MDP en deux échelles. La première traite de la
gouvernancecrééeàpartirdesnormesétabliesparlaCCNUCC,cequ’ilintitule« RegulatoryFramework ».
Ladeuxièmes’appelle« OperationalFramework »etportesurlagouvernanceduMDPquechaquepaysa
créé pour l’approbation de projets à l’échelle nationale. La figure ci-dessous montre le « cadre
réglementaire » imposépar leConseil d’Administrationdumécanismeenquestion. Elle illustre le cycle
d’unprojetMDPallantdesaconception jusqu’à ladélivrancedescréditsCO2.Noustrouvonspertinent
pour une discussion critique de la problématique de la mise en œuvre du mécanisme d’exposer en
premier le « Cadre réglementaire » duMDP. Cela semble essentiel pour comprendre la question de la
miseenœuvreduMDPpuisquelacompréhensiondecettemiseenœuvrepasseparunediscussiondu
« cadreopérationnel »dumécanismeauBrésil.
35Plusloindanscechapitre,nousallonsexpliquerque,malgré«l’égalité»donnéàchaquepaysdansleurparticipationlorsdesCOP,lerégimeclimatiqueonusienaréaffirméetcréecertainesinégalitésgéopolitiquesauseindecerégime.
56
Figure3:Lecycledevied’unprojetMDP.
Source:CCNUCC,2013 ;UNFCCC,2018.
1- Développementduprojet:Momentdel’élaborationduPDD(« ProjectDesignDocument »)parle
« Project Owner » (l’entreprise ou le pays en charge de la mise en place du projet). Le PDD
comporteunedescriptionduscénariodepollution(« baselinescenario »),c’est-à-direlescénario
desémissionsdeGESenl’absenced’unetechnologieréduisantcesémissions.Ensuite,ilyaune
descriptionde laméthodologie36de réductiondesémissions.Àpartirde cesdeux critères,qui
seront vérifiés, il est possible d’évaluer théoriquement les émissions évitées et la quantité de
créditsCO2correspondantauprojet.
36 Le Conseil d’Administration renddisponible lesméthodologies de réduction des émissions pour chaque secteur d’activitééligible dans le cadre du MDP. Si le Project Owner veut introduire une nouvelle méthodologie, il doit faire une demanded’approbationdecetteméthodologieauprèsduConseilavant laprocédured’enregistrementduprojet. Laméthodologiederéductionestladescriptiontechniquedelamodalitéderéductiondesémissionsmiseenplace.
57
2- Approbation du projet au niveau national: Chaque pays crée uneAutoritéNationaleDésignée
(DNA37)responsablepourétablirlesnormesnationalespourl’approbationdesprojetsMDPsurle
territoire,toutenrespectantle« cadreréglementaire »auniveauglobal.Cetteautorités’occupe
devérifiersi lesprojetsrespectentlescritèresnationauxdemiseenplaceduMDPetlesrègles
de la CCNUCC avant qu’ils soient envoyés à la phase d’enregistrement au niveau global. Cette
entitéémetunelettred’approbationduprojetauxProjectOwners.
3- Validationparl’EntitéOpérationnelleDésignée:Cettephasecorrespondàlavalidationduprojet
par une entreprise privée, une entité indépendante38. Elle juge si le projet rentre dans les
modalités de fonctionnement du MDP. Dans le but de vérifier le projet, l’entité visite les
installations du projet afin de voir la correspondance de la description technique dans le PDD
avec la réalité techniquemiseenplace. Il s’agitobligatoirementd’unephasedevérificationdu
fonctionnementduprojetsurleterrain.
4- Enregistrementduprojet: Leprojet ayant été validépar leDNAet leDOE, il est étudiépar le
ConseilAdministratifdelaCCNUCCpoursonenregistrement.Aprèsl’enregistrement,leprojetde
réduction de GES devient un « véritable » projet MDP. L’étape de l’enregistrement est un
prérequispourladélivrancedescréditsCO2.
5- Surveillance:Àcetteétape,le« ProjectOwner »estresponsabledesurveillerlefonctionnement
duprojetetassurerquelesémissionssontévitéesafind’atteindrelaphasededélivrancedeCER.
6- Vérification et Certification: Avant la délivrance de crédits, une DOE différente de celle ayant
passélaphasedevalidation,visitelesinstallationsduprojetpourvérifierleprocessustechnique
deréductiondesémissionsetauditer laquantité réelledesC02équivalents39évitéesdurant la
périodeétabliepourlefonctionnementduprojet.Eneffet,ilyatoujoursunedifférenceentrela
quantitéthéoriquedécritedanslePDDetlaquantitéréelle.
7- DélivrancedeCER:SuiteaurapportdevérificationetdecertificationémisparleDOE,leConseil
d’AdministrationprocèdeàladélivrancedecréditsCO2correspondantàlaquantitéauditionnée
parleDOE(UNFCCC,2018a).
37DesignatedNationalAuthority.38 Cette entité doit aussi figurer dans la liste des entités certifiées par le Conseil d’Administration de la CCNUCC pour lavalidation,vérificationetcertificationdesprojetsMDP.Enanglais,DOE(«DesignatedOperationalEntity»).39L’équivalenceenC02estunemesureinternationalequiviseàuniformiserl’évaluationdesquantitésdetouslesgazàeffetdeserrepar rapport à la quantitédeCO2. Lepotentiel d’effet de serre (capacitéde réchauffement) de chaque gaz est calculécommes’ilavaitétéémisenCO2.Parexemple,leméthaneaunecapacitédel’effetdeserrede21,cequisignifiequ’unetonnedeméthaneémiséquivautà21tonnesdeCO2émis.
58
En continuant sur la description du cadre réglementaire duMDP, la périodedes émissionsdes crédits
peutdurerjusqu’à7anspouvantentrerenouvelabledeuxfoismaximum.Ainsi,unprojetpeutatteindre
une limite de 21 ans de production de créditsCO2 dans le cadre du MDP (UNFCCC, 2018b).
Normalement, un cycle complet d’enregistrement et de validation d’un projet MDP, depuis son
développementjusqu’àladélivrancedecrédits,variebeaucoupselonchaquepaysetlesnormesdeleurs
Autorités Nationales. En réalité, cette variation est associée à la gouvernance locale40 dumécanisme.
Newell et al (2009)expliquentqu’il y adesautoritésnationalesqui adoptentdes règlesd’approbation
aussirigoureusesquecellesduConseild’Administrationafind’avoirundegrédecertitudemaximalpour
son enregistrement au niveau global. À cet égard, une certaine bureaucratie imposée par l’institution
nationale peut amener un projet MDP à prendre plusieurs mois avant son enregistrement au niveau
national.Lagouvernancelocalen’estpasseulementdéterminantedanslesmodalitésdemiseenœuvre
d’unprojet,maisaussidansladuréedesonprocessusd’approbation.« Theprocessingperiodofaproject
byaDNAvariesconsiderably, fromfourtosixmonths inBrazil, toamonth inChinaandonlyaweek in
India.”(Newellatal.,2009:728).Malgrécettevariationauniveaulocal,compléteruncycledevalidation
et d’enregistrement d’un projetMDP semontre très bureaucratique, lent et couteux pour les Project
Owners(Gemenne,2009).Legraphiqueci-dessousmontreà,l’aidedesdonnéesofficiellesdelaCCNUCC,
le tempsmoyennécessairepourenregistrerunprojetMDP. Il estpossibled’observerque lamoyenne
mondialepourallerdephasedelavalidationàl’enregistrementd’unprojetMDPéquivautà11mois.De
sorte que la caractéristique complexe et multiscalaire dumécanisme va à l’encontre des intérêts des
investisseursenraisondudélai(représentantaussilesrisques)pourobtenirlescréditsCO2(Michaelowa
&Jotzo,2005 ;Paterson,2011).
40 Nous allons discuter plus tard dans ce chapitre les raisons pour lesquelles chaque pays établit ses propres normes devalidationdesprojets.CelaestassociéeaufaitquelesrèglesdelaCCNUCCetduMDPlaisselasouverainetéàchaqueÉtatpourdéfinir lesmodalités pour évaluation de comment les projetsMDPmis en place dans leurs territoires peut contribuer à laconcrétisation du développement durable localement. Ainsi, dans la partie 1.2.4 nous allons exposer les critiques sur lacontributiondumécanismeàlaconcrétisationdecettenotionainsiqu’explicitercommentcelaestarticuléauseindesnormesdelaConventionetdumécanisme.
59
Figure4:Letempsmoyendelavalidationàl’enregistrementd’unprojetMDPauseindelaCCNUCC.
Source:UNFCCC,2018c.
Au sein de ce cycle, il y a une dimension cruciale pour la validation d’un projet contribuant à cette
caractéristiquecomplexedumécanisme:« l’additionalité ».Lanotionde« l’additionnalité”41estuncritère
imposé par la CCNUCC résultant de la gouvernance enchevêtré du mécanisme. Mais, pourquoi cette
dimension figure-t-elle comme un élément fondamental pour la validation d’un projetMDP ? Selon le
cadre réglementairede laCCNUCC, chaqueprojetmisenplacedoit être« additionnel »: “Eachproject
mustshowthattheemissionreductionsitproducesareadditionaltowhatwouldhavehappenedwithout
the project. This requirement, ensuring that credits/units are not awarded for emission reductions that
wouldhavehappenedanyway,iscalled“additionality”(UNFCCC,2018d:7).Unprojetestadditionnelet
éligiblederentrerdanslecadreduMDPdanslecasoùsonactiviténeseraitpaspossibleenl’absencedu
mécanisme.Théoriquement,silaréductiondesGESdansunsecteuraétéeffectuéeindépendammentde
lamiseenplaceduMDP,cetteréductionnecorrespondraitpasauxeffortsd’atteindrel’objectifglobalde
réductiondesémissionsétabliparleTraité(Muller,2009).
41Enanglais“additionality”
60
Laquestionde« l’additionalité »d’unprojetestassociéeauconceptde« l’intégritéenvironnementale »
trouvé dans les mécanismes de marché d’échanges de quotas de carbone. Cette intégrité
environnementale repose sur le principe qu’un crédit de carbone doit être impérativement le produit
d’une véritable réduction des émissions. L’« additionnalité » est exigée pour maintenir l’intégrité
environnementale dans la mesure où elle empêche un éventuel accroissement des émissions ayant
commebutseulementsonéchangepardescrédits.Dansunscénariooùiln’auraitpasd’« additionalité »
obligatoire, il serait possible d’assister à deux types de situations. La première serait l’apparition des
projets MDP équivalents à des pratiques récurrentes (« Business as Usual » practices) et qui ne
représententpasuneffortderéduction (Muller,2009).Enréalité,cespratiquessontprisesencompte
dansl’étatactuelduréchauffementdelaplanèteetellesnecaractérisentpasunchangementenversla
luttecontre le changementclimatique. Ledeuxièmescénarioserait l’augmentationdesémissionspour
ensuite lesréduiredans lecadred’unmarchéducarbonedans lebutde lesconvertirencrédits.Ainsi,
théoriquement, le critèrede« l’additionalité » figure commeun« filtre » garantissantque lemarchédu
carbonen’échangepasdes crédits équivalents àdes réductionsd’émissions fictives.Autrementdit, ce
critère est imposé pour « garantir » que le marché échange seulement de créditsCO2 provenant des
réductionsliéesàdeseffortsdespayspouratteindreleplafondderéductionsétabliparlaCCNUCC.
Toutefois, commentest-il possiblede« prouver l’additionnalité » d’unprojet ? Le cahier de chargesdu
MDPdisposedesinstrumentshypothétiquespouropérationnaliser« l’additionalité »d’unprojet.Celle-ci
peut être évaluée selon trois volets: la présence de barrières technologiques, réglementaires et
financières (UNFCCC, 2018e). L’inscription au mécanisme devrait surmonter au moins une de ces
barrières rencontrées au niveau local. De ce fait, un projet est additionnel si l’inscription dans le
mécanisme permet de surmonter des difficultés technologiques: par exemple, lamise en place d’une
nouvelle infrastructure technologique et/ou l’absence de main-d’œuvre qualifiée pour maitriser cette
nouvelle technologie propre. Concernant les barrières règlementaires, si une réduction des émissions
dans un secteur spécifique est imposée par une loi locale, le projet n’est pas additionnel. Il doit
impérativement figurer comme une action volontaire de réduction. Finalement, la barrière financière
concernelesinvestissementsdansunprojet.Unprojetn’estpasconsidéréadditionnelsilaparticipation
auMDPn’estpasattractivefinancièrement.End’autrestermes, il s’agitdeprouverquesans lerevenu
des crédits carbone, l’investissement dans la technologie propre mise en place ne serait pas viable
(UNFCCC,2018).
61
Bien que la description théorique de cet instrument soit disponible par la CCNUCC pour faciliter
l’évaluation de « l’additionalité » d’un projet MDP, le critère reste très ambigu et sujet à plusieurs
interprétations(Michaelowa,2005 ;Muller,2009).Lanotion« d’additionalité »estinstrumentaliséesous
différentes formesaumomentde lagouvernance localedumécanisme.Les« ProjectOwners »peuvent
ajusterlaréalitédesbarrièresprésentesdansleursecteurd’activitédesorteàfavoriserladémonstration
de « l’additionalité ». Dans les PDD, les responsables de la mise en œuvre de la technologie sont
susceptibles de « gonfler » les barrières existantes afin d’avoir leurs projets approuvés par les DOE et
ensuiteparleConseild’Administration(Michaelowa,2005).IlestimportantderappelerquelesDOEsont
lesacteursleplusresponsablespourcertifier« l’additionalité »desprojetssurleterrain.Ainsilaquestion
de« l’additionalité »montreaussiquechaqueAutoritéNationaleDesignée(chaquepays)peutaussiavoir
sesproprescritères« d’additionalité »dansl’approbationdesprojetsauniveaunationalpourqu’ensuite
ilssoientévaluésparlesDOEetparleConseild’administrationdumécanisme.Chaquepaysatoutintérêt
àmontrer que ses projets sont additionnels dans le but de capter des créditsCO2 à leurs entreprises
nationales(Gemmene,2009).
1.2.3.LedéveloppementcommecritèrecontroversédeséparationentrelespaysauseinduProtocole:lesconséquencessurleMDP.
Leclivageétablientrelespaysdel’AnnexeIetdelanon-AnnexeIdansleProtocoleouvreunediscussion
surlaquestiondel’équitéentrelespaysauseindecesdeuxcatégories.« C’estenvertudeceprincipeque
les pays signataires du protocole de Kyoto ont été divisés en deux groupes: les pays industrialisés,
membresdel’AnnexeI,àquiétaientimposéesdeslimitationsdansleursémissionsdegazàeffetdeserre
et les pays en développement, qui n’étaient pas soumis à cette obligation et devraient recevoir des
transferts financiers et technologiques en provenance des pays industrialisés » (Gemenne, 2009: 43).
Malgré l’effort d’atteindre une certaine équité avec cette séparation, elle a entrainé l’apparition des
controverses géopolitiques (Demaze, 2009). Les controverses ont eu un impact dans la répartition des
projets MDP dans le monde et dans la contribution du mécanisme à une véritable atténuation des
émissionsdeGES.
62
Lors des négociations climatiques, trouver « l’équité » figure comme une tâche difficile en raison des
conflitsd’intérêtsentrelesdifférentesnations.Leprincipede« responsabilitécommuneetdifférenciée »
a été le présupposé choisi (et négocié) pour traduire la notion de justice dans la politique globale du
climat (Aykut & Dahan, 2015). Cette notion est apparue afin de « calmer » les pays en voie de
développement qui voyaient leurs droits au développement économique menacés par l’enjeu du
changement climatique. « Demanière plus générale, les débats sur l’équité révèlent une concomitance
constantequ’ilsembletrèsdifficileàdémêlerentreconvictionssincèresetagissementsstratégiques.C’est
ainsiquechacundesgrandsémergentsapromuuneconceptionparticulièredelajusticeclimatiquedans
lesnégociations. »(Aykut&Dahan,2015:319).
Decefait,leseffortsfaitsparlespolitiquesinternationalesd’atténuationdesémissionsdeGESfontface
àdesproblèmesdejusticeclimatiqueàl’échelleinternationaleenraisondelaglobalisationduprocessus
de production. La déterritorialisation de la production des pays développés vers les pays en
développement crée une inégalité écologique dans le monde qui n’est pas prise en compte dans les
négociations. Cette déterritorialisation de la production se traduit sous la forme d’exploitation des
ressources naturelles et d’une main-d’œuvre moins chères dans les pays « plus pauvres » (Roberts &
Parks, 2007). La trajectoire de développement des pays, conditionnée également par les différents
processusdecolonisation,joueunrôleimportantdansl’analysedeleurspositionsvis-à-visdespolitiques
environnementales globales (Ehrhardt-Martinez et al., 2015). De sorte que la globalisation de la
productionaungrandimpactsurlesintérêtsetstratégieséconomiquesdechaquepaysquiserévèlent
lorsdecesnégociations.
Sid’unepart,ledéveloppementresteuncritèred’évaluationdesinégalitésinternationales,commentest-
il possible d’autre part d’observer des inégalités au seinmême de la catégorie des « pays en voie de
développement » dans le traité ? Selon Baer (2011), qu’importe qu’il y ait des pays en voie de
développementavecunPIBaussiimportantquelespaysriches.Parcontre ;lecritèrededéveloppement
prisencomptepar laCCNUCCreposesurtoutsur leniveauderichessepartagéeavec lapopulationdu
pays. Ainsi, l’aspect réunissant plusieurs pays dans la catégorie de non-Annexe I est l’étendue de la
pauvreté au sein de ces sociétés. En revanche, il est important de mettre un accent sur les enjeux
géopolitiquesengendréspar ce critèred’évaluationdes inégalitésportépar la gouvernance climatique
63
onusienne. Un des grands enjeux géopolitiques lors des négociations42 était la demande des pays
développéspourl’établissementd’objectifschiffrésderéductionaussibienpoureuxquepourdespays
envoiededéveloppementavecdegrandescapacitéséconomiques.
LaparticipationauMDPamisen lumièrecetenjeugéopolitiqueentrainépar la créationdececlivage
« paysdéveloppésetpaysenvoiededéveloppement ».Laquestiondesinégalitésauseindelacatégorie
despays « pauvres » peut êtreobservéedans le degrédeparticipationdesdifférents pays auMDP. La
miseenœuvredumécanismes’estavéréeuneopportunitééconomiquepour les« grandsémergents »
(Aykut&Dahan2015 ;Newell&Patterson,2009).Lemécanismeaétéperçucommeuneopportunitépar
cespaysdanslamesureoùilouvraitunefenêtred’investissementdansdestechnologiesplusefficaceset
d’atténuationdepollutionàuncout« zéro »pourlespouvoirspublicslocaux(Lecocq&Ambrosi,2007).
En outre, les couts de transaction demandés pour compléter un cycle de projet MDP43 étaient
conditionnés par les capacités économiques et technologiques de chaque pays (Michaelowa & Jotzo,
2005).Contrairementàcequiétaitprévudansletraité,dansunegrandemajoritédesprojetsMDP,iln’y
apasdefinancementpréalablepourlamiseenplacedesprojets.L’émissiondeCERàlafinducyclede
validationdesprojetsconfigurait,enréalité,leretouràl’investissementparlesdéveloppeursdeprojets
auniveau local.Cette logiqueest lerésultatde laminimisationdesrisquesde lapartdes investisseurs.
Lesrisquesexistentdanslamesureoùilyadesprojetssusceptiblesdenepascapterdecréditsenraison
d’un cycle de validation très bureaucratiqueet très long (Joumni, 2003 ;Godard&Henry, 1998). « The
qualityofdomesticinstitutions,internalpoliticalstabilityandeffortstomarketCDMprojectstoinvestors
willbecrucialforindividualcountriestosecuretheirshareintheemergingCDMmarket”(Michaelowa&
Jotzo,2005:519). Le graphique ci-dessous montre le pourcentage de la concentration des projets
enregistrésauprèsduConseild’Administrationselonlesrégionsdumonde.
42PourlesnégociationsduTraitédeKyoto.43 La BanqueMondiale dans le MDP joue un rôle d’intermédiaire afin de minimiser les risques d’émissions des crédits etgarantir un retour des investissements pour les développeurs des projets pour les pays duNon-Annexe I. A travers le Fond«TheWorldBankCarbonFinanceUnit»,saparticipationdanslesprojetsassurelamiseenrelationaveclesinvestisseurspourlaventedescrédits.Cetteparticipationminimiselesrisquespourlesacheteursdescréditsetles«ProjectOwners».
64
Figure5:LepourcentagedeprojetsMDPenregistrésparrégiondanslemonde.
Source:UNFCCC,2018f.
Au regard de ce panorama mondial, une concentration des projets MDP est remarquable dans le
continentasiatiquesuivipar l’AmériqueduSud. Ilestdoncnotableque laparticipationauMDPaitété
monopoliséeparles« grandsémergents »,laChine,l’IndeetleBrésil(Gemenne,2009).Enmarsde2018,
la CCNUCC comptait avec un nombre total de 7 800 projetsMDP enregistrés dans lemonde. La Chine
figurecommelepaysentêtedelaliste,avec3 764projetsenregistrés,suivieparl’Indeavec1 662projets
et en troisième place, le Brésil avec 342 projetsMDP dans son territoire (UNFCCC, 2018g). La grande
participation au MDP de ces pays s’explique par deux arguments qui se superposent: leur grande
quantitédesémissionsdeGESetleurinfrastructuretechnologiqueetinstitutionnellelocale.
Comme Bourde & Joumni (2003) ainsi que Cosbey et al (2005) le soulignent, malgré la dimension
politiqued’encouragementaudéveloppement,leMDPresteuninstrumentdemarché.Entantquetel,il
attire des investissements vers des pays suivant des principes basiques déjà connus par la logique
marchande: l’exigencedefortes institutionsnationales,d’une infrastructureappropriéepourparticiper
aumarchénationalet régional,unrisquepolitiquetrès faible,uneéconomiestable,etc.Dece fait, les
territoireslespluspropicesàmettreuneplacedesprojetsMDP(dontleprocessusd’enregistrementest
65
déjàtrès lent,doncrisqué)sont les« grandsémergents ».Cespaysaccueillentdéjàdes investissements
endehorsducadreMDP,car ilspossèdentcesprérequisattractifs (Cosbeyetal,2005).Enfonctionde
cettedynamique,lespaysd’Afriquenefigurentpascommedespaysattractifspourlamiseenplacedu
MDP, quand bien même ils ont un véritable besoin de ce type de politiques de développement
(Gemmene,2009).
Ainsi, lamiseenœuvreduMDPdans lecontinentafricain reste inhabituelleetdifficile.Cespays,avec
leurs faibles niveaux de développement industriel, ne sont pas de grands émetteurs de GES et ne
possèdentpasd’infrastructurepolitiqueetéconomiquefavorableauxfluxd’investissements(Facheux&
Joumni, 2005). Bien que leMDP, dans la rhétorique du traité de Kyoto, soit promu sous un discours
d’encouragement au développement, la dimension économique de cet instrument a pris le dessus. En
suivant une logique d’efficacité économique visant à minimiser les risques, le mécanisme a mis en
lumière ladéfaillancedel’unionde lathéorieéconomiqueavec laréalitétrèscomplexed’unepolitique
climatique globale (Spash, 2011). La question du développement économique associée à la protection
environnementale est toujours en contradiction dans la gouvernance climatique onusienne dans la
mesureoùlacroissanceéconomiquefigurecommeleseulcritèrequicharpentelesactionsderéduction
deGESdanslemonde(Demaze,2009).
Ayant un rôle central dans les politiques internationales sur le changement climatique, la question du
développement économique révèle à quel point le paradigme de modernisation des pays du nord a
imprégné une gouvernance globale du climat (Aykut & Dahan, 2015 ; Boyd & Goodman, 2011). Le
transfert de technologie est un aspect du MDP montrant le besoin d’une coopération technologique
internationalepourque lespaysdusudempruntentunchemind’industrialisationanalogueàceluides
paysdunord.Larhétoriquedudéveloppementestdevenuelaseuleetuniqueformedereprésentation
depenseretagirdanslemonde(Escobar,1992).Encréantunedialectiqueentrepays« développés »et
« sous-développés », l’hégémoniedecediscoursenfaituneformedepouvoir(Escobar,1992a).D’ordre
symbolique,cederniers’exercedesorteque lespaysdits« sous-développés »sereconnaissentcomme
tels,enmanqued’uncertain« développement ».Ainsi,cespaysnevoientdans lemodèleoccidentalde
modernisation que la seule trajectoire pour atteindre à un certain objectif de « développement » (Rist,
2013). « Cette croyance affirme que la "bonne vie" de tous peut être assurée par le progrès de la
technologie et une croissance illimitée de la production de biens et services, dont chacun finira par
66
profiter. […] Ledéveloppement constitue lapromessed’uneabondancegénéralisée. » (Rist, 2013: 315).
Ainsi, unmécanisme comme leMDP promet un développement à l’« Occidentale » à travers lequel un
paysdusudpeut,s’ilexploiteunetechnologiepropre,contribueràlafoisàlabaissedesémissionsetà
l’aboutissementdesesproprestrajectoiresdemodernisation.
1.2.4.LetransfertdetechnologieauseinduMDP:uninstrumentdemodernisationécologiquedansunegouvernancenéolibérale ?
Dans l’article11duProtocole, sous leprincipede« responsabilités communes,maisdifférenciées », les
paysde l’Annexe I s’engagentà fournirdes instruments financierset technologiquesafind’intégrer les
pays de la non-Annexe à lutter contre le changement climatique. Ainsi, la coopération internationale
inscrite dans la gouvernance climatique onusienne apparaît notamment sous la forme de « transfert
technologique ».Desmécanismesfinanciers,commeleMDP,serventd’outildefinancementpourmettre
en place des technologies « plus écologiques » dans les pays en voie de développement. « [Les pays
développés] fournissent également aux pays en développement Parties, notamment aux moyens de
transfertsdetechnologies,lesressourcesfinancièresdontilsontbesoinpourcouvrirlatotalitédescouts
supplémentairesconvenusencouruspourprogresserdans l’exécutiondesengagementsdéjàénoncésau
paragraphe1 de l’article4 de la Convention » (Protocole de Kyoto, 1998: paragraphe2, article11). En
réalité,du faitducaractèrevaguedecettenotionde« transfert technologique », leGIEC(2000) traduit
« letransferttechnologique »commeunepaletted’actions: letransfertd’expérience,desavoir-faire,et
d’équipements. Or finalement, cette notion n’a-t-elle pas dépassé la rhétorique institutionnelle ? Dans
quellemesures’est-elleconcrétiséedanslamiseenœuvreduMDPàtraverslemonde ?
SelonlerapportofficieldelaCCNUCCde2010surleniveaudecontributiondutransferttechnologique
auseinduMDP,cetransferts’estréalisédefaçontrèshétérogèneaufuretàmesuredelamiseenplace
dumécanisme.Plusprécisément,ils’estmanifestétrèsdifféremmentselonlessecteursd’activitésetles
pays hébergeurs de projets. Premièrement, il y a eu un déclin des projets attestant d’un transfert
technologiqueentrelesannéesde2007et2008pourlaChine,leBrésiletl’Inde.Selonlerapport,cette
dimension s’explique par le fait que les « grands émergents » sont les « champions » des projets MDP
enregistrés dans le monde. De sorte que la technologie (savoir-faire, expérience ou équipement)
empruntée auparavant fait désormais partie de la pratique locale. Un autre argument présenté par le
67
rapport indique que le déclin du transfert dans ces pays tient aussi au fait que plusieurs technologies
étaient déjà en train d’y être développées. En outre, le transfert technologique n’a pas subi un déclin
danslespayspluspauvres.Aucontraire,ilétaitplusnotabledansdespaysdisposantd’uneinfrastructure
technologiqueetmarchandemoinsdéveloppée44.Autotal,entrelesannées2007et2008environ37%
des projets MDP enregistrés ont déclaré faire l’objet d’un transfert technologique45. Le graphique ci-
dessousmontre ledéclinde la tendancede transfert technologiquedans lesprojets indiens,chinoiset
brésiliensparrapportàd’autrespaysentrelesannées2004et2010.
Figure6:LatendancedetransferttechnologiquedanslesprojetsMDPdanslemondeentre2004et2010.
Source:UNFCCC,2010.
Encontinuant sur lesdonnéesofficielles, laCCNUCCsouligneque laChine, leBrésilet l’Inde figuraient
déjàcommedesfournisseursdetransferttechnologiqueàd’autrespaysde laNon-Annexe.Bienque la
majoritédu transfert technologiquesoit faitepardespaysde l’Annexe Ivers lepaysde lanon-Annexe
(comme prévu par le traité), ces trois pays classés comme Non-Annexe sont aussi présents comme
44Parexemple,lespaysd’Afrique.45Ilestimportantdesoulignerquec’estlaresponsabilitédu«ProjectOwner»(oudu«ProjectDeveloper»)dedéclarersi leprojetdoitfairel’objetd’untransferttechnologiqueainsiquedeprouverdansquellemesurecetransfertalieudansl’activitéderéductiondeGES.Ensuite,lesAutoritésNationalesetlesEntitésOpérationnellesDésignéslesvérifientafindel’enregistreretdevaliderlescréditsCO2correspondant.
68
développeursdetechnologies« propres ».Unautreaspectrévélélorsdecerapportportesurladisparité
de transfert technologique selon les secteurs d’activité en matière de réduction des émissions. Le
documentarévélé5typesdeprojetsMDPoùilyaunedéclarationdetransfertdetechnologiepar les
« ProjectsOwners » dans 82% à 100% des projets enregistrés. Ces types de projets sont les suivants:
capturedeC02,réductiondeN2O,productionénergétiqueàpartirdelamer,réductiondeGESdansle
secteurdetransportdemasseetréductiondeméthanedanslesdécharges.
Laquestiondutransferttechnologiquefigurecommeuninstrumentpouratteindre le« développement
durable 46» dans les pays en développement prévu dans la CCNUCC (Demaze, 2013). Toutefois, il faut
soulignerquelesmodalitésdemiseenœuvredecettenotiondanslecadreduMDPrestentindéfinies.
Lors de l’accord de Marrakech en 2001 où le cadre réglementaire du mécanisme a été défini, la
gouvernanceonusienneadéléguéàchaqueÉtat-nationlesmodalitésdedéfinitiondelacontributiondu
MDP pour le développement durable local. De sorte qu’à l’instar de la notion de « développement
durable »,cetteambigüitésetrouveaussidanslanotionde« transfertdetechnologie ».Enconséquence,
ilyaplusieursnuancesderrièreladéclarationdetransferttechnologiquedanslePDDdesprojetsMDPet
leschiffresofficielsdelaCNUCCCàcepropos.
Un aspect du transfert technologique au sein du MDP révélé par Teng & Zhang (2010) est que le
mécanismeencouragemajoritairement letransfertdetechnologiedéjàencoursd’exploitationdans les
pays hébergeurs des projets. Autrement dit, le MDP accélère ce transfert par son encouragement
financier, mais il ne crée pas de flux des transferts de nouvelles technologies envers les pays en
développement. La raison tient au fait que le transfert technologique au titre duMDP vise lamise en
placedestechnologieslesmoinschèrespourl’atténuationdeGES.Desortequelalogiquemarchandedu
mécanisme priorise lamise enœuvre des technologies pouvant réduire un grand nombre d’émissions
GESàmoindrecoutd’investissement(Bourde&Joumni,2007).
Laquêtedelaréductionducoutmarginaldemiseenplaced’unprojetMDPàtraverscertainstypesde
technologies influenceainsi lecaractèredecetransfert.Lecoutd’investissementdans lamiseenplace
d’une technologie « propre » dans le cadre du MDP est aussi un aspect décisif pour le choix d’une46 Selon le traité ce «développement durable» serait aussi accompagné de bénéfices sociaux, environnementaux etéconomiques(Demaze,2013).
69
technologieàl’échellenationale.Enréalité,lecoutpeutdéterminerqueltypedetechnologiqueseraitle
plusappropriéàmettreenplacedansunprojet.Ladimensionducoutdoitrentrerenconvergenceavec
lesprioritésnationalesdedéveloppementet lesbesoinssectorielsdechaquepayshébergeurduprojet
(VanderGaastetal.;2009).Considérantcescaractéristiquesgravitantautourdelanotiondutransfert
technologique du MDP, Hellweg et al (2005) souligne qu’il existe une forte tendance au sein du
mécanisme favorisant les technologies « end-of-pipe ». C’est-à-dire, un scénario mondial du MDP
montrantlamiseenplacemassivedetechnologiesquiréduisentlesémissionsenaval.Normalement,ces
technologieseffectuent laréductiondesémissionssur leprocessusfinald’uneactivité(Dechezleptreet
al, 2009). Si d’un côté, ce type de technologies offre un cout d’investissement faible, de l’autre, il ne
montrepasbeaucoupdebénéficesenvironnementaux.Cestechnologiesn’engagentpasunchangement
versuneproductionmoinspolluante.Enréalité,laproductiondemeuretrèspolluanteetlestechnologies
« end—of—pipe »nesontniplusnimoinsquedestechniquespalliativesarrivantauboutde lachaine
productivepouratténuerseseffets(Olajire,2010).
À l’occasionde ladiscussion théoriqueàproposde lacriseenvironnementaleénoncéeaudébutdece
chapitre, nous avons présenté la théorie de la Modernisation Ecologique comme une réponse
conceptuelleàcetenjeu.Silemarchéetl’innovationtechnologiquesetrouventaucœurdelathéoriede
la Modernisation Ecologique, dans quelle mesure peut-on considérer que le mécanisme reflète les
principesdecettethéorie ?L’approchetechnocentréedelagouvernanceclimatiqueonusiennesedécline
endeuxvolets.Lepremierseraitl’impositiond’unobjectifmondialderéductiondesémissionsbaséesur
lamodélisationmathématiquedu climat. Il endécouleque lesdécisionsprisesdans le traitéduKyoto
sontàl’originedel’expertisetechnoscientifiqueduGIEC(Dahan,2014).Lesecondporteraitlatechnique
commeleseuloutilviabilisantlemariageentrelacroissanceéconomiqueetlescontraintesécologiques.
IlestintéressantdenoterquelathéoriedelaMEplacel’innovationtechniqueaucentredelarésolution
de la crise environnementale (Buttel, 2000). La gouvernance du MDP suit cette même logique
technocentréeencréantunmarchéautourdelamiseenplacedenouvellestechnologiesdansdespays
en voie de développement. Le rôle central de l’innovation technique réglée par le marché s’impose
commeundesélémentsfondamentauxcomposantl’illusionducaractère« neutre »ou« dépolitisée »de
lagouvernanceclimatiqueonusienne(Aykut&Dahan,2015).Eneffet, la techniqueaassuméunstatut
puissant et formateur dans les sociétés actuelles (Ellul, 2012). Elle serait au service de la croissance
70
économiquetoutautantqu’ellelarégulerait.Lediscourstechnoscientifiquedelamodernitéestdevenu
lesynonymedeprogrèsetd’efficacité(Latouche,1995 ;Scardigli,1992).
De ce fait, la logiquede fonctionnementduMDPestorientée vers l’efficacité économiquepar lebiais
technique pour résoudre un enjeu environnemental global (Ehrhardt-Martinez et al, 2015). Pellizzoni
(2011)révèlequelediscoursnéolibéralquifaçonnelapolitiqueclimatiqueglobaledépasselediscoursdu
néolibéralisme classique. Ce phénomène s’explique dans la mesure où le néolibéralisme classique
reconnaitleslimitesmatériellesdelanaturequiempêchentlaréalisationd’unecroissanceéconomique
exponentielle. En revanche, le néolibéralisme appliqué à la politique climatique globale accorde une
certaineélasticitéàceslimitesenraisondelacapacitétechniquedemaitriserlanatureetd’optimiserses
ressourcespourcontinueràlesexploiter.Ainsi,dansquellemesurel’aspecttechnologiquedumécanisme
rentre-t-ilenharmonieavecunegouvernanceclimatiquenéolibérale ?
Après observation des résultats empiriques relatifs à lamise enœuvre duMDP dans lemonde, il est
possibledenoterquel’idéologienéolibéraleapénétrélapolitiqueenvironnementaleduclimatetqueles
résultatssontenconsonanceavecelle(Bailey&Wilson,2009).« Lagouvernanceclimatiqueonusiennea
toujourstentédecombinerunelectureéconomiquelibéraleetunelectureenvironnementale,avectoutes
les acrobaties pour rendre compatibles des positions difficilement conciliables » (Aykut&Dahan, 2014:
128). L’efficacité économique a pris le pas sur les objectifs environnementaux dans le choix de
technologies plus ou moins performantes au niveau environnemental. Les lois du marché visant
l’efficacité ont également influencé la répartition inégale de participation des pays dans lemécanisme
(Cosbeyetal,2005).Parconséquent,nousconstatonsuneabsencederégulationpolitiquedelapartde
laCNUCCCdanslefluxdeprojetsMDPetdemisesenplacedetechnologiques« propres »moinschères
etmoinsperformantesauniveauenvironnemental.
Bailey&Wilson(2009)stipulentqu’àpartl’efficacitééconomique,iln’existepasd’autreraisondechoisir
lemarchéducarbonecommeuninstrumentd’atténuationdesémissionsGES,audétrimentd’autretype
depolitiquesclimatiques.LeMDPestuninstrumentrésultantd’unegouvernementabiliténéolibéraledu
climat.Unesupposée« innovationtechnologique »encouragéeparcetinstrumentestsoumiseauxloisdu
marché (Oels, 2006 ; Bailey et al, 2010). Le néolibéralisme imprègne la rhétorique de la ME dans la
politiqueclimatiqueonusienne.En réalité, les loisdumarchésontdéterminantesdans lacréationd’un
71
contextegagnant-gagnantpourlesacteursœuvrantàl’essordesnouvellestechnologiesderéductionde
GES.« thewayoffsetmarketshavebeenorganizedencapsulatestheEMlogicofreconcilinggrowthand
environmental protection in that innovators and project developers are emboldened and enabled to
search for the least-costway of producing emissions reductions irrespective of the ethical and political
dilemmas around » (Bailey et al., 2011:692). Ainsi, le transfert technologique vers les pays en
développementcommeprojettechnocratiqueduMDPobéitauxlogiquesdelaME.
1.2.5.La« miseenrécit »delanotiondedéveloppementdurabletraduitedansleMDP
« Le genre humain a parfaitement les moyens d’assumer un développement durable, de répondre aux
besoinsduprésentsanscompromettrelapossibilitépourlesgénérationsàvenirdesatisfairelesleurs.[…]
Celadit,ledéveloppementdurablen’estpasunétatd’équilibre,maisplutôtunprocessusdechangement
dans lequel l’exploitation des ressources, le choix des investissements, l’orientation du développement
techniqueainsiquelechangementinstitutionnelsontdéterminésenfonctiondesbesoinstantactuelsqu’à
venir. » (Rapport de Brundtland, 1987: 14). La notion de développement durable est apparue dans le
rapportdeBrundtlanddanslesannées80afindedonnerune« réponse »àlacriseécologiqueengendrée
par l’exploitation humaine des ressources naturelles. Cette dernière répondait aux logiquesmondiales
d’encouragementàundéveloppementéconomiqueexponentiel.Dece fait, lacréationdecettenotion
avait comme objectif demettre en place un cadre normatif pouvant concilier des intérêts divergents.
Selon le rapport, le « développement durable » pourrait, théoriquement, gérer les contradictions
existantes entre développement économique, préservation environnementale et inégalités sociales
(Theys,2002).
Malgréles« bonnesintentions »derrièrelacréationdececoncept,ilareçubeaucoupdecritiquesdela
partdumondescientifiqueenraisondel’absenced’un« contenuopératoire »(Theys,2000).Fournirun
« contenu opératoire » consisterait au niveau scientifique à établir un cadre expliquant comment
atteindre, évaluer ou fixer les normes qui définiraient ce « développement durable » (Theys, 2014). En
outre, le manque de précisions scientifiques sur les moyens d’identifier les besoins des générations
futures (pour ensuite les assurer) représente un « vide » dans la notion (Godard, 1994). Quand cette
notionprésentelapossibilitéderéunirleconceptdecroissanceéconomiqueaveccelledelapréservation
72
deressourcesenvironnementales,ellecréeunparadoxe.Plusprécisément,un« oxymore »,uneformede
discours visant à réunir deux notions ontologiquement contraires comme Rist (1996) le révèle. Par
ailleurs, la dimension sociale n’est pas non plus définie dans la notion de développement durable.
Sebastien&Brodhag(2004)mettentenlumièreladifficultédeconceptualiseretderendreopérationnel
cequeleRapportdéfinitcomme« l’harmonieentrelesêtreshumains »:« la«durabilité»peutêtrevue
comme une insurmontable contradiction du capitalisme. Face à une telle plasticité - pour ne pas dire
ambivalence-,oncomprendquecettenotionfassel’objetd’amplesdiscussionsetpuisseêtremobiliséede
diversesmanièrespardesacteursqui, selon leurs intérêtset leur stratégie,appuieront sur telleou telle
questionetmettrontl’accentsurtelleouteldesessignifications. »(Vivien,2003:29)
En vue de ce scénario, la notion de « développement durable » est instrumentalisée sous différentes
formespour légitimerdesdiscourshétérogènes.SelonTheys (2014), laplasticitéde lanotionapermis
quesonusagesoitobservédanslascènepolitiquemajoritairementsousles3façonssuivantes:
a) L’usage stratégique, portant l’objectif de concilier des intérêts divergents et d’ouvrir de
nouvellesopportunitésd’actioncollective ;
b)L’usagerhétorique,ayantpourbutderendreundiscoursplus« vendable »en fonctionde la
dimensionsocialeetenvironnementaledece« nouveau »développement ;
c) L’usage de transition politique, afin de marquer une rupture avec le « vieux » modèle de
développement économique. Plus précisément, son emploi vise à souligner un moment de transition
politiquepassantduparadigmedelacroissanceéconomiqueversunnouveautypedecroissanceprenant
encomptel’aspectécologique.
Ainsi, lanotionde« développementdurable »aenvahi lesmédias, lesdiscourspolitiques, lespolitiques
publiques et le monde de l’entrepreneuriat (Theys, 2014). Toutefois, Theys (2014) souligne
qu’actuellement ce concept a perdu sa puissance dans la scène politique en raison d’un certain
désenchantement mondial envers la gouvernance globale du climat, notamment du fait de la crise
économiquede2008.Onaassistéàunépuisementdesonusagetrèsvarié.« Unconceptmenacéquia
épuisélesavantagesdesonambiguïté »(Theys,2014:2).
Malgrésoncaractèreambivalentetson« effacement »auseindesdébatssur lespolitiquesclimatiques
actuelles, cettenotiondemeure trèsprésenteau seinde laCCNUCCetduProtocoledeKyoto.Undes
73
objectifs du MDP est d’encourager le « développement durable » dans les pays de la Non-Annexe I.
Conformémentauparagraphe2del’article12duProtocolequiinstaureleMDP,« l’objetdumécanisme
pour un développement "propre" est d’aider les Parties ne figurant pas à l’Annexe I à parvenir à un
développement durable ainsi qu’à contribuer à l’objectif ultime de la Convention, et d’aider les Parties
viséesà l’Annexe Ià remplir leursengagementschiffrésde limitationetde réductionde leursémissions
prévuesàl’article3 »(ProtocoledeKyoto,1998).Ilestintéressantdenesoulignerquenullepartdansle
traitén’estexplicitéelanotionde« durabilité »,desortequ’ildevientimportantdediscuterdansquelle
mesureleMDPapucontribueraudéveloppementdurabledanslespaysparticipantsauMDP,etdequel
typededéveloppementdurableils’agissait.
Unebrèveanalysebibliographiquede lamobilisationde cettenotionemployéeau seindumécanisme
peutmettreenlumièreunautreaspectcontroversédufonctionnementdecetinstrumentderéduction
des émissions. Cette discussion pourrait être complémentaire à l’analyse de l’enjeu du transfert
technologiqueayant relevé les inégalités résultantde sonexploitationdans le scénario international. Il
faut rappeler que ces inégalités sont nées de la logique marchande inhérente au fonctionnement du
mécanisme.Enrevenantsurl’aspectdu« développementdurable »mobilisédansleTraité,soncaractère
« ambivalent »estaussiobservédans le texteduProtocole.Enréalité, leProtocoleadéléguéàchaque
payshébergeurdesprojetsMDP lapossibilitédedéfinir leurspropresparamètresde« développement
durable ». Autrement dit, chaque Entité Nationale Désignée avait la liberté d’évaluer lesmodalités de
contributionaudéveloppementdurablepourlamiseenœuvredechaqueprojetMDPsursonterritoire.
« LacontributionduMDPaudéveloppementdurabledespaysendéveloppementestuneconditionsine
quanonpourqu’unprojetsoitacceptéetenregistréparleConseilexécutifduMDP.Maiscettecondition
nefait l’objetd’aucunevérificationpréalable,contrairementauxautresaspectsduMDP,parexemple la
réductionenvisagéedesEGES47,qui fait l’objetd’unevérificationpréalable suivant lesprocédureset les
méthodesapprouvéesparleConseilexécutifduMDP »(Demaze,2013:2017).
Ainsi,ladéfinitionde« développementdurable »auseindumécanismeaunecorrélationdirecteavecla
souveraineté des États dans la gouvernance climatique onusienne (Demaze, 2013). En laissant la
définitiondedéveloppementdurableauxcritèrespropresàchaquepays,leConseiladministratifduMDP
47EmissiondeGazàEffetdeSerre.
74
relègue au deuxième plan les préoccupations sociales et environnementales impliquées par cette
nouvellenotiondedéveloppement(Boydetal,2009).C’est-à-direqu’àpartladimensionfinancièredela
réduction des émissions, les dimensions sociales et environnementales dumécanisme ne figurent pas
comme des priorités dans la gouvernance climatique internationale. Par conséquent, le MDP a été
approprié au niveau mondial plutôt comme un outil ouvrant des opportunités financières pour la
réduction des émissions à bas cout. Sa capacité de promouvoir des améliorations sociales et
environnementales locales,aspectsstructurant lanotiondedéveloppementdurable,aquantàelleété
sous-estimée(Demaze,2009a).Ils’agitlàdurésultatd’unchoixinternationalànepasdéfinirlescritères
dedéveloppementdurableetlesmodalitésdesamiseenœuvre.Cechoixdegarder« l’ambivalence »de
la notion dans les traités reflète, en réalité, la substance des débats lors des négociations climatiques
durant lesquelles la préservation de l’environnement pouvait rentrer en contradiction avec le
développement économique: « (…) ces textes donnent l’impression que la résolution des problèmes
d’environnementetl’améliorationdesconditionsdevie(réductiondelapauvreté)vontdepairetpassent
inéluctablementparunecroissanceéconomique »(Demaze,2009b:13).
Malgrél’absencededéfinitiondelanotiondanslecahierdechargeduMDP,dansquoiconsisteraient-ils
lesbénéficesdelaconcrétisationd’undéveloppementdurableàl’échellelocaleàtraversleMDP ?Boyd
etal(2009)ontopérationnalisécettenotionauseindumécanismedansl’objectifdel’évaluer.Ainsi,en
prenantencompte lescritèresdedéfinitiondecettenotiondechaquepays signataire, ilsontcrééun
« ideal-type ».Àpartirdecemodèle,ilsdécriventlesavantagesconcretsderrièrececonceptpouvantêtre
apportésparleMDPauxpopulationslocales.IlsontalorsétablilesbénéficesdirectsetindirectsduMDP
pourlapopulationlocaleimpactéeparl’implantationd’unprojetderéductiondesémissions.Lebénéfice
direct serait la création d’emplois à travers lamise enœuvre et le fonctionnement d’un projetMDP.
Parallèlement, un premier bénéfice indirect consisterait à améliorer les conditions environnementales
localesàtraverslaréductiond’untypedepollutionamenéeparleprojet.Undeuxièmebénéficeindirect
seraitquel’obtentiondecréditscarbonepourraitcontribueràl’améliorationdesconditionsdeviechez
les populations locales48. Ainsi, la concrétisation de la notion de « développement durable » dans le
48Plusieursgrandsprojetsderéduction«largescaleprojects»(ceuxquiréduisentplusde15000tonnesdeCO2équivalentparan,selonladécision17durantlaCOP.7)possédaientdesdéclarationssimilairesquantàleurscontributionsaudéveloppementdurable local écrit dans le PDD. Ces critères porteraient sur la création d’emploi et l’investissement d’une partie du budgetacquispar lagénérationdecréditsCO2dans lesprojetspour ledéveloppement local (Boydetal,2009).D’autresprojetsquivisentàréduiremoinsde15000tonnesdesCO2équivalentparansontconsidérés«smallscaleprojects».
75
mécanismepeutêtreétroitementassociéeauxconditionsenvironnementalesetsocialesdespopulations
habitantauxalentoursd’unsitepossédantunprojetMDP.
Bienqueleconceptaitgardésonaspect« ambigu »danslestextesdel’ONU,certainsauteursontutilisé
lescritèresénoncésci-dessuspourévalueràquelpointleMDPpourraitêtreuninstrumentderéalisation
de« développementdurable » (Olsen,2007). Ilestalorsnotableque leMDPproduisedesrésultatstrès
différentsdesaconceptioninitiale,c’est-à-direlesouhaitdecontribueràundéveloppementdurableau
niveau local (Olsen, 2007). Il a été transformé en instrument d’opportunités de réalisation de grandes
réductions d’émissions à des couts très bas, indépendamment du constat que l’activité du projet
contribueounonàl’améliorationdesconditionsdeviedelasociétécivileaffectéeparleprojet.Eneffet,
cette contribution n’est en rien obligatoire pour l’enregistrement du projet (Demaze, 2009a). En
conséquence,certains projets à grande échelle dans le monde réduisent beaucoup d’émissions, mais
s’avèrentantidémocratiquesetgénèrentdescontroverses locales.« Thedesireto imposeknowableand
similarmarket structures throughCDMfinancing isproducingandcanequallyproduce rather troubling
‘differentialgeographies’[…].Thus,the‘good’and‘ethical’structuresoftheCDMarecreating‘bad’and
‘unethical’outcomesinsomeplacesand,alternatively, ‘good’andperhaps‘ethical’outcomesinothers »
(Boyd&Goodmann,2011:848).
Considérantlavalorisationàl’échelleinternationaledelacapacitéfinancièreduMDP,etce,audétriment
de son potentiel à apporter de meilleures conditions environnementales et sociales aux populations
locales, Voigt (2007), mais aussi Brown et al (2004) soulignent la nécessité de changement dans la
structuredumécanisme.Premièrement, il faudrait créeruncadre conceptuelpouvantmieuxdéfinir la
notiondedéveloppementdurableauseindumécanisme.Plusprécisément,cettedéfinitiondoitcontenir
uncadreexplicatifavec lesélémentsstructurauxde lanotionpermettantde l’opérationnaliserdans les
modalitésdefonctionnementdumécanisme.Parexemple, lacréationdelignesdirectricesdéterminant
les modalités d’un projet MDP à apporter un développement plus équitable aux populations locales
effaceraitcetteambivalenceinhérenteàlanotion(Brownetal,2004).Decefait,ilestaussinécessairede
créerdesstructuresrégulatricespour lefonctionnementdecemarchéducarbone incluant lespaysen
voie développement ayant des communautés plus pauvres. Ces agents régulateurs au niveau
international et local « contrôleraient » le flux des investissements vers des projets plus prometteurs,
76
favorisant des améliorations locales plutôt que seulement des projets purement rentables auxProject
Owners(Boyd&Goodmann,2011).
La participation active de la société civile serait essentielle pour l’approbation des projets à l’échelle
locale. Cette participation contribuerait à un effort de la politique climatique globale vers la
concrétisationd’undéveloppementdurablelocal.(Olsen,2007 ;Voigt,2007).Seloncesauteurs,ildevient
primordiald’empêcherquelalogiquedumarchésupplantelesobjectifssociauxetenvironnementauxdu
MDP. « L’imbrication des logiques économiques et commerciales et des logiques climatiques socio-
économiquesetenvironnementalesnes’avèrepasêtreuneréussitedansleMDP »(Demaze,2013a:269).
Ainsi,lesattentesdelacommunautéscientifiquepourlesengagementspost-2012duProtocoledeKyoto
seraientportéessurlacorrectiondesiniquitésnéesdelalogiquedefonctionnementduMDP(Boydatal.,
2009).
1.3.LEBILANDUPROTOCOLEDEKYOTOETLERÉSULTATDELACOP-21:UNNOUVEAUTRAITÉ
PERMETTRAIT-ILCONTINUERÀLUTTERCONTRELECHANGEMENTCLIMATIQUEÀPARTIRD’UN
MARCHÉ ?
Danslapartieprécédente,nousavonsdiscutél’expériencedufonctionnementduMDPdanslescénario
mondial d’un point de vue social et environnemental. Cette discussion sur le bilan du mécanisme
comprenddesanalysessurlapremièrepérioded’engagementdumécanisme(2008-2012)ainsiquesur
la deuxième période (2013-2020). La dernière période intitulée « Doha Amendementto the Kyoto
Protocol » a été négociée lors de la COP-18 pour assurer une transition entre le traité de Kyoto et le
prochaintraité.LenouveautraitéaéténégociélorsdelaCOP-21,en2015.Decefait,danscettepartie
nousallonsdiscuterbrièvementdesrésultatsduProtocoledeKyotoaprèsenviron15ansd’application.
Cetteétapes’avèreindispensablepourensuitemettreenlumièrelesdiscussionssurlenouvelAccordde
Paris qui remplace le Protocole de Kyoto à partir de 2020 (UNFCCC, 2018h). Les négociations dans ce
nouveau traité détermineront l’avenir du MDP ou éventuellement d’un nouveau marché du carbone
mondial.
77
La première période d’engagement du Traité allant de 2008 à 2012 a fixé pour les pays de l’Annexe I
l’objectif de réduction de 5% de GES par rapport à la moyenne des émissions de 1990 (année de
référence).Toutefois,danslaréalité,leProtocole,censéêtreuninstrumentjuridiqueglobal,n’aétépas
ratifiépartouslespaysduglobe.LasortiedesÉtats-Unisen2001,lepaysleplusémetteurdeGES49dans
lemondeamisenpérillacapacitédutraitéàêtreefficaceauniveauglobal(Bohringer,2003)50.Quoique
lesÉtats-Unisaientretiréleurengagement,laratificationduProtocoleareprésentéunsoutienpolitique
d’autrespayssignatairesdelaConventionàlagouvernanceclimatiqueglobale.Ainsi,l’Unioneuropéenne
aprisunavantagepolitiqueenétantleseulblocdepaysparmilesplusrichesdelaplanèteàratifierle
Traité. Du point de vue de l’Union européenne, continuer l’engagement du traité s’est avéré une
opportunitépolitiquepourrenforcerl’orientationdesapolitiqueextérieureversuneimagedeleadership
mondialplutôtqu’unengagementpurementenvironnemental(Aykut&Dahan,2015 ;Hovietal,2004).
En outre, l’aspect économique du traité était aussi en convergence avec la posture européenne
d’adoption du paradigme de la théorie de Modernisation Ecologique. Il s’agit là d’une stratégie de
promotion, de diffusion et de développement de technologies « plus écologiques » de la part des
entreprises européennes vers les pays du sud. Finalement, l’engagement au Protocole ouvrait des
opportunitéspolitiquesetéconomiquespourl’Europe(Aykut&Dahan,2015).
Dupointdevueenvironnemental,malgrélaratificationdutraitéparlespaysreprésentants51aumoins
55%desémissionsglobalesdeGES,laplanèteaassistéàuneaugmentationdesesémissionsparrapport
à1990,l’annéederéférence(Maljean-Dubois,2015).Selonuncommuniquédepressedel’UNESCO,une
étude réaliséepar l’OrganisationMétéorologiqueMondialeen2013 soulignequenousavons subiune
augmentationde34%desémissionsentrelesannéesde1990et2013(UNESCO,2013).Unautreaspect
contribuant à « l’échec » environnemental du traité portait sur l’exclusion des grands émergents d’un
objectifcontraignantpourleursémissions.Ilaétéobservéuneaugmentationconsidérabledesémissions
danslespaysdelaNon-AnnexeI,commemontrelegraphiqueci-dessous(Maljean-Dubois&Wemaere,
2015 ;Petersetal,2012).
49Emetteurd’environ36%dutotaldesémissionsmondialesàl’époquedelaratificationduTraité(Aykut&Dahan,2015).Selonlesdonnéesde2017duGlobalCarbonAtlas,laChineestactuellemententêteduclassement.LepaysfigurecommelepaysleplusémetteursdesémissionsdeGESdanslemonde.LesÉtats-Unisfigurentcommeledeuxième.(GlobalCarbonAtlas,2019).50LeCanadas’estégalementretirédutraitéen2011.51Etl’UnionEuropéennecomptecommeleblocdespays.
78
Figure7:LatendancedesémissionsdeC02parproductiondesbiensetmatièrespremièresetconsommationentrelespays
del’AnnexeIetnon-AnnexeIentre1990et2010.
Source:Petersetal.,2012.
Malgrélacrisede2008,durantlaquelleunelégèrebaissedesémissionsdeGESdanslespaysdéveloppés
est observable, les pays en développement n’ont pas accompagné cette tendance de réduction des
émissions.Enréalité,latendancedesesémissionsestàlahaussedurantcettepériode.Ilestimportant
de souligner qu’après cette crise, l’augmentation des émissions de GES a perduré au niveaumondial.
Voigt et Bohringer (2003) précisent qu’en raison du pouvoir dévolu au marché, le traité n’a pas
représenté un encouragement vers des efforts effectifs pour changer les modalités de production et
consommationdanslesterritoires.Enréalité,lespayssouhaitaientadopterunepolitiqueclimatiquepour
des objectifs politiques, sans payer le cout d’une réduction des émissions pouvant menacer leurs
processus industriels ni leurs politiques économiques. De tellemanière que le pouvoir du Traité s’est
restreintau« businessasusual »(Voigt&Bohringer,2003).Autrementdit,leProtocolen’étaitlevecteur
d’aucun changement dans l’exécution et la diffusion des nouvelles technologies. Son attachement au
marché a seulement encouragé une logique de transmissions technologiques déjà existante dans le
scénariomondial.Bienqu’ilyaiteuunerelativestabilisationdanslesémissionsdespaysdel’AnnexeI52,
52 La stabilisation des émissions provenant des pays de l’Annexe I s’explique aussi par la globalisation de la production, oùplusieursprocessus industrielsontétédélocalisésvers lespaysémergents,mais sanspourautant fairebaisser lesémissionsdansleursterritoires.Unnouvelordreinternationaldelarépartitiondutravailissuduprocessusdeglobalisationéconomique
79
les émissions des pays de la Non-Annexe I ont explosé. Ainsi, contrairement à son objectif initial, la
premièrepérioded’engagementduProtocolevoituneaugmentationmondialedesémissionsdeGES.
« Déjà marginal dans la période2008-2012, le Protocole n’a plus qu’une portée symbolique dans la
période2013-2020, puisque les pays engagés dans son cadre ne représentent, commenous l’avons vu,
qu’une part marginale, environ 13%, et décroissante des émissions mondiales face à l’explosion des
émissions des pays du Sud. » (Maljean-Dubois & Wemaere, 2015: 157). Un prolongement de
l’engagementduKyotoaéténégociélorsdelaCOP-18àDohaen2012.Enl’occurrence,cettedeuxième
périodeaétéétablieafindenepaslaisserleprotocole« mourir »enraisondesesmaigresrésultatsetdes
failles dans son architecture. Ainsi, la deuxième période n’est l’objet d’aucun changement dans la
structure du traité de sorte à ne pas « perturber » les négociations avec les pays en voie de
développement (Maljean-Dubois & Wemaere, 2015). Les négociations à Doha ont eu un caractère
« pragmatique »puisqueladeuxièmepérioded’engagementnefixepasd’objectifsderéductionsaupays
du Sud,malgré le constat d’une augmentation des émissions GES chez eux (Weissenberger, 2012). Le
« Doha Amendment » a été caractérisé comme une phase de transition vers un nouvel accord qui
envisageaituneparticipationmondialeplusconséquente(laparticipationdesÉtats-UnisetduCanada)et
l’établissementdesobjectifsderéductionsdeGESpourles« grandsémergents ».
Enrevanche, ilest intéressantdesoulignerque,enconséquencedelacrisefinancièrede2008, lesprix
descréditsducarboneontplongé(Newelletal,2013).Cetteévolutionaaffaiblilepouvoirdumarchédu
carbone,cequiaainsiétéimpactésurladeuxièmepérioded’engagementduProtocoledeKyoto.Leprix
des CER provenant des projetsMDP est passé d’environ 20dollars la tonne53 avant 2008, àmoins de
10dollarsdurantlapériodedelacrisefinancière(TheEconomist,2012).Lesincertitudesquantàl’avenir
dumécanisme avant le renouvellement de la deuxième période d’engagement du Protocole ont aussi
entrainéunebaissedelademandeencrédits.Celaaaussicontribuéàunechutedeleurprix.Unautre
argumentpouvantexpliquercedéclincontinudans leprixdesCERserait ledéclindans lademandeen
crédits issus des projets MDP résultants d’une restriction du Parquet Climat Énergie de l’Union
européenne.
doit être pris en compte dans la question de réduction des émissions territoriales (Roberts& Parks, 2007; Aykut&Dahan,2014).53Pourrappel,1CER=1tonnedeCO2équivalente.
80
Cet organisme appartenant à l’Union européenne a interdit l’achat des créditsCO2 des projets MDP
provenantdespaysémergentsparlespayseuropéens.Cetteinterdictionconcerneseulementlesprojets
ayant commencé à partir la deuxième période d’engagement du Traité, autrement dit, après 2012
(Maljean-Dubois&Wemaere,2015)54.Eneffet,cetteactionvisel’encouragementàl’inclusiondes« pays
moins avancés » (PMA) dans le MDP. De ce fait, pour la deuxième période, les pays européens sont
assujettisàacheterdescréditsprovenantseulementdesprojetsMDPmisenœuvredans lespaysplus
pauvresdelacatégoriedepays« envoiededéveloppement »duTraité.Celaalimitélamiseenœuvrede
projets par les « grands émergents » (Chine, Inde et Brésil). Cette démarche de l’Union européenne et
crée une chute de la demande et de l’offre en crédits,menaçant ainsi l’avenir duMDP (Newell et al,
2013).Lafigureci-dessousmontrelachutedesprixdecréditsCO2duMDPàpartirde2008ainsiqueson
déclincontinujusqu’àen2012.
Figure8:LatendancedesprixdescréditsCO2danslecadreduMDPencomparaisonauxautrestypesdemarchésdeCO2
55.
Source:Newelletal.,2013.
MalgrélafaiblessefinancièreduMDPdansladeuxièmepériodeduTraité56,saforcesymboliqueinitiée
parleProtocoledeKyotoatransmisunmessagefort:laconsolidationdelatendancedel’économisation
de l’environnementauseindespolitiquesclimatiques(Voigt&Bohringer,2003 ;Aykut&Dahan,2014).
54Plusprécisément,lesprojetsenregistrésjusqu’à2012sontéligiblespourlacommercialisationdescréditsCO2.Cetterègleestvalableseulementauxprojetsenregistrésàpartirde2013(annéededébutdeladeuxièmepérioded’engagement)55Marchéeuropéenetmarchévolontaire.56Ladeuxièmepérioded’engagementduKyotoestmarquéeparunebaissetrès importanted’enregistrementdesnouveauxprojets MDP. Selon les données officielles de la CCNUCC, après l’année de 2013, il y a eu une baisse assez importanted’enregistrementdesprojets,pouvantarriveràpresquezéroen2016(UNFCCC,2018i).
81
Cefutprésentéauseindelagouvernanceclimatiquemondialecommeunepromessedeluttercontrele
changement climatique en combinant les dimensions écologiques et les exigences de croissance
économique.Cependant,c’estl’absencederégulationglobaleauprèsdesprojetsetdespayshébergeurs
qui a été frappante dans le fonctionnement du marché du carbone lors de la première période
d’engagementduTraitédeKyoto(Aykut&Dahan,2014a).
1.3.1.L’accorddeParis:unnouvelespoirpourunrenouvèlementdel’espritduMDP ?
Endécembre2015,lespayssignatairesdelaCCNUCCsesontréunisàParisafindenégocierlenouveau
traitéquiremplaceralesengagementsduProtocoledeKyotoàpartirde2020.Cenouveautraité,intitulé
« AccorddeParis »,aconservé l’essentielde lastructureduProtocoledeKyoto.Enrevanche,quelques
modificationsontétéeffectuéessurdesaspectsdéfaillantsayantétémisenlumièrepardesscientifiques
etdescritiquespendantlesdeuxdécenniesd’existencedutraité.Nousallonsdiscutericinotammentles
aspectsrelatifsaunouvel« habillage »duMDPdansl’AccorddeParis.Toutefois,ilconvientaupréalable
desoulignerdeuxpointssurcenouveautraité.
Le premier consiste dans le fait que, contrairement à celui de Kyoto, l’Accord de Paris reconnait
l’augmentationinévitabledelatempératureglobale.Ilétablitdeseffortspourquecetteaugmentationde
température ne dépasse pas le seuil de 1,5 et 2° Celsius par rapport aux niveaux préindustriels afin
d’atténuer les risques du phénomène57 (Accord de Paris, 201558). Par conséquent, il reconnait
officiellement que les conséquences du changement climatique existent et affecteront la population
mondiale. En reconnaissant ces risques, l’accord encourage la nécessité d’adaptation. Ainsi, au lieu de
fixer des objectifs contraignants à chaque pays, l’accord a adopté une nouvelle méthode: « la
transparence »associéeàl’engagementdansuneactionglobale(Obergasseetal,2015).Ilinvitechaque
pays à créer une politique nationale afin qu’ils puissent contribuer, à son échelle, à la lutte contre le
changementclimatique.Chaquepaysdoitalorscommuniquersonniveaudecontributionàlaluttecontre
57TandisqueletraitédeKyotosecontentaitdevouloirréduirelesémissionspourchaquepaysdéveloppéparrapportàl’année1990.58NationsUnies.2015.AccorddeParis.
82
le phénomène59. Les résultats de ces contributions devraient être communiqués tous les cinq ans lors
d’une Conférence des Parties (COP). « Instead of legal sanctions, the Paris Agreement relies on a
mechanismof‘namingandshaming’toensureimplementation:itcreatesareputationalriskthroughthe
establishmentofmandatorytransparencyandreviewprovisions.”(Obergasseletal,2015:243).
Ledeuxièmepointconsistedans le faitque leprincipedecoopérationentre les« paysdéveloppés »et
« pays en développement » reste un principe inchangé dans cette nouvelle politique climatique
internationale.Toutefois,lesmodalitésdecoopérationontsubiquelquesmodifications.Decefait,nous
revenons à la question de l’avenir du MDP. L’Accord de Paris a ressuscité l’esprit structurel du MDP
(Olsen et al, 2018). Cependant, contrairement à l’article12 du Kyoto, l’Accord ne mentionne pas
directementlamiseenplaced’unmarchéducarboneentreles« paysdéveloppés »et« lespaysenvoie
développement ». Dans les articles6 et 15, il établit la création d’un mécanisme de coopération afin
d’aiderlespaysendéveloppementàmenerdesactionsd’atténuationdesémissionsetdepromotiondu
développementdurable.« Ilestétabliunmécanismepourcontribueràl’atténuationdesémissionsdegaz
àeffetdeserreetpromouvoirledéveloppementdurable,placésousl’autoritédelaConférencedesParties
agissantcommeréuniondesPartiesauprésentAccord,dontilsuitlesdirectives,àl’intentiondesParties,
quil’utilisentàtitrevolontaire.(…) »(AccorddeParis,2015:art6,paragraphe4).
Cemécanisme« financierettechnologique »(commementionnéedansl’Accord)viendraitnotammenten
aideaux« paysmoinsavancés ».Cettenouvellecatégorieaétécrééeafinderésoudrelesdéfaillancesdu
Protocole de Kyoto lorsque ce dernier a instauré une bilaporisation catégorique entre « pays
développés » et « pays en voie de développement ». Lemanque de nuances dans les catégories et les
changementséconomiquesetgéopolitiquesaufuretàmesuredesannéesontengendrédesproblèmes
d’équité au sein duMDP comme évoqué précédemment. À part « les responsabilités communes,mais
différenciées », l’Accord adopte aussi le principe d’équité associé à ce postulat. En théorie, cela
permettrait lespayspluspauvresdeparticiperàcenouveaumécanisme.« Lesinstitutionsconcourantà
l’application du présent Accord, y compris les entités fonctionnelles du Mécanisme financier de la
Convention, visent à garantir l’accès effectif aux ressources financières par le biais de procédures
d’approbation simplifiée et d’un appui renforcé à la préparation en faveur des pays en développement59Lesniveauxdecontributionn’étantpasfigés,lorsqu’unpaysparvientàréunirlesconditionssocio-économiquespouradopterunecontributionplusambitieuse,ildoitcommuniqueràlaCOPpourcefaire.
83
Parties,enparticulierdespayslesmoinsavancésetdespetitsÉtatsinsulairesendéveloppement,dansle
cadre de leurs stratégies et leurs plans nationaux relatifs au climat. » (Accordde Paris, 2015: article9,
paragraphe9)
L’autre facette de ceMDP « revisité » serait la promotion du développement durable au cœur de ses
modalitésd’exécution.BienqueleMDPissuduProtocoledeKyotoviselapromotiondu« développement
durable », l’évaluation du degré de la contribution du mécanisme à ce type de développement local
n’étaitpasunedimensionimportantedanslemodusoperandidecetoutil(Maljean-Dubois,2015a).Ainsi,
lenouveaumécanismeseraitleproduitduretourd’expériencedesonprédécesseur(Olsenetal,2018).
De sorte que la renaissance duMDP se ferait sous la forme d’unmécanisme ayant l’évaluation de la
notion de développement durable dans son noyau dur et sur le même niveau d’importance que la
promotion de la baisse des émissions de GES. Ce nouvel outil envisage de combiner réduction des
émissionsavecpromotiondesmeilleuresconditionssocio-économiquesàlapopulationlocale.Unautre
aspectnovateurdecemécanisme,dontlenomprovisoirereste« SustainableMitigationMechanism »,est
quesamiseenœuvreneserapas 60restreinteseulementaux« paysendéveloppement ».Enréalité, le
« SMM » donnera accès à lamise en place des projets à tous les pays signataires de l’Accord (Marcu,
2016 ;Olsenetal,2018).Ledessind’unnouveaumarchéducarbonecorroborel’argumentthéoriquede
quelemarchéresteunchoixpolitiquepourrésoudrelacriseécologiqueglobale.Ainsi,commeAykut&
Dahan (2015) l’ont souligné, nous observons la perpétuation de la victoire de l’approche de
l’économisation de l’environnement comme la seule alternative pour transformer l’enjeu
environnementalquitouchenotreplanète.
60 Soncahierdechargeesten traind’êtredessinépar laCCNUCC.Nousn’avonspasd’informations surquand les règlesdeparticipationàcenouveaumécanismed’échangedesquotasdeCO2serontpubliées.
84
CHAPITREII:LAGOUVERNANCEDUMDPAUBRÉSILLESREFLETSDES
CONTRADICTIONSPOLITIQUESDUPAYS
Ce chapitre a comme objectif principal ouvrir une discussion sur le panorama des émissions de GES
brésiliennes et approfondir une analyse sur le scénario des projetsMDPdans le pays. Toutefois, cette
analyse descriptive nous amène à des discussions plus approfondies sur les contradictions politiques
internes par rapport aux plusieurs enjeux environnementaux brésiliens. De ce fait, le chapitremontre
comment le Brésil, connu comme le précurseur de l’idée du MDP lors des négociations climatiques
internationales,portedesparadoxessursagouvernanceclimatiqueinterne.Nousdessinonsd’unefaçon
assez brève les différents contextes sur les possibles conséquences socio-environnementales du
phénomène sur le territoire brésilien. Nous ouvrons ensuite une discussion sur les secteurs les plus
émetteursdeGESdanslepays.CesélémentssontnécessairespourcomprendrelapostureduBrésildans
lesnégociationsinternationales.Lapartiefinaleduchapitreestconsacréeàuneanalyseplusdétailléede
l’État de l’art du MDP au Brésil. Elle permet de mettre en perspective le fait que l’idée initiale du
mécanismeetsamiseenœuvrepeuvents’avérercommeunrefletdescontradictionspolitiquesdupays.
2.1LAVULNÉRABILITÉSOCIO-ÉCONOMIQUEBRÉSILIENNERELATIVEAUPHÉNOMÈNEDU
CHANGEMENTCLIMATIQUE.
« Aucoursdesdernièresdécennies,l’évolutionobservéeduclimat,quellesquesoientsescauses,aeuun
impactsurtouslesocéansetsurlessystèmesnaturelsethumainsdetouslescontinents,cequitémoigne
de la sensibilité de ces systèmes au changement climatique » (GIEC, 2014: 6). Selon les données du
dernierrapportduGIEC(Grouped’ExpertsIntergouvernementalsurl’ÉvolutionduClimat)sortien2014,
l’accroissementdelaconcentrationdeGESdansl’atmosphèreseralacausedel’apparitiondesplusieurs
phénomènes extrêmes dans les différents écosystèmes de la planète. Le rapport souligne la
manifestationdesimpactssurlesniveauxdelamer,unediminutiondesfroidsextrêmes,l’augmentation
desépisodesdes chaleursextrêmeset l’aggravationde la régularitéetde ladensitédesprécipitations
dansplusieursrégionsduglobe(GIEC,2014).
85
Notammentsurleterritoiredel’AmériqueCentraleetduSud,lesdonnéesprésentéesparleGIEC(2014)
montrent (avecunniveaude certitudeélevé) que l’augmentationdes émissionsdeGES adéjà affecté
négativement les écosystèmesmarins. Il a été observé une augmentation du niveau de lamer et des
épisodes de tempêtes et d’inondations. Concernant les « systèmes humains » latino-américains, les
experts du GIEC ont constaté un impact dans la production alimentaire des pays ainsi que dans
l’Économieetdanslasantédelapopulationlocale,liésauchangementclimatique.Sil’augmentationles
émissionssuitlatendanceactuelle,cesperturbationsécologiquesdéjàobservéesserontintensifiéesaufil
du temps, selon les modèles climatiques du GIEC. Cela augmentera l’exposition aux risques des
populationsetdessystèmesnaturels,commemontrelafigureci-dessous.
Figure9:Lesrisquesduchangementclimatiquesurl’AmériqueCentraleetduSud.
Source:GIEC,2014.
À court terme, il y a un risque très élevé que le phénomène du changement climatique impacte
l’agriculturedansl’Amériquelatine,menaçantainsilasécuritéalimentairedelapopulation.Entre2013et
2040, lapopulationseraaussi trèsvulnérableà lapropagationdesmaladiesvectoriellesenfonctionde
l’association des facteurs comme le dysfonctionnement environnemental d’un territoire, la densité
démographiqueetlafragilitésocio-économiquelocale(Barcellosetal,2009).Enoutre,àpartcesrisques
couvrant le territoire continental, il est important de souligner que les plus grandes métropoles de
l’Amérique latine se trouvent dans les zones à proximité des océans. Au-delà des risques cités
86
auparavant, lesagglomérationsdepopulationsurbainessubissent (etsubiront)aussi l’augmentationdu
niveau de la mer, les inondations et la perte de la biodiversité marine en raison du changement
climatique.
Lafigureci-dessousmontreégalementlehautniveaudevulnérabilitédesmétropoleslatino-américaines
et plus précisément les plus grandes villes brésiliennes comme: Riode Janeiro, SãoPaulo, Salvador et
Fortaleza. Selon le rapport brésilien sur la vulnérabilité des villes brésiliennes côtières au changement
climatique(PBMC,2016),lamoitiédesrégionsmétropolitainesauBrésilsetrouventdanslacôteousont
influencéesparlesactivitéscôtières.Lespopulationsdesrégionsprochesàlamersontresponsablesde
laproductionde30%duPIBbrésilien.Cettepopulationestimpliquéedirectementetindirectementdans
desactivitéstrèshétérogènestellesque:letourisme,laproductiondepétroleetdegaznaturel,lapêche
etlesservicesnourrissantlesdynamiquesdecessecteurs(PBMC,2016).
Figure10:Lavulnérabilitédesgrandesmétropolesdel’Amériquelatineauximpactsduchangementclimatiquedansles
régionsinfluencéesparlamer61.
Source:PBMC,2016.
61Traductiondelafigure:NiveaudeRisque:trèsbas;bas;moyen;haut;trèshaut.*VillescôtièresauBrésil.
87
Ainsi, selon les modèles climatiques du GIEC et les rapports brésiliens sur le thème, les estimations
démontrent que l’impact écologique du changement climatique sur le territoire du pays est assez
conséquent.La raison tientau faitque lamajoritédupaysse trouveenzonetropicaleetsubtropicale,
étanttrèsvulnérableà larégularitéet ladensitédespluies (Nobre,2010).Unautrefacteurquirend le
territoirebrésilienexposéauxrisquesclimatiquesportesur lesaltérationsécologiquesdans lesocéans.
LeBrésilpossède7 491kmdezonecôtière,hébergeant60%delapopulationbrésilienne(PBMC,2016).
D’unemanièregénérale, les impactsécologiquesduchangementclimatiquedans lepayssont résumés
dansleschémasuivant.Lecerclebleureprésentecertainesconséquencesduphénomèneconcernantla
zone côtière. Le cercle gris représente les impacts associés au régime de pluie. Le cercle central
représentelesimpactsgénérauxliésauchangementclimatiquedanscertainsécosystèmesbrésiliens.Les
flèches indiquent que ces impacts sont connectés et rentrent en symbiose dans la composition des
risquesenvironnementauxduchangementclimatiquesurleterritoirebrésilien.
88
Figure11:Certainsrisquessocio-écologiquesprovoquésparlechangementclimatiqueauBrésil62.
Source:GIEC,2014 ;Nobre,2001 ;IPCC,2007 ;PBMC,2016.
Afin de mieux visualiser les enjeux environnementaux entrainés par changement climatique sur le
territoire brésilien, nous montrons la carte ci-dessous qui illustre les 5 macro-régions brésiliennes (y
comprissesÉtats).Lacartesuivantemontrelesgrandsbiomesbrésiliens.
62RégionsduNord-estfaisantréférenceauxécosystèmesArideetSemi-aride.
89
Figure12:Lescinqmacro-régionsduBrésil63
Source:Francisco,2019
Figure13:Lalocalisationdesdifférentsbiomessurleterritoirebrésilien.
Source:SNIF,2016.
Au regard des vulnérabilités écologiques sur le territoire brésilien, l’augmentation de GES dans
l’atmosphèreimpacteralesdynamiquessocio-économiquesdupays.Dansl’Économie,ladiminutiondes
précipitations dans la région de l’Amazonie et duNord-est brésilien va provoquer une perte flagrante
63Traduction:vert:nord;bleu:nord-est;rose:centre-ouest;rouge:sud-est;jaune:sud.
90
dansl’agriculture,notammentdanslaculturedusoja,dumaïsetducafé.Cespertescorrespondentàune
prévisiondebaissedanslaproductionpouvantvarierde15%à34%.Ladiminutiondespluiesdansces
régions peut aussi affecter considérablement la production énergétique à partir des centrales
hydroélectriques. Les centrales pourront perdre environ 30% de leurs capacités (Margulis & Dubeux,
2010). Si nous considérons qu’en 2016, la matrice énergétique brésilienne a compté avec une
participation de 12,6% d’hydraulique, une perte dans cette capacité signifierait une précarité
énergétique dans les régions. Ces régions subiront également de futurs épisodes de sècheresse,
particulièrementleNordeste(EPE,2016 ;Margulis&Dubeux,2010).
Sid’uncôté, labaissedesprécipitations représentedes risquespour l’économiebrésilienne,de l’autre
l’augmentation de la densité et des régularités des pluies représentent également des risques socio-
économiques.Laperturbationducyclehydrologiquede laplanèteentraineunehaussed’incidencedes
tempêtes et des inondations. Ces incidents produits par le phénomène du changement climatique
rendenttrèsvulnérablescertainesactivitéséconomiquesdanslesrégionsocéaniquesetdanslesgrandes
métropoles côtières (IPCCC, 2002 ; Kirsch & Schneider, 2016). Comme nous l’avons évoqué
précédemment,ilyaplusieursactivitéséconomiquesayantlieusurlacotebrésilienne.Ainsi,lapertedes
écosystèmes marins engendrée par le changement de la température des eaux en surface impactera
directementl’activitédelapêche.
Letourismeestunautresecteurtouchépar lechangementclimatiquedufaitde laperted’esthétisme
desplages. L’impactdans lepaysage sera associé à l’élévationduniveaude lameret aux inondations
(PBMC,2016).Finalement, l’extractiondepétroleseraaussipénaliséeparleschangementsnaturelssur
lescôtes.Selonlerapportbrésiliensurlavulnérabilitécôtièrevis-à-visdeschangementsclimatiques,les
équipementsd’extractiondoiventêtrerésistantsauxventsviolents,auxcyclonesetauxphénomènesde
refluxdelamer(PBMC,2016).Envuedecescénariod’impactséconomiquesapportéparlechangement
climatique, Domingues et al (2011) prévoient une perte de 0,5% à 2,3% du PIB brésilien en 2050
comparé à un scénario économique sans les effets du changement climatique. La diminution du PIB a
aussi tendance à augmenter au fur et à mesure que les effets du phénomène s’intensifient. Par
conséquent, les effets sur les activités économiques brésiliennes résulteront sur l’aggravation des
inégalitésdéjàprésentesainsietlacréationdesvulnérabilitéssocialessurdesnouveauxgroupessociaux
(Dominguesetal,2011 ;Kirsh&Schneider,2016).
91
Le changement climatiquepourra renforcer les inégalités régionalesauBrésil en concentrant certaines
activités dans un seul espace. Cette concentration sera le résultat de la diminutiondubien-être social
dans les zones rurales en fonction du déclin du secteur agricole (Domingues et al, 2011). Les espaces
urbainsdeviendrontleslieuxd’accueildestravailleursrurauxetdespêcheursàlarecherchedetravailet
de bien-être social (Ribeiro, 2008). Cet exode rural issu du changement climatique s’ajoutera à un
processusdedéséquilibreenvironnementaletsocialdéjàexistantauseindemétropoles.L’augmentation
des pluies dans les grandes villes en raison de son grand niveau de pollution rendra vulnérables les
populationsurbaineshabitantdansleszonessujettesàl’érosiondessols.
Un autre aspect climatique présentant des risques pour les populations des agglomérations urbaines
concerne lesmaladies infecto-contagieuses transmisespardes insectes. Ledéséquilibredans lespluies
augmente la prolifération des insectes et, par conséquent, des maladies vectorielles (Ribeiro, 2008).
Toutefois, il est important de souligner que les grandes villes brésiliennes se sont construites sur un
modèled’urbanisationségrégationniste,marquépar les inégalitéssocio-économiques.L’occupationdes
espaces urbains au Brésil est marquée par de grandes spéculations immobilières, débouchant sur la
formation d’espaces vides en parallèle d’une occupationmassive et précaire d’autres espaces par une
populationpauvre(Santos,1994).L’occupationdesespacesdetypeprécaireetsansrégulationpublique
crééedéjàdes risques environnementauxpour cettepopulationplus vulnérable (Ribeiro, 2008).De ce
fait, les conséquences socio-économiquesdu changement climatique sur le territoirebrésilienpeuvent
aggraver les inégalités sociales historiques résultantes du processus de développement du pays
(Dominguesetal,2011).Unprocessusnéetconsolidéàpartirdemécanismesd’exclusion.
2.2LESTENDANCESÀLAHAUSSEDESÉMISSIONSDEGESSURLETERRITOIREBRÉSILIEN:LES
REFLETSD’UNMODÈLEDEDÉVELOPPEMENTNOCIF.
Le Brésil s’est engagé dans le cadre la Convention-Cadre des Nations Unies pour le Changement
ClimatiqueàcommuniqueràtouteslespartiessignatairesdelaConventionsoninventairedesémissions
anthropiques. La dernière publication datant de 2016 présente un changement dans le scénario des
émissions brésiliennes de GES par secteur d’activité. Historiquement, c’est le secteur du changement
92
d’affectation des sols, le plus grand émetteur des émissions brésiliennes de gaz carbonique. Plus
précisément, ilestresponsabled’unedéforestationàgrandeéchellepour l’élevagedebétailetpour la
monoculture.Toutefois,commelafigurelemontreci-dessous,àpartirde2009,nousavonsassistéàune
réduction des émissions dans ce secteur enmême temps qu’une augmentation des émissions dans le
secteurénergétique.
Figure14:L’évolutiondesémissionsbrésiliennesdeCO2parsecteur.64
Source:MCTIC,2016a.
Le rapport souligne qu’en 2010, le secteur énergétique était responsable de 47% des émissions,
présentantuneaugmentationde19,7%par rapportà2005. Ilest importantd’attirer l’attentionsur le
faitqu’en2010,lacontributiondescombustiblesfossilesdansCesecteurontreprésenté54%del’offre
énergétiqueinterneauBrésil.Ainsi,cetteaugmentationdansl’usagedecombustiblesfossilesaentrainé
l’accroissementdesémissionsdanslesecteur(MCTIC,2016).
Avant de discuter les raisons pour lesquelles il y a eu ce changement de prédominance des émissions
entre le secteur énergétique et celui du changement d’affectation des sols, il est aussi important de
discuter les domaines d’activité les plus émetteurs de méthane dans le pays. Ces commentaires
64Secteurenbleu:Energie;Rouge:processusindustriels;Orange:Traitementdedéchets;Vert:Changementd’affectationdessols
93
complèterontnotrepanoramadescriptifsur lestypesd’émissionsdeGESsur leterritoirebrésilien.Une
fois achevée la description du scénario des émissions anthropiques brésiliennes, nous allons expliquer
comment ces tendances suivent un modèle de développement, toujours ancré dans le processus de
colonisation. Cette argumentation s’avère primordiale dans lamesure où, tout le long de ce chapitre,
nous allons mettre en lumière des contradictions concernant la gouvernance climatique interne et la
positionduBrésildanslesnégociationsclimatiquesinternationales.
2.2.1Lesémissionsdeméthaneparlesecteurdel’agricultureetdel’élevagedebétail:latraditionbrésiliennedu« pouvoirdelaterre ».
Pourrevenirsurlatendancedel’augmentationdesémissionsGESauBrésil, lesecteurleplusémetteur
deméthaneaupaysdemeurel’agricultureetplusprécisémentl’élevagedebétail65.Ilestpossibledevoir
sur le graphique ci-dessousque ce secteur a toujoursété leplus grandémetteurdeCH4auBrésil. En
outre,iln’aconnuaucunebaissedesémissionsaufuretàmesuredesannées,contrairementausecteur
duchangementd’affectationdessolsqui lui,avécuunediminutiondesémissionsàpartirde2009.Au
Brésil, l’activité de l’agropecuária est aussi une des responsables de la déforestation66. Le secteur du
traitement des déchets figure commeun secteur ne possédant pas un taux « flagrant » d’émissions de
CH4sur le territoirebrésilienencomparaisonde l’agricultureetde l’élevagedebétail.Toutefois, ilest
possibled’observerqu’ilconnaituneaugmentation lentedesémissionsetqu’àpartirde2009, il figure
déjàcommeledeuxièmesecteurleplusémetteurdeméthanedanslepays.
65AuBrésil,ondonnelenomd’agropecuáriaausecteurenglobantl’agricultureetl’élevagedebétail.Ainsi,pourdesraisonsdesimplicité,nousallonsemployerparfoiscettedénomination.66Nousallonsdéveloppercettequestionplustarddanscettepartie.
94
Figure15:L’évolutiondesémissionsdeCH4auBrésilparsecteur67
Source:MCTIC,2016a.
Ce panoramadescriptif des émissionsGES auBrésil nous aide à tracer unparallèle avec lemodèle de
développementbrésilienenmarcheactuellement.Selonledernierrapportbrésiliendecommunicationà
laCCNUCCdatantde2016,lessecteursleplusémetteursdeCO2etdeCH468auBrésilsontactuellement
les secteurs suivants: l’Énergie, le Changement et affectation de sols et l’Agriculture et l’Élevage du
bétail. Machado & Vilani (2015) soulignent que depuis la colonisation, le Brésil a toujours utilisé ses
ressources naturelles d’une façon prédatrice, avec comme seul objectif d’apporter de la richesse aux
élitescoloniales.Connuecommeunecolonie« d’exploitation »,l’organisationéconomiquebrésilienneest
traditionnellementliéeàlaterre,malgréledéveloppementdel’industrialisationdupaysauXXesiècle.
L’organisationdupouvoir auBrésil est ainsi associéeà la terre, c’est-à-direaupouvoirde l’agriculture.
Faoro(1958),auteurd’uneœuvreclassiquedelasociologiebrésilienne« Lespatronsdupouvoir »,trace
uneanalysede600ansdelaformationdupouvoirpublicetéconomiqueauBrésil. Ilmetenlumièrela
67Traductiondessecteurs:Bleu:énergie;Jaune:agricultureetl’élevagedebétail;Marron:traitementdedéchets;rouge:processusindustriels;vert:changementd’affectationdessols.68Nous avons décidédemontrer les données concernant seulement les gaz carbonique et leméthane afin de simplifier cepanoramapuisqu’ilssont lesprincipauxGES.Toutefois, lerapportmontreégalement lesémissionsd’autresGES,dont leN20(protoxyded’azote),dontl’équivalencedupotentield’effetdeserreavecleC02estde265;autrementdit,untonnedeN20émiséquivautà265tonnesdeC02émis.Toutefois,concernantlesémissionsdeN2Osurleterritoirebrésilien,ellessontplusabondantesdanslesecteurdechangementetd’affectationdessols.
95
formationdel’Étatbrésilien.Lesautoritésbrésiliennesfontlagestiondesaffairespubliquescommes’ils
étaient des affaires privées sans prise en compte de la société en général. Ainsi, cet État légitime
l’exploitationde la terrecommeun instrumentdedéveloppementéconomique. L’exploitationde terre
devientaussiunsynonymedecontrôledupouvoirpublicparuneélite,cequeFaoro(1958)appelleun
« capitalisme politiquement orienté ». Il s’agit d’un capitalisme dont les dynamiques internes sont
originalementbaséessur lapossessiondelaterreparuneéliteà lafoiséconomiqueetpublique.Cette
élite a été aussi capable de se « moderniser », en migrant de l’agriculture à l’industrialisation afin de
s’adapterauxdemandesducommerceinternationalsanschangerlesstructuresdupouvoirinterne.
Ainsi, le modèle de développement économique brésilien est initialement fondé sur une « entreprise
agricole ». Cette « entreprise » est contrôlée de façon monopolistique par un groupe économique et
politique en étant totalement tournée vers le commerce international (Furtado, 2016). Cette
« entreprise » vise la capitalisation de sa capacité productive à travers l’exploitation massive des
ressourcesnaturellesetdelamaind’œuvre.Enl’occurrence,ladéforestations’estprésentéecommele
moyen le plus « facile » pour agrandir les monocultures et générer encore plus de profit à
l’entrepreneuriat agricole. (Furtado, 2016). Pour les élites économiques (et politiques) brésiliennes, la
destructiondesforêtsétait(etdemeure)uneactionindispensablepourl’augmentationdesculturesetdu
bétailvisantàdévelopperaumaximuml’entrepriseagricole.Bienquelepaysaitentreprisunprocessus
d’industrialisationconsidérableaucoursduXXesiècle,ceprocessusn’endemeurepasmoinsinégalentre
les régions du pays (Furtado, 2016 ; Navarro, 2001). Les régions comme le Centre-ouest et le Nord
brésilien69 vivent encore selon les rouages de l’entreprise agricole ancrée dans une tradition coloniale
(Navarro,2001)70.
2.2.2Lareprisedel’exploitationdescombustiblesfossilesauBrésil:l’imagedumodèle« néo-développementaliste »envigueur
L’exploitation massive des ressources naturelles comme base traditionnelle de l’économie brésilienne
n’explique pas seulement la prédominance des secteurs de changement et affectation des sols et de
69Régiondel’Amazoniebrésilienne70 Il est important de souligner que, bien que le secteur de «l’agropécuaria” soit une activité traditionnelle de l’Economiebrésilienne,saparticipationdanslePIBactueldupaysn’estpassignificative.Ilreprésenteseulement6,7%duPIBalorsquelesecteurdesservicescomptepour72,5%etlesecteurdel’industriepour20,8%en2017.
96
« l’agropécuaria » dans les émissions desGES, elle impacte aussi les émissions du secteur énergétique.
Dansl’offre interneénergétiqueauBrésilprédominent lessourcesénergétiquesfossileset labiomasse.
La découverte des immenses réserves de pétrole le long de la côte brésilienne en 2006 et son
exploitationpardesarrangementsentre lesecteurpublicetprivé illustrebien ledûprogramme« néo-
développementaliste » brésilien. Un modèle qui ne mesure pas les impacts environnementaux à long
terme(Machado&Vilani,2015).Cemodèlereprendcertainsaspectsdelatraditionagricolebrésilienne
pour mettre en place ses objectifs politico-économiques. De cette manière nous allons exposer les
aspectssociaux,politiquesetéconomiquesdeceprogrammepolitiquemiseenœuvrelorsdudeuxième
mandatduprésidentLula.Cettediscussionsembleindispensablepourcomprendrelatendanceactuelle
d’augmentationdesémissionsdeGESdanslepays.
Afindecomprendrele« néo-développementalisme »,ilestnécessairedediscutercequecertainsauteurs
appellent le « vieux développementalisme ». Le « néo-developpementalisme » brésilien peut se
caractérisercommeunepolitiqueéconomiquehybrideoscillantentrecertainsaspectsdunéolibéralisme
etd’autresprovenantdu« vieux »« développementalisme »(Morais&Saad-Filho,2011).Toutefois,dans
quelle mesure cette politique combine-t-elle des dimensions néolibérales et des dimensions
« développementalistes », étant à l’origine des courants théoriques opposés dans le domaine de la
politiqueéconomique ?Reprenons labaseconceptuelledu« vieuxdéveloppementalisme »71.Celui-ciest
basé sur un encouragement par l’État vers une industrialisation accélérée. Cette industrialisation avait
commeobjectif la créationdes industriesdebase afinde réduire les importations et créerunmarché
internesolide.Autrementdit, leprogrammevisaitpromouvoirunetransitiond’unmodèleéconomique
d’agro-exportateur par la substitution des importations à travers de lamise enœuvre d’un processus
d’industrialisation accéléré. Pour la réussite de cette industrialisation, L’État se positionnait comme
l’acteurprincipalpourlaprotectiondumarchénational.
71 Il est important de souligner que plusieurs auteurs définissent le «développementalisme» des différentes manières.Bielsschowsky(2004): une idéologie; Bresser-Pereira ( 2011): une stratégie: Fonseca ( 2015): unepolitique économique; .Noustraitonsle«développementalisme»ainsiquele«néo-développementalisme»commeunepolitiqueéconomique.Cettedéfinitionnoussemblelaplus«neutre»pourdiscuterleurrelationaveclesenjeuxenvironnementauxpuisqu’ellerésumelesobjectifséconomiquesmiseenplacepar l’Étatafindesurmonter lesproblèmeséconomico-sociauxde la sociétébrésilienne(Salomão,2017).
97
En réalité, la mise en œuvre de cette politique économique, très répandue dans les pays latino-
américainsmembresdelaCEPAL,72avaitl’objectifprincipaldechangerleursconditionsdes« économies
périphériques »dansladivisioninternationaledutravail.Labaseidéologiqueduprogrammeéconomique
du « développementalisme » était le rattrapage d’un capitalisme retardé par la colonisation. Il est
important de souligner qu’au Brésil, ce processus d’industrialisation accéléré a été possible grâce au
capital accumulé à partir de l’exportation du café (Pereira, 2011). Le tableau ci-dessous résume les
caractéristiques principales de ce programmemis enœuvre à partir des années30 et se consolidant
durantlesannées50(Salomão,2017).
Tableau2:principauxcaractéristiquesetobjectifsduprogramme« développementaliste »brésilien
Sources:Pereira,2011 ;Salomão,2017.
Lamiseenœuvreduprogramme« développementaliste »aeffectivement transformé leBrésildansun
paysindustrialiséeturbain(Pereira,2012).Sonexécutiondanslecontextebrésilienaprésentécertains
effets pervers. Citons deux exemples d’ordre socio-économique et technologique. Premièrement, ce
modèleaentrainéuneconcentrationderevenutoutenaggravantles inégalitéspréexistantes(Furtado,
2016).Laconcrétisationduprogrammen’apaschangélesstructuresréellesdeconcentrationdupouvoir
auBrésil.L’industrialisationaccéléréean’apaspromuunerévisionsur laquestionde l’exploitationdes
travailleurs.Decefait,dupointdevuesocial,le« développementalisme »n’apasétécapabled’instituer
undéveloppementcapitaliste« humanisée »(Branco,2009).Deuxièmement,le« développementalisme »
a certainement accéléré la création de l’industrie nationale de base,mais il a échoué à promouvoir le
progrèstechniquelocal.Plusprécisément,ceprogrammen’apascréédemécanismespour impulser le
développement technologique brésilien (Schutte, 2013 ; Morais & Saad-Filho, 2011). Malgré ses
72ComissãoEconômicaparaaAméricaLatinaeoCaribe (ComissionEconomiquepour l’AmériqueLatiineet leCaraibe). LesétudesdelaCEPALsurlesorigineséconomiquesdu“sous-développement”despayslatino-américainsontfortementinfluencélaformationduprogrammepolitico-économique“développementaliste”.
98
défaillances, ce courant théorique a laissé des traces très profondes dans la pensée économique
brésilienne(Colistete,2001).
De ce fait, à partir notamment du deuxième mandat de Lula73, nous voyions un programme (néo)
développementalistemisenplacepourpoursuivrelaquêteverslacroissanceéconomiqueducapitalisme
brésilien. Avant l’ère « néo-développementaliste », il y a eu la période néolibérale brésilienne étant
inauguréepar leprésidentCollor74audébutdesannées90. Leprogrammenéolibéralbrésilienvisait la
« modernisation »del’économiebrésilienne.Dansleprolongement,le« lulisme »asufusionnerl’héritage
néolibéralde12 (douze)ansdesgouvernementsdeCollor, ItamaretCardoso75, avecune idéologiede
développement socialetd’éradicationde lapauvreté (Gomes,2017 ;BarrosodeCastro,2013).Ainsi, à
partir de cet amalgame des principes néolibéraux avec des idées progressistes comme celles de la
redistribution économique équitable, le programme « néo-developpementaliste » est né au cours des
années2000auBrésil.Quelleestlalogiquedefonctionnementdecettepolitique ?
Nous résumons dans le tableau ci-dessous les 4 principes politiques économiques principaux de ce
programme.Ilestimportantderappelerqu’àl’instardu« vieuxdéveloppementalisme »,l’Étatassumele
rôledepromoteurprincipaldelacroissanceéconomiquenationale.Cependant,aulieud’êtretournévers
l’industrialisation interne, l’État a « recyclé » la dépendance du marché externe comme un moyen de
financersespolitiquessocialescompensatoires76etfinancerlesgrandschantiersd’infrastructuredansle
pays.L’exploitationderessourcesnaturellespasseànouveauàêtrelegrandinstrumentdefinancement
del’économiebrésilienne.
73LepremiermandatdeLuísInácioLuladaSilva(1945---):(2003-2006).Deuxièmemandat:(2007-2011)74 FernandoCollor deMello (1969-), au pouvoir de 1990 à 1992.Destitué à la fin de l’année 1992. Son vice, Itamar Franco(1930-2011)estdevenuprésidentendécembre1992etsonmandataprisfinle1janvier1995.75FernandoHenriqueCardoso(1945---),aupouvoirde1995à1998,puisde1999à2003.76Politiquesdetransfertderevenu.Exemple:BolsaFamília
99
Tableau3:Lesquatreprincipesduprogramme« néo-développementaliste »brésilien77.
Sources:Morais&Saad-Filho,2011 ;Bresser-Pereira,2006 ;Berringer&BoitoJr,2013 ;Gomes,2017.
Auregarddecesprincipes,nousvoyonsqueleprogramme« néo-développementalisme »possède« deux
âmes »,pourreprendrel’idéedeSinger(2010)lorsqu’ilcritiquelapolitiqueduPartidesTravailleurs(PT)
deLula78.Eneffet,ceprogrammeapermisdefairecoexisterdeuxcourantsopposés,àsavoird’uncôté,
unepolitiquemacronéolibéraleportantsurl’essorducapitaletdel’autre,unepolitiquederedistribution
économique.Singer(2010)souligneainsiquele« néo-développmentalisme »constitueensoi-mêmeune
synthèseparadoxale.Ilestintéressantdemettreenperspectivequedanslesdeuxprogrammespolitico-
économiques,lepaysesttoujoursdépendantdu« pouvoirdelaterre ».Ainsi,l’exploitationderessources
naturellesbrésiliennesestmisecommeunestratégiedegaindenotoriétééconomiquedans lemarché
international.
En revenant sur la question de l’exploitation du pétrole comme un aspect de la politique « néo-
développementaliste » brésilienne, la figure ci-dessous montre exactement la tendance de l’offre
énergétiqueauBrésilaucoursdesdernièresdécennies.Àpartirdelamoitiédesannées90,ilyaeuune
augmentation de l’offre énergétique à partir des combustibles fossiles, tandis qu’en 2000, nous avons
assisté à un retour à l’usage de la biomasse. Malgré la tendance à l’augmentation d’autres types de
sources énergétiques, tels l’hydraulique et le gaz naturel, la matrice énergétique brésilienne est
actuellementdépendantemajoritairementdesénergiesfossilesetdelabiomasse(MCTIC,2016).
77Concernantledernierpríncipe:Parexemple,legouvernementdeLulaaouvertdegrandschantiersd’infrastructuretelquele BeloMonte, ou encore la transposition de la rivière São Francisco. Ces grands chantiers ont été possibles grâce à laconstitutiond’importantsbudgetsparlaBanqueNationalepourleDéveloppement(BNDES)prêtésauxentreprisesnationalesresponsablesduchantier.78Ilestintéressantd’observerqueplusieursauteursconsidèrentle«néo-développementalisme»commeunprogrammeinitiéessentiellement par la présidence de Lula et ne considèrent pas cette politique comme la continuité de la théorie du«développementalisme»,unefortetraditionthéoriquedelaCEPALdanslecontinentlatino-américain.
100
Figure16:Latendancedesdifférentessourcesd’énergieauBrésil79.
Source:MCTIC,2016.
Malgrélaréputationbrésilienned’êtreunpaysdontlamatriceénergétiqueestunedesplus« propres 80»
aumondeenraisondel’utilisationdesressourcesrenouvelablescommelabiomasseetl’hydroélectrique,
lepaysprésenteunaccroissementdel’utilisationdescombustiblesfossiles(Lucon&Goldenberg,2009).
Une des explications à cela repose sur les caractéristiques des instruments de la concrétisation du
programme « néo-développementaliste ». Avec l’objectif d’adapter les stratégies économiques internes
en fonction du marché international, l’État a passé à exploiter des réserves du pétrole à travers la
Petrobrás81.Decettemanière,il« profite »delademandeexterneencombustiblesfossilesetaugmente
lesfondsnationauxpourmaintenirsespolitiquessociales.Cetteposturedel’Étatbrésilienvisantàsaisir
lesopportunitéséconomiquesdanslemarchéglobalrentreencontradictionaveclatendancemondiale
de promotion d’une « économie bas carbone » (Schutte, 2013). Le tableau ci-dessous montre les
estimationsdelaproductiondepétroleparlesgrandspaysproducteursjusqu’à2020.
79Traductionde la figure.Bleu:biomasseetd’autressourcesrenouvelables;bleuclair:gaznaturel;gris:pétroleetgazdupétroleliquéfié;jaune:charbon;orange:énergiehydraulique;vert:énergienucléaire.80Considérée“propre”puisquelessourcesénergiquesrenouvelablesutiliséesauBrésilnesontpasémettricesdirectesdeCO2.Toutefois, ces ressourcespossèdentdesexternalitésenvironnementalesnégativeset suscitentbeaucoupdecontroversesauniveau local. Laproductionénergétiqueàpartir de labiomasseetde l’hydroélectriqueentrainent lapertedebiodiversité àl’échelle locale. Telles que les inondations entrainées par la construction des usines hydroélectriques et les monoculturesintensivesdecanneàsucre.81Lacompagniepétrolièrenationale.
101
Tableau4:Estimationdelaproductiondepétroleparmillionsdebarilsparjourentre2017-2020.
Source:Schutte,2012
Ilestintéressantd’observerqueladécouvertedecesréservesdepétroleetseséventuellesexploitations
placera le pays comme le 4e pays producteur dans le marché international en 202082. Cette
augmentationde l’exploitationdupétrolecesdernièresannéesauBrésilvaà l’encontredesdébatssur
lesactionsde« développementdurable »danslepaysetàl’international(Mendes&Filho,2012).
2.2.3LesrisquesenvironnementauxdelaproductiondelabiomassedansleCerrado
Bienque labiomasse (lebiocombustible) représenteune fenêtred’opportunitéénergétiquepour faire
faceauphénomèneduchangementclimatiquecommeSachs(2009)lesignale,saproductioncausedes
enjeux environnementaux dans le pays. Le Brésil figure comme le plus grand exportateur d’éthanol
provenant de la canne à sucre. Les monocultures sucrières occupent une partie des unités de
conservation83del’écosystèmecerrado84,localiséaucentre-ouestbrésilien(Ferreiraetal,200985 ;Ribeiro
etal,2015).Bienqu’actuellement, ce typedemonoculturenesoitpas leplusgrand responsablede la
déforestationducerrado86,ilengendred’autresrisquesenvironnementauxpourcetécosystème(Durigan
etal.,2007).
Ces risques sematérialisent sous la formed’incendies. En effet, de nombreux incendies surviennent à
proximitéetauseindesculturesdecanneàsucre.En2007,ilsontbruléenviron1 236,53km2deterre
82Dansl’hypothèsequelesautrespaysn’augmententpasleursproductions.83Unidadedeconservação:Prévudansloifédéralenuméro9.985de2000oùlegouvernementfédéralcréedesairesprotégéespourlaconservationdesespèces.84Ledeuxièmeplusgrandbiomedel’AmériqueduSud.85Toutefois,uneétudedel’EMPRABA(EntrepriseBrésilienned’Agriculture)affirmequelesterresoùsetrouventlesculturesdecanneàsucresontoriginalementdesterrescultivéesetnesontdonclerésultatdeladéforestation(Goes&Marra,2008).86 L’élevage du bétail étant l’activité qui encourage le plus la déforestation de ce biome. Cet enjeu sera discuté lors de laprochainepartie.
102
dans lecerrado (Ribeiroetal,2015). Les incendiesémettentdesGES.Àpart lapollution, les incendies
mettentaussienrisquelesunitésdeconservationàproximitédescultures.Ilestimportantdesouligner
quecesincendiesnesontpasaccidentels.Ils’agitd’unemodalitéderécoltedecanneàsucre.Brulerles
champsde canneà sucre facilite la séparation rapidedes feuilles vertesde lamatièrepremière.Ainsi,
bienque labiomasseproduisemoinsd’effetsnégatifsque lescombustibles fossiles, saproductiondoit
fairel’objetderéglementationsenvironnementalesrigoureusesdelapartdespouvoirspublicsbrésiliens
(Ribeiro et al, 2015 ; Michels & Arakaki, 2012). Un modèle de développement prédateur vis-à-vis des
ressources naturelles, comme celui en vigueur au Brésil aujourd’hui, démontre un grand paradoxe. Si
d’uncôté,cetteexploitationeffrénéeestlerésultatd’unencouragementàuneproductivitééconomique
à court terme, de l’autre, elle peut aussi mettre en danger un pays dont les ressources naturelles
représententsongrandavantagecompétitifdanslemarchéinternational(Queiroz,2011).
2.2.4L’enjeudeladéforestationetsonimpactdanslaposturedel’Étatbrésilienauniveauinternational.
Pendant des décennies, le secteur de changement et affectation des sols était la principale activité
émettrice des GES sur le territoire brésilien. Toutefois, comment les émissions de GES sont-elles
comptabiliséesdansce secteur ? Selon lesmodèles climatiquesdéveloppés telsqueprésentésdans les
rapports du gouvernement brésilien remis à CCNUCC, les émissions de GES dans ce secteur sont
conformémentprisesencompteselondeuxvoletsdecalcul:1)laforêtcommeréservoirdeCO2.C’est-à-
dire, sa capacité d’absorption d’une certaine quantité d’émissions ; 2) le bilan des émissions réelles de
GES(CO2,CH4etN2O)renduparl’incinérationdesarbrespourlaconversiondusolforestieràunautre
typed’usage87(MCTIC,2016).SelonlesdonnéesduSystèmeNationaldesInformationsForestières(SNIF,
87 Il est important de signaler que le gouvernement brésilien rencontre des controverses dans la comptabilisation de sesémissionstotalesenraisondesdébatssurlesméthodologiesdecomptagedesémissionsdesGESdanslesecteurd’AffectationetChangementdesSols. Les inventairesdesémissionsbrésiliennescrééspar leMinistèrede laScienceetde laTechnologieutilisentlesmêmesméthodologiesquecellesproposéesparlaCCNUCCdanslacomptabilisationdesémissionsdeGESdanscesecteur. Toutefois, le débat repose sur le fait que cesméthodologies prennent en compte seulement les émissions deGESprovenantdudéboisementdanslesunitésdeconservation,desorteque,techniquement,lesforetsquisetrouventendehorsdesairesprotégéesneparticipentpasauchangementclimatique.Ainsi, l’organisation«ObservatóriodoClima»quiproduitégalementdesinventairesdesémissionsdeGESbrésiliennes(sanscompterlesactivitésdedéforestation),signalequecedébatseracontournéàpartirdumomentoùlesméthodologiesprennentencomptetouteslestypesdeforêtsdanslemonde(SEEG,2016).SEEG.2016.AnalisedasemissõesdeGEEBrasil(1970-2014)esuasimplicaçõesparapolíticaspúblicaseacontribuiçãobrasileiraparaoacordodeParis.Documentosíntese.Setembro,2016.
103
2016),leBrésilprésenteunscénariodedéforestationauseindeplusieursbiomes.Untotaldesixbiomes
sontconcernéspar lesecteurduchangementetd’affectationdusol:LaCaatinga ; leCerrado ; laForet
Atlantique(MataAtlântica) ;laPampa ;lePantanal ;l’Amazonie.
Selon les données du Ministère de l’Environnement pour 2008 et 2009, les plus grands indices de
déforestationenregistréspendantcettepériodesetrouventdanslebiomedel’Amazonie.Endeuxième
place, leCerrado,suivipar la« Pampa »etensuitepar laForetAtlantique.LePantanal, lepluspetitdes
biomes brésiliens, est le moins sujet aux conséquences des activités du secteur du changement et
affectation du sol (MMA, 2018). La déforestation en Amazonie et au Cerrado est un enjeu
environnementalhistoriqueduterritoirebrésilien.Lebiomeamazonienpossèdeuneaireéquivalenteà
environ 7milliards de km2, dont 60% se trouvent au Brésil (MCTIC, 2016). Actuellement, d’après les
donnéesofficiellesdugouvernementbrésilien,16%del’Amazoniebrésilienneaétéendommagéeparles
activitésdedéforestation(MCTIC,2016b).Cetteinformationestdéjàconsidéréecommeunrisquepour
le « processus de développement durable de la région », conformément au rapport de 2016 de l’État
brésilienà laCCNUCC.Si lagestiondubiomeamazonien représentedéjàundéfienvironnemental aux
pouvoirs publics du Brésil, l’enjeu de la déforestation dans la région du Cerrado est aussi objet de
préoccupation et de réglementation publique. LeMinistère de l’Environnement a rendu publiques les
données de 2010montrant qu’environ 45% de l’aire totale de ce biome est déboisée (MMA, 2018a).
L’occupationdésordonnéeduCerradopar l’industrieagroalimentaire représenteunemenaceenvers le
biomeensoietsurtoutenverslesecteurdel’agropecuáriaquiendépenddirectement(IPAM,2017).
L’activité de l’agropecuária est la principale responsable du déboisement massif de ces deux biomes
(Margulis,2003 ;Riveroetal,2009).EnAmazonie,l’élevagedubétailfigurecommelacauseprincipalede
ladéforestationdelarégionetlaculturedesojaarriveendeuxième(Riveroetal,2009).Margulis(2003)
soulignel’existenced’unefortedynamiqueéconomiquederrièreleprocessusdedéboisementillégalde
la forêt. Un grand nombre d’agents intermédiaires, responsables directement de la déforestation,
grignotent les forêts afin de vendre ces terrains à des moyens et grands producteurs de bétail. Ces
acteursprennent l’initiativededéboiserensachantque l’exploitationdebétailestuneaffairerentable
dans la région. Ainsi, la garantie de la commercialisation de ces terres représente une opportunité
économiqueàsaisirdanslecyclespéculatifdudéboisementamazonien.Laproductiondebétailestaussi
associéeàcequeRiveroetal(2009)appellentles« causessous-jacentes »duprocessusdedéforestation.
104
Unedecescausesprincipalesportesurl’augmentationdelademandedeviandedanslemarchébrésilien
etdanslemarchéinternational.
Le déboisement dans le Cerrado suit également ces logiques économiques d’expansion des activités
agricoles semblables au cas amazonien. Conformément aux statistiques de l’EMBRAPA, la région du
Cerrado produit 63% du soja brésilien destiné à l’exportation (EMBRAPA, 2013). Cette expansion de
l’agropecuaria dans le centre-ouest brésilien est le résultat d’unencouragementde la part dupouvoir
publicpendantlesannées70—80.LarelocalisationdelanouvellecapitaleduBrésildanscetterégion88a
rendu possible la création d’une infrastructure logistique pour le développement de commodities
agricoles dans ce « nouveau » territoire. Cet évènement a engendré une occupation anthropique du
Cerrado à grande échelle. Ainsi, le développement de l’élevage du bétail et de la monoculture pour
l’exportationsontdevenuslesprincipalesactivitésduCentre-ouest,représentantégalementunegrande
menace à la biodiversité du biome (Queiroz, 2009). Notamment, la culture intensive de soja dans le
Cerrado aétéencouragéepar l’EMBRAPA,permettantauBrésildeseplacercommeundesprincipaux
producteursaumonde(Queiroz,2009).
CebrefpanoramadeladéforestationauBrésilnouspermetd’observercommentlaquestionagraireest
ancréedans les logiquesenvironnementalesetéconomiquesbrésiliennes.Commenous l’avons indiqué
auparavant dans ce chapitre, « le pouvoir de la terre » façonne les rapports de pouvoir au Brésil. La
déforestationmassivederégiondel’AmazonieetduCerradopuisesesracinesdansl’encouragementde
lapartdupouvoirfédéralbrésilienàoccupersesterresvierges.Entrelesannées60et80, leprocessus
d’occupation anthropique et « désordonnée », d’unpoint de vue environnemental, était le résultat des
politiques« développementalistes »dugouvernementbrésilien(Arraesetal ;2012 ;Fernandes&Pessoa,
2011). L’ancienmodèle « développementaliste » brésilien, prédateur des grands biomes, se traduit par
despolitiquesd’expansionagricole.Àtraversl’octroid’avantagesfiscauxouencoredecréditsàtauxzéro
aux entreprises agricoles afin de s’installer dans ces régions « lointaines » du pays, les pouvoirs publics
brésiliens souhaitaient consolider les produits agricoles comme les principales « commodities »
brésiliennes dans le marché international (Machado & Vilani, 2015 ; Arraes et al, 2012 ; Fernandes &
Pessoa, 2011). Cependant, ce modèle de développement a apporté des avantages économiques
88LacréationdeBrasiliadanslesannées70.
105
seulement à un groupe restreint d’entrepreneurs. Ainsi, d’une manière générale, les bénéfices de la
monocultureintensivedanslesrégionsdéboiséesrépondentauxintérêtsd’uneéliteagraireprivée.Ces
bénéfices renforcent les inégalités sociales locales et augmentent les risques environnementaux pour
cettepopulation(Margulis,2003).
Laquestiondeladéforestationfaitainsiéchoàunenjeupolitico-économiqueauBrésil,danslamesure
oùelleinfluencelapositionduBrésilauseindesnégociationsclimatiquesinternationales.Audébutdes
négociationsclimatiquesonusiennes,danslesannées90,lapositionbrésilienneétaitemprisonnéeentre
deux postures contradictoires révélant la dynamique nationale de la gestion des enjeux
environnementaux: les « vieuxnationalistes » et les « néolibéraux » (Viola, 2002). D’une part, les
« vieuxnationalistes » formaient une élite conservatrice toujours associée à un modèle
« développementaliste » d’utilisation intensive de ressources naturelles. Face à eux, les « néolibéraux »
constituaient un groupe dont les préoccupations environnementales étaient tournées vers les pays
développés et dont le but était d’attirer plus d’investissement étranger au Brésil89 (Viola2002, 2010).
Ainsi,pendantlesnégociationsdelaCCNUCCen1994etultérieurement,duTraitédeKyoto,en1997,le
Brésil a adopté une posture « avant-gardiste »90 quant aux efforts pour la réduction nationale des
émissionsdeGESetl’exécutiondesdirectivesdelaCCNUCC.
Toutefois,cetteposture« moderne »rentraitencontradictionquandlaquestiondeladéforestationétait
mise sur la table lors de cesnégociations. Ladiscussion sur la réductiondes émissionsdeGESdans le
secteur de Changement et Affectation des sols et de développer la reforestation comme un moyen
d’utiliserlesforetscommesourcesdecaptationdeGESn’allaitpasdanslesensdesintérêtsdecertains
groupes économiques nationaux. Cette controverse s’explique par le fait que durant quatre siècles,
l’économie brésilienne a été orientée vers la production agricole elle-même engendrée par la
déforestation (Viola, 2002). Ainsi, lors de négociations, l’équipe brésilienne a justifié cette position
conservatriceenstipulantquemettreenœuvreunerégulationinternationaledesémissionsdeGESdes
forêtsconstitueraitunemenaceàlasouveraineténationale.Unesouverainetétraduiteiciparlacapacité
89UnepréoccupationpolitiqueaveclesenjeuxenvironnementauxbrésiliensayantcommencédanslegouvernementdeCollor(1990)dontl’objectifétaitdechangerl’image«développementaliste»dupaysparuneimageplus«moderne»etglobalisée,dansuneperspectived’attirerplusd’investissementsétrangers(Viola,2002).90 Une posture “avant-garde” par rapport à la question de lamatrice énergétique plus «propre» du pays, si comparé auxautrespaysen«voiededéveloppement»etaussiàcertainspays«développés”.
106
du pays à gérer la plus grande forêt tropicale aumonde (Corte et al, 2012 ; Viola, 2002). Selon Viola
(2002), cette posture relève en fait d’une (in) capacité du pouvoir fédéral et des pouvoirs locaux à
diminuer significativement le rythme du déboisement au sein de nos biomes sans nuire aux intérêts
économiquesdel’éliteagraire.
Toutefois,àpartirde2009,cescénariodedéforestationachangé,cequis’estressentisurlapositiondu
Brésil lors de la COP-21 (Viola & Franchini, 2013)91. La déforestation de l’Amazonie et du Cerrado a
significativement ralenti grâce à une réforme des politiques publiques liées à la réglementation en
matière de gestion des forêts,mais aussi grâce à l’apparition d’une dynamique où les pouvoirs locaux
(pouvoirsdesÉtatsdelarégionamazonienne)ontprisledessussurlepouvoirfédéralàcesujet.LesÉtats
delarégiondel’Amazonieontgagnéenvisibilitésurlascèneinternationaleendemandantdesrecoursà
lamiseenplacenotammentdesprogrammesdecompensationouencoredumarchéducarbone.Tout
celaavecl’objectifderestreindreleprocessusdedéforestationdansleursterritoires(Euler,2016).Une
fortepressioninternationaleàceproposaaussiforcélegouvernementfédéralàrevoirsesinstruments
juridiques(Viola&Franchini,2013).Ainsi,ilyaeuuneréformeducodeforestieretlapromulgationdela
nouvelleloide« Gestiondesforêtspubliques ».Cesdeuxinstrumentsdel’actionpubliqueontdéfini les
limitesdel’usagedessolsdesforêtsprivéesainsiquelaréglementationdespropriétésfoncières.Cette
réglementationprévoitlavérificationetlasurveillancedel’usagedessolsauseindespropriétésdansles
régionsforestières92(Euler,2016).Cesélémentsontentrainél’abandon« progressif »delavieilleposture
brésilienneconservatricedanslesnégociationsclimatiques.
Ainsi, lors des négociations pour l’Accord de Paris, le Brésil a assumé des engagements ambitieux à
propos de la question du déboisement. Il prétend pouvoir réduire à zéro le déboisement illégal en
Amazonie jusqu’à 2030 (Federative Republic of Brazil, 2015). Malgré les intentions et la réussite de
réductiondetauxdeladéforestation,l’enjeudesforêtsbrésiliennesdoitdépasserleniveauinternational
91Lapartieantérieuredechapitremontre ledéclinsignificatifdesémissionsdans lesecteurdeChangementetd’affectationdessols.92 Il y a d’autres facteurs ayant aussi contribué à la contention de la déforestation sur le territoire brésilien. On y trouvenotamment des périodes de diminution du prix du soja et de la viande sur le marché international, la crise financièreinternationaleouencorel’augmentationdelacapacitéinstitutionnelledesurveillance(Viola&Franchini,2013).
107
de la commercialisation des créditsCO2 à partir de programmes de captation des émissions93. Une
activitémarquéeparlaprédominanced’unpouvoiréconomiqueségrégationnisteetexploiteurfonciera
entrainédegrandesinégalitésrégionales.Decefait,lacontentiondudéboisementdevraitaussiatteindre
ledéveloppementlocalenréduisantlesinégalitéssocio-économiqueslocalesrenforcéesparcesactivités
agricoles(Euleur,2016).
2.2.5LesémissionsprovenantdesdéchetsauBrésil:unenjeucroissant.
Ayantdéjàmisenlumière,demanièregénérale,ladynamiquedessecteurslesplusémetteursdeGESau
Brésilnous allons désormais traiter de façon plus détaillée des émissions de GES dans le secteur des
déchets. Cette discussion est cruciale pour la thèse puisqu’elle nous offre un panorama général de ce
secteurà l’échellenationaleavantde l’analyserà l’échellede l’ÉtatdeRiode Janeirodans leprochain
chapitre. Le rapport brésilien rendu à la CCNUCCdécline le secteur de traitement de déchetsen deux
volets: les déchets ménagers et les déchets industriels. Chacun se décline encore en deux types, les
déchetssolidesetlesdéchetsliquides.Danslecadredelathèse,nousallonsanalysernotammentl’enjeu
quereprésententlesdéchetsménagerssolidesdéposésdanslesdéchargessanitaires.Pourcetteanalyse
à l’échelle nationale, nous allons discuter les données tirées de dernière communication duBrésil à la
CCNUCC datant de 2016 (MCTIC, 2016b). La figure ci-dessous montre l’évolution des émissions de
méthaneprovenantdedéchetsdéposésdanslesdéchargesdepuislesannées90auBrésil.
Figure17:L’évolutiondesémissionsdeméthaneenGigaTonneprovenantdedéchetssolidesauBrésildepuis1990.
Source:MCTIC,2016b.
93 Comme par exemple le programme des Nations Unies, le REDD («Reducing Emissions from Deforestation and ForestDegradation»).Unprogrammed’échangedequotasdeCO2parlacaptationdesémissionsàpartirdesforetsappréhendéesentantqueréservoirsdesGES.Cependant,ceprogrammenefaitpasencorel’objetd’unerèglementationinternationalesouslaforme de marché du CO2 inscrit dans le cadre de la gouvernance onusienne comme le MDP. Les pays en voie dedéveloppementsontseulementencouragésàl’adopterdanslecadredelaréglementationduTraitédeKyoto.
108
Selon le rapport, cette augmentation dans le secteur est due à une croissance démographique, au
changement des habitudes de consommation chez la populationbrésilienne, à une améliorationde sa
qualité de vie et enfin au développement industriel du pays (MCTIC, 2016b). En continuant sur les
déchetssolidesménagersauBrésil,lestockagedesdéchetsurbainsdanslesdéchargesàcielouvertreste
toujours un enjeu environnemental à résoudre dans le pays. D’après le rapport de 2016 de l’ABRELPE
(AssociationBrésiliennedesEntreprisesdeNettoyagePublicetDéchetsSpéciaux),environ58%dutotal
desdéchetsbrésilienssontdéposésdanslesdéchargessanitaires(aterrossanitários94).Parconséquent,il
estestiméqu’environ41%desdéchetssontlaissésdanslesdéchargesàcielouvert(lixões95)oudansdes
déchargessanstraitementpréalable(aterroscontrolados96)(ABRELPE,2016).Cependant, leschiffresde
la collecte de déchets sont assez élevés au Brésil, environ 91% des déchets urbains produits sur le
territoiresontcollectésparlesservicesdenettoyageurbain.Lacarteci-dessousmontrelaparticipation
dechaquerégiondupaysdanslevolumededéchetsrécoltés.IlestévidentquelarégionduSud-est,la
région plus riche et urbanisée du pays, hébergeant environ 40% la population brésilienne, est
responsabledeplusdelamoitiédedéchetsménagersrécoltésauBrésil(IBGE,2010).
94 Les “décharges sanitaires” (aterros sanitários) formentun typededécharge (dépôtdedéchets)opérantun traitementdulixiviatetunecaptationdubiogazissudesdéchets.Danslechapitresuivant,nousallonsexpliquerdefaçonplusdétailléedecequenousdéfinissonscomme«technologiededéchargesanitaire».95Asavoirqueles lixõessontlesdéchargesàcielouvert. Ils’agitd’unemodalitédedestinationfinaledesdéchetsoùceux-cisontstockéssansaucuntypedetraitement.96L’Aterrocontroladoestuntyped’infrastructuredédiéeaustockagedesdéchets.Ilestunemodalitéintermédiaireentrelesdécharges à ciel ouvert et les décharges sanitaires. Ce type demodalité est généralementmis en place pour diminuer lesimpacts d’une décharge à ciel ouvert déjà en fonctionnement. Ainsi, un lixão devient un aterro controlado, quand lesmontagnesdedéchetsaccumuléssontcouvertesd’argileetd’herbeafindenepasattirerdesanimauxetcontrôlerlesodeursduméthane.
109
Figure18:LaparticipationdechaquerégiondanslatotalitéderécoltededéchetssolidesurbainsauBrésil.
Source:ABRELPE,2016.
Malgré le faitque la régionsud-est (accueillant lesÉtatsdeSãoPaulo,RiodeJaneiro,EspíritoSantoet
Minas Gerais) soit la plus importante économiquement dans le pays, son enjeu dans le traitement de
déchets est aussi lemiroir d’une problématique environnementale dont le Brésil entier fait face.Dans
cette région,nousvoyonsqu’environ30%du totaldedéchetsproduitspar lesménages sontdéposés
dans les décharges à ciel ouvert et dans les décharges ne possédant pas de traitement. La figure ci-
dessous expose ces chiffres etmontre également qu’il y a eu une légère augmentation de volume de
déchetsdéposésdans les lixõeset lesaterroscontroladosainsiqu’unebaissedans ledépôtdedéchets
dans les décharges sanitaires entre 2015 et 2016. Ce phénomène ne correspond pas l’objectif de la
PolitiqueNationalesurdeDéchetsSolides(PNRS97)misenplaceen2010.Cetteloifédéraleaétécréée
afin de règlementer la gestion des déchets au Brésil, dont les visées principales figuraient le stockage
exclusifdesdéchetssolidesdans lesdéchargessanitaireset l’éradicationdéfinitivedesdéchargesàciel
ouvertdanslepays(CasaCivil,2010).Lesobjectifscomplémentairesdecetteloiportentégalementsur
l’encouragementaurecyclageetsurladiminutiondesémissionsdeGESprovenantdedéchetsàtravers
leurentreposagedansdes infrastructures« appropriées »qui captent leméthanepar la torchère (Casa
Civil,2010).Hormislagestiondifficileliéeaudépôtexclusifdesdéchetsdanslesdéchargessanitaires98,
97PolíticaNacionaldeResíduosSólidos98 Dans le chapitre suivant nous allons élucider les raisons pour lesquelles, malgré la mise en place de la loi nationale dedéchets, lepays fait toujours faceà laproblématiquedudépôt finaldedéchetsdans les lixõesetaterroscontrolados.CettepartieviseuniquementàdévoilerunpanoramadesémissionsdedéchetsauBrésiletmontrerlesrisquesdepollutionquecesecteurprésentedanslepaysquoiquecesémissionsnesoientpasleplusremarquablesvis-à-visd’autresdomainesd’activités.
110
l’étatactueldutraitementdesdéchetssolidesdévoiléparlerapportdel’ABRELPEmontreégalementun
tauxderecyclagededéchetsurbainsassezbasetstagnantdanslepays(ABRELPE,2016).
Figure19:LesstatistiquesrelativesaudépôtfinaldedéchetssolidesurbainsauBrésilentre2015et2016.
Source:ABRELPE,2016.
Ainsi, la« vieille »problématiquedustockagedesdéchetsauBrésildans lesdéchargessans traitement
met en avant des risques de pollution croissants engendrés par la production en hausse de déchets
urbains.Laconsommationcroissantedelasociétébrésilienneaunecorrélationdirecteaveclesimpacts
environnementauxissusdutraitementdesdéchets(Gouveia,2012).L’augmentationdelaconsommation
dans les centres urbains brésiliens depuis 2008 a entrainé une hausse de la production des déchets
dépassant le rythme de la croissance démographique (Godecke et al, 2012). Entre 2000 et 2008, les
statistiques de l’Institut Brésilien de Géographie et Statistiques (IBGE) démontrent une augmentation
d’environ58 207tonnesdedéchetsrécoltésparjourdanslepays99(Neta,2011).Cependant,entre2015
et 2016, le pays a présenté une légère baisse dans la production de déchets solides urbains, une
estimationquiéquivautàuneréductionde2%(ABRELPE,2016).
Malgré cette baisse, le rapport de l’ABRELPE (2016) souligne que la production massive de déchets
urbains au Brésil et les risques environnementaux associés à unemauvaise gestion de leur traitement
finalrestentunproblèmenational.Enréalité,l’enjeuenvironnementalliéauxdéchetsauBrésilsedécline
99Ilestimportantdesoulignerqueleschiffresduvolumededéchetsrécoltésnereprésententqu’uneestimation.Arriveràdeschiffresexacts s’avèreune tâchedifficiledans lamesureoùcertainesmunicipalitésbrésiliennesnemettentpasenplacedecollectesdedéchetsrèglementéesetparconséquent,nuisentàlaprécisiondeschiffresproduits.
111
endeuxvolets: le recyclageet ladestination finale. Lepremier fait échoà la complexitéde créerune
politiquenationalede recyclageen raisonde l’hétérogénéitédesacteurs impliquésdanscetteactivité,
ainsi que les différences socio-économiques régionales 100(Silva, 2017). La chaine de recyclage
actuellementenplaceauBrésilestcomposéedeplusieursacteurspublicsetprivés.Unecaractéristique
récurrente dans la « maille » du réseau de recyclage au Brésil porte sur « l’informalité ». L’absence
d’instrumentseffectifspourréglementerletravaildescatadores101delapartdespouvoirspublicslocaux
rendcomplexel’efficacitédemiseenœuvrederecyclagedanslepays.Selonlesdernièresestimationsde
l’InstitutbrésiliendelaRechercheEconomiqueAppliquéeIPEA,Silva(2017)expliquequeseulement13%
dutotaldesdéchetsproduitsdanslepayssontdirigésversleprocessusderecyclagetandisqu’ilprévoit
qu’environ30à40%desdéchetsproduitssurleterritoirebrésilienpeuventêtrerecyclés102.
ÀpartlesémissionsdeGES,lacapacitédepollutiondedéchetsdoitaussiauvolumededéchetsquine
sontpasrecyclés.Decefait,leproblèmedurecyclagesous-exploitéconjuguéàladifficultédustockage
estunequestionenvironnementalequiestloind’êtrerésolueauBrésil.Eneffet,lesrisquesassociésaux
déchetsvontau-delàdelaquestiondesémissionsdeGESetilsnesontdoncpasprisencomptedansles
accords internationaux ni dans les communications officielles du gouvernement fédéral à la CCNUCC.
Cependant,lorsdudernierrapportduBrésilàlaCCNUCC,legouvernementsoulignequelamiseenplace
duMDPdans ce secteur auBrésil a contribué à freiner sensiblement l’augmentationdes émissionsde
méthane.Lemécanismeaétéresponsabledelaréductionde208,4Gg(gigatonne)deCH4,soitenviron
15%dutotaldesémissionsdeméthanedusecteurdanslepays(MCTIC,2010b).
2.3LEMDP:UNCONCEPTBRÉSILIENAUCŒURDESNÉGOCIATIONSCLIMATIQUES
INTERNATIONALES
100 Lors du chapitre suivant nous allons discuter plus spécifiquement sur la complexité demettre enplace une stratégie derecyclagenationaleetrégionale,notammentdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro.Ceproposseramisenlumièreàtraversl’analysedesadynamiqueauseindelamétropoledeRio,notreétudedecasdelathèse.101 « Chiffoniers», soit les acteurs vivant de la collecte informelle dematériaux recyclables pour sa commercialisation.Unepopulation,dontlamajoritédetravailleurs,afaitrecoursàcetteactivitécommeunmoyend’échapperdelapauvretéabsolue.Nousallonsdiscuterplusprofondémentleurréalitésocialedansleprochainchapitre102Sanscompterlesdéchetsorganiquespouvantêtresujetaucompostage.
112
Depuis ledébutdesnégociationsclimatiquesglobales,durant lesannées90, lapostureduBrésil faceà
l’effortderéductiondesémissionsdanssonterritoireasubidegrandschangements.Ceschangements
correspondent à une certaine évolution de la vision politique interne relative aux questions
environnementales. Ildevientalorspertinentde tisserunbrefhistoriquede lavisionde l’Étatbrésilien
sur l’usagede ressourcesnaturelleset sur la criseécologiquemondialemiseenperspectivedepuis les
années70danslescénariointernational.LeBrésilpossèdeunhéritagecoloniald’exploitationdémesurée
des ressources naturelles. Nous avons notamment traité de l’exploitation massive des forêts et de la
pratiqued’unemonoculture« irréfléchie »enmatièredeprotectiondel’environnement.Viola(1987)et
Vilani&Machado (2015) signalent que cette « tradition » irresponsable vis-à-vis de l’environnement se
cristallisedurantlesprocessusd’industrialisationdupaysdanslesannées30à50allantjusqu’àlafinde
ladictaturemilitaire.
L’idéologiedelacroissanceéconomiqueaccéléréeduprésidentJuscelinoKubitscheck103(1956-1961)se
traduitpar leslogandesonmandat« avancerde50ansen5ans »,proposquiétablit lamétaphoredu
modèle « developpementiste » brésilien. Rappelons-nous que ce modèle est caractérisé par la quête
d’unecroissanceéconomiquematérielleàtraversl’exploitationinconséquentedesressourcesnaturelles.
Lesrésultatsdel’accumulationdecapitalacquisviacetypedemodèlepolitico-économiquenesontpas
partagés avec la population. En d’autres termes, la stratégie « développementaliste » ne vise pas à
« régler » les inégalités socio-économiques. Lorsqu’elle est mise en place dans un pays en voie
développement, comme le Brésil, c’est l’État qui assure l’accumulation du capital aux entreprises
nationales publiques ou privées (Machado & Vilani, 2014). En conséquence, le « développement
économique » structuré par un tel modèle offre surtout aux élites nationales la possibilité
d’enrichissement. Le protectionnisme de l’industrie nationale est une des particularités de ce plan.
Toutefois, comme Furtado (2016) le souligne, le « développementalisme » privatise les profits et
redistribuedanslapopulationle« fardeau »,c’est-à-dire,lesexternalitésnégativesenvironnementaleset
socialesdecemodèle.
103Mandat:1956-1961.
113
Cemodèle prend des allures encore plus « prédatrices » d’un point de vue environnemental durant la
dictature militaire104 brésilienne (Viola, 1987 ; Machado & Vilani, 2014). Viola (1987) & Duarte (2005)
racontent deux manœuvres politiques des années70 initiées par des chefs de la junte, Médici(1905-
1985)etGeiseil(1907-1996)105,pourqueleBrésil« atteigne »undéveloppementindustriel« àtoutprix ».
PendantlemandatdeMédici(1969-1974),desannoncesétaientdiffuséesdanslapresseencourageant
les entreprises étrangères très polluantes à s’installer au Brésil en stipulant qu’elles n’auraient aucune
dépense avec des équipements anti-polluants106. Lors de la Conférence Internationale de
l’Environnement, organisée par l’ONU à Estocolm en 1972, l’équipe de négociation brésilienne est
rentréedans le débat avec l’argumentque les préoccupations environnementalesmisesdans l’agenda
politiqueinternational« cachaient »,enréalité, lesintérêtsdespaysdéveloppés.L’argumentdel’équipe
étaitque lespaysavaientun intérêtd’empêcher ledéveloppementéconomiquedespayspluspauvres
(Viola, 1987). Cette posture illustre bien la stratégie politique développementaliste et
« protectionniste 107»dupouvoirétatiquebrésilienlorsdesnégociationsclimatiquesinternationales.
Cette période dite de « miracle économique » était caractérisée par un investissement massif dans la
construction des grands projets industriels sur le territoire et par une « impunité environnementale »
(Duarte, 2005 ; Viola, 1987). Enoutre, le « SegundoPlanoNacional deDesenvolvimento » (LeDeuxième
Plan National pour le Développement) consistait en une action publique de Geisel (1974-1979) dans
laquelle il était interdit d’imposer des limites environnementales dans des projets nationaux de
développementindustrieldufaitdepressionsinternationales.L’annonceoriginaleduJournal« Correioda
Manha »108de1971présentéeci-dessousmontrel’incitationdugouvernementfédéralàinvestirdansla
constructiondeplusieurshôtelsafindedévelopperl’industrienationaledutourisme.L’annoncedansla
grande presse au Brésil à l’époque traduit également la vision étatique du Brésil comme un pays
possédant un vaste territoire continental dont les ressources naturelles doivent être utilisées pour le
développementéconomique(Viola,1987).
104Soitde1964à1985.105Mandat:1974-1979.106Enraisondufaitque,danslesannées70,lacriseécologiqueétaitdéjàmisesurlatabledesdébatsauniveauinternational.107Bienqueplusieursentreprisesnationalesaientpuétécréésenraisond’unmassive investissementducapitalétrangerauBrésilpendantladictature.108LejournalCorreiodaManhãneconsistaitpasunepressespécialiséedansl’EconomieoulaPolitique,maisunjournalgrandpublic.
114
Figure20:Uneannoncedatantde1971danslapressepourencouragerledéveloppementdel’industriedebaseauBrésil
109.
Source:BibliotecaNacionalDigitalBrasil,1971.
Lapropensionpolitique« d’insouciance »environnementaleauBrésil commenceà changeràpartirdes
années80. Ce n’est pas par hasard que le mouvement environnemental brésilien a émergé avec
l’ouvertureà ladémocratieauBrésil. La finde ladictaturemilitaireaentrainéà lavisibilitédesenjeux
environnementauxauxniveauxpolitiqueetjuridique(Machado&Vilani,2014).Lanouvelleconstitution
brésilienne,crééeen1988,abandonne,enquelquesorte,lasouverainetéabsoluedupropriétairefoncier
inscritejusqu’alorsdansleCodecivilde1916.LanouvelleConstitution,laConstitutionde1988,instaure
ledroitdepropriétéconditionnéà lapréservationderessourcesnaturellesetde l’équilibreécologique
local,autrementditdu« biencommun »(Machado&Vilani,2014). Ilest intéressantdesoulignerqu’un
peuavant lafinde ladictature,en1981, lepayspromulgue laPolitiqueNationalesur l’Environnement.
Cependant,c’estdanslesannées90quenousassistonsàuneconsolidationpolitico-socialedelaquestion
environnementale dans les arènes des discussions au Brésil (Nazo & Mukai, 2001). Toutefois, il est
intéressantdesoulignerqued’aprèsViola (1987),durant ladictaturemilitaire,même lesopposantsdu
régime ne remettaient pas en question les conséquences environnementales du modèle
« développementaliste ». Leurs « seules » revendications étaient les conséquences sociales d’un plan
politico-économique« concentrateurderevenu ».Doncengénéral,aucundesacteurspolitiquesayantde
109Traduction:«Industriedebase.Combiend’hôtelscommecelui-cimanqueauBrésil?Beaucoup.Combiendesecteursdel’Economie sont mobilisés pour la construction d’un hôtel comme celui-ci? Tous les secteurs. Il y a 19 projets au sein del’Embratur(InstitutBrésilienduTourisme)pourquevouspuissiezgagnerdel’argentetpayermoinsd’impôts.InvestissezdansleTourisme–l’industriedebase.Utilisezcorrectementlesavantagesfiscaux.L’optionestlesecteurdutourisme».
115
lavisibilitédurantcetteépoqueneconsidéraitlaquestionenvironnementalecommeunenjeupolitique
assezpertinent.
Lapréoccupationémergentevis-à-visdel’environnementdansl’arènepolitiqueauBrésils’estégalement
reflétéesurlaposturebrésiliennelorsdesnégociationsclimatiquesinternationales.LemandatdeCollor
(1990-1992)aprésentéune« ouverture »environnementalisteduBrésil,unetendanceinscritedansson
programmenéolibéral.Ce tournantenvironnementalbrésilien inaugurépar le gouvernementdeCollor
cachait des intérêts économiques. En effet, son objectif principal portait sur une « opération de
séduction »auprèsdesinvestisseursétrangersdespays« développés »(Viola,2002).L’initiativedel’État
d’accueillirlaConférencedesNationsUniessurl’Environnementen1992(ECO-92)areprésentéunedes
manœuvres du président Collor à démontrer l’engagement politique brésilien dans les questions
environnementalesglobales.Cesactionss’inscriventdansleprocessusdeglobalisationdupays.Ellesont
aussi ouvert une arène politique interne autour des discussions sur les questions environnementales
(Viola, 1998). Toutefois, l’émergence spontanée de cette posture internationale environnementaliste
brésiliennedanslesannées90possèdedefortescontradictionsinternesencequiconcernel’héritagedu
« vieuxdéveloppementalisme »(Viola,2002 ;Machado&Vilani,2014).
AutraversnotammentdestravauxdeViola(1998)etMachado&Vilani(2014),nousapercevonsaufildu
temps, depuis la mise en perspective de la question environnementale au Brésil, les paradoxes des
actions de l’État brésilien, balancées sur la question de la protection environnementale entre actions
progressistesetconservatrices.Lapriseencomptedesenjeuxenvironnementauxparlespouvoirspublics
variaitenfonctiondescertainsintérêtspublicsouprivés.Enréalité,lescontradictionss’expliquentdans
lamesureoù l’enjeude l’environnementauBrésil est sujet àuneoscillationde lapartde l’Étatentre,
d’une part, les décisions favorables à l’Économie, dans la perspective d’un nouveau « néo-
développementalisme110 », et d’autre part une préoccupation environnementaliste. Ces contradictions
sontexacerbéesdans lamesureoùcertainssecteursde l’Économiebrésilienneassumentdespositions
plusenvironnementalistesetoùd’autresfonctionnentsouslesrouagesdu« néo-développementalisme »,
ancrésdansl’exploitationcourt-termistedesressourcesnaturelles.
110Le“néo-développementalisme”estunprogrammemisenplacedurantlegouvernementLula
116
Viola(2010)identifiequelssontlessecteursdel’économieàtendanceconservatriceouprogressisteau
Brésil.Lesecteurdel’agropécuaria,parexemple,possèdeunforthéritagecolonialainsiquelesecteurde
la sidérurgie où l’entrepreneuriat n’ouvre pas le dialogue aux questions environnementales. De l’autre
côté, il ya le secteurdeservices111,unsecteur« d’avant-garde »etouvertàdesactionsenvisageant la
diminutiondes impactsenvironnementauxde lapartde sesactivités.Cettebrèveexemplificationpeut
éclairerd’unecertainefaçonsurlescontradictionsdespréoccupationsenvironnementalesexistantesau
sein du processus de prise de décisions politico-économique au Brésil. La diversité de postures des
acteurséconomiquesparrapportauxenjeuxenvironnementauxcréedifférentsrapportsdesforcesdans
les secteurs et donc, impactedirectement la posturedes pouvoirs publics. Ce rapport de force reflète
égalementlescontractionsdelaposturebrésiliennelorsdesnégociationsinternationales.
Or,pourquoil’imagebrésiliennereste-t-elleassezfortesurlascèneinternationaleparrapportauxautres
paysenvoiededéveloppement ?Premièrement, lepaysdisposed’un« capitalenvironnemental »assez
vaste. Le Brésil détient la majeure partie de la plus grande forêt tropicale au monde, plusieurs
écosystèmes, et de grandes réserves d’eaux potables sur un territoire occupant presque la moitié de
l’Amérique du Sud. Ses caractéristiques géographiques en font un acteur crucial dans les négociations
climatiques internationales (Viola, 2014). Deuxièmement, le pays se positionne comme un acteur plus
influent que d’autres pays en voie de développement en raison des questions économiques et
énergétiques.
LesémissionsbrésiliennesdeGESparlessecteursmodernesdel’économie(énergétique,industriel,etc.)
sontassezfaiblescomparéesàd’autrespaysémergents.Laraisonàcelatientàlamatriceénergétiquedu
pays,composéedessourceshydroélectriquesetdebiomasse112(Viola,2004).SelonTolmasquim(2012),
si les combustibles fossiles représentent une partie considérable de l’offre interne énergétique
brésilienne, la matrice énergétique du pays demeure « propre » par rapport à la majorité des pays
développésetdespaysémergents(MinistériodeMinaseEnergia,2007).Parailleurs, l’exploitationdes
combustibles fossiles est principalement dédiée à l’exportation. En l’occurrence, la consommation
111LesecteurresponsabledelamajoritéduPIBbrésilien.Aupremiertrimestrede2018,lesecteurdeservicesaproduit75,2%du PIB (Data Sebrae, 2018). Data Sebrae. PIB. Disponible sur: http://datasebrae.com.br/pib/ (Consulté le 22 juillet 2018).Certainesentreprisesbrésiliennestraduisentcettevisionavant-gardisteenmatièred’environnementenplaceauBrésil,telquelecasdel’entreprisedecosmétiqueNatura.(Viola,2010).112Malgrélatendanceactuelledel’exploitationdescombustiblesfossilessurleterritoire
117
énergétique nationale provient (et probablement continuera comme telle)majoritairement de sources
renouvelables,plusprécisémentdelabiomasseissuedelacanneàsucre(MinistériodeMinaseEnergia,
2007 ;Tolmasquim,2012).
Ainsi, durant les négociations pour la création du Protocole de Kyoto, la position brésilienne était
partagéeentre l’avantaged’unematriceénergétique« propre »et lesenjeuxde ladéforestation (Viola,
2002)113.Malgrécescontradictionsbrésiliennes,lepaysaaccueillileSommetdeRioen1992etaétéle
premierpaysà ratifier laConvention-CadredesNationsUniespour leChangementClimatiqueen1994
(Friberg,2009).De ce fait, il seplace commeunprotagonisteessentiel au seinde cesnégociationsdu
Kyoto pour défendre les intérêts des pays en développement. Plus précisément, lors de négociations
climatiquespourlacréationduProtocoledeKyoto,ilafaitappelàlanécessitédefinancementdespays
développés envers les pays plus pauvres pour l’implantation des technologies propres. L’équipe
brésiliennemettaitenperspectivequ’unfinancementpeutdévelopper lescapacités institutionnellesde
cespaysdanslebutdepromouvoirlaréductiondesGESdansleursterritoires(Viola,2002 ;Viola,2004).
Lareprésentativitébrésiliennedespaysenvoiededéveloppementacrééundialogueavec lesgroupes
de pays développés. Son leadership international et sa proposition de créer un fond pour le transfert
technologiqueverslespayspluspauvresontdonnénaissanceauMDP114.(Aykut&Dahan,2015 ;Friberg,
2009 ;Viola,2002)
Le MDP, connu comme « l’initiative brésilienne », a plu aux pays émergents dans la mesure où le
mécanisme présentait non seulement de la « flexibilité » pour réduire les émissions, mais aussi la
possibilitépourcespaysd’intégrerlemarchéducarbonesansaucunrisquepour« leurdéveloppement ».
Cependant, le mécanisme a suscité des controverses avec l’équipe de négociation des États-Unis. La
possibilité d’intégration des pays émergents dans lemarché du carbone a été considérée commeune
menace à la compétitivité américaine dans l’économie internationale. Le fait que le Traité de Kyoto
n’imposepasdequotasderéductionsdesémissionspourlespaysémergentsetquelaparticipationau
MDP soit facultative ont tous deux incité la délégation américaine à voir lemécanisme« d’unmauvais
113Aujourd’hui,nousassistonsàunchangementdepostureenraisonducontrôlede ladéforestation.LeBrésilsoutientunepostureinternationaleplusprogressisteenverslesenjeuxduclimat.114Unepropositionoriginalementintitulée«FondpourleDéveloppementPropre»dontl’objectifprincipalétaitlacréationdecefondparlespaysdéveloppésafindepouvoirfinancerlatransitiontechnologiquedanslespaysenvoiededéveloppement.Cependant,aprèslesnégociations,cefonds’esttransforméunmécanismedemarché,leMDP(Viola,2004).
118
œil »(Werksman,1998).DupointdevuedesÉtats-Unis,d’uncôté,leTraitépourraitreprésenterunfrein
pour l’économie américaine du fait de l’imposition des objectifs de réduction deGES115. De l’autre, le
Protocolereprésentaitunencouragementpourleséconomieschinoises,indiennesetbrésiliennesdansla
mesure où ces pays n’avaient aucune obligation de réduction et pouvaient participer auMDP avec à
l’aidedespaysdéveloppésdans lamiseenplacede technologiespropres.Ainsi, l’absenced’obligation
auprèsdespaysduSudétaitunedesraisonspourlaquellelesÉtats-Unisn’apasratifiépasleProtocole
deKyoto(Newell&Patterson,2009).
« BrazilwasnotonlybehindtheoriginalideaoftheCDMandearlyincreatingthenecessarygovernmental
infrastructure for the CDM. » (Friberg, 2009:404). Les propositions du Brésil au niveau international
étaienten consonanceavec sa capacitéet ses stratégies internespourmettreenplaceunmécanisme
commeleMDP.Enconséquence, les intérêtsnationauxreflètent lespropositionsfaitespar lesÉtatsau
niveau global (Viola, 2012). Pour la réussite de lamise enœuvre duMDP à l’échelle nationale, il est
nécessaireunecapacitéétatiquepouraccueillirdesprojets.Eneffet,cette« capacitéétatique »setraduit
par une puissance étatique et économique d’un pays de créer une réglementation interne pour
l’approbationdesprojets.Decefait,Newelletal(2009)soulignentqueleBrésilpossèdedeuxavantages
concernantsapositiondeprécurseurduMDP:l’expertiseetlepouvoird’attractiondesinvestisseurs.Le
pays a une élite intellectuelle, des chercheurs travaillant sur les changements climatiques et une
communautéd’acteursprivés intéresséspar lethème,formantainsiunréseaurelativementfermé.Ces
acteurs sont très influents et participent activement à la prise de décisions politiques concernant les
actionspubliquesbrésiliennessur lechangementclimatique.Cesélémentsontconsolidé lacapacitéde
l’ÉtatbrésilienàformulerdespropositionscommeleMDPdansl’arèneinternationale.Ceréseauaaussi
préparé l’État à mettre en place les dispositifs nécessaires pour constituer l’Autorité Nationale
Désignée116 (Newell et al, 2009 ; Friberg, 2009). Enfin, l’autre avantagebrésilien concernant lamise en
placedumécanismerésidedanssamatriceénergétiqueetdanssacapacitéàattirerdesinvestissements
étrangerspour la créationdesprojets (Newell et al, 2009).Ainsi, au sujetde la gouvernance localedu
MDP,leBrésilprésente(ouprésentait)desavantagespourlamiseenplacedesprojetsderéductiondes
émissions.
115Etantdonnéquel’industrieaméricainen’étaitpasprêteàl’introductiondestechnologiesmoinsémettricesdeGES.116Organepubliqueresponsablepourl’approbationdesprojetsMDPauniveaunational.AuBrésil:ComissãoInterministerialdeMudançaGlobaldoClima.
119
2.3.1LaPolitiqueNationalebrésiliennerelativeauchangementclimatique:ledéfientregouvernancenationaleetgouvernancelocale.
Dans l’arène internationale des négociations climatiques, nous avons observé que le Brésil a comme
objectif transmettre l’image d’un pays émergent en processus « d’écologisation117 ». Cette image
internationaled’unpays« progressiste »concernant lesquestionsenvironnementalesestaussimarquée
par le faitque lepaysaété lepremieraumondeàavoir signé laConvention-CadredesNationsUnies
pour leChangementClimatique118 (MMA,2018b ; Frieberg,2009). Lacréationde laPolitiqueNationale
Relative au Changement Climatique en 2009 et sa réglementation119 en 2010 avait comme but la
formalisation de la position brésilienne dans les négociations internationales (Motta, 2011). Le décret
numéro7 390 qui règlemente la PNMU120 établit des objectifs de réduction des émissions de GES
brésiliensde36,1%et38,9%par rapportauniveaude2005121 (CasaCivil,2010a). Il est importantde
soulignerquesi leBrésilnepossèdepasd’engagementchiffréderéductiondans leTraitédeKyoto,en
termes juridiques, cette loi donne un cadre légal pour les actions de lutte contre le changement
climatiqueauBrésil(Motta,2011).Ils’agitd’unengagementdel’Étatbrésilienpourréduirelesémissions
GESsursonterritoireainsiquepourmenerdesactionsd’adaptationaucadreinternational.Laloiprévoit
le financementdecesréductionsà traversdesmécanismesd’échangesdequotasdeCO2,notamment
celuienvigueuraumomentdesaconception,leMDP.Toutefois,cetteactionpubliqueserévèleêtreun
défi pour la capacité d’articulation de l’État brésilien avec certaines élites économiques et les
gouvernances locales dans la mise en place de ces objectifs (Machado & Vilani, 2015). Un défi pour
surmonterlescontradictionsauseindel’Étatetdelasociétébrésilienne.
117«Ecologisation»danslesensdelaThéoriedelaModernisationEcologique,telqu’ilaétéexplicitédanslechapitre1.Pourrappel, nous y avons observé la continuité d’un processus de développement économique à partir de mise en place detechnologiesprenantencomptel’aspectenvironnementaledesactivitésindustrielles.118 La CCNUCC a été aussi négociée lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement(«SommetdelaTerre»)àRiodeJaneiroen1992.ApartirdesobjectifsjuridiquesposésparLaCCNUCC,leProtocoledeKyotoaéténégociéen1997.119A traversdudécretnuméro7.390de2010. L’objectifdudécretestdétailler les instrumentset lesobjectifsd’uneactionpubliquetoutenrespectantlecadrejuridiqueposéeparlaloienmatièrederèglementation(Machado&Vilani,2014).120PolíticaNacionalsobreMudançadoClima121Notamment,les«grandsobjectifsderéduction»danslessecteursduchangementetaffectationdessolsetdel’industrie.
120
La gouvernance climatique au Brésil fait face aux contradictions reposant derrière les enjeux de la
déforestation et de lamatrice énergétique du pays. CommeMachado & Vilani (2015) le précisent, le
gouvernement fédéral responsable de la création d’une politique climatique assez « ambitieuse » n’est
autre que le même gouvernement « néo-développementaliste » qui encourage la mise en place des
grandesusineshydroélectriquesenAmazonie,malgrélescontroversessocio-environnementales122.C’est
aussiunÉtatqui investitdans l’exploitationdupétroleetquiprotègeégalement lesgrandespropriétés
foncièresdans lesecteurde l’agropecuária.L’Étatbrésiliensemontre« progressiste »dans l’emploides
effortspourlacréationd’uncadreréglementairepourunegouvernanceclimatiquenationale,maisdans
la praxis cet État reste toujours enfermé dans une vision de politique économique court-termiste. La
confrontation des objectifs de la PNUMC avec les politiques de développement économique actuelles
baséessurunmodèle« néo-développementaliste »metenlumièreleparadoxequi« hante »lasituation
politico-environnementaleauBrésil(Nevesetal,2015).« Quantauxautressecteursindustriels(transport,
énergie,constructioncivile,etc.)quireprésententplusd’untiersdesémissionsdeGESdupays,lamiseen
œuvreduplannationaldeluttecontrelechangementclimatiques’yavèrebeaucoupplusardue.[…]Les
arbitrages en faveur de grands travaux d’infrastructure et certaines violences contre le «peuple de la
forêt»nourrissentdesconflitsenvironnementauxàl’échointernational. »(Aykut&Dahan,2015:309).
Une gouvernance climatique efficace pose encore plus de problèmes en ce qui concerne l’articulation
entrelegouvernementfédéraletlesinstanceslocales.Machado&Vilani(2015)etMotta(2011)mettent
enperspectiveledéfidupointdevueorganisationnelauquellamiseenplacedecettepolitiquefaitface.
En réalité, les contradictions que nous trouvons déjà à l’échelle nationale se produisent également au
sein des États et des municipalités brésiliennes. L’articulation et la coopération entre les différentes
institutions123àdifférenteséchellesauseindesdifférentssecteursd’activitépouratteindrelesobjectifs
nationauxderéductiondesémissionsdemeurentunobstacledanslagouvernanceclimatiquebrésilienne.
LaréussitedelagouvernanceclimatiqueproposéeparlaPNMCseraitdetrouveruneconsonanceentre
le pouvoir « encadreur » (créateur de la loi) et le pouvoir « administrateur » (celui responsable de
122 Par exemple, les controverses autour de la construction du barrage de BeloMonte dans la région Amazonienne. LaconstructiondecetteusinehydroélectriqueentrainedesgrandsimpactsenvironnementauxtelsquelapertedebiodiversitédelarégionprovoquéeparlesinondationsdecertainesrégionsaulongdelarivièreXinguainsiquelasècheressed’unepartiedelarivière.CeschangementsdanslarivièreXinguimpactentégalementlespopulationsindigènesquiviventlelongdes100kmdecetterivièreaffectéeparlaconstructiondel’usinehydroélectriquedeBeloMonte.123Institutionspubliquesetprivées:pouvoirpublic,communautésscientifiques,entreprisesetlasociétécivile.
121
l’application de l’action publique) (Motta, 2011). Or actuellement, la crise politique au sein de l’État
brésilienapporteencoreplusd’incertitudesparrapportauxquestionsenvironnementales.
Celadit,ledeuxièmemandatdelaprésidenteDilma(2015-2016124)aétécaractériséparunefocalisation
surledéveloppementéconomiquemajoritairementbasésurlesressourcesnaturellesetparuneprisede
distancevis-à-visdumouvementenvironnementaliste125 (Reietal,2017).Aprèssadestitutionen2016,
lesquestionsrelativesauchangementclimatiquerestentdansl’ombreenvuedetendanceconservatrice
de la politique brésilienne. Afin de réussir à accéder au pouvoir et pérenniser la destitution de la
présidente Dilma Rouseff, Michel Temer (1940— ), son vice-président126, a conclu des alliances et a
donné des concessions aux grands propriétaires de terres agricoles au Brésil aumoyen d’une réforme
juridique sur les unités de conversation et d’une simplification du processus des émissions des permis
environnementaux127 (Rochedo et al, 2018). Ces manœuvres entachent fortement les actions pour
contenirlesprocessusdedéforestationauBrésilainsiquelesobjectifsinternationauxetnationauxfixés
parlepayspourluttercontrelechangementclimatique(ObservatoriodoClima,2018).
Hormiscerétropédalagesur lesquestionsenvironnementalesauBrésil,pourrevenirsurnotreobjetde
recherche, il n’est pas possible de trouver dans le décret numéro7 390 règlementant la PNMC des
objectifs chiffrés relatifs à la réduction des émissions GES dans le secteur du traitement des déchets
solides urbains. Nous pouvons observer seulement des objectifs très génériques par rapport à la
réductiondesémissionsdanscesecteur.Toutefois,dansletextedeloi,lesobjectifsderéductiondansles
déchetsnesontpasdéclinésendiverstypesdedéchetsetsontaussicomptabilisésaveclesobjectifsde
réductiondusecteurindustriel(CasaCivil,2010a128).Decefait,ilestnotablequel’enjeudelagestiondes
déchetssolidesurbainsnes’avèrepasêtreungrandenjeuenvironnementaldanslacompositiondecette124PremiermandatdeDilma(1947-):2011-2014.125Parexemple,l’augmentationdestauxdedéforestationen2015et2016;lerefusdelasignaturedelaDéclarationdeNewYorksurlesforêts;l’absencedesanctioneffectivedelapartdel’Étatbrésilienauxentreprisesd’exploitationminière(SamarcoMineração SA,Vale S.A,BHPBilliton) responsablesd’un l’accidentdans la villedeMarianadans l’ÉtatdeBeloHorizonteen2015. Cet accident est parti de l’éclatement des barrages de déchets issus de l’activitéminière ayant entrainé l’inondationd’unevilleentière,noyéedans lesrésidustoxiquesdecetteactvité.Cettecatastropheanonseulementcausé lapollutiondubassin hydrographique de la région,mais aussi la disparation de la faune de la ville, lamort de citadins, la destruction dupatrimoinearchitecturelhistoriquedelavilleouencorel’émigrationforcéedetoutelapopulationdelaville.(Reietal,2015;GreenpeaceBrasil,2016).126 Appartenant au parti PMDB (actuel: MDB). Partie du Mouvement Démocratique Brésilien. Parti d’une idéologieconservatriceetlibérale.127Licençasambientais.128Brasil.Decretonuméro7.390
122
loinationaleencomparaisondesquestionsrelativesauxsecteursduchangementetaffectationdessols
etceluidel’énergie.
2.4LEPANORAMADESPROJETSMDPAUBRÉSIL:UNEPROMESSEINACHEVÉE ?
NousallonsprésentericilatrajectoireduMDPauBrésiljusqu’àl’année2018.Cependant,ilestimportant
de rappeler qu’après le renouvèlement de la deuxième phase de l’engagement de Kyoto, les pays de
l’Unioneuropéenneétaient interditsd’acheterdesCERgénéréspardesprojetsenregistrésaprès2012
par des pays émergents: « En outre, l’utilisation de crédits/URCE provenant de nouveaux projets après
2012 est interdite, sauf si le projet est enregistré dans un des pays lesmoins avancés (PMA) » (Union
européenne,2018).CetteinterdictionaimpactéfortementladynamiquedecréationdesprojetsMDPau
Brésilaprès2012.Decefait,nousallonsprésenter lescénarioduMDPauBrésildepuis2008129 jusqu’à
présentpourensuitediscuterdesspécificitésdeladynamiquedecemécanismeauBrésilparrapportaux
autrespaysémergents.Lafigureci-dessoussitueleBrésildanslecontextemondiald’enregistrementdes
projetsMDP jusqu’à 2012, un bilan de la première période de Kyoto.Malgré l’interdiction de l’Union
européenne,selonlesdonnéesdelaCCNUCCde2018,leBrésilseplacetoujoursentroisièmeplacedans
leclassementinternationaldespayshébergeurdesprojetsMDP,avec4,3%dutotaldesprojetsdansson
territoire130(UNFCCC,2018j).
129IlestimportantderappelerquelecahierdechargesduMDPaétécrééen2003,desortequelesprojetsayantcommencéàpartirde2004pourraientréclamerdescréditsrétroactifsrelatifsàladatedelamiseenplacedumécanisme,malgrélamiseenvigueurduProtocoleen2005.LamajoritédesdonnéesbrésiliensdisponiblessurleMDPmontreunpanoramaàpartirde2008.130Ilfautsoulignerqueceschiffresde2018netraduisentpasunecontinuitéd’augmentationdeprojetsMDPauBrésil,maisilsmontrent surtout une stagnation d’enregistrement de projets MDP dans le monde ayant été discuté dans le chapitreprécédent.Cettestagnationamenacél’avenirdumécanisme.
123
Figure21:Leclassementmondiald’enregistrementdesprojetsMDPparpaysjusqu’à2012
131.
Source:MCTIC,2017.
Selon le rapport du Ministère brésilien de la Science, de la Technologie, de l’Innovation et de la
Communication, jusqu’àlafindelapremièrepériodeduTraité, lepayscomptait300projetsMDPdans
sonterritoire.En2018,lesitedelaCCNUCCmontrequelepayshéberge348projetssursonterritoire.
Lesprojetsbrésiliensétantdéjàrentrésdanslecycled’enregistrementduMDPavant2012ontpuvendre
leurs CER aux pays de la Communauté européenne132. La figure ci-dessous montre l’évolution de la
demandeenenregistrementsetdel’approbationdesprojetsMDPbrésiliensauprèsdelaCCNUCCdepuis
2004 jusqu’à 2016. Nous observons une accélération des demandes d’enregistrement durant
l’année2012, c’est-à-dire, avant la date limite. Nous voyons également une baisse considérable de
demandesaprèscettedate,arrivantensuiteàzéroen2016.
Figure22:L’évolutiondelademanded’enregistrementetdel’approbationdesprojetsMDPbrésiliensauprèsdelaCCNUCC
de2004à2016.133
Source:MCTIC,2017a.
131Traduction:Chine;Inde;Autrespaysenvoiededéveloppementensemble;Brésil;Vietnam;Mexique,Malaisie,Indonésie,ThaïlandeetCoréeduSud.132LesprojetsMDPdéjàenvigueurontpuégalementcontinuerdevendreleurscréditsàcespays.133Bleu:DemandesreçuesparlaCIMGC.Rouge:ProjetsapprouvésparlaCIMGC.
124
La décision de l’Union européenne a affecté négativement la dynamique du mécanisme du Brésil en
apportantdesincertitudesauxacteursimpliquésdanscemarchéauniveaunational(MCTIC,2017a).Le
MDP a ouvert plusieurs opportunités de marché au Brésil à différentes catégories d’acteurs, des
opportunités telles que l’apparition d’entreprises d’expertise spécialisées dans la création de projets
selon les normes de la CCNUCC et d’autres acteurs intermédiaires134 Newell & Patterson (2009)135.
Toutefois, il y a eu une attentemondiale démesurée sur les bénéfices financiers que leMDP pourrait
apporter aux pays en voie de développement.« Inflated expectations about the CDMbringing about a
gold rushofmoney fromNorth toSouth, creating ‘RobinHood’ redistribution fromrich topoor,proved
inflatedandpremature.Manyill-preparedprojectsrushedthroughtheprocesshavefailedtomeetbasic
criteria of additionality andwere thus rejected by the CDMEB136, having a negative effect on business
confidenceinthemarket. »(Newell&Patterson,2009:92).MalgrécetétatdeslieuxsurleMDPauniveau
international, lesprojetsbrésiliensavaient(etonttoujours)uneréputationtrèspositivedanslemarché
du carbone. La raison en tient à la rigueur des critères d’approbation des projets mis en place par
l’Autorité Nationale Désignée brésilienne, la Comissão Interministerial de Mudança Global do Clima
(CIMGC).
La gouvernancebrésilienneduMDPétait règlementée à partir de normes très strictes, comparables à
cellesdelaCCNUCC.Enréalité,laCIMGCétablitdesrèglesd’approbationtrèsclairesafind’obligertous
les projets MDP brésiliens à respecter les normes de « l’intégrité environnementale »137 avant d’être
envoyésauConseild’AdministrationdelaCCNUCC(Newell,2009).Celaavaitcommeobjectifminimiserla
margederefusdesprojetsauniveau internationaldans lamesureoù lagouvernancebrésilienneexige
qu’ils respectent des critères « d’additionalité 138» semblables à ceux établis et vérifiés par lesDOE, les
entreprises privées mandatées par la CCNUCC (Hultman et al, 2012). Cette procédure « allégeait » les
risques de refus du projet et attirait des investissements sur des projetsMDP au Brésil avant que son
134Parexemple,lacréationdejoint-ventures.135Endépitdesincertitudesetdesrisquesdumarchéconcernantletemps«trèslong»d’enregistrementetd’approbationdesprojetsauprèsdelaCCNUCC,cequisuscitadescrainteschezlesinvestisseurs(Newell&Patterson,2009).136Executiveboard.137«Additionalité»138Unconceptutilisépourgarantirque la réductiondeGESà travers lemécanismenesoitpas frauduleuse.VoirChapitre1pourunediscussionplusapprofondie
125
processus d’enregistrement soit clôturé139 (Newell & Patterson, 2009). « Whilst the Brazillian DNA has
beenaccusedofadoptinganexcessivelyrigorousapproach, it isgenerallyperceivedbymarketactorsto
bethroughbutfairinitshandlingapplications »(Newellatal.,2009:728)
Newelletal (2009)mettentenperspectiveque l’intérêtde lagouvernancebrésilienneduMDPétait la
promotiondelacapacitédumécanismeàproduireunevéritableréductiondeGESplutôtqu’àun« pur »
encouragement à développer un marché du carbone. Ce soin à maintenir « l’intégralité
environnementale »etlepouvoirde« confiance »danslemécanismes’expliqueparlefaitqueleMDPa
étéune idéebrésilienne lorsdesnégociations internationales:« Brazil’shistoryof support for theCDM
hasledtheMCT140totakeaveryactiveroleinscreeningCDMprojectshostedinBrazil »(Hultmanetal.,
2012:93).UnautreaspectrentrantenconsonanceaveccetintérêtsedoitaussiparlefaitquelaCIMGC,
leDNAbrésilien, soit aussi composéedemembres participant à l’équipedes négociations brésiliennes
lorsdesCOP(Viola,2004 ;Friberg,2009).LaCIMGCaétécrééedesorteàrespecterscrupuleusementles
engagementsbrésiliensfaitsàlasignaturedelaCCNUCC(Friberg,2009).
Ceréseaud’acteursparticipantàlafoisàlagouvernancebrésiliennedumécanismeetauxnégociations
internationalessecomposeaussidesprincipauxchercheursdansledomaineduchangementclimatique
au Brésil141. « Natural sciences and technical disciplines dominate climate change research in Brazil »
(Friberg, 2009: 410). Cette« cohérence techniqueetpolitique » vis-à-visde l’enjeu climatiquegarantit
ainsi le rôle important du Brésil dans l’arène internationale ainsi que le respect de son engagement
international au niveau de la gouvernance climatique nationale. « Despite the fact that Brazil has only
limitedobligationsunder theKyotoProtocol throughtheCDM,agrowingpoolofexpertise iscreated in
the country, both in the public and in the private sector » (Friberg, 2007:15). A part la création d’une
communautéscientifiquesurcethème,plusieursgrandesentreprisesd’expertiseinternationalespourle
montagedesprojetsMDPsontaussid’originebrésiliennetellesquel’Ecosecurities,EcoinvestCarbonou
139Ilestpertinentdenoterquedansladynamiquedumarchéducarbone,l’investissementoulapromessed’achatdescréditspeuventarriveràn’importequelmomentdustaded’enregistrementduprojetMDP.Toutefois,celasignifiaitdesrisquespourlesinvestisseurs(Newell&Patterson,2009).140MinistèredeScienceetTechnologieauBrésil.MCTIC141 Un exemple de ce réseau où les scientifiques participent aussi activement dans l’action publique sur le changementclimatique et sur leMDP au Brésil:Monsieur Roberto Schaeffer, chercheur au Centre Climat à l’Université Fédérale de Rio(COPPE-UFRJ)faitpartiedupanelsurlacréationdesméthodologiesderéductiondeGESpourleMDPauseindelaCCNUCC.
126
Ecoenergy(Frieberg,2009).Cescaractéristiquesconfirmentainsil’empreintebrésiliennesurlagenèseet
lefonctionnementduMDP.
Le côté« négatif » d’une telle rigueurbrésilienest la bureaucratie impliquéedans l’enregistrementdes
projets à l’échelle nationale afin de valider « l’additionalité » de l’activité de réduction de GES.
Normalement,unprojetbrésilienprendenvironunanpourcompléterlecycled’enregistrementduMDP
(Newell et al, 2009)142. Si d’un côté, les CER brésiliens ont une bonne réputation dans le marché du
carbone, de l’autre, le temps pris pour l’enregistrement d’un projet n’est pas très attractif pour les
investisseurs.DeuxautresaspectsexpliquentlefaitqueleBrésil,malgrésonrôledanslesnégociations,
nesoitpasentêteduclassementmondialdesprojetsMDPPremièrement,leBrésilpossèdeunematrice
énergétiqueassezpropre, cequi correspondàmoinsd’émissiondeGES, et par conséquent,moinsde
créditsCO2 à générer. Deuxièmement, l’activité de reforestation ne rentrait pas dans le cadre
règlementaireduMDPpourque lemaintiendes forêtsbrésiliennespuisseêtre considérédespuitsde
CO2 et générer des crédits. Le Brésil possédait, donc, des capacités de réduction « assez faibles » en
comparaisonde laChineetde l’Inde.Parconséquent, lesopportunitésbrésiliennesàmonterungrand
nombredes projetsMDPétaient restreintes par rapport à d’autres pays émergents143 (Jung, 2006). La
figureci-dessousmontrelarépartitiondesprojetsMDPauBrésilparsecteurd’activité.
142Cettepériodecomprendseulementlesétapesjusqu’àl’enregistrementd’unprojetetpasl’émissiondecrédits.143Malgrésacapacitéinstitutionnelledecréationetd’hébergementdesprojetscommedéjàexpliquéauparavant.
127
Figure23:LarépartitiondesprojetsMDPpargrandssecteursderéductiondesémissionsauBrésil
144.
Source:MCTIC,2016b.
Nousconstatonsquelesecteurdetraitementdedéchetsestledeuxièmesecteuraccueillantleplusde
projetsMDP au Brésil. Il est seulement derrière l’industrie de production énergétique145 en raison du
grand nombre des projets dans le secteur de l’hydroélectrique et de la biomasse. Il est important de
rappelerquecessecteurssontlesresponsablesd’unegrandepartiedelamatriceénergétiquebrésilienne
(MCTIC, 2017b). Alors que seulement 23% des projets MDP au Brésil sont créés dans le secteur de
déchets,cesecteuraungrandpotentielderéductiondesémissions.Àtitredémonstratif,jusqu’à2016,
les50projetsMDPrelatifsàdesdéchargessanitairesontsoustraitdesémissionsàhauteurde87millions
de tonnes de CO2 équivalent146. Tandis que les 94 projets d’hydroélectriques ont réduit environ 137
millions de tonnes de C02. Le rapport duMinistère de la Science et de la Technologiemontre que le
secteur hydroélectrique possède presque le double de projets MDP que le secteur de déchets.
Cependant,les94projetshydroélectriquescontribuentàlaréductionde37%dutotalderéductiondes
émissions brésiliennes dans le cadre du MDP. Alors que les 50 projets nationaux dans le secteur de
déchetsderéductiondubiogazàpartirdedéchargesreprésentent23%.(MCTIC,2017b).Decefait,en144Traductionhautverslebas:Industrieénergétique;traitementdedéchets;agriculture;industriemanufacturière;industriechimique;métallurgie;forestation/reforestation;émissionsfugitives.145CegrandsecteurcomporteégalementlesprojetsMDPprovenantdelaproductionénergétiqued’origineéolienne.146Estimationderéductionsurunevieentièred’unprojetMDP.
128
cequiconcernelepotentieldegénérationdesCER,cettedifférenceesttrèsattirantepourlesentreprises
quidéveloppentdesprojets.
En 2007, le Ministère de l’Environnement a publié une étude mettant en lumière les opportunités
d’implantation du MDP dans le secteur de déchets, notamment dans les décharges sanitaires. Ce
documentdestinéauxentrepriseschargéesdelagestiondesdéchargesmontraitlepotentielbrésilienà
réduirelesémissionsdesnombreusesdéchargesàcielouverttoujoursexistantes.Ildiscuteégalementde
commentleretourdel’investissementdansleséquipementspourlacaptationdeméthanepourraitêtre
intéressant par rapport à la quantité de créditsCO2 émis après lamise en place d’un projetMDP.Un
projetMDPdans ce secteurpossèdeun grandpotentiel de générationde recettepour l’entreprise en
fonction du grand potentiel du gazméthane par rapport au CO2 (23 fois plus que le gaz carbonique)
(Felipetto,2007).Cetencouragement« technique »delapartdupouvoirpublicbrésilienmontreceque
Newell et al (2009) nomment la « state capacity » d’un pays où il y a une forte organisation des
institutionspubliquesautourdel’implantationetdelacoordinationdesprojetsMDP.
L’attachementinstitutionnelbrésilienauMDP,ouàunmécanismedemarchédesquotasdeCO2quilui
ressemble,estaussiexprimédansundocumentofficieldugouvernementfédéral147envoyéàlaCCNUCC
avant la COP-21, à Paris (MCTIC, 2017). « Use ofmarkets: Brazil reserves its position in relation to the
possibleuseofanymarketmechanismsthatmaybeestablishedundertheParisagreement”(Federative
RepublicofBrazil,2015:2).LorsdesnégociationsdelaCOP-21,l’équipebrésilienneaànouveaumissurla
table l’idée d’un nouveau marché du carbone. Inspirée du principe du MDP, l’idée du nouveau
mécanisme proposé par le Brésil et l’Union européenne était d’inclure tous les pays signataires de
l’AccorddeParisdansunmarchéducarboneoù lespaysenvoiededéveloppementpourraientnepas
seulementvendredescréditsCO2,maisaussilesacheter(Estadão,2015).Danscenouveaumécanisme,
lespaysneseraientpascatégorisésselonleurniveaudedéveloppement.Toutes lespartiesseraienten
mesure d’investir dans des projets de technologies propres dans la mesure où ils auraient fixé des
objectifsderéductiondansleurs« INDC »(IntendedNationallyDeterminedContribution)148.Laproposition
147Documentintitulé:“IntendedNationallyDeterminedContribution(INDC)”148Ils’agitd’undocumentimposéparlaCCNUCCpourlaCOP-21oùlesparties(lespays)exposaitleursintentionspourleurscontributionsàlaluttecontrelechangementclimatique.Ilest importantdesoulignerquelesengagementsbrésiliensdécritsdanscedocumentfontpartiedesobjectifsdelaPolitiqueNationalesurleChangementClimatique.
129
de ce nouveau mécanisme inclut aussi les gouvernements locaux et les ONG comme des acheteurs
potentielsdecréditspouvantcontribueràlaréductiondeGESsurleurterritoire(OECO,2015).
Bienqu’auniveaunational, ilyaun fortencouragementetarrangement institutionnelpour lamiseen
place d’un mécanisme d’échange de quotas de carbone, l’idée « progressiste » et « moderne » de
l’environnement au niveau fédéral a du mal à se diffuser dans les niveaux inférieurs. Les inégalités
régionales du Brésil révèlent cette dichotomie qui « hante » les dynamiques sociopolitiques nationales
révélantàlafoisunBrésil« néo-développementaliste »et/ouunBrésil« progressiste ».Cetteimaged’un
payssefaisantlechancredu« droit »audéveloppementcommedeladurabilitéenvironnementalen’en
restepasmoinsqu’uneimage,uneidéequelespayssefontduBrésilsurlascèneinternationale(Viola&
Franschini, 2013). Il est évident que le gouvernement brésilien met en perspective le MDP comme
l’instrumentfinancierduprocessusdetransitionnationaleversle« développementdurable »(Gutierrez,
2011).Vossole (2013)préciseque lemarchéducarboneouvre l’accèspour les institutionsdespaysen
voie de développement à de nouvelles sources d’accumulation du capital dans un processus de
réaffirmationdupouvoirpublicàtraverssagouvernance.Toutefois,le« droitaudéveloppement »,oule
« processusd’accumulationdecapital »dansunpayslatino-américainesttraditionnellementmarquépar
lesmécanismesd’exclusionsociale.
La mise en place d’un mécanisme de marché, comme le MDP, peut mettre en avant deux niveaux
d’inégalitésauBrésil.Premièrement,lesinégalitésrégionaleset,ensuite,laquestiondejusticeclimatique
locale.Lesinégalitésrégionalesseproduisentdanslamesureoùlesrégionslespluspauvresdupayssont
celles où nous trouvons moins des projets MDP. Nous identifions donc des régions possédant moins
d’infrastructure économique pour le développement d’entreprises capables d’investir ou d’attirer les
investissements pour mettre en place des projets MDP. Le cout de réalisation des projets dans ces
régions s’avère assez élevé et par conséquent, pas assez « attractif » pour les entreprises (Duarte &
Azevedo,2011).L’ÉtatdeSãoPauloprésenteleplusgrandnombredeprojetsMDPdanssonterritoire,74
projets,suiviparMinasGerais(54)etentroisièmeplacel’ÉtatdeRioGrandedoSul(42).
130
Figure24:LarépartitiondesprojetsMDPparrégionbrésilienne
149.
Source:MCTIC,2016a.
Lacarteci-dessusmontreuneagglomérationdesprojetsMDPdanslarégionsud-ouestetsudduBrésil,
lesrégionsaveclesplusgrandsPIBdupays.Àl’inverse,lesrégionslespluspauvrescommeleNord-estet
leNordattirent« moins »deprojetsMDP.Commenousavonsévoquéaudébutdecechapitre,cesont
pourtant ces régions qui abritent les écosystèmes les plus fragiles ainsi que la population la plus
vulnérableaux impactsduchangementclimatique.Si l’absencedeprojetsMDP réaffirme les inégalités
régionalesauBrésil, lamiseenplacedumécanismenepeutpasêtreconsidéréecommeunvecteurde
concrétisationdejusticesocio-environnementaleauniveaulocal.Milanez&Fonseca(2011)mettenten
perspectivelescritiquessurcetinstrumentdansuncontextebrésilien.Premièrement,leMDPencourage
la quête aux technologies les moins chères, au détriment de l’atténuation de l’impact socio-
environnementaldesémissionsGES.Enréalité,lescritèresdemiseenplaceduMDPnesontpasassociés
auniveaud’impactenvironnementald’uncertaingazGES.Deuxièmement,lecahierdeschargesduMDP
ne se soucie pas de savoir si la délivrance des créditsCO2 bénéficiera aux groupes sociaux les plus
149 Vert : RégionAmazonas, héberge 4%des projetsMDPdu pays; rose:Nord-est:14%des projetsMDP; orange: centre-ouest,18%desprojets;gris:sud-est:39%desprojets;bleu:régionsud,22%desprojets.
131
vulnérables au niveau local. Ainsi, la structure du fonctionnement du mécanisme au Brésil bénéficie
surtoutauxgrandesentreprises(Bueno,2011).
La création de critères d’évaluation concernant la durabilité des projetsMDP est une dimension de la
gouvernance climatique globale où la souveraineté des États signataires du traité a été préservée. En
général, les critères ont comme objectif d’évaluer comment le MDP peut encourager la croissance
économiquelocale,ledéveloppementtechnologique,l’éradicationdelapauvretéetlapréservationdes
écosystèmes(CCNUCC,2015150).Bienquecescritèressoientdifférentsselonchaquepays,Newelletal
(2009)etBoydetal(2012)expliquentquelesprioritésdonnéesàcesdifférentesdimensionsdelanotion
dedurabilitépourl’approbationdesprojetsMDPsontsouventliéesàlaprioritédespolitiquesnationales.
Cependant, ils soulignent que les critères sont souvent purement bureaucratiques et que
l’opérationnalisation de la gouvernance locale duMDP peut amener les Autorités Nationales à ne pas
vérifiersystématiquementcescritères.Cedéfautestdûàl’utilisationduMDPcommesimpleinstrument
demarché où l’approbation des projets par la CCNUCC et la valeur de leurs créditsCO2 ne sont pas
conditionnées par l’application des critères de durabilité établis au niveau national (Boyd et al, 2012).
Dans ce contexte, Brésil a fixé une liste des critères listés dans le tableau ci-dessous pour évaluer la
durabilitéetapprouverlesprojetsMDP.
Tableau5:Lescritèresdedurabilitépourl’approbationdesprojetsMDPauBrésilcréésparlaCIMGC.
Source:Newelletal.,2009;Llosa,2009.
150Selonladéfinition«pasassezprécise»dequoiils’agitlanotionde«durabilitéenvironnementale»auseindelaCCNUCC.
132
Cescritèresd’évaluationontétécréésparlaCIMCGenassociationaveclelaboratoiredesétudessurle
changement climatique de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ), la COPPE151 (Friberg, 2009).
Cependant,commeCole(2007152)ledémontre,lescritèreslistésci-dessusformentseulementàunesérie
decontrôlespourlesquelsl’AutoritéNationalebrésiliennen’étaitpasprêteàenvérifierlafaisabilitésur
le terrain. En outre, Boyd et al (2012) mettent en perspective le fait que le DOE153 n’évalue pas ces
critères dans son rapport à la CCNUCC. Son rôle consiste simplement à vérifier « l’additionalité » des
projets, un critère clé pour approuver les projets au niveau international. De cette manière, pour la
gouvernanceclimatiqueinternationale, l’objectifprincipaldumécanismeest laréductiontechniquedes
émissions de GES dans le but d’obtenir un calcul précis de la quantité des émissions réduites et, par
extension,degénérerdescréditsCO2.Boydetal.(2012)précisentquedanslecasduBrésil,cescritères
très généraux de vérification bureaucratique de la durabilité d’un projet MDP ont entrainé la
transformationdeplusieursactivitésderéductiondeGESdéjàexistantesdansdesprojetsMDP154.Dans
lelangageduMDP,cesprojetssontclasséscommebusiness-as-usual.
Quelestl’étatdeslieuxdesprojetsbusiness-as-usualauBrésil ?Premièrement,ladéfinitiondebusiness-
as-usualconcerneuneactivitédépourvuedeprojetderéductiondesémissions.Cettesituationconnue
commebaseline scénario est capitalepourévaluer« l’additionalité » d’unprojetMDP.Commenousen
avonsdiscutédans le chapitre1, il s’agiten théoriedemettreenplacedes frontières techniquespour
garantir« l’additionalité »d’unprojet.Ils’agitderespecter« l’intégritéenvironnementale »propagéepar
lemécanisme,qui serait« suffisante »pourgarantirque leMDPpourrait seulementdéboucher surdes
réductions réelles et que samise en place serait « l’outil déclencheur » de ces réductions. Cependant,
commeMichaleowa(2005)l’aexpliqué,lacraintedeperdrelesopportunitéséconomiquesoffertesparle
MDP a amené plusieurs développeurs de projets à instrumentaliser techniquement le concept
d’additionalité » en raison de la nature « plastique » du concept. À l’égard de la notion de
« l’additionalité », la classification d’un projet « business-as-usual » est aussi passible de plusieurs
interprétations(Muller,2009).Uneactivitéderéductiondesémissionspeutsemontrer« additionnelle »
151 COPPE- Instituto Luiz Coimbra de Pós Graduação e Pesquisa em Engenharia (Institut Luiz Coimbra de Recherche enIngénierie)152Vérifierchapitre1pourunrappelsurlescritères«d’additionalité»établisparlaCCNUCC.153L’organismeindépendantresponsablepourl’envoidurapportd’enregistrementouaccréditationdeCERàlaCCNUCC.154LesprojetsMDPd’utilisationdelabiomassedelacanneàsucreestdéjàconsidéréecommeuneactivitébusiness-as-usualauBrésil.
133
faceauxcritèresde laCCNUCC155,maiscelanesignifiepasquecetteactiviténefigurepascommeune
pratique courante dans le pays. Être conforme aux critères techniques ne garantit pas qu’une activité
enregistréeentantqueprojetMDPseraexploitéeparlesacteurslocauxetbénéficieradecommodities
environnementales.
Decefait,nousavonsobservéquelecontextedesprojetsMDPauBrésilestmonopolisépardesprojets
de production énergétique à partir d’hydroélectriques et de biomasse. Il est intéressant de pointer du
doigt que ce type de production énergétique fait partie de la matrice énergétique brésilienne. Ces
sources d’énergie correspondent à unepartie considérable de l’offre énergétique internedans le pays
depuislesannées70,commenousl’avonssoulignéaudébutdecechapitre.Ilnousapparaitfinalement
qu’ils’agitdelamêmesituationénergétiqueauBrésilqu’avantlacréationduMDP.Toutefois,enraison
du caractère vague de la notion de « business-as-usual », comme Teixeira et al (2006) l’ont avancé, il
devient difficile de conclure que ces projets MDP au Brésil correspondent à des activités strictement
inhérentes au mécanisme. L’expérience du MDP nous a montré qu’un secteur d’activité est plus
susceptibledegénérerdesprojetsMDPqued’autresselonlespolitiquesnationales.
La gouvernance locale est un facteur déterminant pour l’analyse dumécanisme sur un territoire. Les
opportunitésàmonterdesprojetssuiventleslogiquesd’encouragementinterned’untyped’activité.Cet
élément facilite la mise en place structurelle des projets ainsi que l’obtention d’investissements. « La
gouvernanceducarbone »,commenomméparNewell(2009),estfaçonnéeparlesstructuresdupouvoir
local.Ainsi,lacontradictionentreleBrésil« progressisteetvert »etleBrésil« néo-développementaliste »
enscènelorsdesnégociations,estégalementperceptiblelorsquedesprojetsMDPsontmontésavecune
forte incitation à les orienter vers la production énergétique156 et non pas vers les activités de
déboisement157. « This observation demonstrates the existence of a dual position, in the Brazilian case,
where in the energy sector, contrary to the rest of the world, the country has a very Kyoto friendly
situation, while in other sectors there is little knowledge on the possible impacts (quantification), nor
155Voirchapitre1pourlesdétailsdecritèresd’évaluation«d’additionnalité”imposésparlaCCNUCC.156 Une initiative du gouvernement fédéral intitulée PROINFA (Programme d’Encouragement aux moyens alternatifs deproduction énergétique) investit de l’argent public dans les projets de production énergétique à partir des sourcesrenouvelables.DanslecadreduPROINFA,cesprojetssontaussiencouragésàêtreenregistréscommedesprojetsMDP.157IlestjusteintéressantdesoulignerquecelacorrespondauscénariodumarchéducarboneavantlesnégociationsdelaCOP-21en2015.
134
potentialremediationandmitigationactionsandstrategies.(…)Thisdualrealitydemonstratesthatwith
regardstoclimatepolicyBrazil’ssituationismixed.Asaresult(…)intheareaswhereaminimumlevelof
developmentisalreadyachieved(industrialandenergysectors,forexample),andnotwherealotofwork
isyettobedeveloped,as inthefieldsof landuse,agricultureandforestry. » (Teixeiraetal.,2006:269–
270).
135
CHAPITREIII:LAGOUVERNANCEDESDÉCHETSÀRIODEJANEIRO:ENTRE
ÉCOLOGISATIONETRÉSORPTIONDESVULNÉRABILITÉSSOCIALESDELEUR
GESTIONDESDÉCHETS
Danscechapitre,nousouvronsunediscussionsur lagestiondesdéchetssolidesurbainsdans l’Étatde
Rio, et plus spécifiquement dans la régionmétropolitaine. Nous avons trois raisons pour avoir fait ce
raccourci sur lamétropole: 1)60%du totaldesdéchetsproduitsdans l’Étatproviennentde la région
métropolitaineIBGE2000 ;2)NotrecorpusderecherchesurleMDPreposesurlesdéchargesdelarégion
métropolitaine ;3)Uneabsenced’informationsplusprécisessurl’ensembledesmunicipalitésdel’Étatde
Rio. Cependant, en raison de ce manque d’informations sur la gestion des déchets de chaque
municipalité,nousn’avonspasentreprisunediscussionexhaustivedecetteréalitésurchaquevilledela
métropole.Decefait,nousavonsessayédedessinerunpanoramadelarégionennousfocalisantparfois
surlavilledeRio.
Ainsi,nousavonschoisidediviserlechapitreendeuxparties:laréalitédelagestiondesdéchetsavantet
aprèslacréationdelapremièreloinationalequiréglementeletraitementdesdéchetssolidesurbainsdu
pays.Auregarddecetteorganisation,lapremièrepartiecomporteunediscussiongénéralesurlagestion
dans lepaysetnotammentdans lamétropoledeRioavant2010.Cettepartiemetenperspectiveune
existence massive de lixões et, en même temps, le début de la prise de conscience des risques
environnementauxdecetypededestinationfinalededéchetsparlespouvoirspublics.Dansladeuxième
partie,nousproposonsuneanalysecritiquedecette réalitéaprès lamiseenplacede laPNRS.Malgré
cette tentativededivisionpourmieuxdiscuter lapratiquedemiseenplaceduMDPsur lesdécharges
sanitaires,noussavonsquelesprocessusdechangementnesontpasfigésparletemps,nidanslasimple
miseenœuvred’uneactionpublique.
Nousavonsfaitunraccourcisurlagestiondesdéchetssolidesurbainsfocaliséeuniquementsurledépôt
derésidusdanslesdéchargessanitaires.DèslorsquelamiseenplacedesprojetsMDPdecaptationde
biogaz concerne seulement les processus englobant le dépôt de résidus dans les décharges sanitaires,
nous ne construisons pas une critique précise de la gestion intégrée des déchets urbains dans la
métropole.Autrementdit,nousn’avonsaucuneprétentiond’aborderd’autrestypesdetechnologiesde
136
traitementetdépôtfinaldedéchetsetleur(s)déploiement(s)danscetterégion.Cequinousintéresse,ce
sont lesacteurset lesprocessus impactéspar lamiseenplacedesprojetsMDPdecaptationdebiogaz
dans les décharges. Ainsi, afin de mieux comprendre pourquoi le dépôt final dans les décharges est
importantpour lagénérationdecapitalàtravers leMDP, ildevientnécessaired’analyser l’organisation
sociopolitiquederrièrelacréationdeaterrossanitários.
3.1LAGESTIONDESDÉCHETSDANSL’ÉTATDERIODEJANEIROAVANTLAPNRS:UNEMÉTAPHOREDEL’ÉTATBRÉSILIEN
AvantdedessinerlepanoramadelagestiondesdéchetsdanslamétropoledeRio,ilestessentield’ouvrir
une brève discussion sur la représentation des déchets dans les sociétés contemporaines et sur leurs
rapports avec les pouvoirs publics. La notion actuelle de déchets solides urbains158 est assez récente,
étantapparueauXXesiècleenEurope.Laconceptionde« déchets »commeuneproblématiqueurbaine
s’est construite en raison de l’accumulation de résidus dans les espaces urbains, souvent limités et
surpeuplés.Lecaractèreencombrantdesrésidussolidesnuitàlabonnecirculationdanslesvillesparles
citadins (Barles, 2005 ; Joncoux, 2013).Malgré la nuisance causée par les déchets dans les villes, leur
impact sur l’environnement et la santé des citadins n’est pas devenu automatiquement une
préoccupationsociétaleàcetteépoque.
Ainsi, une pratique courante s’est développée: le dépôt des déchets urbains dans des espaces vides
suffisamment éloignés des centres urbains. Cette pratique de « perte de vue » des déchets rentre en
consonance avec la représentation symbolique des résidus urbains dans l’imaginaire collectif comme
quelquechosequiévoque ledésordre, lanuisanceet l’impur159 (Berdier&DeAraujo,2017 ;Balandier,
1989).Cetteconstructionsymboliqueautourdesdéchetsfaçonneunegestiondesrésidusquiserésume
158AuBrésil, ilyaunedistinctionsurlaconsistancedesdéchets,desortequelesdéchetsurbainssontaussicaractériséspar«déchets urbains solides» (resíduos sólidos urbanos). De ce fait, quand nous parlons de «déchets» dans ce travail, nousfaisonsréférenceplusprécisémentàcetypededéchets,auxdéchetssolidesprovenantde lamétropoleetdéposésdans lesdéchargesàcielouvertet/ousanitaires.Cesontdesdéchetsprovenantdedesménages,del’industrie,delaconstructioncivileetc.159Ilestimportantdesoulignerqu’actuellement,ilyauncaractèreambivalentdesdéchets.Lasémantiquedesdéchetsporteunereprésentationnégativefaisantallusionàlasaletéautantqu’uneconnotationpositivedanslamesureoùilsreprésententégalementune sourceéconomiqueàpartir de leur traitementetde leur recyclage (Neves&Mendonça, 2016).Nousallonsapprofondirl’autrefacettedesdéchetsdansunemiseenperspectivedeleurvalorisationàpartirdel’optiquede«catadores»aulongdecettepartie.
137
àunevolontéde« disparition »dedéchets.Ils’agitd’uneignorancecollectivequantàladestinationdes
déchetsetàleurtraitement.Lagestiondesrésidusparlespouvoirspublicscorroborecesenssymbolique
négatif des déchets, où la population, agent producteur des déchets n’est pas protagoniste de son
processusdetraitement.« Ledéchet,c’estlesale,lemalpropre,lenauséabond,lelaid,ledésordre,qu’il
faut «castrer» (dans un récipient avec couvercle) et éliminer ou éloigner promptement, à travers
l’organisationduserviced’enlèvement. »(Bertollini,1996:83).
Waldman(2012)etNeves&Mendonça(2016)soulignentquecetteperspectiveparrapportauxdéchets
prévaut toujours dans la conscience collective de la population et des pouvoirs publics brésiliens. Le
modèle traditionnel de la gestiondesdéchetsurbains auBrésil se caractérisepar le dépôtdedéchets
« loindesyeux »delapopulation,notammentdespopulationslesplusriches(Andrade&Ferreira,2011).
Cette représentation « d’impureté » des déchets est aussi responsable par leur(s) dépôt(s) dans les
déchargesàcielouvert,sansaucuntraitementpréalable.Leréférentielculturelnégatifdesdéchetsguide
lesactionspubliques.Ainsi,lamatérialisationdesolutionsspatialespourleurconditionnementtraduitla
symbologie des déchets comme la dégradation et la « mort » des choses (Neves &Mendonça, 2016).
Durant des décennies, la culture de lixões est figurée comme unemodalité de dépôt des déchets en
quelquesorte légitiméepar l’Étatbrésilien160.Enréalité, laquestiondesdéchetspossèdeune interface
politique.Leschoixdespouvoirspublicspourlesmodalitésdeleurgestionvadunettoyageurbain,passe
par la collecte et arrive jusqu’au dépôt final (Waldman, 2013). La gestion des déchets au Brésil est
directement liée à l’État. La Constitution de 1988 délègue le pouvoir de la gestion des déchets sur le
territoirebrésilienauxmunicipalités.Ainsi,lagouvernancelocalededéchetsdécidesilescomposantsde
leurgestionserontentièrementpublicsouprivésous’ilsserontmixtes.Lafigureci-dessousmontre les
donnéessurl’évolutiondesdépôtsfinauxdesdéchetsauBrésil.
160Lescénariojuridiquedel’interdictiondedépôtdedéchetsdanslesdéchargesàcielouvertachangéaprèslamiseenplacedelaPolitiqueNationalesurlesDéchets(laPNRS).Uneloiinterdisantledépôtdesrésidusurbainsdansleslixõesetquiprévoitégalementlafermeturedetouscestypesdedéchargesurleterritoirebrésilien.
138
Figure25:TableauenpourcentagedesdépôtsdéfinitifsdesdéchetssolidesurbainsauBrésilentre1989et2008
Source:IBGE,2008
Àtraverscesdonnéestiréesduderniersondagenationaldel’assainissement, l’IBGEmontrequedepuis
les années80, le dépôt de déchets dans les décharges à ciel ouvert a diminué d’environ 30% sur le
territoire. Ilyadoncunchangementprogressifvers l’utilisationdesdéchargessanitaires.Toutefois,on
observequ’avantlamiseenplacedelaPNRS,en2008,50%desdéchetsproduitsauBrésilavaientpour
destination finale les lixões. Le rapport de l’ABRELPE de 2010 (année de mise enœuvre de la PNRS)
montreque61%desmunicipalitésbrésiliennesdéposaientleursdéchetsurbainsdanslesdéchargessans
aucuntraitement.Toujoursen2010,24,3%dutotaldesdéchetscollectésdanslepaysétaientdéposés
dans les« déchargescontrôlées161 »,et18,1%dans les lixões.Ainsi,à laveillede lamiseenplaced’un
cadre réglementaire pour la gestion des déchets au Brésil, nous constations toujours une présence
expressive de la modalité « ancienne » de dépôt des résidus dans des décharges sans traitement.
L’explication la plus courante donnée par les maires de municipalités pour justifier cette « tradition »
brésilienned’accumulationdedéchetsdansdeslixõesestlemanquedebudgetpourlaréalisationd’une
gestion des déchets intégrée162. Cependant, il faut savoir que la PNRS a ouvert la possibilité, pour les
municipalités,deréclamerunbudgetplusimportantaugouvernementfédéralpourpouvoirprocéderà
161 Pour rappel: Les lixões controlados sont un type de décharge à ciel ouvert où le gouvernement installe quelques outilstechnologiquesdansl’objectifdeminimiserlesimpactsenvironnementauxdelixões.162 Par “Gestion deDéchets Intégrée”, nous utilisons le concept étant apparu dans le texte de la loi PNRS (article 3). Cettegestioncomprendlesdimensionsenvironnementales,socialesetpolitiquesdesdéchets.Samiseœuvreeffectivecomprendlacollaborationdesgouvernementsdetoutes les instances(municipale,de l’Étatetfédérale)pourunegestionvisantàdonnerunesolutionauxenjeuxliésautraitementdedéchetssolidesurbainstelqueletri, lerecyclageetl’inclusiondecatadoresauBrésil.(MMA,2018c).
139
l’installation de décharges sanitaires sur leurs territoires163. Les gouvernements locaux des petites
municipalitésdans lesrégions lespluspauvresduBrésil fontnotammentfaceàplusdedifficultéspour
financer leurs plans de gestion des déchets (Nascimento et al, 2015). La figure ci-dessousmontre les
différentsdépôtsfinauxdesdéchetsparrégionen2009.Àencroireceschiffres,avantlacréationdela
PNRS,lesrégionssudetsud-estpossédaientplusdedéchargessanitairesquelesrégionsnordetCentre-
ouest.LarégionNord-estdupayspossèdeungrandnombrededéchargessanitaires,maissonnombre
dedéchargesàcielouvertfigurecommeleplusgranddanslepays.Cetterégionaenvirontroisfoisplus
de lixões que la région la plus peuplée du Brésil, où se trouvent les États de São Paulo et de Rio de
Janeiro164(IBGE,2010a).
Figure26:DistribuitiondesdifférentesmodalitésdedépôtfinaldesdéchetsparrégionauBrésilen2009.
Source:ABRELPE,2010
Il est intéressant de préciser que les régions sud et sud-est (les championnes brésiliennes dans la
construction de décharges sanitaires) sont celles ayant ouvert la gestion des déchets au capital privé
(particulièrement, les municipalités de la région sud) (Waldman, 2013). Il s’agit de concéder aux
entreprises privées la gestion des différentes activités composant la gestion des déchets (le nettoyage
urbain,lacollecteetledépôtfinal).Lesservicesdegestiondesdéchetsdelarégionnord,enrevanche,
sontmajoritairementgérésparlepouvoirpubliclocal(Berdier&Araujo,2017).Waldman(2012)signale
l’influence de la philosophie néolibérale dans la gestion des services publics. Il s’agit de déléguer le
163Soitpourlaconstructiondesdéchargesdontlesmunicipalitéssontlesresponsablesdirects,soitpourlaconcessiondecetteconstructionauxentreprisesprivées.164LarégionSud-est
140
contrôledeservicesauparavantadministrésdirectementparl’Étatàdesentreprisesprivéesàtraversla
modalitédeconcessiondesservicespublics165.
Pourtant,ilestimportantdesoulignerquemalgrécettepratiquedeconcession,c’estaufinalladécision
de l’État qui prime sur le contrôle du service. Autrement dit, c’est l’appareil bureaucratique des
gouvernances locales qui ont le pouvoir décisionnel de donner la concession d’un service (et choisir
lequel) à l’initiative privée ou simplement de le laisser sous le contrôle public. Bien qu’il existe des
influencesnéolibéralesdanslagestiondesdéchetsauBrésil,« lederniermot »surlechoixdesmodalités
de cette gestion revient à l’État. La figure ci-dessous illustre en pourcentage, la proportion de chaque
mode de gestion de traitement des déchets dans chaque région du pays (gestion par l’administration
publique ou par les entreprises privées). D’après les données correspondant à l’année2008, nous
pouvonsobserverquedans la région sud-est (où l’État deRio se trouve) plusde70%des servicesde
déchetsétaientgérésdirectementpar l’État.Endépitd’être ladeuxièmerégionbrésilienneàconcéder
les services de traitement des déchets aux initiatives privées, la présence de l’État restait encore très
fortedanslesecteuravantlamiseenplacedelaPNRS.
Figure27:IllustrationsurlepourcentagedeconcessionspubliquesdesservicesdegestiondesdéchetsparrégionauBrésil166
Source:IBGE,2008.
165Nomenportugais:Licitação.VoirlexiqueenAnnexe.166 Traduction: Bleu: gestion directe (gestion publique); orange: gestion par des entités privées; vert: d’autres type degestion.
141
3.1.1LesdéchargesàcielouvertcommedestinationfinaledesdéchetsurbainsdanslarégionmétropolitainedeRio
En2009, l’ÉtatdeRiocomptaitenviron18 802tonnesdedéchetscollectéspar jour,cequiéquivalaità
unemoyennede1,3kgdedéchetsparhabitantcollectésquotidiennement.Lerapportdel’ABRELPEde
2010montreégalementquependant l’annéedemiseenplacede laPNRS,67,1%desdéchetsurbains
avaientpourdestinationfinalelesdéchargessanitaires.Àl’égarddecesdonnées,dansl’ÉtatdeRio,en
2008, les accès aux services d’assainissement étaient disponibles à presque 100% de la population, à
l’exceptiondu traitementdeségouts (disponibleàenviron80%de lapopulation).Ainsi,nouspouvons
conclurequepresque toute lapopulationde l’ÉtatdeRio167 a accès à tous les servicesdegestiondes
déchets(IBGE,2008).Decettemanière,levolumedesdéchetscollectésetenvoyésauxdéchargespeut
correspondre un peu près à la réalité de la production de déchets par la population fluminense168. La
figureci-dessousillustrelesstatistiquessurlaparticipationdechaquemodalitédedépôtfinalderésidus
pourlesannées2009et2010dansl’ÉtatdeRio.
167Nousneprenonspasencomptecertainesfavelasquinepossèdentpasd’accèsauxservicesd’assainissement.Enraisondecet enjeu sur certaines communautés deRio, nous utilisons ces données globales de l’IBGE et nous ne considérons pas cesexceptions.168Nomdonnéauxpopulationsquihabitentdansl’ensembledesmunicipalitésdel’ÉtatdeRiodeJaneiro.
142
Figure28:Destinationfinalededéchetsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro
Source:ABRELPE,2010
Onobservequel’ÉtatdeRiodeJaneiroseplaçaitunpeuau-dessusdelamoyennenationalededépôts
dedéchetsdanslesdéchargessanitairesen2010.Cependant,commemontrelegraphique,environ30%
des résidus collectés dans la capitale allaient toujours vers des décharges sans traitement. Il est
intéressantdesoulignerquel’ÉtatdeRiodeJaneironefournitpasdedonnéessurlagestiondesdéchets
urbains de chaque municipalité sur le territoire (Pimenteira, 2010). Cela est dû au fait que chaque
municipalité est responsable de la gestion de ses propres résidus. Plusieurs mairies ne rendent pas
publiques ces informations. De ce fait, nous ne pouvons pas discuter sur lesmodalités de gestion des
déchetsdansl’ensembledel’État.Toutefois,pourlavilledeRiodeJaneiro,nousavonsplusd’information
du secteur. La gestion des déchets urbains estmajoritairement contrôlée par l’entreprise publique de
nettoyageurbain, laCOMLURB169, selon la loimunicipalenuméro102de1975 (ALERJ,1975). Enayant
plusd’informationpubliéeparlaCOMLURB,àdéfautdelesavoirsurl’ensembledelamétropole,ilyaura
desmomentsoùnousallonsfaireréférenceseulementàlavilledeRio.Sinousconsidéronsl’importance
de la capitale de l’État pour les autres municipalités de la région, lors de l’absence de certaines
informations,nouspouvonsprendrelecontextedelagestiondesdéchetsdanslavilledeRiocommeun
« miroir »pourtouteslesmunicipalitésdelamétropole(Pimenteira,2010).
En revenant sur la dimension politique dans la gestion des déchets. Cela nous aide à réfléchir sur
l’existence de décharges à ciel ouvert au Brésil. Cettemodalité de stockage des résidus ne révèle pas
seulementl’insoucianceenvironnementaledespouvoirsbrésiliensparrapportauxdéchets,maisaussiun
héritaged’arbitragecolonial.(Waldman,2013).Lesmodesdegestiondesdéchetsreflètent les logiques
d’exclusion sociale au Brésil. L’installation de décharges à ciel ouvert dans des endroits lointains, de
valeurimmobilièrepresque« nulle »,oùilyapeut-êtredespopulationsvulnérablesauxalentoursrévèle
cet aspect socio-politiqueassociéà la gestiondes résidus. L’apparitiond’une« zonede sacrifice »170 en
formededéchargeàcielouvertaétélégitiméeparlespouvoirspublicsbrésiliens.Celaseconfirmedans
la mesure où l’utilisation des lixões figurait comme une pratique importante et libre de régulation
169CompanhiaMunicipaldeLimpezaUrbana.Entreprisepubliqueresponsabledunettoyage,delacollecteetdutransfertdesrésidusjusqu’àledépotdéfinitifdesdéchetsurbainsdelavilledeRiodeJaneiro.170ConceptcréeparBullard(2004)pouranalyserladynamiquedesendroitsoùlescommunautésvulnérablessubissentàdesimpactsenvironnementauxdirects.Ceconceptseradéveloppéauseindecettepartie.
143
juridiquedanslagestionpubliquededéchetsavant2010.Ainsi,lesdéchetspeuventêtreutiliséscomme
un instrumentcapabledetraduire les logiquesd’exclusioncaractéristiquesdufonctionnementde l’État
auBrésil.
Une discussion sur la dynamique des acteurs participant à la gestion des déchets à Rio avant la PNRS
pourraitbientraduirelareprésentationnégativequeéliteslocalespossèdentàproposdesdéchets.
Afin demieux illustrer l’aspect territorial de la gestion des déchets, nous allonsmontrer les cartes de
l’État de Rio. L’État de Rio de Janeiro possède 92municipalités. En vue de l’objet de la thèse et de la
représentativitéducorpusderecherche171,nousallonsfaireréférenceplusprécisémentàlagestiondes
déchets de la région métropolitaine de l’État. La métropole est constituée de 20 municipalités aux
alentours de la ville de Rio figurant comme la capitale de l’État. Afin de nous aider à avoir une vision
globaledelarégion,lapremièrecartemontrel’intégralitéduterritoiredel’ÉtatdeRiodeJaneiro,tandis
que ladernièrecartese focalisesur lesvillescomposant la régionmétropolitainedeRio.Nouscroyons
quecetteexpositionplusdétailléeduterritoiredel’Étatestnécessaire,danslamesureoùlagestiondes
déchets de la ville de Rio est totalement dépendante des villes de lamétropole. Les décharges à ciel
ouvert(etdemêmequelesdéchargessanitaires)quireçoiventl’intégralitédesdéchetsurbainsdelaville
deRiosetrouventdanslesmunicipalitésvoisines.Cettedonnéegéographiquenousaideégalementdans
ladiscussionsurlatraditionbrésiliennededépôtdedéchets« loindesyeuxdelapopulation »etprèsdes
ressourceshydriques(Waldman,2012)créantainsides« zonesdesacrifices »autourdecesdécharges.
171LesprojetsMDPdecaptationdebiogazdedéchargessetrouventdanslarégionmétropolitainedeRiodeJaneiro.
144
Figure29:Lesmunicipalitésdel’ÉtatdeRiodeJaneiro
Source:CEPERJ,2014
Lapartiecouverted’orangereprésentelarégionmétropolitainedel’État.Lacarteci-dessousillustreen
détailles21municipalitésdecetterégion.Enréalité,80%delapopulationdel’ÉtatdeRiovitdanslaville
deRio,lacapitaledel’État.Larégionmétropolitaineestresponsabledelaproductionde83%dutotalde
déchetsde l’État (GovernodoEstadodoRiodeJaneiro,2011).Selon lePlande laGestiondesDéchets
SolidesUrbainsdel’ÉtatdeRioJaneiro(2013a),avantlamiseenplacedelaPNRSetduprogrammeLixão
Zerode l’ÉtatdeRio172, ilyavaitenviron40déchargesàcielouvertsur leterritoirede l’État.Larégion
métropolitainecomptaitenviron13lixõesreconnusparlespouvoirspublics173(GovernodoEstadodoRio
deJaneiro,2013a).Quandnousfaisonslecalcul,nousconcluonsqueplusdelamoitiédesmunicipalités
172Programmecrééen2011quiprévoitlafermeturedetouteslesdéchargesàcielouvertsurleterritoiredel’ÉtatdeRiodeJaneirojusqu’à2014.Ceprogrammeacomptéavecl’investissementd’environ2milliardsd’eurosdel’ÉtatdeRio,delaBanqueInteraméricainedeDéveloppement(BID),duBNDESetdesentreprisesprivées (GovernodoEstadodoRiodeJaneiro,2011).Nousallonsdiscuterplusendétailceprogrammeplusloindecechapitre.173Nousemployons“reconnusparlespouvoirspublics”puisquedansl’ÉtatdeRio,ilesttrèscommundetrouverdesdépôtssauvagesprèsdescommunautésvulnérables(lesfavelas).Celaestliéeàlaprécaritéd’accèsauxservicesd’assainissementdansces endroits par la population. Finalement, nous faisons allusion seulement aux décharges dans lesquelles les déchetsprovenantdelacollecteurbaineétaientdéposésparlalégitimationdesautoritéspubliques.
145
delarégionpossédaientunedéchargeàcielouvert.Comptetenudecescénario,laplusgrandedécharge
àcielouvertsurleterritoireétait« l’AterroMetropolitanodeJardimdeGramacho »localiséedanslaville
deDuquedeCaxias,auborddelabaiedeGuanabara.
Figure30:LesmunicipalitésdelarégionmétropolitainedeRiodeJaneiro
Source:CEPERJ,2014
Avant2011174, lavilledeRiodeJaneirodirigeaitsesdéchetsvers lesdéchargesàcielouvertdeJardim
Gramacho et de Gericinó. En réalité, 35% du total de résidus urbains de la ville étaient déposés à
Gericinó et 65% à Gramacho (Prefeitura do Rio de Janeiro, 2006). Le « lixão » de Gramacho recevait
majoritairement des déchets de la capitale de l’État. Le tableau ci-dessous montre la distribution de
déchetsprovenantdesdifférentesvillesdéposésdanslelixão.Nousvoyonsquelesdéchetsdelacapitale
figuraientenquantitémajeuredans ladéchargedeGramacho (81%dutotaldedéchetsdéposésdans
l’aterro). Il est important de souligner que le terrain sur lequel la déchargedeGramacho fonctionnait,
174UnepetitepartiedesdéchetsdelavilledeRioétaitaussidestinéeàladéchargeàcielouvertde«Gericinó»,situéedanslequartierdeBangú,àl’ouestdelavilledeRiodeJaneiro.En2011,quelquesmoisaprèslamiseenplacedelaPNRS,lesdéchetsprovenant de la ville de Rio était aussi partagés entre ces deux lixões et la nouvelle décharge sanitaire de Seropédica (CTRSeropédica). Le dépôt final de déchets «cariocas» à la CTR Seropédica à partir de 2011 faisait déjà partie du processus declôturedesdeuxdéchargesàcielouvertsuiteàlamiseenœuvredelaPNRSetduprogrammeLixãoZero(PrefeituradoRiodeJaneiro,2011).
146
situé au bord de la Baie de Guanabara, appartient à l’entreprise municipale de gestion des déchets
urbains de Rio de Janeiro, la COMLURB175. Cela corrobore l’argument que les décharges à ciel ouvert
étaientunemodalitédedestinationfinalededéchetslégitiméeparlepouvoirpublic.Une« tradition »de
lagestiondesdéchetsquirévélaitl’absencedeconscienceenvironnementaledespouvoirspublicslocaux
(Waldman,2013).
Tableau6:Distributiondeparticipationdechaquemunicipalitédelarégiondansledépôtdedéchetsurbainsàladécharge
deGramacho
Source:PrefeituradoRiodeJaneiro,2006
Entre lesannées1970et2012, lesdéchetsde lamunicipalitédeRio,ainsiqueceuxprovenantd’autres
villesdelamétropole,étaientdéposésdansladéchargeàcielouvertdeJardimGramacho,situéedansla
villedeDuquedeCaxias(PrefeituradoRiodeJaneiro,2011).Enfonctiondelatailleetdel’importancede
cettedéchargedansladynamiquedelagestiondesrésidusurbainsdanslarégionmétropolitainedeRio,
ellenousserviracommeunpointdedépart(oupeut-êtrecommeun« idéaltype »weberien).Bienqu’elle
soitundesélémentsdenotrecorpusderecherche,elleseraprisecommepointderepèrepourtraduire
cette discussion théorique sur les enjeux politiques, sociaux, économiques et environnementaux de
déchets dans l’État. Connue pour être la plus grande décharge à ciel ouvert sur le continent latino-
américain, cette décharge a résumé à travers sa dynamique de fonctionnement de nombreuses
problématiques liées aux déchets auxquelles Rio faisait face (et fait toujours) avant la réglementation
imposée par la PNRS et le programme « Lixão Zero » 176 .Sa visibilité a aussi fait l’objet de nombreux
travauxscientifiquesquinousservirontd’appuithéoriquepourouvrirl’analysesurlesdéchetsàRio.
175 CompanhiaMunicipal de Limpeza Urbana. Entreprise publique responsable pour le nettoyage, la collecte et le transfertjusqu’àladestinationfinaledesdéchetssolidesurbainsdelavilledeRiodeJaneiro.176Ilestimportantdesoulignerqueneferonspasunétatdel’artdétaillésurlefonctionnementdeGramacho,maissurtoutsurlecontextedelagestiondesdéchetsdelarégionmétropolitainedeRio.Cettedescriptionestréservéeàladeuxièmepartiedelathèse,oùnousdiscutonsenprofondeurlesenjeuxdesafermetureetdelamiseenplacedesonprojetMDP.
147
Ilestimportantderappelerquel’analysedelagestiondesdéchetsdanslarégionmétropolitainedeRio
n’estpasladimensionprioritairedelathèse,unediscussionapprofondiedesconditionsdelagestiondes
déchetsdanslesdéchargesàRionousaideraàcomprendreladynamiqueduMDPdanscesecteur177.De
cefait,nousnepourronspasfaireuneanalyseexhaustivedeladynamiquedelagestiondesdéchetsde
toutelarégionmétropolitaineenraisondel’objectifprincipaldecetterecherche.
Enrevenantsurl’existenced’unnombreexcessifdelixõessurleterritoiredelarégionmétropolitainede
Rio,ilestintéressantdereprendreladiscussiond’unpointdevuethéoriquesurlesenjeuxdelaspatialité
desdéchetsurbains.« Ledéchetn’estpasseulementunmatériau,c’estunsigne,unindicateurd’attitudes
généralesetdescomportementsprécisdontlarévélationenrichitlaconnaissancedesgroupessociauxet
dessociétés ;(…)Lerejetn’estpassansvaleur:lerienn’estpaslenéantetleviden’estpassansénergie.
Lerejetestunindicateurdeshiérarchiesspatiales,desformesd’appropriationdesvaleursetdesforcesde
partage des espaces économique, sociaux, voire politiques » (Gouhier, 2003, n: 28). Nous revenons
encoresurlanotionculturellenégativedesdéchetsquifaçonnelespolitiquesdeleurgestion.Lelixão(et
mêmesonsensenportugais:« énormedéchet »)pourdésignerceténormeespaced’accumulationde
ces rejets, loinetoubliépar lasociétéest la traductionspatialede lanotionnégativede« rejet »etde
« dégout ».Ainsi,telsquelesintituleGouhier(2003),cesontdes« espacessociauxmorts ».
Eigenherr(2003)faituneanalogieentre lesdéchetset lamortafind’illustrer,d’unefaçongénérale, les
rapportssociauxque lessociétéscontemporainesentretiennentavec lesdéchargeset lescimetières. Il
soulignequelesdéchargesàcielouvertainsiquelescimetièressontdesespacesoubliésparlasociété.
Les lixõesnous rappellent ladégénérescencedeschoses,de lamêmemanièreque lescimetièresnous
rappellentlafinitudedelaconditionhumaine.Ainsi,nousavonsunereprésentationnégativedesgroupes
professionnels qui travaillent dans ces endroits qui nous renvoient un message symbolique sur la
dégradation(Neves&Mendonça,2016).
Au Brésil, les catadores sont un groupe socioprofessionnel178 travaillant dans la récolte desmatériaux
recyclablesdans lesdéchargesà ciel ouvert, et/oudans les rues. Le regardpéjoratif envers les résidus
177LecorpusderecherchedelathèsereposeseulementsurlesdéchargesayantmiseenplacedesprojetsMDP.178Malgré la reconnaissance tardivede laprofessiondecatador dans le cadre juridiquebrésilien,nousallons toujours faireréférenceàl’activitédecataçãocommeétantuneactivitéprofessionnelle.
148
s’étend aussi à la population de catadores. Cela est également lié au fait que leurs activités étaient
toujours reléguées à l’informalité179, à un certain typede« survie » sociale. Toutefois, dans le contexte
brésilien,notammentdanslarégionmétropolitainedeRio,ilsfigurentcommeunedesseulescatégories
d’acteursauseinde lagestiondesdéchets,capablesdechanger lecaractère« menaçant »desdéchets
dansunecatégoriesémantiquepositived’utilitéetdevaleuréconomique.Ils’agitdespremiersacteurs
opérantdanslavalorisationdedéchetsauBrésil(Lima,2017 ;Neves&Mendonça,2016).
Ilest intéressantdesoulignerque lagestiondesdéchetsurbainsbrésiliensrésultant (danssamajorité)
dans l’usage de lixões comme dépôt final ne rentre pas dans une logique conceptuelle telle que le
« NIMBY ». Ce concept est souvent utilisé pour traduire les controverses entre les acteurs autour d’un
territoirespécifiquepourledépôtdedéchetsauxÉtats-UnisetenEurope.Leconceptaméricaindu“Not
in My Backyard” (« pas de ça chez moi ») est un outil conceptuel pour comprendre la réaction des
riverainslorsdeladécisiondel’Étatdelamiseenplaced’unéquipementcollectifapportantdesrisquesà
cetespace.Autrementdit,uneréactionnégativede lacommunauté locale,quandelleest informéede
l’installationd’unlocalpour ledépôtdedéchetsauseindesonterritoire(LeDorlot,2004).« Lathéorie
décritesousleterme«syndromeNIMBY»:l’implantationdetoutéquipementcollectifcréedesnuisances
pourlesriverainsprochesdel’équipementalorsqu’ilsn’entirentpasd’avantagesdirects.Ceux-ciauront,
donc,pourréaction‘naturelle’etégoïstederefuserleprojetetderéclamerqu’ilsefasseailleurs. »(Jobert,
1998:71).
Cependant,quandnousévoquonslathéorieduNYMBI,nouspartonsduprincipequelesindividusfaisant
desobjectionsà lacréationdesdéchargesàcôtédechezeuxpossèdentunecertainevoixpolitique. Il
s’agit,enréalité,desindividusayantlapossibilitédeparticiperdanslesprocessusdeprisededécisions.
Celaveutdirequecessociétésdans lesquelles ilss’insèrentdonnentauprocessusdeprisededécision
une véritable dimension démocratique. La possibilité de s’opposer à un projet est le résultat d’une
dynamiquesocialeoùlesindividuspossèdentuncertaindegrédevisibilitésociale(quoiqu’ellenesoitpas
lamêmepourtoutelapopulation,elleexiste.).
179Nousallonsdiscuterplusprofondémentlaquestiondel’informalitédel’activitédecatadoresdanslaprochainesous-partie.
149
Toutefois, cela ne traduit pas la réalité sociale des pays latino-américainsmarqués par des exclusions
sociopolitiques historiques de certains groupes sociaux. Un rapport des années90 de la Banque
Interaméricaine pour le Développement (BID) sur la gestion des déchets solides urbains en Amérique
latineconfirmecetargument.IlsoulignequeleconceptdeNIMBYnepeutpasêtreappliquéàlaréalité
de la gestion des résidus dans ces pays puisque l’implantation de décharges est concrétisée
indépendammentde l’autorisationdes communautés voisines (Acurioet al, 1997).Outre lanégligence
environnementale, Waldman (2012) relève que le dépôt de déchets dans les lixões traduit aussi une
dimensionautoritairedel’Étatbrésilien180.Decefait, ladiscussionsur lesdéchetsestà lacroiséedela
question du territoire et du social. Notre rapport social avec cette externalité négative ainsi qu’avec
l’espace est reflété dans sa gestion. Son analyse fait donc apparaître des conflits et des rapports de
pouvoirs« cachés »derrièrelespolitiquesdecettegestion(LeDorlot,2004).
3.1.2Lesdéchargesàcielouvertcomme« zonesdesacrifices »
« Ilyadoncunerelationévidenteentreladistanceaudéchetetlaperceptiondudéchetetdurisquedu
déchet.Plusledéchetestéloigné,inexistant,plusonleminimiseluietsesrisques. »(LeDorlot,2004:7).
Plusieursauteursbrésiliensmettentenperspectivequelaculturedel’éloignementdesdéchetsversdes
territoirespluspauvresàRioàtraverslacréationdelixõesdanslesbanlieuestransformecesterritoires
dansdes« zonesdesacrifice ».Enréalité,lefonctionnementdeslixõeslégitimésparlespouvoirspublics
estlevecteurd’ungranddegrédel’expositionauxrisquesdeshabitantspauvresdecesquartiers.
Bullard(2004)acrééleconceptde« zonesdesacrifice »pourtraduireàl’échelleduterritoirecomment
les inégalités sociales et le rapport de pouvoir sont au cœur des problèmes environnementaux. « A
growing body of evidence reveals that people of color and low-income persons have borne greater
environmental and health risks than the society at large in their neighborhoods, workplace and
playgrounds. » (Bullard & Jonhson, 2000: 555). Des enjeux sociaux autour de la mise en place d’une
déchargesanitairedansunebanlieueàHouston,auxÉtats-Unis,ontdonnénaissanceàceconceptdans
la théorie de justice environnementale américaine dans les années80. En réalité, l’utilisation de ce
180A titred’exemple, le lixãodeGramacho a commencé à fonctionnerdans les années 1970, pendant la dictaturemilitairebrésiliennedanslavilledeCaxiasétantunemunicipalitécontrôléedirectementparlepouvoirfédéral.(Bosi,2008)
150
conceptviseàlierl’idéedejusticeenvironnementaleaveccelledelajusticesociale.Lanotionde« zone
desacrifice »danslecontexteaméricaindécritlesespacesoùilyaunecommunautépauvre,decouleur
noireetdanslaquellenousrencontronségalementungrandimpactenvironnemental.
Bullard (2004) souligne que la conjugaison de facteurs comme la race, la vulnérabilité sociale et la
pollutionsurun territoirecirconscritn’estpasparhasard. Laprotectionenvironnementaleassuréepar
l’Étatn’estpas répartiede façonégalepar toute lapopulation,de sorteque lesexternalitésnégatives
sontparticulièrement ressentiespar lespopulationspauvresetde couleurnoire. « Statesneed todoa
better job assuring nondiscrimination in the application and implementation of permitting decisions,
enforcement, and investment decisions. Environmental justice also means sharing in the benefits.
Governmentsmustliveuptotheirmandateofprotectingallpeopleandtheenvironment.Anythinglessis
unacceptable. The solution to environmental injustice lies in the realm of equal protection of all
individuals, groups, and communities. No community, rich or poor, urban or suburban, black or white,
shouldbeallowedtobecomea‘sacrificezone’orthedumpingground »(Bullard,2001:167).Danslecas
américain,ladécisiondedéposerdesdéchetsdansunebanlieuepauvredeHoustonaétépriseparl’État
enraisondelafragilitésocio-économiquedelacommunauté.Enfait,àl’égardd’acteursresponsablesde
laprisededécision,lescommunautésvulnérablesoffrenttrèspeuderésistanceàuneactionpubliqueen
raisondeleurmanquedevisibilitésociale181(Bullard,2001).
Ainsi,lanotionde« zonedesacrifice »estopérationnaliséeafindedécrireunedistributionsocio-spatiale
inégale des conséquences négatives des activités capitalistes dans les espaces urbains. L’accumulation
des externalités négatives (dans notre cas, les déchets) se fait dans des espaces de peu de valeur
marchande(Alserad,2013).Lesespacesurbainsn’offrantpasdevaleur immobilièrepour ladynamique
marchandedelavillesontsouventhabitéspardespopulationspauvresnepouvantpashabiterdansdes
quartiers ayant une valeur immobilière. Dans le cas du Brésil, « l’urbanisation corporative » a donné
naissance à la « ville inégale », où les espaces sont régis par des logiques néolibérales (Santos, 1994 ;
181Ilestimportantdesoulignerquedansnotreutilisationdelanotionde«zonesdesacrifice»,nousn’allonspasprendreencompte ladimensionde la«race»pourdécrire lesdéchargesà cielouvertdans la régionmétropolitaineàRio. Lapriseencomptedecettedimensiondevientdifficileàmesurerdansunpaysaussi«mélangé»ethniquementqueleBrésil,notammentl’État de Rio. Ainsi, dans l’état de l’art brésilien sur les décharges à ciel ouvert comme «zones de sacrifice» nous nerencontrons pas une discussion sur la race et seulement sur les dimensions comme «vulnérabilité sociale» et «impactenvironnemental».
151
Acselrad,2013).Cetteurbanisationcoordonnéeparlaspéculationimmobilièreacréédesgrandsespaces
vides, ainsi que le modèle urbain de « centre-banlieue ». Santos (1994) met en évidence que la
valorisation de certaines parties du territoire urbain, comme le centre au détriment de la banlieue,
entraîne la migration de la population pauvre vers ces banlieues « vides », où manquent des services
assurésparl’Étattelsquel’assainissement,letransport,etc.
Cesespaces(étant)déjàenétatdevulnérabilitésocio-économiquesontaussilesespacesoùsetrouvent
desdéchargesàcielouvertdanslarégionmétropolitainedeRio(Cartieretal,2009).Celalestransforme
en« zonesdesacrifice »,danslamesureoùl’existencedelixõescréeungrandrisqueenvironnementalet
sanitaire pour les populations des alentours. Aux inégalités sociales s’ajoutent donc des inégalités
environnementales à travers la culture brésilienne de « la gestion des déchets loin des yeuxde la
population » (Waldman, 2013). Les risques environnementaux des décharges à ciel ouvert sont très
nombreux: l’impact sur la qualité du sol et des eaux souterraines en raison de la fuite du lixiviat182 ;
l’impactsurlaqualitédel’airenraisondel’émissiondubiogaz183issudeladécompositiondelamatière
organiqueet l’impact sur la santédescommunautéshabitantauxalentoursde ladéchargeàcausedu
changementdanslaqualitédel’air,dusoletdeseaux(Gouveia,2012).
Le fonctionnement des lixões figure ainsi comme une fabrique des inégalités environnementales. Le
caractèreterritorialdelanotiond’inégalitéenvironnementales’appliqueauxenjeuxdesdéchargesàciel
ouvertdanslamesureoùilyaungranddegréd’expositionauxrisquesdespopulationsàproximitédes
décharges (Emelianoff, 2008 ; Durand, 2015). « Les risques relatifs aux déchets correspondent à la
probabilitéd’unepopulationd’êtreaffectéepar lanuisance,égalementcommecomprisecomme l’aléa-
stress »(Durand,2015:337).Ledépôtdedéchetsurbainsdanslesdéchargesàcielouvertcorrespondà
lacréationdesrisquesenvironnementauxdansdesterritoiresoùnoustrouvonsdéjàdespopulationsplus
vulnérables.Decefait,lanotiondesinégalitésenvironnementalescommeuneconjugaisondesinégalités
socialesajoutéesauxrisquesenvironnementauxsurunterritoirespécifiquerentreenconsonanceavecla
notion de « zone de sacrifice » (Theys, 2007). Ces deux notions traduisent la réalité socio-
182«Chorume»:Liquidedecouleurnoirrésultantdeladécompositiondelamatièreorganique.Lafuitedeceliquidedanslessolsdesdéchargespeutcontaminerlesréservesd’eauxsouterraines.VoirLexiquedansl’Annexedelathèse.183 Lebiogazestcomposédeméthane (CH4)etdugazcarbonique (CO2),avecdespetitesquantitésdesulfured’hydrogène(H2S)dontlepremiergazpossèdeungrandpotentield’effetdeserre.
152
environnementale des communautés vivant à proximité des décharges à ciel ouvert, ainsi que de la
populationdecatadoresytravaillant.
Lalocalisationdesdéchargesàcielouvertdanslesterritoireslespluspauvresdelarégionmétropolitaine
de Rio révèle une dimension environnementale ajoutée à la question des inégalités sociales. L’État
brésilien précurseur d’un développement économique qui entraîne des inégalités sociales est aussi le
responsable de la distribution inégale des risques environnementaux (Herculano, 2002). À l’instar des
déchargesàHoustondécritesparBullard(1994),lesdéchargesàcielouvertdanslamétropoledeRiose
trouvent souvent dans les municipalités pauvres. Notamment, les déchets de la ville de Rio étaient
envoyésàdeslixõessituésdansdesquartiersetmunicipalitésassezpauvres184delarégion.Laquestion
delavulnérabilitésocialedesterritoireshébergeantdeslixõescorroborelefaitquelesinégalitéssociales
sontunedimensioncomposantedesinégalitésenvironnementales.« (…)lesinégalitésenvironnementales
ne résultent pas d’un déterminisme naturel qui affecterait une population homogène (…) négliger la
dimensionenvironnementaledesinégalitéssociales,c’estdésincarnernotrevisiondusocial,lapriverdece
quienfaitlaréalité. »(Larrère,2017:12)Leschémaci-dessousrésumevisuellementcommentlesnotions
de « zones de sacrifice », des risques (et ses distributions inégales) ainsi que le concept des inégalités
environnementaless’appliquentaucontextededéchargesàcielouvertàRiodeJaneiro.
184VersladéchargeàcielouvertdeGericinó,unquartierdanslazoneouestdelavilleavecundesIndicesdeDéveloppementSocial leplusbasde lavilledeRiodeJaneiro(Cavallieri&Lopes.2008).Lamajeurepartieétaitenvoyéevers ladéchargedeGramacho,unevilleprésentantaussiundesplusbasIndicesdeDéveloppementHumaindel’État(Camaz,2015).
153
Figure31:Illustrationdelaterritorialisationdesdéchargesàcielouvertcomme« zonesdesacrifice »
Sources:Bullard,1994 ;Durand,2015 ;Vandermotten,2007 ;Herculano,2002 ;Larrère,2017 ;Malagodi,2012
Lanotionde« zonedesacrifice »appliquéeàlagestiondesdéchetsàRiocorrespondàladescriptiond’un
territoire délimité où les populations des alentours et les catadores sont exposés aux risques
environnementauxenfonctionde laprésenced’un lixão. Ils’agitd’unespace« spécial »ou« souffrant »
puisqu’ilreçoitlesexternalitésnégatives(lesdéchets)provenantdesespacesdelamétropoleoùilyade
la valeur immobilière et une population plus aisée. De cette manière, ce territoire cumule des
vulnérabilitéssocialesetenvironnementales.
Malgré ce constat surl’État comme (un) acteur responsable pour l’installation (et/ou lemaintien) des
déchargesàcielouvertcommedes« zonesdesacrifice »,unchangementsurlaperceptionétatiquesur
lesrisquesassociésauxdéchargesàcielouverts’estopéréaulongdesannéesprécédantlamiseenplace
de la PNRS.Nouspouvonsobserver cela concernant les opérations techniques sur laminimisationdes
risquesdesdéchargesàcielouvert,créant le« concept »d’aterrocontrolado.Autrementdit, lamiseen
placedesdispositifstechnologiquespour« contrôlerlesrisquesenvironnementaux »desdéchargesàciel
ouvertdéjàexistantes.Ilestimportantderappelerqu’ilnes’agitpasdefermerlesdéchargesoudeles
« transférer »,mais de procéder à quelques changements dans leur « structure » pour qu’elles puissent
continueràfonctionneravecmoinsdedommagesenvironnementaux.
154
L’aterro controlado est une « adaptation » d’une décharge à ciel ouvert dans la mesure où
quotidiennementaprèschaquededépôtdedéchets,ilyalamiseenplaced’unecouvertured’argilesur
chaque couche de déchets afin d’empêcher la présence de vautours et de diminuer les odeurs de la
méthanisation de la matière organique. Toutefois, cette manœuvre technique ne supprime pas les
risquesdescontaminationsdeseauxsouterrainesnilesémissionsdesbiogazpuisqu’ellen’empêchepas
les mécanismes de production des GES ni du lixiviat (Mazzer & Cavalcanti, 2004). En réalité, une
« déchargecontrôlée »estfonctionnelledupointdevuedel’environnementexterne,maiselleneréduit
paslesimpactsenvironnementaux,dumomentqu’ellenetraitepaslelixiviatnilebiogaz(Monteiroetal,
2001).L’adaptationdes« lixões »en“aterroscontrolados”aété faitepar lespouvoirsmunicipauxetde
l’ÉtatdeRioafinderespecterlalégislationenvironnementalefédérale,qui,àpartirde1998,avaitétabli
que le dépôt de déchets urbains dans les « lixões » était un crime environnemental (Casa Civil, 1998 ;
Cardozo,2009)185.
Ce changement dans la législation environnementale brésilienne dans les années90 par rapport à
l’existence de décharges à ciel ouvert configure un changement dans la perception des risques
environnementauxdelapartdel’Étatbrésilien.Laconstructiondelanotionderisqueestuneinterface
entrelaperceptiondesenjeuxsociétauxetl’actiondel’État(Borraz,2008).« Onpréféraitconsidérerque
la qualification de risque constitue toujours le résultat d’un processus social: simplement, ce sont les
modalités de ce dernier qui ont évolué (…) Elles sont désormais plus ouvertes à la controverse et à la
participation des multiples acteurs: autrement dit, moins sous le contrôle des seuls experts ou des
scientifiques. » (Borraz, 2008: 38). Étant la perception de risques une construction sociale, elle est
associéeàdesprocessusdenégociationentredifférentsacteursavecdesintérêtsdivergentsquifinissent
pardéfinirlesactionspubliques(Portoetal,1998).Toutefois,ilestdifficilededéterminerlesraisonsdu
changement de la perception des risques de l’État brésilien concernant les décharges à ciel ouvert.
Gilbert (2003)soulignequesansuneévaluationprécise,nouspouvonstombersur lesenscommunsur
lesexplicationsquantàlapriseencomptedesrisquesdanslesactionspubliques.Selonsesarguments,il
yatroismodesdesexplicationsdelapriseencomptedesrisquesparlesautoritéspubliques:1)produits
185 Parexemple, ladéchargedeGericinóestdevenueun aterrocontroladoet ladéchargedeGramachoestdevenueAterroMetropolitano de Jardim deGramacho en 1996, également une décharge contrôlée, le dépôt des déchets était restreint àquelques types de déchets en raison des actions contraignantes de l’INEA (Institut de l’Environnement de l’État de Rio deJaneiro).
155
d’arbitragedel’État ;2)résultatduprocessusdesnégociationsentredifférentsacteurs ;3)résultatdela
confrontationaveclasociétécivile.
Dans la réalité sociale, cesmodesd’explicationspeuvent se chevaucher, cequi constitueunedifficulté
pour le chercheur en Sciences Sociales. De ce fait, nous pouvons seulement discuter qu’il y a eu un
« réveil »del’Étatbrésilienparrapportàlaperceptiondurisqueenvironnementaldeslixões.Unerévision
bibliographiquesurlesdéchetssolidesurbainsn’apasabordédesexplicationssocialesquantaucontexte
sociopolitiqueamenant l’Étatàadapterdes lixõesenaterroscontrolados.Toutefois, ilest importantde
soulignerquecette« adaptation »aouvertles« portes »pourlamiseenplaced’uncadreréglementaire
desrésidussolidesurbains12ansplustard.
3.1.3Lescatadores:agentsdelavalorisationdedéchetsousurvivantsdel’exclusionsociale ?
En général, l’activité de catação se résume à: chercher, qualifier, trier, transporter et vendre des
matériaux recyclables à des agents intermédiaires entre ces travailleurs et l’industrie de recyclage
(Rinaldi, 2018;Medeiros&Macedo, 2006;Waldman, 2013b). Le lieude travail descatadores varie, il
peutêtredanslesruesouaussitôtuntravailauseindesdéchargesàcielouvert.Selonlederniersondage
de l’IBGE datant de 2010, année de la mise en place de la PNRS, il y avait une estimation de
398 348individustravaillantcommecatadores(IBGE,2011).Ilestimportantderappelerqu’ils’agitd’une
activité informelle, sporadique et dans plusieurs cas une activité dont l’objectif est d’obtenir un
complémentderevenu.Lacompréhensiondelaréalitésocialedecetteactivitéestassezcomplexeduà
lanatureinformelledecetravail.Inscritdansl’informalité,ils’agitd’untravailpassibled’êtreentreprisou
abandonnéàn’importequelmoment.
Danslecontextedurecensementdel’IBGE,ilsepeutqueplusieursindividuspouvantréaliserletravailde
catação aient refusé de s’autodéfinir comme tels lors de l’enquête. Ainsi, les chiffres du recensement
peuventcomporterunemarged’erreurimportanteàproposdel’ampleurréelledel’universdecatadores
156
auBrésil(Daginino&Johansen,2017)186.Malgrétout,ceschiffressonttrèsimportantspournousdonner
un panorama national de ce groupe professionnel. Ces informations nous aideront à amener une
discussionplusapprofondiesurleurrôledansladynamiquedegestiondesdéchetsauBrésil,notamment
àRio.
LarégionSud-estfigurecommelarégioncomptantpresquelamoitiédescatadoresdupays,41,71%.Il
est intéressant d’observer que c’est la région la plus riche du pays et la plus grande génératrice des
déchets solides urbains. Ce recensement amontré que l’âgemoyen d’un catador était de 39 ans. Les
personnes âgées représentent environ 7% de l’échantillon187, un pourcentage légèrement plus élevé
comparéàlaproportiondespersonnesâgéesencoreactivesdansletotaldetravailleursbrésiliens(6%).
Il y aplusde travailleurshommesquede femmes. Selon le critèrede la race,oude la couleurde (la)
peau,uncritèreassezcontroversédans lecontexteethniquebrésilien188,32,72%de lapopulationdes
catadoressesontautoproclamésblancset66,14%parda189.Ilestnécessairedes’arrêterunmomentsur
la signification de la couleur « parda » au Brésil. En raison du grandmétissage au Brésil, cette couleur
“artificielle »,« indéfinie »aétécrééedans lesrecensementsafind’engloberstatiquement lapopulation
métisse190. Autrement dit, les « non-blancs » et les « non-noirs » (Oliveira, 2004). Cependant, dans le
contexte latino-américain, lacouleurde lapeaupossèdeunevariationsocialeassez importante.Osorio
(2003) illustre cette variation sociale liée à la race, dans l’auto déclaration comme « mulato ». S’auto
proclamercomme“mulato”(ou« pardo »)estplusavantageuxsocialementdanslamesureoùle« pardo »
se présente comme une catégorie « non noire ». En réalité, il y a une dichotomie sociale associée à la
186Unautreaspectquiimpacteaussilaconnaissanceréellesurlapopulationdecatadoresestquelerecensementdel’IBGEestassociéauxménagesdesortequelespersonnes–sansdomicilefixenesontpasprisesencomptedanslerecensement.Ilestimportantderappelerquel’activitédecataçãofigureaussicommeuneoptiondegainfinancieràpourceuxhabitantdanslesruesbrésiliennes.187Ilsconsidèrent«personnesâgées»àpartirde65ans.188 Dans le recensement de l’IBGE, la question de la race, comme d’autres critères, est une dimension auto-déclarative etchargéedecontroversesparrapportàuneréalitéethniquequ’elleétait«censée»dévoiler.Selonlesscientifiquessociaux,laclassificationarbitrairedel’IBGEentre«blanc»,«pardo»et«noir»entraîneunefaussementdelaréalitéracialeetsocialedupayspuisqu’elleempêched’observerlesinégalitésexistantesentre«blancs»et«non-blancs».Ilestintéressantderappelerque suite à des siècles d’esclavagisme, la couleur de peau au Brésil est étroitement liée aux inégalités sociales. (DosAnjos,2013).189Ilestintéressantderappelerquedanslesrésultatsstatistiquesdesrecensements,l’IBGEprendencomptelecritère«noir»et«pardo»(critèresséparésdansl’enquête)commeunseulcritèredéfinissantunepopulation«non-blanche».Celaapourl’objectiflacréationdespolitiquespubliques(Osorio,2003).190D’une façongénérale, les nomenclatures existantespourdéfinir lemétissage auBrésil: les «mulatos» (métissageentreblanceuropéen+noirafricain);les«caboclos»(métissageentreleblanceuropéen+indigène),les«cafuzos»(noirafricain+indigène)
157
couleurdelapeauauBrésil.Elleseprésenteplusimportanteentrelesgroupes« noirs »et« nonnoirs ».
Ainsi,ilestpréférabled’être« nonnoir »que« nonblanc ».Autrementdit,plusons’éloignedelacouleur
noire,plusunBrésilienjouitd’unstatutsocialprivilégié.
De ce fait, nous pouvons observer cette controverse ethnique du Brésil lors du recensement de la
populationdecatadoresde2010.Parmiles66,14%d’individusdéclarés“nonblancs”,seulement14,6%
des répondants se définissent comme “noirs” et 51,5% commepardos. De sorte qu’il devient difficile
d’appliquerladimensionderacequenousrencontronsdansleconceptde« zonedesacrifice ».Laréalité
ethnique « faussée » du recensement rend difficile l’analyse de la question de la race reflétée lors de
l’analysede la questionde catadores dans cette thèse. Cela explique le fait denepas avoir trouvéde
mentionsdans larevuede littératurebrésiliennesur lesrisquesenvironnementauxdans ledomainede
déchetsassociésàlarace.Ilestimportantdesoulignerquelamajoritédespopulationsdescatadoresest
« nonblanche ». Cependant, en raisonde cette difficulté de définition raciale, nous neprenons pas en
comptecettedimensiondanslesdiscussionssurlescatadores.
Toujours concernant les données démographiques relatives à cette population, la moyenne de leurs
revenusmensuelsétaitde561,93191Reais.Àl’époquecerevenuéquivalaitàenviron10%deplusquele
salaireminimumdel’époque(510Reais192).Letableauci-dessousmontreletauxd’analphabétismeparmi
lescatadores.Ilestde20,34%enmoyenne,soitunemoyenne3foisplusélevéequeparmilapopulation
totaledestravailleursauBrésil.Lafiguremontrecetauxpartranched’âge.Ilestpossibled’observerque
letauxaugmentechezlespersonnesplusâgées,cellesayantplusde60ans.Cependant,ladisparitéentre
lestauxd’analphabétismeauseindelapopulationtotale(enbleuclair)etdescatadores(représentéepar
lebleufoncé)estplusimportanteentrelesjeunes,situésentrelestranchesd’âgede10-19,20-29et30-
39 ans. Cela renfonce l’idée d’une croissance des inégalités socioculturelles, et par conséquent, socio-
économiquesdecettepopulationfaceauxautrestravailleursdupays.Cesstatistiquesrévèlentqueces
inégalitéssonttoujoursd’actualitéetqu’aulieudediminueravecletemps,ellesonttendanceàcroître.
Celaconfirme lesdonnéesqualitativesd’autresauteurscommeWaldman(2013b)etBastos(2005)qui
présententlapopulationdecatadorescommeuneforceproductivevictimedel’exclusionsociale.
191Cerevenucorrespondàlamoyennenationale.Lamoyennedel’ÉtatdeRioestde653,15Reais.192Enaout2018,selondetauxdechangede1euro=4,80Reais,cettevaleurcorrespondaità105,59Euros.
158
Figure32:Tauxd’analphabétismeentrecatadorespartranched’âge.Source:Daginino&Johansen,2017
Cettepopulationest notamment caractériséepardes chômeurs, despersonnes âgéeset des individus
sansemploi.Bosi(2008)metenavantlecaractèrede« survie »decetteactivité.Lecontextebrésiliendu
marchédutravaildepuislesannées1980aentraînél’émergencedutravailinformel.Lacataçãopeutêtre
conceptualiséecommeun« self-employedproletarian »(Birbeck,1978apudMedeiros&Macedo,2006).
Lescatadoresont l’illusiondetravaillerà leurproprecompte,mais,enréalité, ilsvendent leurforcede
travail à l’industrie du recyclage au Brésil. Cette fausse idée d’autonomie reflète une dialectique
d’exclusion et d’inclusion que nous observons dans la dynamique socio-économique dans laquelle les
« catadores »opèrent.D’unepart,lacataçãooffreune« solution »pourles« exclus »dumarchédutravail
« formel » pour obtenir une source de revenus. Il s’agit d’un côté de « réintégrer » lemonde du travail
(Medeiros&Macedo,2006).Del’autre,ladynamiquedel’industriedurecyclageprofitedeleurforcede
travail,bénéficiantunemargedeprofitàpartirducaractèreinformeldeleuractivité(Bosi,2008).Dece
fait, l’accumulation du capital de l’industrie du recyclage se nourrit de la précarité et des conditions
inhumaines du travail des catadores (Leal et al, 2002). Les catadores subissent, ainsi, une pseudo-
inclusion.
Unexempledela“réussite »del’industriedurecyclagebrésilienneàpartirdel’exploitationdelamain-
d’œuvreextrêmementbonmarchédecettepopulationsetraduitparletauxderecyclagedescanettes193
auBrésil. Selon l’AssociationBrésiliennedeFabricationdeCanettes (ABRALATAS),depuis2004, lepays
recyclepresque100%descannettesfabriquéessursonterritoire.Letauxderecyclagedeplusde90%
193Canettesdeboisson.
159
chaqueannéeatransforméleBrésilenpaysrecordmondialderecyclagedecannettes(Abralatas,2007).
Waldman(2013b)metenlumièrelecôtéperversdecetindiceélevéderecyclagedescanettes,quin’est
d’ailleurspaséquivalentpour lesautresdéchetsrecyclablesdans lepays.Premièrement,ces indicesne
reflètentpasune industriedu recyclageefficacedans lepaysoùavant2010,environ13%du totalde
déchets solides étaient recyclés (CEMPRE, 2009)194. Ce taux révèle une dynamique marchande dans
l’industriedu recyclage.En fonctionde lagrandevaleurde la canetted’aluminiumsur le« marchédes
matériauxrecyclables »(leprixde« vente »del’aluminiuméquivautàenviron5foisplusqueceluid’une
bouteille en plastique), ce matériau reste le plus recherché par les catadores. Ainsi, la dynamique
perversede l’industriedurecyclagesenourritd’une forcedetravailabondanteetpaschèreet recycle
seulementcequidonneduprofit,abandonnantlerestedanslesdécharges(Waldman,2010).
IlestimportantdedistinguerdeuxtypesdecatadoresdanslecontextedelagestiondesdéchetsàRio,et
au Brésil en général: ceux qui travaillent dans la collecte de matériaux dans les rues, et ceux qui
travaillent (outravaillaient)directementdans lesdéchargesàcielouvert.Dans lecadredecette thèse,
nous allons discuter surtout les réalités de catadores travaillant dans la « rampa 195». Il s’agit d’une
populationtravaillantdirectementdanslesdéchargesàcielouvert,impactéeparleurfermeturesuiteàla
miseenplacedelaPNRS.Dansl’aterrodeGramacho,ilyavaitmêmeunedifférenceentrelestravailleurs
dela« rampa ».Ilsétaientdivisésentreceuxfaisantpartied’unecoopérativeetceuxtravaillantdefaçon
autonome (Porto et al, 2004). Cette différence se révélait à plusieurs niveaux: de leurs conditions de
travaildanslesdécharges(l’usagedegants,etc.)àleurreprésentationdumétier.
L’organisationdecestravailleursencoopérativesaconstituéunessaideprofessionnalisationdel’activité
de la catação. Quoique les conditions aient toujours été précaires, depuis la fin des années1980, les
catadoressesontorganisésafind’obtenirdemeilleuresconditionsdetravail.Danscesens,l’organisation
en coopératives peut leur apporter plusieurs avantages, tels que: l’abandon du besoin d’avoir un
intermédiaireentreeuxetl’industrie(lesatravessadores) ;avoirunemeilleuremargedenégociationdes
prixavecl’industriedirectementpuisqu’ilspossèdentunplusgrandvolumedematériauxàvendre ;avoir
plusieursacheteurs,etc.(Medeiros&Macedo,2006a).
194Etseulement2%desdéchetsorganiquesontétérecyclés(Waldman,2013b)195Dénominationdonnéepour le travail decatadores dans les lixões. Cela signifie travaillerdans lesmontagnesdedéchets«nouveaux»venantd’êtredéposésparlescamionsdansladécharge.
160
Laquêtedescatadorespourdemeilleuresopportunitésdetravailetdesrevenusaaussiétéuneréussite
surleplanjuridique.En2002,leurmétieraétéofficiellementreconnuparlaClassificationBrésiliennedes
Occupations (CBO)196.Malgré ces efforts, la catação reste une activitémarquée par la précarité et les
risquesenvironnementauxavantlafermeturedesdéchargesàcielouvert.Lareprésentationsymbolique
de ce métier reste toujours très négative et liée à l’image dépréciative des déchets. À part dans la
représentation, la reconnaissance juridique de l’existence du métier n’a pas impacté la configuration
perversede ladynamiqueéconomiquede l’industriederecyclageenverscettepopulation(Medeiros&
Macedo, 2006a). De ce fait, la force de travail des catadores constitue le moteur d’une industrie du
recyclage rentable. Mais leurs conditions de vie et de travail ainsi que leurs statuts sociaux restent
marginalisés.
Toutefois, le sens symbolique de l’activité de catador possède des interprétations ambivalentes. Cela
varie concernant la populationdes catadores en soi et la société en général.Nous voyonsunedouble
sémantique sur le sens symbolique des déchets. D’un côté, les déchets comme des rejets, comme
quelquechosedenégatif.Del’autrecôté,ilyaunevisiondesdéchetscommeunesourceéconomique,
autrementditcommeunobjetpossédantunevaleurpotentielleàpartirdesonrecyclage.D’ailleurs,ces
deux interprétationsdichotomiquesdu sensdesdéchets se trouvent aussi au seinde lapopulationde
catadores.Ilestimportantdedistinguerleurspropresinterprétationsdeleurmétierdelareprésentation
que la sociétépossèdede l’activité decatação.Rinaldi (2018) résumede façon concise les différentes
perceptionsdutravailde« catadores »dans la littératureassociéeàchaquegroupe.Pour lescatadores,
l’exercicedecemétiersignifieautonomie,flexibilité, libertéetuntravailhonnête197.Cependant,Bastos
(2005) révèle qu’associé à ce sentiment de fierté d’exercice d’un travail « digne », il y a aussi une
dimensionnégativedecemétier.Danslaconstructiondeleurpropreidentitéentantquecatadores,ilya
l’aspectde« survie »commesil’exercicedelacataçãoétaitunmoyend’échapperàla« mort »etnonpas
une « expression de vie ». L’auteure explique que cette « auto » stigmatisation est associée à la
sémantiquenégativedesdéchets.Unesémantiquepartagéeparlasociétéengénéral.
196NUMERO5192-05.197 L’emploi dumot «Honnête» est chargé de signification dans le contexte brésilien, surtout dans la réalité sociale de lamétropoledeRio.Enraisondeleursconditionsdevulnérabilitésociale,cettepopulationpourraitexercerdesactivitésillicitestellesquecellesquenousvoyonsàpartirdesgrands indicesdeviolencedans l’État.Ainsi, au lieude reproduireuncheminsocialdéjà«connu»,ilsontchoisid’être«catador».Bastos(2005)expliquequecechoixleurdonnebeaucoupde«fierté».
161
Unnouveaudiscourssurlavalorisationdedéchetsaémergéparmiles« catadores ».Uneredéfinitionde
leurmétieratrouvédansleprocessusd’« écologisation »despratiquesuneformedelégitimationdeleur
travail (Michelotti, 2006). La tendance actuelle des institutions publiques et privées à
« environnementaliser » lesdéchetsàpartirde leurvalorisationcommeunesourceéconomiqueaaussi
influencé les « catadores » dans la façon de repenser leur propre métier. Ce nouveau discours des
catadorescommedes« agentsenvironnementaux »estnotammentpropreauxprofessionnelstravaillant
dans lescoopératives(Rinaldi,2018).Michelotti (2006)expliquequecettepopulationa instrumentalisé
cesdiscoursenvironnementauxdedéchetscommeunmoyendeselégitimerfaceàlasociétéetessayer
de sortir de la marginalité. Cette appropriation devient un instrument politique pouvant ouvrir des
possibilitésdegainsfinanciersàcestravailleurs.Ainsi,l’organisationpolitico-économiquedecatadoresen
(forme de) coopératives permet également une réorganisation symbolique de leur identité
professionnelle198.Apartird’uneétudeexploratoire,Ribeiroetal(2014)ontidentifiél’existencedansla
métropoledeRiode77coopérativesen2008,travaillantdefaçontrèshétérogèneetdontl’organisation
avaittoujoursuncaractèretrèsinformel.Ilssoulignentqueletravaildanslamajoritédecescoopératives
n’étaitpasarticuléenformed’entrepreneuriat.
Toutefois, l’organisationenformedecoopérativeaouvert lavoieàunchangementdans laperception
desrisquesenvironnementauxetsanitairesdutravaildanslesdéchargesàcielouvert.L’étudedePorto
et al (2004) dans le lixão de Gramacho met en lumière des différences de perceptions quant aux
travailleurs autonomes et ceux associés aux coopératives par rapport aux comportements des
précautionsdans le travaildans la« rampa »199.Normalement,ceuxquiappartiennentauxcoopératives
étaient plus attentifs aux risques environnementaux du fonctionnement d’une décharge à ciel ouvert
ainsiqu’auxrisquessanitairesinhérentsàleurtravail.
Il est important de souligner le changement de perception du risque au sein de cette population. En
général,lescatadoresneseconsidèrentpasexposésauxdangersenexerçantleurmétier.Ilsn’associent
198Ilestimportantdesoulignerqu’avantlamiseenplacedelaPNRS,l’associationdanslescoopérativesnefiguraitpascommeune pratique courante. Notamment, dans l’aterro de Gramacho où lamajorité de catadores travaillaient toujours de façonautonome(Portoetal,2004).199 Tel que l’usage des gants durant le travail, l’éloignnement des camions aumoment de l’évacuation des déchets dans larampaetc.
162
pas leurtravailauxrisquesenraisondeleurextrêmevulnérabilitésocialeetdelanécessitédegarantir
leursurvie(DeJesusetal,2012).Portoetal(2004)mettentenperspectivenotammentquelanécessité
d’êtreen formepour continuer leur travailne leurpermettaitpasd’associer leursproblèmesde santé
auxdangersdutravaildansunedéchargeàcielouvert.
Waldman (2013b) met en perspective que les conditions sociales de l’existence de l’exercice de la
cataçãorévèlentunedéfaillancedel’Étatbrésiliendansl’organisationd’unegestiondesdéchetsinclusive
socialementet« environnementale ».Quoiqu’ilyaiteudeseffortsdelapartdecatadorespouraméliorer
leurréalitédetravailenl’absenced’uneactionpublique,lacréationd’uneréglementationpourgarantir
la concrétisation d’une justice environnementale à cette population se faisait nécessaire. Par « justice
environnementale »,nousentendonsl’effacementdesinégalitésenvironnementales(étant)étroitement
liéesauterritoire(Acselrad,2002 ;Blanchonetal,2009).Unejusticeenvironnementaledanslecontexte
brésilien de déchets serait le règlement d’une redistribution inégale des risques qui atteint les plus
vulnérables socialement (Herculano, 2002). Pour cela, il faut éloigner une population d’un territoire
exposéauxrisquesainsiqu’unerévisiondeleursconditionssocio-économiques.Dobson(1998)souligne
quepourconcrétiserlajusticeenvironnementaleàunepopulationilfautd’abordconcrétiserunejustice
sociale.
Pourquoi justiceenvironnementalede lapartdespouvoirspublicspour lescatadores ?Premièrement,
leurvulnérabilitésocialeétaitlaprincipaleraisonduchoixd’untravailoùilssetrouventdansunespace
exposé aux nuisances. Un système pervers d’accumulation de capital de l’industrie de recyclage
brésiliennepermetlareproductiondeleurprécaritéenutilisantleurforcedetravail.Celaleurmaintien
toujours à l’exposition de risques dans les décharges. Ainsi, la concrétisation d’une justice
environnementale pour la population de « catadores » serait la prise en main de l’État comme agent
régulateurd’uneinclusionsociale.Laseuledynamiquedumarchéneseraitpascapabledefairesortirces
acteurs sociaux d’une vulnérabilité sociale ni environnementale (Bastos, 2015). De ce fait, une action
publiqueefficacepourl’institutionnalisationdetravaildecatadoresdansl’industriederecyclagepourrait
éventuellementapporterunemodificationdanslalogiquedecetteindustrie.Enoutre,celapermettrait
leuréloignementd’unespaceàrisquecomme(lesont)lesdéchargesàcielouvert.
163
Lamiseenplacede laPolitiqueNationale sur lesDéchets (« PolíticaNacionaldeResíduosSólidos ») en
2010ainterditlefonctionnementdedéchargesàcielouvertdansl’ensembleduterritoirebrésilien.Cette
loiaaussicommeobjectif l’inclusiondescoopérativesde« catadores »dansladynamiquedel’industrie
de recyclage. Un des instruments de cette politique est l’encouragement du gouvernement fédéral à
l’inclusiondescoopérativesdecatadoresdansleplande(la)gestiondesdéchetsurbainsdechaqueÉtat
de l’unité fédérative brésilienne. Cette action représenterait un instrument de l’inclusion socio-
économiquedecettepopulation(Brasil,2010).Ilestintéressantderappelerquelagestiondesdéchets
urbainsrévèledelaresponsabilitédechaqueÉtatdelafédération.C’estenrespectantlaConstitutionde
1988quelaPNRSdonneseulementlesdirectivesàcettegestion.Ainsi,laPNRSn’obligepasl’inclusionde
coopérativesdansladynamiqueetnecréepasdemécanismespourviabilisercetteinclusion.Cetaspect
suscitebeaucoupdediscussionsparrapportà laconcrétisationd’une justiceenvironnementalepour la
populationdecatadores (Neto&Moreira,2010).Laprochainepartieseradédiéeàunediscussionplus
approfondiesurlaréalitédeladynamiquededéchetsdanslamétropoledeRioaprèslamiseenplacede
laPNRS.
3.2.LAPOLITIQUENATIONALESURLESDÉCHETS(POLÍTICANACIONALDERESÍDUOSSÓLIDOS)ETUNESSAIDEL’ÉTATBRÉSILIENPOUR« ÉCOLOGISER »LESDÉCHETS
AfindecontextualiserlamiseenplacedelaPNRS,lapremièreloibrésiliennevisantlaréglementationde
lagestiondesdéchetssurleterritoire,ilestnécessaired’exposerquelquesdonnéessurlaproductionde
déchets et l’augmentation de l’urbanisation dans le pays. La gestion et l’aménagement des déchets
solidesurbainsauBrésilsontdevenusdesenjeuxaprèsunaccroissementdelamigrationruraleversles
villesdepuis lesannées70.Lahaussede lapopulationurbainebrésilienneest liéeàundéveloppement
économique national. Ce phénomène a changé les modes de consommation et par conséquent, la
production de rejets. Toutefois, les services publics des villes brésiliennes ne possédaient pas
d’infrastructure appropriée pouvant accompagner l’accroissement de la production des déchets. Ce
manqued’infrastructurerésultaitsouventdanslesdépôtsdedéchetsdansdesendroitsinappropriés,tels
que les rivières, lamer, lesmangroves, etc. (Neto &Moreira, 2010). Le tableau ci-dessousmontre la
164
tendancedel’urbanisationbrésiliennedepuislesannées40.Ainsi,ilestpossibled’observerqu’en2010,
annéedelaPNRS,environ84%depopulationbrésiliennevivaitdanslescentresurbains.
Tableau7:Tauxd’urbanisationbrésiliennedepuis1940
Source:IBGE,2011 ;IBGE,2007
En 2010, le pays a présenté une hausse de production totale de déchets solides urbains de 6,8%. En
matière de production des déchets par personne, il y a une hausse de 5,3% par rapport à l’année
précédente,2009.Lerapportdel’ABRELPEconcernantl’annéeenquestionprécisequelaproductiondes
déchetsaétéplusgrandequel’accroissementdelapopulationurbaineauBrésil.Celle-cifut,d’ailleurs,
de l’ordre d’environ 1% entre les années2009 et 2010. Il est intéressant de souligner que depuis le
recensementsurlesmodalitésd’assainissementréaliséparl’IBGEen2008,nouspouvonsconstaterune
augmentationcontinuede laproductiondedéchetssolidesurbainsauBrésil (IBGE,2011).Lesrapports
annuels de l’ABRELPE montrent ces chiffres, comme les indique le tableau ci-dessous depuis
l’année2009.À l’exceptionde l’année2016oùnous constatonsune légèrebaissede cetteproduction
desrésidus.
Tableau8:Tendancedel’augmentationdelaproductiondedéchetsauBrésildepuisl’année2009
Sources:ABRELPE2010 ;2011 ;2012 ;2013 ;2014 ;2015 ;2016 ;2017
165
Il est important de préciser que le tableau montre les valeurs absolues d’une production totale de
déchets dans le pays et pas une production par personne.Un autre point à élucider consiste dans les
chiffresdelaproductiondedéchetsdanslepayspubliéparl’ABRELPE.Ceschiffresenglobentlesdéchets
collectésparlesservicesmunicipauxdenettoyagepublicainsiqu’uneestimationdesdéchetsnefaisant
pas l’objetd’unecollecte.Danscesens, le rapportde l’ALBRELPEde2007montrequ’àcetteannée-là,
seulement 16% des déchets produits dans le pays étaient collectés par les services de nettoyage. En
2010,lerapportamontréuneévolutiondanscescénario,oùseulement6,7%desdéchetsproduitsdans
le pays n’étaient pas collectés. Finalement, en 2016, le dernier rapportmontre que 91% des déchets
produits dans le pays étaientobjets de la collecte. Celanousdonneunpanoramade la capacitéde la
couverturedelacollectedesdéchetsurbainsauBrésilafindesavoirsielleserapprochedelaréalitéde
saproductiondanslesvillesbrésiliennes.
Cetteinformationestimportantedanslamesureoùlesdéchargessanitairessontdevenueslesmodalités
officielles de dépôt final des déchets urbains après la mise en place de la PNRS. Ainsi, nous pouvons
observerqu’en2010,àlaveilledelamiseenplacedelapremièreloisurlaréglementationdesdéchets
au Brésil, le pays présentait un taux de collecte « relativement » haut dans sa totalité. Notamment la
région sud-est, qui présentait une couverture de la collecte de 98% des déchets produits (ABRELPE,
2016).Malgré la difficulté de comptabiliser les déchets produits dans les « favelas », objets des dépôts
sauvages,celanousconfirmequ’iln’yapasunécartsignificatifentrelacollecteetledépôtauBrésil.
Auregarddececontextecorrespondantàunforttauxd’urbanisation,àuneaugmentationcontinuedela
production de résidus urbains, à une collecte relativement efficace et à un grand taux de dépôt de
déchets dans les décharges à ciel ouvert, le pays a créé le premier cadre réglementaire des déchets
solidesdesonhistoire.Enréalité,avantlacréationdelaPNRS,ilyavaitdenombreusesloisetdesdécrets
à plusieurs échelles du pouvoir visant à donner une normalisation de la gestion des déchets urbains.
Cependant, il ne s’agissait pas d’une seule action publique sur les déchets, mais de plusieurs décrets
municipaux, résolutions du CONAMA200 et normes techniques de l’ABNT201 visant à réglementer un
200 Le CONAMA ( Conselho Nacional doMeio-Ambiente) est un organe de conseil pour la création des politique publiquesassociéauMinistèredel’Environnement.Ilestresponsablepourétablirdesnormesetcritèrespourladélivrancedespermisenvironnementaux.Ilétablitaussilescritèresderéférencepourlapollutionenvironnementale.Cesnormesprennentlaformederesoluções.
166
aspectspécifiquedesdéchets.Decefait,cetéparpillementdenormesnecontribuaitpasàunegestion
harmonieuse et efficace des déchets solides au Brésil (Monteiro, 2001 ; Neto & Moreira, 2010). Afin
d’illustrer ce contexte juridique des déchets avant 2010, parmi ces nombreuses normes, il y avait par
exempledesrésolutionsCONAMApourledépôtfinaldepneus,pourletraitementdedéchetsprovenant
desaéroports,desgaresdebusetdestrains.Ilyavaitégalementdesnormestechniquesdel’ABNTpour
leclassementdesrisquesdechaquetypededéchets,pourlaconstructiondedéchargessanitaires,etc.
Cesexemplesmontrentseulementlesnormesauniveaufédéral,ilnefautpaslaisserdecôté,l’existence
aussi d’un cadre réglementaire sur la gestion locale des déchets dans chaquemunicipalité brésilienne
(Monteiro,2001).
Compte tenu de ces circonstances juridiques, la mise en place de la PNRS a représenté un pas très
importantvers l’améliorationetuneuniformisationde lagestiondesdéchets solidesurbainsauBrésil.
Cette loi a aussi symbolisé une action pour « freiner les irresponsabilités environnementales » des
pouvoirsmunicipauxdanscedomaine(Neto&Moreira,2012).Brollo&Silva(2001)mettentl’accentsur
lesirrégularitésdelagestiondesdéchetsàl’échelledesmunicipalitésauBrésilaudébutdesannées2000
en raisonde l’absenced’un cadre réglementairede cette gestionauniveaunational. Ils décrivent« un
contextegénéralisédemanquedecontrôledespouvoirsmunicipauxdanslagestiondesdéchetslocale ».
Cemanquedecontrôleesttraduitparuneabsencedetransparencequantàl’investissementdubudget
municipal dans cette gestion, l’irrégularité des contrats de concessions des services de nettoyage, une
absence d’informations sur les types de déchets générés dans lesmunicipalités et une défaillance de
planificationdeladestinationfinaledesdéchets(telqueledépôtenlixões),etc.
Ainsi,pourchangercescénario, laPNRSadopteplusieursprincipesparmi lesquelsceluiquiseradécrit
prochainementsembleleplusintéressantpourélucidernosdiscussionsjusqu’àprésentdanscechapitre.
« Lareconnaissancedudéchetsolidecommeréutilisableetrecyclablecommeunbienéconomiqueetde
valeursociale,génératricedetravailetderevenusetpromoteurdelacitoyenneté202. »(Brasil,2010:art6,
VIII).Letableauci-dessousrésumequelquesobjectifsfondamentauxde laPNRSvisantàcoordonnerce
201L’AssociaçãoBrasileiradeNormasTécnicas(ABNT)estuneorganisationprivéeresponsabledelastandardisationtechniqueauBrésil.202Traductionlibre.Original:“Oreconhecimentodoresíduosólidoreutilizávelereciclávelcomoumbemeconômicoedevalorsocial,geradordetrabalhoerendaepromotordacidadania.”
167
scénario « d’insouciance environnementale » dans la gestion des déchets dans la majorité des villes
brésiliennes.
Tableau9:ObjectifsprincipauxdelaPNRS
Source:Brasil,2010
Afindeconcrétisersesobjectifs, laPNRSamisenplacequelques instruments.Dans letableausuivant,
nous avons dégagé les instruments de cette loi visant à promouvoir la justice environnementale aux
« catadores » ainsi qu’à l’éradication de décharges à ciel ouvert comme un vecteur de risques
environnementauxetsanitaires.
Tableau10:principauxinstrumentsdelaPolíticaNacionaldeResíduosSólidos203Source:Brasil,2010
LaPolitiqueencourage l’inclusiondes coopérativesdescatadores dans ladynamiquedu traitementde
déchetsauniveaumunicipal.Étantlanouvelleloibaséesurleprincipedelavalorisationdedéchets,les
catadores peuvent désormais, faire « officiellement » partie de la chaîne de traitement des déchets à
partirdeleurtravailencoopérativeparlebiaisdurecyclage.Decefait,laPNRSviseàatteindreunniveau
devalorisationdedéchetsàpartirde l’existenced’une forcede travaildéjàexistanteetabondanteau
Brésil.Cettevalorisationdedéchetsestassociéeàlapromotiondel’inclusionsocialeauBrésil(Baptista,
2013).UnautrepointàéluciderconcernantlesinstrumentsdelaPNRSquenousavonsexposéci-dessus203“LogísticaReversa”.Ceconceptde“logistiqueinversée»apparudanslaPNRS, impliqueplusieursacteurssociauxdansladynamiquedelavalorisationdedéchets.Enréalité,ilviseàresponsabiliserlesindustrielsdansleprolongementducycledeviedeleursproduitsafindelesinsérerdansleprocessusderecyclage.
168
est l’encouragement du gouvernement fédéral à la création de consortiums inter municipaux pour le
traitementdedéchets.Dequois’agit-il ?
LamiseenplacedeconsortiumsdanslecontextedelagestiondesdéchetsauBrésilconsistedansune
gestionpartagéedesdéchetsentrelesmunicipalitésappartenantàunmêmeÉtatdelafédération.Étant
unepratiquetrèsrégulièredans lesrégionsmétropolitaines, lesconsortiumsouvrent lapossibilitéd’un
arrangementcollaboratifdesdépôtsdedéchetsurbainsdansuneseuledéchargesanitaire.Lesavantages
de l’utilisation de cette articulation régionale, c’est qu’elle permet lesmunicipalités les plus pauvres à
gérerleursdéchets.L’avantageconsistedansunpaiementpartagédel’utilisationd’unseulendroitpour
le dépôt de déchets, évitant ainsi que chaque ville se charge seule de la destination de ses résidus
urbains.Théoriquement,celaouvre lapossibilitéà laréductiondescoûtsetàuneaméliorationdans la
capacité technique de traitement des déchets au sein des métropoles brésiliennes, notamment les
municipalitésenprécarité(Neto&Moreira,2012).
Parmilesinstrumentsdelamiseenplacedecettepolitique,ilestintéressantdesoulignerqueseulela
fermeture des décharges à ciel ouvert est une contrainte de cette loi fédérale pour lesmunicipalités.
Autrement dit, seul l’usage de décharges sanitaires constitue une obligation imposée par la PNRS aux
services municipaux de traitement de déchets. Les autres instruments tels que l’implantation d’un
systèmederecyclageetl’inclusiondescoopérativesdecatadoresdanslachaînedetraitementderésidus
urbainssontdesresponsabilitésdesmunicipalités.
« Lesdéchetsnesontpasenvironnementauxeneux-mêmes,aucontraireilssontdessourcesdepollutions
et de dégradations de l’environnement. C’est donc leur gestion raisonnée, évitant la pollution, qui est
environnementale.Danslemondedesdéchets,labonnegestionenvironnementaleconsisteàlesvaloriser,
les recycler » (Joncoux, 2013: 41). Nous revenons encore sur le principe normatif fondamental de la
PNRS:lavalorisationdedéchets.Celanousévoqueégalementunpasvers« l’écologisation »desdéchets
dans le cadre juridique brésilien. Cet essai de changement de représentation sur les « déchets » inclut
dansunepolitiquepubliquerévèleunetentativede l’Étatbrésilien« d’environnementaliser »sagestion
des déchets comme l’on fait les pays (les) plus riches à la fin du XXe siècle (Andrade & Ferreira). Ce
mouvementd’écologisationdesdéchetsayanteulieuenFranceentrelesannées80et90estdécritpar
Barbier(2002)commeune« mobilisationgénéraleautourdeschosesabandonnées ».
169
Eneffet,cemouvementconsistaitenunepriseencomptecollectivedesdéchetscommedessourcesde
risquessanitairesetenvironnementauxfigurantaussiunenjeupour l’aménagementurbain.Ainsi,cette
mobilisation, influencéeparla« mode »dudéveloppementdurable,arésultésurlamiseenagendades
politiques publiques étant tournées vers la nécessité « urgente » de valorisation de déchets. Il est
intéressant de souligner que pendant cette période où les pays plus « développés » repensaient les
pratiques autour de déchets, le Brésil luttait pour une rédémocratisation. Un pays gouverné par une
dictaturemilitairedéveloppementalistequiniaitlavaguedelacriseécologiquemondiale204.Uneépoque
oùlepaysseservaitentièrementdedéchargesàcielouvertcommedépôtfinaldesesrésidusdetoute
provenance.
C’est pourquoi nous pouvons dire que la création d’une politique nationale sur les déchets en 2010
configureune action “tardive”d’écologisationde la gestionnationaledesdéchets. Andrade& Ferreira
(2011) mettent l’accent sur l’influence de la globalisation dans les actions publiques dirigées vers le
changementdespratiquesdelagestiondesdéchetsauniveaunational.Lesinstrumentsetobjectifsdela
PNRSs’avèrentdesappropriationsdespratiquesdéjàmisesenplaceàl’international,tellesque:ledépôt
final dans lesdécharges sanitaireset la valorisationdesdéchets àpartir du recyclage.Neto&Moreira
(2010) soulignent que l’importance normative de la PNRS est indéniable, bien que ce processus
d’écologisationdedéchets soit « tardif » etque l’appropriationdepratiques internationalesne soitpas
entièrement adéquate à une réalité brésilienne du domaine des déchets, marquée par les inégalités.
Toutefois, pour qu’il y ait un changement effectif dans la gestion des déchets urbains au Brésil, un
engagementdestoutes leséchellesdupouvoirest indispensable.Particulièrement,uneffortde lapart
des gouvernements municipaux et de chaque État de la fédération pour transformer cet instrument
normatif en de nouvelles pratiques de traitement de déchets. Cela signifie abandonner les principes
archaïques remplis des préjugés par rapport aux déchets ainsi qu’aux populations qui en dépendent
économiquement.
204 Voir chapitre 2 pour plus de détails sur comment l’État brésilien de la dictature militaire faisait face au mouvementinternationalsurlapriseencomptedesrisquesenvironnementauxdelasociétéindustrielle.
170
3.2.1.Les« déchargessanitaires » ?Leprincipetechniquepoursedébarrasserdesdéchets
Leparagraphe8del’article3delaPNRSdéfinitqueladispositionfinalededéchetslaplusappropriéeau
niveaude l’environnement consistedans la distributionordonnéededéchets dansdesdécharges. Ces
décharges doivent être construites et mises en fonctionnement selon des normes opérationnelles
spécifiques afin d’éviter des dommages ou risques à la santé publique et à la sécurité. Ces décharges
doiventégalementminimiser les impactsenvironnementauxdesdéchets (Brasil,2010205).Dece fait, le
textedelaloifaitréférenceaux« déchargessanitaires »(aterrossanitários).Enréalité,c’estleprincipede
l’ingénieriequidistingueunedéchargesanitaired’unlixãooud’unaterrocontrolado.Sinouspartonsdu
principequeles3modalitésserésumenttechniquementauprincipedel’enterrementdesrejets,laseule
chosequilessépareestlatechniquedetraitementdelixiviatetdecaptationdubiogaz(Waldman,2013).
Selon les principes d’ingénierie ; cette différence technique est fondamentale pour laminimisationdes
risquesenvironnementauxetsanitaires(Gouveia,2012).C’estpourcetteraisonquedanslarevuedela
littératuresur lagestiondesdéchetsauBrésil,nousvoyonsunedifférencetrèsmarquéeentre lestrois
types de « décharges », suivies par des adjectifs visant à qualifier leurs modalités de traitement (ou
l’absence de ces dernières). La culture des décharges à ciel ouvert a donné naissance à cette
différenciationquantauxtypesdedécharges,raisonpourlaquellenouslesemployonsafind’éviterune
confusionentrelareprésentationfrançaisede« décharge »toutecourteetsesdéclinaisonsexistantesau
Brésil206.
De ce fait, c’est la « décharge sanitaire », lamodalitéofficiellededépôtdesdéchets solidesurbains au
Brésil prévue dans la PNRS. Cette modalité remplace l’usage des décharges à ciel ouvert et des
« décharges contrôlées » ouvertes dans tout le pays. La loi prévoit l’opération et la construction des
aterros sanitários selon les normes de l’Association Brésilienne des Normes Techniques. Depuis les
années90, l’ABNT possède des normes pour la localisation, la conception du projet, la construction,
205 «Disposição final ambientalmente adequada: distribuição ordenada de rejeitos em aterros , observando normasoperacionais específicas de modo a evitar danos ou riscos à saúde pública e à segurança e a minimizar os impactosambientalmenteadversos.»(art,3,p.8)206Ilestimportantdepréciserqu’auBrésil,danslelangagecourant,lapopulationutiliseleconceptde«déchargesanitaire»pourdésignerleslixõesoulesaterroscontrolados.Cetteséparationpurementtechniquen’estpasconnuedetoutlemonde.Ainsi, dans le langage courant il y a beaucoup d’amalgame concernant lesmodalités de dépôt final de déchets (Andrade&Ferreira,2011).
171
l’opération et la fermeture des décharges sanitaires (ABNT, 1992). Cependant, durant l’année2010,
l’ABNT,enpartenariatavec leMinistèrede l’Environnementet leMinistèredesVilles207,asimplifiéses
normes à l’occasion de lamise enœuvre de la PNRS lamême année208 (ABNT, 2010). Ainsi, selon ses
normes, une décharge sanitaire devrait être construite et fonctionner selon la figure ci-dessous. Le
tableauquisuitl’imageexpliquechaqueétapedelapréparation,del’opérationetdeclôturedechaque
« cellule »d’unedéchargesanitaire209.
Figure33:Illustrationdesétapesdeconstructionetd’opérationd’unedéchargesanitaire.
Source:GovernodoEstadodeRondonia,2014.
207Etparmid’autresorganespublicsfédéraux.208Lanouvellenormefigurecommelanorme15849:2010.209 Il existe plusieurs modalités de construction de cellules de décharges sanitaires. Celle-ci représente la modalité«trincheira».
172
Tableau11:Descriptiondesétapestechniquespourlaconstruction,lefonctionnementetlaclôturedes« aterrossanitários ».210
Sources:Leite,1991 ;Leite,1997 ;Santos&Matos,2017
Leite (1991) souligne que la modalité de dépôt final de déchets solides urbains dans les décharges
sanitairesfigurecommelasolutiondegestionlapluséconomiquecomparéeauxautresmodalitéstelles
que l’incinérationou lecompostage.Cesdernièresdemandentbeaucoupplusd’investissementpour la
construction et l’entretien de la gestion des structures technico- administratives que la décharge
sanitaire. Cependant commeWaldman (2013) etAndradeet Ferreira (2011) le soulignent, la décharge
sanitairenepeutpasfigurercommelaseulemodalitépourlagestionfinaledesdéchetsurbains.Elledoit
être combinée avec un systèmede tri afin de diminuer le volumede déchets déposés et prolonger la
duréedevied’unaterrosanitário.Lacompositiongravimétrique211desdéchetsbrésiliens212estexposée
dans le tableau ci-dessous.il est important de souligner qu’un aterro sanitario peut recevoir plusieurs
typesdedéchets,lesrésidussolidesurbainsoulesrésidusclasséscommedangereux213.
210Parrapportàla«coucheenplastique»:Ils’agitd’unecouverturefaiteàpartirdupolyéthylènedehautedensité(PEAD)oudupolychlorite de vinyle ( PVC). Cette composition empeche la proliferation des odeurs et de cettemanière, elle facilite lacaptationdubiogazpourleflaringet/ouutilisationenergetique.(Enportugais:MantadePEADoudePVC).211Enportugais il y a unmot techniquepour faire référence à laméthoded’analysedes caractéristiquesdedéchets solidesurbains: Composição graviométrica (traduction libre : “Composition gravimétrique”). Cette méthode d’analyse permet deconnaitre le pourcentage de chaque composant physique présent dans une certaine quantité de déchets. L’analyse de lagravimétriedesdéchetsouvrelapossibilitéd’évaluerlepotentielderecyclagedesescomposantspourainsitrouverlagestionlaplusappropriéepourchaquetypedesrésidus.212Cesdonnéescorrespondentàl’année2008.213 Ce sont des déchets qui presentent des propriétes infecto contagieuses pouvantmettre en risque l’environnement et lasantépublique.Pourcetypedesrésidus,ilfautlaconstructiond’unecelluledifferenciée.
173
Tableau12:Tableaudelacompositiongravimétriquedesdéchetssolidesbrésiliens
Sources:IBGE,2010a ;IPEA,2012.
Àpartirdutableau,ilestpossibled’observerquelamiseenplacedutrietducompostagedesmatières
organiques pourrait réduire considérablement le volume de déchets déposés dans les décharges
sanitaires. L’efficacité environnementale de la nouvelle destination finale des déchets solides urbains
brésiliens vers les aterros sanitários est conditionnée à la concrétisation des politiques de tri et de
compostage au niveau municipal, conformément aux principes établis par la PNRS (Neto & Moreira,
2010°).Enl’absencedecela,lanouvellegestiondesdéchetsmiseenplaceparlaPNRSsuivraitlemême
principed’enterrementsanslavalorisationdedéchetsqu’avant,àl’exceptiondelaréductiondesrisques
sanitairesetenvironnementauxdeslixões(Waldman,2013).Ainsi,sanslesmécanismesdevalorisationde
déchets, ledépôtde résidus solidesdans leur« totalité »dans lesdécharges sanitaires créedesenjeux
environnementauxàlongterme.Conjuguéàl’augmentationdelaproductiondedéchetssolidesdansle
pays, le dépôt de résidus sans traitement peut diminuer la durée de vie des aterros sanitários. Cela
entraînerait également un autre enjeu, la recherchede terrains disponibles pour les constructions des
nouvellesdéchargesprèsdesgrandesmétropoles(Gouveia,2012).
Lamiseenplacedemécanismesdetriengageunemultiplicitédesacteurs.Enfonctiondelacomplexité
desdifférentsmatériauxàrecycler,letridemandeuncoûtd’investissementnonnégligeable(Fradetetal,
2014).« Lamiseaupointdutrià lasourcedémontre lavolontédemodifier la logiqueencours,c’est-à-
direl’éliminationsansvalorisationdesdéchets.Letriàlasourceestunevoiederéductiondesdéchetsen
aval qui demande un effort à l’ensemble des acteurs que sont les usagers, les élus et les industriels. »
(Bretel-Deleuze, 2003: 85). Nous avons déjà exposé que le tri au Brésil dépendmajoritairement de la
main-d’œuvre marginalisée des catadores. Malgré l’implantation de la PNRS en 2010, les différents
pouvoirsmunicipaux n’ont pas fait d’efforts vers le changement de cette dynamique de l’industrie de
recyclage (Waldman, 2013 ; Bastos, 2015). Concernant le compostage, une étude de l’IPEA en 2012 a
174
montré qu’en dépit d’une grande participation de la matière organique dans la composition
gravimétrique des déchets brésiliens, le traitement de déchets par le compostage est inexpressif au
Brésil.Seulement1,6%desdéchetsorganiquessontenvoyésaucentredecompostage.
La PNRS met en place le principe de (la) réduction des déchets dans la source et le dépôt final
uniquement pour les rejets ne pouvant pas être valorisés dans les décharges sanitaires. Une logique
semblableàcellemiseenplaceparlespayseuropéens(Nascimentoetal,2015).Toutefois,latendanceà
laglobalisationdesprincipesdelagestiondesdéchetssolidesurbainsprésentedesdéfisauxpays(dits)
« en (voiede)développement ».Lavolontédemettreenplacedesmesuressemblablesauxpays« plus
riches »neprendpasencomptelesspécificitésculturellesetlespolitiqueslocales.Nousavonsuneautre
dynamiquedesacteursàdifférenteséchellesdupouvoir(dunationaljusqu’aumunicipal)etuneforcede
travailabondantedans ledomainedesdéchets,néedes inégalitéssocio-économiquesbrésiliennes: les
catadores.CettecomplexitédepouvoiràplusieursniveauxétanttraduitedanslaPNRSengagel’efficacité
du« potentiel »d’écologisationdecettenouvellepolitique.Decefait,lagestiondesdéchetsauBrésilne
doitpas se réduireà lamiseenplacedesdispositifs techniques telsque la« déchargesanitaire »,mais
doit prendre en compte les aspects sociaux, économiques et politiques de cette gestion (Andrade &
Ferreira,2011).
3.2.2Lesacteursetla« nouvelle »dynamiquelocalededéchetsàRiodeJaneiro:Ladéfaillanced’unmodèlenéolibéral ?
Cette sous-partie présente une cartographie des « nouveaux » acteurs impliqués directement dans la
gestiondesdéchetsurbainsde la régionmétropolitainedeRiode Janeiroaprès lamiseenplacede la
PNRSauniveaufédéraletdu« ProgramaLixãoZero »auniveaude l’ÉtatdeRiodeJaneiro.En2011, le
pouvoir de l’État de Rio a mis en place ce programme, partie intégrante du programme « Pacto pelo
Saneamento ». Dans le « Lixão Zero », l’État rendait disponibles des instruments d’encouragement aux
municipalités pour leur gestiondesdéchets.Unexemplede cet encouragement était lamise enplace
175
d’unsoutienfinancierpourlaparticipationdesmunicipalitésdansdesconsortiumspourledépôtfinalde
déchetsurbainsdanslesdéchargessanitairescommeprévuparlaPNRS214.
L’État « aidait » lesmunicipalités plus précaires dans leur participation dans le blocus du consortium. Il
finançait le paiementdesdépôtsde leursdéchetsmunicipaux auxentreprisesprivées responsablesde
déchargessanitaires.Cetteaideétaità lahauteurdemaximum20Reaispartonnededéchetsenvoyée
auxaterrossanitários.Cetteaideavaituncaractèretemporaireetavaitpourbutd’assister lesvilles les
pluspauvresdanslaphasedetransitionpourcettenouvellegestiondesdéchets.Unautreinstrumentde
supportinscritdansleLixãoZeroétaitl’assistancedel’Étatauxmunicipalitésdanslemontagedesprojets
pour l’assainissementdesdéchargesàcielouvertdéjàferméessur leurterritoire.Letableauci-dessous
montrequ’en2015,97,7%dutotaldedéchetssolidesurbainsfluminensesavaientladéchargesanitaire
pour destination finale. À cemoment-là, l’État prévoyait qu’en 2016, plus aucun déchet généré sur le
territoireneseraitdéposédansdesdéchargesàcielouvert.
Figure34:L’évolutionduprogrammeLixãoZeroconcernantledépôtdedéchetsdansles« aterrossanitarios »Source:Zveibil,2015
Compte tenu de la portée du programme, le Plan de l’État de Rio et le Plan de la ville de Rio pour la
gestiondesdéchetssolidesurbainsontprévulaconcessiondelaconstruction,opérationetentretiendes
214 Ou «CTR» comme intitulé par les pouvoirs municipaux de Rio. «Centrale de Traitement de Déchets» (Centro deTratamentodeResiduos)
176
déchargessanitairesauxentreprisesprivées(SEA,2013;PrefeituradaCidadedoRiodeJaneiro,2015).À
l’égard de la loi fédérale, le plan de l’État prévoit la création de plusieurs blocus des consortiums
intermunicipaux afin de faciliter le paiement de dépôt des déchets aux entreprises responsables du
fonctionnement des aterros. Cependant, comment fonctionne la modalité de concession des services
publics au capital privé dans la Constitution brésilienne ? La concession des services publics délègue à
l’entrepriseprivéelaresponsabilitéd’unservicedontl’Étatestletitulaire.Ainsi,l’entreprisecommenceà
prendre en charge le service au nom de la Mairie (dans le cas des déchets) en ayant des avantages
économiquesetlalibertédel’exploiterpourobtenirdesprofits.
Cependant, si d’un côté elle possède la liberté d’exploitation économique du service, de l’autre, elle
assume la responsabilité entière et les risques face aux usagers du service. Mesquita Junior (2007)
soulignequelacaractéristiquedelaresponsabilitétotaleduserviceparlacompagnieestletraitleplus
important de la modalité de concession de services publics dans la Constitution215.Le régime de
concessiondesservicesdansledomainedelagestiondesdéchetssolidesurbainsestvuparlespourvois
publicsbrésilienscommeunavantagetechnique.Selon lediscoursétatique, laprivatisationdeservices
publicsestbénéfiquepourlapopulationdanslamesureoùilsjugentlesinitiativesprivéespluscapables
d’effectuerunegestiondesdéchetsplusefficaceenmatièretechnique(Figueredo,2013).L’argumentde
la technique « plus avancée » est hégémonique pour justifier la concession du fonctionnement des
déchargessanitairesauxentreprisesprivées.Ainsi,ausujetdecenouveaucontextejuridiquedusecteur,
la configuration des acteurs impliqués directement dans la gestion des déchets dans l’État de Rio est
illustréeparleschémareprésentatifci-dessous.
215Loin.8.987de1995.
177
Figure35:Acteursimpliquésdirectementdanslanouvelledynamiquedetraitementdedéchetsdansl’ÉtatdeRio
Laformationd’unconsortiumentrelesmunicipalitéspermetledépôtdedéchetsdeplusieursvillesdans
une seule décharge sanitaire. Selon le Plan de l’État, la concession du contrat pour la construction et
l’opérationdes« aterros »danslecadreduconsortiumestétroitementliéeàla« villesiège ».Ils’agitdela
ville laplusgrandedans leconsortiumquidevient la responsablede laconcessiondeceserviceàune
entrepriseprivée(SEA,2013b)216.
L’INEA, l’Institut de l’Environnement de l’État est le responsable pour la délivrance des permis
d’environnementauxpour l’installation, laconstructionet l’opérationdesdéchargessanitairesselon les
normes de l’ABNT et du CONAMA217. Ce sont des normes établies pour minimiser les risques
environnementaux et sanitaires du fonctionnement de la décharge. De quoi s’agit-il la délivrance des
permisenvironnementauxparl’INEA ?Premièrement,lespermisenvironnementauxsontdesinstruments
du gouvernement brésilien pour le contrôle environnemental. Tout le projet dont l’activité est
potentiellement polluante ou qui fait usage des ressources naturelles doit subir le processus de
délivrance des permis environnementaux auprès des organes environnementaux du gouvernement
216 Exemple: Dans le consortium régional de la métropole de Rio, pour le dépôt des déchets dans la CTR Seropédica, ladéchargesanitaireremplaçantlelixãodeGramacho,lavilledeRiofigurecommelavillesiègedececonsortium(PrefeituradaCidadedoRio,2015).217ParexemplelanormeCONAMAnumero404.ResoluçãoCONAMAn.404.de11denovembrode2008.Estabelececritériosediretrizesparaolicenciamentoambientaldeaterrossanitáriosdepequenoportederesíduossólidosurbanos.
178
brésilien. Il yadesactivitésdont l’organeresponsablede ladélivrancedespermisest l’organe fédéral,
l’IBAMA218. D’autres projets (la plupart), l’organe public chargé du processus de la délivrance est les
organesenvironnementauxliésàchaqueÉtatdelafédérationbrésilienne.Danslecasdelaconstruction
dedéchargessanitairesàRio,ils’agitdel’organeenvironnementaldel’ÉtatdeRiodeJaneiro,l’INEA.Le
tableauci-dessousrésumelestroisétapesdeladélivrancedespermisenvironnementauxdanslecadre
delaPolitiqueNationalesurl’Environnement.
Tableau13:LesÉtapesduprocessusdedélivrancedespermisenvironnementaux(Licençasambientais)219
Source:MinistériodoMeio-Ambiente,2009;CONAMA,1997220 ;CONAMA,1987221
LePlano Estadual de Resíduos Sólidos prévoit la création de 8 consortiums sur le territoire de l’unité
fédérative de Rio de Janeiro. Les coopératives de catadores rentrent dans cette dynamique dans la
mesureoù àpartir de la fermeturedes lixões (etmêmeavant (la fermeture)), ils se sontorganisés en
coopérativespourcontinuerl’exercicedeleurmétier.Decefait,laPNRSainsiquelePlandel’Étatetde
la ville de Rio pour la gestion des déchets prévoient lamise en place d’une politique de tri au niveau
218 lnstituto Brasileiro do Meio Ambiente e dos Recursos Naturais.La politique Nationale sur l’environnement prévoit leprocessus de délivrance des permis environnementaux par l’IBAMA seulement pour des projets des grande portée ou desactivitésdusecteurpetrolière.219Ilestimportantdesoulignerquel’organeenvironnementalpeutétablirdesmisesengardeparrapportaufonctionnementdu projet. Il peut prévoir des programmes de suiveillance des activités lors de la délivrance du permis d’opération afin deminimiser lesrisquesenvironnemtauxentrainéspar lesactivitésduprojet.Dans ledomainedesdéchets,cesmisesengardesontsouventassociéesauxtypesdedéchetsdeposésdansl’aterro.220ConselhoNacionaldoMeio-Ambiente.Resoluçãon.237de19dedezembrode1997.221ConselhoNacionaldoMeio-Ambiente.Resoluçaon.9de03dedezembrode1987.
179
municipaldans laquelle lescoopérativesdecatadoresontuneparticipation formaliséedans lesystème
public de gestion des déchets urbains. Leur inclusion dans la dynamique de déchets serait ainsi
encouragée et favorisée par les pouvoirs publics municipaux à travers la création des mécanismes
d’action publique (De Souza et al, 2012). Selon le Plan de déchets de la ville de Rio, la municipalité
prétendélargirleurprogrammedetriàtraverslacréationdeplusieurscentralesdetridanslesquellesles
coopérativesseraientresponsablesdeleurgestion(PrefeituradaCidadedoRiodeJaneiro,2015).
Bien qu’il y ait l’encouragement de la PNRS pour lamise en place du tri ; il y avait déjà une panoplie
juridique222auniveaude l’Étatetde lavilledeRioprévoyant lamiseenplacedutridedéchetssolides
associéeà l’inclusiondescoopérativesdes« catadores »dans ladynamiqueavant2010.Baptista (2015)
souligne que les textes de ces instruments juridiques sont très semblables à celui de la loi fédérale
rédigéeplus tard,en2010.Ces textesprévoient lamiseenplacedutrien incluant lescoopérativesde
catadores dans le système officiel de la gestion des déchets de l’État et de la ville de Rio. Malgré
l’existenced’uncadre légalbienstructuréà toutes leséchellesdupouvoir, la littératuremontreque la
réalité du tri à Rio est « handicapée » (Ribeiro et al, 2014). De ce fait, nous avons représenté la
participation des coopératives des catadores dans la dynamique de déchets avec une flèche pointillée
dans la figure ci-dessous puisque la littérature montre que les coopératives continuent à être
marginaliséesdanslagestiondesdéchetsurbains(Bastos,2015 ;Gouveia,2012,Baptista,2015).
Lemanqued’intégrationdescoopérativesdanscesystèmeestdûàplusieursenjeuxd’ordrepolitiqueet
économique. Premièrement, les municipalités ne mettent pas en place l’infrastructure logistique
nécessaire pour la réalisation du tri. De ce fait, les déchets urbains ne sont pas triés ni récoltés
séparément pour leur envoi aux centrales de tri (Baptista, 2013a). Deuxièmement, concernant la
participationdescoopératives,celles-ciprésententdeuxproblèmes:ellesreçoiventtrèspeudematériel
en raison de l’absence de tri et elles ne possèdent pas les ressources logistiques nécessaires pour
récupérerlesmatériauxàlasource(Baptista,2013:Bastos&Magalhaes,2017 ;Waldman,2013).
222Dansl’Annexedelathèse,ilyauntableauavecunelistedesinstrumentsd’actionpubliquedel’ÉtatdeRioainsiquedelacapitale de l’État pour la mise en place du tri et l’encouragement de l’inclusion des coopératives de catadores dans ladynamiquelocaledegestiondesdéchetsavantlaPNRS.
180
Lescoopérativesdel’ÉtatdeRiorestentensituationdepénurieenraisondumanqued’investissement
(Baptista,2015 ;Bastos,2017). Le rapportdepouvoirde ladynamiquede lagestiondesdéchetsàRio
(pouvoirspublics-entreprisesprivées)neprendpasencompteletravaildecoopératives.Contrairement
àcequiaétéprévuparlaPNRS,iln’yapaseudecréationdemécanismesmunicipauxpourleurinclusion
danslagestiondesdéchets.Cetteréalitémarginaledescoopérativestraduitl’idéequ’àpartlanécessité
d’avoir une politique (« policy »), des arrangements politiques spécifiques (« politics ») au niveau local
deviennentnécessairespourrendrepossiblelaconcrétisationdelaloifédérale.Lesauteursmettenten
lumière l’apparition d’un « implementation gap » des instruments de la PNRS et la réalité actuelle des
coopérativesdesancienscatadoresdans l’ÉtatdeRio. Lesgrandsacteursde lagestiondesdéchetsde
l’ÉtatdeRion’intègrentpaslescatadoresdansleurdynamique.
Pourtant, leur rapport traduit par le modèle de concessions de décharges sanitaires a montré ses
défaillancesquelquesannéesaprèslacréationduLixãoZero.Malgrélesavancementsduprogrammeen
2015concernantlafermeturededéchargesàcielouvert,àpartirdecettemêmeannéelegouvernement
del’Étatacommencéàfairefaceàunegravecriseéconomiquequiperdurejusqu’àaujourd’huiencore.
En raison de la baisse des « royalties » du pétrole223 dans le marché international et des failles dans
l’administration des comptes publics224, L’État entre dans une grave crise économique à la veille de la
réalisationdesJeuxOlympiquesde2016(BBC,2016).Celaculminedanslapublicationd’undécretdansle
DiárioOficial225du17 juin2016dans lequel le gouverneurannonceofficiellement la criseéconomique
danslescoffrespublicsdel’État(DiarioOficial,2016).
Lacrisefinancièrede l’ÉtatdeRiocaractériséeparun« étatdecalamitépublique »aentraînéplusieurs
conséquencesnégativesdanslesdomainesdel’éducation,delasantéetdelasécuritépublique.Faceà
un scénario économique et politique catastrophique, plusieurs programmes en marche ont été
interrompus ou ont subi (et subissent encore) des difficultés pour continuer à fonctionner (Estadão,
2017 ;CartaCapital,2017).Lacriseaaussiimpactéledomainededéchetsenrestreignantlebudgetpour
leprogrammeLixãoZero(Zveibil,2015).
223L’ÉtatpossèdeunegranderéservedepétroleàlaquelleunegrandepartiedesonPIBestliée.224Celaestliéàplusieurscasdecorruptiondanslahauteadministrationpubliquedel’État.225Lapresseofficielledespouvoirspublicsbrésiliens.
181
Actuellement, en raison de la crise économique de l’État, lesmunicipalités rencontrent des difficultés
pour le paiement de l’envoi de leurs déchets aux décharges sanitaires. Selon un reportage du journal
OGlobode2017,plusieursmunicipalitésontinterrompuleurprocessusdetransitiondereplacementde
dépôtdansleslixõesverslesdéchargessanitairesenraisondumanquedebudgetdel’aidedel’État.Ilya
aussicertainesmunicipalitésayantdéjàprocédéaudépôtdedéchetsdanslesaterros,maisenraisonde
la crise elles ont décidé de reprendre le dépôt dans des décharges à ciel ouvert pour « faire des
économies »(telestlecasdelavilledeResende).Uneautreconséquencedel’impactdelacrisedansle
domainededéchets,cesont lesvillesquiaccumulentdesdettesavec lesentreprisesresponsablesdes
aterros sanitários et sont empêchées d’y déposer leurs déchets (le cas de la ville de Belford Roxo)
(OGlobo,2017 ;OExtra,2016).
La ville de Rio a une dette à hauteur de 18 millions de Reais envers la CTR Seropédica226, ainsi que
plusieurs villes de la régionmétropolitaine de l’État (OGlobo, 2017). L’étude annuelle de l’ABRELPE a
montré qu’en 2016, le pays a augmenté le dépôt de déchets dans les décharges à ciel ouvert. Une
donnéequivadanslesensopposéduprocessusmisenplaceparlaloien2010(ABRELPE,2016).Cette
augmentationaétéperçuenotammentdanslarégionSud-Estoùlesdépôtsdesrésidusurbainsdansles
déchargessanitairesontsubiunebaisseentre l’année2015et l’année2016.Encontrepartie, ilyaune
augmentation des dépôts dans les aterros controlados et les lixões comme nous le voyons dans le
graphiqueci-dessous.Lacartequisuit legraphiquemontre lesmunicipalitésde l’ÉtatdeRiopossédant
desdéchargesenfonctionnementen2017.CettecarteestissuedureportagespécialdujournalOGlobo
sur l’impact de la crise dans l’augmentation de l’opération des décharges à ciel ouvert malgré les
programmesLixãoZeroetlaloiPNRS.Àcausedelacrise,entre2015et2017,l’Étatapresquedoubléle
nombredeslixõesenfonctionnementdanssonterritoire.Ilestpasséde17enfonctionnementen2015à
29en2017(OGlobo,2017).Enbleu,nousvoyons lesvilles faisantusagedes lixõespourdéposer leurs
déchetsurbains.LacarteprécisequelavilledeBúziosmenaçaitde« rouvrir »sadéchargeàcielouverten
raisondumanquedebudgetpourpayerledépôtdanslesaterrossanitários227.
226 Décharge sanitaire ayant remplacé le «lixão de Gramacho». Objet d’un consortium intermunicipal de la régionmétropolitaine.CettedéchargereçoitlesdéchetsurbainsdetoutelavilledeRioetd’autresvillesdelamétropole.(PrefeituradaCidadedoRiodeJaneiro.2015).227 Il précise également que la ville de Angra dos Reis utilise une décharge à ciel ouvert pour le dépôt d’une partie de sesdéchetsainsiqu’unedéchargesanitairequipossèdeunePermisEnvironnementaled’Opérationémisparl’INEAexpiré.
182
Figure36:ScénariodedépôtdedéchetssolidesurbainsdelarégionSud-esten2016
Source:ABRELPE,2016
Figure37:Municipalitésdel’ÉtatdeRiopossédantdesdéchargesàcielouvertenfonctionnementen2017
Source:OGlobo,2017.
La crise dans ce domaine est étroitement liée aumodèle de concessions des services publics pour la
gestiondesdépôtsdéfinitifsdesdéchets.Avantlamiseenplacedelaloi,nousavonsmontréaudébutdu
chapitrequedans leSud-estbrésilien, la concessiondes servicespublicsde lagestiondesdéchetsaux
183
entreprisesprivéesétaittrèscourante.AprèslamiseenplacedelaPNRSauniveaufédéral,l’ÉtatdeRioa
adoptécettemodalitédegestiondedestinationfinalededéchetsurbainsdanssonPlandeGestiondes
Déchets(SEA,2013).
Toutefois, le côté pervers de l’administration privée d’un service public dans le cadre du régime de
concession résidedans le faitque le servicedépenddes intérêtséconomiquesdesentreprisesprivées.
Autrementdit,leservicerisqued’êtretoujoursassujettietguidéàtraversl’objectifd’apporterduprofità
l’entrepriseencharge.L’empruntdecemodèledegestiondesdéchetsmisenplacedansplusieurspays
européenspeutapporterdescontroversesdansladynamiquedetraitementdesdéchetsbrésilienne.Le
paiement de la part de mairies aux entreprises par chaque tonne de déchets envoyée aux aterros
sanitáriosfigurecommel’aspect« déclencheur »delalogiquemarchandeetperversederrièrelagestion
desdécharges.
En réalité, avoir plus de volume de déchets enterrés dans les aterros sanitários réveille l’intérêt
économiquedesentreprisesànepasconsidérerlerecyclagecommeunealternativepourlavalorisation
dedéchets(Andrade&Ferreira,2011).Cesintérêtsprivéssontprisencomptedanslerapportentreles
pouvoirsmunicipaux et entreprises privées créant ainsi des « lobbyings » dans le domaine des déchets
(Figueredo,2013).Magera(2003)soulignequeceslobbyingsapparaissentdanslamesureoùcesgrandes
entreprisesd’ingénieriefigurentaussicommelesplusgrandesdonatricesdefondspour lescampagnes
politiques des candidats pour l’administration municipale de villes brésiliennes. De ce fait, la mise en
place d’une politique de valorisation de déchets efficace au niveau municipal comme prévue par la
politiquenationalepeutmettreàmal les relationset intérêts locaux.Cette logique impacte fortement
l’insertiondescoopérativesdescatadoresdansl’industriedesrecyclables.
Lanécessitédefaireprofitpeutameneràuneinefficacitéenvironnementaledelagestiondesdéchetsà
RiodeJaneiromalgré lesnouveauxprincipesmisenplacepar la loiPNRS.Celadit,AndradeetFerreira
(2011)mettentenperspectivecommentuncourantnéolibéraldelagestiondesdéchetsnepeutpasêtre
appropriéàunpayscommeleBrésil.Lagestiondesdéchetsurbainssolidesdoitêtreadaptéeauxaspects
politico-sociaux de chaque pays. Une politique de gestion des déchets qui délègue l’efficacité
environnementaledesservicesauxseulesforcesdumarchépeutsemontrerinefficacedansunesociété
possédant des inégalités structurantes comme la société brésilienne. Cemodèle pourrait figurer idéal
184
dans ledomainededéchets s’iln’existaitpasun rapport trèsétroitentre lesmairieset lesentreprises
formant ainsi des cartels. Si ces rapports n’amenaient pas à desmanœuvresdes corruptions entre les
acteurs publics et privés. Et finalement, si les domaines de déchets au Brésil n’hébergeaient pas une
grandemassedetravailleursmarginaliséecommecelledescatadores.Cescaractéristiquesdudomaine
révèlentdéjàlanécessitéd’actiond’unÉtatrégulateurdansl’applicationdesprincipesdumarchédansle
traitementdesdéchets(Crouch,2016 ;AndradeetFerreira,2013).Pourtant,cemodèlenéolibéralpeut
s’avérerperversdansunegestiondesdéchets réguléeparunÉtat« néo-développementaliste »etplus
spécifiquement,encrise.
3.2.3Leméthaneoul’ordedéchets ?QuandlesaterrossanitáriossontencouragésàintégrerleMécanismedeDéveloppementPropre
Étant donnéque lemodèlenéolibéral de la gestiondes décharges sanitaires est devenu lemodèle en
vigueurdansl’ÉtatdeRio,laparticipationauMDPpourl’obtentiondescréditsC02àtraverslacaptation
du biogaz s’est développée et est devenue une pratique courante. En effet, lemécanisme a ouvert la
possibilitéauxentreprisesprivéesd’avoiruneautresourced’augmentationde leurchiffred’affairesen
plusducontratdeconcessionaveclesmunicipalités.Danslecadrejuridiquedelaconcessiondesservices
publics, le chapitre1 de la loi sur les Concessions et Prestations de Services Publics prévoit que
l’entrepriseresponsabled’assurerleserviceestentièrementlibrepourl’exploiteréconomiquement(Casa
Civil,1995).Àl’égarddececadrelégal,ilyadanslalittératuresurleMDPdansledomainedesdéchets
auBrésilquelquesanalysesscientifiquesmontrantcommentl’exploitationdubiogazdesdéchargespeut
s’avéreruneopportunitééconomiquepourlesentreprises.Cesanalysesseregroupentnotammentdans
lesdisciplinesdel’ingénierie,dessciencesdelagestionetdel’économie.Lesanalysessur leMDPdans
lesdéchargessanitairespossèdentdescaractéristiquestrèstechnicistesetéconomiques.Lesproductions
scientifiquesàcepropossuiventunelogiquenéolibéraledecommentleMDPpourraitêtremisenœuvre
de sorteàêtreplusavantageuxéconomiquementetefficacepour les« nouveaux » responsablesde ce
servicepublic.Enréalité,nousretrouvonsdescontroversesdéjàdanslarevuedelittératureoùonnote
peuderéflexioncritiquesurleséventuelseffetssociauxdel’implantationduMDPdanslaréalité.
185
L’omniprésenceduprincipequeleMDPfigurecommeunavantageéconomiquemasqueuneabsencede
débatpouvantêtreprésentdansundomaineaussichargédecontroversesetd’inégalitésqueledomaine
dedéchets.Decefait,Waldman(2013)résumebrièvementleMDPcommeuneaideinternationalevers
un changement technique de la gestion des déchets à travers la réduction des émissions de CH4.
Cependant,ilsoulignequecemécanismeserelèveêtreuneassistancesanscompromisaveclaréalitéde
la gestion des déchets au Brésil. Il s’avère être une aide technique très généreuse aux agents
économiques de cette gestion sans prendre en compte directement les aspects sociopolitiques de ce
domaine.
En revenant sur la littérature duMDP appliquée au secteur de déchet brésilien, des auteursmettent
l’accent sur la viabilité économique228 de mise en place des projets MDP de captation de biogaz de
décharges en raisonde son coûtd’investissement trèsbas (Oliveira&Rosa, 2003 ; Landim&Azevedo,
2006 ; Mesquita & Junior, 2007). Ils démontrent comment l’adoption du MDP peut s’avérer un
amortisseurdescoûtsdesinvestissementsdelaconstructiondesdéchargesetdelamiseenplacedela
torchèreetdelaproductionénergétiqueàpartirduméthane.Ilestconvenuderappelerquelatorchère
(leflaredubiogaz)faitdéjàpartiedelastructureinitialedelaconstructiond’unedéchargesanitaireau
Brésil telle qu’elle est prévue par les normes de l’ABNT.Ainsi, sa construction n’est pas directement
associéeauMDP.Enmatièretechnique,commentfonctionne-t-illacapturedebiogazdedéchargesdans
lecadreduMDP ?
Lamiseenplacedusystèmedecanalisationdanslescellulesdeladéchargepourlacaptationdubiogaz
transforme le flaring en une pratique associée au projet de la décharge en soi dans les normes
brésiliennes. De ce fait, lors qu’il n’y pas de génération énergétique, elle continue à exister. Son
fonctionnement technique est indépendant de la production énergétique. Cependant, le contraire ne
s’applique pas. Pour avoir une production énergétique à partir du biogaz, il est indispensable d’avoir
l’équipementdelatorchère.Enfait,danslaproduction,latorchèresertàrégulerlaquantitédebiogazà
transformer en énergie. Elle régule l’excès de gaz capturé.De cettemanière, dans le cas d’arrêt de la
228Ilestintéressantdesoulignerquedanslelexiquedesingénieursetdeséconomistes,montrer«laviabilitééconomique»duMDPdansundomainespécifiquecorrespondaufaitquel’obtentiondescréditsCO2duprojetpuisseapporterdesavantageséconomiquesauxresponsablesduprojet.Autrementdit,la«viabilitééconomique«signifie»queleretoursurinvestissementenformesdecréditsesttrèsintéressant.Ainsi,nousallonsutiliseréventuellementl’expression«viabilitééconomique»pourfaireréférenceàlacapacitéd’unprojetMDPdesgénérerdesprofits.
186
productionénergétique, la torchèrea toujours sa fonction régulatricedans lamesureoùelleempêche
que le biogaz reste dans les tuyaux. Il faut qu’il y ait un flux continu dans la captation du gaz. Cela
empêcheégalementqu’il soitémisdirectementdans l’atmosphère.Les figuresci-dessousmontrent les
possibilitésderéductiondesémissionsdesdéchargesdanslecadredelaCCNUCC.
Figure38: IllustrationduscénarioderéférencedesémissionsdebiogazdanslecadredelaméthodologieACM0001
229. Source:CDMMethodologyBooklet,2016.
Lafiguremontrelescénarioderéférence(baselinescenario)danslecasoùiln’yaaucunéquipementde
capturedubiogazdansladécharge.Ilmontrequecegazserait libérédansl’atmosphèreetunegrande
quantité deméthane serait dégagée puisque le biogaz estmajoritairement composé du gazméthane
(CH4).Tandisquelafigureci-dessousmontrelespossibilitéstechnologiquesdecapturedebiogazéligible
danslecadreduMDPpourlaréductiondesémissionsGES.Unefoiscapturé,lebiogazpeutêtre« brulé »
par la torchère, après le flaring, il se transforme en oxygène (O2) et gaz carbonique (CO2). L’autre
possibilité est sa transformation en énergie électrique comme une source d’énergie thermique. La
dernière possibilité de valorisation de gaz configure sa transformation en gaz naturel. Le gaz naturel
provenantdesdéchargespeutremplacerlegaznaturelorigineldescombustiblesfossiles.
229 La methodologie ACM0001 s’agit de la méthodologie la plus utilisée dans les projets MDP de capture de biogaz dedécharges.
187
Figure39: IllustrationduscénarioderéductiondesémissionsdeGESaprèslamiseenœuvredelaméthodologie ACM0001.
Source:CDMMethodologyBooklet,2016.
Des aspects liés aux caractéristiques des déchets influencent directement la production du biogaz. La
productiondecelui-ciest liéeàdesvariablescomme: l’âgedesdéchets, latailledesdéchets(leurétat
physique), le niveau d’humidité de l’environnement de dépôt des déchets (et du déchet « en soi »), la
températureainsiquelacompositionet laquantitédelamatièreorganiquecontenuedans lesdéchets
(MinistériodoMeio-Ambiente,2017)(BritoFilho,2005).Cesvariablesaltèrentlaquantitédeméthanese
trouvantdans lacompositiondubiogaz.Lesexpertss’appuientsurunmodèlemathématiqueintitulé la
« Productionthéoriquedubiogaz »pouravoiruneprévisionsur laquantitéd’émissiondebiogazévitée.
Lesrésultatsdecemodèlepermettentlemontaged’unprojetMDPpuisqu’ilcalculelepotentielmontant
descréditscarboneproduits.Celafacilitelaprospectionduprojetàdespotentielsacheteursdecrédits.
Puisquelebiogazestproduitàpartirdeladécompositiondesdéchets,cemodèleprendencompteles
variablesmentionnéesci-dessusetlescaractéristiquesgénérales230desdéchetssolidesurbainsbrésiliens.
Cesaspects réunispermettent lesexpertsàévaluer lespossiblesavantageséconomiquesapportéspar
l’adoptiondumécanismedès lorsqu’ilsontuneestimationde laproductiondebiogazd’unedécharge
sanitairespécifique.
230Composiçãogravimétrica.
188
Dernièrement, un autre aspect qui influence le calcul des créditsCO2 est l’efficacité de la torchère
(« flaring »). Cette efficacitéde combustiondubiogaz varie selon le typed’équipementde flaremis en
place. Elle est calculée àpartir du volumedebiogaz recueilli etmultipliépar les fractionsdeméthane
normalementprésentesdanslebiogazdecettedécharge.Ainsi,ilestpossibledecalculerlevolumenet
deméthanebrûlépourensuiteconnaitrelaquantitéréelledescréditsCO2produite231(DeSouza&Faria,
2011).Ilestimportantderappelerqueleméthaneestungazquicontribueplusàl’effetdeserrequele
CO2.
Toutleprocessusdevérificationdelaquantitéexactedeméthaneévitéeestpossibleseulementàtravers
des plans de suivi (« monitoring plans ») très réguliers. Lesmonitoring plans sont une exigence de la
CCNUCCafindecertifier laquantitéexactedecréditsquicorrespondà laquantitéd’émissionsévitées.
Lesplansdesuiviserventégalementàcontrôlerrégulièrementlanécessitédel’existenceduprojetselon
d’éventuelschangementsdanslescénariodebase.Si,éventuellement,pendantladuréedevieduprojet
deNovaGerar, est promulguée par le gouvernement brésilien une loi obligeant la captation de biogaz
dans les décharges, l’émission de crédits certifiés s’arrête automatiquement. Ainsi, pour réaliser les
« plans de suivi » et éviter de possibles fraudes dans le MDP, il est nécessaire d’avoir un organisme
extérieur (une entreprise privée) certifié par la CCNUCC afin de valider le fonctionnement et la
certificationdescréditsduprojet.
Enrevenantsurlatechnologiederéductiondesémissionsparlatorchère,samiseenplaceestsouvent
prévue dans les contrats de concessions et ne correspond pas à une initiative prise uniquement pour
participer au MDP232 (Landim & Azevedo, 2006). Un autre facteur rendant possibles les avantages
économiques de la captation du biogaz des décharges est la composition gravimétrique des déchets
solides urbains au Brésil. Plus de 50% des déchets enterrés dans les décharges sont composés de
matièresorganiques.Étantdonnéquelaformationdubiogazrésultedeladécompositiondelamatière
organique, il y a un grand volume du biogaz susceptible d’être converti en créditsCO2 (Mesquita &
Junior,2007).LedomainededéchetsseprésentecommeunsecteurtrèsémetteurdeGESavecungrand
231Ilestimportantdesoulignerquelaquantitédeméthaneprésentedanslebiogazpeutvarierde45%à60%.LeméthaneetleCO2constituent99%dutotaldesgazcomposantlebiogaz.232Al’exceptiondelatransformationdubiogazenunesourceénergétique.Cependant,pourcela,ilsefaitaussinécessairelamiseenplacedelatorchèreavantlaproductionénergétique.
189
potentiel de réduction auBrésil (Torres et al, 2016). Compte tenude cette « viabilité économique », le
MDPest souventpointécommeunvecteurde financementdesprojetsdeconstructiondesdécharges
sanitaires au Brésil en raison de son pouvoir attractif pour les entreprises privées « gagnantes » des
contratspublics.
Cette promotion de la « viabilité économique » duMDP à partir de la génération des crédits se trouve
aussidanslesactionspubliqueslocalestellesquele« PlanoEstadualdeResíduosSólidos »(PERS)deRio
(Garcia,2010).Àl’échellenationale,laPNRSnementionnepasdirectementlaparticipationauMDP,mais
elle encourage lamise en place d’équipements techniques pour la production énergétique à partir du
biogazdanslesdécharges233(Brasil,2010).Ilesttrèsimportantdemettreaccentsur« l’encouragement »
et pas une « obligation ». Le fait que la loi emploie le mot « peut » ne caractérise pas l’imposition à
l’utilisationdecettetechnologie.Decefait, lesprojetsMDPbrésilienspeuventtoujoursdémontrerleur
« additionalité » vis-à-vis de la CCNUCC. Il est utile de rappeler que l’imposition d’une pratique de
réduction de GES par une loi locale annule « l’additionalité » d’un projet et par conséquent, son
approbation.
Encontinuantdanscesens, l’encouragementpublicà lamiseenœuvreduMDPcommeuninstrument
deretourd’investissementseconfirmeetsefaitplusprésentàl’échelledel’ÉtatdeRioauseinduPlan
de gestion des déchets. Le Plan consacre une partie de son volume6 pour détailler des instruments
économiqueset techniquespour lamiseenplaceduMDPdans lesdécharges. Leplan fait une check-
listde la« viabilité techniqueetéconomique »de l’implantationduMDP. Le tableauci-dessousmontre
quelquespointsabordéssurcettecheck-listexposésdanslePERSdeRio.
233Chapitre1,art9,paragraphe1:“Poderãoserutilizadastecnologiasvisandoàrecuperaçãoenergéticadosresíduossólidosurbanos, desde que tenha sido comprovada sua viabilidade técnica e ambiental e com a implantação de programa demonitoramentodeemissãodegasestóxicosaprovadopeloórgãoambiental”.
190
Tableau14:Pointssurlafaisabilitétechniqueetéconomiquepourl’adoptionduMDPdanslesdécharges,démontréesdans
lePlanoEstadualdeResíduosSólidosdel’ÉtatdeRio.Source:SEA,2013c.
Enréalité,lespouvoirsdel’Étatetdesvillesfigurentcommelesresponsablesdel’encouragementdirect
delamisedelaplacedumécanismeàtraversleursplansdegestiondesdéchetsrespectifs.Celafigure
commeunemanœuvredelaPNRSdedéléguerauxautreséchellesdupouvoirlesmodalitésd’exécution
decesinstruments.S’agissantdelaquestiondutri,laloifédéraledonneseulementlesdirectivespourla
réduction des émissions des décharges et l’adoption des technologies propres. (Garcia, 2010).
Cependant, nous voyons un fort encouragement étatique au capital privé pour l’adoption de ce
mécanismedemarchécommeuneformederécupérationsdescoûtsd’investissementspourlesservices
rendus au sein de décharges (Mesquita & Junior, 2007). En vue de cet encouragement, le projet
NovaGerardeRio,lepremierprojetMDPenregistréaumondedansledomainededéchets,estsouvent
présentéparlesacteurspublicsetprivéscommeunmodèleàsuivrepourlesautresdéchargessanitaires
dans l’État. L’avantageéconomiqueduMDPestmis en lumièrepuisqu’il peut seprésenter commeun
instrumentdelaconcrétisationdela« durabilitéenvironnementale »danslagestiondesdéchetssolides
urbains au Brésil (Souza & Ribeiro, 2009 ; Felipetto, 2007, Segreti & Brito, 2007 ; Pereira & Gutierrez,
2009).
La Rovère et al. (2005) et Dubeux & La Rovère (2007) associent cet avantage économique du MDP
commeunmoyenà lacontributiond’uneaméliorationsocialeetenvironnementalepour lapopulation
localeàRio.EnfonctiondupotentieldudomainededéchetsàgénérerungrandvolumedescréditsCO2,
ces auteurs indiquent que, idéalement, le MDP peut s’avérer un vecteur de développement local.
Toutefois,Costa-Junioretal(2013)mettentenperspectivelanécessitédelacréationdemécanismespar
191
les pouvoirs publics pour s’assurer que le grand volume de créditsCO2 issus des décharges sanitaires
puissebénéficierauxcommunautéslocalesenprécarité.Celadit,l’analysedelamiseenœuvreduMDP
dans ce domaine est fondamentale pour vérifier si l’instrument est capable de minimiser certaines
inégalitésinhérentesàcedomaine.Ous’ilnourritseulementunelogiquenéolibéraledéjàinstalléedans
cedomaineàRiodeJaneiro.
192
CHAPITREIV:UNEANALYSESOCIO-ANTHROPOLOGIQUEDELAMISEEN
ŒUVREDUMÉCANISMEDEDÉVELOPPEMENTPROPREDANSLES
DÉCHARGESÀRIODEJANEIRO
Ce chapitre est dédié à expliquer et à démontrer le processus méthodologique de la thèse. Nous
présentons d’abord comment la sociologie critique a été choisie comme approche épistémologique.
Ensuite, nous234 décrivons notre démarche hypothético-déductive pour ainsi expliquer l’arrivée à la
problématique de lamise enœuvre duMDP dans le secteur des déchets au sein de l’État de Rio de
Janeiro.Dans ce chapitre, nousexposonségalement lesoutils de recueil desdonnéeset les limitesdu
terrain.Finalement,nousdiscutonsleprocessusd’analysedesdonnéesdesentretiens.
4.1LASOCIOLOGIECRITIQUECOMMEAPPROCHEÉPISTÉMOLOGIQUE
Pourmieux comprendremon choix épistémologique, il est tout d’abordnécessaire de remonter à des
momentsquiprécèdentlathèse.L’objetdecetterechercheestnéàpartird’unmémoiredeMaster2des
ÉtudesLatino-Américainesdatantde2012.Danslecadredecemaster,j’aieffectuéunstageauseindu
CentreNationalde laRechercheScientifique(CNRS)dansunprojet intitulé«TrajectoiresEnergétiques
dans les RégionsMétropolitaines du Sud 235».Mamission durant ce stage était d’identifier les projets
MDPdansl’ÉtatdeSãoPauloetdeconstruireunebasededonnéesdel’ensembledesprojetsexistants
dans cetÉtat.Cettebasecomportaitdifférents typesd’informations sur le fonctionnementdesprojets
telsque:LesProjectOwners, lestypesdetechnologiesmisesenplace, lesméthodologiesderéduction
desGES,laquantitédeCO2évitée,laduréedeviedesprojets,lesfinanceurs,lesentreprisesacheteuses
descrédits,etc.Ainsi,lorsdemonmémoire236,j’aipuprésenteruneanalysesynthétiqueduscénariodu
234Ilestimportantdesoulignerquedanscechapitre,ilyadesmomentsoùnousvoyonsl’utilisationde«je»oude«nous»pourexpliquerchaqueétapeet/oudécisionméthodologiquedelarecherche.Enréalité,quand«je»apparaît,ilfaitréférenceaux actions queNatalia en tant que doctorante a fait. Lors de l’emploi du pronom «nous», il s’agit des décisions /actionsnégociésetréfléchiesensembleavecmesdeuxdirecteursdethèse(Marie-ChristineZelémetCarlosSaldanhaMachado).Ilestpertinent d’expliciter cette séparation puisqu’il l’approche de la sociologie critique porte sur une relation bilatérale entrechercheuretobjet,oùlasubjectivéjoueunrôledansl’appropriationetchoixdel’objetderecherche.235Ceprojetvisaitàanalyserlechangementdusystèmeénergétiquedansleséconomiesenfortecroissanceéconomiquedans7régionsmétropolitainesprincipalesdespaysduSud(SãoPaulo,BuenosAires,NewDelhi,Durban,LeCap,RiodeJaneiroetMumbai).236L’intitulédemonmémoireest :“LemarchéducarboneauBrésil:Uneanalysedesacteursetdestendancesd’unmarchéémergent”.
193
MDPdansl’ÉtatdeSãoPauloconstruitàpartirdecettebasededonnéesetdesentretienstéléphoniques
aveccertainsresponsablesdesprojets.
Lafinalisationdemonmémoireétaiten2012,aumomentexactdurenouvèlementdel’engagementde
réductiondesémissionsduProtocoledeKyoto.Cetengagementaétérenouvelé(pour)jusqu’à2017.Les
conclusions présentées à la fin de mon mémoire nous ont montré que les technologies les plus
implantéesdanslecadreMDPnecorrespondaientpasauxsecteurslesplusémetteursdeGESauBrésilni
dans l’État de SãoPaulo.À cettepériode, les prix des créditsCO2, qui n’étaient pas attractifs pour les
investisseurs,contribuaientàaugmenter l’incertitudedumarchéetde l’avenirdutraité.Toutefois, lors
desentretienstéléphoniquesaveclesacteurs,malgréla« présence »d’unecrise,lemarchéducarbonese
montraitunnouveaumarchétrèsprometteur.Lesacteurséconomiquesexprimaientlapossibilitédesa
consolidationauniveauinternational,etaussiauniveaunational.
De ce fait, aprèsmonmaster, cette politique environnementale globale de réduction des émissions à
traverslemarchéasuscitémacuriositéscientifiqued’allerplusloindanssonanalyse.Lasociologieétant
maformationinitiale,j’aidécidédecommencerunethèsedesociologieen2013aveclemêmeobjet:Le
MDP.Pourtant,au lieudecontinuerdans l’ÉtatdeSãoPaulo, j’aidécidéquemonanalyseporteraitsur
l’ÉtatdeRio,chezmoi,etunÉtatenpleinevisibiliténationaleetinternationaleàcetteépoque,enraison
delaréalisationdesjeuxolympiquesde2016.LeBrésilestunpayslatino-américaindontlagenèsedela
sociétéestmarquéepardesmécanismespolitiquesd’exclusionrésultantd’unehistoiredecolonisationet
l’esclavage. Au cours du XXe siècle, le Brésil a également entrepris un processus de «modernisation
économique » à travers la mise en place de différents types de programmes politico-économiques.
Toutefois,nousassistonstoujoursà(l’existencedes)degrandesinégalitéssocio-économiquesn’étantpas
résolues (voire renforcées) par la mise en œuvre des programmes « développementalistes » et
néolibéraux(Rouquié,1987).Ainsi,monregarddesociologuelatino-américaine,brésilienneetcarioca237
me « disait » que la mise en œuvre des projets MDP à Rio de Janeiro devrait se réaliser avec des
controverses,trèscommunesàunesociétéaussiinégaletellequelasociétébrésilienne.
237NomdonnéàceuxétantnésdanslavilledeRiodeJaneiro
194
Ce« bagage »critiquedelasociétédanslaquellej’étaissocialiséem’empêched’analyserlamiseenœuvre
duMDPavecunregard« neutre »,selonl’idéaldurkheimiendel’empruntdelaneutralitéscientifiquedes
sciences naturelles aux sciences sociales (Berthelot, 2012). Cette position épistémologique de
« désubjectivation » de sciences sociales a créé un « nœud » épistémologique, comme dit Berthelot
(1999), plaçant la discipline de la sociologie sous le « parapluie » d’un prétentieux « objectivisme
scientifique ». Ce « nœud » se caractérise par la création d’un carrefour des différents courants
épistémologiquesquisontapparusàlafinduXIXesiècle,etaumilieuduXXesiècle,époquequalifiéede
post moderne. Le courant post-moderne envisageait le rétablissement de la prise en compte de la
subjectivité comme partie indissociable des démarches scientifiques au sein des sciences sociales
(Berthelot, 2012). Par conséquent, la sociologie critique de Bourdieu fait partie des courants qui ne
conçoiventpaslasociologiecommeunchampscientifiquedésassociédelasubjectivitéhumaine.
Ainsi,lafonctionréflexiveetexplicativedelasociologiecritiquefaitappelàlaréflexivitéduchercheuren
tantqu’acteursocial.Ladimensionde« dénonciation »dusociologuecritiquedevientpossibleseulement
grâceàlafaçonobjectivedontilareconstruitlaréalitésocialeenquestion.Eneffet,sanslascientificité
de ladiscipline, le« consensusgénéral »et les rapportsde forces seraientdifficilementdévoiléspar les
acteursquinepossèdentpaslesinstrumentsscientifiquespourlarecherchesociale(Accardio,1997).En
empruntantlesmotsdeBourdieu(1984):«Lesarmesdelacritiquedoiventyêtrescientifiquespourêtre
efficaces »(p.24).Enfait,Bourdieu(1984)soulignaitàplusieursreprisesquecontrairementauxsciences
dures,lascientificitédelasociologieétaittoujoursremiseenquestionenraisondesoncaractèrecritique
pouvantêtreassociéàladimensiondesubjectivitédusociologue.
Toutefois, en sciences sociales, nous ne pouvons pas abandonner la subjectivité du chercheur qui
constitue,d’ailleurs,unepiècedéterminantedanslarechercheensociologie.« C’estdire,unefoisencore,
queletypedesciencesocialel’onpeutfairedépenddurapportquel’onentretientaveclemondesocial,
doncdelapositionquel’onoccupedanscemonde.Plusprécisémentcerapportaumondesetraduitdans
lafonctionquelechercheurassigneconsciemmentouinconsciemmentàsapratiqueetquicommandeses
stratégiesderecherche:objetschoisis,méthodesemployées,etc. ». (Bourdieu,1984:26).Ainsi,dans le
cadredemarecherche,lefaitd’avoirétudiéleMDPauBrésil,liéaufaitd’êtrebrésilienne,etdeRiode
Janeiroafortementinfluencélaconstructiondel’objetetlechoixdecontinueràétudiercetinstrument
dansl’ÉtatdeRiodeJaneiro.
195
Le choix d’une approche de la sociologie critique est aussi le résultat demon regard réflexif envers la
sociétébrésilienneétantdonnéquejesuis issuedecequel’onconsidèrecomme« laclassemoyenne »
auBrésil.Malgré cela, la classificationde « classemoyenne » est un concept très « flexible »238 pouvant
perdre son sens ou être « mal placé » conceptuellement selon le changement de critère de ce qui
« constitue »ladéfinitiond’uneclassemoyenne(Ceri&Salata,2012).Decefait,danslaréalitédespays
de l’Amérique latine, comme Fernandes (1975) le soulignait dans les années70, la stratification de la
sociéténesereproduitpasdelamêmefaçonqu’enEuropeenraisondelamanièredontlecapitalisme
s’estdéveloppéets’estinstitutionnalisédanslespayslatino-américains.Parconséquent,laclassification
delasociétédanslesclassessocialess’avèretrèscomplexe.Les« classessociales »possèdent,donc,de
fortes contradictions à en leur sein puisque cette classification s’enchevauche à d’autres types de
formations de groupes sociaux. Ainsi, à titre d’illustration, un groupe d’individus dit « privilégié » peut
coexisteretêtredanslemêmecerclesocialquedesgroupessociauxmarginaliséssocioéconomiquement.
Cette explication assez brève sur l’enjeu de la stratification sociale en Amérique latine a pour objectif
d’expliquer qu’en dépit d’un classement social qui « m’est donné », la classemoyenne au Brésil vit au
carrefourdudéveloppementéconomique,delaconquêtedesopportunitésetd’unenécessitédepriseà
distance de la pauvreté. Celle-ci pouvant « frapper à la porte » à tout moment. De ce fait, dans un
contextesocio-économiqueinstable,ladimensiondel’inégalitésocialeétaittoujoursprésentedansmon
processusdesocialisation.Partantdeceprincipe,lasociologiecritiqueseprésentecommel’approchela
plusappropriéepourmoi,entantquesociologuebrésilienne,pourétudierlamiseenœuvreduMDP.Le
but ultime de la thèse serait de « dévoiler » le « consensus » du discours officiel de la CCNUCC et des
acteurspublicsetprivésauniveaulocalàproposdesopportunitéséconomiquesapportéesàRio,parun
mécanisme de réduction des émissions de GES. Ainsi, l’étude de lamise enœuvre semble pertinente
dans la mesure où nous pourrons analyser des rapports des forces locales n’étant pas visibles dans
l’élaboration et l’exécution des politiques environnementales onusiennes dans les pays en voie de
développement.
238D’unefaçonassezrésumée,lescritèresdeclassificationde“classemoyenne”utilisésauBrésilparleséconomistessebasentsur le plan d’ascension sociale que l’individu possède et aussi sur des critères statistiques comme les modèles deconsommation,l’entréeàl’université,lessalaires,l’accèsauxcréditsimmobiliersetc.Neri(2008).
196
4.1.1Leslimitesdel’approchedelasociologiecritiquedansl’analysedelamiseenœuvreduMDP:Unebrèvediscussionsurlescritiquesàproposdelasociologiedelacritique
Malgrélechoixd’uneapprochequisemblelaplusadaptéeàl’étudedecetobjetentantquesociologue
etacteursocial,ilestnécessairedeprésenterseslimitesdanslecadredemarecherche.Ilyaundébat
épistémologiqueautourdecetteapprochesurlaquestionnormativeetpratiquedelasociologiecritique
(DeMunck,2011).Lasociologiecritique,normalementassociéeàunprogrammebourdieusienfondesa
pratiquescientifiquesurl’explicationdumondesocialendévoilantlesrapportsdedomination.Toutefois,
les critiques faites à cette approche consistent dans le fait que la sociologie critique doit être plus
« complète ». Le débat porte sur le fait que la critique de la réalité sociale est censée se placer au
croisementdetroisdimensions:explicative,normativeetd’intervention(DeMunck,2015).Enréalité,il
s’agitd’abordd’expliquerlaréalitésocialepourensuiteétablirunebasenormativepourlephénomèneà
partirdes théories.Et laphase finaled’unprojet scientifique robustede la sociologiecritiqueseraitde
créerunelogiqued’interventiondusociologuedanslaréalitéétudiée,afindemettreenplacelesbases
normativesdesacritiqueaveclesacteurssociauxlocaux.
Malgrélefaitdetravaillersouslalogiquedecritiquesociale,Bolstanki(1990)signalequelessociologues
critiques« classiques » (ceuxde la traditionbourdieusienne)se« contentent »derendreuneexplication
de la réalité sociale à partir du dévoilement des rapports de forces. Toutefois, il souligne que ces
sociologues n’établissent pas un paramètre normatif de ce qui constituerait l’absence de rapports de
domination.Autrementdit,ilsn’établissentpasunebasenormativedecequiconstitueraitlajustice,les
égalités,etc.Corcuff(2012)corroborelescritiquesdelatraditiondelasociologiecritiqueenallantdans
lamêmedirectionqueBolstanski (1990). Ilmeten lumière l’existenced’uncertain« pessimisme »de la
partdessociologues« classiques »quisecentrentsurtoutdansladénonciationdeladomination,plutôt
quedanslacréationd’unebasenormativequipermettraitlacréationd’unréférentieléthiquepourtisser
leurscritiques.« Maiselle(lasociologiecritique)dévoilelesinégalitésdécritescommeautantd’injustices,
sansclarifierlapositiondejusticeàpartirdelaquelleellespeuventêtredéfiniescommetelles ».(Boltanski,
1990:129-130).
Toutefois, commeDeMunck (2011) le souligne, la constructiond’une sociologie critiquebasée sur les
trois dimensions (explicative, normative et pratique) citées s’avère très complexe dans la pratique
197
scientifique.« Laquestion-clefde la sociologiecritiqueconsistedoncdans l’ajustementcomplexedeces
trois ambitions fondamentales (expliquer, évaluer, intervenir) (…) Cette articulation doit respecter le
développementdechaquepôle,maissurtoutlacoordinationentrelestrois.Celanouspermetderepérer
lesdeux«maladiesinfantiles»delasociologiecritique(…) »(DeMunck,2011:20).Ces« maladies »qui
nepermettentpasà lasociologiecritiqued’accompliruneespècedecritique« complète »reposentsur
desenjeuxdepassaged’unedimensionàl’autre.Lepremierconsisteàpasserdelaphasenormativeàla
phasepratique,cequiauraitpourrésultatunesociologierestreinte(uniquement)àunpublicscientifique
sanssacommunicationaveclesacteurssociaux.Sid’uncôtécepassagepourraitencloisonnerlacritique
dans lemondedessavants,de l’autre,cepassageposeunautreproblèmedans lamesureoùenallant
dansl’intervention,lesociologues’approprielalogiquecognitivedesacteurs.Ilsetransforme,donc,en
militant parmi les acteurs locaux. Toutefois, cela risqued’intervenir et influencer l’objectivismede son
travail. Cette intervention peut empêcher le sociologue d’avancer dans la production de nouvelles
connaissancesscientifiques.
Ainsi,enraisondeslimitesdel’approchedelasociologiecritiqueexposéesci-dessus,lacritiqueàlaquelle
je me propose dans la thèse ne possède pas une dimension interventionniste.Mon rôle en tant que
sociologueconsisteàdonneruneintelligibilitésociologiquecetteréalité,réunirles« piècesdétachées »239
du MDP au niveau local. C’est-à-dire, identifier les acteurs qui sont impliqués directement et
indirectement dans son implantation à Rio. Cela me permettra de passer à la deuxième phase, qui
constituecelledelacritique.Enréalité,monapprochecritiquereposesurledévoilementdeséventuelles
inégalitéset injustices, des rapports de force et des pratiques environnementales qui se reproduisent
derrière lamise enœuvre duMDP dans les décharges à Rio de Janeiro. J’exposerai plus tard dans ce
chapitre, labasenormativedemacritiquesur leMDPquiserésumeàunebasethéoriquedecritiques
desdifférentesdimensionsque lamiseenœuvrede cemécanisme touche: la gouvernance, la justice
sociale,latechnologie,l’environnementetlemarché.
239J’aiutilisécetteexpressionpourmétaphoriserlefaitqueleMDPsenourritdelagestiondesdéchetsauniveaulocalpour,ainsi,pouvoirseconcrétiser.Decefait,lescatégoriesd’acteursquiparticipentàsamiseenœuvresonttrèshétérogènesetseplacentàplusieursniveaux.Donc,pourtisserunecritiqueducontexteetdesamodalitédemiseenœuvre,ilafallu,d’abord,comprendrelaplacedetouscesacteursàpartirdelaconstructiond’unecartographie.
198
4.2LACONSTRUCTIONDEL’OBJETETLAMÉTHODEHYPOTHÉTICO-DÉDUCTIVECOMME
DÉMARCHESCIENTIFIQUE
Comme la recherche s’inscrit dansuneapprochede la sociologie critique, nos résultats sontbasés sur
unebasenormativechoisiepréalablement.Celadit,nousavonschoisilaméthodehypothético-déductive
afind’établir lesparamètres théoriquesdeplusieurscritiquesde lamiseenœuvreduMDPengénéral
faitesdanslalittératureanglophoneetfrançaise.Laméthodehypothético-déductiveconsisteàformuler
deshypothèsesquipeuventêtreconfirméesouinfirméesàpartirdel’analysedesdonnéesduterrain.La
démarcheexpérimentaleest,ainsi,labasedeladémarchedeladéduction(Férrol,2004).
Cependant,ilesttrèsfréquentquelesrecherchesqualitativesutilisentl’approcheinductivepourétudier
le terrain en vue de la complexité de l’expression de l’acteur et son interprétation de la part du
chercheur.Malgré son étiquette inductive, il convient de préciser que le choixa posteriorid’un cadre
théoriquequiviseàéluciderlesrésultatsainsiquelechoixprécisdel’objetderecherchepossède(sic’est
lechoix)une fortedimensiondéductive.Musselin (2005)précisequenotammentdans lasociologiede
l’action publique, des postulats très « forts » sont très présents dans les recherches. En réalité, ces
postulatsguident le recueildedonnées,malgré« l’intention »duchercheurde releverd’unedémarche
inductive. « Cette relation au terrain est typiquement déductive parce qu’elle fonde sur des éléments
théoriques la sélection des situations à explorer. Les données elles-mêmes ne sont jamais exemptes
d’interprétationparlesacteurseux-mêmesetlechercheurdoitconstruiresapropreinterprétationsurces
donnéesdéjàchargéesconceptuellementd’ununiversthéoriquequ’ildoitprendreencompte »(Anadon&
Guillemette,2006:28).
Decefait,lechoixd’entreprendreuneapprochehypothético-déductivepartdelaconjugaisondedeux
facteurscomme:mapositioncritiquedelasociétébrésilienneetlefaitd’avoirdéjàétudiéleMDPdans
le cadredumaster.Ces facteursm’ontamenéeàcommencer la rechercheen thèseenpréparantune
revuedelittératurecritiquesurlamiseenœuvredecemécanismedansplusieursdomainesd’activitéet
aussidansd’autrespaysenvoiededéveloppement.Cetterevuedelittératureenglobeaussiunecritique
surlagenèsedel’instrument.Comptetenudecescénario,ilneseraitpasvalidescientifiquementdefaire
larecherchesousunedémarcheinductive.Celaconsisteraitàprétendreàuneneutralitéartificielle.Cette
fausseimpartialiténeseraitpasefficaceetpourraitinfluencernégativementl’objectivitédesrésultats.
199
4.2.1LescritiquessurleMécanismeduDéveloppementProprecommepointdedépartpourladémarchehypothético-déductive240
Une partie de ma démarche hypothético- déductive est basée sur une revue de littérature critique
d’originefrançaise,brésilienneetanglophoneayanttissénotammentdesanalysessurleMécanismede
DéveloppementPropredanslesdomainesdel’Économie,delaGéographie,desSciencesPolitiques,des
Relations Internationales etc. Dans la production française sur les analyses du MDP, il est possible
d’observeruneprédominancedesdiscussionssur leMDPetdumarchéducarboneengénéraldans le
domaine de l’économie. Godard (1998 ; 2000 ; 2002 ; 2004 ; 2005 ; 2009), d’un point de vue macro,
articule des analyses sur l’appropriation de l’enjeu environnemental du changement climatique par
l’économie. Il construit, plus précisément, des analyses sur la tendance de l’économisation de
l’environnement.Unetendanceprésenteauseindespolitiquesclimatiquesderéductiondesémissions
crééesdanslestraités internationaux,commeleProtocoledeKyoto.Encontinuantsur l’échellemacro,
Blanchard(2000.2000a ;2002 ;2005°)etAykut&Dahan(2011 ;2015 ;2014)focalisentleursanalysessur
la gouvernance climatique globale et sur le marché du carbone dans une perspective politico-
économique. Leurs travaux portent sur les enjeux géopolitiques et économiques existant derrière les
négociations internationales sur le climat qui entraînent la création des instruments économiques de
réductiondesémissions,telsqueleMDP.Hourcade(2002 ;2002a ;2002b ;2001)construitl’ensemblede
ses analyses politico- économiques sur les contraintes de la mise en œuvre des politiques
environnementaleslorsdesnégociationsauniveauglobal.
EncontinuantsurunerevuedelalittératurefrançaiseplusfocaliséesurleMDPetlemarchéducarbone,
dans une perspective de l’économie politique, Joumni (2007 ; 2005 ; 2003) analyse le défi de résoudre
l’enjeu du changement climatique à partir des politiques globales d’approche économique. Plus
spécifiquement, ilarticulesesanalysesautourdel’intégrationdespaysenvoiededéveloppementdans
les négociations climatiques internationales ainsi que les contraintes locales de lamise enœuvre des
projetsMDP.Dansledomainedelagéographie,leMDPestdiscutésousuneperspectiveassociéeàson
« potentiel » de « concrétisation » du concept de « développement durable » dans les pays en voie de
développement. Demaze (2009 ; 2011 ; 2009 a ; 2014 ; 2013) élabore, ainsi, un corpus d’analyse240NousexposonsicidefaçonbrèvelesauteursdontlamajoritédeleursanalysesportentsurlaquestionduMDP.L’Étatdel’artpluscompletsurlaquestionduMDPsetrouvedanslechapitre2dumanuscrit.
200
géopolitique de la question du MDP associée à la capacité de l’instrument à mettre en œuvre les
dimensionséconomiques,socialesetenvironnementalesquicomposentleconceptde« développement
durable ».
Avantd’exposerbrièvementlesréférencesbibliographiquesdelalittératureanglophonesurlesquellesje
me suis appuyée pour construire ma démarche hypothético-déductive, il est (juste) important de
rappelerquedanscettepartie,j’aidécidéderéunirlesauteursquiontleplusdeproductionsurleMDP.
Toutefois,ilestclairquel’étatdel’artsurleMDPetsurlemarchéducarboneestplusvasteetcomporte
uneplusgrandehétérogénéitédesauteurs.Ceux-làsontcités (tout)au longde lathèse(dans l’Étatde
l’art et aussi dans les résultats). Ainsi, comparée à la revue de littérature française, celle d’origine
anglophoneaélargi les critiques sur les instrumentsdemarchéde réductiondesémissionsdeGES,et
notammentsurlesenjeuxduMDPensoi.
Newell en association avec d’autres auteurs (2005 ; 2009 ; 2009 a ; 2010 ; 2011 ; 2012) articulent des
analyses politiques sur les enjeux de la gouvernance climatique globale réglementée par la CCNUCC à
deuxéchelles:macroetméso.Entransitantentreleglobaletlenational,lesauteurscréentunconcept
« climate capitalism ». Ce concept traduit un modèle que nous voyons en œuvre après la fin des
années90, un modèle qui souhaite « décarboniser » l’économie en transformant les risques du
changementclimatiqueenopportunitéséconomiquesdedéveloppement.Autrementdit,l’appropriation
desrisquesenvironnementauxparlesprémissesdusystèmecapitaliste.Bailey(2007 ;2009 ;2009 ;2010)
continuedans cettemêmedirection, en abordant comment la gouvernance environnementale globale
pratiquéeparlaCCNUCCpossèdedesprincipesnéolibéraux.Ilfaituneanalysecritiqueducourantdela
sociologie environnementale, la Modernisation Ecologique, associée à la dynamique du marché du
carbone.
À l’instar de la revue de littérature française sur le sujet, il y a des débats sur la capacité duMDP de
procéderàune« concrétisation »duconceptde« développementdurable »auniveaulocal(Olsen,2002 ;
2007 ; Voigt, 2007 ; 2010 ; Brown, 2004). En continuant sur le niveau local, Boyd (2007 ; 2007 a ; 2009 ;
2009a ; 2011)a construituncorpusde recherche sur lamiseenœuvre localeduMDPenmettanten
lumière(oularemiseenquestionde)lacapacitédel’instrumentdeconcrétiserlajusticesocialelocaleet
le développement économique local. En étant encore plus proche de l’objet, Friedberg (2007 ; 2008 ;
201
2009)etCole(2011)analysentlamiseenœuvreduMDPdanslecontextebrésilien.Étantdonnéquej’ai
commencélathèseen2013,larevuedelittératureanglophonesurleMDPcomporteaussidestravaux
portant sur le bilan des 10 ans d’existence duMDP et son avenir après la fin de la première période
d’engagementduProtocoledeKyotoen2012(Schneider,2009 ;Haya,2009 ;Klepper,2011).
Par rapport aux critiques sur la question de la gouvernance climatique globale, la revue de littérature
brésilienneprésentedes travauxnotammentdans ledomainedesétudesdesRelations Internationales
(Viola et al, 2008 ; Viola & Franchini, 2012). Il est possible également de trouver quelques travaux
d’analysesociologiqueportantsurdesanalysesmacrodelagouvernanceclimatiqueonusienne(Olivieri,
2008 ; Vossole, 2013). Toutefois, un autre scénario scientifique se présente quand nous regardons les
analyses qui croisent les enjeux de la gouvernance climatique globale avec le rôle du Brésil dans le
scénario international. Nous constatons une profusion de travaux scientifiques dans la discipline des
relations internationales (Barros-Platiau,2010 ;2011 ;2012 ;Viola,2004 ;Viola&Matias,2012 ;Pereira,
2013 ; Gamba & Ribeiro, 201). Ces travaux présentent des analyses critiques sur le Brésil comme
protagonistedanslesnégociationsclimatiquesetaussicommentl’enjeudeladéforestationenAmazonie
suscitedescontroversesauseindecesnégociations.Dupointdevuedelasociologie,Machado(2014)et
Machado & Vilani, (2015) construisent un panorama analytique de la question environnementale
brésiliennefaceàlagouvernanceclimatiqueglobale.
En nous concentrant sur des travaux scientifiques portant sur l’instrument MDP, nous voyons des
analyses de plusieurs disciplines « techniques » comme l’ingénierie, lemanagement et l’économie. Ces
travaux mettent en perspective plus précisément comment le MDP pourrait être perçu comme une
opportunité pour le développement économique local (Seroa da Motta et al, 2000; Segreti & Brito,
2006; Marchezi, & Amaral, 2008;Klabin, 2010; Orellana, 2010; Oliveira & Rosa, 2003; Landim &
Azevedo,2006).D’unautrecôté,ilestpossibled’observerquelestravauxportantsurdesanalysesdela
miseenœuvreduMDPauBrésilnepossèdentpasune régularitédisciplinaire. Ils sontégalement très
partagés entre plusieurs domaines d’activités tels que la déforestation, la gestion des déchets ; la
production énergétique, etc. (Nishi et al, 2005 ;Mattos, 2006 ; Hauser& Lemme, 2007 ;Meneguello&
Castro,2007 ;Gouveia,2012).Concernantlesmodesd’appropriationdumécanismeauniveaulocal,nous
nevoyonspasdeconsistancedanslacréationd’uncorpusd’analysebrésiliensurleMDPdansunsecteur
spécifique ni dans une discipline spécifique. Ces analyses de mise en œuvre sont « éparpillées » et
202
n’engagentpasdescontinuationsscientifiquesdontlebutseraitd’avoirunscénariod’analysedemiseen
œuvreplusrobustedecetinstrumentdanslepays.Ilestintéressantdevoirqu’untrèsgrandnombredes
travaux comportantdes spécificitésàproposdesdifférentsprocessusdemiseenplaceduMDPsur le
territoirebrésilien,cesontdesthèsesetdesmémoiresdeMaster2.
Avantderentrerdansladeuxièmepartiedelaconstructiondemonapprochehypothético-déductive, il
serait intéressantd’élucider laraisonpour laquelle, j’aidécidédeconstruirececorpuscritiqueduMDP
basé sur les trois langues: français,portugaisetanglais.Puisque la thèseest faiteparuneBrésilienne,
danslecadred’uneuniversitéfrançaisedontl’objetderechercheestuninstrumentglobalderéduction
desémissions,l’objectifétaitd’enrichirlathèseparlesdifférentesapprochescritiquesquelesdifférentes
traditionsscientifiquesdechaquepayspourraientapporteràmonregardcritiquedelamiseenœuvrede
cet instrument.Ainsi, d’une façon résumée, j’ai puobserverque la revuede littérature française reste
souvent sur l’échelle macro et une analyse très politique de la façon dont nous avons créé des
instruments économiques pour résoudre des enjeux environnementaux. La littérature francophone
focalisesurtoutuneanalysethéoriqueduconceptdedéveloppementdurableportéparleMDP.
Tandis que la littérature anglophone ne se focalise pas sur la remise en question du « concept de
développement durable », mais surtout sur une évaluation de sa concrétisation à travers le MDP.
Cependant,soncorpusd’analysesurlamiseenœuvreestbeaucoupplusgrandetnousdonneunpoint
de vue plus large sur plusieurs enjeux qui reposent derrière lamise enœuvre duMDPdans plusieurs
pays. Et finalement, la revuede littérature brésilienne sur ce sujet nous donne l’idée que l’instrument
MDP en soi n’offre pas de controverses, au contraire, plusieurs travaux scientifiques, le présentent,
majoritairement,commeune« opportunité »économiquepourlepays.Bienquesamiseenœuvrelocale
suscitedescontroverses,lesanalysesrestenttrèssectoriellesetspécifiques.Decefait,cesapprochesde
l’analyse du MDP, différentes et complémentaires à la fois, ont contribué à la formulation de mon
approchethéoriqueduterrain.
203
4.2.2Ladélimitationdel’objetdanslesecteurdesdéchets:Lecorpusderechercheetsareprésentativité
Envoyantl’étatdel’artbrésiliensurleMDP,laquestionsectorielledel’instrumentétaitunedimension
assezimportantepourladélimitationdel’objetderecherche.Decettemanière,commenceruntravailde
recherche sur l’analyse du MDP devrait circonscrire un champ d’activité spécifique. De ce fait, avant
d’allersurleterrain,maquestiondedépartdevaitcontenirunsecteurd’activitéderéductiondeGESen
fonctionnementàRio.Unefoislesecteurchoisi,laquestiondedépartaétédessinée.Ensuite,résultant
d’unl’Étatdel’artportantspécifiquementsurleMDP(exposédanslapartieprécédente),unehypothèse
généraleaétéconstruiteafindeguiderletravaildeterrain.Laquestionduchampd’activiténousparait
ainsi centrale pour une recherche inscrite dans l’approche de la sociologie critique. Dans le cadre
théorique bourdieusien, la notion du champ est conçue comme une arène où il y a des règles et des
normespropresqueseulslesacteursquiopèrentdedanscomprennent.Unchamprégléparlesrapports
deforcequilientlesacteurs(Bourdieu&Wacquant,2014).
« Lechampestunmicrocosmesocial.Chaquechamp(…)estrégipardesrèglesquiluisontpropresetse
caractériseparlapoursuited’unefinspécifique.Ainsi,laloiquirégitlechampartistique(l’artpourl’art)
est inverseà celleduchampéconomique (lesaffaires sont lesaffaires). Lesenjeuxpropresàunchamp
sont illusoires ou insignifiants pour les personnes étrangères au champ (…). La logique d’un champ
s’institueà l’état incorporé chez les individusengagésdans le champsous la formed’un sensdu jeuet
d’unhabitusspécifique ».(Wagner2017:1)Ainsi,ilétaitimpératifdechoisir,d’abord,unchampd’activité
où le MDP opère des actions de réduction de GES. Comprendre la logique de fonctionnement d’un
secteur« séparé »deladynamiqueduMDPpourraitnousaideràmieuxtisseruneanalysecritiquedela
miseenœuvredumécanismeàRiodeJaneiro.Nouspartonsduprésupposéquelesdynamiquespropres
àchaquesecteurd’activitéfaçonnentaussilamiseenœuvreduMDP.
La figure ci – dessous montre comment l’objet de l’analyse du MDP se situe par rapport au champ
d’activité choisi: celui des déchets. Toutefois, il est judicieux de rappeler que l’objectif principal de la
thèseneconsistepasàproblématiserdirectementlaréalitédelacollecteetdudépôtdedéchetsdansla
ville.Mais,nousnousfocalisonssurtoutdanslacritiquedufonctionnementduMDPquisenourritdela
dynamiquedecetteréalité.Leschémaci-dessousillustreuneformeabstraiteoùsesituenotreobjetde
204
rechercheparrapportàlamiseenœuvregénérale241duMDPetàlaréalitédelagestiondesdéchetsà
Rio.
Figure40:Illustrationdel’objetderechercheàl’égardduchampdesdéchetsàRiodeJaneiro.
4.2.2.1Lareprésentativitédusecteurdedéchetsdansl’universduMDPàRiodeJaneiro
Afin de construire le corpus de recherche dans l’univers duMDP au Brésil, il nous a fallu poser trois
questions qui s’entrecroisent: pourquoi le secteur des déchets ? Pourquoi l’État de Rio de Janeiro ?
Pourquoicesecteurdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro ?Premièrement,nousallonscommencerparéluciderle
choixdusecteurdedéchets,pourensuitel’articuleraveclesautreschoixayantinfluencélaconstruction
ducorpusderecherche.EnvuededifférentstypesdetechnologiesderéductiondeGESapprouvéespar
laCNUCCet lesenjeuxduMDPparrapportàsacontributioneffectiveauxréductionsdesémissionsau
niveaumondial242,nouspourronscomprendreque lenombredeprojetsMDPn’estpasunedimension
qui correspond directement à un grand potentiel de réduction des GES. Dans le cas brésilien, il faut
rappeler que les projets MDP de biogaz de décharges possèdent une participation important dans la
réductiondesémissionsdanslecadreduMDPauBrésil243.Les50projetsenregistrésdanslesdécharges
sanitairescorrespondentà23%delaréductiontotaledeC02detouslesprojetsMDPauBrésil(MCTIC,
2017b).
241 Il fautsimplementrappelerquecequenousappelons«miseenœuvregénérale»duMDPconsistedans l’ensembledesprojetsMDPdetouteslestechnologiesderéductiondeGESprévuesdansleProtocoledeKyotoimplantéesdansl’ÉtatdeRio.242Voirdanslepremierchapitrelathèse.243VoirChapitre2pourplusdedétail.
205
Lechoixd’analyser leMDPdanscedomaineauBrésil reposesurdeuxaspects.Premièrement, il figure
commeletroisièmesecteurquiattireleplusdeprojetsMDPsurleterritoirebrésilien.Deuxièmement,il
estunsecteurdontlesémissionsdeGESontpresquedoublédepuislesannées90,commelemontrele
tableauci-dessousprésentéparleSystèmedesEstimationsdesÉmissionsetEnlèvementsdeGazàEffet
deSerre(SEEG)244Brésilien(SEEG,2018).
Figure41:ÉvolutiondesémissionsenmillionsentonnesdeC02équivalentdanslesecteurdedéchetsauBrésilde1990
jusqu’à2016
Source:SEEG,2018
Selon les inventaires des émissions de GES au Brésil dans le secteur des déchets, si les émissions
continuent à évoluer de cette façon, il y aurait une augmentation de 192% dans les années2050 par
rapportauxchiffresde2010(MCTIC,2015 ;COPPE,2016).Malgrélefaitqu’ilsoitlesecteurquiémetle
moins de GES au Brésil, son augmentation significative depuis 30 ans nous signale un enjeu
environnemental concernant la question des déchets en lien avec la problématisation du modèle de
développementenvogue.Decefait,ledomainedetraitementdedéchets,auniveaunational,resteun
secteur représentatif pour comprendre la mise en place d’un mécanisme qui vise la diminution des
émissionsàtraverslemarché.
Selonledernierrapportde2015del’AutoritéNationaleDésignéebrésilienne,laComissãoInterministerial
deMudançadoClima, larégionduSud-estbrésilienest larégionquipossède leplusgrandnombrede
244SistemadeEstimativasdeEmissõeseRemoçõesdeGasesdeEfeitoEstufaBrasil.
206
projetsMDPenregistrésparlaCCNUCC.Cetterégioncompte154projetsenregistrésdanslessecteursde
déchetsetdelaproductionénergétiqueàpartirdessourceshydroélectriquesetdelabiomasse.Lafigure
ci-dessousmontrelarépartitiondesprojetsMDPentreles5(différentes)régionsduBrésil,dontlarégion
sud-est,représentéeparlacouleurbleueclaire.
Figure42:DistributiondunombredesprojetsMDPparrégionauBrésilàlaCCNUCCentre2004etjanvier2016
245.
Source:CIMGC,2015
Malgré lareprésentativitédelarégionsud-est, l’ÉtatdeRiodeJaneirosetrouveà la12eplacedansdu
classementdesÉtatsquihébergent lamajoritédeprojetsMDPauBrésil. Selon cemême rapport, São
PauloetMinasGeraissontentêtedecettedistributionnationaledeprojetsMDP.Endépitdesafaible
position dans le classement des États hébergeurs des projets MDP, l’État de Rio reste toujours
représentatif pour l’analyse du mécanisme dans son territoire. Pourquoi ? Premièrement, selon les
données de 2015 de l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique (IBGE, 2017), la ville de Rio de
Janeiro,capitaledel’État,estlavilleavecleplusgrandrevenuparhabitantdupays.Comptetenudeson
potentieléconomique,ilresteunterritoired’importancedansl’économiebrésilienneetmêmeàl’échelle
ducontinentlatino-américain246.Enoutre,lareprésentationdenotrecorpusderecherchenereposepas
245Traduction:Orange:nord;vert:nord-est;grisclair:centre-ouest;bleufoncé:sud;bleuclair:sud-est246 La prédominance des projets MDP sur le territoire brésilien, réduisant des GES dans les secteurs de la production dubiocombustible et de la production énergétique dans des grandes centrales hydroélectriques, nous amène à envisager uneexplicationàlaraisondelapositiondel’ÉtatdeRiodansleclassementnationaldesprojetsMDP.Àpartl’existencedetrèspeudescentraleshydroélectriquessurleterritoire,l’ÉtatdeRionefigurepascommeles10premiersÉtatsbrésiliensproducteursdebiomasse.Parconséquent,cesaspectss’additionnentpourqueRiodeJaneiroseclasse12e.Toutefois,ilestimportantde
207
sur le nombre des projets MDP qu’un certain territoire possède247, mais surtout dans la capacité du
territoireàréduiresesémissionsdanslesecteurtoutenaccomplissantlesobjectifspluslargesduMDP.
Ainsi, la représentativité de l’État dans la question de lamise enœuvre duMDP repose sur d’autres
aspectsquisontrésumésci-dessous.
L’État de Rio figure comme le troisième État brésilien dont les émissions provenant du secteur des
déchetssontlesplusélevéesdanslepays(SEEG,2018).Cependant,aucontrairedesÉtatsdeSãoPaulo
etMinasGerais,respectivementpremieretdeuxièmeentêtedesémissionsdansledomainedesdéchets
auBrésil, l’ÉtatdeRioavu,notamment,unetrès légèrebaissedesesémissionsdanscesecteurentre
2014et2015(INEA,2017).Selonlerapport,etaussilapressegrandpublicetlapressespécialisée,cette
légèrechutedans lesémissionsestdueàuneaugmentationdudépôtdesdéchetsdans lesdécharges
sanitairesetauxfermeturesdedéchargesàcielouvertdansl’État248249(OECO,2017 ;OGlobo,2017a).En
lienaveclafermeturedesdéchargesàcielouvert,l’ÉtatdeRiofutégalementlepremierÉtatàs’engager
dansl’éradicationdesesdéchargesavantlamiseenœuvredelaPolitiqueNationalesurlesDéchetsen
2010.avec le programme « Lixão Zero ». Cet engagement est aussi associé à l’accordsigné auprès du
ComitéOlympiqueInternationalpourlaréalisationdesJeuxOlympiquesde2016.Finalement,ledernier
aspectquirendl’ÉtatdeRiodeJaneiroreprésentatifpouruneanalysedelamiseenœuvreduMDPdans
ledomainedesdéchetsestquelepremierprojetMDPenregistréaumondedanscesecteuraétécelui
deNovaGerar,localiséàNovaIguaçu,danslamétropoledeRiodeJaneiro.CeprojetMDPaservicomme
un« modèletechniqueetéconomique »dansl’utilisationdubiogazdanslesdéchargessanitaires250.
rappelerquelarecherchenes’intéressepasàaborderlaraisonpourlaquellel’ÉtatdeRiodeJaneiroseplaceen12epositiondu classement de projets MDP. Cette constatation ne contribue pas à la problématisation de la mise en œuvre de cemécanismeauniveaulocaletnepossèdepasdevaleursociologiquequantàl’enrichissementdel’analysedel’interprétationdesmodesd’appropriationlocalduMDP.247DanslenombredeprojetscomptabilisésparchaqueÉtatdanslerapportdelaCIMGC,iln’yapasdedifférenceentrelesprojetsdepetiteetgrandeéchelle.LesprojetsdepetiteéchelleengagentuneréductiondeGESconsidérablementinférieureàcellecorrespondanteàunprojetdelargeéchelle.Consultezlechapitre1pourmieuxcomprendreleconceptde«grande»et«petite»échelledanslecahierde(s)chargespourlamiseenœuvredesprojetsMDP.248 Voir le chapitre 3 de la thèse pour plus de discussion sur la question de cette baisse des émissions dans le secteur desdéchets.249NousneprétendonsfaireaucunecorrélationdirecteentrecettebaissedesémissionsetlamiseenœuvreduMDPenraisonde l’existencedesvariablesquigravitententrecesdeuxdimensions(«miseenœuvreduMDP»et«labaissedesémissionsdanslesecteurdedéchets»)Maisenanalysantlamiseenœuvredecemécanisme,ilserapossibledecomprendresacapacitédepromouvoirlaréductiondeGEEauniveaulocal.Toutefois,cettedonnéesurcettelégèrebaissedesémissionsapporteplusdereprésentativitéànotrechoixdusecteurd’activitéetderégion.250Cesinformationssonttrouvéesdanslechapitre5,dansladeuxièmepartiedelathèseoùnousprésentonslamonographiedeceprojet.
208
Enayantcesdonnéesàdisposition,ilafalluconnaitrelapopulationdesprojetsMDPàRiodeJaneiroafin
de délimiter le corpus plus précisément. Ainsi, nous avons utilisé le site officiel de la CCNUCC pour
pouvoirsavoirquelssontlesprojetsMDPimplantésdansl’ÉtatdeRiodeJaneirojusqu’àl’année2015.Le
tableauci-dessousmontreletotaldesprojetsMDP« implantés »dansl’État.Ilestimportantdepréciser
quelesprojetsquifigurentci-dessousreprésententlapopulationdesprojetsMDPfigurantsurlesitede
l’ONU.Ainsi,letableaucomprenddesprojetsquisetrouventàtouteslesétapesdelamiseenœuvredu
mécanisme:avantl’enregistrement,enregistré,validéet« abandonné ».
Nomduprojet Ville Statuten2015 Sous-secteurde
réduction
Méthodologie de
réduction
« AWMS GHG
Mitigation Project
BR05-B-16, Bahia,
Goiás, Mato Grosso,
Minas Gerais, Rio de
Janeiro and São
Paulo,Brazil”
NovaFriburgo
Jamaisinscritcomme
projetMDP
Déchets
AM0016: Réduction
de CH4 à partir du
changement des
systèmes de gestion
desdéchetsanimaux.
« Lixo Zero
CompostingProject »
DuquedeCaxias Abandonné avant
l’enregistrement
Déchets AM0025: Réduction
des émissions de GES
à travers le
compostage
« Gramacho Landfill
GasProject »
DuquedeCaxias Abandonné durant le
processus
d’enregistrement
Déchets ACM0001etAM0069:
Réduction du biogaz
de décharges à partir
de la production de
gaznaturel
« Braço Small
Hydropower Plant
ProjectActivity »
RioClaro Jamais inscrit comme
projetMDP
Production
énergétiqueàpartir
deshydroélectriques
AMS-ID:Production
énergétique à partir
des sources
renouvelables
« Replacement of
CEG’scastironnatural
gas distribution grid
with polyethylene in
RiodeJaneiro »
RiodeJaneiro
Pasenregistrécomme
projetMDP
Maitrisedes
émissionsfugitives
AM0043:
Remplacement du
vieux réseau de
distribution de gaz
naturel
« PiabanhaRiver
HydroelectricPlants »
Petrópolis,Aeral,
ParaíbadoSuleTrês
Rios
Statutinconnu:
impossibled’avoir
contact
Production
énergétiqueàpartir
deshydroélectriques
ACM002:
Alimentation du
réseau électrique à
partir des sources
renouvelables
« GargaúWind Power
Plant CDM Project
Activity »
SãoFranciscodo
Itabapoana
Pasenregistrécomme
projetMDP
Production
énergétique à partir
deséoliennes
ACM002:
Alimentation du
réseau électrique à
partir des sources
renouvelables
“Heat Recovery RiodeJaneiro Pasenregistrécomme Efficacitéénergétique ACM0012: Réduction
209
Coking Plant at
TKCSA, in Rio de
Janeiro,Brazil”
projetMDP de GES dans le
système d’énergie
basé sur la
récupération de la
chaleurperdueetdes
gazrésiduaires
« RecoveryofBasic
OxygenFurnacegas
(BOFgas)atTKCSA,in
RiodeJaneiro,
Brazil »
RiodeJaneiro Pasenregistrécomme
projetMDP
Efficacitéénergétique ACM0012: Réduction
de GES dans le
système d’énergie
basé sur la
récupération de la
chaleurperdueetdes
gazrésiduaires
« PetroflexFuel
Switch(PFS) »
DuquedeCaxias Statutinconnu:
impossibled’avoir
contact
Substitutiondes
combustiblesfossiles
AM0008:Substitution
de la source de
charbon par le gaz
naturel
« BrazilNovaGerar
LandfillProject »
NovaIguaçu Enfonctionnement Déchets ACM0001: Réduction
desgazdedécharge
« Quimvale and Gas
NaturalFuelSwitch”
ValedoParaíba afonctionnéde2003
jusqu’à2009
Substitutiondes
combustiblesfossiles
AMS-III-B:
Remplacement de la
sourcedecharbonpar
legaznaturel
« ItaocaLandfillGas
Project »
SãoGonçalo Jamais inscrit comme
projetMDP
Déchets ACM0001 : Réduction
desgazdedécharge
« CPA-1:Landfillgas
recoveryenergy
generationandbiogas
distributionfromCTR
SantaRosa »
Seropédica Enfonctionnement Déchets ACM0001: Réduction
desgazdedécharge
« "CTDRBob
AmbientalLandfillGas
Project"
BelfordRoxo Statutinconnu:
impossibled’avoir
contact
Déchets ACM0001: Réduction
desgazdedécharge
Tableau15:PopulationdesprojetsMDPdansl’ÉtatàRiodeJaneiro
Concernant lesstatutsdesprojets, le label« statut inconnu »correspondauxprojetspour lesquelsnous
n’avonspaspuavoirlecontactduresponsable.L’étiquette« PasenregistrécommeprojetMDP »,c’est-à-
dire que le projet fonctionne, mais les responsables n’ont pas fait les démarches administratives
nécessairesauprèsdelaCCNUCCpourcomplétersonenregistrementouvaliderlesémissionsdescrédits.
Et« jamais inscritcommeprojetMDP », ils’agitde labéliserdesprojetsquin’ont jamaisfonctionné,car
les responsablesn’ont jamaisdonné suiteaudébutde l’enregistrementauConseilAdministratif.Ainsi,
cesétiquettesnousontserviaussicommecritèrepourladélimitationdenotrecorpus.Notrecritèrede
sélectiondesprojetsconsistaitàchoisirdesprojetsquiontdéjàpassélaphased’enregistrementauprès
delaCCNUCC,indépendammentdes’ilssontenfonctionnementactuellementoupas.Enprocédantde
cettemanière,lesacteurspourraientnousapporterdesélémentssurleurexpériencedelamiseenplace
duMDP.
210
Àpartirdu tableau, il estaussipossibled’observerque lamajoritédesprojetsMDPexistants (oupas)
dansl’ÉtatdeRiosontinscritsdansledomainedesdéchets(6sur15projets).Ledomainerestetoujours
représentatifs’agissantdeprojetsMDPdansl’ÉtatdeRio.Ensefocalisantainsisurlesecteurdesdéchets
etsur lesprojetsquiétaientenmarcheen2015ouquiontétédéjàenregistrésauprèsde laCCNUCC,
notrecorpusserésumeautableauci-dessous.
Tableau16:Lecorpusdelarecherchedelathèse.
Unautreaspectquiétaitimportantpourlaconstructionducorpusétaitlesméthodologiesderéduction
de GES. Au sein d’un secteur d’activité éligible (de participation) au mécanisme, il existe plusieurs
méthodologiesde réductiondesémissions.Autrementdit, lesméthodologies sontdes instrumentsqui
dessinentlafaçontechniquedontlesréductionsseronteffectuéesauseind’unprojet.Dansledomaine
des déchets, il y a 25 méthodologies enregistrées auprès de la CCNUCC (CDMMethodology Booklet,
2016). Ces méthodologies couvrent plusieurs types de techniques de réduction de GES au sein de la
gestiondesdéchets,parexemple:lecompostage,letraitementbiologiquedeseauxusées,lerecyclage
defumieretdéchetsanimaux,etc.Decettemanière,nousavonschoisidenouslimiteràunseultypede
sous-secteurderéductiondeGESdansledomainedesdéchets:laréductiondesGESdanslesterrainsde
décharge (« landfill gas reduction »). La raison pour la délimitation du corpus aussi à travers des sous-
secteurs est due au fait que chaque type de traitement de déchets est soumis à des logiques socio-
économiques différentes. Comme lamise enœuvre duMDP est étroitement associée à la dynamique
localedechaquesecteur,pourdesraisonsméthodologiques,nousavonschoisidesprojetsquiutilisentla
mêmetechniquederéductiondeGESetquisontdéjàrentrés(oupassés)danslaphased’enregistrement
delaCCNUCC.
211
Une dernière dimension ayant influencé l’analyse de notre objet est la temporalité. Tous les projets
faisantpartiedenotrecorpusonteuleurmiseenœuvretechnologiquepourlaréductiondubiogazdans
lesdéchargesavant2015.Ainsi, iln’étaitpaspossibledeparlerauxacteursquiétaientà l’originede la
miseenœuvredanscertainsprojetsMDP.Lesemployéset lesentrepriseschangentau fildutempset
l’accèsàtoutescespersonnesareprésentéunobstaclepourlarecherche251.Pournousadapter(ainsi)à
cette contrainte méthodologique, nous avons décidé que le plus important pour l’analyse était la
compréhension de l’objet à travers lesmodes d’appropriation de cemécanisme au temps présent. La
reconstructiondelamiseenœuvre« originale »duMDPseferaitàpartird’unerecherchedocumentaire
plusrobuste,raisonpourlaquellenousavonschoisi(laméthode)defairedesmonographiespourchaque
projetMDP. Cette reconstruction documentaireminutieuse nous a servi d’appui pour notre approche
anthropologiqueetnousadonnédesinstrumentsplusprécispourlacartographiedesacteurslocaux.Et
finalement, le concept de « mise en œuvre » prend une certaine largeur conceptuelle et comme dit
Padioleau(1982),ilnerestepasfigé.Aulieudes’enfermerdansuneanalyseencastréedanslesrésultats
àpartirdesobjectifsd’unepolitiquepublique, la« miseenœuvre »secaractérisecommeunprocessus
d’interaction.Ceprocessusconsistedansl’observationdelastructurationdesjeuxd’acteursàpartirdela
constructiondesleursstratégiesavant,durantouaprèslamiseenplacedelapolitique.
Enprenantencomptecettedimensionnonlinéaireetmultiniveauduprocessusde« miseenœuvre »du
régime climatiqueglobal, la temporalitéde l’analyseduMDPdans la thèsenousparaît unedimension
trèsimportantepourcomprendreendétailsadynamiqueàRiodeJaneiro.Ainsi, latemporalitéjoueun
rôle essentiel en sciences sociales puisqu’elle représente la source d’intelligibilité des phénomènes
(Dubar & Rolle, 2008). Nous pensons qu’une analyse « actuelle » (2015) de la « mise enœuvre » de la
gouvernanceclimatiqueonusiennerendplusintelligibletouslesévènementsetchangementssubisparle
MDPasubiaufildutemps(labaisseconsidérableduprixdescrédits,lareformulationdecertainesrègles
dumécanismeaulongdesréunionsdesparties,l’impactdelafindelapremièrepartied’engagementde
Kyoto en 2012, etc.)252 .Nous pourrons, ainsi, tirer des enseignements plus solides de la trajectoire du
MDPàRioàpartird’uneperspectivetemporelleplus« tardive »oùplusieursprojetsontétédéjàmisen
251Voirpartie«limitesdelarecherche».252Voirchapitre2delathèseafindemieuxcomprendrelanaissanceduMDPetleschangementseffectuésdanslemécanismedepuis2003jusqu'à2017.
212
œuvre(etaussiabandonnés).Nouspourronsvoirégalementlaconsolidationdecertainesstratégiesdes
acteursauseindecemarché.
Nous verrons dans les résultats que l’analyse de la dynamique duMDP en 2015 était une dimension
faisantressortirlagrandeinfluencequelesoscillationsdeprixetlacriseéconomiquemondialeonteue
surlesmodesd’appropriationlocaleduMécanismeduDéveloppementPropre.Aufinal,lefaitd’étudier
lemécanismeàpartirdecetteannée-là,àlaveilledelaCOP-21,quiaeulieuendécembre2015,aincité
lesacteursàfaireunbilandumécanismeenfonctiondel’attented’unedécisionpourlanaissanced’un
nouveautraitéquichangerait lesrèglesdelagouvernanceclimatiqueglobale.Lafrisechronologiqueci-
dessousmontrelalocalisationdel’objetparrapportàcertainsévènementsayantinfluencéladynamique
dumécanismedepuissonadoptiondansletraitéen2001lorsdel’accorddeMarrakech.
Figure43:Frisechronologiquesituantlemomentdutravaildeterraindel’analyseduMDPàl’égarddesévènementsaprès
lasignatureduProtocoledeKyoto
4.2.3.Lamiseenœuvrecommeoutilconceptuelpourl’analyseduMDPdanslesdéchargessanitaires
Le Mécanisme de Développement Propre est un instrument issu d’une politique environnementale
globalevisantàlaréductiondesGES.Laquestiondelagouvernanceclimatiqueglobaleonusiennerévèle
plusieurs enjeux d’ordre économique, politique et géopolitique (Bernauer & Schaffer, 2012 ; Aykut &
Dahan,2014). LaConvention-CadredesNationsUniespourChangementClimatiqueet leProtocolede
Kyoto,despolitiquesenvironnementales issuesdecettegouvernanceclimatiqueglobale« centralisée »,
213
ont été construits sur le principe de la coopération entre les pays. En réalité, ces politiques globales
assument que les États Nations suivent une logique rationaliste dans la création de leurs propres
politiquesclimatiquesnationales.C’est-à-dire,quel’onpartduprésupposéquecesÉtatsneprendraient
pasvolontairementl’initiativeéconomiqueetpolitiquederéduirelesémissionsdeGESafindecontribuer
à l’enjeu du changement climatique global sans avoir la certitude de l’engagement d’autres pays
(Bernauer & Schaffer, 2012). De ce fait, la gouvernance climatique globale est née de la « nécessité »
politique d’établir un mécanisme central, au niveau planétaire, qui encourage la mise en place de
mesures contraignantes (ou pas) pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle
nationale.
Cettegouvernanceclimatiqueglobalede l’ONUviseàcréerdans l’imaginairepolitique internationalun
agentrégulateurmondial.Toutefois,cetagentcréedespolitiquespubliques« top-down »quiprésentent
desenjeuxdanslamiseenœuvredesesinstrumentsauniveaulocal(Aykut&Dahan,2014).Lebesoinde
combinerdesdivergencesintergouvernementalesdenatureéconomique,politiqueetgéopolitiquepour
lacréationdespolitiquesclimatiquesinternationalesseconfronteàunegouvernance« secouée »(Aykut
&Dahan,2015).Cettegouvernance« secouée »setraduitaussidanslescontradictionsprésentesdansla
créationdes instrumentsdemarchéderéductiondesémissions.Cesontdescontradictionsnaissant (à
partir)de l’essaidecetagentrégulateurdecombinerune« lectureenvironnementale »de la réduction
desGESavecuneapprochenéolibérale.Cettecombinaisonapriori,« paradoxale »,estaussilerésultatde
l’effort de l’ONU, de réunir les positions divergentes des différents États-nations. « (…)se rendre à
l’évidence qu’une gouvernance du climat qui enclave le problème et le sépare des autres régimes
internationaux et enjeux politiques restera sans signification ; se défaire de l’idée que le problème
climatiquepourraitêtrerésoluà laseuleéchelleglobale.Nonseulement il relèvededifférenteséchelles
(locales, nationales, régionales), mais sa solution exige d’expliciter les tensions et conflits entre ces
dernières pour pouvoir les affronter et articuler des politiques climatiques plus cohérentes. » (Aykut &
Dahan,2014:128).
Comptetenudel’enjeuhiérarchiqued’unegouvernanceclimatiqueglobaleimposantdesinstrumentsde
réductionavecdesréférenceséconomiques,laproblématiquedelathèseprésentela« miseenœuvre »
commeunoutilpourcomprendre ladynamiqueduMDPà l’échelle locale (Godard,2014). Lechoixde
l’outildela« miseenœuvredespolitiquespubliques »duMécanismedeDéveloppementPropredansles
214
déchargesàRio,noussembleleplusappropriédèslorsquecetteanalyseestfocaliséesurcommentcet
instrumentaétéappropriéparlesdifférentsacteursdanslesecteurdesdéchets.Engénéral,l’outildela
« mise en œuvre » sert au chercheur à saisir les logiques locales apparues après l’exécution d’une
politique publique (Dewey, 2003). L’État n’est plus l’acteur central dans l’analyse de l’action publique.
Lorsqu’on reconnait la puissance des différents types d’acteurs, autres que les institutionnels dans
l’actionpubliquelocale,lefocusdel’analysesetourneverslesjeuxd’interactionsentredifférentsagents
aprèslamiseenplaced’unepolitique(Lascoumes&LeGalès,2012).
Lamiseenœuvresedéfinitcommesuit:« Lamiseenœuvrepeutêtreconsidéréecommeunprocessus
auseinduquelsesuccèdeuneséried’actionssocialesmettanten jeudesensemblesd’acteursplusou
moins organisés, qui occupent des positions hétérogènes et portent des intérêts et des ressources
différents » (Megie,2014:344253). Ilest importantdesoulignerque,nousneprétendonspas faireune
évaluation duMDP dans le secteur des déchets à Rio de Janeiro. Bien que l’évaluation des politiques
publiques rentredans le cadre analytiquede la « mise enœuvre », notreobjectif ne consiste pas dans
l’évaluationdirectedesrésultatsduMDPàRio(Mégie,2014).Nouspourronsprésenterles(oul’absence
de)changementsapportésparleMDPdansledomainedesdéchetsàRio.Maiscetteprésentationrentre
dans lecadred’uneanalysecritiquedecettepolitiqueglobaleetdusecteurdans lequelelleopère.De
cettemanière, cequinous intéressec’estdeprésenterunecritiquesur l’usagede l’instrumentpar les
acteurs locaux. Notre recherche suit la tradition de la sociologie de l’action publique française où les
acteursfigurentcommelesprotagonistesdelascènelocale.Ilss’approprientdespolitiquespubliquesen
créant des dynamiques locales où ils ne servent pas comme de simples supports des décisions
institutionnelles(Garcia&Hoeffer,2015).
Ainsi, la recherche rentredans le cadrede l’analysede lamise enœuvreduMDPpar « le bas », où le
contextesociallocalqui« reçoit »leMDPdevientlefocusdel’analyse.Souvent,lamiseenœuvred’une
politique publique est liée à d’autres politiques, de sorte que discuter le contexte sociopolitique,
économiqueetinstitutionnellocalestprimordialpourcomprendreleprocessusd’exécutiond’uneaction
publique(Lascoumes&LeGalès,2012).Padioleau(1982)s’intéresseàuneapprochesociologiquesurles
résultats de la mise en œuvre d’une politique. Son analyse se tourne vers la compréhension de
253Opd.Padioleau,1982
215
l’apparition «des systèmes d’ordre local » après la politique. En réalité, la mise en œuvre veut
comprendrelamarged’incertitudeetd’imprévisibilitéquechaquepolitiqueportedanssonprogramme.
Malgré le succès de cet outil en France, selon Lascoumes & Le Galès (2012), l’approche présente
quelques limites. La« miseenœuvre »estunoutil largementutilisédans les travauxempiriques,mais,
actuellement, iln’existepasdetravauxessayantdesystématisertous lesrésultatsempiriquesrésultant
de son analyse. En revanche, cela pourrait aider à la création des courants théoriques qui rendraient
intelligibles les éventuelles régularités trouvées sur le terrain. L’absence de courants théoriques
spécifiquespourétudierlamiseenœuvrereprésenteaussiuneabsencedeméthodologiedel’approche
au terrain à partir de cet outil. En raisonde ces limites ; nous avons décidéd’utiliser des concepts qui
guideront l’analyse de la mise enœuvre duMDP à Rio de Janeiro. Ces concepts serviront des outils
thématiquesencoreplusprécispoursaisirlamiseenœuvreduMDP.Ainsi,danslaprochainepartienous
allonsprésentercesconcepts,etlafaçondontnotredémarchehypothético-déductivenousaamenéesà
lesdélimiter.Etpourdesproposméthodologiques,nousprésentonségalementleurdéfinitionauseinde
cetterecherche.
4.2.4L’opérationnalisationdesdimensionsdelanotionde« développementdurable »pourl’analysedelamiseenœuvreduMDPdanslesdéchargesàRiodeJaneiro
Ladémarchehypothético-déductivedelathèseaétéfaiteàtroisniveaux:lepremierconsistaitàrepérer
destravauxportantnotammentsurdescritiquessurlemarchéducarboneetplusspécifiquement,surle
MDP dans des publications en trois langues: Portugais (brésilien), français et anglais. Donc, une fois
construituncorpusrobusteportantsurlescritiquessurleMDP,ladeuxièmeétapecomprenaitlechoix
d’uncadrethéoriquedelasociologieafindem’approcherduterrainet,ainsi,analyserlamiseenœuvre
duMDP. Ce cadre consiste dans l’approche de la « mise enœuvre des politiques publiques » (« par le
bas »)delasociologiedel’actionpubliquefrançaise.Etfinalement,ladernièreétapedecettedémarche
consiste à délimiter des concepts qui serviront à rendre opérationnelle notre approche de lamise en
œuvre sur le terrain. Ces deux démarches présentées jusqu’à présent nous ont aidées à formuler la
problématiquesuivante:commentseproduitlamiseenœuvrelocaleduMécanismedeDéveloppement
216
Propre,instrumentd’unepolitiqueenvironnementaleonusienne,dansledomainedesdéchetsdansl’État
deRiodeJaneiro,auBrésil ?
Afinderépondreàcela,nousavonsdécidéd’utiliserdesconceptspourtraduireméthodologiquementles
thématiques touchées par leMDP. Compte tenu du potentiel de « changement » de l’instrumentMDP
dans plusieurs aspects de la réalité locale, selon de traité de Kyoto, la séparation de ces dimensions
diverses de la réalité « touchée » par leMDPpourrait faciliter notre analyse. Lorsque nous discuterons
chaqueaspect« influencé »par leMDP,nouspourrons,à lafinde lathèse, lesréuniretobserver,dans
l’ensemble, comment lamise enœuvre de cet instrument s’est produite dans l’État de Rio. Ainsi, en
fonction de ce raisonnement méthodologique, cette troisième étape a été influencée par les travaux
portantsurlescritiquesduMDP.Ilaétéobservéqueparmilestroislangues,l’enjeudelaconcrétisation
duconceptde« développementdurable »liéeauMDPaétéunobjetderecherchetrèsrécurrent.
Leconceptde« développementdurable »estétroitementliéauMécanismeduDéveloppementPropreet
ilaétéaussiobjetdeplusieursanalysescritiquesdelamiseenœuvrelocaledumécanismeprésentdans
la revuede littératurede trois langues.De ce fait,mon choix théoriquea consisté à « démanteler », le
conceptdudéveloppementdurabledanscesdimensions.Celapourraitnousaideràmieuxcomprendrela
miseenœuvreduMDPauBrésil. L’extrait ci-dessousdu2e paragraphedu12e articleduProtocolede
Kyotomontrequel’objectifduMDPestd’encouragerledéveloppementdurabledanslespaysenvoiede
développement. « L’objet du mécanisme pour un développement ‘propre’ est d’aider les Parties ne
figurantpasàl’AnnexeIàparveniràundéveloppementdurableainsiqu’àcontribueràl’objectifultimede
laConvention,etd’aiderlesPartiesviséesàl’AnnexeIàremplirleursengagementschiffrésdelimitation
etréductiondeleursémissionsprévusàl’article3 »(ProtocoledeKyoto,1998:12).
Cependant,lechoixde« casser »ceconceptdanslesdimensionsquilecomposentreposesurlefaitque
lanotiondedéveloppementdurableestperçueparcertainschercheursensciencessocialescommeune
notion«ambigüe »(Godard,1994),plastique(Vivien,2003)oucommeun« mot-valise »(Hamman,2011).
En réalité, ces définitions de la notion de développement durable ont comme objectif de traduire un
concept qui s’est imprégné dans les politiques publiques depuis la fin du XXe siècle. Toutefois, le
paradoxe de cette notion repose sur le fait que définir scientifiquement en quoi consiste le
« développement durable » s’avère très difficile puisqu’il n’y a pas de définition « concrète » de ses
217
frontièresthéoriques(Godard,1994).Ainsi,sonusageestobjetd’instrumentalisationselonlesdifférents
contextes politiques, sociaux ou économiques. « On comprend que cette notion fasse l’objet d’amples
discussionsetpuisseêtremobilisée »dediversesmanièresparlesacteursqui,selonleursintérêtsetleurs
stratégies, appuieront sur telle ou telle question et mettront l’accent sur telle ou telle de ses
significations. »(Vivien,2003:18).
Faceàcetteréalitéconceptuelledelanotionde« développementdurable »,nousavonsdécidédeposer
le cadre théoriquepour l’analysede lamise enœuvreduMDPàpartir de la définitionde ce concept
trouvéedans lesdocumentsofficielsde laCCNUCC.Premièrement,enregardant le traité,nousvoyons
queleMDPapourobjectif l’encouragementdudéveloppementdurabledanslespaysnefigurantpasà
l’Annexe I. De cette façon, nous avons utilisé le traité pour voir dans ce qu’il en quoi consiste le
« développementdurable » dans cette politique environnementale onusienne. À défaut de trouver une
définitionplusexplicitedesdifférentesdimensionscomposantlanotiondedéveloppementdurabledans
le Traité de Kyoto, je suis allée chercher dans la Convention- Cadre des Nations Unies pour le
Changement Climatique car il s’agit de la convention qui pose les cadres globaux pour les politiques
intergouvernementalesdeluttecontrelephénomèneduchangementclimatique.
ÀpartirdupréambuledudocumentdelaCCNUCC(1992),ilestpossibledetrouverquecettenotionest
étroitement liée au concept de développement économique et que la « durabilité » consisterait à
continuer la croissance économique tout en éradiquant la pauvreté « Affirmant que lesmesures prises
pour parer aux changements climatiques doivent être étroitement coordonnées avec le développement
social et économique afin d’éviter toute incidence néfaste sur ce dernier, compte pleinement tenu des
besoinsprioritaireslégitimesdespaysendéveloppement,àsavoirunecroissanceéconomiquedurableet
l’éradicationdelapauvreté. »(CCNUCC,préambule).
« L’objectifultimedelaprésenteConventionetdetousinstrumentsjuridiquesconnexesquelaConférence
desPartiespourraitadopterestdestabiliser,conformémentauxdispositionspertinentesdelaConvention,
lesconcentrationsdegazàeffetdeserredansl’atmosphèreàunniveauquiempêchetouteperturbation
anthropiquedangereusedusystèmeclimatique.Ilconviendrad’atteindreceniveaudansundélaisuffisant
pour que les écosystèmes puissent s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la
production alimentaire ne soit pasmenacée et que le développement économique puisse se poursuivre
218
d’unemanièredurable ». (CCNUCC, 1992: préambule).Dans cet article2de laConvention, il est établi
que cette croissance économique doit respecter les écosystèmes de sorte qu’elle devienne « durable »
pourl’Hommeetpourl’environnement.
Pour respecter, ainsi les écosystèmes, éradiquer la pauvreté et continuer à se développer
économiquement, laconcrétisationdelanotionde« développementdurable »auseindespaysenvoie
dedéveloppementnepeutêtreeffectivequ’àpartird’un« développementtechnologique ».« Conscientes
que tous les pays, et plus particulièrement les pays en développement, doivent pouvoir accéder aux
ressourcesnécessairesàundéveloppementsocialetéconomiquedurableetque,pourprogresserverscet
objectif,lespaysendéveloppementdevrontaccroitreleurconsommationd’énergieenneperdantpasde
vuequ’ilestpossibledeparveniràunmeilleurrendementénergétiqueetdemaitriserlesémissionsdegaz
àeffetdeserred’unemanièregénéraleetnotammentenappliquantdestechnologiesnouvellesdansdes
conditionsavantageusesdupointdevueéconomiqueetdupointdevuesocial(…) ».(CCNUCC,1992).
Après avoir « décortiqué » la notiondedéveloppement durable dans le document de la CCNUCC, nous
utiliserons les dimensions suivantes pour « évaluer » la mise en œuvre du MDP. Cette manœuvre a
comme objectif d’analyser séparément les aspects composant de cette notion sur le terrain. Cette
stratégie méthodologique a pour but d’orienter mon analyse de la mise en œuvre et de ne pas
restreindre la recherche à une notion très vaste pouvant éventuellement diminuerl’objectivitédemes
résultats.Nouscroyonsquecettestratégiepourranousrapprocherd’unecertainematérialitéduterrain
pour mieux analyser les données. L’étude de la mise enœuvre à travers les dimensions rejoint mon
approchedesociologiecritiquequiviseàexaminer lamiseenœuvred’unmécanismedemarchédans
unesociétéaussiinégalequelasociétébrésilienne.Chaquedimensionpourranousrévélerdesfragments
de la réalité sociale duMDP. Cela pourra nous aider à composer un regard critique sur l’ensemble de
l’usage du mécanisme dans le domaine de déchets. De ce fait, nous avons observé que l’objectif
d’atteindreun« développementdurable »,selon lescritèresde laConvention,estcomposéde4quatre
dimensions:a)croissanceéconomique ;b)développementtechnologique ;c)éradicationdelapauvreté ;
d)préservationdesécosystèmes.
219
Figure44:Les4dimensionspouratteindreun« développementdurable »selonlaCCNUCC.
Nousallonsnousinspirer,ainsi,dechaquedimensiondecettenotionpuisqu’elles’esttransforméeenun
« métarécit » Rumpala (2010). Ces dimensions seront plus opérationnelles d’un point de vue de la
sociologiepourm’approcherduterrain.Ainsi,ilfautbrièvementétablirlescadresthéoriquesdechaque
dimension. La croissanceéconomiqueétant ladimension laplus importantepour la concrétisationdes
autresdimensionsselonlaCCNUCC,« LesPartiesontledroitd’œuvrerpourundéveloppementdurableet
doivents’yemployer.Ilconvientquelespolitiquesetmesuresdestinéesàprotégerlesystèmeclimatique
contreleschangementsprovoquésparl’hommesoientadaptéesàlasituationpropredechaquePartieet
intégrées dans les programmes nationaux de développement, le développement économique étant
indispensablepouradopterdesmesuresdestinéesàfairefaceauxchangementsclimatiques. »(CCNUCC,
1992). Elle constitue aussi la base de la création duMDP, un instrument demarché pour réduire les
émissionsdegazàeffetdeserre.J’aieurecoursàlasociologieéconomiquequidiscutelaconstructionde
mécanismes financiers pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sur la planète. Ce cadre
théoriquedéfinitlesélémentsconceptuelsdecequiconstitueun« marché »etnotammentlemarchédu
carbone.
220
4.2.4.1Lesoutilsthématiquespourl’analyselocaledelamiseenœuvreduMDP
Commençons–nousparlanotionde« développementéconomique ».Cettenotionestétroitementliéeà
celle de « marché », puisqu’il y a un « consensus théorique » qui suppose que pour atteindre un
développementéconomique, il fautpasserpar le« marché ».Celui-ciconsisteenunespacequipermet
auxfirmescapitalistes,àtraverssesmécanismes,deréaliserl’échangedecapital,voiresonaccumulation,
pour, ainsi, procéder à un « développement » (Defalvard, 1994). La sociologie économique définit le
« marché » comme un champ, une arène où des éléments cognitifs définissent les relations entre les
acteurs et la façon dont ils interprètent leurs rôles et leur espace d’action (Fligstein, 2001). En
empruntant,leconceptde« champsocial »deBourdieu(1977),cettenotiondechampillustreunespace
symboliqueoùdesélémentssymboliquessontpartagésentrelesacteursquicontribuentàlaproduction
de leursrelations.Àpartirdecesrelations,nousassistonsà laformationde jeuxfaisantapparaitredes
formesdepouvoiretdesconflits.
Callon (2017) a créé la notion de « marché- interface » pour définir les éléments composant n’importe
quel type demarché d’une façon assez « générale » et libre de différentes interprétations théoriques
limitantes254. Ainsi, le modèle de « marché-interface » considère que le marché consiste en une
organisationqui se structureautourd’une transactionbilatéraleentreunacheteuretunvendeur.« Le
marché-interface est sans épaisseur ni profondeur. Il constitue une organisation structurée autour des
blocsetdesbiensplateformes, lacompétitionassurantlareproductiondecettestructure.Cemodèletel
quejeconçois,neditriensurlenombredesagentsnisurleursmotivationsoudispositions,pasplusque
sur la nature et les effets de la compétition. En se contentant de décrire les composantes de base des
marchés et de leur dynamique, il en dessine l’architecture. » (Callon, 2017: 42). Cette transaction peut
être directe ou non, pouvant ainsi se concrétiser dans différents contextes où il existe des relations
intermédiaires. L’« agencementmarchand » est la notion donnée par (Callon, 2017) de l’ensemble des
mécanismesstructurantunmarché.Cesrelationsintermédiairesservent,ainsi,àstructurercertainstypes
demarchésetaideràconcrétiserl’actiondeventeetd’achat.
254Lacréationdececonceptapourbutseulementdedécrirecequiconstitueunmarché,etd’écartertoutesinterprétationspassivesdelelieràuneapprochesociologiquespécifique.
221
SelonPolanyi (2011) etDobbin (2001), lemarchéne consiste pas enune entité indépendante et auto
régulatrice. Le fonctionnementd’unmarchéest conditionnépar les relationsdepouvoirauxquelles les
acteursqui y participent sont soumisou sur lesquelles ils exercent leurdominationennégociant leurs
intérêtset leursstratégiesd’action.Dece fait, lemarchéducarbonen’échappepasàcette logiquede
fonctionnement. Le MDP possède, ainsi un « agencement marchand » très particulier afin que les
émissions soient évitées et qu’elles puissent être vendues. Cet «agencement marchand » se fait très
présent et nécessaire dans le contexte du MDP, étant donné que les organisations marchandes des
différents pays et les États nationaux n’iront pas réduire leurs émissions de GES volontairement à la
même échelle (Perrow & Pulver;2015;Mackenzie, 2009). Contrairement au modèle initial des
économistes de la conception d’un marché global des émissions autorégulateur, « l’agencement
marchand »joueunrôleessentieldanslastructurationd’unmarchéducarboneinternationalrégulépar
laCCNUCC.(Callon,2017).Soncaractèrecomplexeetmultiniveauxempêche,enthéorie,lesfraudesdans
l’actionbilatéraledeventeetachatdescrédits.DanslecadreduMDP,ilyadesacteursintermédiaires
servantaussiàincitercetteactiondecommercialisation.Enoutre,enfonctiondelacaractéristiquenon
figurative du produit à commercialiser (les créditsCO2), « l’agencement marchand » sert également à
contrôler l’intégralitéenvironnementaledesprojets255.Nousallonsempruntercettenotionde« marché-
interface »deCallon(2017)pourexaminerl’organisationdesagencementsmarchandsdanslemarchédu
carbonedanslesecteurdesdéchetsàRio.
La deuxième thématique consiste en un concept qui réunit les dimensions de « préservation de
l’écosystème » et de « développement technologique ». Nous avons décidé de les réunir et les
opérationnaliser à travers de la notion « écologisationdes pratiques ». Il est très important de préciser
quemalgré l’associationdececonceptà la théoriede laModernisationEcologique256, la thèsen’utilise
pasentièrementcettethéoriecomme(un)cadreexplicatifdelamiseenœuvreduMDPàRiodeJaneiro.
En réalité, comme Mourmont (2013) et Béal (2016), le soulignent, la théorie de la Modernisation
Ecologiqueseprésenteactuellementcommelemodèlethéoriquederéférencequiouvrelespossibilités
d’explicationssur lemouvementd’écologisationdespratiquesdans lemondesocial.Ce« mouvement »
255Leconceptde«l’additionalité»256Quianalysel’insertiondel’environnementdanslespratiquesindustriellesetdanslespolitiquespubliques.Etl’adoptiond’un«capitalismesoutenable».(Theys,2000).
222
consisteàprendreencompte ladimensionenvironnementaledans lespolitiquespubliquesetdans les
processusindustriels.Cettenotionpeutnousserviràcomprendredansquellemesurelamiseenœuvre
du MDP, qui prévoit la réduction des émissions de GES à travers les technologies propres, promeut
l’écologisationdespratiquesdanslesdomainesdesdéchetsàRiodeJaneiro.
EnfonctiondeladiversitédesapprochesauseindelathéoriedelaModernisationEcologiqueetdeses
traductions dans la réalité empirique (Rudolf, 2013), nous allons emprunter (et étudier à travers le
terrain) uniquement la dimension de cette théorie qui croise l’aspect de l’« innovation technologique »
avec celui de « l’amélioration environnementale ». Sous ce prisme, la théorie de la Modernisation
EcologiquepeutexpliquerlamiseenœuvreduMDPcommeunphénomènecatalyseurdelaréductionde
CH4danslesdéchargessanitaires257puisqu’ellefournitdesinstrumentsconceptuelspourmieuxanalyser
les améliorations environnementales (Buttel, 2000). Elle met l’accent sur l’innovation technologique
comme un facteur fondamental pour contourner des problèmes environnementaux et améliorer les
processus industriels vers des pratiques entrainant moins des dégâts environnementaux (Mol &
Sonnenfeld,2000a).
Ilest importantdesoulignerqueseul l’aspectde l’innovationtechnologiqueapportéepar leMDPpeut
illustrerunecaractéristiqueconceptuellede lathéoriede laModernisationEcologiquedans lecontexte
économico-institutionnelbrésilien258.Mol(2002)soulignequeleprocessusdeglobalisationpeutêtreun
vecteur de dissémination des pratiques qui rentrent dans le cadre normatif de la Modernisation
Ecologique. Néanmoins, selon chaque pays et région, ses principes théoriques gagnent des contours
différents qui ne sont pas adoptés de façon homogène, variant selon leur trajectoire politique et
économique.Milanez(2009)précisequelesstructureséconomiquesetsociopolitiquesduBrésilnesont
pasadaptéespourabordercomplètementleparadigmedelaModernisationEcologique.Toutefois,dans
la construction de son propremodèle de résolution des problèmes environnementaux, il est probable
qu’iladaptecertainsprésupposésetinstrumentsdecettethéorieapplicablesàsaréalité.
257Voirlaprochainepartiequiexpliqueladélimitationdenotreobjet.258Ilestimportantdesoulignerquela“ModernisationEcologique”estunethéoriedéveloppéedanslespaysindustrialisésetsoninterprétationdesphénomènessocio-environnementauxdespaysenvoiededéveloppementnepeutpasêtreapplicableentièrement en raison de l’hétérogénéité de la formation socio-politique, économique et historique des institutions de cespays.Desortequetouslesaspects(politique,économique,socialettechnique)quienglobentlathéoriedela«modernisationécologique»nedoiventpasêtreprisencomptedanssonensembleauBrésil.
223
Leprochainoutil thématiqueutilisésera lanotionde« justiceenvironnementale ».Lorsqu’onévoque la
question de l’« éradication de la pauvreté » dans la notion de développement durable lié aux traités
internationaux,elleestassociéeàuneprécaritésocialequirendunepopulationvulnérable(auxrisques).
Bienqueleconceptde« justiceenvironnementale »nesoitpasexpliciténidansletextedelaCCNUCCni
dansletraitédeKyoto,lesconséquencessocialesduchangementclimatiquesontsoulignéescommeun
aspect à prendre en comptedans la gouvernance climatique globale.Dans le traité de Kyoto, les pays
développés se sont engagés à la coopération internationale afin d’aider les pays en voie de
développementdanslaréductiondesconséquencesdetousordresduphénomène.« LesPartiesviséesà
l’annexeIs’efforcentd’appliquerlespolitiquesetlesmesuresprévuesdansleprésentarticledemanièreà
réduireauminimumleseffetsnégatifs,notamment leseffetsnéfastesdeschangementsclimatiques, les
répercussions sur le commerce international et les conséquences sociales, environnementales et
économiques pour les autres Parties, surtout les pays en développement Parties (…) » (Traité de Kyoto,
1998:article2,paragraphe3).
Harlan et al (2015) et Larrère (2007) soulignent que les conséquences sociales entrainées par le
changementclimatiqueseront,enréalité,lerenforcementdesinégalitésdéjàexistantes.Lesimpactsdu
phénomèneneserontpasressentisdelamêmemanièrepartoutsurlaplanètenipartoutelapopulation
mondiale.Lesplusvulnérablesquinepossèdentpasdemoyen(s)d’adaptationdeviendront,rapidement,
ceuxquiserontlesplusexposésauxrisquesenvironnementaux(Roberts&Parks,2007).Lesthéoriesde
justiceenvironnementalesexistantesmettentenlumièrelelientrèsétroitentrelesinégalitéssocialeset
lesrisquesenvironnementaux(Bullard,2000 ;Cornutetal,2007).Leconceptde« zonedesacrifice »de
Bullard(2000)illustrecommentladégradationenvironnementalen’estpasrepartiedefaçonégaledans
lesespaces.Ellefrappe,danssamajorité,leszonesoùilyauneconcentrationdepopulationsprécaires.
Laprécaritésocialeétantunfacteurdéterminantdanslafabricationdesinégalitésenvironnementales,il
est nécessaire d’observer comment le MDP promeut la justice environnementale dans un pays qui
présenteautantd’inégalitésqueleBrésil(Dobson,2003 ;Larrère,2015).Larrère(2007)définit lajustice
environnementale: « D’autre part, quand on dit que les inégalités environnementales (ou écologiques)
concernent la répartition des avantages et des problèmes environnementaux, et que la justice
environnementalesedéfinitcommelajustedistributiondecesbénéficesetdecescoûts(oudecefardeau)
224
(…) »(Larrère,2007:160).Decefait,l’analysedelamiseenœuvreduMDPdansledomainedesdéchets
àRioimpliqueunregardplusprécisenverslespopulationsprécairesquisontimpliquéesdirectementou
indirectement dans le fonctionnement dumécanisme.Ainsi, la discussionde la place des « catadores »
danslamiseenœuvreduMDPseraguidéeparcesprincipesthéoriquesdejusticeenvironnementale.
Ledernieroutilthématiquequinousaideraàorienterlarechercheestlanotionde« gouvernance ».Nous
considérons que cette notion est encore plus centrale que celle du marché puisqu’elle traduit la
coordination de la mise en œuvre du mécanisme. La notion de gouvernance « gouverne » le
fonctionnement du marché. Autrement dit, la « gouvernance » coordonne les « agencements
marchands ».Decefait,cettenotionnousaideàanalyserlacoordinationdesgroupessociauxauseinde
secteurstoutenexplorantcomment lesrapportsdeforcerésultantd’uneactionpubliquesedéroulent
auniveau local. CommeLeGalès (2014) ledéfinit:«elle (lagouvernance)peut êtredéfinie commeun
processusdecoordinationd’acteurs,degroupessociauxetd’institutions,envued’atteindredesobjectifs
définisetdiscutéscollectivement.Lagouvernancerenvoieàunensembled’institutions »(LeGalès,2014:
301). Toutefois, il souligne que cette notion ouvre plus des perspectives de recherches qu’elle en
apporte, puisque le processus de globalisation a remis en question le poids dupouvoir de l’État et de
l’orientationdel’actionpublique.Lanotiondegouvernanceestuntermepolysémique,etsouvent,dans
lesSciencesSociales ;elleestremplacéepar leterme« actionpublique »(Favre,2003 ;Padioleau,2000 ;
Lacasse&Thoenig,1996).Dece fait, le« design »de lanotiondegouvernancepeutassumerplusieurs
contoursdifférentsselonlesdifférentstravauxempiriques.
Favre (2003) rapproche la notion de « gouvernance » de l’outil analytique de la « mise enœuvre » des
politiques publiques (outil central de notre problématique de recherche). Il conçoit la notion de
« gouvernance »commel’analysedestransformationsetde l’appropriationdespolitiquespubliquespar
la société. L’étudede la gouvernancenousparait essentielle étant donnéqu’il existe un écart énorme
entre l’objectif principal de l’action publique et son déroulement dans la réalité. La notion de
« gouvernance »seplaceexactementdanscetécartentrelaprisededécisionetlamiseenœuvre.Muller
&Surel (1998)nevoientpas l’actionpubliquecommeunedécisionfigée.Ellereprésente,unprocessus
continudedécisions,unphénomènefluidequis’adapteetsubitdesarrangementspolitiquesetsociaux
dansletemps.
225
Bienque leMDPsoitun instrument issud’unepolitiqueenvironnementaleglobale, il est importantde
souligner que nous n’allons pas employer ici dans le concept de « gouvernance », l’approche
d’instrumentationdel’actionpublique.Notreobjectifneconsistepasàtisseruneanalysesurlechoixdes
instrumentsde l’actionpubliqueenvironnementaleglobalepourréduire lesémissionset leursrésultats
danslaréalitédanslebutd’approfondiruneréflexionsurleseffetsdel’instrumentationduMDPauBrésil
(Halpernetal,2014 ;Lascoumes&Simard,2011).Commeils’agitd’uninstrumentquiengageplusieurs
échelles,ou sinousconsidéronsqu’il s’agitd’unegouvernanceenchevêtrée259, les limitesde terrainet
d’accès aux acteurs nous ont imposé de choisir une autre approche dans la sociologie de l’action
publique. Notre point de départ analytique est plus simple, de sorte que nous sommes intéressées à
l’usagede cet instrument à l’échelle locale. Cet usage se traduit par la gouvernancede cemécanisme
dans l’ÉtatdeRioassociéeà la gouvernancedu secteurdedéchets.Compte tenudes limitesdenotre
travailempirique260,nousn’envisageonspasde faireuneanalysede ladynamiquede l’actionpublique
environnementaleonusienneàpartiruniquementdesdonnéesde ladynamiqueduMDPdans l’Étatde
Rio.Leschémaci-dessousdessinecommentlanotiondegouvernanceseramobiliséedanslarecherche.
259Unegouvernanceàplusieurséchellesetquisemélangeàdesgouvernanceslocalesdansd’autressecteursd’activitépourlaréductiondesGES.Nousn’avonspaseu lapossibilitédecontacter lesacteursquiont fait ledesignde l’instrument .Voir leslimitesdeterrainàlafindecechapitre.260Ceslimitesconcernentlapossibilitéd’enquêterlesacteursàl’échelleglobaleetcertainsacteursàl’échellenationale.
226
Figure45:Schémaderepéragedel’outilthématique« gouvernance »dansl’objetdelathèse
Inspiréde:Lascoumes&LeGalès,2012.
Euégarddecesconsidérationsàproposdelanotionde« gouvernance »appliquéeàl’analysedelamise
enœuvreduMDPdans lesdéchargesàRiode Janeiro, cettenotionnous sera centrale. Soncaractère
polysémiqueluipermetdemobiliserlesautresoutilsthématiques:lemarché,l’écologisationetlajustice
environnementale.Elleserviracommeunenotionparapluiepermettantaussidecomprendrel’usageet
laconcrétisationd’autresdimensionsdu« développementdurable »déjàmentionnéespourl’étudedela
mise enœuvreduMDP.Donc, le conceptde« gouvernance » vanotammentnous aider déterminer la
placede l’Étatbrésilienetde l’ÉtatdeRioetde leurs institutionsdans latraductiondesnormesetdes
objectifsàl’égarddel’adoptionduMDPàl’échellelocale.Cettenotionvaégalementnousaideràrévéler
227
les rapportsdesacteurspublicsetprivésdans lamiseenœuvredecet instrumentdans lesecteurdes
déchets. « L’action publique était présentée comme le produit d’un processus éminemment collectif,
sourcé dans la société tout entière ; L’État était réduit au rôle d’une institution validant un processus
cognitifmenéàbiencollectivement.Letempsestrevenudeconsidérerànouveaulapolitique, làoùelle
s’exerce, dans ses dimensions d’incertitudes, de violences, et de procurations d’inégalités, voire de
spoliations.Comme forme,parmid’autres,de ladominationde l’hommepar l’homme » (Fauvre,2013:
14)
4.3LESACTEURSETLEURSROLESDANSLEMDPÀRIODEJANEIRO
Étantdonnéquenotreapprochedelamiseenœuvreviseàlasaisirparlebas(Padioleau,1982),dansles
arrangementslocauxentrelesacteurs,cettepartieestconsacréeàmontrerlesacteursquisontderrière
l’implantationduMDPdansledomainedesdéchetsàRiodeJaneiro.Ellemontreégalementlesacteurs
quiontétéinterrogésainsiqueleurrôle(directouindirect)danslaréductiondeméthaneparlebiaisdu
MDP dans les décharges sanitaires à Rio de Janeiro. Cartographier les acteurs est essentiel pour
comprendrecommecommentleprocessusd’appropriationduMDPpasseparunediversitéd’acteurs,et
desinstitutionsauniveaulocal.LascoumesetGalès(2012)soulignentl’importancedelacartographiedes
acteursdansl’étudedelamiseenœuvrepourunemeilleurevisualisationdesrapportsdeforce.
La démarche « boule de neige » a été utilisée afin de repérer les acteurs qui sont impliqués dans la
dynamiqueduMDPdans ledomainedesdéchetsauseinde l’ÉtatdeRio.Commenous l’avonsévoqué
précédemment, la diversité de catégories d’acteurs impliqués derrière la mise en œuvre de ce
mécanismeconstituaitunenjeu.Nousavonsdécidéd’entreprendrelaméthodedela« boule »deneige
pour construire le corpus puisque le site officiel de l’UNFCCC nous informe seulement sur certaines
catégoriesd’acteurscomme:LesProjectOwners(lesentreprisesresponsablesdelamiseenœuvredes
projets) ;lescabinetsd’expertsquiontélaborélesProjectDesignDocuments,lesacheteursdecréditset
lesinstancesgouvernementalesayantapprouvéleprojetenquestion.Enréalité,lesitedelaCCNUCCa
constituénotreported’entréepourlemondeduMDP.Ainsi,àpartirdesacteurs« officiels »participant
228
auMDP,noussommespartisduprésupposéqu’ilnousseraitdévoiléplustard,aulongdel’enquête,les
acteursquiyparticipent,maisquipossèdentmoinsdevisibilitéinstitutionnelleàl’échelleinternationale.
Ainsi,enjanvier2015,nousavionsleséléments261nécessairespourcommencerl’enquêteàpartirdeces
acteursfiguréssurlesitedel’UNFCCC.Donc,àpartirdecesacteurs,nousavonscommencéàdécouvrir
qu’ilexisteunelignetrès« subtile »quisépareladynamiqueduMDPdeladynamiquedelagestiondes
déchets àRiode Janeiro. Lapremièrephasede l’enquêtede terrain262 comprise entre janvier 2015et
aoutdelamêmeannées’estfocaliséesurlesacteursimpliquésdirectementdanslamiseenœuvredes
projetsMDPetsurlesacteursfaisantpartiedelagestiondesdéchetsàRioétantliéeauMDP.Ilfautbien
précisericiquelecorpuscomportedesacteursdelagestiondesdéchetsquitravaillentenlienavecles
décharges sanitaires ayantmis enplacedesprojetsMDP. Tel quenous l’avons expliquédans la partie
précédente,enréalité,l’aspectquia« dirigé »l’enquêteétaitlefaitd’avoirdéjàimplantéunprojetMDP
dansunedécharge.
Dansunpremier temps, l’enquête s’est tournéevers lesacteursprivésdu secteurafindecomprendre
leurformed’appropriationdumécanismeetdecomprendresalogiquedefonctionnement.Cettephase
nousafaitdécouvrir lamailledescatégoriesd’acteursquisontimpliquésdirectementet indirectement
dans lemécanisme.Ladeuxièmephaseduterraincomprendlesentretiensdeconfirmationquiontété
effectuésentreseptembre2016etjanvier2017.NousavonschoisicesdatespuisquelaCOP-21étaitun
grand évènement devant établir un nouveau cadre pour la gouvernance climatique globale. Elle
représentaitunaccordquidevaitchanger« l’avenir »duProtocoledeKyotoet,parconséquent,duMDP.
Ainsi, lors de cette deuxième phase nous avons interrogé quelques acteurs au niveau national afin de
corroboreretaussidemieuxcomprendrelesrésultatsquenousavonsobtenusauniveaulocal.Certains
d’entreeuxneparticipentpasdirectementàlamiseenplaceduMDP,maisilsconnaissentlalogiquedu
MDPet/oudelagestiondesdéchetsàRio.Desortequeleurspropossont important(e)safindemieux
interprétercettemiseenœuvrelocale.Leschémaci-dessousreprésentelamailledecatégoriesd’acteurs
qui participent au MDP dans les différentes échelles du pouvoir. Il est possible d’identifier ceux n’y
participantpasdirectement,carilsnepossèdentpasdesflèchesquileslientàunautreacteur.
261Lesinformationssurlesprojetsetlecontactdesacteurs262SanscompterlaphasepréalabledelarecherchequiaconsistédanslespremierscontactsetdanslerepéragedesacteursquifiguraientsurlesitedelaCCNUCC.Plusdeprécisionsdanslapartie5.6.2.
229
Figure46:LeschémadesacteursimpliquésdansleMDPauseindudomainedesdéchetsàRiodeJaneirodansles
différenteséchellesdepouvoirs263
.
IlestimportantderappelericiquelathèseporteexclusivementsurlesacteursquiparticipentauMDPau
niveaulocal,malgrélefaitquecertainsacteursauniveaunationalontétéinterrogéslorsdeladeuxième
(etdernière)phasedu travailde terrain. Les tableauxci-dessousmontrent le rôledechaquecatégorie
d’acteur exposée dans la cartographie ci-dessus dans la dynamique du MDP au sein du secteur de
263Nousconsidéronspertinentl’inclusionl’AssociationdesIndustriesdel’ÉtatdeRio(FIRJAN)malgrélefaitqu’ellenefassepasdirectement partie du domaine de déchets à Rio. Toutefois, cette association a construit un département spécialiséuniquement dans le marché du carbone afin de mettre en disponibilité les informations sur le MDP à n’importe quelleentrepriseprivéedel’ÉtatdeRio.CedépartementacommebutorienteretencouragerlemontagedesprojetsMDP.
230
déchets.L’objectifdecestableauxestsurtoutderésumerlesinformationssurlesparticipantscomposant
la recherche. Ilsmontrent, le nombre d’enquêtés participant à chaque catégorie, leur rôle dans cette
catégorie.Etfinalement,l’intérêtscientifiquedelesavoirconsultés.Lestableauxsontdivisésparchaque
échelledepouvoir,dontlepremierreprésentel’échellelocaled’acteurs,l’échelleprincipaledelathèse.
Ledeuxièmetableaumontrelescatégoriesd’acteursenquêtésquisetrouventauniveaunational.Nous
n’avons pas pu interroger les acteurs de l’échelle internationale pour des raisons d’intérêt(s)
méthodologique(s). Comme nous avons délimité l’objectif de la recherche comme étant la
compréhensiondela« miseenœuvrelocale »duMDP,interrogerlesacteursinternationauxneseraitpas
une priorité dans l’enquête. N’ayant pas eu le temps de faire une troisième phase du terrain, qui
consisteraitàmonteràladernièreéchelledupouvoir,nousnoussommescontentéesderecouriràune
recherchedocumentaire.Ainsi,lesdiscoursofficielsdecesacteursinternationauxontétépriscommeles
propos de ces acteurs dans la recherche. Cette stratégie a été également utilisée avec certaines
catégories d’acteurs à l’échelle locale et nationale n’ayant pas pu être interrogées en raison de la
difficultédelescontacter.
Catégoriedesacteurs Nombred’enquêtés Rôle Participationdansla
recherche
COMLURB Sourcedocumentaire264
---- Participe indirectement au
MDP, car cet organe public
municipal (ville de Rio de
Janeiro) délègue le
traitement et le dépôt des
déchets aux entreprises
privées.
Les mairies de chaque
municipalité
Sourcedocumentaire ---- ÀpartlaComlurb,àRio.Les
autres mairies délèguent
aussi le traitement des
dépôts déchets aux
entreprisesresponsablesdes
déchargessanitaires.
ProjectOwners265 13 *Chargésdeprojet
*Directeursdedécharge
*chargésdecommunication
*Chefsdeprojet
*Ingénieurresponsablepour
leMDP
Les entreprises privées
responsables de décharges
qui ont choisi de mettre en
œuvre le MDP. Pourquoi
ont-elleschoisidemettreen
place le MDP ? Comprendre
264Enraisondeplusieurslimitesduterrain,lamajoritédesacteursinstitutionnelsn’ontpasaccordéd’entretiens,desortequepourcontournerceproblème,nousavonseurecoursàlasourcedocumentaire.Voirplusdedétailsdanslapartie«limitesduterrain».Partie4.5decechapitre.265Nousavonsaussi interrogédeux responsablesdedéchargesàRion’ayantpasdesprojetsMDPdans l’État,maisdansunautreétatdelafederationlorsdesentretiensdeconfimationen2016.
231
*Ingénieurs leur appropriation du
mécanisme.
Catadores 6 *Ancienscatadores*PrésidentsdeCoopératives
Participent indirectement.
Ils travaillaient dans les
déchargesàcielouvertoù il
existe actuellement des
projets MDP. Comprendre
leur vision de la nouvelle
dynamiquedelagestiondes
déchets après la clôture de
lixões.ONG 5 *AssistantesSociales
*Chargées de
Communication
Des organismes qui aident
lescatadoresetpromeuvent
le tri des déchets.
Comprendre leur point de
vue sur la gestion des
déchetsaprèslaPNRS.
Cabinetd’Experts 3 *Chargésd’études
*DirecteurduCabinet
Responsables de la
conception des projets.
Comprendre leur vision du
MDPet de son avenir après
laCOP-21.
INEA Sourcedocumentaire ---- Organe public de l’État de
RiodeJaneiroquidélivreles
permis environnementaux
pour la construction de
déchargessanitaires.
Pressespécialisée 1 *Journaliste spécialisé dans
l’environnement du journal
spécialiséOECO
Comprendre leur vision
critique sur le
fonctionnement du MDP et
surtout sur la nouvelle
gestion des déchets à Rio
après le programme LixãoZeroetlaPNRS.
Association des Industries
del’ÉtatdeRiodeJaneiro
2 *Chargédecommunication
*Chefdudépartementsurle
marchéducarbone266
Comprendre pourquoi ils
encouragent les entreprises
privées dans l’État de Rio à
mettreenplacedeMDP.
Tableau17:Catégoriesd’acteursinterrogésauniveaulocal(ÉtatdeRiodeJaneiro).
Malgré l’impossibilitéd’accéderauxacteursde laCOMLURB,de l’INEAetdesmairiesdemunicipalités,
nousavonschoiside lesexposerdans laconstellationdesacteursauniveau local.Afind’examiner leur
rôle dans la mise en œuvre du MDP, nous avons eu recours à la source documentaire. Ce recours
méthodologiqueétaitessentielpourcontournerleslimitesduterrainetpouressayerdecomprendrele
266“EscritóriodeCarbono»estundépartementauseindelaFédérationdesIndustriesdeRiodeJaneiro(FIRJAN).L’objectifdelacréationdecedépartementétaitd’informeretregrouperlesinformationssurleMDPafinquelesentreprisesdel’ÉtatdeRiopuissentintégrerlemécanisme.
232
sensdeleursactions.Decettemanière,nousavonsconsultéplusieursdocumentsofficiels,danslesquels
nousavonspudégager leurdiscourset lespointsdevuedecesorganisationsparrapportà lanouvelle
gestiondesdéchetsdel’ÉtatdeRioetdelamiseenplacedesprojetsMDPdanslesdéchargessanitaires.
Cette difficulté d’accéder aux acteurs publics tient à une série des dénonciations des actions de
corruptionauseindes instancesdepouvoiràtous lesniveauxauBrésil (fédéral,régionaletmunicipal).
Cesscandalesdecorruptionétaient,notamment,plusnombreuxdansl’ÉtatdeRioetdanslamunicipalité
de Rio en raison de l’approchede la réalisation des Jeux Olympiques de 2016. Les acteurs étaient
réticentsàaccorderdesentretiensderecherche.Plus loin,danscechapitrenousallonsdéveloppercet
enjeuenlienavecleslimitesdenotrerecherche.
Tableau18:Catégoriesd’acteursinterrogésauniveaunational.
Au total,nousavonspuréaliser34entretiens.Enraisondeplusieurs limitesdu terrainetducaractère
multiniveaudumécanisme,nous avons fait lemaximumd’effort pour reconstruire et pour accéder au
réseau d’acteurs qui participent à la mise en œuvre de ce mécanisme à Rio de Janeiro. Lors de la
233
prochainepartie,nousallonsraconterbrièvementledéroulementdelacollectededonnéesainsiqueles
stratégiesméthodologiquespoursurmonterl’absenced’entretienaveccertainsacteurs.
4.4LERECUEILDEDONNÉESETSESINSTRUMENTS:LESENTRETIENS,LESOBSERVATIONSETLES
SOURCESDOCUMENTAIRES:LESLIMITESDUTERRAINETLAQUESTIONDULIENDECONFIANCE
DESACTEURS
Le travail de terrain a commencé, plus précisément, en novembre 2014. Les trois premiers mois du
terrain ont été consacrés à procéder à des entretiens préalables avec les Project Owners de tous les
projetsMDPdel’ÉtatdeRioquifiguraientsurlesiteofficieldelaCCNUCC.Cesentretienstéléphoniques
avaientpourobjectifderecueillirdesinformationssurl’existencedesprojetsMDPetdeleur(s)statut(s)
auprèsdelaCCNUCC.Jevoulaisconfrontercesinformationsaveccellesprésentéessurlesiteofficieldu
MDP(sitedelaCCNUCC).Àpartirdecesentretiens,nousavonspuconstruirelecorpusderechercheet
unebasededonnéessurlapopulationMDPdansl’État,conformémentàcequiaétéprésentéendébut
dechapitre.IlestimportantderevenirànouveausurlefaitquelesiteofficieldelaCCNUCCn’étaitpas
(mis)àjourparrapportàlaréalitédufonctionnementdesprojetsMDPdansl’ÉtatdeRio.Nousn’avons
pascomptabilisécesentretienspréalablesdanslenombretotald’entretiensquicomportentlesdonnées
delarecherche.
Ainsi,àpartirdenovembre2014etjusqu’àjanvier2015,nousavonsprocédéàdesentretienspréalables
avec les entreprises responsables de tous les projets MDP qui figurent sur le site de la CCNUCC. Ce
moment comprend la réalisation de notre terrain exploratoire de janvier à aout 2015, nous avons
effectuélerecueildedonnéesauprèsdesacteursquisontimpliquésdirectementetindirectementdans
les3projetsMDPquifontpartiedenotrecorpusderecherche.Enayanteffectuél’analysedecontenu
surlesentretiensenregistrésen2015,nousavonsréaliséensuitelesentretiensdeconfirmationquiont
étémenésentreoctobreetdécembre2016.
Nousavonspréféré lesentretiensdetypesemi-directif,car ilpermetauchercheurde« jouer »entre le
« cadrage »etlalibertéduparticipanttoutaulongdel’entretienafinquecelui-ciproduiseundiscourssur
l’objetderecherche(Paugam,2008).L’entretiencompréhensifapourfinalitédepermettreàl’enquêteur
234
de se « plonger » dans le monde de l’enquêté tout en gardant en tête la finalité de son enquête
(Kauffman,1996).Ce typed’entretiennousasembléêtre leplusappropriépournotre recherchepour
deuxraisons.D’uncôté,lecadragedansnotreobjetestindispensabledanslamesureoùlaquestiondu
MDPse« nourrit »deladynamiquedelagestiondesdéchetslocale.Ilesttrèspossible(etcelanousest
arrivé) que le participant commence à parler du mécanisme et qu’il rentre automatiquement sur les
enjeuxde ladynamiquede lagestiondesdéchetsàRio.Ce fait représente,d’ailleurs,unedonnéetrès
intéressanteparrapportauxmodesd’appropriationdumécanismelocalement.Toutefois, ilnefautpas
s’éloignerdumécanismeentantqu’objetcentralderecherche.D’unautrecôté,ladualitédel’entretien
semi-structuré(cadragexliberté)nousalaissécetteopportunitédecapturerdesdonnéesquifluctuent
dansle« nuage »duMDPtoutengardantladirectiondel’entretien.
Unaspectqui s’estmontré très important lorsdesentretiensétait laquestionde laconstructiond’un
liendeconfiance.ÉtantdonnéqueleMDPsedérouleauseindesentreprisesetquesamiseenœuvre
implique, en partie, des sujets budgétaires et politiques, il nous a fallu adopter une posture plus
« professionnelle »et« neutre »afindegagnerlaconfiancedecertainescatégoriesd’acteurs.Unoutilqui
nousa aidées àobtenir cette« confiance » était laprésentationd’un formulairede consentement267. Il
s’agitd’undocument indispensabledans les recherchesde terrain faitesauBrésil.En réalité, cepapier
représente un engagement entre chercheur et enquêté, car il assure l’anonymat du participant et sa
liberté d’accepter (ou pas) l’enregistrement de l’entretien. La simple présentation de ce document268
contenantmes coordonnées personnelles a établi un lien de confiance avec la personne interviewée.
(Garcia & Hoeffer, 2015) souligne la nécessité de préserver l’anonymat des acteurs au sein des
recherches sur l’action publique. Cela se fait nécessaire, car ; souvent les acteurs qui opèrent dans un
champspécifiquedelamiseenœuvred’unepolitiquepubliqueseconnaissent.
Comme nous l’avons signalé précédemment, nous avons observé qu’avoir un lien de confiance était
indispensable auprès des entreprises qui participent aumécanisme.De cettemanière, quand un sujet
« sensible » était abordé et que le participant refusait d’y répondre, j’ai adopté la stratégie de ne pas
insistersurlesujetetd’avoirrecoursàunerecherchedocumentaireafindenepasperdrelaconfiancedu
participant. Comme Kauffman (1996) l’a signalé, l’enquêté doit se sentir à l’aise avec l’enquêteur, de267TermodeConsentimentoLivreeEsclarecido.268Unecopiedeceformulairesetrouvedansl’Annexedelathèse.
235
façonàlivrerleursopinionslibrement.Detellemanière,larecherchedocumentaireajouéunrôlemajeur
commeunestratégieméthodologiqueévitantdecasserunliendeconfianceassezdifficileàrétablir269.
Afinderendreintelligiblesceslimitesdeterrainquiontétéassociéesàlaquestiondela« confiance »,la
constructiond’unjournaldeterrainaététrèsutile.Leprocessusd’observationaaidéàmieuxinterpréter
ladifficultéd’accèsàcertainsacteursàpartirdel’opérationnalisationdenosimpressions.Cetteposture
exploratoires’esttenuedurant9moisdansunprocessuscontinudeprisedenotesetd’observationdes
acteursàchaqueappelexploratoire,àchaqueentretienetlorsdesvisitesauxentreprises,déchargesou
coopératives de catadores. L’organisation de la prise de notes quotidienne m’a permis d’identifier la
récurrencedecertainstypesdecomportementspourchaquecatégoried’acteuretaussid’identifierdans
quellescirconstanceslesmomentsde« vide »oulesmomentsderefusapparaissaient.Ainsi,àpartirde
cetteapprocheanthropologiquenousavons interprétéque lemomentd’instabilitépolitiquedupays270
étaitunfacteurayantinfluencéladifficultéd’accèsauxacteursetaussilerefusderépondreàcertaines
questionsrelativesaubudget.
Unefoisidentifiéesetinterprétées,àl’aidedujournalethnographique,d’autreslimitesduterrainseront
exposées postérieurement dans le chapitre. Cela dit, nous allons brièvement discuter quel type de
ressources documentaires nous ont aidés à contourner cet obstacle méthodologique. Comme nous
l’avonsexpliquéaudébutdecettepartie,lalittératuregrisenousaététrèsutiledanslamesureoùelle
nousapportaitdesinformationsnondévoiléesparlesenquêtés.Nousavonseurecoursàplusieurstypes
deressourcesdocumentairescomme:desrapportsofficielsdelaCOMLURBsurlagestiondesdéchetsà
Rio,desrapportsdelaMairiedeRioetdel’ÉtatdeRiodeJaneirosurletraitementdesdéchets,etc.Nous
269Unedeslimitesrencontréessurleterrainétaitl’accèsàcertainescatégoriesd’acteurs.Enraisondecettedifficultéd’obtenirunentretien,etpourensuiteavoirl’opportunitédel’enregistrer,nousavonsprislaprécautiondenepascassercetterelationdeconfiancequanddessujets«sensibles»étaientabordés.Ilyavaitnotammentcertainstypesdesujetscommelesquestionsbudgétairesquientrainaientdesmomentsvidesetquiamenaientleparticipantàdemanderàarrêterl’enregistrementouàserefuseràrépondreàlaquestion.Voirlapartiesurleslimitesdeterrainpourunecompréhensionplusapprofondiedeslimitesduterrain.270 Depuis 2013, un mouvement de contestation politique traversait le pays. Ce mouvement était notamment apartidaire.Toutefois,en2014,lorsdesprésidentielles,lepaysavécuunepolarisationdesposturespolitiquesauseindelapopulation.Ilyavaitdesfortesdes«tensions»entrelesdéfenseursd’ungouvernementde«droite»etceuxde«gauche».Autrementdit,lesdéfenseursd’ungouvernnement«pro-PT»ou«anti-PT».Pour rappel: LePT (Parti desTravailleurs), parti de la gauchebrésilienne,aupouvoirdepuislepremiermandatLulaen2003.Nousallonsexposerdanscechapitrelesraisonsdecettecrisepolitique,sesdéploiementsetsonimpactdanslarecherche.
236
avonsaussiconsultéchaquedossierdedélivrancedepermisenvironnementauxdechaquedécharge271et
ses projets MDP respectifs auprès de l’Institut de l’Environnement de l’État de Rio (INEA). Afin de
« confronter »lediscours« officiel »desinstitutionspubliques,nousavonsaussiprocédéàunerecherche
exhaustive de tous les reportages sur chaque décharge et projetMDP de notre corpus dans la presse
généraliste et dans la presse spécialisée. Cette recherche documentaire a été réalisée sur la presse
nationaleetinternationale.
4.4.1Laconstructiondelagrilled’entretien
Tel que nous l’avons exposé au début de ce chapitre, notre démarche hypothético-déductive est
« inspirée »delanotionde« développementdurable »pourconstruirelesoutilsthématiquesd’analysede
lamiseenœuvreduMDPdansledomainedesdéchetsàRiodeJaneiro.Decefait,lesgrillesd’entretien
detouteslescatégoriesd’acteurscontiennentlesthématiquespharesquiguiderontl’analysedelamise
en œuvre. La première grille d’entretien était dirigée vers toutes les catégories d’acteurs participant
directementàlamiseenœuvreduMDP,lesentreprisesprivées(« ProjectOwners »,cabinetsd’experts,
etc.). Elle était centrale dans la recherche parce qu’elle servait de référence par rapport aux modes
d’appropriation,auxconditionsdelamiseenœuvreduprojetetàlareprésentationduMDPdechaque
acteur privé impliqué dans les trois projets de notre corpus. Cependant, cette grille comportait deux
parties,lapremièreconsisteexactementdanscetteanalysegénéraleduMDP,oùnousavonsévoquéles
thèmesconstruitsdanslarévisionbibliographiquesurleMDP.Ladeuxièmepartieconsistaitàposerdes
questions sur chaque projet spécifiquement. En réalité, nous posions des questions plus précises par
rapportàlaspécificitédechaqueprojet.
Une deuxième grille a été construite pour les « catadores », lesONG et la presse spécialisée. Elle était
destinéeàdesacteursqui,selonlesdocumentsdelaCCNUCC,neparticipaientpasdirectementàlamise
enœuvre dumécanisme dans le domaine des déchets à Rio. Si d’un côté, cette grille comportait des
thèmesgénérauxsurlanouvellegestiondesdéchetsàRioàpartirdelafermeturedesdéchargesàciel
ouvert.Del’autre,ellecomportaitaussicertainsdenosoutilsthématiques.Nouslesavonsmobilisésdans
cesentretiensdans lebutdesaisir leur représentationduMDPpourpouvoiranalyseràquelpointces
271Àl’exceptiondudossierconcernantladélivrancedespermisenvironnementauxpourlaCTRRioàSeropédica.Iln’étaitpasdisponibledansleslocauxdel’INEApourlaconsultationpendantlapériodeoùj’étaisàRio.
237
acteursétaientimpliquésdansladynamiquedumécanisme.Ilestimportantdesoulignerquenousavons
plusieurstypesdecatégoriesd’acteursdansl’étude.Afindesimplifierletravail,nousavonsconstruitdes
grillesd’entretiensseulementpourceuxayantétéenquêtéeslorsdelapremièrepartieduterrain.
Ainsi, après les deux mois de terrain exploratoire, nous avons décidé de séparer les acteurs en deux
grandescatégories:celledesacteursdesentreprisesprivéesquiparticipent« directement »aumarché
ducarboneetceuxquiparticipaientde ladynamiquede lagestiondesdéchetsavant la fermeturedes
déchargesàcielouvert,pouvantêtreimpliquésdirectementouindirectementdansleMDP.Enrevanche,
ilestimportantderappelerquelafermeturedesdéchargesàcielouvertétantprimordialepourlamise
enœuvreduMDP,généralementcesacteursparticipentindirectementdeladynamiquedumécanismeà
Rio. Cette démarche de séparation en deux grandes catégories nous a servi à rendre plus simple la
construction de la grille d’entretien. Cette division avait comme objectif d’identifier le degré
« d’implication » dans le MDP pour ceux qui sont « officiellement » « dans » ou « en dehors » de la
dynamique. De cette manière, nous voulons examiner la visibilité de certaines catégories d’acteurs à
l’échelle internationale dans les documents officiels de la CCNUCC. Nous allons observer également
commentcettevisibilitésedéploiedanslamiseenœuvrelocale.
Ilestimportantdesoulignerquenousn’avonspasconstruitunegrilled’entretienpourlesentretiensde
confirmation réalisés en 2016. Ces entretiens étaient plus ouverts et nous avons abordé les thèmes
rencontrés lors de nos résultats dans l’analyse de contenu de l’enquête au niveau local. Comme il
s’agissaitdesentretiensaveclesacteursauniveaunational,notreobjectifétaitdecorroborerlesthèmes
émergeantlorsdenosrésultatsdelamiseenœuvrelocale.Ainsi,lepremiertableauci-dessousmontre
lesthématiquesabordéesdanslagrilled’entretienaveclesacteursauseindesentreprisesprivéesdans
leMDP.Ledeuxièmetableaucorrespondauxthèmesabordésaveclescatadores,lesONGetla« presse
spécialisée ».Dansl’Annexedelathèse,ontrouveralesexemplairesdelagrilled’entretienpourchaque
catégoried’acteurdelapremière(etgrande)phaseduterrain.
238
Tableau19:Thématiquesgénéralesabordéesdanslagrilled’entretiendestinéeauxentreprisesprivées
272
Tableau20:Thématiquesgénéralesabordéesdanslagrilled’entretiendestinéeauxcatadores,auxONGetàlapresse.
4.5VIOLENCE,CORRUPTIONETLE« CLAN »DESDÉCHETS:LESLIMITESDUTERRAINETLA
DIFFICULTÉD’ACCÈSAUXACTEURS
Durantletravaildeterrainen2015,nousavonsétéconfrontéesàplusieurstypesdelimitesdeterrain:la
violencedans l’État deRio, le constat de l’existenced’un réseau ferméd’acteurs dans le domainedes
déchets et lamédiatisation des scandales de corruption à l’échelle nationale, et plus particulièrement
dansl’ÉtatdeRiodeJaneiro.Sid’uncôté,lefaitd’êtrebrésilienneoriginairedeRioconfigureunaspect
favorable. Cet aspect facilite plus rapidement l’entrée sur le terrain puisqu’il y a une reconnaissance
automatiquedessignesculturelslocaux.D’unautrecôté,lefaitd’êtreunefemmedetrenteansetseule
272LesreponsablesdesdéchargesLesdifférentesgrillesd’entretiensetrouventdansl’Annexedelathèse
239
aeuuneinfluencedanslerecueildedonnées.Enréalité,cette« influence »nereposepasdanslerapport
« chercheur-acteur »,maissurtoutdanslafaçondontjemesuisapprochéeduterrain.Ilyadesrisquesde
violenceassociésàmonsujetderechercheetauxendroitsdelarégiondel’ÉtatdeRiooùsetrouventles
décharges et les coopératives de catadores. Ainsi, une posture de « prudence » envers les risques fait
partied’unedeslimitesdemonterrain.
4.5.1Laviolencequotidiennedansl’ÉtatdeRiodeJaneiro:L’abyssesocialcommefacteurdeproductiondesrisques
L’Amériquelatineestlarégionquiprésenteleplusgrandindice,auniveaumondial,d’inégalitéssociales
structurantes (CEPAL, 2016 ; Rosenthal, 1996). Dans les pays latino-américains, les inégalités sociales
configurent un facteur au croisement de la question de la violence et du processus démocratique du
continent(Rouquié,1983 ;Furtado,1998).Laverticalisationdesmécanismessociauxvisantàpréserverle
pouvoir contribue à l’augmentation de cet abysse social en excluant les plus défavorisés d’une
participation politique et d’une visibilité sociale. La violence sociale de l’État envers les plus pauvres
entraine la banalisation de la brutalité et du non-respect des droits humains dans les pays. Ainsi, la
violencecommeproduitdelavulnérabilitésocialecomprenddeuxdimensions:laviolenceverticaleetla
violence horizontale (Rouquié, 1983). La première représente celle de l’État envers la population, qui
configure l’autorité et la réaffirmation du pouvoir (voir agression physique). Et la violence horizontale,
celle vécue entre les pairs, au sein de la population, prend plutôt les formes de l’agression physique.
Comptetenudecettebrèvedéfinitionde« violence »dans lecontexte latino-américain, jevaisexposer
comment ce facteur et ses dimensions sont associés à mon objet de recherche et comment il a
représentéunelimitesurleterrain.
IlestimportantderappelerquelaviolencehorizontalevécueactuellementàRioestd’unepartlerésultat
deplusieurssièclesd’uneviolenceverticalestructuranteetextrêmeenverslapopulationnoire,dontles
racinessetrouventdansl’esclavage.Misse,(2008)soulignequ’auBrésil,etplusspécifiquementàRio,en
raisondenotreprocessusdemodernisation« fragmentée »etlesinégalitéssociales,l’Étatn’ajamaisété
leseulorganismeàavoir lemonopole légitimede laviolenceniàgarantir l’accèsà la justiceàtoute la
populationdefaçonégale.Ceparadoxeaentrainél’apparitiondesespaces« vides »oùl’Étatnepeutpas
240
réaffirmer le pouvoir à travers sa force ni garantir l’accès au système judiciaire à une population
vulnérable.
Entre lesannées50et70, larégionde lavilledeRiodeJaneiroaconnuuneexplosiondémographique
résultantdel’immigrationmassived’unepopulationruraledel’intérieurdupaysetdesdescendantsdes
anciensesclaves.Durantces20ans,lapopulationurbaineadépassé(lenombrede)lapopulationrurale
dans le pays, et Rio de Janeiro a vu l’augmentation de la pauvreté dans les favelas et l’apparition des
banlieues précaires (Misse, 2008). Ces territoires sont devenus des « territoires vides » du pouvoir
étatiquelorsqu’ilfaitfaceàdesdifficultésdansl’impositiondesaforce.Fauted’impositiondumonopole
de la violence et de la justice de la part du pouvoir public, les favelas et les banlieues précaires de la
régionmétropolitainedeRioconnaissentunmouvementdeconcentrationdesarmesdeguerredepuis
environ30ans.Dans les favelas, les jeunes trafiquantsdesdrogues sebattent régulièrementcontre la
policedansune« guerre »quotidienneoùiln’yaaucunobjectifpolitiquedeleurpartdansladomination
duterritoire,sauflebutéconomique.Enrevanche,danslesbanlieuesprécaires(etaussidansquelques
favelas),nousassistonsàunautretyped’instrumentalisationdel’espacevide: l’apparitiondesgroupes
de« milices ».
Les« milices »sontuntyped’organisationcriminellequiselégitimeàtraversundiscoursdeprotectionde
lapopulationlocalecontrelestrafiquants.Ilestimportantdesoulignerquecette« protection »n’estpas
gratuite.Lesrapportsdepouvoirsentrela« milice »et lapopulationlocalesontbaséssur laviolenceet
l’échange marchand. Cette protection est « achetée », mais son « achat » n’est pas libre, il peut être
imposépardesmoyensviolents(Misse,2011 ;Cano,2008).En2017,lejournalOGlobo(2017b)apublié
lerésultatd’unrapport,« soi -disantsecret »de l’InstitutdeSécuritéPubliquede l’ÉtatdeRiorévélant
que843territoires(ycompris les« favelas »et lescités)dansl’ÉtatdeRiodeJaneirosontcontrôléspar
les pouvoirs parallèles, où l’État ne peut pas accéder. Les cartes ci-dessousmontrent des données de
2016d’InstitutdeSécuritéPubliquedel’ÉtatdeRiomontrantlesrégionsdel’ÉtatdeRioquiprésentent
lesplushautsindicesdescrimespotentiellementmeurtriers.Ilestpossibled’observerquelamajoritéde
récurrences de ce type de violence se présente dans la région métropolitaine de Rio de Janeiro
(Gonçalves,2017).
241
Figure47:Cartedelarécurrencedescrimesviolentsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro
Source:Donnéesdel’ISP ;Gonçalves,2017.
Afindemieux illustrer dansquellemesure la questionde la violence a affectémon travail, la carte ci-
dessous montre les municipalités dans la région métropolitaine de Rio de Janeiro sous l’influence du
pouvoir de « milices ». Il est possible d’observer que les trois villes qui hébergent les trois décharges
faisantpartiedenotrecorpuspossèdentunepartie(oulamajorité)deleurterritoiresousl’emprisedes
organisationscriminelles.:lesvillesdeSeropédica,NovaIguaçuetDuquedeCaxias.Lesdonnéesréunies
danscettecarteproviennentdelaPoliceCivile,delaChambredeSécurité,duMinistèrePublicdel’État
deRiodeJaneiro,delaMariedelavilledeRioetd’InstitutBrésiliendeGéographieetStatistique(IBGE).
242
Figure48:LesmunicipalitésdelarégionmétropolitainedeRiocontrôléesparlesmilices
Source:G1,2018.
Outrecescénariodeviolenceetdepouvoirparallèledans l’ÉtatdeRioquia fortement influencémon
approchedu terrain, il yauneautredimensionquiacontribuéàmaposturede« prudencequantaux
risquesduterrain »,cesontlesindicesdesviolencescontrelesfemmesdansl’ÉtatdeRio.Bienqu’ilfasse
partie de ma réalité culturelle « faire attention, car je suis une femme seule », je vais exposer ici, les
statistiquesqui justifientcetteposture liéeau« senscommun ».Leféminicideestuntermequidésigne
l’assassinatdepersonnesdont laseulemotivationestassociéeaugenre.La loibrésiliennede2015qui
reconnait leféminicide,explicitequ’ilyadeuxcontextespoursonexécution: laviolencefamilialeet le
méprispourlaconditiondefemme(CasaCivil,2015).Selonlesdonnéesde2013,lacartedesassassinats
de femmes au Brésil enregistre l’État de Rio comme le quatrième état de la république fédérative à
montrerlesplusgrandsindicesdeféminicidepourcentmillehabitantscommelemontrelegraphiqueci-
dessous(Waiselfisz,2015).
243
Figure49:Indicesd’homicidedesfemmesparunitéfédérativeauBrésil
Source:Waiselfisz,2015
Comptetenudecescénariodeviolencefaisantpartiedenotrequotidien,onm’avertissaitdesconditions
duquartieravantlaprisederendez-vous.Celaarrivaittoujourslorsdemesentretienspréalablesavecles
responsables des décharges ou des coopératives, avant que je ne prenne la démarche de demander
comment m’y rendre. De cette manière, j’étais toujours avertie si c’était prudent d’y aller seule, en
voitureouentransportencommun.Lesdéchargesetlescoopérativesfaisantpartiedenotrecorpusse
trouvent dans desmunicipalités où des organisations criminelles exercent un pouvoir illégal. J’ai ainsi
optépourtoujoursmerendreàcesendroitsenfonctiond’un« avispréalable »positifdemesenquêtés.Il
est important de souligner qu’à Gramacho, je m’y suis rendue accompagnée de mon beau-père en
voiture en raisondu conseil de responsables de l’anciennedécharge. Ilsm’ont prévenuequ’autour de
l’anciennedéchargedeGramacho,ilyavaitdesdéchargesclandestinescontrôléespardestrafiquantsde
droguesdelarégiondesortequ’ilfallaitêtreattentif.Àlafindel’entretien,aumomentdefairelavisite
etdeprendredesphotos,encoreune fois, j’aiétémiseengardedenepaspositionnermacamérade
sorteàfairepenserquejeprenaisdesphotosdesalentoursduterrain273.
À titre illustratifde laquestionde laviolencedans l’ÉtatdeRiodeJaneiro, jevaisbrièvementraconter
deux crimes qui englobent la question du féminicide, de la violence « généralisée » (horizontale et
verticale)àRioetdelacorruption.D’ailleurs,l’enjeudelacorruptionétaitunautreobstaclesurleterrain
qui sera traité dans les parties qui suivent. Montrer les assassinats de ces deux femmes qui étaient
impliquéesdanslesaffairesdel’ÉtatdeRioillustredeuxpoints:lesstatistiquesoùleBrésilfigurecomme
unpaystrèsdangereuxpourceuxquidénoncentlesinjusticessocialesetenvironnementales(Veja,2017 ;
273Ladescriptionduterrainetplusd’informationsetrouventdanslesmonographies,dansladeuxièmepartiedelathèse.
244
GreenpeaceBrasil,2017) ;etla«banalisation »del’usagedelaviolencedansl’ÉtatdeRio.Lepremiercas
estarrivéaumomentoùjevenaisdefinirmontravaildeterrainen2015etl’autre,enmars2018.
Enoctobre2015,unegéographe,ancienneprofesseuredel’UniversitéFédéraledeRiodeJaneiroaété
exécutéelematind’unjourouvrédanssavoituregaréeprèsd’unestationdemétrodelavilledeRiode
Janeiro (O Globo, 2015). La police soulignait qu’il s’agissait d’un crime d’exécution puisque l’assassin
connaissaitseshabitudes,commel’endroitoùellegaraitsavoituretouslesjoursetaussiparcequ’iln’ya
eupasdevolsd’objets(JornaldoBrasil,2015).Durantlesinvestigations,lapoliceaconfirméquelecrime
était lié à l’activité professionnelle de Priscila de Goes qui était chef de projet du programme de
dépollutionde laBaiedeGuanabara(ProgramadeSaneamentoAmbiental).Elleetsonéquipefaisaient
l’interfaceentrel’ÉtatdeRioetlaBanqueInteraméricaineduDéveloppementquifinançaitleprogramme
(FolhadeSãoPaulo,2017).Selonl’investigationdelapolice,elleseplaignaittrèssouventduharcèlement
dans le travail pour participer aux stratégies de corruption. (R7, 2015). De nombreux chantiers pour
l’améliorationenvironnementaleetd’infrastructuredanslavilledeRiopourlesJeuxOlympiquesde2016
ont fait l’objet d’investigation pour des affaires de corruption lors du Programa de Lava Jato. Il est
intéressant de signaler que274 plusieurs de ces chantiers ne se sont pas concrétisés, notamment la
questiondeladépollutiondelaBaiedeGuanabara(OGlobo,2017c ;Estadão,2016).
Dans la soirée du 14 mars 2018, la conseillère municipale de la ville de Rio, Marielle Franco, a été
assassinéedans larégioncentraledeRio,delamêmefaçon,quePriscilaGoes,victimedeplusieurstirs
(Estadão, 2018).Marielle était sociologue, née dans une grande favela de Rio, et élue deux semaines
avant lecrime,présidentede lacommissiond’investigationde l’Interventionmilitairedans l’ÉtatdeRio
deJaneiro(ElPais,2018).CettecommissionaétécrééeparlesdéputésdelachambremunicipaledeRio
afindedénoncer lesabusdesmilitairesetde lapolicemilitaireenvers leshabitantsdes favelasetdes
banlieues vulnérables. Exactement 4 jours avant samort,Marielle a dénoncé sur les réseaux sociaux,
l’abus de pouvoir des policiers militaires et leurs actions violentes contre la population du quartier275
d’Acari, dans lamunicipalitédeDuquedeCaxias (CartaCapital, 2018 ;OGlobo, 2018). Les groupesde
milices sont suspectés d’être à l’origine de son exécution (El Pais, 2018a ; Intercept Brasil, 2018).
L’association des groupes desmilices avec les conseillers de la chambremunicipale de Rio devient un274DanslaprochainepartienousallonsévoquercommentlaLavaJatoainfluencéledéroulementdenotreterrain.275Desviolencestellesquel’invasiondeménages,lesmenacesdemortsetc.
245
phénomènetrèscommundans lavilledeRio(InterceptBrasil,2018a ;G1,2016).LamortdeMariellea
gagné une grande visibilité nationale et internationale. Le dévoilement de son assassinat pourrait
contribueràcombattrel’impunitéd’unÉtatcomplicedelaviolenceetdéfaillantpourassurerlasécurité
desapopulation(Lemonde,2018 ;Libération,2018 ;Huffpost,2018).
Figure50:Dénonciationdelaviolencedansl’ÉtatdeRiodansunepublicationsurlecompteTwitterdeMarielleFrancoun
jouravantsonassassinat276
.
4.5.2Le« clan »desdéchetsetlesscandalesdecorruptionauBrésil:Commentsurmonterlesobstaclesduterrain ?
Lorsdutravaildeterrainen2015,lepaysvivaitunecrisepolitique,cequiareprésentéunelimitedansle
recueildedonnées.Danscettepartie,nousallonsraconterbrièvementcommentunecrisepolitiquedans
le pays a pu influencer l’accès aux acteurs qui participent à la dynamique duMDP et à la gestion des
déchetsdans l’ÉtatdeRiodeJaneiro.Cette instabilitéd’ordrepolitiqueasesracinesdansundéclinde
l’économie brésilienne (Neto, 2016). Il y a deux versions sur l’éclatement de la crise économique
brésilienne. La première version, venant des économistes hétérodoxes et ceux affiliés au Parti des
Travailleurs (PT)277, consisteàexpliquerque lacriseéconomiquebrésilienne trouvesonoriginedans la
dévalorisation de la monnaie brésilienne dans le scénario international (Neto, 2016). La deuxième
position,celledeséconomistesorthodoxes,expliquequelacriseéconomiqueestlerésultatdeplusieurs
interventionsdel’Étatdanslessecteursdeproductionnationalelesplusvariés.Àpartlesinterventions,
276 Traduction: “ Encore un autre homicide d’un jeune provoqué par la Police Militaire. Matheus Melo sortait de l’église.Combienencorevontdevoirmouriravantquecetteguerrefinisse?»277Lepartiquiétaitaupouvoirentre2002et2016.Lepartidel’ancienneprésidenteDilmaRousseffetduprésidentLuisInácioLuladaSilva.
246
les économistes « accusent » le deuxième gouvernement deRousseff, débutant en 2014, demettre en
œuvredespolitiqueséconomiquesoscillantesauniveauidéologique.Sid’unepart,laprésidenteaprisun
engagement de construire un programme économique dont les intérêts des travailleurs seraient la
priorité.Del’autre,unefoisélue,sonéquipeamisenplaceunprogrammed’austéritéfiscalen’ayantpas
dans lesensdudéveloppementsocialproposé lorsde lacampagnederéélection(Neto,2016 ;Carleial,
2015). Cette oscillation idéologique au sein des politiques économiques est aussi le résultat d’un
affaiblissementdurôlebrésiliendansl’économiemondiale.
Associéeauxenjeuxéconomiques,lacrisepolitiqueayantculminédansladestitutiondelaprésidenteen
2016 est due aussi à la conjugaison de plusieurs autres facteurs tels que: les scandales de corruption
issus de l’opération « Lava Jato 278» ; et l’hétérogénéité idéologique du congrès, caractéristique des
alliances du Parti des Travailleurs. Bien que la crise soit le produit de l’interaction de toutes ces
dimensions, nous allons nous focaliser sur la thématique de la corruption. En réalité, les révélations
successivesdesaffairesdecorruptionpar lebiaisduprogrammeLava Jatoonteuun impactsurnotre
recherche.Avantdediscutercommentceprogrammeat-ilpureprésenterunelimitescientifiquepourla
thèse, nous allons brièvement « raconter » sa mise en œuvre, son déroulement et ses principales
conséquences.
L’opération« LavaJato »acommencéen2014etsonobjectifestdemettreaujourlescrimesfinanciers
commisdel’argentpublic.Depuissamiseenœuvre, l’opérationapurévélerdesaffairesdecorruption
entre les entreprises privées, notamment les entreprises du domaine de la construction civile, et les
politiciens. Le schéma de corruption consiste à donner des commissions frauduleuses aux entreprises
privéesafinquecelles-cipuissentsignerdescontratsdeprestationsdeservicesauprèsdesentreprisesde
l’Étatouauprèsdesmairiesetdugouvernement.Souvent,lesentreprisesprivéessoudoyaientdeshauts
fonctionnairesdel’Étatoulespoliticiensafinqueceux-cigarantissentlasignaturedescontrats.Enfait,il
s’agissaitdecontrats surfacturés.Cescontratsprévoyaient laconstructiondesaéroports,des lignesde
métro,desusinesnucléaires,desstadesdefootball,etc.(FolhadeSãoPaulo,2017a).
278Uneopérationquiconsisteenunensembled’investigationsentreprisesparlaPoliceFédéraleduBrasilquiviseàdécouvrirdesréseauxd’acteursdeblanchimentd’argent.
247
La majorité des constructions d’infrastructure faites dans l’État de Rio pour la réalisation des Jeux
Olympiquesde2016ontfaitl’objetdecontratssurfacturés.Apartlescontrats,selonleMinistèrePublic
Fédéral, lechoixdelaréalisationdesjeuxOlympiquesdanslavilledeRioaégalementfait l’objetd’une
manœuvre de corruption auprès du Comité International Olympique (MPF, 2017). Selon l’opération
UnfairPlay, l’anciengouverneurdel’ÉtatdeRio,SergioCabral,asoudoyélesdirigeantsducomitépour
environ2milliardsdedollarsafinque lavilledeRiode Janeiro reçoive lesvotesnécessairespourêtre
éluelavillesiègedesjeuxen2016.UnefoislavilleéluesiègedesJO,lapopulationdeRioavul’apparition
desnombreuxchantiersd’infrastructurepourdepréparationdelavillepourl’événement.Cependantles
contrats de concession de ces chantiers tels que pour la construction de la ligne4 du métro279, la
rénovationduMaracanã280et la revitalisationurbaineduportde la villedeRio281ontété surfacturées
dans un schéma de corruption entre l’ancien gouverneur de Rio (Sergio Cabral) et les entreprises
brésiliennesdeconstructioncivile(FolhadeSãoPaulo,2017).Lafigureci-dessousmontreleschiffresdu
résultatdel’opérationLava-Jatodansl’ÉtatdeRiojusqu’ànovembre2017.
279Lechantierdelaconstructiondelaligne4dumétroprévoyaitunbudgetinitialde5,6milliardsdeReaisetlebudgetfinalestmontéà9,15milliardsdeReais(FolhadeSãoPaulo,2017a)280LebudgetinitialdelarénovationdustadedeMaracanãétaitévaluéà600millionsdeReaisetlesdépensesfinalessesontchiffréesà1,2milliarddeReais(FolhadeSãoPaulo,2017a)281 Le projet du “PortoMaravilha” avait un budget initial de 7,6milliards de Reais et le coût final du chantier était de 8,2milliardsdeReais(FolhadeSãoPaulo,2017a)
248
Figure51:Lesrésultatsenchiffresdel’Opérationde« Lava-Jato »dansl’ÉtatdeRioennovembre2017
Source:MinistérioPúblicoFederal,2017.
Jusqu’ennovembre2017,cetteopérationacomptabilisé25dénonciations,134personnesdénoncées,57
arrestationset11typesdecrimes(contratspublicsdelicitationfrauduleux,corruptionactive,corruption
passive,blanchimentd’argent,crimecontrelesystèmefinancier,usurpationd’identité,etc.).Ceschiffres
montrent le démantèlement d’une organisation criminelle entre les politiciens de l’État de Rio et
plusieursentreprisesd’ingénierie.Quandnousavonscommencéletravaildeterrain,laLava-Jatoétaiten
pleine opération de dévoilement des scandales de corruption à Rio de Janeiro. De ce fait, nous avons
249
remarquéunecertaineméfiancedesacteursànousaccorderdesentretiensetàparlersurdesquestions
budgétaires.Ilfautjusterappelerquelanouvelledynamiquedelagestiondesdéchetsaprèslamiseen
œuvredelaPolitiqueNationalesurlesDéchetsprévoitlaconcessiondutraitementdesdéchetsdansles
décharges sanitaires aux entreprises privées. Autrement dit, la loi impose la création des contrats de
licitation entre le public et le privé. Puisque la Lava-Jatoétait en train de déceler des affaires de
corruptionrencontréesdanslasignaturedescontratsdeconcessions,ilyavaituneréticencedesacteurs
ànousaccorderdutempsàparlerduMDPetdelagestiondesdéchets.Plusencorequelaréticencedes
acteurs privés, il y a eu un refus des acteurs publics à contribuer à la recherche, que nous imaginons
égalementdécoulerdesdécouvertesrécentesde« Lava-Jato ».
Un autre facteur ayant rendu l’accès aux acteurs plus difficile était laCPI do Lixo282. Cette commission
d’investigationdelagestiondesdéchetsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiroaétémiseenplaceenmars2015.
Cettecommission,composéedesdéputésdelachambrelégislativedel’ÉtatdeRio,avaittroisobjectifs:
a) investiguer la cause de l’existence continue de décharges à ciel ouvert dans l’État ; b) Vérifier le
fonctionnement des décharges sanitaires auprès des entreprises ; c) évaluer la mise en œuvre de la
gestiondutridansl’État(ALERJ,2015).Toutaulongdel’année2015,lacommissionréalisaitdesvisites
techniquesdanschaquedéchargesanitaire283.
Waldman(2010)adéjàsoulignél’existenced’un«clandesdéchets »284auBrésil,quirevêtdesformes
différentes à l’échelle de chaque État de la fédération. Le rapport entre les entreprises privées et les
municipalités localespour la gestionde lapropretéet lesdéchetsd’un territoire spécifique formeune
espècede« groupe fermé ». Ce groupemet enœuvre leurs sesintérêts et sesstratégies et devientun
« blocus de pouvoir »285à coordonner le traitement des déchets solides dans une région. Prenant en
comptecettecaractéristiquedusecteurassociéeàla« CPIdolixo »quivisaitprécisémentàinvestiguerles
failles du processus de traitement de déchets dans lequel les mairies et les entreprises étaient
impliquées, l’accès aux acteursprivés et institutionnels est devenudifficile.Quand l’accès a été réussi,
282“ComissãoParlamentardeInquérito”instituéeparlaResolutionnúmero04/2015.283 Les résultats de cette commission et son rapport sontmentionnés dans la deuxième partie de la thèse où nous allonsdiscuterchaqueprojetMDPenparticulier.284DiretoradodoLixo.Nousavonsutilisédifférentesformesdetraductiondececonceptaulongdelathèse,telsque«réseaufermé d’acteurs»; «cartel des déchets»; «clan des déchets». Un concept difficile à traduire puisqu’il vise à décrire lesrelationsofficiellesetnon-officiellesentrespouvoirspublicsetentreprisesprivéesdanslesecteurdetraitementdedéchets.285Blocodepoder.
250
l’établissement du lien de confiance était très important en raison du scénario politique dumoment.
L’extraitdujournaldeterrainci-dessousillustrecetenjeulorsd’unevisite.
J’étais très bien accueillie. Mais en montrant mon document
d’engagementetdeconfidentialitéàlasecrétaireduresponsabledu
biogaz, elle a souligné que l’entreprise a déjà eu des problèmes
juridiques avec des chercheurs par rapport aux informations sur le
budget de financement publiées dans les travaux académiques déjà
faits sur le projetNovaGerar. Jeme suis sentie intimidée et je lui ai
assuréqu’aucunequestionquitoucheraitl’argentneseraitposée.J’ai
choisicettestratégiepouravoirlaconfiancedemonparticipanttout
en sachant que le domaine des déchets à Rio est un secteur très
difficiledansledévoilementdesinformations
(ExtraitduJournaldeterrain).
Ainsi,laconjonctiondefacteurscommelaposturedeprudenceauniveaudelaviolencedansl’Étatetles
deuxévénementsd’investigationmassiveaumomentdutravaildeterrainontreprésentéunobstacleà
l’accès aux acteurs ainsi qu’au déroulement des entretiens. Il y a eu d’autres moments de gêne par
rapportàl’enregistrementdel’entretienetaussidesrefusoudesavertissementsconcernantlaquestion
de financement de la mise en œuvre de la production énergétique dans les décharges286. Toutefois,
méthodologiquement,commentceslimitesont-ellesétésurmontées ?Telsquenousl’évoquonsaulong
de ce chapitre, nous avons essayé de surmonter ces obstaclesméthodologiques en ayant recours aux
sourcesdocumentaires.Ils’agitd’unerechercheplusextensivedanslalittératuregrisesurlaquestiondu
MDPetsurlesenjeuxdudomainededéchetsdansl’ÉtatdeRio.Unautrerecoursétaitl’utilisationd’un
journaldeterrain.
Lejournaldeterrainétaitd’uneimportanceclépour« combler »certains« vides »laissésparleslimitesdu
terrain dans la thèse. Chaque projet MDP dispose d’un groupe de récits ethnographiques qui lui
appartiennent, organisépardate.Ainsi, il était plus simpled’observer les caractéristiques inhérentes à
286Àl’aidelalittératuregrise,ladeuxièmepartiedelathèseélucidecessentimentsdegêneressentisauprèsdesenquêtésparrapportàlaquestionbudgétaireetàl’investissementdanslesCentresdeTraitementdeDéchets.
251
chaque projet et les traits communs à tous287. La systématisation ex post demon journal de terrain a
permis également d’observer plus minutieusement l’évolution des impressions enregistrées à chaque
visite aux trois décharges sanitaires différentes. Lesmonographies présentées dans la deuxièmepartie
regroupent les informations tirées des rapports officiels (notre première source documentaire), des
donnéesretiréesdesreportagesdelapressegrandpublicetaussidelapressespécialisée.Ladeuxième
partiedelathèsecontientégalementlesdonnéesretiréesdujournaldeterrain288.Parconséquent,nous
avonsdécidédemontrerunepartiedenosrésultatssous la formedemonographiesdechaqueterrain
afindevaloriserlessourcesdedonnéesutilisées,autresquel’entretien.Apart« combler »leslimitesdu
terrainà travers l’absencede certainsentretiens, cesautres sourcesontenrichinotre travail. Eneffet,
ellesnousontfaitparvenirdesdonnéescomplémentairesetontapportédesinformationssurcertaines
controversesinhérentesàchaqueterrainquin’ontétépasmisesenavantparlesacteursinterrogéslors
desentretiens.Ainsi, ilestpossibledevoirdanslesmonographieslesrésultatsdelaconjugaisondeces
sourcesdansunregroupementdesdonnéesquiracontentl’histoireetlamiseenœuvredesprojetsMDP
danschaquedécharge.
4.6.L’ANALYSEDECONTENUCOMMEMÉTHODED’ANALYSEDESENTRETIENS
Cette dernière partie du chapitre méthodologique expose le processus d’analyse des résultats des
entretiens.Cettepartieestconsacréeàl’analysedesdiscoursdesparticipantsinterviewéslorsdutravail
deterrain.L’analysedesdonnéesrecueillieslorsdesentretiensréalisésàRiodeJaneirodejanvieràaout
2015 s’est déroulée en 2 étapes: observation empirique (analyse du journal de terrain) et analyse
thématique des entretiens. L’objectif d’utiliser la technique de l’analyse de contenu combinée aux
monographiesestdeséparer lesparticularitésdechaqueprojetMDPdetoutes lesgénéralitésqui leur
sont communes. Si d’un côté, l’approche anthropologique des monographies nous a permis de
comprendre le contexte et les controverses qui concernent chaque projet MDP étudié. De l’autre,
l’analyse de contenu des entretiens révèleles thématiques communes qui ressortent des discours des
287 Lesmonographies sont basées sur les données regroupées à partir du journal de terrain, sur les résultats de la lectureflottantedesentretiens,etsurunerecherchedocumentaireminutieuse.288Lesmonographiescomportentaussidesextraitsd’entretien.
252
acteurs impliqués. Cela aide à dégager des généralités pouvant caractériser la mise en œuvre de ce
mécanismedansl’ÉtatdeRio.
Bardin(2011)résumelatechniquede l’analysedecontenucommeuncorpusd’instrumentsquiaide le
chercheuràsaisirdefaçonméthodique lecontenuducorpusdesarechercheàtravers l’obtentiondes
indicateurs289importantspourlacompréhensiondesonmatériel.« Unensembledetechniquesd’analyse
descommunicationsvisant,pardesprocéduressystématiquesetobjectivesdedescriptionducontenudes
messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence des connaissances
relativesauxconditionsdeproduction/réception(variablesinférées)decesmessages »(Bardin,2011:47).
En effet, une lecture exhaustive dumatériel d’analyse (étape de la pré-analyse) permet au chercheur
d’effectuerleprocessusdecodageouvert(« opencoding »)afindesaturerlescatégoriesdethèmesqui
apparaissent dans les entretiens, pour ensuite les organiser et effectuer le traitement des résultats
(Strauss,1987 ;Bardin,2011).L’analysedecontenuestbaséesurlesoutilsthématiquesconstruitsàpartir
de notre démarche hypothético- déductive. Cette démarche nous a amenées à formuler l’hypothèse
suivante.
Hypothèseprincipale:LeMDPestunoutildeluttecontrelechangementclimatiquequiopèreselonunelogique
marchandepriorisant ledéveloppementéconomiqueaudétrimentde lapréservationenvironnementale localeet
de lacorrectiondes inégalités sociales locales lorsdesamiseenœuvredans lesdéchargesdans l’ÉtatdeRiode
Janeiro.
L’objectifprincipalde l’analyse thématiqueestdedécouper transversalement lescorpusd’entretiensà
traversdesthèmesafindetrouverunecohérencethématiqueparmieux(Blanchet&Gotman,2012).Le
critère principal de notre processus d’encadrement thématique a été sémantique. Il est important de
souligner que seulement les entretiens réalisés lors du premier travail de terrain ont été soumis au
processusdel’analysedecontenu.23entretiensautotalontétésoumisàl’analyse,tandisquelesautres
entretiensfaitsaposteriori(entreoctobreetdécembre2016)constituentdesentretiensdeconfirmation,
dont l’objectif est de confirmer l’hypothèse générale. Le tableau ci-dessous montre le nombre
d’entretiensréaliséssur lepremierterrain(ceuxquiontétésoumisà l’analysedecontenu)ainsiquele
289Indicateurs,cesontlesmotsouexpressions(indices)quiapparaissentdefaçonrécurrentedanslesdiscoursdesacteurs.
253
nombred’entretiensdeconfirmationréalisésen2016. Ilest importantdesoulignerquenousavonspu
soumettreàl’analyseseulementlesentretiensquiontétéenregistrés.
Tableau21:Nombred’entretiensréalisésen2015et2016
Bardin (2011) précise que ce processus d’assemblage des éléments (indicateurs) ayant des
caractéristiques sémantiques communes sous un même titre comporte notamment 2 phases: la
premièreconsisteàfaireuninventairedesindices,ils’agitdelesisolerselonlenombrederécurrences.
Ensuite,ladeuxièmephaseconsisteàclassifiercesindicateursafindelesregrouperdanslesdifférentes
thématiques. Dans le cas de notre recherche, l’unité d’analyse choisie fut les mots, du fait que les
expressions se sontmontrées difficiles à comparer transversalement lorsde l’analyse de cette analyse
thématique.290 Le tableauci-dessousmontrecomment les thématiquesdéjàévoquéesplus tôtdansce
chapitreméthodologiqueontétémobiliséespouranalyserlesentretiens.
290Nousavonsclassélesexpressionsdansdesmotsquipourraientmieuxlesdéfinir.Danstouslescas,nousavonsrepérélesensetlecontextedechaqueexpressiondanslaphasedepré-analyse.Parexemple,la«questionsociale»estuneexpressioncommune à plusieurs entretiens,mais elle apparaît sous différentes formes de discours. En réalité, plusieurs fois elle a étéévoquéepour faire référenceà l’enjeude l’existencede«catadores».Ainsi, selon chaque catégoried’acteurs, nousl’avonsclasséesouslelabeld’unmotcorrespondantplusappropriéàsoncontexted’usagedansl’entretien.
254
Thèmesdel’analysedecontenu
Gouvernance Ce thème comprend tous les mots qui font allusion aux
instruments de gouvernance climatique globale, nationale
ou locale. Il englobeégalement tous lesautres instruments
de l’action publique dans l’État Brésilien et de Rio par
rapportaudomainedesdéchets.(Passeulementceuxquise
réfèrentàlaquestionduchangementclimatique)
Marché Cette catégorie comporte les concepts et lesmots évoqués
correspondant au fonctionnement de ce mécanisme
d’échangedevaleurvisantl’accumulationdecapital(marché
ducarboneetmarchédesbiensetservices.)
Technologie
(écologisationdespratiques)Lesmotsquicorrespondentauprocessusdetransformation
delaconnaissancescientifiquedansdestechniquesvisantla
réductiondesGESdans lecadredudomainedesdéchets. Il
fait partie du concept « écologisation ».Mais sa séparation
delaquestionenvironnementaleaétéfaitevolontairement
de sorte à voir dans quelle mesure la technologie est
associéeà l’environnementpourainsi, examiner le concept
d’« écologisation »danslamiseenœuvreduMDP.
Déchets291
Cette catégorieaété crééeafindemieuxanalyserdans les
discoursdesdifférentsacteurslestatuthybridedesdéchets:
Externalité négative ou un produit ? Elle comporte tous les
motsquisontliésàlaquestiondel’éliminationderésidusou
leurrecyclage.
Environnement
(écologisationdespratiques)Étant donné que le concept « environnement » englobe un
ensemble d’unités écologiques dans lequel un système
naturel fonctionne, cette catégorie prend en compte les
mots impliqués dans le phénomène du changement
climatique ainsi que les enjeux et les risques
environnementaux liés au domaine des déchets. Pour des
propos analytiques, nous l’avons séparé du concept
« écologisation » afin de voir la représentation duthème
pour les acteurs et examiner dans quelle mesure le MDP
promeut« l’écologisationdespratiques »dansledomaine.
Justiceenvironnementale Thèmepourplacer les catadoresdans lamiseenœuvredu
MDP. Leur vulnérabilité environnementale et leur
marginalisation socio-économique sont des enjeux toujours
présentsdansladynamiquedelagestiondesdéchets.Cette
thématique regroupe tous les mots qui font allusion au
travail des catadores et ce qu’ils représentent dans cettedynamique.
Tableau22:Lesthématiquespourl’analysedecontenu
Cependant, ilestimportantdesoulignerquelesdeuxphases(isolationetclassification)sechevauchent
dans lamesureoù la finalisationd’unprocessusdecodagedes indicateursconsistedansdesprocessus
simultanés et complémentaires. Pour « clôturer » une thématique, il est nécessaire d’avoir fini tout le
processusderepéragedes indicesayantdesaffinitéssémantiquespourfinalementcorroboreroucréer
291Enraisondustatut«controversé»ducaractèredesdéchetsactuellement,externaliténégativeouproduit,(Voirchapitre3pourunediscussionplusapprofondie).
255
unlabelplusadéquatàlathématique.Lebutdedécrireiciceprocessusestd’illustrerlafaçondontcette
analyseaétémenéedanslecadredemarecherche.Enayantprocédéaucodagedefaçonmanuelle,les
aller-retouraumatérielontétéconstants.Lechoixdenepasutiliserunlogicielpourlecodages’explique
par le fait de ne pas avoir un grand nombre d’entretiens, ce qui a rendu possible ce processus de
comptageà lamaindes indiceset la vérificationde la fréquencedes indicateurs (Wanlin,2007).Ainsi,
l’analyse manuelle m’a permis de procéder à plusieurs aller-retour et à de nombreuses vérifications
sémantiquesdanslematériel.Plusieursmotsontétéchoisisapriori,maisensuiteilsontétéenlevésau
furetàmesuredel’analyse.Parexemple,desmotscomme« MDP »et« projet »,évoquésplusieursfois,
ontétéretirésdel’analyse,carilsnefontréférenceàaucunoutilthématique.Ladifficultéduclassement
sémantique seposait aumomentde classerdesmots comme« développement », par exemple, qui en
fonctiondelaphrasepourraitêtreclassédanslacatégorie« marché »ou« technologie ».
Il est important de souligner quenous avonspris en comptedes verbes et toutes les dérivationsd’un
mêmeradical.Parexemple,touteslesdérivationslexicalesdumot« achat »et« vente ».Unautreaspect
très important à préciser ici, c’est le critère de l’apparition desmots et leur représentativité dans les
discours des acteurs. En réalité, le seul nombre total d’apparitions d’un mot ne suffit pas pour qu’il
constitueunmot« représentatif »dans lecorpus,carunseulparticipantpeut lementionnerplusieurs
fois292.Ainsi,lecritère« d’importance »reposesurlefaitqu’unmêmemotsoitévoquéplusieursfoispar
aumoinslamoitiédesparticipantsd’unecatégoried’acteursunique.
Aprèslesmonographiescomposantladeuxièmepartiedelathèse,lechapitre8estdédiéàuneanalyse
contextualiséedel’apparitiondesmotspourchaquethématique293,suivieainsidesextraitsd’entretiens.
Cettetroisièmeetdernièrepartiede lathèseapourbutdecorroboreroud’infirmer l’hypothèseetde
discuterlesoutilsthématiquesdenotredémarchehypothético-déductive.Cettediscussionses’effectue
àdeuxniveaux:lepremierconsistedansl’analysedesfréquencesdemotsetdeleurassociationaucadre
théorique des outils thématiques. Le deuxième niveau, qui fait référence au chapitre9, regroupe les
292Parexemple,lemot«industrie»aunefréquenced’apparitionde46fois,maisiln’estpasreprésentatifdesdiscoursdesacteurscar,ilaétémentionnéseulementparuneinterviewée.293Ilyaaussilecroisementdesthématiquesdanslespartiesquidiscutentlesrésultats
256
analysesdeladeuxièmepartieetduchapitre8pour,enfin,discuterlaquestiondela« miseenœuvre »
duMDPdanslesdéchargessanitairesàRiosousunangleplusmacro.
257
CONCLUSION
Dans cette partie, nous avons discuté les caractéristiques néolibérales de la gouvernance climatique
globale ayant choisi le marché du carbone comme un instrument de réduction des émissions
anthropogeniques.Le“développementéconomique”commecritèrefondamentaldeséparationentreles
paysdans lecadreduProtocoledeKyotoaentrainéune iniquitéentre lespaysdans lamiseenœuvre
desprojetsMDPdanslemonde.LarevuedelalittératurerévèleaussiquelalogiquemarchandeduMDP
était dominante par rapport à ses objectifs socio-environnementaux en raison du dessin de cahier de
chargé du mécanisme. Le Conseil Administratif du MDP ne met pas en place des dispositifs pour
l’évaluationdelapromotiond’undéveloppementdurablelocaleàpartirdelamiseenœuvredechaque
projet.Auregarddecesdéfaillances liéesaudessinduMDPetàsonfonctionnement, lesnégociations
durantlaCOP-21en2015ontrésultédanslacréationd’unnouveaumécanismedemarché.Cependant,
lecahierdechargesdunouveaumécanismeseraseulementprésentélorsdelaCOP-26en2020.
Par ailleurs, leMDP est unmécanisme créé par l’équipe brésilienne lors des négociations climatiques
internationales.Nousavons vuqu’il est leproduitd’unegouvernance climatique fragmentéeauBrésil.
Cette gouvernance fait face à un paradoxe dans la mesure où elle est partagée entre des actions de
préservation environnementale provenant d’une élite scientifique et politique à l’échelle fédérale, et
celles suivant des traditions néo-développementalistes à toutes les échelles du pouvoir. Ce paradoxe
écologiqueinhérentàl’Étatbrésilienestaussiprésentdanslesecteurdestraitementsdesdéchetssolides
urbainsàRio.D’unepart,ilyadesactionspubliquespourlesfermeturesdesdéchargesàcielouvertet
l’encouragementà lamiseenplacedesprojetsMDPdans lesaterrossanitários.D’autrepart,enraison
desjeuxd’intérêtspublicsetprivés,iln’yapaslaconsolidationdespolitiquesdevalorisationdesdéchets
danssatotalitédanslamétropole.
De cette manière, les projets MDP sont mis en œuvre dans un contexte brésilien et fluminense
controversésenmatièresocio-environnementale.Hormiscescontroverses,nousavonsaussi fait faceà
plusieurslimitesdansletravaildeterrainenfonctionducontextepolitiquebrésilien.Celanousaobligés
àavoir recoursà la littératuregrisepour la constructiondenotre travail empirique.Ainsi, ladeuxième
partie de la thèse est consacrée à présenter lesmonographies élaborées à partir des observations et
d’unevasterecherchedocumentaire.
258
DEUXIÈMEPARTIE:DUPROTOCOLEDEKYOTOÀL’ÉTATDERIO:LES
DIFFÉRENTSSCÉNARIOSDELAMISEENŒUVREDESPROJETSMDP
Les monographies présentées ici visent à expliquer et analyser les particularités de chaque terrain
composantcetterecherchesur ladynamiquedefonctionnementdesprojetsMDPdansl’ÉtatdeRiode
Janeiro. Bien que le but de l’analyse de la recherche repose sur une temporalité présente294 de la
question du MDP, il est important de contextualiser les projets et d’essayer de “reconstruire” et
comprendre certains aspects de leur mise en place afin de discuter leur fonctionnement actuel. Cet
aspect socioanthropologique de la recherche sert comme un soutien empirique aux entretiens. Ces
monographiessontbaséessurdesdonnéesempiriquestiréesdujournaldeterrainetsurunerecherche
documentairecorrespondanteàchaquedécharge295.Lacarteci-dessousmontrelalocalisationdechaque
terrain dans l’État de Rio. L’objectif central de cette partie est de mettre en évidence l’ancrage d’un
mécanismecommeleMDPdanslesstructureslocalesetcommentpourrait-iléventuellementrenforcer
lescontroversesexistantes.
294 On fait référence à une «temporalité présente», car il n’a été pas possible de rencontrer des acteurs en charge de laconceptiondesprojetsetdeleurmiseenplace.Desortequel’analysedecettedynamiqueseconcentresurlesannées2015et2016.Voirchapitreprécédantpourundéveloppementsurlaquestiondelatemporalitédanslaconstructiondemonobjet.295Ilyaaussiquelquesextraitsd’entretiens.
259
Figure52: LacartedelavilledeRiodeJaneiroetlalocalisationdesesdécharges
À l’exempledes lixões, lesdéchargessanitairessesituentaussienbanlieuesmodestesdel’ÉtatdeRio.
Enréalité,hormisleprojetdeJardimGramacho296,lesdeuxautresdéchargessanitairesactuellementen
fonctionnement ont été construites à côté de ces décharges à ciel ouvert qu’elles ont remplacées.
Waldman(2012)signalequedans l’imaginaireadministratifde l’Étatbrésilien lagestiondesdéchetsse
limiteauxrésultatsetn’inclutpaslesprocessusexistantsderrièrelagestiondesdéchetssolidesurbains.Il
s’agit d’appréhender les déchets comme une simple externalité négative au bout de la chaine de
production. Cette représentation des déchets de la part des pouvoirs publics justifierait lesmodalités
surannées297et(àlafoisactuelle)298d’éliminationdesdéchets.Ellessecaractérisentpardesstratégiesde
296Oùladéchargenefonctionneplusetlebiogazestretirédel’anciennedéchargeàcielouvert.297Lesdéchargesàcielouvert.298Cettementalitépeutêtretoujoursprésente(malgrélaPNRS)sinousanalysonscertainsenjeuxderrièrelaconstructiondeladéchargesanitairedeSeropédica,quiserontexposésdanscettepartie
260
dépôtdesdéchets« loindesyeuxdelapopulation ».Ledépôtéloignédesdéchetscommeunobjectifqui
serenfermeensoiWaldman(2012)précisequelanécessitédedéposerlesdéchets« quelquepart »est
prioritaireàsontraitement.Sagestionserésumeàsonenterrementloindesendroitslesplusappréciés
delaville.Eneffet,lesconséquencesdelamiseenplacedelaPNRSàRiotransitententrecettepratique
archaïquedelagestiondesdéchetsetunessaideleurvalorisationafinqu’ilspuissentsetransformeren
«commodities »danslemarchéducarbone.
Lesdéchetsvuscommedesexternalitésnégativesdontladestinationfinaledoitêtreéloignéedelapartie
centraledesvillesbrésiliennessuscitentunebrèvediscussionsur laconceptiondel’espacecommeune
traduction des modes de production des sociétés modernes. Les activités de production capitalistes
conditionnent la formationde l’espaceurbainselon leurrythmeet leurobjectif.Laconcentrationde la
richesse, caractéristique propre au système capitaliste, est un facteur qui influence directement
l’expansionurbainenonplanifiée. Elle entraîne la « super valorisation » de certaines zones et empêche
son accès à une population plus pauvre (Moreira & Trevizam, 2005). La logique de l’apparition d’un
modèleurbaindichotomiquedecentre-périphérieestthéoriséeparMiltonSantos(2004).
Santos (2004)précisequedansdesvillesdespayssous-développés, lamarginalisationsocialerésultant
desmodesdeproductiondessociétésmodernesestconcomitanteàlamarginalisationspatiale.Ilsignale
que les villes des pays en développement suivent un type d’urbanisation qui s’appelle « l’urbanisation
corporative ». Cemodèle théorique de la construction des espaces urbains décrit la manière dont les
processusdespéculation immobilièreécartent lespauvresdescentresetcréentdesairesvidesdans la
métropole.Lemarchéimmobilieropèresurunelogiquederareté(dumanqued’espace)danslamesure
oùlesvidessontcréésparcettespéculationtandisquecettespéculationsenourritdel’existencedeces
vides. La population pauvre part à la recherche des zones qui ne sont pas encore touchées par cette
spéculation, des zones qui se retrouvent encore plus loin du centre. Suite à cette dynamique de
croissancehorizontale,lesvillesbrésiliennescouvrentdegrandessuperficiesdeterre(Santos,1994).
Encroisant l’enjeude laplacedespopulationsplusvulnérablesdans laconstructionsocialede l’espace
urbain brésilien, la question de la localisation des anciennes décharges à ciel ouvert et les actuelles
déchargessanitairesenbanlieuespauvres,onpourraitrevenirsurleconceptde“zonesdesacrifice”de
Bullard (2000). Ce concept nous aide à mieux comprendre les aires où il y a à la fois des pratiques
agressives pour l’environnement et pour les populations pauvres. Étant donné la faible valeur de ces
261
zones dans le marché immobilier local, elles accueillent des projets qui menacent leur intégrité
environnementale,mettantainsiensituationderisquelespopulationsprécairesquiyhabitentetquine
peuvent pas participer au processus de prise de décision. La notion de « zone de sacrifice » met en
évidencelacréationdeladistributionspatiale inégaledesrisquesenvironnementauxBullard(2000).En
réalité, c’est le trait de vulnérabilité présente au sein de ces populations qui favorisent le choix de la
constructiondesprojetsfaisantapparaitredesrisquesenvironnementaux(Acselrad,2004).Ainsi,cen’est
pas un hasard qu’en fonction de la construction sociale de l’espace urbain de lamétropole de Rio de
Janeiro299quisuitlalogiqueducapital(Lago,2015 ;Santos,2004),nousobservonsledépôtdesdéchets
solidesurbainsdansdesvillespluspauvresdelamétropole.
L’analyse socioanthropologique de chaque projet MDP requiert la reconstruction d’une narrative sur
l’apparition de leurs décharges à ciel ouvert respectives, leur fermeture et ensuite la construction des
déchargessanitaires.Danscettedynamiquehistoriquedechangementdelagestiondesdéchetssolides
urbains jusqu’à la création des projets MDP, il est important de préciser que les pouvoirs publics
possèdentungrandrôledemédiateurentre lafabricationdel’espaceurbain, lecapitalet lasociétéau
Brésil.Outre l’obéissanceàune logiquedumarché, laproductionde l’espaceestégalement le résultat
d’un choixpolitiqueet idéologique (Gottidiener, 1999).D’unpointde vueopérationnel, l’Étatbrésilien
vise la reproduction du capital et pour ce faire, il garantit l’infrastructure nécessaire pour ne pas
interrompre son cycle en conduisant des mesures qui régulent l’usage du sol urbain pour que le
processus d’accumulation ne soit pas interrompu. Cette logique de régulation spatiale offrant des
opportunités seulement à la reproduction du capital rentre en consonance avec la vieille tradition
développementalistebrésilienne.Unmodèleayantengendrédesdisparitéssocio-spatialesqui inclut les
inégalités d’accès aux services urbains ainsi que l’exposition aux risques environnementaux. Le rôle de
l’Étatdanscettelogiqued’organisationspatialeinégaleoscilleentrel’absenceetuneforteprésence.Une
absencedanscequiconcernel’offredesservicesurbainsauxendroitsauxfaiblesvaleursimmobilières.La
forteprésencedans larégulation« technocratiqueetautoritaire »de l’espaceàtravers l’installationdes
zones industriellesdans lespériphériesnotammentdans lesannées70-80.Uneépoquemarquéepar la
périphérisationdesmétropolesbrésiliennes(Klink,2013).
299Nousn’allonspasaborder ladiscussionsur l’apparitiondes favelasdans lavilledeRiode Janeiro.Laconstructiondecescommunautés suit une logique différente du mouvement urbain dichotomique « Centre X Banlieue», dans lequel unepopulationplusprécairesedélocaliseducentredelavilleverslabanlieue.
262
Pour élucider cet argument théoriquede la créationdes « zonesde sacrifice » à travers l’apparitionde
lixões en raison de la logique d’urbanisation développementaliste de l’État brésilien, nous allons
présenter brièvement les caractéristiques de chaque municipalité dans lesquelles se trouvent les
anciennes décharges à ciel ouvert et les nouvelles décharges. Les prochains paragraphes seront ainsi
dédiésàlaprésentationdesvillesdeNovaIguaçu,DuquedeCaxiasetSeropédica.
Nova Iguaçu était une ville essentiellement agricole jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Sa décadence a
commencé lors de l’inauguration du chemin de fer D.PedroII300 qui priorisait la liaison entre d’autres
villesagricolesdel’estdel’ÉtatdeRioetlecentre-villedelamunicipalitédeRiodeJaneiro.Siauparavant,
la rivière Iguaçu assurait la réussite commerciale de ville, l’arrivée de la voie ferrée a déterminé de
nouvelleszonesd’influenceéconomiquesauseinde l’étatdeRio (IBGE,2010b).Dans lesannées90, la
ville présentait un Indice de Développement humain (IDH) relativement faible (0,500) abaissé
principalementparlecritèreduniveaud’éducationavec54%dedelapopulationn’avaitpasterminéle
cursusprimaireet14%d’illettrés.Àcettepériode,59,85%depopulationdeNovaIguaçuétaitauseuil
de la pauvreté (Atlas Brasil, 2017). Sur le plan géographique, 67% du territoire de lamunicipalité est
composédesunitésdeconservationdelanature(UnidadesdeConservaçãodaNatureza).Cesunitésde
conservation sont des parcs naturels et des réserves biologiques règlementées par le gouvernement
fédéral(CasaCivil,2000).L’ancienLixãodeMarambaiasesituaità2kmduplusgrandparcnatureldela
région, la Reserva do Tinguá. Ainsi, la précarité de la population de Nova Iguaçu et les risques
environnementaux d’une décharge à ciel ouvert sur cette population et les réserves naturelles autour
peuventcaractérisercetterégioncommeune« zonedesacrifice ».
LamunicipalitédeDuquedeCaxiasprésentaitdepuis ledébutduXXIesiècle, lescaractéristiquesd’une
« ville-dortoir »depuislaquelleleshabitantssedéplaçaientquotidiennementverslavilledeRiodeJaneiro
pour travailler (IBGE, 2017a). En fait, la région a vécu une grande hausse démographique suite à des
migrations venant du nord-est du Brésil et d’autres zones rurales de l’État, des populations en quête
d’opportunitésdetravailàRiodanslesannées70.Cefluxmigratoired’unepopulationpluspauvrevers
les villes périphériques, comme Duque de Caxias, révélait déjà la ségrégation sociale de l’espace
métropolitain(Lago,2015).Cetteaugmentationdémographiquerapidedelavilleaentrainél’occupation
300ActuelleCentraldoBrasil.
263
désordonnéedesanciennesfermesetpropriétésruralesquisetrouvaientimproductives.Cespropriétés
ont été abandonnées vers lamoitié du XIXe siècle en raisond’unedéforestation continuede la région
ayantentrainélaformationdesmangrovesetlaproliférationdemoustiquesetd’épidémiesdecholéraet
depaludisme (CMDC,2017). Laplusgrandedéchargeà cielouvertde l’Amérique latineestégalement
entréeenfonctionnementdanslesannées70.LeLixãodeGramachoestsituédanslequartierdeJardim
GramachoauxmargesdelaBaiedeGuanabaradanslavilledeCaxias.Unpeuavantlaconstructiondela
décharge,en1968,lesélectionsmunicipalesontétéannuléesàDuquedeCaxiasetlamunicipalitéaété
classifiée« zonedesécuriténationale »parlerégimebrésiliendedictaturemilitairedel’époque.Ainsi,la
construction d’une décharge dans un quartier très précaire peuplé par une population très vulnérable
s’estfaitesansaucuneconsultationpubliqueàcauseducontextepolitiquebrésilienayantperdurévingt-
et-unans(Portoetal,2004a).
Seropédicaestunemunicipalitéconsidéréecommeune« ville-dortoir »etàlafoisunevilleuniversitaire
en raison des activités économiques gravitant autour de la grande université fédérale qui y demeure.
Cependant, Coutinho (2015) souligne que malgré la présence d’un grand pôle de recherche comme
l’Universidade Federal Rural do Rio de Janeiro (UFRRJ), celle-ci ne fait pas partie du quotidien de la
population locale et contribue très peu au développement et à l’éducation de cette population. Son
fonctionnementnefaitpaspartiede ladynamique locale.Avant laconstructionde l’UFRJJaudébutdu
XXIesiècle,Seropédicaétaitunevilleessentiellementagricolecomposéedefermesdeplantationsdecafé
destiné à l’exportation. Néanmoins, après l’abolition de l’esclavage en 1888, la ville est entrée en
décadence économique en raison d’un exodemassif d’anciens esclaves vers la capitale (IBGE, 2010c).
Pendant très longtemps, Seropédica est demeurée une région d’accès très difficile. Mais, dans les
années80,cecontexteachangéaprèsl’inaugurationdel’autoroutequi lieRiodeJaneiroàSantos(São
Paulo)entraversantlamunicipalité.Maislavillen’apasperdusescaractéristiquesdevilledecampagne.
Audébutdesannées2000,Seropédicaprésentaitunindicateurdepauvretéhumaine(IPH)de50,85%301
(IBGE,2000).En2010,environ48%delapopulationadultedeSeropédican’avaitpasterminélesétudes
élémentaires ou était illettrée (Atlas Brasil, 2017a). En 2012, la Centrale de traitement des déchets de
Seropédica(CTRSeropédica)acommencéàfonctionnersurleterraind’uneanciennefermeetasuscité
beaucoupdecontroversesentrelaCOMLURB,lamairiedelavilledeRio, l’Institutdel’ÉtatdeRiopour
301L’indicevarieentre0et100.
264
l’Environnement302,l’UFRRJetlapopulationlocale.Destinéeàrecevoirlesdéchetsquiauparavantétaient
déposésdansladéchargeàcielouvertdeGramacho,laCTRSeropédicaaétéconstruiteprèsdesrivières
etsuruneréserved’eaupotable(AquifèredePiranema).
302InstitutoEstadualdoAmbiente(INEA).
265
CHAPITREV:“BRAZILNOVAGERARLANDFILLGASTOENERGYPROJECT”:LEPREMIERPROJETMDPDANSLEDOMAINEDESDÉCHETSAUMONDE
Le “Brazil NovaGerar Landfill Gas to Energy Project” a été le premier projet inscrit dans le cadre du
Mécanisme du Développement Propre à être implanté au Brésil. Enregistré par la CCNUCC le 18
novembre 2004, ce projet a été également le premier projet ayant être enregistré par le Conseil
Administratif (Executive Board) de la CCNUCC dans le cadre du Protocol de Kyoto au niveaumondial,
inaugurantainsilecycleduMDPdanslemonde(Lovins&Cohen,2011).IlévitelesémissionsdeGESpar
lamiseenplacede la technologiedetorchèreetvise,plus tard, lavalorisationdecesémissionspar le
biaisdel’utilisationénergétiquedubiogazprovenantdesémissionsdeméthane(CH4)del’ancienterrain
dedéchargeàcielouvertdeMarambaiaetde l’actuelledéchargesanitaired’Adrianopolis(CTR303Nova
Iguaçu).IlsetrouvedanslamunicipalitédeNovaIguaçu,localiséeà35kmdelavilledeRiodeJaneiro.
Figure53:L’autrecôtédelarueoùLaCTRdeNovaIguaçusetrouveenface.Photographiepriselorsdutravaildeterrain,le
1eravril2015304
.
303CentraledeTraitementdeDéchets(CentraldeTratamentodeResíduos)304Laprisedephotographiesàl’intérieurdelaCTRestinterdite.
266
Figure54:Lesaller-retourdescamionsàchaqueminutedevantlaCTRquisetrouveàdroite.Photographiepriselorsdu
travaildeterrainle1eravril2015.
Cettefrisechronologiquesertàsituerlemomentdutravaildeterrainparrapportauxévénementsliésà
l’installationdeladéchargeainsiquelamiseenœuvreduprojet.Ilestpossibled’observerlerôlequela
temporalitéjouedanslaconstructionautourdenotreobjetderecherche:leMDP.
Figure55:FrisechronologiquedesévènementsconcernantleprojetNovaGerar.
267
5.1LECARACTÈRENOVATEURDUPROJETDANSLASCÈNENATIONALE:QUANDL’ADOPTIONDU
MDPREPRÉSENTEUNESTRATÉGIEPOURLESACTEURSPRIVÉSETLESPOUVOIRSMUNICIPAUX
En 2000, laMairie de Nova Iguaçu a ouvert la concession aux entreprises privées pour l’opération, le
traitementetladispositionfinaledesdéchetsainsiquelarécupérationenvironnementaledel’ancienne
décharge à ciel ouvert deMarambaia. Une entreprise brésilienne spécialisée dans le domaine de la
construction civile, SA Paulista, a signé le contrat de l’EMLURB (Entreprise Municipale de Nettoyage
Urbain)305pouravoirencharge le traitementdesdéchetsde lavilledeNova Iguaçupendant20anset
aussipour larécupérationenvironnementalede l’ancien lixãodeMarambaia.Cecontratdeconcession
englobeaussi l’exploitationdubiogazprovenantdecesdeuxdécharges (DeSouza&Ribeiro,2009). Le
contrat précise également que la mairie de Nova Iguaçu doit recevoir sous forme de « royalties »
l’équivalent de 10% du montant total obtenu par la vente des crédits carbone à travers le projet
NovaGerar.Cetteclausecontractuelles’expliqueparlefaitqueleterrainsurlequelfonctionnaitleLixão
de Marambaia et fonctionne aujourd’hui la CTR Nova Iguaçu appartient à la mairie de Nova Iguaçu
(Segreti&Brito,2006).
LeterraindelaCTR-NovaIguaçuestéquipéd’unedoublecoucheausolcouvertparunecouverturede
polyéthylène de haute densité afin d’empêcher la fuite du lixiviat dans les eaux souterraines. Cette
substancetoxiqueestégalementtraitéepourêtretransforméeeneauquiserautiliséepourirriguerles
plantes et le sol de la Centrale. Les montagnes de déchets accumulés pendant 16 dans le Lixão de
Marambaia ne pouvant pas être enlevées, ont été couvertes par unemasse d’argile et de terre. Des
tubessouterrainsontaussiétéinstallésafind’envoyerlebiogazcapturédel’anciennedéchargeaucentre
detraitement.Ilyaaussilacapturedubiogazdanslanouvelledécharge.Enayantuneduréedeviede
vingt-cinqans, leCentrodeTratamentodeResíduosSólidosdeNova Iguaçudevraitarrêtersesactivités
en2036(RADIS,2011).
En2003,laCTRNovaIguaçuestentréeenfonctionnement(enportugais,lesigle« CTR »signifie« Centre
deTraitementdedéchets 306»).Ilestimportantdesoulignericique,pourlesacteurslocaux,lacatégorie
305EMLURBestl’entreprisepubliqueresponsabledunettoyageurbainetdutraitementdesdéchetsdelavilledeNovaIguaçuetdesmunicipalitésvoisines.306CentrodeTratamentodeResíduos.
268
« CTR » englobe plus que la décharge sanitaire. Dans le cas de Nova Iguaçu, à part le « flaring » et le
traitementdulixiviat, laCTRinclutégalementuneunitédédiéeautraitementdedéchetshospitaliers307
et une autre unité pour les déchets provenant de la construction civile. Pour les responsables de la
décharge,l’intitulé« CTR »esttrèsimportantdupointdevuetechnique,carilreprésenteunefaçon« très
moderne »de traiter et valoriser lesdéchetsdans leur« totalité »308 (Barros& Lemme,2009).De cette
manière,lesacteurslocauxdurantlesentretiensmettentl’accentsurlefaitquele« concept »« CTR »est
différentdeceluide« déchargesanitaire »sousleprismetechniqueetenvironnemental.Selonlelangage
techniquedesexpertsdelagestiondesdéchetssolidesurbains,uneCentraledeTraitementdesDéchets
doit comporter des équipements pour une valorisationdes déchets dans leur intégralité.Une centrale
dansunemunicipalité deplus de 200 000habitants doit comporter des incinérateurs pour les déchets
hospitaliers,unbiodigesteurpourlesdéchetsorganiques,descentralesdetridesdéchetsainsiquedes
équipementspourlaproductionénergétiqueàpartirdubiogaz.Ladéchargesanitaireestconstruitepour
stockerlesrésidusnepouvantêtrepasvalorisésauseindelaCTR(PortaldeResíduosSólidos,2013).
« (…) En fait, ce truc de CTR est un concept, il est plus qu’une simple
décharge sanitaire, car il gère les déchets tous les jours, c’est un truc
continu… On combine plusieurs technologies sanitaires en même
temps, le traitement de lixiviat, la captation de méthane (…) La réunion
de toutes ces technologies empêche des dégâts sur l’environnement. »
(Project Owner - 3PONI15)
Bienquelesacteurslocauxmettentl’accentsurladifférenceentre« CTR »et« déchargesanitaire »quand
nous regardons les normes pour la construction d’une décharge (voir Chapitre3), il semble que les
technologies de traitement du lixiviat et de la captation du biogaz font partie seulement du projet de
conceptiond’unedéchargesanitaireselonlesnormesdel’ABNT.Ilestégalementprévudanslesnormes
pourlaconstructiondedéchargessanitaires,descellulesdetraitementdifférenciéespourlestockagedes
résidus classés comme dangereux (déchets hospitaliers et déchets industriels). Ainsi, toutes les autres
technologies combinées dans une CTR ne semblent être pasmises en place dans la CTRNova Iguaçu.
Comptetenud’uneapparenteinstrumentalisationdecetintitulé,onutiliseratoujourslemot« décharge
307 Silesdéchetsnesontpasinfectieux,ilssontdirigésdirectementverslescellulesdesdéchetsclasséscommenon-dangereux.308«Totalité»estmisentreguillemetsicicarnousverronsplustarddanscettemonographielemanqued’unepolitiquedetridanslamétropoledeRioetcommentcettevisiondelavalorisationdesdéchetsdanssa«totalité»seraremiseenquestiondûàuneabsenced’efficacitéenvironnementaleassociéeàl’absencedelacollectesélectivedesdéchets.
269
sanitaire »309.Nousfaisonsréférenceà« CTR »seulementcommelenomdesdéchargesfaisantpartiede
notrecorpusderecherche.
Ainsi,cepremierprojetMDPauBrésilaétédessinépourcapter leméthanedel’anciennedéchargede
Marambaia etde laCTRNova Iguaçuafinde l’utiliserpour laproductiond’énergieélectrique.Par son
caractèrepionnerdanslepaysdansledomainedesdéchets,leprojetMDPdeNovaGerarestdevenuun
modèleàsuivrepourplusieursmunicipalitésauBrésil(Souza&Ribeiro,2009).LeprojetdeNovaGerara
étépriscommemodèle,carilamontréauxpouvoirsmunicipauxlesgrandesopportunitésfinancièresà
exploiter ensemble avec le capital privé dans la gestion des déchets urbains au sein de décharges
sanitaires(Leiteetal,2005).Lamiseenplaced’unprojetMDPpermetauxentreprisesd’augmenterleur
recetteenayantunretoursurinvestissement.Sonadoptionestappréciéeparlesentreprisesd’ingénierie
dedéchets.Ainsi,selonla logiquedespouvoirspublicsbrésiliens,unegestiondéléguéeaucapitalprivé
favorise lesmunicipalitésàmettreenplaceunsystèmede traitementdesdéchets« plusmoderne »et
moinsnocifpour l’environnementetpour lespopulations locales.Celaétantpossiblesansmobiliserun
budget public important (Bassetto, 2006). C’est pourquoi NovaGerar représente la promesse de gains
financiersetde lancementd’unmodèlededéveloppementdurabledans ledomainedutraitementdes
déchetsplaisantàlafoisauxentreprisesprivéesetauxpouvoirspublics.
Pourquoicetypedemodèledetraitementdesdéchetspourrait-ilconcilier les intérêtspublicsetprivés
au Brésil ? Un enjeu très présent dans le traitement des déchets urbains au Brésil est que plusieurs
municipalitésdanslepaysn’ontpasdemoyenfinanciersuffisantpourtraiterleursdéchetsd’unefaçon
appropriée.Pourlespouvoirspublicsbrésiliens,lessolutionsvenantduprivépourraientéventuellement
réduire lesdifficultésetaméliorer leur imagefaceà laproblématiquedustockagedesdéchetsdans les
décharges à ciel ouvert. (Mello, 2008). Endéléguant la constructiondedécharges sanitaires au capital
privé, l’État encourage la mise en place des projets MDP afin de créer de la valeur ajoutée pour
l’entrepreneuriat brésilien. Cet encouragement sert aussi à montrer la contribution étatique au
développementdurabledanslesecteur(Barros&Lemme,2009).
309DontlaconceptionetlesnormessontexposéesdansleChapitre3delathèse.
270
En général, les entreprises voient comme une opportunité l’investissement dans l’implantation d’un
projetMDPauseinde leursactivités.LagénérationdescréditsCO2contribueà l’augmentationde leur
chiffred’affaires (Friberg&Castro,2008).Cequiestparticulièrement lecasdans lamiseenœuvredu
projetNovaGerar.LegaindecréditsCO2toucheà la foisauxacteurspublicsetprivésdans ledomaine
des déchets. Dans la décharge de NovaGerar, ce bénéfice indirect apporté par le MDP aux pouvoirs
publics locaux se traduit en formed’impôts. Lamunicipalité deNova Iguaçuprélève des impôts sur le
montantannueldescréditsCO2générésparprojet.DanslecasduprojetNovaGerar,lamairiedeNova
Iguaçu retient 10% des recettes des crédits carbone reçus par la CTR Nova Iguaçu (Barros & Funcia,
2009).
Àpartlefaitdereprésenterunmodèlequipuissedonnerunesolutionplusrentableetmoinscoûteuseà
l’enjeudutraitementdesdéchetsparlesmunicipalitésbrésiliennes,NovaGerarestégalementconsidéré
commeunmodèle,carilreprésentelepremierprojetMDPàêtreenregistréparlaCCNUCC.Celarentre
en consonance avec la posture novatrice du Brésil dans le lancement du MDP dans le scénario
internationaldesnégociationsclimatiques.Danslarhétoriquedespouvoirspublicsbrésiliens,NovaGerar
résumelapromessedela« concrétisation »d’undéveloppementdurabledansledomaine.Unseulprojet
sur les déchets promeut la réduction des émissions, l’encouragement financier par la valorisation
économiquedesdéchets(lebiogaz)etl’inclusionsocialedespopulationsvulnérables(lescatadores).Ces
troisaspectsdusecteurdesdéchetsàRiosontcensésêtrerésolussimultanémentauseinduprojetde
NovaGerar.Néanmoins, ilsefait impératifdel’analyserdansquellemesurelapropositiond’unconcept
comme ledéveloppementdurable et sesdifférentesdimensions se concrétisentdans ceprojet. Est-ce
que le projet NovaGerar réussit à réunir croissance économique, inclusion sociale et préservation
environnementale à partir de la captation du biogaz ? L’analyse de la dynamique du projet s’avère
« urgente »dans lamesureoù l’emploide lanotionde« durabilité »dans lemondecontemporain s’est
généralement transforméendesmisesenrécits (Hamman,2011). Ilestdoncnécessairedevoircequi
constitue la rhétorique ou la pratique concrète dans un projet figurant comme un « modèle » de la
promotiondela« durabilité »pourlesecteurauBrésil.
271
Figure56: VisiondeSatellitedelaCTRNovaIguaçu.
Source:GoogleMaps.
5.2LEPROJETENSOI:SONFONCTIONNEMENTTECHNIQUEETLESACTEURSDERRIÈRESON
EXÉCUTION
5.2.1Comprendrelefonctionnementtechniqueduprojet
Initiéen2004,ceprojetainaugurélecycleduMécanismeduDéveloppementPropredanslemondedans
lesecteurdedéchets.IlfigurecommeundespremiersprojetsMDPenregistréparlaCCNUCC.L’objectif
initialduprojetestséparéendeuxactivitésderéductiondeGESdifférentes.Lapremièreconsisteenla
récupération et le traitement du biogaz (méthaneCH4 + CO2)310 étant encore libéré par le Lixão de
Marambaia, et par la décharge sanitaire actuellementenmarcheau seinduCentrodeTratamentode
ResíduosSólidosdeNovaIguaçu.LaCTRNovaIguaçua lacapacitéderecevoir5 000tonnesdedéchets
parjour(Haztec,2017).Cetraitementcomprendlacombustion(le« flaring »)decebiogazdanslebutde
convertirleméthaneenCO2etoxygènepourdiminuerainsil’effetdeserreprésentdanslepremier.
310IlyaégalementdetrèspetitesquantitésdeH2S(hydrogènesulfuré).VoirChapitre3pourplusdedétailssurlacompositiondubiogazetseseffetssurl’environnementetl’effetdeserreainsiquetouteslesmoyenstechniquesdesonutilisationenafinderéduirelesémissionsdeGES.
272
Ladeuxièmeactivité comporte l’utilisationde cebiogaz commeune sourcedeproductiond’électricité
pourleréseaulocaloupourlesitedelaCTRNovaIguaçu.Cependant,cetteactivitéestconditionnéeà
l’installation d’une centrale de production d’électricité. S’il y a un investissement pour la production
énergétique, il y aura ainsi un remplacement de la source de génération électrique à partir de
combustiblesfossilesparunesourcerenouvelable(lebiogaz)(NovaGerarLandfillGastoEnergyProject,
PDD,2004).Celasignifieunedeuxièmeréductiondesémissionsdans l’ensembleduprojetpuisqu’ilya
unesubstitutiondecombustiblefossiledanslaproductionénergétique.Techniquementparlant,cesdeux
activités sont complémentaires. La combustion de biogaz (le flaring) sera obligatoirement réalisée
indépendamments’ilya(oupas)uneproductiond’électricité.
Comme prévu dans le PDD, dans ce projet MDP,le « flaring » devient l’activité indispensable et
responsable de la réduction des émissions, transformant la production énergétique en une pratique
« accessoire » du projet. Ainsi, NovaGerar réclame seulement les crédits carbone correspondant à des
réductionsréaliséesàpartirduflaring311.Laméthodologiederéductiondesémissionsmiseenœuvrepar
le projet de NovaGerar dans sa première période de fonctionnement (7 ans) était la AM003 définie
comme« simplifiedfinancialanalysisfor landfillgascaptureprojects ».Cetteméthodologiedecaptation
deméthane à partir de décharges a été développée parNovaGerar. Elle doit être appliquée dans des
projets qui visent la récupération du biogaz des décharges pour sa combustion par la torchère. Le
deuxième volet de cette méthodologie serait la captation du biogaz pour la production d’électricité.
Cependant cette méthodologie ne permet pas la réclamation de créditsCO2 associés à la production
d’énergierenouvelable312.
Eneffet,lesréductionsdesémissionssouslecadredel’AM003résultentessentiellementdelacaptation
du biogaz par le flaring (UNFCCC, 2003). Pour sa deuxième période de réduction, le projet a utilisé la
méthodologieACM0001. Cette méthodologie a remplacé définitivement l’AM003 en 2008 (UNFCCC,
311 La réduction des GES provenant d’une éventuelle production électrique qui remplace les combustibles fossiles par unesourcerenouvelablen’estpaspriseencomptedansceprojetenraisondel’incertitudedel’investissementpourlaconstructiond’unecentraledeproductiond’électricité.Voirpartie6.1.5decechapitrepourunemeilleurecompréhensiondesenjeuxetlesintérêtsdesacteurslocauxquiempêchentlaproductionélectriqueàpartirdubiogazdanslesitedeNovaGerar.312Théoriquement,quandilyauneproductionélectriqueàpartirdebiogaz,ilyadeuxtypesderéductiondeGESdifférentesàdéclarer. La première source de réduction consiste en la diminution des émissions de méthane qui serait lancé dansl’atmosphèreenl’absencedelacaptationdecebiogazdeladécharge.Ladeuxièmesourceseraitleremplacementd’unepartiede l’électricité produite à partir de combustibles fossiles par une électricité résultant d’une source renouvelable comme lebiogaz.Ainsi,l’abandondel’utilisationdescombustiblesfossilesconfigureuneréductiondesémissions.
273
2008). L’ACM001 intitulée« flaringoruseof landfillgas »estuneméthodologiedont laportéeest très
large. Elle concerne tous les projets MDP qui mettent en œuvre les différents usages du biogaz des
déchargesavecl’objectifderéduirelesémissions.Cetteméthodologiedessineunscénarioderéférence
danslequellesémissionsdesdéchargesnesubissentaucuntraitementetsontlancéesdirectementdans
l’atmosphère.Samiseenplaceembrassetouteslespossibilitéstechnologiquesdevalorisationdubiogaz.
Leprojetprévoituneréductiontotaleéquivalenteàenviron14 072millionsdetonnesdeCO2équivalents
pour une période de 21 ans d’activité. La première période de génération de crédits313 du projet (de
juillet2004à juin2011)aproduitunemoyennede670 133milles tonnesdeCO2paran. Ladeuxième
période qui a commencé en juillet 2011 et va durer jusqu’à fin juin 2018, réduit actuellement une
moyennede210 812(milles)tonnesdeCO2paran(UNFCCC,2017a).Ilestimportantdesoulignerquela
quantitédebiogazcapturéen’estpasconstanteetquelemontantderéductionannueletsaconversion
en créditsCO2 sont soumis à des fluctuations très fréquentes en raison de plusieurs caractéristiques
techniquesassociéesdirectementauxdéchets.
LecalculdecréditsCO2estliéàlafaçondontle« scénarioderéférence »314desémissionsaétédessiné.
Dans le casdeNovaGerar, il a étéprévuque les émissionsdeGES àpartir desdéchetsne subissaient
aucun traitement jusqu’aumomentoù legouvernementbrésiliencréeraitune loi.Uneactionpublique
obligeant la collecteet le traitementdubiogazdesdéchargesoùcelle-cideviendraitunepratique très
communedanslepays(businessasusual).« NocollectionandtreatmentofLFG315atthetwolandfillsites
andthustheunimpededreleaseofLFGtotheatmosphereuntilsomefuturetimewhenthecollectionand
treatmentofLFGwilleitherbe requiredby laworbecomesaneconomicallyattractivecourseofaction.
Thetimeofsuchpossibleandanticipatedjunctioninthefuturebaselinescenariowillbedeterminedbythe
monitoringplanfortheproject. »(NovaGerarLandfillGastoEnergyProject,PDD,2004:12.)Donc,dansle
processusdecombustiondubiogaz,cequi intéresseleprojetdeNovaGerarc’estd’éviter l’émissiondu
gazméthane, sonéquivalenceenCO2est très importante.Par conséquent, lemontantde créditsCO2
313Lapérioded’accréditationd’unprojetcomporte7ans.Àlafindecettepériode,sileprojetcontinueàréduirelesémissions,le «Project Owner» peut demander le renouvellement pour 7 années supplémentaires et soumettre le projet auxmêmesprocédures administrativesd’enregistrement et certificationdes crédits auprèsde laCCNUCCquepour la premièrepérioded’émissiondecrédits.314LescenarioderéférenceoubaselinescenarioestunconceptquicorrespondàlaprojectiondesémissionsdeGESdanslecasdel’absenceduprojetMDPenquestion.VoirChapitre1delathèse.315LandfillGas:Gazdesdécharges.
274
équivalentàlaréductiondel’émissiondeCH4estaussiconséquent.Ilestimportantderappelerqu’après
leflaringdubiogaz,ilyaduCO2etdel’oxygènelibérésdansl’atmosphère.
Ilestintéressantderappelerquelespouvoirslocauxbrésiliens(notammentl’ÉtatdeRio)encouragentla
mise enœuvre de la captation de biogaz dans les décharges sanitaires316 pour la création des projets
MDP.Danscepropos, ilexisteunedifférencesubtileentre l’encouragementet lacontrainte.Celapeut
révéler une stratégie des pouvoirs publics dans le sens de « protéger » l’additionalité des projetsMDP
nationauxdanscesecteur.UnencouragementassureunecréationcontinuedeprojetsMDP,tandisque
l’obligation imposéeparuneactionpubliquebloqueautomatiquement l’adoptiondecet instrumentau
seindesdécharges.Enfonctiondecescénariod’actionpubliquedanslechampdedéchets,l’additionalité
de NovaGerar a été prouvée par le scénario de base qui montre qu’il n’existe aucune loi au Brésil
obligeantlacaptationdubiogaz.Ainsi,leprojetdeNovaGerarest« additional »selonlesexigencesdela
CCNUCCdans lamesureoù ilprésentedeseffortsderéductiondesémissionsn’étantconditionnéspar
aucune loi. Un autre aspect du projet qui remplit le cahier des charges du MDP est la question du
« transfert de technologie ». Bien qu’il ne soit pas un critère obligatoire pour l’approbation d’un projet
dans ce mécanisme, il est justifié dans le projet de NovaGerar par le fait que les équipements de
captation de biogaz sont d’origine étrangère. Ils sont importés de l’entreprise américaine John Zink
(SecretariadoEstadodoAmbiente,2007).
5.2.2L’hétérogénéitédescatégoriesd’acteursderrièrelefonctionnementduprojetmodèledeNovaGerar
Lamise enœuvred’unprojetMDPengage la participationdirecte et indirectedeplusieurs catégories
d’acteursdifférents.Lesinstitutionsauniveauglobal(« macro »)etauniveaunational(« meso »)serventà
la régulation et la manutention de la gouvernabilité de ce mécanisme au niveau local. Ceux qui y
participentsans liendirectavec leMDP jouentdesrôles importantsdans lastructurede lagestiondes
déchetsàNovaIguaçuetdanslesmunicipalitésvoisines.Pourcefaire,ilscontribuentaufonctionnement
du projet NovaGerar. Tous ces acteurs derrière son exécution soit participent stratégiquement à la
fabrication où l’achat d’un produit qui n’est pas visible (les créditsCO2) soit garantissent un échange
316Laloinationalesurlesdéchetsetlesloissurlechangementclimatiqueauniveaudel’ÉtatdeRioetdelavilledeRio.
275
économique fiablede cetteexternaliténégative. Il est importantde soulignerque la cartedes acteurs
dessinée ci-dessous comporte seulement les acteurs présents dans la dynamique du projet entre les
annéesde2015et2017.
Figure57: Cartographiedesacteursparticipantsauprojet« NovaGerarlandfillGastoEnergyProject ».
CTRNovaIguaçu:En2000,LaCTRNovaIguaçuétaituneentrepriseentièrementcontrôléeparleGroupe
SA Paulista, elle rentre dans la catégorie des Sociétés d’Objectifs Spécifiques317 (CTR Candeias, 2012).
Selon la loi10 406/2002 du Code civil brésilien, une SPE est une entreprise dont l’activité est très
restreinte, et elle possède éventuellement un terme d’existence déterminé en amont. Sa création est
317SociedadedePropósitoEspecífico.
276
exclusivementdédiéeàlagestiondesdéchetsàpartirducontratdeconcessionde20ansdelaMairiede
NovaIguaçu.En2009,l’entreprisebrésilienneHaztecaobtenulagestiondelaCTRNovaIguaçu(RADIS,
2011). Fondée en 1999, Haztec est une entreprise brésilienne spécialisée dans les solutions
environnementales pour le dépôt et traitement des déchets, affichant celles-ci comme son activité
principale.CetteentrepriseestlaplusprésentedanscedomaineàRiodeJaneiro.Toutefois,elletravaille
aussi dans le domaine de l’ingénierie forestière, l’exploitation minière et le secteur hydroélectrique
(Haztec,2017).En2003,enraisondel’accroissancedesonchiffred’affaires,Haztecaétérachetéeparle
groupeSynthesisEmpreendimentosLtda.LegroupeSynthesisestuneholdingbrésilienne,situéeàRiode
Janeiro, se spécialisant dans le secteur financier et dirigeant ses investissements dans le secteur des
solutions environnementales et des services « offshores »318. Son objectif est d’identifier et développer
des opportunités de capital-risque au Brésil (Synthesis, 2017). Dix ans après, en 2013, Haztec a
commencéàfonctionnercommeuneentreprisesubsidiairedeFOXXInovaAmbiental(Bloomberg,2017).
Actuellement,laCTRNovaIguaçuestcontrôléeparFOXXHaztec.
FOXXHaztec:En2012,Haztecaétérachetéeparl’entrepriseFOXXInovaAmbientalenraisondedettes
acquises par la première entre 2007 et 2009 après une série d’acquisitions de 7 entreprises. FOXX a
acheté Haztec avec l’objectif de capitaliser l’entreprise et développer le segment de la conversion de
déchetsenénergieélectrique(Estadão,2012).FoxxHoldingestungroupebrésilienayantachetéHaztec
avecl’objectifd’exploiterdesopportunitésfinancièresdelaproductionénergétiqueàpartirdedéchets
(ValorEconômico,2012).
NovaGerar: L’entreprise NovaGerar Ecoenergia Ltda figure comme le Project Owner, l’organisme qui
accueille leprojetdanssonsiteetreçoit lesbénéficesfinanciersdesonimplantation.Aumomentdela
conceptionduprojet,NovaGeraraétécrééecommeuneentrepriseexclusivementdédiéeàlagestiondu
projetMDPde laCTRNova Iguaçu.Enparallèle, laCTRNova Iguaçuaétécrééeexclusivementpour la
gestion des déchets et son existence est essentiellement rattachée au contrat de concession avec la
MairiedeNovaIguaçu.Ainsi,NovaGeraraétécrééeseulementpourlagestionduprojetMDP.Elleétait
une joint-ventureentreEcoSecurities,unbureaud’études travaillantdans ledéveloppementdeprojets
detechnologiesderéductiondesémissionsdegazàeffetdeserre,etlegroupeS.APaulista.Lastratégie
318Desactivitésbaséesdanslamer(prèsdelacotebrésilienne)comme,parexemple,l’exploitationpétrolière.
277
de S.A Paulista, dont la spécialité était le domaine de la construction civile, était de s’associer à une
entreprise dont l’expertise se situe sur le développement des projets MDP. Cependant, en 2005, le
partenariat a été rompu en raison d’un déséquilibre de capacité d’investissement de la part
d’Ecosecurities. Néanmoins, l’entreprise était en charge de tout le processus d’élaboration et
l’enregistrementduprojet(DeSouza&Ribeiro,2009).
Zilber&Koga(2011)analysentcetyped’associationtrèsrécurrentdanslemarchéducarbonebrésilien
commedesmanœuvresdesacteurséconomiquesbrésiliensàlarecherchedespartenariatsstratégiques
pour l’exploitation d’un nouveau marché. Les joint-ventures ont permis à certaines entreprises
brésiliennes spécialisées dans la gestion environnementale ne possédant pas un grand capital
d’investissement de créer un projet MDP avec le soutien économique de grandes entreprises. Ces
dernièresonttiré l’avantagededévelopperdescompétencesetacquérirunsavoir-fairedanslagestion
des projets environnementaux à travers d’autres entreprises spécialisées dans l’élaboration de projets
MDP.Ellesl’ontfaitdansl’optiqued’embrasserdenouvellesopportunitéséconomiquesdanslemarché
duCO2.
INEA319: Organe public de l’État de Rio de Janeiro responsable de l’analyse et l’expédition des permis
environnementaux pour des projets d’infrastructure. Sur le territoire de l’État de Rio de Janeiro, il est
chargédesautorisationspourlalocalisation,l’installation,l’amplificationetl’opérationdesprojetsetdes
activitéspotentiellementpolluantes, utilisatricesdes ressourcesnaturellesoupouvant, directementou
indirectement, provoquer des dégâts environnementaux. Dans le cas de Nova Iguaçu, il y a eu deux
processusdedélivrancedelicencesdifférentes:unepourlefonctionnementdelaCTRetl’autrepourla
captationdubiogaz.Ilyadesexigencesquisontsoulignéesdansceprocessusdedélivrancedelalicence
d’opération pour la CTR: la récupération environnementale de l’ancienne décharge deMarambaia, la
reforestationdesesalentours,l’organisationd’ateliersd’éducationenvironnementalepourlapopulation
duquartieretl’élaborationdeplansdesurveillancesurlaqualitédesrivièresautourdeladéchargeainsi
qu’unplandecontrôledefuitedulixiviat.LasurveillancedelaRéservedeTinguá(ReservadoTinguá)est
nécessaire,carelleestlocaliséeà3,4kmdelaCTR(FEEMA,2008).
319InstitutoEstadualdoAmbiente
278
LaMairie de Nova Iguaçu: représentée par l’EMLURB, elle a signé un contrat de concession avec S.A
Paulistale24octobre2000pourlaconstruction,l’installation,l’opérationetl’entretiend’uneCentralede
TraitementdesDéchets.Ladéchargesanitairedevaitavoirunecapacitéminimumderéceptionde1 500
tonnesdedéchets par jour. Les déchets destinés à la centrale sontenprovenancede la ville deNova
Iguaçuet c’est l’EMLURBquiaaccordé la réceptiondesdéchetsd’autresvilles (Mesquita, São Joãode
Meriti,NilópolisetJaperi)dans laCTRNovaIguaçu.Dans lecontrat, ilestsoulignéégalementquec’est
l’EMLURBayantdéterminéladéchargesanitairecommelamodalitédetraitementetdedispositiondes
déchets la plus appropriée à la municipalité. Selon le document contractuel, l’EMLURB envisageait
essentiellement la technologie qui se présentait comme la plus efficace au niveau technique et
économique. L’EMLURBpaie à CTRNova IguaçuR$12,60(environ 4€) par tonnede déchets reçus à la
Centrale. Cependant, la mairie de Nova Iguaçu déduit 20% du montant payé à la CTR en raison de
l’utilisationdesonterrainpourl’opérationdeladécharge.Enoutre,danslecontrat,laCTRNovaIguaçu
doit payer à la municipalité de Nova Iguaçu 10% du montant de chaque activité complémentaire
générantdesrecettesàpartirdesdéchets(PrefeituradaCidadedeNovaIguaçu,2000).
Catadores:Aumomentdelafermeturedeladécharge, ilyavait89catadorestravaillantàMarambaia.
D’après les documents du projet, ces travailleurs ont créé la Cooperativa Vitória afin de continuer à
travailleraveclesmatériauxrecyclables.Nousavonsreprésentécettecatégoried’acteurs« enpointillé »
dans la cartographie puisque nous n’avons obtenu aucune information sur cette population de
travailleurslorsdutravaildeterrain.Cettequestionseradéveloppéeplustarddanscechapitre.
ComitéInterministerialdeMudançadoClima: l’AutoritéNationaleDésignéeofficiellebrésilienne.Cette
entiténationaledupouvoir fédéralbrésilienest laresponsablede l’approbationdesprojetsMDPsur le
territoire brésilien. Elle est représentée par une commission qui réunit plusieurs ministères dont les
domainessontpassiblesd’êtreaffectésparlephénomèneduchangementclimatique320.Le2juin2004,
la lettred’approbationnationaleduprojetNovaGeraraétédélivréepar leministrede la Scienceet la
Technologie,présidentdelaCommissionàcetteépoque.Aucuneexigencecomplémentairesurlesbases
de fonctionnement duprojet n’a été demandéepar l’État. L’autorisationnationale a été faite suite au
320 Voir Annexe de la thèse pour examiner la composition des ministères faisant partie de la Comissão Interministerial deMudançaGlobaldoClima.
279
rapportd’approbationdélivrépar l’EntitéOpérationnelleDésignée(DOE), l’entrepriseNorskeVeritas321.
La lettre souligneque leprojet contribueauxobjectifsde« développementdurable » fixéspar leBrésil
(InterministerialComissiononGlobalClimateChange,2004).
Ecosecuties: Ecosecurties est une entreprise anglo-brésilienne, fondée en 1997 spécialisée dans le
secteur de développement de projets des technologies de réduction des émissions de GES et de
compensation carbone (Bloomberg, 2017a). Ecosecurities est l’exemple d’une start-up ayant embrassé
les opportunités de marché ouvertes à partir de la signature du Protocole de Kyoto. En 2009,
EcoSecuritiesaété rachetéeparunedespluspuissantes institutions financièresaumonde, JPMorgan,
grâce à sa performance dans le développement de projets sur lemarché du carbone (Reuters, 2009)
(Estadão,2016a).Plusieursstarts-upcommeEcosecuritiesontétérachetéespardesgrandesinstitutions
financières.Lesgrandsinvestisseursmondiauxontvudanslephénomèneduchangementclimatiqueun
moyendefairedesinvestissementstrèslucratifsenversantdel’argentducapital-risquedansdesprojets
deréductiondesémissions.CommeNewelletPatersonprécisent,bienqueleProtocoledeKyotosoitun
instrumentdegouvernanceclimatique,lascèneinternationalederéductiondesémissionsaétédominée
parcesacteursfinanciers(Newell&Paterson,2010).Laparticipationd’Ecosecuritiescommeactionnaire
delajoint-ventureNovaGeraraveclaS.APaulistadanslescénarioduprojetenquestionillustrebiencette
logiquepurementmarchandeayantdominéladynamiqueduMDP.
BNDES:En2006,laBanqueNationalepourleDéveloppementEconomiqueetSocialduBrésilalibéréun
budgetde15millionsdeReais(environ5millionsd’euros)pourlefinancementdel’augmentationdela
capacité de la CTR Nova Iguaçu à traiter un volume plus grand de déchets. Le deuxième objectif du
financementétaitl’investissementdanslaconstructiond’unecentralepourlaproductionénergétiqueà
partir du biogaz. Ce budget a été libéré sous l’argument que le projet représente unmodèle pour le
traitementdesdéchetsetpoursapositionavant-gardistedansl’enregistrementauMDPmondial(Terra,
2006).
321 Les Designated Operational Entity est une catégorie d’acteurs dans le MDP. Elle est représentée par des auditeursindépendants accrédités par le Conseil Administratif duMDP. Les «DOE» sont en charge de valider le fonctionnement desprojetsetvérifier s’ilspeuventeffectivement réduiredesémissionsdeGES.Dans leprojetNovaGerarnousn’avonsobservéaucunecontroverseautourdes rapportsémispar les«DOE». LesAutoritésOpérationnellesDesignéesduprojetNovaGerarsont: laDetNorskeVeritasCertificationLtdaet l’AsociaciónEspañoladeNormalizaciónyCertificación(AENOR).Lapremières’occupaitd’approuver lesactivitésduprojetpourqu’ilsoitenregistrépar laCCNUCCet ladeuxièmeétaitresponsablede lavalidationdesémissionsdecrédits.
280
La Banque Mondiale: La Banque Mondiale (International Bank for Reconstruction and Development-
BIRD)apparaîtcommeunprojectparticipantdanslePDDenmêmetempsqueleWorldBankNetherlands
CleanDevelopmentFacility(WBNCDF).Ilfautsoulignerqueceuxqu’onappelleProjectParticipantssont
en fait des « acheteurs de crédits », des entreprises indépendantes qui demandent une participation
directe dans le projet devant être approuvée par le Conseil d’Administration de la CCUNCC et par
l’AutoritéNationaleDésignéedupays.LaBanqueMondialea,eneffet,undoublerôledansleprojetde
NovaGerar,elleseprésentecommel’intermédiaireduprojetpourlaventedecrédits,maissursonsite
officiel,elleseprésenteégalementcommeunorganismed’investissement(TheWorldBank,2019).Son
rôle dans le MDP est essentiellement de canaliser les investissements et d’encourager la
commercialisationdecréditsCO2danslemécanisme(Conejero&Neves,2007).
Toutefois, il convient de se demander comment s’opère cette relation entre investisseurs et
intermédiaires (La Banque Mondiale) dans l’achat de crédits. Cela se fait par le biais du programme
CarbonFinanceUnit (CFU), laBanqueutilisece fondayantétécréégrâceaubudgetconsolidépardes
gouvernementsetdesentreprisesquifontpartiedel’OECDdansl’achatdecréditsCO2desprojetsMDP.
L’investissementneprendpassaformedirectedanslaquelleilyaunprêtd’argentpourlamiseenplace
d’unprojet.Eneffet,laBanqueMondialeprendl’initiativedefaireunepromessed’achatdecréditsàun
prix préétabli en contrat afin que le projet ne subisse pas de fluctuations du marché au moment de
l’émission de CER. Son rôle d’intermédiaire est de transférer ces crédits à d’autres investisseurs ayant
contribuéà la formationdece fond. LaBanqueMondialen’acquiertpas lesdroitsdepropriété sur les
créditsCO2, elle agit comme un trustee pour les autres acteurs qui contribuent au fond (Conejero &
Neves,2007).DanslecasdeNovaGerar,elleesttrustreeduFondHollandaispourleMDPpourlequelelle
retient10%dumontantdecréditstransféré.
« En fait, la Banque Mondiale, c’est elle qui choisit les auditeurs indépendants.
Elle valide l’accréditation, pour pouvoir transférer aux pays qui vont acheter nos
crédits. Parce que je ne peux pas aller dans un pays en Europe et simplement
vendre mes crédits là-bas. Je dois avoir la garantie que j’ai tout fait correctement,
que j’ai bien mesuré les équipements, que tout le processus a été surveillé et qu’il
n’y a eu aucune intervention extérieure et que les données n’ont été pas
manipulées, tu comprends ? Donc la Banque Mondiale est une entité forte qui
peut valider tout ça, tu comprends ? »
(« Project Owner » - 3PONI15)
281
Cette logiqueinstauréepar laBanqueMondialecroitencourager l’apparitiondenouveauxprojetsMDP
étantdonnéque les créditsachetésparunacteurparticipantau fondserontaussi convertisenargent
pourl’achatd’autrescréditsprovenantd’autresprojets.CommeConejero&Neves(2007)soulignent,la
Banque Mondiale est une « chaine de commercialisation de crédits » dans laquelle son rôle est de
promouvoirledéveloppementetlerenforcementd’unnouveautypedemarché:lemarchéderéduction
deGES. Ilest importantde soulignerquepour ladeuxièmepériodedecréditsduprojetNovaGerar, la
BanqueMondialedemeuretoujoursl’intermédiaire.Mais,l’acheteurfinalnefigurepasencoresurlesite
officieldelaCCNUCCetn’aétémentionnéparaucunacteurlorsdesentretiens.
Figure58: Lesacteursaffichésdevantl’entréedeladéchargesanitairedeCTRNovaIguaçu322
5.3L’ANCIENNEDÉCHARGEÀCIELOUVERT(LELIXÃODEMARAMBAIA)ETLESRISQUESSOCIO-ENVIRONNEMENTAUXQU’ILPRÉSENTE.
L’ancienLixãodeMarambaiasesitueentrelaRivièredeTinguáetIguaçú.L’anciennedéchargeestsituée
aussià2kmdelaReservaBiológicaFederaldoTinguá(RéserveNationaleBiologiquedeTinguá)(Mattos,
322Photopriselorsdutravaildeterrain.
282
2005 ;FAPERJ,2007).Crééeen1989,laréserveestclasséecommeuneUnitédeConservationdelaForêt
Atlantiqueetgéréeparl’InstitutChicoMendes,del’instancefédéraledugouvernement(ICMbio,2017).
Déclaréepatrimoinedel’humanitéparl’UNESCOen1993,sonaireoccupeenviron24millehectaresde
ForêtAtlantique,biometypiqueduSud-ouestbrésilien.Laplusgrandepartiedecetteréservesetrouve
dans la municipalité de Nova Iguaçu. La réserve possède une grande ressource hydrique capable
d’approvisionnerlesménagesdesmunicipalitésauxalentours(ICMbio,2015).Cependant,enraisondesa
proximité avec la décharge à ciel ouvert, les rivières de la réserve étaient soumises de grands risques
environnementauxdanslecasd’unepossiblefuitedelixiviat.Danslesdocumentsetlessitesofficielsdu
gouvernement de l’État de Rio, l’enjeu provoqué par le fonctionnement du Lixão de Marambaia est
toujourstraitédanslasphèrediscursivecomme« desmenacesenvironnementales ».Mais,unerecherche
en ingénierie environnementale encadrée par l’Université de l’État de Rio et le rapport de la Banque
Mondiale sur le projet NovaGerar datant des années2000 ont constaté un impact environnemental
concret engendré par la contamination au lixiviat. D’après ces études, il est possible d’observer la
pollution de certains secteurs du corps hydrique de la réserve par ce liquide toxique provenant de
l’anciennedécharge(Mattos,2005 ;WolrdBank,2003).Lecasdelacontaminationd’unepartieducorps
hydriquede laReservadoTinguá par leLixãodeMarambaia estunexemplede lamatérialisationdes
risquesenvironnementaux correspondantàunemauvaisegestiondesdéchets solidesurbains. Il figure
commeun,parmid’autrestypesderésultatsnéfastes,liéàunenégligencesocio-environnementaledela
partdespouvoirsmunicipauxbrésiliensdansledomaine.
Enfonctionnementdepuis1987,Marambaiaoccupaituneairede200 000m².C’étaitunedéchargequi
recevait toutes sortes de déchets sans aucun traitement préalable (hospitaliers, ménagers et de
construction civile). Lors de sa fermeture, en 2003, il est estimé qu’un total approximatif de 179 520
tonnesdedéchetsontétédéposéesàMarambaiapendantles16ansd’opération(WorldBank,2003).En
addition à l’impact environnemental, la décharge attirait une population précaire, les catadores, qui
tiraient leurmoyen de subsistance dans des conditions aussi très précaires de la collectemanuelle de
déchetsrecyclables.Ainsi, lavulnérabilitésociales’adjoignaitaurisqueenvironnemental.Afindemieux
comprendre lasituationdescatadores, il fautrevenirsur ladélimitationduconceptde« vulnérabilité »,
qui est évalué par rapport au degré d’exposition d’une population au risque. Il est variable selon les
capacitésd’unepopulationàavoirdifférentsaccèsauxmécanismesdeprotection,pourréduireainsileur
vulnérabilité.Des facteursquidéterminent ledegréd’expositiond’uncertaingroupesocialaux risques
283
sontlessuivants:lamobilitéspatiale,lacapacitéd’influencedanslesprocessusdedécisionetlacapacité
financière à accéder au marché immobilier et à se déplacer (Alcerad, 2006). Ainsi, les conditions de
vulnérabilitéd’unecommunautéfavorisantleurexpositionauxrisquessontprovenantdelaconjugaison
defacteursphysiques,sociaux,économiquesetenvironnementaux(Lima,2013).
D’abord,lesindividusontchoisil’activitédecataçãocommeunealternativepourfairefaceàl’exclusion
sociale qu’ils subissent. Une vulnérabilité socio-économique préexistante a concourt au choix de cette
occupation.Undeuxièmevoletdevulnérabilitésocialeseprésentedanslescaractéristiquesdel’activité
ensoi.Lavulnérabilitésocialedel’activitéconsisteenl’absenced’uncontratdetravailetd’unsalairefixe.
Lesconditionsdites« informelles »etexcluantesdecegroupesocial lesplacentdansuntypedetravail
essentiellement exercé pour la survie (Bosi, 2008) (Rodrigues, 2002). À l’ajout de cette vulnérabilité
social, le lixãocommel’espacedetravaildecatadoresreprésentaitunrisqueenvironnemental.Ainsi, la
vulnérabilitéenvironnementalereposesurlelieuetl’objetdutravaildescatadores:lesdéchargesàciel
ouvertet lesdéchets.Cesfacteursconjuguésmontrent l’impossibilitédecettepopulations’éloignerde
ces zones de sacrifices et de leur degré d’exclusion des processus décisoires. De ce fait, d’après les
informations du rapport environnemental envoyé à la Banque Mondiale (2003), il y avait environ 89
catadores et 40 familles étant attachées aux activités du terrain de Marambaia au moment de sa
fermetureen2003.
5.3.1LesancienscatadoresdeMarambaia:unepopulationinvisible14ansaprèslafermetureduLixãodeMarambaia
AprèslaclôturedesactivitésduLixãodeMarambaia,laMairiedeNovaIguaçuaélaboréun« plansocial »
afin d’accompagner le changement de statut des catadores afin de leur offrir une infrastructure
nécessairepour leurréintégrationdans lemondedetravail formel.Pourcefaire,selonlerapportdela
BanqueMondiale(figurantcommeleseuldocumentofficieldisponible,àpartdebrefsrécitsdelapresse
spécialisée sur cette période de transition pour les catadores), lamairie amis en place cinqmesures
devantviabilisercetteréintégrationdansla« vieformelle ».
284
Tableau23:LescinqinstrumentsmisenplaceparlaMairiedeNovaIguaçupourl’intégrationdesancienscatadoresde
Marambaiadanslastructureformelledutravail
Source:RapportdeNovaGerarpourlaBanqueMondialede2003
Il est important d’insister sur la difficulté à trouver des informations ou des documents officiels qui
reconstruisentlemomentdelafermeturedeladéchargedeMarambaiademêmequelamiseenplace
des instrumentspour larestructurationdelavieprofessionnelledescatadores.Lapressespécialiséese
limiteà la reproductiondudiscoursduprojetdeNovaGerarqui seprésente commeunmodèle socio-
environnemental pour la gestion des déchets. La rhétorique de la presse « glorifie » de façon unanime
l’intégration de ce groupe social dans la « vie formelle ». Cette rhétorique remplace les récits des
« catadores » qui se trouvent effacés lors des informations et des rapports techniques sur le
fonctionnementduprojet (PDD, 2004 ; Rapport pour la BanqueMondiale, 2003 ; FAPERJ, 2007 ; RADIS,
2011).Lareprésentationdelavoixdescatadoresetdeleurssituationsn’apparaîtnullepart,mêmelors
detravauxderecherchedéjàcitéssurleprojetNovaGerarquisontessentiellementtechniques.Enoutre,
lorsdestravauxissusdesdomainesdelagéographie,dudroitetdelagestionenvironnementale,nousne
rencontronspasnonplusdesanalysessurlespossiblesenjeuxdelafermeturedulixão(Mattos,2005 ;De
Souza, 2007 ; Villarreal, 2009). Sans la représentation du rôle des catadores sur ce changement, il est
impossible de reconstruire et rediscuter les controverses qui ont eu lieu lors de la fermeture de la
déchargeàcielouvertdeMarambaia.
Leseuldocumentoffrantplusdedétails sur leprocessusde réaménagementdecettepopulationd’un
pointdevuedes institutionspubliquesetprivées (LaMairiedeNova Iguaçuet l’entrepriseNovaGerar)
estlerapportenvoyéàlaBanqueMondialeen2003.Lorsdutravaildeterrainmenéentre2014et2015,
285
ilyaeuplusieursessaisdecontactparmailetpartéléphoneavec laCoopérativeVitoria,crééepar les
anciens« catadores »deMarambaia(Coimbra&Barbosa,2012),sansaucunsuccèsdemapart.
« Tout le long de mon terrain, j’ai cherché s’il y avait des coopératives d’anciens catadores
de l’ancienne décharge de Marambaia, ayant été fermée 2003 pour la construction de la
CTR NovaGerar. Après avoir trouvé que la Cooperativa Vitoria était composée de ces
anciens « catadores », j’ai essayé d’envoyer un mail à l’adresse indiquée sur le site « Rota
da Reciclagem.com.br » qui, malheureusement, a été retourné. J’ai aussi essayé
d’appeler le numéro de portable (le seul numéro de téléphone donné comme contact avec
la Coopérative), mais il n’existait plus323. Concernant les anciens catadores, mes acteurs
ont seulement mentionné que quelques-uns travaillent dans la centrale. Toutefois, lors de
mes visites, je n’ai pas pu les identifier ni leur parler ». (Extrait de journal de terrain, avril de 2015)
Bienquelesacteursinterviewésduprojetaientinsistésurlepointqueleprojetpossèdeunvoletsocial
très fort et que certains catadores travaillent dans les locaux de la CTR Nova Iguaçu,mes visites à la
Centraleontétéguidéesavecpeudemargedemanœuvrepourparlerauxemployés.Ainsi,jen’aipaspu
identifier lesancienscatadoresparmi lesemployésdusite.Selonlerapport,en2003,quelquesanciens
catadoresontétéembauchésdanslarécupérationenvironnementaledeMarambaia,autrementdit,dans
lareforestationdel’ancienlixão.Cependant,lorsdemesvisites,12ansaprèsdelafermeture,lesarbres
ont déjà poussé et cet endroit était exceptionnellement fermé pour les visites en raison du mauvais
temps324.
IlestintéressantdesoulignerqueLaCIMGCobligetouslesprojetsMDPenregistrésauBrésilàprocéder
àuneconsultationpubliqueàproposde l’acceptationduprojetpar lapopulation locale.Cettemesure
bureaucratique vise à remplir les critères de promotion du développement durable préétablis par le
gouvernement brésilien en consonance avec l’objectif de la CCNUCC. Dans la partie « stakeholders
comments »duPDDdeNovaGerar,datéedefévrier2004,ilaétésoulignéquetouslescatadoresayant
travaillé à Marambaia ont été interviewés ainsi que les autres groupes sociaux touchés325 par la
323 Il est importantde souligner ici que lapossibilitédeme rendreà la coopérativen’étaitpasuneoptionétantdonnéquecertainssecteursdelamunicipalitédeNovaIguaçusonttrèsdangereux.Ladémarchepriselorsduterrainétaitd’appelerlesacteursetdesavoirsijepourraismedéplacertouteseuleversleurslocaux.324Ilpleuvaitlorsdedeuxvisites.325Iln’aétépasexplicitédequelsgroupessociauxils’agissait.
286
constructionde laCTRet le fonctionnementduprojet. Enoutre, selon ledocumentde conceptiondu
projet (PDD), il estdéclaréquedixancienscatadoresdeMarambaia travaillaient« formellement »pour
S.APaulista.Ledocumentmentionneégalement l’existenced’unrapportqui résumeuneenquêtefaite
auprès des catadores en 2002. Cependant, après plusieurs recherches pour la construction de la
littératuregrisedeceprojet, iln’apasétépossiblede le retrouver sur internet.Selon ledocumentdu
projet,lescommentairesdetouteslespartiesprenantesserésumentdelamanièresuivante:
« Up to present date, all organizations have agreed with the project
concept and most of them emphasized the environmental importance of
the landfill when considering the precarious waste disposal situation in
Brazil and in particular the Rio de Janeiro metropolitan area. Most
interesting is that 50% of all contacted stakeholders recognize the
project’s contribution to the mitigation of the global warming impacts” (PDD, NovaGerar, 2004)
Ainsi, la voix des anciens « catadores » de Marambaia à Nova Iguaçu reste effacée et représentée
indirectementparlavoixdesacteurslespluspuissantsdeladynamiquelocaleduchampdedéchets:les
entreprises chargées du projet et les pouvoirs publics. De sorte que ce groupe social n’a pas pu être
représentédirectementlorsdel’étudedecasduprojetMDPdeNovaGerar,confirmant,ainsi,ladifficulté
trouvée au moment de regrouper une littérature grise sur leur situation. Newell (2009) souligne une
absencerécurrentedereprésentationdesvoixdepopulationslocalesdanslamajoritédesdocumentsde
conception des projetsMDP. À défaut demontrer un enregistrement des éventuelles oppositions des
populations locales par rapport à lamise enœuvre d’un projetMDP, cettemanœuvre nous amène à
réfléchir sur la gouvernance duMDP commeune politiqueTop-Down excluant la voix des populations
plusvulnérables.
5.4LERETARDDANSL’UTILISATIONÉNÉRGÉTIQUEDUBIOGAZ:NOVAGERAREST-ILUNVRAI
MODÈLEPOURLAGESTION« DURABLE »DESDÉCHETSSOLIDESURBAINS ?
Aprèsavoirexplorélefonctionnement,lamiseenplaceetlesrôlesdechaqueacteurdetouslesniveaux
dansleprojetNovaGerar,ilesttempsd’analyserdansquellemesureceprojetarriveàprétendreaulabel
de« modèle »qu’onluiaattribuédepuissaconception.Ilsefaitnécessairedediscuterdesraisonspour
287
laquelle le potentiel d’utilisation énergétique du biogaz n’est pas encore exploité malgré les
investissements.Enoutre,nousreprenonsladiscussionsurundiscoursd’apparente« harmonie »socio-
environnementaleduprojetencontrasteavecl’invisibilitédelapopulationdesanciens« catadores »dans
la dynamiqueduprojet. Cette discussion vise à explorer dans quellemesure le projetNovaGerar peut
êtreconsidérécommeunmodèlepourunegestionplusdurabledesdéchetssolidesurbainsauBrésil.
5.4.1Faut-ilplusd’investissementpourlamiseenplaced’ungénérateurénergétiqueoufaut-ilunencouragementpolitique ?
Commedéjàmentionnédanslespartiesprécédentes,en2006,leBNDESaaccordéunfinancementavec
unbudgetdeplusde10millionsdeReaispourlaconstructiond’unecentraledegénérationénergétique
àpartirdubiogaz(TheWorldBank,2004).Cependant,lorsdutravaildeterrainen2015,ilaétéconstaté
que la seule activité de réduction de méthane était le flaring comme signalé dans le document de
conception du projet. Il faut rappeler que les Project Owners réclament uniquement les créditsC02
provenantde l’activitéde la torchère.Donc,onpeutsedemanderpourquoiNovaGerar signaledans le
PDD l’objectif de produire de l’électricité à partir du biogaz alors que les responsables du projet
soulignentlesouhaitdenepasrecevoirdecréditsCO2correspondantàcetteactivité.
« The objective of the NovaGerar joint venture is to explore the landfill gas
collection and utilization activities of the landfills managed by SA Paulista. This
will involve investing in a gas collection system, leachate drainage system and a
modular electricity generation plant at each landfill site (with expected final total
capacity of 12 MW), as well as a generator compound at each site. The
generators will combust the methane in the landfill gas to produce electricity for
export to the grid. Excess landfill gas, and all gas collected during periods when
electricity is not produced, will be flared. Combustion and flaring combined reduce
of 14.072 tonnes of CO2 over the next 21 years. In addition, the project will lead
to emission reductions attributable to the displacement of grid electricity, but
these will not be claimed by NovaGerar” (PDD, NovaGerar, 2004)
Expliquédupointdevueéconomique,NovaGerarnemetpasenplacelaproductionénergétiqueparce
qu’il est nécessaire d’avoir un contrat de vente préétabli de cette énergie pour que la production soit
viableéconomiquementpourl’entreprise(Marques,2006).Eneffet,ilfautuninvestissementplusélevé
288
pour la production énergétique renouvelable ainsi qu’une garantie d’un prix « raisonnable » d’achat de
cetteénergie.Unachatàunprixpouvantcouvrirlecoûtdelaproduction,uncoûtplusélevéquelecoût
delaproductionenmassedel’énergienonrenouvelable.Sanscettegarantie,laproductionénergétique
àpartirdubiogazpeutmettre« danslerouge »lefluxdeliquiditédel’entreprise(Segreti&Brito,2006 ;
Diniz & Funcia, 2009). En tenant compte de la réalité brésilienne de production et d’achat d’énergie
provenant du biogaz des décharges, la production énergétique dans les décharges sanitaires est « non
viableéconomiquement »pourlesentreprisesresponsablesdesdécharges.
Enréalité,cettequestiondel’achatdel’énergierenouvelableestétroitementassociéeàladynamiquedu
fonctionnementdudomaineénergétiquebrésilien.Lesauteurssoulignentlanécessitédemettreenplace
uneexonérationfiscaledelapartdel’Étatpourl’achatdel’énergieissuedesdéchets(GonçalvesJretal.,
2010.; Marques, 2006). Un exemple d’encouragement étatique est le programme PROINFA326 du
gouvernementfédéral.Ceprogrammeaétécréépourcompenserlestarifsplusélevésdelaproduction
de l’énergie renouvelable afin de la rendre aussi compétitive que l’énergie provenant de sources non
renouvelables.Dans ceprogramme, l’État joueun rôledemédiateurpourque leprixd’achatde cette
énergiesoitjusteetcouvresoncoûtdeproduction.
Le Programa de Incentivo às Fontes Alternativas de Energia Elétrica327 (PROINFA) a pour objectif
d’augmenterlaparticipationdeprojetsdeproductiond’énergierenouvelable328dansleSistemaElétrico
InterligadoNacional329(SIN).Ceprogrammeveutpromouvoirladiversificationdessourcesénergétiques
au Brésil en valorisant les caractéristiques et les potentialités de chaque région du pays pour la
productiond’énergies renouvelables (MinistériodeMinaseEnergia,2017).Leprogrammeaccordedes
subventions aux projets qui produisent de l’énergie à partir de trois types de sources de production
énergétique: l’éolien, l’hydroélectrique et la biomasse. Eletrobrás (Centrais Hidroélétricas S.A) est une
holding dont le gouvernement brésilien est actionnaire majoritaire. Cette entreprise publique est
responsablede laproduction, la transmissionet ladistributionénergétiqueauBrésil.Dans le cadredu
PROINFA,Eletrobrásétaitmissionnéepouracheterl’énergiedesprojetsapprouvés.Eletrobrásétablitune
326ProgramadeIncentivoàsfontesAlternativasdeEnergia.327Programmed’EncouragementauxSourcesRenouvelablesd’EnergieElectrique.328Nousconsidéronscommesourced’énergierenouvelabledanscedécretlessuivantes:lessourceséoliennes,debiomasseetlescentraleshydroélectriques.329SystèmeElectriqueNationalInterconnecté
289
valeur qu’elle considère « juste » pour l’achat de cette énergie. Cette valeur couvre certains frais
provenantdesaproduction.330BienquelePROINFAsoitunprogrammed’encouragementàlaproduction
desénergiesrenouvelables,iln’accordepascetencouragementfiscalàlaproductionénergétiqueàpartir
dedéchets.
L’autre option de vente de l’énergie renouvelable, qui n’est pas médiatisée par le programme du
PROINFA, est sous la forme d’enchères de l’énergie. Régulées par le gouvernement fédéral, les
entreprises qui souhaitent vendre de l’énergie pour l’insérer dans le réseau de distribution doivent
impérativementfaireuneoffreàunagentpublic.Cetteoffrepourladistributionénergétiquerentredans
lecadred’unprocessusdeconcessiondeservicepublic.Lespouvoirspublicsaccordentlaconcessionaux
offresauxprixlesplusintéressants.Lesenchèresd’énergieontl’objectifderendrelemarchédeventede
l’énergierenouvelablepluscompétitif(MinistériodeMinaseEnergia,2017a).
Decettemanière,lesentreprisesenchargedesdéchargessanitairesnevoientpasl’investissementdans
la production énergétique à partir du biogaz comme une opportunité d’augmentation de leur chiffre
d’affaires.ÀpartirdumomentoùlagestiondutraitementdesdéchetsàRioaétédéléguéeauxacteurs
privés, les effets de cette privatisation contribuent à l’instauration d’une dynamique de marché
restructurantlesecteur.Faireduprofits’imposecommeunobjectifdéterminantdansletraitementdes
déchets,audétrimentdesobjectifsenvironnementaux(Lorrain,1998).Ainsi,enayantlechiffred’affaires
commelefacteurprincipalpourlechoixdesmodalitésdetraitementdesdéchets,ilestcompréhensible
queNovaGerarn’aitpasmisenplace laproductionélectriqueàpartirdubiogaz.Uneproductionétant
liéeauxincertitudesdecommercialisationquirègnentdanslemarchédel’énergierenouvelableauBrésil.
« Hum… Bon, pour que tu arrives à commercialiser ça (l’énergie), tu dois
t’adapter aux enchères d’énergie (…) Donc ça ne vaut pas la peine juste
de la produire… beaucoup de fois tu n’arrives pas à gagner les
enchères, tu dois chercher quelque chose pour la vendre directement, tu
ne peux pas simplement la jeter dans le réseau… »
(“Project Owner” - 2PONI15)
330Nousn’allonspasrentrerdanslesdétailsparrapportaufonctionnementduPROINFApuisquelaproductionénergétiqueàpartirdubiogazdedéchargesn’estpaséligibledansceprogramme.
290
Bien que le BNDES ait libéré un budget pour le financement de la mise en place d’une centrale de
productionénergétiqueàNovaGerar,pendantl’enquêtedeterrain,iln’aétépaspossibled’interrogerles
acteurs sur ce sujet. Dès ma première visite à Centrale, au moment de faire signer le document de
confidentialité331,j’aiétéavertiequejenepouvaisposeraucunequestionàproposdubudgetconcernant
leprêtduBNDEScommeonpeutvoirdansl’extraitdeterrainci-dessous.
« Le 1er avril 2015 : J’étais très bien accueillie à la CTR Nova Iguaçu.
Mais en montrant mon document d’engagement et confidentialité à la
secrétaire du responsable du biogaz, elle a souligné que l’entreprise a
déjà eu des problèmes juridiques avec des chercheurs par rapport aux
informations sur le budget de financement publiées dans les travaux
académiques déjà faits sur le projet NovaGerar. Je me suis sentie
intimidée et je lui ai assuré qu’aucune question qui toucherait l’argent ne
serait posée. J’ai adopté cette stratégie pour avoir la confiance de mon
participant tout en sachant que le domaine des déchets à Rio est un
secteur très difficile en ce qui concerne le dévoilement des
informations. »
(Extraits de Journal de Terrain)
5.4.2L’absenced’unepolitiquedetriàNovaIguaçuetl’invisibilitédesancienscatadores:lesnuancesderrièrel’imagede« durabilité »duprojetNovaGerar
Commedéjàmentionnéaudébutdecettemonographie,aumomentdelafermeturedeMarambaia,la
MariedeNovaIguaçuapromiscinqmesurespourpromouvoir l’inclusionsocialedesancienscatadores
dontuneseraitlamiseenplaced’unecoopérativepourlagestiondesmatériauxrecyclables.Toutefois,
en2014/2015332 laMairiedeNovaIguaçun’avaitpasmisenœuvreunepolitiqueobligatoiredetrides
déchetscouvranttoutes lesentreprisesetménagesde lamunicipalité.Letriétait faitseulementpar le
biais des accords de collecte de matériaux recyclables avec les certaines entreprises et les bureaux
d’administration publique qui opèrent dans la ville. Nova Iguaçu possède seulement quelques points,
331 Voir Chapitre 4 (Partie méthodologique) de la thèse pour une compréhension plus approfondie de la nécessité de cedocumentpourmenerdesenquêtesde terrainauBrésil. C’estundocumentde confidentialitédesdonnéesquiprotège lespersonnesinterrogées.332Datedutravaildeterrain
291
réservés exclusivement aux dépôts de matériaux pour le tri, éparpillés sur le territoire (Odia, 2013 ;
NotíciasdeNovaIguaçu,2015 ;NotíciasdeNovaIguaçu,2013).
Concernantlaconcrétisationd’unepolitiquedetri,àl’époquedutravaildeterrain,iln’étaitpaspossible
detrouverdessourcesofficiellesnidelalittératuregrisequiprouventl’existenced’undessind’unemise
en agendapubliquepour ce typede politique de la ville.Nova Iguaçun’avait pas une loi ni un décret
pouvant règlementer le tri de déchets solides urbains. Différemment d’autres municipalités de la
métropole, où il y avait déjà une politique sur le tri,mais pas une action publique sur le domaine, la
questiondutriàNovaIguaçunesubissaitpasauproblèmede« implementationgap ».
Toutefois, en juillet 2018, les pouvoirs locaux de la ville à travers l’EMLURB ont décrété une loi pour
l’instauration du tri des déchets solides urbains (Diario Oficial, 2018). La politique prévoit désormais
l’insertiondescoopérativesdecatadoresdans leprocessus logistiquedeséparationetdestockagedes
déchets solides urbains. Nous espérons ainsi qu’à partir de cette année, les pouvoirs municipaux
dessinentdesstratégiesd’actionpubliqueavecd’acteursprivésetdelasociétécivile,pourunprocessus
demise enplace effective du tri et l’inclusiondes coopératives dans cette dynamique.Nous espérons
également que les pouvoirs municipaux abandonnent la tradition brésilienne des créations des
programmesdetriéparpillésde faibleportécommedessimplespiècesdemarketing institutionnel, tel
queWaldman(2013).Celadit,nousattendonsquecontrairementàd’autresvillesdelamétropole,laville
deNovaIguaçumettedeseffortspolitiquesetéconomiquesafindecréeruneactionpubliqueàpartirde
cettepolitique.
Afin de rebondir sur l’existence d’une lacune d’informations sur la Coopérativa Vitoria et les anciens
catadoresdeMarambaia.En2016, l’Assembléedel’ÉtatdeRioaouvertuneaudiencepubliquepourla
discussion sur la création d’un système pour la mise en œuvre du tri dans l’État de Rio. Dans cette
audience ilaétésignaléque letauxde lacollectesélectivedans larégionmétropolitainedeRioestde
seulement2,5%.Ilaétéaussisignaléquecetteabsencedetritouchedirectementlescoopérativesqui
sontenpénuriedematériauxetrisquentdefermerenraisondunon-respectdesengagementsfaitslors
de la fermeturedesdéchargesàcielouvert (ALERJ,2016).Enregardant, lescénario« sous-développé »
292
surlaquestiondutri333dansl’ÉtatdeRiodeJaneiroetlamiseenplace« tardive »d’unepolitiquedetrià
NovaIguaçu,seulement15ansaprèslafermeturedulixão,nousnousdemandonssicelan’apasunlien
direct avec la difficulté d’avoir des traces sur les anciens catadores deMarambaia. La coopérative n’a
peut-être pas survécu à une pénurie prolongée de matériaux (et de matériel) et à une absence
d’encouragementpolitiquepours’insérereffectivementdanslemarchédurecyclable.
Dece fait,unquestionnementdevientpertinent:est-ceque leprojetNovaGerarpeutêtre réellement
considéré comme un projet « modèle » de durabilité dans sa totalité ? Comme déjà analysée lors des
chapitres précédents, la notion de « développement durable » est fluide et nécessite un cadrage
conceptuelafindedélimitersonsens,quiprétendréunirplusieursdimensions.Bienqu’ellenesoitpas
une notion délimitée et que sa signification déborde, elle s’est introduite actuellement dans plusieurs
instrumentsdel’actionpubliquedanslemondecommeunengagementsymbolique,voireuneobligation
(Rumpala, 2010 a;Baker, 2007). Cependant, Rumpala (2010a) attire l’attention sur la situation
transitionnelle des pratiques de la « non-durabilité » vers la « durabilité » et la nécessité
d’accompagnement et de suivi d’un projet de « réalisation » de cette « durabilité » afin de nourrir une
réflexionsur lesrôlesdes institutionsdansceprocessus.Celapourraitaiderégalementàunedéfinition
plusopérationnelledecettenotion.
Malgrélediscoursdesmédiasetdesacteursprivésetpublicssurla« durabilité »« aboutie »duprojetde
NovaGerar, les dimensions sociales et environnementales du projet et du domaine en soi ne sont pas
totalement « construites » ou « résolues ». Ce projet MDP s’est construit sur la dynamique locale d’un
domainedans lequel la transitionvers la« durabilité » resteouverte.CeprojetMDPaétéconstruit sur
des enjeux socio-économiques non résolus provenant du fonctionnement controversé du domaine: la
questiondecatadores.Lescatadoresdemeurentunepopulationsansvisibilitésocialeetmêmeinvisible
danslefonctionnementdeprojet.Decefait,ladimensiondecorrectiondelajusticesocialeàtraversle
MDPsemblenepasseconcrétiserdanslamiseenœuvredecet instrumentglobaldansledomainede
déchetsàNovaIguaçu.
333Laquestiondutri liéeàl’exclusiondeancienscatadoresseraencoreapprofondiedanslesdeuxmonographiesquisuivent(CellesdeGramachoetdelaCTRSeropédica).
293
Encomplémentaritéauvoletsocialde l’enjeudecatadores, ilya ladimensionenvironnementalede la
notiondedéveloppementdurablefigurantcommeunepièceàêtre« réparée »danslecadreduprojet.
Cet aspect possède deux ramifications: la première concerne le fonctionnement du champ local de
traitementdedéchets,et l’autreestdirectementattachéeaumontageduprojet.D’unepart, leprojet
fonctionnesurunmodedetraitementàpartirde l’enterrementdesdéchets.Unenterrementeffectué
sans la réduction de son volume à travers le tri. La réduction du volume de déchets laissés dans les
déchargespourraitprolongerleurduréedeviedeplusdevingtans.Sansletri,lesdéchargesneréalisent
pas leur contribution à une gestion des déchets plus appropriée à l’environnement (Waldman, 2009).
Ainsi,laconcrétisationd’unepolitiquedetriauniveaumunicipalpeutcontribueraufonctionnementdes
coopératives des catadores. L’union de ces deux dimensions de la notion de développement durable
pourrait se réaliser à partir du tri. Cette action publique pourrait ainsi figurer comme une transition
concrèteversladurabilitéenvironnementaleetsocialedansledomainededéchetsàNovaIguaçu.
D’une autre part, il y a un deuxième aspect environnemental à résoudre concernant directement le
fonctionnement du projet NovaGerar. Ce projet MDP valorise le biogaz « à moitié » lors du simple et
unique usage du flaring. L’implantation des équipements pour la production énergétique à partir du
biogaz serait un accomplissement du discours de développement durable préconisé par NovaGerar.
Toutefois, les incertitudeséconomiquesde lacommercialisationd’énergieélectriqueentrainéespar les
politiquesdusecteurénergétiqueauBrésildécouragent lesentreprisesprivéesàmettreenœuvreune
valorisation complète de ce GES. Ces contraintes politico-économiques locales tendent à entraver la
concrétisation totale des objectifs de durabilité environnementale pourtant promus par le MDP et
envisagésdanslaCCNUCC.
294
CHAPITREVI:“GRAMACHOLANDFILLGASPROJECT”:L’ANCIENNEPLUSGRANDEDÉCHARGEDEL’AMÉRIQUELATINENEFAITPLUSPARTIEDUMDP
« Gramacho Landfill Gas Project » est un projet qui s’inscrit dans la technologie de production
énergétiqueàpartirdubiogazdesdécharges.Localisédansl’ÉtatdeRiodeJaneiro,danslavilledeDuque
deCaxias, l’ancien terrainde ladéchargeà ciel ouvertdeGramachoa implanté cette activitéen2009
(UNFCCC,2019).LeprojetMDPaétémisenœuvreunpeuavantlafermeturedéfinitivedeladécharge
en2012334.Néanmoins,aprèslaphasedevalidation, l’enregistrementsur lecadreduMDPs’estarrêté.
Cette phase sert à évaluer si unprojet remplit toutes les conditions établies par la CCNUCCpour être
enregistré.ConformémentausitedelaCCNUCC,iln’apaspuaccéderàlaphasedesémissionsdecrédits
obtenantunstatut« withdrawn ».Malgrésonapprobationparl’EntitéOpérationnelledésignéele29avril
2009,laSGSUK(UNFCCC,2019),le« GramachoLandfillProject »n’apaspuavancerjusqu’àlaphasede
« vérification »pourl’émissiondecrédits.Lecontextedemiseenœuvredeceprojetdansunedécharge
considéréecommelaplusgrandedel’Amériquelatineetlesraisonspourlesquellesceprojetnefaitplus
partieducadredeMDPserontexposéestoutaulongdecettemonographie.
Lafrisechronologiqueci-dessousnousmontrequandsesitueletravaildeterrain,périodederéalisation
des entretiens avec les acteurs de Gramacho, parmi les autres évènements liés à la décharge. Cette
représentationtemporelleviseàrendrelacompréhensionducontexteduprojetplusfacileenmontrant
lasuccessiondesévènementscommelafermeturedeladécharge,lepremierenregistrementduprojet
auprèsdelaCCNUCCetlacréationduPoloderecyclagedecatadores.
334 La périoded’accréditation est rétroactive, elle est décomptée àpartir dumomentoù l’activité de réductionestmise enplace.Mêmesiunprojetestenregistréaprès,s’ilestprouvéquelaréductiondesémissionsaétéeffectiveavantenraisondel’activité technologiquedéclarée à la CCNUCC, le projet a également droit à des crédits CO2 correspondant à cette périodeavantl’enregistrement.
295
Figure59:FrisechronologiqueduprojetMDPdeGramacho
6.1LAVULNÉRABILITÉTERRITORIALEDUQUARTIERDEJARDIMGRAMACHO
JardimGramachoestunquartierdelamunicipalitédeDuquedeCaxiasquisetrouveà23kmducentre
de la ville de Rio de Janeiro. Selon le dernier recensement de l’Institut Brésilien de Géographie et
Statistique (IBGE), en 2016, le taux de pauvreté de Duque de Caxias était de 37,8% de sa population
gagnaitlamoitiédusalaireminimumbrésilien335(IBGE,2019).Le quartierdeJardimGramachopossède
des« subquartiers »quinesontpasofficiellementreconnusparlamairiedeDuquedeCaxias.Ils’agiten
tout de dix « subquartiers », dont trois seulement dotés d’une infrastructure de logement appropriée.
Tandisquelesautrescommunautéssontinstalléesdefaçonprécaireauborddesmangroves,enmanque
d’infrastructures d’assainissement de l’eau et de transport. La population locale atteint le seuil de
pauvreté(IBASE,2005).L’estduquartierbaignedanslaBaiedeGuanabara(BaíadaGuanabara).Depuis
lesannées20,enraisondelacroissanteurbanisationdelamétropoledeRio,cettebaieestlethéâtrede
plusieursenjeuxenvironnementauxdans l’ÉtatdeRioenraisonde lapollution liéeà la fragilitédeson
écosystème de mangroves. C’était autour de la Baie de Guanabara que le deuxième plus grand parc
industriel du Brésil s’est développé (Pré-Univesp, 2017). Comme on peut voir sur l’image satellite ci-
dessous,ladéchargeàcielouvertdeGramachosetrouveprèsdelaBaiedeGuanabaraetàproximitédes
rivières Sarapuí et Iguaçu. Les deux rivières ont subi plusieurs années de pollution non contrôlée
335Environ496Reaiscequiéquivautàenviron100euros.
296
entraînant la disparition de la vie marine de ces deux cours d’eau (Extra, 2010; Governo do Rio de
Janeiro,2017).
Figure60:ImagesatellitedeladéchargedeJardimGramacho
Source:GoogleMaps
Basé sur un terrain qui appartient aux pouvoirs publics municipaux de la ville de Rio, le Aterro
Metropolitano de Jardim Gramacho (AMJG) a commencé à fonctionner en 1978, durant la dictature
militaire brésilienne, sous le gouvernement deGeisel (1974-1979). Lamunicipalité de Caxias était une
ville qui rentrait dans la catégorie des « municipalités de sécurité nationale » (Porto et al, 2004). Une
catégoriedevillescrééepouréviterdepossiblesattaquesdegroupesdel’oppositionaugouvernement
dans ces régions336. Pendant la dictature militaire brésilienne, certaines municipalités considérées
importantespourl’intérêtnationalrentraientdanscettecatégorie.Cesvillesnepouvaientpasélireleurs
maires via le vote direct. Les maires étaient choisis par le gouvernement fédéral après l’approbation
directeduPrésidentdelaRépublique.DuquedeCaxiasfiguraitcommeune« villedesécuriténationale »
puisqu’elle hébergeait la raffinerie de Petrobrás, la Reduc, la compagnie pétrolière de l’État brésilien
(AcervoOGlobo,2016).Enrevenantsurlacréationdu lixão, laconjugaisondedeuxfacteurscommele
manquedereprésentativitéd’unepopulation localeextrêmementprécaire,et lepouvoirviolentetnon
contestabled’ungouvernementdictatorialsesontcomplémentésdanslechoixduquartierdeGramacho.336 Lesgroupesdemouvementsdegaucheetd’autresgroupesd’oppositions,que lepouvoirenplace intitulaitd’une façongénéralecommeles«communistes».
297
Par conséquent, iln’yaeuaucuneopposition337audépôt« officiel »dedéchets sansaucun traitement
préalabledanslavilledeCaxias.
6.1.1LadéchargeàcielouvertdeJardimGramachoetsavisibilitédanslapressenationaleetinternationale
Cette vulnérabilité d’ordre socio-économique, mais aussi environnementale du quartier de Jardim
Gramachoaétémiseenévidence,etaussirenforcéeaprèsl’installationduterraindedéchargeen1978.
L’AMJG opérait sur un territoire de 1 300 000m², Il était considéré comme le plus grand terrain de
décharge de l’Amérique latine en raison de sa taille et de la quantité de déchets qu’il recevait
quotidiennement (Jornal Nacional, 2012). Les déchets de toute la ville de Rio de Janeiro et des cinq
municipalitésfaisantpartiedelamétropoleétaientdéposésàladécharge338.Levolumededéchetsreçus
quotidiennementétaitd’environ7 000tonnes.LequartierdeJardimGramachoestidentifiécommeétant
un quartier exclusivement dédié à la décharge métropolitaine de l’État de Rio de Janeiro. Avant la
fermeturedu lixão, l’activitééconomiqueduquartier tournaitexclusivementautourdu travail informel
des catadores qui, dans leur majorité, étaient aussi des habitants du quartier (Bastos, 2013). Leurs
activités de collecte des matériaux recyclables sur le terrain ont développé les commerces dans le
quartierdontlaclientèledépendaitexclusivementdulixão(Ribeiro&doCarmo,2013).
LavieauLixãodeJardimGramachoagagnéenvisibilitéenconséquenced’unerécurrentereprésentation
médiatiquedesactivitésdugrandnombredecatadoresquitravaillaientdansleslocaux.Enraisondela
taille et de l’importance que l’Aterro de Jardim Gramachoavait pour la gestion des déchets à Rio de
Janeiro,ilaservideterrainàdifférentesrecherchesacadémiques,denombreuxreportagesdelagrande
presse et aussi des productions artistiques. Parmi lesquelles,339 nous pourrons souligner deux
documentaires très célèbres: Estamira (2004) et Lixo Extraordinário (Waste Land, 2010). L’objectif
337Nous faisons référence à des traces documentéesd’une éventuelle opposition à l’installationde la décharge à l’époque.Toutefois,nousnelesavonspastrouvéeslorsdenotrerecherchedocumentaire.338RiodeJaneiro,DuquedeCaxias,Nilópolis,Mesquita,SãoJoãodeMeritieQueimados.339SelonplusieursgrandsmédiasauBrésil,plusspécifiquement«OGlobo»etla«telenovela»(untypedefictiontélévisée,dont le format est très populaire en Amérique Latine) intitulée «Avenida Brasil» (sortie en 2012, la même année que lafermeturedulixão,elleaétéinspiréeparlaviedecatadoresdansl’AterrodeJardimGramacho.)
298
généraldesfilmsétaitde« dévoiler »lesmodesdevieetl’organisationsocialedetravailleursinformelsde
Gramacho, lespopulairescatadores, dansunenvironnementpeu connu, invisible, voireméprisépar la
populationengénéral:ladéchargeàcielouvert.
Nousallonsraconterbrièvementcommentcesdeuxproductionsartistiquesontmontrélaréalitésociale
descatadores.LedocumentaireEstamira (2004)porte lenomdupersonnageprincipalquipartageson
modedevieetsesopinionssur lasociétéet lavieàpartirdesonexpériencedevingtansentantque
catadoraàJardimGramacho.Connuecommesouffrantdedéséquilibresmentaux,Estamiramontreune
grande« lucidité »340encritiquant lasociétédeconsommationet lagrandemachinedeproductiondes
biens matériaux. Elle décrit la dynamique de cette société en révélant indirectement comment ces
travailleurs se trouventauboutdecette chaînedeproductionavecun rôleparadoxal. Sid’uncôté, ils
sontlesagentsdelavalorisationdesdéchets,portantainsiunegrande« utilitésociale »danslecyclede
viedesbiensmatériaux.Del’autre, ilssontexclusdelasociétéetenmargedespolitiquespubliques341.
Danssondiscours,ellesepromèneentrela« fantaisie »etla« réalité ».Néanmoins,Estamirasouligneque
le terrainde la déchargeest sonuniqueendroit aumonde. Ledocumentaire et les parolesd’Estamira
nous font réfléchir au-delà des conditions matérielles de Jardim Gramacho. Il nous amène vers une
réflexionphilosophiquesurl’espaceetlaconstructiondudiscours.L’OrdreduDiscoursdeFoucault(1971)
pourraitserviràqualifiercedocumentaire.NousécoutonsEstamiraavoirlepouvoirdesefaireentendre
pourlapremièrefois.Saconditiondemarginalisationneluiajamaisdonnélavisibilitédeprononcerun
discours.La« voix »médiatiquedonnéeàcettefemme,àtraversledocumentaire,remetenquestionla
césurequiexisteentrelafolieetlaraison,l’exclusionetl’inclusionsociale(Moraes,2014).
340 Le but du documentaire est de relativiser les constructions mentales des notions qui représentent «l’équilibre» ou la«folie» dans notre imaginaire. En ayant des scènes quimélangent des discours et qui illustrent à la fois, la «folie» ou la«raison»,regarderlepassaged’uneparoleàl’autrenousamèneàreconsidérernosreprésentationssurlasantémentale.341Voirchapitre3delathèsepourunediscussionplusapprofondiesurlesreprésentationssurl’activitédelacataçãoauBrésil.
299
Figure61:Montagedeplusieursscènesdudocumentaire« Estamira »
Source:Menos1Lixo,2015
Plutôtdirigéverslaquestiondurecyclagededéchets,ledocumentaireLixoExtraordinário(2010)montre
la réussited’unartisteplasticienbrésilienbaséàNewYorkdans la créationd’œuvresd’art àpartir de
matériauxrecyclables.L’objectifprincipaldudocumentestderendrevisiblelaquestiondelavalorisation
desdéchetsàpartirdesagentslesplus« populaires »,lescatadores.Toutefois,pourlaréalisationdeces
œuvres,ilcomptesurlaparticipationetl’opiniondes« catadores »lesplusanciensdeJardimGramacho.
Pouravoiraccèsàtouslestravailleursduterrain,VickMuniz,l’artisteacontactéTiãoSantos,leprésident
de l’Associação dos Catadores do Aterro Metropolitano de Jardim Gramacho342.Lors du film, nous
pouvons voir leur quotidien partagé avec le spectateur. À la fin, il est possible d’observer comment le
documentaireapuêtre le vecteurd’un certaingainde visibiliténationaleet internationale343de cette
catégoriedetravailleurshistoriquementmarginalisés.
342 Association de Catadores du Terrain de la Décharge Métropolitaine de Jardim Gramacho. Site officiel de l’AssociationACAMJG.Disponiblesur:http://acamjg.blogspot.fr/(Consultéle07mai2019).343Ledocumentaireaéténominéàl’Oscardu«Meilleurdocumentaire»en2011.IlagagnéunprixlorsduFestivaldufilmdeBerlinen2010etunprixde«Meilleurdocumentaire»auFestivaldeSundancelamêmeannée.
300
Figure62:Afficheofficielledudocumentaire« LixoExtraordinário »avecleportraitd’unedesœuvresfaitesàpartirde
déchetsaveclaparticipationdeTião,leaderduMouvementdesCatadoresdeGramacho.344
Source:Wikipedia,2019
Les deux documentaires prétendent dévoiler au grand public une notionmoins négative des déchets,
chacunàsamanière.Ilsessaientd’élucideruneignorancecollectiveparrapportàl’endroitdedestination
de leurs déchets ménagers. Cependant, ils ont opéré d’une certaine façon dans la réaffirmation de
stéréotypesdescatadoresentantquetravailleursstigmatiséspar l’objetde leurtravail, lesdéchets.Le
documentaire réaffirme leur manque de reconnaissance sociale lié à leurs activités, vues comme
informelles et dépourvues d’aucune qualification et garantie sociale (Ribeiro & Do Carmo, 2005).
Cependant, l’essaidedéconstructiondiscursivesur laquestiondedéchetspar lebiaisde la« richesse »
environnementaleetéconomiqueexploitéeàpartirdesavalorisation,évoquéelorsdesdocumentairesa
ouvert la possibilité aux acteurs de revoir le sens de leur propre métier (Gothardo, 2015). La
spectacularisation de la question de déchets a rendu possible aux catadoresde Jardim Gramacho à
réélaborer leur représentationdumétierpourainsi, créerunautrediscoursquantà leurplacedans le
secteur. De ce fait, d’unemanière résumée et sans prétention d’une analyse plus approfondie sur le
processusdeconstructiondiscursivedescatadores, lavisibilitéacquiseàtraverslapresseafaitsortirle
LixãodeGramachod’une invisibilité typiquedesdéchargesàcielouvertauBrésil.Cette« notoriété »a
étéfavorableauxcatadoreslorsdesafermeturequiseradiscutéeplustarddanscettemonographie.
344Traductiondelaphraseécritesurl’affiche:«Lemomentoùquelquechosesetransformedansuneautre,c’estlemomentleplusbeau».
301
6.1.2Lesrisquessanitairesetenvironnementauxdel’AterroMetropolitanodeJardimGramacho
L’Aterro de Jardim Gramacho est actuellement considéré comme un « crime environnemental commis
pendant34ansparlesautoritésmunicipalesdeRio.Lorsdesafermetureen2012,lelixãoavaitaccumulé
un total de 60 millions de tonnes de déchets dans des montagnes d’environ 60 mètres de hauteur
(Estadão,2012a).À l’instarduLixãodeMarambaia,Gramachorecevaitaussitoutessortesdedéchets:
ménagers (dans sa majorité) ; hospitaliers et détritus de la construction civile (O Extra, 2011). La
Fondation d’Ingénierie de l’État de Rio de Janeiro pour l’Environnement (FEEMA) interdit le dépôt de
déchets issusdesservicesdesantédans lesdéchargesàcielouvert345.Nonobstant,selonunreportage
datantde2006du journalOGlobo, lapoliceenvironnementaleaconstatéque lesdéchetshospitaliers
étaientdéposéssansaucuntraitementprêtable.Ilsétaientabandonnésdansunsecteurdulixãoséparé
par un grillage rompu par les catadores où ils manipulaient les résidus sans aucune protection
(Globo.com,2006).
En1996,GramachoapassédelacatégoriedeLixãoàaterrocontrolado(déchargecontrôlée)346enraison
de légères améliorations dans la gestion publique de dépôts des déchets. En fait, des barrières de
contentionontétéinstalléesafinquelesdéchetsneglissentpasverslaBaiedeGuanabara.D’autrepart,
lebutdelacréationdecettedélimitationautourdeladéchargeétaitd’empêcheraussil’agrandissement
del’aterro.Lesmontagnesdedéchetsontcommencéàêtrecouvertesdeterreet,théoriquement347,les
résidusontcommencéàêtreclasséscomme« dangereux »et« nondangereux »àl’entréedeGramacho.
Cettemesureaétémiseenplaceafind’interdireledépôtdesdéchetsdangereuxetminimiserlesrisques
de ladécharge (Oeco,2012). La couverturede terre sur lesdéchetsaétémiseenplacepouréviter la
présencedesanimauxcommelesrats,deschiensetdescafards.Cesanimauxreprésententdesrisques
puisqu’ils figurent commedes vecteursdemaladies.À cettemêmeépoque, laCOMLURBaégalement
345 Lesdéchetshospitaliers sont classés commedéchetsdangereuxappartenant à catégorie I selon lesnormesbrésiliennes,NBR10.004.346 Rappel: La meilleure traduction pour le mot aterro est décharge. Lixãosignifie «décharge à ciel ouvert», aterrocontrolado,nous l’avons traduit comme «décharge contrôlée». Et aterro sanitário, nous avons opté pour une traductionlittéraletelleque«déchargesanitaire».Voirchapitre3delathèseetlelexiqueenAnnexe.347Nousutilisonslemot“théoriquement”,cardansleparagrapheprécèdent,nousavonsobservévial’informationdujournalOGlobo,quecettemesuren’étaitpastotalementrespectée.
302
installé un systèmededrainagepour la captationde lixiviat afin qu’il ne soit plus jeté dans la Baie de
Guanabara (Estadão, 2012b). Selon le pouvoir publicmunicipal de Rio, toutes lesmesures prises pour
transformerlelixãodansunaterrocontroladoavaientcommeobjectifl’atténuationdesrisquessanitaires
etenvironnementauxprovoquésparladéchargedeGramacho.
LafuitedelixiviatdanslaBaiedeGuanabara,l’émissiondesénormesquantitésdebiogazprovoquanttrès
souvent des incendies aumilieu du lixãoet la transmission demaladies sont des exemples de risques
environnementauxetsanitairesdeladéchargepourlapopulationdeCaxias,etpourlapopulationdela
villedeRioengénérale.CommenousavonsdéjàdiscutélorsdelamonographieduprojetNovaGerar,la
question de risques est étroitement associée au territoire dès lors qu’ils sematérialisent en forme de
crise, ou d’accident348. Ainsi, les explosions, l’exposition de la santé des catadores aux accidents et la
pollutiondeBaiedeGuanabaraparlelixiviatcomposaientdéjàunscénariodecrise.Parconséquent,les
accidents ont amené la COMLURB à prendre des mesures pour « adapter » le lixãoà une « décharge
contrôlée ». À l’échelle locale, l’analyse sur les risques prend une forme spatiale concrétisée: les
décharges. La combinaisondes risques environnementaux et la précarité sociale transforment certains
espacescommedes« zonesdesacrifices ».
Figure63 : L’intenseactivitédes« catadores »etlavisiondeladéchargeverslaBaiedeGuanabara
Source:OGlobo,2012.
348Bienque la réflexion contemporaine sur ladélocalisationdes risquesapportéeparBeck (1986) soit liéeà laquestionduchangement climatique et s’éloigne ainsi du concept de risque de la conception de territoire. Dans la thèse, avec lamobilisationduconcept«zonedesacrifice»,noussommesfocaliséssurlaquestiondurisqueterritorial.
303
Bien que la COMLURB ait pris certaines mesures pour l’atténuation des risques associés au
« nouveau »Aterro de Gramacho, les risques persistaient. Selon certains reportages de l’époque, après
cesmesuresilaétépossibledevoirlarevitalisationdelafauneetlafloredanslesecteurdelamangrove
delaBaiedeGuanabaraprèsdeCaxias(RADIS,2011).Cependant,laprésenceconstantedesvautours349
dans ladéchargemettait en risque les vols commerciauxpartantde l’aéroport internationaldeRio. La
routedevolsconnectésàl’aéroportpassaitsouventau-dessusdeladécharge.Ilfautsoulignerquel’Ilha
doGovernador,lequartierquihébergel’aéroportn’estpasloinduquartierdeGramacho.Enréalité,Ilha
doGovernadorsesituedanslaBaiedeGuanabara.Dansl’année2009,lesvolspartantdel’aéroportTom
Jobimontenregistréunerécurrencedecollisionavecdesoiseaux,danssamajoritédesvautours,de3
foisplusquelamoyenneacceptéedanslesaéroports(IG,2010 ;OGlobo,2010).
Il yaunautre facteurderisquequin’apasétérésoluaprès la transformationdeGramachodansune
déchargecontrôlée:l’effondrementdusoldeladécharge.L’énormevolumededéchetsaccumulésdans
lesmontagnesmenaçaitlesoldesebriseretlesmontagnesdedéchetsstockésdetomber.Lesoldela
décharge est très fragile, composé d’argile, typique de l’écosystème des mangroves. L’instabilité du
terrain a provoqué de grandes fissures dans les montagnes de déchets qui, avant la fermeture,
menaçaientdes’effondrer(G1,2011 ;Estadão,2010).Uneéventuelleconcrétisationdesrisqueslorsde
catastrophesaforcélespouvoirsmunicipauxlocauxàprendredesmesurespourlafermeturedéfinitive
del’aterro.
349Ilestimportantdesoulignerquelatraductionlaplusprochedumoturubuenfrançaisest“vautour”.Maisl’espèceurubuestuntypedevautourtypiquedesAmériquestropicales,trèsprésentdansles«lixoes».
304
Figure64:LesCatadoresdeGramachotravaillantentourésdenombreuxurubus.
Source:IG,2012.
6.2.LESENJEUXDELAFERMETUREDEGRAMACHO:ENTRERÉCUPÉRATION
ENVIRONNEMENTALE,JUSTICESOCIALEETMÉDIATISATIONDELAVILLEDERIODEJANEIRO.
LaclôturedéfinitivedeaterrodeGramachoaétéreportéeplusieursfoiscomptetenudedeuxenjeuxtrès
connus (et divulgués) par la presse350: l’accompagnement au processus de changement de vie
professionnelle des catadores et le choix pour un nouvel endroit de destination finale des déchets,
auparavantdéposés àGramacho.Cette fermetureaété reportéeplusprécisément trois fois. Elle était
initialementprévuepour1998,après2000etensuitepour2004(UOL,2012).Enréalité,parlebiaisdela
fermeturedeGramacho,l’ÉtatdeRiovoulaitfigurercommelemodèlepourlesfermeturesdedécharges
àcielouvertauBrésil(Estadão,2012c).
Ilfautrappelerquel’ÉtatdeRioavaitl’intérêtd’êtrel’Étatbrésilienpionnierdanslafermeturedetoutes
lesdéchargesàcielouvertdesonterritoire.CettevolontéavaitamenélegouvernementdeRioàcréerle
programmeLixãoZero351.Ceprogrammeestrattachéàunprogrammedeplusgrandeportée,intituléle
350 Cesdeux raisonsn’ont jamais été«officialisées»par lespouvoirsmunicipauxdeRio. Toutefois, la littérature grisenousmontrequecesenjeuxétaienttrèsimportantsdanslaprisededécisiondéfinitivepourlafermeturedeGramacho.351ZéroTerraindeDéchargeàcielouvert
305
« Pactopelo Saneamento »352 , dont le programme« PlanoGuanabara Limpa » 353 fait égalementpartie
(GovernodoEstadodoRiodeJaneiro,2017a).Lesobjectifsdesdeuxgrandsprogrammessontconnectés
en raison des conditions environnementales de la Baie de Guanabara. Les conditions actuelles de cet
écosystèmesontlesrésultatsdumanquedegestionenvironnementaledelapartdupouvoirdel’État.De
ce fait, la mise en œuvre du Pacto pelo Saneamento veut faciliter l’installation des infrastructures
d’assainissementdansdesendroitsoùsonabsenceprovoquedegrands impactsenvironnementaux.Le
PlanoGuanabaraLimpaavaitcommeobjectifdedépolluer80%delaBaiedeGuanabarajusqu’à2016.
UnengagementaétéprisauprèsduComité InternationalOlympique (CIO)pour la réalisationdes Jeux
olympiquesdanslavilledeRioen2016(SecretariadoEstadodoAmbiente,2015354).
La questionde la dépollutionde la Baie représentait un enjeupour la réalisationdes Jeux olympiques
pour lesépreuvesde compétitiondevoile. Elle figurait aussi commeuneconditiondéterminantepour
que la ville de Rio héberge l’évènement (Estadão, 2016b). À part l’enjeu de la Baie, les pouvoirs
municipaux à Rio se sont également engagés à réaliser les Jeux Olympiques les plus «durables » de
l’histoire, en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) (Revista
Galileu,2016 ;PNUMA,2013).Enréalité,lafermeturedeGramachoestliéeàcetengagement.Bienque
la fermeture de la décharge ait eu lieu 4 ans avant les jeux Olympiques de Rio, Il est important de
rappelerqueladécision,priseparleCIO,queRioseraitlavillesiègedesJeuxolympiquesde2016datede
2009. Ensuite, en 2011, le gouvernement de l’État a créé le programmePacto pelo Saneamentopour
concrétiser cetengagement (GovernodoEstadodoRiode Janeiro,2017a).Malgré les investissements
dans le sous-programme Guanabara Limpa, il a été abandonné par le gouvernement municipal à
quelques mois de la réalisation des jeux de Rio. Les engagements de mise en œuvre du plan de
« durabilité » pour les jeux n’ont pas pu être accomplis, selon lamairie de la ville de Rio, en raison de
problèmesbudgétaires(FolhadeSãoPaulo,2016).
De cette manière, nous allons discuter des liens existants entre la fermeture de la décharge, les
instrumentspolitiquespourlamiseenœuvred’unplanenvironnementalpourl’ÉtatdeRio,laréalisation
352LePactepourlel’assainissement353PlanpourlapropretédelaBaiedeGuanabara354Ilestimportantsoulignerqu’aprèsavoirabandonnéceprogrammeavantlesjeuxolympiques,legouvernementdel’ÉtatdeRioaeffacélecontenudusiteofficieldel’État.Cependant,surlalittératuregrise,ilestpossibledeconstateretconfirmerqueleprogramme«GuanabaraLimpa»étaiteffectivementunengagementfaitauprèsduComitéOlympique.
306
des Jeux olympiques et la médiatisation de l’image de « durabilité » qui souhaitaient faire passer les
pouvoirs municipaux de Rio. En revenant sur un point commun qui lie la dépollution de la Baie de
GuanabaraàlafermeturedeladéchargedeGramacho,c’estlapromotiond’uneimagede« durabilité »
quelaMairiedeRiodeJaneirovoulaitfairepasseràlapressenationaleetinternationale.Lafermeturede
ladéchargedeGramachos’estproduitele3juin2012,aprèsplusieursreports,commedéjàmentionnés
audébutdecettepartie.LaconférencedesNationsUniespourledéveloppementdurable(Rio+20)était
planifiéepourseréaliserquelquessemainesaprès,du20au22juin2012danslavilledeRio.L’existence
d’une immense décharge à ciel ouvert pourrait nuire à l’image de la ville alors qu’elle s’apprête à
accueillir un évènement international sur l’environnement. Le fonctionnement de Gramacho serait
négatif pour la promotion de Rio de Janeiro qui était la ville siège pour discuter les politiques
environnementales afin d’atteindre des objectifs globaux de développement durable (United Nations,
2012).
Lors des reportages qui remontent le moment de la fermeture de Gramacho, il est très fréquent de
trouveruneassociationdirecteentre lafermeturedeGramachoet l’évènementde laRio+20(OGlobo,
2013 ;OGlobo,2012a ;BBCBrasil,2015 ;LeMonde,2012.Lacérémoniede la fermeturedeGramacho
étaitchargéedesymbolisme. Ilsontphotographié lederniercamionde laCOMLURBentraindeverser
lesdéchetsàGramacho.LemairedeRioàl’époque,EduardoPaes,aparticipéactivementàlacérémonie,
accompagné du président de l’Association des Catadores de JardimGramacho (ACAMJG) ainsi que de
beaucoup d’anciens catadores. La fermeture a compté aussi la présence de la ministre de
l’Environnement(G1,2012).Pendant lacérémonie, lapresseaenregistré lesdiscoursde laministrede
l’Environnementsurlafermeturedeladéchargetraduisantl’associationquelespouvoirspublicsfaisaient
entrelafermeturedeGramachoetlaréalisationdelaRio+20danslavilledeRio.
« La municipalité est en train d’agir de manière globale. Nous n’avons rien qui
puisse déprécier la participation de la ville de Rio comme la maitresse de
l’évènement de la Rio +20 ».
(Izabella Teixeira, ancienne Ministre de l’Environnement. Cérémonie de
fermeture de Gramacho. Revista Veja, 2012)
Laquestiondelapromotiondel’imagedelavilledeRioestunenjeuassezrécent.Enréalité,àpartirdes
années90, la ville de Rio adopte un nouveaumodèle de gestion urbaine, lemodèle d’entrepreneuriat
307
urbain. Cemodèle vise à s’adapter au contexte globalisé qui promeut une compétition entre villes du
monde entier. D’une manière générale, cette compétition incite les municipalités à chercher une
stratégiededéveloppementéconomiqueparlebiaisdutourisme.Ainsi,letourismeetlapromotiondela
villedeviennentdesélémentstrèsimportantsdanslacréationdespolitiquespubliquesmunicipales.Dans
le dernier plan stratégique pour la ville de Rio (intitulé « Pós 2016, O Rio mais integrado e mais
competitivo »355), les pouvoirs municipaux considèrent le tourisme comme une stratégie de
développementéconomiquepour laville.Cetteactivitépourraitainsi transformerRioenune« capitale
globaledutourisme »aprèslesjeuxOlympiques2016(PrefeituradaCidadedoRiodeJaneiro,2012).De
cefait,laréalisationdegrandsévènements356devientlesvitrinespourlapromotiondel’imagedelaville
(GomesdeOliveira,2015).Ilestimportantdelaisserlaréflexionsurlaconjugaisondetroisélémentsqui
sesuperposent:lapromotioninternationaledelavilledeRio,laRio+20etlafermeturedeGramacho.En
effet, la promotion de l’image de la ville comme un instrument important pour son développement
économique semble avoir instrumentalisé certaines mesures socio-environnementales. Nous avons
observéquel’urgence« tardive »delafermeturedeGramachoneparaitpasentièrementliéeauxrisques
de la décharge357, et à ce que ça représentait par rapport aux conditions sanitaires de la population
locale,maisellesemblaitêtreégalementassociéeàl’améliorationdel’imageinternationaledelavillede
RiolorsdelaRio+20.Onobservequecetteaméliorationdel’imagedelamunicipalitéétaitétroitement
liéeàl’attractionderessourceséconomiquespourleterritoire.
355Après2016,Rioplusintégréetpluscompétitif.356 LesJeuxOlympiquesen2016,LeRio+20en2012,LesJeuxPanAméricainsen2007,lesJeuxMilitairesInternationauxen2011,laJournéeMondialedelaJeunesseCatholiqueen2013.357Pourvuslesplusieursreportsdedatepoursafermeture.
308
Figure65:LacérémoniedelafermeturedeladéchargedeGramacho.Surlaphoto,lesélusmunicipauxdeRio,lesanciens
catadoresetlesagentsdelaCOMLURB ;
Source:G1,2012
6.2.1Lasituationdescatadoresaprèslafermeture:Laconcrétisationdelajusticesociale ?
Selon la littérature grise, il y avait un grand enjeu qui se présentait comme un « obstacle » pour la
fermeture de Gramacho. Il s’agissait de la négociation des pouvoirs municipaux avec les catadores
travaillant dans la décharge. Le processus de « discussion » entre les pouvoirs municipaux et les
travailleurs avant la fermetureaété très controversé. Il était difficilede trouverun consensus surune
« solution »quecettepopulationconsidéraitcomme« juste ».Enréalité,lemanquedeconsensusdivisait
aussi les catadores entre eux. En fait, depuis 2004, les travailleurs envisageaient de demander des
indemnitésenréponseàlafermeturedeladécharge.Cetteannéecorrespondàl’annéedelacréationde
l’Association des Catadores de Jardim Gramacho (ACAMJG). En raison des premières rumeurs de
fermeturedeladéchargeetduprojetdeloidelafuturePolitiqueNationalesurlesDéchets(2010)allant
interdire le fonctionnementdesdéchargesàcielouvertdans lepays, certainscatadoresontdécidéde
réfléchirsurunesolutioncollective.Cettesolutionpourraitatténuerlesconséquencesdelapertedeleur
activitédu« jouraulendemain »(OPovo,2015).
309
Cependant quand l’annonce de la fermeture s’est concrétisée en 2012, elle a divisé les catadoresde
Gramacho. Ilyavaitungroupequicroyaitenunavenirprofessionneltoujoursàpartirdelacollectede
matériauxrecyclablesauseindescoopératives.Unautregroupecraignaituneprécaritéextrêmepuisqu’il
nevoyaitaucunavenirprofessionnelsansladécharge.Cederniergroupesecomposaitdetravailleursne
possédant aucune qualification professionnelle formalisée. Selon la littérature grise et les propos des
certains enquêtés, Ils seméfiaient de l’organisation d’une coopérative. Lors des entretiens réalisés en
2015, tous lesancienscatadoresenquêtésauseinde l’Association,sansaucuneexception,ontsoulevé
lesconséquencesdecette fissureauseinde leurpopulationaprès la fermeturede ladécharge. Ilsont
égalementsoulignélefaitquetravaillerencoopérativeleuraapportédesbénéficesetuncertaingainde
visibilitésociale.
« La plus grande sécurité (de la coopérative) était de que quand
la décharge fermait (ce n’était pas une sécurité, on va dire
comme ça), c’était de croire dans un rêve (…) Donc, on a cru
qu’on allait y arriver. Donc, on avait la sécurité qu’on serait dans
une structure autorisée, où on pourrait travailler et où on
pourrait faire que les grandes entreprises nous voyaient avec
un autre regard, non ?
(Catadora- 1ACGR15)
« Il y avait des gens qui travaillaient à leur propre compte (…),
ils ne voulaient pas s’engager dans une coopérative. Mais on
avait déjà le projet il y a longtemps, en 2004, beaucoup avant la
fermeture de “l’aterro”, tu comprends ? On se programmait,
s’organisait pour pouvoir arriver au point que tu es en train de
voir là (…) Parce que la coopérative est mille fois mieux, non ?
S’organiser… Parce que quand on vend notre matériel on va
ajouter une valeur meilleure… Parce que jusqu’à maintenant, là
en haut (dans la décharge), on vendait à des intermédiaires et
le prix était très bas, ce n’était pas un prix juste (…) Et si on
s’organise, on a les moyens de séparer les matériaux, et notre
revenu augmente… »
(Catador - 4ACGR15)
310
Pour des raisons méthodologiques358, nous n’avons pas pu contacter les anciens catadores qui ne
faisaientpaspartiedel’AssociationdescoopérativesdeGramachoafindevoirleursituationactuelleet
l’impact de la fermeture de la décharge dans leurs vies. Par conséquent, nous avons eu recours à la
littératuregriseafind’accéderàcesinformations.Plusieursreportagesdatantavantetaprèslafermeture
mettent en lumière les groupes de catadores qui craignaient la fermeture du lixão. Pour eux, celle-ci
s’annonçait très catastrophique pour leur avenir. Ce groupe de travailleurs se sentaitmenacé par une
perte de revenu après la fermeture de la décharge en 2012. Actuellement, ces travailleurs se croient
abandonnés par les pouvoirs publics. Il est important de souligner que les reportages sur les
conséquences socio-économiques de la fermeture de l’aterroétaient exclusivement focalisés sur les
situations de ce groupe de catadoresayant choisi de ne pas intégrer l’association des coopératives de
Gramacho.Enréalité,lesconditionsactuellesdevulnérabilitédece« sous-groupe »decatadoresétaient
plus intéressantes et plus spectaculaires aux yeux de la presse nationale et internationale. En effet, la
grande presse était plus intéressée à raconter l’histoire de ce groupe de catadores « autonomes » que
d’exposer la situationde l’associationdes coopérativesdes ancienscatadores deGramacho. (OGlobo,
2013a;OGlobo,2012b ;CNN,2012 ;ProfissãoRéporter,2012 ;G1,2015 ;The Independent,2012;Uol
Notícias,2012).
6.2.1.1Lesdifférentsfondspourl’aideauxcatadores
AvantdediscuterplusendétaildelasituationdescoopérativesdescatadoresdeGramacho,revenons-
noussur l’enjeudelanégociationdel’indemnitépour lafermeturedeladécharge.Cettenégociationa
été prise en charge par l’association des coopératives359 directement avec les pouvoirs municipaux.
Début2012, il a été crééun fondspour lescatadores (FundodeParticipaçãodosCatadoresde Jardim
Gramacho)aprèsplusieursdiscussionsentrel’association,lespouvoirsmunicipauxdelamétropole,etle
gouvernementde l’ÉtatdeRio.360 Théoriquement, la créationdes fondsavait commeobjectif principal
358 Nous avons opté pour interroger seulement les catadores travaillant dans les coopératives puisqu’ils sont toujours desacteursactifsdanslesecteurdetraitementdesdéchets.359 L’AssociationdeCatadoresde JardimGramachoestenvérité,uneassociation composéededifférentes coopérativesquitravaillentensembledansuneseulestructurephysiquequis’appellePolodeReciclagem,installéeàGramacho.UnediscussionplusapprofondiesurlePolodeReciclagemdeGramachoseraexposéeplustarddanscettemonographie.360FondpourlaParticipationdesCatadoresdeJardimGramacho
311
d’« assurer économiquement » les catadores pendant la période de transition de la fermeture de la
décharge. Cette période de transition comprendrait la période entre la fermeture du lixão et leur
préparation pour une intégration dans une vie professionnelle formelle. Cependant, la définition de
l’objectifdecefondsafaitl’objetdebeaucoupdecontroverses.Undébataétéouvertpourdéterminer
son objectif précis. Un deuxième conflit consistait dans la façon dont ce fonds serait réparti entre les
catadores361.Nousallonsdécrirebrièvementlapremièrecontroversequiconcernait lamanièredontce
fondsallaitbénéficieraux travailleurs.Avantqu’il soitdécidéqu’il serait convertienargentbénéficiant
directement la population de catadores (décision prise par l’ensemble des travailleurs), le fonds était
conçupourpayerdesformationsetdesateliers.D’aprèslespouvoirspublics,celaavaitcommeobjectif
definancerdesformationspourquelescatadoresapprennentunnouveaumétierdemanièreàintégrer
le marché du travail formel. Une autre partie de ce fonds serait destiné aussi à encourager le
fonctionnementde l’associationdescoopérativesdematériauxrecyclablesdeGramacho(Ministériodo
Meio-Ambiente,2010).
Quand les travailleursontnégociécettecompensation financière, il étaitactéqu’elle serait versée sur
leur compte bancairemensuellement pendant 14 ans. Cependant, après une assemblée ayant réuni à
nouveaulescatadoresetlespouvoirspublicsenmars2012,ilaétédécidéquelefondsde21millionsde
Reais serait versé en une seule fois à chaque travailleur. Ce fonds serait destiné à 1 603 catadores
officiellementenregistrésparlaCOMLURB(GovernodoRiodeJaneiro,2012;GovernodoRiodeJaneiro,
2012a;PrefeituradoRiodeJaneiro,2012).Cettesommerépartieentrelestravailleurs,s’estrésuméeà
un montant précis de R $ 14.864,55 ( Reais), l’équivalent d’environ quatre mille euros pour chaque
catador.L’entrepriseNovaGramachofiguraitcommelaresponsabledupaiement,clauseducontratde
l’exploitationdubiogazdeladéchargeauprèsdelaCOMLURB.Comptetenudeladécisiondupaiement
en une seule fois, laMarie de Rio avait avancé lemontant. Ainsi, l’entreprise a pris l’engagement de
remboursercemontanten15fois(PortalBrasil,2012).
361Etantdonnéquelefondétaitd’unmontantglobalfixe,plusilyavaitdecatadoresenregistréscommeayanttravailléplusd’un an dans la décharge,moins important était lemontant individuel reçu par chacun. Ainsi, d’après les registres dans lalittératuregrise,àpartlaquestiondelacoopérative,cettemodalitéderépartitiondel’indemnitéaégalementcrééebeaucoupdeconflitsauseindescatadores.
312
En 2011, un autre fonds a été créé pour la revitalisation du quartier de Gramacho, le Fundo de
RevitalizaçãoeValorizaçãodoBairrodeJardimGramacho.Sonobjectifétaitderéaménager lequartier
quiavaitsubiplusieursimpactssociauxetenvironnementauxenraisondel’opérationdel’aterropendant
34ans.Cefondsseraitconvertienprojetssociauxeturbainsderéaménagementduterritoire.Cefonds
seformeraitàpartirdelaventedescréditsCO2provenantdel’activitédetransformationdubiogazdela
déchargeengaznaturel. En réalité, 50%dumontant total acquis àpartir de la commercialisationdes
crédits serait destiné à ce fonds. L’entreprise Nova Gramacho repasserait ce montant aux pouvoirs
publicsdelavilledeDuquedeCaxias,responsabledelagestiondufonds(CamaraMunicipaldeDuquede
Caxias,2011).Selonlaloimunicipalequiprévoitlacréationdufondspourleréaménagementduquartier
de Gramacho, ce projet d’urbanisation du quartier serait traduit dans la mise en place des systèmes
d’assainissement,d’unsystèmedecollecterégulièredesdéchetsetdel’approvisionnementeneaudans
les foyers. En autre, un volet d’assistance sociale également est prévudans ce fonds. Cela consisterait
dansuneaidebudgétaireauxservicessociauxdelamunicipalitédeCaxias.Lefondscontribuerait,ainsi,à
l’amélioration des services d’éducation, de santé, de logement, et de loisir du quartier. Le choix des
modalités de mise en place de ces aides serait pris en charge par l’administration publique de la
municipalitédeCaxias.362
6.2.1.2LefonctionnementactuelduPolodeReciclagemdeGramacho
Créeen2004,l’ACAMJG(AssociaçãodeCatadoresdoAterroMetropolitanodeJardimGramacho)consiste
dans une association qui rassemble plusieurs coopératives de matériaux recyclables créées par les
catadoresde l’anciennedécharge.L’associationfonctionnedans lePolodeReciclagem,nomdonnéà la
structureoù lescoopérativescohabitentetpartagent lesmêmeséquipements.LePolosesituedans le
quartier de Gramacho à quelques kilomètres de l’ancienne décharge. La stratégie de s’organiser en
coopérativesparcestravailleursrévèleleursouhaitd’avoirunereconnaissancesocialedeleuractivitéqui
alongtemps(ettoujours)étéstigmatiséeparsoncaractèreinformeletparlesensnégatifquelesdéchets
apportentensoi(Medeiros&Macedo,2006).
362Ilestimportantd’attirerl’attentionsurlefaitquenousmettonsleverbeauconditionnelprésentcar,plustarddanscettemonographie on va discuter les raisons pour lesquelles ce fond n’a pas pu bénéficier les habitants du quartier de JardimGramacho.
313
França (2003) souligne que cette forme d’organisation du travail au Brésil représente une action de
résistance populaire à l’entreprise privée. Idéologiquement, les coopératives sont la traduction de la
nécessitédesurvied’ungroupesocialexclud’unedynamiquedetravailquivisetoujourslagénérationde
profits.Cependant, ilest importantd’attirer l’attentionsur leparadoxereposantderrière l’organisation
coopérative,basée sur ladistributionégalitairedeprofitsentre les travailleurs.Bienqu’elle représente
l’essaidemiseenœuvred’unmouvementdepenséequienvisagelaréalisationd’uneutopiesurl’égalité
au travailet la répartitiondesprofits,elleopèredansunscénariodominépar la compétitionentre les
entreprises.Unedynamiquequiobéitauxlogiquescapitalistes.Enrevenantsurlaquestiondel’ACAMJG,
pour assurer la survie économique des anciens catadores, l’association doit bien performer dans le
marchédesmatériaux recyclables. Seule la performancemarchandede l’organisationpeut garantir un
revenu à ces travailleurs. Cela représente une possibilité pour leur épargner une exclusion socio-
économique.Donc,avantdediscuterlaréalitéactuelledel’association,nousallonsexposersesprincipes
d’organisation. L’ACAMJG dispose de 3 objectifs principaux visant à mettre enœuvre des actions qui
concrétisentl’inclusionsocialedesancienscatadoresdeGramacho.
Tableau24:Objectifspolitiquesetsociauxdel’AssociationdescatadoresdeGramacho.
Source:Pageofficieldel’ACAMJG
LaconstructionduPolodeReciclagemdeGramachoaétéfinancéeparlaReduc,laraffineriedepétrole
de Petrobrás, située à Gramacho. Il est important de rappeler que la Reduc achète le gaz naturel
transforméàpartirdubiogazproduitdansl’ancien lixãodeGramacho.(OGlobo,2012c).Laproduction
dugaznaturelàGramachoestsouslagestiondel’entrepriseNovaGramacho.LastructureduPoloaété
conçueavec2hangarsquihébergentdeséquipementsdetridesdéchets.Dansleplandeconceptiondu
PoloprévuparlaSecretariadoAmbientedel’ÉtatdeRio,àpartles2hangarsconstruitsen2013,lePolo
seraitaussicomposéd’uneunitédetransformationdesdéchets,unecrèche,uncentreadministratif,cinq
unitésde tri etunhangarprincipalpour le stockageet la ventedematériaux. Le terrain sous lequel il
opèreestunepropriétédugouvernementfédéral(SecretariadoEstadodoAmbiente,2013).
314
Bien que la création des coopératives soit le produit d’une mobilisation sociale des catadores pour
survivreéconomiquementaprèslafermeturedeGramacho,laconstructionduPoloagagnéunecertaine
visibilitédanslapresseofficielledespouvoirspublicsbrésiliens.Ilestpossibled’observerquelespouvoirs
de toutes les échelles se sont approprié 363 sa création afin de l’utiliser comme une vitrine pour la
promotion de la « durabilité environnementale » et « l’inclusion sociale » dans le secteur des déchets
(PortalBrasil,2013).Danslesiteofficieldugouvernementfédéraletceluidel’ÉtatdeRio,nouspouvons
voir les différentes modalités d’une même rhétorique de marketing socio-environnementale: la
fondationduPolosignifieuneréussitedel’inclusionsocio-économiquedescatadoresetunpasversune
« durabilité » dans le traitement des déchets solides urbains. À travers sa création, les pouvoirs publics
brésiliensmettentenlumièreleur« réussite »socio-environnementaledanslafermeturedesdéchargesà
cielouvert.Cette« réussite »consisteraitdanslarésolutiond’unproblèmesocialetenvironnementalàla
fois.Decefait,cette« résolution »d’inclusiondescatadoresparlebiaisdelaconstructionduPolos’avère
commeunélémenttrèsfavorablepourlemarketingenvironnementaldespouvoirspublics.Eneffet,elle
réunit des éléments faisant partie des objectifs pour la concrétisation de la notion de développement
durabledanslesecteur: larésolutionduproblèmed’exclusionsocio-économiquedecettepopulationà
traverslavalorisationdedéchets.
Cependant,leseffortsdescatadorespourfairemarchereffectivementlePolovontau-delàdumarketing
gouvernemental de« durabilité environnementale » combinéeàune« justice sociale ».Une« véritable »
inclusion socio-économique des catadores par le biais de l’association est freinée par l’absence de la
concrétisation d’une politique de tri dans la ville de Caxias et de Rio de Janeiro. En fait, le Polo de
Reciclagemsubitdegravesproblèmesdemanquedematériauxrecyclables.Lorsdutravaildeterrain,ila
étépossibled’observerqueseulementunhangarétaitenfonctionnementetquecertainséquipements
n’étaient pas en marche. En réalité, selon le gouvernement de l’État de Rio, la structure initiale de
construction du Polo, avec 2 hangars, a été construite pour employer environ 100 travailleurs.
Premièrement,lorsdemesvisitesdeterrain,en2015,j’aipuconstaterqueleprojetinitiald’unPolode
363Nousavonsprislalibertéd’utiliserleverbe«s’approprier»,car,enréalité,lademandepourlaconstructionduPoloétaitunedesexigencesque lamobilisationdescatadoresa réussiesà imposer (ensembleavec le fondpour l’indemnitépayéeen2012) auprès du gouvernement de l’État de Rio lors de la fermeture de Gramacho. En réalité, selon les registres dans lalittérature grise, la construction de cette structure n’a pas été le produit d’une action publique Top-down, mais surtout lerésultatdelapressiondelasociétécivileenverslespouvoirspublics.
315
Reciclagem, avec plusieurs unités de traitement de déchets, n’était pas en voie de concrétisation
imminente. Il y avait toujours (et seulement) deux hangars construits. Dès que je commençais les
entretiens, lepremiersujetàêtresoulevéétaitquelePoloopéraitau-dessousdesacapacitéenraison
dumanquedematériauxrecyclables.Quoiquejen’aiepaspuavoirlesdonnéesofficiellessurlenombre
detravailleursintégrantlePoloaumomentdutravaildeterrain,lesinformationstrouvéesdanslagrande
presse et dans la presse spécialisée nous confirment que la pénurie dematériaux recyclables entraîne
l’évasion de travailleurs dans les coopératives composant le Polo de Reciclagem à Gramacho (Globo
News,2015;Recicloteca,2014;OGlobo,2013b).
Enl’absenced’unemiseenœuvreeffectivedutridanslesmunicipalitésdeDuquedeCaxiasetdeRio,ce
sont les accords indépendants entre les coopératives du Polo et les entreprises qui nourrissent son
fonctionnementactuel.Sanscela, lescoopérativesnepouvaientpassurvivre lenouveauscénariode la
gestiondesdéchetsdansl’ÉtatdeRio.Enréalité,lesaccordsassurentquelesdéchetsrésultantdutrifait
au sein des entreprises soient envoyés au Polo dans leurs propres camions. Lors des visites, j’ai pu
observerquelaquestiondudéplacementdematérieljoueunrôleclédanslalogistiqueduPolo.LePolo
possède un seul camion partagé entre les coopératives pour aller chercher des matériaux. De cette
manière,ilestindispensablequedanslescontrats,l’entreprisesechargedecettelogistiqued’envoides
déchetsrecyclables.
Noustenonsàpréciserégalementquelapénuriedematériauxrecyclablesentraînel’incapacitéduPoloà
acheter des équipements pour apporter du capital et améliorer leur structure. Durant l’enquête, le
président d’une des coopératives amentionné le fait d’avoir « raté » plusieurs accords des entreprises
privéesdetaillemoyenneenraisondumanquedecamion.Eneffet,seulement lesgrandesentreprises
ontlapossibilitéd’allouerunteléquipementenfaveurduPolo.Ainsi,lemanquedemiseenœuvred’une
actionpubliquesur letridéclencheuncerclevicieuxauseinduPolodeReciclagemdeGramachoétant
donnéquepouravoirplusdematériauxilestnécessaired’améliorerlesstructuresduPolo(ex.achatde
plusdecamions).Cesachatsnécessitentderessourcesfinancières.Mais,lagénérationducapitalausein
descoopérativesestfreinéeparlapénuriedematériaux.Ainsi,laconjugaisondecesélémentscontribue
aufonctionnement« tiède »delastructure.
316
Figure66:LesdeuxhangarsduPolodeReciclagemdeGramachoetlevidedetravailleursdanslePoloà3heuresdel’après-
midid’unjeudi.Photoprisele03novembre2014.
Avant de discuter des méandres de la mise en œuvre des politiques de tri municipale dans la
métropole364,ilfautbienrappelerquelaPNRSdélègueauxpouvoirsmunicipauxbrésiliensl’exécutiondes
politiques de tri des déchets. Dans l’article36 de la loi, il est bien clair que le gouvernement fédéral
pourrait éventuellement financer le processus demise en place de la logistique de tri des déchets au
niveaudesmunicipalités.« Danslecadredelaresponsabilitépartagéeducycledevie,desproduitssont
responsablesdesservicespublicsdenettoyageurbainetdutraitementdedéchets365,orientés,s’ilexiste
dans la ville, par le Plan Municipal de Gestion Intégrée366 des Déchets: établir le système de tri des
déchets. »367(CasaCivil,2010).Bienquelaloiencouragelesélusmunicipauxàmettreenplaceletriparle
biais de l’inclusion des coopératives des catadores 368 dans la chaine logistique de la valorisation des
déchets recyclables, la PNRS attire l’attention sur « l’encouragement » de cette pratique, et non
l’obligationdesonexécution.Ainsi, ladynamiquedeceprocessusdetransformationdesdéchets reste
sous la responsabilitédechaquevilleet sous lescirconstancesdeschoixpolitiquesetéconomiquesde
chaquemairie.364 L’enjeude lamiseenplacedu recyclagedesdéchets solidesurbainsauBrésil aétédéjàexposé lorsduchapitre3de lathèse.365Lespouvoirsmunicipauxbrésilienssontresponsablesdeceservice.366PlanoMunicipaldeGestãoIntegradadeResíduos.367367Traductionlibre368Articlenuméro8.L’Étatbrésiliendéfinit ladestinationdesdéchetsrecyclablesauxcoopérativesdescatadorescommeundesinstrumentspourlamiseenplacedelaPolitiqueNationalesurlesDéchets.
317
En2009,3ansavantlafermeturedeGramachoetavantlamiseenplacedelaPNRS,lavilledeDuquede
Caxiasacrééundécretmunicipalnuméro5 623oùletriseraitobligatoiredanslamunicipalité.Ledécret
prévoyait également que les coopératives des catadores soient les destinations prioritaires pour le
traitement des déchets recyclables (Prefeitura de Duque de Caxias, 2009). Malgré l’existence de ce
décret, la compagnie de nettoyage deDuque de Caxias n’envoie pas dematériaux au Polo. A part les
observationssurlacollectedesdéchetsdanslavilleetlesparolesdesparticipants,iln’yaaucunregistre
danslalittératuregrised’unemiseenplaceeffectivedutridanslavilledeDuquedeCaxias.
« Il n’y a pas eu un seul maire ici dans la municipalité qui a fait un
bénéfice au catador. Un maire rentre, l’autre part… Il y a eu plusieurs
maires qui étaient assis avec moi, comme toi et qui m’ont dit : Je vais le
faire ! (le tri.) Et plus tard… (baisse de ton) »
(Catador-1ACGR15)
Enl’absencedematériauxprovenantdelavilledeCaxias,lavilledeRiopourraitapprovisionnerlePoloen
envoyant une partie des matériaux recyclables collectés dans la ville. Toutefois, le même scénario
observé à Caxias est également constaté dans la dynamique de traitement des déchets à Rio.
Théoriquement, la ville de Rio opère la collecte sélective des déchets ménagers, instaurée par la loi
municipale numéro3 273 du 6 septembre de 2001 (Prefeitura do Rio de Janeiro, 2001). Le tri est
règlementépar ledécretmunicipalnuméro21 305du19avril2002oùdesamendessontprévuespour
lescitoyensquinerespectentpasledépôtdesdéchetsdanslesbennesappropriées.Surlesiteofficielde
laMairie deRio, il y a un tableaudisponible pour la consultation contenant les heures et les jours de
passages du camion de collecte sélective dans chaque quartier de la ville. Ce tableau a étémis à jour
courant2015(PrefeituradoRiodeJaneiro,2015).
Néanmoins,lorsdemesobservationssurterrain,danslequartieroùj’habitais369,letridesdéchetsn’était
pasuneréalité.Bienqueleshabitantsdel’immeubleséparaientlesdéchetsrecyclablesdansdifférentes
bennes,aumomentdelacollecte,j’aiobservéquetouslesdéchetsétaientmélangésetmisdansunseul
camion. En fait, j’avais demandé au concierge de l’immeuble dem’avertir aumoment du passage du
369UnquartierlocalisédanslazonenorddelavilledeRio.
318
camiondelaCOMLURBdesmatériauxrecyclablesenvueducalendriermisàdispositionparlamairiesur
lesiteofficiel.Jeluiavaiségalementdemandédem’avertirsurlepassagedelacollectedesrésidusnon
recyclables. Il m’avait dit que le camion des recyclables ne passait jamais. En réalité, le système de
séparationdesdéchetsencarton,enverreetenaluminiuminstalléedansl’immeublecorrespondaitàun
« partenariat »entrelesyndicetunecatadora.Toutefois,enraisondeproblèmesdesanté,ellenevenait
plus. Ainsi, si le syndic souhaitait continuer à promouvoir le tri dans les locaux, il fallait payer une
compagnieprivéedecollectedesdéchetsrecyclables.Noussavonsquecetteobservationsur l’absence
derecyclagedesdéchetsdansunquartierdeRionepeutpasseproclamerreprésentativedetoutelaville
dansuneperspectiveméthodologique.Néanmoins,cetteobservationaétémenéeafindedonnerplusde
robustesseauxparolesdenosparticipantsainsiqu’auxdonnéestrouvéesdanslalittératuregrise.
Figure67:L’amalgamedelacollectededéchetsdanslavilledeRiodeJaneiro.Photopriseenjuin2015
La littérature académique et la littérature grise confirment cette mise en œuvre d’une action sur tri
« handicapée »àRioetauBrésilengénéral.Actuellement, letauxderecyclagedesdéchetsdanslaville
de Rio de Janeiro est le plus bas de toutes les grandes villes du pays. En 2017, seulement 1,9% des
déchetsproduitsdanslavilleontétérecyclés,cechiffrecorroborelesreportagessurlemêmesujetdes
319
années2016et2010370.Lorsdecesreportages,laraison« officielle »371pourlemanqued’efficacitédans
l’exécutiondu tridans la villedeRioétait lenombre trèsbasdecamionsdisponiblespar laCOMLURB
(JornalOGlobo,2017d ;G1,2016b ;R7,2010).Cependant,lamiseenplacedelachainedetrireprésente
un investissement importantpour lespouvoirsmunicipaux.Decefait,samiseenœuvreeffectiven’est
pas faitepar lesmairiesdeplusieursmunicipalitésbrésiliennes. Ilest importantd’attirer l’attentionsur
l’existence des lois sur l’implantation du tri dans la majorité des villes brésiliennes.Mais, la présence
d’uneimplementationgapdel’actionpubliquedanslaquestiondutriauBrésilsemanifesteenraisondu
coûtdelacréationd’unsystèmedetriàl’échellelocale.Cetinvestissementn’estpasintéressantpourla
plupart des maires brésiliens qui trouvent plus commode le stockage de déchets dans les décharges
sanitaires.
Ilestpossibledetrouverquelquesprogrammesdetrietd’éducationenvironnementaleéparpillésdansla
villedeRio.Cesprogrammesserventsurtoutàlapromotiondel’imagedespouvoirsmunicipauxoùilest
misenvaleurlacollectesélectivedesdéchetsassociéeàl’inclusiondescoopérativesdescatadoresdans
ladynamiquedetraitementdesdéchets372(GovernodoRiodeJaneiro,2017b).Waldman(2013)signale
que,dansplusieursmunicipalitésbrésiliennes,letriestinstrumentaliséparlesmairiesdontl’objectifest
d’améliorer l’éphémère image de « durabilité environnementale » de leurs pouvoirs. En effet, ces
programmesserésumentàdes« piècesdemarketing »institutionnelles.Enoutre,l’existencedepeude
programmesd’éducationenvironnementaled’uneampleurinsignifiantecomparéeàl’échelled’uneville
commeRiotransformelamiseenplacedecertainesbennespourletridansdesobjetsinutiles.
Ainsi,laportéedesprogrammesdetridanslamétropoledeRioesttrèsfaibleenraisonaussidumanque
deprogrammesd’éducationenvironnementaledegrandeamplitudepourlapopulation.Àpartlebesoin
d’investissementdanslaconstructiond’unechainelogistiquepourlavalorisationdesdéchetsrecyclables,
la réussite d’une politique de tri dépend également de l’existence d’un programme d’éducation
environnementalesolideetdetrèsgrandeportée.Laconcrétisationefficaced’unepolitiquedetridansla
métropoledeRioseraitpossibleseulementàpartirdelarencontredecesdeuxaspects(Baptista,2015).
370IlestimportantdepréciserquelaMariedeRionedivulguepasdechiffresofficielssurletauxderecyclagedanslaville.371Cellequiestdiffuséedanslapresse.372 Comme leProgrammedeTri Solidaire créépar l’ÉtatdeRio (ProgramadeColeta SeletivaSolidária). Ceprogrammevisel’insertiondescoopérativesdescatadoresdanslachainelogistiquedetridansl’État.
320
Attachéesetéloignéesàlafoisdecettedynamique,lescoopérativesdesancienscatadoressubissentles
intérêtspublicsdenepasconcrétiserlesloisdepolitiquesdetri.
Malgré les « bonnes intentions » du pouvoir fédéral (à travers la PNRS) de profiter du savoir-faire des
catadoresenincluantleurscoopérativesdansladynamiquedela« nouvelle »gestiondesdéchetssolides
urbains, la capacité de la politique de le mettre en place reste inefficace. Au Brésil, le problème
d’implementationgapdespolitiquespubliquesserésumeàplusieursraisons.Uneraisonestsouventliée
à ladifficultéderenouveler l’appareilbureaucratiquede lamachinepubliquequiest toujoursattachée
aux anciennes règles. Une autre explication est le manque de consensus entre les acteurs politiques
locaux,oùcertainsintérêtsempêchentlaconcrétisationdelaloi.Finalement,liéeégalementauxraisons
mentionnées, se trouve l’impossibilité (ou à la non-ouverture) de dialogue avec la société civile.
L’instaurationdesnouvelles loisauBrésil, siellen’estpasaccompagnéedesdispositifspouraltérer les
rapportsdepouvoirslongtempsinstaurésetinstitutionnalisés,elleserainopérante.Decefait,plusieurs
pointsdelaPNRSdeviennentsymboliquespuisqu’elledélèguesaconcrétisationauxpouvoirsmunicipaux,
tellequelaquestiondel’insertiondescoopérativesdescatadores.Legouvernementfédéraln’apascréé
d’obligationsspécifiquesàl’échellemunicipalepouvantsoutenircetteloifédérale(Baptista,2015).Ainsi,
certains objectifs de cet instrument se noient dans les intérêts et les méandres bureaucratiques des
organisationslocales.
« La Mairie de Caxias devrait respecter la loi, non ? Comme n’importe
quel citoyen brésilien, non ? Comme tout au Brésil… Les lois ne sont pas
respectées… les lois sont créées, mais elles ne sont pas respectées !
Avec le tri, ce n’est pas différent ! On sait que c’est comme ça !
(Rigolades.) »
(Catador- 3ACGR15)
NouspouvonsainsidirequelaPNRSetl’ÉtatdeRioontconcrétiséleprincipedelajusticecompensatoire
envers les catadores de Gramacho. En revenant brièvement sur les éléments de la justice
environnementale redistributive et compensatoire, la justice redistributive part du présupposé que les
différentsacteurssontégauxetqueladistributiondesbiensenvironnementauxsefaitsansréfléchiràla
manièredont la« justice »pourraitêtreadaptéeàchaquegroupesocialspécifique.L’impartialitéquise
cache derrière l’exécution des politiques publiques de la justice redistributive a tendance à rendre
321
« flous » les aspects sociaux subjacents aux inégalités environnementales (Dobson, 1998). Ainsi, une
« vraie »justicesociale(partiecomposantedelajusticeenvironnementale)seperddanslesstructuresdes
pouvoirslocauxetdanslesconfigurationsinstitutionnelles.Cesélémentsnesontpasremisenquestion
au moment du dessin des politiques publiques de correction des inégalités environnementales
(Schlosberg,2004).
Lareconnaissancedelacatégorieprofessionnelledescatadoresetleurattributiond’unestructurepour
laconstructionduPolodeReciclagemareprésentéunecompensationpourlesavoirenlevésdeleurlocal
de travail, les décharges à ciel ouvert. Cependant, ainsi comme prévu dans les principes d’une justice
redistributive,lesrèglesspécifiquespourfairemarcherleurscoopérativesn’ontpasétéprisesencompte
dans la PNRS. Un groupe social, comme celui des catadores, étant toujours stigmatisé et exclu par la
société ne peut pas maintenant jouer un rôle d’égalité comparé aux autres acteurs présents dans la
nouvelle dynamique de traitement des déchets à Rio. Le simple fait de compenser les catadores ne
signifie pas de concrétiser le principe d’équité envers cette population. L’application d’un principe
d’équitéenverscestravailleursesturgentepuisque leurconditiond’exclusionestunproduithistorique
delasociétébrésilienne.
Les catadoresnepeuvent pas intégrer lemarchédes déchets recyclables avec leurs coopératives sans
que le gouvernement fédéral crée un dispositif obligeant les pouvoirs locaux à les intégrer dans le
secteur. Historiquement, cette catégorie d’acteurs n’occupe pas une position d’égalité avec les autres
acteurs du domaine. De ce fait, la compensation comme une forme d’intégration dans lemarché des
déchets s’avère impuissante. La nouvelle logiquede fonctionnement dudomainedes déchetsmise en
placepar laPNRSneprévoitpasd’actionsconcrètespouratténuer les inégalitéssocio-économiquesdu
secteur.Parconséquent,cetypedejusticeredistributiveetcompensatoiren’effacepasl’exclusionsubie
parlestravailleursayantnotammentchoisicemétierpouryéchapper.
322
6.2.2LequartierdeJardimGramachoactuellement:l’illustrationdelafaiblessedespouvoirsmunicipauxdanslacorrectiondesenjeuxsocio-environnementaux.
Malgré la misère qui caractérise le quartier de Jardim Gramacho, l’existence de l’aterro a entrainé le
développementd’unedynamiqueéconomiqueauseinduquartiergrâceauxactivitésquotidiennesdes
catadores.Cependantdepuislafermeturedeladécharge,l’absencedescatadoresafortementimpacté
lalogiqueéconomiqueduquartier.Lespetitscommerces,lesbarsetlesépicerieslocauxnetrouventpas
de stratégie pour réorganiser leurs activités et faire survivre une partie de la population locale qui
dépendaitindirectementdufonctionnementdulixãodeGramacho(Bastos,2005).Bastos(2015)souligne
quelasituationactuelleduquartieretlapénurieduPolodeReciclagemsontlatraductiond’unejustice
sociale inachevée après la fermeture de la « plus grandedécharge à ciel ouvert de l’Amérique latine ».
Actuellement, la population de Gramacho se trouve plus vulnérable en comparaison à la période du
fonctionnementdeladécharge(Extra,2013 ;G1,2015).
Le Fundo de Revitalização e Valorização do Bairro de Jardim Gramacho 373 a été créé pour améliorer
l’infrastructure du quartier. Actuellement, il est difficile de trouver des sources d’informationsmises à
jour sur cequ’il estdevenude ce fonds. Il est importantde rappelerque sa créationest associéeà la
ventedescréditsCO2dusàl’exploitationdubiogaz.Lesseulsregistresauxquelsnousavonspuaccéder
danslalittératuregrisesontceuxquicorrespondentaumomentdelacréationdecefondsendécembre
2011 à travers une loi municipale promulguée par la ville de Caxias (CâmaraMunicipal de Duque de
Caxias, 2011). Il y est bien précisé que ce fonds est une (autre) action compensatoire de la part des
pouvoirs publics pour la fermeture du lixão. L’entrepriseNovaGramachoétait chargée de repasser ce
fondsauxpouvoirsmunicipauxdeDuquedeCaxias.Ilestimportantdesoulignerquelaparticipationau
MDP est la condition pour l’existence du fonds en question. Cependant, Nova Gramacho ne fait plus
partieduMDP.Decefait,nousconcluonsquel’entreprisen’apaspucontribuerà lacréationdufonds
dèslorsqu’ellen’ajamaisreçudecréditsCO2.
Ainsi nous revenons encore une fois sur la critique sur les principes de la justice environnementale
distributive.Lesactionsdecompensationdélèguentaumarchélacapacitéderégulerladistributiondes
373FonddeRevitalisationetValorisationduQuartierdeJardimGramacho
323
richessesentre les acteurs théoriquementégaux. Il y aun caractèrenéolibéral dans ce typede justice
(Dryzek, 2005). Dans le cas de la revitalisation du quartier de Gramacho, les pouvoirsmunicipaux ont
délégué à un instrument demarché la capacité de procurer à une population vulnérable la deuxième
actiondejusticecompensatoire374.Decefait,l’Étatbrésilienrenforcelanotiondumarchécommeleseul
régulateurdesinjusticessociales.Enpartantdecetteperspective,ilestpossibledevoirquelemarchéa
échouécommeinstrumentdecorrectiondesinjusticesenvironnementalesdanslesecteurdesdéchetsà
Rio. Plus tard dans cette monographie nous allons discuter le fait que l’entreprise Nova Gramacho a
décidédeneplusparticiperauMDPparcequelemarchéducarboneestrentréencriseen2008375.Par
conséquent,lefondsn’apuêtrecréé,etlequartierduGramachon’apaspuêtreréaménagé.
ApartladéfaillanceduréaménagementduquartierdeGramachoàtraversleMDP,ilyaunautrefacteur
qui renforce la vulnérabilité socio-environnementale de la population locale. Il est étroitement lié à la
vulnérabilité socio-économique de la population de Jardim Gramacho. Les décharges à ciel ouvert
clandestines sont, apparues peu après la fermeture de la décharge. En effet, des lixões clandestins
contrôléspardestrafiquantsdedroguesdelacommunautélocalesontapparusdèslorsqueleterraina
été fermé. Le dépôt irrégulier des déchets dans les terrains abandonnés à Gramacho représente (à
nouveau) un risque pour la santé de la population vulnérable locale et du trafic aérien de l’aéroport
internationaldeRio(G1,2015)376.Enfait, l’apparitiondes lixõesclandestinsestdevenuepossiblepar le
biais d’un accord entre les trafiquants de drogues de la région et certaines entreprises privées. Ces
entreprises paient moins cher pour le dépôt dans des terrains clandestins. Les tarifs imposés par les
trafiquants sontplus intéressantsque ceuxproposéspar lesdécharges sanitaires règlementéespar les
pouvoirsmunicipaux(Bastos,2015).
À part les tarifs, l’apparition des lixões clandestins va à la rencontre de la nécessité de « survie » des
ancienscatadoresn’ayantpaschoisid’intégrerunecoopérativelorsdelafermeturedeGramacho.Bastos
(2015)soulignequelafermeturedeGramachoareprésentéunepertederéférentieldetravailpourune
partie de ces travailleurs. L’apparition de décharges clandestines est liée à la défaillance de pouvoirs
374LapremièrefutlaconstructionduPolodeReciclagem.375CettequestiondescréditsCO2duprojetMDPdeGramachoseradiscutéedanslaprochainepartiedecettemonographie.376Durantletravaildeterrain,ilaétépossibled’observerquelquesdéchargesclandestines,maispourdesraisonsdesécurité,jen’aipaspuprofiterdel’occasionpourprendredesphotos.
324
municipaux à l’accompagnement de l’inclusion sociale des catadores. Il y a plusieurs facteurs ayant
amené certains catadores à avoir recours au travail dans les décharges clandestines: le faible
fonctionnementduPolo,l’impossibilitédesedirigerversd’autresdéchargesàcielouvert377etlemanque
d’actions sociales inclusives effectives pour leur apprendre un nouveau métier. Le travail dans ces
déchargesreprésente(ànouveau)unsignedelanécessitédesurviedecettepopulation,malgrélamise
enœuvredelaPNRSetduprogrammeLixãoZero.Bastos(2015)signalequ’unegrandepartiedes1600
catadores qui travaillaient à Gramacho se sont trouvés « perdus » après la fin de leurs indemnités. En
fonctiondel’absencedesnouvellesopportunitésdetravail378,cestravailleurssesonttournésànouveau
vers l’activité de la catação, (désormais une activité dans un endroit clandestin). En outre à part la
défaillancedel’Étatdenepasaccompagnercettepopulationdetravailleurs,ilestaussidéfaillantenvers
lapopulationlocale.L’absencedesmesureseffectivespourcorrigerlavulnérabilitésocio-économiquedu
quartieraproduituneréalitéencoreplusnéfastequecelleaveclefonctionnementdulixão.Laprécarité
socialedeshabitantsduquartierdeGramachoetdecertainscatadoressembles’empirer.
L’INEA intervient pour remédier à la situation des décharges à ciel ouvert clandestines à Gramacho à
travers l’applicationd’amendesauxentreprises.L’organeamisenplacedesdispositifspouressayerde
contrôler l’entrée des camions dans le quartier. Cependant, le développement des dépôts clandestins
reste « incontrôlable » dans la région en raison de la grande précarité de la population locale (Bastos,
2015 ;G1,2013).Ainsi, ilestdifficiledeplacerdesmesuresdesurveillancesentièrementeffectives,car
l’apparitiondecephénomèneestnéed’unevulnérabilitésocialelocale.Lasituationactuelledelarégion
exigedesactionsde l’Étatbrésilienplutôtpréventivesquecuratives379.La fermeturede ladéchargede
Gramachon’apas représenté l’annulationde l’endroit commeune« zonede sacrifice » puisqu’il existe
toujours des risques environnementaux et de vulnérabilité sociale dans cet espace. Cette région
possèderatoujourslestraitsd’unezonedesacrificedèslorsqu’iln’yapasdemesuresefficacespourla
réparationdes vulnérabilités sociales structurelles. C’estpourquoi lephénomènedes lixões clandestins
377Puisque lesgrandesdéchargesàcielouvertontcommencéà fermeruneaprès l’autresuiteauprogrammeLixãoZeroetsurtoutaprèslamiseenœuvredelaPNRS.378 Il est important de rappeler que les informations sur la situation des anciens catadores qui ne travaillent pas dans lescoopérativesnefaitpaspartieducorpusderecherchedelathèse.Maislefaitd’évoquerleursituationvulnérablecorroborel’inefficacité des pouvoirs municipaux de la métropole de Rio d’entreprendre des actions des justices sociales concernantl’enjeudescatadoresengénéral.379 Nous n’allons pas inclure dans cette discussion l’enjeu de l’existence des trafiquants de drogues et d’une criminalitéorganisée à Rio, un phénomène également lié à la faiblesse des pouvoirs publics brésiliens dans la correction des injusticessocialeshistoriques.
325
figurecommeunemétaphoreultimedelafaiblessedespouvoirsdeRiodeJaneiroetdugouvernement
fédéral,parlebiaisdelaPNRS,danslescorrectionsdesinjusticessocio-environnementalesdudomaine
desdéchets.
6.3LE« GRAMACHOLANDFILLGASPROJECT »
Intitulé« GramachoLandfillGasProject », il s’agitd’unprojet inscritdans lecadreduMDPprévusur le
Protocole de Kyoto. Il a été implanté en 2009, avant la fermeture de la décharge de Gramacho380.
L’objectif du projet est de capter le biogaz du lixão pour le transformer en gaz naturel et le
commercialiseràlaraffineriedepétroleappartenantàlaPetrobrás381.L’usinedelaReducsetrouvedans
lamêmemunicipalité,DuquedeCaxias, à quelques kilomètresde la déchargedeGramacho.Apart la
ventedugazapportantdesrecettesàl’entrepriseresponsableduprojet,soninscriptionauMDPpermet
égalementdetransformercetteactivitéencréditscarbone.
SelonlesrèglesduProtocoledeKyotoenraisondugrandvolumedebiogazproduitdansladécharge,ce
projetaétéclassécommeunprojetdegrandeéchelle(largescaleproject).Ceclassementestattribuéen
fonctiondumontantdeCO2 réduitdans leprojet.Dans le casdeGramacho, laprévisionmoyennede
réductiondeCH4aétéde852 367 tonnesdeCO2annuelles (PDD,2009). Lapériodede réductiondes
GES va de 2009 jusqu’à 2016, avec la prévision d’une réduction totale de 5, 966. 573 tonnes de CO2
équivalents. Techniquement, le projet met en place deux types de méthodologies: L’AM0069 et
l’ACM0001. La première est appliquée aux projets MDP qui utilisent les biogaz pour remplacer les
combustibles fossiles dans la production énergétique. Il faut rappeler que l’ACM001 est une
méthodologie de plus grande portée, appliquée à tous les usages du biogaz provenant de terrains de
décharge: le « flaring », la production énergétique (électricité) ou sa transformation en gaz naturel. La
380Durantquelquesannées,lescatadorestravaillaientdansladéchargependantl’installationdeséquipementspourlacapture,latransformationetl’envoidugaznaturelàlaREDUC.381Entreprisenationalequidétientlemonopoledel’extractiondepétroleeuBrésil
326
raison technique de combiner les deux méthodologies est que l’excès du biogaz capturé et non
transforméengaznatureldoitpasserimpérativementparleprocessusdelatorchère(PDD,2008)382.
« L’additionalité » du projet a été prouvée par le fait qu’il n’existe aucune loi au Brésil obligeant la
productiondugaznaturelàpartirdubiogazdesdécharges.IlaétéaussimentionnédanslePDD,conçu
entre 2008 et 2009, que la PNRS était en train d’être dessinée à cemoment-là. Les responsables de
l’élaboration du PDDétaient déjà au courant que, dans la PNRS, la captation du biogaz des décharges
serait encouragée,mais elle n’allait pas figurer commeunepratique obligatoire auBrésil (PDD, 2008).
Ainsi, le projet de Gramacho serait éligible pour l’émission des crédits sans aucun obstacle juridique.
L’autreaspectquiremplit lesconditionsd’approbationd’unprojetMDP(bienqu’ilnesoitpasessentiel
poursonenregistrement):c’estletransfertdetechnologie.
En rappelant que Demaze (2013) souligne que considérant l’amplitude de cette notion de « transfert
technologique »établiedans le cadreduMDP,plusieurspaysen voiededéveloppementadoptentdes
stratégiesassezdiversespourprouverlaprésenced’unetechnologieétrangèreauseinduprojet.Dansle
cas de Gramacho, le transfert technologique est « prouvé » à partir de l’utilisation des équipements
étrangers.LeséquipementssontfabriquésparJonhZink,lamêmecompagnieaméricaineayantfourniles
équipementspour leprojetNovaGerar.Unpoint importantàpréciserestquece fabricantaméricaina
donnélalicenceàdeuxindustrielsbrésilienspourconfectionnerdestorchèressousleursupervisionsur
leterritoire.
Malgré l’achèvement des critères principaux pour devenir un projet MDP, selon le site officiel de la
CCNUCC,leprojetMDPdeGramachon’apasaccédéàlaphased’émissiondescrédits.Leprojetn’apas
été enregistré par le Conseil Administratif duMDP en 2009, après plusieurs demandes de révision de
l’application de laméthodologieAM0069. La société SGS383 (DOE) a validé le projet pour son envoi au
Conseiladministratifaprèsavoirvérifiéqu’ilrépondaitauxexigencesderévisiondelaCCNUCC.Toutefois,
382 Le projet de Gramacho est le deuxième projet MDP réalisé par l’entreprise Biogás Energia Ambiental S/A, une desactionnairesdeNovaGramacho.Laconceptionduprojetvientde l’expériencede lacréationdesprojetsMDPdesanciennesdéchargesàcielouvertdanslamétropoledeSãoPaulo: lesdéchargesdeBandeirantesetdeSãoJoão.Cesdeuxprojetsontémis des milliards des crédits CO2 et sont considérés par les pouvoirs publics comme une grande réussite en termes deproductionénergétiquerenouvelableetderecettepourl’entrepriseàtraverslescréditsCO2.383L’AutoritéOpérationnelleDésignéechoisie.
327
iln’estpaspossibledetrouverdesdocumentsconfirmantsonenregistrementenréponseauxexigences
(UNFCCC, 2019). Ainsi, le statut du projet est de « désistement » (« withdrawn »). Actuellement, le
«GramachoLandfillGasProject »n’opèreplusdanslecadreduMDP.
Figure68:LadéchargedeGramachoactuellementadministréparl’entrepriseNovaGramacho.Photopriseenavril2015lors
dutravaildeterrain
6.3.1LesacteursderrièreleprojetdeGramacho
Malgré lestatutactuelduprojetdeGramacho,nousallonsprésenterbrièvement lesacteurs impliqués
directementetindirectementdanslamiseenœuvredeceprojet.
328
Figure69:Cartographiedesacteursparticipantsauprojet« NovaGramachoLandfillGasProject »
À l’échelle internationale, la CCNUCC joue lemême rôle que celui joué dans le projetNovaGerar, elle
enregistreetcertifie lescréditsdesprojets.Toutefois,dans lecasdeGramacho, ilaétéobservéquela
CNUCCaeucertainesexigencesparrapportaufonctionnementtechnique384duprojetd’aprèslerapport
délivréenavril2004par l’AutoritéOpérationnelleDésignée.LeDOEestreprésentépar l’entrepriseSGS
ayantvalidéleprojetaprèsplusieursexigencesduConseilAdministratif.ConcernantlaBanqueMondiale,
dansleprojetdeGramacho,ellen’apaspuêtrel’intermédiairedanslaventedecrédits,carleprojets’est
retiré du mécanisme avant même d’achever l’étape des émissions de CER. Au niveau national, la384Ilaétédemandé,auniveautechnique,dansquellemesurel’activitéduprojetdeGramachoquisebasesurl’utilisationdugaz naturel pour approvisionner seulement la REDUC rentre dans les paramètres de la méthodologie AM0069. Cetteméthodologiederéductionprévoit ladistributiondubiogazdans leréseaupublic.Enseptembre2009, laSGSaréponducesexigences auprès de la CCNUCC. Toutefois, après cette réponse de la part de l’Autorité Opérationnelle Désignée, lesresponsablesduprojetontdésistédecontinuerleprocessusd’enregistrement.
329
Comissão InterministerialdeMudançadoClimaavalidé leprojetpourqu’ilsoitenvoyéà laCNUCC.La
REDUCestunacteurquiseplaceauniveaunationalpuisqu’ilestlaraffineriedelacompagnienationale
pétrolière,Petrobrás.LegaznaturelproduitàGramachofournit20%detoutelademandeénergétique
delaraffinerie.Cetaccordpublic-privéest« célébré »parlesmédiasetlespouvoirspublicscommeune
grandeavancéeversla« durabilitéenvironnementale »delamétropoleenraisondelaproductiond’une
énergierenouvelableàpartirdesdéchets(PrefeituradoRiodeJaneiro,2013;GovernodoRiodeJaneiro,
2012b).Àl’instarduprojetNovaGerar,ceprojetfonctionnecommeunevitrinepourlespouvoirsdel’État
de Rio et de lamunicipalité de Rio dans la promotion d’une image « d’engagement environnemental »
(Terra,2013 ;Veja.com,2012a).Commenousl’avonsdéjàdiscutéauparavant,l’événementdelaRio+20
étaitunegrandeopportunitépourlavilledeRiodedéveloppersonimageàl’international.Decefait,il
est intéressant de préciser que l’entrepriseNovaGramacho a été aussi un des sponsors de la Rio+20
(Rio+20,2012).
Auniveaulocal, l’entrepriseNovaGramachoagagnélaconcessiondelaCOMLURBpourl’extractiondu
biogazdeladéchargependant20ans.Malgrél’existencedeladécharge,cetteactivitéaétél’objetdela
délivrancedespermisenvironnementauxparl’INEA.IlestimportantdemettreenperspectivequeNova
GramachoestdevenueGásVerde,une« jointventure ». IlestcomposéparlegroupeArcadisLogosS.A,
une entreprise néerlandaise d’ingénierie, par JMallucelli Construtora de Obras S.A, une entreprise
brésiliennespécialiséedanslaconstructioncivileetparlegroupeSynthesis,ungroupespécialisédansle
secteur financier. Il est important de souligner que Synthesis contrôlait aussi l’entreprise Haztec,
l’entreprise responsable du projet NovaGerar. Par le biais du contrat de concession, l’entreprise Nova
Gramachoest chargéedupaiement du fondspour la participationdes catadores de JardimGramacho
(FundodeParticipaçãodosCatadoresdeJardimGramacho)dontlasommeaétéavancéeparlaMariede
RiodeJaneiro,quicontrôlelaCOMLURB.LaMariedeCaxiasjoueunrôleindirectdansleprojetMDPà
traversdeuxaspects.Premièrement,ladéchargefonctionnaitdanslamunicipalitédeCaxias.Ledeuxième
aspect se reposedans lepouvoirdeconcrétisationde tridesdéchets. Lamiseenplaceeffectivede la
collectesélectivedesdéchetssolidesdanslamunicipalitéencouragerait lebonfonctionnementduPolo
de Reciclagem, composé par les anciens catadores de Jardim Gramacho. En outre, le fond pour le
réaménagementduquartierdestinéàbénéficierlapopulationlocaleetl’associationdescoopérativesdes
catadoresnes’estjamaismatérialiséenfonctiondelasortieduMDPduprojetdeNovaGramacho.
330
6.3.2UnprojetMDPquiréduitdesémissions,maisn’ajamaisémisdescréditsCO2
Lorsdutravaildeterrain,lapremièrequestionàêtreposéeàl’entrepriseNovaGramachoconcernantle
projetétaitpourquoi iln’opèreplusdanslecadredumécanisme.Lesresponsablesdel’usinedebiogaz
nousontsimplementréponduquelaparticipationauMDPàcemomentne« valaitpluslapeine ».Quand
leprojetdeGramachoaétéenvoyéàl’enregistrementàlaCCNUCC,en2008,lemarchéducarboneréglé
par le Protocole de Kyoto qui était en pleine puissance commençait à rentrer en crise. Le prix de
créditsCO2abaisséconsidérablementenraisondelacriseéconomiqueenEurope(TheGuardian,2012).
Avant la fin de l’année2008, le prix d’une tonne de CO2 était d’environ 20dollars. Mais après le
déclenchement de la crise, le prix d’un crédit de carbone a chuté brusquement. Il valait moins de
10dollarslatonne(TheEconomist,2012).QuelquesmoisavantlaCOP-21àParis,en2015,uncréditde
CO2équivalaitmoinsd’uneuro(TheWorldBankGroup,2016).
Decefait,enraisond’uneénormebureaucratieàlaquellel’entrepriseadûfairefacepourenregistrerle
projetaprèsplusieursdemandesderévisiondelapartduConseilAdministratif,NovaGramachoadécidé
de ne plus répondre aux demandes et d’« attendre que le marché du CO2 s’améliore ». Selon les
responsablesduprojet,leprixactueldescréditscarbonenecouveraitpaslesdépensesbureaucratiques
avecleprocessusd’enregistrement.Pourtant,leprojetcontinuederéduirelesémissionsgrâceàlavente
du gaz naturel à la REDUC. Cet accord de fournisseur énergétique permet à l’entreprise la génération
d’unegranderecetteindépendammentdesaparticipationauMDP.Ainsi,àl’égarddelacrisedumarché
desquotasdeCO2,participeràcemécanismen’intéressepluslesacteursresponsablesdeladéchargede
Gramacho.
331
Figure70:L’usinedebiogazdeNovaGramachodansl’anciennedéchargeàcielouvertedeJardimGramacho.Photopriseen
avril2015lorsdutravaildeterrain.
« (En réponse à la question sur la participation au MDP)… donc, on a
plusieurs problèmes qui ne contribuent pas (…) on doit embaucher une
entreprise pour pouvoir faire l’audit385, ça devient très cher, presque le
prix de crédits carbone qui seront générés… Donc, si l’on n’a pas une
définition claire (du Protocole de Kyoto) ou une valeur de marché qui
soit… (baisse de ton) »
(« Project Owner » - 2POGR15).
UnaspectétantétroitementliéàlagénérationdescréditsestlacréationduFondspourlarevitalisation
duquartierdeGramacho, commedéjàdiscutéplus avantdans cettemonographie.Dans lePDD, il est
bien souligné qu’une partie des crédits serait destinée au réaménagement du quartier de Jardim
Gramacho. A part cela, le PDD mentionne une contribution annuelle pour l’aide à la formation
professionnelle des anciens « catadores ». Elle doit correspondre à l’aide prévue dans le contrat de
concession,transforméeenindemnitésauxcatadoresetverséeannuellementàlaMairiedeRio.
385AutoritéOpérationnelleDésignée
332
« The CERs issued for the project will be used partially to finance the
urban recovery of the landfill surroundings (Jardim Gramacho District).
Moreover, Novo Gramacho will donate an annual contribution to a
special purpose fund aimed train the people who live nowadays from
picking the waste during its disposal in the landfill »
(PDD, 2008)
IlestimportantdemettreenévidencequelasortieduMDPnereprésentepasuneperteéconomiqueà
l’entreprise.NovaGramachopossèdelerevenudelaventedugaznaturel,lasortieduMDPconsisterait
seulementà« gagnermoins ».Maiscettenon-participationauMDPcontribuesurtoutà laperpétuation
d’une injustice sociale d’une population historiquement marginalisée. Nous n’avons trouvé aucune
informationpouvant indiquer si lescatadoresou lapopulation localeontété sollicitéesafindedonner
leur avis sur la non-participation de l’entreprise Nova Gramacho au MDP. La sortie du mécanisme a
entrainél’annulationdelaconstructiondufondspourleréaménagementdeleurquartier.
« … d’ailleurs, le Fond pour la Revitalisation du quartier, lui, il était créé à
partir des crédits carbone… Mais il y a eu une chute énorme, et il (le
crédit de carbone) a chuté, et il ne vaut plus rien actuellement (…) Et si
on dépendait de l’argent du crédit de carbone, ça ne va jamais se
concrétiser… Tout a chuté… À l’époque, ça valait la peine, mais
maintenant, c’est foutu »
(Catador-3ACGR15).
« Ce truc de crédit de carbone n’a donné aucun résultat. Personne ne
vient plus ici pour en parler… »
(Catador-1ACGR15)
Les« ProjectOwners »expliquentqu’enfonctiondescirconstancesdumarché,laparticipationauMDPest
totalementindispensable.LecasdefigureduprojetdeGramachonousamèneàdemanderdansquelle
mesure être attaché à unmécanisme demarché pourrait encourager la réduction des émissionsGES.
L’efficacité environnementale d’unmécanisme globale qui fonctionne sous une logique néolibérale au
333
niveau local doit être remise en question. En réalité, parmi plusieurs critiques faites aumécanisme386,
cellequi rejoint laquestiondeGramachoest lacapacitédumécanismeàencourageruneamélioration
socio-environnementale locale,objectifpréconisépar le« développementdurable »,malgré ladifficulté
de bien délimiter cette notion (Boyd et al. (2009). La réduction des émissions se concrétise sans
l’adoptiondumécanismeetsacontributionàl’améliorationsocialelocaleestconditionnéeauxprixdes
créditsdanslemarché.
« … les crédits carbone doivent avoir une valeur qui justifie avoir un
projet (…) Donc, pourquoi on va enregistrer, certifier, embaucher des
entreprises indépendantes pour… Si on ne va pas avoir un retour
financier pour ça ? (…) Je vais vendre le gaz à Petrobrás qui me donne
déjà un retour financier que j’attends déjà. À quoi ça sert de prendre
toute cette documentation et l’envoyer à l’ONU qui va me couter 1million
et j’aurai 700 milles de retour ! Juste pour dire que je suis inscrit (au
MDP) ? »
(« Project Owner » - 1POGR15)
Le faitde laisser leMDPse réglerpar les forcesdumarché l’a convertidansun simple instrumentde
transactionfinancière(Hepburn,2007).Quandl’incitationaumarchésuperposelesobjectifsderéduction
des émissions, les crédits carbone n’apportent aucun bénéfice au « développement durable ».
L’éloignement de crédits de sa valeur environnementale rend le MDP « vide » de son propos
environnemental.À l’instarduprojetdeGramacho,sid’unepart, laparticipationàcemécanismen’est
pas attachée à une contribution effective à la réduction de GES au niveau global. D’autre part, la
fluctuationdesprixdescréditscarbonea« empêché »quelemécanismepuissecontribueràl’atténuation
desinégalitéssocio-environnementalesàl’échellelocale.
386 Voir Chapitre 1 de la thèse pour une révision bibliographique de plusieurs discussions de tous les aspects (sociaux,environnementaux,juridiquesetpolitiques)duMécanismedeDéveloppementPropre.
334
CHAPITREVII:« POA-CPA-1:LANDFILLGASRECOVERYFROMCTRSANTAROSA »:UNPROJETNÉÀPARTIRDESCONTROVERSESLOCALES
7.1LACENTRALEDETRAITEMENTDESDÉCHETS–LACTR387RIO
Les déchets solides urbains auparavant envoyés à Jardim Gramacho sont déposés au Centro de
Tratamento de Resíduos Sólidos388à Seropédica. La CTR Rio a commencé à opérer en 2011, avant la
fermeture définitive deGramacho. Le remplacement des décharges a été graduel. Aujourd’hui, la CTR
reçoitenvirondixmilletonnesdedéchetsparjourprovenantdelavilledeRiodeJaneiro,Seropédicaet
Itaguaí.Ilestimportantderevenirsurlepoidsquel’intitulé« CTR »(CentraledeTraitementdesDéchets)
sembleposséderdansletravaildemarketingenvironnementaldesentrepriseslocales.Danslesdiscours
des acteurs de la CTR Seropédica, à l’instar des acteurs de NovaGerar, ils ont insisté qu’une CTR
représenteplusqu’une« déchargesanitaire ».LaCTRSeropédicareçoitdesdéchetsclasséscommenon
dangereuxetdangereux.Pourlesdéchetsindustrielsetceuxquiprésententdesrisquesàlasanté,ilya
un traitement différencié à l’égard d’autre type des déchets (Ciclus, 2011). À partir du traitement du
biogazparleflaring réduisantlesémissionsdeGESdansl’atmosphère,laCTRRioaconverticetteactivité
dansunprojetdeMécanismedeDéveloppementPropre.
Decettemanière,nousrevenonssurlefaitque,malgrél’usagedel’intitulé« CTR »pourplusieursacteurs
dudomainedont lebutseraitdedonnerplusderobustessetechnologiqueautraitementdedéchets, il
nousparaîtquecequ’ilsdésignentcommeune« CTR »estsimplementunedéchargesanitaire.Àl’égard
de la CTR Nova Iguaçu, on va utiliser le terme « CTR » seulement pour faire référence au nom de la
déchargede Seropédica. Lesmodalités de traitementdesdéchetsmises enplacedans la déchargene
correspondentpas totalementàcequiéquivaut ladésignationdu terme. Il fautconsidérerque« CTR »
désigneunensembletechnologiquepourlavalorisationmaximaledesdéchets.
Seropédicaselocaliseàenviron70kmdelavilledeRiodeJaneiro.Laconstructiondecettecentralede
traitement des déchets dans la ville de Seropédica a été (et le reste encore aujourd’hui) l’objet de
387CentrodeTratamentodeResíduos388CentraledeTraitementdesDéchetsSolides
335
beaucoupde controversesauprèsde lapopulation locale,despouvoirsmunicipauxetdespouvoirsde
l’État de Rio ainsi que de la communauté scientifique de l’Université Fédérale Rurale de Rio. La CTR a
changédenom4fois(CTRSantaRosa,CTRSeropédica,CTRdaCicluset,actuellement,CTRRio).Selonun
denosparticipants,cechangementdenométaitunestratégiepour« alléger »leseffetsdelapolémique
sur samise enœuvre. Cettemanœuvre pourrait éventuellement détourner« l’attention » de la grande
pressedececonflitpolitico-environnementalentrelasociétécivile,lesacteursprivésetl’État.
« Une des grandes difficultés à l’époque pour faire les matériels de
communication était le nom que changeait au milieu du chemin… il était Santa
Rosa, après ils ont appelé CTR Rio, je ne sais pas quel était l’ordre… Je sais
qu’on a commencé avec Santa Rosa… Après il était CTR Seropédica, ensuite il
était CTR da Ciclus… Et tout ça, c’était connecté avec la façon dont les choses
apparaissaient dans les journaux, parce que l’image (de la CTR) était trop
déchirée… »
(Assistante sociale – 2ASSE15)
Nous avons décidé de dessiner la frise chronologique ci-dessous afin de situer les événements de
controverseconcernantl’installationdeladéchargeparrapportàlamiseenœuvreduprojetMDP.Ces
évènementsserontdiscutéstoutaulongdecechapitre.
Figure71:FrisechronologiquedelasuccessiondesévènementsliésàlaCTRRio.
336
7.1.1L’installationdelaCTRRio:Entrel’arbitragepublicetlaconstructiondenouveauxrisquesenvironnementaux
La grande controverse, derrière l’installation de la décharge sanitaire, est le fait que celle-ci a été
construite au-dessus d’une réserve d’eau potable d’environ 180km2: l’Aquífero Piranema. Les études
scientifiqueset les témoignagesd’expertsdans lapressescientifiquede l’UniversitéFédéraleRuralede
Rio (UFRRJ), de l’Université de l’État de Rio de Janeiro(UERJ) et de l’Université Fédérale de Rio (UFRJ)
montrent que la construction de la nouvelle décharge représente un risque environnemental pour la
population locale de Seropédica (Alcantara & Schueler, 2015;Pimenteira,2010, EcoDebate,2011;
G1,2015b;CorreiodoEstado,2011).Leschercheursmettent l’accentsur lasécuritédeseauxde laville
parrapportaufonctionnementde ladécharge.Enréalité, l’AquíferoPiranemasesituegéologiquement
dans lebassinhydrographiqueduGuandú.Cette réserveestdirectement liéeauRioGuandú, la rivière
quifourniteneau80%delapopulationdetoutelamétropoledeRio.Decefait,lesactionsanthropiques
réalisées dans cet aquifère peuvent influer sur le caractère buvable des eaux dans le réseau des
ressourceshydrauliquesdeSeropédicaetdesesalentours(Alcantara&Schueler,2015).
337
Figure72:CartedelocalisationdedéchargedeCTRRioparrapportàl’aquifèredePiranemadanslarégiondeSeropédica
parrapportàl’ÉtatdeRiodeJaneiro
Source:Pimenteira,2010
La partie soulignée en bleue correspond aux dimensions de l’aquifère de Piranema dans la région
d’ItaguaíetdeSeropédica.NouspouvonsvoirégalementsaconnexionaveclarivièreGuandú.Lapartie
enrougemetenévidencelalocalisationdeladéchargeparrapportàtoutel’extensiondelaréservede
Piranema.Dupointdevuetechnique,cequifaitdébatc’estlaproximitédel’aquifèreparrapportausol
deladécharge.Ilestimportantderappelerqu’unaterrosanitáriostockelesdéchetsdansunemontagne
pouvant atteindre jusqu’à 100 mètres de hauteur selon les normes brésiliennes de construction des
déchargessanitaires(Goes,2011;Oeco,2011;PrefeituradoRiodeJaneiro,2011a). Ilest importantde
rappeler que cettemontagne est composéed’un systèmede dépôt où chaque couchede déchets est
protégéeparunecouvertured’imperméabilisationquiempêchelafuitedelixiviat.389
389VoirChapitre3delathèsepourplusdedétails(desgraphiquesetdesinformationsplustechniquessurladuréedevied’unedécharge)surlesnormestechniquesbrésiliennesetlalégislationenvigueurpourlaconstructiondesdéchargessanitaires.Voiraussil’Annexedelathèse.
338
Figure73:Lescouverturesd’imperméabilisationinstalléesdanslechantierdelaCTRRio.
Source:IG,2012a.
Apart lamiseenplacedesgrossespelliculesd’imperméabilisation, ilyaunsystèmeélectriqueinstallé
danschaquecouche.Sonobjectifestd’envoyerdessignauxd’alertesurun logicielaucasoù ilyaurait
unefuitedelixivitat.Cesdispositifstechniquesserventàassurerlasécuritédeseauxdanslaconstruction
deladéchargesanitairedeSeropédica.Malgrécela,cesystèmetechniqued’alertederisquedefuitede
lixiviat a été créé pour fonctionner dans des conditions géologiques appropriées pour la construction
d’une décharge. Autrement dit, un aterro doit être construit loin des zones inondables, dans un sol
majoritairement composé d’argile et éloigné d’au moins 200m de n’importe quel corps hydrique390.
L’originede lacontroverseautourde laconstructionde laCTRRiovientdu faitqueson installationne
respectepasplusieurscritèressur lechoixdu lieud’installationde ladéchargesanitaireconformément
auxnormestechniquesbrésiliennesréglementéesparleMinistèredel’Environnement(Elk,2007).
Selon les études techniques, la région de Seropédica possède un grand indice pluviométrique et la
proximité du sol de la décharge avec la surface de l’aquifère de Piranema contribue fortement à
l’augmentation des risques d’infiltration du lixiviat dans la réserve (Inocencio et al, 2013 ; Oeco, 2011 ;
ALERJ,2011391).Eneffet,cettecraintedelapartdesscientifiquessetraduitdansuncertainmanquede
confiance dans l’efficacité du système d’imperméabilisation mis en place par la CTR Rio. Dans les
390 Il y a une liste dans l’Annexe de la thèse contenant les critères pour la construction d’une décharge sanitaires selon lesnormesbrésiliennes.391 (Compte rendu de la deuxième réunion publique avec la commission d’assainissement environnemental à l’assembléelégislativedel’ÉtatdeRio)
339
conditions géomorphologiques de Seropédica, les couvertures de PEAD (les couvertures
d’imperméabilisation)neseraientpasassezrésistantespourlacontentiondulixiviat.LaCTRsesituedans
unsoltrèsplat,sableuxetpropiceàdesinondations.Ilestintéressantdesoulignerquel’occurrencedes
fortespluiesesttrèsrégulièredanslarégiondelavillependantl’été.
« Différemment d’autres aquifères qui sont naturellement protégés, comme ceux
de São Paulo, qui sont très profonds et qui ont la protection des rochers, le nôtre
possède une nappe phréatique proche de la surface, et possède un sol sablé
avec des rochers sablés et plusieurs failles géologiques qui permettent la
communication entre l’eau et la surface. Il est un aquifère très susceptible ».
(Chercheuse à L’Entreprise Brésilienne de Recherche Agricole392
. G1, 2011
a).
« Seropédica est une déchèterie technologique bien construite au-dessus d’une
réserve d’eau de notre ville et l’on doit comprendre que le problème ne réside pas
dans l’argent investi dans la technologie, mais dans la prise de décision de la
faire là-bas 393».
(Professeur de l’Université Fédérale Rurale de Rio. ENSP-Fiocruz, 2012)
« On est là pour dénoncer la façon dont l’État, l’INEA, traite la question de
déchets qui révèle un grand manque de compétence et de responsabilité. La
municipalité de Seropédica va recevoir neuf mille tonnes de déchets dans un
local qui constitue une ressource hydrique, enfreignant la constitution de l’État (de
Rio de Janeiro). Cet endroit est propice à des inondations, il présente des indices
pluviométriques très haut durant les mois de janvier à mars (…) ».
(Association de Professeurs de l’Université Fédérale Rurale de Rio, ALERJ,
2011).394
D’unepart,plusieursscientifiquesdesuniversitésdeRio,notammentdelacommunautéacadémiquede
l’UniversitéRurale(UFRRJ)quisesitueàSeropédica395,sesontfortementopposésàlaconstructiondela
392EMBRAPA393Ondoitpréciserquedans la littératuregrise, iln’yapasd’informationsurunepossiblenégociationauseindespouvoirslocauxsur lapossibilitédedéplacer laCTRversuneautrerégion. Ilyaseulementunedéclarationfaite par leSecrétairedeConservationetdesServicesPublicsqu’ilyavait lapossibilitédeconstruire laCTRdans lamunicipalitédePaciência,mais leMinistèrePublique(MinistérioPúblico)ainterditlamiseenplacedanscettemunicipalité.Source:G1,2012a.394 Extrait pris à partir du Compte rendu de la deuxième réunion publique avec la commission d’assainissementenvironnementalàl’assembléelégislativedel’ÉtatdeRio
340
CTR Rio. Ils se sont positionné(e)s contre la construction de l’aterro en montrant des rapports
scientifiquesettechniquessurl’impossibilitégéomorphologiquedelarégionàaccueillircettedécharge.
D’autre part, les ingénieurs de la CTR et les pouvoirs municipaux reconnaissent le risque, mais les
minimisent sous prétexte d’une confiance dans la technologie du système d’imperméabilisation et du
systèmed’alertede fuitede lixiviat (FolhadeSãoPaulo,2011;Oeco,2011; IG,2012;Odia, 2011). Le
caractèreétrangerdelatechnologiesemblerenforcercetteconfiancechezlesacteursprivésetpublics
impliquésdansl’installationdeladécharge.
« C’est le premier centre de déchets de l’Amérique latine. Exactement comme
celui-là, on trouve seulement aux États-Unis. Et là-bas, ils utilisent cette
technologie seulement dans les décharges industrielles. Nous l’implantons ici,
dans une décharge de déchets urbains. On est en train de prendre des mesures
des précautions redoublées avec Rio. »
(Coordinatrice de l’installation de la CTR à Seropédica. IG, 2012).
« Les gens doivent avoir l’information (…) Cette décharge sanitaire est de
dernière génération. Il existe trois couches de protection (…) Il n’y aura pas le
contact des déchets avec le sol. La possibilité d’intoxication de l’aquifère est zéro.
Et malgré tout ça, il y a un système très sophistiqué de surveillance des barrières
de contention (du lixiviat). Donc, il n’y a aucun souci »
(Secretaire de la Casa Civil, RJTV 2009).
« Rio a un engagement avec la durabilité et la Mairie veut que la nouvelle
Centrale de Traitement de Déchets possède cette marque. Avec la CTR de
Seropédica, Rio compte avec un projet de haute technologie qui permettra de
contrôler les risques. »
(Secrétaire Municipal de Conservation et des Services Publics. Prefeitura
do Rio de Janeiro, 2010).
Malgré les audiences publiques avec lesmembres du pouvoir public de l’État de Rio, la communauté
scientifiquedesuniversitésdeRioetlacommunautélocalediscutantdel’installationdeladéchargeau-
dessus de l’aquifère, l’INEA a délivré les permis environnementaux d’opération et d’installation.
395Lalocalisationdesoncampusestàquelqueskilomètresdeladéchargecequifaitquel’Institutionsoitdirectementaffectéepar les risques d’intoxication de l’aquifère de Piranema. Raison pour laquelle les corpus de professeurs se sont engagésdirectementdans le conflit de l’installationde ladéchargeauprèsde l’INEAaumomentde ladélivrancede tous lespermisenvironnementaux(LP,LIetLO).Lerôledel’INEAdanslaréaffirmationdecettecontroverseseradiscutéplustarddanscettepartie.
341
L’organisme environnemental de l’État de Rio les a concédés en se basant sur la capacité du système
technologiquemis en place pour éviter la fuite du lixiviat. En vérité, les risques ont étéminimisés en
fonction de la croyance dans le système technologique installé (ALERJ, 2011 ; Extra, 2010a ; O Globo,
2012d). Le rapport de l’étude de l’impact environnemental (EIA/Rima) présenté par l’entreprise Ciclus
confirme la prémisse de l’existence des risques. Toutefois, il met l’accent sur la capacité du système
d’imperméabilisation et de surveillance à « alléger » les risques (Ciclus, 2011. Le tableau ci-dessous
résume les critères environnementaux non conformes de l’installation de la CTR Rio par rapport aux
normesbrésiliennes.
Tableau25:Critèresenvironnementauxnonconformesdansl’installationdelaCTRRioparrapportauxnormesbrésiliennes.
Sources:Pimenteira,2010 ;Goés,2011 ;Elk,2007
Techniquement, nous rappelons que la proximité du sol de la décharge avec l’aquifère configure un
risque d’intoxication. On rappelle que l’aterro est construit dans une région très propice à de grosses
pluiesrégulières.Ilestégalementinstallésurunsolpropiceàdesérosions.Cesdeuxaspectsconjugués
contribuent à l’augmentation des risques d’infiltration du lixiviat vers l’aquifère. La controverse prend
forme à partir du moment que la communauté scientifique ne fait pas confiance aux systèmes
d’imperméabilisation et aux alertes de risques mis en place par l’entreprise Ciclus qui a un soutien
importantdespouvoirspublicsfluminenses.
La controverse qui s’est produite lors de la discussion du risque de contamination de l’aquifère de
PiranemaàtraverslamiseenplacedelaCTRélucidel’enjeuquireposederrièrelaqualificationdurisque
par les différentes catégories d’acteurs. Comme nous l’avons déjà évoqué lors de deuxmonographies
précédentes, l’évaluation de l’existence du risque et son niveau (haut ou bas) est un construit social.
Toutefois,Borraz(2008)montrequelesmodalitésd’évaluationdesrisquesnefontpasseulementpartie
du champ d’expertise. Lesmodalités d’évaluation s’ouvrent aussi à une pluralité d’acteurs. Il y a deux
élémentsquicomposentlaqualificationdurisque:laconnaissancedurisqueetlacapacitédecontrôle.
Pour lepremier, il s’agitde reconnaître sonexistence,unélémentqui se reposeexclusivement sur les
342
donnéestechniquesetscientifiques,tandisquepourledeuxième, lacapacitédecontrôle, ils’agitdela
maitrisedecerisque.Lepouvoirdecontrôledurisqueestl’objetdebeaucoupdecontroverses,carelle
renvoie à une idée d’incertitude des acteurs sur la capacité d’action en cas de crise. Elle porte
exclusivementsurlaconfiancedesacteursdanslessystèmesdecontrôledurisque(Borraz,2008).
Giddens(1990)redéfinitleconceptde« confiance »commeune« foi »danslaconnaissancescientifique.
Danslamodernité,la« confiance »estnéedescirconstancesderisques,maislesacteursontlesentiment
de« sécurité »grâceàcetteconfiance« aveugle »danslessystèmesabstraits.Enréalité,laperceptiondu
risqueestminimiséeenraisondelacroyancedanslacapacitédecesystèmedeneutraliserlesdangers.
Toutefois, en Seropédica, cette « croyance » générale dans la technologie est « bouleversée ». Le débat
repose justement sur le fait que l’État et les entreprises expriment cette« confiance »dans le système
technique d’imperméabilisation du sol du terrain alors que les scientifiques et la population locale ne
partagent pas cette « confiance ». En réalité, les pouvoirs locaux affirment à tout prix qu’il s’agit d’une
hautetechnologieétrangèreafinderegagnerlaconfiancedelacommunautédansleursystèmeabstrait.
Néanmoins,cetteabsencedeconfiancedans lessystèmesabstraitsde laCTRRioestaussiétroitement
liéeaumanquedeconfiancedanslespouvoirspublicsbrésilienspourassurerlasécuritédelapopulation.
L’Étatbrésilienestconnupoursuivreunetradition«développementaliste396dontl’objectifprincipalde
ce modèle politico-économique est l’encouragement à la croissance interne. Mais, cela fait que la
redistribution de la richesse soit reléguée au second plan (voire négligée) au sein de ce projet de
transformation économique d’un pays en voie de développement (Cepeda, 2012). Ainsi, des actions
inscritesdanscemodèlededéveloppementonttendanceàlaisserlesconséquencesenvironnementales
négatives aux populations les plus précaires et vulnérables de la société. Les controverses socio-
environnementales résultantes des actions « développementalistes » dégagent des discussions
importantes sur le rôle de l’État brésilien comme agent créateur des inégalités environnementales. En
396 Plusieurs théoriciens brésiliens de l’actualité précisent que, d’une manière générale (sans prendre en compte chaquesecteur), le Brésil est passé vers un «nouveau- développementalisme» («neodesenvolvimentismo»). Dans ce modèle«adapté»dudéveloppementalisme,ilyacréationdespolitiquespubliquesdirigéesversl’inclusionsocialeetlaminimisationdes inégalités renforcées lors des périodes du «vieux développementaliste» et la période néolibérale. Dans le secteurenvironnemental,lespolitiquesnéo-développementalistefontunusage«non-durable»desressourcesnaturellesbrésiliennesafindegarantirsaplacedegrandagro-exportateurdans l’économiemondiale.Lespolitiquessocialesdeceprogrammesontaussi objet de débat. Voir chapitre 2 de la thèse pour plus de précisions sur les controverses autour du modèle néo-développementalisteenvigueurauBrésillorsdelapremièredécenniedesannées2000.
343
effet,cescontroversessoulèventdansquellemesurelesactionsdespouvoirspublicsbrésiliens,destinées
aussi à satisfaire les intérêts de l’élite économique nationale, finissent par produire (ou empirer) des
inégalitésenvironnementalessurleterritoire(Firpo&Milanez,2009).Parconséquent,la« confiance »de
la population dans un système abstrait de contention de lixiviat ne se concrétise pas dans le cas de
Seropédica.Lamiseenœuvredecesystèmetechniqueestencouragéepar lespouvoirspublics locaux.
Certaines actions publiques locales au Brésil ont tendance à n’être pas entièrement démocratiques
envers lespopulations lesplusvulnérables.Elless’avèrentplutôtêtredirigéesplusvers les intérêtsdes
entreprisesprivéesqueversceuxdelacommunautélocale.Cettecaractéristiquehistoriqueetculturelle
despouvoirspublicsbrésilienssemblecontribueràl’affaiblissementetaurenforcementdel’incertitude
delacommunautédeSeropédicaàêtreexposéeàunaccidentouàunecatastrophe.
Laprisedepositionde la communauté scientifiquedeplusieursUniversitésde l’ÉtatdeRioquantà la
faible confiance sur les systèmes technologiques d’imperméabilisation du sol et d’alerte de fuite de
lixiviat de la CTR a aussi contribué à la prise de position de la communauté de Seropédica. Jusqu’à
présent,nousavonsbrièvement racontécomment la controverse s’estdérouléeexclusivementdans le
domainetechnique.Maisunautreélémentquin’étaitpasencoreexplorédanscettemonographie,etqui
nourritdirectementlacontroverse,c’estlaprisedepositiondelapopulationlocale.Selonlesregistresde
la littératuregrise, leur insatisfactiond’avoir ladéchargeprèsde leur logementa rejoint lesarguments
scientifiques de la communauté universitaire sur la menace d’intoxication du Piranema. De ce fait, le
débat sort du champ technique et gagne de la robustesse et de la visibilité dans la presse. A part les
risquesdecontaminationdel’aquifère,lapoussière,laprésencedemoustiquesetl’énormeproximitéde
ladéchargedespetitesrésidenceslocalessontlesélémentsconcretsayantcontribuéàl’oppositiondela
populationdeSeropédicaàl’existencedeladécharge(R7,2011;EBC,2013;JornaldoBrasil,2013).
344
Figure74:L’entréedelaCTRRioquisetrouveàgaucheetàdroitelesrésidenceslesplusprochesdeladécharge
Le caractère rural de la municipalité de Seropédica respecte un des critères établis par les normes
brésiliennes.Pourtant,lemécontentementdelacommunautélocalesurlaprésenced’unedéchargedans
leurterritoirefigurecommeunautrecritèredevantêtreprisencomptepourunéventuelabandondece
choixdelocalisation.Ilestimportantdesoulignerqu’ilyaunehiérarchiedescritèresdansleclassement
descritèrespourlechoixdel’emplacementd’unenouvelledécharge(voirannexedelathèse).Enréalité,
il y a des critères plus importants que d’autres au cas où il y aurait une difficulté à trouver un
emplacementpourunenouvelledécharge.Lesnormesprécisentquelesélémentspolitico-sociauxontun
deuxième degré d’importance se plaçant juste derrière les critères environnementaux397 qui figurent
commeprioritaires(Elk,2007).Bienquelemécontentementdelacommunautélocalen’aitpasunpoids
de premier degré d’importance pour éviter la construction de la CTR Rio, les controverses
environnementales sur son emplacement seraient suffisantes pour repenser son installation par les
pouvoirspublicslocaux.
397Voirtableaudeclassementdecritèrespourlechoixdeconstructiondesdéchargessanitairesselonlesnormesbrésiliennesenvigueurdansl’Annexedelathèse.
345
Figure75:ManifestationdelapopulationdeSeropédicadevantl’Assembléelégislativedel’étatdeRioenappelantàune
réuniondemobilisationcontrelaconstructiondeladéchargesanitaireen2011.
Source:Blog“SeropédicaContraoLixão,”2011398
En2011,lorsdelaréunionpourlaconsultationpubliquedelamiseenplacedelaCTR,lesscientifiques
présents et quelques élus de la chambre législative de l’État de Rio qui se sont positionnés contre la
décharge,réaffirmaientquelechoixdel’endroitobéitàunelogiquepluspolitiquequetechnique(ALERJ,
2011).Nouspouvonsobserverqu’ilyaeudesmesuresdecompensationdelapartdugouvernementde
l’ÉtatdeRioenverslamunicipalitédeSeropédica.Cesmesuresavaientcommeobjectif« d’indemniser »la
villepourlamiseenplacedeladécharge.Lesecrétairedel’environnementdel’ÉtatdeRiodeJaneiro,à
l’époque,adéclaréletransfertduFondsdel’ÉtatdeRiopourlaConservationetleDéveloppementUrbain
(FECAM)399àlamunicipalitédeSeropédicad’unmontantéquivalentàvingt-deuxmillionsdeReaispour
l’améliorationdusystèmed’assainissementde lamunicipalité (TVBrasil,2011).En lienégalementavec
l’installationdeladécharge,selonlesinformationsdelapresse, lavilledeSeropédicaabénéficiéd’une
augmentationdelataxeécologique.Cettetaxeestdestinée400àdesmunicipalitésquimènentdesactions
pour la conservation de l’environnement (Governo do Rio de Janeiro, 2014;OGlobo,2012e;R7, 2011).
Ainsi,commeilestpossibledetrouversur lesiteofficieldel’entrepriseCiclusquicontrôleladécharge,
«l’installationdelaCTRdeSeropédicaaattiréplusderessourcesàlamunicipalité »(Ciclus,2017).
398Blogdestinéàlamanifestationcontrelaconstructiondeladécharge.399FundoEstadualdeConservaçãoAmbientaleDesenvolvimentoUrbano400 ICMS Ecológico: C’est une taxe qui vise à deux objectifs: 1) Indemniser les municipalités qui restreignent les activitéséconomiquesde leur territoireparcequ’ils possèdentdesunitésde conservationde lanatureoudesparcsécologiques; 2)récompenser les investissements faits par les municipalités dans la gestion correcte des déchets et de tout le systèmed’assainissement.
346
« Les déchets sont comme les marchés de rue, personne ne les veut
dans leurs rues, mais on produit des déchets et on va au marché »
(Secrétaire Municipal de Conservation et des Services
Publics à propos de la controverse de l’installation de la CTR de
Seropédica. G1, 2012 a)
La minimisation du risque de contamination de l’aquifère par les pouvoirs locaux et la délivrance du
permisd’installationdelanouvelledécharge,malgréledébataveclasociétécivile,révèleetréaffirmela
logiquedesactionspubliquesbrésiliennes.Cettelogiquedeprisededécisiondehautverslebas(« Top-
Down »)prendrarementencomptelesdemandesdelasociétécivileàtraverslesconsultationspubliques
(audiências públicas). Dans la réalité, les consultations publiques à la société civile prévues dans la
législationenvironnementalebrésiliennenefigurentpascommeunélémentdéterminantdansleschoix
politiques d’aménagement urbain. En effet, théoriquement, l’appel à la participation de la population
dans ladélivrancedespermisenvironnementauxviseà inclure lacommunautélocaledans leprocessus
de prise de décision. Ce processus cherche à considérer les voix des populations impactées par
l’installationdesstructuresoffrant(éventuellement)desrisquesà l’intégritésocio-environnementalede
leur région. Ainsi, prévu dans la législation environnementale brésilienne, ce dispositif de consultation
publiqueaétéconçucommeuninstrumentpouvantgarantiretfaciliterlaparticipationdémocratiquede
la société civiledans leurdroit à l’environnement sain (MinistériodoMeio-Ambiente, 1987,CasaCivil,
1988). Si bienmis enplace, avecdes dispositifs qui permettent à la populationd’avoir l’ensembledes
informations sur le projet, cet instrument peut être très efficace dans la gestion partagée de risques
environnementauxlocaux.Ilpeutêtreégalementuninstrumentdémocratiquepuisqu’ilintègrelasociété
civiledansleprocessusdeprisededécisionpublique(Christmann,2011).
Toutefois, laPolitiqueNationalesur l’Environnement (PolíticaNacionaldoMeio-Ambiente)ayant rendu
plus accessible la participation de la société civile dans le processus de délivrance des permis
environnementauxestinclusedanslecontexted’unÉtatbrésiliendetradition« développementaliste ».Il
faut considérer que les actions publiques inscrites dans ce type de programme donnent priorité au
347
développement économique401 interne en dépit des corrections des justices sociales (ou
environnementales).Malgrélaplaceréservéeàlapopulation,lesaudiênciaspúblicaspossèdenttrèspeu
depouvoirdechangement.Leurcapacitéd’influencerladirectionduprocessusdeprisededécisionreste
presquenulledanslaplupartdescasoùdesconflitsenvironnementauxsontdiscutésavantladélivrance
d’unpermisd’installationd’unprojet(AgraFilho,2008).D’unepart,cetteinefficacitéseproduit,carilya
uneabsencedeslignesdirectricesquirégulentledébatentrelasociétécivile,lesresponsablesduprojet
etl’État(AgraFilho,2008).D’autrepart,ilyaaussiuneabsencedesdispositifsjuridiquespouvantétablir
les degrés d’impact des projets d’aménagement du territoire « tolérés » dans les systèmes
environnementaux régionaux. Cela pourrait éventuellement régler les controverses socio-
environnementales avantmême la délivrance des permis environnementaux.Mais, dans l’absence des
mécanismesrégulateursdedébatsenvironnementaux,lesconsultationspubliquesdeviennentunesimple
arènedediscussionexplicitediviséeentrelapopulationetl’entrepriseresponsableduprojet.
Ainsi, il est attendu que l’État puisse se porter comme le médiateur ou le régulateur des conflits
environnementaux lors des audiences. Son rôle dans la délivrance des permis environnementaux est
déterminant. Cela devrait régler (ou aumoins atténuer) les controverses. Toutefois, ce qui se produit
dans la réalité brésilienne, c’est que les pouvoirs publics se positionnent différemment. Ils cherchent,
souvent, à minimiser les préoccupations environnementales de la société par rapport aux risques du
projet. Ils finissent ainsi par les légitimer en accordant les permis environnementaux. Au Brésil, le jeu
politique qui se forme lors de la délivrance des permis environnementaux dans des contextes très
conflictuelsmetenévidence l’inégalitédesrapportsdepouvoirset les représentationssymboliquesde
l’environnement (Zhouri, 2008). Afin de surmonter toutes les controverses pouvant empêcher la
concrétisation du projet, l’État brésilien fait, normalement, des arrangements ou des exigences
techniques un peu plus strictes envers les entreprises chargées du projet. Ces exigences peuvent se
traduire comme l’imposition desmesures compensatoires aux niveaux environnementaux et sociaux à
cesentreprises.Toutefois,celasertànepasabandonnerleprojetensoienminimisantledébat.Dansun
contexte néo- développementaliste, la représentation étatique de « l’environnement » est utilitariste,
basée sur la capacité de l’environnement à générer de lamatière première pouvant être convertie en
ressourceséconomiques.
401Etconfigurecommeladimensionlaplusimportantedanssonexécution.
348
« Parce que ces trucs de permis environnementaux sont comme ça ! Le
projet sera fait ! C’est décidé beaucoup avant les consultations
publiques ! Elles sont comme des petites soirées ! C’est un cocktail !
Elles sont juste pour légitimer le processus… j’ai déjà participé à
plusieurs consultations publiques… Donc, j’en parle très tranquillement.
Le projet est déjà décidé ! (…) les aspects techniques, la technologie…
ça, ce n’est pas ouvert pour discuter… »
(Ancienne chargée d’éducation environnementale pour la
population de Seropédica — 1CESE15)402
CommeOpschoor(1995)etZhouri(2008) lesignalent, lagenèseduconflitenvironnementalreposesur
l’usaged’unespaceenvironnementalparungroupesocialdansunsensopposéàlareprésentationqu’un
autregroupesocialpossèdedel’usagedecemêmeenvironnement.Ainsi,lesdifférentesappropriations
socialesde l’environnementmettentenévidence les rapportsde forces inégalesentre lesacteurs.Ces
rapports déterminent quelle sera la représentation de l’environnement qui va prédominer dans cet
espace. Vandermotten (2007) souligne que les espaces sont les objets (et aussi les arènes) des
négociations sociales, politiques et économiques. Ces négociations impactent le mouvement de
structurationetrestructurationdesterritoires.
Dans le cas de Seropédica, quelle est la représentation « gagnante » de l’aquifère de Piranema lors du
conflit ?Lareprésentationde l’aquifèrecommeressourceestmiseàcôté,audétrimentde lanécessité
« urgente »del’usagedusoldelamunicipalitépourlestockagedesdéchetsproduitsparlamétropolede
Rio. Contrairement à la communauté locale, L’État et l’entreprise Ciclus ne partagent pas la même
représentationdel’aquifèrecommeressource.L’urgenceàprocéderaustockagemassifdesdéchetsloin
de la villedeRiopour remplacerGramachodomineune« éventuelle »utilitédePiranemacommeune
ressourcehydrique.
Commenous l’avonsdéjàévoqué lorsdesdeuxmonographiesprécédentes, lesmoyensdeproduction
entrainentdesusagesinégauxdesespacespouvantcréerdesinégalitésenvironnementales.Les« zones
402LaseuleparticipantequiaoséparlerduprocessusdedélivrancedupermisenvironnementaledelaCTRRiolorsdutravaildeterrainen2015,carellenetravaillaitpluspourl’entrepriseenchargedeladécharge.Voirchapitre4(méthodologie)pourunecompréhensionplusapprofondiesurleslimitesdutravaildeterrain.
349
de sacrifice » sont les produits de ce partage inégal des espaces urbains où la dégradation
environnementale rencontre la précarité sociale.De ce fait, la vulnérabilité sociale rentre en symbiose
avec les risquesenvironnementaux surun territoiredonné.Ces troiséléments composent la« zonede
sacrifice ».DanslecasdeNovaIguaçuetGramacho,notammentcedernier,l’existencedesdéchargesà
cielouvertahistoriquement transforméces territoiresdansdes« zonesde sacrifice ». La fermeturede
ces décharges a ouvert la possibilité d’aménagement de ces espaces et dela correction des injustices
environnementales envers les « catadores » et les populations locales403. Il faut rappeler que la PNRS
prévoitetdélèguelescorrectionsdesinjusticesenvironnementalesauxpouvoirspublicslocaux,chargés
de s’occuper de la fermeture des décharges à ciel ouvert. Cependant, dans le cas de la ville de
Seropédica, nous voyons un mouvement contraire. La création de la CTR offre un grand risque de
contamination à l’aquifère Piranema et cet aspect peut transformer cette région dans une « zone de
sacrifice ».
L’imposition de l’installation de la CTR dans des conditions environnementales défavorables pour la
constructiond’unedécharge sanitairea transformé la régiondeSeropédica,auparavant rurale,enune
« zonedesacrifice ».LaPNRSetleprogrammeLixãoZerovisentthéoriquementàéradiquerlesinjustices
environnementalesdansledomainedesdéchetsparlebiaisdelafermeturedeslixõesetl’inclusiondes
coopératives de catadoresdans la chaine de traitement des résidus de l’État. Toutefois, à travers des
mécanismesdepouvoirsentrelesacteurslocaux,etdesintérêtspolitico-économiquesimpliquésdansle
dépôtdesdéchetsdelavilledeRioàSeropédica,nousvoyonssurgiruneffetperversdelafermeturedu
lixãodeGramacho. La création d’une nouvelle centrale de traitement des déchets qui permettrait un
traitementdesdéchetssolidesurbainsplus« approprié »enmatièred’environnementpourlamétropole
a fini par fabriquer des injustices environnementales. Son installation a créé des risques pour une
populationqui,auparavant,n’étaitpasvulnérable.
7.1.2LacréationduComitéd’Investigationdesdéchetsdansl’ÉtatdeRio(« CPIdoLixo »):lamiseenplaced’undispositifpourévaluerlefonctionnementdesdécharges
sanitairesdansl’État.
403Toutefois, lesmécanismesétatiquespourlescorrectionsdesinégalitésenvironnementalesdansledomainedesdéchetsàRio se sontmontrés défaillants envers la population vulnérable de Nova Iguaçu et surtout de la nombreuse population decatadoresdeGramacho.
350
Enmars2015,aumomentdutravaildeterrain,l’AssembléeLégislativedel’ÉtatdeRio(ALERJ)acrééla
« CPIdoLixo »404.Cecomitéétaitcomposépardesdéputésde l’ÉtatdeRioquiavaientcommemission
d’investigueretde trouverdes irrégularitésdans le fonctionnementdesdécharges sanitairesde l’État.
Sonobjectifétaitaussidedécouvrir l’existencededéchargesàcielouvertclandestines.Eneffet, lebut
ultime était de vérifier l’ensemble du circuit du traitement des déchets solides urbains produits dans
l’ÉtatdeRio (G1,2015). Selon leMinistèrePublic, cette commissionétaitnécessaire, car il y avaitune
urgencedevérifierlesmécanismesdedépôtsdéfinitifsdesdéchetsàRio.Cecaractèreurgentétaitdûà
lanécessitédeprévoirdesdispositifsde réductionduvolumedesdéchets stockésdans lesdécharges.
D’après lesautoritésdel’ÉtatdeRio, lagéographiede l’Étatgénèredescontraintesenvironnementales
pour choisir de nouveaux espaces dans la métropole pour la construction des nouvelles décharges
sanitaires(JusBrasil,2015).
LorsdelaCPIdoLixo,lacommissionapuconstaterquelquesirrégularitéssurlaquantitédelixiviattraitée
auseinde laCTRRio.Enréalité, ilaétéobservéqu’en2015, laCTRétaitau-dessousde lacapacitéde
traitement de lixiviat fixé dans le contrat de concession signé auprès de la ville de Rio. Le contrat
prévoyaitletraitementquotidiende1 080m3delixiviat.Cependant,laquantitéréelleétaitdifférente.Il
aétévérifié,enmai2015,queladéchargegéraitletraitementd’environ400m3delixiviatparjour(TV
ALERJ, 2015 ; ALERJ, 2015a). Enmars 2016, un rapport officiel sur le bilan de la CPI a été sorti (Diario
oficial, 2016a). Concernant la CTR de Seropédica, le rapport décrit plusieurs éléments d’irrégularité
trouvésdans le fonctionnementde ladéchargeayantétésaisis lorsde lapérioded’investigation405.Un
premier élément concerne la difficulté d’identification de certains camions de déchets arrivant sur la
décharge.Selon lapartie5.4.1durapport, l’impossibilitéd’identifier lescamionsaamené lesmembres
delacommissionàsoupçonnerquelaquantitédesdéchetsreçusquotidiennementnecorrespondaitpas
à la réalité du contrat de concession.Ainsi, le volumedes déchets stockés dans la déchargepeut être
supérieuràcequiétaitprévulégalement.
404Commissiond’enquêteParlementaire405Lasituationactuelledescatadoresetdeleurcoopérativeetl’engagementdel’entrepriseCiclusaveclamiseenplacedutriauprèsdelamairiedeSeropédicaetItaguaíaétéaussimentionnéelorsdecerapport.Toutefois,elleseradiscutéeplustarddanscettemonographieaumomentdel’analysesurlasituationdelacoopérativedescatadoresdeSeropédica
351
Étantdonnéquec’estletraitementdulixiviatquifaitl’objetdetoutelacontroverseliéeàl’installationde
ladécharge,ilyaunautreélémentd’irrégularitésoulignélorsdurapport.Exceptélefaitquelastationde
traitement de lixiviat de la centrale (Estação de Tratamento de Chorume) opérait au-dessous de la
capacité établie dans le contrat, il a été constaté qu’une partie du lixiviat était traité en dehors de la
CTR406.Selonlesresponsablesdeladécharge,pourunequestiondelimitationdescapacitéstechniques
delaCTRRio,celixiviatétaitenvoyéverslesStationsdeTraitementdesÉgoutsdel’ÉtatdeRio.Ilestbien
important depréciser que le lixiviat est une substance très toxique et que son transport vers d’autres
régionsdelamétropolereprésenteungrandrisqueenvironnemental(G1,2016c).Selonlerapport,cette
mesure« d’urgence »,expressionemployéepar les responsablesde l’entrepriseCiclus,créedes risques
d’intoxicationdelabaiedeGuanabara.Labaieest,d’ailleurs,unécosystèmedéjàfortementendommagé
pardesactionspubliquesmunicipalesquimanquentderesponsabilitéenvironnementale.Ainsi,au-delà
de l’état endommagé de laBaia de Guanabara, il y a un fort risque d’intoxication de ses eaux dû au
traitementinappropriédulixiviatprovenantdelaCTRRio.
En réalité, ce risque repose sur le fait que les égouts traitésdans les ETE (« EstaçãodeTratamentode
Esgoto 407») ne possèdent pas de métaux lourds comme le lixiviat provenant des déchets. Selon la
déclaration du président de la compagnie publique responsable pour le traitement des eaux à Rio de
Janeiro, la CEDAE, les ETE ne possèdent pas la technologie nécessaire pour séparer le traitement du
lixiviatdel’ensembledeségouts(Diariooficial,2016b).Autrementdit,lesmétauxlourdscontenusdansla
compositiondulixiviatnepeuventpasêtreépurésdanslessystèmesdetraitementdeségouts.Ainsi,le
mélangedessubstancesdansletraitementcréeungrandrisqueenvironnementaldanslamétropolede
Rio. En l’absenced’un traitement correct, cesmétaux lourds sont jetésdans laBaie.Cetteactionpeut
impacter les différents corps hydriques de la régionmétropolitaine de Rio interconnectés à la baie de
Guanabara.
Hormislesconstatsd’irrégularitésdansletraitementdesdéchetsàlaCTRRio,lerapportdelaCPIdoLixo
soulignequel’INEAn’aeffectuéquedeuxvisitesdefiscalisationàlaCTRdepuissonouvertureen2011.
Decefait,ilaétéobservéunedéfaillancedelamiseenplacedesdispositifsdesurveillancedefuitedu
406 Le lixiviat provenant de la décharge de Seropédica est traité dans plusieurs stations de traitement des égouts de lamétropoledeRio407Stationsdetraitementdeségouts
352
lixiviat.Ilestimportantderappelerquec’estplusprécisémentletraitementdulixiviatquiestl’élémentà
l’originedescontroversesentre l’État, l’entrepriseCicluset lacommunautédeSeropédica.Lecomitéa
constatéunecertaine« indolence »delapartdel’INEAàsurveillerlefonctionnementdelaCTRRio,après
laconcessiondestroispermisenvironnementaux.Cetteabsencedesurveillanceaccentuelasituationde
risque de la population de Seropédica. Les irrégularités trouvées lors de la CPI aident à renforcer le
manquedeconfiancedelacommunautédeSeropédicadanslesystèmetechniquedecontentiondefuite
delixiviat.Enoutre,l’absencedesurveillancedel’INEAdanslefonctionnementdelaCTRpeutrenforcer
également lemanque de confiance de la population dans la capacité de l’État à assurer leur sécurité
environnementale.
7.1.3Lafuitedulixiviaten2016:laconcrétisationdurisqueetladéfaillancedel’ÉtatdeRiocommeagentgestionnairedesrisques
Audébutde l’année2016, saisondehaut indicepluviométriquedans la région,enconséquenced’une
grande tempête ayant provoqué l’arrêt total du générateur d’électricité de la CTR, le système
technologiquemisenplacepourprévenirlafuitedelixiviatacesséd’opérer.Cemanquedel’électricitéa
entrainé une faille dans le fonctionnement de l’envoi du lixiviat vers la station de traitement de la
décharge. La coupure d’électricité a également généré une faille dans le système d’alerte de fuite du
liquide, localisé dans les couches d’imperméabilisation (G1, 2016d). Les députés de l’ALERJ ont été
convoquésenurgencepourexaminerlafuitedulixiviatàSeropédica.Parconséquent,ilsontconstatéla
fuited’environcentmillelitresduliquidetoxiqueversunruisseaufaisantpartieducorpshydriquedela
régionconnectéàl’aquifère(ODia,2016).
.
Enréponseàcettecrise,l’entrepriseCiclusavaitdéclaréàlapresse,lacontentionimmédiatedulixiviat
afind’empêcherqueleliquideatteignel’aquifèredePiranema(ODia,2016a).Selonl’entreprise,lafuite
n’apaspuatteindredescouchesplusprofondesdusol,desortequ’iln’aétépaspossibled’arriververs
l’aquifère(R7,2016).Malgrélesinvestigationsdespouvoirsdel’ÉtatdeRioetlesnotificationsdel’INEA,
iln’yapasd’informationdanslalittératuregrised’uneréellecontaminationdel’aquifère(AgenciaBrasil,
2016).Decefait,ilaétéimpossibled’obtenirdesinformationsofficiellesdelapartdespouvoirspublics
surlasituationdel’aquifèreaprèscetépisodedecrise.Toutefois,environsixmoisaprèscetévènement,
l’ALERJacrééunprojetdeloipouruneréglementationplusrigoureusedutraitementdulixiviatdansles
353
décharges.Dansceprojetdeloi,ilyauneinterdictiondelaconstructiondesCTRsprèsdetoustypesde
corpshydriquesdans l’ÉtatdeRiode Janeiro (ALERJ,2016).Dans le textede loi,onpeutobserverque
l’ÉtatdeRioreconnaitsapropredéfaillancedanslagestiondesrisquesapparuslorsdel’installationdela
déchargedeSeropédica.
L’épisodedelafuitedulixiviatpeutcontribueràcorroborernosréflexionsprécédentessurlacapacitédu
gouvernement brésilien à ne pas légitimer les voix des communautés locales lors de la délivrance des
permisenvironnementaux. L’impositionde la constructionde ladéchargedans la villedeSeropédicaa
fait usagede l’argument technique commeun élément atténuant le risque. Cela avait commeobjectif
d’anéantir la controverse. Toutefois, ce risque ayant étéminimisépar les pouvoirs publics deRio s’est
produit, et la technologie mise en place n’était pas capable de l’éviter, malgré les appels de la
communauté locale.Ainsi, la crise (et la controverse l’ayantprécédée)àSeropédicapeutêtreun riche
élémentderéflexionsurlanécessitéderéviserlesmécanismesdeconsultationspubliques.Cetterévision
peutcontribuerégalementàlaquestiondelagestionpartagéedesrisquesauBrésil.Afind’êtreépargnée
desinégalitésenvironnementales,lasociétécivileabesoindegagnerdupouvoirdenégociationdansles
arènesdesdébatsenvironnementaux.Cegaindevisibilitépeutaussiinfluencerlerôledel’Étatbrésilien,
unÉtatétanthistoriquementl’agentdesdistributionsinégalesdesrisques.
Bien que Giddens (1990) et Beck (1986) parlent de la globalisation des risques dans les sociétés
modernes,danslecasdeSeropédica,etdedeuxdéchargesfaisantpartiedel’étudedecasdelathèse,il
estvisiblequelesrisquessontterritorialisésetrenforcent(oucréent)desinégalitésenvironnementales
locales. Le cas de Seropédica est illustratif dans lamesure où nous voyons comment les logiques des
intérêts de l’État de Rio ont contribué à la création des risques dans une ville rurale. D’une certaine
manière, la concrétisation des risques a montré que les mêmes pouvoirs publics, responsables de la
création de ces risques, devaient revoir certains aspects de cette action publique dans le secteur des
déchetsdel’ÉtatdeRio.Ceprojetdeloiprétendéviterlaconstructiondenouvelles« zonesdesacrifices »
près des ressources hydriques.Malgré l’existence de la PNRS à l’échelle nationale depuis 2010, et du
programmeLixãoZero, ilyauneurgencederévisiondesmécanismes locauxproduisant ladistribution
spatialeinégalededommagesenvironnementauxdansledomainedesdéchetsdanslamétropole.
354
Figure76:VisionaériennedelaCTRRio
Source:Siteofficieldel’entrepriseCiclusAmbiental,2017a).
7.1.4Lacréationd’unprojetMDPsurunedéchargecontroversée
Laréductiondesémissionsdeméthaneàpartirduflaringdubiogazacommencéen2012.Leprojets’est
inscritdanslecadreduMDPen2015.Àl’exempleduprojetdeNovaGerar,leprojetMDPdelaCTRCiclus
emploielaméthodologieACM0001oùlebiogazdeladéchargepasseparlatorchèreetsaconversionen
énergierenouvelableestfacultative.« L’additionnalité »duprojetaétéjustifiéeparlefaitqu’aucuneloi
dans l’État de Rio de Janeiro n’oblige la capture du biogaz de la décharge. En l’absence d’une
réglementationlocalesur lebiogazdesdécharges, le« PDD » justifieégalementquelescénariodebase
(ou l’absence de la mise en place du projet MDP) résulterait dans la libération de ce gaz dans
l’atmosphère (PDD,2015). Leprojet auneduréede viede21ans, cequi correspondexactement à la
duréedeviedeladécharge.Lapremièrepérioded’émissiondecréditsestcompriseentre2012et2019.
Undernierélémentfaisantpartiedesinformationstechniquessurleprojetestlemontantderéduction
decarbone.Leprojetviseàréduireenmoyennede794,672tonnesdeCO2équivalentparan.
Contrairement aux deux autres projets qui font partie de l’objet de la thèse, le « CPA-1: Landfill gas
recovery, energy generation and biogas distribution from Santa Rosa » n’est pas un projet MDP
« indépendant ». Il fait partie du programme « Programs of activities » (PoA), géré par une banque
publique brésilienne, la Caixa Econômica Federal. Mais, pour mieux comprendre ce projet MDP à
Seropédica, il faut discuter brièvement de la logique du fonctionnement du PoA. Cette modalité
d’enregistrementdesprojetsinscritedanslecadreduMDPaétéétablieparleCCNUCCen2007.Ainsi,au
355
lieud’avoirunProjectOwnerparprojet, legestionnaireduprogramme,uneentitépubliqueouprivée,
devient responsabled’unecertainequantitéde réductiondesémissionsàpartird’unsecteurd’activité
spécifiquesurunterritoirecirconscrit.CetteentitéenregistreceprogrammederéductiondeGESauprès
du Conseil Exécutif de la CCNUCC (UNFCCC, 2017a). Ainsi, après l’enregistrement de l’ensemble du
programmequidéfinitl’objectifglobalderéductiondesémissionsd’undomainespécifique,l’entitépeut
ensuiteenregistrerplusieursCPA(« ComponentProjectActivity »)demanièreplus« autonome ».LesCPA
sont des projets de réduction des émissions à de petites échelles qui composent l’ensemble du
programmeetquiaidentàatteindrelemontantderéductionglobalfixéenamont.
En réalité, le PoA opère à deux niveaux. Le premier consiste en l’établissement de la structure du
programme où le domaine, la quantité et les modalités de réduction sont établis par l’organisation
responsable. Ensuite, la gouvernance du PoA se structure dans la mesure où les conditions de
« surveillance » des activités, d’enregistrement et de validation des crédits auprès de la CCNUCC sont
prisesenchargeparcetteentitéetvalidéesparleConseilavantl’inclusionduCPA.Unefoislecadredu
PoA dessiné, le deuxième niveau consiste à créer (ou chercher) des « mini-projets » de réduction des
émissions. Les projets doivent respecter la structure générale enregistrée du PoA. Normalement, au
moment de la validation du PoA, il y a aussi l’enregistrement du premier CPA, le CPA-1, de sorte à
« valider »leprogrammeensoi(ClimateFocus,2011).
La création de cette modalité dans le cadre du MDP avait comme objectif de réduire les obstacles
administratifsrencontréspar lespays lespluspauvresde lanon-AnnexeIduProtocole.Lesprocédures
bureaucratiques pour enregistrer et valider un seul projetMDP sont lentes, couteuses et portent des
incertitudesquantauxémissionsdecréditsCO2.Ilfautpréciserquel’émissiondescréditsseconcrétise
environdes9moisàunanaprèsl’enregistrementduprojet(Cormier&Bellassen,2012).Envuedeces
éléments, le mécanisme fait l’objet de plusieurs critiques408. Par conséquent, le scénario duMDP est
exclusivement dominé par les pays les plus riches du Non-Annexe. Les problèmes structurels du
mécanisme laissent peu de place aux pays plus pauvres de l’Afrique et du Moyen-Orient, car ils ne
possèdentpasd’infrastructuresetunsavoir-fairesuffisantspourmonterdesprojetssansunfinancement
préalable(Cozijnsen&Coren,2009).Decefait, lePoAestnéde lademandedespaysfaisantpartiedu408Voirchapitre1delathèsepourunediscussionplusapprofondiesurleslimitesduMDP,ainsiqu’uneanalyseduproblèmestructureldelaséparationsuperficielleentre«paysdéveloppés»et«paysendéveloppement»auseinduProtocole.
356
traité à procéder à des réformes au sein du fonctionnement duMDP. Ces réformes sont issues d’une
demande pour que la réduction des GES soit viabilisée et répandue aux pays « véritablement » en
développement. Théoriquement, les PoA peuvent aider àminimiser les dépenses avec les procédures
bureaucratiquesassociéesauxrisquesdevalidationdescréditsCO2.D’aprèslaCCNUCC,laprésenced’un
organismeresponsabled’unprogrammepeutencourager lacréationdeprojetsàdepetiteséchelleset
contribuer à une réduction deGES plus importante dans des pays plus pauvres (Cormier,&Bellassen,
2012).
LeprojetMDPdeSeropédicafaitpartiedu« PoA »delaCaixaEconômicaFederal(CEF).LePoAcrééparla
CEFestexclusivementdédiéàréduiredesémissionsdansledomainedesdéchets.Étantintitulé« Caixa
Economica Federal Solid Waste Management and Carbon Finance Project », le « CPA » de Seropédica
représente le premier projet de ce programme. Cette banque publique a été le premier organisme à
prendreenchargeunProgramofActivitiesauBrésil.LaCEFafinancéavecunbudgetde200millionsde
dollars la mise en place de la réduction des émissions de méthane par la torchère dans la décharge
contrôléeparl’entrepriseCiclus.(ClimateAction,2014).Enréalité,ceprogrammemisenplaceparCaixa
est une action en partenariat avec la Banque Mondiale. Ces deux institutions ont comme l’objectif
d’encourager la fermeturedesdéchargesàcielouvertet la réductiondeGESprovenantdedéchetsau
Brésilàtraverslefinancementpourlaconstructiondenouvellescentralesdetraitementdesdéchets.Le
PoAdeCaixaestuneactionenpartenariataveclaBanqueMondialeoùcetorganismeinternationalamis
unprêtàdispositiondelaCEF.CeprêtsertàfinancerlesprojetsMDPauseindesdécharges.Àl’exemple
du projet NovaGerar, la Banque Mondiale joue également le rôle de trustee. Autrement dit, elle se
positionnecommel’intermédiaireentreleProjectOwneretl’acheteurfinaldescrédits(TheWorldBank,
2011).
357
Figure77:L’entréedelaCTRCiclusaveclespanneauxdesorganismesderrièresamiseenplace
7.1.4.1LesacteursderrièrelefonctionnementduMDPàSeropédica
Exactementcomme il aété fait lorsdesmonographiesdeGramachoetdeNovaGerar, cettepartieest
dédiéeàuneprésentationtrèsrapidedesacteursimpliquésdirectementetindirectementdansleprojet.
Lavisionglobaledel’hétérogéniedesacteurscorroborelefaitquelamiseenplaceduMDPrenforceles
structureslocalesetpeut,éventuellement,parlebiaisdugainéconomique,àtraverslaventedescrédits
carbone,consolider les inégalitésenvironnementales.Unautreaspectqui se révèle intéressantdans la
visualisationdetouslesacteursdanscettedernièremonographieestlefaitd’observerlarécurrencede
certains acteurs privés dans le secteur de traitement des déchets dans l’État de Rio. L’apparition des
entreprises identiques sous la forme de partenariat, actionnaires ou joint-venture dans le champ des
déchetsàRiodeJaneirovadanslesensdelaconceptualisationdeWaldman(2013)surl’organisationdes
acteurs dans le domaine des déchets au Brésil. LeDiretorado do Lixo (« réseau fermé de déchets »409)
représenteune association très solide entre les entreprises privées qui contrôlent les décharges et les
pouvoirs municipaux dans la gestion des décharges sanitaires. Le réseau d’acteurs « très blindé » des
déchetsauBrésilnelaissepasl’espaceàlavoixdelasociétécivile,audévoilementdesinformations,ainsi
quelechoixd’unautretypedetechnologiedetraitementdesdéchets.Afind’entretenirleDiretoradodo
Lixo,leréseauopèredansl’objectifdenepasinvestirdansunepossiblediversitédesacteursgagnantles
409Traductionlibre.Nousappelonségalement«clandesdéchets».
358
contrats publics de concessionde traitement des déchets.Onpeut voir ci-dessous la cartographie des
acteursquiparticipentduCPAdeSeropédica.
Figure78:CartographiedesacteursparticipantauCPA-1deSeropédica.
Àl’échelleinternationale,nousvoyonslaCCNUCC,quiaenregistréetvalidéle« ProgramofActivities »de
laCaixaEconômicaFederal.Commedéjàmentionnéauparavant,laBanqueMondialeparticipeauprojet
comme l’intermédiairede laventedescréditsainsique financeurde laCEF.Comme trustee, laBanque
négociel’achat« provisoire »descréditspourleFond,intituléCarbonParternishipFacility,afindegarantir
unprix« juste »àcescréditsauxProjectOwners.IlestintéressantdesoulignerquedanslecadreduPoA,
le DOE fait une pré validation du programme entier auprès de l’entité responsable. Autrement dit,
l’inclusion de chaque « mini-projet » ne fait pas objet d’un processus de validation d’une Entité
359
Opérationnelle Désignée. Le DOE se présente à nouveau seulement au moment où chaque projet
composant le programme émet les crédits. Cette entité indépendante doit vérifier les émissions des
créditsCO2 de chaque projet. Le DOE responsable pour la validation du PoA de la Caixa Econômica
Federalestl’entrepriseEPICSustainabilityServices.
Auniveaunational,nousvoyonslaComissãoInterministerialdeMudançadoClima,l’AutoritéNationale
Désignéebrésilienne,dontlerôleestd’approuverlesprojetsMDPauniveaunationalselonlesnormesde
laCCNUCC.Àl’instardesdeuxautresprojets,saparticipationestessentiellementbureaucratique.Dansle
cadreduPoA,laCommissionémetuneseulelettred’approbationpourleprogrammeentier.Concernant
laCaixaEconômicaFederal,nousavonsexpliquélerôledecetteBanqueNationaledanslaréalisationdu
projet de Seropédica, une particularité à l’égard d’autres projets MDP faisant partie du corpus de
recherchede lathèse.LeprojetdeSeropédicaest lepremiercomposantduProgramofActivitiesde la
CEF.
À l’échelle locale, l’entreprise Ciclus n’était pas responsable de la procédure bureaucratique
d’enregistrementduprojetetde lavalidationdescrédits.Eneffet,unfinancementprovenantdecette
banquepubliqueaétéattribuéà l’entreprisepourqu’ellepuissemettreenplace les instrumentsde la
capture duméthane. Ciclus est une joint-venture fondée en 2010 entre les entreprises FoxxHaztec et
JulioSimões.L’entrepriseFoxxHaztec,spécialiséedans ledomainedutraitementdesdéchets,possède
50%desactionsde laCiclus. Ilest importantdesoulignerque lasociétéFoxxHaztec figureégalement
commel’entrepriseresponsablepourl’opérationdelaCTRNovaIguaçuetduprojetMDPdeNovaGerar.
La société Julio Simões, est un groupe spécialisé dans le domainedu transport et dans les services de
logistique.ExactementcommeçaaétéfaitdansleprojetdeNovaGerar410,lastratégiedecréerunejoint-
venture danslemarchéducarbonesertàcombinerlesdifférentstypesd’expertises.Cettestratégiepeut
donner de la robustesse à l’activité du projet à travers la rencontre des différents savoir-faire dans le
domaine de la gestion des projets environnementaux (Newell, 2010). En vue de « l’omniprésence » de
l’entreprise FoxxHaztec dans le secteur de traitement des déchets dans l’État de Rio, une publication
410Avecl’entrepriseHaztecetEcoSecurities
360
dans le Diário Oficial411 en 2016 le confirme. Conformément au tableau ci-dessous, cette société est
responsabledutraitementd’environ75%dumontantdetouslesdéchetsproduitsdansl’ÉtatdeRio.
Figure79:Laquantitédedéchetstraitésparlesentreprisesresponsablesdesdéchargessanitairesdansl’ÉtatdeRio
Source:DiárioOficial,2016a.
Parmi les9entreprisesquicontrôlent lesdéchargessanitairesdans les limitesduterritoirede l’Étatde
Rio de Janeiro, Haztec qui contrôle la SERB412, raison sociale de l’entreprise Ciclus, arrive en tête du
classement. Elle est responsable du traitementdeplus dedouzemille tonnesdedéchets produits par
jourdans lamétropoledeRiodeJaneiro.Ainsi,commeWaldman(2016) lesouligne, ilexisteunréseau
fermé dans le secteur. Ce réseau est composé par certaines entreprises privées articulées avec les
pouvoirsmunicipaux.DansceréseaulocalquinourritleprojetMDPdeSeropédica,nouspourronsvoirla
COMLURB,lacompagniepubliqueresponsabledelagestiondesdéchetsdanslavilledeRioayantfaitla
concessiondudépôtetletraitementdesdéchetsdelamunicipalitédeRioàl’entrepriseCiclusàtravers
uncontratdeconcessionquiarriveàtermeen2026(DiárioOficial,2016c).Différemmentduprocessus
d’attributiondespermisenvironnementauxpourlesprojetsMDPdeGramachoetNovaGerar,danslecas
deSeropédica,lerôledel’INEA(InstitutoEstadualdoAmbiente)asuscitébeaucoupplusdediscussions
et de controverses, comme déjà analysé au début de cettemonographie. L’émission des trois permis
environnementaux413pourl’installationdeladéchargeestpasséeau-dessusdel’opiniondelapopulation
localeenfaisantuneconfiance«aveugle »àlacapacitédelatechnologieàatténuerlesrisquesdefuite
dulixiviat.EnréponseàlaCPIdoLixoen2015etàlaconcrétisationdurisquedefuiteen2016,l’ALERJa
demandéquel’INEAsurveillelefonctionnementdelaCTRplusrigoureusement.411Lapresseofficielledugouvernementdel’ÉtatdeRio412SaneamentoeEnergiaRenovaveldoBrasilS/A413PermisPréalable(LicençaPrévia);Permisd’Installation(LicençadeInstalação);Permisd’Opération(LicençadeOperação)
361
La Marie de Rio de Janeiro participe aussi indirectement au projet MDP, d’un côté par le biais de la
COMLURB414, et de l’autre, dans la mesure où la construction de la CTR a été également un projet
sponsoriséparlaMariedeRiopourremplacerladéchargeàcielouvertdeGramacho.(PrefeituradoRio
deJaneiro,2010a).Ladéchargestockeen intégralitétous lestypesdedéchetsprovenantde lavillede
RiodeJaneiro.Dans lecontratdefinancementpour laconstructionladéchargeentreCaixaetCiclus, il
estétabliuneobligationpour la créationd’unpland’inclusion socialedescatadores.Ainsi, l’entreprise
Ciclusafaitappelàl’ONGSercidadãopours’occuperdel’assistancesocialedecestravailleursainsique
delacoopérativeCOOTRASER415.
A part les déchets de la ville de Rio, la CTR Rio traite également les déchets des municipalités de
Mangaratiba, Itaguaí, Queimados et Seropédica (Prefeitura do Rio de Janeiro, 2015). La décharge
possède, donc, des contrats de concession de traitement des déchets signés auprès des Mairies de
Seropédica,Mangaratiba, ItaguaíetdeQueimados. LaMairiedeSeropédicaa vuaugmenter le revenu
des impôts en raison de l’hébergement de la décharge, comme nous avons discuté dans les parties
précédentesdecettemonographie.CelainclutindirectementcesacteursdansladynamiqueduMDP.Ils
contribuent indirectementà laproductiondescréditsCO2dans lamesureoùuneplusgrandequantité
dedéchetsorganiquesstockésgénèrentplusd’émissionsdeméthane.Parconséquent,celareprésentela
productiond’unplusgrandvolumedecréditsCO2.
7.1.4.2LefonctionnementduprojetMDPdeSeropédica:l’invisibilitédelacontroverseautourdel’intoxicationdel’aquifèredePiranemaauprèsdelaCCNUCC
Le projet de Seropédica emploie la méthodologieACM0001, une méthodologie de réduction des
émissionsdéjàétablieci-devantdansleProgramofActivitiesdelaCaixa.Commenousavonsdéjàévoqué
lorsduprojetNovaGerarquiemploieaussi l’ACM0001, laportéedecetteméthodologieestassez large
concernantlaréductiondeméthaneàpartirdesdécharges.Laversiondecetteméthodologieappliquée
à la CPA-1 de Seropédica prévoit la réduction duméthane des décharges à partir de la torchère et la414LaCOMLURBestunesociétémixtedontlaMariedeRioestl’actionnairemajoritaire.VoirChapitre3delathèsepouruneanalyseplusapprofondiede ladynamiquede lagestiondesdéchetsauBrésil,etplusspécifiquementdans lavilledeRiodeJaneiro.415Cettequestionseradéveloppéedanslapartiesuivante.
362
possibilitédelaproductionénergétiqueàpartirdubiogaz.Cesdeuxactivitéssontprévuesdansle« CPA »
parcequ’ellessontconsidéréescommedesactivitéscomplémentairesdans l’exploitationdubiogazdes
décharges.Toutefois, selon laméthodologiede réductiondesémissionsemployées,pour lagénération
descréditsCO2,ilsuffitdemettreenplaceunedesdeux.Decefait,lorsdutravaildeterrainen2015416,
il a été constaté que la réduction de GES à la CTR Rio se faisait exclusivement par le flaring. Les
équipements pour la production énergétique n’étaient pas encore mis en place. En outre, les
informationssur lesitedel’entrepriseCiclusconfirmentquelaréductiondesémissionsdubiogazdela
déchargesefaitseulementparle« flaring »417(Ciclus,2017).
LaconsultationàlasociétécivileconstitueuncritèreétablitparlaComissãoInterministerialdeMudança
doClimapourlapromotiondu« développementdurable »àtraversleMDPauBrésil.Decettemanière,
en 2010, le « CPA-1 » de Seropédica a procédé à la consultation des parties prenantes du projet
(« stakeholderconsultation »).En réalité, leprocessusdeconsultationdespartiesprenantesconsistaità
l’envoi de lettres à des organisations pouvant, éventuellement, être impactées négativement par le
fonctionnement du projet MDP. Nous voyons sur le tableau ci-dessous les entités consultées lors de
l’élaborationduprojetMDPdelaCTRRio.
Tableau26:lesorganisationsconsultéeslorsdelamiseenplaceduprojetdu« CPA-1 »deSeropédica.
Source:ComponentProjectDesignDocument,2011.
416Commeilaétéprécisédanslechapitredeméthodologie(Chapitre4)àproposdeslimitesdemonterrain,Ilestimportantderappelerque laCTRRioétait l’étudedecas leplusdifficiled’accèsauxacteurscomptetenude lacontroversequitourneautourdel’aquifèredePiranema.LeseulentretienfaitauseindeladéchargeàSeropédicaaétéinterditd’êtreenregistréetnous ne pouvons pas mentionner ses extraits comme nous avons fait lors des monographies de Gramacho et NovaGerar.(participant1POSE15dansletableaudesparticipantsquisetrouveàl’Annexedelathèse).417Rappel:Leflaringoulatorchèreconsistedansunprocessuschimiquequireprésentel’actiondebrulerlebiogazprovenantdedécharge.CeprocessusrésultedelalibérationdeCO2etd’oxygènedansl’atmosphère.
363
IlestprécisédanslePDDqueleslettresenvoyéesauxorganisationsinvitaientcesacteursàconsulterle
document d’élaboration du projet. Ils étaient aussi incités à faire des commentaires ou à poser des
questions.Pourtant,selonledocument,nil’entrepriseCiclus,nilaCaixaEconômicaFederaln’ontreçude
commentaire entre le 10 et le 23 aout de l’année de l’élaboration du projet. Ainsi, à la fin de cette
périodedeconsultationdéterminéeparlesProjectOwners,etenvuedel’absencedecommentaires,ils
ontconsidéréqueleprojetMDPdeSeropédicanereprésentaitpasd’impactnégatifsurlacommunauté
locale.Au-delàde laquestionde l’impactduprojet sur lacommunauté locale,CiclusetCaixa justifient
danslePDDquelamiseenplaceduprojetnecausepasd’impactenvironnementalsurlamunicipalité.Ils
le justifient par le fait que le projet possède les permis environnementaux délivrés par l’INEA. Ce
justificatif peut sembler suffisant aux yeux du Conseil Exécutif de la CCNUCC puisque l’entité analyse
exclusivementunprojetMDPàpartirdesonfonctionnementtechniqueafind’émettredescréditsCO2.
Onpréciseànouveauquelecritèresocio-environnementaln’estpasdéterminantpourl’enregistrement
d’unprojetMDP, selon lesnormesde laCCNUCC.Decettemanière,quand les responsablesduprojet
mentionnent que l’activité possède les permis environnementaux de fonctionnement délivrés par les
pouvoirs publics brésiliens, le Conseil Administratif du MDP semble partir du principe que le
fonctionnementduprojetnefaitpasdébatàl’échellelocale.Celasejustifieparlefaitquedanslecadre
duMDPlaprésentationetl’évaluationdecescritèressontsimplementbureaucratiques.Autrementdit,
les « contributions socio-environnementales » du projet sont déclarées dans le PDD et ne sont pas
vérifiéessurleterrain.Ainsi,enmatièrederemplissagede« dossiers »,lefonctionnementduMDPquiest
étroitementassociéaufonctionnementdeladéchargeneprésenteaucunrisqueenvironnementalsurla
populationlocale.
« All Environmental impacts were raised at the Environmental Study
Assessment prepared to the Landfill Process of Environmental
Lisensing, and submitted to INEA— Instituto Estadual do Ambiente (Rio
de Janeiro State’s environmental authority). According with the study, no
transboundary impacts for the gas project are expected and the impacts
raised are positive, once the project involves activities that will improve
the baseline scenario and the environmental quality of the CTR Santa
Rosa, including the LFG collection system, leachate treatment
improvement, final closure and capping of the landfill and monitoring of
environmental parameters (groundwater quality leachate treatment
facility monitoring) » (PDD, 2015)
364
Lacontroversedueàl’installationdelaCTRau-dessusdel’aquifèredePiraneman’apparaîtpasdansdes
documents officiels envoyés au Conseil Exécutif du MDP. La négligence de ce débat de la part des
organismes responsables du projet apparaît clairement dans la rédaction du PDD. Nous trouvons cela
évidentàtraverslafaçondontilsontanéantilesimpactsenvironnementauxduprojetsurlapopulation
locale en faisant mention de la possession des permis environnementaux. Il est vrai que le fait de
posséder des permis environnementaux représente un signe de que le projet a été évalué par les
autorités publiques locales et qu’il ne présente pas de risques environnementaux. Mais comme nous
avonsdéjàdiscuté,dans la réalité sociale, ceprocessusdedélivrancepeutêtre instrumentalisépar les
rapportsdepouvoirsasymétriquesetlesjeuxd’intérêtsdesacteursauniveaulocal.
Deplus,unautreaspectquiparaitconfirmerlesouhaitderendreinvisibleledébatpourl’enregistrement
duprojetdanslecadreduMDPestaussitraduitdanslamanièredontleprocessusdeconsultationdes
parties prenantes a été mené. Il faut attirer l’attention quant aux organismes consultés lors de
l’élaboration du projet et ceux qui étaient effectivement les protagonistes du débat pendant les
assembléesà l’ALERJ418durant laconstructiondelaCTR.LeForumdeMobilizaçãoContraoAterro,une
entité présente et active lors des audiences publiques à l’ALERJ, composée, d’ailleurs, par un comité
scientifique de l’Université Rurale de Rio ayant présenté plusieurs rapports techniques contre
l’installationdeladéchargen’apasétécontactépourlamiseenœuvreduprojet(ANDES-SN,2011).Les
habitants de Seropédica très présents dans le débat et qui représentent des acteurs impactés
directementpar le fonctionnementde ladécharge,n’ontpasétémentionnés,ni semblent représentés
paraucunorganismecitédanslePDD.
Il est intéressant de voir que la seule entité non gouvernementale qui a été approchée par les
responsables du « CPA-1 de Seropédica » était le Forum Brésilien des Mouvements Sociaux pour
l’EnvironnementetleDéveloppement(FBOMS419).Cependant,aumomentdelarecherchedocumentaire
pourlathèse,cetteONG,baséeàSãoPaulo,n’enregistreaucuneactionconcernantlacontroversedela
418 Plusieurs professeurs et étudiants de l’Université Fédérale Rurale de Rio de Janeiro, des habitants de Seropédicacomposaient le «Forum deMobilização Contra o Aterro» (Forum deMobilisation Contre la Décharge). Cette entité a étéorganiséepourfairefaceàlaconstructiondeladéchargesanitairelorsdesconsultationspubliquesàl’époque.419FórumBrasileirodeONGseMovimentosSociaisparaoMeio-Ambiente.
365
miseenplacedeladéchargeàSeropédica,dansl’ÉtatdeRiodeJaneiro.Enréalité,ledomained’activité
decetteONG,financéeparleMinistèredel’Environnement,estexclusivementfocalisésurlavisibilitéde
participation de la société civile dans les projets de loi à l’échelle fédérale. La FBMOS est aussi très
présentedans les conférences internationalesafindediscuterdesmesuresqui visent la concrétisation
desactionsversledéveloppementdurable(FBMOS,2017).Desortequ’iln’estpaspossibled’établirun
lienentrelaFBOMSetlaquestiondel’aquifèredePiranema,unecontroverseexclusivementlocaledela
municipalitédeSeropédica.
De ce fait, l’absencedeparticipationde la communautéde la villedeSeropédicadans lemontagedu
projetMDPdelaCTRRiorenforceencoreunefoislanégligencedudébatdelapartdesacteursprivés.La
nécessitéd’avoiruneapprobationduprojetetd’acquérirlescréditsCO2amènetouslesacteurs(privés
et publics) impliqués directement dans le « CPA-1 » de Seropédica, à vouloir cacher la controverse de
l’ÉtatbrésilienetdelaCCNUCC.LaposturedelaCIMGCdanslapromotiondu« développementdurable »
auBrésilàtraversleMDPestremiseenquestionpuisquel’Étatbrésilienn’apascréédedispositifspour
vérifier la contribution socio-environnementale de chaque projetMDP dans le pays. Cette entité « fait
confiance » aux responsablesdesprojets à partir de la présentationdesdocuments. Pour laCIMGC, la
seule présentation des documents est suffisante comme étant une traduction de la réalité locale du
projet.Decettemanière,lescontributionssocio-environnementalesduMDPpeuventdevenirdesrécits
instrumentalisésdanslePDDparlesProjectOwnersetd’autresacteursderrièrelefinancementduprojet.
LecasdeSeropédicanousfaitréfléchirsurlafaiblecapacitéduMDPàpromouvoirunchangementlocal.
LeMDP,dans lecasdeSeropédica,nebouleversepas lesstructures localesni lesrapportsdepouvoirs
locaux.Eneffet, lemécanismeenabesoinpourlaconcrétisationdesprojets.Cesontlesacteursprivés
les plus puissants localement, ensemble avec les pouvoirs publics qui possèdent lesmoyens financiers
pour la mise en place des projets à l’échelle locale. De ce fait, quand le mécanisme se prétend à
encouragerle« développementdurable »danslespaysenvoiededéveloppement,leConseilExécutifde
la CCNUCCne dessine pas une architecture normative pouvant réglementer et définir précisément les
actionsde« développementdurable »auseindesdifférentsprojets.Laparticipationde lasociétécivile
dans lamise enœuvre du projet, prévue dans les lignes directrices dumécanisme, figure comme un
élément faisantpartiede lapromotionde la« durabilité ».Cependant, iln’existepasde règlespouvant
normaliserlescénariodeparticipationdelasociétéciviledanslamiseenœuvreduMDP.AinsiBoydetal.
366
(2009) soulèvent plusieurs questions structurelles à propos du processus de consultation des parties
prenantesdanslemécanisme.Quelestlepouvoirdedécisiondelasociétécivileauseind’unprojet ?Et,
d’une façonplusgénérale,quelles sont lesentitésquiparlentaunomde la sociétécivile ?Dansquelle
mesure,cesorganisations,sont-ellesreprésentativesdela« sociétécivile » ?
L’absencederéglementationetdesprécisionsdansl’architecturedumécanismedelaparticipationdela
sociétéciviledanslamiseenœuvredesprojetsainsiquelesparamètresdelaconcrétisationdelanotion
de « développement durable » laisse place à des cas comme celui de Seropédica. La consultation des
partiesprenantesaétéeffectuéedesorteànepasmettreenlumièrelacontroversesurl’intoxicationdu
Piranema.Celanemetpasenpérill’enregistrementetlavalidationduprojetauseindu« PoA ».Comme
déjàdiscutée auparavant, cettemanœuvredes acteurs auniveau local permetque leMDP, auniveau
international, finisse par légitimer des actions qui renforcent ou fabriquent des injustices
environnementales.
7.2LASITUATIONACTUELLEDELACOOPÉRATIVEDESANCIENSCATADORES DESEROPÉDICA:LEPROLONGEMENTDELAFABRIQUEDESINJUSTICESENVIRONNEMENTALES.
Encontinuantsur laquestionde larésolutionoude lacréationdes inégalitésenvironnementales,nous
allons discuter de la situation des catadores des anciennes décharges à ciel ouvert de Seropédica et
Itaguaí.ApartlelixãodeGramacho ;laCTRdeSeropédicaaaussiremplacécesdeuxanciennesdécharges
fermées en 2012, l’année de son inauguration (Prefeitura do Rio de Janeiro, 2011). À l’instar des
GramachoetMarambaia,ilyavaitdescatadorestravaillantauseindesdéchargesàcielouvertdeItaguaí
etSeropédica. Selon lesdocumentspublicsde laCaixaEconômicaFederaletde l’entrepriseCiclus, il y
avaituntotald’environ120catadoresquitravaillaientdanscesdécharges(Ciclus,2017b).
Ensembleavec leProgramofActivities, laCaixaaétablidans lecontratdefinancementde ladécharge
avecl’entrepriseCiclusl’obligationdelamiseenœuvred’unprogrammed’inclusionsocialedesanciens
catadoresdecesdeuxdécharges: lePISCA(« Pland’InclusionsocialedeCatadores »420).Ceprogramme
420PlanodeInclusãoSocialdosCatadores.
367
fait partie d’un autre programme de grande portée de l’entreprise, le PGSA (Plan de Gestion socio-
environnemental421). LePGSAestunplande l’entrepriseCiclusquiprévoitdesactionspour laprisede
consciencepar lapopulation localede Seropédicadans la gestionenvironnementale locale.Cela inclut
desactionséducativessurlavalorisationdesdéchetset l’afforestationdesalentoursdeladécharge.Le
plan prévoit la revitalisation des anciennes décharges d’Itaguaí et Seropédica ainsi que la création des
ateliersdecompostage,devalorisationdesmatériauxrecyclablesetdesplantationsdesemisenbénéfice
delacommunautélocale(Ciclus,2014).
Figurantcommeuneobligationcontractuelle,lesactionsinclusesdanslesplanssontexclusivementprises
en charge par Ciclus. Ainsi, le PISCA, le plan dédié à l’inclusion sociale des « catadores », prévoit la
construction d’une coopérative pour la formalisation de ces travailleurs. Au départ, en 2013, la
COOTRASER avait 25 anciens catadores inscrits (Ciclus, 2013). Mis à part la construction de la
coopérative, le PISCA prévoyait également le financement des formations exclusivement pour les
travailleurs affiliés à la coopérative. Les contenus des formations consistaient dans l’insertion des
individusdanslemarchéformel,desformationsdanslagestionetcomptabilitéetdesformationssurla
pratique du coopérativisme. Tous les travailleurs avaient droit à un suivi personnel par une assistante
sociale, rattachéeàuneONG,durant5 ans (2012-2017) après la fermeturedesdéchargesd’Itaguaí et
Seropédica. L’objectif de ce suivi était d’accompagner l’insertionprofessionnelle et l’entréedans la vie
« formelle »desancienscatadores.
« Au début, il y avait 116, et de ces 116, maintenant on
accompagne seulement 74… car quelques-uns ont déjà réussi
à rentrer dans le marché formel, ils ont réussi… ils vont bien.
Mais le reste… il y a beaucoup des gens qui ont des problèmes
de documentation, santé, tu sais ? Tous les types de problèmes
que tu peux l’imaginer ! Donc, on fait cet accompagnement
quoiqu’il ait passé beaucoup de temps… car depuis 2012,
quand les décharges à ciel ouvert ont fermé, il y a toujours un
tas de difficultés… »
(Assistante sociale — 1ASSE15)
421PlanodeGestãoSocioAmbiental.
368
Ainsi,en2015,lorsdemontravaildeterrain,j’aipuconstaterlasituationdelacoopérativeforméepar
les anciens catadores de Seropédica, la COOTRASER422. En mai de cette année, la coopérative ne
possédait que 19 personnes inscrites, mais seulement 9 contribuaient effectivement au travail de
traitementdesmatériaux.Afindemieuxcomprendrelasituationd’extrêmeprécaritédesmatériauxqui
empêchent la structure d’avancer, il faut attirer l’attention sur les personnes composant l’organisme.
Parmiles9personnes,ilyaunmonsieurâgédeplusde60anset8femmes.Laraisond’avoirunnombre
trèsbasdepersonnesassociéesàlacoopérativeetd’avoirunabandonconsidérabledestravailleursestla
mêmequimetenpérillePolodeGramacho:l’absencedesactionssurletriàl’échellemunicipale.Avant
dediscuterlaquestiondutridanslamunicipalitédeSeropédica,ilfautdécrirebrièvementlecontexteet
lesconditionsdefonctionnement(oudunon-fonctionnement)delaCOOTRASER.
Premièrement, lacoopérativesetrouvedansunerégiontrèsruraledelamunicipalitédeSeropédica,à
environ30minutesducentredelaville,oùiln’yapasd’accèsparletransportencommun.Laruedans
laquellesetrouvel’établissementn’estpasenbéton,celarendencoreplusdifficileslesaccèsdurantles
périodesdepluies.Toutefois,cequinousasurprislorsdutravaildeterrainétaitlefaitquelacoopérative
nefonctionnaitpas.CeconstatseraitplustardlégitimédanslerapportdelaCPIdoLixoetpubliéen2016
danslaPresseOfficielledel’ÉtatdeRio(DiárioOficial).Leséquipementsdetriétaientarrêtés,etselonun
anciencatador,«ilsn’ont jamais fonctionné ». Ilnousaexpliquéque lesmachinesétaientenpanneen
raisond’unemauvaiseplanificationdanslaconstructionduhangarquineprotègepaslesmachinesdela
pluie.
422 La démarcheméthodologique de contacter les coopératives desmatériaux recyclables des anciens catadores a suivi lamême logique que celle faite dans les deux monographies précédentes. Les coopératives figurent comme un moyen plusaccessiblepourconnaitrelasituationactuelledesancienscatadoresayantchoisidecontinueràtravaillerdansledomainededéchets,malgrélafermeturedesdéchargesàcielouvert.
369
Figure80:LecheminpouraccéderlaCOOTRASER
La coopérative ne possède pas un camion pour aller dans les entreprises pour faire la collecte des
matériauxdirectement.Desortequ’elleabesoind’unpartenariatavecdesentreprisespouvantapporter
lesmatériaux.Enconséquencede l’absencedecamion, larecherchedesmatériauxdans laruefutune
solution« informelle »quelestravailleursonttrouvéeafindecontournercettedépendanceducamionet
apporterdesressourcesàl’organisation.Cependant,lefaitd’avoirunemajoritédefemmesetunterrain
d’accèstrèsdifficile,lacollecteinformelledevientaussitrèscompliquée.Cettecollecteestfaitedansun
grand sac423 qui s’avère difficile à transporter en fonction de son poids et de la difficulté du chemin
donnant accès à la coopérative.Malgré les efforts pour établir un partenariat ou aller à la recherche
« autonome » de matériaux, il y a deux facteurs structurels qui empêchent son fonctionnement: le
manque d’infrastructure d’accès (les rues du quartier ne sont pas bétonnées) et la précarité de
l’infrastructuredelacoopérative(machinesenpanneenraisond’uneconstructionprécaireduhangar).
Donc,sil’absencedetrimetenpérilletravaildelacoopérativeenraisondel’absencedematériaux,une
mauvaise infrastructuredetravailaggravedavantage lasituationdevulnérabilitédesancienscatadores
ayantchoisidecontinueràexercerleurmétier.
423Ouune«bag»commelescatadoresl’appellent.
370
Figure81:LesmachineshorsservicesdanslacoopérativeCOOTRASER
Figure82:LehangardelaCOOTRASERdansunscénariod’abandon
424
424Lecamionquisetrouvesur laphoton’appartientpasà lacoopérative. Ilestvenuà lademandede l’entrepriseCiclusaumomentdelavisiteafindecommencerlechantierpourlaréparationduhangar.
371
« Et donc, la Marie a fait cet accord avec la Ciclus. Mais la
Ciclus retarde toujours le chantier. Parce que c’est comme ça,
ils ont fait un accord… le projet était de faire comme ça (il
indique comment serait le hangar pour éviter la pluie)… mais
après qu’il a été terminé, il a été observé qu’il pleut dedans et il
n’y a pas moyen ! Un truc tellement clair, non ? On n’a pas
besoin d’être ingénieur pour voir qu’il pourrait pleuvoir
dedans… »
(« Catador » – 1ACSE15)
Aumoment de la visite, le camion qui figure sur la photo ci-dessus est arrivé à la coopérative afin de
commencerlechantierderéparationduhangar.Selonmesparticipants,lademandederéparationaété
faiteilyaplusieursmoisàl’entrepriseCiclus,responsabledufinancementdelacoopérative.Toutefois,
enraisonduretardprispour ledémarrageduchantierdont l’objectifétaitdecorriger l’architecturedu
hangar, les équipements ont demeuré hors service pour encore plus longtemps que prévu par les
travailleurs. Ces « imprévus » ont reporté encore le fonctionnement effectif de l’organisation et ont
contribué,parconséquent,auprolongementdeladifficultéfinancièredescatadores.
« Parce que tu sais, c’est un travail très difficile, ardu… Ils
aiment travailler avec les matériaux recyclables, tu comprends ?
(…) Quand ils travaillaient dans la décharge à ciel ouvert, ils
gagnaient beaucoup plus d’argent, non ? Et ici ils gagnent
beaucoup moins… Donc ; beaucoup de gens ne veut pas… ils
disent que quand la coopérative sera en partenariat avec les
entreprises, on va avoir beaucoup plus d’argent. Et ça ira ! Mais
venir ici pour gagner 200 ou 300 Reais… il vaut mieux travailler
dans quelque chose d’autre. »
(Assistante sociale — 1ASSE15)
Lepeudematériauxquelesneufancienscatadoresarriventà« récolter »estvenduàdesintermédiaires,
desacteurspossédantlesmoyenspourlesfairetraiteretensuitelestransporterjusqu’àl’acheteurfinal
poursatransformation.Decefait, lestravailleursdeCOOTRASERfinissentparavoirunrevenumensuel
beaucoup plus bas que celui établi dans le SMIC brésilien425. Bien que l’aide à l’inclusion sociale des
425LestravailleursdeCOOTRASERgagnentenviron300Reaisparmois,tandisquelesalaireminimumauBrésilestàlahauteurde937Reais.Ainsi,unanciencatadorquiachoisifairepartiedelaCoopérativegagneuntiersdusalaireminimum.
372
catadoresparl’entrepriseCiclussoitprévueparlecontratauprèsdelaCaixaEconômicaFederal,laCPIdo
Lixo a constatéunenégligencede l’entreprisepar rapportà l’inclusiondes« catadores ». Le rapportde
cettecommissionpubliéen2016amontréque l’aideà l’inclusion socialedescatadores estassociéeà
l’encouragement de la mise en place d’une politique de tri dans la municipalité de Seropédica. Cet
élément figuraitcommeunedesexigencesde l’INEAà l’entrepriseCicluspour ladélivrancedespermis
environnementaux.Envuedecescénariod’abandondelacoopérativeassociéàlaquestiondulixiviat,la
CPIarenforcélanégligencedel’INEAdanslecontrôleetlasurveillancedesactionsdesresponsablesde
ladécharge(DiárioOficial,2016).
Dans le contrat de concession du service de traitement des déchets établi entre la COMLURB et
l’entrepriseCiclusàtraverslefinancementdelaCAIXA,àpart lesuivisocialdesancienscatadoreset le
financementdelaconstructiondelacoopérative,l’entreprisedevraitégalementcontribueràlamiseen
place d’une politique de tri auprès de la Marie de Seropédica. Cet aspect serait essentiel pour la
concrétisationdel’inclusionsocialedescatadores.Cependant,le« PlandeTrideSeropédica »(« Planode
ColetaSeletivadeSeropédica »)estdevenuunélémentdemarketingpublicetsociétalpuisqu’iln’yapas
detridesdéchetssolidesurbainsdanslamunicipalitédeSeropédica.
Malgrél’engagementjuridiquedelapartdelaCaixaetdel’entrepriseCicluspourlamiseenplaced’une
politiquede tri, une actionpubliquedans ce sens a déjà étéprévuepar unprojet de loi de la ville de
Seropédica depuis 2006. Cependant, la concrétisation de cette action n’est toujours pas une réalité
(Prefeitura de Seropédica, 2006). Selon le rapport, laMarie de Seropédica ne semble pasmettre des
effortspourconcrétisercettepolitiquepubliqueniCiclusetCaixasemblentencouragerlesactionssurle
tri.Pourtant,unmarketingsociétalseformedanslamesureoùl’entrepriseCiclusmédiatisesesactions
très éparses d’engagement environnemental et social auprès de catadores et la population locale de
Seropédicaàpartirdesprogrammesdéjàmentionnés(Ciclus,2017c).Ces« actions »l’ontfaitgagnerdes
prixdugouvernementfédéralpourlagestionlocaledesdéchetsàSeropédica.
Enréalité,laCaixaEconômicaFederalenpartenariatavecl’Étatbrésilien(legouvernementfédéral)offre
desprix sur lesbonnespratiquesenvironnementalesdans tous les secteursà travers lepays.En2014,
l’entreprise Ciclus, représentée par le projet de la décharge de Seropédica, a gagné le prix de
373
«MeilleuresPratiquesdeGestionLocale 426».Sapratiquedetraitementdesdéchetsdelamétropolede
Rioqui inclutlaréductiondesémissionsdeméthaneparlebiaisduMDPetleprojetd’inclusionsociale
desancienscatadoresàtraverslamiseenplacedelacoopérativeCOOTRASERaétéconsidéréecomme
«unesolutionpourleproblèmedesdéchetsproduitsdanslesvilles ».(MinistériodaCultura,2014 ;Caixa
EconômicaFederal,2014.Ciclus,2017d).Etenfindecompte, lemarketingpublicseconcrétisedans la
mesure où le gouvernement légitime une action environnementale et sociale « handicapée » en
souhaitantpromouvoirl’imaged’unÉtatengagéàtraversladistributiondecestypesdeprix.
LasituationdelaCOOTRASERestl’exempleconcretdelamanièredontuneactionpouvantpromouvoir
l’inclusion sociale associée à la valorisation des déchets est instrumentalisée par des acteurs privés et
publicsàplusieurséchellesdupouvoir.Lapromotiondecettepolitiquedetriestutiliséeexclusivement
pour l’amélioration de l’image des institutions puisqu’une action publique concrète à ses propos
rencontreune immensedifficultéàseconcrétiserendehorsde lasphère légale.Commedéjàanalysée
lorsdedeuxmonographies, lapolitiquedetridesdéchetsexistedans lesplansdegestiondesdéchets
dansplusieursmunicipalités427delamétropoledeRio.Toutefois,samiseenœuvreestinexpressivedans
lamajorité desmunicipalités brésiliennes. En reprenantWaldman (2012), le recyclage des déchets est
utilisécommeune« piècedemarketing »danslecasdeSeropédicaetdeGramacho.
Iln’estpasanodinquelavilledeSeropédicanemettepasenœuvreunepolitiquedetrisurleterritoire,
etquel’entrepriseCiclustardeàcontribueràcesupportprévuparcontrat.SelonlerapportdelaCPIdo
Lixo, ladifficultédelaréalisationdutridanslavilledeSeropédicaestdirectementassociéeàlagestion
des intérêts entre la sphère publique et privée. Premièrement, le paiement prévu dans le contrat de
concessionàl’entrepriseCiclusestcomptabiliséàpartirdelaquantitédedéchetsqu’ellereçoitausein
desadécharge(DiárioOficial,2016).L’entrepriseestpayéepourchaquepoidsdedéchetsenvoyésà la
décharge.Decefait, iln’estpasdansson intérêtque levolumededéchetstraitéà laCTRdiminue.Un
aspectquiseconcrétiseraitdanslecasoùletridesdéchetsseraitmisenplace.Deuxièmement,lamise
enplacedutridansunemunicipalitérequiertuninvestissementconsidérabledelapartdel’État.D’une
part,ilestnécessairequ’ilyaitunfinancementpublicdansdesactionsd’éducationenvironnementaleà
lapopulation.D’autrepart, l’Étatdoits’occuperdeladistributiondesbennesappropriéesautrisélectif426MelhoresPráticasEmGestãoLocal.427NovaIguaçu,DuquedeCaixas,RiodeJaneiroetSeropédica.
374
desdéchets.Decefait,l’avenirdelaCOOTRASERestcontraintàunjeud’intérêtquitendàrenforcerune
situationd’injusticesocialedéjàtrèsancienneetconnueparlescatadores.
Dupointdevuede lanotiondu« mouvement »de l’écologisationdespratiques428, lamiseenplacedu
Mécanisme de Développement Propre à Seropédica (et également à NovaGerar) ne semble pas avoir
encouragél’adoptiondespratiquesplusécologiquesdanslagestiondesdéchetsàRio.Ilyadeuxaspects
danscettegestionquinerentrentpasdanslecadre« delavagued’écologisation »despratiquesdéfinies
par Latour(1999). Les pratiques « écologisées » consistent à réunir développement technologique et
préservation environnementale. Ainsi d’un point de vue technique, l’environnementalisation dans ce
domaineserait lavalorisationdesdéchetsenréduisantsonvolumeetlacapturedubiogazdesdéchets
pour laproductionénergétique.Cesdeuxactionscombinéestransformeraient lesdéchetsen« produits
rentables » par la suite (Barbier, 2002). Toutefois, ce « mythe mobilisateur d’environnementalisation »
(commedéfiniparBarbier,2002)neseconcrétisepasàSeropédica.Lebiogazn’estpas transforméen
énergieetledépôtdesdéchetsesteffectuésansletripréalable.Commenousavonsanalyséetdiscuté
toutaulongdetouteslesmonographies,cesdeuxaspectsneseréalisentpasenraisondelacroiséedes
intérêtsentreacteurspublicsetprivés(Joncoux,2013).
« Il semble beaucoup mieux, beaucoup plus rationnel et beaucoup moins cher que le
modèle de la décharge sanitaire privée soit combiné avec l’achat d’un déchet déjà traité. Il
parait de loin plus efficace concernant son cout très bas. Donc, si je dois revenir en arrière,
je ne laisserai pas construire une seule décharge sanitaire ayant l’État comme financeur.
(…) Donc, c’est une politique très perverse qui crée une clause dans le permis
environnemental d’opération d’un centre de traitement de déchets le support aux
coopératives locales. Un support réalisé par une entreprise qui a l’intérêt direct dans
l’enterrement de déchets parce qu’elle gagne par tonne de déchets stockée. Et d’ailleurs,
cette entreprise compte avec l’appui de l’organe plus puissant de fiscalisation429 donnant
support à la politique de privatisation et n’offrant aucune structure de surveillance (…). »
(Déclaration de la Présidente de l’IBAMA et
ancienne présidente de l’INEA lors du rapport de la « CPI
do Lixo », Diário Oficial, 2016)
428VoirChapitre4delathèsepourunediscussionplusapprofondiedecettenotion429L’INEA
375
LegouvernementdeRio,àtraverslaconstructiondelaCTRRio,acréédesinégalitésenvironnementales
en plus d’autres inégalités qui n’ont pas été corrigées: celles des anciens catadores. En guise de
conclusionsurlecasdeSeropédica,laconstructiondecettedéchargeillustrebienladéfaillancedel’État
de Rio à mettre en œuvre la Politique Nationale sur les Déchets dans son ensemble (et aussi le
programmeLixãoZero).LecasdelaCTRRioestlerésultatdelaconjugaisondesintérêtsentrel’Étatet
lesentreprisesprivéesquicontrôlentlesdéchargesaudétrimentdu« bien-être »socio-environnemental
delapopulationlocale.Ainsi,l’INEA,organismerattachéàl’ÉtatdeRio,étaitl’instrumentd’unarbitrage
publicpar rapportauchoixde la localisationde ladéchargeà travers ladélivrancedespermis. Le rôle
défaillant de l’INEA repose sur deux moments de la controverse: premièrement au moment de la
délivrancedespermisenvironnementauxn’ayantpasprisencompte lescritèresenvironnementauxde
l’installation des décharges dans la mesure où l’entité « anéantit » les risques sous l’argument de la
technologie.Deuxièmement,l’INEAaéchouédanslafiscalisationdufonctionnementtechnologiquedela
CTR,cequiacontribuéàlaconcrétisationdurisquedefuitedelixiviat.
Lanégligencedurisqueet la tentativede lapartdesacteurspublicsetprivésàdissiper lacontroverse
locale se réalisent à l’échelle nationale et internationale. Quand la construction de la décharge est
proclamée comme une « bonne pratique » au niveau national par le gouvernement fédéral, le risque
environnemental d’intoxication de Piranema et la vulnérabilité des catadores deviennent
automatiquementinvisibles.Cetteinvisibilitésepoursuitetdonnelieuau« marketingenvironnemental »
dans la mesure où un projet MDP est enregistré au sein de la CTR de Seropédica. Ainsi, le Conseil
AdministratifduMDPlégitimeuneactivitéderéductiondesémissionsprovenantd’unrenforcementdes
injusticessocialesenverslescatadoresetaussid’unconflitenvironnementaltrèslatentàl’échellelocale.
Toutefois,cesenjeuxnepossèdentpasassezd’instrumentsdevisibilitépourtranspercerleséchellesde
pouvoirnationaletinternational.
376
CONCLUSION
Àpartirde l’analysedescontextesde lamiseenplacedetroisprojetsMDPcomposant lecorpusde la
thèse, il est possible de tracer des lignes de convergence entre eux. Le scénario de la réduction du
méthanedanslesdéchargesprésentedesaspectssimilairesconcernantl’enjeudescatadores,l’adoption
(ou pas) de pratiques plus « écologisées » dans le traitement des déchets ainsi que les caractéristiques
localesdéterminant lamiseenplaceduMDP.Letableauci-dessousprésented’unefaçonrésuméeces
aspectsassociésàchaqueprojet.
Correctiondesinjusticesenvironnementales
Despratiquesversl’écologisationdutraitementde
déchets
FacteursdemiseenplaceduMDP
NovaGerar — invisibilité de la populationdes catadores après 14 ans defermeture du Lixão deMarambaia-Impossibilité de constaterl’existence de la CooperativaVitoria
Uneécologisationfragmentée-Réduction du méthane par latorchèreetsatransformationenO2etCO2-Pasdeproductionénergétique en raison desincertitudes decommercialisation de cetteénergie- Stockage de déchets dans ladéchargesanstripréalable
-Laconstructiondeladéchargen’est pas exclusivementassociéeà lamiseenœuvreduMDPLe MDPest un instrument deprofitpourl’entreprise.Le MDP de NovaGerar est priscomme un modèle nationalpour la rentabilisation deressourcesàpartirdedéchets
Gramacho — Indemnisation des catadoreslorsde la fermeturedu lixãodeGramacho-l’Association de Coopérativesde Catadores de JardimGramacho en péril en fonctionde l’absence de tri dans lamunicipalitédeCaxiasetdesesalentours-Émergencedesdéchargesàcielouvert clandestines, associée àl’aggravementdelaprécaritédelapopulationduquartier-Gramacho reste toujours une« zone de sacrifice » enprésentant des risquesenvironnementaux
-Valorisation du biogaz pour sacommercialisation à la REDUC.Contrat établi sans aucun lienavecleMDP.-Le MDP est perçu par lesacteurs comme un simplemécanismedemarché
— LeMDP n’est pas un aspectdéterminant pour l’activité deréductiondeGES-La réductiondeCH4se réalise,malgré la sortie du projet dumécanisme en raison de labaissedesprixdecréditsCO2.
Seropédica — Précarité de la coopérativeCOOTRASER en raison del’absence de la mise en œuvredu tri dans la municipalité de
Une environnementalisationfragmentée-Réduction du méthane par la
-Laconstructiondeladéchargen’est pas exclusivementassociéeà lamiseenœuvreduMDP
377
Seropédica-Création du risqued’intoxication de l’aquifère dePiranema. Fabrication desinégalités environnementales.Apparitiond’unenouvelle« zonedesacrifice »
torchèreetsatransformationenO2etCO2-Pas de production énergétiqueen raison des incertitudes de laventedecetteénergie- Stockage de déchets dans ladéchargesanstripréalable
Le MDP est un instrumentd’augmentationderecettepourl’entreprise.-La mise en place du MDP faitpartie d’un grand programmede financement de la CaixaEconômica Federal et de laBanqueMondiale
Tableau27:RésumédesenjeuxprésentsdanslestroisprojetsMDPfigurantcommelecorpusderecherchedelathèse.
Lepremierélémentquinousparaitévident,c’estqueleMDPn’estpasunélémentpouvantdiminuerles
injusticesenvironnementalesdusecteur.Ledomainedesdéchetsrévèleladéfaillancedel’ÉtatdeRioet
des pouvoirs municipaux locaux dans la correction des injustices environnementales dans les trois
déchargesenquestion.Cetenjeutraverselestroisprojetsetsereproduitd’unefaçonsimilaire.Malgréla
mise en place de la PNRS, la création des coopératives n’a pas été déterminante pour sortir cette
populationdelaprécarité.Lejeudesacteursauniveaulocalpourlamiseenplacedutriempêchequela
réalisation d’une justice environnementale soit entièrement accomplie. Toutefois, le modèle de
gouvernement « néo-développementaliste » brésilien opère dans une logique où l’encouragement à
l’entrepreneuriatlocalestplusimportantqueladiminutiondesinégalitéssociales.Ainsi,lespolitiquesde
correctiondesinjusticesenvironnementalesauBrésiltendentàdéléguerlaredistributiondesressources
aux plus vulnérables aux mécanismes du marché (Barroso de Castro, 2013). De ce fait, bien que les
risques environnementaux soient minimisés dans certains cas430, le résultat de cette correction est
fragmenté. La nouvelle réalité sociale des catadores ne leur donne pas la chance de surmonter une
précaritéetunemarginalisationsocialestructurelle.Àpartlaquestiondescatadoresquisedéploiedela
mêmemanièreàl’égardd’autresétudesdecas,lecasdeSeropédicaillustrenotammentleprocessusde
fabrication des inégalités environnementales. Dans cette décharge, l’État n’est pas seulement l’agent
régulateur des corrections des injustices, mais il se présente également comme l’agent créateur des
nouvellesinégalités.
Concernant« l’écologisation »despratiquesdansledomainedesdéchets,nouspouvonsobserverquecet
aspect est essentiellement ancré sur les opportunités du marché du mécanisme. Dans le cas de
NovaGerar et Seropédica, l’écologisation ne se produit pas entièrement parce qu’il y a des entraves
créées par les mécanismes nationaux de distribution énergétique. La bureaucratie derrière les
430DanslecasdeGramachoetNovaGerar,oùlescatadoresnetravaillentplusdansdesconditionsinsalubresdeslixões.
378
mécanismesdelacommercialisationénergétiqueimposéeparl’Étatbrésiliencontraintlagénérationdes
ressourcesdesentreprisesprivéespar lebiaisde laventede l’énergieélectriqueprovenantdubiogaz.
Ainsi, la réduction de GES par la torchère ne représente pas une valorisation entière duméthane en
raisondela libérationd’oxygèneetdugazcarboniqueaprèsceprocessus.Dans lecasdeGramacho, la
valorisation entière du méthane provenant de la décharge se produit en fonction exclusivement du
contratdeventeentrel’entrepriseNovaGramachoetlaraffineriedePetrobrás.Finalement,laquestion
de l’absence de recyclage rentre commeun élément qui démontre lemanque de volonté des acteurs
publicsetprivéslocauxàprocéderàune« écologisation »decedomaine.Ainsi,lapriseencomptedela
question « environnementale » dans les activités (ou majoritairement l’absence de cet aspect) dans le
domaine des déchets à Rio n’est pas associée à lamise en place duMDP. Elle se concrétise (ou pas)
surtoutselonlescénariodesopportunitésauniveaulocal.
LamiseenœuvreduMDPnejouepasunrôlecapitaldansledomainedesdéchetsàRiodeJaneiro.Les
technologies de réduction de GES seraient (et ont été) mises en place indépendamment de
l’enregistrementduprojetauprèsdelaCCNUCC.Decefait, lamiseenœuvredumécanismen’impacte
pas la dynamique socio-économique locale. L’exécution des projetsMDP n’interfère pas positivement
danslacommunautélocale,àpartpourlesresponsablesduprojet.Danscertainscas,illégitimecertaines
actions perverses, comme dans la controverse de Seropédica. Au lieu d’encourager le « mythe du
développement durable » (autant préconisé par les accords internationaux du climat), leMDP finit par
légitimer lamise en place des technologies de traitement des déchetsmoins performantes au niveau
environnementaletparrenforcerlesinégalitéslocalesexistantes.Ens’avérantsimplementuninstrument
dumarché,lamiseenplaceduMDPsignifieexclusivementl’accumulationducapitalparlesentreprises
quicontrôlentlesdécharges.Aprèsl’analyseducontextedelamiseenœuvredecemécanismelorsdes
troismonographies,nouspourronsdiscuterplusprofondémentdans ladernièrepartiede la thèsedes
modes d’appropriation de ce mécanisme à partir des paroles des acteurs. Cette discussion pourra
corroboreretexplorerdavantagelesélémentsdéjàsoulevéslorsdel’analysedestroisétudesdecas.
379
3.TROISIÈMEPARTIE:LAGOUVERNANCECLIMATIQUEGLOBALEAPPLIQUÉE
AUXDÉCHARGESÀRIODEJANEIRO
Envuedesrésultatsdel’analysededonnées,cettedernièrepartiedelathèseestdédiéeàformulerdes
considérations plus générales sur la mise en œuvre du régime climatique global dans le domaine de
déchets à Rio. La politique globale est traduite par un mécanisme de marché qui vise à réduire des
émissions à travers des projets de capitation de méthane dans les décharges, le MDP. Les analyses
socioanthropologiques de lamise enœuvre des trois projetsMDP à Rio, effectuées dans la deuxième
partie, sontprisescommedesprémissespour la constructiondecettedernièrepartie. Lesconclusions
dessinées icisont lesrésultatsducroisementdesdiscussionssoulevéesauseindesmonographiesavec
l’analysedespropostenusparlesparticipants.
Dansunpremiertemps,lechapitre8sefocaliseentièrementsurlesrésultatsdel’analysedecontenudes
entretiensselonchaqueoutilthématiqueprovenantdelanotionde« développementdurable »431.Dans
ce chapitre, nous allons procéder à une discussion entièrement dédiée aux différentes dimensions
portéesparcemécanismequisontapparuesdanslesdiscoursdesacteurs.Lechapitre8prétendréunir
ces dimensions et les articuler avec les scénarios présentés dans la deuxième partie. Finalement, en
partantdescontextesdelamiseenœuvrepourarriverauMDPensoi,ilserapossibledetracerdeslignes
généralesplusrobustesenmatièredecritiquesdumécanisme.Ainsi,nouspouvonsanalyserd’unefaçon
plus« intégrale »commentlepremierinstrumentglobalderéductiondesGES,réglementéparlesNations
Unies,s’estconcrètementtraduitdansledomainedetraitementdedéchetsàRiodeJaneiro.
431Saufpour lathématiquede“déchets”créespécifiquementpour l’analysedecontenuafindecomprendreoù lecaractère«hybride»desrésidusseplaceselonlescatégoriesd’acteurs.Nousn’avonspasdédiéunesouspartiepoursonanalyse.
380
CHAPITREVIII:LATERRITORIALISATIONDUMDP:QUELSSONTLESMODES
D’APPROPRIATIONDUMÉCANISMEDANSLESECTEURDESDÉCHETSÀRIO ?
8.1LAGOUVERNANCEDUMDPÀL’ÉCHELLELOCALE:REFLETSDELAPOSTUREDUBRÉSILDANS
LESCÉNARIOINTERNATIONAL.
Danslethème« gouvernance », lesmotslesplusmentionnéspartouteslescatégoriesd’acteursétaient
« loi » ; « gouvernement (Brésilien) » et « pouvoirs publics ». Cependant, quand nous regardons plus
spécifiquement les discours de chaque catégorie d’acteurs, le sens de leurs propos change. Dans la
catégoried’acteursoùilyalesancienscatadoresetlesassistantessocialesquilesreprésentent,lesmots
plusrécurrentsdecettecatégorierestent« gouvernement »et« loi »,pourfaireréférenceà laquestion
delamiseenplacedelacollectesélectivededéchetsàRio432.Néanmoins,laquestiondelagouvernance
seprésenteavecdesmotsplusspécifiqueschez lesentreprisesprivées.Lesujetde lagouvernanceest
d’ailleurs plus évoqué par cette catégorie d’acteurs. Des mots plus spécifiques sur la question de la
gouvernanceclimatiquetelsque« bureaucratie »« CCNUCC » ;« normes »sontapparusdansleurdiscours.
La « bureaucratie » était un mot souvent utilisé par les entreprises privées (les Project Owners et les
cabinets d’expertise environnementale) pour faire allusion au rôle du gouvernement brésilien dans le
MDPetaussipourparlerduprocessusd’enregistrementd’unprojetMDPimposéparlaCCNUCC.
« La plus grande bureaucratie qu’on ait eue c’était en raison de nos
besoins qui dépendaient du gouvernement pour approuver notre
projet ».
(« Project Owner » - 4PONI15)
En réalité, ilsdisentque labureaucratiedugouvernementbrésilien ralentit leprocessusd’approbation
interne du projet. Toutefois, ils reconnaissent que la rigourosité du gouvernement fédéral dans
l’approbationnationale duprojet garantit son approbation à la CCNUCC. Cette rigueur ne garantit pas
seulement l’approbationduprojet,maisaussiunevalorisationdecréditsCO2brésiliensdans lemarché
ducarbone.
432Laquestiondelarelationentrelescatadoresetlespouvoirspublicsfaceàl’enjeudelaconsolidationdespolitiquesdetridanslesmunicipalitésdelamétropoledeRio.
381
« Mais le critère d’évaluation du MCTI433, par exemple, qui est notre
Entité Nationale Designée434 au Brésil, représente une barrière, non ? -
C’est la barrière au Brésil. Si tu es passé par ici (la gouvernance du
MDP de la CIMGC), tu passes à l’ONU directe. (…) C’est très rigide
comme processus, je ne dis pas que c’est un truc mauvais, ça, c’est
bien. Parce ce que les crédits carbone des projets brésiliens sont les
plus valorisés sur le marché, les prix de crédits CO2 varient
beaucoup… Il y a une moyenne, mais selon chaque projet tu pourrais
avoir un prix beaucoup plus élevé que la moyenne du marché. »
(« Associations des industries de Rio de Janeiro » -
1SEFR15)
Laquestionde labureaucratieestévoquéede lamêmefaçonquand lesacteursabordent leprocessus
d’enregistrementduprojetetlavalidationdescréditsCO2parlaCCNUCC.
« Tu sais comment le MDP marche, non ? Tu sais qu’il est super
bureaucratique, non ? De temps en temps, il est même “plâtré435” ! (…)
De quoi je parle ? De prouver l’additionalité436, pour prouver
l’additionalité, la méthode était très bureaucratique, très rigoureuse,
mais tu dois la prouver. Je ne peux pas vendre les crédits deux fois,
c’est le climat qui en jeu. Il faut avoir un énorme contrôle sur ça ! ».
(Project Owner — 2POSE15)
« Tu as, par exemple, des mécanismes de développement propre de la
Bourse de Chicago où la méthodologie est complètement différente. Ils
n’exigent pas toute cette bureaucratie comme le mécanisme du MDP de
l’ONU. Mais par contre, les prix ne sont pas les mêmes, hein ? »
(Project Owner — 2POGR15)
433MinistériodaCiência,Tecnologia,InovaçõeseComunicações.(MinistèredelaScience,delaTechnologie,desInnnovationsetdesCommunications).434Pourrappel:l’EntitéNationaleDésignéebrésilienneestlaCIMGC,dontleMinistèredelaScienceestceluienchargedelacettecommissioninterministérielle.435Motemployédanslesensde“verrouillé”.436Laquestiondel’additionnalitéettoutl’enjeuqu’ellereprésenteentantqu’unedesrèglesprincipalesduMDPestdiscutéeégalementdanslechapitre1.Traduitdel’anglais:Additionality.TermeutilisédanslesrèglesduMDP.
382
L’évocationdumot« bureaucratie »susciteunparadoxedanslesdiscoursdesacteurs.Lareprésentation
delabureaucratiedanslagouvernancenationaleduMDPralentitleprocessusd’approbationduprojet,
mais elle apporte toujours des avantages. Des avantages qui sont reconnus par ceux-ci. À l’échelle
internationale,lecahierdechargeduMDPsetraduitparuntypederégulationmarchandedelapartde
laCCNUCCpourquelemarchéduCO2puissefonctionnersansrisquesmajeurs.Cesnormesoffrentaux
acteurs économiques la sécurité de faire des échangesmonétaires sansmettre en péril la validité des
créditsCO2.Cetterégulationonusiennes’avèreavantageusepuisque lesprixdecréditsCO2dumarché
« régulé »sontplusélevésqueceuxprovenantdu lemarchévolontaire,parexemple437.Dans lemarché
volontaire,ilpeutarriverqueplusieursinvestisseursréclamentdequotasdeCO2pourunseulprojet.A
priori, les règles éviteraient des cas d’entente illicite dans lesmarchés438 (Newell&Paterson, 2010). À
l’échelleméso,danslesrèglesnationalesbrésiliennespourlefonctionnementduMDP,cetterégulation
setraduitparunerigueurquiéquivautau« mêmeexcèsdebureaucratie »qu’àlaConvention-Cadredes
NationsUnies(Freitasetal,2013).Maiscet« excèsbureaucratique »garantitégalementquelesprixde
crédits carbone soient plus élevés pour les projets brésiliens en raison de la rigueur bureaucratique
d’approbation des projets exigée par l’Entité Nationale Designée du Brésil. Ainsi la « rigidité » de la
Comissão Interministerial deMudançaGlobal doClima (CIMGC)439 veut assurer la « presque » certitude
qu’unprojetbrésilien seraapprouvéaumomentoù ilpasseà ladernièreétaped’enregistrementd’un
projetMDP,auConseild’AdministrationdelaCCNUCC.
Encorequ’ils’agissed’un instrumentdemarché,nousvoyions lerôledes institutionspubliquesdans la
régulation des prix des créditsCO2. Cela traduit le poids de la régulation institutionnelle dans la
dynamique des forces du marché (Fligstein, 2001). À l’égard du MDP, la présence des institutions
internationales et nationales stabilise le marché. Dans le cas du Brésil, la CIMGC a créé des normes437Pourlesacteurséconomiques,larégulationdelaCCNUCCetlecadreduProtocoledeKyotosurlemarchéducarboneestunsignequeceséchangeséconomiquessontsûrsdans lamesureoùuneactionpublique lesprotège.Cerisqueestprésentdanstouslesmarchés,maisilestassezélevéquandilconcerneunproduitcommelesquotasdeCO2,oùilesttrèscomplexedeprouverquandilyaunevraieréductiondeGES.Lechapitre1delathèseexpliqueetanalyseplusendétailcommentleconcept«d’additionalité»aétécréédanslesnormesduMDPetdansquellemesureilaideàprouverquelaréductionobservéedansunprojetMDPestissuedelamiseenplaced’unetechnologiepropre.438Ledéveloppementdumarchévolontaire,créeparlesÉtats-Unislorsdesanon-signatureduProtocoledeKyoto.CemarchéconcurrentàceluiréglementéparlaCCNUCCexigemoinsderégulationinternationaleetnationale.Sesnormesetcritèresdecréationdesprojetssontassezsimplesdesorteànepasexigerunlongprocessusbureaucratique,maisàlafoisdeprésenterbeaucoupdes risquespour les acteurs économiques. Sansune régulation, les risques représentent l’absencedu conceptde«l’additionalité».Autrementdit,lagarantied’émissiond’uncréditdeCO2correspondantàunevraieréductiondesémissions(mêmesilamiseenoeuvredececonceptestcontroversée).439L’entiténationalebrésilienneenchargedel’approbationdeprojetsMDPsurleterritoirebrésilien.
383
semblables à celles de la CCNUCC pour que les acteurs nationaux puissent gagner la confiance des
investisseursétrangers.Cetteconfianceestacquiseàtraverslabureaucratie« excessive »d’approbation
des projets. La bureaucratie devient un instrument permettant que lemarché du carbone puisse bien
fonctionnerpourlesacteurséconomiquesbrésiliensimpliquésdansleMDP.Unedynamiquen’étantpas
décollée de l’influence de l’État comme prévoit un libéralisme économique « pur ». Au contraire, la
dynamique marchande est étroitement dépendante des institutions publiques. La présence de ces
institutions assure un flux de capital « en douceur » dans cemarché d’échanges de quotas de CO2. En
effet, larégulationdecemarchésematérialiseàtravers lesrègles imposéespar les institutionspour la
créationdesprojetsderéductiondesémissions.
Bien qu’il y ait des règles bien fixées au niveau global, Newell (2009a) précise qu’il est très important
d’observer les variations locales des types de gouvernance climatique afin de comprendre dans quelle
mesure les pressions à l’échelle globale sont traduites au niveau national ou local. Le scénario de la
gouvernanceclimatiquelocaleestfaçonnéparlesrapportsdepouvoirentredesacteurspublicsetprivés.
LeMDPengageplusieurscouchesdegouvernancespourlamiseenœuvred’unprojet.Detellemanière
queladiscussionsur lesmodalitésd’opérationnalisationderèglesauxniveauxnationalet institutionnel
de ce mécanisme global est importante pour comprendre les éventuelles et différentes formes
d’appropriationduMDP(Friberg,2007).
« Lagouvernancelocaleseradéfiniecommeunprocessusdemiseencompatibilitédeplusieursproximités
institutionnellesunissantdesacteurs(économiques,institutionnels,sociaux…)envuedelarésolutiond’un
problèmeproductif oude la réalisationd’unprojet local de développement. » (Gilly&Perrat, 2003: 5).
Nousrevenonsainsi,surlaconceptualisationdeFriberg(2009)ladivisiondelagouvernanceduMDPen
deux niveaux: 1) Le Cadre Réglementaire (« Regulatory framework ») ; 2) le Cadre Opérationnel
(« Operationalframework »).LepremiercorrespondàdesnormesbasiquesdefonctionnementduMDP
établiparleConseild’administration(« ExecutiveBoard »)duMDPàlaCCNUCC.Ilreprésentelastructure
réglementaire du mécanisme. Le Cadre Opérationnel consiste dans cette gouvernance locale à
représenterlesmécanismesdetransactionsetinteractionsentredesacteurshybridesauniveaunational.
Ilest importantderappelerquechaquepaysa la libertédedéfinirselonquelscritères lesprojetsMDP
peuvent contribuer au développement durable local (Newell, 2009). Ce deuxième niveau de
réglementation du MDP correspond à la façon dont le premier niveau a été interprété par les pays
384
hébergeursduprojet.Decefait,onpeutposer laquestionsuivanteparrapportà l’analysedediscours
des Project Owners du domaine de déchets faisant allusion à la bureaucratie lourde, mais à la fois
avantageuse de la CIMGC: pourquoi le gouvernement brésilien, a-t-il décidé de suivre des démarches
aussirigoureusesquecellesdelaCCNUCCauniveaunational ?
« WhiletheBrazilianDNA440hasbeenaccusedofadoptinganexcessivelyrigorousapproach,itisgenerally
perceivedbymarketactorstobethoroughbutfairinitshandlingapplication »(Newelletal.,2009:727).
Au Brésil, le MDP est gouverné par la CIMGC. Nous rappelons que cette commission a été créée
spécialement (et officiellement par le gouvernement fédéral) pour la gestion duMDP sur le territoire
brésilien441.Ilya10ministèresreprésentésauseindelaCIMGC442,maisc’estleMinistèredelaScienceet
delaTechnologie(MCT)quiestresponsabledecettestructure.L’organisationministérielleauseindela
CIMGCréunitplusieursdomainesimpactésparlephénomèneduchangementclimatique.Cependant,la
plus grande visibilité duMinistère de la Science et de la Technologie dans cette gouvernancemontre
l’approche technique que le gouvernement brésilien adopte pour la gouvernance nationale du MDP
(Friberg,2007).Eneffet,aveclacréationd’uneEntitéNationaleDésignéeaussihybride,leBrésilseplace
enprécurseur,entermesd’instaurationd’uneinfrastructuregouvernementalechargéedefairerespecter
les engagements pris à la Convention-Cadre desNationsUnies (Friberg, 2009). Ces auteurs soulignent
quelacréationd’uneentitéaussirobusteconfirmelesouhaitdugouvernementbrésiliendepromouvoir
lescapacitéstechniquesduMDPàproduiredesréductionsdesémissionsàtraverslemarché.Hultmanet
al(2012)soulignentquecettegouvernanceduMDPestliéeaufaitquelepaysestaussiengagéàquele
mécanisme puisse gagner la confiance internationale. Autrement dit, qu’il puisse sortir de la phase
d’expérimentationsocialeetdeveniruninstrumentconsolidédeluttecontrelechangementclimatique.
Celaseconfirmeparlediscoursd’uparticipantdujournalAFolhadeSãoPaulolaveilledelaCOP-21 ;
440EntitéNationaleDesignée441IlyaplusdediscussionsurlacompositiondelaCIMGCdanslechapitre2delathèse442Ministère de l’Environnement;Ministère de l’agriculture;Ministère de Transport;Ministère deMines et de l’Energie;MinistèreduDéveloppement,del’IndustrieetduCommerce;MinistèredesVilles;MinistèreduDéveloppement,del’IndustrieetduCommerceExtérieur;Ministèrede laPlanification,duBudgetetde laGestion;Ministèrede l’Economieet laMaisonCiviledePrésidencedelaRépublique.LaMaisonCivile(«CasaCivil»)estunministèredirectementliéaupouvoirExécutifdelafédération.LeministredelaMaisonCivileapourrôledesoutenirleprésidentdelarépubliquedanslagestiondestoutessesfonctions.
385
« Le Brésil a une insistance presque pathologique avec le
MDP. (…) Le Brésil donne une importance disproportionnelle
au MDP près de son véritable impact économique et
environnemental. »
(Grande Presse — 1PR0E16)
Newell et al (2009) expliquent qu’une bonne gouvernance nationale duMDP correspond à avoir une
grande capacité étatique à gérer les projets qui répondent exactement aux exigences du Conseil
d’AdministrationdelaCCNUCC.Ainsi,l’intentiondecréerunerobustesseinstitutionnellepourlagestion
desprojetsMDPmontre lacapacitéde l’Étatbrésilienà institutionnaliser lemécanisme(Friberg,2009).
Cettepostured’inventeuretde« militant »duMDPpeuts’expliquerparlerôleimportantdupayslorsdes
négociationsduProtocoledeKyoto.IlestimportantderappelerqueparmitouslespaysduBRICS,c’estle
Brésil qui conduit le dialogue entre les pays développés et les émergents (Viola, 2002). Ainsi son rôle
proactif commemédiateur dans les négociations de la CCNUCC et de précurseur duMDP révèle dans
quellemesurecertainsintérêtspolitiquesinternesbrésilienssontalignésauxobjectifsdelagouvernance
climatiqueonusienne(Viola,2002).
« The structure of climate governance is extremely complex and comprehends diverse dimensions —
economic, environmental and security—and several actors— public and private, local and global. Yet,
there is a type of agent— a state actor—whose capacities can exert high influence on climate social
outcomes:climatepowers »(Violaetal.,2012:26).Bienqu’ilyaitunehétérogénéitéd’acteursimpliqués
danslagouvernanceduMDP,lalogiquedecettegouvernanceorbiteautourdel’État.Ainsi,pourquoile
Brésil a-t-il choisi cemodede gouvernance ?Cela s’expliquepar un changement radical deposturedu
gouvernementbrésilienaudébutdesannées90443.Lareconversionenvironnementalisteréaliséepar le
gouvernement de Collor avait comme but de gagner la confiance de l’opinion publique sur la scène
internationale afin d’attirer des investisseurs étrangers. Cette stratégie de l’élaboration d’une image
globalisteetderesponsabilitéenvironnementales’esttraduiteégalementdansl’organisationparleBrésil
de laConférencedesNationsUniessur l’Environnementet leDéveloppementàRiodeJaneiroen1992
(Viola,2002).Ainsi, récemmentsortideplusde20ansdedictature, leBrésilassumeunepostureplus
libérale dans ses politiques extérieures. Toutefois, nous voyons aussi dans cette posture plus
443Danslarevuedelittératuredelathèse,ilyaplusdedétailssurlatrajectoiredecechangementéconomique,politiqueetenvironnementalopéréàpartirdelamoitiéduXXesiècleauseindugouvernementbrésilien.
386
environnementaleuneplace importantede l’État.Enréalité,uneposturen’étantpasnéede lasociété
civile,maissurtoutdusouhaitdel’Étatderenouvelersonimagedanslemarchéinternational.Lenouvel
engagement environnemental « avant-gardiste » de l’État brésilien (en comparaison à d’autres pays en
voie en développement) a un but économique. Cette posture étatique à l’international porte en soi
toutes les contractions internes d’un pays divisé en deux: Un Brésil progressiste et un Brésil « néo-
developpementaliste »(Nevesetal,2015 ;Aykut&Dahan,2015).
Toutefois,c’estlecôtéprogressistebrésilien,leresponsabledesonrôleactivedanslesnégociationsdu
Protocole de Kyoto. Viola (2004) liste les avantages internes brésiliens444 qui révèlent les raisons pour
lesquellesilyadesintérêtsdel’Étatpourl’adoptiondespolitiquesglobalesderéductiondesémissions.
Certaines dynamiques internes confirment le leadership environnemental brésilien parmi les pays
émergents.De ce fait, il est important de rappeler qu’unde ces avantages est samatrice énergétique
supposément« propre ».Malgrélareprisedel’exploitationdescombustiblesfossilespourl’exportation,il
y a une forte présence de la biomasse et de l’hydroélectrique comme des sources de production
énergétique. De ce fait, cet avantage énergétique Brésilienne représente un intérêt de l’État dans
l’adoptiondesinstrumentsinternationauxderéductiondesémissions(Viola,2004).
Cette bureaucratie du MDP est issue d’une gouvernance nationale qui a comme but la manutention
d’uneimagederesponsabilitéenvironnementalequifavoriselepaysàl’ouvertureauxmarchésétrangers
(ycomprisàunnouveaumarché,lemarchéducarbone).Ainsi,ellereprésentepourlesacteurs« unmal
nécessaire ». La traduction« exacte »desnormesde laCCNUCCdans lagouvernanceduMDPauBrésil
peutrévélerunsouhaitdel’Étatbrésiliendegagnerlaconfiancedesacteurséconomiquesinternationaux
pourainsiattirerencoreplusdesinvestisseurspourlepays.Ilestintéressantdemettreenlumièrequele
MDP possède la même logique de fonctionnement du marché « pollueur » dont le but ultime est
l’accumulationde capital (Vossole,2013). Les structuresde la gouvernance climatique sebasent sur la
logiquedefonctionnementdusystèmecapitalisteetsetraduisentparl’applicationdedroitsdepropriété
et l’encouragement au marché (Vossole, 2013). Dans une rationalité néolibérale opérant dans une
logique néodeveloppementaliste, l’État se place comme une entité responsable de la création des
opportunitéséconomiquespouracteurséconomiquesnationaux.
444VoirChapitreIdelathèse.
387
Ainsi, l’Étatbrésilien,à travers ses instrumentsde régulationduMDP (laCIMG)auniveaunational,est
l’acteurquifacilitelesentrepriseslocalesàl’accumulationdecapitalparlebiaisdecemécanisme.C’est
dans le souhait d’attirer des investissements étrangers que les deux Brésil se réunissent: le Brésil
« progressiste » et le Brésil « néo-développementaliste ». Cette posture révèle les intérêts politiques de
l’État comme le facilitateur principal de l’encouragement de l’entrepreneuriat brésilien.Un État prêt à
ouvrirtouteconditionfavorabledemarchéauxentreprisesnationalesàtraverslacréationdesnormeset
instruments politiques. Une caractéristique macro-économique très marquante du programme « néo-
développementaliste ».« Governmentsare implicated inmoderncapitalisteconomies in twoways.First,
their current policy domains are constituted to intervene, regulate, ormediate in product, capital, and
labormarkets.Thesestructuresarenotinnocentbutbearthemarksofcontrolbydominantsocialgroups.
Thus, in economic crises, organized groups of firms or workers quickly take their grievances to
governmentsiftheirgroupcontrolsthedomain. »(Fligstein,2001:65).L’engagementdugouvernement
brésilienau« bon fonctionnement »duMDPetà sa consolidationauniveau internationalest confirmé
par le discours « proMDP » du participant rattaché à la CIMGC. Il met en perspective le potentiel du
mécanismeàapporterdeschangementsdanslescénarioenvironnementaldupaysàtraverslemarché.
« Le MDP a représenté une force matrice. Il a représenté des réductions
significatives dans le secteur de déchets (…) ça n’existe pas la perfection… Mais
la CQNUMC445 doit donner un impulse pour l’évolution du MDP afin des éviter
des fraudes, améliorer les méthodologies, réduire les couts. Il faut profiter de
l’apprentissage du MDP. »
(1GOIP16 —Comissão Interministerial de Mudança do Clima)
8.2LATECHNOLOGIEDANSLEMDP:UNCHOIXENTREBONMARCHÉETEFFICACITÉ
ENVIRONNEMENTALE
Danslathématique« marché »,lacatégoried’acteursquialeplusmentionnédesmotsconcernésàcette
catégorieétait lesProjectOwners et les responsablesde cabinetsd’expertiseenvironnementale446. Les
catadores et les « assistantes sociales » ont mentionné des mots comme « argent », « entreprise » et
445CCNUCC446 Il est nécessaire de souligner qu’il y a un plus grand nombre d’entretiens réalisés avec les Project Owners comparé aunombred’entretiensavecdesparticipantsquitravaillentdanslescabinetsd’expertiseenvironnementale.
388
« vente »,mais pas de façon aussi récurrente que lesProjectOwners. En effet, parmi toutes les autres
catégoriesdel’analysedecontenu,celle-ciaeuleplusgrandnombred’apparitionsdessynonymesetdes
motsqui appartiennentàunemême famille sémantique (le« marché ») évoquéesdans lesparolesdes
entreprises privées (Project Owners). Concernant les catadores, les impressions enregistrées dans le
journaldeterrainsontconfirméesdansl’analysedecontenudanslamesureoùcettecatégoried’acteurs
neparticipepasà ladynamiqueduMDP.Quandbienmêmeilsconfirmentqu’ilsne« comprennentrien
surlescréditscarbone »,lafaibleapparition,dansleurspropos,desmotsquifontallusionaumarchéouà
ses instruments corroborent cette hypothèse. Bien qu’ils possèdent une coopérative de matériaux
recyclables,ilssetrouventtoujoursàlamargedeladynamiquedelagestiondesdéchetsàRio.Decefait,
ilssetrouventexclusdelaréalitéduMDP447.Cetteconstatationn’annulepaslefaitqu’ilsessayaientde
survivreavecleurcoopérativedansuncontextedemarchandisationdudomainededéchetsàRio448.
8.2.1PourquoilesProjectOwnersdudomainedesdéchetsdoivent-ilsimpérativementsaisirlesopportunitésoffertesparleMDP ?
La puissance de la dimension économique du MDP est traduite par l’expression verbalisée du mot
« opportunité »danslecontexteduMDP.S’yrapportenttouslesautresmotssouventprononcéscomme
« vente », « prix », « financement » ou encore « encouragement financier ». « L’opportunité », cemot fait
partie exclusivement du discours des entreprises, soit les Project Ownersou les cabinets d’expertise
environnementale449.Celui-ci estprononcé surtouten réponseauxquestions suivantes: la raisonpour
laquellecesacteursontchoisideparticiperauMDPetleuropinionsurlemécanisme.Enconfirmantles
impressionsdemonjournaldeterrain,leMDPestvucommeunepotentiellesourced’augmentationde
recetteparlesentrepriseslocalesquiyparticipent.Enréalité,ilsvoientlemécanismecommeunvecteur
d’entrée dans un nouveaumarché international. La création des projetsMDP peut ainsi augmenter la
visibilité de l’entreprise et son potentiel de faire du « business » avec d’autres entreprises du monde
447Voir lamonographieduprojetde JardimGramacho sur comment leMDPétait censédecontribuerà la revitalisationduquartier deGramacho, et la raisonpour laquelle le quartier n’est pas toujours revitalisé ainsi que l’état deconnaissancedecatadoressurcemécanisme.448Raisonpourlaquelleilyauneapparitiondemotsfaisantréférenceaumarché.449CescabinetssontspécialisésdanslarédactionetlamiseenformedesactivitésexistantesenprojetsMDP.Maisl’apparitiondecemotestplusfortechezle«ProjectOwners»
389
entier.LatransformationdeGESencréditscarboneestvuecommeunesourceéconomiqueàexploiter.
CettefaçondevoirleMDPentantqu’unepotentialitééconomiqueesttraduiteparcequelesentreprises
impliquéesdansladynamiquenomment« l’opportunité ».
« (…) ils ont vu dans ça (le MDP) une opportunité d’augmenter
le chiffre d’affaires ».
(Project Owner — 3PONI15)
« Je crois qu’il reste beaucoup à explorer, surtout en Amérique
latine. Je crois qu’il y a de nombreuses opportunités (dans le
MDP) ».
(Project Owner — 1PONI15)
Nous avons discuté précédemment que dans la littérature académique, plusieurs auteurs issus des
domainesdel’économie,delasciencedelagestionetdel’ingénierie450auBrésil(SeroadaMottaetal,
2000;Moreira&Giometti, 2008; Ribeiro et al, 2008;Orellana, 2010) considèrent leMDP commeun
instrument d’opportunité économique pour les acteurs locaux. En réalité, ils justifient que la recette
acquise à partir de la vente de crédits carbone pourrait entrainer une amélioration socio-économique
auprèsdes communautés locales (Dubeuxet LaRovère, 2007).Ces auteursmettenten lumièreque la
miseenœuvredesprojetsMDPdansplusieursdomainesd’activitépourraitapporterledéveloppement
durable aux municipalités brésiliennes. Par ailleurs, la gestion locale de déchets pourrait subir à des
changements positifs en matière technologique. Le MDP inciterait à la mise en place de nouvelles
technologiespourletraitementdedéchetsenfonctiondurevenuapportéparcetinstrument.Auniveau
environnemental,lesavantageslocauxduMDPporteraientnotammentsurl’améliorationdelaqualitéde
l’airpourlespopulationslocales(LaRovèreetal,2005).Malgrécela, lesauteursnediscutentpasquels
seront les outils nécessaires àmettre enplace afin de convertir le revenuduMDPendéveloppement
socio-économique local. En fait, la plupart des travaux brésiliens sur la mise en œuvre du MDP ne
mentionnentpascommentleprocessusdetransformationdelarecettedesentreprisesacquiseàpartir
duMDPpourraitsematérialiserdansdesactionsbénéfiquespourlapopulationlocale.
450Danslapartieméthodologiquedelathèsecorrespondantauchapitre4dumanuscrit.
390
Decettemanière,lespossibilitésoffertesparleMDPpourlapromotiondudéveloppementdurablelocal
restentdansleplandelarhétorique.Pour lesentreprises impliquéesdanslemécanisme, lesavantages
financiers de l’instrument demeurent la première raison pour l’enregistrement d’un projet. Bien qu’ils
mentionnent un « certain gain social » offert par le MDP, ce sont les avantages économiques qui
transforment le MDP en un instrument très attractif. Bien que cet instrument soit né à partir des
politiques globales visant l’amélioration des conditions socio- environnementales locales, sa mise en
œuvreauBrésilsembleconditionnéeparsacapacitéàgénérerdesprofits(Pereraetal.,2010).
« Il (Le MDP) était dessiné pour être une grande opportunité
pour l’attraction des ressources, mail il ne fut pas »
(Grande Presse — 1PROE16)
Mais concrètement, enquoi consistent-elles, cesopportunités ? « Cemécanisme leuroffre lapossibilité
d’investirdansdesprojetsderéductiondesémissionsdanslespaysduSudquiprésententlaparticularité
d’avoir des coûts marginaux de production assez bas et des opportunités d’investissement dans des
champsd’applicationdiversenraisondestauxd’émissionélevésdesdifférentssecteurs. »(Joumni,2003:
101).Hormis l’avantageenvironnemental d’inclure lespays émergentsdans l’objectif de réductiondes
émissionsglobales, leMDPn’endemeurepasmoinsun intérêtéconomiquepuisqu’ilrendpossibleune
réductiondesémissionsàtrèsfaiblescouts.(Borde&Joumni,2007).BienqueleMDPcouvreplusieurs
secteursd’activitééligiblespour la réductiondesémissions, il y aunedisparitédunombredesprojets
parmicessecteursdusaupotentieldechacundediminuerleplusgrandvolumedeCO2équivalent.En
effet lors de la création d’un projet, les acteurs économiques prennent en compte notamment son
potentieldegénérerdesréductionsdesémissionsengrandequantité.Cetélémentestassociéauxcouts
delamiseenœuvredelatechnologie.Ainsi,ungrandvolumederéductiondeCO2équivalententraineà
la baisse du coutmarginal de la production des crédits carbone. En réalité, il s’agit de rendre encore
moinscherlecoutdel’implantationdenouvellestechnologiesplus« propres »(Borde&Joumni,2007).
Ladisparitédesprojetsentrelesdomainesd’activitéauseinduMDPsecréeàpartirdeladifférencede
coutsliésàlaproductiondecrédits.LaproductiondescréditsCO2estliéeautypedetechnologiquemise
enplace,étantelle-mêmeconditionnéeparsonpotentielderéductiondesémissions.Enpartantd’une
391
rationalité basée sur le principe de l’efficacité économique451, les investisseurs (les entreprises) qui
mettent en œuvre un projet MDP choisissent un domaine dans lequel la mise en œuvre d’une
technologie « propre » est la moins couteuse et les gains financiers sont maximisés. Cette stratégie
économiquedesacteursauseindumécanismesertàseprotégerdesrisquesdefluctuationdesprixde
crédits dans le marché du carbone global (Faucheux & Joumni, 2005) ; Cornut, 1998). En 1998, au
moment de la structuration du MDP lors des négociations internationales, Godard & Henry (1998)
soulignaientdéjàcesincertitudesd’ordreéconomique,enremettantencausel’apparitiondelanotionde
l’opportunité conditionnée à cette logique de minimisation des risques liée aux investissements des
entreprisesduSudseulementdansdesdomainestrèsémetteursdeGES.« Économiquement,s’ilestgéré́
defaçonàpermettreauxinvestisseursduSud,etpasseulementàceuxduNordd’êtrecréditéspourdes
réductionsadditionnelles,ilpeutdiffuserlargementauprèsdesdécideurséconomiqueslanotiond’uncoût
d’opportunitéàl’émissiondeGES »(Godard&Henry,1998:109).
Ainsi, le domaine de déchets apparait comme un secteur qui présente notamment des opportunités
favorables à l’implantation de projets MDP. Pourquoi ? Le grand volume de méthane issu de déchets
associésàdestechnologiespeuchèrespourlacaptationdubiogaztransformecedomainedansundes
plusattractifspourlamiseenœuvredesprojetsMDP(Borde&Joumni,2007)(Oliveira&Rosa,2003).La
captation de méthane par la torchère est une technologie tout à fait appropriée pour les anciennes
déchargesàcielouvertetsamiseenœuvren’estpasaussionéreuseencomparaisonauxtechnologiesde
traitement de déchets classiques comme l’incinération (Oliveira & Rosa, 2003)452. La technologie du
flaring consiste dans le brulage du méthane par la torchère qui capte le biogaz453 des décharges
sanitaires.Cebrulageest,eneffet,unprocessusdetraitementdugazpourletransformerenCO2etO2.
CetteméthodederéductiondesémissionsdeGESàladernièreétaped’unprocessusdeproductionest
caractériséecommeune« end-of-pipetechnologies »(Costa-Junioretal,2013).Cestypesdetechnologies
quiréduisentlesémissionsenavalsontcaractériséesparlesbascoutsd’investissementdansleursmises
en œuvre. Les technologies plus performantes en matière environnementale demandent un
451 Voir le chapitre 1 pour un parcours de la littérature traitant de l’approche économique sur l’environnement et plusspécifiquementsurlaquestiondelacréationd’unmarchéducarbonemondialpourréduirelesémissionsdeGES452Voirlechapitre3delathèsepourunecompréhensionplusprécisedufonctionnementd’unetechnologiedetorchèreainsiqu’unediscussionsursonefficacitéenvironnementale.453Ilyadesmomentsdanslathèsequenousfaisonsréférenceaubiogazjustecomme«méthane»puisquesacompositionestmajoritairementfaitedugazméthane.
392
investissementplus important.Cetteperformance se caractériseraitparun changement techniquedes
modesdesproductionsmoinsnocivesàl’environnement.Autrementdit,les« end-of-pipetechnologies »
réduisent certaines émissions GES qui sont le résultat d’un mode de production laissant
considérablement plus d’externalités négatives dans l’environnement que seulement les émissions
(Hellweg et al, 2005). De cette manière, il est important de rappeler que souvent l’adoption de la
torchèredansunedéchargeestaccompagnéedelatransformationdubiogazenénergie.Toutefois,dans
le cas des deux décharges sanitaires à Rio454, la technologie du flaringn’est pas accompagnée de la
productiond’énergétiqueenraisondel’absencedesavantageséconomiques.
Ainsi, laquestiondel’opportunismeéconomiqueduMDPreposesurlefaitqu’iln’yapasdedifférence
descréditsCO2provenantdesprojetsquipromeuventdespratiquesdeproductionpluspropresdeceux
mettantenplacedestechnologiesdutype« end-of-pipe ».Decefait,ilyaunfaibleinvestissementdans
des technologies véritablementplus « propres » puisqu’elles présententdes coutsmarginauxbeaucoup
plus bas par rapport à des projetsMDPde technologies « end-of-pipe ». Les projets de flaring dans les
décharges sontunexemplede typedeprojetMDPdont lesbénéficesmarginaux sont très importants.
Pour les responsables des projets, le problème économico-environnemental impliqué dans lamise en
œuvreduMDPsestructureautourdel’apportfinancierenmatièredecréditscarbone.Danslesecteur
de déchets à Rio, le cout-bénéfice s’avère l’élément le plus important dans la création d’unprojet. En
conséquence, les projets sont souvent associés à des technologies moins efficaces en termes
d’environnement.Pearson(2007;Costa-Junioretal.,2013).
En réalité, le MDP s’avère un « bonus financier » pour les acteurs des entreprises qui possèdent la
concessiondutraitementdedéchargessanitairesàRio.L’infrastructuredesprojetsétaitdéjàenplace,de
telle manière que la participation au MDP représentait uniquement une augmentation du capital de
l’entreprise. Dans l’État de Rio, la construction de décharges sanitaires n’était pas directement
conditionnée à la participation auMDP .Oliveira (2004a) etHenriques (2004)montrent quedepuis les
années80, legouvernementdeRiomettaitenplacedes investissementspour lacréationdedécharges
sanitairesavec latechnologiedetorchère.Enréalité,cettetechnologieaété importéedesÉtats-Unisà
cettemême époque. Depuis le début des années90, le flaring figurait comme une « bonne pratique »
454Àl’exceptiondeGramacho.
393
pour le traitement de déchets au Brésil dans les catalogues des normes techniques de l’Association
BrésiliennedeNormesTechniques.Seloncesnormes,lorsdelaconstructiondesdéchargessanitaires,il
est conseillé demettre en place des tuyauteries pour la future captation de biogaz. De sorte que les
cellulesdeladéchargesontdéjàéquipéesdetuyauxpourlamiseenplaced’équipementsdelatorchère
plustard.(Freitasetal,2011).Cesnormesdatentégalementdedébutdesannées90(NBR,8419).455
Nousrevenonsencoresurlebascoutd’investissementpourl’installationdel’équipementdelatorchère
dans une décharge (Oliveira, 2004a) (D’Almeida & Vilhena, 2000). Le tableau ci-dessous compare la
moyenne d’un prix total de l’investissement et d’entretien de la mise en place d’un équipement de
torchèreauBrésilainsiquesesfraisdefonctionnementparrapportàlamoyennederéductionannuelle
de CO2. Cette réduction est équivalente à la quantité de créditsCO2 émis à travers le projet. En
regardantleschiffres,nouscomprenonspourquoilespouvoirspublicsbrésiliensencouragentlamiseen
place des projetsMDPpour les entreprises privées responsables des décharges sanitaires afin qu’elles
puissent« récupérer » leur investissementdans laconstructiondedécharges.Cettecomparaisonsimple
nousdonneune idéeplusconcrètede lanotiond’opportunitééconomiqueoffertepar leMDPdans le
secteurdedéchets456.
Tableau28:Lecroisementdecoutsd’investissementetopérationnelsdansunéquipementde« Flare »457etlamoyennede
réductionannuelledechaqueprojetMDPàRio458
.
Source:(UNFCC,2017a;UNFCCC,2019;PDD,2015;COMLURB,1999 ;Henriques,2004etLandim&Azevedo,2008)
455NormesABNT1992.456 Il est important de mettre en évidence qu’il n’était pas possible d’avoir accès aux bilans annuels des entreprises danslesquels nous pouvons voir la recette generée à partir de la vente des crédits CO2. De cette manière, nous faisons cecroisementdescoûts«théoriques»tirésdesdocumentsdelaCOMLURBetduPDDdechaqueprojetoùilyalaprévisionduvolume de réduction des émissions.Nous pensons que ce tableau peut nous donner une idée du coûtmarginal de lamiseoeuvred’unprojetMDPdecaptationdebiogazdansunedéchargesanitaire.457Cettevariationdecoûtdépenddelatailledeladéchargeetdesaprofondeur.458 Les chiffres correspondant au projet NovaGerar font allusion à son deuxième période de reduction des émissions. Laprémièrepériodearéduitunemoyenneannuelled’environ600000tonnesdeCO2.
394
IlesttrèsimportantdesoulignerqueleprixducréditdeCO2(chaquecréditcorrespondantàunetonne
deCO2)dans lesannées2000,avant lacrisedumarchéducarboneen2008/2009,aatteint leseuilde
26euros la tonne (INVESTING, 2017). Ainsi, le bas cout d’investissement et la préexistence d’une
infrastructure technologique localepour lapratiquedu flaring dans lesdéchargesauBrésil peuvent se
présenter comme des facteurs catalyseurs ayant suscité un certain opportunisme chez les « Project
Owners »desprojetsMDPdanscedomaineàRio.« L’apparition »duMDPréunitcesdeuxélémentset
traduitcette« coïncidence »parletermede« l’opportunitééconomique ».
« Les experts disent que les décharges seraient les meilleurs choix pour le
traitement de déchets. Serait-elle la meilleure technologie ? Ou serait-elle la
moins chère ? L’incinération pourrait être conseillée aussi, mais non… »
(2PROE16 — Presse spécialisée)
Lafaisabilitédelamiseenœuvred’unprojetMDPdépendexclusivementd’uneinfrastructurelocale.Le
nouveau scénario de la gestion des déchets (le début de la dynamique de construction de décharges
sanitaires inaugurée par l’État de Rio et légitimée plus tard en 2010 par la PolitiqueNationale sur les
Déchets)peutsemontrercommelefacteurconditionnantlamiseenplacedesprojetsMDPdecaptation
de biogaz à Rio de Janeiro. Dans l’analyse sur l’approche sectorielle du MDP, Burkel (2014) met en
perspective que la mise en place des projets dans un secteur spécifique dépend nécessairement des
politiques publiques locales pour l’exécution des projets. Bien que l’instrument ait l’intention de
promouvoirl’encouragementautransfertdetechnologiesdespaysdéveloppésverslespaysémergents,
la notion de gouvernance territoriale est indispensable pour analyser l’infrastructure technologique
locale.Cetteinfrastructureinfluenceladisparitédenombredeprojetsdanscertainssecteursparrapport
auxautres(Bozmoskietal,2008).Lanotionde« transfertdetechnologie »n’étantpasobligatoireetàla
foistrèsvastedansletexteduMDPfaitquelesmodalitésdecetransfertnepossèdentpasuncadretrès
rigide (Demaze, 2013a). « Il peut s’agir de matériels ou d’équipements, de logiciels ou d’outils, de
techniques,deconnaissancesoudesavoir-faire,etc.Letransfertet l’utilisationde latechnologiesefont
danslecadred’arrangements(joint-ventureoupartenariats)entrelefournisseuretlereceveur(fig.3),et
obéissentàdesdispositionscontractuellesvariées(licence,royalties,gratuité) »(Demaze,2013a:251).
AuBrésil,dansledomainededéchets,lemécanisme,enréalité,n’encouragepasunchangementradical
de l’infrastructure technologique locale.Malgré le fait que la technologie de torchère utilisée dans les
395
déchargessanitairessoitétrangère,l’implantationdecettetechnologiedecaptationdebiogazàpartirde
décharges n’a pas été déclenchée par le MDP. Dechezleprete et al.(2009a) souligne qu’au Brésil, le
transfertdetechnologie,notammentdanslesecteurdedéchets,esttraduitsimplementparl’importation
deséquipementsetque ladiffusion technologique joueun rôlemajeurdans l’implantationdesprojets
MDPdanscedomaine.Lanotionde« diffusiontechnologique »correspondautransfertdetechnologieau
seinduMDPquineconsistepasuntransfertdesavoir-faire.La« diffusiontechnologique »faitréférenceà
l’importation de la technologie étrangère liée aux « bonnes » capacités technologiques locales pour
l’implantation des projets. Autrement dit, cette notion se diffère de la notion littérale de transfert de
savoir—fairedanslamesureoùilyadéjàunknow-howtechnologiqueàl’échellelocale,etlesexperts
locauxseprêtentl’adaptationdelatechnologieimportée.« Astrongtechnologycapabilityfacilitatesthe
import of foreign technology, but it’s also a source of domestic technologies to be diffused locally.
Depending on which aspect is emphasized, it may thus be leveraged for very different patterns of
technologydiffusion. »(Dechezlepreteetal.,2009a:711).Ainsi,commedéjàdiscutéeaudébutdecette
partie,latechnologiedecaptationdebiogazestunepratiqueayantcommencéàfairepartiedelaréalité
detraitementdedéchetsàRiodepuislesannées80.Cetteactivitéaétépostérieurementdevenueune
pratiquecourante lorsde laconstructiondesdéchargessanitairesdéterminéepar lesactionspubliques
brésiliennesetfluminenses.Lanotionde« diffusiontechnologique »sefondenotammentsurl’idéed’une
faisabilitéetd’uneadoptionlocaleenavald’uncertaintypedetechnologieavantlamiseenœuvred’un
projetMDP.
« Du coup, on a dû adapter nos projets de mise en œuvre
d’extraction de biogaz à la réalité nationale. Nous avons été
obligés de développer une technologie interne ».
(Project Owner — 2POGR15)
La représentation d’« opportunité » liée au MDP évoquée lors des entretiens par les acteurs locaux
brésiliens (lesentreprises)estaussiencouragéepar lespouvoirspublicsauBrésil.Cette idée se trouve
dansuneétudepubliéeparlaBanqueNationaleduDéveloppement(BNDES).Landim&Azevedo(2008)
renvoientàcettenotiond’opportunismeéconomiqueapportépar leMDPdansledomainededéchets.
Dans cette étude, ils mettent l’accent sur l’intérêt financier de bruler le biogaz à partir d’une
infrastructuretechnologiquededéchargessanitairesdéjàenfonctionnement.Ilutiliselesdonnéesd’un
recensementsurl’assainissementréaliséparl’IBGEen2000quisoulignequ’àcettedateenviron35%de
volumededéchetsproduitsauBrésilétaientdéjàdestinésàdesdéchargessanitaires.Ainsi,ilcroisecinq
396
éléments composants cequ’onappelle« l’opportunismeéconomique » associéà lamiseenœuvredes
projetsMDPdecaptationdebiogazdanslesdécharges.Cesélémentssontlessuivants:legrandvolume
de réduction des émissions à partir des déchets ; le potentiel d’augmentation du volume de déchets
déposésdanslesdéchargessanitaires,lebascoutd’investissementdansleséquipementsdeflaring,etle
retourdel’investissementàtraversleMDPparlebiaisdescréditscarbone.
UneautreétudedeMesquita (2007)aborde l’applicabilitéduMDPdans lesecteurdedéchets.Publiée
parleMinistèredel’EnvironnementetleMinistèredesVilles,ellepossèdeunepartieintitulée« LeMDP
commeopportunitépourl’améliorationdeladurabilitédanslesecteurdedéchets »459.Danscettepartie,
lesbénéficesenvironnementauxàtraverslaréductiondeCH4sontmentionnésetainsiqueleséventuels
impacts sociaux du mécanisme. Cet « impact social » fait référence à l’attractivité financière du
mécanisme. Cette attractivité se traduit par un retour sur l’investissement dans des équipements du
flaring et sur l’entretien des décharges sanitaires à travers les créditsCO2. Malgré le rapport entre
« opportunité économique » et technologie soit très forte, il est intéressant d’élucider que dans les
discoursdesresponsablesdedécharges,lesmotscorrespondantàlathématiquetechnologiquenesont
pas associés directement au marché. C’est seulement à partir de la grande récurrence du mot
« opportunité »quenousavonspuconstruire,grâceàlalittératuresurleMDP,uneanalysepouvantfaire
apparaitrecettecorrespondanceentretechnologieetmarché.
Comme souligné par Costa-Junior et al (2013), la contribution du MDP au Brésil à la question
technologiqueétaitpremièrementunencouragementà l’industrienationale.Dansundeuxièmeplan, il
peut figurer comme une incitation à la formation de l’expertise locale. De ce fait, dans le contexte
brésilien, le MDP configure notamment un instrument de retour financier plutôt qu’un mécanisme
viabilisantletransfertdesavoir-faire.« (…)eventhoughBrazilisstillregardedasadevelopingcountry,it
hasconsiderable technologicalexpertise inmanysectors thatweretargetedbyCDMprojects.However,
thisdatumalsoshowsthat,inBrazil,CDMprojectsstandoutmoreforthetransferoffinancialresources
thanforencouragingthedevelopmentofnewcleanertechnologies »(p.71,Costa-Junioretal.,2013).
459«OMDLcomooportunidadeparamelhoriadasustentabilidadedosetor».
397
« On aurait dû gagner beaucoup plus à l’époque, on aurait dû
saisir les opportunités, on aurait vécu sa meilleure phase (du
MDP)460 ».
(Project Owner — 1POGR15)
8.3L’ÉCOLOGISATIONDEPRATIQUES:UNERÉALITÉENCOURAGÉEPARLEMDPDANSLE
DOMAINEDEDÉCHETSÀRIO ?
Dans la thématique « environnement », les mots les plus récurrents étaient les mots sémantiquement
associés à la question de la pollution. La « question environnementale » posée par le changement
climatique se résumepar l’émissionde gaz à effet de serredans lesparolesdesProjectOwners461. En
réalité, les émissions des GES mentionnés par les Project Ownerssont vues comme des externalités
négatives reconverties enproduitspar lebiais de la technologie.À leur avis, la possibilité « d’agir » sur
l’environnementseprésenteàtraverslamiseenplaced’unetechnologiepouvantréduirelesémissions
degazàeffetdeserreetainsicontribuerauralentissementduphénomèneduchangementclimatique.
Dans la catégorie « technologie »,462 il est possible d’observer que le mot « propre » est étroitement
articulé à la question de la technique. Les acteurs croient que le « brûlage des gaz » et la production
énergétiqueàpartird’unetechnologiquereprésententuneactionàlapréservationdel’environnement.
À leurs avis, ce processus inséré dans unmarché d’échange de quotas de CO2 prend la forme d’une
contribution à la lutte contre le changement climatique et à la préservation de l’environnement. Le
sentiment463de« contributionenvironnementale »desacteursresponsablesdedéchargesestliéàlamise
en place de la technologie de torchère. Ils n’évoquent pas directement les enjeux environnementaux
dans leurs discours. En effet, la représentation de « l’environnement » est réduite aux potentiels de
réductiondesémissionsdeGESd’unetechnologie.
460Leparticipantfaitallusionàlacriseactuelledumarchéducarbone.Elleestanalyséedanslechapitre2dethèse.461 Il est important de rappeler ici, que seules les paroles des entreprises privées seront analysées dans le contexte de lathématique«environnement»étantdonnéquelesautrescatégoriesd’acteurscatadoresnesesontpasexpriméessurcettethématique.462Lathématique“environnement”et“technologie”fontpartiedelanotionpluslargede“écologisationdepratiques”.463Ouleurrécitsurcesentimentqu’ilneleurappartientpasforcement.Undiscourssetraduisantpeut-êtredansdesproposdu«politiquement correct» face à l’interviewer. Toutefois, dans le cadredes limites denotre recherchenousnepouvonspasinférer de quoi s’agit-il. Nous sommes seulement en mesure d’analyser qu’à partir de leurs propros, ces acteurs croientcontribueràlapréservationdel’environnementenmettantenœuvrelatechnologiedelatorchèredanslesdécharges.
398
« Je crois qu’il est intéressant (le MDP), parce qu’en plus de
brûler le gaz et aider l’environnement, je peux toujours le
convertir en crédits et générer des recettes pour mon
entreprise. Tu comprends ? Il y a plusieurs facteurs
environnementaux et économiques… »
(Project Owner — 3PONI15)
En réalité, leur « contribution à l’environnement » se matérialise à travers la technologie capable de
rendre possible la captation du biogaz dans les décharges pour son brûlage ou sa conversion en gaz
naturel.Decettemanière,latechniquepossèdeunpoidsimportantdanslesdiscoursdesProjectOwners.
Ilest importantderappelerquelatechniqueestunedimensionimportantepourlefonctionnementdu
MDP. La technologie est donc l’instrument dans l’instrument. Ainsi quand ils signalent que lamise en
place du MDP est une « bonne pratique », il s’agit en réalité de se référer à la mise en place d’une
technologie comme un gain pour l’environnement. Une technologie n’étant pas obligatoire par la loi
brésilienne. De ce fait, pour cette catégorie d’acteur, « aider l’environnement », dans le contexte de
l’enjeu du changement climatique et dans le domaine de déchets, signifie mettre en place une
technologien’étantpasimposéeparlegouvernement.
Danslesdiscoursdesentreprisesprivées,lathématique« déchets »faittoujoursallusionàlatechnologie.
La technique étant le seul moyen capable de « transformer » cette externalité négative dans quelque
chosedepositif.Lecôtépositifserait,enultimeanalysesaconversionencréditsCO2.Ilestimportantde
décoller cette notion positive du crédit de CO2, d’une action vers la valorisation de déchets. Les
responsablesdesdéchargesàRionesemblentpas intéressésà lavéritablevalorisationdedéchets,qui
serait faite à travers une politique consolidée du tri. Le statut de déchets comme « résidu » doit se
demeurer comme tel, puisque son enterrement dans les décharges sanitaires signifie plus d’apports
économiquesàcettecatégoried’acteurs.Decefait,la« bonnepratique »enverslesdéchetsnedoitpas
être confondue comme une possible tendance vers sa valorisation. Elle demeure juste une pratique
environnementaleisolée,unepratiqueassociéeàsonpotentieléconomiquedanslecadreduMDP.
« Il est clair que le MDP n’est pas une obligation technique
pour faire fonctionner la décharge. Il représente une bonne
pratique. »
399
(« Project Owner » - 2POSE15)
« (…) Il n’y avait pas de loi ni de règles, donc je fais ça [le
MDP] parce que je vois une opportunité, et aussi pour réduire
mon impact environnemental, non ? On peut dire que d’une
certaine façon on peut utiliser ça [le MDP] comme une action
responsable de l’industrie… je suis en train de chercher de
nouvelles technologies, le transfert de technologie c’est
quelque chose que le MDP visait à implanter… »
(« Associations des industries de Rio de
Janeiro » 2SEFR15)
La technologie a un rôle fondamental pour « sauver » la planète du réchauffement climatique dans le
principeduProtocoledeKyoto, suivie justeaprèspar le rôlede l’économiedansceprocessus.Dans le
traité,l’économieestlemoteurd’encouragementpouratteindrel’objectifderéductiondesémissionset
latechnologieestlemoyenprincipalpourmatérialisercetteréduction.Laquestionéconomiqueapparaît
sous la forme desmarchés de CO2,mais elle n’est qu’un instrument par lequel il faut encourager les
acteursàmettreenplacedestechnologiespropres.Ainsi,àtraverslesdiscoursdesProjectOwners,nous
observons apparaître les caractéristiquesde la gouvernance technocentréedumécanisme. Les acteurs
économiquesreproduisentleprincipesurlequellarésolutiondel’enjeuduchangementclimatiquedoit
êtreconditionnéeà l’innovation technique.Pour sa faisabilité, lesactionsen faveurd’uneamélioration
environnementale des modes de production doivent être encouragées par (ou à travers) le marché
(Ehrhardt-Martinezetal,2015).
Dansletraité,etnotammentdanslecadreduMDP,c’estlatechniquelecheminobligatoirepourlequel
les pays en voie de développement doivent passer pour atteindre au « développement durable ». La
faisabilité du développement durable se présente sous la forme de la mise en place des nouvelles
technologies.IlestsignalédansletraitédeKyoto:« [lessignatairesduProtocoledeKyoto]coopèrentafin
depromouvoirdesmodalitésefficacespourmettreaupoint,appliqueretdiffuserdestechnologies,savoir-
faire, pratiques et procédés écologiquement rationnels présentant un intérêt du point de vue des
changementsclimatiques,etprennenttouteslesmesurespossiblespourpromouvoir,faciliteretfinancer,
selon qu’il convient, l’accès à ces ressources ou leur transfert, en particulier au profit des pays en
400
développement (…). » (CCNUCC, 1992: 11)464. Dans la rhétorique de la gouvernance climatique
onusienne,c’estleprojettechnocratiqueduMDPquiamèneàuneécologisationdespratiquesdespays
en voie de développement (Bailey et al, 2010). Nous observons cette prémisse dans les discours des
responsables des décharges: leurs actions de mettre en place la torchère figurent comme leur
contributionàl’enjeuenvironnementalliéautraitementdesdéchetssolidesurbains.
Feenberg (1992 indiquequ’il faut séparer lesdeuxdimensionsqui sont intrinsèquementassociéesà la
questiondelatechnologie:lesenssocialetlarationalitéfonctionnelledelatechnologie.Àpartirdeces
deuxdimensions,nouspouvonscomprendredansquellemesurel’aspectobjectifdelatechnologieopère
dansuncertaincontextesocialetcommentlemondesocialpeutdéterminerlestypesdetechnologieà
développer.Lanotionde« rationalitéfonctionnelledelatechnologie »correspondàl’objectifdel’usage
delatechnique.Cetusageobéitàunerationalitétechnoscientifiqueemployéepourdévelopperuntype
spécifiquedetechnologie.Cettedimensionest isoléeducontextesocial,elleseréfèreàlaconstruction
de systèmes théoriques et fonctionnels qui servent de base à la création d’un objet technique.
Cependant, les luttes politiques qui se cachent derrière le processus de sélection d’une nouvelle
technologiedéfinissentsonchampd’action.Enréalité, lechoixd’untyped’innovationtechnologiqueet
pasd’unautreest lamatérialisationdeplusieurscodessociauxétablisàtraversces luttespolitiquesde
prise de décision. De cette manière, le savoir-faire technique est étroitement associé au pouvoir. La
légitimationdelanécessitédelamiseenplacedecertainstypesdenouvellestechnologiesestdictéepar
ceuxquisontaupouvoir.
DanslecontextedelagouvernanceclimatiqueglobaledanslecadreduProtocoledeKyoto,lechoixdes
typesde technologieéligiblespour avoir l’approbationdesprojetsMDPest imposépar laConvention-
Cadre desNationsUnies sur le Changement Climatique. Premièrement, la « force » de dicter comment
l’enjeu du changement climatique pourrait être résolu par la mise en place des certains types de
nouvelles technologies « propres » est la traduction du pouvoir géopolitique de cette institution. De la
même manière, à l’échelle locale, le choix technologique de la construction des décharges par les
pouvoirspublicsetceluiduflaringparlesProjectOwnersestaussilatraductiondeleurspouvoirsdansle
domainededéchets.Cechoix révèle les intérêtsdesacteursdominantsduchamp.Nousavonsdiscuté
464NationsUnies.ProtocoledeKyotoàlaConvention-CadredesNationsUniessurleschangementsclimatiques.
401
dans les monographies de décharges, que l’emploi du flaring porte en soi une performance
environnementale assez insignifiante si comparée au potentiel d’amélioration environnementale si
l’énergie provenant du biogaz était employée. Sa contribution à l’amélioration environnementale des
alentours est aussi médiocre si comparée à des problèmes environnementauxmajeurs du secteur de
déchets à Rio465. En réalité, son choix rejoint uniquement les intérêts économiques des entreprises
privéesetindirectementdespouvoirspublicsmunicipaux.
Enayantouvertunebrèvediscussionsur la façondont la techniquederéductiondesémissionsestun
choixrésultantdel’élitedusecteurdedéchetsàRio,nousavonsobservéquesonchoixéconomiqueest
prioritaire à sa capacité de contribuer à l’amélioration environnementale. Différemment, de ce que la
théoriedelaMEpréconise,lemariageentrecapital,techniqueetaméliorationenvironnementales’avère
unerelationtrèscontroverséequandcesdimensionsseréunissent.L’innovationtechnologiquen’estpas
levecteurdirectdel’écologisationdespratiques.Elleestconditionnéeaujeudepouvoir.Danslecasdu
MDP, pourque la technologie rencontre l’environnement, il faut qu’elle demande l’accorddumarché.
Autrementdit,cesontlesavantageséconomiquesqui« fontletri »del’éventaild’optionsdetechnologie
àmettreenplace.Deschoixtechnologiquesquiseconcrétisentsontlesplusintéressantsparlesacteurs
détenantlepouvoirdansledomainededéchetsàRio.
Dupointdevuedelarhétorique,latechniqueestsynonymedelacapacitédesacteursàcontribueràla
préservationde l’environnement. Toutefois,quandnousapprofondissons ladiscussion, la technique se
décolle des propos environnementaux. L’écologisation des pratiques qui réunit deux dimensions du
développementdurable,latechniqueetl’environnementaldevientunesimplemiseenrécit.Danslamise
enœuvre duMDP dans les décharges à Rio, la technique s’associe surtout avec l’aspect économique,
tellequenousavonsobservédanslapartieprécédente.Danslescasdesdécharges,latechnologie« pas
chère » du flaring s’est révélée notamment commeunmoyende saisir des opportunités économiques
pourl’accumulationdecapital.
« On détruit le méthane, on le transforme en CO2 et en
conséquence on aide à ce que ce gaz ne soit pas émis
465L’absencedespolitiquesdetriconsolidéesdanslesmunicipalitésdel’Étatetl’émergencedesdéchargesclandestinesdanslamétropole.
402
directement dans l’atmosphère. Ce serait là le point positif (du
MDP) le plus noble, on va dire comme ça… il y a d’autres
points positifs du MDP associés au propre développement des
entreprises qui travaillent avec ça. »
(Project Owner — 1PONI15)
« Bon, les points positifs (du MDP) sont très clairs… je crois
qu’il y a aussi la question environnementale très forte associée
à ça et que normalement les gens oublient, parce qu’il existe la
question économique qui est aussi très forte… »
(Project Owner — 4PONI15)
Ainsi,lanotionde« l’écologisationdespratiques »commeunmariageentretechniqueetenvironnement,
selonlesprincipesdelaME,estuneillusionthéoriquesitraduitedanslaréalitédelamiseenœuvredes
projets MDP dans le secteur de déchets à Rio. Elle existe dans le plan de la rhétorique des acteurs
économiques de ce champ des déchets de Rio puisqu’ils doivent reproduire la prémisse du traité de
Kyoto. Mais la réalité du domaine nous dévoile un autre aspect, celui de l’innovation technologique
conditionnéeauxavantageséconomiques.Sidanslanotiond’écologisationdespratiques,latechnologie
figure comme un outil « sauveteur » de la crise écologique actuelle, dans notre étude de cas, les
améliorationsenvironnementales sont liéesaux intérêtséconomiquesdes catégoriesd’acteurs lesplus
puissantsdudomaine.
Pourconfirmerla« faiblesse »delathématiqueenvironnementaledanslaréalitéduMDPdanslechamp
dedéchetsàRio,ilestnécessairederappelericiquelesnombresdesmotsapparussurcettethématique
étaient lesmoins nombreux parmi les 5 autres thématiques construites pour l’analyse de discours. En
outre, la thématique environnementale était la moins présente dans les discours de la majorité des
catégories d’acteurs interrogés pour la thèse. La question économique reste toujours la thématique la
pluspertinentepourlesquatreprincipalescatégoriesd’acteurs466impliquésdansladynamiqueduMDP
dans le domaine de déchets à Rio de Janeiro. Bien que les entreprises croient contribuer à
l’environnement enmettant enœuvre leMDP (par le biais des technologies de captation du biogaz),
l’aspectéconomiquerestelethèmelepluspertinentdansleursdiscours.« (…)lacroissanceéconomique
466LesentreprisesprivéesquifontpartieduMDPdansledomainededéchets,lesancienscatadoresetlesONGsquitravaillentaveceuxetlespouvoirspublics.
403
estrestéeetresteaujourd’huiencorepourlesconcepteursetlesingénieursdudéveloppementsoutenable
unobjectifetunressortdepremierordre ».(Burbage,2013:21).
8.4LEDÉVELOPPEMENT:L’EMPLOID’UNMOTÀPLUSIEURSSENS
Ànouveau,danslacatégorie« technologie »,lemotdéveloppementestundesindicesquiaeuplusde
manifestationsdans lesproposdesparticipants,notamment lesProjectOwners.Lesentreprisesprivées
quiontimplantédesprojetsMDPfontallusionau« développement »commeunmotconditionnéparla
technologie.Le« développement »utilisédanslathématiquedelatechniqueestemployédanslesensde
« développement d’une technique ». Ce « développement » a comme finalité la participation au MDP.
Cette donnée révèle qu’il n’y a pas eu de transfert de technologie entrainé par lamise en place d’un
projetMDP,contrairementàcequiétaitprévudansleProtocoledeKyoto.Lesacteurséconomiquesdu
mécanisme dans le domaine de déchets à Rio de Janeiro parlaient du « développement d’une
technologie » dans l’objectif de la développer avec leur propre savoir-faire afin d’avoir la possibilité
d’intégrer ce nouveau marché. En réalité, ce « développement de technologie » ne se réfère pas à la
créationd’unenouvelletechnologieensoi,maisàl’adaptationd’unetechnologiedecaptationdebiogaz
dans les décharges sanitaires déjà existantes dans le monde467. Ils mettent l’accent sur le besoin de
« créer »unetechnologieplusprochede la réalitébrésilienne,sur les typesdedéchetssolidesproduits
parcettepopulation.
La production de déchets est influencée par le type de population. Les caractéristiques des déchets
domestiquesvarientselonplusieursaspectsdecettepopulation.Parexemple:lerevenu ;lemodedevie ;
lemouvementdelapopulationpendantlesvacances ; lesdifférentesméthodesdeconditionnementde
produits (utilisation d’emballages en plastique à l’usage unique), etc. (Cunha & Filho, 2002). Dans cet
ordre d’idée, il est indispensable de revoir les modes d’importation de technologies américaines ou
européennesdetraitementdedéchetsenAmérique latine.Lemanqued’uneéventuelleadaptationde
ces technologies aux réalitésdepays latino-américainspeut entrainerunéchecde fonctionnementde
ces technologies au niveau local (Ferreira & Anjos, 2001). Ainsi, les discours sur le développement
technologiqueauniveaulocalsontliésàl’absencedutransfertdetechnologiepréconiséparleMDP.
467Lesacteursontmentionnél’originedecettetechnologiecommeenétantdepayseuropéens.
404
Danslacatégorie« marché »,lemot« développement »estapparucommeassociéàlathématiquedela
« croissanceéconomique ».Ainsiàpartirdesparolesdesreprésentantsd’entreprisesprivéesauxquelsa
étéconcédéelapriseenchargededéchargessanitairesàRio,onpeutobserverquel’utilisationdumot
« développement » assume deux facettes. La première porte sur l’emploi d’un mot pour désigner la
création ou le perfectionnement d’un type de technologie plus appropriée aux caractéristiques de la
gestiondesdéchetslocaux.Ensuite,cemêmemotestemployédansunsenséconomique,pourjustifier
laparticipationdesentreprisesàcemécanisme.Lebutdesonusageestdetirerdesavantagesfinanciers
etdemettreenplacedesprojetsdecemécanismepourledéveloppementéconomiquelocal.Seloncette
catégorie d’acteurs, leMDP a ouvert la possibilité d’un développement économique local à travers la
possibilitédecommercialisationdescréditscarboneparcesentreprisesprivées.
« Il y a d’autres points forts (du MDP) associés au développement des
entreprises qui travaillent avec ça. Il y a d’autres structures basiques
qu’il faut avoir dans une société pour se développer… (Avec le MDP) on
arrive à garantir une inclusion non seulement sociale, mais aussi à
encourager les entreprises privées à y participer. Du coup, cette
entreprise privée devient un partenaire dans le développement d’une
infrastructure (...). Donc, avec ce programme de Caixa468, elle vise à
encourager le développement de cette technologie 469correcte de dépôt
de déchets ».
(Project Owner — 2PONI15)
8.4.1L’utopiedudéveloppementdanslespaysémergents:LeMDPcommeuninstrumentdesaréalisation
Les acteurs parlent du développement économique local comme d’un besoin urgent et permanent. À
partlesparolesprononcées,lelangagenonverbaldurantlesentretiensfaitaussiallusionàlanécessité
d’un« développement »àRiodeJaneiro.Créerdenouvellesentreprises,intégrerunnouveaumarchéet
créer de nouvelles infrastructures technologiques ce sont les prémisses obligatoires pour participer au
468ProgramofActivities(POA).Cettemodalitéd’inclusiondeprojetsMDLàpartird’uneseuleentreprise(danscecas,laCaixaEconômicaFederal).LaCTRdeSeropédicafaitfaiteduPoA.469Technologiededépôtsdedéchetsendéchargesanitaire.
405
développement.Ainsi,pourlesProjectOwners,auregarddetouteslesdéchargessanitairesfaisantpartie
del’étude,lanécessitépourleBrésildesedévelopperparaitévidente.Afindedonnerplusderobustesse
à la discussion sur l’amplitude sémantique de l’usage dumot « développement » dans les discours des
acteursimpliquésdansladynamiqueduMDPàRio,ildevientimportantd’ouvrirunebrèvediscussionsur
la racine de ce discours sur le « développement ». Il est fondamental de le contextualiser dans un
processus politico-historique qui a généré cette nécessité de se « développer » dans les pays latino-
américains.
Bienquelenomdumécanismeensoipuissepousserlesacteursàutiliserleterme« développement »,il
est intéressant de discuter sur les représentations qui sont impliquées derrière l’utilisation de cemot.
NousremarquonsquelesacteursfontréférenceauBrésilenutilisantlacatégorieéconomiquepourles
paysémergentsmentionnésdansleProtocoledeKyoto:« lespaysenvoiededéveloppement ».Comme
déjà dit au début du paragraphe, il est nécessaire de voir si l’emploi du mot représente une simple
reproduction verbale de la catégorie des pays de la non-Annexe I de la Convention-Cadre desNations
Unies470 ou si le sens donné par les entreprises privées (les acteurs économiques du MDP à Rio)
représente chezeuxune vraienécessitédedéveloppement local. Àpartir de l’analysede contenudes
données,ilestpossibled’ouvrirunediscussionsurlesensdel’emploiduterme« développement »pour
lesacteursimpliquésdansleMDP.
Premièrement,Rist(2013)signalequele« développement »estun« mot-plastique ».C’est-à-direqueson
emploipeutêtrevidedesensetqu’ilpourraitacquérirn’importequelleformeàpartirdesparolesquiles
prononcent.Ilpourraitdiretoutetsoncontraireenmêmetemps.Soninterprétationestaussilargequ’il
pourraitêtreemployépourtraduireunnombreindéterminéd’activitéshumaines.Ilsouligneque« c’est
l’ensembledesactivitéshumainesmodernesquipeuventêtreentreprisesaunomdu“développement” ».
C’estunmotdevenutellementcourantqu’ilaoutrepassésanotionsavanteinitialepourfinirvidédeson
sens.Rist(2013)empruntecettenotionsemblableàun« mot-valise »dePorsken(1989)pourexpliquer
les usages sans distinction dumot « développement ». « PourUwé Porsken, la caractéristique d’unmot
plastique est d’avoir appartenu d’abord à la langue courante, où il possède un sens clair et précis (le
développementd’uneéquation),d’avoirétéensuiteutilisépar la langue savante (ledéveloppementdes470L’enjeuqui reposederrière lacatégorisationdespaysselon leur«niveaudedéveloppement»etses implicationsdans lamiseenplaceduProtocoledeKyotoestexposédansleChapitre1delathèse.
406
espècesselonCharlesDarwin)etd’êtreaujourd’huirepriseparlalanguedetechnocratesdansunsenssi
extensif qu’il ne signifie plus rien, sinon ce que veut lui faire dire le locuteur individuel qui l’emploie. »
(ibid.:37)
Ainsi,àpartirdesonemploichezlesProjectOwnerspourdésigner,d’unepartlacréationdetechnologies
etd’autrepartsonusagepourfaireréférenceauxavantagesapportésàtraverslaparticipationauMDP,il
estpossibledevoir laflexibilitédesonemploidanslaparoledesacteurs.Cependant,quandils’agitde
parlerd’un« développementéconomique », sonsens reflète la croyancedansuneutopiede« bonheur
collectif » qui repose derrière l’imaginaire du « développement » (Escobar, 1992a). Cet imaginaire
construit autour de la notion de « développement » est le produit d’un discours occidental moderne
d’après-guerre.Cedernierimposele« développement »commeunmodèleàsuivreparlespaysquin’ont
pas encore réussi à l’atteindre. Ainsi, au-delà du fait de traduire des phénomènes économiques et
politiques, qui dans les années70 visaient l’émancipation économique et sociale des pays, le
développementest rentrédans lemondedes idées (Maluf, 2000;Ribeiro,1992).Caractérisée comme
une idéologie,unecroyance, voireuneutopiedumondemoderne, lanotionde« développement »est
ancréedans l’économieoccidentale,danssonsystèmedeproduction,depouvoiretdereprésentation.
Escobar(1992b)définitledéveloppementcommeun« appareil »quiportesurluilesliensquisetrouvent
entre lespratiqueset les symboles sur l’économie, la sociétéet lamodernité. L’idéedeprogrèsqui se
cachederrièrelareprésentationde« développement »révèlelatentativedel’Hommeàdonnerdusens
au social à travers une rationalité. Ainsi, c’est partir d’épistème de la modernité que la notion de
développement façonne les formes de penser et agir du monde contemporain (Escobar, 1992b ;
Latouche,2007).
Rist (2013) précise quemalgré les 70 ans étant passés après la diffusion du discours sur le besoin de
développementenvers lespaysduSud,cesderniersn’ontpasréussiàconcrétisersur leurterritoirece
projetdedéveloppement.Unprojetquisetraduitparlapromessedel’émancipationéconomique,parla
correction des imperfections dans les institutions politiques, par l’usage efficace de leurs ressources
naturellesetparl’éradicationdelapauvreté.L’hégémoniedecediscoursessentiellementoccidentalsur
la nécessité de se développer est fondée sur trois éléments concrets: le capital, la technologie et les
ressources(Escobar,1992b).Lanotionde« développement »estexclusivementancréesurlamatérialité
de ses principes. « Le triomphe symbolique du développement est celui de l’identification des relations
407
sociales et des signes matériels par l’économique(…) les économistes ont présenté le développement
comme la conséquence normale d’un bon fonctionnement d’une économie “naturelle”, libérée des
ancestrales entraves. » (Latouche, 2007: 57). Ainsi, les pays qui n’ont pas réussi à atteindre certains
critères calqués sur les principes du développement occidental sont caractérisés comme « sous-
développés ».Eneffet,leconceptdedéveloppementneprendsonsensques’ilestmisenoppositionau
conceptde« sous-développement ».Cetteoppositionsymboliqueestpertinentepourlalégitimationdela
nécessitéd’atteindreun« développement »danslesdiscoursdesgouvernementsetdesacteurssociaux
despayspluspauvres.L’objectifdecesnations,représentéescomme« sous-développées »,estd’arriver
auniveauéconomiquedumondeoccidental.
« On est un pays en voie de développement, on n’est pas
encore arrivé au niveau maximum de nos émissions de GES,
mais on a besoin de se développer, non ? »
(Associations des industries de Rio de Janeiro -
1SEFR15)
Comment se déroule le processus d’autoreconnaissance d’un pays en tant que « sous-développé » ?
Latouche (2005) et Escobar (1999) traduisent l’appropriation de la notion de « sous-développement »
pours’autoreprésentercommeunprocessusexogène. Ils l’intitulent« lacolonisationde laréalitéetde
l’imaginaire ».Unmécanismedepouvoirrégulelediscourssurle« développement »etsonantithèsequi
est le« sous-développement ». L’impositiond’être reconnuen tantque« sous-développés »amenéces
pays à une tache difficile: réduire la perception de chaque aspect social, économique et politique de
leurs sociétés d’après le spectre de la notion de « sous-développement ». Cette tâche consiste à
l’observationminutieusedeleurssociétésafindeconstruiredesprojetsd’intervention(souventétatique)
pour pouvoir éradiquer les problèmes qui caractérisent le « sous-développement » (Escobar, 1992 a).
« L’intériorisation du regard de l’autre engendre dans les sociétés non occidentales la nécessité d’une
stratégiededéveloppement.Ils’agitd’unecertainefaçond’uneoccidentalisationplanifiée »(ibid:103).
Le discours omniprésent sur le « développement » est légitimé par les théories économiques. La
connaissancescientifiquedecechampayantfaitapparaitre lanotionde« développement »estrégulée
par lesacteursaupouvoir.Ainsi, lesensdudiscoursdudéveloppementestgénéralementdictéparces
expertsprovenantdespaysdits« développés ».Decefait,lanécessitédeparveniraudéveloppementse
408
concrétise dans les politiques internationales d’aide au développement. Le cadre théorique de ces
politiques au sein de la Banque Mondiale et d’autres agences des Nations Unies est essentiellement
charpentéparlespaysduNord.Lelangageoccidentalquidéfinitlesensdudéveloppementinternational
estdictéet légitiméparlebiaisdesorganisationsintergouvernementales(Eade,2010).Enl’occurrence,
lesprémissesduProtocoledeKyoto,etplusspécifiquement,duMécanismedeDéveloppementPropre
sont basées sur une notion de « développement » qui est essentiellement un produit occidental et un
instrumentderégulationdepouvoir.
« Les points positifs (du MDL) sont d’encourager de
nouvelles formes de développement dans des pays
où il en est en manque. »
(Project Owner — 2POSE15)
Laparticipationàunmarché international (par lebiaisduMDP)s’avèrecommeunsignede« quêteau
développement ». Cette question est soulevée par quelques acteurs des entreprises privées dans le
domainedesdéchetsàRiodeJaneiro.Latouche(2005)soulignequelamondialisationestlasuitelogique
duprojetdedéveloppementinitialiséparleprocessusdecolonisation.LeProgrammedesNationsUnies
pourleDéveloppement(PNUD),danssonrapportde2015,exposantlesstratégiespourlespolitiquesde
développementd’après2015,met l’accent sur lebesoinde faireusagede la globalisation commeune
forcepositivepourlacréationdesstratégiesdedéveloppement.« Generateamorebalanceddistribution
ofboth thebenefitsofglobalizationand the responsibilities for its costs.Opportunities fordevelopment
needtobebetterdistributed; »(UnitedNations,2012:53).
Enréalité,l’accèsaumarchéquireposederrièrelarationaliténéolibéraleincitelespaysàselancerdans
unequête incessanteaudéveloppement,étantdonnéque lanotiondedéveloppementestunenotion
économique.Rist(2013)révèlel’accèsau« développement »estmaintenantàlaportéedetousàtravers
lemarchéglobalisé, surtoutdespaysdits« sous-développés »« Quantauxpartisansde laglobalisation,
comment les soupçonner de négliger le bonheur collectif ? (…). Dès lors, pourquoi les pauvres se
plaindraient-ils ? L’accèsà la richessene leur estpas fermé.Pour yparvenir, il leur suffit de renoncerà
appliquer d’autres règles du jeuque celles dumarché, de la concurrence et de la liberté des échanges.
Certes, on sait bien qu’il existe encore des pauvres et que leur situation est difficile, mais il n’est plus
nécessairedeleurréserveruntraitementspécial.Poursortirdeleurmarasme,illeursuffitd’accepterlaloi
409
communequeleurproposentlesmarchandsexemplaires,pourréussirtoutseulsàaccomplirlesmiracles
autrefoispromisparles“développeurs” »(Rist,2013:389).Ainsi,lamondialisationdevientunecourseoù
letrophéeestl’accèsau« développement ».
« … et ces technologies plus propres ont été aussi
développées par des pays qui ont intérêt à les vendre à des
pays plus pauvres ».
(Project Owner — 4POGR15)
À partir de ces extraits et de notre discussion sur les représentations cachées derrière le discours du
« développement »,nouspouvonsvoirque ledéveloppementestunrecoursrhétoriquepour justifier la
participation aumarché. En réalité, les acteurs nepointent pas la concrétisationd’un seul élément de
changementlocaldanslesecteurdedéchetsapportéparle« développement »préconiséparleMDP.De
cettemanière,nouscroyonsquecertainsacteurspensentqu’ilestpeut-êtreplusacceptabledejustifier
l’accumulation du capital à travers le MDP par l’argument basé sur la nécessité du pays et de la
communauté locale de se développer. À l’égard de nos discussions à partir de l’emploi du mot
« opportunité »,l’usagedumot« développement »aétéaussiutilisépourexprimersurtoutlesavantages
économiquesquel’instrumentpeutapporterauxacteursresponsablesdesdéchargessanitaires.Decette
manière,sonusagenecorrespondpasàl’expressiond’unecroyancedanslanécessitédedéveloppement
delagestiondecesecteurd’activitédanslamétropoledeRio.Mais,enfonctiondelagrandevariation
d’usage sémantique pouvant comporter le mot, toute entreprise sociale et économique peut être
justifiéeaunomdu« développement ».
8.5LAJUSTICEENVIRONNEMENTALEDANSLEDOMAINEDESDÉCHETSETLACONTRIBUTIONDU
MDP:UNOBJECTIFINACHEVÉ ?
L’indicateur le plus évoqué par toutes les catégories d’acteurs dans la thématique « Justice
environnementale »étaitlemot« catador ».Celui-cipeutrévélerl’enjeuquereprésentait(oureprésente)
lavulnérabilitédecettepopulationaumomentdelafermeturedesdéchargesàcielouvert.Néanmoins,
au regard des autres indices les plus récurrents après « catador » dans chaque catégorie d’acteurs, la
thématique générale « Justice environnementale » est caractérisée par des contours et des
représentationsdifférentes. Pour lesProjectOwners, les indices lesplus répétitifs étaient « société » et
410
« emploi » (ou « création d’emploi »)471. D’autre part, dans les discours des catadoreset des assistantes
socialesdescoopératives,lesmotslesplusrécurrentsétaient« travail »,« lutte »et« coopérative ».Ilest
capitaldesoulignerquedansaucunentretienlesentreprisesn’ontcitélemot« coopérative »pourfaire
allusionaunouveaumodedetravaildescatadoresenplaceactuellement.
Lemot « catador » a étémentionnéde façon récurrentepar les entreprises privées,mais aussi par les
autres catégories d’acteurs impliqués, telles que les assistances sociales en faisant référence à la
vulnérabilité sociale de cette population472. Cependant, l’allusion à la vulnérabilité de cette population
actuellement est très différente selon chaque type d’acteur. Dans les discours des entreprises
responsables de décharges, cette vulnérabilité est souvent traduite par une « question sociale » à
résoudre absolument. Une « question sociale » qui représentait un obstacle pour la fermeture des
déchargesàcielouvertetpourlaconstructiondedéchargessanitaires.C’est-à-dire,unepopulationqui
symbolisaituneentravepour l’inaugurationde lanouvelledynamiquede la gestiondesdéchets àRio,
caractériséeparl’entréeducapitalprivédanslapriseenchargedesdécharges.Lesassistancessociales
décrivent de cette manière la perception des pouvoirs publics locaux et des entreprises privées par
rapportàl’existencedescatadores.
« Ils (les catadores) sont en dehors de la dynamique. En fait,
l’idée était qu’ils fassent partie de la chaîne. Surtout de par
l’enjeu que représente leur existence même, plutôt que par le
besoin de leur reconnaissance en tant que professionnels ».
(« Assistante sociale » - 1ASSE15)
8.5.1Leregarddesancienscatadoressurleurproprepopulationaprèslafermeturedesdécharges:Unefrustrationpolitique
471L’indice«emploi»étaitfréquemmentassociéàla«créationd’emploi»danslesdiscoursdesentreprisesprivéesquisontenchargedesdéchargessanitairesàRiodeJaneiro.472Ilestimportantdesoulignerquelescatadoreseux-mêmessevoientcommeunepopulationvulnérable.
411
La résolution du risque environnemental provoqué par l’existence de décharges à ciel ouvert était
étroitement liée à la nécessité de mettre en place une politique sociale de réaménagement des
catadores.Ainsi,lasituationdecestravailleursavantlafermeturedesdéchargesàcielouvertpourraitse
comprendre sous le prisme du concept d’inégalité environnementale, habitant dans une zone de
sacrifice. Sur le plan théorique, la notion d’inégalité environnementale constitue un principe pour
comprendre le lien existant entre justice sociale et risqueenvironnemental sur les différentes échelles
spatiales(Cornutetal,2007).AuBrésil, lamajoritédesenjeuxenvironnementauxrésultantsdesactions
quicherchentàatteindreun« développement »économiqueseconcentrentsurlespopulationslesplus
pauvres(Malagodi,2012).Lecapitalalacapacitédehiérarchiserlesespaces,àl’intérieurdesquelsilcrée
desairesendommagéesqui sont leproduitdesactivitéséconomiques.Cesespacessontdépourvusde
valeurs économiques et sont souvent indisponibles pour la productionde richesse.De sorte que cette
division socialede l’environnementest souvent accompagnéede ladivision socialedu travail.Ainsi les
populationslesplusprécairesnedisposentpasdesconditionsmatériellespours’extraired’unespacequi
offreunrisqueenvironnemental(Acselard,2002,Durand,2011).Cemariageentrevulnérabilitésocialeet
risque environnemental dans un espace circonscrit caractérise la formation d’une zone de sacrifice
(Bullard,1994).
Bien qu’il existe une corrélation importante entre précarité sociale et dégradation environnementale,
Dobson(1998)etBeal(2011)signalentquesouventlespolitiquespubliquesquiprétendentpromouvoir
ladurabilitéenvironnementalenemettentpasenavantdesactionseffectivespour lapromotionde la
justicesociale.« Parmilestroispiliersdudéveloppementdurable,levoletsocialestsansaucundoutecelui
qui fait l’objet du moins d’attention. Cette dimension est souvent négligée dans les politiques de
développementurbaindurable »(Beal,2011:9).
« Quelle était l’idée ? D’accompagner l’insertion sociale des catadores
de près (avec l’aide des programmes sociaux créés par Caixa
Econômica Federal)473 ». « Ce truc de CTR474, je me rappelle que
c’était un concept qu’elles (les entreprises privées) avaient, non ? Le but
était de traiter les déchets de façon à avoir le moins de dégâts possible
d’un point de vue social et environnemental ! »
473LesprogrammessociauxduPOAsontdiscutésdanslamonographiesurleprojetMDPdelaCTRCiclus.LacoopérativedesancienscatadoresdeSeropédicareçoituneaidedel’entreprisedanslecadreduPoAdelaCaixa.474CentrodeTratamentodeResíduos:CentredeTraitementdesDéchets.
412
(« Assistante sociale » - 2ASSE15)
La reconnaissancede la catégoriedecatadoresdans le textede laPolitiqueNationale sur lesDéchets
(PNRS)expliqueuneintentiondugouvernementfédéraldepromouvoirunedurabilitéenvironnementale
etunejusticesocialedansledomainedesdéchetsauBrésil.Ilestévidentquelafermeturedesdécharges
à ciel ouvert apartiellementbénéficié auxcatadores enmatièredesnuisancesenvironnementales.De
même,lapossibilitéd’installationdecoopérativesleurapermisdecontinueràtravaillerdanslesecteur
dans un environnement éloigné des risques sanitaires. La concrétisation d’un type de justice
environnementale se matérialise dans le fait de ne plus les laisser travailler dans un environnement
chargé de risques, tel que les décharges à ciel ouvert. Pour les anciens catadores, être éloignés des
risquessanitairesestperçucommeessentiellementpositif,un« gainsocial ».
« Le positif c’est de savoir qu’on a une vraie structure, tu sais ? Une
structure plus saine où on est libéré du soleil et de la pluie475. Quand il
est midi, on peut aller à la cuisine. Il y a un frigo, un four, une micro-
onde. On peut réchauffer notre déjeuner. Et, quand on part, on a des
toilettes séparées pour les femmes et les hommes où on peut prendre
une douche. Il y a aussi notre bureau. »
(« Catador » - 1ACGR15)
Cependant, l’inexistenced’unepolitiquedetriconsolidéedans lesmunicipalités fluminenses renforce la
marginalisationsocio-économiquedecesacteurs.Lamiseenœuvredelacollectesélectivedanslesvilles
del’ÉtatdeRioseraitlaported’entréepourlégitimercettepopulationentantqu’acteurséconomiques
danscenouveaucontextede lagestiondesdéchets imposéspar laPNRSet leprogrammeLixãoZero.
Toutefois, pourquoi les villes de la métropole de Rio ne possèdent-elles pas une politique de tri
consolidée ? Premièrement, à l’époque de la mise en place de la PNRS, le Brésil présentait un indice
d’environ10%derecyclagedesesdéchetsurbainsgrâceàlamain-d’œuvreabondanteetpaschèrede
cettepopulation.Ces indicesne sontpas les résultatsde la concrétisationdespolitiquesde tridans le
pays.Enréalité,commenousavonsdiscutédanslesmonographies,lespolitiquesdetriexistentdansloi
dechaquemunicipalitéuniquementcommeunepiècedemarketing(Waldman,2013).Dansuncontexte
475Enportugais,laparticipanteavouludirequ’ilssontàl’abridumauvaistemps.Dansunecoopérative,Ilspeuventtravaillersansêtreexposésauchangementdemétéo,différemmentdeleurconditiondetravaildanslelixão.
413
brésilien,lapromulgationd’uneloiquiprétendmettreenœuvreletrinecorrespondpasdirectementà
lacréationdesmécanismespoursamatérialisationdanslaréalité.Autrementdit,unepolitiquepublique
nepeutpasforcémentsetransmuterenuneactionpublique,à l’égarddelaconceptualisationd’action
publique de Lascoumes & Galès (2012). Ces pouvoirs promulguent la loi puisqu’elle peut servir à
améliorer leur imageinstitutionnelle.Mais, ilsnecréentpasdesdispositifspour leurmiseenœuvreen
fonctiondugrandinvestissementqu’uneactionpubliquedecetteportéedemande.
« Au Brésil, le tri fonctionne parce qu’il existe déjà une
population (les catadores) qui subventionne ça. »
(Presse Specialisée — 2PROE16)
Les effets pervers de cette nouvelle gestion des déchets solides urbains inaugurée par ces actions
publiques sont étroitement associés aux pouvoirs locaux. Notamment, dans notre étude de cas, à la
mairie de Rio et de chaque district où se trouvent les coopératives. La mise en place d’une collecte
sélectivedesdéchetsdépendd’eux.Ainsi les indicessur la« lutte »et le« travail »dans lesdiscoursdes
catadoresfontallusionàcettedifficultédes’inséreréconomiquementdanscettedynamiqueàl’échelle
desmunicipalités.
« Pour nous, les catadores, en parlant de l’infrastructure, c’était cool. On
attendait ce moment-là. On attendait surtout qu’il soit de la façon pour
laquelle on a lutté… Avec une structure, dans laquelle les catadores
appartiendraient à des coopératives, avec la Política Nacional de
Resíduos Sólidos concrétisée, avec tout ça, non ? (…) Une transition
tranquille, non ? C’est pour ça qu’on a lutté. Mais, malheureusement… »
(Catador - 3ACGR15)
« (…) Donc, en matière’infrastructure, c’est clair qu’ici c’est mieux…
mais par rapport à l’argent, ici n’est pas mieux parce qu’il n’y a pas la
politique de tri, on a des difficultés, tu sais ? (…) On croit que si cette
politique est mise en œuvre, on va gagner plus que ce qu’on gagne
maintenant parce qu’on va recevoir plus de matériaux recyclables… »
(Catador - 4ACGR15)
414
Lesproblèmesetlesdifficultésnesontpasassociésdirectement(dansleursdiscours)àlafermeturedes
déchargesàcielouvert.Aucontraire, lafermetureétaitunévénementpositifà leursyeuxétantdonné
qu’elle leur a offrait un environnement de travail « digne » (selon leursmots). En réalité, leur difficulté
reposedanslanécessitéàfairesurvivreéconomiquementleurcoopérativedanscettenouvelleréalitéde
lagestiondesdéchets.Bienquelasortiedumodèledesdépôtsultimesdesdéchetsdanslesdéchargesà
ciel ouvert représente un gain de « dignité » et un signe de reconnaissance politique de leur catégorie
professionnelle476,l’absenced’unepolitiquepubliqueconsolidéesurletrilesremetànouveauàlamarge
de ladynamiquede traitementdesdéchets. La« transition tranquille »évoquéeparunedesanciennes
catadorastraduitl’espérancedéposéedanslaPNRSsurlaquestiondel’éradicationdesrisquesauxquels
ilsétaientexposésetlamiseenplacedemesuresdejusticesocialeenverseux.Eneffet,cetinstrument
de l’action publique gardait en soi la promesse de la consolidation d’unemesure effective de « justice
environnementale »,oùlesinégalitéssocialesetenvironnementalesseraientrésoluessimultanémentau
nomde la « durabilité environnementale » prévue par cette politique.Mais, sa capacité de concrétiser
unejusticeenvironnementales’arrêteaumomentoùlamiseenplacedutriestdéléguéeàauxpouvoirs
locaux.
476Ilestintéressantderappelerquedanslethématique«déchet»lorsdel’analysedecontenu,lesanciens«catadores»lesréfèrentcommeunproduit,unregardpositifenverslesrésiduspuisqu’ilreprésentelasourcedeleurrevenu.Savalorisation,letri, est l’activité permettant de le faire survivredans lemarchédu travail.De ce fait, ils ont une représentationpositivedudéchet lié à sa valorisation.Cependant, notre recherchen’avait pas l’objectif d’analyser enprofondeur la représentationdechaquecatégoried’acteursurlesdéchets.Cettethématiqueaétécrééeuniquementpourvérifierd’unefaçonsimpleàpartirdel’apparitiondemotsliéeàlaquestiondelagestiondesdéchetspourenrichirlesrésultatssurleurappropriationduMDP.
415
Figure83:Schémadelafermeturedesdéchargesàcielouvertcommeuneactionquipermettraitladisparitiondes
inégalitésenvironnementalesdanslapopulationde« catadores »àRiodeJaneiro.
Ainsi,lamatérialisationdelajusticeenvironnementaleenversle« catadores »àRiodeJaneiroàtraversla
créationdespolitiquesde tri révèle l’incompatibilité fondamentalede cetteactionavec les intérêtsde
l’ensembledesacteurslocauxdudomaine.DanslamétropoledeRio,nousobservonsunjeud’intérêtsde
l’élitedelagestiondesdéchetsàl’échelledesmunicipalitéspournepasmettreenplaceletri.D’uncôté,
nous avons les entreprises responsables de décharges dont le gain est proportionnel au volume des
déchets. C’est-à-dire que la réduction du volume de déchets par le tri représenterait une baisse dans
leurs recettes. De l’autre côté, il y a les pouvoirs publics municipaux, qui ne possèdent pas d’intérêt
d’améliorer les infrastructuresdesvillespour lacréationd’unegestiondesdéchetsrecyclablespuisque
cetteactiondemandeunbudget important (Gouveia,2012). Ilne fautpasoublierqu’à l’échelle locale,
souvent, ces deux catégories d’acteurs possèdent des relations très proches. Ainsi, le tri peut
« perturber »unerelation« harmonieuse »entrelesacteursdominantsdelagestiondesrésidus.
416
« Dans la COMLURB477, quand il y a eu de gens là-dedans
avec l’envie de l’implanter (le tri), personne n’a eu l’intérêt
économique de le faire. »
(1ONRE16-Chargée de Communication)
Malagodi (2012)met en perspective que certaines politiques publiques brésiliennes qui envisagent de
corriger les inégalités environnementales tendent à le faire avec une approche technocentrée. Les
objectifs de lapolitique sontplutôtbasés sur l’efficacitééconomiquede l’instrumentpour continuer à
promouvoir le développement au détriment de la correction effective des aspects socio-
environnementaux.« Lespolitiquesenvironnementalescontemporainess’inscriventainsidans lecourant
que D. Harvey nomme la “modernisation écologique” qui sans remettre en cause les fondements des
systèmeséconomiquesetpolitiques libéraux, intègre lespréoccupationsde justiceenvironnementale,et
chercheàenrésoudrecertaines.Toutefois,leurapplicationlaissevoirleurslimites »(Blanchonetal,2009:
48).Ainsi,suivantunmodèlenéolibéralderéalisationdelajusticeenvironnementale,plusieurspolitiques
top-down tendentàmettreenplacedesactionsquivisentlaconcrétisationd’unejusticecompensatoire
et distributive. La notion de compensation et de redistribution des biens et des « maux »
environnementauxreposesurune logiquedemarchandisation.Enréalité,après lamiseenplaced’une
politiqueayantpourobjectif lerèglementdes inégalitésenvironnementales, laréparationdes injustices
socialesquiendécoulentestsouventdéléguéeaumarché(Beal,2011).
Cetteapprochenéolibéraledelajusticeenvironnementaleestprésentéedanslestravauxsurlathéorie
delajusticedeRawls(1971).Ceprincipedejusticeenvironnementaletraduitl’espritpragmatiquedela
justicesocialeenverslescatadoressurlequelreposelaconceptiondelaPNRS.Lanotionrawlsiennedela
justiceestbaséesurl’aspectéquitabledeladistributionderessources.Rawlspartduprincipequ’ilexiste
une équité intrinsèque entre les individus et que la promotion de la justice se fera à partir de la
distributiondesbiens.Danslamesureoùilexisteuneégalitéentrelesindividus,iln’yapasdeplacepour
la relativisation de la notion de « bonne vie » pour chaque groupe d’individus. La concrétisation de la
justicedistributiveneremetpasenquestionlareprésentationdeceenquoiconsistela« bonnevie »dans
477CompanhiaMunicipaldeLimpezaUrbana.CompagniepubliquedelavilledeRiodeJaneiroresponsablepourlagestiondesdéchetssolidesurbains.
417
l’imaginairedechaquecatégoried’acteur(Scholosberg,2004).Enréalité,ils’agitd’effectuerdesactions
de distribution de biens sans prendre en compte trois aspects: premièrement, l’évaluation de cette
distribution (dans quelle mesure elle pourra être améliorée) ; deuxièmement, les conditions socio-
économiques des individus (bien qu’ils soient égaux face à l’État, il existe des inégalités socio-
économiques inhérentes à n’importe quelle société478) et dernièrement, les rapports de pouvoir qui
déterminentetconditionnentlesmodalitésdecettedistribution.Généralement,lespolitiquespubliques
quiappliquentleprincipedelajusticedistributivepourlacorrectiondesinégalitésenvironnementalesne
visent pas à corriger des inégalités sociales d’une façon structurelle, cause principale des inégalités
environnementales.
En réalité, la priorité de ces politiques se résume dans une correction urgente des risques
environnementaux.Cependantquandlesinégalitésenvironnementalesnesontpasrésoluesentièrement
(dimension sociale+dimensionenvironnementale), la correctiondesproblèmes sociauxassociésàeux
semble à être réparée superficiellement. De cette manière, la préoccupation avec la résolution des
inégalitéssocialesprovenantdesproblèmesenvironnementauxestdéléguéeaudeuxièmeplan.Ainsi,le
contexte de réparation de l’aspect social des injustices environnementales devient le marché. Ces
politiques employant le principe de la justice redistributive font la redistribution des biens
environnementaux en éloignant la population vulnérable du risque. Mais, la correction de leur
vulnérabilitésocialesefaitenfonctionducontexteéconomique.Ilsgagnentunecompensationetçasera
leur performance dans lemarché qui va déterminer s’ils iront sortir de leur condition de vulnérabilité
sociale(Cornutetal,2007).
Lasituationactuelledes« catadores »illustrebienceprincipe.N’étantplusaucontactdedéchargesàciel
ouvert,cettepopulationestainsi libredes risquesenvironnementaux.Cependant,poursurmonter leur
vulnérabilité sociale historique, les pouvoirs publics les ont payés une indemnité et la PNRS a prévu
l’encouragementàl’inclusiondescoopérativesdansladynamiquedelagestiondesdéchetsurbainsdans
lepays.Ainsi, lapolitiquenationalesurlesdéchetsleurimposeuneinsertiondirectedansl’industriede
recyclage.Cette actionpublique fédéraleémetun signeque la résolutionde leur vulnérabilitédépend
exclusivementd’eux.C’est-à-direqueleurnouveaustatutde« petitsentrepreneurs »seraitlemoyende
478Uneabsencedusensdeladimensiond’équité.
418
changerleurconditionsocio-économiquemarginaliséedecatadores.Uneconditionpouvants’améliorer
selon leur performance dans lemarché desmatériaux recyclables. Bien que la redistribution de biens
environnementaux soit faite, le fait que leur coopérative serait en pénurie dematériaux en raison de
l’absencedepolitiquedetriàl’échellelocalen’apasétéprisencomptedanslapolitiquenationalesurles
déchets. À cepropos, le gouvernement fédéral, à travers la PNRS, « lave sesmains » et concrétise une
justiceenvironnementaleexclusivementcompensatoireenverslescatadores.« (…)toutsepassecomme
si l’on était passé d’une rationalité sociale, c’est-à-dire d’une forme d’organisation de la société dans
laquellelesinstitutionspolitiquessontlégitiméesparleurcapacitéàorganiserlesconditionsdelajustice
sociale, à une rationalité de marché dans laquelle le marché est appréhendé comme une forme pure
d’organisationsocialeetsurtoutcommeunvecteurdejusticesociale »(Beal,2011:9).
En réalité, ces actions publiques, notamment la PNRS, n’ont pas pu concrétiser ce que nous avons
délimitéthéoriquementcomme« justiceenvironnementale »(éradicationdesrisquesenvironnementaux
+ éradication des inégalités sociales). Ces actions publiques ont seulement réduit les risques
environnementauxpour lescatadores et lespopulationshabitantauxalentoursdes lixões.Toutefois, il
estimportantdemettreenavantlephénomèned’apparitiondesdéchargesclandestines.Cephénomène
remetmêmeencauselacapacitédecenouveaumodèlenéolibéraldedépôtfinaldesdéchetsderéduire
des risques environnementaux. La marchandisation du système de dépôt définitif des déchets a
déclenchélamanifestationdesintérêtséconomiquesdesacteursdudomaine.Cesintérêtsontempêché
la correction des inégalités sociales caractéristiques de ce champ d’activité. Ainsi, cemodèle appliqué
dans le contexte sociopolitique de Rio s’avère défaillant. La crise économique de l’État de Rio et
l’incapacitédecemodèleàapporter la justice socialeauxcatadoresontcontribuéà la résurgencedes
risques environnementaux associés aux dépôts inappropriés des déchets solides urbains dans la
métropole.
419
8.5.2LeMDPcommeagentdejusticesociale:unerhétorique« vide »chezlesProjectOwners
« Du coup, on va tout concentrer dans une décharge
sanitaire… on va concentrer tous les impacts négatifs dans ce
point-là (la décharge). Les impacts positifs, en général, vont
au-delà du lieu de la décharge. Donc, quand on fait une
décharge sanitaire, elle va créer des emplois pour la société,
va générer des recettes pour l’entreprise et va générer un
marché interne là-bas… »
(Project Owner — 2PONI15)
Enfait,les« ProjectOwners »mettentl’accentsurlesgrandsavantagesfinanciersduMDPetensuitesur
lesavantagessociauxque lemécanismeapportepour justifier lespremiers. Ilest importantdesignaler
que le sujet des avantages économiques se répète plusieurs fois au long des entretiens, alors que les
« avantages sociaux » ne sont « révélés » qu’aumoment où la question de « l’opinion sur leMDP » est
posée. Ainsi, sous le rideau de la « question sociale » accompagnant la notion de « développement
durable », les entreprises justifient leur participation à unmécanismequi apporte surtout des recettes
auxentreprisesquimettentenplacedesprojets.
« Il y en a d’autres (points positifs du MDP), comme la création
d’emploi. Par exemple, à Nova Iguaçu, nous avons une équipe
de 5 personnes qui travaillent avec le biogaz, quelques-uns
sont des anciens “catadores” du “lixão de Marambaia”. Donc, il
y a une dimension sociale très importante dans ces projets
MDP. »
(Project Owner — 4PONI15)
« Donc, on construit une décharge sanitaire et elle va créer des
emplois, elle va créer un marché interne là-bas. Donc, on a
cette préoccupation, nous qui travaillons dans la décharge, on
est très habitués à travailler avec les “catadores”. Et il y a aussi
toute cette question sociale, dans la décharge sanitaire, qu’on
travaille aussi. »
(« Project Owner » — 2POSE15)
420
Il est importantde soulignerqu’àaucunmoment lesassistantes socialeset lescatadores neparlentde
leurinsertionprofessionnelleauseindesentreprisesquicontrôlentlesdéchargessanitaires.L’absorption
de lamain-d’œuvrede« catadores »par lesentreprisesnesemblepas représentativedunombrede la
population de ces professionnelles à Rio de Janeiro. Lors du terrain, nous n’avons pas constaté des
améliorations socio-environnementales locales engendrées par leMDP en comparant les discours des
catadores, les assistantes sociales et les entreprisesprivées. Le soi-disant « accomplissement » du volet
social du domaine de déchets évoqués par les responsables de décharges ne correspondait pas aux
enjeux et revendications prononcés par les catadores et les assistantes sociales. D’un côté, les
responsablesdedéchargesn’ontjamaisparlédelaquestiondutricommeunenjeumettantenpérilles
coopératives (unenjeu latentpourcettepopulation).De l’autre,aucunparticipantparmi lescatégories
descatadores etdesassistantessocialesn’ontabordélesavantagessociauxditsparlesentreprises.Dece
fait,nousconcluonsquel’acquissocialauquellesProjectsOwnersfontréférencen’estpasreprésentatif
delapopulationdecatadores,nidel’amplitudedel’enjeudel’absenced’unepolitiquedetri.
Malgrél’existenced’unerhétoriquesurlesbénéficessociauxapportésdansletexteduMDP,salogique
de fonctionnement repose exclusivement sur le comptage technique des émissions pour l’échange de
quotasdeCO2.Ainsi, leproposflousurladimensionsocialeprésentedanslagenèseduMDPainsique
dans lestextesdutraitéetde laCCNUCCestreproduitdans lesdiscoursde lamajoritédesentreprises
privées responsablesdedécharges.Lemanquededéfinitiondesnotionsde« développementdurable »
ou « développement propre » (expressions présentes dans l’article12 du Protocole définissant leMDP)
peut favoriser l’instrumentalisationde leur sens lorsde sonusagepar lesacteurs locaux. L’absencede
clartédecettedéfinitionaétéunchoixpolitiquede laCCNUCC.Toutefois, cetteabsencededéfinition
globale »desobjectifssocio-environnementauxdumécanismeaentrainécetamalgamedessensetune
instrumentalisation à l’échelle locale de ce qui pourrait figurer comme les bénéfices sociaux du
MDP.Cependant, parmi plusieurs acteurs des entreprises privées, un seul participant du projet de
GramachoaconfirmélafaiblessedeladimensionsocialedanslescritèresdelamiseenplaceduMDP.
421
« En fait, je ne suis pas trop les questions qui seront discutées
à la COP-21, non ! Je crois qu’il y aura une tendance vers un
aspect social beaucoup plus fort des projets MDP… »
(Project Owner — 3POGR15)
À l’égardde laquestiondecatadores,nousavonsconstatéuneconfusiondesdiscoursdesentreprises
privées. Les responsables des décharges évoquaient certains avantages sociaux (tels que la création
d’emplois) pour la construction des décharges comme étant un avantage social apporté du MDP.
Toutefois, nous avons observé que la construction des décharges à Rio n’est pas conditionnée au
montagedesprojetsMDP.Autrementdit,cenefutpasleMDP,l’instrumentresponsabledelacréation
desdécharges.Ilyaainsiunetranspositionauniveaudesdiscours.Onnousaparlédescritèressociaux
imposés par le gouvernement local pour la création des décharges, comme si ces avantages sociaux
provenaient exclusivement du fonctionnement duMDP. Cet amalgame discursif nous a interpelées en
raison de l’absence d’évocation de tous les acteurs d’un avantage social exclusivement apporté par le
MDP. En réalité, les Projects Onwers ne savent pas dire dans quelle mesure le MDP a apporté des
bénéfices sociaux aux « catadores. Nous pensons que c’est une raison pour laquelle, ils évoquent des
avantages sociaux provenant de la construction de décharges. D’ailleurs, ni les catadores et ni les
assistantessocialesneprécisentaucunchangementsocialapportéparlemécanisme.Globalement,lefait
quelesentreprisesgagnentdescréditscarboneaprès lacaptationdeméthaneàtraversuninstrument
demarchén’aenrienchangélasituationdelapopulationlaplusvulnérabledusecteurdedéchetsàRio:
lescatadores.
422
CHAPITREIX:LERÉGIMECLIMATIQUEONUSIENINCORPORÉÀLA
GOUVERNANCELOCALESDESDECHETS:UNEDISCUSSIONCRITIQUEETDES
PROPOSITIONSPOURLACONCEPTIONDU« SUSTAINABLEMITIGATIONMECHANISM ».
Cechapitreprétend,dansunpremier temps, relier lesobservations sur l’étatde la rechercheavec les
résultatsminutieusement analysés lors de la deuxième partie de la thèse ainsi que dans le chapitre8.
L’intentionde lapremièrepartie est dedégager le cadre théoriquegénéral du travail en résumant les
résultats empiriques des chapitres précédents. Ensuite, dans un deuxième temps, nous articulons ces
résultatsavecdesconclusionsplusgénéralessurlescaractéristiquesduchampdetraitementdesdéchets
solidesurbainsdeRio.Unefoiscesélémentsdéveloppés,nousavons laprétentionde« bâtir » la thèse
suivante: lamiseenœuvreduMDPdanslesecteurdesdéchetsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiroaété
instrumentaliséeparlesacteursprivésetpublicscommeuninstrumentd’accumulationducapitalà
traverslamiseenplacedetechnologiesdéjàexistantesdanslesecteur.Laquestiondelacaptation
du biogaz dans les décharges ne résulte pas d’un processus d’écologisation de pratiques. La
captationdecegaz faitéchoà lamiseenplaced’un instrumentnéolibéral insérédansunsecteur
marqué par la logique « néo-développementaliste ». De ce fait, le MDP n’encourage pas
l’écologisation des pratiques. Cet instrument ne contribue pas à la correction des injustices
environnementalescaractéristiquesdusecteurdutraitementdesdéchetsdelamétropoledeRiode
Janeiro.
Finalement, à la fin de ce chapitre conclusif, nous énonçons des suggestions pour la structuration du
nouveaumécanismeglobalderéductiondesémissionsonusien:le« SustainableMitigationMechanism ».
Cesrecommandationssontbaséessurlesrésultatsdenotreapprocheempiriquedel’analysecritiquede
lamiseenœuvreduMDPdansledomainedesdéchetsàRio.Ledessindesrecommandationsrapproche
notretravailderecherched’unecertaine« praxis »del’objet,toujourscritiquédansl’approched’analyse
delasociologiecritique479.Cependant,cettesuggestionnecorrespondpasdirectementaupassagedela
phase normative de la sociologie critique à la phase pratique. Elle veut simplement atténuer les
479Voirchapitreméthodologique.ChapitreIV.
423
défaillances méthodologiques de l’approche appliquée à notre objet de sorte à « alléger » les limites
méthodologiquesdenotre recherche.Autrementdit, nousneprétendonspas fairede la critiquepour
une dénonciation qui se renferme sur elle-même, comme souligné par Boltanski (1990) sur le
« pessimisme » de la sociologie critique. En outre, ces recommandations représentent aussi un effort
cognitif de notre part sur l’acceptation de l’influence du courant néolibéral dans l’élaboration des
instruments globauxd’actionpubliquede lutte contre le changement climatique.Bienquenous ayons
fortement critiqué les conséquences de l’emploi d’un instrument guidé par les forces du marché à
l’échellelocale,nousacceptonségalementl’impossibilitéd’unchangementradicalencequiconcernela
gouvernance environnementale onusienne. Ainsi, nous croyons que la construction des
recommandations pour une mise enœuvre plus inclusive et plus écologique du nouveau mécanisme
onusien,leremplaçantduMDP,pourraittraduirel’espritdenotrecritique.
9.1.LESDIMENSIONSDELANOTIONDE« DÉVELOPPEMENTDURABLE »ETLEURMISEENŒUVRE
AUSEINDUMDPÀRIO:UNRÉCAPITULATIF.
Laréuniondenosoutilsthématiquesprovenantdelanotionde« développementdurable »traduitd’une
façondétaillée lamiseenœuvreduMDPdans ledomainedesdéchetsurbainsàRio.De ce fait, nous
reprenonsicilesdiscussionsduchapitreprécèdentd’unefaçonplusglobaleafindemontrerlesrésultats
dechaquedimensiondelamiseenœuvredumécanisme.Grâceàcetteméthodeanalytique,nousavons
pucomprendrequeplusieursaspectscontroversésdelamiseenœuvreduMDPsontétroitementliésà
la caractéristique « néo-developpementaliste » du secteur de la gestion des déchets dans l’État de Rio.
CetteanalysenousaaidésàconfirmerqueleMDPestuninstrumentnéolibéral,mais l’efficacitésocio-
environnementaledesamiseenœuvredépendégalementdeladynamiquelocaledusecteurdanslequel
l’instrument s’insère.D’après l’analysedenos résultats,nousconsidérons scientifiquement raisonnable
deconfirmerl’argumentexposéci-dessus.L’obtentiondedonnéespertinentesprovenantdenotretravail
de terrain nous permet désormais de confirmer l’hypothèse énoncée lors de notre méthodologie. En
effet, le MDP est un outil de lutte contre le changement climatique qui opère dans une logique
marchande. Sa logique de fonctionnement priorise le développement économique au détriment de la
préservationenvironnementale locale et de la correctiondes enjeux sociaux locaux lors de samise en
œuvredanslesdéchargesdansl’ÉtatdeRiodeJaneiro.Toutefois,nosrésultatsnousontpermisd’aller
424
plus loin et d’inférer que le programme « néo-developpementaliste » relatif à la gestion des déchets
instauréeà l’échelle locale s’avèreun facteuraussidéterminantde lamiseenplacedecet instrument
global.
En réalité, lamiseenœuvrecontroverséedecet instrumentmontre la faiblesseduMDPàconcrétiser
plusieurs dimensions de la notion de « développement durable » préconisées dans le Traité. Tels que
l’aspect de la gouvernance locale relative au traitement des déchets, de la concrétisation de la justice
environnementaleenverslescatadoresetdel’écologisationdespratiquesauseindelagestionlocaledes
déchetssolidesurbainsdanslesdéchargessanitaires.Ilest importantderappelerqueleseulaspectoù
nous n’avons trouvé aucune controverse dans la mise en œuvre du MDP portait sur la question du
marché. Les acteursontpuacheter et vendredes créditsCO2et choisir deneplusparticiperduMDP
sansaucuneentravedesagencementsmarchandsàl’échellelocale,nationaleouinternationale.Eneffet,
c’est précisément l’aspect marchand dumécanisme qui a guidé le choix des acteurs dans la mise en
œuvredel’instrument.Ainsi,nousrappelonsbrièvement lescontroversestrouvéesdanschaqueaspect
afindesoulignercommentladimensionéconomiqueainfluencéleurmiseenœuvre.
Premièrement, nous allons traiter la dimension de la gouvernance. Bien qu’elle ne fasse pas partie
« directement »delanotionde« développementdurable »,ils’agitd’unedimensionquirégulelamiseen
œuvre des éléments de cette notion à travers lemécanisme au niveau local. De cettemanière, nous
avonsobservéquelagouvernanceinternationale,nationaleetlocaledumécanismen’apasprésentéde
controverses en soi concernant notre corpus de recherche. Toutefois, la polémique émerge si nous
considérons que la gouvernance du mécanisme est aussi dépendante de la gouvernance locale de la
gestiondesdéchetssolidesurbains.NousavonsobservéquedanslecasdeSeropédica,l’installationdela
déchargesanitaireau-dessusd’unegranderéservedel’eaupotablefaisaitl’objetd’ungranddébatlocal.
Unedécisionpolitiquequicontrastel’étatdeslieuxtechniquessur legrandrisquedecontaminationde
l’aquifèrePiranema.Malgré la luttede la communautédeSeropédicapouréviter le risquede fuitede
lixiviat,l’INEA(l’organismechargédesquestionsenvironnementalesdel’ÉtatdeRio)adélivrédespermis
environnementauxd’installationetd’opérationdelaCTR.Cetteactionamisenlumièredesrapportsde
425
pouvoirs inégauxentre lacommunautédeSeropédicaet le« blocdepouvoir »480desdéchetsconstitué
parl’ÉtatdeRio,lespouvoirsmunicipauxetl’entrepriseresponsabledeladécharge.
Concernantladimensiondelacorrectiondesinégalitésenvironnementaleslocales(c’est-à-direcelledela
justice environnementale) liées à lamise enœuvre dumécanisme, nous avons constaté que l’activité
professionnelle de la population des catadores continue enmarge de la dynamique de la gestion des
déchets solides urbains dans les trois cas de figure de la thèse, malgré le MDP. Notamment, les
coopératives des anciens catadores de Gramacho et de Seropédica font face à des difficultés
d’intégrationdansl’industriederecyclageenraisondel’absenced’uneactionpubliqueconcrètesurletri
au sein des municipalités fluminenses. À part la condition de marginalisation socio-économique de la
populationdecatadores, l’émergencedesdéchargesàcielouvertclandestinesàGramachoet lerisque
réeld’intoxicationdel’aquifèreàSeropédicaparticipentaussiàl’éclosiond’injusticesenvironnementales
envers les populations vivant aux alentours de chacune des décharges. Ce contexte révèle que les
injustices environnementales persévèrent malgré le fait que le MDP soit activé dans les décharges
respectives481.
Enfin, l’écologisation des pratiques encouragée par la mise en œuvre du MDP est également
controversée. Cette dimension comprend l’aspect technologique pouvant augmenter l’efficacité
environnementaledelagestiondesdéchets.Cettequestionestliéeàlavalorisationdesdéchetscomme
uneprocédurepouvantminimiserleursrisquesvis-à-visdel’environnement.Cetaspect,trèscentraldans
leproposdumécanisme,nousamontréquel’exploitationdestechnologiespouvantvaloriserlebiogazà
partirdesatransformationenénergierenouvelableestconditionnéeparlesopportunitéséconomiques.
Ainsi, le MDP n’encourage pas le dépassement du business-as usual de la captation du biogaz par la
technologiede la torchèrepuisqu’il récompensedéjà cette action avecdes créditsCO2.Nouspensons
quecelaempêchede« pousser » la technologiedu flaring vers lavalorisationdubiogazcommesource
énergétiquedanslecadredumécanisme482.Parconséquent,danslaréalitédenotrechamp,l’objectifde
480«OblocodepoderdoLixo»ou“DiretoradodoLixo”481 Il est important de souligner que la décharge de Gramacho a quitté le mécanisme en raison d’une baisse de crédits.Toutefois,cescréditsseraientdestinésàaméliorer lequartierdeGramacho,uneactionn’ayantpuêtreconcrétiséepuisquel’entrepriseresponsabledeladéchargeaquittélemécanisme.482Danscetargument,nousneprenonspasencomptelescontraintesdelagouvernanceénergétiquebrésiliennepourlavented’énergierenouvelableprovenantdedéchets.Nousconsidéronsseulementlemécanismecommeinstrumentencourageantla
426
lamise enœuvre dumécanisme ne repose pas sur la recherche d’une technologie de traitement des
déchetsplusefficaceentermesenvironnementaux,maisplutôtsuruneopérationvisantlacompensation
financière. Le schéma ci-dessous illustre ce que nous venons de discuter, à savoir unemise enœuvre
controverséedesdimensionssocio-environnementalesde lanotionde« développementdurable ».Une
miseenœuvrediscutabledupointdevuede lanotiond’écologisationdespratiquesde lagestiondes
déchetsetdelaconcrétisationdesjusticesenvironnementalesenverslespopulationsvulnérables.Cette
miseenœuvrecontroverséesematérialiseenfonctiondelagenèsenéolibéraledel’instrumentainsique
delalogiquedegouvernance« néo-developpementaliste »brésiliennequiréguleledomaineàRio.Cette
discussionseraapprofondiedanslaprochainepartie.
miseenplacedestechnologiespouvantêtreplusefficacesentermesenvironnementaux.Autrementdit,unusagetechniqueaméliorédel’internalisationdesexternalitésnégatives.
427
Figure84:LenéolibéralismeduMDPetle« néo-developpementalisme »dusecteurdedéchetsàRiofaçonnentlamiseen
œuvredesprojetsMDPdecaptationdubiogazdansl’État.
9.2ENTRELESPOLÉMIQUESINHÉRENTESAUDOMAINEDESDÉCHETSÀRIOETLEPRINCIPE
NÉOLIBÉRALDUMDP:UNEMISEENŒUVRECONTROVERSÉE.
« Plusl’espacesocialconsidérétendàfonctionnercommeunchampclosoùs’affrontent,pourdesintérêts
spécifiques, des agents communiant dans le même intérêt générique, plus le champ tend à devenir
objectivement indépendant des forces sociales extérieures, et plus il se donne à lui-même ses propres
règlesetsespropresinstancesdelégitimation »(Accardio,2006:195).Aulongdeschapitres,nousavons
montré la logiquede fonctionnement relatifà lagestiondesdéchargessanitairesàRioconcernéespar
desprojetsMDP.Nous avonségalementmontré les règles et le jeud’acteurs au seindudomainedes
428
déchetsafindecomprendrecomment lamiseenœuvreduMDPsedérouledanscette réalité sociale.
Inscritedansuneapprochedelasociologiecritique,nousavonsunevisionthéoriquedumondesocialoù
desmécanismesviabilisentlaperpétuationd’unordresocialpréétabli.Dansplusieursarènesdumonde
social, nous trouvonsdes règles et des distributions inégales des ressources entre les acteurs qui sont
déterminantes dans la création des rapports de pouvoir dans un champ spécifique (Bourdieu, 1994).
Ainsi,à la lumièred’unesociologiecritique,nousavonsmontréde façondétailléecomment lamiseen
œuvre du MDP prend une dimension dépendante de la logique locale du secteur de la gestion des
déchets.
9.2.1.QuandlenéolibéralismeduMDPrencontrelaréalité« néo-développementaliste »delagestiondesdéchetsàRio.
Lastructureduchampdelagestiondesdéchetssolidesurbainsfigurecommeunearènetrèsferméequi
fonctionneselonsespropresnormesetrègles.DanslecasdeRio,nousobservonsunecertaineabsence
dediversitéd’acteurs483ainsiquedesrapportsdepouvoirstrèsmarqués.D’ailleurs,cechampestmême
caractériséparcertainsauteurscommeunréseaudirigéparla« bandedesdéchets »484(Waldman,2016 ;
Magera,2003).Cette« bande »est composéeexclusivementpar lesentreprisesprivéeset lespouvoirs
locaux, dont l’objectif est de façonner la gestion selon leurs intérêts spécifiques, au détriment de
l’inclusionsocialeeffectiveetdel’efficacitéenvironnementaledansletraitementdesrésidus.Decefait,
auseindecesystème,lesentreprisesresponsablesdesdécharges,lespouvoirspublicsmunicipauxetde
l’ÉtatdeRioainsiquelescatadores,ycomprisleurscoopératives,seconfrontentetnégocientselonles
règles établies par la PNRS et notamment selon les ressources auxquels chaque catégorie d’agents a
accès(Fligstein,2007).Auregarddecettevisionstructuralistedelaréalitésociale,nousavonsexaminé
l’incorporationduMDPdanslesecteurdesdéchetscommeuninstrumentquicorroborelesrapportsde
dominationpréexistantsdanscechamp.
483 Par «diversité d’acteurs» nous faisons référence à la possibilité d’avoir des différents d’entreprises responsables desdécharges sanitairesdans l’ÉtatdeRio. Il est importantde rappelerque lesentreprisesNovaGramacho,CiclusetCTRNovaIguaçu,entreprisesdirectementresponsablesdesdécharges,onteneffetcréédes«joint-ventures»oùlesgrandesentreprisestelsqueHaztecetleGroupeSynthesissetrouventderrièreleurcomposition.Dansl’ÉtatdeRio,plusde70%delaquantitédesdéchetstraitésdanslesdéchargessanitairessontsouslecontrôledel’entrepriseHaztec.484«Diretoradodolixo»
429
Mais pourquoi Le MDP, dessiné pour réduire des émissions et aussi pour apporter des changements
locauxvers« ledéveloppementdurable »afiniparréaffirmerl’ordresocial local,s’avérantjusteêtreun
instrument de marché dans le domaine des déchets à Rio ? « En fait, le monde social est doté d’un
conatus, d’une tendance à persévérer dans l’être, d’un dynamisme interne, inscrit à la fois dans les
structuresobjectivesetdans les structures “subjectives”, lesdispositionsdesagents, et continuellement
entretenuetsoutenupardesactionsdeconstructionetdereconstructiondesstructuresquidépendentde
leurprincipede lapositionoccupéedans lesstructuresparceuxqui lesaccomplissent (Bourdieu,1994:
3) ».L’ordresocialétablidansladynamiquedegestiondesdéchetsàRioestrestéinchangéaprèslamise
enœuvredumécanisme.Uninstrumentdontlapromesseseraitd’apporteruncapitaltechnologiqueet
économiquepouvant contribuer audéveloppement local dans les pays en voiededéveloppement.Un
développementtelqu’ilétaitécritdanslePDDdes3projetsdenotrecorpusderecherchedessinéspour
l’envoiàlaCCNUCC.
NovaGerar,lorsdesonpremiercycled’émissionsdecrédits,afaitlapromessededonner10%dutotal
de l’énergie générée par le biogaz de la décharge à laMairie de Nova Iguaçu485. Cette énergie serait
destinéeauxbâtimentspublics,notammentauxécolespubliquesetauxhôpitauxdelamunicipalité.« The
projectwillalsohaveasmall,butpositiveimpactonemploymentinthelocalareaasanumberofstaffwill
need to be recruited tomanage the landfill gas operations.Additionally, as a condition of the license,
NovaGerar will donate approximately 10% of the electricity generated on-site to the local municipal
authorityofNovaIguaçu(wheretheprojectislocated),toprovidelightingforthelocalschools,hospitals
andotherpublicbuildings ».(PDD,2004:4).Ilestintéressantdesoulignerquecettecontributionfaitdéjà
partie d’un accord passé entre l’entreprise et la municipalité de Nova Iguaçu lors du contrat de
concession et de délivrance des permis environnementaux par l’INEA pour le fonctionnement de la
décharge.
485ÀpartcettepromessedecontribuerpartiellementauapprovisionnementénergétiquedelavilledanslePDDdelapremièrepériodedecycledecrédits (2004-2011), lePDDdudeuxièmecycledeproductiondescréditsduProjetdeNovaGerar (2011-2018)présentedespetitschangements.Ildéfinitlacontributionduprojetaudéveloppementlocalàtraversl’améliorationdel’environnementauxalentoursdeladécharge,etainsipourlaqualitédel’airàpartirdelacaptationdubiogaz.Cependant,ledocument reconnait la capacité limitée du projet à contribuer au développement local. Il indique que cette contribution«limitée»reviendraitàcréerauseinde ladéchargequelquespostesseulementauprèsde lapopulation locale(PDD,2013).Toutefois, le PDD du deuxième cycle ne mentionne plus l’octroi de 10% de l’énergie générée par la décharge à quelquesinstitutionsdelamunicipalitédeNovaIguaçupuisquecetteopérationnes’estpasconcrétisée.
430
À part l’action de répéter les mêmes bénéfices socio-environnementaux établis lors du contrat de
concessiondeladéchargedansledocumentpourleprojetMDP, lagénérationd’électricitédanslesite
de NovaGerar n’est pas d’actualité. D’après notre monographie, la production énergétique dans la
décharge est considérée comme « infaisable économiquement » en raison d’une absence
d’encouragement fiscal de la part de l’État pour sa commercialisation. De ce fait, selon les Project
Owners, la production reste inexistante en fonction de manque des opportunités économiques du
marchéénergétiquebrésilien. En continuant sur leséventuelles contributions socio-environnementales
locales du projet NovaGerar il est important de rappeler l’invisibilité de la population des anciens
catadoresdulixãoMarambaiaaprèsplusde10ansdelafermeturedusite.L’impossibilitédetrouverdes
traces sur l’existence de la Coopérativa Vitória peut confirmer la faible représentativité de cette
populationdanslesecteurdetraitementdedéchetssolidesurbains.Celadit,nousnoussommesamenés
à réfléchir sur la faiblesse de l’instrument à apporter des changements socio-environnementaux
significatifsdanslavilledeNovaIguaçu.
EncontinuantsurlathématiquedelacontributionaudéveloppementlocalàtraversleMDPdécritdans
le PDD, passons-nous à notre deuxième étude de cas: Gramacho. Dans le projet de Gramacho,
l’entreprise prévoyait l’utilisation d’une partie de créditsCO2 pour créer un fonds intitulé Fundo de
Revitalização e Valorização do Bairro de JardimGramacho486. «The CERs issued for the projectwill be
usedpartiallytofinancetheurbanrecoveryofthelandfillsurroundingstoaspecialpurposefundaimedto
train the people who live nowadays from picking the waste during its disposal in the landfill. » (PDD,
2006:3).LeprojetmentionneunecontributionàdeuxfondsdifférentsauseinduPDDcommeunmoyen
d’aideraudéveloppementlocal.Toutefois,cettementionpeutcréerd’éventuellesconfusions.Ilexistele
Fundo de Revitalização e Valorização do Bairro de Jardim Gramacho, correspondant à l’aide au
réaménagement du quartier de Gramacho et le Fundo de Participação dos Catadores de Jardim
Gramacho, étant associé à l’aide financière aux catadores487. Toutefois, commenous en avons discuté
dans lamonographieconcernant leprojetdeGramacho, cedernier fondsaété initiédans le cadredu
contratdeconcessionpourexploiterlebiogaz.UncontratétablientrelaMairiedeCaxiasetl’entreprise
NovaGramacho.lln’estdoncpasdépendantduMDP.Toutefois,noustrouvonsunementionfaitedansle
PDDrelatifàcefondscommeunecontributionlocaleduprojet.Enréalité,leseulfondsdontlacréation486FondpourleRéaménagementetRevitalisationduQuartierdeJardimGramacho.487Cefondaétéutilisépourlepaiementdesindemnitésdecatadores.
431
estliéedirectementaugaindescréditsCO2vialeMDPestleceluidestinéàlarevitalisationduquartier
de Gramacho.Mais, comme le projet Nova Gramacho avait abandonné lemécanisme en raison de la
fluctuation des prix des créditsCO2 dans le marché international, cette donation au fonds pour
l’aménagementduquartiern’ajamaisvulejour.
Finalement, le projet de la décharge de Seropédica, a indiqué dans le PDD une contribution au
développement durable local telle que la création d’emplois et la production énergétique à partir du
biogaz.Nousavonsconstatélorsdutravaildeterrainquelaproductionénergétiquen’estpasuneréalité
locale. De surcroit, le fonctionnement de la décharge en soi fait l’objet de plusieurs controverses en
raisondesalocalisationetdurisquedepollutionpourlapopulationdesalentours.Notammentdansle
casdeSeropédica,nousconstatonsqu’àl’échellelocale,plutôtqued’apporterdeschangementspositifs,
le MDP réaffirme les injustices environnementales. Le paiement des créditsCO2 provenant d’une
décharge dont le fonctionnement comporte des risques transforme le MDP en un instrument qui
corroborelesrapportsdedominationslocalesentraînantdesinjusticesenvironnementales.
L’analyse empirique de nos trois terrains (NovaGerar, Gramacho et Seropédica) nous a montré la
faiblesse de l’instrument à apporter un changement concret vers une certaine durabilité
environnementaleousocialeauniveaulocal.LescontributionsdécritesdanslePDDdechaqueprojetqui
seraientcellesapportéesdirectementparlagénérationdecréditsn’ontpasétéconcrétisées488.Enoutre,
nousn’avonspasconstatéd’autreschangementsindirectsqueleMDPpourraitproduiresurlechampde
lagestiondesdéchetsàRio.Parexemple,inciteràlavalorisationdesdéchetsdanssatotalitéouencore
redistribuerlecapitalafind’intégrereffectivementlapopulationdescatadores etsescoopérativesdansla
dynamiquedegestiondesdéchets(Boydetal,2009).Enréalité,nousavonsobservéquelaconfiguration
des forces dissymétriques du système de gestion des déchets à Rio est demeurée intacte puisque le
mécanismerécompenselesacteursayantdéjàunepositiondepouvoirdansledomaine.
Envérité,auniveausocial,aucunmécanismen’aétécrééàaucuneéchelledepouvoirpermettant (ou
obligeant) la distribution du capital acquis par la génération de crédits aux populations vulnérables au
niveau local. En matière de protection de l’environnement, il n’existe pas de « sous-mécanisme »488 Des éléments constatés lors des observations dans notre travail de terrain, décrits en détail dans les monographies(deuxièmepartiedelathèse).
432
régulateur pouvant encourager le choix des responsables des projets vers les technologies les plus
efficacesquivontau-delàdesréductionsdesémissions« end-of-pipe ».Ainsi,danslecasdelacaptation
dubiogazdanslesdécharges,laréductionparlatorchèreapportedéjàlapossibilitéd’êtreéligibleausein
dumécanismeetdegagnerun capitalnécessairepour le retour sur l’investissement.Cette logiquedu
MDPàcourttermeassociéeauxméandresbureaucratiquesdel’Étatbrésilienpourlacommercialisation
del’énergierenouvelableempêcheuneffortdelapartdesentreprisesprivéesdansl’investissementdans
cetypedeproductionénergétique.Relativementauxforcesdumarché,lastructurefaibledelanotionde
développement durablemobilisé dans le traité de Kyoto s’effondre en effaçant automatiquement ses
intentions« nobles ».Dèsqu’ilestmisenœuvredansuncontexte« néo-developpementaliste »commele
secteurdedéchetsfluminense,lemécanismedévoilesafacettepurementéconomique.Celaconfirmele
caractèrenéolibéralduMDPquicélèbrelesréductionsdesémissionslesmoinschèresétanttotalement
déconnectées des engagements sociaux (Bailey, 2010). Le développement durable se transformeainsi,
dansunesimple« miseenrécit »,ennuagequidisparaîtquandonletouche.Laconcrétisationdelamise
en œuvre du mécanisme dans les décharges à Rio reste loin des propos de préservation
environnementaleetdeladiminutiondelapauvreté.
L’objectifdelapromotiond’undéveloppementlocaldécritdansleProtocoledeKyotopourleMDP,etles
déclarations dans le PDD sur les bénéfices sociaux et environnementaux des projets deviennent de
simples narratives naïfs face à la réalité concrète du secteur des déchets à Rio. Quand le Conseil
AdministratifduMDPdélègueladéfinitiondescritèresdedéveloppementdurableàchaquepays,ilouvre
laportepourquelamachinelocaled’approbationdesprojetsMDPtransformecescritèresendesimples
exigencesbureaucratiquessansaucuneprétentiondevérification(Boydetal,2012).L’approbationd’un
projet MDP au niveau national par la Commission Brésilienne (CIMGC) est régie par une approche
technocratiqueoù l’objectifprincipalest ladémonstrationdes réductionsd’émissionsselon lesnormes
de la CCNUCC. Le respect des objectifs socio-environnementaux dans le cadre duMDP au Brésil, est
reléguéàlasimpledémonstrationdesdossiers.
Decefait,lesProjectOwnersontsouventtendancedereproduirelesexigencessocio-environnementales
déjà remplies lorsde ladélivrancedespermisenvironnementaux lorsqu’ils rédigent leurprojetpour la
CCNUCC. En effet, ils transposent les exigences socio-environnementales faites au niveau de l’État
brésilienpour la constructiondesdéchargesdans leursprojetsMDP.Nous l’avons clairement constaté
433
danslePDDduprojetdeGramachoetceluideNovaGerar.Ceconstatnousamèneàconclurequedansle
secteur des déchets à Rio, le MDP n’a apporté aucun bénéfice socio-environnemental. D’une part,
certains bénéfices décrits dans le PDD n’ont pas été concrétisés en raison du manque d’opportunité
économique.Del’autre,certainsbénéficesmentionnésdanslePDDsont,enréalité,desactionsmenées
en aval pour remplir les critères de délivrance des permis ou pour la signature des contrats de
concessionsvis-à-visdespouvoirspublicsbrésiliens.Lesbénéficessocio-environnementauxduMDPdans
lesecteurdedéchetsserésumentaumontagededossiers.
Lestroisprojetsdenotreétudedecasontdécrit,dansleursPDD,lesexigencessocio-environnementales
del’INEApourladélivrancedespermisenvironnementaux489commeunavantagesocio-environnemental
provenantexclusivementdemiseenœuvreduprojetMDP.Cettetranspositionprocéduraleépargne la
création de nouveaux objectifs ainsi que la vérification de leurs concrétisations par la gouvernance
nationale et internationale du mécanisme. En effet, cela ne semble pas gêner le fonctionnement du
marché du C02 et ni les acteurs responsables de la régulation dumécanisme à toutes les échelles du
pouvoir.Enréalité,cettemanœuvredesProjectOwnersn’interfèrepasdans lebonfonctionnementdu
marché du CO2 puisque l’objectif principal du mécanisme est la quantification technocratique de la
réductiondesémissionsdeGESetnonpasl’évaluationd’unchangementlocal.Celacorroborel’absence
d’efficacitédel’instrumentàconcrétiserdesobjectifsplusdurablesquel’accumulationdecapital.« Any
further sustainable development matters are relegated to procedural mechanisms, which are of
questionable effectiveness [3,27]. The Commission’s substantive behavior thus preserves the discourses
supporting the pursuit of a notion of grandezaby focusing narrowly onGHGemission reductions (…). »
(Cole&Liverman,2011:155)
De ce fait, la gouvernance locale du MDP laisse libre l’expression du néolibéralisme incrusté dans le
mécanisme.L’absencederégulationdupotentieldechangementlocaldescréditsCO2assujettitleMDP
au jeu dumarché.Dans le cas du domaine des déchets, la façon dont les crédits sont employés n’est
réglementéeparaucunpouvoir,niceluidelaCCNUCC,ni lefédéral(parlaCIMGC),niceluidel’Étatde
Rio,nilespouvoirsmunicipaux490.Auregarddece« comportement »duMDPdansledomainededéchets
489Pourlaconstructionetopérationdesdéchargessanitaires490SaufdanslecasduprojetdeGramacho,oùilyavaitunepromessed’employerunepartiedescréditsacquisdanslefondspourleréaménagementduquartier.Toutefois,ladécisiondesresponsablesduprojetdequitterlemécanismeenraisondela
434
àRio,noussommesamenésàconclurequelejeudemarchéestlibreàtoutesleséchellesconcernantsa
miseenœuvre.Cejeucommenceparlafluctuationdesprixdescréditsauniveauinternational,passepar
leschoixtechnologiqueslesmoinschèresparlesresponsablesdesprojetsauniveaulocaletseconcrétise
sous l’absence de réglementation de la forme dont les crédits doivent être distribués au niveau local.
Cette logique fait apparaître le néolibéralisme caché derrière la rhétorique d’encouragement au
développementlocaldansleMDPenrobédelathéoriedelaModernisationEcologique.Cettepromesse
théorique croyait répondre aux enjeux du changement climatique en liant le développement
technologiqueetlesforcesdumarché(Bailey,etal,2010).
Quand,nousanalysons lamiseenœuvreduMDPdans le champdesdéchetsàRio, lemécanismeest
déshabillé de tous les vêtements des vertus technologiques, environnementales et sociales, en restant
uniquement la qualitémarchande dumécanisme. « market—based interventions can takemany forms
but the key objective remains ‘cost-effective’ achievement of environmental goals. » (Bayley&Maresh,
2009:448.).LetriomphedesforcesdemarchésurlesautresaspectsduMDPdanslecasdesdéchetsest
enpartiedûàla« genèse »del’instrument.Endéléguantlescritèressociauxetenvironnementaux(dans
unsenspluslargequelaréductiondesémissions)auniveaunational,laCNUCCprioriselamonétisation
descréditsCO2audétrimentdudéveloppement local (Demaze,2013 ;Boydetal,2009).Cette iniquité
généréeparlemarchéentrelesacteursinternationauxainsiqueleschoixtechnologiquesauniveaulocal
marque l’importance de la création d’une régulation plus « forte » dumécanisme enmême temps qui
traduit son caractère néolibéral. De l’autre côté, au niveau national et local, l’émergence du trait
néolibéralduMDPaétépossiblegrâceàuncontextefavorabletelquele« néo-développementalisme »
brésilien.Ainsi, la faiblecapacitédumécanismeàconcrétiserdespropossocio-environnementauxdans
les décharges sanitaires à Rio n’est pas seulement due à son caractère néolibéral, mais aussi aux
caractéristiquesdusecteurlocaldesdéchets.
« Ilexisteaujourd’huidenombreusesvariétésetnuancesdenéolibéralisme,maisfondamentalement,pour
cecourant,lemarchéestbienpluscapablequel’Étatderésoudrelesproblèmesetdesatisfairelesbesoins
fluctuationdesprixetainsialtérerlebudgetpourlaformationdufondsnefaisaitpasl’objetd’influencedelapartdupouvoirdelamunicipalitédeDuquedeCaxias.Leurdécisionétaitpriseetaucuneautremesuren’aétémiseenplacepourremplacerlasourcedu financementdu réaménagementduquartier.Dece fait, lequartierdeGramachoreste toujoursunendroitclassécommezonedesacrifice.
435
desêtreshumains »(Crouch,2016:20).Nousvoyonsquecettecaractéristiquedanslamiseenœuvredu
MDPdans le domainedesdéchets est essentiellementdirigéepar les forces dumarché. Commenous
avonsévoquéprécédemment,cetteémergencede l’aspectnéolibéralde l’instrumentétaitaussiviable
enraisonde lapolitiqueéconomique localeprédominantedans ledomainededéchetsàRio.Le« néo-
devéloppementalisme »brésilienestunenouvellevariantedu« développementalisme ».Rappelons-nous
que le « néo-developpementalisme » est un programme inauguré dans le deuxièmemandat de Lula et
continuédanslegouvernementdeDilmaRoussef(Morais&Saad-Filho,2011 ;Berringer&BoitoJr,2013).
Morais&Saad-Filho(2011)soulignentquemalgrélacréationdespolitiquessocialesétantunedimension
nouvelle dans le « néo-developpementalisme » ainsi que la participation «active» de l’État dans
l’économie, ce programme n’a jamais rompu avec la tendance néolibérale inaugurée par Collor et
consolidéeparleFHC.LegouvernementLulaacontinuéleprogrammemacro-économiquedeFHCense
tournantverlemarchéinternational.Celan’apastouchélaconcentrationdelarichessedanslepays.Au
contraire,l’Étataréaffirmélesalliancesavecl’élitenationale.
Danscecontexte,notreobjectifestdereprendrequelquespointsdeceprogrammeappliquésàl’échelle
fédéraleafinde comprendre comment il permet la formationd’un réseaud’acteursentre lespouvoirs
publicsetlesentreprisesprivées.Ilseraainsiplusfaciledecomprendrel’existencedesinégalitésentreles
acteursdanslesecteurdelagestiondesdéchetsàRio.Decefait,endépitde(voireenraisonde)lamise
en place de la PNRS, nous avons observé une réorganisation du secteur dans laquelle les rapports de
forces inégaux entre les acteurs perdurent. La prédominance de ces rapports participe à l’absence de
matérialisationdesprincipesd’écologisationetdejusticeenvironnementaledansledomaine.Ainsi,ilest
intéressantdediscutercomment l’inclusiondespluspauvress’estexpriméedans la réalitésocialeelle-
mêmeissuedecenouveauprojetpour ledéveloppementbrésilien.L’analysedespolitiquessocialesau
seindecemodèlemetenlumièresoncôtépervers.Eneffet,Singer(2010)signalequelajusticesociale
au sein des politiques « néo-développementalistes » n’est qu’accessoire dans l’ensemble de ce
programmepolitique.Autrementdit,bienquelesocialfassepartieduprojetdesociétédessinédansce
modèle de politique, il ne figure pas comme l’élément principal du programme en comparaison aux
dimensionspolitiqueetéconomiquecomposantlastratégie« néo-développementaliste »nationale.Dans
cette « coexistence forcée » de l’inclusion sociale avec les forces du marché, le poids du social reste
toujourspluslégeretilresteindissociabledumarché.
436
Danscesens,lespolitiquessocialessontessentiellementdespolitiquesdecompensationquipermettent
l’accès des plus démunis aux biens de consommation. En réalité, l’idéologie du « néo-
developpementalisme »adoptéauBrésilpartdufondementquetouslesindividusdoiventêtrecapables
departiciperaulibremarché(Mota,AmaraletPeruzzo2010491).End’autrestermes,ils’agitdenelaisser
aucune population à lamarge dumodèle néolibéral en leur donnant les instruments nécessaires pour
rejoindre cette dynamique. De ce fait, l’État se positionne comme l’agent le plus compètent pour
instaurer desmécanismes permettant l’accès à la consommation pour les populations brésiliennes les
pluspauvres.LespolitiquessocialespourledéveloppementlocaldugouvernementLulaavaientcomme
objectif ultime que les populations pauvres ne sont plus dépendantes de l’aide étatique (Barroso de
Castro, 2013). La dynamique des politiques sociales « néo-développementalistes » fonctionne de sorte
quel’Étatsepositionnedansunpremiertempspouraméliorerlesconditionséconomiquesdelaréalité
locale. Mais, dans un deuxième temps, quand la population devient autonome et peut participer au
marché,l’Étatseretire.Cespolitiquesaidentlespopulationsàchercherdesopportunitésdanslemarché.
Ainsi, la question de la pauvreté est à double tranchant au sein du programme « néo-
développmentaliste ». Si d’un côté, elle doit êtreminimisée, de l’autre, elle sert également commeun
facteurpropulseurdel’économieinternedanslamesureoùlespauvresparticipentdumarché.
En réalité, les politiques compensatoires d’un État « néo-développementaliste » ont comme but
d’éradiquer lapauvretédans ledomainedumarchéetpasdans ledomainesocial.Elleconfèreàcette
populationuneautonomierelativeenleurdonnantunnouveaupouvoird’achat.CettestratégiedeLula
avaitdeuxobjectifsfinaux:fortifierlemarchéintérieurencollaborationavecl’éliteéconomiquelocaleet
plaireauxcoucheslespluspauvresdelasociétéenleuraccordantleprivilègedesesentirplusautonome
économiquement.Ilestintéressantdesoulignerquelaquestiondel’inclusionsocialedanslemarchéne
faisait pas partie du programme du « vieux développementalisme ». En fait, ce dernier avait laissé la
question socialede côté, de telle façonqu’unde ses effetspervers était l’augmentationdes inégalités
sociales.Cependant,lafaçondontlenouveau« développementalisme »luttecontrelesinégalitéssociales
auBrésilnerésoutpasnonplusleurcaractèrestructurel.Lagenèsedelasociétébrésilienneestmarquée
par une exclusion sociale construite pendant des siècles. Ainsi, un projet qui prétend les minimiser
seulementdansledomaineéconomiquepeutavoiraussideseffetspervers.L’ouverturedespauvresàla
491OpdBarrosodeCastro(2013).
437
société de consommation ne garantit pas que leur statut de pauvre change. Autrement dit,
l’augmentationdupouvoird’achatchezleplusdémuninesignifiepasqu’ilpourraavoiraccèsauxbiens
sociauxamenantauchangementdesaconditiondecitoyen.C’estpourquoilaqualitéetlesconditionsde
viedestravailleursnesontenrienlesprioritésduchangementauseindeceprogramme(AraujoeMota,
2015). Le « néo-développentalisme » vise avant tout inclure les citoyens dans le marché (Barroso de
Castro,2013).
Quandnousobservonsl’emploidecettelogiquedansledomainededéchets,nouspouvonscomprendre
lanouvelledynamiquedegestiondesdéchetssolidesurbainsaprèslamiseenplacedelaPNRS.Instaurée
en 2010 durant le deuxième mandat de Lula, la PNRS est une projection du programme « néo-
développementaliste », à l’instar de plusieurs autres politiques de ce gouvernement. Cette nouvelle
politiquefédéralequiréglementeletraitementdesdéchetsurbainsdanslepaysouvreausecteurprivéla
gestionlocale,conformémentleparagraphe8del’article7.Cetarticleported’ailleursundesobjectifsde
la PNRS, dans la mesure où il charpente l’articulation entre les secteurs publics et privés pour une
coopération technique et pour le financement de la gestion intégrée des déchets solides492. Un autre
objectifde laPNRSconcernant l’articulationentre lespouvoirspublicset l’entrepreneuriatestobservé
dans le paragraphe14. Ce dernier prévoit un encouragement financier par l’État pour le secteur privé
dans le développement des systèmes de valorisation des déchets, tels que le tri et la transformation
énergétiquedubiogazdesdécharges493(Brasil,2010).
Cerapprochementdessecteurspublicsetprivésestnotabledansnosétudesdecasrelativesàl’analyse
duMDP494.Cettearticulationsemanifestesousformedefinancementdupouvoirpublicfédéralpourla
miseenplacedesprojetsauseindecertainesdécharges.DanslecasdelaCTRNovaIguaçu,nousavons
évoquéleprêtdelaBanqueNationalepourleDéveloppement(BNDES)pourimplanterunecentralede
production énergétique au sein de la décharge. Ce prêt a été concédé par une banque publique à
l’entrepriseNovaGerarpourqu’elle investissedans ce chantier d’infrastructure, selonun rapport de la
492Paragraphe8del’article7delaPNRS.«VIII-articulaçãoentreasdiferentesesferasdopoderpúblico,edestascomosetorempresarial,comvistasàcooperaçãotécnicaefinanceiraparaagestãointegradaderesíduossólidos.”493Paragraphe14del’article7delaPNRS:“XIV-incentivoaodesenvolvimentodesistemasdegestãoambientaleempresarialvoltados para amelhoria dos processos produtivos e ao reaproveitamento dos resíduos sólidos, incluídos a recuperação e oaproveitamentoenergético”.494Saufpourl’étudedecasdeGramacho.
438
BanqueMondialedatédel’année2004et lereportagedusiteTerrade2006495.Ceprêtreprésentait le
« prolongement »d’unsymbolede« durabilité »pourlepays,puisquelaCTRNovaIguaçuétaitlepremier
projetMDPbrésiliendecaptationdebiogazdesdécharges.Unautreexempledepartenariatpublic-privé
sousformedefinancementparlespouvoirspublicsfédérauxestillustréparleprojetMDPdelaCTRRio
deSeropédica.Enl’occurrence,laCaixaEconômicaFederal(CEF),unebanquepublique,estresponsable
duprojetdanslecadredu« ProgramofActivities »(PoA)delaCCNUCC.Eneffet,le« PoA »deSeropédica
estunfinancementdelaCEFàl’entrepriseCiclus,responsabledeladécharge,pourmettreenplacedes
équipementscaptantlebiogazparlatorchère.
À l’échelle du pouvoir local, c’est-à-dire de l’État et des municipalités de Rio, nous observons le
prolongement de ce partenariat. Un des aspects de la logique « néo-développementaliste »
d’encouragementà l’entrepreneuriat localpeutêtrenotédans le« PlanoEstadualdeResíduosSólidos »
(PERS)496del’ÉtatdeRio).LePlanpréciselesoutiendel’ÉtatdeRioàmettreenœuvredesprojetsMDP
auseindesdéchargesafinquelesentreprisesgestionnairespuissentrécupérerleurinvestissementdans
laconstructiondesCTR497.Enoutre,ilestimportantderappelerquelafermeturedelixõesàRioestliéeà
l’applicationdelaPNRS,maisaussiauprogrammedel’État,leLixãoZero.LeLixãoZeroétaitnotamment
un« sous-programme »faisantpartieduprogrammePactopeloSaneamento498d’uneplusgrandeportée.
LePactopeloSaneamentoestunprogrammequicomptesurl’investissementdugouvernementfédéral
(GovernodoRiodeJaneiro,2018).IlentredanslecadreduprogrammefédéralProgramadeAceleração
do Crescimento » (Programme d’accélération pour la croissance ou PAC), un programme crée en 2007
(GovernodoRiodeJaneiro,2011a).
Le PAC figure comme un dispositif qui traduit entièrement le projet « néo-développementaliste »
brésilien.RattachéauMinistèrede laPlanification499et créépendant ledeuxièmemandatde Lula, il a
commeobjectifprincipallesoutienparl’Étatdudéveloppementnationalaumoyendufinancementdes
grands chantiers d’infrastructure dans le pays. Il s’agit d’un plan stratégique du gouvernement fédéral
495Voirchapitre5deladeuxièmepartiedelathèse.496Plandel’ÉtatdeRiopourlesDéchetsSolidesUrbains.497 L’entier tome I du volume 6 du Plan pour la gestion intégrée des déchets dans l’État de Rio est exclusivement dédié àl’expositiond’uneétudeminutieuseà ladestinationdesentreprises responsablesdesdéchargessur laviabilité techniqueetéconomiquepourlamiseenœuvreduMDPdanslesdéchargessanitairesàRio498LePactepourl’Assainissement499MinistériodoPlanejamento.
439
pour inciter à investir dans plusieurs secteurs brésiliens aumoyen de chantiers dans les domaines de
l’énergie,de l’assainissement,du logement,etc.Enaugmentant lesactivitésdanscesdomaines, lePAC
impulseledéveloppementdesentreprisesnationalesainsiquel’augmentationdesoffresd’emploisurle
territoire brésilien (Ministério do Planejamento, 2018). Ce programme traduit la logique « néo-
développementaliste »dans lamesureoù l’État transfèredesressourcespubliquesausecteurprivépar
l’intermédiairedegrandsprojetsd’infrastructure.LaBNDESfigurecommeleplusgrandagentfinancier
duPAC.Cedispositifacontribuéà laconsolidationdupouvoirentre les institutionspubliqueset l’élite
économique nationale, c’est-à-dire les grandes entreprises nationales, « l’agrobusiness », le marché
financier, etc. (Jardim & Silva, 2015). Le schéma ci-dessous illustre cette « archéologie » « néo-
developpementaliste »duprogrammeLixãoZeroquenousvenonsd’exposer.
Figure85:Origine« néo-developpementaliste »duprogrammeLixãoZerodugouvernementdel’ÉtatdeRio
500
500IlestimportantdenoterquenousavonsillustrélePlanoGuanabaraLimpaenpointillépuisqu’iln’existeplus.
440
En réalité, Boito Jr (2013) souligneque la constructionde ce« blocdepouvoir » constituépar l’État et
certainsmembresde labourgeoisienationaleaétérenduepossiblepar lacapacitéde l’Étatbrésilienà
êtreà l’écoutedecesacteurs.Legouvernementétaitprêtàaidercetteéliteàatteindreses intérêtset
objectifs.Enréalité,pouraboutir lenouveauprojetdedéveloppement, l’Étatpriorise lesaspirationsde
cettepopulation.De ce fait, la populationde travailleurs reste à lamargede ce« réseaudepouvoir ».
L’objectif social du projet « néo-développementaliste » devient ainsi accessoire (Singer, 2010). Les
politiques sociales sont loin de faire concurrence aux intérêts du capital. Au regard de cette
caractéristiquedepriorisationdugrandcapital interneetd’uneposturemacroéconomiquenéolibérale,
certainsauteursjugentleprojet« néo-developpementalisme »plutôtcommenéolibéral,vêtuseulement
dequelquesapparatssociaux.Enréalité,leplannational« néo-développementaliste »n’apassurompre
aveclesystèmedeprivilègesdontjouitl’éliteéconomiquebrésilienneetn’apasétécapabled’offrirles
besoinssociauxnécessairesauxpopulationspluspauvresdupays(Limaetal,2015).
En réalité, les politiques sociales au sein du programme « néo-développementaliste » se traduisent par
des programmes des « transferts de revenu 501». Ces programmes d’assistance aux plus pauvres les
accordent un montant d’aide dont l’objectif est d’augmenter le pouvoir de consommation de cette
population.Ànoterqueces« mesuresd’urgence »deluttecontrelapauvreténesontpasaccompagnées
d’uneaméliorationdeservicessociaux.Aucontraire,lesdroitsuniverselsd’accèsàlasanté,àl’éducation
etàlasécuritésocialesontobjetsdeprivatisationdanslepays,unhéritagedelapériodenéolibéralpré-
Lula(Sitcovsky,2013).Ilestintéressantdepointerquelegouvernement« néo-développementaliste »n’a
pas rompuavec cette tendancenéolibéraleencoursauBrésil afindenepas« perturber » lesalliances
avec la bourgeoisie nationale (Mota, 2014 ; Bastos, 2012). Ainsi, le gouvernement brésilien a essayé
stratégiquementderéduirelapauvretébrésilienneàpartirdel’augmentationdepouvoird’achatdesplus
vulnérables. En réalité, cemécanismemarchandd’intervention contre la pauvreté s’est avéré aussi un
instrument stratégiquepour« réchauffer » lemarché internedupays.De ce fait,Mota (2014) souligne
quel’Étatbrésilientravailleavecla« marchandisation »desbienssociauxuniversauxenmêmetempsque
« l’assistencialisme »depolitiquepublique.
501ProgramasdetransferênciadeRenda
441
Feitosa (2013) souligne ainsi que les politiques sociales « néo-développementalistes » ont diminué la
pauvretédanslepays,maisellesn’étaientpascapablesderésoudrelesinégalitéshistoriquesduBrésil.Il
précise que la définition de la pauvreté est associée à des aspects socio-économiques tandis que la
question de l’exclusion sociale va au-delà du manque matériel. Elle porte sur les accès aux biens et
services sociaux, tels que la sécurité, la justice et toutes les questions englobant la pratique de la
citoyenneté. La formation esclavagiste et coloniale de la société brésilienne est fondée sur l’exclusion,
une exclusion sociale construite durant des siècles. De ce fait, les politiques sociales d’inclusion
économiqueàpartirdel’augmentationdupouvoird’achatdesplusdémuniss’avèrentuninstrumentde
marketing politique en raison de sa capacité de concrétisation rapide. Toutefois, elles masquent les
besoins réels d’une population qui nécessitent une inclusion sociale à partir de l’universalisation des
servicessociaux.Àtitreillustratif,selonlesdonnéesdudernierrapportdel’OCDE(2018),depuis2003,25
millionsdeBrésiliensontsortiduseuildelapauvreté.Lepaysfigurepourtantcommeundesplusinégaux
aumondeoùlamoitiédelapopulationbrésiliennedétient10%delarichessedupaystandisquel’autre
moitiépossède90%durevenudupays.
Et si nous discutons la question de l’exclusion sociale non résolue par le programme « néo-
développementaliste » appliqué au domaine de déchets et plus précisément à la population de
catadores ? Il faut insister à nouveau sur la priorité accordée aux intérêts de l’élite économique au
détriment de la résolution effective des questions sociales au sein du nouveau programme de
développement national. Cette caractéristique est notable dans le domaine des déchets à Rio. La
fermeturedesdéchargesetl’ouvertureausecteurprivédelagestiondesdéchetssolidesurbainsontété
facilitéesparlaPNRS.CemêmeÉtatafinancélaconstructiondesdéchargessanitairesàtraversl’aidedu
PACoudirectementdelaBNDES.Cettedémarcheacrééuneproximitéentrelespouvoirsmunicipauxet
lesentreprisesd’ingénieriedegestiondesdéchets,formantainsila« bandedudéchet »àl’échellelocale.
Lespouvoirsmunicipauxs’inscriventdanscettelogiquevisantàsatisfairelesintérêtsdusecteurprivédu
traitementdesdéchetsenl’encourageantà joindre leMDP.Cetteparticipationnecorrespondpasàun
changementversunetechniquedegestiondesrésidusplusefficaceenmatièreenvironnementale,dans
lamesureoùlemécanismen’aaucunimpactsur latechnologiepréexistante.L’incitationdesdirigeants
publics à adopter ce mécanisme n’a qu’un motif commun aux intérêts de l’élite correspondante:
l’accumulationducapital.
442
Àl’égarddecettelogiqued’articulationentrelesacteurspublicsetprivésdansledomainedesdéchets,
nous revenons sur l’aspect social du « néo-développementalisme » appliqué dans ce domaine à Rio,
traduitnotammentpar lesconditionsactuellesde lapopulationdecatadores.Dansnos résultats,nous
avonsobservéque,bienquedans la forme, laPNRSvoulait encourager l’insertionde cettepopulation
dansladynamiquedelagestiondesdéchetsurbains,danslefond,laloin’apascréédemécanismespour
concrétiser localement ce projet. La politique compensatoire de la loi pour la réalisation de la justice
environnementalepourlescatadoreslesapoussésversl’industriedurecyclagesansobligerlespouvoirs
locauxàinstaurerunsystèmedetri.L’encouragementfédérals’avèreinefficaceaussibienpourchanger
lastructurelocaledusecteurdesdéchetsquepourdépasserlesintérêtspublicsetprivésdu« blocusde
pouvoir »delagestionlocalededéchets.Undernierrapportdel’IPEA(2013)surlesconditionsactuelles
delapopulationdecatadoresauBrésilcorroborenosrésultatsempiriques.
Lerapportprésentelesdonnéesdel’année2012surlescatadoressurleterritoirebrésilien.Ilrévèlequ’à
cette année seulement 15% des individus appartenant à cette population contribuaient à la Sécurité
socialebrésilienne (PrevidênciaSocial). Il yadeux facteurspouvantexpliquercette« non-contribution »
importante:premièrement, le revenu trèsbasdeces travailleursempêched’enconsacrerunmontant
pour payer la Previdência. Une autre raison pointée par le rapport est la simple méconnaissance de
l’existence de la Previdência et de ses bénéfices. Le rapport réaffirme502 un indice important
d’analphabétismechez lescatadores. Il révèleque20%decettepopulationnesaitpas lireniécrire. Il
s’agitdudoublede lamoyennenationale.Unautreaspect indiquant laconditiond’exclusionsocialede
cesindividussetraduitparl’accèsàl’infrastructured’assainissement.L’étudepointequedanslarégion
Sud-est25%503desménagesdescatadoresnepossèdentpascetteinfrastructure(Silva,etal,2013).
Lerapportconclutquecettepopulationpossèdetoujoursdesrelationsdetravailtrèsprécaire,toujours
marquéepar l’informalité,malgré lanouvelle loisur lesdéchets.Lescatadores sonttoujoursexposésà
unevulnérabilitésocialesetraduisantparpeu(ouaucun)accèsauxservicessociauxbasiques.Toutefois,
concernantlerevenu,samoyenne(saufpourlarégionNord-Est)estplushautequeleSMICbrésilien.De
ce fait, d’un point de vue économique, dans certaines régions du pays, la population de catadores
dépasselégèrementleseuildelapauvreté.Cependant,leuraccèsauxbienssociaux,ajoutésàladifficulté502Elleconfirmelesdonnéesdurecensementfaitparl’IBGEen2010.LesdonnéessontexposéesdansleChapitre3delathèse.503Contreunindicede45%dansleNord-Estbrésilien.
443
d’insertion de leur travail en coopérative dans le secteur de déchets, marque la continuité de leur
conditiond’exclussocialement.Lesdonnéesdévoiléesparlerapportdel’IPEA(2013)surcestravailleurs
confirment les constats généraux que nous venons d’exposer à propos de la dimension sociale du
programme« néo-développementaliste ».
Encontinuantsurlapolitique« néo-développmentaliste »appliquéeauchampdedéchets,ilnefautpas
oublier que si la PNRS a facilité la formation d’un réseau restreint d’acteurs publics et privés, cette
mesure a en parallèle condamné automatiquement l’insertion des coopératives de catadores dans
l’industrie,malgrélesoutienlégaldupouvoirfédéral.Decefait,nouspouvonsconclurequelapolitique
socialeenverslescatadoresdanslaPNRSconsisteuniquementàdescompensationsfinancières,elleles
indemnise pour la fermeture des décharges et ensuite pousse leurs coopératives vers le marché. La
question de l’intégration de cette population est prise comme un enjeu dérisoire dans le programme
« néo-développementaliste »: non seulement il ne crée pas de dispositifs contraignant les pouvoirs
municipauxàmettreenplaceunsystèmedetridefaçoneffectiveetdeplusiln’obligepasl’inclusiondes
coopératives dans cette dynamique. De ce fait, nous pouvons inférer que le programme « néo-
développementaliste » employé dans le domaine du traitement des déchets urbains à Rio, a créé un
« blocusdupouvoir »danslequellescatadoresnefontpaspartie(Jardim&Silva,2015).
Ainsi, nouspouvonsargumenterenayant recours aux conceptsbourdieusiens,que l’autonomieque la
PNRSconfèreauxpouvoirsmunicipauxdanslaquestiondutriafacilité lareproductiondesrapportsde
pouvoir préexistants dans ce secteur à Rio de Janeiro. En dépit de la fermeture des décharges à ciel
ouvert et de la mise en place du MDP, nous constatons une perpétuation du même ordre social
(Waldman, 2013). Comme le soulignait Bourdieu (1994), si les investissements économiques ne
s’ajoutentpas àun investissement social versune transformationdurabledes relations sociales à long
terme, le champa la tendancede reproduire spontanément les conditionsdéjàexistantes.Dans le cas
des catadores à Rio, nous assistons à cette reproduction puisque le paiement des indemnités et la
création de coopératives n’ont pas été le vecteur d’amélioration de la condition sociale de ces
travailleurs. Dans le prolongement d’autres domaines dans lesquels le programme « néo-
développementaliste »dugouvernementfédéralaétédécliné,lespolitiquessocialesd’augmentationdu
pouvoird’achatdespluspauvresetl’appuidel’Étatàleurintégrationdanslasociétédeconsommation
n’ont pas contribué à diminuer les inégalités sociales du pays (Araujo e Mota, 2015). Finalement, le
444
programme « néo-développementaliste » fait office d’instrument de reproduction des rapports de
domination.Cesconstatsexpliquentlaraisonpourlaquellecertainsauteursbrésiliensfontréférenceau
se« néo-développementalisme »comme« uneversionpluscontrôléedunéolibéralisme »oupeutêtreun
néolibéralisme« maquillé »(Gomes,2017 ;Limaetal,2015).
EnrevenantsurlamiseenœuvreduMDPdanslesecteurdesdéchets,ilestintéressantd’observerque
l’État de Rio promeut le MDP uniquement auprès des entreprises. Autrement dit, il poursuit la
consolidationdu« blocusdupouvoir »local.L’encouragementaudéveloppementlocal(ousarhétorique)
par l’échelon international s’est perdu dans le passage des échelles de l’action publique, de sorte que
seulement l’objectif économiquedumécanismes’est consolidé comme lebutultimedesprojetsMDP.
Ainsi, le néolibéralisme au cœur de la gouvernance climatique onusienne, qui a vaincu le débat du
changement climatique en l’intégrant dans le système du marché, a parfaitement épousé le « néo-
développementalisme » local dans l’objectif d’accumulation du capital. Nous pourrions même avancer
qu’iln’estpas fortuitquecesoit leBrésilquiaitété l’instigateurprincipaldecet instrumentà l’échelle
internationale,préfigurantl’apportéconomiquequ’ilpourraitapporterauxacteurséconomiqueslocaux.
Ainsi, le néolibéralisme de l’instrument et le « néo-développementalisme » local se sont imbriqués à la
perfectionpourreproduirel’ordrepréétabliauniveaulocaldanslesecteurdesdéchets.Partantdecette
idée, nous avons construit le schéma ci-dessous illustrant l’argument sur la « faible » capacité de
changement local par la mise en œuvre du MDP dans un champ façonné par un programme « néo-
développementaliste »504.
504 Il est intéressant de souligner que les ONG travaillant pour l’insertion de catadores dans le secteur des déchets sontreprésentées par les propos des assistantes sociales interrogées dans notre enquête. Ces ONG sont embauchées par lesentreprises comme un critère imposé par le pouvoir l’État de Rio lors de la délivrance des permis environnementaux deconstructionetopérationdeladécharge.
445
Figure86:UnemiseenœuvrecontroverséerésultantducaractèrenéolibéralduMDPetdu« néo-développementalisme »
apportédanslesecteurdutraitementdesdéchetssolidesurbainsàRioparlebiaisdesactionspubliques.
Hormis les controverses socio-environnementalesdiscutéesauparavantquantà lamiseenœuvred’un
instrumentnéolibéraldansuncontexte« néo-développementaliste »,ilyauneautredimensionpolitico-
économiquequiestapparueàlafindutravailderecherche,àsavoirlacrisefinancièredel’ÉtatdeRiode
Janeiro. Cette dimension peut traduire l’échec du programme « néo-développementaliste » dans le
secteurdesdéchets.Lemanquedebudgetauprèsdespouvoirsmunicipauxpourrespecterl’engagement
del’Étatàpayerlesentreprisesprivéespourlagestiondesdéchargessanitairesrévèleladéfaillancede
ce programme dans l’État de Rio. Les contradictions au sein du « blocus de pouvoir » formé dans ce
domainerefontsurfacedanslamesureoùilyaunmanquedecapitalpouralimentercettedynamique.
Lesrelationsdeclientélismeentrelesentreprisesetlespouvoirspublicsseconcrétisentdèslorsqu’ilya
unalignementdesintérêtsouvrantdesopportunitéséconomiquesàtouslesacteurs.Toutefois,le« lobby
organisé 505»ou« le jeudes avantages »du secteurdesdéchets s’effondredans lamesureoù l’Étatne
505 Lazzarini (2011) conceptualise l’idée de “lobby organisé” commeune pratique centenaire auBrésil qui se traduit par unmodèle basé sur les relations sociales privées entre les acteurs commemoyen d’ouvrir des opportunités économiques. Le«lobby organisé» porte sur une relation entre les entreprises et les pouvoirs publics où les avantages économiques et
446
peutplusrespectersesengagementsauprèsdesentreprises.ÀRiodeJaneiro,cetéchecsetraduitsousla
formedunon-paiementdesmunicipalitésauxentreprisesgestionnairesdesdéchargespourledépôtde
leursdéchets.Lacrisefinancièredel’Étataentraînélefiascoduprogramme« néo-développementaliste »
appliquéàcedomainepuisqu’ils’agitd’unmodèlenéolibéral« maquillé ».Ainsienl’absenceducapital,le
lien est rompu avec la « bande de déchets ». Finalement, cette discontinuité aggrave les controverses
socio-environnementalespréexistantesdanslesecteur,tellesquel’apparitiondedéchargesclandestines.
Ilestintéressantderappelerquelorsdutravaildeterrainen2014et2015,l’ÉtatdeRionetraversaitpas
encorecettecrise.Parconséquent,nousn’avonspaspuconstatercetypedeproblèmeencequitouche
lagouvernancelocaledelagestiondesdéchargessanitaires.Toutefois,entre2017et2019,lalittérature
grise nous présente que la ville de Rio avait contracté une dette506 à hauteur de 72millions de Reais
(environ 15millions d’Euros) avec Ciclus, entreprise responsable de la CTR Seropédica (G1, 2019). En
2018,ladettes’estcreuséeenraisondunon-respectducontratdeconcessiondesservicesdetraitement
dedéchetsentrelamunicipalitédeRioetCiclus.Decefait, l’entreprisemenacedeneplusrecevoir les
6 000tonnesdedéchetsquotidiensprovenantdelacapitaledel’État,ainsiquedelicencier750employés
enraisondumanquederecette(ODIA,2018).Parcontre,nousn’avonsrécoltéaucuneinformationsur
d’éventuellesirrégularitéspourlepaiementdedépôtdesdéchetsconcernantlaCTRNovaIguaçu.
Cettediscussionsur lescontroverses localesdusecteurdesdéchetsàRiocorrobore lanécessitéd’une
étudeapprofondie sur lamiseenœuvred’un instrumentdemarchéglobal. La formationd’unmarché
dépend directement des caractéristiques de la gouvernance politico-économique locale, malgré la
dynamique globale du marché du carbone. L’organisation sociale des élites, les processus
d’industrialisationetlafaçondontl’Étatintervientdansl’économiefaçonnentle« modusoperandi »d’un
marchédansunpaysspécifique(Flisgtein,2001).Ainsi,latradition« développementaliste »brésilienneet
le nouveau « développementalisme » néolibéral du gouvernement Lula ont fortement influencé
l’organisation du secteur des déchets à Rio. L’omniprésence de l’État, sa relation étroite avec l’élite
économique locale et son rapport demarchandisation avec les politiques sociales ont été des aspects
déterminantspourcomprendrecommentuninstrumentinternationalopèreauseindecettedynamique.
politiques sontmis en avant. En réalité, ces relations clientélistes s’illustrent souvent par des donations lors de campagnesélectoralessetransformantplustardenmesurespolitiquesbénéficiantauxentreprisesdonatrices.506UnedettequiéquivautaudépôtdetouslesdéchetssolidesurbainsrécoltésdanslavilledeRio.
447
Notre analyse montre également comment la CCNUCC, perdue dans son appareil bureaucratique
d’approbationdeprojetsàl’échelleinternationale,estloindeconnaîtrelesméandresperverssetrouvant
derrièrechaqueprojetMDP.L’analysedusecteurdesdéchets,unsecteurtrèscontroverséàRio,nousa
été utile pour discuter l’efficacité de ce mécanisme de marché dans la lutte contre le changement
climatique. Une lutte impliquant surtout des aspects politico-sociaux à l’échelle locale, dépassant
largement une approche technique de l’enjeu. Au regard de cette conclusion, nous avons dessiné
quelquessuggestionspourunemiseenœuvresocio-environnementale localeplusefficacedunouveau
mécanisme d’échange de quotas de CO2 accordé lors de la COP-21, le « Sustainable Mitigation
Mechanism »507(SMM),unnouvelinstrumentquiviseàréglerles« défauts »duMDPàl’égarddesenjeux
socio-économiquesdespopulationslocales.
9.3Leprolongementdelatendanceàl’économisationdel’environnementdanslacréationd’unnouvelinstrumentglobalderéductiondesémissions:Dessuggestionspourl’inclusioneffectivedesaspectssocio-environnementauxlocauxdansle« Sustainable
MitigationMechanism »
Partantdesrésultatsdel’analysedelamiseenœuvreduMDPdanslesdéchargessanitairesàRio,nous
avons discuté comment le caractère néolibéral du mécanisme ainsi que du secteur des déchets ont
surpassé lesdimensionssocio-environnementalesde l’instrument.Celanousrenvoieauxdeuxcourants
sociologiques apparus pour expliquer la crise écologique: la Modernisation Ecologique (ME) et la
« TreadmillofProduction »(TOP ). Lorsde l’étatde la recherche,nousavonsdiscuté sur laprimautédu
courantdelaMEdanslafabriquedespolitiquespubliquesonusiennespourluttercontrelechangement
climatique.Lesproposradicauxde laTOPvisentunchangementradicaldesmodesdeproductionainsi
507Ou«SustainableDevelopmentMechanism». Ils’agitdesintitulésprovisoirespourcenouveaumechanismeremplaçantleMDP.Ces intitulés«nonofficiels»sontutilisésparcertainsauteursacadémiqueset lapressespécialisée.Selon lesdécisionsprises lors de la COP 24, en novembre 2018, le cahier de charge de ce nouveauméchanisme est toujours en processus decréation. Il est prévu qu’en Novembre 2020, lors de la COP-26, le Conseil de la CCNUCC va présenter un projet defonctionnement de cemécanisme pour etre approuvé par les pays ayant ratifié l’Accord de Paris. (United Nations ClimateChange,2018).
448
quedesmodesdelaconceptualisationetdel’organisationsocialecapitalistebasésexclusivementsurla
croissance économique. Cesser de croire dans la croissance du système de production et de la
consommation serait fondamental pour contenir la crise écologique. Toutefois, la prédominance du
paradigmenéolibéralacontribuéàcequelaMEs’imposecommelaréférencepourexpliqueretréagir
politiquementàlacriseécologique(Buttel,2004).
Engénéral, son« succès théorique »vientdu faitque laMEconsidèreque la résolutiondesproblèmes
environnementauxsetrouveauseindusystèmedeproductioncapitalistedès lorsquesontcombinées
l’efficacitéenvironnementaleetl’innovationtechnologique.Cettevisionsociologiquesemarieainsiavec
le concept de l’économisation de l’environnement en tant que solution pragmatique initiée par des
économistes afin de résoudre les problèmes des externalités négatives découlant du mode de
production. À partir de ces postulats, le marché du carbone a été créé. Produit d’un choix politique
international,commesouligneCallon(2014),lemarchéd’échangedequotasdeCO2soumitl’innovation
technologiqueet laconcrétisationdesobjectifssocio-environnementaux locauxà leurobéissancevis-à-
visdeladynamiquedumarché,elle-mêmefavorisantl’accumulationducapitalpourlesresponsablesdu
projetàl’échellelocale.
Nous sommes revenues brièvement sur les principes théoriques de la création dumarché du carbone
pour confirmer que le MDP fait figure, en effet, d’instrument néolibéral. Malgré les critiques et les
résultatsquiconfirmentl’effetperversdecemodèledanslamiseenœuvreduMDPdanslesdécharges
sanitairesàRio,noussommesconscientesquel’économisationdel’environnementestunetendancequi
est loinde« s’effacer ».En réalité,elle s’est consolidéedans lespolitiquespubliques internationalesde
luttecontrelechangementclimatique.Paradoxalement,elleseconfirmecommelaseulealternativepour
la réduction de GES, compte tenu des résultats de l’Accord Paris. De ce fait, nous sommes aussi
conscientesqu’apporter seulementunecritiquepureetdureà l’économisationde l’environnementen
soi ne va pas empêcher ou changer la création de nouveaux marchés de carbone ainsi que leurs
modalitésd’application.Ainsinousavonsdécidédenepasniercettetendanceennouscachantderrière
lescritiques faitesàcemodèle toutau longde la thèse.En réalité, lacritiquede lamiseenœuvredu
MDP dans le secteur des déchets est, en partie, une critique de la tendance à l’économisation de
l’environnement.Maiscescritiquesnousontserviàpenserquel’économisationest« partiepourrester »
449
et que les critiques doivent tendre vers la construction de suggestions pour atténuer les effets
néolibérauxdumarchéducarboneàl’échellelocale.
« De conférences mondiales en conférences mondiales, les gouvernements et les différentes parties
prenantesfinissentpourtantparadoptercettestratégied’économisationquinousrapprocheàpetitspas
etdemanièreinéluctabled’unecatastrophequenousnevoulonspasvoirpuisquenousluitournonsledos,
les yeux fixés sur un monde idéal dont nous éloignons inexorablement. La seule alternative qui reste
oppose ce lent et progressif renoncement d’un côté à la solution d’ensemble brutale et autoritaire de
l’autre. Si nous voulons sortir du piège, je ne vois d’autre solution pratique que d’inverser la flèche de
l’économisation »(Callon,2017:462).Nousnoussommesconscientesquelesrésultatsdeplusde10ans
de mise en vigueur du traité de Kyoto révèlent une réalité politico-climatique éloignée des attentes
optimistesdesannées90.Enréalité, l’Accordn’apasproduituneréductionconsidérabledesémissions
deGESauniveaumondial,pournepasdireque lesémissionsglobalesontaugmentédurant leTraité.
Danssonensemble, ce résultatestdépositaired’unepolitiqueenvironnementale totalement rattachée
aux forces dumarché. Lemarchémondial d’échange des quotas de CO2 ne prend pas en compte les
particularismesdesagencementsmarchandsdechaquepayssignataire (Callon,2017).Parconséquent,
cette superficialité que revêt le soutien à la réduction de CO2 attachée au prix de crédits au niveau
mondialn’apasenclenchédechangementdemodedeproduction locale.LeTraitéestdonc« tombé »
dans le « business-as-usual » tel que nous l’avons constaté dans le secteur des déchets à Rio (Voigt &
Bohringer,2003 ;Aykut&Dahan,2014).
Malgrésesfaibles(ou l’absencede)résultatspratiquesenmatièred’environnement, leProtocoleaété
unsymboledelaconsolidationdel’économisationdel’environnementcommeétantlaseulealternative
politique de lutte globale contre le phénomène du changement climatique (Aykut & Dahan, 2014a).
Partant de ce principe, la thèse amontré que cette tendance appliquée aux déchets se nourrit de la
dynamiqueperversedumarché« normal », lui-mêmeunedes causesduchangement climatique.Cette
dynamiqueadéjàétécritiquéeparlathéoriedela« TreadmillofProduction ».Ilestimportantderappeler
que la TOP propose demodifier radicalement la structure de fonctionnement de la société capitaliste
pour pouvoir inclure la dimension environnementale dans nos pratiques sociales. Il est raisonnable
d’admettre,telcommeCallonasouligné(2017),qu’unetellesolutionsembleimpossibleàcourtterme.
Ainsi,pourêtrepluspragmatiques,nousajoutonsànosrésultatsdesrecommandationsqui,malgrénos
450
critiques,vontdans lesensde l’économisationde l’environnement.Dumoins,noussouhaitonsadapter
notre suggestion à la réalité de la gouvernance climatique actuelle en conformité avec les principes
politiques de l’économisation, ceux-là mêmes qui ont été confirmés lors de l’Accord de Paris. Une
confirmation de l’approche par lemarché dans la création des politiques environnementales a donné
naissanceunautremécanisme: le SMM.Dece fait, au lieudeconsidérer l’économisationcommeune
catastrophe,nous sommespartiesdecertainesconsidérationsdeCallon (2017).Cesdernièresmettent
enperspectivelanécessitédemanipulerl’économisationdansuncadragepolitiquedifférentdeceluimis
en vigueur par le Protocole. Cette démarche s’avère indispensable pour empêcher que le phénomène
s’aggrave.Ainsi,dansquellemesurepouvons-nous« inverserlaflèche »del’économisation ?
Aussi,nouspartonsduprincipequelacréationdu« SustainableMitigationMechanism »résultedéjàde
plusieurs critiques faites sur les défauts de la concrétisation des objectifs socio-environnementaux du
MDPcommediscutédansnotreétatdel’art.Autrementdit,sonélaborationsefonderasurunetentative
decorrectionduMDP.Toutefois,ilneserapasnécessairementconçuuniquementparlaCCNUCC.Ainsi,
à partir de nos résultats nous avons imaginé, sans aucune prétention de modélisation, comment ce
nouvelinstrumentpourraitamener,danslesecteurdesdéchetsàRio,unemiseenœuvreplusengagée
vis-à-vis de la question de la justice environnementale. Nous nous sommes inspirés de la réflexion de
Callon (2017) sur une « nouvelle » économisation de l’environnement dans les accords climatiques
internationaux. Dans ses fondements, cette logique d’économisation se focalise préférablement sur le
problèmelui-mêmequesurdesobjectifsderéductiontrèsoptimistesetéloignésdelaréalité,àl’instar
deceuxfixésparleTraitédeKyoto.Eneffet,cesobjectifs-làsesontnoyésdanslesdifférentesforcesdu
marchéglobal.
En effet, Callon (2017) propose une approche d’économisation plutôt locale pour faire face aux
problèmes environnementaux locaux. En effet, la question climatique n’est pas seulement liée à la
quantitédeC02dansl’atmosphère,maissurtoutàd’autresenjeuxenvironnementauxlocaux.«Maisily
aplusimportant.Lesinquiétudesliéesdirectementauclimatetàsonévolutionselientàd’autresmatters
of concern, qui viennent les renforcer ou au contraire les affaiblir, comme se posent et s’opposent les
éléments composant la toile d’un réseau » (Callon, 2017: 462). Ainsi, nous voyons le SMM comme un
instrument global pouvant encourager des pratiques de corrections des injustices environnementales
locales.L’AccorddeParisprévoitdepromouvoirle« développementdurable »notammentdanslespays
451
moins avancés de la planète, projet qui est énoncé comme la caractéristique principale du nouveau
remplaçant du MDP. À cet égard, au long de la thèse nous avons constaté que la préservation
environnementaleestétroitementliéeàlacorrectiond’injusticessociales,deuxdimensionsfaisantpartie
de lanotionde« développementdurable ».Dans ledomainedesdéchetsàRio, lasimpleréductiondes
émissions par la torchère ne semble pas significative par rapport aux autres enjeux socio-
environnementauxdusecteur,enparticulierl’inexistenced’unsystèmedetrisélectifetlamultiplication
desdéchargesàcielouvertclandestines.Cesproblèmesd’ordreenvironnementauxsontégalementissus
de défaillances politiques locales à corriger des inégalités sociales. En vérité, la logique de
fonctionnementdesprojetsMDPneprendpasencomptecesenjeux.Parconséquent,l’objectifprincipal
du « Sustainable Mitigation Mechanism » ne serait-il pas de corriger des injustices environnementales
pouréviterlescatastrophesclimatiqueslocalesplutôtquederéduiredesémissions ?
Laflèchedel’économisationpourraitdoncêtreinverséedanscesens.Lerèglementdesproblèmessocio-
environnementaux liésàchaquesecteurd’activitéémetteurdeGESéligiblepar laCCNUCCseraitaussi
l’objetdepréoccupationpour l’obtentiondescréditsCO2selonchaquepays508.En réalité, la réduction
desémissionsneseraitplusleseulpersonnageprincipaldumécanisme.Pourdélivrerdescrédits,leSMM
approuverait seulement des projets dont la réduction des émissions amène automatiquement à une
correctiondesinjusticesenvironnementaleslocalesdusecteurenquestion.Toutefois,ilestimportantde
soulignerquecommeils’agitd’uninstrumentglobal,ilfaudraitcréerdesdispositifsdecadragepolitique
imposéparcenouveaumécanismequisoientadaptéspourchaquepaysetaussipourchaquesecteur.
End’autrestermes,cesdispositifslocauxpourraientavoirdesrôlessemblablesauxDOE.Celapourraitse
traduireainsiparuntravaildesentitésinternationalesindépendantespourdélivrerdescréditsensemble
aveclesONGtravaillantsurcesenjeuxlocalement.Cesdeuxtypesd’organismesvérifieraientdecefaitle
fonctionnementdesprojetspourleurapprobationparlaCCNUCCainsiquelavalidationdescréditsCO2.
D’uncôté,lesDOEseraientresponsablesdelacomptabilisationtechniquedelaréductiondesémissions
tellesquenousvoyonsdéjàdansleMDP.Del’autrecôté,lanouveautéseraitd’incluredesONGpourla
vérificationtechniqueconcernantlacontributionduprojetàcorrigerlesenjeuxsocio-environnementaux
du secteur. LesONG auraient donc un rôle direct dans le fonctionnement de ce nouveaumarché des
508ÀpartlecomptagederéductiondesémissionsdeCO2équivalents.
452
créditsCO2socio-environnementaux509.Dans lecasdusecteurdesdéchetsàRio,ellesneseraientplus
des institutions soutenant uniquement les catadores à la « marge » de la dynamique dumarché. Elles
seraient officiellement impliquées dans la dynamique dumarché. Autrement dit, les ONG entreraient
dans un fonctionnement marchand donnant légitimité à la correction des enjeux socio-
environnementaux proposée par les projets en cours d’approbation, tel que nous l’exposons dans le
schémad’acteursci-dessous.
Figure87:Notrepropositiondecartographied’acteursimpliquésdanslamiseenœuvredesprojetsdanslecadreduSMM.
509 Différement à ce qui a été la proposition du Brésil lors des negociations de la COP-21, nous n’envisageons pas lesONGcommedesacheteursdescrédits(OECO,2015).Nouscroyonsdansl’inclusiondecesacteursdanslemarchéduCO2commedesagentsverificateursaulieudelesplacercommedesacteurséconomiques.
453
LesONGsepositionneraient commeporte-paroledesenjeuxde« catadores »510dans ladynamiquedu
nouveau mécanisme. Cela pourrait garantir que leurs intérêts et leurs droits stipulés dans le PDD ne
soientpasbalayéspar les forcesdumarché.LesONG intègreraient ladynamiquepourgarantirque les
enjeuxsocio-environnementauxlocauxsoientconcrétisés.Leurrôled’agentdevérificationdesprojetset
devalidationdescréditsCO2,à l’instardesDOE,devientnécessaireà l’échelle localeet internationale.
Lesproblèmeslocauxauraientainsiassezdevisibilitéàl’échelleglobale,afinqu’ilspuissentêtretraitésà
lamêmehauteurquel’opérationtechniquedelaconversionderéductiondesémissionsencrédits.Ainsi,
nousproposonsque50%delavalidationetdelavérificationduprojetsoientdéléguéesauxONGpour
que la dimension socio-environnementale préconisée par la CCNUCC et désormais par le nouveau
mécanisme soit une force pouvant faire face aux forces du marché. Nous imaginons que si les ONG
spécialisées dans chaque secteur ont ce rôle, le mécanisme ciblerait mieux le véritable « matter of
concern » à l’échelle locale. Autrement dit, les « vrais » problèmes environnementaux locaux
posséderaientunstatutaussiimportantquelaréductiondesémissions.
Nous avons imaginé que la configuration des autres acteurs resterait intacte, car il est impossible de
prévoir le fonctionnement de la dynamique avant sa mise enœuvre effective. Comme il s’agit d’une
proposition de notre part, cette recommandation s’est basée sur nos résultats dans le domaine des
déchetset,decefait,nousexposonslescatégoriesd’acteursprésentsdansnotrerecherche.Toutefois,
selonnotre suggestion, leSMMdevras’adapteràchaque réalité locale.Ainsi, l’ONGquidevra jouer le
rôle d’agent valideur de crédits variera de pays à pays selon chaque secteur. Il serait par ailleurs
recommandablequecettevariation soit aussiobservéeà l’échelledechaquevilleouÉtat,notamment
dans le contexte brésilien. La nature locale des enjeux socio-environnementaux écarte une
homogénéisationdesacteurs.Decettemanière,notrepropositions’avèrequelquepeuambitieuse.Nous
pensonsqu’ilseraitpertinentquelechoixdel’ONGsoiteffectuéàpartirdeleurtravaildanslesecteur.
Ainsi, pour avoir un projet approuvé au niveau local, le Project Owner devrait choisir une ONG déjà
présentedanscettecommunautépourvaliderleprojet.
510Oudesenjeuxrelatifsàdespopulationsplusvulnérablesdansd’autressecteursd’activité.Nousprenonsseulementlecasdedéchetsdanscettepropositionpuisqu’ils’agitdenotresujetderecherche.
454
Il est impossible de dessiner un cadre bureaucratique de l’insertion des ONG dans la dynamique
d’approbationdesprojetsenraisondesmultiplesvariablesàl’échellelocale,nationaleetinternationale
pouvant influencer notre suggestion théorique. Le mouvement de configuration d’acteurs et de leurs
intérêts en jeu à chaque échelle de pouvoir ne rend possible aucune prévision. Cependant, il s’agit
seulement d’une suggestion pour créer un dispositif assurant que les communautés locales peuvent
« bénéficier » de la tendance de l’économisation de l’environnement. Elles pourraient donc voir leurs
problèmessocio-environnementauxréglésparlamiseenœuvred’uninstrumentinternational.Toutefois,
noussommesconscientesqu’il fautuncadragepolitiqueafind’assurer laconcrétisationdecespropos.
Ce cadrage politique devrait être approprié pour faire naître une architecture bureaucratique
d’approbation des projets adaptée à répondrematériellement à l’objectif de correction des injustices
environnementales à l’échelle locale. Nous savons également qu’un cadrage politique est dynamique,
toujoursenmouvement,façonnéparlesdifférentsjeuxacteursquil’intègrent.Decefait, l’architecture
bureaucratique d’approbation des projets511 doit aussi accompagner ce mouvement pour s’adapter à
l’apparitiondesdifférendsetdesnouveauxbesoinsexprimésparlesacteursimpliqués.Cetteadaptation
se fait indispensable pour garantir que les objectifs socio-environnementaux du mécanisme soient
toujourslesrésultatsdecetinstrumentd’actionpublique.
« Il serait vain de décrire a priori les agencements en résultant512, puisque les détails seront fixés en
avançant: l’organisationmarchandeestune invention(conflictuelle)permanente ! Il s’agitseulementde
soulignerque l’enjeudu travailde théorisation,desnégociationset coupsde forcequ’il implique,est la
reconfiguration des cadrages qui se jouera dans une multiplicité de sites et mobilisera une multitude
d’agencesdifférentes »(Callon,2017:466).End’autrestermes,nousproposonsdecréerdesinstruments
et des mécanismes au sein du SSM qui reflètent une gouvernance orientée vers la correction des
injustices locales. Toutefois, nous ne pouvons pas prévoir quel jeu d’acteurs résultera de l’entrée des
ONG comme un agent participant de ce nouveaumarché du carbone. Nous émettons ici l’hypothèse
qu’ellesremplissentunedoublefonctiondevérificateursdesprojetsetd’approbateurspouroctroyerdes
511OulefuturcahierdeschargesduSMM.512 Callon (2017) donne des suggestions sur la création de différents types de dispositif favorisant lesmarchés solidaires etlocaux comme une alternative pour lutter contre le changement climatique. Pour construire notre proposition d’esquisserelativeauSMM,nous luiavonsempruntéseulement l’idéedeconjuguer l’économisationet l’importancede l’échelle localepourcontournerlesproblèmesenvironnementaux.
455
créditsCO2513, ce qui permettrait d’atténuer l’objectif purement économique dumarché du carbone:
l’échange des quotas de CO2. Il est intéressant de souligner que le MDP a constitué autant une
nouveautéqu’uneexpérimentationsociale,àsavoircomment lemarchéduCO2pourraitêtreemployé
commeinstrumentdeluttecontrelechangementclimatique.Lesagencementsmarchandsrésultantde
cetteactionpubliquemondialen’ontpaspuétéprévus.Lesarrangementssociauxentre lesacteursdu
marché ont échappé à un « simple »modèlemathématique d’internalisation des externalités négatives
prévupar leséconomistes. (Mackenzie, 2009).Ainsi, denotrepointde vue, inclure lesONGauniveau
localpourraits’avérerundispositifd’atténuationdeseffetsperversdel’économisationdanslecadred’un
instrumentglobalderéductiondesémissionsdeGES.
IldevientintéressantdediscutericilelabelGoldStandardquiserapprochedenotrepropositionpourle
SMM. Fondé par laWWF et d’autres ONG, leGold Standard est un label de créditsC02 attribué aux
projetsMDP ayant atteint un certain niveau de durabilité au niveau local. Certifiés par un groupe de
plusieursONG,lescréditsGoldStandard(GS)valentunpeuplusdanslemarchéduCO2etnecouvrent
pas tous lessecteursd’activitésprévusdans lecadrede laCCNUCC514.LeGSreprésente,enréalité,un
« crédit deCO2de luxe », les entreprises responsablesdudéveloppementdesprojets (ProjectOwners)
cherchent à avoir cette labélisation pour promouvoir une image plus engagée dans le développement
durable.Cetargumentd’uneimagesociétaleassociéeàladurabilitéestaussivalablepourlesacheteurs
decréditsétantprêtsàpayer10%plusqueleprixnormald’uncréditdeCO2afind’obtenircescrédits
« premium »(Mackenzie,2009a).Cependant,leGSopèredanslemêmecadragepolitico-institutionnelde
laCCNUCCet,parconséquent,n’estpasdissociéduMDP.Enréalité,danslemarchéducarbonerégulé
par laCCNUCC, leGS sedéfinit commeun créditMDPplus cherpuisque laprésencedesONGcertifie
« l’additionalité »socio-environnementaleduprojet,elle-mêmedifférentede« l’additionalité »technique,
cettedernièreétantvérifiéenormalementparleDOEetlaCCNUCC.Decettemanière,lesProjectOwners
voient lamise en place d’un projet certifiéGold Standard comme plus qu’un projetMDP « ordinaire »
(Bumpus&Liverman,2008;Spash,2010).
Malgré labonne initiative, leGSa fait face aux forces compétitivesdumarchédu carbone. Il n’y avait
aucun encouragement pour l’achat d’un crédit de CO2 « premium » par rapport à un crédit classique.513EncollaborationaveclesDOE.514Ilcertifieseulementlesprojetsdedéveloppementd’énergierenouvelableainsiqueceuxd’efficacitéénergétique.
456
Dans ce contexte, le prix d’un crédit classique provenant de projets où les critères socio-
environnementaux sont souvent négligés était plus attractif vis-à-vis des acteurs économiques que les
créditsGS(Spash,2010).QuandbienmêmeleGSaéténoyédansladynamiquedumarché,Mackenzie
(2009a)metenperspective lesbonnes leçonsà tirerde l’existencedecettecertificationGSauseindu
MDP. Instaurer le créditGSprouvaitque leMDPauraitpuêtreunmécanismeorientévers la création
d’un impact socio-environnemental positif au niveau local. En outre, il illustre la volonté des ONG à
participer à la gouvernance du marché et d’une certaine manière à influencer sa régulation. « The
intervention by the World Wildlife Fund and other NGOs was informal: it did not alter the formal
proceduresoftheCDM.However,NGOsarealso likeseekingtopractiseapoliticsofmarketdesign ina
more formal sense seeking toalter rules andprocedures ». (Mackenzie, 2009: 452) ». Il s’agit, eneffet,
d’uneexpérimentationsociopolitiquepourcontrebalancerl’approchenéolibéraledel’instrument.
D’aprèsl’expérienceduGoldStandard,notrepropositiond’inclureformellementlesONGdanslemarché
prend plus de consistance. Pourtant, nous croyons au besoin urgent demettre en place des solutions
régulatricesempêchantquelenouveaumécanisme(ycomprisnotreproposition)soitàsontournoyépar
les forces du marché. Au même titre que le GS, le SMM peut aussi subir une résistance des acteurs
économiques en cas d’une augmentation éventuelle des coûts d’investissement destinés à corriger
certains enjeux socio-économiques locaux. En suivant la rationalité économique que nous avons
constatéedans lesecteurdedéchets, lesProjectOwnershabituésauMDPpeuventnepasêtreprêtsà
investirdavantagedanslamiseenplaced’unprojetderéductiondesémissions.Afindecontourner(ou
plutôtd’atténuer)cetypedecomportementmarchand,noussommesconvaincuesqu’ilestnécessaire,
sinon urgent, d’instaurer des mécanismes de soutien politico-économique au niveau international et
national pour faire adopter le SMM. Seulesdesdécisions visant à réguler cenouveaumarché seraient
capablesdecontrôlerlesforcesdissymétriquesdusecteur.DanslecasduBrésil,cetterégulationtraduite
par l’élaboration des mécanismes de contrôle pour la concrétisation des objectifs socio-
environnementauxdel’instrumentpourraitparerauxeffetsperversdu« néo-développementalisme »au
niveau local.« Governancestructureshelpdefine the legalandnormative rulesbywhich firmsstructure
themselves and their relations to competitors. In this way, they generally function to stabilize those
relations »(Fligstein,2001:34).
457
Nouspersistonscependantsurlefaitquenousnepouvonsnidécrireniprévoir lesmodalitésdétaillées
pour intégrer ce dispositif dans la future dynamique de marché du SMM. Premièrement, nous ne
possédonspas lesélémentsempiriquesprovenantdetoutes leséchellesdupouvoirniceuxdetous les
secteursd’activitéconcernésparlaréductiondesGES.Deuxièmement,dansl’AccorddeParis,laCCNUCC
prévoit d’en finir avec le principebasiquedes « pays développés/pays en voie dedéveloppement ». Ce
nouveauparamétrage impactera la gouvernance internationaledumécanisme.Ainsi, nousnepouvons
pasprévoirlesmodalitésprécisesdelagouvernanceinternationaleautourdelamiseenœuvreduSMM
puisque cette nouvelle gouvernance sera différente du MDP. Par conséquent, il devient difficile de
conjecturer sur l’inclusion des ONG aussi bien que sur ses effets sur la création de normes et de
réglementations dans le cahier de charge du nouveau mécanisme. En ce sens, nous nous limitons à
proposer un dispositif pouvant corriger l’objet de notre critique auMDP tout au long de la thèse: les
enjeuxsocio-environnementauxlocaux.
458
CONCLUSIONGÉNÉRALE
Notre recherche a corroboré les critiques relatives à la capacité du MDP à promouvoir un
« développementdurable ».Elleadémontréquesa réalisationà l’échelle localeest inexistante.L’étude
delamiseenœuvredecetinstrumentdanslesdéchargessanitairesàRios’estappuyéesurdeséléments
constitutifsdelanotionde« développementdurable »établisparlaCCNUCCetleProtocoledeKyoto.De
cettemanière,nousavonsobservéqu’unoutilglobalvisantlaréductiondesémissionsGESàtraversun
mécanisme de marché n’a pas réussi à encourager l’écologisation des pratiques dans le secteur du
traitementdesdéchets.Autrementdit,leMDPn’apasstimulél’utilisationdetechnologiesplusefficaces
pour valoriser les déchets dans lesaterros sanitáriosde la régionmétropolitaine de Rio. D’autre part,
l’adoption de cet instrument par les acteurs locaux n’a pas contribué à atténuer les injustices
environnementales du domaine. En réalité, l’aspect marchand du mécanisme s’est avéré le plus
marquantdanssonexécution.Enrécompensantlesresponsablesdesprojets(etdesdécharges)avecdes
créditscarbone,lemécanismefinitpar« accentuer »lesdéfautsdusecteur,telsquelemanquedetriet
lapérennisationdelamarginalitédescatadores.
L’analyse a également montré comment cet instrument issu d’une politique globale (onusienne) est
incorporé dans les structures locales de fonctionnement d’un secteur d’activité spécifique. De ce fait,
nousavonsmontrécommentl’implantationdesprojetsdecaptationdubiogazdanslesdéchargesaété
possiblegrâceàlalogique« néo-développementaliste »envigueurdansledomainedesdéchets.Eneffet,
l’adoptiondecemécanisme,initiéparunprojetbrésilien,apuêtreréaliséegrâceàuncontextepolitico-
économiquefavorabledanslesecteur.LacréationdelaPolitiqueNationalesurlesDéchets(PNRS)etle
programme Lixão Zero figurent comme des actions publiques faisant partie du projet « néo-
développementaliste »dugouvernementLula.Cesinstrumentsd’actionpubliqueontréformélagestion
des déchets solides urbains dans l’État de Rio. Dans le cadre de cette restructuration du secteur, la
gestion des « dépôts ultimes » des déchets a été déléguée aux acteurs privés. La construction de
décharges sanitaires avec les équipements de captation du biogaz s’est transformée en un mode de
traitementdesdéchets« standard »dansl’ÉtatdeRio.Ainsi,confierauxentreprisesprivéeslagestiondes
décharges a introduit l’aspectmarchand commenouvelle logiquedu secteur. Lebesoinde générerdu
profitàpartirdustockagedesdéchetsapoussé lesentreprisesà instrumentaliser lamiseenœuvredu
MDP.Cette instrumentalisation se traduit par la transformationde l’activitéde captationdubiogazen
459
projets MDP. Cette opération constitue une « opportunité économique » pour augmenter leur chiffre
d’affaires. Il est important de souligner que les acteurs publics sont aussi responsables d’encourager
l’entrepreneuriatdesdéchetsàl’adoptionduMDPcommesourcedegénérationderevenu.
Aucoursdel’histoirebrésilienne,aucunprojetpolitico-économiquepour« impulser »ledéveloppement
dupays(le« vieux »développementalisme,leprogrammenéolibéralet le« néo-développementalisme »)
n’aréussiàatteindre« cettepromesseoccidentale ».Ce« bonheurcollectif »prétendumentinduitparle
capitaletlatechnologiesetraduiraitparunfonctionnementéconomiqueefficacedelasociétéd’unpays.
Cependant, ces différents projets de société entrepris par les pouvoirs publics brésiliens au nom du
« développement »n’ontpasconcrétiséleprogrèssocialdansunpaystouchépardesinégalitéssociales
historiques. Les politiques pour le développement économique brésilien n’ont pas de dimension
démocratique. Elles ne sont pas capables de promouvoir la redistribution du capital ni d’atténuer la
vulnérabilité structurelle des populations les plus pauvres. Cette vulnérabilité ne permet pas à ces
populations de participer aux processus de décisions politiques dont elles subissent pourtant les
conséquences. Au regard de ce constat général sur les résultats sociaux des programmes pour le
développementdupays515,nousavonsvuque la restructurationdusecteurdu traitementdesdéchets
n’estpasparvenueàtrouverdesolutionsocio-économiquefavorableà lapopulation laplusvulnérable
dusecteur:lescatadores.
Les actions publiques inscrites dans une logique « néo-développementaliste » ont certes épargné ces
personnesvis-à-visdesrisquesenvironnementauxdutravaildanslesdéchargesàcielouvert,maiselles
n’ontpaspourautantconduitàunevéritablejusticeenvironnementaledanslesecteur.En« jetant »les
catadores sur le marché et sans même créer de dispositifs les aidant notamment à s’orienter dans
l’industriederecyclage,nousavonsobservéquel’améliorationdeleursconditionssocio-économiquesne
figurepascommeuneprioritépolitiquepourlespouvoirspublicsfluminenses.Enconfiantlagestiondes
dépôts des déchets de Rio à des entreprises responsables des décharges, ces actions publiques ont
cristalliséladominationdesintérêtsdesacteursprivés.Généraliserletrisélectifdanslebutd’inclurela
populationdescatadoresdansladynamiquesectoriellenevapasdanslesensdesintérêtséconomiques
desdeuxcatégoriesd’acteurs:lesentreprisesprivéesetlespouvoirspublics.Uneactionpubliquesurle
515Voirlechapitre2ainsiqueladeuxièmepartiedelathèse.
460
tri signifierait la réduction du volume de déchets. Cela équivaudrait à moins de recettes pour les
entreprises responsables des décharges puisqu’elles sont payées par tonne de déchets déposée.
Concernant lespouvoirspublicsmunicipaux, lamiseenplacedu tri correspondà lamise àdisposition
d’un budget important pour son exécution dans les villes. Le MDP est ainsi exploité dans un secteur
« restructuré » par des politiques publiques où la réalisation d’une justice environnementale et la
valorisationdesdéchetssontnégligéesauprofitdesintérêtséconomiquesdesacteurslespluspuissants
dusecteur.
L’adoptiond’unmécanisme« dedéveloppement »dansuncontexte« néo-développementaliste »finitpar
donnerlaprimautéauseulélémentconcretdudiscoursutopiquesurlanécessitédu« progrès »dansles
pays latino-américains: l’accumulation du capital économique. Toutefois, cette accumulation faite à
partirduMDPnesetraduitniparundéveloppementsocialdescatadores,niparceluidespopulations
vivantauxalentoursdedécharges(danslecasdeGramacho).Decettefaçon,l’implantationduMDPse
manifeste dans la réalité locale en bénéficiant économiquement aux acteurs déjà en position de force
dans le secteur. La raison tient à l’absence d’une réglementation internationale (et nationale) qui
contrôlerait les modalités de contribution de cet instrument à l’amélioration socio-environnementale
locale.Ainsi, àpart leseffets sociauxduprogramme« néo-developpementaliste »appliquéaudomaine
des déchets, le « développement » apporté par le MDP n’est pas non plus « démocratisé ». Après
observationdesrésultatsdelamiseenœuvreduprojet« néo-développementaliste »,ilestnotablequela
richesse (ou le soi-disant « développement ») acquise à partir de l’instrument soit réservée à la
bourgeoisiedesdéchetsdelamétropoledeRioetnepermetpaslacorrectiondesinégalitéslocales.
Siceprogrammepolitico-économiqueafaçonné« l’usage »duMDPdanslesecteurdesdéchetsàRio,ses
contradictionsontreprésentéégalementleslimitesdemonterrain.Lacriseéconomiquedel’ÉtatdeRio
deJaneiro,lesscandalesdecorruptionentrelesacteurspublicsetprivés,laCPIdoLixoàRioetlapériode
de crise politique dans le pays ont suscité la méfiance des acteurs du domaine des déchets. Boito Jr
(2016)soulignequelapériodedecrisepolitiquevécueauBrésilaétélerefletd’unecrisedelapolitique
néo-développementaliste. Ce programme qui a essayé de réunir certains aspects sociaux dans un
spectrumnéolibéralafiniparproduireune« fissure »auseind’unParlementtrèshétérogènedupointde
vue idéologique. La rupture avec l’élite économique néolibérale en raison de la crise économique
nationaleasuscitélaformationd’unblocnéolibéralfaisantbarrageaugouvernementnationalaupoint
461
d’entrainer la destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016. Cette crise politique (et aussi
économique)acrééunefragmentationpartisanequipouvaitseressentirmêmeendehorsduParlement
(Neto,2016).Ilestimportantderevenirauxprésidentiellesde2014,lesélectionsoùDilmaRoussefaété
élue.Unpeuavantmonarrivée sur le terrain, lepays vivaitunevague« manichéiste »où lepaysétait
divisé entre pro-PT (Parti de Travailleurs) et anti-PT (Scartezini, 2016). Conjugué aux scandales de
corruption à l’échelle nationale et locale, ce contexte politique a fortement impacté mon travail de
terrain.
La thèse contient des entretiens dont le nombre a été restreint du fait de deux paramètres.
Premièrement,malgréunegrandediversitédecatégoriesd’acteursimpliquésdanslamiseenœuvredu
MDP, ilyapeud’acteurs locauxdisposésàêtreinterrogés.Autrementdit,danslamesureoùleréseau
d’acteurs dans le secteur des déchets est relativement fermé, les résultats de nos enquêtes lors des
visitesauxentreprisesresponsablesdesdéchargessesontavéréstrèssimilaires.L’autreparamètreporte
sur laméfiance des acteurs à accorder des entretiens en pleine atmosphère de dénonciations et d’un
schismepolitiquegénéraliséaprèslesélectionsde2014.Àcetégard,celareflètelaréalitésociopolitique
brésilienne. Pour surmonter cet obstacle, nous avons élargi notre travail empirique en utilisant la
littératuregrise,danslaquellenousavonspuisébeaucoupdedonnées,notammentàpartirdelapresse
grand public et de la presse spécialisée. Bien que nous soyons conscients des biais méthodologiques
contenusdans les récitsde lapresse,nousavonseu recoursàplusieurs typesdedocuments.Nous les
avonsconfrontésànosdonnéesprovenantdel’observationetdesentretiensafindeminimisercebiais.
Cependant, nous croyons que cette diversité de sources de données a pu contribuer positivement à
l’élargissementdesrésultatsdelarecherche.Enréalité,grâceàlacontributiondelalittératuregrisenous
avonspudécouvrirlesnuancesderrièrelescontroversesrelativesàl’histoiredechaquedécharge.
Decettemanière,malgrécertainesgénéralisationsfaitestoutaulongdelathèse(tellesquelesmodes
d’usageduMDPparlesacteurslocaux),ilenrésulteuneanalysedelamiseenœuvredecetinstrument
fondée sur des études portant sur 3 décharges dans la région métropolitaine de Rio. Au niveau
méthodologique, nous savons que cette analyse n’a pas en soi de valeur exhaustive, elle ne peut pas
prétendretraduireladynamiquedel’adoptionduMDPdanstouteslesdéchargesdel’ÉtatdeRio,nidu
pays. Toutefois, s’agissantd’un travail scientifique, cetteétudeouvredenouvellespistesde recherche
sur l’analyse d’un instrument de la politique climatique onusienne appliquée à différents secteurs
462
d’activitésdansd’autresmunicipalitésauBrésiletaussidansd’autrespaysenAmériquelatine516.Ainsi,
nosgénéralisationspeuventêtreprisescommedespistespourélaborerdespropositionsd’analysesurla
miseenœuvred’unnouvelinstrumentdemarchéderéductiondesémissionsGESétabliparlaCCNUCC.
Parailleurs,lechoixdel’approchedelasociologiecritiquepeutsusciterdescritiquesetdesdiscussions
sur ce travail de recherche. Commenous l’avons exposéde façondétaillée lors du chapitre4, il existe
deuxgrandescritiquesàproposdecetteapproche:lemanqued’unepraxisetl’absencede« neutralité »
scientifiquedelapartduchercheur.Toutd’abord,lesreprochesfaitsàproposdelasociologiecritiquede
traditionbourdieusiennemettentl’accentsurlatendancedecetteapprocheàproduiredesexplications
critiques sur la réalité sociale dénuées de dimension interventionniste. Autrement dit, les recherches
réaliséesdanscecadreépistémologiquesontsouvent« accusées »deseulementdévoilerlesrapportsde
dominationsansavoirla« préoccupation »d’intervenirdanslemondesocialafindechangercescénario.
Afin de parer à ce type de critique sur notre approche et nos résultats de recherche, nous avons
« esquissé » une suggestion d’actions pour mettre en œuvre le prochain instrument de marché de
réduction des émissions dessiné par la CCNUCC: Le Sustainable Mitigation Mechanism517. Notre
proposition d’intégrer les ONG comme un élément participatif du cahier des charges du mécanisme
représente notre contribution scientifique visant à transformer notre critique en une solution. Tels les
économistesquiapportentdessolutionsauxenjeuxsociaux(etenvironnementaux)divers,nouscroyons
qu’ainsi faisant, aussi mineure que soit notre « intervention », notre travail pourrait éventuellement
solutionnerlesenjeuxsocio-environnementauxlorsdelamiseenœuvredesinstrumentsdemarchéissus
de la politique environnementale onusienne. Pourtant, lorsque nous avons commencé ce travail de
recherche,nouspensionsquenotreanalysecritiquenepouvaitpasaboutiràdespropositionsde type
interventionniste518.Or,aucoursdenostravaux,uneoccasiondedonnerdelaforceànotretravails’est
présentée: la création d’un nouveau mécanisme de marché pour « remplacer » le MDP lors des
négociationsclimatiquesglobales.
516 Il y a effectivement des similitudes dans les organisations économiques, politiques et culturelles entre les pays latino-américains,desélémentss’avérantdéterminantspourfaçonnerlamiseenœuvred’uninstrumentglobal.517Ou«SustainableDevelopmentMechanism».518 Méthodologiquement, nous nous sommes simplement contentée de nous cantonner à la «phase normative» de lasociologiecritique,danslaquellel’objetd’analyseportesurlaréalitésociale.
463
Notre proposition tient à ce que l’écologisation des pratiques et la concrétisation de la justice
environnementale deviennent des obligations et des objectifs à atteindre dans lamise enœuvre d’un
instrument global de réduction des émissions à travers lemarché. Nous suggérons de ce fait que ces
impératifs dépassent la sphère rhétorique dans laquelle ils ne font que justifier des actions purement
marchandes.Enguisedeclôturedecettethèse,nousnousengageonsàcequenotrecritiquedelamise
en œuvre du MDP ne soit pas simplement une critique « pessimiste » de l’économisation de
l’environnement.Alorsquenousavonssoulignétoutaulongdelathèseàquelpointl’aspectéconomique
aétédéterminantdansl’adoptionduMDPdanslesecteurdesdéchetsàRio,noussommesconscientes
que le monde opère sous un « référentiel global d’efficacité », sous le paradigme de la pensée
économique(Muller,2015).Lechoixpolitiquedesinstrumentsdeluttecontrelechangementclimatique
desorganisationsinternationalesportait(etcontinuedelefaire)surlalogiquedemarché.
Decefait,nouscroyonsenlanécessitéurgente(etpermanente)deconstruiredesanalysesengagéessur
lamise enœuvre de ces instruments. Dans un cadre global d’économisation de l’environnement, ces
analysesserventànous« rappeler »que,dans lanotionde« développementdurable », ladimensiondu
« développement économique » ne doit pas anéantir les autres dimensions dans la réalisation des
politiquesenvironnementales.Celanousrenvoieàl’idéequelavulnérabilitésocialeestunecomposante
déterminantedesproblèmesenvironnementaux.Denotrepointdevue,lafonctionréflexiveetpolitique
delasociologie(notammentdanslecadredelasociologieenvironnementale)sefaitnécessairedansun
contexte mondial dans lequel perdurent l’augmentation des émissions GES à travers le globe et une
intensificationdeseffetsduchangementclimatique.519
Cepointrejointl’autrecritiquefaiteàlasociologiecritique:lemanque« d’objectivité »duchercheurpar
rapportàsonobjet.Cettecritiquenoussemble insuffisanted’unpointdevueméthodologiquecomme
nousl’avonsexplicitédanslechapitre4.Enqualitéd’acteursocial,lerôledusociologuedoitêtredesortir
ses analyses critiques dumonde académique. Un engagement accru du sociologue dans l’analyse des
politiques globales liées au changement climatique contribuerait certainement à exécuterdesmesures
519 Selon le dernier rapport du GIEC daté de 2014, il est déjà possible d’observer les conséquences de l’augmentation desémissionsdesgazàeffetdeserredanslesystèmeclimatique.Depuislesannées50,l’augmentationdesGESdansl’atmosphèreaprovoquéleréchauffementdesocéans,lafontedesglaces,ladiminutiondelaneigeetl’augmentationduniveaudelamer(IPCC,2014).
464
interventionnistesvisantàrésoudre lesproblèmessociaux inscritsdans laquestionclimatique.Nousne
proposons pas ici une intervention du sociologue en tant que militant, mais une analyse engagée
proposant des instruments théoriques pour créer une éventuelle « praxis » de ses résultats. Dans cet
ordred’idée, l’urgencedelaquestionenvironnementaleimpliquenécessairementuneprisedeposition
du chercheur en sciences sociales dans les analyses politico-sociales relatives à la question du
changementclimatique.Cesanalysesauraientparconséquentcommefinalitéd’influencer l’élaboration
desnouveauxinstrumentsd’actionpubliquerelatifsauchangementclimatique.
Enpassantàuneéchellelocale,considérantlepaysagepolitiquebrésilienactuel,ilnousparaitimportant
d’utiliserlasociologiecritiquepourexpliquerlesdifférentsproblèmessocio-environnementauxdupays.
Le Brésil figure notablement comme un des pays les plus inégaux au monde520 tout en disposant
d’abondantes ressourcesnaturelles.Dans lechapitre2etde ladernièrepartiede la thèse,nousavons
montré que les différents programmes politico-économiques pour le « développement » du pays ont
souventutilisél’exploitationdesressourcesnaturellescommeleprincipalapportéconomiquepourl’État
etpour l’éliteéconomiquenationale,mais aussique lepouvoirde redistribution reste faible.Bienque
l’exploitationdesressourcesnaturellesfigurecommeunélémenttraditionneldel’économiebrésilienne,
d’une manière générale, pendant les gouvernements brésiliens post-dictature, la question de la
protection environnementale a gagné de l’importance et de la visibilité dans le programme politique
national.Malgré les contradictions existantes dans cette réalité politico-environnementale brésilienne,
l’avancementdecettequestionamêmeculminédansuneprisedepositionimportantedupaysdansles
négociationsenvironnementalesinternationales.Ilfautrappelerquesonleadershiplorsdesnégociations
aentrainélacréationduMDP.Toutefois,lenouveaucontextepolitiquebrésilienquiseprofileàl’horizon
apparaitcommeextrêmementconservateuretouvertement« anti-protecteur »del’environnement.
Commenous l’avonsdéjàdiscuté, les contradictionsduprogrammenéo-développementalistebrésilien
couplées à la crise économique ont entrainé une crise politique dans le pays. Cette crise politique
nationale, combinéeavecd’autreséléments521, a suscitéchezdenombreuxBrésiliensunsentimentde
520Lespopulations lespluspauvresauBrésilontunrevenuégalauxpersonnes lespluspauvresde laplanète, tandisque lerevenudesbrésiliens lesplusrichesserapprochedeceuxdesplusrichesde laplanète.Decefait,Milanovic(2012)soulignequelepaysestsouventprisenexempledessociétéslesplusinégalesaumonde.521ManipulationdelagrandepressecontrelePartidesTravailleurs,multiplicationdefakenewsetc.
465
rejetduPT,partipolitiqueprécurseurduprogrammenéo-développementaliste.Decettemanière, lors
desprésidentiellesde2018, ce rejeta culminédans l’électionde JairBolsonaro, candidatde l’extrême
droite autoritaire et conservatrice puisant ses racines politiques et idéologiques dans la dictature
militaire.Bolsonaroa annoncéaprès les électionsen2018que le gouvernementpourrait se retirerde
l’Accord de Paris522. Le nouveau président a déclaré que respecter cet Accord pourrait impacter
négativement ledéveloppementdupays.Lesengagementsbrésilienspourréduireconsidérablement la
déforestationenAmazonienepourraientpasêtrerespectés.Ainsi,Bolsonaroadéclaréqu’unretraitde
l’AccorddeParis serait la solutionpouréviterd’éventuellessanctionspolitiquesetéconomiques523 (IG,
2018).Cependant,ayantprissesfonctionsenjanvier2019,legouvernementBolsonaroafaitunpasen
arrière et amaintenu la ratification de l’Accord de Paris. Lors du Forum Économique International, le
nouveau chef d’État a déclaré la nécessité de « concilier préservation environnementale et
développementéconomique. »(OGlobo,2019).
Malgrélemaintiendupaysdansl’AccorddeParis,lenouveauMinistèredel’Environnement524nesemble
pasdonnerpourautantlaprioritéàlareforestation.Selonunemesureprovisoire525du1erjanvier2019,
le Service Forestière Brésilien (Serviço Florestal Brasileiro) est désormais géré par le Ministère de
l’AgriculturedurantlemandatdeBolsonaro.Ceserviceacommeobjectiflagestionetlecontrôlelesaires
protégéesdans lespropriétésrurales526 (CasaCivil,2019).Enoutre, leMinistèredes Infrastructuresest
entraind’étudierlasimplificationduprocessusdeladélivrancedespermisenvironnementaux.Ceprojet
desimplificationenvisagedeneplusdemanderd’étudesd’impactenvironnemental(EIA/RIMA)pourdes
territoiresoùd’autresprojetsontétédéjàprésentés.Siunprojetaétédéjàprésentépourleterritoire,
unnouveauEIA/RIMAneserapasplusexigéselonlesparamètresdunouveausystèmededélivrancedes
permisenvironnementaux.Enutilisantdesinformationsdéjàexistantessurleterritoire,legouvernement
viseàdiminuerletempsdelaprocédurededélivranceetàrendreplusefficaceleprocessusd’installation
denouveauxprojets(CanalRural,2019;FolhadeSãoPaulo,2019).
522LeBrésilaratifiél’AccorddeParisenseptembre2016.523Ilfauticirappelerque,contrairementauTraitédeKyoto,l’AccorddeParisn’estpascontraignant.524Durantlesprésidentielles,leprogrammepolitiquedeBolsonaroenvisageaitlafusionduMinistèredel’EnvironnementetduMinistèredel’Agriculture.Toutefoiscetteidéeaétéabandonnéeaudébutdugouvernement.525MedidaProvisória526 Ce contrôle se fait à travers l’instrument intitulé Enregistrement Environnemental Rural (Cadastro Ambiental Rural). Cetenregistrementestobligatoirepourtouteslesexploitationsrurales.Ilpermetquelegouvernementobtiennedesinformationsenvironnementalesàproposdechaquepropriétéafindecontrôlersonusageparsonpropriétaire.
466
Ilestimportantdesoulignerquelaquestionduchangementclimatiqueaégalementdisparudesintitulés
des organes liés au Ministère de l’Environnement. Dans le nouvel organigramme du Ministère, le
SecrétariatduChangementClimatiqueetdesForêts(SecretariadeMudançadoClimaeFlorestas)aété
remplacé par un nouveau secrétariat intitulé Secrétariat des Forêts et du Développement Durable
(Secretaria de Florestas e Desenvolvimento Sustentável). Deux départements associés à la gestion du
changementclimatiqueinclusdansl’anciensecrétariatontétésupprimés:leDépartementdesPolitiques
sur leChangementclimatique(DepartamentodePolíticasemMudançadoClima)et leDépartementde
Surveillance,deSoutienetd’EncouragementdesActions sur leChangementclimatique (Departamento
deMonitoramento, Apoio e Fomento de Ações emMudança do Clima). Le gouvernement Bolsonaro a
promis de créer un conseil spécialement destiné à traiter les questions du changement climatique au
Brésil à l’intérieur du Ministère de l’Environnement. Cependant, ce conseil n’est pas encore formé
(GazetaOnline,2019;Estadão,2019).
Au regard de tous les changements opérés au sein duMinistère de l’Environnement dans le nouveau
gouvernement, il convientde rappeler lesengagementsprispar leBrésil lorsde laCOP-21527 528.Parmi
plusieursmesuresderéductiondesémissions,laloisurleClimatetl’INDCBrésilienmettentenlumière
notamment des actions tournées vers une réduction considérable des émissions dans le secteur du
changementetdel’affectationdessols529.Toutefois,dansl’INDCbrésilien,l’Étatneclarifiepascomment
cesengagementsserontconcrétisésdansuncontexted’expansiondelaproductionagricole.Decefait,
unrapportdelaBanqueMondialeàceproposdessinedesrecommandationspolitiquespourréaliserces
objectifs. Parmi ces propositions, les auteurs recommandent le renforcement du Cadrastro Ambiental
Ruralpouruncontrôleplusefficacedel’usagedesterresainsiquelacréationdemécanismesdesoutien
auxpropriétairesdeterrepour lareforestation(WorldBank,2017). Ilest importantderappelerquece
contrôleestdésormais faitpar leMinistèrede l’Agriculture.Decettemanière,noussommesamenésà
penserquecertainsintérêtsdecetteélitetraditionnelledelaterreserontsauvegardésendétrimentdes
527Atraversle«INDC».528 Plusieurs objectifs de réduction établis dans la PNMU (Politique Nationale relative au Changement Climatique) sontreproduitsdansledocumentduBrésilenvoyéàlaCCNUCC:l’INDC(«IntendedNationallyDeterminedContribution»traductionen français). Ce document apparait comme un des instruments de mise en place de la Politique Nationale relative auChangementClimatique.529 Les objectifs sont les suivants: des mesures pour la reforestation de 12 millions d’hectares, le développement d’uneagriculturesoutenableetlerenforcementdespolitiquespubliquespourarrêterladéforestationillégalejusqu’en2030.
467
objectifs établis par l’INDC brésilien. Par conséquent,malgré lemaintien dans la COP- 21, le nouveau
dessindesarrangementspolitiquesdansledomaineenvironnementalsemblenepasallerdanslesensde
laréalisationdecesobjectifs.
Ceschangementsdanscertainesstructuresdesinstitutionsresponsablesdelacréationetl’exécutiondes
politiquesenvironnementalespeuventêtreluscommedesstratégiespolitiquesavanttoutsymboliques,
misàpartleurpotentielpragmatique.Enmatièredeprotectionenvironnementale,lesymbolismedece
nouveau gouvernement nous renvoie aux objectifs du « vieux » développementalisme et à la tradition
coloniale brésiliennedu« pouvoir de la terre ». Endéléguant le servicede contrôle des forêts dans les
propriétés rurales auMinistère de l’Agriculture, le gouvernement « ferme les yeux » sur le fait que la
déforestation illégale est directement associée au développement économique de l’agropecuária.Plus
précisément, plutôt que de « fermer les yeux », l’État dit ouvertement aux propriétaires de terre que
l’agriculture est plus importante que la protection des forêts. De cette manière, au niveau
environnemental,lepaysparaîtfaireunbondenarrièreàtraversdesmanœuvresétatiquesquirévèlent
un discours « démodé » de « souveraineté nationale » prônant un « développement économique » sans
aucunecontrainteetnuisibleàl’environnement.
Si ce nouveau gouvernement est « paré » de vertus symboliques à propos des questions
environnementales, les inégalités historiques du Brésil associées à une exploitation des ressources
naturelles avec moins de réglementation qu’avant peuvent créer davantage de problèmes socio-
environnementaux.Àcela,nouspouvonsajouter lesconséquencesactuellesduchangementclimatique
sur les écosystèmes. Par conséquent, on peut s’attendre à un accroissement des injustices
environnementales sur le territoire. Bien que nous n’ayons pas encore les résultats des mesures
politiques du gouvernement actuel, nous pouvons seulement prévoir un scénario de recul des
avancements politiques enmatière d’environnement que le pays a développé au cours des dernières
décennies. Depuis les présidentielles de 2018, nous voyons dans la presse grand public des hommes
468
d’Étatreproduireundiscours« recyclé »surlechangementclimatique530.Lediscoursd’uneépoqueoùle
« négationnismeclimatique »étaituninstrumentpolitiquedesgouvernementsbrésiliens.
Cependant, il est prématuré de faire des analyses sur la prise en charge des questions relatives au
changement climatique par le gouvernement Bolsonaro. Il convient aussi de rappeler que ce tournant
« conservateur »vis-à-visdel’environnementacommencéaveclederniermandatdeDilmaetacontinué
avec Michel Temer après sa destitution en 2016. De ce fait, nous observons dans ce début de
gouvernement de Bolsonaro que la « souveraineté nationale » (ou le « développement économique »)
primeexplicitementsurlapoursuitedesdiscussionssurlaprotectiondel’environnement.Celadit,alors
qu’aveclesautresgouvernementspost-dictature,laréalisationdesobjectifsenvironnementauxs’avérait
trèsdifficileàmettreplaceen raisondeplusieurscontradictionspolitico-économiques,aujourd’hui ces
objectifssemblentconfrontésàdavantaged’obstacles.C’estpourcetteraisonquenousconsidéronsque
l’usagedelasociologiecritiquedansl’analysedespolitiquesenvironnementalesauBrésils’avèredesplus
urgents. La capacité de l’approche à dénoncer les rapports de pouvoir dans les analyses socio-
environnementales peut être utilisée comme un moyen pour éviter que le pays ne retombe dans
« l’obscuritéenvironnementale »àuneépoqueoùlarésolutiondecettequestionestplusimpérativeque
jamais.
530 Outre ladéclarationsur laCOP-21deBolsonaro lorsdesprésidentielles, lenouveauministredesRelationsExtérieuresadéclaré par exemple en janvier 2019 que «lutter contre le changement climatique est seulement une stratégie globalisted’instaurer lapeur afind’obtenir plusdepouvoir.» («Defesadamudançado climaébasicamenteuma táticaglobalistadeinstalaromedoparaobtermaispoder.»)(FolhadeSãoPaulo,2019).
469
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UNFCCC.2017a.CleanDevelopmentMechanism.“Project0008:BrazilNovaGerarLandfillGastoEnergyProject”.Disponiblesur:https://cdm.unfccc.int/Projects/DB/DNV-CUK1095236970.6/view?cp=2.(Consultéle25septembre2017).
521
UNFCCC.2018.CDM.“Whatisthecleandevelopmentmechanism?”.Disponiblesur:https://cdm.unfccc.int/about/index.html.(Consultéle19février2019)
UNFCCC.2018a.CDM.CDMProjectCycle.Disponiblesur:https://cdm.unfccc.int/Projects/diagram.html.(Consultéle03mai2019)
UNFCCC.2018c.«Averagetimetakenfromvalidationtorequestforregistration.Disponiblesur:http://cdm.unfccc.int/Statistics/Public/CDMinsights/index.html#reg.(Consultéle19février2019).
UNFCCC.2018f.DistributionofregisteredprojectsbyUNregionandsubregion”.Disponiblesur:https://cdm.unfccc.int/Statistics/Public/files/201804/proj_reg_bySubregion.pdf(Consultéle19mai2018).
UNFCCC.2018g.“DistributionofregisteredprojectsbyUNregionsandsubregion”.Disponible:http://cdm.unfccc.int/Statistics/Public/files/201805/proj_reg_byRegion.pdf.(Consultéle26mai2018).
UNFCCC.2018h.“KyotoProtocolIntroduction”.Disponiblesur:https://unfccc.int/process/the-kyoto-protocol.(Consultéle05juin2018).
UNFCCC.2018i.«Projectsregisteredandregistering».Disponiblesur:https://cdm.unfccc.int/Statistics/Public/files/201805/regnum.pdf(consultéle11juin2018).
UNFCCC.2018j.DistributionofregisteredprojectsbyHostParty.Disponiblesur:http://cdm.unfccc.int/Statistics/Public/files/201806/proj_reg_byHost.pdf(Consultéle24juillet2018).
UNFCCC.2019.CleanDevelopmentMechanism:“GramachoLandfillGasProject”.Disponiblesur:https://cdm.unfccc.int/Projects/DB/SGS-UKL1240997957.64/view.(Consultéle07mai2019.)
UNFCCC.2019a.CDMProgramofActivities.Disponiblesur:http://cdm.unfccc.int/ProgrammeOfActivities/index.html(Consultéle08mai2019).
UnitedNations.2012.“UnitedNationsConferenceonSustainableDevelopment,Rio+20.”Disponiblesur:https://sustainabledevelopment.un.org/rio20(Consultéle08mai2019).
UolNotícias.2012.“FimdelixaopreocupacatadoresquechegaramaganharR$100pordianos‘temposaureos’”.Disponiblesur:https://noticias.uol.com.br/cotidiano/ultimas-noticias/2012/05/31/preocupados-com-fim-do-lixao-de-gramacho-catadores-ganhavam-ate-r-100-por-dia.htm(Consultéle08mai2019).
Wikipedia.2019.LixoExtraordinario.Disponiblesur:https://pt.wikipedia.org/wiki/Lixo_Extraordin%C3%A1rio(Consultéle07mai2019).
ValorEconômico.2012.“FoxxeHaztecestãopertodefecharfusão”.Disponiblesur:https://www.valor.com.br/empresas/2927020/foxx-e-haztec-estao-perto-de-fechar-fusao(consultéle07mai2019).
Veja.2017.“Brasiltem58ativistasmortosem2017,dizAnistiaInternacional”.Disponiblesur:https://veja.abril.com.br/brasil/brasil-tem-58-ativistas-mortos-em-2017-diz-anistia-internacional/(Consultéle07avril2018)
522
Veja.com.2012.“LixaodeJardimGramachoéfechadonoRiodeJaneiro”.Disponiblesur:http://veja.abril.com.br/politica/lixao-de-jardim-gramacho-e-fechado-no-rio-de-janeiro/.(Consultéle08mai2019).
Veja.com.2012a.«MetanodoaterrodeGramachoseráprocessadonaReduc”.Disponiblesur:http://veja.abril.com.br/politica/metano-do-aterro-de-gramacho-sera-processado-na-reduc/(Consultéle08mai2019).
523
Listedessiglesetdesacronymes
ABRELPE:AssociaçãoBrasileiradeEmpresasdeLimpezaPúblicaeResíduosEspeciais
ACAMJG:AssociaçãodosCatadoresdoAterroMetropolitanodeJardimGramacho
ALERJ:AssembléiaLesgislativadoEstadodoRiodeJaneiro
BNDES:BancoNacionaldeDesenvolvimentoEconômicoeSocial
CCNUCC(UNFCCCenanglais):Convention-CadredesNationsUniessurlesChangementsClimatiques
CER:CertifiedEmissionReduction
CIMGC:ComissãoInterministerialdeMudançaGlobaldoClima
COMLURB:CompanhiaMunicipaldeLimpezaUrbana
CONAMA:ConselhoNacionaldoMeio-Ambiente
COOTRASER:CooperativadeCatadoresdeMateriaisRecicláveisdeSeropédica
CPA:ComponentProgramofActivity
CTR:CentraldeTratamentodeResíduos
DNA:DesignatedNationalAuthority
DOE:DesignatedOperationalEntity
GES:GazàEffetdeSerre
GIEC(IPCCenanglais):Grouped’ExpertsIntergouvernementalsurl’EvolutionduClimat
IBGE:InstitutoBrasileirodeGeografiaeEstatística
INDC:IntendedNationallyDeterminedContribution
INEA:InstitutoEstadualdoAmbiente
IPEA:InstitutodePesquisaEconômicaAplicada
MDP(CDMenanglais):MécanismedeDéveloppementPropre
MCTIC:MinistériodaCiência,Tecnologia,InovaçõeseComunicações
MMA:MinistériodoMeio-Ambiente
PAC:ProgramadeAceleraçãodoCrescimento
PDD:ProjectDesignDocument
PBMC:PainelBrasileirodeMudançasClimáticas
PNMC:PolíticaNacionaldeMudançadoClima
PNRS:PolíticaNationaldeResíduosSólidos
SMM:SustainableMitigationMechanism
524
ANNEXES
ANNEXEI
Listedespaysdel’AnnexeIduProtocoledeKyoto
AllemagneAustralieAutricheBelgiqueBulgarieCanadaCroatieDanemarkEspagneEstonieÉtats-UnisFinlandeFranceGrèceHongrieIrlandeIslandeItalieJaponLatviaLiechtensteinLituanieLuxembourgMonacoNouvelleZélandeNorvègePaysBasPolognePortugalRépubliqueTchèqueRomanieRoyaumeUniRussieSlovaquieSlovénieSuèdeSuisseUnionEuropéenne
525
ANNEXEII
Listedespolitiquespubliquesdel’EtatdeRioetdelavilledeRiosurlamiseenœuvredutrietl’intégrationdescoopérativesdecatadoresdansladynamiquedesdéchetsavantlamiseen
placedelaPNRSen2010.
DanslavilledeRioLoimunicipalen.4969/2008–Prévoitlesobjectifs,instruments,principesetleslignesdirectricespourlagestion intégrée des déchets solides urbains dans la municipalité de Rio de Janeiro. (Dispõe sobreobjetivos,instrumentos,princípiosediretrizesparaagestãointegradaderesíduossólidosnoMunicípiodoRiodeJaneiroedáoutrasprovidências).Article3paragrapheV-Encourageletri,laréutilisationetlerecyclage(incentivaracoletaseletiva,areutilizaçãoeareciclagem)Article5paragrapheX–Inclusionsocialedescatadoresdesmatériauxrecyclables(ainclusãosocialdoscatadoresdemateriaisrecicláveis).Article13paragraphe2–Letridesdéchetsrecyclablesseraattribuéauxassociationsoucoopérativescrées notamment par les populations de bas revenu. Elles seront recrutées par l’organe municipalresponsable.Cetorganeseraresponsabled’éditer lesnormestechniquesconcernant lesactivitéset ilseraaussi responsablede surveiller sonexécution. (Acoletados resíduos recicláveis seráatribuídaàsassociaçõesoucooperativas formadasexclusivamenteporpessoas físicasdebaixa renda, contratadaspeloórgãoouentidademunicipalcompetente,aoqualcompeteeditarasnormastécnicaspertinentesàsatividadesefiscalizarsuaexecução).Dansl’EtatdeRiodeJaneiroLoi de l’Etat de Rio numéro 3.755/2002. Le pouvoir exécutif de l’Etat de Rio est autorisé à financeret/ou subventionner la création des coopératives dont la finalité est la collecte des matériauxinorganiques passible d’être recyclés. (Fica o Poder Executivo autorizado a financiar e/ou subsidiar aformaçãodecooperativascomafinalidadedecoletarmateriaisinorgânicospassíveisdereciclagem)Décretnuméro40.645/2007–Prévoitletridedéchetsrecyclablesproduitsparlesorganesetentitésdel’administrationpubliquedel’Etatetleurdestinationauxassociationsetcoopérativesdecatadoresdematériaux recyclables. (Institui a separação dos resíduos recicláveis descartados pelos órgãos eentidadesdaadministraçãopúblicaestadualdiretaeindireta,nafontegeradora,easuadestinaçãoàsassociaçõesecooperativasdoscatadoresdemateriaisrecicláveis,edáoutrasprovidências).
(Traductionlibreàpartirdestextesdecesactionspubliques)
526
ANNEXEIII
ListechronologiquedesConférencesdesParties(COP)danslecadredelaCCNUCC
COP Année LieuCOP3 1997 Kyoto,Japon.COP4 1998 BuenosAires,ArgentineCOP5 1999 Bonn,AllemagneCOP6 2000 TheHague,PaysBasCOP6-2 2001 Bonn,AllemagneCOP7 2001 Marrakech,MarocCOP8 2002 NewDelhi,IndeCOP9 2003 Milan,ItalieCOP10 2004 BuenosAires,ArgentineCOP11 2005 Montréal,CanadaCOP12 2006 Nairobi,KenyaCOP13 2007 Bali,IndonésieCOP14 2008 Poznań,PologneCOP15 2009 Copenhague,DanemarkCOP16 2010 Cancun,MexiqueCOP17 2011 Durban,AfriqueduSudCOP18 2012 Doha,QatarCOP19 2013 Varsovie,PologneCOP20 2014 Lima,PeruCOP21 2015 Paris,FranceCOP22 2016 Marrakech,MarocCOP23 2017 Bonn,AllemagneCOP24 2018 Katowice,Pologne
Source:UnitedNationsClimateChange,2018.UnitedNationsClimateChange.ConferenceoftheParties.Disponiblesur:https://unfccc.int/process/bodies/supreme-
bodies/conference-of-the-parties-cop?page=0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0%2C0(Consultéle15mars2019)
527
ANNEXEIV
Critèresàrespecterpourl’installationd’unedéchargesanitaireauBrésil
1-Ladéchargenedoitpasêtreconstruitedansdeszonespropicesauxinondations.
(pointfondamentalpourlechoixdelazone)
2-Ildoitavoirunecouchenaturelledesoldel’épaisseurdeminimum1,50mentrelasurface
inférieuredeladéchargeetleniveauleplushautdelanappephréatique.
(pointfondamentallechoixdelazone)
3-Ladéchargedoitêtreinstalléedansunezoneoùlesoldoitêtrecomposédesmatériauxetdes
substancesdefaibleimperméabilité.
(pointfondamentallechoixdelazone)
4-Ladéchargedoitêtreconstruitedansunezoneautoriséeparlalégislationlocale.
(pointfondamentallechoixdelazone)
5-Ladéchargenepeutpasêtreconstruiteauseindesunitésdeconservationoudansdesaires
protégées.
(pointfondamentallechoixdelazone)
6-Ladéchargedoitêtrelocaliséeàunedistancedeminimum200mden’importequelcoursd’eau.
Danslecascontraire,ilestnécessaired’avoirunepermissiondel’organeenvironnemental.
7-L’installationdeladéchargedoitavoiruneacceptation(« bonne »ou«raisonnable »)dela
populationlocale.
8-Lefoncieroùseraconstruiteladéchargedoitavoirunevaleurimmobilièremoyenneoubasse.
9-Ladensitédelapopulationdesalentoursdoitêtremoyenneoubasse.
10-Laduréedeviedeladéchargedoitêtredeplusde10ans.Simoins,elledoitêtreapprouvéepar
l’organeenvironnemental.
Unefoisrespectéslespointsfondamentauxsoulignésenrouge,lechoixdelazonepourconstruireunedéchargedoitaussiobéirleclassementlistédansletableauci-dessous.Classementdeprioritéd’accomplissementdes
critèrespourl’installationd’unedécharge
Priorité
Respectàlalégislationenvironnementale 1Respectauxquestionspolitico-sociales 2Respectauxcritèreséconomiques 3Respectauxcritèrestechniques 4
• Lescritèreséconomiquessontrelatifsauxcoûtsd’installationdeladécharge.• Lescritèrespolitico-sociauxsontassociésàl’acceptationdelapopulationdesalentours
àproposdel’installationdeladécharge.• Lescritèrestechniquescorrespondentauxquestionsenvironnementalesimpliquéesà
partirdel’installationdeladécharge.
Source:Elk,2007
528
ANNEXEV
ListedesministèrescomposantlaCIMGC531
• MinistèredesRelationsExtérieures• Ministèredel’Agriculture• MinistèreduTransport• MinistèredesMinesetdel’Energie• MinistèredelaPlanification,DéveloppementetGestion• Ministèredel’Environnement• MinistèredelaScience,Technologie,InnovationetCommunication• Ministèredel’Industrie,CommerceExtérieuretServices• CasaCivil• MinistèredesVilles• Ministèredel’Économie
531 En raison de la suppression de certainsministères et la création d’autres, nous n’avons pas encore d’information sur lacompositiondelaCIMGCsouslagestiondeBolsonaro.
529
ANNEXEVI
Listedesenquêtésaveclessigles
530
ANNEXEVII
Exemplairedelagrilled’entretienpourlesentreprisesprivées Grilled’entretienBasiquepourlesentreprisesimpliquéesdansdesProjetsMDP
àRiodeJaneiro
1- ComoasuaempresasoubedaexistênciadoMecanismodeDesenvolvimentoLimpo?
2- OquelevouasuaempresaaseinteressaremparticipardomercadodeC02atravésdeumprojetoMDL?
3- QuaissãoasnormasdoEstadoBrasileiroparaumaempresaparticipardeumprojetoMDL?
4- Emfuncaodessasnormas,quaissaoascaracteristicasdoprocessoadmnistrativoparaqueoprojetosejainclusonoMDL?Comosecaracterizaesseprocessodenaturezaeconomica?politico-economica?
5- Asuacontratoualgumaconsultoriaparaelaboraçãoedesenvolvimentodoprojeto(NOMEDOPROJETO)Profissionalliberalouempresa?
6- AempresarecorreuaoapoiofinanceirodasagenciasestataisdedesenvolvimentoeconômicocomoBNDES,porexemplo?
7- Noprojetodesenvolvidonestaempresa,haparticipaçãodogovernofederale/ouestadualnarealizaçãodoprojeto?
8- HaouestahavendoalgumadificuldadenaimplementaçãodesteprojetonoRiodeJaneiro?EmcasoderespostapositivaPoderiadescrevernoqueelaconsiste?
9- Poderiadescreverofuncionamentoatualdoprojeto?
10- AempresajaestavendendocréditosdeCO2?(respostapositiva)QualfoiaestratégiaadotadaparaparticipardesteprocessoParaquem?
11- Existemregrasespecificasparavendadecréditodecarbonoanívelnacionaleestadual?Vocepoderiamedizerquaissao?Ondeelasestãodisponíveis?
12- AsuaempresaeconheceeserelacionacomoutrosprojetosdeMecanismodeDesenvolvimentoLimpo?
13- QuaisseriamosaspectospositivosenegativosdoMDLparacontrolaraidentificadaspelasuaempresaemissãodeCO2naatmosfera?
14- ComovocêavaliariaasituaçãoatualdomercadodeCO2noRiodeJaneiroesepossívelnoBrasil?
15- CombasenaexperiênciadasuaempresacomoMDL,vocêacreditaqueachaqueelaparticipariadeoutromecanismoquefazpartedomercadodeCO2?
16- Nasuaopiniãocomoasempresasemgeral,edosetorestaempresaestavinculada,poderiamcontribuirparamudaroatualcenáriodoaquecimentoglobalnoBrasil?
Network
Stratégied’action
Participationdel’état
RépresentationduMDP
NetworkSavoir-FaireParticipationDel’état
Participartiondel’état
RépresentationMDP/Savoirfaire
Network
Participationdel’état
Network
RépresentationduMDP
RépresentationduMDP/Climatecapitalism
Climatecapitalism
ClimateCapitalism
531
ANNEXEVIII
Exemplairedelagrilled’entretienpourlescabinetsd’experts
Grilled’entretienBasiquepourlescabinetsdesexpertsdansdesProjetsMDPà
RiodeJaneiro
1. QuaissãoasatividadesdaEcoinv?
2. AEcoinvpertenceàalgumgrupo?
3. QuandoaempresacomeçouatrabalharcomoMDL?
4. AEcoinvestaenvolvidaemprojetosMDLnoestadodoRiodeJaneiro?Quais ?
Dequetecnologias?
5. Qualéanaturezadesseenvolvimento?
6. QuaissãoasnormasdoEstadobrasileiroparaumaempresaparticipardeum
projetoMDL?
7. QuaissãoasnormastécnicasaseguirnaelaboraçãodeumprojetoMDL?
8. AEcoinvtrabalhaoujatrabalhouemconjuntocomogoverno(federal,
estadualoumunicipal)naelaboraçãodealgumprojetoMDLnoRiodeJaneiro?
9. QuaisseriamosaspectospositivosenegativosdoMDL?
10. ComovocêavaliariaasituaçãoatualdomercadodeCO2noRiodeJaneiro,ese
possívelnoBrasil?
532
ANNEXEIX
Exemplairedelagrillebasiqued’entretienpourlescatadores,assistantessocialesetchargésdecommunication
QuestionsIntermédiaires
AprèslafermeturedeladéchargePolitiquesSocialesOrganisationactuelle
5) Qu’estquis’estpasséaprèslafermeture ?Oqueaconteceudepoisdofechamentodoaterro?-
6) Commentvotreviea-t-ellechangé ?Comoasuavidamudou ?- -
7) Qu’est-cequiétaitpositif/négatifdansce
changement ?Oquefoipositivo/negativonestamudança?-
L’avenirde“Catadores”
Stratégieactuellede“catadores”
8) Qu’est-cequec’estl’avenirpourvous ?Oqueéofuturoparavocê ?-
9) Commentvousvousvoyezdans2ans ?Comovocêsevêem2anos ?-
10) Ya-t-ileuuneorganisationquivousaététrèsutile ?Comment ?Houvealgumaorganizaçãoqueteajudoumuito?Como ?
-
Conceptsimpliqués QuestionsIntiales
FermeturedeladéchargeActeursImpliquésStratégied’action
1) Qu’est-cequis’estpassélorsdelafermeture ?OqueaconteceuquandoJardimGramachofechou?-
2) Qu’est-cequevousavezsentiaprèscettenouvelle ?
Commentl’avez-vousreçue ?Comovocerecebeuestanoticia?Oquevocesentiu ?-
3) Pourquoiont-ilsferméleterrain ?Porqueelesfecharamoaterro?-
4) Quiétaitimpliquédanslafermetureduterrain ?Quemestavaenvolvidonofechamentodoaterro?
533
Questionssurl’environnement
Durabilitéenvironnementale
Changementclimatique
ProjetduMécanismedeDéveloppementPropre
PolíticaNacionaldeResíduosSólidos
11) Protégerl’environnement:c’estfairequoiàvotre
avis ?Oqueéprotegeromeio-ambienteparavocê ?-
12) Votreancienneprofessioncontribuait-ellepourlaprotectiondel’environnement ?Asuaantigaprofissãocontribuíaparaaproteçãodomeio-ambiente?-
13) Croyez-vousqueleclimatestentraindechanger ?Vocêachaqueoclimaestámudando ?-
14) Qu’estquelesgensdoiventfairepourl’empêcher ?
Oqueaspessoasdevemfazerparaimpedirisso?- -
QuestionsFinales
Reconnaissancedelacatégoriede« catador »
15) Racontez-moiunehistoirequevousamarquéquand
vousétiezencore« catador ».Conte-meumaestoriaquetemarcoumuitoquandovoceaindaeracatador.
16) Commentvousvousévaluezmaintenant ?Comovoceseavaliaatualmente?-
534
ANNEXEX
LexiquedelagestiondesdéchetssolidesurbainsauBrésil.
MOTouExpression SIGNIFICATION
AterroSanitário
Traduction directe: « décharge sanitaire ». Un type destockagededéchetssolidesoùilyaletraitementdulixiviatet dubiogaz. L’intitulé pour ce typede stockage final desdéchetsestprévuparl’Associationbrésiliennesdesnormestechniques(ABNT).
AterroControladoouLixãoControlado
Traduction directe: « décharge contrôlée ». Nom donné àun type de décharge créée à partir de certaines actionspubliques mises en œuvre dans le but de minimiser lesrisquesenvironnementauxdesdéchargesàcielouvertdéjàexistantes. Une décharge contrôlée a été déjà unedéchargeàcielouvert.
Lixão
Traductiondirecte:« déchargeàcielouvert ».Ils’agitd’untype de stockage des déchets sans aucun traitementpréalable ainsi qu’aucune séparation entre déchetsdangereux et non dangereux. Il n’y a aucun contrôle derisquesenvironnementauxdans ce typededépôtdéfinitifdesdéchets.
CTR-CentraldeTratamentodeResíduos
Traduction libre: « Centrale de Traitement des Déchets ».Une CTR traite et valorise tous les types de déchets.Théoriquement dans une Centrale, il y a des usines derecyclage, de compostage et une décharge sanitaire.Toutefois, ilyaune instrumentalisationdecet intituléparlesacteurs locauxdusecteurdesdéchets. LesCTR faisantpartiedenotrecorpusderecherchepossèdentseulementun type de traitement des déchets dans leurs locaux: lesdéchargessanitaires.
LicençasAmbientais
Traduction libre: « Permis environnementaux ». Il s’agitd’un instrument juridique qui contrôle les activitéshumaines pouvant impacter l’environnement. Il est uninstrument administratif autorisant le choix de lalocalisation, l’installation, l’opération ou l’agrandissementd’un projet ou d’une activité qui utilise les ressourcesnaturellesouprésentantdesrisquesàsonenvironnement.L’organe environnemental de la fédération brésilienne oude chaque État délivre un permis environnementaldifférentdurant l’approbationdechaqueétapede lamiseen place d’un projet. La délivrance de ces permis estconditionnéeàunprocessusdiviséenplusieursétapes.CeprocessusestdiscutédansleChapitre3delathèse.
Catador
PopulationdetravailleursinformelsauBrésildontlemétierse résume à la collecte, le tri et la vente des déchetsrecyclablescollectésdanslesruesoudanslesdéchargesà
535
cielouvert.Ilspeuventêtreassociésàdescoopérativesoutravaillerindépendamment.
Catação Métier/activitéducatador.
DestinoFinaldeResíduos/DestinaçãoFinalde
Resíduos
Traductionlibre:« dépôtfinal » ;« dépôtultime »ou« dépôtdéfinit des déchets ». Nous faisons usage de ces troisexpressions afin de traduire ce que dans le langage dusecteur des déchets le définit comme « destination finaledesdéchets ».Autrementdit,ils’agitdustockagefinaldesdéchetsaprèssavalorisation(oumêmeàsonabsence).
DiretoradodoLixo Traduction libre: « clan des déchets » ; « bande desdéchets » ou « cartel des déchets ». Le conceptdiretoradodolixoaétécrééparWaldman(2013)pourdéfinir leblocde pouvoir formé à l’échelle des municipalités dans lecontrôle de la gestion locale des déchets. Ce « bloc depouvoir » est souvent formé entre les entreprisesd’ingénierieestlespouvoirspublicsmunicipaux.
Chorume/LíquidoPercolato/Lixiviato
Traductionlibre:Lixiviat.Ils’agitd’unliquideprovenantdela décomposition de la matière organique des déchets.Danslesdéchargesàcielouvert,àl’absencedetraitement,celiquidenoirs’infiltredanslesoletpeutpolluerleseauxsouterraines. Sacompositionest faiteàpartirdesmétauxlourdstrèstoxiques.(ex.cadmium ;arsenicetmercure)
Licitação Traduction libre: Concession des services publics. Engardantlesparticularitéslégalesdechaquepays(FranceetBrésil), il s’agit d’un contrat où les pouvoirs publicsdélèguent la prestation de certains services à d’autresorganismes,souventlessociétésprivées.
Fluminense Nomdonnéauxpersonnesquihabitentdans l’ÉtatdeRiode Janeiro, indépendamment de leur municipalitéd’origine.
536
ANNEXEXI
Exemplairedudocumentd’engagementaurespectdel’anonymatdesparticipants
TermodeConsentimentoLivreeEsclarecido
PesquisadeTesedeDoutoradoemSociologiadaUniversitédeToulouse/França,emparceriacomoInstitutodeComunicaçãoeInformaçãoCientíficaeTecnológicaemSaúdedaFundaçãoOswaldoCruz/Brasil
ACONFIGURACĀODOMERCADODECARBONONOBRASIL:UmaanálisedoMecanismodeDesenvolvimentoLimpono
EstadodoRiodejaneiro
Prezado(a)Senhor(a):
Gostaríamos de convidá-lo (a) a participar da pesquisa “A CONFIGURACĀODOMERCADODE CARBONONOBRASIL:
UmaanálisedoMecanismodeDesenvolvimentoLimponoEstadodoRiodejaneiro”,realizadanomunicípiodoRiodeJaneiro.
ApesquisafazumaanálisedomercadodecarbonoreguladopeloMecanismodeDesenvolvimentoLimponoEstadodoRiodeJaneiroetemcomoobjetivoanalisaraformadefuncionamentodesteMecanismonoEstadodoRiodeJaneiro.Asuaparticipaçãoémuitoimportanteeelasedariadaseguinteforma:1)Seráfeitaumaentrevistasemi-abertasobreaparticipação da empresa no Mecanismo de Desenvolvimento Limpo 2) As suas respostas serão anotadas em umquestionárioecomoseuconsentimentoaconversaserágravadae/ouserãofeitosregistrosfotográficos.Gostaríamosdeesclarecerquesuaparticipaçãoétotalmentevoluntária,podendovocê:recusar-seaparticipar,oumesmodesistiraqualquermomentosemqueistoacarretequalquerônusouprejuízoàsuapessoa.Informamosaindaqueasinformaçõesserãoutilizadassomenteparaosfinsdestapesquisaeserãotratadascomomaisabsolutosigiloeconfidencialidade,demodoapreservarasuaidentidade.Esperamos que esta pesquisa traga como benefício a melhoria nos métodos e resultados do Mecanismo deDesenvolvimentoLimponoestadodoRiodeJaneiro.Informamosqueo(a)senhor(a)nãopagaránemseráremuneradoporsuaparticipação.Casoo(a)senhor(a)tenhadúvidasounecessitedemaioresesclarecimentospodenoscontactar:Natália-PachecoCruz,. Telefones de contato: ; ou. E-mail: Este termoépreenchidoemduasviasde igualteor,sendoumadelas,devidamentepreenchida,assinadaeentregueao(a)senhor(a).RiodeJaneiro,___de________de2014.
NataliaPachecoCruz(Doutoranda),
NomedaEmpresa:___________________________________________________________________
Eu, ____________________________________________________________________________ tendo sido
devidamente esclarecido sobre os procedimentos da pesquisa, concordo em participar voluntariamente da pesquisa
descritaacima.
Assinatura:____________________________
Data:___________________
537
Tabledesmatières
Introductiongénérale......................................................................................................................21
Premièrepartie:LerégimeclimatiqueglobaletleroleduBrésildansl’enjeudu
climatàtraversledomainedesdéchets...................................................................................32
ChapitreI:L’approcheéconomiquedespolitiquesenvironnementales:Lemarché
ducarbonecommeinstrumentdeluttecontrelechangementclimatique..................32
1.1Faceàlacriseécologiquemondiale:entreLesthéoriesdela« Treadmillofproduction »etla
Modernisationécologique ?.......................................................................................................................33
1.1.1.Lacréationdumarchéducarbonecommeréponsepolitiqueàlacriseécologique:Quelleestsa
logiquedefonctionnement ?..................................................................................................................41
1.1.2.Leréférentielglobaldespolitiquespubliques:Lerôledeséconomistesdansleprocessusde
décisiondespolitiquesenvironnementales............................................................................................48
1.2.LEMDPetlanouvelledynamiqueNord-SudsurlemarchéduCO2:L’apparitiondesopportunités,
descontroversesetdesinégalités.............................................................................................................50
1.2.1.LacoopérationinternationalecommeprincipethéoriquepourlefonctionnementduMDP.......51
1.2.2.Lecycledevied’unprojetMDP:entrerèglesetmodalitésd’unegouvernanceglobaleetlocale.
................................................................................................................................................................54
1.2.3.LedéveloppementcommecritèrecontroversédeséparationentrelespaysauseinduProtocole:
lesconséquencessurleMDP..................................................................................................................61
1.2.4.LetransfertdetechnologieauseinduMDP:uninstrumentdemodernisationécologiquedans
unegouvernancenéolibérale ?..............................................................................................................66
1.2.5.La« miseenrécit »delanotiondedéveloppementdurabletraduitedansleMDP.....................71
1.3.LebilanduProtocoledeKyotoetlerésultatdelaCOP-21:Unnouveautraitépermettrait-il
continueràluttercontrelechangementclimatiqueàpartird’unmarché ?.............................................76
1.3.1.L’accorddeParis:unnouvelespoirpourunrenouvèlementdel’espritduMDP ?......................81
ChapitreII:LagouvernanceduMDPauBrésillesrefletsdescontradictions
politiquesdupays.............................................................................................................................84
2.1Lavulnérabilitésocio-économiquebrésiliennerelativeauphénomèneduchangementclimatique.84
538
2.2LestendancesàlahaussedesémissionsdeGESsurleterritoirebrésilien:lesrefletsd’unmodèlede
développementnocif.................................................................................................................................91
2.2.1Lesémissionsdeméthaneparlesecteurdel’agricultureetdel’élevagedebétail:latradition
brésiliennedu« pouvoirdelaterre ».....................................................................................................93
2.2.2Lareprisedel’exploitationdescombustiblesfossilesauBrésil:l’imagedumodèle« néo-
développementaliste »envigueur.........................................................................................................95
2.2.3LesrisquesenvironnementauxdelaproductiondelabiomassedansleCerrado.......................101
2.2.4L’enjeudeladéforestationetsonimpactdanslaposturedel’Étatbrésilienauniveau
international.........................................................................................................................................102
2.2.5LesémissionsprovenantdesdéchetsauBrésil:unenjeucroissant...........................................107
2.3LeMDP:unconceptbrésilienaucœurdesnégociationsclimatiquesinternationales.....................111
2.3.1LaPolitiqueNationalebrésiliennerelativeauchangementclimatique:ledéfientregouvernance
nationaleetgouvernancelocale..........................................................................................................119
2.4LePanoramadesprojetsMDPauBrésil:unepromesseinachevée ?...............................................122
ChapitreIII:LagouvernancedesdéchetsàRiodeJaneiro:entreécologisationet
résorptiondesvulnérabilitéssocialesdeleurgestiondesdéchets...............................135
3.1Lagestiondesdéchetsdansl’ÉtatdeRiodeJaneiroavantlaPNRS:Unemétaphoredel’État
brésilien....................................................................................................................................................136
3.1.1Lesdéchargesàcielouvertcommedestinationfinaledesdéchetsurbainsdanslarégion
métropolitainedeRio...........................................................................................................................141
3.1.2Lesdéchargesàcielouvertcomme« zonesdesacrifices ».........................................................149
3.1.3Lescatadores:agentsdelavalorisationdedéchetsousurvivantsdel’exclusionsociale ?.......155
3.2.LaPolitiqueNationalesurlesDéchets(PolíticaNacionaldeResíduosSólidos)etunessaidel’État
brésilienpour« écologiser »lesdéchets.................................................................................................163
3.2.1.Les« déchargessanitaires » ?Leprincipetechniquepoursedébarrasserdesdéchets.............170
3.2.2Lesacteursetla« nouvelle »dynamiquelocalededéchetsàRiodeJaneiro:Ladéfaillanced’un
modèlenéolibéral ?..............................................................................................................................174
3.2.3Leméthaneoul’ordedéchets ?Quandlesaterrossanitáriossontencouragésàintégrerle
MécanismedeDéveloppementPropre................................................................................................184
539
ChapitreIV:Uneanalysesocio-anthropologiquedelamiseenœuvredumécanisme
deDéveloppementpropredanslesdéchargesàRiodeJaneiro.....................................192
4.1Lasociologiecritiquecommeapprocheépistémologique.................................................................192
4.1.1Leslimitesdel’approchedelasociologiecritiquedansl’analysedelamiseenœuvreduMDP:
Unebrèvediscussionsurlescritiquesàproposdelasociologiedelacritique....................................196
4.2Laconstructiondel’objetetlaméthodehypothético-déductivecommedémarchescientifique...198
4.2.1LescritiquessurleMécanismeduDéveloppementProprecommepointdedépartpourla
démarchehypothético-déductive........................................................................................................199
4.2.2Ladélimitationdel’objetdanslesecteurdesdéchets:Lecorpusderechercheetsa
représentativité....................................................................................................................................203
4.2.3.Lamiseenœuvrecommeoutilconceptuelpourl’analyseduMDPdanslesdéchargessanitaires
..............................................................................................................................................................212
4.2.4L’opérationnalisationdesdimensionsdelanotionde« développementdurable »pourl’analyse
delamiseenœuvreduMDPdanslesdéchargesàRiodeJaneiro......................................................215
4.3LesacteursetleursrolesdansleMDPàRiodeJaneiro.....................................................................227
4.4Lerecueildedonnéesetsesinstruments:lesentretiens,lesobservationsetlessources
documentaires:Leslimitesduterrainetlaquestionduliendeconfiancedesacteurs.........................233
4.4.1Laconstructiondelagrilled’entretien........................................................................................236
4.5Violence,corruptionetle« clan »desdéchets:Leslimitesduterrainetladifficultéd’accèsaux
acteurs......................................................................................................................................................238
4.5.1Laviolencequotidiennedansl’ÉtatdeRiodeJaneiro:L’abyssesocialcommefacteurde
productiondesrisques..........................................................................................................................239
4.5.2Le« clan »desdéchetsetlesscandalesdecorruptionauBrésil:Commentsurmonterles
obstaclesduterrain ?...........................................................................................................................245
4.6.L’analysedecontenucommeméthoded’analysedesentretiens....................................................251
Conclusion..........................................................................................................................................257
DeuxièmePartie:DuProtocoledeKyotoàl’ÉtatdeRio:lesdifférentsscénariosdela
miseenœuvredesprojetsMDP.................................................................................................258
540
ChapitreV:“BrazilNovaGerarlandfillgastoEnergyProject”:LepremierprojetMDP
dansledomainedesdéchetsaumonde...................................................................................265
5.1Lecaractèrenovateurduprojetdanslascènenationale:quandl’adoptionduMDPreprésenteune
stratégiepourlesacteursprivésetlespouvoirsmunicipaux..................................................................267
5.2Leprojetensoi:sonfonctionnementtechniqueetlesacteursderrièresonexécution...................271
5.2.1Comprendrelefonctionnementtechniqueduprojet..................................................................271
5.2.2L’hétérogénéitédescatégoriesd’acteursderrièrelefonctionnementduprojetmodèlede
NovaGerar............................................................................................................................................274
5.3L’anciennedéchargeÀcielouvert(leLixãodeMarambaia)etlesrisquessocio-environnementaux
qu’ilprésente...........................................................................................................................................281
5.3.1LesancienscatadoresdeMarambaia:unepopulationinvisible14ansaprèslafermeturedu
LixãodeMarambaia............................................................................................................................283
5.4Leretarddansl’utilisationénérgétiquedubiogaz:NovaGerarest-ilunvraimodèlepourlagestion
« durable »desdéchetssolidesurbains ?................................................................................................286
5.4.1Faut-ilplusd’investissementpourlamiseenplaced’ungénérateurénergétiqueoufaut-ilun
encouragementpolitique ?...................................................................................................................287
5.4.2L’absenced’unepolitiquedetriàNovaIguaçuetl’invisibilitédesancienscatadores:lesnuances
derrièrel’imagede« durabilité »duprojetNovaGerar.......................................................................290
ChapitreVI:“GramachoLandfillGasProject”:l’ancienneplusgrandedéchargede
l’AmériqueLatinenefaitpluspartieduMDP........................................................................294
6.1LavulnérabilitéterritorialeduquartierdeJardimGramacho...........................................................295
6.1.1LadéchargeàcielouvertdeJardimGramachoetsavisibilitédanslapressenationaleet
internationale.......................................................................................................................................297
6.1.2Lesrisquessanitairesetenvironnementauxdel’AterroMetropolitanodeJardimGramacho...301
6.2.LesenjeuxdelafermeturedeGramacho:Entrerécupérationenvironnementale,justicesocialeet
médiatisationdelavilledeRiodeJaneiro...............................................................................................304
6.2.1Lasituationdescatadoresaprèslafermeture:Laconcrétisationdelajusticesociale ?............308
6.2.2LequartierdeJardimGramachoactuellement:l’illustrationdelafaiblessedespouvoirs
municipauxdanslacorrectiondesenjeuxsocio-environnementaux...................................................322
6.3Le« GramachoLandfillGasProject ».................................................................................................325
541
6.3.1LesacteursderrièreleprojetdeGramacho.................................................................................327
6.3.2UnprojetMDPquiréduitdesémissions,maisn’ajamaisémisdescréditsCO2.........................330
ChapitreVII:« PoA-CPA-1:LandfillgasrecoveryfromCTRSantaRosa »:unprojetné
àpartirdescontroverseslocales...............................................................................................334
7.1LaCentraledeTraitementdesDéchets–LaCTRRio.........................................................................334
7.1.1L’installationdelaCTRRio:Entrel’arbitragepublicetlaconstructiondenouveauxrisques
environnementaux...............................................................................................................................336
7.1.2LacréationduComitéd’Investigationdesdéchetsdansl’ÉtatdeRio(« CPIdoLixo »):lamiseen
placed’undispositifpourévaluerlefonctionnementdesdéchargessanitairesdansl’État................349
7.1.3Lafuitedulixiviaten2016:laconcrétisationdurisqueetladéfaillancedel’ÉtatdeRiocomme
agentgestionnairedesrisques.............................................................................................................352
7.1.4Lacréationd’unprojetMDPsurunedéchargecontroversée.....................................................354
7.2LasituationactuelledelaCoopérativedesAnciensCatadores deSeropédica:Leprolongementdela
fabriquedesinjusticesenvironnementales.............................................................................................366
Conclusion..........................................................................................................................................376
3.Troisièmepartie:Lagouvernanceclimatiqueglobaleappliquéeauxdéchargesà
RiodeJaneiro....................................................................................................................................379
ChapitreVIII:LaterritorialisationduMDP:Quelssontlesmodesd’appropriationdu
mécanismedanslesecteurdesdéchetsàRio ?.....................................................................380
8.1LagouvernanceduMDPàl’Échellelocale:RefletsdelapostureduBrésildanslescénario
international.............................................................................................................................................380
8.2LatechnologiedansleMDP:Unchoixentrebonmarchéetefficacitéenvironnementale..............387
8.2.1PourquoilesProjectOwnersdudomainedesdéchetsdoivent-ilsimpérativementsaisirles
opportunitésoffertesparleMDP ?......................................................................................................388
8.3L’Écologisationdepratiques:UneréalitéencouragéeparleMDPdansledomainededéchetsàRio ?
..................................................................................................................................................................397
8.4Ledéveloppement:l’emploid’unmotàplusieurssens....................................................................403
8.4.1L’utopiedudéveloppementdanslespaysémergents:LeMDPcommeuninstrumentdesa
réalisation.............................................................................................................................................404
542
8.5LaJusticeenvironnementaledansledomainedesdéchetsetlacontributionduMDP:unobjectif
inachevé ?................................................................................................................................................409
8.5.1Leregarddesancienscatadoressurleurproprepopulationaprèslafermeturedesdécharges:
Unefrustrationpolitique......................................................................................................................410
8.5.2LeMDPcommeagentdejusticesociale:unerhétorique« vide »chezlesProjectOwners.......419
ChapitreIX:LeRégimeclimatiqueonusienincorporéàlagouvernancelocalesdes
DECHETS:unediscussioncritiqueetdespropositionspourlaconceptiondu
« SustainableMitigationMechanism ».......................................................................................422
9.1.Lesdimensionsdelanotionde« développementdurable »etleurmiseenœuvreauseinduMDPà
Rio:unrécapitulatif.................................................................................................................................423
9.2EntrelespolémiquesinhérentesaudomainedesdéchetsàRioetleprincipenéolibéralduMDP:
unemiseenœuvrecontroversée............................................................................................................427
9.2.1.QuandlenéolibéralismeduMDPrencontrelaréalité« néo-développementaliste »delagestion
desdéchetsàRio..................................................................................................................................428
9.3Leprolongementdelatendanceàl’économisationdel’environnementdanslacréationd’un
nouvelinstrumentglobalderéductiondesémissions:Dessuggestionspourl’inclusioneffectivedes
aspectssocio-environnementauxlocauxdansle« SustainableMitigationMechanism »...................447
Conclusiongénérale.......................................................................................................................458
ANNEXES.............................................................................................................................................524
543