LE RÊVE ÉVEILLÉ DIRIGÉ

UNE MÉTHODE DE

PSYCHOTHÉRAPIE ANALYTIQUE

© 1970 - LES EDITIONS E S F

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction réservés pour tous pays, y compris l'U.R.S.S

COLLECTION DES SCIENCES HUMAINES APPLIQUÉES

SOUS LA DIRECTION DE M. LE P R O F E S S E U R PAUL SIVADON,

M. LE DOCTEUR JEAN GUILHOT E T M. LE DOCTEUR JEAN-CLAUDE BENOIT

LE RÊVE

ÉVEILLÉ DIRIGÉ

UNE METHODE DE PSYCHOTHERAPIE ANALYTIQUE

PAR MYRIAM FUSINI DODDOLI

D o c t e u r ès l e t t r e s e t p h i l o s o p h i e D o c t e u r e n p s y c h o l o g i e

LES É D I T I O N S E S F

17, RUE VIÈTE, PARIS XVII

CHEZ LE MEME EDITEUR

COLLECTION SCIENCES HUMAINES APPLIQUEES

— LA REEDUCATION CORPORELLE DES FONCTIONS MENTALES P a u l S I V A D O N e t F r a n ç o i s G A N T H E R E T

— L'EXPRESSION SCENIQUE E m i l e D A R S e t J e a n - C l a u d e B E N O I T

— LA MUSICOTHERAPIE ET LES METHODES NOUVELLES D'ASSOCIATION DES TECHNIQUES ( M U S I Q U E , P S Y C H O L O G I E E T P S Y C H O T H É R A P I E )

J e a n G U I L H O T

— DE LA VIE INTERIEURE A LA VIE DE RELATION G e n e v i è v e L A N F R A N C H I

— L'HOMME POUR LUI-MEME E r i c h F R O M M

— PATHOLOGIE ET REEDUCATION DES SCHIZOPHRENES ( L ' E X P R E S S I O N P L A S T I Q U E )

A n n e D E N N E R

— METHODE DE REEDUCATION PSYCHOMOTRICE ( L ' É D U C A T I O N G E S T U E L L E )

M a r i e - L o u i s e O R L I C

— PSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL P a u l S I V A D O N e t R o g e r A M I E L

— L E S U I C I D E - É T U D E CLINIQUE, P E R S P E C T I V E S P R É V E N T I V E S

Marguerite QUIDU

— LE MANIEMENT PSYCHANALYTIQUE DE L'IMAGE METHODE GUILLEREY G a b r i e l l e C H A R B O N N I E R

— LE REVE EVEILLE DIRIGE M y r i a m F U S I N I D O D D O L I

A Robert Desoille

qui savait être à la fois maître et ami.

A V A N T - P R O P O S

Cet avant-propos n'entend point aborder et illustrer le contenu du livre ; l'auteur se dérobe à l'usage de renseigner, dès maintenant, le lecteur sur ce qui l'attend et sur ce qu'on a au fur et à mesure élaboré. Et cela afin de ne pas restreindre la liberté dont le même lecteur se servira pour saisir et associer des suggestions positives et poursuivre des développements féconds.

La rencontre avec le lecteur reprendra à la fin lorsqu'il nous sera possible d'élargir le dialogue vers la discussion.

Nous nous limiterons ici à préciser les raisons qui nous ont poussée à entreprendre cette étude. Elles découlent de la néces- sité — ressentie à plusieurs reprises dans notre activité de psy- chothérapeute — d'approfondir la nature de l'image et des processus de fantasmatisation, pour en définir les applications thérapeutiques. Nous avons procédé en cherchant à vérifier et à discuter les principes et les théories dans le feu même de l'action thérapeutique, en nous plaçant tour à tour, pour une meilleure observation, du point de vue du patient et de celui du thérapeute pour offrir certains thèmes de réflexion et pour stimuler de nouvelles recherches.

En proposant tant de questions et de problèmes ouverts, ce livre entend surtout être le commencement d'un « dialogue élargi » tel que R. Desoille l'avait déjà commencé avec ses élè- ves, « amis coopérateurs » comme il les appelait. Il souhaitait voir le dialogue continuer avec la largeur d'esprit et l'ouverture qui ont toujours caractérisé sa pensée et son expérience de chercheur.

En référence à certaines considérations que nous avons avancées sur les rapports entre rêve éveillé dirigé et psycha- nalyse nous ne voulons pas remettre en discussion l'hypothèse des derniers livres de Desoille où il explicitait et approfondis- sait un certain rapprochement avec Pavlov. Nous voulons plu- tôt reprendre et développer un autre genre d'observations déjà présentes dans les premiers ouvrages de Desoille, qui consti-

tuent le point de repère fructueux pour tous ceux qui vou- draient étudier les possibilités thérapeutiques qu'offre une méthode telle que le rêve éveillé dirigé.

En effet nous considérons le rêve éveillé dirigé comme une méthode complète de psychothérapie analytique qui, dans les différentes phases de son action, réussirait à intégrer les restruc- turations affectives, permettant ainsi non seulement de retrou- ver un équilibre subjectif individuel, mais également d'attein- dre à une re-socialisation de l'homme, impliquant aussi la récupération et la découverte de toutes ses possibilités de tra- vail productif et créateur.

Ce livre voudrait être un témoignage plein d'admiration et de profonde affection à la mémoire de Robert Desoille : la reconnaissance que j'ai pour lui est sans limites. C'est à nous, ses élèves, de continuer son oeuvre avec le même libre esprit de recherche qui a inspiré ses travaux et son activité et avec le mê- me sens de responsabilité humaine dans l'engagement social.

En ce sens le livre a été écrit en développement de certains thèmes étudiés par le Groupe International du Rêve Eveillé Dirigé de Desoille, au sein de la Société de Recherches Psycho- thérapiques de langue française, présidée par le Professeur P. Sivadon. Cette étude a tenu compte des recherches du Grou- pe, mûries au fil des années : d'où les fréquentes allusions aux thèmes débattus dans le Bulletin de la Société. Que tous mes collègues trouvent ici l'expression de mon amicale gratitude.

Le souvenir, plein d'affectueuse nostalgie, de Robert Desoille me fait évoquer la présence de la fidèle compagne de ses dernières années, Mireille, précieuse collaboratrice, restée — comme nous — prématurément seule pour continuer son œuvre.

Un remerciement particulier à Richard Bévand qui s'est chargé de la mise au point du texte français.

PREMIÈRE PARTIE

BREF EXPOSÉ DE LA MÉTHODE

DU RÊVE ÉVEILLÉ DIRIGÉ

1 - L'INDUCTION DE L'ÉTAT

DE RÊVE ÉVEILLÉ DIRIGÉ (R.E.D.) (1)

Il n'est pas facile d'exposer dans son intégrité une méthode de psychothérapie ; néanmoins, dans cette première partie, nous nous efforcerons de décrire schématiquement la méthode du rêve éveillé dirigé. Pour de plus amples détails, nous ren- voyons à l'examen de certains problèmes que nous soulèverons au cours de cette étude.

Le principe sur lequel est basée la méthode réside dans la possibilité d'utiliser pour la psychothérapie le vécu imaginaire, rencontré dans ce que Desoille a appelé « état de rêve éveillé ». Dans cet état, la conscience voit s'abaisser le seuil de la vigi- lance ; un type spécifique d'activité imaginative se produit, différant largement des représentations de la veille, pleinement

(1) Ce sigle R.E.D. est uti l isé habi tuel lement pa r le « Groupe In ternat ional de Rêve Eveillé dirigé de Desoille ».

conscientes, et des images purement oniriques. Le contenu de ce vécu imaginaire, ainsi que nous le verrons, est un condensé affectif personnel, exprimé en images symboliques. Lorsque son contenu affectif est bien compris, ce vécu fantasmatique est susceptible d'être activé par des stimulations, produites par l'induction d'images proposées par le psychothérapeute. Cette double propriété que possède le vécu imaginaire, d'être l'expression de l'affectivité à travers l'image et de pouvoir être activé, fait de ce vécu le champ spécifique de l'action théra- peutique du rêve éveillé en tant que méthode d'investigation et de restructuration de l'affectivité. Dans les parties consacrées au vécu imaginaire, nous examinerons plus particulièrement la structure et les caractères de ce vécu fantasmatique ; dans celles dédiées à l'intervention directive et à l'interprétation, nous prendrons en considération respectivement la fonction et les aspects de l'intervention du thérapeute, et la position du patient vis-à-vis de son propre vécu imaginaire.

Comme point de départ de ce bref exposé, nous allons indiquer de quelle façon la méthode du rêve éveillé introduit le patient dans l'état de détente propice au surgissement d'un vécu fantasmatique, thérapeutiquement significatif. L'état de détente maximum que l'on recherche approche, de par ses carac- téristiques, de celui, intermédiaire entre la veille et le sommeil, où le surgissement du monde imaginaire et des événements qui s'y déroulent n'est pas freiné par l'esprit critique du patient, interrompu ou déformé par ses défenses morales, par les prè- jugés ou les critères de valeur de son milieu (2). Dans cet état intermédiaire, les contenus affectifs des images et les réactions du sujet à leur égard sont la manifestation d'un vaste ensem- ble d'habitudes et de comportements, l'accumulation des expé- riences, des angoisses, des craintes et des espoirs du sujet ; cela concrétise une situation dynamique et complexe, permet-

(2) DESOILLE décrit ainsi cet é ta t : le sujet est placé « dans un état de re laxat ion musculaire aussi complet que possible, puis main tenu dans un état psychique qui est exactement celui de la période de préendormissement au cours de laquelle le jugement n'est pas encore complètement obnubilé, mais où la dissociation de l ' imaginat ion et de l 'espri t cri t ique est telle que, celui-ci ne contrôlant p ra t iquement plus celle-là, elle peut jouer l ibrement ». R. DESOILLE, Le rêve éveillé en psychothérapie, P.U.F., Paris, 1945, p. 4. On lira aussi avec intérêt les observations sur cette question dans l 'autre livre de DESOILLE, Explorat ion de l 'affectivité subconsciente par la méthode du Rêve éveillé, (préface de Charles BAUDOUIN), Ed. d'Artrey, 1938.

tant de déterminer , de façon plus ou moins contrôlée, la ma- nière actuelle de réagir de l ' individu dans le m o n d e extérieur.

Pour a t te indre cet état optimal, on invite le pat ient , é tendu sur le divan, dans une pièce silencieuse et dans la pénombre , à une complète re laxat ion musculaire , condit ion somat ique nécessaire à une détente menta le complète. E n effet, seul, l 'éloignement momen tané des préoccupations, des anxiétés et des conflits actuels, r end le pa t ien t disponible p o u r recevoir l ' image, en suivre le mouvement dans l 'espace et en décrire les t ransformations. La p lupa r t des pat ients a t te ignent sans dif- ficulté cet état ; le plus souvent, il suffit d 'une explication ver- bale, accompagnée d 'une série de respirat ions, et, éventuelle- ment, de l 'uti l isation de quelques-uns des exercices proposés p a r J.H. Schultz dans sa mé thode de re laxa t ion connue sous le nom de « Tra in ing autogène ». Dans cette phase init iale de la séance, on peut t i rer des éléments susceptibles d 'or ienter la psychothérapie : les difficultés qui empêchent une détente sa- tisfaisante, la maniè re de les surmonter , offrent des indicat ions sur l 'affectivité du patient. La quali té et le n iveau de la détente, sa p rofondeur et son intensité, la capacité de la mainteni r , sont au tant d ' indications utiles pour évaluer la possibilité d 'appli- quer la méthode du rêve éveillé. E n effet, b ien que le pa t ien t ne doive jamais pe rdre complè tement conscience de sa situa- tion réelle, il est évident que ses images a t t e indron t une riches- se de signification d ' au tan t plus grande que l ' immers ion dans le vécu fan tasmat ique sera plus intense et profonde.

L 'examen des premières images, de leur modal i té d 'appa- ri t ion et de leur stabilité, sera aussi utile et significatif. A ce propos, H. Chambron s 'exprime de la façon suivante : « compte tenu des différences individuelles, il nous semble que des ima- ges ins tan tanément formées, des scènes se dérou lan t rapide- ment et facilement, avec de nombreux détails compla i samment exposés, sont moins fécondes que lorsqu'existe une cer taine lenteur, celle-ci pe rmet tan t au sujet de vivre rée l lement les s i tuat ions» (3). Un autre indice de la p ro fondeur de l 'é tat de rêve éveillé est la maniè re dont a lieu le r e tour au réel, en fin de séance : si le pat ient ouvre immédia tement les yeux et se

(3) H. CHAMBRON, Contribution à l 'étude du rêve éveillé dirigé en psycho- thérapie, Impr. Pellefigue, Toulouse, 1963, p. 10.

t rouve tout de suite à son aise, cela révèle le caractère peu p ro fond de son vécu imaginaire . Il peut être uti le de recher- cher si cette superficialité est de na tu re typologique ou relève d 'un carac tère névrot ique (4), de toute façon, il est certain qu 'un vécu imagina i re de peu de p ro fondeur n'est pas fécond p o u r la psychothérapie , sur tout p o u r la phase de res t ructura- t ion qui est la plus impor tante .

2 - L ' INSERTION D U S U J E T DANS L'ESPACE IMAGINAIRE.

LES T H È M E S I N D U C T E U R S :

LES S I X RÊVES D I A G N O S T I Q U E S

Lorsque le pa t i en t a u r a at teint l 'é tat de détente souhaité, on lui p ropose ra d ' imaginer un objet, puis de le décrire, ainsi que le lieu ou le cadre dans lequel il se le représente. Quand la descr ipt ion a u r a permis au pa t ien t de créer un espace, le psychothérapeute lui d e m a n d e r a s'il se sent fa i re par t i e du scénario ou s'il p r e n d l 'a t t i tude du spectateur. Il est bon de toujours d e m a n d e r au pat ient de communique r l 'état d ' âme qu'il éprouve devant un objet ou une scène. Parfois, un contenu affectif la tent pousse le pa t ien t à des compor tements significa- tifs, dès le dépar t , pe rme t t an t ainsi de procéder à l 'explorat ion de l 'affectivité. Avec d 'autres pat ients p a r contre, il f au t les s t imuler p a r des exercices d ' imaginat ion, p o u r les famil iar iser avec le vécu imagina i re et ses dynamismes. Lorsqu 'on se sera bien assuré que le pa t ien t a réussi à se reconnaî t re comme su- je t actif dans le scénario fantasmat ique , on lui suggèrera de saisir l 'objet imaginé et de se mouvo i r avec lui. Ce m o m e n t est ex t rêmement impor tant , car avec cette incitat ion au mouve-

(4) Le problème de la racine typologique ou névrotique d'une telle super- ficialité, est noté également pa r CHAMBRON, op. cit., p. 11. On a observé que des sujets schizophrènes ont la capacité de former des images, caractérisées pa r une extrême rapidi té de mouvement, mais sans la moindre tonali té affective.

ment le sujet commence un vrai travail sur son affectivité. Le thérapeute devra être très vigilant p o u r recueil l ir de précieuses indications : en effet, de la man iè re plus ou moins aisée avec laquelle le pat ient accueille et réalise l ' inci tat ion au mouve- ment, on peut t i rer des conclusions sur sa disponibili té affec- tive à l 'égard d 'un procédé thérapeut ique basé sur l 'activité fantasmatique. Lorsque le pat ient rencont re des difficultés à se mouvoir dans l 'espace, il est bon que le thé rapeu te l 'a ide en le rassurant . Dans de nombreux cas, les difficultés du pa t ien t proviennent de la mauvaise qualité de la détente : elle peut être insuff isamment profonde. Il sera alors oppor tun de procé- der à de nouveaux exercices de détente (5).

LES SIX RÊVES DIAGNOSTIQUES.

Lorsque le pat ient ne rencont re pas de difficultés à voir surgir des images, à se sentir inséré dans le scénario du rêve, ni à se mouvoir dans l 'espace imaginaire, on peut alors passer à la phase véri table d 'explorat ion de l 'affectivité du pat ient . On suggère une série de thèmes inducteurs, qui ont pour fonc- tion de provoquer les réact ions les plus spontanées du sujet à l 'égard de certaines si tuations de caractère universel. L 'é ta t de rêve éveillé doit jus tement pe rmet t re la spontanéi té des ré- ponses — étant donné l 'abaissement du n iveau de vigilance de la conscience — et la par t ic ipa t ion à l ' image, pa rce que la s t imulat ion s 'adresse à l 'affectivité en p renan t comme induc- teur l ' image, moyen privilégié d 'expression p ropre à l 'affecti- vité même. Les thèmes des rêves diagnostiques — Desoille en énumère six — sont, en effet, des images telles qu'elles consti- tuent une série de questions adressées au patient , sur sa posi- t ion devant des situations fondamenta les de l 'existence. Ces interrogations, si elles étaient posées dans le langage conven- tionnel, donneraient lieu à des réponses sans g rand intérê t pys- chologique : le pat ient soumet t ra i t son affectivité au contrôle et à la censure de sa personnal i té historique, de ses idéologies,

(5) Dans cette description de la méthode, nous nous l imitons à indiquer la technique. L'approfondissement de cette technique, la justification de son emploi, la signification et la valeur de certaines s t imulat ions (le mouvement, la direction) seront examinées dans la Deuxième Partie, dans laquelle nous nous livrons à des considérations générales sur la na ture du rêve éveillé dirigé.

somme toute, de sa vigilance intellectuelle. Il est donc préféra- ble de recourir à un langage qui, par l'intermédiaire de sym- boles, place le patient dans une situation humaine, typique et universelle pouvant servir de stimulant pour susciter ses réac- tions affectives. Celles-ci, grâce au langage symbolique, se ma- nifesteront en pleine liberté ; n'étant entravé par aucun obsta- cle objectif ou subjectif, le sujet fournit à son insu, au théra- peute et à lui-même, pour la phase interprétative, un matériel hautement significatif de son état affectif.

Le thème inducteur du premier rêve consiste dans la des- cription d'une épée, pour l'homme, et d'un vase, pour la fem- me. Ce thème symbolique équivaut à la question : « Que pen- sez-vous de votre virilité (ou de votre féminité) ? » dans la plus large acception du terme. Selon la résonance du stimulus inducteur, on suggère une succession d'images d'ascension ; cela permet des modifications et des transformations de l'image initiale, afin que les différentes attitudes du sujet à l'égard du thème proposé apparaissent clairement.

Le deuxième thème inducteur invite le patient à décrire un fond marin, après y être descendu. Cela équivaut à l'inter- roger sur ce qui se passe dans le tréfonds de son être, sur ce qui inquiète et trouble fondamentalement son affectivité. La forme symbolique de la question suscite une série d'images, généralement angoissantes, révélant les expériences non assi- milées et non dépassées, et qui restent activement en conflit avec le reste de la personnalité, créant ainsi l'impossibilité de réaliser une véritable sécurité de base.

Si les deux premiers rêves visent à faire ressortir la posi- tion du sujet vis-à-vis de lui-même, les deux suivants se propo- sent de le placer dans une situation que la psychanalyse appelle situation œdipienne, afin d'observer les réactions à son en- droit. On pourrait affirmer que le troisième et le quatrième rê- ve, dans leur continuité, affrontent le problème de l'origine dynamique de la position dépressive ; celle-ci apparaît princi- palement avec la simultanéité des expériences d'amour et de haine rattachées aux images parentales, alternativement objets privilégiés et source de culpabilité, expiation nécessaire à la conquête et à la possession de l'objet d'amour. Ainsi se déter- mine une situation dramatique, qui fait surgir des angoisses de

persécution et dépressives, p a r la rencont re d ' impulsions libidinales et de pulsions agressives et destructrices.

Dans le troisième rêve, les symboles évoquant la si tuation œdipienne sont rencontrés p a r le sujet après qu 'on lui ait pro- posé de descendre dans une grotte : dans ce scénario appara is - sent avec facilité les symboles de la mère bonne ou de la mère mauvaise, suivant l ' imagerie populaire , la fée ou la sorcière. On peut en dire au tan t de l ' image paternelle.

Dans le qua t r ième rêve, après que le sujet a vécu la situa- tion de convergence avec l 'objet d ' amour de sexe opposé, on provoque la rencontre du pat ient avec des symboles représen- tant le pa ren t du m ê m e sexe. A t ravers une série de si tuat ions induites, on évalue le degré de dépassement de l 'œdipe. La psychanalyse affirme que ce dépassement impl ique le main t ien de l ' image parenta le en tant qu 'objet d ' indentification et prélu- de à la format ion du Moi idéal ; cette phase p rodu i t une succes- sion d'actions réparatr ices , et de fantaisies qui ont p o u r fonc- tion la ré intégrat ion des fantasmes primitifs , dest ructeurs et l ibidinaux. La compéti t ion contre le r ival (père ou mère) va de- venir compéti t ion pour lui ; cette si tuation reflète l ' in tégrat ion sociale des tendances combatives du sujet.

Dans le cinquième rêve, on propose au sujet, p ro fondémen t descendu, la rencontre avec un dragon. P a r cette image induc- trice, on interroge le pat ient sur les interdi ts qui lui sont impo- sés p a r le mil ieu culturel — au sens large — auquel il appar - tient. L ' image du dragon est, en effet, suggérée en tan t que sym- bole de l ' instance qui a empêché, et empêche encore, le pat ient d'être ple inement lu i -même : dans la fan tasmat i sa t ion par t i - culière à ce rêve éveillé le dragon se présente souvent comme le gardien de quelque chose de précieux qu'il ne veut pas céder à autrui. Dans certains cas, cette si tuation pe rme t d 'appréc ie r le degré de combativi té du sujet : invité à s ' empare r de l 'objet précieux, il agira en héros (semblable au Thésée légendaire) ou manifes tera de la difficulté à en t reprendre son action et à la mener à bien.

Le sixième rêve constitue u n moyen d' investigation très fonctionnel du niveau de ma tu ra t ion génitale at teint p a r le sujet. On propose au patient, comme image de dépar t , un sou- venir d 'enfance où il se t rouve en compagnie de sa mère ; après

lui avoir fait décrire son état d'âme, on l'invite à procéder tout seul à la recherche de l'objet d'amour hétérosexuel. La séquen- ce proposée cherche à déterminer si le sujet, même en partant de manifestations autoérotiques et d'une certaine dose de nar- cissisme, peut vivre des situations où, tout narcissisme dépassé, le moment hétéroérotique se déroule avec d'amples modula- tions. Le rapport avec le nouvel objet d'amour comprend alors une vaste gamme de manifestations affectives, dont la tonalité reflète une situation génitale désormais profondément différen- ciée d'une affectivité orale ou œdipienne de dépendance. La signification fantasmatique prend deux formes : ou la forme rassurante d'un sentiment de maîtrise et d'autonomie par rap- port au contexte instinctuel libidinal-agressif ou, au contraire, une forme qui met en évidence l'interférence des premiers in- vestissements instinctuels et des conflits non résolus maintenant le sujet dans une position autoérotique totalement insatisfai- sante et ambiguë.

Il n'est pas dans notre intention d'attribuer une valeur absolue aux thèmes des six premiers rêves : leur mérite est d'indiquer des situations ; en fait, on peut aussi proposer au patient d'autres thèmes, selon la complexité du cas. De même, l'ordre de succession des six rêves ne doit pas être considéré comme immuable : il pourra, dans certains cas, être modifié en fonction des troubles du patient ou des exigences de l'in- vestigation, ainsi que nous le mentionnerons lors de l'exposé de quelques cas.

DEUXIÈME PARTIE -

LE VÉCU IMAGINAIRE

CHAMP PSYCHOTHÉRAPEUTIQUE

DU RÊVE ÉVEILLÉ DIRIGÉ

1 - CONSIDÉRATIONS SUR LA PHÉNOMÉNOLOGIE DU R.E.D. DU POINT DE VUE DU PATIENT

On pourrait croire, si l'on n'a pas passé par cette psychothé- rapie, que l'activité fantasmatique du rêve éveillé ne se distin- gue pas des autres formes d'imagination, spontanée ou induite; en réalité, le patient qui commence un traitement par le rêve éveillé, constate régulièrement le caractère particulier de l'ex- périence fantasmatique qu'il vit, induite par la stimulation d'images. Quand on lui demande de préciser ce caractère, il signale le côté hautement dynamique des situations dans les- quelles il se trouve et qui le frappe. Cela signifie, à notre avis, que la conscience fantasmatisante participe au vécu imaginaire, et en est pénétrée d'une façon qui ne relève pas uniquement de la participation consciente habituelle à l'existence courante;