larcier 11 le nouveau droit inter national privÉ belge s · 2019-10-01 · bureau de dépôt :...

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173 Bureau de dépôt : Charleroi X Hebdomadaire, sauf juillet/août ISSN 0021-812X 12 mars 2005 124 e année - N ° 6173 11 2005 Rédacteurs en chef : Edmond Picard (1881-1900) - Léon Hennebicq (1901-1940) Editeurs : Larcier, rue des Minimes, 39 - 1000 Bruxelles Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dal (1966-1981) - Roger O. Dalcq (1981-2004) LE NOUVEAU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ BELGE Entrée en vigueur le 1 er octobre 2004, la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé (1) (ci-après « le Code»), rassemble, tantôt en les consa- crant, tantôt en les modifiant parfois profondément, les règles, d’origine légale, doctrinale et jurisprudentielle, déterminant, en présence d’une situation interna- tionale, la compétence des juridictions belges, le droit applicable et l’efficacité des actes et jugements étrangers en matière civile et commerciale. Compte tenu de l’accroissement considérable de la mobilité des personnes et des biens et de la « mondialisation » des actes et faits juridiques, les praticiens ne peuvent ignorer ces nouvelles règles. La présente étude, qui est l’œuvre d’une équipe de spécialis- tes (2) coordonnée par Hakim Boularbah, a pour ambition d’offrir aux lecteurs du Journal des tribunaux un premier commentaire général et pratique du Code, en at- tirant spécialement leur attention sur les principales innovations de celui-ci. Compte tenu du nombre important de matières traitées par le Code et du volume relativement imposant de ce dernier (140 articles), l’examen sera nécessairement limité et parfois (volontairement) lacunaire sur les questions jugées moins fonda- mentales. 1 INTRODUCTION A. — Origine, objet et structure §1 er . — Origine, objectifs et interprétation 1. — Origine. — Entré en vigueur le 1 er octo- bre 2004, le Code de droit international privé est, on le sait, le fruit d’un travail universitaire de longue haleine, sollicité il y a plus de dix ans par le ministère de la Justice (3). Le résul- tat de cette recherche de très haut niveau fut ensuite traduit dans une initiative parlemen- taire qui, menée de concert avec le gouverne- ment, a abouti à l’adoption de la loi du 16 juillet 2004 (4). Ce « Code savant » (5) se veut, comme on l’a très bien écrit, « à la fois modeste et ambitieux. Modeste, car ses rédac- teurs ne l’ont pas conçu comme une œuvre doctrinale originale, remettant en cause les fondements traditionnels, mais comme un ins- trument susceptible d’une application prati- que aisée (...). [A]mbitieux, car le Code tend à régir, en un ensemble systématique, les dif- férentes matières de sources jusqu’ici dispara- tes. Il rend aussi compte de l’approche nou- S SOMMAIRE Le nouveau droit international privé belge Origine, objet et structure, par H. Boularbah . . . . . . . . . . . . . . . . . 173 Compétence judiciaire, par A. Nuyts . . 177 Conflits de lois, par P. Wautelet . . . . . . 180 Efficacité des jugements et actes authentiques, par H. Boularbah . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 Etat et capacité des personnes - Les relations parents - enfants, par S. Saroléa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 Mariage et divorce, par C. Barbé . . . . . 188 Régimes matrimoniaux et successions, par L. Barnich . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191 Biens et trust, par W. Derijcke . . . . . . . 193 Obligations, par S. Francq . . . . . . . . . . 195 Personnes morales, par R. Jafferali . . . 197 Insolvabilité, par V. Marquette . . . . . . 199 Propriété intellectuelle, par M. Pertegàs Sender . . . . . . . . . . . . 201 Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . 203 Chronique judiciaire : Coups de règle - Dates retenues - Echos. (1) M.B., 27 juill. 2004, p. 57344. (2) Mme Candice Barbé, assistante à l’U.L.B.; Lau- rent Barnich, notaire, chargé de cours à l’U.L.B.; M. Hakim Boularbah, avocat, maître de conférences à l’U.L.B.; M. Werner Derijcke, avocat, ancien as- sistant à l’U.C.L.; Stéphanie Francq, assistante à l’U.C.L.; M. Rafaël Jafferali, avocat, assistant à l’U.L.B.; Mme Vanessa Marquette, avocat, maître de conférences à l’U.L.B.; M. Arnaud Nuyts, avocat, chargé de cours à l’U.L.B.; Mme Marta Pertegàs- Sender, avocat, professeur à l’U.A.; Sylvie Saroléa, avocat, assistante à l’U.C.L. et Patrick Wautelet, avocat, chargé de cours à l’U.Lg. (3) Sur la genèse de ce travail et son commentaire, voy. notam. N. Watté, « Le droit international privé », J.T., 2000, p. 34; M. Verwilghen, « Vers un Code belge de droit international privé », Trav. com. fr. dip, 1998-2000, Paris, 2001, pp. 123 et s.; J. Erauw, « De codificatie van het Belgisch interna- tionaal privaatrecht met het onderwerp van Wetboek I.P.R. », R.W., 2001-2002, pp. 1557 et s.; G. Stuer et C. Tubeuf, « La codification en droit international privé », Rev. dr. U.L.B., 2003-2, pp. 143 et s. (4) La loi du 16 juillet 2004 a déjà fait l’objet de pre- miers commentaires généraux, parmi lesquels, J. Erauw, « Het vernieuwde internationaal privaatrecht van België wordt van kracht », R.W., 2004-2005, pp. 121 et s.; L. Barnich, « Présentation du nouveau Code belge de droit international privé », Rev. not., 2005, pp. 6 et s.; J.-Y. Carlier, « Le Code belge de droit international privé », Rev. crit. d. i. p., 2005, n o 1. (5) M. Verwilghen, « Vers un Code belge... », op. cit., p. 131. Dans la collection Création Information Communication Le nouveau droit d’auteur et les droits voisins par Alain BERENBOOM Une nouvelle édition entièrement remaniée, à jour au 1 er janvier 2005 Une réflexion approfondie et une analyse critique Voyez le dépliant au centre de ce journal

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173

Bureau de dépôt : Charleroi XHebdomadaire, sauf juillet/août

ISSN 0021-812X

12 mars 2005124e année - N° 6173

11

2 0 0 5

Rédacteurs en chef : Edmond Picard (1881-1900) - Léon Hennebicq (1901-1940)

Editeurs : Larcier, rue des Minimes, 39 - 1000 Bruxelles

Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dal (1966-1981) - Roger O. Dalcq (1981-2004)

LE NOUVEAU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ BELGE

Entrée en vigueur le 1er octobre 2004, la loi du 16 juillet 2004 portant le Code dedroit international privé (1) (ci-après « le Code»), rassemble, tantôt en les consa-crant, tantôt en les modifiant parfois profondément, les règles, d’origine légale,doctrinale et jurisprudentielle, déterminant, en présence d’une situation interna-tionale, la compétence des juridictions belges, le droit applicable et l’efficacitédes actes et jugements étrangers en matière civile et commerciale. Compte tenude l’accroissement considérable de la mobilité des personnes et des biens et de la« mondialisation » des actes et faits juridiques, les praticiens ne peuvent ignorerces nouvelles règles. La présente étude, qui est l’œuvre d’une équipe de spécialis-tes (2) coordonnée par Hakim Boularbah, a pour ambition d’offrir aux lecteurs duJournal des tribunaux un premier commentaire général et pratique du Code, en at-tirant spécialement leur attention sur les principales innovations de celui-ci.Compte tenu du nombre important de matières traitées par le Code et du volumerelativement imposant de ce dernier (140 articles), l’examen sera nécessairementlimité et parfois (volontairement) lacunaire sur les questions jugées moins fonda-mentales.

1

INTRODUCTION

A. — Origine, objet et structure

§ 1er. — Origine, objectifs et interprétation

1. — Origine. — Entré en vigueur le 1er octo-bre 2004, le Code de droit international privéest, on le sait, le fruit d’un travail universitairede longue haleine, sollicité il y a plus de dixans par le ministère de la Justice (3). Le résul-

tat de cette recherche de très haut niveau futensuite traduit dans une initiative parlemen-taire qui, menée de concert avec le gouverne-ment, a abouti à l’adoption de la loi du16 juillet 2004 (4). Ce « Code savant » (5) seveut, comme on l’a très bien écrit, « à la foismodeste et ambitieux. Modeste, car ses rédac-teurs ne l’ont pas conçu comme une œuvredoctrinale originale, remettant en cause lesfondements traditionnels, mais comme un ins-trument susceptible d’une application prati-que aisée (...). [A]mbitieux, car le Code tendà régir, en un ensemble systématique, les dif-férentes matières de sources jusqu’ici dispara-tes. Il rend aussi compte de l’approche nou-

SS O M M A I R E

■ Le nouveau droit international privé belge

Origine, objet et structure, par H. Boularbah . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

Compétence judiciaire, par A. Nuyts . . 177

Conflits de lois, par P. Wautelet . . . . . . 180

Efficacité des jugements et actes authentiques, par H. Boularbah . . . . . . . . . . . . . . . . . 184

Etat et capacité des personnes - Les relations parents - enfants, par S. Saroléa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

Mariage et divorce, par C. Barbé . . . . . 188

Régimes matrimoniaux et successions, par L. Barnich . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

Biens et trust, par W. Derijcke . . . . . . . 193

Obligations, par S. Francq . . . . . . . . . . 195

Personnes morales, par R. Jafferali . . . 197

Insolvabilité, par V. Marquette . . . . . . 199

Propriété intellectuelle, par M. Pertegàs Sender . . . . . . . . . . . . 201

Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . 203

■ Chronique judiciaire :Coups de règle - Dates retenues - Echos.

(1) M.B., 27 juill. 2004, p. 57344.(2) Mme Candice Barbé, assistante à l’U.L.B.; Lau-rent Barnich, notaire, chargé de cours à l’U.L.B.;M. Hakim Boularbah, avocat, maître de conférencesà l’U.L.B.; M. Werner Derijcke, avocat, ancien as-sistant à l’U.C.L.; Stéphanie Francq, assistante àl’U.C.L.; M. Rafaël Jafferali, avocat, assistant àl’U.L.B.; Mme Vanessa Marquette, avocat, maître deconférences à l’U.L.B.; M. Arnaud Nuyts, avocat,chargé de cours à l’U.L.B.; Mme Marta Pertegàs-Sender, avocat, professeur à l’U.A.; Sylvie Saroléa,avocat, assistante à l’U.C.L. et Patrick Wautelet,avocat, chargé de cours à l’U.Lg.(3) Sur la genèse de ce travail et son commentaire,voy. notam. N. Watté, « Le droit internationalprivé », J.T., 2000, p. 34; M. Verwilghen, « Vers un

Code belge de droit international privé », Trav. com.fr. dip, 1998-2000, Paris, 2001, pp. 123 et s.;J. Erauw, « De codificatie van het Belgisch interna-tionaal privaatrecht met het onderwerp van WetboekI.P.R. », R.W., 2001-2002, pp. 1557 et s.; G. Stuer etC. Tubeuf, « La codification en droit internationalprivé », Rev. dr. U.L.B., 2003-2, pp. 143 et s.(4) La loi du 16 juillet 2004 a déjà fait l’objet de pre-miers commentaires généraux, parmi lesquels, J.Erauw, « Het vernieuwde internationaal privaatrechtvan België wordt van kracht », R.W., 2004-2005,pp. 121 et s.; L. Barnich, « Présentation du nouveauCode belge de droit international privé », Rev. not.,2005, pp. 6 et s.; J.-Y. Carlier, « Le Code belge de droitinternational privé », Rev. crit. d. i. p., 2005, no 1.(5) M. Verwilghen, « Vers un Code belge... », op.cit., p. 131.

Dans la collection Création Information Communication

Le nouveau droit d’auteuret les droits voisinspar Alain BERENBOOM

Une nouvelle édition entièrement remaniée, à jour au 1er janvier 2005

Une réflexion approfondie et une analyse critique

Voyez le dépliant au centre de ce journal

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velle du droit international privé, plus sou-cieuse de pragmatisme, par l’adoption derègles souples, ne formulant que des présomp-tions simples quant à la désignation de la loicompétente » (6).

2. — Objectifs. — Le Code poursuit trois ob-jectifs principaux : la transparence, la moder-nité et l’ouverture internationale (7). Il entendtout d’abord rassembler en un seul texte l’en-semble des dispositions de droit internationalprivé belge, auparavant disparates, en les cla-rifiant et « en les formulant de manièresimple ». Le Code vise ensuite à modernisercette branche du droit en reconnaissant no-tamment l’importance qu’y a progressivementacquise le principe de proximité et en retenantpartant, comme facteur de rattachement pré-pondérant dans les matières de statut person-nel, la résidence habituelle au détriment de lanationalité mais aussi en consacrant certainesdispositions spécifiques à des situations ouinstitutions issues de l’évolution de la société(mariage de personnes de même sexe et rela-tion de vie commune). Le Code fait enfinpreuve d’un esprit d’internationalité : il admetla reconnaissance de plein droit des décisionsjudiciaires étrangères ainsi que, de manièreplus large, des actes et situations régulière-ment établis à l’étranger même s’ils sont in-connus du droit belge (par exemple, le trust)et confirme, en l’améliorant, le statut du droitétranger.

3. — Interprétation. — Ces objectifs — tra-duisant l’intention du législateur — constitue-ront les lignes directrices de l’interprétationdu Code. Celle-ci se fera principalement aumoyen des travaux préparatoires (8), très dé-taillés, auxquels ont activement participé plu-sieurs professeurs de droit international privé,dont les rédacteurs du projet de Code. La lec-ture de ces documents sera en outre utilementcomplétée par celle de la circulaire rédigéepar la ministre de la Justice à l’attention desofficiers de l’état civil (9). Lorsque les travauxparlementaires ne fourniront pas de précisionutile sur certains points, l’interprète pourraégalement avoir égard au droit conventionnel

et au droit communautaire ainsi qu’à certainescodifications étrangères récentes du droit in-ternational privé qui ont, sur de nombreusesquestions, largement inspiré les concepteursdu Code (10). Enfin, lorsque les dispositionsnouvelles consacrent des solutions déjà acqui-ses, on pourra continuer à se référer à la juris-prudence et à la doctrine antérieures au Code(11).

§ 2. — Objet et structure

a) Objet

4. — Toutes les questions de droit interna-tional privé se posant en matière civile etcommerciale. — Le Code régit, dans une si-tuation internationale (12), tant la compétencedes juridictions belges (13) que la détermina-tion du droit applicable et les conditions del’efficacité en Belgique des décisions judiciai-res et actes authentiques étrangers, en matièrecivile et commerciale (14).

b) Structure

5. — Le Code comprend treize chapitres divi-sés en sections. Innovation importante et heu-reuse, il attribue un titre à chacun de ses arti-cles pour en résumer l’objet.

6. — Dispositions générales. — On trouvedans le chapitre Ier du Code les règles généra-les qui définissent d’abord les facteurs de

rattachement : la nationalité, le domicile et larésidence habituelle (art. 3 et 4). Viennent en-suite les dispositions générales sur la compé-tence internationale (art. 5 à 14), les conflitsde lois (art. 15 à 21) et l’efficacité des déci-sions et des actes publics étrangers (art. 22 à31).

7. — Matières particulières. — Les chapi-tres II à XII énoncent les règles de compéten-ce et de rattachement, ainsi que parfois de re-connaissance, propres à certaines matièresparticulières (15) : les personnes physiques(art. 32 à 41), les relations matrimoniales(art. 42 à 57), la relation de vie commune(art. 58 à 60), la filiation (art. 61 à 72), lesobligations alimentaires (art. 73 à 76), les suc-cessions (art. 77 à 84), les biens (art. 85 à 95),les obligations (art. 96 à 108), les personnesmorales (art. 109 à 115), le règlement collec-tif de l’insolvabilité (art. 116 à 121) et le trust(art. 122 à 125).

8. — Dispositions finales. — Le treizième etdernier chapitre contient les dispositions tran-sitoires (art. 126 et 127), modificatives(art. 128 à 138) et abrogatoires (art. 139) ainsique les règles relatives à l’entrée en vigueurdu Code (art. 140).

c) Caractère supplétif

9. — Principe. — En vertu de l’article 2 duCode, celui-ci ne s’applique que « sous réser-ve de l’application des Traités internationaux,du droit de l’Union européenne ou de disposi-tions contenues dans des lois particulières ».Il s’agit simplement de la consécration de laprimauté du droit international sur le droit in-terne et de l’application de l’adage lex specia-lis generalibus derogat (16).

10. — Primauté du droit international con-ventionnel et du droit communautaire. —Avant d’appliquer les règles du Code, il con-vient, partant, de vérifier systématiquement sila situation n’est pas régie par un règlementou une directive communautaires, générauxou particuliers (17), ou encore par une con-vention internationale, multilatérale ou bilaté-rale, générale ou particulière. Si les règle-ments européens et les traités internationauxratifiés par la Belgique sont relativement raresen matière de conflits de lois (18), il n’en vapas de même en matière de conflits de juridic-tions où foisonnent quantité de règlementseuropéens (19) et de conventions internationa-

(6) N. Watté, « Le droit international privé », op.cit., p. 34.(7) Doc. parl., Sénat, 2003, no 3-27/1, pp. 3 et s.(8) On citera dans l’ordre, avant-projet de loi portantle Code de droit international privé, Doc. parl., Sé-nat, 2001-2002, no 2-1225/1 (ci-après « avant-projet de loi ») et annexe, pp. 202-293, avis du Con-seil d’Etat (ci-après « avis du Conseil d’Etat »); pro-position de loi portant le Code de droit internationalprivé, Doc. parl., Sénat, 2003, no 3-27/1 (ci-après,« proposition de loi »); rapport fait au nom de lacommission de la justice du Sénat, Doc. parl., Sénat,2003-2004, no 3-27/7 (ci-après, « rapport Sénat »);rapport fait au nom de la commission de la justice dela Chambre, Doc. parl., Chambre, 2003-2004, no 51-1078/005 (ci-après, « rapport Chambre »); secondrapport fait au nom de la commission de la justice duSénat, Doc. parl., Sén., 2003-2004, no 3-27/11 (ci-après, « rapport Sénat II »). Les principaux extraitsdes travaux préparatoires ont été publiés par M. Fal-lon et J. Erauw dans La nouvelle loi sur le droit in-ternational privé, Bruxelles, Kluwer, 2004.(9) Circulaire du 23 septembre 2004 relative aux as-pects de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code dedroit international privé concernant le statut person-nel, M.B., 28 sept. 2004, p. 69594 (ci-après la« circulaire »).

(10) Certains articles du Code (83, 98, §§ 1er à 3 et99, § 2, 5o) vont d’ailleurs jusqu’à y incorporer untraité en bloc. Les rédacteurs du Code ont égalementprocédé à une « moisson sélective » dans d’autresinstruments internationaux ainsi que dans les codifi-cations allemande, espagnole, italienne et suisse (surtout ceci, voy. M. Verwilghen, « Vers un Codebelge... », op. cit., pp. 136-137).(11) Voy. par exemple, en matière de subrogation lé-gale, l’article 107 du Code (voy. infra, no 198) ou en-core l’article 111 déterminant le domaine du droitapplicable aux personnes morales (voy. infra,no 205).(12) C’est-à-dire toute situation comportant un élé-ment d’extranéité. Sur l’absence de définition du ca-ractère international de la situation, voy. infra, no 71.(13) L’utilisation des termes « juridictions belges »exclut la matière de l’arbitrage qui demeure régie parles dispositions particulières du Code judiciaire(proposition de loi, p. 26) et des conventions interna-tionales consacrées à cette matière.(14) La notion de « matière civile et commerciale »n’a pas été définie dans le Code. Les travaux prépa-ratoires ne fournissent guère plus d’explications si cen’est pour préciser que l’expression se retrouve« dans d’autres codifications internationales singu-lièrement dans l’article premier de la loi suisse sur ledroit international privé » (proposition de loi, p. 25).Il est certain que la matière civile et commerciale re-couvre les matières particulières prévues auxchapitres II à XII du Code. On peut toutefois se de-mander si tel est toujours le cas lorsque, dans le ca-dre de l’une de celles-ci, la question litigieuse (parex., la responsabilité) concerne une personne publi-que agissant dans le cadre de son imperium. Faut-ilen d’autres termes considérer que la notion de matiè-re civile et commerciale est plus large que celle uti-lisée à l’article 1er du règlement (CE) no 44/2001 duConseil du 22 décembre 2000 concernant la compé-tence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution desdécisions en matière civile et commerciale?

(15) Sur le choix de ces matières et l’absence dethéorie des qualifications dans le Code, voy. infra,no 72.(16) Circulaire, p. 69595.(17) Voire par la jurisprudence de la Cour de justicedes Communautés européennes (c i rcula i re ,p. 69595).(18) On notera en outre que la plupart des conven-tions internationales ratifiées par la Belgique et con-tenant des règles de rattachement ont été directementintégrées dans le Code.(19) Citons, pour les principaux instruments, le rè-glement (CE) no 1346/2000 du Conseil du 29 mai2000 relat if aux procédures d’insolvabil i té,J.O.C.E. , 30 juin 2000, L160/1 (« règlementInsolvabilité »), le règlement (CE) no 1347/2000 duConseil du 29 mai 2000 relatif à la compétence, lareconnaissance et l’exécution des décisions en ma-tière matrimoniale et en matière de responsabilité

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les (20). En présence de telles sources, les rè-gles du Code ne s’appliqueront par consé-quent à titre supplétif qu’aux situations ex-clues du champ d’application (matériel,temporel ou dans l’espace) de l’instrumentconcerné (21). Parfois, le Code intègre direc-tement les règles du droit conventionnel oucommunautaire en son sein (en matière de for-me des testaments [art. 83], d’obligationscontractuelles [art. 98], d’accidents de la cir-culation [art. 99, § 2, 5o] et de procéduresd’insolvabilité [art. 118]).

11. — Réserve des lois particulières. —Même si l’intention du législateur a été, nousl’avons souligné, de rassembler dans un seultexte l’ensemble des règles de rattachementexistant en droit belge, cet objectif n’a pu êtretotalement atteint. On peut le comprendre. Untexte parfaitement exhaustif — à supposermême qu’une telle œuvre puisse être réalisée— aurait été trop long et complexe et, partant,difficilement maniable. Le Code ne dispense-ra par conséquent pas le praticien de la vérifi-cation préalable de l’existence éventuelled’une règle dérogatoire dans la matière con-cernée. On pense notamment aux règles spé-ciales de compétence ou d’applicabilité conte-nues dans certaines lois particulières (22) ouencore aux règles issues de directives commu-nautaires et transposées dans des réglementa-tions spécifiques (23). Par ailleurs, « on nepeut exclure qu’à l’avenir [la] disposition re-

lative aux exceptions introduites dans des loisspéciales trouve à s’appliquer dans d’autrescirconstances (...) Il pourrait arriver que dansles matières particulières, des dispositions dedroit international privé soient introduitesdans des lois spéciales (par exemple à la fa-veur de la transposition d’une directive del’Union européenne) sans que soit réalisée defaçon concomitante l’adaptation nécessairedu Code. Dans une telle hypothèse, la loi spé-ciale devra toujours primer la loi générale queconstitue le Code » (24).

B. — Entrée en vigueur et dispositions transitoires

§ 1er. — Entrée en vigueur

12. — Principe : le 1er octobre 2004. —Conformément à son article 140, alinéa 1er, leCode est entré en vigueur le premier jour dutroisième mois qui suit celui au cours duquelil a été publié au Moniteur belge. Cette publi-cation étant intervenue le 27 juillet 2004, leCode est donc entré en vigueur le 1er octobre2004.

13. — Exception : la filiation adoptive. —L’entrée en vigueur de la sect ion 2 duchapitre V du Code consacrée à la filiationadoptive ainsi que celle des dispositions mo-dificatives (art. 131) et abrogatoires (art. 139,5o et 12o) du Code liées à cette matière esttoutefois reportée au jour de l’entrée en vi-gueur de la loi du 24 avril 2003 réformantl’adoption (25).

§ 2. — Dispositions transitoires

a) Compétence judiciaire

14. — Demandes introduites après le1er octobre 2004. — Les dispositions duCode concernant la compétence internationaledes juridictions s’appliquent aux demandesintroduites (26) après le 1er octobre 2004(art. 126, § 1er). La règle paraît simple maiselle peut cependant susciter des difficultés àpropos de questions particulières. Ainsi, en cequi concerne l’exception de litispendance(27), faut-il que le juge belge et le juge étran-ger a ient tous deux été sais is après le1er octobre 2004? Une réponse négative sem-ble devoir s’imposer. Il suffit que la demandeait été introduite devant le juge belge après le1er octobre 2004 même si le juge étranger a

été saisi avant cette date (28). De même, enmatière de demandes incidentes (29), faut-ilégalement que la demande principale ait étéintroduite avant le 1er octobre 2004 pour queles juridictions belges voient leur compétenceinternationale prorogée? Une réponse négati-ve paraît également devoir être retenue. Il estseulement requis que la demande en interven-tion ou reconventionnelle ait été formée aprèsl’entrée en vigueur du Code.

b) Efficacité des décisions judiciaires et actes authentiques étrangers

15. — Principe : décisions rendues et actesétablis après le 1er octobre 2004. — Selonl’article 126, § 2, alinéa 1er, du Code, les dis-positions concernant l’efficacité des décisionsjudiciaires étrangères et des actes authenti-ques étrangers s’appliquent aux décisions ren-dues et aux actes établis après le 1er octobre2004.

16. — Exception : application rétroactivedu Code lorsqu’elle est favorable à la re-connaissance. — Toutefois, une décision ren-due ou un acte établi avant le 1er octobre 2004peut également recevoir effet en Belgique s’ilsatisfait aux conditions du Code (art. 126, § 2,al. 2) (30). Le cas visé ici est celui d’une déci-sion ou d’un acte qui sous l’empire de la loiancienne n’aurait pas pu être reconnu en Bel-gique mais qui pourrait l’être sous l’empire dela nouvelle loi (31).

c) Conflits de lois

17. — Principe : application immédiate ycompris aux effets produits après le1er octobre 2004 par un acte ou un fait juri-dique survenu avant cette date. — Le Codeconsacre la règle classique de droit transitoirede l’application immédiate des dispositionsnouvelles aux actes ou faits à venir ainsiqu’aux effets futurs d’actes ou de faits anté-rieurs (art. 127, § 1er). Il précise la portée duprincipe de l’application immédiate dans lesmatières du divorce (art. 127, § 4) et de la fi-liation biologique et adoptive (art. 127, §§ 5et 6). Le Code ne s’appliquera ici qu’aux de-mandes introduites et aux actes établis aprèsle 1er octobre 2004 (32).

18. — Exception restrictive : effets produitspar un contrat, un fait dommageable, unquasi-contrat ou un engagement unilatéralantérieurs au 1er octobre 2004. — Les nou-velles règles de conflits de lois ne s’appliquent

parentale des enfants communs (« règlementBruxelles II »); le règlement (CE) no 44/2001 duConseil du 22 décembre 2000 concernant la compé-tence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution desdécisions en matières civile et commerciale,J.O.C.E. , 16 janv. 2001, L 12/1 (« règlementBruxelles I »), le règlement (CE) no 2201/2003 duConseil du 27 novembre 2003 relatif à la compéten-ce, la reconnaissance et l’exécution des décisions enmatière matrimoniale et en matière de responsabilitéparentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000, J.O.C.E., 23 déc. 2003, L 338/1 (« règlementBruxelles IIbis ») et le règlement (CE) no 805/2004du Parlement européen et du Conseil du 21 avril2004 portant création d’un titre exécutoire européenpour les créances incontestées, J.O.U.E., 30 avril2004, L 143/15.(20) Citons, par exemple, la Convention de Luganodu 16 septembre 1988 sur la compétence judiciaire,la reconnaissance et l’exécution des décisions enmatière civile et commerciale ainsi que la Conven-tion de Bruxelles du 27 septembre 1968 portant surle même objet (c i-après « la Convention deBruxelles ») qui reste applicable à l’égard du Dane-mark.(21) Par exemple, les règles du Code s’appliquerontaux matières exclues du champ d’application maté-riel de la Convention de Rome (voy. infra, no 190) oudu champ d’application matériel ou dans l’espacedes règlements Bruxelles I, Bruxelles IIbis et insol-vabilité.(22) On songe évidemment à la loi du 27 juillet 1961sur la résiliation unilatérale des concessions exclusi-ves de vente à durée indéterminée ou encore à la loidu 13 avril 1995 sur le contrat d’agence commercia-le.(23) Epinglons, à titre d’illustration, les règles deconflits de lois en matière de contrats d’assurancecouvrant des risques situés dans la Communautéeuropéenne qui sont fixées aux chapitres IIIbis etIIIter de la loi du 9 juillet 1975 sur le contrôle desentreprises d’assurances (voy. B. Dubuisson, « Lalo i appl icable à l ’assurance dans l ’Espaceeuropéen », R.D.C., 2004, pp. 731 et s.).

(24) Circulaire, p. 69595. Voy. déjà pour une illus-tration, l’article 17 de la loi du 15 décembre 2004 re-lative aux sûretés financières (M.B., 1er février2005).(25) L’article 140 prévoit dès lors qu’aussi long-temps que la réforme de l’adoption n’est pas en vi-gueur, l’article 15 du Code civil et les articles 635,636 et 638 du Code judiciaire, dont le Code prévoitpourtant l’abrogation, resteront applicables à la ma-tière de l’adoption.(26) Pour déterminer le moment auquel une deman-de est considérée comme « introduite », il y a lieud’avoir égard, selon les cas, à la date de la significa-tion de la citation (moyennant la mise au rôle au plustard la veille de l’audience d’introduction) ou à celledu dépôt de la requête au greffe de la juridiction sai-sie.(27) Voy. infra, no 44.

(28) Comp. dans ce sens à propos de la Conventionde Bruxelles, C.J.C.E., 9 oct. 1997, von Horn c. Cin-namond, aff. C-163/95, Rec., I-5451.(29) Voy. infra, no 39.(30) Par dérogation à cette règle, le mariage entrepersonnes de même sexe conclu à l’étranger peut re-cevoir effet en Belgique mais uniquement à partir du1er juin 2003 (art. 126, § 2, al. 3). Voy. infra, no 145.(31) Cette règle ne s’applique toutefois pas lorsquel’application du Code permettrait de justifier légale-ment la décision d’un arrêt — entrepris devant laCour de cassation — qui a été rendu avant l’entrée envigueur du Code (voy. concl. Th. Werquin avantCass., 14 oct. 2004, C.03.0424.F., www.cass.be).(32) Les dispositions du Code n’affectent cependantpas un lien de filiation valablement établi avant cettedate.

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toutefois pas aux effets produits après le 1er oc-tobre 2004 par un contrat (art. 98), un fait dom-mageable (art. 99), un quasi-contrat (art. 104)ou un engagement unilatéral (art. 105) survenuavant cette date (art. 127, § 1er, al. 2).

19. — Exception extensive : choix du droitapplicable, mariage de personnes de mêmesexe et trust antérieurs au 1er octobre 2004.— Le Code prévoit enfin une application ré-troactive de certaines de ses dispositions. Unchoix du droit applicable par les parties anté-rieur au 1er octobre 2004 est valide s’il satis-fait aux conditions du Code (art. 127, § 2).L’article 46, alinéa 2, relatif au mariage depersonnes de même sexe est applicable au ma-r iage célébré à par t i r du 1er juin 2003(art. 127, § 3) (33). Enfin, les articles 124 et125 du Code s’appliquent aux trusts consti-tués avant le 1er octobre 2004, sans toutefoisaffecter un acte valablement établi avant cettedate (art. 127, § 8) (34).

C. — Définition des facteurs de rattachement

20. — Définition pour les besoins du Code(35). — Le Code innove de manière particu-lièrement heureuse en définissant, au sein deson premier chapitre, les facteurs de rattache-ment (nationalité, domicile et résidence habi-tuelle) qui seront ensuite utilisés aux fins de ladétermination des compétences judiciaire etlégislative. Ces critères y sont définis de ma-nière générale. Les règles des chapitres II àXII précisent à quel moment le facteur doitêtre envisagé et permettent ainsi la résolutionaisée des éventuels conflits mobiles (36).

§ 1er. — Nationalité

21. — Loi applicable. — Conformément àl’article 1er de la Convention de La Haye du12 avril 1930 sur les conflits de lois en matiè-re de nationalité, le Code prévoit que la ques-tion de savoir si une personne physique a lanationalité d’un Etat est régie par le droit decet Etat (art. 3, § 1er).

22. — Conflit entre nationalités belge etétrangère. — Le Code résout le conflit entrela nationalité étrangère et la nationalité belgeau profit exclusif de cette dernière (art. 3, § 2,1o) (37). Le texte exclut donc toute approchefonctionnelle du conflit de nationalités quipermettait autrefois de retenir, le cas échéant,la nationalité étrangère afin de résoudre leconflit de lois dans un cas déterminé (38).

C’est un choix regrettable car cette techniqueaurait pu se révéler utile notamment dans lecadre de la reconnaissance d’une répudiationvalablement intervenue à l’étranger (39), dontles conditions ont été considérablement ren-forcées par le Code (40), ou encore en matièred’attribution du nom des personnes (41).

23. — Conflit entre deux nationalités étran-gères. — Lorsque la personne concernée dis-pose de deux ou plusieurs nationalités étran-gères, il y aura lieu d’avoir égard à la nationa-lité de l’Etat avec lequel, d’après l’ensembledes circonstances, cette personne possède lesliens les plus étroits, en tenant compte, notam-ment, de la résidence habituelle (art. 3, § 2,2o).

24. — Réfugiés, apatrides et impossibilitéd’établir la nationalité. — Conformément audroit conventionnel, le critère de la nationalitéest remplacé par celui de la résidence habi-tuelle lorsque la personne physique possède laqualité d’apatride ou de réfugié (art. 3, § 3). Ilen va de même lorsqu’il est impossible d’éta-blir sa nationalité (art. 3, § 4).

§ 2. — Domicile

25. — Personne physique. — Le domiciled’une personne physique est défini pour lesbesoins du Code comme le lieu où la personneest inscrite à titre principal, en Belgique, surles registres de la population, sur les registresdes étrangers ou sur le registre d’attente(art. 4, § 1er, 1o). La notion est identique àcelle prévue à l’article 36 du Code judiciaire,ce qui est cohérent puisque ce critère vise uni-quement à déterminer la compétence interna-tionale des tribunaux belges (42). Il ne donne-ra en principe pas lieu à des difficultés, sousréserve peut-être de la question de savoir sil’adresse de référence visée à l’article 1er, § 2,de la loi du 19 juillet 1991 relative aux regis-tres de la population constitue un domicile ausens du Code (43).

26. — Personne morale. — Le domiciled’une personne morale est quant à lui le lieu

où celle-ci a en Belgique son siège statutaire(art. 4, § 2, 2 o), lequel constitue en quelquesorte l’équivalent de l’exigence formelled’inscription retenue pour les personnes phy-siques.

§ 3. — Résidence habituelle

27. — Personne physique. — Même si elleconstitue, comme le domicile, une notion dedroit, la résidence habituelle d’une personnephysique s’appréciera pour les besoins duCode essentiellement en fait, indépendam-ment de toute formalité administrative. Ils’agit en effet du lieu où cette personne « s’estétablie à titre principal, même en l’absence detout enregistrement et indépendamment d’uneautorisation de séjourner ou de s’établir ».Pour déterminer ce lieu, « il est tenu compte,en particulier, de circonstances de nature per-sonnelle ou professionnelle qui révèlent desliens durables avec ce lieu ou la volonté denouer de tels liens » (art. 4, § 2, 1o), c’est-à-dire de la « concentration des intérêts de lapersonne jointe à une certaine durée ou uneintention d’établissement stable » (44). Bienqu’elle ne soit pas totalement identique, la no-tion se rapproche de celle de domicile telleque définie à l’article 102 du Code civil aveclaquelle elle coïncidera dans la plupart descas. On souligne enfin que lorsque le Code seréfère à la résidence de plusieurs personnesdans un même pays, il n’est pas nécessaire,dans ce cas, que l’une et l’autre personnes ré-sident dans un lieu unique sauf lorsque le tex-te utilise exceptionnellement les termes de« résidence habituelle commune » (45).

28. — Personne morale. — S’agissant despersonnes morales, leur résidence habituellecorrespond au lieu de leur principal établisse-ment (art. 4, § 2, 2), lequel se détermine en te-nant compte, en particulier, du centre de di-rection, ainsi que du centre des affaires ou desactivités et, subsidiairement, du siège statutai-re (art. 4, § 3). Il y a donc lieu d’avoir égardde manière prépondérante au « siège réel » dugroupement personnalisé, soit celui depuis le-quel celui-ci est effectivement géré et admi-nistré. Les travaux préparatoires indiquenttoutefois qu’il devrait s’effacer au profit ducentre des affaires ou des activités et du siègestatutaire lorsque tous deux sont localisésconjointement dans un autre Etat (46).

Hakim BOULARBAH

(33) Voy. ég. infra, no 145.(34) Voy. ég. infra, no 178.(35) Lorsqu’un règlement, une directive ou une con-vention internationale prévoient une définition auto-nome des facteurs de rattachement, il faudra bien en-tendu retenir cette dernière et non celle donnée par leCode. Il en ira autrement lorsque l’instrument con-cerné renvoie sur ce point au droit interne de chaqueEtat membre (par ex. en ce qui concerne la notion desiège d’une personne morale, l’article 22, 2o, du rè-glement Bruxelles I, voy. infra, nos 203 et 209).(36) Voy. infra, no 75.(37) Sur la conformité de ce choix au droit conven-tionnel et communautaire, voy. infra, no 57.(38) Voy., par ex., civ. Bruxelles, 28 févr. 2001, J.T.,2001, p. 550 et la note H. Boularbah.

(39) Voy. sur l’approche fonctionnelle de la nationa-lité dans ce cas, H. Born, M. Fallon et J.-L. VanBoxstael, Droit judiciaire international - Chroniquede jurisprudence 1991-1998, Bruxelles, Larcier,2001, p. 625, no 340.(40) Voy. infra, no 193.(41) On relèvera toutefois qu’il fut précisé lors destravaux préparatoires (rapport Sénat, p. 258) que deséventuelles difficultés pourraient toujours être réso-lues par le biais de la clause d’exception prévue parl’article 19 du Code (sur laquelle voy. infra, nos 47 ets.), notamment lorsque l’intéressé ne possèderaitaucun autre lien avec la Belgique que sa nationalitéet que la situation présenterait des liens plus étroitsavec un autre pays. Tous les problèmes ne pourronttoutefois être réglés par ce biais car cette clause nevaut que pour la résolution du conflit de lois et nonpour les questions de reconnaissance.(42) Ce qui explique que le facteur de rattachementn’est défini qu’au regard d’un critère pouvant se réa-liser en Belgique.(43) Voy. pour une réponse affirmative en ce qui con-cerne l’article 36 du Code judiciaire, cass., 19 avril2002, R.C.J.B. , 2003, p. 317, note E. Leroy;J.L.M.B., 2003, p. 1000, note V. d’Huart.

(44) Proposition de loi, p. 29. Nous soulignons car« [i]l n’est pas nécessaire que la durée porte sur unepériode écoulée. Une personne déménageant vers unpays dans l’intention de s’y établir, peut y acquérirune résidence habituelle dès son installation » (ibi-dem, p. 30).(45) Proposition de loi, p. 31. C’est le cas par exem-ple à l’article 42, 2o, du Code.(46) Proposition de loi, p. 32 soulignant que, parexemple, « la seule circonstance que le pouvoir dedirection s’exerce à partir d’une société mère situéeà l’étranger ne suffirait pas pour disqualifier la loca-lisation du siège réel en Belgique » lorsque la filialey possède son centre d’affaires ainsi que son siègestatutaire.

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RÈGLES GÉNÉRALES

A. — Compétence judiciaire

§ 1er. — Structure des règles de compétence

29. — Abandon du régime axé sur la natio-nalité du défendeur. — Le Code rompt avecle système antérieur qui, pour déterminer lacompétence des tribunaux belges en matièrecontentieuse, distinguait selon que le défen-deur était de nationalité belge (art. 15, C. civ.)ou étrangère (art. 635 à 638, C. jud.). Abro-geant ces dispositions, le Code supprime enmême temps la compétence générale fondéesur la nationalité belge du défendeur. Complé-tant une évolution qui avait débuté en 1948avec l’abrogation de l’article 14 du Code civil(for de la nationalité du demandeur), le Codefait entrer la Belgique dans la catégorie desEtats qui retiennent une conception purementprivatiste de la compétence internationale.Celle-ci est désormais axée non sur des consi-dérations de souveraineté et d’allégeance,mais sur l’équité procédurale et la proximité,le critère de nationalité n’étant plus lui-mêmeutilisé que dans les matières du statut person-nel où il justifie de l’existence d’un rattache-ment objectif avec le for.

30. — Deux sources d’inspiration principa-les. — Les règles de compétence du Code su-bissent une double influence. Tout d’abord,elles s’inspirent du modèle européen, tel qu’ilest exprimé par la Convention de Bruxelles etles instruments communautaires, dont le rè-glement Bruxelles I. Toute une série de règlesintroduites par le Code reprennent purementet simplement les critères utilisés dans cesinstruments, en incorporant parfois dans letexte les interprétations données par la Courde justice des Communautés européennes. Onpeut penser qu’il faudra, dans toute la mesuredu possible, donner à ces dispositions lamême portée que celle qu’elles reçoivent auplan communautaire (47), ce qui présenteral’avantage d’une harmonie entre les deuxcorps de règles. Ensuite, le Code s’appuie, iciet là, sur les règles de compétence en vigueurantérieurement, et reprend, spécialement, cer-tains des critères de compétence « objectifs »qui figuraient à l’article 635 du Code judiciai-re. Pour l’application de ces règles peu ou pasmodifiées, on devrait pouvoir s’inspirer desacquis de la pratique jurisprudentielle anté-rieure.

31. — Combinaison des compétences géné-rales et particulières. — Le chapitre premierdu Code énonce les règles générales en matiè-re de compétence internationale, tandis queles chapitres suivants contiennent des règlesde compétence internationale propres à cha-que matière. En principe, ces règles particu-lières s’ajoutent aux dispositions généralessans y déroger, ce qui signifie que, dans lesdifférentes matières qui font l’objet du Code,les tribunaux belges peuvent fonder leur com-

pétence, alternativement, soit sur les chefs decompétence particuliers à la matière en cause,soit sur l’un quelconque des chefs de compé-tence généraux. Par exception à ce principe,cependant, il arrive, dans certaines matières,que les compétences spéciales dérogent auxcompétences générales, soit partiellement(48), soit totalement (49). On examinera iciles règles générales de compétence, les règlesparticulières étant analysées avec les matièresqu’elles concernent.

§ 2. — Chefs généraux de compétence

a) Domicile ou résidence habituelle du défendeur

32. — Un seul défendeur. — Les juridictionsbelges sont compétentes si le défendeur estdomicilié ou a sa résidence habituelle en Bel-gique lors de l’introduction de la demande(art. 5, § 1er, al. 1er). Cette disposition re-prend un critère déjà applicable antérieure-ment (50), sous deux réserves. Tout d’abord,la définition particulière qui est donnée auxnotions de domicile et de résidence habituellepour les besoins d’application du Code (51)pourrait avoir pour effet de modifier certainessolutions. En particulier, lorsque le défendeurest une personne morale, l’action pourra êtreportée en Belgique dès qu’elle y a son princi-pal établissement ou son siège statutaire (52).Ensuite, le Code n’a pas repris la possibilitéd’assigner au domicile élu du défendeur enBelgique (53).

33. — Pluralité de défendeurs. — En cas depluralité de défendeurs, les juridictions belgessont compétentes si l’un d’eux est domiciliéou a sa résidence habituelle en Belgique, àmoins que la demande n’ait été formée quepour traduire un défendeur hors de la juridic-tion de son domicile ou de sa résidence habi-tuelle à l’étranger (art. 5, § 1er, al. 2) (54).Cette exception de détournement de for estinspirée du droit judiciaire européen (55) :elle est destinée à confondre la manœuvre quiconsisterait à assigner un défendeur fictif oucomplaisant domicilié en Belgique en vue dedistraire le véritable défendeur étranger deson propre juge. Les tribunaux doivent ainsivérifier si la demande dirigée contre le défen-deur domicilié en Belgique n’est pas dénuéed’intérêt ou privée de toute chance sérieuse de

succès. Si c’est le cas, la compétence à l’égarddu codéfendeur étranger sera déclinée.

Le Code ne prévoit pas l’existence d’une con-nexité entre les diverses demandes. Il ne faitaucune doute cependant que cette conditionest exigée. Elle était déjà requise sous l’empi-re de l’article 635, 10o, du Code judiciaire, etf i gure à l ’ a r t i c l e 6 , 1 o , du r èg lemen tBruxelles I (56).

b) Etablissement secondaire d’une personne morale

34. — For de la succursale. — Les juridic-tions belges sont compétentes pour connaîtrede toute demande concernant l’exploitation del’établissement secondaire d’une personnemorale n’ayant ni domicile, ni résidence habi-tuelle en Belgique, lorsque cet établissementest situé en Belgique lors de l’introduction dela demande (art. 5, § 2). Absent des ancienstextes, ce critère de compétence est tiré, ànouveau, du droit judiciaire européen, et plusparticulièrement de l’article 5, 5o, du règle-ment Bruxelles I, dont on devrait pouvoirs’inspirer pour en dégager la portée. La dispo-sition ne devrait pas trouver à s’appliquer trèssouvent en pratique. En effet, elle fera souventdouble emploi avec l’article 96 du Code, quipermet de porter une demande en Belgique,soit au lieu de naissance ou d’exécution d’uneobligation contractuelle, soit au lieu de surve-nance d’un fait dommageable (57). La plupartdu temps, la demande concernant l’exploita-tion d’un établissement secondaire situé enBelgique sera relative à une obligation locali-sée en Belgique par l’un de ces critères. Onobservera que le for de la succursale ne vautpas pour les litiges qui relèvent de la compé-tence particulière relative aux personnes mo-rales (art. 109) (58).

c) Clauses attributives de juridiction

35. — Principe et conditions d’efficacité. —Dans les matières dans lesquelles elles dispo-sent librement de leurs droits en vertu du droitbelge, les parties peuvent convenir de la com-pétence internationale des juridictions belges(art. 6 : prorogation volontaire de compéten-ce) ou étrangères (art. 7 : dérogation volontai-re à la compétence). L’efficacité de ces clau-ses est subordonnée au respect de trois condi-tions principales. Tout d’abord, il faut qu’ellesconcernent une matière dans laquelle les par-ties disposent librement de leur droit. La véri-fication doit être effectuée en droit belge. Se-lon l’exposé des motifs, l’appréciation sur cepoint peut dépendre de la nature du rapport ju-ridique en cause et du contenu des règles deprotection (59). La circulaire affirme, quant à

(47) Plusieurs interventions lors des travaux prépa-ratoires appuient cette solution : voy. notam. rapportChambre, p. 30; rapport Sénat, p. 30.

(48) Par ex., l’art. 77 du Code.(49) Par ex., l’art. 66 du Code.(50) Comp. ancien art. 635 du Code judiciaire : « lesétrangers peuvent être assignés devant les tribunauxbelges, soit par un Belge, soit par un étranger : (...)2o s’ils ont en Belgique un domicile ou une résiden-ce, ou s’ils y ont fait élection de domicile ».(51) Voy. supra, nos 25 et s.(52) On ne perdra pas de vue que souvent, les actionsdirigées contre une personne morale relèveront de lamatière civile et commerciale et seront, compte tenudu domicile de la société défenderesse en Belgique(au sens de l’article 60 du règlement Bruxelles I),soumises aux règles de compétence européennes.(53) Voy. proposition de loi, p. 32, qui souligne queles dispositions du Code relatives à la prorogation dejuridiction devraient suffire à cet égard.(54) Comp. ancien art. 635, 10o, du Code judiciaire.(55) Voy. l’art. 6, 2o, du règlement Bruxelles I etl’arrêt Kalfelis (27 sept. 1988, aff. 189/87, Rec.,p. 5565) relatif à l’article 6, 1o, du même règlement.

(56) On observera que la condition de connexité nese confond pas avec celle d’absence de détourne-ment de for : il se peut que les demandes dirigéescontre deux parties présentent, par leur objet, un lienobjectif entre elles, encore que la demande dirigéecontre l’une d’entre elles ait été introduite de maniè-re purement fantaisiste afin de soustraire l’autre aufor de son domicile. voy. H. Born et M. Fallon,« Chronique de jurisprudence - Droit judiciaireinternational », J.T., 1992, p. 414, no 52; A. Nuyts,L’exception de forum non conveniens, Bruxelles,Bruylant - L.G.D.J., 2003, no 298.(57) Voy. infra, nos 186 et 188.(58) Voy. infra, no 203.(59) Proposition de loi, p. 33.

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elle, que la matière du statut personnel faitévidemment partie de ces matières... où lespersonnes ne disposent pas librement de leursdroits (60).

Ensuite, la clause doit se rapporter à des diffé-rends nés ou à naître à l’occasion d’un rapportde droit. La condition est inspirée du droit ju-diciaire européen, sous la réserve qu’elle pa-raît être conçue de manière (encore) plus sou-ple que dans ce droit, ce dernier exigeant quele rapport de droit présente un caractère déter-miné (61).

Enfin, la clause doit avoir été valablementconclue. La validité de la clause, en tant quecontrat, est régie par la loi applicable à la con-vention en vertu de l’article 98 du Code (62)(63). A l’inverse du règlement Bruxelles I, leCode ne définit pas les formes dans lesquellesla clause doit être conclue. Il conviendra doncaussi d’avoir égard sur ce point à la loi appli-cable, qui pourra définir les conditions de for-me plus souplement qu’en droit européen (parexemple, un écrit émanant d’une seule partiepourrait suffire si la lex contractus le prévoit).

36. — Prorogation volontaire de compéten-ce. — La clause d’élection de for valablementconclue désignant les juridictions belges oul’une d’elles leur confère une compétence ex-clusive (art. 6, § 1er). Le juge belge peut tou-tefois décliner sa compétence lorsqu’il résultede l’ensemble des circonstances que le litigene présente aucun lien significatif avec la Bel-gique (art. 6, § 2) (64). Il s’agit d’une formed’application de la doctrine du forum non con-veniens, qui permet au juge de décliner sacompétence pour des motifs tenant, entreautres, à la faiblesse du rattachement avec lefor. L’introduction d’une clause d’exceptioninspirée de cette doctrine dénote l’emprisecroissante du principe de proximité sur ledroit international privé belge, y compris dansle domaine de la compétence judiciaire. Sicette évolution présente des points positifs,l’on regrettera qu’elle se soit concrétisée dansla matière des clauses d’élection de for qui,par nature, tend à faire prévaloir la certitudedu for élu et la sécurité juridique sur la proxi-mi té e t l ’ adéqua t ion de la ju r id ic t ionsaisie (65). En tout cas, le déclinatoire devraêtre d’utilisation tout à fait exceptionnelle(66); le lien significatif avec la Belgique com-mandant l’exercice de la compétence devrait à

tout le moins inclure le domicile ou la résiden-ce de l’une des parties, la localisation de faits,actes ou choses liés à la situation litigieuse,voire même la désignation de la loi belge aufond du litige (67).

37. — Dérogation volontaire à la compé-tence. — La clause d’élection de for valable-ment conclue désignant les juridictions d’unEtat étranger ou l’une d’elles emporte en prin-cipe l’obligation pour le juge belge de sur-seoir à statuer (art. 7). Par exception à ce prin-cipe, le juge belge statuera immédiatement,sans avoir égard à la prorogation de compé-tence du juge étranger, dans deux cas.

Le premier vise la situation dans laquelle il estprévisible que la décision étrangère ne pourrapas être reconnue ou exécutée en Belgique. Lejuge belge doit donc faire un pronostic de ré-gularité de la future décision qui sera renduepar le juge étranger élu, au regard des motifsde refus de reconnaissance prévus par le Code(art. 25) (68). Lorsqu’il y a lieu d’estimer, parexemple, que les droits de la défense ne serontpas respectés à l’étranger ou que l’effet de lafuture décision heurtera l’ordre public, le jugebelge devra connaître lui-même du différend.Une telle appréciation sera souvent délicate etlaissera une certaine marge d’appréciation aujuge qui vérifiera, en pratique, s’il existe unrisque de non-reconnaissance de la future dé-cision sur la base d’éléments essentiellementconjoncturels. Lorsqu’il est prévisible que lafuture décision sera reconnue, le juge doitdans un premier temps surseoir à statuer. Il sedessaisit lorsque la décision étrangère, unefois rendue, est susceptible d’être reconnue envertu du Code.

Un motif particulier de refus de reconnaissan-ce pourrait causer une difficulté : c’est celuiqui vise le cas où la demande a été introduiteà l’étranger après l’introduction d’une deman-de en Belgique, encore pendante (art. 25,§ 1er, 6o). Ce motif de refus ne réserve pas lecas du juge étranger désigné dans une clauseattributive. Par la combinaison des articles 7et 25, § 1er, 6o, le juge belge saisi avant le jugeétranger élu devra-t-il refuser de donner effetau choix de for, au motif qu’une future déci-sion étrangère ne pourrait être reconnue enBelgique parce que rendue par un juge saisipostérieurement au juge belge devant lequell’affaire serait encore pendante? Cette solu-tion serait évidemment regrettable. La solu-tion pourrait être de considérer que lorsque lejuge belge surseoit à statuer en faveur du jugeétranger élu sur la base de l’article 7, la de-mande n’est plus pendante en Belgique ausens de l’article 25, § 1er, 6o, de sorte qu’iln’y a pas d’obstacle à la possibilité de recon-naissance en Belgique de la future décision dujuge élu (69).

Deuxièmement, le juge belge refusera de sur-seoir à statuer s’il estime pouvoir faire usagede la règle exceptionnelle de compétence in-ternationale en cas de déni de justice prévue àl’article 11 du Code (voy. infra, no 41).

d) Comparution volontaire du défendeur

38. — Comparution sans contestation de lacompétence. — Le juge belge devant lequelle défendeur comparaît est compétent pourconnaître de la demande formée contre lui,sauf si la comparution a pour objet principalde contester la compétence (art. 6, § 1er).Cette règle s’applique hormis les cas où laprésente loi en dispose autrement, c’est-à-direlorsque le Code déroge aux règles généralesen matière de compétence internationale (su-pra, no 31). Selon les travaux préparatoires, lemoment où le déclinatoire de juridiction doitêtre soulevé par le défendeur est déterminépar le Code judiciaire (70). Ce renvoi est dé-nué de pertinence dans la mesure où le Codeprévoit que la comparution doit avoir pour ob-jet principal de contester la compétence. Ilfaut en déduire que, à l’instar du règlementBruxelles I (71), le déclinatoire doit être pré-senté in limine litis, c’est-à-dire dans les pre-mières conclusions.

e) Demandes incidentes

39. — Demandes reconventionnelle et en in-tervention ou garantie. — Lorsque les juri-dictions belges sont compétentes pour connaî-tre d’une demande principale, elles le sontégalement pour connaître des demandes inci-dentes dans deux cas visés par l’article 8 (72).Il s’agit tout d’abord de la demande en garan-tie ou en intervention : cette demande peutêtre portée devant le juge belge, même quandelle est dirigée contre une partie domiciliée ourésidente à l’étranger, à moins qu’elle n’ait étéformée que pour traduire cette partie hors dela juridiction (étrangère) normalement com-pétente. On retrouve ici l’exception de détour-nement de for inspirée du droit judiciaireeuropéen, qui a déjà été rencontrée à proposdes actions dirigées contre plusieurs défen-deurs (supra, no 33). Même si le texte est, ànouveau, muet sur ce point, il ne fait aucundoute que, comme en droit communautaire(73), cette extension de compétence n’est pos-sible que si la demande en intervention ou ga-rantie est connexe à la demande principale quifonde la compétence originaire du juge belge.

Ensuite, une compétence dérivée existe pourla demande reconventionnelle formée par ledéfendeur contre la partie qui l’assigne, pourautant que cette demande dérive du fait ou del’acte sur lequel est fondée la demande origi-naire. La condition de connexité entre les de-mandes principale et incidente est ici repriseexpressément dans le texte.

(60) Voy. circulaire, p. 69597. L’affirmation est faiteà propos de l’article 18 (fraude à la loi), mais devraitvaloir aussi pour l’article 6.(61) Voy. art. 23, 1o, du règlement Bruxelles I, cettecondition étant interprétée assez largement : voy.C.J.C.E., 10 mars 1992, Powell, aff. C-214/89, Rec.,p. I-1745.(62) Proposition de loi, p. 33.(63) C’est-à-dire de la Convention de Rome, puisquel’article 98, § 1er, alinéa 2, prévoit d’étendre le jeudes dispositions de cette Convention aux matièresnormalement exclues par celle-ci, qui comprennentles conventions d’élection de for (voy. infra, no 190).(64) Cette exception fait écho à la possibilité de ré-serve prévue par la Convention de La Haye de 1965sur les clauses d’élection de for (non entrée en vi-gueur), qui permet aux tribunaux de ne pas reconnaî-tre les effets des clauses lorsque le litige n’a aucunrattachement avec le tribunal élu.(65) Voy. A. Nuyts, L’exception de forum non con-veniens, op. cit., no 493.(66) Proposition de loi, p. 34.

(67) Proposition de loi, p. 34; comp. la loi suisse dedroit international privé de 1987, art. 5, 3o.(68) Voy. infra, nos 94 et s.(69) Comp. la jurisprudence anglaise qui considèrequ’en cas de suspension de la procédure (stay of pro-ceeding) la compétence des tribunaux du for n’estplus établie pour les besoins d’application de la règlede litispendance européenne : Sarrio s.a. v. KuwaitInvestment Authority, [1997] 1, Lloyd’s Rep., 113(C.A.), spéc. p. 123. Voy. A. Nuyts, L’exception deforum non conveniens, op. cit., no 172.

(70) Proposition de loi, p. 37. C’est-à-dire en princi-pe jusqu’à la clôture des débats.(71) Voy. notam., C.J.C.E., 22 oct. 1981, Rohr,aff. 27/81, Rec., p. 2431.(72) Comp. l’ancien art. 635, 9o, du Code judiciaire.(73) Voy. H. Gaudemet-Tallon, Compétence et exé-cution des jugements en Europe, 3e éd., L.G.D.J.,no 250; A. Nuyts, L’exception de forum non conve-niens, op. cit., no 297.

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f) Connexité internationale

40. — Chef attributif de compétence. —Outre les trois règles spécifiques de compé-tence dérivée (codéfendeurs, demande en in-tervention ou garantie, demande reconven-tionnelle) déjà examinées, le Code édicte unerègle générale de compétence fondée sur laconnexité (74). Selon l’article 9, « lorsque lesjuridictions belges sont compétentes pourconnaître d’une demande, elles le sont égale-ment pour connaître d’une demande qui y estliée par un rapport si étroit qu’il y a intérêt àinstruire et à juger celles-ci en même tempsafin d’éviter des solutions qui pourraient êtreinconciliables si les causes étaient jugées sé-parément ». A la différence du règlementBruxelles I, la connexité joue ici comme chefattributif de compétence et non comme excep-tion permettant de mettre fin à des procéduresparallèles. Ceci dit, la définition de la notionde connexité qui est donnée par le Code est re-prise telle quelle du droit européen (75), desorte que l’on devrait pouvoir s’inspirer desprécédents communautaires sur ce point.On observera que, sous réserve des cas où leCode en dispose autrement, la compétencefondée sur la connexité peut se combiner avecn’importe laquelle des autres compétencesprévues par le Code, en ce compris, par exem-ple, la compétence exceptionnelle fondée surle déni de justice (art. 11) et la compétencepatrimoniale en matière de droits réels(art. 85).

g) Attribution exceptionnelle de compétence internationale

41. — For de nécessité. — Nonobstant lesautres dispositions du Code, les juridictionsbelges sont exceptionnellement compétenteslorsque la cause présente des liens étroits avecla Belgique et qu’une procédure à l’étrangerse révèle impossible ou qu’on ne peut raison-nablement exiger que la demande soit forméeà l’étranger (art. 11). Il s’agit de garantir ledroit à un juge consacré par l’article 6, § 1er,de la Convention européenne des droits del’homme, et d’éviter des situations de déni dejustice (76). Deux conditions de base doiventêtre remplies pour pouvoir invoquer cettecompétence. Tout d’abord, la saisine du jugeétranger doit être impossible ou déraisonna-ble, ce qui devrait notamment recouvrer les si-tuations où il y a lieu d’estimer que le deman-deur ne pourrait avoir un accès effectif au jugeétranger dans le cadre d’un procès équitableau sens du droit européen. Ensuite, la causedoit présenter des liens étroits avec la Belgi-que. Cette dernière condition ne devrait pasêtre conçue de manière trop stricte, sous peinede ruiner l’intérêt de la disposition qui, parhypothèse, a vocation à s’appliquer lorsque lacause ne présente aucun des rattachementsforts avec la Belgique qui ont justifié la créa-tion d’une compétence ordinaire des tribu-naux belges (77).

§ 3. — Incidents de compétence

a) Vérification de la compétence internationale

42. — Vérification d’office. — Le juge belgesaisi doit, dans tous les cas et pas seulementen cas de défaut, vérifier d’office sa compé-tence internationale (art. 12). En cas de procé-dure contradictoire, cette règle doit toutefoisêtre combinée avec l’article 6, § 1er, secondalinéa, qui énonce qu’en règle la comparutiondu défendeur sans contestation de la compé-tence internationale du juge belge permet defonder celle-ci (supra, no 38).

b) Mesure provisoires et mesures d’exécution

43. — Mesures territoriales en cas d’urgen-ce. — Les juridictions belges sont compéten-tes pour prendre des mesures provisoires ouconservatoires et des mesures d’exécutionmême si elles ne sont pas compétentes pourconnaître du fond en vertu du Code (art. 10)(78). Deux conditions principales sont exi-gées pour que joue cette disposition. Toutd’abord, les mesures ne peuvent être oc-troyées qu’en cas d’urgence (79), cette notiondevant vraisemblablement être appréciée ausens du Code judiciaire. Ensuite, les mesuresdoivent concerner des personnes ou des biensse trouvant en Belgique lors de l’introductionde la demande. Cette condition paraît consa-crer une approche strictement territoriale desmesures concernées, qui ne pourront en prin-cipe viser, même partiellement, des personnesou biens localisés à l’étranger (80). Mais cetteterritorialité s’apprécie uniquement au mo-ment de l’introduction de la demande, de sorteque les déplacements ultérieurs des personnesou biens à l’étranger resteront sans incidencesur la compétence (81). On relèvera que cesdeux limitations (l’urgence et la territorialité)concernent le cas où la compétence du jugebelge dérive de l’article 10; elles ne devraientpas valoir lorsque sa compétence repose surune autre base (82).

c) Litispendance internationale

44. — Exception de litispendance. — Lors-qu’une demande est pendante devant une juri-diction étrangère et qu’il est prévisible que ladécision étrangère sera susceptible d’être re-connue ou exécutée en Belgique, le juge belgesaisi en second lieu d’une demande entre lesmêmes parties ayant le même objet et la mêmecause, peut surseoir à statuer jusqu’au pronon-cé de la décision étrangère (art. 14). Ce dispo-sitif, inspiré du droit français (83), apporteune rupture bienvenue avec le droit antérieur,la jurisprudence s’étant jusqu’à présent refu-sée, en dehors de l’application des instru-ments internationaux ou européens, à appli-quer l’exception de litispendance dans les re-lations internationales.Trois conditions de base doivent être rempliespour que puisse jouer cette exception. Toutd’abord, il doit y avoir identité de parties et delitiges dans les deux fors (il n’y a pas de sursisà statuer possible si le litige pendant à l’étran-ger est seulement connexe au litige belge, sansêtre identique). Ensuite, comme pour la claused’élection de for étranger, il doit être prévisi-ble que la décision attendue du juge étrangersera reconnue ou exécutée en Belgique, ce quisuppose qu’il n’y ait pas lieu de penser ques’appliquera l’un des motifs de refus prévus àl’article 25 du Code. Enfin, le juge étrangerdoit avoir été saisi avant le juge belge. Enl’absence d’indication sur la définition du mo-ment des saisines respectives des deux juridic-tions, il faudra vraisemblablement appliquerles solutions du Code judiciaire : le moment àprendre en compte est par conséquent norma-lement celui de la date de signification del’acte introductif d’instance (84). Lorsquetoutes ces conditions sont réunies, le juge peutsurseoir à statuer. Il s’agit d’une simple facul-té pour le juge belge, qui tient compte des exi-gences d’une bonne administration de la justi-ce (85). Le juge devrait notamment vérifier sila juridiction étrangère est plus qualifiée, inconcreto, pour statuer sur le litige en cause,compte tenu entre autres de la proximité parrapport aux faits et aux preuves (86).

Le texte prévoit, comme en matière de déroga-tion volontaire de compétence, une surséanceà statuer. Le dessaisissement n’intervient que

(74) Comp. l’ancien art. 635, 6o, du Code judiciaire.(75) Voy. art. 28 du règlement Bruxelles I, qui lui-même avait été inspiré (dans sa version figurant àl’article 22 de la Convention de Bruxelles) parl’article 30 du Code judiciaire.(76) Voy. rapport Sénat, p. 31.(77) Il a été affirmé, au cours des travaux préparatoi-res, que la disposition pourrait par exemple permet-tre à un ressortissant belge établi à l’étranger d’agir

en Belgique lorsqu’il n’arrive pas à obtenir dans lefor étranger un changement de son statut personnel,par exemple pour des raisons politiques. Rapport Sé-nat, p. 31.(78) Comp. l’ancien art. 635, 5o, du Code judiciaire.(79) Si cette condition peut éventuellement se justi-fier à propos des mesures provisoires (voy. toutefoisA. Nuyts, « Questions de procédure : la difficilecoexis tence des règles convent ionnel les e tnationales », in R. Fentiman e.a., L’espace judiciaireeuropéen en matières civile et commerciale, Bruy-lant, 1999, pp. 247 et s.), elle paraît plus curieuse àpropos des mesures d’exécution.(80) Sauf à étendre, le cas échéant, la compétence envertu de la règle de connexité de l’article 9 (supra,no 40). Sur la condition de territorialité en droit euro-péen, qui paraît être définie plus souplement, voy.H. Boularbah, « Les mesures provisoires en droitcommercial international : développements récentsau regard des Conventions de Bruxelles et deLugano », R.D.C., 1999, pp. 604 et s.; H. Born,M. Fallon et J.-L. Van Boxstael, Droit judiciaire in-ternational - Chronique de jurisprudence 1991-1998, op. cit., nos 240 et s.(81) Voy. déjà, en droit européen, H. Boularbah,« Les mesures provisoires... », op. cit., p. 610.(82) Voy. proposition de loi, p. 35, qui réserve lapossibilité pour le juge compétent pour connaître dufond d’adopter des mesures provisoires ou conserva-toires.

(83) Cass. fr., ch. civ., 26 nov. 1974, Rev. crit. d.i.p.,1975, p. 494.(84) Voy. art. 12, 2o, 700 et 2244 du Code judiciaire;Cass., 31 oct. 1994, Pas., I, 882; Cass., 9 déc. 1996,J.T., 1997, p. 780. Comp. l’article 27 du règlementBruxelles I, qui donne pour la litispendance euro-péenne une définition communautaire spécifique dela saisine, adaptée aux différents systèmes rencon-trés dans les Etats membres. On doute que cette dé-finition puisse être transposée en droit commun bel-ge. Par ailleurs, le Code édictant des règles de com-pétence et de procédure unilatérales, il n’y a pas lieu,à notre sens, d’avoir égard au moment de la saisineselon le droit de procédure étranger, comme c’était lecas sous l’empire de la Convention de Bruxelles.Ceci n’exclut cependant pas que soit prise en comp-te, le cas échéant, pour déterminer le moment de lasaisine du juge étranger, la procédure étrangère équi-valente à celle utilisée en Belgique pour la significa-tion de l’acte introductif d’instance.(85) Proposition de loi, p. 39.(86) Il s’agit d’une nouvelle manifestation de latechnique du forum (non) conveniens : voy.A. Nuyts, L’exception de forum non conveniens, op.cit., no 286.

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lorsque la reconnaissance de la décision étran-gère en Belgique est constatée. Partant, si laprocédure prend fin devant le juge étrangersans que celui-ci ne prononce une décision ousi le juge étranger se déclare incompétent, laprocédure reprend son cours normal devant lejuge belge.

d) Compétence interne

45. — Renvoi au Code judiciaire. — LeCode se borne à déterminer la compétence in-ternationale des juridictions belges sans préci-ser laquelle d’entre elles est matériellement etterritorialement compétente au sein de l’ordrejudiciaire belge. Cette question est réglée parles dispositions pertinentes du Code judiciaireou de lois particulières (art. 13, al. 1er). Selonl’exposé des motifs, cela signifie qu’il fautrespecter le jeu des règles impératives oud’ordre public de compétence interne (87). Adéfaut de dispositions susceptibles de fonderla compétence territoriale (88), celle-ci est dé-terminée par les dispositions du Code concer-nant la compétence internationale. A défaut(89), la demande peut être portée devant lejuge de l ’arrondissement de Bruxel les(art. 13, al. 2).

Arnaud NUYTS

B. — Conflits de lois

46. — Introduction. — Les articles 15 et sui-vants du Code prévoient un ensemble derègles de méthode qui peuvent être invoquéesà l’égard de toutes les règles de rattachementconsacrées par le Code. Véritable « grammai-re » des conflits de lois, ces règles consacrentpour la plupart des doctrines dégagées précé-demment par la jurisprudence et les auteurs, àl’exception notable de la clause d’exception.Une lecture transversale du Code révèle toute-fois des silences — pour la plupart bien réflé-chis — sur certaines questions que l’on rangetraditionnellement dans la théorie des conflitsde lois. Ces lacunes apparentes méritent quel-ques explications. L’on notera enfin que leCode reste fidèle à la tradition des règles deconflit multilatérales, tout en accordant unelarge place aux rattachements complexes et enréservant également une place aux règles dic-tées par des objectifs matériels précis. LeCode facilite aussi l’utilisation des règles derattachement qu’il prévoit en leur ajoutant desrègles de « domaine » qui précisent, de façonnon limitative, les questions visées par chaquecatégorie de rattachement.

§ 1er. — Les nouveautés

a) La clause d’exception

47. — Notion. — Effort de modestie du légis-lateur belge, l’article 19 permet aux juridic-tions belges de s’écarter du jeu normal de larègle de rattachement pour privilégier, dansdes circonstances exceptionnelles, l’applica-tion d’une règle nationale qui présente unmeilleur titre à s’appliquer (90). Cette nou-veauté, qui a déjà été critiquée (91), est entou-rée de grandes précautions, notamment à lasuite des observations du Conseil d’Etat le-quel estimait, à propos d’une version antérieu-re et plus libérale du texte, que la clause« ébranle si gravement la fermeté des règlesdu projet qu’elle en compromet l’utilité ».L’introduction d’une telle clause peut sur-prendre dans la mesure où une grande partiedu travail réalisé par le législateur a consisté àsélectionner soigneusement des critères derattachement s’inspirant, pour la plupart, d’unimpératif de proximité. Le Code rejoint sur cepoint les expériences étrangères — et notam-ment les expériences suisse (art. 15 de la loifédérale du 18 décembre 1987) et québecoise(art. 3082, C. civ.) — qui ont montré que l’in-troduction de règles de rattachement préciseset bien rédigées n’excluait pas la nécessitéd’une « soupape de sûreté ».

48. — Exclusion. — Dans quelles circonstan-ces pourra-t-on invoquer la clause d’excep-tion? Il faut tout d’abord constater quel’article 19, § 2, exclut le jeu de la clause lors-que les parties ont choisi la loi applicable àleur relation, ce qui peut être le cas non seule-ment en matière contractuelle, mais égale-ment en matière de divorce, de régime matri-monial, d’aliments, de successions, d’obliga-t ions dér ivant d’un fai t dommageable ,d’obligations quasi contractuelles, d’engage-ment par déclaration unilatérale de volonté etde trust. Le champ d’action de la clause d’ex-ception est déjà fortement limité par cette lis-te. L’on peut toutefois se demander si la clau-se a vocation à jouer lorsque la juridictionconclut à l’existence d’un choix implicitemais certain des parties pour un droit national.L’article 19 exclut également le jeu de la clau-se d’exception « lorsque la désignation dudroit applicable repose sur le contenu decelui-ci », précision ajoutée à la suite desobservations du Conseil d’Etat. Encore faut-ils’entendre sur l’identité des règles de ratta-chement visées. Il s’agit principalement de cequ’il est convenu d’appeler des règles de rat-tachement à caractère substantiel. L’on songeau r a t t achemen t a l t e rna t i f r e t enu pa rl’article 83 pour la forme des testaments, ouencore à l’application particulière de l’excep-tion d’ordre public prévue par l’article 74,§ 2, qui met en place un rattachement subsi-diaire, en faveur du droit de l’Etat de la natio-nalité commune du créancier et du débiteurd’aliments, dès lors que le droit de la résiden-ce habituelle du créancier ne permet pas d’ac-

corder des aliments. Par contre, les rattache-ments complexes modelés sur l’échelle deKegel, ne sont pas, en principe, construits enfonction d’un objectif substantiel. Rien n’in-terdit dès lors la clause d’exception de jouerpar exemple à l’égard de l’article 48 qui, pourles effets du mariage, retient successivementle droit de la résidence habituelle des épouxou, à défaut de résidence habituelle dans lemême Etat, celui de leur nationalité communeou enfin le droit belge. L’on notera par ailleursqu’un amendement déposé par Mme Nyssens,qui visait à écarter le jeu de la clause d’excep-tion en matière d’adoption, n’a pas été retenu.

49. — Conditions. — L’article 19 prévoitd’autre part une série de conditions qui enser-rent le jeu de la clause d’exception dans unstrict carcan. La règle de rattachement nepourra ainsi être écartée que s’il est manifesteque la situation n’a qu’un lien très faible avecl’Etat dont le droit est désigné et qu’elle pré-sente dans le même temps des liens très étroitsavec un autre Etat. Ces conditions sont classi-ques. Elles reposent sur une analyse des cir-constances de chaque espèce. Les juridictionsbelges ont déjà eu l’occasion de s’essayer à unraisonnement similaire en application del’article 4, 5o, de la Convention de Rome du19 juin 1980 sur la loi applicable aux obliga-tions contractuelles (« la Convention deRome »).

50. — Besoin de prévisibilité. — Le Codeprévoit en outre deux directives générales. Ilest tout d’abord demandé aux juridictions detenir compte du besoin de prévisibilité dudroit applicable. Dans la mesure où la claused’exception ne pourra jouer lorsque les partiesont fait un choix de loi, l’on peut se demanderce que vise ce « besoin de prévisibilité »,d’autant plus que la clause a vocation à s’ap-pliquer dans des situations où l’éclatementdes rattachements rend vain tout exercice deprévision. A défaut d’indication contraire,l’interprète pourra retenir qu’il lui appartientde s’interroger sur les attentes légitimes desparties, du moins si elles avaient pu exprimerune préférence pour la loi applicable.

51. — Respect des droits régulièrement ac-quis. — L’autre directive générale fait claire-ment référence à la théorie des droits acquis,théorie « maudite » des conflits de lois. On estcertes loin de la consécration générale de cettedoctrine par l’article 21, alinéa 2, du projet deTraité Benelux, portant loi uniforme relativea u d r o i t i n t e r n a t i o n a l p r iv é , p u i s q u el ’ar t ic le 19 ne fa i t in te rven i r le « fa i tétranger » accompli que comme ingrédientd’une appréciation plus générale fondéed’abord et avant tout sur la force des rattache-ments en présence. Comme on a d’ailleurs pule relever, l’article 19 ne permettra pas néces-sairement de respecter les droits acquis, puis-qu’il faudra encore que la loi d’après laquellele rapport de droit a été créé à l’étranger, pré-sente des liens plus étroits avec la situationque la loi normalement compétente (92). A ti-tre d’exemple, l’on relèvera que la claused’exception pourrait corriger l’application dela règle automatique prévue par le Code pourle conflit de nationalités lorsque l’intéressépossède la nationalité belge (art. 3). Ainsi, en

(87) Proposition de loi, p. 37.(88) Par exemple parce que le Code se fonde sur uncritère territorial (comme la résidence habituelle dudemandeur en matière de divorce) distinct de celuique prévoit le Code judiciaire à propos de la compé-tence interne (dans l’exemple la dernière résidenceconjugale).(89) Par exemple lorsque la compétence internatio-nale est fondée sur la nationalité et qu’aucun critèreterritorial ne permet de rattacher le litige à la Belgi-que.

(90) Voy. égalem., supra, no 41, en matière de com-pétence internationale, l’article 11 qui institue un forde nécessité.(91) Voy. notam., L. Barnich, « La clause d’excep-tion dans la proposition de loi portant le Code dedroit international privé », in Mélanges John Kirkpa-trick, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 59-72, spéc.p. 72, qui évoque un « effet de mode ».

(92) L. Barnich, « La clause d’exception... », op.cit., p. 69.

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matière d’état et de capacité, et sous réservede l’application du renvoi pour cette dernièrequestion, l’on peut imaginer qu’une personnene possède la nationalité belge qu’en raisond’un lien de parenté sans pour autant posséderd’autres attaches avec la Belgique. Même s’ilpeut paraître singulier d’écarter la loi nationa-le (93), rien ne s’oppose en réalité à ce que laclause d’exception corrige le jeu d’une tellerègle au nom d’un souci de proximité. Parcontre, il semble trop réducteur de vouloirécarter le jeu de la clause d’exception àl’égard des règles de rattachement du Codeinspirées, de façon générale, de ce même im-pératif de proximité (94).

52. — Jeu de la clause d’exception. — L’onnotera également que la clause d’exceptionn’a pas vocation, au contraire de l’exceptiond’ordre public, à permettre de façon systéma-tique le retour au droit belge, pas plusd’ailleurs qu’elle n’autorise le juge à remé-dier, au nom d’une équité mal comprise, à dessituations jugées difficiles. La clause doit aucontraire demeurer au service de la justice dudroit international privé. On acceptera égale-ment que la clause d’exception ne peut jouercontre une règle spéciale d’applicabilité. L’onne saurait enfin déduire de l’article 19 quel’ensemble des règles de rattachement pré-vues par le Code ne constituent que des « pré-somptions » qui peuvent être renversées sur labase d’une démonstration fondée sur la proxi-mité. La méthode du Code diffère sur ce pointfondamentalement de celle adoptée parl’article 4 de la Convention de Rome.

53. — Motivation. — Même si un amende-ment en ce sens n’a pas été adopté (95), l’onpeut espérer que les juridictions belges aurontsoin de motiver l’utilisation exceptionnellequ’elles feront de l’article 19.

b) Suppression de principe du renvoi

54. — Suppression du renvoi. — S’inspirantd’une formule classique du droit internationalprivé conventionnel, l’article 16 indique quele droit désigné par les règles de rattachementdu Code « s’entend des règles de droit de cetEtat à l’exclusion des règles de droit interna-tional privé ». Voilà ainsi bannie du jeu de larègle de rattachement la prise en compte de larègle de rattachement étrangère — qui avaitpourtant été récemment consacrée par la Courde cassation (96) — mais aussi, bien que cecine soit pas explicité dans les travaux parle-mentaires, de la règle étrangère relative à lareconnaissance d’un jugement belge, voire dela règle étrangère de compétence.

55. — Droit comparé. — Le Code s’écarteainsi des solutions retenues par les droits suis-se et italien, qui prévoient le renvoi, au moinsdans la mesure où il permet le retour au droit

du for. A l’instar de l’exclusion du renvoi parle projet de codificat ion néer landaise ,l’article 16 se comprend aisément (97) lors-que l’on tient compte d’une part de la largepréférence accordée par le Code au rattache-ment à la loi de la résidence habituelle en ma-tière familiale, qui diminuera d’autant les oc-casions d’appliquer la loi étrangère, et d’autrepart du caractère substantiel de nombreux rat-tachements, dont on comprendrait difficile-ment qu’ils puissent être écartés au profitd’une règle étrangère qui ne partage pas né-cessairement les mêmes objectifs. Enfin, lasuppression du renvoi peut également s’expli-quer par la faveur dont jouit l’autonomie de lavolonté dans le Code.

56. — Exceptions. — Le Code laisse toute-fois subsister quelques manifestations d’unrenvoi instrumentalisé, encadré dans des limi-tes strictes. Le renvoi n’est alors toléré quedans la mesure où il permet d’atteindre un ob-jectif propre au droit international privé belge.Ainsi en matière de succession immobilière,l’article 78, § 2, permet de tenir compte de larègle de rattachement étrangère dans la mesu-re où celle-ci conduit à l’application du droitde la résidence habituelle du défunt, déjà ap-plicable à la succession mobilière et dans lebut avoué de rétablir l’unité de la succession— sans toutefois que le renvoi permetted’aboutir à ce résultat dans tous les cas (98).E n m a t i è r e d e p e r s o n n e s m o r a l e s ,l’article 110 autorise le renvoi si le droitétranger de l’établissement principal de lapersonne morale désigne le droit de l’Etat envertu duquel elle a été constituée (99), afind’éviter les différences de traitement entreEtats adeptes du siège réel et ceux qui privilé-gient le siège statutaire. En matière de capaci-té, l’article 34, § 1er, qui est le fruit d’unamendement parlementaire du texte original(100), n’autorise le renvoi que s’il permetl’application du droit belge (101) — contrai-rement aux deux autres exceptions. Dans lamesure où le renvoi organisé par le Code estinstrumentalisé et mis au service des buts dé-finis, il ne semble pas légitime de permettreaux juridictions d’apprécier selon les circons-tances de la cause l’opportunité de tenircompte des règles de rattachement étrangères.

c) Une solution restrictive du conflit de nationalités

57. — Conformité au droit international?L’on regrettera que le législateur ait cru bond’imposer une solution automatique du conflitde nationalités lorsque la personne possèdenotamment la nationalité belge (102). L’onpeut d’ailleurs se demander comment conci-lier l’article 3 avec les engagements interna-tionaux souscrits par la Belgique. Les com-

mentaires accompagnant la proposition de loiont beau prétendre que la règle retenue« confirme la règle classique, telle que consa-crée par la Convention de La Haye du 12 avril1930 ». Cette affirmation est, comme l’a rele-vé une sénatrice (103), inexacte dans la mesu-re où la Convention de La Haye ne prévoyaitqu’une simple faculté en faveur de la nationa-lité du for. A défaut d’avoir été dénoncée,cette Convention est toujours en vigueur.Pourrait-on invoquer le caractère subsidiairedu Code (art. 2) pour vider la solution del’article 3 de l’essentiel de sa substance? Iln’est en tout cas pas exclu que l’emprisecroissante du droit européen sur le droit de lanationalité (104) impose à terme de revoirl’article 3 du moins dans les rapports avec lesautres Etats membres.

§ 2. — Les confirmations

a) L’exception d’ordre public

58. — Principe. — L’exception d’ordre pu-blic reçoit, avec l’article 21 du Code, un trai-tement détaillé. Le Code ne se contente pas eneffet de confirmer que l’application du droité t ranger peu t ê t re écar tée lo r squ’e l le« produirait un effet manifestement incompa-tible avec l’ordre public » belge, formule ins-pirée de l’acquis du droit conventionnel.L’article 21 fournit également de précieuxéléments qui faciliteront son application con-crète. L’on relèvera une référence à la doctrinede l’Inlandsbeziehung, déjà appliquée par cer-taines juridictions, ainsi qu’à la doctrine del’effet atténué de l’ordre public, qui invite àtenir compte de la gravité de l’effet que pro-duirait l’application du droit étranger. Il estégalement heureux que les mêmes indicesaient été retenus, à l’article 25, § 1er, 1o, duCode, pour encadrer le rôle de l’exceptiond’ordre public dans l’accueil d’une décisionétrangère. Le Code confirme ainsi l’unicité del’ordre public de droit international privé.

59. — Absence de définition. — Au-delà deces indications, l’article 21 s’abstient judi-cieusement de proposer une quelconque défi-nition des standards ou autres valeurs fonda-mentales qui fondent l’ordre public de droitinternational privé. La formule peu satisfai-sante de l’arrêt Vigouroux (105), qui faisait ré-férence aux principes essentiels « à l’ordremoral, politique ou économique établi », con-tinuera dès lors de servir de guide, sansqu’elle doive toutefois éclipser les avancéesrécentes de la jurisprudence, notamment dansla prise en compte des droits fondamentaux.L’exposé des motifs rappelle d’ailleurs que lejuge belge ne pouvait faire abstraction des« exigences inhérentes à la Convention euro-péenne de sauvegarde des droits de l’hommeou au Traité sur l’Union européenne » (106).L’on peut d’ailleurs se demander si dans cettehypothèse, l’obligation faite aux juridictionsbelges d’écarter la disposition de droit étran-(93) Ibidem, p. 71.

(94) En ce sens toutefois pour les rattachementsbasés sur le lieu d’un immeuble, sur le lieu de passa-tion d’un acte (locus regit actum) et sur l’applicationde la loi du siège social, ne sont pas fondés sur l’idéede proximité et devraient dès lors échapper à la clau-se (L. Barnich, « La clause d’exception... », op. cit.,pp. 71-72).(95) Amendement no 26 de Mme Nyssens, Doc.parl., Sén., 2003-2004, no 3-27/3, p. 14.(96) Cass., 17 oct. 2002, R.T.D.F., 2003, 341, noteM. Fallon.

(97) Voy. toutefois les hésitations de F. Bouckaert,« Werd “ renvoi ” uit het nieuw ontwerp van I.P.R.-Wetboek verbannen? », in Liber amicorumJ. Herbots, E. Dirix e.a. (éds.), Deurne, Kluwer,2002, 15-30.(98) Voy. infra, no 165.(99) Voy. infra, no 204.(100) Amendement no 50, Doc. parl., Sén., 2003-2004, no 3-27/4, p. 2.(101) Voy. infra, no 111.(102) L’article 3 impose en effet dans cette hypothè-se de ne retenir que cette seule nationalité. voy.supra, no 22.

(103) Amendement no 25 de Mme Nyssens, Doc.parl., Sén., 2003-2004, 3-27/3, p. 13, qui n’a pas étéretenu.(104) Cf. réc. C.J.C.E., 19 oct. 2004, Zu et Chen c.Secretary of State for the Home Department, aff. C-200/02.(105) Cass., 4 mai 1950, Pas., 1950, I, 624.(106) Proposition de loi, p. 51.

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ger ne s’appuie pas sur les engagements inter-nationaux de la Belgique plutôt que surl’article 21.

60. — Application très subsidiaire du droitbelge. — L’article 21 confirme également lecaractère subsidiaire de la vocation du droitbelge à s’appliquer lorsque l’exception d’or-dre public écarte une disposition du droitétranger. C’est en effet d’abord et avant toutdans le droit étranger que l’interprète devra,du moins en théorie, chercher une solution à laquestion posée. Le droit belge n’interviendracomme Ersatzrecht qu’à défaut pour la juri-diction belge de distinguer une solution ap-propriée au problème dans le droit étranger.

b) Les règles spéciales d’applicabilité

61. — Lois de police. — Adoptant une termi-nologie nouvelle — qui risque d’ajouter enco-re à la confusion existant dans ce domaine oùfleurissent les expressions les plus variées,l’article 20 consacre ce qu’il est convenud’appeler les lois de police. Pour l’essentiel,cette disposition confirme les solutions exis-tantes. La jurisprudence n’avait en effet pasattendu le feu vert du législateur pour donnereffet, par priorité sur les règles de rattache-ment, aux dispositions matérielles dont l’im-portance pour la cohérence du droit belge nepouvait tolérer l’application d’une dispositionétrangère.

62. — Précisions. — Deux précisions sontdonnées : d’une part, il doit s’agir de règles« impératives ou d’ordre public ». Cette pré-cision, absente du projet primitif qui évoquaitles « règles du droit belge qui régissent impé-rativement la situation » (107), risque d’en-traîner certaines confusions, notamment parcequ’elle semble faire référence à des catégoriesbien connues du droit interne. Il faut au con-traire comprendre l’article 20 comme ne vi-sant, parmi les dispositions du droit internequi intéressent l’ordre public ou sont impéra-tives, que celles qui ont vocation à s’appliquerégalement et par priorité aux situations inter-nationales. D’autre part, l’article 20 invite àreconnaître les règles spéciales d’applicabilitéen raison de « la loi ou [.. .] de leur butmanifeste ». Sur ce point, le texte confirme laconfiance accordée aux juridictions qui pour-ront continuer à sélectionner, dans l’arsenallégislatif belge et à défaut de précision du lé-gislateur sur le champ d’application de la loi,les textes dont l’impérativité s’impose égale-ment dans les espèces internationales. La pro-position de loi insiste toutefois sur la pruden-ce nécessaire dont les cours et tribunaux doi-vent faire preuve « afin de ne pas ôter touteffet utile au jeu de la règle de rattachement ».Les juridictions sont dès lors invitées à uneffort particulier de motivation.

63. — Effets limités. — L’article 20 donne unfondement général à la théorie des « lois depolice ». Force est toutefois de constater quecette consécration pourrait n’avoir que de mo-destes effets. Le domaine des contrats reste leterrain d’élection privilégié des dispositionsinternationalement impératives. Or dans ce

domaine, l ’ar t icle 20 s’effacera devantl’article 7 de la Convention de Rome. Enoutre, le Code, en privilégiant l’application dela loi de la résidence habituelle aux questionsfamiliales, contribuera à favoriser sensible-ment l’application du droit belge, ce qui dimi-nuera d’autant la tentation pour les juridic-tions de recourir au « stratagème » des lois depolice pour contourner l’application du droitétranger (108). Au vrai la liste des règles spé-ciales d’applicabilité visées par l’article 20pourrait bien s’avérer fort limitée (109).

64. — Lois de police étrangères. — Gageonsque la possibilité offerte par le deuxième ali-néa de l’article 20, qui permet aux juridictionsde donner effet aux règles spéciales d’applica-bilité étrangères, demeure largement inusitéeen pratique. L’exemple de la Convention deRome montre en effet le peu d’empressementdes tribunaux à appliquer une disposition im-pérative empruntée au droit étranger (110).

c) La fraude à la loi

65. — Critère de l’intention frauduleuse. —D e fa ç o n o n n e p e u t p l u s c l a s s i q u e ,l’article 18 du Code permet aux juridictionsde refuser de tenir compte des « faits et desactes constitués dans le seul but d’échapper àl’application du droit désigné par la présenteloi ». L’intention frauduleuse des partiesconstitue le critère unique d’appréciation de lafraude, qui peut dès lors être invoquée mêmesi les « faits et actes » constitués par les par-ties correspondent à la réalité. L’article 18pourra non seulement jouer lorsque les partiessimulent un facteur de rattachement, maiségalement lorsqu’elles conspirent pour mettreen place un facteur de rattachement bien réeldans le but d’échapper à l’application d’uneloi particulière. La charge de la preuve se ré-vèlera évidemment plus lourde dans ladeuxième hypothèse.

66. — Champ d’application. — L’article 18ne peut être invoqué que dans les seules ma-tières où « les personnes ne disposent pas li-brement de leur droit ». Au contraire del’article 6 du Code, l’article 18 ne précise pasque cette condition doit être appréciée au re-gard du droit belge. L’on peut se demander s’ilfaut tenir compte, pour déterminer les limitesde l’autonomie des parties, de la place réser-vée par le Code à l’autonomie de la volonté.Ainsi, en matière de divorce, l’autonomie li-mitée reconnue aux conjoints par l’article 55,§ 2, dans la détermination du droit applicableest-elle de nature à écarter toute applicationde la fraude à la loi? Il semble que la réponsesoit négative, dans la mesure où la liberté desparties est strictement encadrée par le Code,ce qui tend à montrer qu’elle n’est tolérée quesi elle répond à des objectifs précis.

d) Le statut du droit étranger

67. — Consécration. — L’article 15 confir-me l’ambitieuse position du droit étranger endroit international privé belge. Comme celaétait déjà le cas depuis l’arrêt Babcock (111),la charge de déterminer le contenu du droitétranger déclaré applicable repose en premierlieu sur les juridictions. En outre, le juge bel-ge ne peut se contenter d’une application litté-rale de la loi étrangère. Il doit tenir compte del’interprétation que reçoit le texte dans le paysd’origine.

68. — Difficultés pratiques. — Même si,comme on l’a remarqué pendant la discussionparlementaire du texte, les ressources biblio-graphiques et documentaires existant à l’heu-re actuelle permettent avec plus de facilité derepérer le contenu du droit étranger, force estde constater que les juridictions belges sontmal outillées pour remplir la mission qui leurest ainsi confiée. Ni le Réseau judiciaire euro-péen (112), ni la Convention de Londres de1968, ne permettront, à brève échéance, aupouvoir judiciaire de s’acquitter de cette tâcheavec facilité. L’on peut dès lors prévoir que,comme par le passé, les cours et tribunaux fe-ront confiance aux parties pour qu’elles four-nissent les renseignements nécessaires sur ledroit étranger. L’article 15, § 2, entérined’ailleurs cette situation, qui permet aux jugesde « requérir la collaboration des parties ».

69. — Rôle supplétif du droit belge. — Cettemême disposition consacre le rôle supplétifdu droit belge, à la suite de la jurisprudence dela Cour de cassation (113). Pour respecter lacohérence du Code, il importe de tenir comptenon seulement du caractère exceptionnel decette suppléance, qui devrait inciter les juri-dictions à un effort de motivation, mais égale-ment, le cas échéant, de son caractère provi-soire.

§ 3. — Les silences et les solutions implicites

70. — Comme l’avait constaté M. Rigaux cer-taines questions générales comme la qualifi-cation ou la question préalable « ne sont pasmatières à une disposition législative de droitinterne, du moins si l’objectif visé est unemeilleure coordination des systèmes » (114).Le Code permet de vérifier cette observation.

a) Absence de définition du caractère international des situations visées

71. — Contrairement au paragraphe liminairede l’E.G.B.G.B., qui évoque les « Sachverhal-ten mit einer Verbindung zum Recht einesausländischen Staates », le Code garde le si-lence sur le périmètre qu’il entend couvrir, secontentant d’évoquer le caractère « interna-tional » des situations visées à l’article 2. Onapplaudira cette réserve bienvenue, tant ilsemble vain de se risquer à fournir une défini-

(107) Amendement no 17 du gouvernement, Doc.parl., Sén., 2003-2004, no 3-27/3, p. 7.

(108) Cons. en matière de logement familial, Mons,7 févr. 1985, Ann. dr. Liège, 1988, 44.(109) Cons.les exemples donnés in amendementno 17 du gouvernement, Doc. parl., Sén., 2003-2004, no 3-27/3, p. 8 : l’article 1er du décret du6 fructidor an II sur le port du nom exprimé dansl’acte de naissance et l’article 91 du livre II du Codede commerce.(110) Voy. les observations de M. Fallon, « Les loisde police étrangères face au juge », J.T., 2001, 532-535.

(111) Cass., 9 oct. 1980, Pas., 1981, I, 159.(112) Décision no 2001/470 du 28 mai 2001 relativeà la création d’un réseau judiciaire européen en ma-tière civile et commerciale, J.O.C.E., L-174/25.(113) Cass., 12 décembre 1985, Pas., 1986, I, 478.(114) F. Rigaux, « La méthode des conflits de loisdans les codifications et projets de codification de ladernière décennie », Rev. crit. d.i.p., 1985, p. 45.

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tion cohérente du caractère international dessituations visées. Comme l’a fait observer laStaatscommissie néerlandaise à propos duprojet de dispositions générales, l’intitulé dela loi semble fournir des repères suffisantspour permettre à la pratique de s’entendre surl’applicabilité du Code. En cas de doute, l’onappliquera les dispositions du Code qui ren-verront, si l’espèce est dénuée de dimensioninternationale, à la compétence des tribunauxbelges ainsi qu’à l’application de la loi belge.

b) La qualification

72. — Catégories souples. — L’on chercheraen vain dans le Code une disposition précisantexpressément l’attitude à adopter par les juri-dictions belges sur l’épineuse question de laqualification. Le Conseil d’Etat a d’ailleursregretté cette absence, en estimant qu’il yavait lieu d’établir une règle explicite pour lecas où une demande est fondée sur une dispo-sition de droit étranger et où le juge doit alorsclasser la question de droit posée dans l’unedes catégories qui composent le catalogue desrègles belges de conflit de lois. Il faut au con-traire s’en réjouir, la question ne se laissantpas réduire à une simple disposition de loi,fût-elle bien inspirée (115). Est-ce à dire queles auteurs du Code ont été insensibles à ladifficulté? Rien n’est moins vrai. Qui consultele Code pourra constater que les règles de rat-tachement adoptent des expressions largespour désigner la matière couverte, même sicelles-ci sont, par la force des choses, inspi-rées des concepts et classifications du droitprivé belge (116). Ces catégories doiventd’ailleurs être interprétées « de manière suffi-samment souple, afin d’y faire entrer une ins-titution étrangère [que le juge] estime équiva-lente aux prévisions du législateur » (117). Audemeurant, le Code supprime l’une des diffi-cultés récurrentes nées de l’existence en droitétranger d’une figure juridique, le trust, in-connue, du moins dans sa généralité, du droitbelge. L’introduction de règles spécifiques vi-sant le trust (art. 122 à 125) (118) permet eneffet d’appréhender en droit international pri-vé belge cette institution inconnue qui avaitsuscité de nombreuses difficultés.

73. — Catégories spécifiques. — En outre, leCode multiplie les règles de rattachement, quivisent des questions de plus en plus spécifi-ques. On est loin du triptyque fondateur del’article 3 du Code civil qui prétendait viser,au moyen de trois règles générales, l’ensem-ble des questions soulevées par les relationsinternationales privées. La spécialisation desrègles de rattachement est de nature à faciliterla tâche de l’interprète qui pourra identifieravec moins de difficulté la règle applicable àune question pratique. L’argument est toute-fois à double tranchant, dans la mesure oùcette spécialisation crée de nouveaux problè-mes de classification. Enfin, les parties spé-ciales du Code contiennent des dispositionsindiquant de manière concrète les limites descatégories de rattachement, ce qui est de natu-re à faciliter la tâche de l’interprète, qui pour-ra vérifier que la question posée fait bien par-tie de l’hypothèse visée par la règle de ratta-chement (cf. par exemple l’article 53, quidétaille le domaine du droit applicable au ré-gime matrimonial).

74. — Difficultés d’interprétation. — Cesdifférentes techniques permettront pour l’es-sentiel de rencontrer les difficultés liées àl’existence de catégorisations différentesd’une même question dans les droits natio-naux. Il reste que les règles de rattachementproposées par le Code demeurent synthéti-ques et nécessitent dès lors un travail d’inter-prétation lorsqu’une question précise est sus-ceptible d’appartenir à plusieurs catégories.La difficulté n’est pas propre au droit interna-tional privé, elle est inhérente au caractère gé-néral et abstrait de la règle juridique. L’exem-ple de la prescription extinctive, réputéeconstituer une question « de fond » et être dèslors régie par la loi applicable à la relationjuridique susceptible d’être prescrite, montreque le Code n’élimine pas toutes les difficul-tés (119). La « sagesse des juges », à laquelleM. Rigaux confiait la résolution des problè-mes de qualification (120), pourra dès lorscontinuer à s’exercer à l’égard de ces diffici-les questions.

c) Le conflit mobile

75. — Suppression du conflit mobile. —L’on applaudira le soin minutieux apporté parles rédacteurs du Code à l’élimination du con-flit mobile. La plupart des règles de rattache-ment précisent en effet à quel moment dans letemps le facteur de rattachement doit être prisen compte. Ainsi les effets du mariage sont-ilsrégis par le droit de l’Etat de la résidence ha-bituelle des époux « au moment où ces effetssont invoqués » (art. 48). Ce faisant, le déve-loppement de l’élément de rattachement dansla durée ne peut influencer la solution. Il en vade même lorsque le Code retient, de façon ex-ceptionnelle, la nationalité d’une personnecomme facteur de rattachement. En matièred’état et de capacité, l’article 34, qui soumetces questions à la loi nationale de l’intéressé,précise que la capacité acquise conformément

à la loi nationale « ne se perd pas par l’effetd’un changement de nationalité ».

76. — Approche pragmatique. — Cette ap-proche pragmatique est à préférer à la difficileformulation d’une règle générale visant leconflit mobile dans son ensemble. Celui-ci nepeut en réalité être isolé de la règle de ratta-chement dans le cadre de laquelle il se pose,ce qui devrait conduire à formuler autant derègles spécifiques de conflits mobiles qu’il ya de règles de rattachement. L’interprète devratoutefois être attentif à l’interprétation du mo-ment retenu par le Code pour la concrétisationdu facteur de rattachement. Comme l’a souli-gné le Conseil d’Etat, il n’est en effet pas cer-tain que le moment auquel on « invoque » uneffet coïncide avec l’introduction d’une actionen justice.

d) La question préalable

77. — Difficultés maintenues. — Le Code nese prononce pas sur l’énigmatique questionpréalable. L’on ne s’en étonnera pas malgrél’intérêt pratique certain de cette question, euégard à l’absence de disposition sur ce pointdans les codifications étrangères (cons. toute-fois l’article 3 du projet de Code néerlandais)et les dissonances existant en doctrine sur lasolution appropriée, les uns plaidant pourl’application à la question préalable du droitinternational privé de la loi étrangère déclaréeapplicable par les règles de rattachement dufor, les autres estimant préférable de ne pass’écarter de la règle de rattachement du for.L’interprète confronté à une question préala-ble pourra, le cas échéant, avoir recours à laclause d’exception pour s’écarter de la règlede rattachement prévue par le Code et la sou-mettre, lorsqu’elle concerne une relation dedroit qui n’a pas ou peu de lien avec le for, àla loi désignée par la règle de rattachementétrangère. Outre qu’elle ne confère aucunecertitude au justiciable sur le résultat final del’opération, cette solution d’appoint ne per-mettra toutefois de répondre qu’à un nombrelimité de questions préalables.

e) Silence du Code sur le rôle du juge dans l’application des règles de conflit de lois

78. — Application d’office de la règle deconflit. — Au contraire du Code civil espa-gnol (art. 12, § 1er) ou de la loi autrichiennedu 15 juin 1978 (§ 2), le Code ne précise pasquel est le rôle du juge dans l’application desrègles de rattachement. Il faut sans doute enconclure que les règles de droit internationalprivé ne se singularisent pas sur ce point desautres règles de droit positif. L’on en revien-dra dès lors aux règles classiques qui prescri-vent, comme l’a rappelé M. Krings dans sesconclusions précédant l’arrêt Babcock (121),que si la contestation ne met aucune règled’ordre public en cause, le juge appliquerad’office la règle de rattachement pour autantque les éléments d’extranéité lui aient été sou-mis et pour autant que les parties n’aient pasexpressément renoncé à l’application d’undroit étranger.

79. — Difficultés. — L’on avouera toutefoisque le critère de l’ordre public est d’une appli-cation malaisée, singulièrement dans la mesu-

(115) L’on prendra connaissance, pour s’en convain-cre, des crit iques formulées à l’encontre del’article 3078 du Code civil québecois, qui imposeaux juridictions québecoises de puiser dans leur pro-pre système juridique la qualificat ion. Voy.E. Groffier et G. Goldstein, Droit international pri-vé, t. 1 : Théorie générale, Cowansville, éd. YvonBlais Inc., 1998, 160-163. Adde, l’article 12, § 1er,du Code civil espagnol, qui précise que « la qualifi-cation pour déterminer la règle de conflit applicableest faite dans tous les cas conformément à la loiespagnole ».(116) « Dans cet esprit, le Code s’attache à établirdes catégories ouvertes, qui ne découlent pas néces-sairement du droit matériel belge » (proposition deloi, p. 14).(117) Proposition de loi, pp. 14-15. Il faut d’ailleursadmettre, avec F. Rigaux, que, les problèmes juridi-ques étant avant tout des problèmes humains quipeuvent se poser dans toutes les communautés dumonde, « aucune notion juridique étrangère ne résis-te à la subsomption opérée par la norme primaire dedroit international privé de la lex fori » (« La métho-de des conflits de lois... », op. cit., 1985, p. 39).(118) Voy. infra, nos 178 et s.

(119) Cons. l’art. 16 du projet de Code néerlandais,qui précise que « Of een recht of rechtsvordering isverjaard of vervallen, wordt bepaald door het rechtdat van toepassing is op de rechtsverhouding waaruitdat recht of die rechtsvordering is ontstaan ».(120) F. Rigaux, « La méthode des conflits delois... », op. cit., 1985, p. 40. (121) J.T., 1981, p. 71.

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re où le Code fait une large place à l’autono-mie de la volonté dans des matières qui sontréputées intéresser l’ordre public en droit in-terne (cfr. art. 55, § 2, en matière de divorce,art. 75 en matière d’aliments). Faut-il en con-clure qu’il n’y a plus lieu, dans ces matières,pour le tribunal de se pencher d’office sur larègle de rattachement? Ce serait sans doutedonner une portée trop grande à une recon-naissance somme toute limitée et instrumenta-lisée de l’autonomie de la volonté.

Patrick WAUTELET

C. — Efficacité des jugements et actes authentiques

§ 1er. — Les différentes dimensions de l’efficacité

80. — Consécration des distinctions doctri-nales. — Le Code consacre les différentseffets que l’on s’accordait traditionnellementà reconnaître aux jugements et actes authenti-ques étrangers (122) : la force obligatoire, laforce exécutoire, la force probante et l’effet defait.

81. — Force obligatoire. — Une décisionétrangère ou un acte authentique étranger pos-sèdent tout d’abord une force obligatoire en cequ’ils établissent pour droit ce qui a été décidé(art. 22, § 1er) ou constitué à l’étranger. La re-connaissance a notamment pour effet d’ad-mettre en Belgique l’autorité de chose jugéequi permet, dans son aspect positif, d’établir(de manière incontestable, entre parties et,sous réserve de la preuve contraire, à l’égarddes tiers) ce qui a été décidé à l’étranger et,dans son versant négatif, d’opposer l’excep-tion de chose jugée faisant obstacle à la réité-ration de la demande en Belgique. Selon leCode, tout jugement ou acte authentiqueétranger est de plein droit et sans procédurereconnu en Belgique.

82. — Force exécutoire. — Le jugement oul’acte étranger qui constitue un titre exécutoi-re dans son Etat d’origine ne revêt par contrepas d’emblée ce caractère en Belgique. Il doitpréalablement y faire l’objet d’une « déclara-tion constatant la force exécutoire » confor-mément à la procédure prévue à cet effet parl’article 23 du Code. La formule — reprise durèglement Bruxelles I — remplace celle, dé-passée, d’exequatur et souligne l’effet décla-ratif — et non plus constitutif — de la déci-sion du juge belge qui accueille le jugementou l’acte étranger.

83. — Force probante. — Les décisionsétrangères et les actes étrangers qui consti-tuent des actes authentiques font classique-ment preuve de leurs diverses énonciations etconstatations (« force probante intrinsèque »).Selon le Code, la décision étrangère fait foi enBelgique des constatations faites par le juge sielle satisfait aux conditions nécessaires à son

authenticité selon le droit de l’Etat dans lequelelle a été rendue (art. 26, § 1er). Il en va demême de l’acte authentique étranger en ce quiconcerne les faits constatés par l’autoritéétrangère qui l’a établi, s’il satisfait à la foispremièrement aux conditions du Code régis-sant la forme des actes; et deuxièmement auxconditions nécessaires à son authenticité se-lon le droit de l’Etat dans lequel il a été établi(art. 28, § 1er). Dans les deux cas, les consta-tations sont écartées dans la mesure où ellesproduiraient un effet manifestement incompa-tible avec l’ordre public (art. 26, § 1er et 28,§ 1er). La preuve contraire des faits constatéspar le juge étranger ou l’autorité étrangèrepeut cependant être apportée par toutes voiesde droit (art. 26, § 2 et 28, § 2). Ni le jugementétranger, ni l’acte authentique étranger ne fontdonc foi jusqu’à inscription de faux. Cette so-lution, conforme aux solutions actuellementadmises, diminue considérablement la portéeet l’intérêt de cette force probante qui se résu-me en réalité à une simple présomption juristantum.

84. — Effet de fait. — Selon l’article 29 duCode, il peut être tenu compte en Belgique del’existence d’une décision judiciaire étrangèreou d’un acte authentique étranger, sans vérifi-cation des conditions nécessaires à sa recon-naissance, à la déclaration de sa force exécu-toire ou à sa force probante. Les jugements etactes étrangers sont donc des faits juridiquesqui s’imposent en tant que tels et sans autresconditions en Belgique.

§ 2. — Reconnaissance et exécution des décisions judiciaires étrangères

a) Principes

85. — Extension du régime actuel des juge-ments en matière d’état et de capacité despersonnes. — Faisant preuve d’un espritd’ouverture vis-à-vis des jugements rendus àl’étranger, le Code innove considérablementen étendant à l’ensemble des décisions étran-gères (123) rendues en matière civile le régi-me qui était actuellement réservé, en droitcommun, aux seuls jugements rendus en ma-tière d’état et de capacité des personnes (124).Il consacre en effet la reconnaissance de pleindroit des décisions étrangères et supprime larévision au fond.

86. — Reconnaissance de plein droit. — Al’instar du régime prévu par les instruments dedroit communautaire, le Code prévoit que toutjugement étranger est reconnu de plein droiten Belgique sans aucune procédure (art. 22,§ 1er). Cette modification emporte des consé-quences importantes. Ainsi si l’on admettaitauparavant qu’un jugement étranger ne per-mettait, en l’absence d’un Traité, que de pro-céder, comme tout titre privé, à une saisie-arrêt conservatoire (125), il y a lieu de consi-dérer aujourd’hui que, même en l’absence deconvention internationale, tout jugement

étranger, reconnu de plein droit, permet depratiquer sans autorisation préalable du jugedes saisies, n’importe quelle saisie conserva-toire sur la base de l’article 1414 du Code ju-diciaire (126).

87. — Suppression de la révision au fond.— L’article 570 ancien du Code judiciaireobligeait (127) le juge belge à procéder à larévision au fond de la décision étrangère,c’est-à-dire à refaire le procès en vérifianttous les éléments de fait et de droit tranchés àl’étranger. La Cour de cassation n’avait admisune dérogation prétorienne à ce contrôlequ’en matière d’état et de capacité des per-sonnes (128). Cette révision est à présent ex-pressément interdite pour l’ensemble des dé-cisions étrangères par l’article 25, § 2. Toutcontrôle de la « qualité » du travail du jugeétranger n’est cependant pas écarté puisque leCode maintient plusieurs motifs de refus dereconnaissance qui impliquent nécessaire-ment une appréciation, certes marginale, ducontenu de la décision étrangère. Tel estnotamment le cas de l’exception d’ordre pu-blic, du respect des droits de la défense et dela fraude à la loi normalement applicable.Dans tous ces cas, les éléments de fait et dedroit pris en considération par le juge étran-ger seront pour le juge belge non plus« l’objet de sa décision » mais celui de « saréflexion » (129).

b) Compétence, procédure et mesures conservatoires

88. — Compétence matérielle. — En cas decontestation portant sur la reconnaissanced’une décision étrangère, celle-ci est tranchéesoit par la juridiction belge devant laquelle laquest ion se pose de manière inc idente(art. 22, § 1er), soit par le tribunal de premièreinstance (130) (131) au terme de la procédureprévue à l’article 23. Le Code consacre à cetégard expressément l’action en opposabilitéou en inopposabilité du jugement étranger :toute personne qui y a intérêt ainsi que, enmatière d’état d’une personne, le ministèrepublic, peut faire constater que la décisiondoit être reconnue ou ne peut l’être (art. 22,§ 2). La demande en déclaration de la forceexécutoire est quant à elle toujours portée de-vant le tribunal de première instance et, enmatière d’insolvabilité, devant le tribunal decommerce (art. 23, § 1er). Elle suppose bienentendu que la décision étrangère soit exécu-toire dans l’Etat où elle a été rendue (art. 22,§ 1er) (132).

(122) Pour l’exposé le plus récent de ces effets, voy.Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommiè-res, Droit international privé, 8e éd., Paris, Dalloz,2004, p. 711, nos 493 et s.

(123) C’est-à-dire toute décision rendue par uneautorité exerçant un pouvoir de juridiction (art. 22,§ 3, 1o).(124) Cass., 29 mars 1973, Pas., I, 725.(125) G. de Leval, Traité des saisies, éd. Fac. dr. Liè-ge, 1988, p. 322. Le jugement étranger pouvait éga-lement être invoqué à l’appui d’une requête en auto-risation de saisir conservatoirement.

(126) Ibidem, p. 323. A la condition bien entenduqu’il y ait célérité au sens de l’article 1413 du Codejudiciaire.(127) Voy. pour un rappel récent de cette obligation,Cass . , 14 oct . 2004, C.03.0424.F, e t concl .Th. Werquin.(128) Cass., 29 mars 1973, précité.(129) Pour reprendre les termes de P. Gothot, « Desconditions auxquelles une décision étrangère peutfonder, en Belgique, une exception de chose jugée »,note sous Cass., 29 mars 1973, R.C.J.B., 1975, p. 570.(130) Ou, en matière de procédures d’insolvabilité (àl’exception du règlement collectif de dettes), par letribunal de commerce (art. 23, § 1er et 121, § 4).(131) L’article 570 du Code judiciaire est modifié enconséquence.(132) Sur le caractère exécutoire par provision du ju-gement étranger, voy. infra, nos 93 et 100.

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89. — Compétence territoriale. — La de-mande en reconnaissance, formée à titre prin-cipal, ou en déclaration de la force exécutoireest portée devant le tribunal de première ins-tance du domicile ou de la résidence habituel-le en Belgique du défendeur; à défaut de do-micile ou de résidence en Belgique, ce tribu-nal est celui du lieu d’exécution (art. 23,§ 1er) (133).

90. — Procédure sur requête unilatérale. —Le Code modifie également profondémentl’introduction et l’instruction de la demandeen reconnaissance (principale) ou en déclara-tion de la force exécutoire. Celles-ci ont dé-sormais lieu conformément aux articles 1025à 1034 du Code judiciaire (art. 23, § 3), c’est-à-dire selon le régime de droit commun de larequête unilatérale. Le requérant doit en outrefaire élection de domicile dans le ressort dutribunal. Le juge doit quant à lui « statuer àbref délai ».

91. — Pièces à produire et légalisation. —L’article 24, § 1er, du Code, au texte duquel ilest renvoyé, énumère de manière précise lespièces qui doivent être produites par la partiequi invoque la reconnaissance ou demande ladéclaration de la force exécutoire de la déci-sion étrangère. Le paragraphe 2 de la mêmedisposition réserve le pouvoir du juge d’im-partir un délai pour la production de ces docu-ments, d’accepter des documents équivalentsvoire même, s’il s’estime suffisamment éclai-ré, d’en dispenser. En vertu de l’article 30,§ 1er, l’expédition de la décision étrangèreproduite en Belgique doit être obligatoirementlégalisée (134).

92. — Interdiction de l’exécution provisoi-re. — Par dérogation à l’article 1029 du Codejudiciaire, durant le délai de (tierce) opposi-tion contre l’ordonnance autorisant l’exécu-tion et jusqu’à ce qu’il ait été statué sur ce re-cours, il ne peut être procédé qu’à des mesuresconservatoires sur les biens de la partie contrelaquelle l’exécution est demandée (art. 23,§ 5) (135).

93. — Jugement étranger exécutoire parprovision. — A l’instar de l’article 46 du rè-glement Bruxelles I, le Code prévoit que lors-que le jugement étranger, exécutoire par pro-vision, peut faire ou fait l’objet d’un recoursordinaire dans l’Etat d’origine, le juge peutsubordonner son exécution « provisoire » enBelgique à la constitution d’une garantie(art. 23, § 4) (136).

c) Motifs de refus de reconnaissance et d’exécution des jugements

94. — Liste exhaustive. — Aux termes del’article 22, § 1er, du Code, la décision étran-gère ne peut être reconnue ou déclarée exécu-toire que si elle ne contrevient pas aux condi-tions de l’article 25, § 1er (137). Ce dernierénumère, de manière exhaustive, les motifs derefus de reconnaissance et d’exécution d’unedécision judiciaire étrangère (1o à 9o). Cer-tains de ces motifs sont purement et simple-ment repris de l’ancien article 570, alinéa 2,du Code judiciaire, d’autres sont totalementnouveaux. L’article 25, § 1er, 9o, réserve parailleurs expressément les motifs de refus spé-ciaux prévus par le Code dans des matièresparticulières (138).

95. — Contrariété manifeste à l’ordre pu-blic. — Le Code consacre expressément lathéorie — déjà admise par la Cour de cassa-tion (139) — du caractère « atténué » de l’ex-ception d’ordre public en matière de recon-naissance de situations valablement créées àl’étranger. Ce sont donc les effets de la recon-naissance ou de l’exécution de la décisionétrangère — et non la décision elle-même —qui doivent être manifestement incompatiblesavec l’ordre public international belge. LeCode précise encore que cette incompatibilités’apprécie en tenant compte, notamment, del’intensité du rattachement de la situationavec l’ordre juridique belge et de la gravité del’effet produit (1o) (140).

96. — Violation des droits de la défense. —Le Code conserve bien évidemment la vérifi-cation du respect des droits de la défense (2o),tels qu’ils sont conçus en droit belge (141)mais aussi et surtout tels qu’ils sont garantispar l’article 6, § 1er, de la Convention euro-péenne des droits de l’homme(142).

97. — Fraude à la loi normalement applica-ble. — S’il supprime la révision au fond, leCode maintient, mais uniquement dans lesmatières où les personnes n’ont pas la libre

disposition de leurs droits, un contrôle de laloi normalement applicable (3o) afin de sanc-tionner la partie qui se déplace à l’étrangerafin d’y « obtenir un résultat au fond qu’ellen’aurait pas pu obtenir devant son jugenaturel » (143).

98. — Inconciliabilité de décisions. — LeCode apporte de manière heureuse une répon-se aux conflits de décisions en édictant que lejugement étranger ne sera ni reconnu ni exé-cuté s’il est inconciliable avec une décisionrendue en Belgique ou avec une décision ren-due antérieurement à l’étranger et susceptibled’être reconnue en Belgique (5o) (144). Afind ’ é v i t e r u n e é v e n t u e l l e « c o u r s e a ujugement » (145), la loi prévoit que la recon-naissance et l’exécution seront aussi refuséeslorsque la décision a été obtenue à la suited’une demande introduite à l’étranger aprèsl’introduction en Belgique d’une demande,encore pendante, entre les mêmes parties etsur le même objet (6o) (146).

99. — Contrôle de la compétence indirecte.— Le Code prévoit encore deux motifs de re-fus liés à la compétence du juge d’origine. Lepremier vise l’hypothèse où le jugementétranger aurait été rendu dans une matière quirelève de la compétence « exclusive » desjuridictions belges (7o) (147). Le second con-cerne le cas où le juge étranger n’a pu fondersa compétence («exorbitante ») que sur lasimple présence du défendeur ou de bienssans relation directe avec le litige (8o).

100. — Recours ordinaire dans l’Etatd’origine. — La décision étrangère qui peutencore faire l’objet d’un recours ordinairedans l’Etat d’origine ne peut être ni recon-nue, ni exécutée (148). De manière assezcontradictoire, le législateur a néanmoinsprévu que cela n’excluait pas que la décisionétrangère puisse être « provisoirement » exé-cutée en Belgique; le juge pouvant subordon-

(133) En cas de demande de reconnaissance non di-rigée contre un défendeur, le demandeur peut saisirle juge du lieu de son domicile ou de sa résidence ha-bituelle et, à défaut de domicile ou de résidence enBelgique, le tribunal de l’arrondissement de Bruxel-les (art. 23, § 2, al. 2).(134) Les paragraphes 2 et 3 de l’article 30 règlentles auteurs et modalités de cette légalisation.(135) A l’instar du règlement Bruxelles I, l’article 23,§ 5, du Code prévoit que la décision qui autorise l’exé-cution emporte l’autorisation de procéder à des mesu-res conservatoires. Par conséquent, le créancier, munide la déclaration accordant la force exécutoire, pourrapratiquer n’importe quelle forme de saisie conservatoi-re sans devoir démontrer que le cas requiert célérité.(136) L’article 23, § 4, dont la rédaction est quelquepeu malhabile, doit, selon nous, être lu en ayantégard au règlement Bruxelles I qui a directement ins-

piré les rédacteurs du Code. Il ne peut en aucun casêtre interprété comme autorisant, par dérogation àl’article 23, § 5, le créancier muni d’un jugementétranger exécutoire par provision à procéder en Bel-gique à des « mesures d’exécution provisoires » du-rant le délai de (tierce) opposition ou avant qu’il aitété statué sur ce recours.(137) Le législateur ayant déclaré vouloir s’alignersur le régime antérieurement réservé aux décisionsétrangères rendues en matière d’état et de capacitédes personnes, il semble que ce serait à la partie quiinvoque la reconnaissance de plein droit de démon-trer que le jugement étranger ne se heurte pas à unmotif de refus visé par l’article 25, § 1er, du Code.En d’autres termes, et contrairement au droit com-munautaire, la décision étrangère ne bénéficieraitpas d’une présomption de régularité qui devrait êtrerenversée par celui qui s’oppose à la reconnaissanceou l’exécution. Cette question mériterait cependantd’être approfondie.(138) Soit par les articles 39, 57, 72, 95, 115 et 121.(139) Cass., 29 avril 2002, Revue Divorce, 2003,p. 98, note C. Barbé.(140) La délicate question de la conformité de la ré-pudiation unilatérale de droit marocain à l’ordre pu-blic fait l’objet d’une disposition particulière duCode (art. 57). voy. infra, no 154.(141) Cass., 5 janv. 1995, Pas., I, 15.(142) Rapport Sénat, p. 65.

(143) Proposition de loi, p. 54.(144) Contrairement à l’article 34, 4o, du règlementBruxelles I, l’article 25, § 1er, 5o n’exige pas que ladécision étrangère antérieure ait été rendue « entreles mêmes parties dans un litige ayant le même objetet la même cause ».(145) Proposition de loi, p. 55.(146) Voy. supra, no 37 sur la notion de « demandependante » en cas de dérogation volontaire à la com-pétence.(147) Constituent notamment des compétences« exclusives » des juridictions belges : la compéten-ce prorogée en vertu de l’article 6, § 1er, ainsi quecelles en matière de propriété intellectuelle (art. 95)et de personnes morales (art. 115).(148) Cette disposition est manifestement le fruitd’une méconnaissance par les auteurs du Code del’interprétation qu’il convenait de réserver à l’ancienarticle 570, alinéa 2, 4o, du Code judiciaire. L’expo-sé des motifs indique en effet que « le motif de refusselon lequel la décision pour être reconnue, ne peutpas faire l’objet d’un recours ordinaire, apparaîtcomme devant être maintenu » (proposition de loi,p. 55). Or, la majorité de la doctrine et de la jurispru-dence admettait que pour être reconnue et exécutéeen Belgique, il suffisait que la décision soit exécutoi-re — et non nécessairement coulée en force de chosejugée — dans le pays où elle a été rendue (voy.R. Vander Elst et M. Weser, Droit international pri-vé belge, tome II, Bruxelles, Bruylant, 1985, p. 472et les réf. cit. à la note 207).

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ner cette exécution à la constitution d’unegarantie (art. 23, § 4) (149).

§ 3. — Reconnaissance et exécution des actes authentiques

et transactions judiciaires

a) Principes

101. — Reconnaissance de plein droit. —Tout comme les décisions étrangères, les actesauthentiques étrangers (150) sont reconnus enBelgique par toute autorité sans qu’il faille re-courir à aucune procédure (art. 27, § 1er).Pour être produits en Belgique, ils doivent ce-pendant avoir été légalisés (art. 30, § 1er).

102. — Contrôle de la validité. — La recon-naissance ou l’exécution de l’acte authentique— ou encore d’une transaction passée devantun juge étranger (art. 27, § 3) — est toutefoissubordonnée à l’établissement de sa validitéconformément au droit applicable en vertu duCode, en tenant spécialement compte des dis-positions relatives à la fraude à la loi et à l’or-dre public (art. 27, § 1er).

b) Compétence et procédure

103. — Renvoi. — Lorsqu’une autorité refusede reconnaître la validité de l’acte authentiqueétranger ou qu’une partie souhaite obtenir ladéclaration de la force exécutoire de cet acte— ou d’une transaction passé devant un jugeétranger — en Belgique, elle doit recourir à laprocédure sur requête unilatérale prévue pourla reconnaissance et l’exécution des décisionsétrangères déjà examinée (art. 27, § 1er, infine et § 2).

§ 4. — Mention et transcription

104. — Principe. — Tout acte authentiqueétranger ou décision étrangère concernantl’état civil peut faire l’objet d’une mention enmarge d’un acte de l’état civil ou être transcritdans un registre de l’état civil après qu’il aitété vérifié qu’ils répondent aux conditions (devalidité) de l’article 27, § 1er, dans le cas desactes authentiques, ou aux conditions (de re-connaissance) des articles 24 et 25, dans lecas des décisions étrangères. Il faut encore si-gnaler l’insertion dans le Code civil d’un nou-vel article 48 qui régit spécialement la trans-cription des actes étrangers de l’état civil con-cernant des Belges (151).

105. — Modalités de la vérification. —C’est au dépositaire de l’acte ou du registrequ’il appartient de vérifier que l’acte authen-tique étranger ou la décision étrangère remplitles conditions de validité ou de reconnaissan-ce en Belgique. En cas de doute sérieux, ilpeut néanmoins transmettre l’acte ou la déci-sion pour avis au ministère public qui procèdesi nécessaire à des vérifications complémen-taires (art. 31, § 2, in fine). Afin de rendre lavérification des autorités concernées plusaisée, le Code habilite le Roi à créer et à fixerles modalités de la tenue d’un registre des dé-

cisions et actes qui peuvent être transcrits oufaire l’objet d’une mention en marge (art. 31,§ 3).

106. — Recours. — Lorsque le dépositaire duregistre refuse de procéder à la mention ou àla transcription, un recours peut être introduit,par requête unilatérale, devant le tribunal depremière instance de l’arrondissement danslequel le registre est tenu (art. 31, § 1er).

Hakim BOULARBAH

3

RÈGLES SPÉCIALES

A. — Etat et capacité des personnes

§ 1er. — L’état, la capacité et la protection des incapables

107. — La première section du chapitre 2 duCode traite sous un même titre, d’une part, desquestions d’état et de capacité des personneset, d’autre part, de l’autorité parentale, de latutelle et de la protection des incapables. Cepremier paragraphe analyse ces sujets à l’ex-ception de l’autorité parentale. Cette matièreest examinée ci-après sous le titre B consacréaux relations parents - enfants.

a) Compétence internationale

108. — Critère général. — Tant les procédu-res contentieuses que les procédures gracieu-ses peuvent être menées en Belgique si l’inté-ressé y a sa résidence ou possède la nationalitébelge (art. 32). Ces deux critères s’ajoutentaux règles générales de compétence viséesaux articles 5 et suivants du Code (152).

109. — Critères additionnels. — L’article 33prévoit plusieurs critères complémentaires :— la situation des biens d’un incapable enBelgique fonde la compétence du juge belge;— l’urgence permet également au juge belged’intervenir à l’égard d’une personne se trou-vant sur le territoire.

b) Règles de conflits de lois

110. — L’état et la capacité : le principe. —L’article 34, § 1er, alinéa 1er, reprend le critè-re classique de l’application à l’état et à la ca-pacité des personnes de la loi nationale.

111. — Les tempéraments. — L’applicationde la technique du renvoi, pourtant écartée parles dispositions générales du Code (153) estautorisée : « la capacité est régie par le droitbelge si le droit étranger conduit à l’applica-tion de ce droit » (art. 34, § 1er, al. 2). En casde changement de nationalité, les droits et lessituations constituées sous l’empire d’une an-cienne nationalité sont acquis (art. 34, § 1er,al. 3). La loi nationale ne s’applique pas auxincapacités propres à un rapport juridique (par

exemple dans le cadre de la reconnaissanced’un enfant (154)) qui sont régies par le droitapplicable à ce dernier (art. 34, § 2).

112. — La tutelle et la protection de l’inca-pable. — Priorité est donnée au principe deproximité. Alors que l’on appliquait tradition-nellement la loi nationale, la loi applicable estdésormais celle de la résidence habituelle aumoment des faits qui suscitent l’adoption demesures (art. 35, § 1er), sauf si elle ne permetpas d’assurer la protection de la personne etdes biens. Elle est dans cette hypothèse écar-tée au profit de la loi de la nationalité et, à titresubsidiaire, du droit belge (art. 35, § 2).

§ 2. — Les noms et prénoms

113. — Compétence internationale. — Lejuge belge est compétent en matière de déter-mination du nom ou du prénom si l’intéresséest belge ou a sa résidence en Belgique au mo-ment de l’introduction de la demande (art. 36,al. 1er). Les autorités belges ne peuvent parcontre procéder au changement du nom ou duprénom que d’un ressortissant belge (art. 36,al. 2) (155).

114. — Droit applicable. — La détermina-tion ainsi que le changement, volontaire oupar effet de la loi, du nom et du prénom sontrégis par la loi nationale (art. 37 et 38). La loiapplicable au rapport familial (mariage, divor-ce, filiation) à l’origine du changement denom n’a pas de titre à intervenir.

115. — Reconnaissance. — Outre le respectdû aux conditions générales de reconnaissan-ce d’une décision étrangère prévues parl’article 25 (156), les effets en Belgique de ladétermination ou d’un changement de nom oude prénom dépendent de la nationalité de lapersonne concernée. La détermination du nomd’un Belge à l’étranger n’est reconnue en Bel-gique que si elle a été effectuée en conformitéavec le droit belge (art. 39, 2 o). Le change-ment de nom obtenu par un Belge à l’étrangerne peut être reconnu en Belgique que s’il pos-sède également une seconde nationalité d’unEtat membre de l’Union européenne. Il fautalors que les règles relatives à la détermina-tion du nom applicables dans cet Etat membreaient été respectées (art. 39, 1 o). Cette règle adû être inscrite dans le Code à la suite du pro-noncé par la Cour de just ice des Com-munautés européennes de l’arrêt Garcia Avel-lo (157). Cet arrêt impose aux autorités belgesde tenir compte du nom tel qu’attribué dans unautre Etat membre, en l’occurrence l’Espa-gne. La question de l’application de cette ju-risprudence à la détermination du nom se po-se, même si l’hypothèse visée par l’arrêt estcelle d’un changement de nom. Les travauxpréparatoires renvoient à la jurisprudence fu-ture de la Cour pour clarifier le champ d’ap-plication du principe posé dans l’affaire Gar-cia Avello (158). Un ressortissant étranger ne

(149) Voy. supra, no 93.(150) C’est-à-dire ceux qui réunissent les conditionsnécessaires à leur authenticité selon le droit de l’Etatdans lequel ils ont été établis (art. 27, § 1er, al. 2).(151) Voy. circulaire, p. 69.601, pt G.6.

(152) Voy. supra, nos 32 et s.(153) Art. 16. Voy. supra, no 54.

(154) Voy. infra no 121.(155) Voy. la loi du 15 mai 1987 relative aux noms etprénoms qui n’est en effet ouverte qu’aux ressortis-sants belges, M.B., 20 juill. 1987.(156) Voy. supra, nos 94 et s.(157) C.J.C.E., Carlos Garcia Avello c. Belgique,2 oct. 2003, C-148/02, non encore publié au Recueil.(158) Rapport Chambre, p. 29.

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peut quant à lui changer de nom à l’étrangerque si cette détermination ou ce changementde nom est reconnu dans l’Etat dont il a la na-tionalité (art. 39, 3 o).

§ 3. — L’absence

116. — Compétence internationale. —Outre les critères généraux, à l’exception de larègle générale visée à l’article 5, le juge belgeest compétent si l’absent est belge, avait sa ré-sidence habituelle en Belgique ou avait desbiens en Belgique (art. 40).

117. — Règles de conflits de lois. — Le droitapplicable à l’absence est celui de la nationa-lité de la personne concernée (art. 41, al. 1er).Par contre, comme en matière de successions,l’administration provisoire des biens de l’ab-sent est régie par le droit de l’Etat sur le terri-toire duquel la personne résidait habituelle-ment lors de sa disparition. Lorsque ce droitne permet pas d’organiser l’administrationdes biens, celle-ci est régie par le droit belge(art. 41, al. 2).

B. — Les relations parents - enfants

118. — L’on traite sous ce titre de la filiation,de l’autorité parentale et des obligations ali-mentaires. Il faut être attentif aux textes inter-nationaux applicables en ces matières et quipriment sur le Code.

§ 1er. — La filiation

119. — Compétence internationale en ma-tière d’établissement ou de contestation dela paternité ou de la maternité. — Le Codeutilise de manière alternative les critères de larésidence et de la nationalité commune. Lejuge belge est compétent si :— la résidence habituelle de l’enfant ou de lapersonne dont la paternité ou la maternité estinvoquée ou contestée se trouvent en Belgiquelors de l’introduction de la demande (art. 61,1 o et 2o);— l’enfant et la personne dont la maternité oula paternité est invoquée ou contestée sontbelges lors de l’introduction de la demande(art. 61, 3 o).

120. — La reconnaissance. — Le Code con-sacre une disposition spécifique à la recon-naissance. L’article 65 prévoit des critères lar-ges qui opèrent de manière alternative. Unacte de reconnaissance peut être établi en Bel-gique si :— soit l’auteur est belge, est domicilié ou asa résidence habituelle en Belgique au mo-ment où l’acte est posé;— soit l’enfant est né en Belgique ou a sa ré-sidence habituelle en Belgique au moment dela passation de l’acte.

121. — Loi applicable. — Principe. —Avant l’entrée en vigueur du Code, la juris-prudence distinguait la filiation par l’effet dela loi (mater semper certa est et présomptionde paternité du mari de la mère) régie par laloi de l’auteur et les autres formes de filiation(reconnaissance, action en recherche de pater-nité, désaveu et contestation de paternité) sou-mises à la loi de l’enfant, censée refléter ses

intérêts (159). Le Code écarte l’application dela loi de l’enfant au profit de l’application dela loi de l’auteur, c’est-à-dire la loi de la mèreou du père à la date de la naissance de l’enfantou au moment de l’acte volontaire — recon-naissance — conduisant à l’établissement dulien de filiation (art. 62, § 1er, al. 1er).

122. — Loi applicable au consentement. —Il est dérogé à l’application de la loi nationalede l’auteur au profit de la loi de la résidencehabituelle de l’enfant si la première ne prévoitpas l’exigence et les modalités du consente-ment de l’enfant (art. 62, § 1er, al. 2).

123. — Conflits de filiations. — L’applica-tion de la loi de l’auteur et, partant, de lois dif-férentes si plusieurs auteurs se manifestent,peut conduire à trois types de conflits :— Le conflit entre un lien de filiation résul-tant de la loi et un lien découlant d’un acte vo-lontaire est résolu par la première de ces deuxlois qui détermine l’effet d’une reconnaissan-ce sur la filiation (art. 62, § 2, al. 1er).— Le conflit entre deux présomptions de pa-ternité jouant sur la base de délais différentsprévus par les deux législations nationalesdistinctes est régi par application de la loiavec laquelle la situation a les liens les plusétroits (art. 62, § 2, al. 1er).— Le conflit entre deux reconnaissances estrésolu par application du droit régissant lapremière reconnaissance qui décide des effetssur celle-ci d’une reconnaissance ultérieure(art. 62, § 2, al. 2).

124. — Le domaine de la loi applicable à lafiliation. En vertu de l’article 63 du Code, laloi de l’auteur régit les questions suivantes :— qui peut rechercher ou contester un lien defiliation;— quels sont les modes de preuve, sur qui re-posent la charge et l’objet de la preuve;— quelles sont les conditions pour que jouela possession d’état et quels sont ses effets;— quels sont les délais d’intentement des ac-tions.

La loi de la filiation laisse subsister l’applica-tion de lois propres aux questions du nom (su-pra, no 114), de l’autorité parentale (infra,no 128) et des aliments (infra, nos 132 et s.).

125. — Les formes de la reconnaissance. —Le Code prévoit des critères alternatifs favo-rables à la validité de l’acte de reconnaissan-ce. Ce dernier est valable s’il a été dressé con-formément soit à la loi applicable à la filia-tion, soit à la loi du pays sur le territoireduquel l’acte est posé (art. 64). Ces formalitésétaient précédemment régies par le seul droitapplicable au rapport de filiation. Les formesde la reconnaissance déterminent par exemplesi une homologation judiciaire est nécessaireen cas d’établissement de la filiation hors ma-riage lorsque l’auteur de la reconnaissanceétait marié.

§ 2. — L’autorité parentale

126. — Compétence internationale. — Larègle spéciale de l’article 33. — Outre l’arti-

cle 32 (supra, no 108) qui autorise le juge bel-ge à intervenir à l’égard d’une personne rési-dant en Belgique ou ayant la nationalité belge,l’article 33 permet d’agir en cas d’urgence oude connaître des questions relatives à l’autori-té parentale et au droit d’hébergement si lesjuridictions belges sont saisies d’une demandede nullité de mariage, de divorce ou de sépa-ration de corps des parents d’un jeune âgé demoins de dix-huit ans.

127. — Primauté du droit international :les règlements Bruxelles II et IIbis. — Ilfaut être attentif en cette matière à l’applica-tion des règlements Bruxelles II et IIbis quipriment sur le droit interne et, partant, sur lesdispositions du Code. Le premier vise le con-tentieux conjugal et les questions relativesaux enfants qui y sont connexes (fond et référédans le cadre d’un divorce). Le second, qui estapplicable depuis le 1er mars 2005, étend lechamp d’application de Bruxelles II à la tutel-le et l’autorité parentale en dehors du conten-tieux conjugal (l’autorité parentale, l’héber-gement et le droit aux relations personnellesdevant le juge de paix, devant le président dutribunal de première instance en référé pen-dant la procédure en divorce et en dehors decelle-ci en cas d’urgence, devant le juge de lajeunesse). Le droit interne a un titre à s’appli-quer de manière résiduelle, l’article 14 du rè-glement indiquant que « lorsqu’aucune juri-diction d’un Etat membre n’est compétente envertu des articles 8 à 13, la compétence est,dans chaque Etat membre, réglée par la loi decet Etat ». Il peut dès lors être recouru au droitinterne si les règles de compétence internatio-nale de Bruxelles IIbis ne permettent pas defonder la compétence du juge d’un autre Etatmembre. Celles-ci étant fort larges, l’applica-tion du Code ne sera pas fréquente. Si les rè-gles de compétence prévues par le règlementde Bruxelles IIbis ne peuvent être présentéesde manière exhaustive ici, elles peuvent êtresynthétisées comme suit. Elles utilisent pourl’essentiel le critère de la résidence habituellede l’enfant. Le juge d’un autre Etat ne peutêtre compétent en marge du contentieux con-jugal et pendant celui-ci que s’il est satisfait àtrois conditions : l’enfant doit avoir sa rési-dence habituelle dans l’un des Etats membres,l’un des époux doit exercer la responsabilitéparentale à son égard et la compétence de lajuridiction doit avoir été acceptée par lesépoux et être dans l’intérêt supérieur de l’en-fant. Ces trois conditions ne figurent pas dansle Code, ce qui lui permet de fonder la compé-tence du juge belge de manière résiduelle. Ilen va de même de sa possibilité d’intervenirsur la seule base de la nationalité de l’enfant(160).

128. — Règles de conflit de lois. — Applica-tion de la loi de la résidence habituelle. —On peut renvoyer ici à l’exposé relatif aux rè-gles de conflit de lois applicables en matièrede tutelle et de protection des incapables (su-pra, no 112). Le Code reprend le critère déjàutilisé par la jurisprudence majoritaire en ma-tière d’autorité parentale consistant à appli-quer la loi de la résidence habituelle de l’en-fant lors des faits qui suscitent l’adoption demesures ou au moment de l’exercice del’autorité parentale (art. 35).

(159) Voy. notam., Cass., 1re ch., Lakaye c. Nigra,20 mars 1941, Pas., 1941, I, 91. (160) Art. 32.

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§ 3. — Les aliments

129. — Catégorie de rattachement autono-me. — Le Code regroupe sous une même sec-tion tous les litiges relatifs aux aliments,qu’ils concernent des époux, des ex-époux,des ascendants ou des descendants.

130. — Compétence internationale. — Pri-mauté du droit international. — RèglementBruxelles I. — Le règlement Bruxelles I pri-me sur le droit interne. Il s’applique dès que ledéfendeur a son domicile sur le territoire d’unEta t m emb re de l ’U n i on eu ropé en ne .L’article 5, 2o, fonde la compétence du tribu-nal du lieu où le créancier d’aliments a son do-micile ou sa résidence habituelle, en réservantle cas où la demande relative aux aliments estl’accessoire d’une action relative à l’état despersonnes (divorce, filiation, etc.). Dans cettehypothèse, le juge compétent pour connaîtrede la demande d’aliments est le juge désignéselon les règles de conflit de juridictions dujuge compétent pour connaître de la procédurerelative à l’état des personnes, à moins qu’el-les ne se reposent sur le seul critère de la na-tionalité de l’une des parties.

131. — Compétence internationale. —Droit interne. — Si le défendeur n’est pas do-micilié sur le territoire d’un Etat membre del’Union européenne, la règle alternative pré-vue par le Code s’applique. Elle désigne lejuge de l’Etat où le créancier d’aliments a sarésidence habituelle au moment de l’introduc-tion de la demande ou le juge de la nationalitécommune du créancier et du débiteur d’ali-ments (art. 73, § 1er). Une règle similaire àcelle du règlement Bruxelles I régit l’hypo-thèse où l’action alimentaire est accessoire àune action concernant l’état des personnes(art. 73, § 2).

132. — Loi applicable. — Primauté dudroit international. — Convention de LaHaye du 24 octobre 1956. — La Conventionde La Haye du 24 octobre 1956 (161) régit ledroit applicable aux obligations alimentaires àl’égard des enfants (162) qui ont leur résiden-ce habituelle sur le territoire d’un Etat con-tractant (163). Elle pose pour principe l’appli-cation de la loi de la résidence habituelle ducréancier d’aliments. Deux tempéramentssont prévus. D’une part, l’article 2 de la loibelge d’approbation du 27 juillet 1970 dispo-se que le droit belge est applicable si le créan-cier et le débiteur d’aliments sont belges et sile second a sa résidence habituelle en Belgi-que et ce même si l’enfant n’y réside pas.D’autre part, aux termes de l’article 3 de laConvention, la loi du for est appliquée si la loide la résidence habituelle de l’enfant lui refu-se tout droit aux aliments.

133. — Loi applicable. — Droit interne. —Le critère de la résidence habituelle du créan-cier d’aliments remplace l’article 3, alinéa 3,du Code civil (art. 74, § 1er, al. 1er). Il y estfait exception au profit de la loi de la nationa-

lité commune des parties si elle correspond àla résidence habituelle du débiteur d’alimentset ce afin d’éviter la délocalisation volontairedu créancier d’aliments (art. 74, § 1er, al. 2).Ce tempérament ne joue pas si le droit natio-nal commun désigné n’accorde pas de droitaux aliments; dans cette hypothèse, le droitbelge est applicable (art. 74, § 2).

134. — Option de droit. — Les parties peu-vent aussi choisir le droit applicable en con-cluant une convention relative aux aliments.Elles ne peuvent opter que pour le droit del’Etat dont l’une des parties a la nationalité oupour celui du territoire sur lequel l’une d’ellesa sa résidence habituelle (art. 75, § 1er). Laconvention est valable quant à sa forme sicelle-ci se conforme soit au droit applicableau fond, soit à celui de l’Etat sur le territoireduquel elle a été signée (art. 75, § 3).

135. — Domaine de la loi applicable. — Laloi applicable régit les questions suivantes :qui, dans quelle mesure, à qui et dans quelsdélais le créancier peut demander des ali-ments et comment la créance alimentaire varieet s’éteint (art. 76, § 1er). La subrogation dansles droits du créancier au profit d’un tiers quil’a désintéressé est par contre gouvernée parle droit applicable à l’obligation du tiers dedésintéresser ce créancier (art. 76, § 2). Il s’ensuit que si une institution publique a octroyédes avances alimentaires à un créancier d’ali-ments, la loi applicable est celle qui régit larelation entre cette institution et le créancierd’aliments (164).

Sylvie SAROLÉA

C. — Mariage et divorce

136. — Introduction. — Sous ce titre, nousanalyserons le chapitre III, qui traite des rela-tions matrimoniales — à l’exception de sasection 4, consacrée aux régimes matrimo-niaux — ainsi que le chapitre IV, portant surles relations de vie commune. Les règles con-sacrées par le chapitre VI, relatif aux obliga-tions alimentaires, seront examinées incidem-ment.

§ 1er. — Les relations matrimoniales

137. — Compétence internationale en ma-tière de relations matrimoniales. — Princi-pe. — L’article 42 déclare les juridictions bel-ges compétentes, premièrement, en cas de de-mande conjointe, si l’un des époux a sarésidence habituelle en Belgique lors de l’in-troduction de la demande, deuxièmement, sila dernière résidence habituelle commune desépoux y était située moins de douze moisavant cette date, troisièmement, si le deman-deur y a sa résidence habituelle depuis douzemois au moins à cette date, et quatrièmementsi les époux partagent la nationalité belge àcette même date. Cette disposition s’appliquepour toute demande concernant le mariage,ses effets, le régime matrimonial, le divorceou la séparation de corps. Lorsque nous abor-

derons ces différentes matières, nous n’évo-querons la question de la compétence que sid’autres chefs de compétence, additionnels,existent (infra, nos 140, 148 et 151).

a) La promesse de mariage

138. — Compétence. — Il ne semble pas pos-sible d’appliquer l’article 42 à une demandeportant par exemple sur la rupture abusive defiançailles, dès lors qu’il ne s’agit nullementde relations matrimoniales. Seules les disposi-tions générales du Code sont donc suscepti-bles de s’appliquer (165). En revanche, con-trairement aux autres matières que nous exa-minerons ci-dessous, et qui ne pourraient êtreconsidérées comme des matières où les parties« disposent librement de leurs droits en vertudu droit belge » (166), une prorogation volon-taire de compétence nous paraît envisageabledans ce domaine.

139. — Loi applicable. — Selon l’article 45,la promesse de mariage est régie par la loi del’Etat dans lequel les futurs époux ont tousdeux leur résidence habituelle au moment decette promesse. Si les futurs époux ne résidentpas dans le même Etat, la loi de leur nationa-lité commune s’applique, et à défaut, la loibelge. Cette disposition résout la question dela qualification de la promesse de mariage quiétait assez incertaine. Désormais, une deman-de portant sur la rupture abusive de fiançaillesne peut donc plus être rattachée à la lex locidelicti commissi (167).

b) La formation du mariage

140. — Compétence. — Concernant la célé-bration du mariage, l’article 44 donne compé-tence aux autorités belges pour autant que l’undes futurs époux ait soit la nationalité belge,soit sa résidence habituelle en Belgique.L’article 43, 2o, pose quant à lui une règle par-ticulière pour toute demande formée par leministère public quant à la validité du maria-ge.

141. — Loi applicable. — La distinction desrègles de rattachement portant sur les condi-tions de fond du mariage et sur les formalitésd e c é l é b r a t i o n e s t m a i n t e n u e . S i l e sarticles 170 et 170ter du Code civil sont abro-gés, les dispositions du Code en reprennent lasubstance. L’article 46 énonce la règle géné-rale en matière de formation du mariage, quiest l’application distributive de sa loi nationa-le à chacun des futurs époux. Il réserve cepen-dant l’article 47, qui rattache impérativementles « conditions de forme » à la loi du lieu decélébration. Le second paragraphe de cetarticle détaille de façon exemplative le domai-ne d’application de cette loi. Celui-ci inclutles conditions de publicité du mariage, tran-chant une controverse qui portait sur leur qua-lification (168).

(161) Convention sur la loi applicable aux obliga-tions alimentaires envers les enfants, signée à LaHaye le 24 octobre 1956, approuvée par la loi belgedu 17 juillet 1970, M.B., 30 sept. 1970.(162) Art. 1er, al. 4 : « tout enfant légitime, non légi-time ou adoptif, non marié et âgé de moins de vingtet un ans accomplis ».(163) Art. 6.

(164) Voy. en droit belge l’article 98, § 2, de la loi du8 juillet 1976 organique des centres publics d’aidesociale. voy. aussi, infra, no 198.

(165) Voy. supra, nos 32 et s.(166) Contra, en raison de l’autonomie de la volontéintroduite dans les règles de conflit de lois, J.-Y. Car-lier, « Le Code belge de droit international privé »,op. cit., no 21.(167) En ce sens, Civ. Gand, 15 févr. 1982, R.W.,1982-1983, 2770, note J. Erauw.(168) Cette controverse trouve sa source dans l’in-terprétation d’un arrêt de la Cour de cassation du20 févr. 1913 (Pas., 1913, I, 118).

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142. — Sanctions. — Les sanctions de la vio-lation d’une condition de formation du maria-ge — de même que la possibilité d’octroyer lebénéfice de la putativité — sont déterminéespar la loi qui édicte cette condition, telle quedés ignée par l es règ les de conf l i t desarticles 46 et 47 (169). Pour déterminer si unmariage est simulé, il convient donc d’appli-quer la loi nationale de chacun des époux,s’agissant simplement de la question de leurconsentement (170).

143. — Sanctions. — Mariages célébrés àl’étranger. — L’on notera que la validité desmariages célébrés à l’étranger est appréciée àl’aune des règles de conflit du droit belge; leCode reproduit en cela la solution antérieure.Ceci peut conduire à l’existence de mariagesboiteux, c’est-à-dire valables aux yeux d’unelégislation étrangère tout en étant nuls au re-gard du droit belge. En effet, l’officier d’étatcivil étranger qui célèbre l’union ne vérifie lerespect des conditions de formation du maria-ge qu’en fonction de ses propres règles dedroit international privé, qui peuvent être dif-férentes de celles du droit belge (171). Pre-nons l’exemple d’un mariage entre une Belgeet un Néerlandais, célébré aux Pays-Bas, ma-riage qui est valable aux yeux des règles deconflit néerlandaises (172), mais qui ne res-pecte pas les conditions de fond édictées parla loi belge. Ce mariage pourrait être annulépar les juges belges. Ne serait-il pas pertinentde faire jouer dans ce cas la clause d’excep-tion de l’article 19 (173), afin d’écarter la loibelge désignée par l’article 46 pour l’épouse,en ce qu’elle ne présente qu’un lien très faibleavec la situation, alors que cette situation a,par contre, des liens très étroits avec le droitnéerlandais? Selon nous, ce devrait être le cas,l’article 19 précisant qu’il doit être tenucompte du fait que le rapport juridique a étéétabli « régulièrement selon les règles de droitinternational privé des Etats avec lesquelscette relation présentait des liens au momentde son établissement » (174).

144. — Mariage homosexuel. — La différen-ce de sexe des conjoints relève de la loi appli-cable aux conditions de fond du mariage.L’article 46, alinéa 2, édicte cependant une rè-gle particulière, qui anticipe toute question deconformité d’une loi étrangère réservant lemariage aux personnes de sexe différent àl’ordre public international belge (175). Le

mariage homosexuel doit en effet être admis,malgré les dispositions des lois désignées parl’alinéa 1er, pour autant qu’un des futursépoux ait soit la nationalité d’un Etat qui con-naît cette forme de mariage, soit sa résidencehabituelle sur le territoire d’un tel Etat. UnFrançais résidant en Belgique depuis plus detrois mois (176) peut donc épouser un Italienmalgré l’opposition tant de la loi françaiseque de la loi italienne aux mariages homo-sexuels. La condition de résidence en Belgi-que suffit à écarter, quant à cette condition desexe, la loi nationale de chacun des futursépoux.

145. — Mariage homosexuel. — Droittransitoire. — L’article 127, § 3, prévoit uneappl icat ion ré t roact ive de l ’ar t ic le 46,alinéa 2, aux mariages célébrés depuis le1er juin 2003 (177), c’est-à-dire depuis l’en-trée en vigueur de la loi du 13 février 2003ouvrant le mariage à des personnes de mêmesexe (178). Cette règle permet donc de« valider » des mariages célébrés avant l’en-trée en vigueur du Code, mais qui respectentles conditions posées par les lois désignéespar les nouvelles règles de conflit. Ainsi, unjuge belge saisi d’une question portant sur lavalidité d’un mariage entre un Néerlandais etun Français célébré aux Pays-Bas le 2 juin2003 ne pourra plus invoquer les anciennesrègles de conflit, c’est-à-dire le cumul distri-butif des lois nationales, et annuler le mariagepour non-respect des conditions posées par ledroit français (179). De même, une union ho-mosexuelle célébrée en Belgique après le1er juin 2003 et qui n’aurait pas respecté lesconditions posées par la loi nationale de cha-cun des conjoints ne peut plus être annuléepour autant qu’elle respecte le prescrit del’article 46, alinéa 2 (180).

c) Les effets du mariage

146. — Loi applicable. — L’article 48 duCode est une des dispositions qui apportent unchangement important par rapport aux solu-tions antérieures. Est désormais applicableaux effets du mariage la loi de l’Etat dans le-quel les époux ont tous deux leur résidencehabituelle. Ce n’est qu’à défaut d’une résiden-ce dans le même Etat qu’interviendra la loi dela nationalité, mais seulement si elle est com-mune aux époux. L’échelle des rattachementsest donc inversée par rapport à la situation an-térieure. Enfin, à défaut de nationalité com-mune, la loi belge s’applique.Le Code ne fait pas de distinction entre effetspersonnels et effets patrimoniaux du mariage.Le second paragraphe de l’article 48, qui dé-taille le domaine d’application de la loi deseffets du mariage, cite à la fois des effets tra-ditionnellement qualifiés de personnels, etd’autres qui ont un caractère pécuniaire. Seulsles articles 49 et suivants, qui traitent du droitapplicable au régime matrimonial, dérogent àl’article 48 (181). Les effets du mariage quientrent dans ce qu’on appelle le régime pri-maire ne se voient pas non plus appliquer derègle particulière (182). Il n’est fait exceptionque pour les droits concernant l’immeuble quisert au logement principal de la famille et lesmeubles qui le garnissent, pour l’exercice des-quels c’est la lex rei sitae qui est compétente(183). Hormis le cas d’une séparation où l’undes époux quitte l’Etat de la résidence com-mune, ce facteur désignera cependant lamême loi que celle qui régit les autres effetsdu mariage.La question de savoir si une dette contractéepour les besoins du ménage ou l’éducation desenfants par un des époux oblige l’autre est ex-pressément visée à l’article 54, § 2, qui la rat-tache à la loi qui régit le régime matrimonialdes époux; cette question ne relève donc pasnécessairement de la même loi que les autreseffets du mariage qu’on fait entrer dans le ré-gime primaire. Pour un couple résidant enBelgique, qui a fait choix d’une loi étrangèrepour son régime secondaire, et en particulierd’un régime de séparation de biens, la solida-rité du conjoint du débiteur étant déterminéepar cette loi étrangère, l’article 222 du Codecivil ne peut trouver à s’appliquer (184). Uneexception est toutefois prévue si le tiers etl’époux débiteur résident dans le même pays,auquel cas c’est la loi de cette résidence quis’applique à la question de l’obligation à ladette (art. 54, § 2, al. 2).

(169) Proposition de loi, p. 74.(170) Ibid.(171) Voy. L. Barnich, Les actes juridiques en droitinternational privé - Essai de méthode, Bruxelles,Bruylant, 2001, pp. 311 et s.(172) Les Pays-Bas ont ratifié la Convention de LaHaye du 14 mars 1978 sur la célébration et la recon-naissance de la val idi té des mariages, dontl’article 3, 1o, précise que le mariage doit être célé-bré « lorsque les futurs époux répondent aux condi-tions de fond prévues par la loi interne de l’Etat de lacélébration, et que l’un d’eux a la nationalité de cetEtat ou y réside habituellement ».(173) Voy. supra, nos 47 et s.(174) Il faudra toutefois prendre garde à ce qu’il n’yait pas en l’espèce de fraude à la loi.(175) L’article 55, § 3, qui traite de la loi applicableau divorce (voy. infra, no 149), est un autre exemplede la définition par le législateur d’un « ordre publicpositif belge ».

(176) L’article 44 ne donne en effet compétence àl’officier d’état civil belge de célébrer un mariageentre étrangers non domiciliés en Belgique que sil’un d’entre eux y a sa résidence habituelle depuisplus de trois mois (voy. supra, no 140).(177) Etant donné que le Code prévoit désormais desrègles concernant la reconnaissance des actesauthentiques étrangers (voy. supra, no 101) et queces règles peuvent s’appliquer aux actes établisavant l’entrée en vigueur du Code (art. 126, § 2,al. 2), une disposition transitoire propre aux actes demariage entre personnes de même sexe a été prévue(art. 126, § 2, al. 3), en vertu de laquelle les règles dereconnaissance ne valent que pour les actes de ma-riages contractés après le 1er juin 2003 (rapportChambre, p. 15).(178) M.B., 28 févr. 2003.(179) Cela reste en revanche possible pour un tel ma-riage célébré valablement à l’étranger avant le1er juin 2003.(180) On sait qu’une circulaire du 23 janvier 2004(M.B., 27 janv. 2004, p. 4829) avait considéré que,dès lors que l’un des futurs époux avait la nationalitébelge ou résidait habituellement en Belgique, la dis-position étrangère exigeant que les époux soient desexe différent devait être écartée. Les dispositionstransitoires du Code permettent de clarifier la situa-tion étant donné que cette « règle de conflit » n’avaitpour source qu’une circulaire, tandis que les travauxpréparatoires de la loi du 13 février 2003 considé-raient qu’elle ne modifiait en rien le droit internatio-nal privé. Sur cette circulaire, voy. N. Gallus, « Lemariage des homosexuels et le droit internationalprivé », in Droit familial - Actualité législative et ju-risprudentielle, Bruylant, 2004, pp. 9 et s.

(181) Proposition de loi, p. 77; sur les régimes matri-moniaux, voy. infra, nos 159 et s.(182) On notera que le choix du facteur de la rési-dence des époux ôte son intérêt à la question de laqualité de « règles spéciales d’applicabilité » de cer-taines dispositions du régime primaire (propositionde loi, p. 79). En effet, l’article 48 prescrit en toutétat de cause l’application des articles 212 et sui-vants du Code civil à tous les couples résidant enBelgique. Voy. aussi supra, no 63.(183) Cette règle rend aussi inutile la qualificationen règle spéciale d’applicabilité des articles 215 et220 du Code civil.(184) Antérieurement, les auteurs qui considéraientl’article 222 du Code civil comme une loi de police,aboutissaient à la solution inverse voy. N. Watté,avec la collaboration de L. Barnich, « Les conflits delois en matière de régimes matrimoniaux »,Rép. not., t. XV, livre XIV, 1997, p. 113.

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147. — Conflit mobile. — L’absence de toutedistinction entre effets personnels et patrimo-niaux (les régimes matrimoniaux mis à part)apporte, dans le domaine des conflits mobiles,une simplification non négligeable des solu-tions antérieures. Pour tout effet du mariage,sans qu’aucun problème de qualification nepuisse se poser, il convient de tenir compte del’évolution des facteurs de rattachement. Maisle moment à prendre en compte n’est plus,comme on l’enseignait traditionnellementpour les effets personnels du mariage, celui dela survenance du litige, ou, pour les effets pa-trimoniaux, le jour du mariage (185). Désor-mais, c’est au jour où l’effet est invoqué qu’ilfaut se placer(186), ou, si cet effet affecte unacte juridique, au moment de la passation decet acte. Si l’on prend l’exemple d’une sûretépersonnelle donnée par l’un des époux, il fautdésormais, dans un litige portant sur son an-nulation (187), déterminer la loi applicable enfonction de la résidence des époux au jour oùle contrat par lequel un époux s’est engagé aété conclu, et non au jour du mariage, ni à ce-lui de l’introduction de la demande en justice.

d) La dissolution du mariage

148. — Compétence. — L’article 43, 1o,énonce une règle particulière permettant desaisir les juridictions belges d’une demandeen conversion d’une séparation de corps en di-vorce, si cette séparation de corps avait étéprononcée en Belgique. L’on notera cepen-dant que les règles de compétence en matièrede dissolution du mariage ne trouveront quetrès rarement application du fait de l’existencedu règlement Bruxelles IIbis, qui n’organisele retour au droit commun que si aucun deschefs de compétence qu’il énonce ne désigneles juridictions d’un Etat membre. Le Codepeut cependant permettre de fonder la compé-tence des juridictions belges déjà saisies envertu du règlement, pour toutes les questionsqui n’entrent pas dans le champ d’applicationde cet instrument, tels que les effets du divor-ce (à l’exception des demandes d’aliments, vi-sées par le règlement Bruxelles I).

149. — Loi applicable. — Le Code apporteici un changement radical : la loi du 27 juin1960 sur l’admissibilité du divorce lorsqu’undes conjoints au moins est étranger, qui secontentait de désigner la lex fori, est abrogée(art. 139, 9o); des solutions bilatérales sontédictées qui valent pour tous les types de di-vorce, ainsi que pour la séparation de corps;

enfin, une certaine autonomie de la volonté,partielle, est introduite.

L’article 55 est divisé en deux paragraphes.Le second concerne le choix du droit applica-ble par les époux; celui-ci, qui doit être effec-tué lors de la première comparution, est limitéà deux possibilités : la loi de la nationalitécommune des époux ou la loi belge. Ce n’estqu’à défaut d’un tel choix, ou si le choix opéréne respecte pas les conditions posées, que leparagraphe 1er s’appliquera. Un rattachementen cascade y est prévu qui désigne la loi del’Etat dans lequel les deux époux résident ha-bituellement; à défaut de résidence dans unmême pays, la loi de la dernière résidence ha-bituelle commune des époux, pour autant quel’un d’eux réside encore dans cet Etat; à dé-faut d’une telle résidence, la loi de la nationa-lité commune des époux, et enfin, à défaut denationalité commune, la loi belge (188). La loicompétente sera cependant écartée s’il s’agitd’une législation qui ignore l’institution dudivorce (art. 55, § 3), auquel cas la loi appli-cable sera celle désignée par le facteur de rat-tachement subsidiaire.

150. — Domaine de la loi applicable. —L’article 56 détaille ce domaine de façonexemplative. Il précise notamment que la loidu divorce est celle qui détermine si les épouxont l’obligation de rédiger un accord portantdes mesures concernant la personne, les ali-ments et les biens des époux et des enfantsdont ils ont la charge. Ce point tranche unecontroverse, puisque certains estimaient quela lex fori s’appliquait au titre de loi procédu-rale à cette question. Ainsi, si la loi désignéepar l’article 55 n’exige pas de conventionspréalables au divorce par consentement mu-tuel, le juge ne pourra plus en imposer auxparties. Est visée ici l’obligation de rédiger ounon de telles conventions, et non leur contenu.Celui-ci relève toujours de la loi qui lui estpropre; ainsi, la pension alimentaire fixée pardes conventions imposées, par exemple, par laloi belge applicable au divorce, est régie par laloi de la résidence habituelle du créancierd’aliments (voy. infra, no 153).

151. — Effets du divorce. — Compétence. —En vertu de l’article 43, 1o, les juges belges peu-vent être saisis de tout litige tendant à la révisiond’une décision concernant les effets de la sépa-ration de corps ou du divorce, si cette décision aété prononcée par les juridictions belges. S’agis-sant des aliments, le Code ne peut cependantfonder la compétence des juridictions belgesque si le défendeur n’est pas domicilié dans unEtat membre (189). Les juridictions belges peu-vent aussi connaître, en vertu de l’article 73,§ 1er, d’une demande portant sur une obligationalimentaire si le créancier d’aliments a sa rési-dence habituelle en Belgique au moment de l’in-troduction de la demande ou si créancier et débi-teur partagent la nationalité belge à ce moment.Quant au second paragraphe, il permet aux jugesbelges saisis d’une demande concernant l’étatdes personnes d’étendre leur compétence auxdemandes accessoires concernant les aliments.

A nouveau, ces dispositions n’interviennent quesi le défendeur est domicilié dans un Etat tiers.

152. — Effets du divorce. — Loi applicable.Principes. — La loi désignée par l’article 55ne régit que la dissolution du lien, non seseffets (190). Ceux-ci sont chacun régis parleur loi propre : les obligations alimentairesentre ex-époux et vis-à-vis des enfants par lesarticles 74 et suivants, l’aptitude au remariagepar l’article 46, l’exercice de l’administrationde la personne de l’enfant par l’article 35, etc.

153. — Obligations alimentaires entre ex-époux. — Loi applicable. — La loi de la rési-dence habituelle du créancier d’aliments s’ap-plique en vertu de l’article 74, ce qui représen-te un changement radical de la règle de ratta-chement (191). Deux exceptions sont toutefoisprévues. Premièrement, si créancier et débiteurd’aliments partagent une même nationalité, etque le débiteur réside dans l’Etat de cette na-tionalité commune (c’est-à-dire si le seul élé-ment d’extranéité est la résidence du créancierd’aliments), la loi applicable est celle de cetEtat. Seconde exception (192) : si la loi de larésidence habituelle du créancier ne lui accor-de aucun droit aux aliments, un facteur de rat-tachement subsidiaire intervient, qui désigne laloi de la nationalité commune du créancier etdu débiteur. Ce mécanisme a l’avantage, parrapport à l’exception d’ordre public internatio-nal, de désigner potentiellement une autre loiétrangère présentant un lien étroit avec la situa-tion, au lieu de se contenter d’une interventionsubsidiaire de la lex fori (193). Si la loi natio-nale des ex-époux n’accorde, elle non plus,aucun aliment, le droit belge s’applique.

L’article 75 permet aussi aux parties qui con-cluent une convention relative aux aliments dechoisir la loi qui lui est applicable (194); il limi-te ce choix au droit de l’Etat dont l’une des par-ties a la nationalité, ou sur le territoire duquell’une d’elles a sa résidence habituelle. Ce choixn’est cependant pas de nature à empêcherl’éventuelle intervention de l’ordre public inter-national pour des conventions par lesquelles desépoux renoncent par avance à se réclamer mu-tuellement des aliments en cas de divorce (195).

154. — Reconnaissance des répudiations(196). — L’article 57 énonce que ce type de

(185) Comme cela semblait résulter de l’arrêt de laCour de cassation du 25 mai 1992 (Pas., 1992, I,839, concl. J.-F. Leclercq); en ce sens N. Watté, « Laloi du régime primaire des couples mixtes est-elledéfinitivement déterminée? », note sous cet arrêt,R.G.D.C. , 1994, p. 125; contra , F. Rigaux etM. Fallon, Droit international privé, t. II, Bruxelles,Larcier, 1993, no 1001.(186) Moment qui peut différer de celui de l’intro-duction de la demande en justice (proposition de loi,p. 78), mais qui ne sera probablement pas toujoursfacile à déterminer (avis du Conseil d’Etat, p. 265).Voy. égalem., supra, no 76.(187) Comme le précisent les travaux préparatoires,seule l’annulation demandée par le conjoint est régiepar l’article 48; la loi applicable au recours d’un tierscontre l’époux qui n’a pas contracté et dont il invo-que la solidarité relève de l’article 54 (proposition deloi, p. 79).

(188) La jurisprudence de la Cour de cassation quiavait maintenu un rattachement cumulatif aux loisnationales en cas de divorce par consentement mu-tuel de deux étrangers (Cass., 14 déc. 1978, Pas.,1979, I, 445) ne trouvera donc plus à s’appliquer.

(189) Art. 4, règl. Bruxelles I.

(190) Proposition de loi, p. 87.(191) Voy. pour la règle antérieure l’arrêt de la Courde cassation du 16 juin 1994, Pas., 1994, I, 603,concl. E. Liekendael.(192) Notons que cette exception de l’article 74, § 2,est réservée aux aliments entre époux ou envers unenfant mineur. A la lecture des travaux préparatoires,il apparaît que les ex-époux sont également visés(rapport Sénat, pp. 153-154).(193) L’article 21 du Code énonce désormais ex-pressément qu’il convient d’abord de vérifier si la loiétrangère elle-même ne contient pas une autre dispo-sition pertinente susceptible de s’appliquer, avant derevenir au droit belge (voy. supra, no 60).(194) Quant à la forme, la convention doit respecterla loi choisie au fond ou celle du lieu de conclusion(art. 75, § 3).(195) Voy. Mons, 19 janv. 2000, R.G.D.C., 2002,p. 185, et la note de C. Barbé, « Les clauses relativesaux aliments entre ex-époux », pp. 143 et s.(196) Voy. l’avis du comité pour l’égalité des chan-ces entre les femmes et les hommes, Doc. parl., Sén.,2003-2004, 4 mars 2004, no 3-27/5.

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dissolution du mariage ne peut être reconnudans notre pays. Ce principe est tempéré par lesecond paragraphe, qui liste les conditions cu-mulatives à respecter pour néanmoins permet-tre la reconnaissance : outre celles énoncées àl’article 25 (197), il faut que l’acte ait été ho-mologué par une juridiction de l’Etat où il aété établi, qu’aucun époux n’ait la nationalitéd’un Etat dont le droit ne connaît pas la répu-diation, ni de résidence habituelle dans un telEtat lors de cette homologation, et enfin, quel’épouse ait donné son consentement de façoncertaine et sans contrainte (198).

Face à certaines institutions étrangères, unedifficulté de qualification pourrait se poser,qui n’est pas sans répercussions pratiquespuisqu’elle détermine les conditions à respec-ter pour permettre la reconnaissance : cellesde l’article 57, ou uniquement celles del’article 25. L’article 57 vise la dissolution dumariage fondée sur la volonté du mari; l’expo-sé des motifs précise que ne sont visés que lescas où la dissolution trouve sa cause mêmedans la seule volonté de l’un des époux (199).Malgré cette affirmation, l’institution dite« khôl », qui est une forme de répudiation quise fait suite à un accord des époux, est consi-dérée par les travaux préparatoires (200) com-me incluse dans le champ d’application del’article 57 (201).

§ 2. — Les relations de vie commune

155. — Qualification. — Deux critères sontdonnés à l’article 58 pour définir la notion de« relation de vie commune » : l’enregistre-ment par une autorité publique et l’absence decréation d’un lien équivalent au mariage. Lestravaux préparatoires précisent qu’une institu-tion sera donc considérée comme un mariage,et régie par les articles 42 et suivants, si elleimplique des effets sur la personne des épouxtels qu’une obligation de fidélité (202), ou unempêchement à mariage (203); les modes dedissolution sont également évoqués commecritère (204). Ainsi, les registered partnershipdes pays scandinaves sont qualifiés de« quasi-mariages » (205). En revanche, les co-habitations de type plus contractuel relèventdes articles 58 et suivants. La qualificationpourrait, malgré ces précisions, rester uneopération délicate face à certaines institutions

étrangères (206); or elle revêt une importancepratique considérable au vu de la différenceentre les règles de rattachement propres aumariage, et celles examinées ci-après.

156. — Compétence et loi applicable. — Laconclusion d’une relation de vie commune enBelgique ne peut se faire que si les parties yont leur résidence habituelle (art. 59, al. 2)(207). Comme la loi applicable est celle dulieu d’enregistrement (art. 60), l’officierd’état civil belge ne peut recevoir que des dé-clarations de cohabitation légale telle qu’or-ganisée aux articles 1475 et suivants du Codecivil. De même, ils ne peuvent en constater lacessation que si cette cohabitation a été enre-gistrée dans notre pays (art. 59, al. 3). Les ju-ridictions belges, en revanche, sont compéten-tes pour examiner toute demande portant surla validité, ou les effets d’une relation de viecommune, même enregistrée à l’étranger, surla base des mêmes chefs de compétence queceux qui existent en matière matrimoniale(208). Il devrait en être de même de la cessa-tion de la relation, si la lex causae impose l’in-tervention du pouvoir judiciaire pour la cons-tater (209).

Le domaine de la loi applicable est donc con-çu de la façon la plus large, englobant toutesles étapes, tous les aspects de la relation(art. 60, al. 2). Dans des situations de migra-tion, la loi du lieu de l’enregistrement pourraitne plus présenter de lien étroit avec la situa-tion; il nous semble néanmoins que, au vu del’intention du législateur, la clause d’excep-tion ne devrait pas jouer (210). Concernantl’opposabilité aux tiers des effets patrimo-niaux du partenariat, une application analogi-que de l’article 54 est prévue, ce qui sembleimpliquer notamment que la loi du lieu d’en-registrement s’applique à la question de la so-lidarité des dettes contractées pour les besoinsdu ménage, sauf si le tiers et le partenaire dontil est le créancier avaient leur résidence habi-tuelle sur le territoire du même Etat lors de lanaissance de la dette, auquel cas il est fait ap-plication du droit de cet Etat (211).

Candice BARBÉ

D. — Régimes matrimoniaux et successions

§ 1er. — Les régimes matrimoniaux

a) Compétence judiciaire

157. — Comme en matière d’effets du maria-ge, les juridictions belges sont compétentespour connaître de toute demande concernantle régime matrimonial, si : premièrement, encas de demande conjointe, l’un des époux a sarésidence habituelle en Belgique lors de l’in-troduction de la demande; deuxièmement, ladernière résidence habituelle commune desépoux se situait en Belgique moins de douzemois avant l’introduction de la demande; troi-sièmement, l’époux demandeur a sa résidencehabituelle depuis douze mois au moins enBelgique lors de l’introduction de la deman-de; ou quatrièmement, les époux sont belgeslors de l’introduction de la demande (art. 42du Code).

b) Conflits de lois

158. — Avant le Code (212). — En droit in-ternational privé belge, les régimes matrimo-niaux étaient englobés dans le statut person-nel, comme les autres effets du mariage (213).Lorsque les époux avaient la même nationali-té, on appliquait leur loi nationale commune.A défaut, la loi de leur première résidencecommune était retenue. Les difficultés liées àce rattachement étaient considérables et la ju-risprudence peinait à les trancher. Demeuraiti r résolue e t controversée une quest ionessentielle : les époux étaient-ils en droit dechoisir librement la loi applicable à leur régi-me, soit avant le mariage, soit après celui-ci?

159. — La loi applicable au régime matri-monial, suivant le Code (214). — Le Code serapproche, de manière fort heureuse, des solu-t ions de la Convention de La Haye, du14 mars 1978, sur la loi applicable aux régi-mes matrimoniaux actuellement en vigueur enFrance, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Lamatière des régimes matrimoniaux quitte ainsila catégorie du statut personnel pour entrerdans une autre, celle de la loi d’autonomie.Les époux sont autorisés, désormais, à choisirla loi applicable à leur régime matrimonial. Ils’agit d’un choix de législation, au sens dudroit international privé. Concrètement, toutcontrat de mariage est appelé à exprimer undouble choix : le premier ayant pour objet dedésigner le droit compétent et, lorsque la loide cet Etat le permet, un second choix en fa-veur de tel ou tel régime qu’elle autorise. Ce-pendant, la liberté des époux dans leur choixn’est pas totale : ils ne peuvent désigner que

(197) Dans le cas où toutes les conditions fixées parl’article 57, § 2, 1o à 4o sont respectées, l’exceptiond’ordre public international ne devrait plus interve-nir (circulaire, p. 69605). Selon nous, il devrait enêtre de même de la condition du respect des droits dela défense (art. 25, § 1er, 2o), qui, devant être appré-ciée conformément à la conception belge, conduiraità un rejet presque systématique de la reconnaissan-ce, malgré le respect des conditions cumulatives del’article 57 (avis du Conseil d’Etat, pp. 282-283).(198) Il n’est pas requis que cette acceptation ait étéconcomitante à la répudiation.(199) Proposition de loi, p. 87.(200) Ibid., p. 88.(201) Pour plus de détails, voy. notam., J.-Y. Carlier,« Le Code belge de droit international privé », op.cit., note 58.(202) Proposition de loi, p. 92.(203) Ibid.; voy. égalem., rapport Sénat, pp. 107-108 et p. 335.(204) Rapport Sénat, p. 95.(205) Ibid., p. 96.

(206) Le partenariat de droit allemand reçoit ainsiune qualification différente dans le rapport au Sénat(p. 94) et dans la circulaire (p. 69607).(207) La résidence habituelle du Code correspondraen principe avec le domicile qui est le critère pris encompte à l’article 1476, § 1er, du Code civil, les dé-finitions données aux articles 102 du Code civil et 4,§ 2 du Code de droit international privé étant similai-res (rapport Sénat, p. 333). Voy. supra, no 27.(208) Renvoi à l’article 42 par l’article 59, alinéa1er. Sur ces chefs de compétence, voy. supra, no 137.(209) Rapport Sénat, p. 326; circulaire, p. 69606.(210) Face à la diversité des droits étrangers, l’ob-jectif était la cohérence, qui ne pouvait être assuréesi des lois distinctes régissaient différents aspects dela même relation, avec pour conséquence, par exem-ple, qu’un partenariat conclu à l’étranger aurait leseffets de la cohabitation légale de droit belge, quipourraient être nettement plus restreints, ou étendus,que ceux auxquels les partenaires s’attendaient (rap-port Sénat, pp. 129 et s., et 329 et s.).(211) Sauf si le droit désigné ne connaît pas la rela-tion de vie commune (art. 60, al. 3).

(212) Sur l’ensemble de la question : N. Watté,« Les conflits de lois en matière de régimesmatrimoniaux », op. cit.(213) Cass., 10 avril 1980, Pas., 1980, I, 968, concl.J. Velu; J.T. , 1980, p. 560; R.W. , 1980-1981,col. 918, note J. Erauw; R.C.J.B., 1981, p. 308, noteF. Rigaux, « La méthode des conflits de lois à laCour de cassation ».(214) Un premier commentaire des règles nouvellesa été établi par F. Bouckaert, « Het internationaalhuwelijksvermogensrecht en het voorontwerp vanI.P.R.-Wetboek : oude wijn in nieuwe zaken of jongewijn in nieuwe zaken? », Liber amicorum ChristianDe Wulf, 2003, pp. 373 à 393.

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l’un des droits suivants : premièrement, ledroit de l’Etat sur le territoire duquel ils fixe-ront pour la première fois leur résidence habi-tuelle après la célébration du mariage; deuxiè-mement, le droit de l’Etat sur le territoire du-quel l’un d’eux a sa résidence habituelle aumoment du choix; troisièmement, le droit del’Etat dont l’un d’eux a la nationalité au mo-ment du choix.

A défaut de choix par les époux avant leur ma-riage, le régime matrimonial est régi, suivantl’article 51 du Code :1o par le droit de l’Etat sur le territoire duquell’un et l’autre époux fixent pour la premièrefois leur résidence habituelle après la célébra-tion du mariage;2o à défaut de résidence habituelle sur le terri-toire d’un même Etat, par le droit de l’Etatdont l’un et l’autre époux ont la nationalité aumoment de la célébration du mariage;3o dans les autres cas, par le droit de l’Etat surle territoire duquel le mariage a été célébré.

La première résidence habituelle des épouxest le facteur de rattachement qui dictera la loiapplicable pour le plus grand nombre des cas.Sa détermination dans les faits peut prêter àdiscussion. Qu’est-ce qu’une première rési-dence habituelle “après la célébration du ma-riage”. Comment apprécier, parfois vingt ansaprès, une “volonté réalisée ou pas” de nouerdes liens durables en cet endroit?

Quand le mariage prend fin avant que lesépoux se soient rejoints dans un même pays,le rattachement principal à la loi de leur rési-dence, est inapplicable. Par contre, lorsque lesépoux se sont finalement rejoints au pays deleur migration, on peut hésiter entre le ratta-chement principal et le(s) rattachement(s)subsidiaire(s). Il est raisonnable de passervers les rattachements subsidiaires, à la loi na-tionale commune ou à la loi du lieu de célé-bration du mariage, chaque fois que la déter-mination du régime se pose de manière effec-tive avant que les époux se rejoignent. Ainsi,par exemple, si l’un des conjoints se porte ac-quéreur d’un immeuble en Belgique avantmême que les époux se soient rejoints, le no-taire instrumentant pourra dresser l’acte enconsidérant que le régime matrimonial del’époux ou des époux acquéreurs est celui deleur loi nationale commune ou, à défaut de na-tionalité commune, la loi de l’Etat où le ma-riage a été célébré (215).

160. — Le domaine de la loi applicable aurégime matrimonial. — Suivant l’article 53du Code, la loi du régime matrimonial décidede l’admissibilité et de la validité du contratde mariage, de la possibilité de déroger au ré-gime légal, de la composition des patrimoineset des pouvoirs de gestion, ou encore des mo-dalités de dissolution et de liquidation du ré-gime. Pour des raisons pratiques évidentes, lemode de composition et d’attribution des lotsest régi par le droit de l’Etat sur le territoireduquel les biens sont situés au moment du par-tage. La forme du contrat de mariage dépend,comme autrefois, soit de la loi qui le régit aufond soit de la loi de l’Etat où il a été dressé.Le contrat — précise le Code par une règlematérielle en son article 52 — doit au moins

faire l’objet d’un écrit daté et signé par lesdeux époux. Il s’agit d’une exigence minimalequi s’impose alors même que la loi applicableserait plus souple et autoriserait, par exemple,un contrat purement verbal.

161. — Le droit transitoire. — Le Code neporte pas atteinte au régime matrimonial despersonnes mariées avant le 1er octobre 2004.Le principe, énoncé dans l’exposé des motifs,se déduit de la jurisprudence antérieure (216).Il n’y aura donc aucun changement automati-que de régime et, pendant de nombreuses an-nées, le droit international privé anciencoexistera avec les nouvelles règles de conflit.Cependant, le Code s’applique immédiate-ment aux contrats de mariage et aux actes mo-dificatifs de régime matrimonial passés aprèsle 1er octobre 2004. Enfin, pour les contrats demariages ou les actes modificatifs de régimematrimonial antérieurs au 1er octobre 2004, lechoix qu’auraient fait les époux se trouve con-forté par la règle suivant laquelle un choix dudroit applicable par les parties antérieur àl’entrée en vigueur du Code est valide s’il sa-tisfait aux conditions de celui-ci (217).

162. — La loi applicable à l’acte modificatifde régime matrimonial. — En vertu del’article 53, § 1er, 4o, du Code, le droit appli-cable au régime matrimonial détermine si lesépoux peuvent changer de régime, s’ils sonten droit de faire agir leur nouveau régime demanière rétroactive, de même que les condi-tions de fond de l’acte modificatif. Ceci per-met aux époux d’adapter leur régime matri-monial suivant les nouvelles règles de conflitde lois. Les conditions et modalités de la mo-dification de régime dépendront de la loi com-pétente. Quant aux formalités de la mutationelle-même, elles sont rattachées impérative-ment à la loi de l’Etat sur le territoire duquella mutation est effectuée.

§ 2. — Les successions

a) Compétence judiciaire

163. — En matière de compétence judiciaire,le Code confie aux tribunaux belges toute de-mande en matière successorale lorsque le dé-funt avait sa résidence en Belgique ou lors-qu’il y a laissé des biens (art. 77). Il est dérogéau for du domicile du défendeur. Un héritierdomicilié en Belgique ne pourra dès lors yêtre attrait pour un litige successoral en de-hors de ces hypothèses. Les tribunaux belgestendaient à se déclarer incompétents dans lecas où la succession, ouverte en Belgique,avait pour objet un immeuble situé à l’étran-ger. Ils ne pourront plus le faire désormais.

b) Conflits de lois

164. — Loi applicable. — Depuis longtempsles successions internationales obéissent, endroit international privé belge, à un rattache-ment double : les immeubles sont dévolus sui-vant la loi du lieu où ils se trouvent tandis que lesautres biens du défunt sont soumis à la loi del’Etat où le défunt avait son domicile. Il résultequ’une même succession peut comprendre plu-sieurs masses qui sont liquidées par applicationde lois différentes (218). Les rattachements an-ciens ne sont pas fondamentalement boulever-sés. C’est la résidence habituelle et non plus ledomicile qui déterminera la loi successorale(art. 78, § 1er). En pratique, les deux notions serejoignent le plus souvent. Quant aux immeu-bles, ils demeurent sous l’empire de la loi qui ré-git traditionnellement les droits réels dont ilssont l’objet (art. 78, § 2).

165. — Le renvoi. — Rejeté en règle générale(219), le renvoi retrouve ici une fonctionqu’on lui connaissait déjà : si le droit étrangerdu lieu des immeubles conduit à l’applicationdu droit de l’Etat sur le territoire duquel le dé-funt avait sa résidence habituelle au momentde son décès, le droit de cet Etat est applicable(art. 78, § 2, al. 2). Le renvoi ne pourra servirqu’à réunir les immeubles aux autres biens dela succession. Il ne pourrait conduire à l’ap-plication d’une loi tierce, à moins que celle-cine désigne à son tour le droit de l’Etat de la ré-sidence du défunt. Le renvoi ne pourrait pasnon plus réunir en une seule masse plusieursimmeubles du défunt, dans l’hypothèse oùceux-ci se trouveraient dans des pays où la loisuccessorale est la loi nationale alors que ledéfunt résidait, avant son décès, dans un Etatdont il n’est pas ressortissant.

166. — Choix du droit applicable par testa-ment. — En vertu de l’article 79 du Code, unepersonne peut soumettre l’ensemble de sa suc-cession au droit d’un Etat déterminé. Le choixdu défunt est limité. La désignation ne prendeffet que si cette personne possédait la natio-nalité de cet Etat ou avait sa résidence habi-tuelle sur le territoire de cet Etat au momentde la désignation ou du décès. Toutefois, cettefaculté nouvelle de choisir la loi applicable àla succession ne pourra produire que deseffets très limités car la désignation, par le tes-tateur, de la loi successorale ne peut avoirpour résultat de priver un héritier d’un droit àla réserve que lui assure le droit applicable àdéfaut de choix. Le principal changement dela matière viendra sans doute de l’abrogationpure et simple du droit de prélèvement, visé àl’article 912 du Code civil, qui compliquaitinutilement le règlement des successions in-ternationales et dont l’interprétation préciseétait d’ailleurs malaisée.

167. — Le domaine de la loi successorale.— La loi successorale régit les causes et lemoment de l’ouverture de la succession, la vo-cation des héritiers et légataires, y compris leconjoint survivant et l’Etat, les causes d’exhé-rédation et d’indignité successorale, la validi-té au fond des dispositions à cause de mort, laquotité disponible, la réserve et les autres res-trictions à la liberté de disposer, la nature et

(215) F. Bouckaert, « Het internationaal huwelijks-vermogensrecht... », op. cit., no 9.

(216) Cass., 9 sept. 1993, Pas., 1993, I, 665, conclu-sions conformes de l’avocat général E. Liekendael;Rev. not., 1993, p. 563; R.C.J.B., 1994, p. 668, noteN. Watté, « Les régimes matrimoniaux, les conflitsde lois dans l’espace et le temps »; J.L.M.B., 1994,p. 398, note M. Liénard-Ligny, « Effets patrimo-niaux du mariage et conflits de lois dans le temps ».La même solution se trouve à l’article 21 de la Con-vention de La Haye, du 14 mars 1978, sur la loi ap-plicable aux régimes matrimoniaux, qui ne s’appli-que, dans chaque Etat, qu’aux époux qui se marient(ou qui modifient leur régime) après son entrée envigueur dans cet Etat.(217) Art. 127, § 2.

(218) N. Watté, « Les successions internationales -Confli ts de lois - Conflits de juridictions »,Rép. not., t. XV, livre 3, Bruxelles, Larcier, 1992.(219) Supra, no 54.

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l’étendue des droits des héritiers et des léga-taires, ainsi que les charges imposées par ledéfunt, les causes particulières d’incapacitéde disposer ou de recevoir, le rapport et la ré-duction des libéralités ainsi que leur prise encompte dans le calcul des parts héréditaires(art. 80, § 1er) et, enfin, l’administration et latransmission de la succession (art. 82). Par ex-ception, les modalités de l’acceptation ou dela renonciation à une succession devront res-pecter les formalités particulières prévues parle droit de l’Etat sur le territoire duquel lesbiens qui en font l’objet sont situés au mo-ment du décès (art. 80, § 2). La forme des dis-positions testamentaires et de leur révocationest régie par le droit applicable en vertu de laConvention sur les conflits de lois en matièrede forme des dispositions testamentaires, con-clue à La Haye, le 5 octobre 1961, dont l’ap-plication est étendue aux autres dispositions àcause de mort (art. 83).

Laurent BARNICH (220)

E. — Biens et trust

§ 1er. — Biens

a) Compétence internationale en matière de droits réels

168. — Une compétence supplémentaire. —Nous soulignerons ci-après l’importance quele Code attribue à la lex rei sitae. Cette impor-tance trouve son expression naturelle dansl’article 85 du Code (221). Aux dispositionsgénérales relatives à la compétence, cetarticle ajoute, en matière de droits réels, unecompétence supplémentaire au profit des juri-dictions belges lorsque le bien concerné setrouve en Belgique (ou est réputé s’y trouveren ve r tu de l a p ré so mpt ion l é ga le del’article 87, § 2, sur laquelle nous revenonsci-après, infra, no 171) (222).

b) Etendue ratione materiae du droit applicable

169. — Domaine de la loi applicable. — Lelégislateur a opté pour une définition par énu-mération. Celle-ci n’est pas limitative (223) etses composantes sont en outre susceptiblesd’interprétation extensive par voie d’analogie(224), même si le mot « notamment », quil’introduit, est, dans un contexte belge,parfois ambigu. Se trouvent ainsi visés :« premièrement, le caractère mobilier ou im-mobilier d’un bien; deuxièmement, l’existen-ce, la nature, le contenu et l’étendue des droits

réels susceptibles d’affecter un bien (225),ainsi que des droits de propriété intellectuelle;troisièmement, les titulaires de ces droits;quatrièmement, la disponibilité de ces droits;cinquièmement, les modes de constitution, demodification, de transmission et d’extinctionde ces droits; sixièmement, l’opposabilité auxtiers d’un droit réel ».

170. — Inclusion des causes légitimes depréférence. — En vertu des articles 7 et 8 dela loi hypothécaire, les créanciers d’un mêmedébiteur doivent, en règle, être traités sur piedd’égalité, sauf si et dans la mesure où certainsd’entre eux peuvent se prévaloir de causes lé-gitimes de préférence (privilège, hypothèque,nantissement). En cas de réalisation forcéed’un bien auquel le droit belge est applicable,c’est aussi ce droit qui « détermine ... l’exis-tence de causes de préférence et leur rang »(art. 94, § 2, du Code). Toutefois, cette dispo-sition n’entend pas déroger à l’article 119 duCode lorsque le bien concerné relève d’uneprocédure d’insolvabilité (226).

c) Droit applicable aux droits réels

171. — Lex rei sitae. — Le Code se veut avanttout une confirmation des principes existants,avec les explici tat ions requises (227).L’article 87, § 1er, du Code énonce le principede la lex rei sitae : les droits réels sur un bienrelèvent du droit du lieu où ce bien se trouve« au moment où [ces droits] sont invoqués ».Lorsque le litige porte sur l’acquisition ou laperte de ces droits réels, le droit applicable estcelui « de l’Etat sur le territoire duquel le bienest situé au moment de la survenance des actesou des faits invoqués pour fonder l’acquisitionou la perte de ces droits » (art. 87, § 1er, al. 2).L’article 91, § 2, du Code applique ces princi-pes aux titres au porteur, autres que ceux in-troduits dans un système relevant d’un orga-nisme de compensation (infra, no 175), cettedisposition étant surabondante puisque lestitres au porteur ne sont rien d’autre que desmeubles corporels.Même si le principe est discutable en droit ci-vil, « un patrimoine composé d’un ensembled e b i e n s a f f e c t é s à u n e d e s t i n a t i o nparticulière » — on songe avant tout au fondsde commerce mais on peut y ajouter la succur-sale — est lui-même susceptible de constituerun « bien » au sens du Code. Le droit applica-ble à ce « bien » un peu particulier reste la lexrei sitae et, pour déterminer le lieu de situa-tion de ce « bien », on recherchera « l’Etatavec lequel le patrimoine présente les liens lesplus étroits » (art. 87, § 2).

172. — Deux exceptions de bon sens : lesbiens en transit et les moyens de transport.— Le principe de la lex rei sitae a sans doute,dans de nombreux cas, l’avantage de la clartéet de la simplicité. Il ne doit pas, cependant,être poussé jusqu’à l’absurde et frapper égale-ment les biens qui ne font que transiter par laBelgique. Pour cette raison, l’article 88 duCode énonce : « Les droits et les titres sur unbien en transit sont régis par le droit de l’Etatde destination ». Dans un même ordre d’idées,

on peut considérer qu’il serait particulière-ment inadéquat d’appliquer le droit belge àdes moyens de transport dont le régime est,par ailleurs, complètement organisé sousl’empire d’une autre législation. L’article 89du Code dispose dès lors : « Les droits sur unaéronef, un navire, un bateau ou tout autremoyen de transport inscrit dans un registre pu-blic sont régis par le droit de l’Etat sur le ter-ritoire duquel l’inscription a eu lieu ».

d) Sort particulier des créances

173. — Compétence des juridictions belges.— Les créances sont des biens d’une naturetoute particulière. Elles sont, en règle, incor-porelles et cette immatérialité pose problèmedans un système dominé par la lex rei sitae.Pour de tels biens, la référence à cette loi, pri-se au pied de la lettre, est impraticable, unechose incorporelle n’étant pas physiquementlocalisable dans l’espace. En matière decréances non incorporées dans un titre,l’article 85 du Code donne dès lors compéten-ce aux juridictions belges « si le débiteur [dela créance cédée ou grevée] est domicilié ou asa résidence en Belgique lors de l’introduc-tion de la demande ».

174. — Droit applicable aux sûretés surcréances. — Si, en soi, les créances sont sus-ceptibles de donner lieu à de difficiles ques-tions de droit international privé, les situa-tions peuvent être plus compliquées encorelorsque ces créances sont utilisées comme as-siette d’un droit réel autre que de propriété,singulièrement d’une sûreté. A cet égard,l’article 87, § 3, du Code (228) énonce que« [l]a constitution de droits réels sur unecréance ainsi que les effets de la cession d’unecréance sur de tels droits sont régis par le droitde l’Etat sur le territoire duquel la partie qui aconstitué ces droits ou a cédé la créance avaitsa résidence habituelle au moment de la cons-titution de la cession ». Si un créancier sou-haite grever sa créance d’un droit réel (gage,mais aussi usufruit, ...), c’est le droit de l’Etatde sa résidence habituelle qui déterminera lesconditions de la constitution d’un tel droit. Sice créancier souhaite ensuite céder sa créanceainsi grevée, c’est encore le droit de l’Etat desa résidence habituelle qui régira les consé-quences de la cession sur le(s) droit(s) réel(s)grevant la créance. Le gouvernement a quel-que peu obscurci cette analyse textuelle envoulant définir ce qu’il fallait entendre par« cession » pour y inclure « toute cession auxfins de sûretés » (229). Ceci a été la caused’un débat animé sur l’opportunité d’une vali-dation expresse de la cession fiduciaire (230).En réalité, ce débat n’avait pas lieu d’être :l’article 87, § 3, ne traite que de la façon degrever une créance et des conséquences de lacession d’une créance grevée, la question dela cession proprement dite, fiduciaire ou non,est étrangère à cette disposition légale.(220) La présente contribution reprend de larges ex-

traits de l’étude parue à la Revue du notariat belge,précitée note 4.(221) Dont le libellé définitif résulte d’un amende-ment gouvernemental no 69, Doc. parl., Sén., sess.2003-2004, no 3-27/6, p. 2. Adde : rapport Sénat,p. 346 et rapport Chambre, pp. 42-43.(222) Tout ceci sans préjudice de l’« [a]ttribution ex-ceptionnelle de compétence » organisée parl’article 11 du Code (proposition de loi, p. 113; voy.supra, no 41).(223) Voy. proposition de loi, p. 15.(224) Ibidem, p. 7.

(225) En ce compris la notion de possession, voy.rapport Chambre, p. 44.(226) Voy. infra, no 218.(227) Proposition de loi, p. 24. voy. aussi rapportSénat, p. 158.

(228) Voy. amendement no 70, Doc. parl., Sén., sess.2003-2004, no 3-27/6, pp. 3-4. En raison de la géné-ralité des termes de cet article, le législateur a parailleurs abrogé l’article 145 de la loi du 2 août 2002relative à la surveillance du secteur financier et auxservices financiers (art. 139, 11o, du Code).(229) Ibidem, p. 4.(230) Voy. rapport Sénat, pp. 346-350, la conclusionétant que le Code n’était pas le lieu pour trancher unetelle question.

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L’article 87, § 3, alinéa 2, du Code précise en-core que « [l]es effets d’une subrogation con-ventionnelle sur des droits réels sont régis parle droit de l’Etat sur le territoire duquel le su-brogeant avait sa résidence habituelle au mo-ment de transfert ».

e) Les titres négociables

175. — La loi de l’enregistrement. — Lestitres négociables, autres que ceux au porteur,constituent une catégorie particulière decréances, soumise à un régime spécifique.« Les droits sur un titre dont l’enregistrementest prévu par la loi sont régis par le droit del’Etat sur le territoire duquel est situé le regis-tre où figure l’inscription en compte des titu-laires de droits. Il est présumé, sauf preuvecontraire (231), que le registre est situé au lieude l’établissement principal de la personnequi tient compte des titulaires » (art. 91, § 1er,du Code). Ces principes ne s’appliquent pasaux titres au porteur dont le régime est identi-que à celui de tous les meubles corporels (su-pra, no 171), à moins que ces titres au porteur« [fassent] l’objet d’une ... inscription, au seind’un organisme de compensation, du moinslorsque celui-ci est organisé en vertu de laloi » (232). Est par contre commun à l’ensem-ble des titres négociables, le principe suivantlequel, certes, « [l]e droit de l’Etat sur le ter-ritoire duquel un titre a été émis détermine s’ilreprésente un bien ou une valeur mobilière eten régit le caractère négociable ainsi que lesdroits qui y sont attachés » (art. 91, § 3), maiscela sans préjudice du droit applicable àd’autres aspects directement ou indirectementliés aux titres concernés comme, par exemple,lorsqu’il s’agit d’actions, la question du droitde vote (233).

f) Les biens culturels et les biens volés

176. — Option du revendiquant de biensculturels. — Le droit international (234), etnotamment le droit communautaire (235), aprogressivement mis en place un système de

protection des biens culturels. L’article 90 duCode dispose : « Lorsqu’un bien qu’un Etatinclut dans son patrimoine culturel a quitté leterritoire de cet Etat de manière illicite au re-gard du droit de cet Etat au moment de son ex-portation, sa revendication par cet Etat est ré-gie par le droit dudit Etat en vigueur à ce mo-ment ou, au choix de celui-ci, par le droit del’Etat sur le territoire duquel le bien est situéau moment de sa revendication ». Le revendi-quant bénéficie donc d’une option, l’intentiond u l é g i s l a t e u r é t a n t d e f a v o r i s e r l arevendication : outre la lex rei sitae del’article 87 (supra, no 171), le revendiquantpourra se prévaloir de la loi de l’Etat d’originedu bien revendiqué, étant entendu que, en tou-te hypothèse, « [l]a qualification d’un bienculturel, comme celle de l’illicéité de sa pré-sence sur le territoire d’un Etat, relève dudroit de l’Etat d’origine du bien » (236). Celadit, la lex rei sitae sera seule applicable lors-qu’elle sera invoquée par un possesseur debonne foi à qui l’Etat d’origine refuserait tou-te protection (art. 90, al. 2, du Code). Pourcouper court à toute tentative de plaideurs ma-licieux tentés de s’approprier l’histoire et, parce biais, les richesses des musées belges(237), l’article 127, § 7, du Code, limite leseffets de l’article 90, précité (et, singulière-ment, l’option en faveur du droit de l’Etatd’origine) « au bien qui a quitté le territoire del’Etat de manière illicite après l’entrée en vi-gueur de la présente loi » (238).

177. — Option identique du propriétairerevendiquant un bien volé. — L’article 92du Code organise, mutatis mutandis, un régi-me identique pour les biens volés (239) :(i) option du revendiquant, entre la lex rei si-tae et la loi de l’Etat d’origine, au profit de laloi la plus favorable à son action, mais(ii) neutralisation de la loi de l’Etat d’originelorsque celle-ci refuse toute protection dupossesseur de bonne foi étant entendu que(iii) c’est bien de la loi de l’Etat d’origine quedépend la qualification de « bien volé ».

§ 2. — Trust

a) La notion de trust

178. — Définition limitative du trust. —Alors que, peut-être à tort mais plus probable-ment à raison, la question de la fiducie est aupoint mort en droit belge, celui-ci n’en doitpas moins tenir compte de l’existence àl’étranger, singulièrement dans les paysanglo-saxons, du phénomène cousin de lafiducie : le trust (240). Même s’il n’est heu-reusement pas question, à ce jour, de créer untrust de droit belge (241), il se peut qu’untrust valablement créé à l’étranger porte surdes biens situés en Belgique, voire même soitgéré depuis la Belgique (242). La sagesse im-

pliquait de s’incliner devant cette réalité, ence compris pour les trusts qui trouvent leursource dans une décision de justice (243) etmême sans attendre une éventuelle ratifica-tion par la Belgique de la Convention de LaHaye du 1er juillet 1985 relative à la loi appli-cable au trust et à sa reconnaissance, qui ad’ailleurs largement inspiré le Code (244).Cette reconnaissance ne peut bien entendusortir ses effets « que sous réserve des dispo-sitions impératives portant sur les matièressoumises à d’autres règles de rattachement(comme la tutelle sur les mineurs, le droit suc-cessoral, le droit familial et le droit desbiens) » (245).Le Code définit comme suit la notion detrust : il s’agit d’« une relation juridique crééepar un acte du fondateur ou par une décisionjudiciaire, par lequel des biens sont placéssous le contrôle d’un trustee afin de les admi-nistrer dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dansun but déterminé. Cette relation juridique pré-sente les caractéristiques suivantes : premiè-rement, les biens du trust constituent une mas-se distincte et ne font pas partie du patrimoinedu trustee; deuxièmement, le titre relatif auxbiens du trust est établi au nom du trustee oud’une autre personne pour le compte du trus-tee; troisièmement, le trustee est investi dupouvoir et chargé de l’obligation, dont il doitrendre compte, d’administrer, de gérer ou dedisposer des biens selon les termes du trust etles règles particulières imposées au trusteepar la loi ». Cette définition couvre unique-ment les trusts de type anglo-saxon (246),mais, pour ceux-ci, les effets de la reconnais-sance, organisés par les articles 124 et 125 duCode (infra, nos 180 et s.), s’étendent auxtrusts qui existent déjà au moment de l’entréeen vigueur de ce Code (art. 127, § 8).

b) Compétence internationale en matière de trust

179. — Une compétence supplémentaire. —Eu égard au rôle important que le Code, enmatière de droits réels, accorde à la lex rei si-tae, il s’imposait d’en tirer les conséquencespour les biens situés en Belgique mais rele-vant d’un trust valablement constitué selon undroit étranger. Outre les compétences généra-les reconnues par le Code aux juridictions bel-ges, celles-ci, en vertu de l’article 123, § 1er,seront « compétentes pour connaître de toutedemande concernant les relations entre le fon-

(231) Les parties pourraient, par ex., avoir opté, defaçon certaine, même implicite, pour une localisa-tion d’un compte non auprès de l’établissement cen-tral du teneur de compte mais dans une succursale decelui-ci (proposition de loi, p. 117).(232) Proposition de loi, p. 117.(233) Proposition de loi, p. 118.(234) Voy. J. Bergé, « La Convention d’Unidroit surles biens culturels : remarques sur la dynamique dessources en droit international », Clunet, 2000,pp. 215-262; G.A. Droz, « La convention d’Unidroitsur le retour international des biens culturels volésou illicitement exportés (Rome, 24 juin 1995) », Rev.crit. d.i.p., 1997, pp. 239-290; P. Lalive, « Sur le re-tour des biens culturels illicitement exportés », inNouveaux itinéraires en droit - Hommage à FrançoisRigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, pp. 283-298.(235) Voy. e.a. la directive 93/7/CEE du Conseil du15 mars 1993 relative à la restitution de biens cultu-rels ayant quitté illicitement le territoire d’un Etatmembre et la loi du 28 octobre 1996 relative à la res-titution de biens culturels ayant quitté illicitement leterritoire de certains Etats étrangers. Voy. aussiM. Traest, « Enkele aspecten inzake het vrij verkeeren de teruggave van cultuurgoederen, in het bijzon-der het conflictentrecht terzake na de richtlijn van15 maart 1993 », R.W., 1997-1998, pp. 865-873.Adde : règlement (CEE) no 3911/92 du Conseil du9 décembre 1992 concernant l’exportation de biensculturels.

(236) Proposition de loi, p. 115.(237) Voy. rapport Sénat, pp. 165-168 et p. 246.(238) Voy. aussi rapport Sénat, pp. 350-353 et amen-dement no 102.B, Doc. parl., Sén., sess. 2003-2004,no 3-27/6, p. 27.(239) Proposition de loi, p. 118.(240) Ibidem, p. 21.(241) Et tel n’est certes pas le propos du Code, voy.proposition de loi, p. 140; rapport Sénat, p. 236; rap-port Chambre, p. 48.(242) Voy. rapport Sénat, p. 237.

(243) Proposition de loi, p. 139.(244) Ibidem, p. 21; rapport du Sénat, p. 237. Voy.aussi M.-Fr. De Pover, « La reconnaissance du trustau Luxembourg et de la fiducie grand-ducale àl’étranger », R.P.S., 2003, no 6889, pp. 246-275.(245) Proposition de loi, pp. 140-141, qui poursuit :« De telles réserves peuvent encore provenir de dis-positions du droit matériel belge si celui-ci trouve às’appliquer en vertu du présent Code par le biais del’exception d’ordre public ou de règles spécialesd’applicabilité ». Voy. aussi proposition de loi, p. 21.Pour une première approche des conséquences fisca-les de cette reconnaissance, voy. S. De Raedt etM. Traest, « Meer vertrouwen in de trust na hetI.P.R.-Wetboek? », Fiscoloog, 2004, no 947, pp. 1-4.(246) Proposition de loi, p. 139. Des institutions dif-férentes mais néanmoins comparables ne seraientpas automatiquement refoulées mais suivraient ledroit commun en matière de droits réels et de droitdes personnes morales. voy. aussi rapport Chambre,p. 48.

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dateur, le trustee ou le bénéficiaire d’un trust(...) si : premièrement, le trust est administréen Belgique; deuxièmement, la demande con-cerne des biens situés en Belgique lors de sonintroduction ». L’acte constitutif d’un trustpourrait même contenir une clause attributivede compétence au profit des juridictions bel-ges. Le Code valide une telle attribution maissous la réserve expresse des effets desarticles 6 et 7 (247) (art. 123, § 2).

c) Droit applicable au trust

180. — Liberté de la ou des partie(s) quiconsti tue(nt) le t rust . — En ver tu del’article 124, § 1er, du Code, c’est le fondateurdu trust qui choisit le droit applicable. Cechoix peut éventuellement être implicite etl’ensemble du trust ne doit pas nécessaire-ment être soumis à une loi unique, étant enten-du que « [l]orsque tous les éléments significa-tifs du trust, à l’exception du choix du droitapplicable, sont localisés dans un Etat dont ledroit ne connaît pas l’institution du trust, cechoix est sans effet » (art. 124, § 1er, al. 2). Ledeuxième paragraphe du même ar t ic leprécise : « Lorsque le droit applicable au trustn’a pas été choisi conformément au paragra-phe 1er ou lorsque le droit choisi ne valide pasle trust, le trust est régi par le droit de l’Etatsur le territoire duquel le trustee a sa résiden-ce habituelle au moment de sa constitution ».Cette dernière disposition neutralise donc leseffets du droit choisi lorsque ce dernier inva-lide le trust, le droit applicable étant alors dé-terminé selon le critère du « rattachementobjectif ».

181. — Protection de l’héritier réservataire.— L’article 124, § 3, du Code prévoit une pro-tection spécifique de l’héritier réservataire :« L’application du droit qui régit le trust nepeut avoir pour effet de priver un héritier d’undroit à la réserve que lui assure le droit applica-ble en vertu de l’article 78 » (248). Cette dis-position intervient que le droit applicable aitété le résultat d’un choix explicite du fondateurou n’ait été que la conséquence de la règle derattachement supplétive de l’article 124, § 2,précité (249).

d) Etendue ratione materiae du droit applicable

182. — Domaine de la loi applicable autrust. — L’article 124 du Code, commentéaux numéros précédents, détermine le droitapplicable au trust. Il fallait cependant aussidéfinir l’étendue du champ d’application dece droit. C’est ce que fait l’article 125,§ 1er : « Le droit applicable au trust détermi-ne, notamment 1o la constitution et les moda-lités du trust; 2o l’interprétation du trust;3o l’administration du trust, ainsi que lesdroits et obligations qui en découlent; 4o leseffets du trust; 5o la cessation du trust ». Cetteliste n’est pas exhaustive (250) et ses compo-santes sont elles-mêmes susceptibles d’inter-prétation extensive par voie d’analogie (251).Par contre : « Ce droit ne détermine ni la vali-dité des actes d’acquisition ou de transfert de

droits réels sur les biens du trust, ni le trans-fert de droits réels sur ces biens, ni la protec-tion de tiers acquéreurs de ces biens. Lesdroits et obligations d’un tiers détenteur d’unbien du trust demeurent régis par le droit ap-plicable en vertu du chapitre VIII » (art. 125,§ 2). En d’autres termes, le trust n’affecteaucun droit réel généralement quelconquegrevant les biens compris dans ce trust (252).

Werner DERIJCKE

F. — Obligations

183. — Objet et sources. — Le chapitre rela-tif aux obligations traite des obligations con-tractuelles et non contractuelles. Le Codeconstitue une avancée majeure concernant ladésignation de la loi applicable aux obliga-tions non contractuelles, recouvrant les obli-gations dérivant d’un fait dommageable et lesobligations quasi contractuelles, qui faisaientl’objet d’une jurisprudence obsolète pour lespremières (253) et d’un vide juridique pourles secondes. La matière des obligations con-tractuelles, largement régie par des sourcesinternationales, subit peu de modifications. Ilconvient en effet de se référer par priorité auxconventions internationales et règlementseuropéens qui contiennent des règles de com-pétence internationale ou des règles de ratta-chement. Le Code assume donc un rôle subsi-diaire.

§ 1er. — Compétence internationale

184. — Priorité des sources internationales.— Si la priorité des sources internationalesn’est pas spécifiquement rappelée dans la dis-position relative à la compétence internationa-le en matière d’obligations, elle découle del’article 2 du Code (254). Le règlementBruxelles I constitue la source principale en lamatière. Lorsque la situation ne relève pas deson champ d’application — en résumé, lors-que le défendeur est domicilié dans un Etattiers à l’Union européenne (255) — les dispo-sitions pertinentes du Code trouvent à s’appli-quer.

185. — Règles générales et règles spéciales.— Les articles 96 et 97 complètent, pour lamatière des obligations, les dispositions gé-nérales du Code relatives à la compétence in-ternationale contenues aux articles 5 et sui-vants (256). Le demandeur peut donc choisird’invoquer l’art icle 5, par exemple, oul’article 96. Les dispositions spécifiques con-firment les solutions antérieures, tirées del’article 635 du Code judiciaire, tout en y in-tégrant certaines précisions inspirées de la ju-risprudence de la Cour de justice des Com-

munautés européennes relatives à l’interpré-tation de la Convention de Bruxelles. Parailleurs, on rappellera que les lois de 1995 re-lative à la protection de l’agent commercial etde 1961 relative à la protection du conces-sionnaire exclusif contiennent chacune unerègle de compétence internationale qui, entant que règle spéciale, conserve sa prioritésur les règles générales du Code (257).

186. — Compétence internationale en ma-tière d’obligations contractuelles. — Con-formément à la solution antérieure, le deman-deur peut introduire une action contractuelleen Belgique si l’obligation contractuelle liti-gieuse est née en Belgique ou si elle est oudoit être exécutée en Belgique (art. 96, 1o). Lajurisprudence interprétative concernantl’article 635, 3o du Code judiciaire conservedonc tout son intérêt (258). La référence aulieu de naissance de l’obligation doit permet-tre l’introduction devant les tribunaux belgesd’un litige portant sur l’existence d’une obli-gation réputée conclue en Belgique (259). Lelieu de naissance ou d’exécution de l’obliga-tion sur laquelle porte le différend sera déter-miné conformément à la loi applicable au con-trat (260). La référence au lieu d’exécution del’obligation est précisée par l’article 97, § 2,pour le contrat de travail : l’obligation con-tractuelle est exécutée en Belgique lorsque letravailleur y accomplit habituellement son tra-vail lors du différend. L’article 97 retient doncle critère du lieu habituel de prestation, quipermet l’introduction d’une action en Belgi-que alors que le travailleur est en détachementtemporaire à l’étranger, et tranche le problèmeéventuel de conflit mobile en situant l’appré-ciation de la localisation des prestations aumoment de la naissance du différend (quin’est pas nécessairement identique à la dated’introduction du litige).

187. — Contrats de consommation. —Outre les hypothèses prévues à l’article 96, leconsommateur qui a sa résidence habituelle enBelgique au moment de la conclusion du con-trat peut y introduire une demande contre unprofess ionne l dans deux cas p révus àl’article 97, § 1er. Premièrement lorsque leconsommateur a accompli en Belgique les ac-tes nécessaires à la conclusion du contrat (97,§ 1er, 1o). Ensuite lorsque le bien ou le servicedoit être livré en Belgique et qu’une offre oupublicité a été réalisée en Belgique (97, § 1er,2o). Ces deux alinéas offrent donc une protec-tion particulière au consommateur soumise aurespect de critères cumulatifs, inspirés des ter-mes de l’article 13 de la Convention deBruxelles. Le Code évite, d’une part, le carac-tère restrictif des termes de la Convention deBruxelles qui exige la coïncidence du lieu del’offre et de la conclusion et, d’autre part, lanotion de « localisation » ou de « directiondes activités » retenue par le règlementBruxelles I, en faveur de termes plus concrets.D’un point de vue matériel, la protection vise

(247) Voy. supra, nos 35 et s.(248) Voy. supra, no 164.(249) Rapport Chambre, p. 48. Adde : amendementno 8, Doc. parl., Ch., sess. 2003-2004, no 51-1078/4.(250) Proposition de loi, p. 15.(251) Ibidem, p. 7.

(252) Voy. amendement no 84, Doc. parl., Sén., sess.2003-2004, no 3-27/6, p. 10.(253) Cass., 17 mai 1957, Pas., 1957, I, 1111.(254) Voy. supra, no 10.(255) Sur le domaine d’application du règlementBruxelles I, voy. N. Watté, A. Nuyts et H. Boular-bah, « Le règlement “ Bruxelles I ” sur la compéten-ce judiciaire, la reconnaissance et l’exécution desdécisions en matière civile et commerciale »,J.T.D.E., 2002, pp. 161-171.(256) Voy. supra, nos 32 et s.

(257) Loi du 13 avril 1995 relative au contratd’agence commerciale, M.B., 2 juin 1995 (art. 27);loi du 27 juillet 1961 relative à la résiliation unilaté-rale des concessions de vente exclusive à durée indé-terminée, M.B., 5 oct. 1961 (art. 4).(258) Voy. H. Born, M. Fallon et J.-L. Van Boxstael,Droit judiciaire international, op. cit., pp. 563 et s.(259) Proposition de loi, p. 121.(260) Rapport Sénat, pp. 170 et s.

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toute personne physique qui agit en dehors ducadre de ses activités professionnelles (le con-sommateur) à l’encontre d’une partie quifournit un bien ou un service dans le cadre deses activités professionnelles. Le médecin estainsi visé lorsqu’il achète des maillots de bainsur catalogue livré par une société française,mais non lorsqu’il s’abonne à une revue médi-cale américaine...

188. — Compétence en matière d’obliga-tions découlant d’un fait dommageable etde quasi-contrats. — Pour les obligations dé-coulant d’un fait dommageable, l’action peutêtre introduite en Belgique lorsque le fait gé-nérateur ou le dommage est survenu ou mena-ce de survenir en partie en Belgique (art. 96,2o). Cette disposition reprend les termes del’article 5, 3o, du règlement Bruxelles I, en yintégrant les précisions apportées par diffé-rents arrêts interprétatifs de la Cour de justice(261). Les termes choisis ouvrent la voie auxactions préventives. Dans le cas où la compé-tence est fondée sur la survenance d’un dom-mage, le demandeur ne peut solliciter que laréparation de la portion du dommage surve-nue en Belgique. La notion de survenance dudommage doit être entendue comme visant« le lieu d’impact, c’est-à-dire le point où serencontrent la cause et la conséquence »(262). Par exemple, dans le cas d’un Belgeayant subi en Espagne une intoxication due àune pollution maritime résultant du naufraged’un navire dans le Sud de la France et se fai-sant hospitaliser par la suite en Belgique, lelieu de survenance du fait générateur serait lo-calisé en France, alors que le lieu de survenan-ce du dommage serait situé en Espagne et nonen Belgique, lieu de l’hospitalisation. Reste àvoir l’interprétation que réserveront les tribu-naux à la notion de survenance du dommagedans le cas d’un dommage résultant d’un faitgénérateur s’étalant dans le temps, commel’absorption continue d’un médicament parexemple. Pour les obligations quasi contrac-tuelles, la compétence des tribunaux belgesest fondée sur la survenance sur le territoirebelge du fait dont résulte l’obligation (art. 96,3o).

189.— Clauses de juridictions. — Lesarticles 6 et 7 énoncent les conditions d’ad-missibilité des clauses de juridiction en se ré-férant, entre autres, à la libre disponibilité desdroits en cause (263). Cette notion est préci-sée par l’article 97, § 3, pour les contrats detravail et de consommation qui établit qu’unetelle clause n’est opposable au consommateurou au travailleur que si elle est postérieure à lanaissance du différend.

§ 2. — Loi applicable

a) Les obligations contractuelles

190. — Renvoi à la Convention de Rome etextension de son domaine matériel. — LaConvention de Rome sur la loi applicable auxobligations contractuelles s’applique dès quele juge d’un Etat contractant est saisi d’une

question relative à la désignation de la loi ap-plicable à des telles obligations. Il ne fautdonc pas que les parties ou la situation présen-tent un rattachement spécifique avec le terri-toire d’un Etat contractant. Elle permet la dé-signation de la législation d’un Etat tiers àl’Union européenne, autant que de celle d’unEtat membre. Ainsi, il s’agit d’une conventionuniversaliste, tant du point de vue des situa-tions visées que du point de vue de la loi dési-gnée, qui laisse peu de place pour le droitcommun. Le Code y renvoie, tout en précisantque la désignation du droit applicable auxobligations contractuelles qui seraient excluesde son domaine matériel (art. 1er, § 2 de laConvention) s’effectuerait conformément auxarticles 3 à 14 de la Convention appliqués paranalogie, dans la mesure où le Code ne prévoitpas de disposition spécifique (art. 98, § 1er).En pratique, cette extension du domaine d’ap-plication matériel de la Convention concerneessentiellement la validité des clauses d’élec-tion de for. La loi désignée par la Conventionde Rome pour régir le contrat détermineradonc la validité de la clause d’élection de foren tant que stipulation contractuelle. A côté dela Convention de Rome, il existe des règles derattachement spécifiques issues de textes in-ternationaux qui soit ont priorité sur la Con-vention, c’est le cas des règles de droit inter-national privé issues de règlements ou de di-rec t ives européens , soi t complètent laConvention car elles portent sur des matièresnon régies par cette dernière (264). L’applica-tion de ces règles spécifiques d’origine inter-nationale n’est pas perturbée par l’entrée envigueur du Code.

191. — Lettre de change, billet à ordre etchèque. — Pour les effets de commerce, leCode ne modifie en rien la désignation de laloi applicable régie par les Conventions deGenève du 7 juin 1930 et du 19 mars 1931(art. 98, §§ 2 et 3).

b) Les obligations dérivant d’un fait dommageable

192. — Accidents de la circulation routière.— La Convention de La Haye du 4 mai 1971constitue la seule source internationale sur laloi applicable en matière de responsabilité ci-vile. Le Code y renvoie à l’article 99, § 2, 5o.

193. — Autonomie de la volonté. — La con-sécration de l’autonomie de la volonté consti-tue la première grande innovation du Codeconcernant la désignation de la loi applicableen matière de responsabilité civile (art. 101).Sauf dans l’hypothèse d’un accident de la cir-culation routière, les parties peuvent choisir laloi applicable au litige à trois conditions : lechoix doit être exprès, doit avoir lieu après lanaissance du différend et ne peut porter préju-dice aux droits des tiers.

194. — Règle générale. — Deuxième innova-tion importante, le Code abandonne la réfé-rence de principe à la lex loci delicti commissipour y substituer une échelle de rattachementsen cascade (art. 99, § 1er). Le Code désigne

par priorité la loi de l’Etat sur le territoire du-quel résident la victime et le responsable aumoment de la survenance du fait dommagea-ble. A défaut de résidence dans un même Etat,la loi désignée est celle de l’Etat sur le terri-toire duquel se localise la totalité du fait géné-rateur et du dommage. A défaut, il conviendrade désigner la loi de l’Etat avec lequel la situa-tion présente les liens les plus étroits. Les tri-bunaux belges ayant déjà eu recours au princi-pe de proximité en cette matière, leur jurispru-dence pourra servir de modèle quant àl’appréciation des liens les plus étroits (265).

195. — Règles spéciales. — Troisième inno-vation, le Code introduit une série de rattache-ments spéciaux menant de manière générale àla désignation de la loi du lieu du dommage(art. 99, § 2). Ces règles spéciales ont prioritésur la règle générale. Toutefois, d’après l’ex-posé des motifs, lorsque le critère de rattache-ment de la règle spéciale est impossible à lo-caliser, le juge aura recours à la règle générale(art. 99, § 1er) (266). Les dommages résultantd’atteinte à l’environnement ou d’acte de con-currence déloyale seront régis par la loi del’Etat sur le territoire duquel ils sont survenusou menacent de survenir. En cas de dommagecausé par un produit, la responsabilité du pro-ducteur, de l’importateur ou du fournisseur estsoumise à la loi du lieu de la résidence habi-tuelle de la victime, qui se confondra proba-blement avec celle du lieu de survenance dudommage. En cas de diffamation ou d’atteinteà la vie privée, le demandeur peut, au choix,invoquer la loi de l’Etat de localisation du faitgénérateur ou du dommage. La personne res-ponsable conserve toutefois la possibilitéd’échapper à l’application de la loi du lieu deréalisation du dommage en prouvant qu’ellene pouvait pas prévoir que le dommage se lo-caliserait dans cet Etat. La loi du lieu du faitgénérateur (le plus souvent, celle du pays del’édition (267)) trouvera alors application.L’interprétation exacte des prévisions légiti-mes du responsable dans le cas d’actes de dif-famation commis sur Internet reste à trouveret pourra être influencée par la formulation etla langue du site (268).

196. — Fait dommageable ayant un lienavec un rapport juridique préexistant. —L’article 100 du Code introduit un rattache-ment accessoire, en ce sens que l’obligationdécoulant du fait dommageable peut être con-sidérée comme auxiliaire à un rapport de droitpréexistant entre les parties. La loi applicablesera celle qui régit ce rapport juridiquepréexistant. Dans le cas d’un accident dont lavictime est un travailleur, la loi applicable se-rait ainsi celle qui régit le contrat de travail.Cette disposition permet d’appliquer une loiunique à des rapports distincts et de nature ju-ridique différente, mais étroitement liés (269).

197. — Règles de sécurité et de comporte-ment. — Quel que soit le droit applicable à la

(261) C.J.C.E., 30 nov. 1976, aff. 21/76, Mines depotasse, Rec., 1976, p. 1735; 7 mars 1995, aff. 68/93, Shevill, Rec., 1995, p. I-415.(262) Rapport Sénat, p. 174.(263) Voy. supra, nos 35 et s.

(264) Proposition de loi, p. 124, donnant en exemplede convention internationale portant sur une matièrenon visée par la Convention de Rome, la Conventionde Genève du 21 avril 1961 sur l’arbitrage commer-cial international.

(265) Voy. les chroniques de jurisprudence relativesaux conflits de lois en matière d’obligations contrac-tuelles et non contractuelles (M. Fallon, J.T., 1987,pp. 97 et s.; M. Fallon et S. Francq, J.T., 1998,pp. 683 et s.)(266) Proposition de loi, pp. 125 et 126.(267) Proposition de loi, p. 125.(268) Rapport Sénat, p. 180.(269) Proposition de loi, p. 126.

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responsabilité, l’évaluation de la faute se feraen tenant compte des règles de sécurité et decomportement en vigueur au lieu et au mo-ment du fait dommageable (art. 102). Ainsimême si la loi belge est applicable à un acci-dent survenu en Angleterre entre deux Belgesrésidant en Belgique (art. 99, § 1er, 1o), la loianglaise permettra de déterminer si l’un d’euxa enfreint une règle de sécurité ou de compor-tement (Code de la route, interdiction de pé-nétrer sur un chantier, interdiction de baigna-de, règles de comportement sur une plaine dejeu, ...).

198. — Action directe et subrogation. — Laloi applicable à la responsabilité régit la ques-tion de savoir si la victime peut introduire uneaction directe contre l’assureur de la personneresponsable (art. 106, al. 1). Si une telle pos-sibilité n’est pas prévue par cette législation,la victime pourra introduire une action directesi la loi applicable au contrat d’assurance re-connaît un tel droit en faveur de la victime(art. 106, al. 2). Pour rappel, la loi applicableau contrat d’assurance est déterminée, pourles risques localisés hors de la Communauté,conformément à la Convention de Rome et,pour les risques localisés dans un Etat mem-bre, conformément à la loi du loi du 9 juillet1975 sur le contrôle des entreprises d’assuran-ces applicable à l’égard de toutes les entrepri-ses d’assurance réalisant des opérations d’as-surance en Belgique (270).Qu’elle soit légale ou conventionnelle, la su-brogation est régie par la loi qui organise lepaiement opérant subrogation. La désignationde la loi de l’institution est certaine depuis unarrêt de la Cour de cassation du 23 octobre1969 (271).

199. — Domaine de la loi applicable. —L’article 103 apporte d’utiles précisions rela-tives à la portée des articles 99 à 101. Il énu-mère l’ensemble des questions pouvant surve-nir au cours du litige qui seront soumises à laloi applicable à l’obligation dérivant d’un faitdommageable. Si certains éléments de cetteénumération semblent évidents (condition etétendue de la responsabilité, responsabilité dufait des personnes, choses ou animaux, naturedes dommages susceptibles de réparation,art. 103, 1o à 4o), d’autres dissipent des doutesque la jurisprudence a pu rencontrer autrefois.Ainsi, il est désormais certain que les pres-criptions et déchéances sont soumises à la loiapplicable au fond, de même que la charge dela preuve ou les mesures préventives que lejuge pourrait imposer (art. 103, 5o, 9o et 10o).Si le droit applicable à la responsabilité déter-mine les personnes ayant droit à réparation etla transmission du droit à réparation aux héri-tiers (art. 103, 7o et 8o), la loi applicable aulien de parenté (filiation, mariage...) seranéanmoins consultée en vue d’établir la quali-té de l’ayant droit. On notera enfin que con-trairement à la formulation retenue dans laproposition de loi, la responsabilité des Etatsn’est pas exclue du domaine de la loi applica-ble. Sous réserve du régime des immunités quiempêcherait le juge de se saisir d’un litige im-pliquant un Etat, la responsabilité des Etatssera donc traitée de la même manière que celle

des particuliers pour tous les litiges qui appar-tiennent à la matière civile sans qu’il failledistinguer selon que l’acte litigieux a été ac-compli jure imperii ou jure gestionis. Si la vo-lonté du législateur sur ce point est claire(271bis), on peut néanmoins s’interroger surla possibilité de considérer que les actes jureimperii appartiennent à la matière civile etcommerciale (271ter).

c) Nouvelles catégories de rattachement

200. — Quasi-contrats. — Le Code innoveen prévoyant des règles de rattachement pourune série de problématiques qui ne faisaientantérieurement l’objet d’aucune solution deconflit de lois. La catégorie des quasi-contrats(enrichissement sans cause, paiement d’indu,gestion d’affaire) est consacrée pour la pre-mière fois dans le droit international privébelge. Les parties peuvent choisir le droit ap-plicable à leur relation dans les mêmes condi-tions que s’agissant de la responsabilité dé-coulant d’un fait dommageable (art. 104, § 2).A défaut, l’obligation quasi contractuelle estrégie par la loi de l’Etat avec lequel elle pré-sente les liens les plus étroits (104, § 1er). LeCode établit à cet égard deux présomptions ré-fragables (104, § 1er, al. 1er). De manière gé-nérale, les liens les plus étroits sont présumésexister avec l’Etat sur le territoire duquel estsurvenu le fait dont résulte l’obligation. Dansune matière où la notion de dommage ne trou-ve pas sa place, il est naturel de privilégier lelieu du fait « générateur », ce qui devrait enoutre correspondre aux attentes de celui quis’est appauvri. Dans le cas particulier du paie-ment de la dette d’autrui, une seconde pré-somption désigne le droit qui régit la dette.Enfin, poursuivant la volonté de soumettre lesrapports connexes à une même loi (supra,no 196), l’appréciation des liens les plusétroits sera fonction de l’existence d’une rela-tion antérieure ou envisagée entre les parties(art. 104, § 1er, al. 2).

201. — Engagement par déclaration unila-térale de volonté. — Egalement nouvelle, lacatégorie de l’engagement unilatéral est trai-tée dans l’article 105. La personne qui s’enga-ge de manière unilatérale peut choisir la loiapplicable à son engagement et à l’obligationqui en découle. Ce choix n’est soumis à aucu-ne condition particulière. A défaut, l’obliga-tion découlant de l’engagement pris de maniè-re unilatérale sera régi par le droit de l’Etat surle territoire duquel réside la personne au mo-ment de son engagement.

202. — Représentation. — L’article 108 clô-ture le chapitre relatif aux obligations en y in-troduisant la dernière catégorie de rattache-ment nouvelle. La question de savoir si l’in-termédiaire peut valablement représenter lapersonne pour le compte de laquelle il prétendagir est régie par le droit de l’Etat sur le terri-toire duquel l’intermédiaire agit, qui est pré-sumé être celui du lieu de sa résidence habi-tuelle. Consacrant une solution traditionnelle(272), cette désignation devrait permettre de

sauvegarder au mieux les droits des tiers quine connaîtraient pas nécessairement la légis-lation applicable aux relations entre le repré-sentant et le représenté et auront naturelle-ment tendance à se fier à la législation du lieude passation des actes de l’intermédiaire.

Stéphanie FRANCQ

G. — Personnes morales

202. — Champ d’appl icat ion. — Lechapitre X du Code est applicable à l’ensem-ble des personnes morales (273). Les groupe-ments dénués de la personnalité juridique re-lèvent par contre du chapitre IX, et plus préci-sément des obligations contractuelles (274).

203. — Compétence internationale. —L’article 109 du Code dispose que « par déro-gation aux dispositions générales de la pré-sente loi (275), les juridictions belges ne sontcompétentes pour connaître de toute demandeconcernant la validité, le fonctionnement, ladissolution ou la liquidation d’une personnemorale que si l’établissement principal ou lesiège statutaire de cette personne est situé enBe lg ique lo r s de l ’ i n t roduc t ion de l ademande ». Cette disposition est directementinspirée de l’article 22, 2o, du règlementBruxelles I (276).

Des difficultés surgissent cependant du faitque la rédaction des deux textes n’est pasidentique. Ainsi, si les deux dispositions s’ap-pliquent aux litiges relatifs à la validité et à ladissolution des personnes morales, on peut re-lever les différences suivantes :— l’article 109 du Code ne concerne pas ex-pressément la nullité des personnes morales,mais celle-ci est comprise dans la notion devalidité;— l’article 22, 2o, du règlement ne vise pasexpressément la liquidation des personnes

(270) M.B., 29 juill. 1975, modifiée par A.R.,22 févr. 1991, M.B., 11 avril 1991.(271) Pas., 1970, I, 28. Pour des exemples, voy. J.T.,1998, p. 700, no 63.

(271bis) Rapport Sénat, pp. 185 et s. et pp. 357 et s.(271ter) Supra, no 4 et note 14.(272) F. Rigaux et M. Fallon, Droit internationalprivé, op. cit., t. II, no 932; voy. art. 126 de la loisuisse de droit international privé (loi du 18 décem-bre 1987, R.O., 1988, 1776; disponible sur le site :

http://www.admin.ch/ch/f/rs/c291.html). La mêmesolution a été retenue en France en matière decapacité : Cass. fr., 16 janv. 1861, in B. Ancel etY. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudencefrançaise de droit international privé, Paris, Dalloz,2001, p. 40 (« Les engagements contractés par unétranger, mineur selon sa loi nationale mais majeurselon la loi française, envers un marchand françaisn’en sont pas moins valables si le Français a agi sanslégèreté, sans imprudence et avec bonne foi »).(273) En ce compris donc les sociétés civiles et com-merciales, les associations, les fondations et lesgroupements (européens ou non) d’intérêt économi-que.(274) Proposition de loi, p. 129.(275) En matière de personnes morales, la compé-tence du juge belge ne peut donc se fonder sur la cir-constance que le défendeur est domicilié ou a sa ré-sidence habituelle en Belgique (art. 5 du Code) ouqu’une clause d’élection de for attribue compétenceau juge belge pour connaître du litige (art. 6 du Co-de).(276) Cette disposition énonce : « Sont seuls compé-tents, sans considération de domicile : [...] 2) en ma-tière de validité, de nullité ou de dissolution des so-ciétés ou personnes morales ayant leur siège sur leterritoire d’un Etat membre, ou de validité des déci-sions de leurs organes, les tribunaux de cet Etatmembre. Pour déterminer le siège, le juge appliqueles règles de son droit international privé ».

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morales, mais celle-ci pourrait être considéréecomme incluse dans la notion de dissolution;

— alors que l’article 22, 2o ne vise que la va-lidité des décisions des organes des personnesmorales, l’article 109 du Code a un champd’application beaucoup plus large, puisqu’ilconcerne tous les litiges touchant au fonction-nement de la personne morale; ainsi, le textebelge, en prévoyant que l’article 109 du Codeconcerne à la validité, le fonctionnement, ladissolution et la liquidation des personnesmorales, englobe à notre sens toutes les ques-tions entrant dans le domaine du droit applica-ble défini à l’article 111 du Code (infra,no 205);

— enfin, alors que l’article 109 du Code pré-voit deux facteurs de rattachement alternatifs(siège statutaire ou établissement principal dela personne morale), l’article 22, 2o se conten-te de désigner les tribunaux de l’Etat du siègeet de renvoyer pour le surplus au droit interna-tional privé de chaque Etat membre pour ladétermination du siège de la personne morale.Encore que la question soit délicate, ce renvoivise à notre sens l’article 109 du Code. Le rè-glement impose selon nous de « bilatéraliser »cette disposition afin qu’elle puisse servir debase tant à la compétence du juge belge qu’àcelle d’un juge étranger. Il en résulte qu’auxyeux du juge belge, le siège de la personnemorale correspond, pour les besoins del’article 22, 2o, du règlement, soit à son éta-blissement principal, soit à son siège statutai-re. Cette solution est du reste conforme à lavolonté du législateur belge de faire en sorteque le juge belge puisse connaître des litigesrelatifs à la personne morale dès que, soit sonétablissement principal, soit son siège statu-taire, est situé en Belgique. En cas de conflitpositif de compétences, il conviendra d’appli-quer les règles de litispendance prévues par lerèglement (art. 29).

Compte tenu de ce qui précède, l’articulationde l’article 22, 2o, du règlement Bruxelles I etde l’article 109 du Code doit être précisée(277). Aucun problème particulier ne se poselorsque le litige porte sur la validité, la nullitéou la dissolution d’une personne morale ousur la validité d’une décision de ses organes.Dans ce cas, le juge belge reconnaîtra unecompétence exclusive aux tribunaux de l’Etat,soit du siège statutaire, soit de l’établissementprincipal de la personne morale (278), pourautant cependant qu’il s’agisse d’un Etatmembre de l’Union européenne (279). Si le li-tige touche au fonctionnement de la personnemorale sans porter sur la validité des décisionsde ses organes, le juge belge ne se considéreracomme compétent, sur la base du Code, que

dans l’hypothèse où le défendeur est domici-lié hors de l’Union européenne (280).

204. — Droit applicable. — L’article 110 duCode retient une solution fort similaire à celleprévue par l’ancien article 56 du Code des so-ciétés (281) en retenant la compétence de laloi de l’établissement principal (282) de lapersonne morale. Par dérogation à l’article 16du Code, l’article 110 confirme égalementl’existence du renvoi à la loi du lieu où la per-sonne morale a été constituée lorsque la loi del’établissement principal décline sa compé-tence au profit de cette loi (283).

205. — Domaine du droit applicable. — Se-lon les auteurs du Code, l’article 111 consti-tue une codification à droit constant du do-maine de la loi applicable aux personnes mo-rales (284). La doctrine et la jurisprudenceantérieures conservent donc leur intérêt pourl’interprétation de cette disposition (285). Demanière générale, le domaine du droit appli-cable couvre toutes les questions intéressantla constitution, le fonctionnement et la disso-lution de la personne morale. L’article 111 duCode comporte cependant certaines préci-sions intéressantes concernant notamment ledroit applicable à la liquidation de la personnemorale (286), aux rapports entre associés(287), aux droits liés à la qualité d’associé

(288), à la responsabilité des administrateurs(289) et à l’imputabilité à la personne moraledes dettes contractées par ses organes (290). Ilprévoit en outre, dans son paragraphe 2, unerègle nouvelle selon laquelle « la personnemorale ne peut invoquer une incapacité fon-dée sur des restrictions du pouvoir de repré-sentation en vertu du droit applicable, à l’en-contre d’une partie, si cette incapacité est in-connue du droit de l’Etat sur le territoireduquel l’acte a été passé par cette partie et sicelle-ci n’a pas connu et n’a pas dû connaîtrecette incapacité à ce moment » (291).

206. — Conflit mobile. — L’article 112 duCode consacre les solutions dégagées par laCour de cassation dans son arrêt Lamot du12 novembre 1965 en cas de transfert de l’éta-blissement principal de la personne morale.Schématiquement, le maintien de la personna-lité juridique est soumis à l’application cumu-lative des deux lois en présence, tandis que lefonctionnement de la personne morale donnelieu à une application distributive dans letemps de ces deux lois (292). La portée de cetenseignement doit cependant être fortementnuancée eu égard à l’impact de la jurispruden-ce de la Cour de justice des Communautéseuropéennes relative à la liberté d’établisse-ment (293).

(277) Nous partons du principe, dans les lignes quisuivent, que le litige entre bien dans le champ d’ap-plication fixé à l’article 1er du règlement Bruxelles I.(278) Et ce que le défendeur soit domicilié sur le ter-ritoire de l’Union européenne (application combinéedes articles 2, 3 et 22, 2o, du règlement pour la déter-mination de la compétence et 109 du Code pour ladétermination du siège) ou hors de celui-ci (applica-tion combinée des articles 4 et 22, 2o, du règlementpour la détermination de la compétence et 109 duCode pour la détermination du siège).(279) S’il s’agit d’un Etat tiers, ses tribunaux ne pour-ront se voir reconnaître une compétence exclusive. Eneffet, l’article 22, 2o, du règlement ne prévoit de com-pétence exclusive qu’en faveur des Etats membres.

(280) Application combinée de l’article 4 du règle-ment et 109 du Code. Lorsque le défendeur est domi-cilié dans l’Union européenne, la compétence est dé-terminée exclusivement sur la base du règlementBruxelles I (voy. ses art. 2 et 3) et l’article 109 duCode ne peut donc trouver à s’appliquer.(281) Disposition abrogée par l’article 139, 10o, duCode.(282) Sur cette notion, voy. supra, no 28.(283) Cette solution était déjà largement admise endoctrine. Voy. not. F. Rigaux et M. Fallon, Droitinternational privé, t. II, op. cit., no 1597, p. 749;G. Van Hecke et K. Lenaerts, Internationaal pri-vaatrecht, Bruxelles, E. Story-Scientia, 1989,no 753, p. 338. Pour une application, voy. Paris,1re ch., sect. A, 3 oct. 1984, J.D.I., 1986, p. 156,note B. Goldman; Paris, 3e ch., 19 mars 1965, Rev.crit. d.i.p., 1967, p. 85, note P. Lagarde.(284) Proposition de loi, p. 20.(285) Cons. R. Abrahams, Les sociétés en droit inter-national privé - Recherche du principe d’extraterrito-rialité, Liège, Maison Desoer, 1956, pp. 144 et s.;J. Erauw, « Rechtspersonen met activiteit over delandsgrenzen », Rechtspersonenrecht, Gent, Mys &Breesch, 1999, pp. 113 et s., nos 38 et s.; R. Jafferali,« L’application du droit belge aux sociétés de droitétranger - Une esquisse des contours de la lexsocietatis », R.D.C., 2004, pp. 764 et s., nos 15 et s.,pp. 773 et s.; J. Meeusen, « Commentaar bij art. 56 W.Venn. (oude art. 197 Venn. W.) », Vennootschappen enverenigingen - Artikelgewijze commentaar met over-zicht van rechtspraak en rechtsleer, Mechelen, Kluwer,2000, pp. 26 et s.; R. Prioux, « Les sociétés belges et lessociétés étrangères », Dernières évolutions en droit dessociétés, Bruxelles, Ed. Jeune barreau de Bruxelles,2003, no 9, p. 317; F. Rigaux et M. Fallon, Droit inter-national privé, t. II, op. cit., pp. 745 et s.(286) La liquidation est en principe régie par la loiapplicable à la personne morale (art. 111, § 1er, 3o,du Code). Il faudra cependant tenir compte de l’inci-dence du chapitre XI relatif aux procédures d’insol-vabilité puisque celles-ci incluent semble-t-il les li-quidations déficitaires (art. 116 du Code et justifica-tion de l’amendement no 106, Doc. parl., Sén.,2003-2004, no 3-27/6, p. 33).(287) L’admissibilité des conventions d’actionnaireset leurs effets à l’égard de la personne morale sont

ainsi régis par la loi applicable à la personne morale(art. 111, § 1er, 6o, du Code et proposition de loi,p. 131).(288) La loi applicable à la personne morale déter-mine notamment les droits et les obligations liéesaux parts ou actions et leur exercice (art. 111, § 1er,8o, du Code). Malgré la formulation quelque peu am-phibologique de l’article 91, § 3, cette disposition neconcerne à notre sens que les droits attachés au ca-ractère négociable d’un titre émis par une personnemorale, et non les droits attachés au titre lui-même,c’est-à-dire à la qualité d’associé.(289) Celle-ci est incontestablement régie par la loiapplicable à la personne morale lorsqu’elle résulted’une violation du droit des sociétés (ou, de manièreplus générale, du droit applicable à la personne mo-rale) ou des statuts (art. 111, § 1er, 9o, du Code). Lesautres hypothèses de responsabilité des administra-teurs relèvent en principe des autres dispositions per-tinentes du Code (en ce sens, rapport Sénat, p. 206).Pour une analyse de cette question, voy. notam.,R. Jafferali, op. cit., nos 43 et s., pp. 782 et s.(290) La loi applicable à la personne morale déter-mine dans quelle mesure la personne morale est te-nue à l’égard de tiers de dettes contractées par ses or-ganes (art. 111, § 1er, 10o, du Code). On se situedonc hors du champ d’application de l’article 108.(291) Cette règle est directement inspirée del’article 11 de la Convention de Rome du 19 juin1980 sur la loi applicable aux obligations contrac-tuelles.(292) Voy. Cass., 1re ch., 12 nov. 1965, Lamot,R.P.S., 1966, p. 136, concl. de M. le proc. gén.F. Dumon, alors avocat général, R.C.J.B., 1966,p. 392, note J. Van Ryn, « Conséquences juridiquesdu transfert en Belgique du siège social d’une socié-té étrangère et du transfert à l’étranger du siège so-cial d’une société belge », pp. 399 et s., Rev. crit.d.i.p., 1967, p. 506, note Y. Loussouarn; J.-P. Blum-berg, « Over het grensoverschrijdende associatie-concern zetelverplaatsing en intenationale fusie »,T.P.R., 1992, p. 817; J. Erauw, op. cit., Rechtsperso-nenrecht, no 36; R. Jafferali, op. cit., no 7, pp. 768 ets.; F. Rigaux et M. Fallon, Droit international privé,t. II, op. cit., no 1602, p. 752.(293) Voy. notam., J.-P. Deguée, « Forum shopping,usage ou abus de la liberté d’établissement », note

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207. — Fusions transfrontalières. —L’article 113 du Code prévoit que la fusiondes personnes morales est régie, pour chacunede celles-ci, par le droit de l’Etat dont elles re-lèvent avant la fusion (294). Cette dispositiongénérale ne suffira probablement pas à réglertoutes les difficultés et les travaux antérieursde la doctrine conservent donc leur intérêt enla matière (295).

208. — Droits dérivant d’une émission pu-blique de titres. — L’article 114 du Codeprévoit, dans un souci de protection des inves-tisseurs, que les droits qui dérivent d’uneémission publique de titres sont régis, auchoix du porteur des titres, soit par le droit ap-plicable à la personne morale, soit par le droitde l’Etat sur le territoire duquel l’émission pu-blique a eu lieu. Le but du législateur sembleavoir été d’expliciter en la matière l’applica-tion de l’article 20 du Code, en vertu duquelles règles de conflit de lois ne peuvent porterpréjudice aux règles spéciales d’applicabilité(296). Sous cet angle, l’article 114 ne consti-tue pas une nouveauté (297). Il n’en demeurepas moins que la formulation de cette disposi-tion laisse planer de grandes incertitudes sursa portée exacte (298).

209. — Efficacité des décisions judiciairesétrangères. — Le Code comporte égalementdes règles particulières relatives à l’efficacitédes décisions étrangères touchant à la validité,au fonctionnement, à la dissolution ou à la li-quidation d’une personne morale.

Alors que l’article 109 du Code fonde la com-pétence du juge belge sur la base du doublecritère du siège statutaire et de l’établissementprincipal de la personne morale, l’article 115du Code ajoute aux motifs de refus de recon-naissance prévus à l’article 25 le fait quel’établissement principal de la personne mora-le est situé en Belgique. En d’autres termes, lacirconstance que le siège statutaire est situé àl’étranger ne suffit pas pour permettre la re-connaissance d’une décision étrangère dèslors que l’établissement principal de la per-sonne morale est situé en Belgique. Par con-tre, la présence du siège statutaire en Belgiquesuffit à fonder la compétence du juge belgemême si l’établissement principal est situé àl’étranger.

Ces règles ne trouveront à s’appliquer qu’àl’égard des jugements rendus dans un Etattiers à l’Union européenne. Les décisions pro-noncées dans un Etat membre sont en effet re-c o n n u e s c o n f o r m é m e n t a u r è g l e m e n tBruxelles I. A cet égard, l’article 35, § 1er, durèglement prévoit qu’une décision rendue enméconnaissance des règles de compétence ex-clusive de l’article 22 ne peut être reconnue.Pour rappel, l’article 22, 2o, attribue en matiè-re de personnes morales une compétence ex-clusive aux tribunaux de l’Etat du siège de lapersonne morale, étant entendu que pour dé-terminer le siège, le juge applique les règlesde son droit international privé (supra ,no 203). Encore que la question soit délicate,et bien que l’on pourrait également songer àfaire application de l’article 115 du Code, cerenvoi aux règles nationales impose à notresens, tant au stade de la compétence qu’à celuide la reconnaissance, de faire une application« bilatéralisée » de l’article 109 du Code.

Par conséquent, le juge belge devrait accepterde reconnaître une décision rendue par le juged’un autre Etat membre dès que, soit l’établis-sement principal, soit le siège statutaire de lapersonne morale, se situe dans ledit Etat mem-bre. Il serait en effet peu conforme à l’écono-m i e d u r è g l e m e n t d e c o n s i d é r e r q u el’article 22, 2o, renvoie, au stade de la recon-naissance, à l’article 115 du Code, en particu-lier lorsque le siège statutaire et l’établisse-ment principal de la personne morale sont si-tués dans deux Etats membres différents. Eneffet, ceci aurait pour conséquence que le jugebelge, après avoir décliné sa compétence auprofit du juge de l’Etat du siège statutaire dela personne morale — dans l’hypothèse où cejuge étranger serait le premier saisi — pour-rait cependant refuser par la suite de reconnaî-tre une décision rendue par ce même juge aumotif que l’établissement principal est situédans un autre Etat membre. Si un tel raisonne-ment est admissible, en l’absence d’harmoni-sation des règles de compétence et de recon-naissance, dans un contexte où le législateurreste libre de fixer de manière unilatérale les

motifs de refus de reconnaissance des déci-sions d’un juge étranger (on songe ici à l’ap-plication de l’article 115 du Code lorsque ladécision à reconnaître émane d’un Etat tiers àl’Union européenne), il nous paraît être beau-coup plus difficile à accepter dans le contexteeuropéen du règlement où un souci de prévisi-bilité impose selon nous que la décision dujuge d’un Etat A au profit duquel le juge d’unEtat B décline sa compétence soit ultérieure-ment reconnue par le juge de l’Etat B. La so-lution que nous préconisons est donc favora-ble à la reconnaissance.

Rafaël JAFFERALI

H. — Insolvabilité

§ 1er. — Introduction

210. — Les articles 116 à 121 du Code(chapitre XI) contiennent les dispositions re-latives au règlement collectif de l’insolvabili-té. Ces dispositions largement inspirées du rè-glement Insolvabilité modifient de manière si-gnificative le droit international privé belge enmatière d’insolvabilité.

§ 2. — Champ d’application

211. — Les procédures d’insolvabilité. —La notion de procédure d’insolvabilité consa-crée par le Code est très large. Il s’agit de tou-tes les procédures collectives fondées sur l’in-solvabilité du débiteur. Sont dès lors concer-nées les procédures de droit belge quirépondent à cette définition (à savoir la failli-te, le concordat et le règlement collectif dedettes mais également la liquidation déficitai-re volontaire ou forcée) (299), mais aussi lesprocédures étrangères fondées sur l’insolvabi-lité collective du débiteur (art. 116). Ces pro-cédures peuvent être principales ou territoria-les. La procédure principale est une procédureuniverselle dont les effets s’étendent à l’en-semble des biens du débiteur, même situés àl’étranger (art. 117, 2o). La procédure territo-riale quant à elle est une procédure dont leseffets sont limités aux biens du débiteur situéssur le territoire de l’Etat d’ouverture (art. 117,3o). La consécration à l’article 118 du Coded’un système où l’universalité de la procédureprincipale ouverte à l’égard d’un débiteur estcontrebalancée par la possibilité d’ouvrir uneou plusieurs procédures territoriales d’insol-vabilité à l’égard de ce même débiteur consti-tue une nouveauté remarquable puisque jus-qu’à présent la Belgique avait appliqué lathéorie de l’universalité absolue de la faillite(qui par définition n’envisage que l’ouvertured’une procédure unique et universelle àl’égard d’un débiteur).

212. — Les débiteurs. — Le chapitre XI duCode s’applique indistinctement à tous les dé-biteurs personnes physiques ou morales.

213. — Articulation avec les autres disposi-tions réglant la matière de l’insolvabilité.— Les aspects de droit international privé desprocédures d’insolvabilité sont régies par lesinstruments suivants : (i) le règlement Insol-

sous C.J.C.E., 9 mars 1999, Centros, C-212/97,R.P.S., 2000, pp. 51 et s.; R. Jafferali, op. cit., nos 10et s., pp. 771 et s.; J.-M. Jonet, « Sociétés commer-ciales - La théorie du siège réel à l’épreuve de la li-berté d’établissement - Autour de l’arrêt Übersee-ring », J.T.D.E., 2003, pp. 33 et s.; J. Meeusen, « Dewerkelijke zetel-leer en de communautaire vesti-gingsvrijheid van de vennootschappen - Analyse vanhet arrest Überseering van het Hof van justitie »,T.R.V., 2003, pp. 95 et s.; R. Prioux, op. cit., Derniè-res évolutions en droit des sociétés, nos 28 et s.,pp. 331 et s.; N. Watté et V. Marquette, « Les socié-tés - Questions choisies de droit internationalprivé », Liber amicorum Yvette Merchiers, Brugge,die Keure, 2001, no 18, p. 679; E. Wymeersch, « Dezetelverplaatsing in het vennootschapsrecht », Liberamicorum Jean-Pierre de Bandt, Bruxelles, Bruy-lant, 2004, pp. 757 et s.(294) Comp. avec les articles 17 et suivants du règle-ment (CE) no 2157/2001 du Conseil du 8 octobre2001 relatif au statut de la société européenne (S.E.).(295) Cons. notam., J.-P. Blumberg, op. cit., pp. 825et s.; J. Erauw, op. cit., Rechtspersonenrecht, no 63;Y. Loussouarn et M. Trochu, « Conflits de lois enmatière de sociétés », Juris-classeur droit interna-tional, fasc. no 564-30, nos 326 et s., pp. 29 et s.;J. Meeusen, « Commentaar bij art. 56 W. Venn. »,op. cit., nos 65 et s., pp. 39 et s.; M. Menjucq, Droitinternational et européen des sociétés, Paris, Mont-chrestien, 2001, nos 161 et s.; F. Rigaux et M. Fallon,Droit international privé, t. II, op. cit., no 1600,p. 751; T. Tilquin, Traité des fusions et scissions,Bruxelles, Kluwer, 1993, nos 737 et s., pp. 521 et s.;G. Van Hecke et K. Lenaerts, Internationaalprivaatrecht, op. cit., nos 746 et s., pp. 335 et s.(296) Doc. parl., Sén., 2003-2004, no 3-27/1, p. 132.Voy. supra, no 61.(297) Voy. déjà J. Erauw, op. cit., Rechtspersonen-recht, no 60; R. Jafferali, op. cit., no 37, pp. 780 et s.;Y. Loussouarn et M. Trochu, op. cit., Juris-classeurdroit international, fasc. no 564-30, nos 27 et s., p. 6;M. Menjucq, Droit international et européen des so-ciétés, op. cit., no 77; R. Vander Elst, op. cit.,Rép. not., t. XVIII, l. I, no 89.3, p. 153; G. VanHecke et K. Lenaerts, Internationaal privaatrecht,op. cit., no 744, p. 335.(298) Ainsi, que faut-il entendre précisément par« porteur des titres », « émission publique de titres »

et « les droits qui dérivent » de cette émission? Pourune première analyse de cette disposition, voy. lecommentaire de M.-D. Weinberger, à paraître à laR.G.D.C. (299) Rapport Sénat, p. 367.

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vabilité (qui vise uniquement les procéduresintracommunautaires) (300), (ii) la loi du6 décembre 2004 assurant la transposition endroit belge de la directive 2001/17/CE du Par-lement européen et du Conseil du 19 mars2001 concernant l’assainissement et la liqui-dat ion des ent repr ises d’assurance ( la« directive assurances ») et de la directive2001/24/CE du Parlement européen et duConseil du 4 avril 2001 concernant l’assainis-sement et la liquidation des établissements decrédit ( la « directive établissements decrédit ») (301), (iii) des conventions bilatéra-les conclues entre la Belgique, la France, lesPays-Bas, le Royaume-Uni et l’Autriche(302) et (iv) le Code. En application del’article 2 du Code (qui confirme le principede la primauté des instruments internationauxsur les dispositions de droit national et l’adagelex specialis), le chapitre XI ne s’appliquequ’à défaut d’application du règlement Insol-vabilité, de la loi du 6 décembre 2004 ou

d’une des conventions bilatérales conclues parla Belgique. Les articles 116 à 121 du Codes’appliqueront donc principalement (i) auxprocédures d’insolvabilités non communau-taires, c’est-à-dire celles relatives à un débi-teur dont le principal établissement n’est passitué dans un Etat membre, mais qui a établien Belgique son siège statutaire ou qui y dis-pose d’un établissement, et (ii) aux procédu-res communautaires qui concernent un débi-teur exclu du champ d’application du règle-ment et non visé par la loi du 6 décembre2004 (il s’agit principalement des entreprisesd’investissement qui fournissent des servicesimpliquant la détention de fonds ou de valeursmobilières de tiers et des organismes de place-ment collectifs exclues à l’article 1, 2o, du rè-glement et non visées par la loi du 6 décembre2004 qui concerne uniquement les entreprisesd’assurance et les établissements de crédit).

§ 3. — Règles de compétence

214. — Procédure principale. — Les juridic-tions belges sont compétentes pour ouvrir uneprocédure principale, s’il s’agit d’un débiteurpersonne physique, lorsque le débiteur est do-micilié en Belgique et, s’il s’agit d’un débi-teur personne morale, si celle-ci possède enBelgique son établissement principal ou sonsiège statutaire (art. 118, § 1er, al. 2, 1o).

215. — Procédure territoriale. Les juridic-tions belges sont compétentes pour ouvrir uneprocédure territoriale lorsque le débiteur pos-sède un établissement en Belgique (art. 118,§ 1er, al. 2, 2o).Bien que les règles de compétence consacréespar le Code soient fortement inspirées du rè-glement Insolvabilité, le Code s’en écarte àplusieurs égards. Premièrement, il est resté fi-dèle au critère de l’établissement principal(puisque ce critère tel que défini à l’article 4,§ 2, 2o, du Code (303) s’assimile au critère dusiège réel traditionnellement consacré en droitbelge comme règle de compétence pourl’ouverture d’une procédure d’insolvabilitétransfrontière par opposition à celui du siègestatutaire) plutôt que d’adopter le critère, fortproche, de centre des intérêts principaux con-sacré par le règlement. Ce choix d’un facteurdifférent de celui consacré par le règlementInsolvabilité permettra aux juridictions belgesd’assurer une interprétation autonome de cettenotion, indépendamment de celle de centredes intérêts principaux qui serait retenue parles Etats membres ou par la Cour de justicedes Communautés européennes (304). Ensui-te, le Code innove en consacrant un autre cri-tère de compétence lorsque le débiteur est unepersonne morale : la présence en Belgiquesoit de l’établissement principal, soit du siègestatutaire. Ce critère de rechange s’écarte nonseulement des dispositions du règlement(305) mais également des règles de droit inter-

national privé en vigueur avant le Code qui neretenaient que le critère du siège réel, par op-position à celui du siège statutaire.

216. — Contestations dérivant de la failliteet mesures provisoires. — Les juridictionsbelges compétentes pour ouvrir une procédureprincipale ou territoriale d’insolvabilité sur labase du règlement ou de l’article 118, § 1er,du Code le sont également pour connaître descontestations qui dérivent directement de laprocédure d’insolvabilité (art. 118, § 2). Ilfaut en déduire selon nous qu’elles sont no-tamment compétentes pour prononcer des me-sures provisoires et conservatoires dèsl’ouverture de la procédure d’insolvabilité.

§ 4. — Loi applicable

217. — Règle générale. — La lex concursus(i.e. la loi de l’Etat d’ouverture de la procédu-re d’insolvabilité) en régit l’ouverture, le dé-roulement et la clôture (art. 119, § 1er). Sondomaine est déterminé à l’article 119, § 1er,alinéa 2, du Code par référence à l’article 4,2o, a à m, du règlement Insolvabilité qui re-prend une liste non exhaustive des questionsrégies par la loi de la faillite (306).

218. — Exceptions. — Afin de protéger lesdroits de certains créanciers en cas de faillitede leur débiteur (en évitant d’appliquer cumu-lativement la lex concursus et la ou les loi(s)applicable(s) à ces droits à la question de leurvalidité et de leur opposabilité en cas deconcours) (307), le Code prévoit en son

(300) C’est-à-dire celles qui concernent un débiteurdont le centre des intérêts principaux est situé dans unEtat membre, en ce compris les dix nouveaux Etatsmembres puisque le règlement fait partie de l’acquiscommunautaire qui leur est directement applicable(voy. art. 2 de l’acte d’adhésion) mais à l’exception duDanemark qui n’est pas lié par le règlement. Sur le rè-glement voy. notam., N. Watté et V. Marquette, « Lerèglement communautaire du 29 mai 2000, relatif auxprocédures d’insolvabilité », R.D.C., 2001, pp. 565-579; E. Dirix et V. Sagaert, « De Europese Insolven-tieverordening », in Gerechtelijk akkoord en faillisse-ment, Kluwer, 2002, pp. 20-26.(301) Loi du 6 décembre 2004 modifiant notam-ment, en matière de procédures d’insolvabilité, la loidu 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle desétablissements de crédit et la loi du 9 juillet 1975 re-lative au contrôle des entreprises d’assurances, M.B.,28 déc. 2004, p. 85856. Sur la directive « Etablisse-ments de crédit » : J.-P. Deguée, « La directive 2001/24/CE sur l’assainissement et la liquidation des éta-blissements de crédit : une solution au défaillancesbancaires internationales? » Euredia, 2001-2002,pp. 241 et s. et « La directive 2001/24/CE sur l’assai-nissement et la liquidation des établissements decrédit : enfin un droit international privé uniformedes procédures d’insolvabilité en matière bancaire »,Cahiers A.E.D.B.F., no 15, Bruylant, 2004, pp. 185et s.(302) Convention du 8 juillet 1899 entre la Belgiqueet la France sur la compétence judiciaire, sur l’auto-rité et l’exécution des décisions judiciaires, des sen-tences arbitrales et des actes authentiques, loi du31 mars 1900 (M.B., 30-31 juill. 1900); Conventiondu 16 juillet 1969 entre la Belgique et l’Autriche surla faillite, le concordat et le sursis de paiement (avecle Protocole additionnel du 13 juin 1973); loi du15 avril 1975 (M.B., 24 juill. 1975); Convention du28 mars 1925 entre la Belgique et les Pays-Bas sur lacompétence judiciaire territoriale, sur la faillite, ain-si que sur l’autorité et l’exécution des décisions judi-ciaires, des sentences arbitrales et des actes authen-tiques, loi du 16 août 1926 (M.B., 27 juill. 1929);Convention du 2 mai 1934 entre le Royaume-Uni etla Belgique sur l’exécution réciproque des juge-ments en matière civile et commerciale, loi du 4 mai1936 (M.B., 27 nov. 1936). Ces conventions n’ontpas été abrogées à la suite de l’entrée en vigueur durèglement Insolvabilité. Son article 44 précise toute-fois que ses dispositions remplacent les différentesconventions bilatérales conclues entre Etats liés pourles matières auxquelles il se réfère. La portée de cesconventions est donc en pratique fort réduite sauf ence qui concerne notamment les catégories de débi-teurs exclues à l’article 1, 2o, du règlement Insolva-bilité.

(303) Voy. supra, no 28.(304) Sur les difficultés d’interprétations de la notionde centre des intérêts principaux, notamment en casd’insolvabilité de groupe de sociétés, voy. C. Barbé,« Note sous High Court of Justice Leeds District Re-gistry, 16 mai 2003, cour d’appel de Versailles4 septembre 2003 et tribunal de commerce de Charle-roi, 16 juillet 2002 », R.D.C., 2004, pp. 813 et s.(305) Qui ne consacre pas le siège statutaire commecritère de compétence autonome, mais dont

l’article 3 dispose que le centre des intérêts princi-paux du débiteur est présumé être situé au lieu dusiège statutaire, sauf preuve contraire.(306) L’article 4, 2o, du règlement énonce que :« 2. La loi de l’Etat d’ouverture détermine les condi-tions d’ouverture, le déroulement et la clôture de laprocédure d’insolvabilité. Elle détermine notam-ment :a) les débiteurs susceptibles de faire l’objet d’uneprocédure d’insolvabilité du fait de leur qualité;b) les biens qui font l’objet du dessaisissement et lesort des biens acquis par le débiteur après l’ouverturede la procédure d’insolvabilité;c) les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic;d) les conditions d’opposabilité d’une compensation;e) les effets de la procédure d’insolvabilité sur lescontrats en cours auxquels le débiteur est partie;f) les effets de la procédure d’insolvabilité sur lespoursuites individuelles, à l’exception des instancesen cours;g) les créances à produire au passif du débiteur et lesort des créances nées après l’ouverture de la procé-dure d’insolvabilité;h) les règles concernant la production, la vérificationet l’admission des créances;i) les règles de distribution du produit de la réalisationdes biens, le rang des créances et les droits des créan-ciers qui ont été partiellement désintéressés aprèsl’ouverture de la procédure d’insolvabilité en vertud’un droit réel ou par l’effet d’une compensation;j) les conditions et les effets de la clôture de la pro-cédure d’insolvabilité, notamment par concordat;k) les droits des créanciers après la clôture de la pro-cédure d’insolvabilité;l) la charge des frais et des dépenses de la procédured’insolvabilité;m) les règles relatives à la nullité, à l’annulation ou àl’inopposabilité des actes préjudiciables à l’ensem-ble des créanciers ».(307) Sur l’application cumulative de différenteslois aux sûretés réelles notamment (lex contractus,

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article 119, § 2, des exceptions au domaine dela lex concursus analogues à celles consacréesaux articles 5 à 13 du règlement Insolvabilité(sous réserve de la matière des brevets et desmarques communautaires visée à l’article 12du règlement et non reprise dans le Code).Ainsi, les effets d’une procédure d’insolvabi-lité sur les droits réels des tiers portant sur lesbiens du débiteur qui sont situés sur le territoi-re d’un autre Etat au moment de l’ouverturede la procédure d’insolvabilité sont régis uni-quement par le droit applicable à ces droitsréels (art. 119, § 2, 1o) (308). En matière decompensation le Code prévoit que le droitpour le créancier d’invoquer la compensationavec la créance du débiteur est régi par le droitapplicable à la créance du débiteur insolvable(art. 119, § 2, 2o). Les exceptions prévues enmatière de réserve de propriété, contrats por-tant sur un bien immobilier, droits des partici-pants à un système de paiement, de règlementou à un marché financier, contrats de travail eteffets sur les droits du débiteur sur un bien im-mobilier, un navire ou un aéronef soumis àl’enregistrement sont largement similairesaux dispositions du règlement (art. 119, § 2,3o et § 3). Les actions en nullité, en annulationou en inopposabilité des actes préjudiciables àl’ensemble des créanciers restent toutefoissoumises à la lex concursus (art. 119, § 2)sauf si celui qui a bénéficié de l’acte préjudi-ciable peut prouver que cet acte est soumis audroit d’un autre Etat et qu’en vertu de ce droitcet acte ne peut pas faire en l’espèce l’objetd’une nullité, annulation ou inopposabilité(art. 119, § 4 du Code, similaire à l’article 13du règlement).

§ 5. — Reconnaissance et exécution

219. — Généralités. — Les conditions de lareconnaissance et de l’exécution des décisionsd’insolvabilité étrangères (non visées par lerèglement Insolvabilité ou par un autre instru-ment) sont celles qui s’appliquent générale-ment à toute décision judiciaire prononcéedans un Etat avec lequel il n’existe pas de con-vention, ni de traité (309).

220. — Reconnaissance automatique. — LeCode confirme le système de reconnaissanceautomatique des décisions étrangères d’insol-vabilité, c’est-à-dire sans qu’il soit besoind’un exequatur (art. 121, § 1er et 22, § 1er,al. 2).

221. — Exequatur et demande de recon-naissance. — L’exécution des décisionsétrangères d’insolvabilité requiert un exequa-tur conformément à la procédure prévue àl’article 23 du Code (art. 121, § 1er, et 22,§ 1er, al. 1er) (310). Par dérogation à cette dis-

position, c’est le tribunal de commerce qui estcompétent pour connaître de toute demandeconcernant la reconnaissance ou la déclara-tion de force exécutoire d’une procédureétrangère d’insolvabilité (qu’elle soit fondéesur le Code ou sur le règlement) et non le tri-bunal de première instance sauf en ce qui con-cerne le règlement co l lec t i f de de t tes(art. 121, § 4).

222. — Motifs de refus. — Outre les motifsde refus prévus à l’article 25 du Code quis’appliquent bien entendu à la reconnaissanceet l’exécution des décisions d’insolvabilitéétrangères (311), il existe à leur égard des mo-tifs spéciaux de refus. Ainsi, la procédureprincipale étrangère ne doit être reconnue oudéclarée exécutoire que lorsque l’établisse-ment principal du débiteur était situé dans cetEtat au moment de l’introduction de lademande (art. 121, § 1er, 1o). La procédureterritoriale ne peut l’être que lorsque le débi-teur possédait un établissement autre qu’unétablissement principal dans cet Etat au mo-ment de l’introduction de la demande et uni-quement en ce qui concerne les biens du débi-teur situés sur le territoire de l’Etat d’ouvertu-re (art. 121, § 1er, 2o). Il est à cet égardparadoxal que les juridictions belges devrontrefuser la reconnaissance ou l’exécution enBelgique d’une procédure principale étrangè-re au motif que l’établissement principal dudébiteur n’était pas situé dans l’Etat où la pro-cédure principale a été ouverte, alors que lesjuridictions belges elles-mêmes peuvent fon-der leur compétence pour ouvrir une procédu-re principale sur la présence en Belgique dusiège statutaire du débiteur, et ce même si sonétablissement principal est situé à l’étranger(art. 118, § 1er). Il est par ailleurs égalementprévu que la décision judiciaire étrangère nepeut sortir d’effets en Belgique qui seraientcontraires aux droits des parties conformé-ment à l’article 119, §§ 2 à 4 (c’est-à-dire auxdispositions qui prévoient des dérogations auchamp d’application de la lex concursus).Nous comprenons qu’il ne s’agit pas ici d’unmotif de refus de reconnaissance de la déci-sion dans son entièreté mais plutôt des seulseffets découlant de la procédure étrangère quiseraient contraires aux droits des tiers proté-gés par ces exceptions à la lex concursus. Cedernier motif de refus risque d’être invoquélargement puisqu’il suffit que le droit de l’Etatd’ouverture contienne des règles de conflitsde lois différentes de celles consacrées par leCode.

§ 6. — Coopération

223. — Le Code impose une obligation géné-rale de coopération au curateur de la procédu-re principale ou territoriale ouverte en Belgi-que sur la base des dispositions du Code avecl’administrateur de la procédure étrangère.Cette obligation ne s’applique que sous réser-ve de réciprocité du droit étranger et unique-ment si les frais engendrés par cette coopéra-tion ne sont pas déraisonnables compte tenude l’actif du débiteur (art. 120).

Vanessa MARQUETTE

I. — Propriété intellectuelle

§ 1er. — Introduction

224. — Notion de « propriété intellectuelle ».— La matière de la propriété intellectuelle faitl’objet d’un régime spécifique au sein duchapitre VIII du Code relatif aux « biens ». Lestrois volets du droit international privé (la com-pétence, le droit applicable et l’exécution desdécisions étrangères) la concernant y sont abor-dés respectivement aux articles 86, 93 et 95. LeCode ne précise toutefois pas ce qu’il faut enten-dre par « propriété intellectuelle ». Selon l’ex-posé des motifs, le terme doit être interprété demanière large (312). Il est renvoyé à ce sujet auxconventions internationales en la matière, plusparticulièrement à l’article 2 de la Conventionde Stockholm, du 14 juillet 1976, instituantl’Organisation mondiale de la propriété intellec-tuelle (O.M.P.I.). Au sens de cet article, « la pro-priété intellectuelle » concerne « les droits rela-tifs aux œuvres littéraires, artistiques et scienti-fiques, aux interprétat ions des ar t is tesinterprètes et aux exécutions des artistes exécu-tants, aux phonogrammes et aux émissions deradiodiffusion, aux inventions dans tous les do-maines de l’activité humaine, aux découvertesscientifiques, aux dessins et modèles industriels,aux marques de fabrique, de commerce et deservice, ainsi qu’aux noms commerciaux et dé-nominations commerciales, à la protection con-tre la concurrence déloyale, et tous les autresdroits afférents à l’activité intellectuelle dans lesdomaines industriel, scientifique, littéraire etartistique ».

Bien qu’elle soit reprise dans cette définition,la concurrence déloyale est régie par lechapitre IX consacré aux « obligations » et,notamment, par l’article 99, § 1er, 2o, en cequi concerne le droit applicable (313).

§ 2. — Compétence internationale

225. — Primauté du droit international. —La question de la protection internationale desdroits intellectuels est, dans une large mesure,régie par des conventions internationales etdes instruments européens. En vertu del’article 2 du Code, l’applicabilité de ce der-nier est subordonnée à celle de ces sources in-ternationales ou communautaires (314). Par-mi celles-ci, l’on peut citer des instrumentsgénéraux, tels le règlement Bruxelles I ou laConvention de Bruxelles, ainsi que d’autresinstruments plus spécifiques en droit des mar-ques (loi uniforme Benelux sur les marques,règlement sur la marque communautaire), endroit des dessins et modèles (règlement sur lesdessins et modèles), ou encore en droit des ob-tentions végétales (règlement instituant un ré-gime de protection communautaire des obten-tions végétales). Chacune de ces sources pré-voit un régime de compétence spécifique, quiprévaut sur les règles du Code. L’intérêt deson article 86 est dès lors fort réduit: la dispo-sition est essentiellement une règle subsidiai-re qui, à défaut d’application d’un régime in-ternational ou européen, permet de fonder lacompétence internationale des juridictionsbelges.

lex rei sitae et lex concursus) avant l’entrée en vi-gueur du Code, voy. Marquette, « L’incidence du rè-glement 1346/2000 relatif aux procédures d’insolva-bilité sur les sûretés bancaires contractuelles », Cah.A.E.D.B.F., no 15, Bruylant, 2004, pp. 129 et s.(308) Cette exception ne trouvera à s’appliquer quedans l’hypothèse où les juridictions belges ouvrentune procédure principale. En effet, si elles ouvrentune procédure territoriale, celle-ci n’a vocation à ré-gir que les biens situés sur le territoire belge et doncla condition de localisation des biens dans un autreEtat ne sera jamais remplie.(309) Voy. supra nos 94 et s.(310) Voy. supra, nos 88 et s. (311) Voy. supra nos 94 et s.

(312) Proposition de loi, p. 119.(313) Voy. supra, no 195.(314) Voy. supra, no 9.

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226. — Régime dualiste. — L’article 86 duCode instaure un régime dualiste en faisant ladistinction entre, d’une part, les demandesconcernant l’inscription ou la validité dedroits de propriété intellectuelle donnant lieuà un dépôt ou enregistrement et, d’autre part,toutes les autres demandes en matière de pro-priété intellectuelle.

En ce qui concerne la première catégorie de li-tiges, l’article 86, § 2, édicte une règle decompétence exclusive — dérogeant aux dis-positions générales (315) — en faveur des ju-ridictions belges, lorsque le dépôt ou l’enre-gistrement a été demandé en Belgique, y a étéeffectué ou est réputé y avoir été effectué auxtermes d’une convention internationale. End’autres termes, les juridictions belges ne sontcompétentes pour connaître de la validité et del’inscription que des droits intellectuels dépo-sés ou enregistrés en Belgique.

Pour tous les autres litiges en matière de pro-priété intellectuelle, l’article 86, § 1er, établitune règle de compétence spéciale, à côté desdispositions générales du Code sur la compé-tence internationale. La compétence interna-tionale du juge belge, fondée sur cette dispo-sition, découle du caractère territorial de l’ac-tion de la partie demanderesse. En effet, lesjuridictions belges ne pourront être saisies quepour autant que la partie demanderesse invo-que une protection en vigueur sur le territoirebelge (316). Cette disposition ne permet dèslors pas de fonder la compétence internationa-le des tribunaux belges pour une protectionextraterritoriale. A contrario, une telle limita-tion territoriale n’existe pas lorsque le deman-deur se fonde sur l’un des chefs de compéten-ce générale. Par exemple, lorsqu’une deman-de est fondée sur des actes de contrefaçontransfrontaliers commis par l’établissementbelge d’une société n’ayant ni domicile ni ré-sidence en Belgique, au sens de l’article 5,§ 2, du Code.

227. — Distinction. — Il ne sera pas toujoursaisé, dans la pratique, de faire la distinction

entre les deux régimes de compétence prévusà l’article 86 du Code. Ainsi, quid de l’hypo-thèse où, dans le cadre d’une action en contre-façon, le défendeur conteste la validité du bre-vet invoqué par le demandeur (317)? L’exposédes motifs précise qu’un tel litige doit êtreconsidéré comme une action en contrefaçon etdoit dès lors être soumis au régime de compé-tence non exclusive prévu aux articles 86,§ 1er et 5 à 11 du Code (318). Il n’est toutefoispas exclu que la jurisprudence future de laCour de justice des Communautés européen-nes ait une incidence indirecte sur ce problè-me de qualification. La Cour devra en effet seprononcer prochainement au sujet d’un pro-blème analogue dans le cadre de la Conven-tion de Bruxelles, plus particulièrement laquestion de l’applicabilité de l’article 16, 4o,de cette Convention aux questions concernantla validité d’un droit intellectuel, qui sont sou-levées dans le cadre d’une action en contrefa-çon (319). Etant donné que l’article 86 duCode est rédigé dans des termes similaires àceux de l’article 16, 4o, de la Convention deB r u xe l l e s ( a r t . 2 2 , 4 o , d u r è g l e m e n tBruxelles I), la réponse de la Cour aura certai-nement une influence sur l’interprétation à ré-server à l’article 86 du Code. Il importe de no-ter à cet égard que l’avocat général Geelhoedconclut que l’article 16, 4o, de la Conventionde Bruxelles est applicable lorsque l’existenceou la validité d’un droit intellectuel est con-testée dans le cadre d’une action en contrefa-çon. Dans l’hypothèse où la Cour suivraitl’opinion de son avocat général, le champd’application de la règle de compétence ex-clusive prévue à l’article 16, 4o, serait consi-dérablement élargi. La question se pose dèslors de savoir si la jurisprudence belge se li-vrera à une interprétation analogue (c’est-à-dire extensive) de l’article 86, § 2, du Code.

§ 3. — Droit applicable

228. — Deux règles de conflit. — En ce quiconcerne la loi applicable, le Code distinguedeux catégories de litiges: d’une part, il ins-taure une règle de conflit spéciale en ce quiconcerne la question de la titularité d’un droitde propriété industrielle (art. 93, al. 2) et,d’autre part, il prévoit une règle de conflit gé-nérale, pour l’ensemble des autres litiges quitombent sous le champ d’application del’article 93.

a) Droit applicable à la titularité d’un droit de propriété industrielle

229. — Titularité. — La titularité originaired’un droit de propriété industrielle (320) estrégie par une règle de conflit spécifique. Envertu de l’article 93, alinéa 2, du Code, s’ap-plique le droit de l’Etat avec lequel l’activitéintellectuelle présente les liens les plusétroits. Il existe une présomption réfragabledans l’hypothèse où l’activité a lieu dans lecadre de relations contractuelles. Il est alorsprésumé que l’activité présente les liens lesplus étroits avec l’Etat dont le droit est appli-cable à ces relations. La loi applicable à uncontrat de travail ou à un contrat de prestationde services régit donc également la questionde la titularité des droits nés dans le cadre decette convention. Il existe des dispositions si-milaires dans la Convention de Munich sur lebrevet européen du 5 octobre 1973 (art. 60) etdans la loi suisse sur le droit international pri-vé (art. 122, § 3). Cette règle spécifique neconcerne que les droits industriels (brevets,marques, droits d’obtention végétale, dessinset modèles, etc.) et ne permet dès lors pas dedéterminer la titularité d’un droit d’auteur oud’un droit voisin. Les droits de propriété intel-lectuelle au sens strict (les droits d’auteurs etvoisins, la protection des bases de données,etc.) tombent dès lors dans le champ d’appli-cation de l’article 93, alinéa 1er, du Code.

b) La prépondérance de la règle du lex loci protectionis

230. — Principe de territorialité. — En ver-tu de l’article 93, alinéa 1er, du Code, lesautres litiges en matière de propriété intellec-tuelle sont régis par le droit de l’Etat pour leterritoire duquel la protection est demandée. Ils’agit d’une règle classique, basée sur le prin-cipe de territorialité des droits de la propriétéintellectuelle.

Le principe de la territorialité comme facteurde rattachement peut toutefois s’avérer pro-blématique lorsque le demandeur revendiquela protection de ses droits intellectuels dansplusieurs pays. Dans ce cas, une applicationdistributive de l’article 93, alinéa 1er, du Codes’impose: le droit de l’Etat A détermine si unecontrefaçon a été réalisée dans l’Etat A, ledroit de l’Etat B si une violation du droit a étécommise dans l’Etat B, etc. L’application del’article 93, alinéa 1er, à des litiges transfron-tières aboutit donc à une fragmentation des lé-gislations applicables et à l’application deprincipe de différents systèmes juridiques.L’harmonisation progressive au niveau inter-national des différentes législations nationales

(315) Voy. supra, nos 32 et s.(316) L’article 86, § 1er du Code traite en effet d’unedemande « qui vise une protection limitée au terri-toire belge ».

(317) L’invocation de la nullité du droit intellectuellitigieux est en effet la défense classique du défen-deur assigné en contrefaçon. Le défendeur ne peut eneffet avoir violé un droit qui se révèle nul.(318) Proposition de loi, p. 114.(319) Voy. les conclusions de l’avocat général L.A.Geelhoed du 16 septembre 2004, dans l’affaire C-4/03, Gesellschaft für Antriebstechnik mbH & co. KG(GAT) c. Lamellen und Kupplungsbau BeteiligungsKG (LUK) (à consulter sur le site www.curia.eu.int).

(320) Cette question se pose par exemple afin de dé-terminer qui est le titulaire des inventions qui nais-sent dans le cadre d’un contrat de travail.

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en matière de propriété intellectuelle augmen-te toutefois les chances d’équivalence desrègles applicables.

231. — Détermination du droit étranger. —En outre, afin de régler ces difficultés, l’exposédes motifs renvoie à l’exception prévue àl’article 15, in fine, du Code (321). En vertu decette disposition, il est possible, dans certainescirconstances, de ne pas faire application d’undroit étranger en matière de propriété intellec-tuelle et d’appliquer, au contraire, le droit bel-ge. Plus précisément, le juge saisi peut faire ap-plication de l’article 15, in fine, lorsqu’il estmanifestement impossible de déterminer lecontenu du droit étranger en temps utile. Cecipourrait par exemple se produire dans le cadred’une procédure en référé. En effet, comptetenu de l’urgence, l’application d’une pluralitéde systèmes juridiques semble peu aisée.

232. — Exception d’ordre public. — Enfin,l’exposé des motifs se réfère encore à l’appli-cation éventuelle de l’article 21 du Code,c’est-à-dire à l’exception d’ordre public inter-national (322). En vertu de cette disposition,un droit étranger en matière de propriété intel-lectuelle pourrait aussi être écarté lorsque soncontenu diffère de certaines dispositions quisont considérées comme fondamentales enBelgique, tels l’indisponibilité du droit moralou le privilège réservé à une personne physi-que d’être titulaire d’un droit d’auteur (323).Compte tenu de l’application limitative del’article 21 du Code, la question se pose tou-tefois de savoir si ces règles du droit d’auteurfont bel et bien partie de l’ordre public belge.

§ 4. — Efficacité des décisions

233. — Motif de refus. — L’article 95 duCode prévoit un motif de refus spécial en cequi concerne l’efficacité en Belgique des ju-gements étrangers en matière de droits de pro-priété intellectuelle. Pour le surplus, les autresmotifs de refus prévus à l’article 25 du Code(324), sont bien entendu applicables. L’article95 du Code doit être lu en parallèle avec lechef de compétence exclus ive prévu àl’article 86, § 2. Comme exposé (supra ,no 226), cette disposition confère une compé-tence exclusive aux juridictions belges pourconnaître des demandes concernant l’inscrip-tion ou la validité des droits de propriété in-dustrielle, lorsque le dépôt ou l’enregistre-ment de ces droits a eu lieu en Belgique. Envertu de l’article 95, une décision étrangèrequi, « en dépit » de l’article 86, § 2, se pro-nonce au sujet de l’inscription ou la validitéd’un droit intellectuel « belge » (325), ne serapas reconnue en Belgique. Cette règle est ana-logue à celle de l’article 35 du règlementBruxelles I.

Marta PERTEGÀS SENDER (*)

(321) Voy. supra, no 69.(322) Voy. supra, no 58.(323) Proposition de loi, p. 120.(324) Voy. supra, nos 94 et s.(325) Plus précisément, un droit industriel dont ledépôt ou l’enregistrement a été demandé en Belgi-que, y a été effectué ou est réputé y avoir été effectuéaux termes d’une convention internationale.(*) L’auteur remercie Me Christel Brion pour la tra-duction du présent texte.

T

TABLE DES MATIÈRES

Pages Pages

Introduction ........................................................ 173

A. — Origine, objet et structure........................ 173§ 1er. — Origine, objectifs et interprétation.... 173§ 2. — Objet et structure................................. 174

a) Objet......................................................... 174b) Structure................................................... 174c) Caractère supplétif ................................... 174

B. — Entrée en vigueur et dispositions transitoi-res ...................................................................... 175

§ 1er. — Entrée en vigueur.............................. 175§ 2. — Dispositions transitoires...................... 175

a) Compétence judiciaire.............................. 175b) Efficacité des décisions judiciaires et actes authentiques étrangers ..................... 175c) Conflits de lois ......................................... 175

C. — Définition des facteurs de rattachement .. 176§ 1er. — Nationalité ........................................ 176§ 2. — Domicile.............................................. 176§ 3. — Résidence habituelle ........................... 176

Règles générales.................................................. 177

A. — Compétence judiciaire ............................. 177§ 1er. — Structure des règles de compétence.. 177§ 2. — Chefs généraux de compétence........... 177

a) Domicile ou résidence habituelle du dé-fendeur.......................................................... 177b) Etablissement secondaire d’une personnemorale........................................................... 177c) Clauses attributives de juridiction ............ 177d) Comparution volontaire du défendeur ..... 178e) Demandes incidentes................................ 178f) Connexité internationale........................... 179g) Attribution exceptionnelle de compéten-ce internationale ........................................... 179

§ 3. — Incidents de compétence..................... 179a) Vérification de la compétence internatio-nale ............................................................... 179b) Mesure provisoires et mesures d’exécu-tion................................................................ 179c) Litispendance internationale .................... 179d) Compétence interne ................................. 180

B. — Conflits de lois ......................................... 180§ 1er. — Les nouveautés ................................. 180

a) La clause d’exception............................... 180b) Suppression de principe du renvoi ........... 181c) Une solution restrictive du conflit de na-tionalités ....................................................... 181

§ 2. — Les confirmations................................ 181a) L’exception d’ordre public ....................... 181b) Les règles spéciales d’applicabilité.......... 182c) La fraude à la loi ...................................... 182d) Le statut du droit étranger........................ 182

§ 3. — Les silences et les solutions implicites 182a) Absence de définition du caractère inter-national des situations visées ....................... 182b) La qualification ........................................ 183c) Le conflit mobile ...................................... 183d) La question préalable ............................... 183e) Silence du Code sur le rôle du juge dansl’application des règles de conflit de lois ..... 183

C. — Efficacité des jugements et actes authen-tiques.................................................................. 184

§ 1er. — Les différentes dimensions de l’effi-cacité ............................................................... 184§ 2. — Reconnaissance et exécution des décisionsjudiciaires étrangères ...................................... 184

a) Principes................................................... 184b) Compétence, procédure et mesures con-servatoires..................................................... 184c) Motifs de refus de reconnaissance etd’exécution des jugements ........................... 185

§ 3. — Reconnaissance et exécution des actesauthentiques et transactions judiciaires........... 186

a) Principes................................................... 186b) Compétence et procédure......................... 186

§ 4. — Mention et transcription...................... 186

Règles spéciales................................................... 186

A. — Etat et capacité des personnes................. 186§ 1er. — L’état, la capacité et la protection desincapables ....................................................... 186

a) Compétence internationale....................... 186b) Règles de conflits de lois ......................... 186

§ 2. — Les noms et prénoms .......................... 186§ 3. — L’absence ............................................ 187

B. — Les relations parents - enfants ................. 187§ 1er. — La filiation ........................................ 187§ 2. — L’autorité parentale ............................. 187§ 3. — Les aliments ........................................ 188

C. — Mariage et divorce ................................... 188§ 1er. — Les relations matrimoniales ............. 188

a) La promesse de mariage........................... 188b) La formation du mariage ......................... 188c) Les effets du mariage ............................... 189d) La dissolution du mariage........................ 190

§ 2. — Les relations de vie commune ............ 191

D. — Régimes matrimoniaux et successions..... 191§ 1er. — Les régimes matrimoniaux ............... 191

a) Compétence judiciaire ............................. 191b) Conflits de lois ......................................... 191

§ 2. — Les successions ................................... 192a) Compétence judiciaire ............................. 192b) Conflits de lois ......................................... 192

E. — Biens et trust............................................. 193§ 1er. — Biens................................................. 193

a) Compétence internationale en matière dedroits réels .................................................... 193b) Etendue ratione materiae du droit appli-cable ............................................................. 193c) Droit applicable aux droits réels .............. 193d) Sort particulier des créances .................... 193e) Les titres négociables ............................... 194f) Les biens culturels et les biens volés ........ 194

§ 2. — Trust .................................................... 194a) La notion de trust ..................................... 194b) Compétence internationale en matière detrust .............................................................. 194c) Droit applicable au trust........................... 195d) Etendue ratione materiae du droit appli-cable ............................................................. 195

F. — Obligations ............................................... 195§ 1er. — Compétence internationale ............... 195§ 2. — Loi applicable ..................................... 196

a) Les obligations contractuelles.................. 196b) Les obligations dérivant d’un fait domma-geable ........................................................... 196c) Nouvelles catégories de rattachement...... 197

G. — Personnes morales ................................... 197

H. — Insolvabilité ............................................. 199§ 1er. — Introduction ...................................... 199§ 2. — Champ d’application........................... 199§ 3. — Règles de compétence......................... 200§ 4. — Loi applicable ..................................... 200§ 5. — Reconnaissance et exécution .............. 201§ 6. — Coopération......................................... 201

I. — Propriété intellectuelle .............................. 201§ 1er. — Introduction ...................................... 201§ 2. — Compétence internationale ................. 201§ 3. — Droit applicable .................................. 202

a) Droit applicable à titularité d’un droit depropriété industrielle .................................... 202b) La prépondérance de la règle du lex lociprotectionis................................................... 202

§ 4. — Efficacité des décisions....................... 203

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