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Book Reference Les actes de disposition sur les titres intermédiés LEIBENSON, Joël Philippe Gérard LEIBENSON, Joël Philippe Gérard. Les actes de disposition sur les titres intermédiés. Genève : Schulthess éd. romandes, 2013, 482 p. Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:105976 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1 / 1

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Page 1: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

Book

Reference

Les actes de disposition sur les titres intermédiés

LEIBENSON, Joël Philippe Gérard

LEIBENSON, Joël Philippe Gérard. Les actes de disposition sur les titres intermédiés.

Genève : Schulthess éd. romandes, 2013, 482 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:105976

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A la mémoire de ma mère et de ma grand-mère

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7Remerciements

REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma gratitude à mes deux co-direc-teurs de thèse, Messieurs les Professeurs Bénédict Foëx et Luc Thévenoz. Sans leur soutien et leurs conseils, que cela soit sur le plan académique ou personnel, cette étude n’aurait pas vu le jour. Je voudrais ajouter des remer-ciements particuliers au Professeur Luc Thévenoz pour le soutien financier qui m’a été apporté par le Centre de droit bancaire et financier (CDBF) durant l’achèvement de ma thèse et pour en avoir accepté la publication dans la collection du CDBF. Mes remerciements s’adressent également à Madame Anne Petitpierre-Sauvain, professeur honoraire de la Faculté de Droit de l’Université de Genève, et à Monsieur Paul-Henri Steinauer, pro-fesseur à la Faculté de Droit de l’Université de Fribourg, qui ont accepté d’évaluer mon travail et de faire partie du jury de soutenance de thèse. J’aimerais ensuite remercier Messieurs Hans-Peter Ammann (SIS Swiss Financial Services Group AG), Andreas Pachlatko (UBS AG), Erwin Son-Son-deregger, Stéphane Fumeaux et Olivier Kronegg (Lombard Odier & Cie), et Pascal Decoppet (Pictet & Cie), qui ont accepté de répondre à certaines questions pratiques qui se sont posées au cours de ma recherche. Je voudrais bien sûr remercier mes collègues et amis de l’Université de Genève, Lucia Gomez Richa, Johannes Landbrecht, José-Miguel Rubido, Antoine Morand et Alain Quiamzade pour leur soutien moral et la dis-ponibilité intellectuelle qu’ils m’ont apportée en discutant les idées déve-loppées au cours de ma recherche. Leur rôle a été déterminant pour bon nombre d’entre elles. J’aimerais remercier vivement Maître Vaïk Müller, avocat au barreau de Genève, pour sa relecture critique du manuscrit. Il va sans dire que toutes les erreurs ou imprécisions qui subsistent dans le texte demeurent uniquement les miennes. J’aimerais par ailleurs exprimer ma reconnaissance à Maître Jean-Philippe Koch, Directeur des affaires juridiques au sein de la banque J.P.  Morgan (Suisse) SA, pour la confiance qu’il m’a témoignée en me faisant intégrer son équipe alors que la présente étude n’était pas encore achevée. Enfin, il est évident que cette thèse n’aurait pas abouti sans le soutien de ma famille et de mes amis. Je n’aurais rien pu accomplir sans mon épouse Elena, mon frère Emmanuel et son épouse Ayah, ainsi que Natira, Uta, Ushanga et Malaïka.

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8 Joël Leibenson

Le présent ouvrage a été accepté comme thèse de doctorat au mois de juin 2012 par la Faculté de Droit de l’Université de Genève. Les références prennent en compte la doctrine et la jurisprudence jusqu’à la fin du mois d’août 2012.

Genève, en décembre 2012Joël Leibenson

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PRÉFACE

La thèse de doctorat que publie aujourd’hui M. Joël Leibenson est le fruit d’une longue et patiente maturation. Ayant choisi un sujet actuel et technique, l’auteur en a analysé les différentes facettes de façon appro-fondie. Ses développements témoignent d’une réflexion aboutie et d’une connaissance très étendue de la matière. A titre d’exemple, l’on citera la démonstration qu’il ne faut pas confondre, au-delà de ce qu’une lecture un peu hâtive du texte légal pourrait laisser croire, titularité du compte de titres, titularité des titres inter médiés et pouvoir de disposer desdits titres. De même, l’analyse de l’article 15 de la LTI emporte la conviction et sera fort utile au praticien. L’on se réjouira également que l’auteur ait procédé à une analyse pré-cise et soignée des conditions de la constitution des sûretés sur les titres intermédiés. Parvenu au terme de cet ouvrage, le lecteur émettra sans doute le vœu que Joël Leibenson poursuive ses travaux et éclaire d’autres aspects en-core de la matière, soit notamment la réalisation (forcée ou privée) des sûretés sur titres intermédiés. Il se félicitera quoi qu’il en soit de bénéficier d’ores et déjà d’un outil solide, fiable et dûment étayé pour résoudre les nombreuses questions que soulèvent les actes de disposition sur les titres intermédiés.

Bénédict Foëx Luc Thévenoz

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SOMMAIRE

Introduction 13

Chapitre I : Infrastructure des opérations sur les valeurs immobilisées et dématérialisées 17

§ 1 Généralités 19§ 2 Le système d’intermédiation des valeurs mobilières 21§ 3 Les transactions portant sur les valeurs immobilisées et dématérialisées non soumises à la loi sur les titres intermédiés 44§ 4 Conclusion 56

Chapitre II : Contexte et objet de la loi fédérale sur les titres intermédiés 59

§ 1 Le contexte international 61§ 2 Les fondements et le champ d’application de la loi sur les titres intermédiés 79§ 3 La notion de titre intermédié 98§ 4 Les actes de disposition en droit privé 123

Chapitre III : La bonification de titres intermédiés en compte de titres selon l’art. 24 LTI 153

§ 1 Le titre d’acquisition à la base du crédit en compte de titres 156§ 2 L’instruction 186§ 3 La bonification 219

Chapitre IV : La constitution de sûretés sur des titres intermédiés par convention de contrôle selon les art. 25 et 26 LTI 239

§ 1 Le titre d’acquisition à la base des conventions de contrôle – le contrat de sûreté 242§ 2 L’acte de disposition au moyen des conventions de contrôle 270

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Chapitre V : L’effet des actes de disposition à l’égard des tiers : quelques perspectives 327

§ 1 Généralités 329§ 2 Le rang des droits acquis sur des titres intermédiés 330§ 3 La protection de l’acquéreur de bonne foi 361

Conclusion 419

Table des abréviations 425

Bibliographie 429

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13Introduction

INTRODUCTION

La perte de fonction des papiers-valeurs des marchés de capitaux. Le déca-lage entre le droit des papiers-valeurs tel que réglé dans la loi et sa perte de fonction dans la pratique des marchés de capitaux est un phénomène remarqué en doctrine depuis plusieurs décennies 1. Les contraintes économiques liées à l’augmentation vertigineuse du volume des transactions et les progrès techniques ont obligé les intermé-diaires financiers actifs sur ces marchés à déployer des efforts de ratio-nalisation sur deux plans. Le premier changement majeur est une immo-bilisation généralisée des titres émis. Après leur émission, les titres sont conservés collectivement dans un dépôt qui est tenu soit par la banque du déposant, soit par un dépositaire central pour plusieurs banques. Le second mouvement de rationalisation a entraîné l’absence d’in-corporation dans des papiers-valeurs de la majorité des droits créés en masse. Ce phénomène est décrit sous l’appellation de “dématérialisation” des papiers-valeurs. Les droits émis par les émetteurs qui se financent sur les marchés sont simplement enregistrés auprès de l’émetteur ou auprès d’une entité qui tient le compte des droits émis de façon centralisée. La conséquence de ce double changement de modèle est la perte de fonction du droit des papiers-valeurs. En effet, ce corpus de règles repose sur l’existence d’un papier-valeur créé, dont la possession est transférée afin d’exécuter des opérations sur les droits émis. Dès lors que tout titre physique disparait ou ne fait plus l’objet d’une remise physique entre les parties à ces transactions, la nécessité d’un échange physique perd sa signi-fication et les normes applicables aux papiers-valeurs perdent leur utilité. Les normes applicables constituent alors autant de fictions juridiques 2, qui n’ont plus de portée véritable.

Un nouveau paradigme et son cadre de référence : le droit des titres inter-médiés. La mue des pratiques sur les marchés a nécessairement conduit à une remise en question du cadre juridique applicable aux transactions

1 Voir les études fondatrices de Zöllner, Die Zurückdrängung der Verk�perungsele�Verk�perungsele�ments bei den Wertpapieren, p. 249 ss ; Meier�Hayoz, Abschied, p. 385 ss ; Dallèves, Dématérialisation, p. 43 ss ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 126 ss.

2 Foëx, Transfert et engagement, p. 57 ss.

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14 Joël Leibenson

qui s’y déroulent. Cependant, à la différence d’une lente modification des pratiques économiques et sociales, l’introduction du droit des titres inter-médiés représente un changement radical qui repose sur une révolution conceptuelle 3. La loi fédérale sur les titres intermédiés (LTI) consacre une véritable métamorphose juridique. En effet, l’élément économique central qui fait objet du droit des papiers-valeurs, à savoir les droits créés par un émetteur, donne naissance à un autre objet juridique si ces droits dirigés contre l’émetteur présentent la caractéristique d’être librement transfé-rables par des écritures comptables opérées sur des comptes tenus par certains types d’intermédiaires financiers et qu’ils sont effectivement cré-dités sur un tel compte de titres. Le nouvel objet juridique créé est alors caractérisé par un régime juridique qui lui est propre s’agissant des actes de disposition dont il peut faire l’objet. Une des conséquences d’une telle inscription en compte est que deux corps de règles se retrouvent liés l’un à l’autre. Il s’agit des droits dirigés contre l’émetteur, les droits qui présentent la valeur économique centrale de l’objet, et les droits dirigés contre le teneur de compte de titres, le dé-positaire des titres intermédiés. Ces deux types de droits forment alors un ensemble de droits, qui constitue le nouvel objet qu’est le titre inter-médié. Le cadre juridique qui entoure les titres intermédiés prend ainsi nécessairement en compte plusieurs paramètres afin que le fonctionne-ment du système d’intermédiation soit le plus harmonieux possible. Ces paramètres ont trait non seulement à la relation entre la personne qui est titulaire de titres intermédiés et l’émetteur des créances et autres droits qui en composent la substance économique, mais également à la relation entre le titulaire d’un compte sur lequel des titres intermédiés sont crédités et le dépositaire qui tient le compte de titres. Dans une perspective internationale, l’on peut également observer un changement de paradigme au sujet du régime juridique applicable aux droits émis et conservés au sein d’une chaine d’intermédiaires financiers. Le droit américain des titres intermédiés est apparu dans le courant des années nonante, entraînant dans son sillage une réflexion sur l’harmoni-sation du droit international privé en la matière. Ce processus a débouché sur l’adoption de la Convention de La Haye sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire en 2002. Au niveau du droit matériel, deux initiatives notables influencent la formation et le

3 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 681 ss, évoque un “saut épistémologique”.

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15Introduction

contenu du droit suisse des titres intermédiés. La première est l’adoption de la Convention UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés en 2009. La seconde est l’harmonisation du droit européen des titres, qui aborde ses derniers développements au moment de l’achève-ment de notre étude.

Le défi de l’intégration du nouveau régime juridique. La création d’un ré-gime juridique ad hoc pour les titres intermédiés met en évidence une cer-taine tension entre l’intégration de ce régime de droit privé dans l’ordre juridique suisse et la nécessaire “désintégration” que constitue le choix de l’adoption d’une loi fédérale spéciale, porteuse de l’idée même d’une dé-codification. A cet égard, la prise en compte des “vestiges” du droit des papiers-valeurs, des droits réels et du droit applicable aux simples créances pose quelques questions d’ordre dogmatique et méthodologique. L’analyse du droit des titres intermédiés doit se faire selon une approche systéma-tique. Quel que soit l’angle dogmatique sous lequel les questions à résoudre sont abordées, celles-ci doivent être traitées avec une méthodologie qui prenne en compte les particularités du droit des titres intermédiés, sans négliger les acquis qui sont attachés aux décennies d’élaboration jurispru-dentielle et doctrinale du droit privé. L’enjeu majeur d’une telle approche est un droit des titres intermédiés qui soit praticable par toutes les parties concernées. Les intermédiaires fi-nanciers qui animent le système d’intermédiation doivent pouvoir y puiser une confirmation des pratiques quotidiennes qui ont, de fait, amené à la modification du droit, et doivent pouvoir également y trouver la flexibilité nécessaire au maintien d’une infrastructure des transactions financières qui soit efficace. De l’autre côté, les investisseurs, qu’il s’agisse d’institu-tionnels ou de privés, doivent pouvoir trouver la sécurité juridique néces-saire à assurer la stabilité du cadre légal de leurs investissements. Enfin, les émetteurs doivent également bénéficier d’une infrastructure qui leur permette l’accès le plus fiable aux marchés afin de pouvoir se financer et qui permette la circulation effective des droits qu’ils ont émis.

Objet et délimitation de notre étude. Notre étude a pour objet les actes de disposition sur les titres intermédiés. Au cours de notre travail, nous allons examiner les conditions nécessaires afin de disposer valablement de titres intermédiés. Dans cette perspective, nous examinerons également les exi-gences qui ne ressortent pas expressément du droit des titres intermédiés,

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mais qui existent ordinairement en droit privé. Cette démarche nous per-mettra d’aborder des questions fondamentales en droit des biens par le prisme des conditions énoncées dans la loi sur les titres intermédiés. Il s’agira notamment de la nature unilatérale ou bilatérale des actes de dis-position, de la nécessité d’une cause valable, de la nature juridique et du rang des droits constitués en faveur de tiers, ainsi que du régime de pro-tection des tiers de bonne foi. Nous développerons notre analyse dans la perspective constante des contingences opérationnelles qui caractérisent le système d’intermédiation et l’activité des intermédiaires financiers qui en assurent le fonctionnement. Nous aborderons tout d’abord la présentation de la situation juridique qui a conduit à l’adoption de la loi sur les titres intermédiés, en nous pen-chant sur les normes fondamentales qui ont été introduites dans le Code des obligations en marge de cette adoption (chapitre I). Vu la nouveauté du sujet en droit suisse, nous examinerons ensuite le contexte de a genèse de la LTI et son objet principal. A ce titre, nous évoquerons les développements internationaux ayant influencé l’adoption de la LTI, nous poserons les principes directeurs sur lesquels la LTI repose et nous ferons une analyse détaillée de la nature juridique des titres intermédiés (chapitre II). Nous entrerons ensuite dans le cœur de notre étude avec l’examen des actes de disposition accomplis par crédit en compte de titres (chapitre III). Ce mode de disposer est caractérisé par le fait que le disposant instruit le dé-positaire qui tient le compte de titres de créditer ou faire créditer les titres concernés sur le compte de titres du bénéficiaire de l’acte de disposition. Nous nous pencherons ensuite sur l’accomplissement des actes de disposi-tion au moyen de la conclusion d’une convention de contrôle (chapitre IV). Ce mode de disposer est prévu par la loi pour la constitution de sûretés sur les titres intermédiés, dans deux configurations différentes. La première implique le disposant et le dépositaire afin de constituer un droit en faveur d’un tiers. La seconde vise la conclusion d’une convention entre le titulaire de compte et le dépositaire afin de créer un droit en faveur du dépositaire. Enfin, nous étudierons les principaux mécanismes de l’effet des actes de disposition à l’égard des tiers (chapitre V). A ce titre, nous traiterons les questions touchant l’établissement du rang des droits sur les titres inter-médiés et les différents cas de protection de l’acquéreur de bonne foi. A l’issue de notre étude, nous conclurons en résumant les principales thèses avancées au cours de notre analyse.

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CHAPITRE I

Infrastructure des opérations sur les valeurs immobilisées

et dématérialisées

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19Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

§ 1 Généralités

Le système actuel de détention et de transfert des valeurs mobilières s’ex-plique au travers de plusieurs phénomènes touchant les marchés financiers 1. Ces facteurs s’inscrivent dans la double perspective de l’augmentation du nombre de titres émis et de l’augmentation du nombre de transactions portant sur ces titres. En premier lieu, l’Histoire économique a connu différents développe-ments qui ont engendré de fortes augmentations des besoins en capitaux dans un but d’investissement 2. Pour satisfaire ces besoins, la pratique a eu recours aux valeurs mobilières afin de remplir les fonctions économiques des opérations de crédit et de paiement, de la récolte de capitaux en vue de leur placement et de la mobilisation de la valeur du sol 3. A cet égard, les volumes d’émissions de titres de participation atteints avec la titrisation d’actifs en constituent la manifestation la plus récente 4. En marge de ces développements, l’évolution des technologies infor-matiques a joué un rôle déterminant sur les volumes des transactions 5, qui ont augmenté de façon considérable 6. Cette envolée des transactions et les innombrables échanges physiques de titres ont eu pour conséquences un accroissement correspondant des difficultés et des risques liés à la garde et à l’administration des titres 7. La mobilité des titres, souhaitée pour assurer

1 Le marché financier regroupe principalement le marché monétaire et le marché des capitaux. Ce dernier est constitué du marché des crédits et des emprunts obligataires, du marché des titres de participation et du marché des dérivés, cf. Wiedmer, Finan��Finan��markt, p. 445 et 446. Sauf mention spéciale, nous utiliserons indistinctement dans le cadre de notre étude les termes de marché, marché financier et marché des capitaux.

2 Brunner, Wertrechte, p. 74.3 Bohnet, Théorie générale, p. 4 s., n. 4 ss.4 Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bankgeschäft, p.  252, n.  732 ; Brunner,

Wertrechte, p. 76 s.5 Dallèves, Dématérialisation, p. 43 ; Cf. Gehrig, Finan�märkte im Globalisierungs�Finan�märkte im Globalisierungs�

pro�ess, p. 78, pour qui : “Das exponentielle Wachstum der Zahl der Transaktionen pro Zeiteinheit wäre ohne den Einsatz neuester elektronischer Verarbeitungsmittel unmög-lich gewesen”.

6 En 1985, le dépositaire central suisse de titres a procédé à 3 151 000 transactions, cf. Dallèves, Dématérialisation, p.  44, note 6. En 2005, ce chiffre est passé à 25 379 000, cf. SIS, Rapport de gestion 2005, p. 13.

7 Meier�Hayoz, Abschied, p. 391 ; Rickenbacher, Globalurkunden, p. 95.

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la transmissibilité des droits et obtenue au moyen de l’incorporation de ceux-ci dans le papier-valeur en tant qu’objet de propriété mobilière, est devenue une entrave factuelle 8. La conservation et l’administration des titres ayant été traditionnelle-ment effectuées de façon individuelle par les banques 9, les frais liés à ces activités se sont révélés être très élevés 10. Les coûts substantiels ainsi que les difficultés d’ordre pratique dans l’exécution des transactions ont déclenché le processus d’immobilisation et de dématérialisation des titres 11. La ratio-nalisation de la conservation et de l’administration des valeurs mobilières est alors apparue comme une nécessité économique 12. La rationalisation touche, lors de ses différents stades, tant la conserva-tion des valeurs lors de l’immobilisation en dépôt collectif 13 que leur mode d’émission dans le cas des certificats globaux 14 et des droits-valeurs 15. Avec l’immobilisation, les titres physiques ne circulent presque plus 16 et sont détenus dans d’un dépôt central 17. La dématérialisation complète des va-leurs consiste, quant à elle, à différer ou supprimer l’impression de certains titres en renonçant volontairement au véhicule qu’est le papier-valeur 18. L’on passe alors des papiers-valeurs aux droits-valeurs 19. L’évolution observée dans la création et la conservation des valeurs mobilières va de pair avec une modification des procédés de conclusion et d’exécution des contrats dont ces valeurs sont l’objet. Ainsi, la détention indirecte et la dématérialisation ne sont que la conséquence des techniques développées par les pratiques bancaire et boursière afin de traiter les trans-

8 Meier�Hayoz, Abschied, p. 391.9 Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bankgeschäft, p. 257, n. 740.10 Brunner, Wertrechte, p. 7, note 3 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 126.11 Brunner, Wertrechte, p. 75.12 Handschin, Papierlose Wertpapiere, p. 2.13 Voir infra chap. I, § 2, B, p. 26.14 Voir infra chap. I, § 2, C, p. 33.15 Voir infra chap. I, § 2, D, p. 38.16 A titre d’exemple, sur 25 379 000 transactions effectuées durant l’année 2005, seuls

17 000 remises physiques de titres et 2 000 retraits physiques de titres ont eu lieu, cf. SIS, Rapport de gestion 2005, p. 13.

17 Pour la Suisse, ce dépositaire est la SIX SIS SA ; à ce sujet, voir infra chap. I, § 2, B. 1, p. 26.

18 Handschin, Papierlose Wertpapiere, p. 65 ; Forstmoser / Lörtscher, Aufgescho�Aufgescho�benem Titeldruck, p. 51.

19 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 118.

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21Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

actions sur les valeurs mobilières. Dans le but de limiter les coûts et les risques, ces opérations se déroulent par des écritures comptables dans les systèmes informatiques interconnectés des bourses, des intermédiaires fi-nanciers et des organismes d’exécution des transactions. Par ailleurs, la détention indirecte des titres et leur dématérialisation ont bien sûr des effets mesurables sur les fonctions juridiques tradition-nelles du droit des papiers-valeurs mais également sur le statut juridique du titulaire de droits sur des valeurs détenues par un intermédiaire 20. Cette qualification relève largement de fictions qui font craindre pour l’unité du système légal et la sécurité juridique 21. L’analyse des différentes problématiques évoquées ci-dessus doit être faite en conservant à l’esprit que, pour les situations qui n’entrent pas dans le champ d’application de la loi fédérale sur les titres intermédiés, les solu-tions juridiques hétéroclites dégagées jusqu’à aujourd’hui resteront d’ac-tualité. La présentation du système actuel de détention indirecte des titres a également toute son importance au regard du nouveau droit puisque que ce système constitue la situation factuelle de base à laquelle s’appliqueront les nouvelles dispositions sur les titres intermédiés.

§ 2 Le système d’intermédiation des valeurs mobilières

L’infrastructure des opérations sur les valeurs mobilières est constituée de deux volets. Le système de détention indirecte des valeurs mobilières au-près des intermédiaires financiers en constitue la première composante. Ce système fonctionne sur la base d’un mode centralisé et collectif de conservation et de gestion des valeurs. Le second volet de cette infrastruc-ture est constitué par l’interconnexion existant entre les intermédiaires fi-nanciers que sont les banques, les négociants, la bourse et les exploitants de systèmes de paiement et de compensation ou de règlement des opérations sur titres. Les valeurs échangées dans ce circuit d’intermédiaires finan-ciers sont des valeurs dites intermédiées. Avant de présenter les réalités

20 Voir infra chap. I, § 2, B. 3, p. 29, C. 2, p. 35, et D. 3, p. 40.21 Foëx, Transfert et engagement, p. 67 ss.

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22 Joël Leibenson

opérationnelles du dépôt collectif, des certificats globaux et de la dématé-rialisation totale des valeurs, il convient d’en présenter l’objet, à savoir les valeurs mobilières.

A. La notion de valeurs mobilières

1. Généralités

Traditionnellement, les termes de valeurs mobilières (Effekten) ont été rat-tachés à la notion de titres physiques que sont les papiers-valeurs 22. Diffé-rentes expressions telles que Kapitalmarktpapiere 23, Kapitalmarktwerte ou Kapitalmarktrechte 24 sont parfois utilisées pour qualifier les instruments financiers échangés sur le marché des capitaux. Les termes de valeurs mo-bilières ne sont apparus dans la législation qu’avec l’adoption de la loi fé-dérale sur les fonds de placement du 18 mars 1994 (LFP) 25 et l’adoption de la loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (LBVM) 26. La loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne du 8 novembre 1934 (LB) mentionne également les valeurs mo-bilières en divers articles 27. Elle n’en contient cependant pas de définition ; elle utilise ces termes en vue de désigner les négociants ou le négoce en valeurs mobilières et afin de poser les conditions du droit de distraction

22 Henckel von Donnersmarck, Die Kotierung von Effekten, p. 187 ; Zobl, Kommen�Kommen�tar BEHG, p. 4, n. 3 ad art. 2 lit. a LBVM ; Kleiner, Zäher Abschied, p. 291 ; voir également Patry / Aubert, Les valeurs mobilières en droit suisse, p. 7.

23 Cf. Meier�Hayoz, Abschied, p. 389 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 118, note 4 ; von Ballmoos, Wertpapierrechtliche Verkehrsschut�, p. 124, note 599.

24 Henckel von Donnersmarck, Die Kotierung von Effekten, p. 187.25 Art. 32 LFP. La LFP est aujourd’hui remplacée par la loi fédérale sur les placements

collectifs de capitaux (LPCC), adoptée par le Parlement fédéral le 26 juin 2006 et en vigueur dès le 1er janvier 2007, cf. RO 2006 5379 ss. L’équivalent de l’art. 32 al. 1 LFP se retrouve à l’art. 54 al. 1 LPCC.

26 Art. 2 lit. a LBVM. L’expression figure en outre à l’art. 2 al. 3 let. c et g de la loi fédé�rale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent dans le secteur financier du 10 octobre 1997 (LBA).

27 Cf. art. 1 al. 3 lit. a ; art. 3c al. 1 lit. a et al. 2 ; art. 3d al. 1 lit. a ; art. 3g al. 2 ; art. 16 ; art. 23 al. 2 LB.

Page 20: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

23Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

des valeurs déposées en cas d’insolvabilité de la banque 28. Avec l’appari-tion dans l’ordre juridique suisse d’une nouvelle terminologie employée par la loi fédérale sur les titres intermédiés, la distinction entre valeurs mobilières, valeurs détenues indirectement ou dématérialisées et titres in-termédiés revêt un intérêt certain 29.

2. Définition légale

La loi recourt aux termes de valeurs mobilières (Effekten, valori mobiliari), à l’art. 2 lit. a de la LBVM, afin de désigner trois objets différents. Sont ainsi visés les papiers-valeurs standardisés susceptibles d’être diffusés en grand nombre sur le marché, les droits ayant la même fonction, nom-més droits-valeurs, et enfin les instruments dérivés 30. A l’inverse, les ma-tières premières, les métaux précieux et les devises ne sont pas des valeurs mobilières 31. La définition des valeurs mobilières standardisées et susceptibles d’être diffusées en grand nombre figure à l’art. 4 de l’Ordonnance sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 2 décembre 1996 (OBVM). Il s’agit des papiers-valeurs, des droits-valeurs et des dérivés structurés et fractionnés de la même façon et qui sont soit offerts au public soit vendus à plus de vingt clients pour autant que ces valeurs ne soient pas créées spécialement pour certains contractants. La standardisation est obtenue par l’émission d’une série de droits identiques, à savoir pour une période donnée, répondant aux mêmes conditions et ayant le même contenu et le

28 Cf. art. 16 LB. Bien que le texte français de la loi n’utilise curieusement que le terme de “titres”, la version allemande emploie le terme “Effekten” dont la traduction est “valeurs mobilières”. La notion de valeurs mobilières visée par l’art. 16 LB est la même que celle retenue dans la LBVM, cf. Hess, Bankengeset�, p. 364, n. 16 ad art. 16 LB et les réf. citées.

29 Sur la confrontation des éléments dégagés ci�après avec la notion de titre intermédié, voir infra chap. II, § 3, B. 1, p. 106.

30 Les instruments dérivés sont des contrats financiers dont le prix est dérivé : a) de valeurs patrimoniales comme les actions, les obligations, les matières premières ou les métaux précieux ; b) de taux de référence comme les cours des monnaies, les taux d’intérêts ou les indices, art. 5 OBVM.

31 Rimle, Recht des schwei�erischen Finan�marktes, p. 196, n. 10.

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24 Joël Leibenson

même fondement juridique 32. Les instruments financiers ne doivent en re-vanche pas forcément être effectivement cotés et négociés en bourse pour remplir le critère de l’aptitude à la diffusion en grand nombre 33. En effet, les instruments créés tombent dans la définition des valeurs mobilières s’ils sont aisément négociables à une échelle qui permet la liquidité d’un marché 34 ou atteignent un certain nombre effectivement vendu et non plus seulement offert 35.

3. La fongibilité des droits

Cette définition de la négociabilité des valeurs mobilières sur le marché des capitaux est parfois associée en doctrine à la fongibilité des valeurs mobi-lières. La notion appliquée à la qualification des titres physiques fongibles faisant l’objet d’une détention indirecte en dépôt collectif est passée à la qualification de l’ensemble des valeurs mobilières, y compris celles qui ne sont plus matérialisées 36. La notion de fongibilité et celle de valeurs mo-bilières semblent compatibles. En effet, selon la définition de la fongibilité retenue en droit civil, le caractère interchangeable d’une chose est donné si celle-ci est déterminée par son nombre, son poids ou sa mesure. L’ap-préciation de ces caractéristiques se fait de façon objective, conformément à l’usage des affaires 37. Ce mode de détermination permet d’appréhender les valeurs mobilières conformément aux caractéristiques de standardisa-tion évoquées ci-dessus. Toutefois, en principe, seules les choses mobilières

32 Küng / Huber / Kuster, Kommentar �um B�rsengeset�, p. 59, n. 26 ad art. 2 LBVM.33 Brunner, Wertrechte, p. 192 ; Daeniker / Waller, Basler Kommentar, B�rsengeset�,

p. 485, n. 15 ad art. 2 lit. a�c LBVM ; Zobl, Kommentar BEHG, p. 12, n. 36 ad art. 2 lit. a LBVM.

34 Cf. Conseil Fédéral, Message LBVM, p. 1296 : “Les papiers-valeurs, les droits-valeurs et les instruments dérivés ne peuvent être considérés comme des valeurs mobilières au sens de la LBVM que s’ils sont susceptibles d’être négociés en grand nombre. […] En règle générale, l’émission d’un petit nombre de titres ne justifie pas une protection des investisseurs”.

35 Daeniker / Waller, Basler Kommentar, B�rsengeset�, p. 485, n. 15 ad art. 2 lit. a�c LBVM.

36 Zobl, Kommentar BEHG, p. 11, n. 32 ad art. 2 lit. a LBVM ; Küng / Huber / Kuster, Kommentar �um B�rsengeset�, p. 59, n. 26 ad art. 2 LBVM ; Brunner, Wertrechte, p. 191 s.

37 Meier�Hayoz, Berner Kommentar, p. 85, Syst. T., n. 175.

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25Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

peuvent être fongibles 38. Les valeurs mobilières ne présentant pas de maté-rialité ne devraient en conséquence pas être qualifiées comme telles. La question de l’applicabilité du concept de fongibilité aux droits est évoquée par Heinrich Henckel von Donnersmarck, qui l’approuve 39. Cet auteur s’appuie sur le fait que les droits échangés en bourse sont émis en masse. Les valeurs d’une série émise sont ainsi soumises aux mêmes conditions et les relations juridiques résultant des droits échangés sont im-personnelles tant que l’identité du créancier n’entre pas en ligne de compte. Ce qui a pour effet que les droits sont interchangeables. Cette argumentation ne se concentre que sur les valeurs mobilières cotées en bourse. Or, on l’a vu précédemment, la notion de valeurs mobi-lières, telle que définie par la LBVM et son ordonnance, recouvre égale-ment des valeurs non cotées. La définition figurant à l’art. 4 OBVM permet de constater que même s’agissant de la création de valeurs mobilières qui ne sont pas destinées à être offertes publiquement mais destinées à être vendues à plus de vingt clients, celles-ci ne doivent pas avoir été créées spécialement pour certains contractants. Ces valeurs sont donc interchan-geables. Le fait qu’elles ne soient émises qu’en petit nombre n’est à notre avis pas suffisant pour empêcher l’application de la notion de fongibilité. En outre, et cela est compatible avec le but des normes définissant la négo-ciabilité des valeurs mobilières, la fongibilité concerne tous les instruments financiers, quel que soit leur état de dématérialisation 40. D’un point de vue fonctionnel, le concept de fongibilité est ainsi applicable à toutes les va-leurs mobilières 41. Cette application de la notion de fongibilité aux droits permet de supprimer une attache conceptuelle à la forme sous laquelle les valeurs mobilières sont constituées, ce qui est avantageux d’un point de vue dogmatique compte tenu du fait que divers états de matérialisation des valeurs coexistent en droit et dans les faits. La typologie des instruments des marchés des capitaux recensés par la doctrine permet d’appréhen-der si ceux-là présentent ou non une nature fongible et constituent ainsi

38 Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 14, Einleitung, n. 29.39 Cf. Henckel von Donnersmarck, Die Kotierung von Effekten, p. 226 ss.40 Cf. Conseil Fédéral, Message LBVM, p. 1296 : “Les instruments financiers doivent

être fongibles pour être négociables”.41 C’est également le choix opéré par la loi sur les titres intermédiés, qui retient la fon�

gibilité des créances et des droits sociaux comme élément central de la définition des titres intermédiés, cf. art. 3 al. 1 LTI et infra chap. II, § 3, B. 1, p. 106.

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26 Joël Leibenson

des valeurs mobilières. Faire ici une présentation systématique de cette typologie sort du cadre de notre étude et l’on peut renvoyer aux exposés qui en traitent de manière approfondie 42.

4. Synthèse

Les valeurs mobilières constituent une réalité multiple. Cela tient d’une part au fait que la pratique financière a développé le commerce de produits financiers s’écartant de la forme des papiers-valeurs traditionnels, mais également au fait que le traitement des transactions sur les marchés des capitaux a été marqué par l’immobilisation des titres physiques dans des dépôts centralisés et par leur dématérialisation. Le caractère hybride des instruments des marchés des capitaux n’empêche pas de les appréhender de façon synthétique. Il en découle que la notion de valeur mobilière reste commune aux divers marchés, à leurs différents segments, et même à cer-taines valeurs non cotées en bourse. La fongibilité des valeurs mobilières, que celles-ci revêtent la forme d’un titre physique ou d’un simple droit, a permis aux intermédiaires financiers de rationaliser considérablement leur conservation et leur transfert. Ce sont les différentes étapes de ce pro-cessus qui vont maintenant être présentées.

B. Le dépôt collectif

1. Genèse et fondement du système

L’essor gigantesque du négoce de valeurs mobilières dans la deuxième moi-tié du siècle passé a mis au jour un manque d’efficience caractérisé. Les coûts et les risques liés à ce négoce ont suivi la progression des volumes d’opérations dont l’exécution impliquait trop souvent le transfert physique des titres de banque à banque. La solution à apporter devait permettre

42 Cf. notamment : Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 201�211, n. 548�572 ; Henckel von Donnersmarck, Die Kotierung von Effekten, p. 263�334 ; Zobl, Kommentar BEHG, p. 8�11, n. 15�31 ad art. 2 lit. a LBVM ; Küng / Huber / Kuster, Kommentar �um B�rsengeset�, p. 55�58, n. 5�24 ad art. 2 LBVM ; Daeniker / Waller, Basler Kommen�Basler Kommen�tar, B�rsengeset�, p. 482�485, n. 2�13 ad art. 2 lit. a�c LBVM.

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27Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

de simplifier les procédures et de réduire le traitement des titres 43. Après avoir délaissé le dépôt individuel des titres en raison des coûts élevés, la pratique a eu recours au dépôt collectif interne aux banques (Haussam-melverwahrung) 44. Cette forme de dépôt ne supprimant pas le transfert des titres de banque à banque, elle a été supplantée par le dépôt collec-tif auprès de tiers (Externe Sammelverwahrung ; Drittverwahrung) 45. En effet, avec la création de la SEGA Schweizerische Effekten Giro AG (de-venue ensuite SIS SegaIntersettle AG et aujourd’hui SIX SIS SA) 46, le dépositaire central de titres pour la Suisse, les banques suisses se sont dotées d’un moyen d’assurer de façon sûre et optimale la conserva-tion et l’administration des valeurs et l’exécution rapide et facile des transactions 47. La centrale de dépôt effectue également le virement des titres conservés pour chaque participant (Girosammelverwahrung). Seuls les banques, les négociants en valeurs mobilières, les bourses, les socié-tés nominées et les sociétés assurant le règlement, la conservation ou la comptabilisation de valeurs mobilières sont admis comme participants à la SIX SIS SA48.

2. Le principe

Selon le principe du dépôt collectif, le déposant remet des papiers- valeurs d’une même émission au dépositaire et l’autorise à conserver ceux-ci avec d’autres titres du même genre remis par d’autres déposants sans

43 Cf. Schlegel, Die schwei�erische Effekten�Giro AG, p. 47 ss pour une présentation schématique des multiples étapes de ces procédures dans les grandes banques, il y a une trentaine d’années.

44 Cf. sur cette notion Jenny Rico, Privatrechtsverhältnisse der Vermengung von Wert�Privatrechtsverhältnisse der Vermengung von Wert�papieren im Verwaltungsdepot der Bank : die Haussammelverwahrung, thèse, Zurich 1969.

45 Moskric, Der Lombardkredit, p. 87 s.46 Pour l’historique de la fondation de la SEGA, cf. Schlegel, Die schwei�erische

Effekten�Giro AG, p. 13 ss et Treyvaud, Dépôt bancaire, p. 123 ss.47 Meier�Hayoz, Abschied, p. 391.48 Cf. art.  1 des conditions générales de la SIX SIS SA (édition du 1er mai 2005). Les

banques et négociants étrangers sont admis à participer pour autant qu’ils soient soumis à une réglementation et à une surveillance similaires à celle des banques et des négociants de titres en Suisse.

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28 Joël Leibenson

distinguer le titulaire de chaque titre 49. Dans le cadre du contrat de dépôt, le mélange des titres fongibles est régi par l’art. 484 al. 1 CO 50, qui prévoit que le dépositaire ne peut procéder au mélange que si le déposant l’y a autorisé 51. La banque dépositaire se fait également autoriser dans ses conditions générales, respectivement son règlement de dépôt, à opérer elle-même ce dépôt collectif ou à le faire tenir par un tiers 52, par exemple le dépositaire central SIX SIS SA. La fongibilité 53 d’une valeur est une condi-tion nécessaire à sa conservation dans le système du dépositaire central 54. Les titres au porteur et les titres à ordre endossés en blanc présentent la fongibilité nécessaire au mélange avec d’autres titres du même genre 55. La présence de numéros de série sur les valeurs mobilières émises ne leur re-tire en principe pas leur fongibilité 56.

49 Cf. Thévenoz, L’état de fait, p. 5 ; Meier�Hayoz / von der Crone, Wertpapierrecht, p. 325 s., n. 10 ss ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 1040, n. 94a ad art. 727 CC. Voir l’art. 20, lit a des conditions générales de la SIX SIS SA (édition du 1er mai 2005).

50 Bien que situé d’un point de vue systématique dans les dispositions sur le contrat d’entrepôt, cet article est également applicable au contrat de dépôt, cf. Baerlocher, Hinterlegungsvertrag, p. 688 ; Treyvaud, Dépôt bancaire, p. 139 ; Koller, Obligatio�Obligatio�nenrecht I, p. 2857, n. 1 ad art. 484 CO.

51 Sur l’exigence d’un consentement exprès ou l’admissibilité d’une manifestation de vo�lonté tacite contrairement au texte légal, cf. Brunner, Wertrechte, p.  9  s. et les références citées.

52 Baerlocher, Hinterlegungsvertrag, p. 686. Voir p. ex., l’art. 1.4. du Règlement de dépôt, de gestion et d’administration des valeurs de la Banque cantonale vaudoise, édition 2004.

53 Sur cette notion, voir supra chap. I, § 2, A. 3, p. 24.54 Cf. art. 6 lit. a des conditions générales de la SIX SIS SA (édition du 1er mai 2005).55 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 126, note 84 ; Thévenoz, L’état de fait,

p. 5. Bien que les actions nominatives soient des titres à ordre (art. 684 al. 2 CO), donc endossables en blanc, elles ne peuvent faire l’objet du dépôt collectif ; l’entrée de l’actionnaire dans le registre ad hoc présuppose la propriété individuelle de l’action, incompatible avec la copropriété des déposants, cf. Forstmoser / Lörtscher, Aufge�Aufge�schobenem Titeldruck, p. 50. Voir également Zobl, Berner Kommentar II, p. 307 ss, n. 34 et n. 39 ad art. 901 CC pour des exemples de titres au porteur et à ordre.

56 Dallèves, Dématérialisation, p. 44, note 5 ; Schlegel, Die schwei�erische Effekten�Giro AG, p. 4 ; Thévenoz, L’état de fait, p. 5. Les numéros de série s’avèrent toute�5. Les numéros de série s’avèrent toute�fois déterminants lorsque des titres désignés par leur numéro ont fait l’objet d’un amortissement par tirage au sort ou lorsqu’ils ont été annulés suite à une procédure judiciaire.

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29Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

3. La propriété du déposant

En raison du mélange, chaque déposant est au bénéfice d’un droit de co-propriété sur chacun des titres du même genre mélangés dans le dépôt collectif pour une quote-part proportionnelle à son apport au dépôt 57. Cette répartition artificielle de la copropriété sur chaque titre composant le dépôt est la conséquence de l’application du principe de spécialité 58, en vertu duquel un droit réel ne peut porter que sur une chose individuelle-ment déterminée 59. Cette copropriété sui generis est tout d’abord basée sur le contrat passé entre le client et la banque dépositaire d’une part, et d’autre part entre la banque et le dépositaire central 60. Le fondement légal repose sur une application analogique des art. 484 al. 2 CO et 727 al. 1 CC 61. La copropriété née du mélange est dite modifiée et assouplie (ou la-bile). Elle est modifiée parce que les copropriétaires ne forment que théo-riquement une communauté puisque les règles du Code civil relatives à cette communauté (art. 646 ss CC) sont dans une certaine mesure in-applicables 62. La copropriété est assouplie puisque chaque copropriétaire

57 Cf. par exemple Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p.  1041, n. 94b ad art. 727 CC ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 126 ; Foëx, Trans�fert et engagement, p. 59.

58 Voir Meier�Hayoz, Abschied, p. 393 ; Brunner, Wertrechte, p. 19 s. ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 126.

59 Sur le principe de spécialité, voir par exemple Steinauer, Droits réels I, p.  70, n. 139 s. ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 75 ss, Syst. T., n. 257 ss.

60 Cf. art. 20 lit. b des conditions générales de la SIX SIS SA (édition du 1er mai 2005) et, par exemple, art. 1.4. du Règlement de dépôt, de gestion et d’administration des va�leurs de la Banque cantonale vaudoise, édition 2004 ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 1042, n. 94d ad art. 727 CC ; Foëx, Transfert et engage�ment, p. 58 ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 28.

61 ATF 112 II 406/414 ss / JT 1987 I 347/348 s. ; Meier�Hayoz, Abschied, p. 393. Voir les différentes positions de la doctrine sur le caractère contractuel ou légal du droit de copropriété et sur l’application directe ou analogique des art. 484 CO et 727 CC che� Brunner, Wertrechte, p. 20 s., et les réf. citées ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 27 s., et les réf. citées ; Meier�Hayoz / von der Crone, Wertpapier�recht, p. 327 s., n. 13�15, et les réf. citées.

62 Voir Brunner, Wertrechte, p. 21 s, note 83 pour des exemples de dispositions inap�21 s, note 83 pour des exemples de dispositions inap�plicables ; Dallèves, Dématérialisation, p. 46 s. ; Favre, Die Berechtigung von De�De�potkunden, p. 29 ; Steffen, Vermischung fungibler Sachen, p. 22 ss. Si les titres déposés sont des actions, l’art. 690 CO n’est également pas applicable (Baerlocher, Hinterlegungsvertrag, p. 693 ; Brunner, Wertrechte, p. 22).

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30 Joël Leibenson

peut y mettre fin sans le concours des autres en exigeant la sortie du dépôt (par une remise ou par une vente) du nombre de titres correspondant à sa quote-part (art. 484 al 2 et 3 CO) 63.

4. La possession et le déplacement des titres

La possession de l’investisseur sur ses titres conservés en dépôt collectif s’exerce par le biais de la banque dépositaire qui elle-même l’exerce par le dépositaire central. Ce dernier est ainsi possesseur dérivé immédiat, la banque de l’investisseur est possesseur dérivé médiat de premier degré et l’investisseur est possesseur originaire médiat de second degré 64. S’agis-sant des titres comptabilisés sur le compte Nostro de la banque, celle-ci est au bénéfice d’une possession originaire et médiate de premier degré 65. La maîtrise de fait procurée par cette construction est très ténue 66. Le rôle de la possession des titres en matière de publicité s’en trouve modifié avec les répercussions que cela engendre sur les mécanismes de protection de l’acquéreur de bonne foi et de transmission ou de constitution de droits sur les titres déposés 67. Les titres n’étant plus que très rarement déplacés physiquement, le transfert ou la constitution de droits sur les titres conservés en dépôt col-lectif sont matérialisés par des écritures comptables portées aux comptes des parties et des intermédiaires concernés par le transfert ou la consti-tution du droit 68. Les autres événements de la vie d’un titre du marché des capitaux, qui ont trait aux droits incorporés dans le titre, tels que la perception de dividendes, d’intérêts, les amortissements, les conversions,

63 Il est donc dérogé aux règles ordinaires sur le partage (art.  650 et 651 CC) dont l’art. 484 CO représente une lex specialis (Baerlocher, Hinterlegungsvertrag, p. 691) ; cf. également Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 1041 s., n. 94c ad art.727 CC ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 30.

64 Cf. Meier�Hayoz, Abschied, p. 396 ; Brunner, Wertrechte, p. 22 s. D’une autre opi�22 s. D’une autre opi�nion Schlegel, Die schwei�erische Effekten�Giro AG, p. 100, pour qui les investis�100, pour qui les investis�seurs sont possesseurs individuels originaires et médiats à l’égard des tiers et de la banque, et sont copossesseurs les uns par rapports aux autres.

65 Brunner, Wertrechte, p. 22.66 Meier�Hayoz, Abschied, p. 396 ; Foëx, Transfert et engagement, p. 59.67 Voir infra chap. I, § 3, A. 1, p. 44, et B. 1, p. 51.68 Voir par exemple Thévenoz, L’état de fait, p. 11, pour un schéma illustrant les opéra�11, pour un schéma illustrant les opéra�

tions comptables d’une transaction simple.

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31Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

l’exercice ou la vente de droits préférentiels de souscription, le droit de vote, etc., sont également traités de façon comptable ou sont attestés par l’intermédiaire qui assure la gestion de ces droits 69. Le titre physique de-vient “inerte” 70, il n’est plus utilisé pour exercer les droits qu’il incorpore ; l’immobilisation constitue une dématérialisation de fait 71.

5. L’intégration du système dans la loi

La réforme opérée par la loi sur les titres intermédiés entraîne dans son sillage une certaine codification des principes que l’on vient d’exposer, mais également un changement perceptible de la situation des parties à la relation de dépôt. Dès l’entrée en vigueur de la LTI, les titres conservés en dépôt collectif qui ne rentrent pas dans son champ d’application font l’ob-jet d’une disposition légale dans le Code des obligations, l’art. 973a nCO 72. L’alinéa premier de cette disposition prévoit le droit du dépositaire de conserver ensemble les titres fongibles remis par plusieurs déposants sans que le consentement du déposant ne soit nécessaire pour ce faire. Le dépo-sant qui ne souhaite pas que ses titres soient mélangés doit en conséquence en faire la déclaration expresse. La transformation de la propriété indivi-duelle du déposant en une copropriété s’effectue alors sans son consente-ment. Sa situation est ainsi inversée par rapport à ce que prévoit l’art. 484 al.  1 CO mais elle n’est cependant pas péjorée. Le déposant conserve un droit de propriété, et le droit à la restitution in specie dont il bénéficierait s’il était resté propriétaire individuel des titres déposés ne lui est d’aucune utilité pratique puisque les titres composant le dépôt sont fongibles 73.

69 Cf. Dallèves, Dématérialisation, p. 44 ; Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bank � geschäft, p. 271, n. 779 ss et p. 276 ss, n. 794 ss ; Bohnet, Théorie générale, p. 83, n. 149.

70 Dallèves, Dématérialisation, p. 44.71 Dallèves, Dématérialisation, p. 44.72 Cf. FF 2006 p. 8919 ss, p. 8933 s.73 Selon le message relatif à la LTI, s’agissant de titres fongibles, le déposant n’a en

principe pas d’intérêt à se voir restituer exactement les titres déposés (Conseil Fé�déral, Message LTI, p. 8890 ad art. 973a al. 1 nCO). Une justification basée sur le coût plus faible pour le déposant d’une conservation collective peut également être avancée (voir à ce sujet Brunner, Wertrechte, p. 10, sur les motifs ayant conduit à une modification de la Depotgesetz allemande au profit d’une solution identique à celle introduite par l’art. 973a nCO).

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32 Joël Leibenson

Les alinéas 2 et 3 de l’art.  973a nCO consacrent la copropriété de chaque déposant sur les titres constituant le dépôt collectif, la détermi-nation des quotes-parts et le droit à la remise des titres déposés à hauteur de la quote-part, ce qui équivaut à la sortie de la communauté des copro-priétaire par le déposant. Le régime légal est ainsi une codification de ce-lui présenté ci-dessus et dégagé par la doctrine et la jurisprudence 74. La conséquence étant, à notre avis, que le fondement légal de cette copropriété repose ainsi clairement sur l’art. 973a nCO et n’est plus à déduire d’une interprétation très large des art. 727 CC et 484 CO. Il convient toutefois de relever que la formulation de l’art. 973a nCO ne correspond pas à la nature du droit qu’il consacre. En effet, comme on l’a vu ci-dessus, le principe de spécialité conduit à l’existence d’un droit de copropriété sur chaque titre composant le dépôt collectif. L’ensemble du dépôt constitue une universalité de fait 75 qui ne peut faire l’objet en tant que telle d’un droit réel 76. Or, le texte de l’art. 973a nCO mentionne l’acquisition par le déposant d’ “une part de copropriété sur l’ensemble des titres du même genre ainsi conservés”. Cette même formulation figurait mot pour mot dans les conditions générales de la SIS SegaInterSettle SA77 ou correspond à l’ancienne teneur des conditions générales de certains établissements bancaires 78. La doctrine a pourtant déjà relevé qu’une telle formulation s’opposait au fait que le déposant n’acquiert pas un droit de copropriété sur l’ensemble du dépôt 79.

74 Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 580, n. 7 ad art. 973a CO.75 Sur cette notion, voir Steinauer, Droits réels I, p.  55  s., n.  77  ss ; Meier�Hayoz,

Berner Kommentar, p. 75 ss, Syst. T., n. 140 ss.76 Meier�Hayoz, Abschied, p.  393 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p.  126 ;

Brunner, Wertrechte, p. 19 s.77 Cf. art. 20 lit. b des conditions générales de la SIS SegaInterSettle SA (édition du

1er août 2002), qui prévoit que les déposants “[…] possèdent un droit de copropriété sur l’ensemble des titres de même espèce conservés en dépôt collectif […]”. La mise en évidence ne figure pas dans l’original.

78 Cf. art. 1.4. du Règlement de dépôt, de gestion et d’administration des valeurs de la Banque cantonale vaudoise, édition 2004 : “[…] le Client possède alors sur le contenu du dépôt collectif un droit de copropriété […]” ; voir également l’art. 11 du Règlement de dépôt de la Banque cantonale du Valais, sans date mais antérieur à l’adoption de la LTI : “Le client possède sur le dépôt collectif un droit proportionnel au nombre de titres de la même catégorie qu’il a déposés”. La mise en évidence ne figure pas dans l’original.

79 Dallèves, Dématérialisation, p. 45, note 13.

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33Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

C. Les certificats globaux

1. Notion et définitions

L’étape suivant le dépôt collectif dans la rationalisation des transactions sur les valeurs mobilières consiste à limiter le nombre de titres mis en cir-culation. Une très grande partie des titres émis ne sortant jamais du dé-pôt central 80, l’émission d’un nombre élevé de titres est devenue inutile. Si l’immobilisation a permis de réduire une partie des frais de transaction, l’impression de tous les titres d’une émission reste coûteuse. Tandis que pour le dépôt collectif la modernisation a concerné la relation entre l’in-vestisseur et le dépositaire des valeurs, l’évolution touche ici la relation entre l’investisseur et l’émetteur des titres qui sont mis en circulation. La réduction du volume de papier est réalisée par l’incorporation de plusieurs droits juridiquement indépendants issus d’une même émission dans un seul titre 81. Ce sont les conditions d’émission ou les statuts de l’émetteur qui déterminent les modalités du regroupement de cette plu-ralité de droits de créance ou de participation. On distingue tout d’abord les titres collectifs (Sammelurkunde) des titres globaux (Globalurkunde). Les titres collectifs sont caractérisés par le fait qu’ils ne regroupent qu’une partie des droits formant une émission 82. Les titres globaux incorporent en revanche la totalité des droits compris dans une émission 83. L’on dénombre trois formes de certificats globaux en fonction des modalités selon lesquelles un tel certificat est établi : les certificats intéri-maires, les certificats techniques et les certificats permanents 84. Les certifi-cats intérimaires ne visent que des situations temporaires entre l’émission

80 Dallèves, Dématérialisation, p. 44 ; Brunner, Wertrechte, p.  38 ; sur 25 379 000 transactions en 2005, seules 2 000 ont donné lieu à un retrait des titres concernés, voir supra note 16, p. 20, et la réf. citée.

81 Les droits, bien qu’incorporés dans un seul titre, restent indépendants et ne se fondent pas les uns dans les autres (cf. Rickenbacher, Globalurkunden, p.  130 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 128).

82 Rickenbacher, Globalurkunden, p.  130. Brunner, Wertrechte, p.  39  s., distingue le terme de titre collectif au sens large, qui exprime le fait qu’une pluralité de droits négociables est incorporée dans un seul titre, et au sens étroit, où la pluralité de droits incorporés ne représente qu’une partie de l’émission.

83 Rickenbacher, Globalurkunden, p.  129  s. ; Meier�Hayoz / von der Crone, Wert�papierrecht, p. 331, n. 26.

84 Sur les détails de chacune de ces formes, cf. Rickenbacher, Globalurkunden, p. 137 ss ; Brunner, Wertrechte, p. 40 ss.

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34 Joël Leibenson

et l’impression de titres individuels 85. Le certificat global technique per-met l’établissement d’un seul titre pour l’ensemble d’une émission et le maintien du droit de l’investisseur à la délivrance de titres individuels cor-respondant à ses droits 86. Le certificat global permanent, quant à lui, exclut le droit de l’investisseur à la délivrance d’un titre individuel 87. L’utilisation des certificats globaux techniques et permanents a été ren-due possible par le fait qu’aucune norme légale n’oblige l’émetteur de droits de participation, d’obligations ou de dérivés à le faire sous la forme d’un papier-valeur à remettre à l’investisseur 88. A cela s’ajoute que, s’agissant des valeurs échangées publiquement, les normes boursières ont permis successivement la cotation des certificats globaux techniques puis des cer-tificats permanents 89. Tandis que les actions nominatives suivent un mo-

85 Rickenbacher, Globalurkunden, p. 138 s. 86 Brunner, Wertrechte, p.  40 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p.  128 ;

Rickenbacher, Globalurkunden, p. 139 s.87 Dans le cadre d’un emprunt obligataire, seul le chef de file d’une émission, respective�

ment l’émetteur, conserve la faculté à certaines conditions d’imprimer des titres indi�viduels et de les remettre aux investisseurs, cf. Brunner, Wertrechte, p. 41 ; Huber / Hodel / Staub Gierow, Praxiskommentar, p. 125, n. 2 ad art. 22 RC [N.B. : la teneur de l’art. 22 RC à laquelle ces auteurs se réfèrent figure aujourd’hui dans la Directive de la SIX Exchange Regulation concernant la forme des valeurs mobilières, du 29 oc�tobre 2008 et entrée en vigueur le 1er  juillet 2009]. Dans le domaine des fonds de placement, le certificat permanent était exclu sous l’empire de la LFP en raison du droit de l’investisseur d’exiger la remise physique d’un certificat (voir l’art. 23 al. 4 LFP ; du Pasquier / Rayroux, Kapitalmarktrecht, p. 650, n. 18 ad art. 23 LFP ; Zobl, Kommentar BEHG, p. 9 s, n. 21 ad art. 2 lit. a LBVM). Ce droit ne figure plus de façon inconditionnelle dans la réglementation prévue par la LPCC. En effet, la remise d’un papier�valeur au sens de l’art. 965 CO n’a lieu, sur demande de l’investisseur, que dans la mesure où le règlement prévoit la remise de certificats (voir les art. 78 al. 2 LPCC et 108 al. 2 OPCC ; Rehm, Kollektivanlagengeset�, p. 474, n. 17 ad art. 11 LPCC).

88 Cf. Henckel von Donnersmarck, Die Kotierung von Effekten, p. 209 ; Brunner, Wertrechte, p. 46 s. ; Rickenbacher, Globalurkunden, p. 146, 148 et 233. Voir égale�146, 148 et 233. Voir égale�ment Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p. 51 s.

89 Voir Henckel von Donnersmarck, Die Kotierung von Effekten, p. 210 ss ; Brunner, Wertrechte, p.  42  ss. L’Instance d’admission à la bourse suisse a successivement édicté une directive concernant la cotation des certificats globaux techniques, du 18 novembre 1991, remplacée par la directive concernant la cotation des certificats globaux, du 28 mars 1995, elle aussi remplacée par la directive concernant la maté�rialisation des valeurs mobilières, du 14 mai 1997, cette dernière ayant été abrogée par l’entrée en vigueur de la Directive concernant la forme des valeurs mobilières, du 29 octobre 2008, en vigueur dès le 1er juillet 2009.

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35Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

dèle qui leur est propre 90, les certificats globaux sont utilisés afin d’incor-porer avant tout des émissions d’emprunts obligataires et des émissions de warrants 91. L’incorporation d’actions au porteur dans un certificat global permanent est également envisageable 92.

2. La propriété du déposant

Le certificat global fait l’objet d’une copropriété entre les investisseurs ti-tulaires des droits faisant partie de l’émission que le certificat incorpore 93. Chaque quote-part est proportionnelle aux droits incorporés dans le titre et détenus par l’investisseur. A la différence de ce qui vaut pour les titres en dépôt collectif, le fondement de cette copropriété est uniquement conven-tionnel 94. La naissance de cette copropriété en vertu de l’application ana-logique de l’art. 727 CC n’est pas envisageable puisque qu’il n’y a pas de mélange de titres fongibles 95. La nature de la copropriété ainsi créée déroge aux règles ordinaires du Code civil dans une mesure similaire à la copro-priété formée dans le cas du dépôt collectif 96. La copropriété est en effet modifiée car les copropriétaires n’ont entre eux que des liens théoriques 97, les art. 646 ss CC ne sont alors pas sans autre applicables 98. Sa structure est en outre également assouplie, à tout le moins s’agissant d’un certificat glo-bal technique puisque chaque investisseur conserve le droit à la délivrance

90 Voir infra chap. I, § 2, D. 1, p. 38.91 Cf. Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 128 ; Zobl, Kommentar BEHG, p. 7,

n. 13 ad art. 2 lit. a LBVM ; Brunner, Wertrechte, p. 41. Sur la notion de Warrants, cf. par exemple Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bankgeschäft, p. 768 ss, n. 2360 ss.

92 Brunner, Wertrechte, p. 41.93 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 128 ; Zobl, Internationale Übertragung,

p. 107 ; Foëx, Transfert et engagement, p. 60 ; Brunner, Wertrechte, p. 50 s.94 Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 30 ; Foëx, Transfert et engagement,

p. 60 ; Rickenbacher, Globalurkunden, p. 177 ss ; voir également l’art. 20 lit. c des conditions générales de la SIX SIS SA (édition du 1er mai 2005).

95 Rickenbacher, Globalurkunden, p. 177 ss., spécialement 181 ; Brunner, Wertrechte, p. 51 ; Foëx, Transfert et engagement, p. 60.

96 Voir supra chap. I, § 2, B. 3, p. 29.97 Foëx, Transfert et engagement, p. 60.98 Cf. Brunner, Wertrechte, p. 51, note 233, qui se réfère aux cas de figure ayant

trait à l’administration et à l’utilisation de la chose en copropriété se trouvant aux art. 647 ss CC.

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36 Joël Leibenson

d’un titre individuel. Lorsque l’objet de la copropriété est un certificat glo-bal permanent, l’investisseur ne peut pas provoquer la fin de la copropriété par le partage 99. Les art. 650 et 651 CC sont donc inapplicables au certificat global permanent. L’extinction relative 100 de la copropriété peut toutefois être provoquée par l’investisseur en aliénant sa quote-part, sa “sortie” de la copropriété reste ainsi possible 101.

3. La possession du certificat global

Dans le système de détention indirecte des valeurs mobilières, le certificat global est en principe conservé par le dépositaire central SIX SIS SA102. La possession de chacun des investisseurs sur le certificat global est une possession commune 103, originaire, médiate et de second degré 104. Ceci découle du fait que l’investisseur ne peut exercer sa maîtrise de fait sans le concours des autres titulaires de droits incorporés dans le certificat global 105. L’intermédiaire financier participant au système du dépositaire central exerce une possession commune, dérivée (originaire, s’il s’agit de ses propres titres), médiate et de premier degré. Le dépositaire central exer-çant une possession dérivée et immédiate 106. Christoph Brunner refuse pour sa part le statut de possesseur à l’in-vestisseur et à l’intermédiaire financier participant auprès du dépositaire central. Selon lui, se fondant en cela essentiellement sur la doctrine alle-mande, la maîtrise de fait nécessaire à procurer la possession implique que l’investisseur ne soit pas définitivement privé d’un droit à la délivrance de la chose (Herausgabeanspruch) 107. L’investisseur copropriétaire d’un certi-ficat global ne pouvant pas exiger la remise de celui-ci lorsqu’il est perma-nent ou ne pouvant exiger que la remise d’un titre individuel lorsque le cer-

99 Brunner, Wertrechte, p. 54 s. ; Rickenbacher, Globalurkunden, p. 186 ss ; Eigen�mann, Aspects choisis, p. 107 ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 31.

100 Sur cette notion, cf. Steinauer, Droits réels I, p. 401, n. 1157 ss.101 Contra Foëx, Transfert et engagement, p. 60.102 Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 200, n. 545 ; Brunner, Wertrechte, p. 47.103 Foëx, Transfert et engagement, p. 60 ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden,

p. 30 ; Zobl, Internationale Übertragung, p. 108, note 17.104 Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 30.105 Foëx, Transfert et engagement, p. 60.106 Henckel von Donnersmarck, Die Kotierung von Effekten, p. 210 ; Moskric, Der

Lombardkredit, p. 92.107 Brunner, Wertrechte, p. 47 ss.

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37Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

tificat est technique, n’est pas au bénéfice d’une prétention en délivrance du certificat et ne devrait pas être considéré comme étant possesseur. Nous pensons quant à nous que ce raisonnement va trop loin. En pre-mier lieu, il est admis en doctrine que la notion de maîtrise effective ne se réduit pas au seul fait d’avoir la chose entre ses mains, ni à la possibilité de l’avoir entre ses mains 108. Cette maîtrise peut très bien être exercée indirec-tement, par un tiers 109. En second lieu, une maîtrise suffisant à procurer la possession peut n’être qu’intellectualisée. En effet, est possesseur celui qui, même sans maîtriser physiquement une chose, affirme par son compor-tement que celle-ci est dans sa sphère d’influence économique, si le tiers possesseur immédiat reconnaît tenir sa maîtrise de cette personne 110. Les relevés de comptes que le dépositaire central délivre à la banque partici-pante et ceux que celle-ci remet à l’investisseur signifient clairement que les émetteurs respectifs de ces relevés reconnaissent posséder les titres qui y figurent pour le titulaire du compte concerné et que ceux-ci se trouvent dans la sphère d’influence économique de ce titulaire de compte 111. Il ap-paraît ainsi clairement que l’investisseur est au bénéfice d’une maîtrise de fait suffisante, attestée par le relevé de compte, lui procurant la possession sur le certificat global.

4. La qualité de papier-valeur du certificat global

Un autre point discuté en doctrine est la qualification du certificat global en tant que papier-valeur 112. Cette controverse trouve un terme dans les

108 Stark, Berner Kommentar, p. 27, n. 3 ad art. 919 CC.109 Stark, Berner Kommentar, p. 30, n. 18 ad art. 919 CC.110 Steinauer, Droits réels I, p. 86, n. 181 s.111 Cf. également un arrêt du Tribunal fédéral du 2.8.1996, in SJ 1997 p. 108/114, selon

lequel un accusé de réception constatant le dépôt d’obligations auprès d’un établis�sement bancaire “démontre que [la banque], au moins en sa qualité de dépositaire, exerce un pouvoir direct sur les obligations en cause, d’une part, et que la demande�resse [le déposant], qui a fait exercer par [la banque] le pouvoir effectif sur ces titres, en est également possesseur, d’autre part […]”.

112 Cf. Bohnet, Théorie générale, p. 86 ss pour un état de la discussion. Voir aussi plus récemment Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 199 s, n. 545, qui admettent impli�199 s, n. 545, qui admettent impli�citement la nature de papier�valeur du certificat global ; et Moskric, Der Lombard�kredit, p.  91, qui l’admet explicitement. Cf. également Foëx, Transfert et engage�ment, p. 60 et Meier�Hayoz / von der Crone, Wertpapierrecht, p. 331, n. 26, qui admettent que le certificat global revêt en principe la qualité de papier�valeur.

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38 Joël Leibenson

modifications du Code des obligations qui ont été introduites en marge de l’adoption de la LTI. En effet, l’art. 973b nCO 113, qui concerne les certi-ficats globaux, permet la faculté d’émettre un certificat global ou de rem-placer des papiers-valeurs fongibles par un tel certificat. L’alinéa deux de cet article déclare que le certificat global est un papier-valeur 114. La notion de certificat global prévue dans cet article recouvre aussi bien les certifi-cats permanents que les certificats techniques, ainsi que les titres collectifs dans lesquels sont matérialisés une pluralité de droits individuels, mais non tous les droits, d’une émission déterminée (Sammelurkunde) 115. Ainsi, le bénéfice des dispositions protectrices des papiers-valeurs et des droits réels s’étendra à tous les titres collectifs qui ne sont pas soumis aux dis- positions de la LTI.

D. Les droits-valeurs

1. La notion

Les droits-valeurs sont des droits de créance ou des droits sociaux 116 qui sont émis et comptabilisés 117, sans impression des papiers-valeurs dans les-quels ils sont ordinairement incorporés 118. Les droits sont créés et changent de titulaire sans papier-valeur 119, il n’y a plus de chose mobilière qui serait un objet de droits réels 120. Les droits-valeurs n’ont pas de nature réelle (au sens des droits réels), ils relèvent par essence du droit des obligations 121.

113 Cf. FF 2006 p. 8919 ss, p. 8934.114 Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 581, n. 2 ad art. 973b CO.115 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8891 ; Graham�Siegenthaler, FISA & HSC

Commentary, p. 559 s., n. 2 ad art. 973b CO ; voir aussi Bohnet, Théorie générale, p. 87, n. 156, sur la situation similaire en Allemagne avec la consécration légale de la qualité de papier�valeur du certificat global.

116 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p.  128 ; Brunner, Wertrechte, p. 200 ; Zobl, Internationale Übertragung, p. 107.

117 C’est l’intégralité des droits émis qui est comptabilisée dans les livres du dépositaire qui est chargé de leur administration, cf. Thévenoz, L’état de fait, p. 10.

118 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p.  128 ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 302 s., n 23 ad art. 901 CC ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 197, n. 540.

119 Thévenoz, L’état de fait, p. 9.120 Foëx, Transfert et engagement, p. 61.121 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p.  129 ; Brunner, Wertrechte, p. 200 ;

Zobl, Internationale Übertragung, p. 107.

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39Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

D’un point de vue chronologique, différentes institutions juridiques qualifiées en tant que droits-valeurs 122 et issues de processus de formation distincts 123 sont apparues successivement. L’on peut citer notamment les créances inscrites au livre de la dette de la Confédération, aujourd’hui disparues 124, les créances comptables à court terme du marché monétaire (Geldmarktbuchforderungen) 125 et les actions nominatives à impression différée 126 ou supprimée 127.

2. Le rattachement au marché des capitaux

D’un point de vue conceptuel, les droits-valeurs apparaissent comme étant le dernier stade de dématérialisation des valeurs mobilières faisant l’objet des transactions opérées sur les marchés des capitaux. L’intégration des droits-valeurs dans la définition des valeurs mobilières posée par la législa-tion boursière a permis de faire tomber progressivement les barrières juri-diques qui empêchaient les avancées techniques de ce secteur de produire leurs effets de rationalisation économique. Le but visé était de permettre

122 Voir l’inventaire de droits�valeurs dressé par Brunner, Wertrechte, p. 110�185.123 Voir Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 236 s., qui distingue les droits�valeurs issus

du processus de dématérialisation sur les marchés financiers de ceux qui ne sont pas issus de ce processus. Cf. également Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 129, qui mentionnent le fait que les créances inscrites au livre de la dette fédérale repo�saient sur une base légale, tandis que le système des Geldmarktbuchforderungen ne repose sur aucune base légale et que le système des actions nominatives à impression différée représente une solution reposant sur un acte juridique.

124 Voir l’abrogation de la loi fédérale sur le livre de la dette de la Confédération, du 21 septembre 1939, avec effet au 1er mai 2004 par la loi fédérale sur la Banque natio�nale suisse, du 3 octobre 2003, RO 2004 p. 1985 ss, p. 2002 s. Les créances encore inscrites au livre de la dette lors de la suppression de celui�ci ont été converties en obligations gardées sans frais au nom du dernier créancier inscrit, art. 58 LBN. Ces obligations sont aujourd’hui gardées par la SIS SegaIntersettle sous forme de certifi�cats globaux permanents, cf. Conseil Fédéral, Message LBN, p. 5827 s.

125 Cf. sur cette notion Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bankgeschäft, p. 794 ss, n. 2455 ss ; Pfister Erich, Analyse der rechtlichen Problematik im Bereich der Geld�Geld�marktbuchforderungen, thèse, Zurich 1994.

126 Cf. Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p. 50 ss ; Brunner, Wert�Wert�rechte, p. 121 ss ; Krummenacher, Verpfändung von Namenaktien, p. 13 ss.

127 Zobl, Internationale Übertragung, p. 107 s. ; Meier�Hayoz / von der Crone, Wertpa�Wertpa�pierrecht, p. 333 s., n. 36.

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40 Joël Leibenson

la cotation en bourse des actions à impression différée et des certificats globaux permanents 128. Le fait que la consécration légale des droits-valeurs soit apparue dans la législation régissant les marchés financiers 129 a évidemment une in-fluence sur la perception des droits-valeurs comme ne ressortissant qu’à ce domaine 130. La définition des droits-valeurs posée en doctrine illustre clai-rement cette proximité conceptuelle 131. La définition posée par Christoph Brunner décrit les droits-valeurs au sens large comme des droits non in-corporés dans un titre, comptabilisés auprès d’un intermédiaire financier soumis à une surveillance de droit public, et qui se transmettent par des modifications de cette comptabilisation 132. Les droits-valeurs au sens étroit remplissent les conditions qui viennent d’être énumérées et doivent en outre présenter la fongibilité nécessaire afin d’assumer la même fonction que les papiers-valeurs standardisés susceptibles d’être diffusés en grand nombre 133.

3. La définition en droit privé

La notion de droit-valeur est aujourd’hui à nouveau discutée par la doc-trine récente 134. En effet, les modifications apportées au Code des obliga-tions en marge de la LTI par l’art. 973c nCO contiennent une définition générale des droits-valeurs. La teneur de cet article, dans la version ac-compagnant l’avant-projet élaboré par le groupe de travail ad hoc man-

128 Bohnet, Théorie générale, p. 90, n. 164 ; Brunner, Wertrechte, p. 198 ; Kleiner, Zäher Abschied, p. 295.

129 Cf. art. 32 LFP et art. 2 lit. a LBVM. Voir également les bases réglementaires édic�Voir également les bases réglementaires édic�tées par l’Instance d’admission à la bourse suisse citées supra chap. I, § 2, C. 1, à la note 89, p. 34.

130 Brunner, Wertrechte, p. 186.131 Zobl, Kommentar BEHG, p. 6, n. 10 ad art. 2 lit. a LBVM ; Zobl / Kramer, Kapital�Kapital�

marktrecht, p. 197 s., n. 540 ss ; Thévenoz, L’état de fait, p. 9 ss.132 Brunner, Wertrechte, p. 189.133 Brunner, Wertrechte, p.  189 et 191  ss ; voir également Thalmann, Wertrechte,

p. 1112.134 Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p.  235  ss ; Petitpierre�Sauvain, Les papiers�

valeurs, p.  432  ss, n.  1318  ss ; Steiner / Büchi, Vom Wertrecht �ur Bucheffekte, p. 73 ss ; Lanz / Favre, Inhaberaktien, p. 548 ss ; Gomez Richa / Veuve, Titres inter�médiés, p. 10 ss.

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41Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

daté par le Département fédéral des finances 135, posait les droits-valeurs comme étant des droits qui ont la même fonction que les papiers-valeurs et qui sont émis en remplacement de papiers-valeurs fongibles. La référence au critère de la fongibilité afin de caractériser les droits-valeurs se ratta-chait ainsi expressément à la notion de droits-valeurs telle qu’exprimée en droit boursier 136. A juste titre, cette fongibilité constitutive du droit-valeur a été critiquée 137 parce qu’elle exclut du champ des droits-valeurs les droits émis à la place de papiers-valeurs qui ne seraient pas fongibles, tels que les connaissements maritimes électroniques et les cédules hypothécaires de registre 138. La définition ancrée à l’art. 973c al. 1 nCO apparaît ainsi comme étant “taillée à la mesure des titres émis en grand nombre” 139 et permet de se demander si l’avant-projet ne consacrait pas “une vision réductrice du droit-valeur” 140. A l’occasion de l’établissement du Message du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale sur les titres intermédiés, la formulation du texte de l’art. 973c al. 1 nCO a été modifiée par rapport à l’avant-projet. Il a été tenu compte non seulement de la possibilité pour un émetteur de remplacer des titres existants par des droits-valeurs, mais également de celle d’en émettre directement 141. La teneur du texte légal adopté mentionne l’émission directe de droits-valeurs sans aucune référence à la fongibilité des papiers-valeurs dont ils assurent l’équivalent fonctionnel. La mention des titres fongibles subsiste mais ne concerne pas la constitution des droits-valeurs. Il est seu-lement indiqué que l’émetteur à la faculté de remplacer des titres fongibles par de “tels droits”, à savoir par des droits-valeurs. L’articulation du texte

135 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 134.136 Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 239 s. Il est également surprenant de constater

que l’expression droits�valeurs est mise entre parenthèse dans l’art. 973c al. 1 nCO, la base légale qui en fixe la définition. Ceci est à l’image du contenu des art. 2 lit. a LBVM et 32 al. 1 LFP, qui, contrairement à l’art. 973c al. 1 nCO, navaient pas pour fonction de définir cette notion.

137 Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 240 s.138 Voir Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 240 ss ; Petitpierre�Sauvain, Les papiers�

valeurs, p. 434, n. 1323. Sur les modifi cations du Code civil prévoyant l’introduc�434, n. 1323. Sur les modifications du Code civil prévoyant l’introduc�tion de cédules hypothécaires de registre, voir entre autres, Wolfgang Wiegand / Christoph Brunner, Vorschläge �ur Ausgestaltung des Schuldbriefes als papierloses Registerpfand, Bâle 2003 ; Steinauer, La nouvelle réglementation, R� 15.

139 Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 434, n. 1323.140 Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 241.141 Cf. FF 2006 p. 8934.

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42 Joël Leibenson

ne suggère ainsi plus que la fongibilité serait une condition que devraient remplir les droits-valeurs. A l’appui de cette lecture, il convient d’ajouter que le commentaire de l’art. 973c nCO dans le Message du Conseil fédéral ne se réfère en aucun cas à la notion de fongibilité des titres remplacés ou des droits créés comme condition constitutive des droits-valeurs 142. En outre, il nous semble que la création d’une définition générale de droit privé devrait permettre de prendre de la distance par rapport au concept de droit-valeur tel qu’il a été défini en référence à la notion de valeur mobilière. En effet, le concept de droit-valeur étant une création de la pratique relative aux instruments financiers, la conception d’une dé-finition générale valant pour tout le droit privé devrait avoir le pas sur le contenu de textes spécialisés n’ayant pas pour vocation de contenir une telle définition 143. D’un point de vue systématique, c’est d’ailleurs le rôle de l’art. 973c nCO que de poser une définition applicable le plus largement pos-sible, vu sa position dans la partie générale du droit des papiers-valeurs 144. Nous proposons ainsi de lire l’art. 2 lit. a LBVM conformément à son but premier 145, à savoir dans la perspective que cet article établit exclusive-ment la définition des valeurs mobilières en y intégrant les droits-valeurs, et non pas comme posant une définition des droits-valeurs. Cette lecture reste parfaitement en accord avec la lettre de la loi dans les trois langues nationales. Il faut en conséquence lire à l’art 2 lit. a LBVM que les droits-valeurs qui présentent la même fonction que les papiers-valeurs standar-disés, susceptibles d’être diffusés en grand nombre sur le marché, sont des valeurs mobilières. Il ne faut en revanche pas y lire que les droits qui ont la même fonction que les papiers-valeurs standardisés, susceptibles d’être diffusés en grand nombre sur le marché sont des droits-valeurs.

142 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8892.143 Voir Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 240, qui parle d’ “ébauches” à propos de la

notion de droit�valeur contenue dans les art. 2 lit. a LBVM et 32 al. 1 LFP.144 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8890 ; voir aussi Graham�Siegenthaler, Prel.

Cmts CO, FISA & HSC Commentary, p. 552 s., n. 24 ss.145 Ce but étant de définir les valeurs mobilières afin de définir l’activité de négociant en

valeurs mobilières soumise à la LBVM, cf. Brunner, Wertrechte, p. 191 ; Daeniker / Waller, Basler Kommentar, B�rsengeset�, p. 482, n. 2 ad art. 2 lit. a�c LBVM. Voir aussi Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8830, où il est précisé que “[c]ette définition légale [celle de l’art. 2 lit. a LBVM] n’a cependant aucune portée matérielle, notamment parce qu’elle ne précise pas quand des droits non incorporés revêtent la même fonction que des papiers-valeurs”.

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43Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

Au vu de ces considérations, le critère de la fongibilité ne fait pas partie des conditions devant nécessairement être remplies par un droit pour être qualifié de droit-valeur au sens de l’art. 973c nCO. En effet, il nous appa-raît que le droit-valeur est l’équivalent fonctionnel du papier-valeur. Si le papier-valeur à la place duquel un droit-valeur est émis n’est pas fongible, le droit-valeur créé n’a pas besoin de l’être. Si ce papier-valeur devait être fon-gible, alors les droits-valeurs émis à la place de ces papiers-valeurs le seront aussi puisque le contenu des droits-valeurs sera identique. Mais il s’agira d’une conséquence du contenu des droits émis et non pas d’une condition posée à leur création. A cet égard, l’existence du registre des droits-valeurs ne remet pas en cause cette appréciation. Son seul but est en effet de rem-placer la création d’un papier-valeur et sa remise par un transfert de sa possession 146. L’existence d’un registre est d’ailleurs tout à fait compatible avec la création d’un droit unique, par définition non fongible 147. S’agissant des titres du marché des capitaux, les droits-valeurs doivent pour exister être inscrits dans un registre par le débiteur 148 et leur création doit être mentionnée dans les statuts, dans les conditions d’émissions ou résulter du consentement des déposants 149. Le teneur du registre ne sera pas obligatoirement un intermédiaire financier 150. En effet, la comptabilité du débiteur lui-même pourra servir de registre à condition que toutes les indications nécessaires en ressortent 151. Le registre des droits-valeurs n’est pas public, à la différence du registre dit principal établi pour les titres intermédiés 152.

146 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8892 s.147 Voir, Steinauer, La nouvelle réglementation, R� 15 s., pour la définition de la cédule

hypothécaire de registre en tant que droit�valeur.148 Cf. art. 973c al. 1 et 3 nCO. Cette inscription a un effet constitutif, cf. Foëx, Gages

sur les droits�valeurs, p. 240 ; Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 433 s., n.  1321 ; Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 48 ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8893.

149 La mention de la création du droit�valeur n’est en revanche pas nécessaire s’agissant des cédules hypothécaires de registre, puisque selon l’art. 843 CC, celle�ci naît par son inscription au registre foncier, cf. Steinauer, La nouvelle réglementation, R� 14.

150 Il en découle que la doctrine qui proposait que cela soit un intermédiaire financier qui tienne la comptabilité des droits�valeurs n’a pas été suivie, cf. Brunner, Wertrechte, p. 189 ; Wiegand / Brunner, Vorschläge, p. 70.

151 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8892.152 Voir infra chap. II, § 3, A. 1, p. 99.

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44 Joël Leibenson

§ 3 Les transactions portant sur les valeurs immobilisées et dématérialisées non soumises à la loi sur les titres intermédiés

Conformément aux art. 973a et 973b nCO, les valeurs conservées en dépôt collectif ou sous forme de certificat global sont nécessairement fongibles pour fonder le régime de copropriété sur lequel reposent ces deux modèles. La condition des droits-valeurs, réglée à l’art.  973c nCO, ne nécessite, quant à elle, pas cette fongibilité. En outre, si ces valeurs sont déposées sous forme de dépôt collectif, de certificat global ou enregistrées en tant que droits-valeurs auprès des intermédiaires décrits à l’art. 5 LTI que sont notamment les banques, les bourses et les systèmes de règlement des opé-rations sur titres, elles sont des valeurs dites “intermédiées”. Leur transfert et mise en gage suivent alors le régime juridique mis en place par la loi sur les titres intermédiés 153/154. En revanche, si ces valeurs immobilisées ou dématérialisées ne sont pas conservées et portées en compte par un dépositaire au sens de la LTI, le régime juridique créé par cette dernière ne leur est pas applicable. Elles suivront par conséquent le régime juridique ordinaire réglé par les normes générales des droits réels et du droit des obligations, à savoir les art. 973a à 973c nCO. C’est ce régime ordinaire que nous allons maintenant évoquer brièvement.

A. Transfert de valeurs en détention indirecte

1. La propriété des titres en dépôt collectif et des certificats globaux

Ainsi qu’on l’a vu, la nature du droit portant sur des titres en dépôt col-lectif ou sur un certificat global détenus pour les titulaires des droits qui y sont incorporés relève de la propriété mobilière 155. Le propriétaire étant

153 Voir Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 6 ss, pour l’identifi cation des prin�6 ss, pour l’identification des prin�cipaux instruments financiers utilisés en Suisse, qui sont susceptibles de tomber dans le champ d’application de la LTI.

154 Voir infra chap. III, p. 153, chap. IV, p. 239, et chap. V, p. 327.155 Voir supra chap. I, § 2, B. 3, p. 29, et C. 2, p. 35.

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45Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

titulaire d’une quote-part proportionnelle à la hauteur de son apport dans le dépôt collectif ou au nombre de droits acquis sur l’émission incorporée dans le certificat, l’art. 646 al. 3 CC est applicable. Il en découle que chaque copropriétaire peut aliéner sa quote-part (par ex. par une vente, une dona-tion, un échange, etc.) sans le concours des autres copropriétaires et doit respecter pour ce faire les règles prévues pour le transfert de propriété de l’objet lui-même 156, soit notamment le transfert de la possession dans le cas d’une chose mobilière 157. Le processus d’acquisition des droits réels en matière mobilière s’arti-cule autour de l’existence préalable d’un titre d’acquisition suivie d’un acte de disposition et du transfert de la possession. Le titre d’acquisition sera le contrat contenant l’engagement à transférer la propriété, le plus couram-ment un contrat de vente 158. En vertu du principe de spécialité, qui com-mande qu’un droit réel ne puisse porter que sur un bien individuellement déterminé, il faudra autant d’actes de disposition 159 qu’il y a de quotes-parts de copropriété 160. Les titres mélangés ou le certificat global étant immobilisés chez le dé-positaire, le transfert de possession intervient sans remise de la chose 161, soit généralement par délégation de possession 162 lorsqu’un tiers qui n’est pas le dépositaire acquiert les quotes-parts ou par brevi manu traditio lorsque le dépositaire lui-même les acquiert d’un de ses clients 163. Lorsque l’aliénateur est par ailleurs le dépositaire des quotes-parts et qu’il reste dé-positaire pour l’acquéreur, le transfert de possession a lieu par constitut

156 Steinauer, Droits réels I, p.  419, n.  1204  s. ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 130, n. 11 ad art. 646 CC.

157 L’acquisition peut également se faire sans transfert de la possession, notamment dans les cas de succession et de fusion, cf. Steinauer, Droits réels II, p. 335, n. 2063 ss.

158 Meier�Hayoz, Abschied, p. 394 ; Foëx, Transfert et engagement, p. 62.159 L’acte de disposition est le contrat réel, à savoir l’acte juridique bilatéral par lequel

l’aliénateur manifeste sa volonté de transférer la propriété et l’acquéreur sa volonté de l’acquérir. Sur la théorie du contrat réel, voir Steinauer, Droits réels II, p. 309 s., n. 2013 ss.

160 Foëx, Transfert et engagement, p.  62 et 64. Cf. Steinauer, Droits réels I, p.  70, n. 139 s., sur le principe de spécialité.

161 Ce qui est admissible en cas de transfert d’une quote�part de copropriété, cf. Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 130, n. 130 ad art. 646 CC.

162 Art. 924 al. 1 CC, 1re hypothèse. Cf. Steinauer, Droits réels I, p. 109 ss, n. 271 ss, sur la délégation de possession.

163 Foëx, Transfert et engagement, p.  63. Sur la brevi manu traditio, cf. Steinauer, Droits réels I, p. 116 s., n. 288 ss.

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46 Joël Leibenson

possessoire 164. Les écritures comptables opérées par le dépositaire au débit du compte de l’aliénateur et au crédit du compte de l’acquéreur ne sont pas constitutives du transfert de propriété, elles ne représentent le transfert de possession que d’un point de vue factuel 165. L’acquisition de bonne foi d’une quote-part sur des titres en dépôt collectif ou sur un certificat global en l’absence de pouvoir de disposer de l’aliénateur est théoriquement possible 166. Il en ira de l’application de l’art. 935 CC s’il s’agit de titres aux porteurs et des art. 1006 al. 2 et 1152 CO s’il s’agit de titres à ordre 167. La protection de l’acquéreur de bonne foi trouve ordinairement sa justification dans la possession de l’aliénateur. La maîtrise effective que ce dernier a sur le titre autorise l’acquéreur à croire que l’aliénateur a le pouvoir de disposer sur les titres 168. En dépit du fait que la publicité constituée par la possession des titres dans le cadre d’un dépôt collectif ou d’un certificat global se présente sous une forme très diluée, le relevé de compte de titres indique la volonté du dépositaire de posséder ces titres pour le déposant, lui procurant par là la maîtrise effective nécessaire à la possession 169. Il résulte, selon nous, de la fonction assumée par la comptabilisation des valeurs immobilisées et dématérialisées qu’un transfert de quotes-parts de titres en dépôt collectif ou d’un certificat global devrait être constitué, de lege ferenda, par la passa-tion des écritures correspondantes aux comptes de l’acquéreur et de l’alié-nateur. En outre, l’apparence créée par la comptabilisation sur un relevé de compte d’une quote-part d’un titre en dépôt collectif ou d’une quote-part de certificat global devrait être propre à fonder une protection de l’acqué-reur de bonne foi en cas d’absence de pouvoir de disposer de l’aliénateur 170. Les motifs que nous exposons ci-dessous 171 en relation avec le transfert et l’acquisition de bonne foi des droits-valeurs valent ici mutatis mutandis. Cependant, nous sommes également d’avis que la fonction de publicité des

164 Art. 924 al. 1 CC, 2e hypothèse. Cf. Steinauer, Droits réels I, p. 113 ss, n. 281 ss, sur le constitut possessoire.

165 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 132 s. ; Brunner, Wertrechte, p. 25 ; Foëx, Transfert et engagement, p. 63.

166 Meier�Hayoz, Abschied, p. 395 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 133.167 Zobl, Internationale Übertragung, p. 108, note 18.168 Meier�Hayoz, Abschied, p. 394, qui se réfère à la présomption de l’art. 930 al. 1 CC.169 Voir supra chap. I, § 2, B. 4, p. 30, et C. 3, p. 36.170 Du même avis, Brunner, Wertrechte, p. 32 ss.171 Voir infra chap. I, § 3, A. 2, p. 47.

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47Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

écritures comptables ne peut supplanter celle de la possession en matière mobilière qu’en vertu d’un texte légal 172. Il s’agirait d’un pas supplémentaire par rapport aux art. 973a et 973b nCO qui ne prévoient pas la tenue d’un registre pour comptabiliser les quotes-parts de copropriété de titres mélangés ou de certificat global et qui n’évoquent pas la réalité correspondant à l’immobilisation des titres : leur gestion comptable.

2. La titularité des droits-valeurs

a. L’application des règles de la cession de créances

A la différence des titres administrés en dépôt collectif et d’un certificat global, les droits-valeurs ne sont pas des choses qui constitueraient des ob-jets de droits réels 173. Il s’agit de droits de créance et de droits sociaux. La doctrine majoritaire qui s’est prononcée antérieurement à la rédaction de l’art. 973c nCO a soumis le transfert des droits-valeurs aux règles de la ces-sion de créance 174. Ces règles sont d’application directe si les droits-valeurs sont des créances et analogique si les droits-valeurs sont d’autres droits, comme les droits sociaux 175. La validité du transfert des droits-valeurs est en conséquence soumise au respect de la forme écrite 176. Afin de favori-ser une certaine fluidité dans les transactions, le respect de cette forme peut intervenir de diverses manières. On peut se référer aux techniques développées en relation avec les transactions du marché des capitaux por-tant sur les actions nominatives à impression différée ou supprimée, telles que la déclaration anticipée de cession en blanc et la procuration en fa-veur de l’émetteur des droits ou de l’entité qui gère la comptabilité des droits-valeurs 177.

172 Meier�Hayoz, Abschied, p. 396.173 Zobl, Internationale Übertragung, p. 108.174 Cf. Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p. 52 s. ; Zobl / Kramer,

Kapitalmarktrecht, p. 197, n. 540 ; etc. ; voir également ATF 115 II 468/470 = JT 1990 I 374/376.

175 Zobl, Berner Kommentar II, p. 303, n. 23 ad art. 901 CC ; Foëx, Transfert et engage�ment, p. 65.

176 Art. 165 al. 1 CO.177 Voir notamment, Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p.  53 ;

Meier�Hayoz / von der Crone, Wertpapierrecht, p. 333, n. 35 ; Zobl, Internationale Übertragung, p. 108, note 20 ; Foëx, Transfert et engagement, p. 66.

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48 Joël Leibenson

Les règles de la cession de créance étant applicables, l’acquisition de bonne foi en l’absence de pouvoir de disposer du cédant est exclue 178. En outre, la comptabilisation d’un transfert n’a qu’un caractère déclaratoire 179, au contraire de ce qui a été soutenu par la doctrine minoritaire, qui a re-jeté l’application des règles sur la cession de créance 180 et a reconnu un effet constitutif à l’enregistrement des écritures comptables représentant les transactions, leur attribuant la même fonction que le transfert de pos-session lors du transfert d’un droit réel 181.

b. L’intention non concrétisée du législateur

Aujourd’hui, l’art. 973c al. 4 nCO pose la cession écrite comme condition au transfert des droits-valeurs. A la lecture du texte de clair de cet article, les arguments de la doctrine minoritaire, bien que soigneusement étayés, semblent ne pas avoir été entendus. Le Message du Conseil fédéral relatif à la LTI confirme l’absence de caractère constitutif de la passation d’écri-tures comptables pour le transfert des droits-valeurs 182. Toutefois, dans le commentaire relatif à l’art. 973c al. 3 nCO, norme qui prescrit l’inscription dans un registre comme étant constitutive de l’existence des droits-valeurs, le Message mentionne expressément que cette inscription remplace le transfert de possession d’un titre aussi bien lors de l’émission que du transfert des droits 183. Cette mention dans le Message est faite après avoir souligné l’impossibilité de transférer la pos-session des droits-valeurs, et après avoir expliqué la fonction du transfert de possession d’un papier-valeur de foi publique lors de sa création et lors

178 von Ballmoos, Wertpapierrechtliche Verkehrsschut�, p.  167 ; Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p. 54 s. ; Zobl, Internationale Übertragung, p. 108 ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 37 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 121.

179 Zobl, Internationale Übertragung, p.  108 ; Forstmoser / Lörtscher, Aufgescho�Aufgescho�benem Titeldruck, p. 61.

180 Brunner, Wertrechte, p. 201 ss.181 Brunner, Wertrechte, p. 211 s. et p. 215 ss. Voir également Foëx, Transfert et en�

gagement, p. 66, qui est d’avis que la construction de Christoph Brunner admettant l’effet constitutif d’une inscription en compte est fort convaincante et estime regret�table qu’elle ne se soit pas imposée.

182 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8830.183 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8893.

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49Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

de son transfert en propriété ou de sa mise en gage selon l’art. 967 al. 1 CO. S’agissant de l’obligation du débiteur de tenir un registre des droits-valeurs (art. 973c al. 2 nCO), le Message est également limpide : “[l]’attribution des droits résultera donc non pas de la possession du titre, comme c’est le cas pour les papiers-valeurs, mais des livres du débiteur” 184. L’on ne comprend dès lors pas pourquoi le texte de l’art. 973c al. 4 nCO énonce que le trans-fert des droits-valeurs nécessite une cession écrite alors que l’intention et toute la logique qui sous-tendent la conception de cet article désignent la passation d’une écriture comptable comme se substituant au transfert de la possession pour en reprendre la fonction constitutive.

c. Possibilité de lege ferenda d’une inscription constitutive dans le processus de disposition sur les droits�valeurs ?

Ainsi, l’écriture comptable remplacerait parfaitement le transfert de pos-session d’un titre lors de la création des droits-valeurs, mais ne serait pas digne de foi s’agissant d’en documenter un transfert ? L’on nous objectera que le registre dans lequel les droits-valeurs sont inscrits et les transferts documentés n’est pas public, et que par là même les inscriptions qui y fi-gurent et leurs modifications ne bénéficieraient pas d’un moyen de pu-blicité adéquat. Pourtant, un autre argument que celui que nous venons d’évoquer au sujet des divergences entre le texte du Message et le texte légal parle en faveur du caractère constitutif de l’écriture comptable pour le transfert de droits-valeurs. A la différence de ce qui prévaut pour la passation des écritures concernant les titres intermédiés, la tenue du re-gistre des droits-valeurs soumis à l’art. 973c nCO et non à la LTI n’est pas confiée à une banque ni à un système de compensation et de règlement des opérations sur titres. Ces droits-valeurs ne sont pas cotés en bourse. L’environnement qui les entoure est plutôt celui des petites et moyennes entreprises dont le registre sera tenu par le débiteur lui-même ou un bu-reau fiduciaire. Le cercle des créanciers réels ou potentiel de droits-valeurs est a priori considérablement plus restreint que s’agissant des titres inter-médiés ; le nombre de transactions dont ils sont l’objet est également très faible en comparaison avec les titres intermédiés. La probabilité est donc

184 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8892.

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50 Joël Leibenson

paticulièrement élevée que le débiteur, le teneur de registre, les créanciers de droits-valeurs et les tiers potentiellement acquéreurs entretiennent des relations interpersonnelles relativement étroites. La transmission d’infor-mations préalables à l’aliénation peut ainsi se faire naturellement par la remise volontaire d’un extrait du registre concernant le compte de l’alié-nateur auprès du teneur de registre 185. Dans ces circonstances, le registre représente un moyen de publicité adéquat et une diffusion des informa-tions dans le public serait inutile. Si la nature des relations préalables des parties influence la qualité des informations à disposition, il faut rappeler que le registre pourra se confondre avec la comptabilité du débiteur. Le registre aura dans ce cas le statut de comptabilité commerciale au sens des art. 957 ss CO, avec le régime qui s’y applique 186, et sa tenue irrégulière tombera sous le coup de l’art.  325 CP, de même qu’une comptabilisation intentionnellement in-exacte des droits-valeurs émis pourrait entraîner l’application de l’art. 251 CP. Il découle de la nature des relations préalables entre les intervenants et de la qualité des informations qui émanent du registre que la passation d’écritures comptables dans ce dernier assure une fonction de publicité suffisante pour être constitutive du transfert des droits-valeurs. Nous sommes conscients que les développements qui précèdent vont bien au-delà de ce que le texte de l’art. 973c nCO permet 187. Il nous semble tout de même opportun de rappeler que la définition du droit-valeur le qualifie de droit ayant la même fonction qu’un papier-valeur. L’on peine à voir, dès lors, l’intérêt de donner un statut particulier à un droit, manifesté par une inscription dans un registre idoine, si ce statut n’implique aucune différence avec les créances communes quant à son transfert. La cohérence commande d’appliquer ce statut particulier à toutes les opérations qui touchent ce droit spécialement documenté.

185 Sans compter que le devoir de remise d’un extrait de registre des droits�valeurs pour�rait découler d’éventuels devoirs précontractuels.

186 Soit, entre autres, la tenue informatisée du registre avec la force probante et les moyens de certification électroniques techniquement disponibles, cf. notamment les art.  957 al.  2 à 4 CO et les art.  3 (authenticité et infalsifiabilité) et 9 al.  1 lit. b, ch. 1 à 4 (modifications et signature électronique) de l’Ordonnance du Conseil fédé�ral concernant la tenue et la conservation des livres de comptes, du 24 avril 2002 (RS 221.431).

187 Pour une justification de l’application des règles sur la cession de créances aux actes de disposition sur les droits�valeurs, voir Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 118 s.

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51Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

B. Mise en gage

1. Les titres en dépôt collectif et les certificats globaux

Conformément à l’art. 646 al. 3 CC, le copropriétaire jouit des mêmes droits quant à sa quote-part qu’un propriétaire individuel et peut ainsi la mettre en gage. L’engagement des droits incorporés dans des papiers- valeurs suit le régime prévu aux art.  899  ss CC visant le gage sur les créances et autres droits 188. La constitution du droit de gage nécessite un titre d’acquisition qui sera le plus souvent un contrat de gage 189. Ce contrat n’est pas soumis à une forme particulière 190. L’acte de disposition, qui nécessite le pouvoir de disposer du constituant 191, sera un acte juridique bilatéral par lequel le constituant manifeste sa volonté de créer le gage et le créancier de l’ac-quérir. L’acte de disposition n’est soumis à aucune forme si le papier-valeur est au porteur (art. 901 al. 1 CC a contrario) ou un papier-valeur à ordre endossé en blanc 192. L’acte de disposition doit revêtir la forme de la cession ou d’un endossement si le papier-valeur est un titre à ordre ou nominatif (art. 901 al. 2 CC). La constitution du gage nécessite également le transfert de la posses-sion (art. 884 al.  3 ou 901 al.  1 et 2 CC 193). Lorsque le gage est constitué en faveur du dépositaire, cela ne pose pas de difficultés puisque celui-ci continue d’exercer une possession en tant que créancier gagiste 194. En re-vanche, la constitution du gage en faveur d’un tiers pose la question de sa publicité. Selon l’art. 884 al. 3 CC, applicable par renvoi de l’art. 899 al. 2 CC 195, le principe de dépossession conditionne l’existence du gage au fait que le constituant ne conserve pas exclusivement la maîtrise effective de la chose 196. Ainsi, en cas de transfert de possession médiate au créancier

188 Steinauer, Droits réels III, p. 418, n. 3083.189 Foëx, Transfert et engagement, p. 63 ; Steinauer, Droits réels III, p. 507 s., n. 3208 ss.190 Foëx, Contrat de gage, p. 162 s., n. 428.191 Foëx, Contrat de gage, p. 282, n. 862 ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 311, n. 51 ad

art. 901 CC.192 Steinauer, Droits réels III, p. 510, n. 3208g.193 Voir Foëx, Transfert et engagement, p. 64, sur la controverse quant à la base légale

applicable.194 Foëx, Transfert et engagement, p. 64.195 Zobl, Berner Kommentar II, p. 257, n. 182 ad art. 899 CC.196 Steinauer, Droits réels III, p. 459 s., n. 3150.

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52 Joël Leibenson

gagiste, lorsqu’un tiers (dépositaire) reste possesseur immédiat de la chose grevée, la constitution du gage ne peut avoir lieu que si ce tiers se la voit notifier 197. La prudence commande de procéder à cette notification par écrit bien que cela ne soit pas nécessaire à sa validité 198.

2. Les droits-valeurs

a. La constitution du gage

L’art. 973c al. 4 nCO soumet la création d’un gage sur des droits-valeurs aux règles sur l’engagement des créances se trouvant aux art. 899 ss CC. La constitution du gage passe ainsi également par la conclusion d’un contrat de gage, qui doit ici revêtir la forme écrite en vertu de l’art. 900 al. 1 ou 3, selon que le droit engagé est une créance ou un autre droit aliénable 199. Avant l’adoption de l’art. 973c al. 4 nCO, la question se posait de sa-voir si l’engagement des actions dématérialisées était soumis aux règles de l’engagement des créances selon l’art. 900 al. 1 CC ou si celui-là était consti-tué en application de l’art. 900 al. 3 CC, réservé aux “autres droits”200. Le renvoi opéré par l’art.  973c al.  4 nCO met un terme à cette incertitude, puisqu’il soumet l’engagement des droits-valeurs aux règles applicables à l’engagement des créances 201. L’acte de disposition est parfois soumis en doctrine également à l’exigence de la forme écrite 202, le titre d’acquisition et l’acte de disposi-

197 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 835 s., n. 698 ad art. 884 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 174, n. 261 ad art. 884 CC ; etc.

198 Foëx, Transfert et engagement, p. 64.199 Zobl, Berner Kommentar II, p. 303, n. 23 ad art. 901 CC ; Steinauer, Droits réels

III, p. 507, n. 3208a ; Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 243 ; Foëx, Transfert et engagement, p. 66 s., et les réf. qu’il cite à la note 102 ; Eggen, Sicherheiten an Wert�Wert�rechten, p. 118.

200 Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p.  129 ; Brunner, Wertrechte, p. 240 ; Zobl, Berner Kommentar II, p.  286, n.  105 ad art.  900 CC et p.  302  s., n.  23 ad art. 901 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2154, n. 13 ad art. 900 CC.

201 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8893 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p.  117  s. ; Graham�Siegenthaler, FISA & HSC Commentary, p.  569, n.  20 ad art. 973c CO.

202 Steinauer, Droits réels III, p. 509 s. n. 3208g ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2152, n. 2 ad art. 900 CC.

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53Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

tion se confondant dans le même acte 203. Dans le cas d’un remplacement de papiers-valeurs par des droits-valeurs, ainsi que cela est prévu par l’art. 973c al. 1 nCO, un contrat de gage écrit doit être passé afin de main-tenir sur les droits-valeurs le gage constitué en son temps sur les papiers-valeurs en l’absence de forme écrite 204. L’acquisition de bonne foi d’un gage sur un droit-valeur n’est pas possible, vu le régime légal que suit sa constitution 205. En effet, l’application de l’art. 884 al. 2 CC par renvoi de l’art. 899 al. 2 CC n’est envisageable que là où la situation matérielle repose sur la possession, moyen qui puisse permettre la légitimation de son posses-seur ; cela exclut l’acquisition de bonne foi des créances, des autres droits au sens de l’art. 899 al. 1 CC et des titres nominatifs 206.

b. Considérations sur la publicité des droits�valeurs et la protection de l’acquisition de bonne foi

i. La “publicité” du registre des droits-valeurs

Pour la protection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’absence de pouvoir de disposer, ce qui a été dit ci-dessus au sujet de la possibilité d’une inscrip-tion constitutive peut être repris comme base de réflexion : de lege ferenda, l’adéquation des écritures portées au registre en tant que moyen de publi-cité devrait, a priori, valoir 207. Cependant, la difficulté de fonder un régime de protection de la bonne foi de l’acquéreur d’un droit-valeur ou d’un droit sur un droit-valeur sur la confiance mise dans le contenu du registre des droits-valeurs réside dans l’absence de lien nécessaire entre l’état du droit et l’information donnée au sujet de ce droit. Si l’état du registre devait né-cessairement correspondre à l’état du droit, toute différence pourrait faire l’objet d’une protection, sous réserve que l’attention que les circonstances permettent objectivement de réclamer de l’acquéreur, ou sa connaissance effective d’un défaut existant dans la transaction concernée, ne remette

203 Steinauer, Droits réels III, p. 509 s. n. 3208g ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 271, n. 35 ad art. 900 CC.

204 Voir Zobl, Berner Kommentar II, p. 303, n. 23 ad art. 901 CC.205 Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p. 54 ; Foëx, Transfert et en�

gagement, p. 69 ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 273, n. 41 ad art. 900 CC. 206 Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2150, n. 54 ad art. 899 CC.207 Voir supra chap. I, § 3, A. 2. c, p. 49.

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pas en cause cette protection. Le système choisi à l’art. 973c nCO afin de disposer des droits-valeurs ne permet pas un tel lien entre l’état du droit et l’état de registre des droits-valeurs. En effet, la cession d’un droit-valeur ne nécessite pas sa notification à la personne qui tient le registre (le débi-teur du droit cédé ou son représentant) afin d’être valable 208 ; a fortiori, le débiteur n’est pas tenu de mettre le registre en conformité avec les cessions intervenues depuis la création du droit-valeur.

ii. Légitimation découlant du droit matériel régissant les droits-valeurs

Outre la question de la fiabilité de la publicité des droits-valeurs comme base à l’acquisition de bonne foi, s’ajoute le fait que la légitimation qui ré-sulte du droit matériel régissant le droit-valeur en question peut s’avérer être un obstacle à l’acquisition de bonne foi. Cette problématique est ac-centuée lorsque le droit applicable à la relation avec l’émetteur se distingue du droit régissant l’acquisition du droit émis, comme cela peut être le cas avec le droit des papiers-valeurs ou le droit des titres intermédiés. A cet égard, les dispositions sur les actions nominatives liées se situent à la croi-sée des chemins entre le droit découlant des instruments financiers et le droit sur les instruments financiers émis 209. Faire ici la revue du régime de légitimation des différents types de droits qui sont susceptibles d’être des droits-valeurs dépasserait le cadre de notre étude 210. Cependant, nous pou-vons évoquer, à titre emblématique, les dispositions du droit des sociétés qui contiennent des éléments spécifiques en lien avec l’acquisition du droit en question, comme les dispositions relatives aux actions nominatives liées et au registre des actions tenu par la société émettrice 211. A cet égard, la détermination du registre des droits-valeurs au regard des fonctions qui doivent être les siennes pose la question de l’aptitude du registre des ac-

208 Steiner / Büchi, Vom Wertrecht �ur Bucheffekte, p. 77 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 109 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 121.

209 Bahar, Foreign Securities and the Act on Book�Entry Securities, p.  11 ; voir aussi, Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 174, n. 55 ad art. 3 LTI.

210 Pour une revue des instruments financiers qui peuvent servir de base à la création de titres intermédiés, et donc être potentiellement considérés au préalable comme des droits�valeurs, voir Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 12 ss.

211 Voir les art. 685 ss CO, 686 s. CO et 689a CO.

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tions à servir de registre des droits-valeurs 212. A noter que le droit de la société anonyme a été modifié en marge de l’introduction de la LTI pour prévoir expressément la possibilité d’émettre des actions sous forme de titres intermédiés qui soient au porteur ou nominatives 213. Cette norme est selon nous un contresens juridique dû à la difficile intégration du régime des titres intermédiés dans le reste du droit commercial. En effet, la base même du droit des titres intermédiés est d’adopter une position de neu-tralité par rapport au fait qu’un droit soit incorporé dans un papier-valeur ou non 214. Dès lors, dire qu’il est possible de créer des titres intermédiés “nominatifs” ou “au porteur” nous semble être impossible, puisqu’il s’agit de réimporter un concept qui a trait à une caractéristique juridique d’un papier-valeur susceptible d’un endossement et d’une possession. Le fait que le droit des sociétés ne s’oppose pas à ce qu’un droit de sociétariat soit créé au porteur quand bien même aucun titre n’est effectivement imprimé n’y change rien 215. En effet, un droit, même s’il remplace un papier-valeur qui aurait été au porteur s’il avait été physiquement imprimé, ne peut pas être considéré comme légitimant celui qui le possède physiquement, dès lors qu’il n’y a pas de possession possible. L’art. 622 al. 1 nCO nous semble dès lors consacrer un abus de langage.

iii. Synthèse

Pour que l’inscription dans le registre des droits-valeurs puisse servir de base à une acquisition de bonne foi, la publicité qui doit y être attachée doit être suffisante pour fonder la protection d’une personne qui s’y fie. Vu l’ab-sence d’une telle publicité qui découlerait du registre des droits-valeurs, l’attention que les circonstances permettent d’attendre de l’acquéreur de bonne foi empêche une protection automatique fondée sur la base de l’ap-parence créée par les inscriptions portées au registre des droits-valeurs. La simple remise d’un extrait de compte légitimant le disposant ne sera pas suffisante pour suppléer une absence de pouvoir de disposer.

212 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 108 ss ; Trigo Trindade, Adapta�tion des statuts, p. 380 s.

213 Cf. art. 622 al. 1 nCO.214 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8841.215 Contra : Lanz / Favre, Inhaberaktien, p. 551.

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Le fait que des normes civiles et pénales contraignantes assurent une certaine fiabilité des informations qui figurent dans le registre n’est à cet égard pas suffisant, tant que le droit applicable aux droits-valeurs ne définit pas un régime de publicité qui permettrait de légitimer la protection de l’acquéreur de bonne foi. C’est précisément l’apport de la loi sur les titres intermédiés que de créer un tel régime encadrant les actes de disposition sur certains instruments financiers, qui soit applicable à toutes les formes que ceux-ci peuvent revêtir.

§ 4 Conclusion

L’intensification des volumes de transactions sur les valeurs mobilières et les évolutions technologiques qui les ont accompagnées ont conduit les opérateurs sur les marchés financiers à mettre en place des processus de traitement des opérations qui tendent à accroître l’efficacité écono-mique. Ces changements ont engendré le maintien de distinctions juri-diques artificielles entre les différentes formes de valeurs immobilisées et dématérialisées. Les art. 973a  ss nCO, destinés à clarifier la situation des valeurs qui n’entrent pas dans le champ d’application de la LTI 216, distinguent toujours la propriété mobilière portant sur les titres en dépôt collectif et les certi-ficats globaux du régime de la cession de créance applicable aux droits- valeurs et contribuent à maintenir une distinction qui fait fi des caractéris-tiques communes à toutes les formes de valeurs : le traitement comptable des opérations 217. Bien que cette caractéristique commune soit issue des processus de rationalisation pratiqués entre les opérateurs du marché fi-nancier, il semble à tout le moins vraisemblable que ce processus caracté-rise également la gestion des trois formes de valeurs hors de ce marché. Il est ainsi permis de regretter que les normes nouvelles ne pro-posent qu’une codification des principales solutions trouvées par la pra-tique, et n’intègrent qu’une petite partie du régime cohérent et novateur que représente le transfert et la constitution de droit par des écritures

216 Voir supra chap. I, § 3, p. 44.217 Thévenoz, L’état de fait, p. 10 ss.

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57Chapitre I : Valeurs immobilisées et dématérialisées

comptables. Ce refus est d’autant plus surprenant que ce régime est quali-fié de convaincant par le Conseil fédéral 218. Le maintien d’un double statut engendre une inégalité qui ne repose sur aucun motif probant et qui ne corrige pas la perte de fonction des papiers-valeurs : la perte d’utilité de la possession n’est pas compensée. En effet, l’acquisition de bonne foi de la titularité des droits-valeurs ou d’un gage les grevant n’est pas possible, au contraire de ce qui prévaut pour les valeurs en dépôt collectif ou les certifi-cats globaux, alors que les trois cas font l’objet du même traitement comp-table. Il nous semble inadéquat de traiter différemment deux situations qui se présentent sous le même angle à l’acquéreur de bonne foi simplement parce que dans le cas des valeurs incorporées dans un papier-valeur un support matériel dont l’utilité de la possession physique est volontairement écartée par les parties est entreposé quelque part. 

218 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8830.

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CHAPITRE II

Contexte et objet de la loi fédérale sur les titres intermédiés

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Le présent chapitre a pour but d’exposer le contexte entourant les élé-ments centraux de notre étude. En effet, les normes gouvernant les actes de disposition sur les titres intermédiés, leurs effets à l’égard des tiers et l’éventuel besoin de protection de certains participants aux transactions ayant des titres intermédiés pour objet évoluent dans un environnement international marqué de façon déterminante par les pratiques des acteurs des marchés financiers et les projets législatifs innovants. La présentation de ce cadre permet de saisir les tendances qui influencent les dispositions topiques de la loi fédérale sur les titres intermédiés. En outre, compte tenu de la nouveauté du sujet en droit suisse, une présentation introductive de la LTI et de la définition des titres intermédiés permet de poser les bases nécessaires à l’appréhension de l’objet central de notre analyse. Enfin, l’étude des actes de disposition sur les titres inter-médiés, objet juridique relevant du droit privé, nécessite une présentation systématique des conditions des actes de disposition en droit privé. Cette présentation nous permettra de tracer des perspectives qui nous permet-tront par la suite de détailler le système des actes de disposition sur les titres intermédiés que la LTI instaure.

§ 1 Le contexte international

Le contexte entourant l’élaboration et l’adoption de la loi fédérale sur les titres intermédiés se laisse appréhender à différents niveaux. Les normes envisagées s’adressent à la place financière suisse dans son ensemble, quel que soit le secteur d’activité concerné (clientèle institutionnelle, private banking ou retail). Le caractère international indéniable de la matière im-plique naturellement que le droit international privé soit le premier en-semble de règles touché par la question des droits portant sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire, ce dont les travaux de la Conférence de La Haye de droit international privé attestent. L’Union européenne porte en elle la notion de marché commun. L’inté-gration économique et juridique des marchés financiers des Etats membres représente une part non négligeable de sa politique économique. Le droit communautaire et ses possibles développements futurs constituent ainsi évidemment un point de référence pour le droit suisse.

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62 Joël Leibenson

Enfin, la tendance croissante à la diversification géographique du porte feuille des investisseurs induit également le besoin d’établir une harmonisation minimale des droits nationaux au-delà d’un cadre régio-nal. A cet égard, l’Institut international pour l’unification du droit privé UNIDROIT a pris l’initiative avec la mise au point d’une Convention sur les règles de droit matériel applicables aux titres intermédiés, d’inspira-tion à maints égards similaire aux solutions qui ressortissent au régime suisse des titres intermédiés.

A. La Convention de La Haye sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire

1. Chronologie

A la suite d’une réflexion entamée au cours des années 90 au sein de la lit-térature juridique internationale et par les milieux intéressés 1, le besoin de règles uniformes de conflits de lois en matière de détention, de transfert et de nantissement des titres adaptées à la réalité économique moderne a été identifié et pris en charge dès l’année 2000 par les organes de la Conférence de La Haye de droit international privé. A l’issue de travaux menés selon une procédure accélérée, le texte de la Convention de La Haye sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire a été adopté en session diplomatique au mois de décembre 2002 2. Ce texte a été signé le 5 juillet 2006 par les Etats-Unis d’Amérique et la Suisse, donnant ainsi à la Convention sa date officielle 3. En marge de la soumission de loi fédérale sur les titres inter-

1 Voir les nombreuses références mentionnées par Goode / Kanda / Kreuzer, Rapport explicatif, p. 3, à la note 3.

2 Cf. Goode / Kanda / Kreuzer, Rapport explicatif, p. 3�8, § Int�1 à Int 15 et annexe 2, p. 191�194 pour une chronologie détaillée des travaux ayant abouti à l’adoption de la Convention.

3 Le texte de la Convention peut être consulté sur le site de la Conférence de La Haye de droit international privé : www.hcch.net. Sur la Convention de La Haye sur les titres, voir par exemple Deguée / Devos, La loi applicable aux titres intermédiés, p. 15 ss ; Deguée, Champ d’application et domaine de la loi applicable, p. 25 et les réf. men�25 et les réf. men�tionnées à la note 1 et p. 38 ss ; Bernasconi / Sigman, Convention de La Haye sur les titres, p.  213  ss ; Bernasconi / Sigman, Déterminer la loi applicable, p.  53  ss ; Guillaume, Les titres détenus auprès d’un intermédiaire, p.  264  ss ; Guillaume, L’electio juris, p. 67 ss ; Guillaume, Les titres intermédiés en droit international privé,

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63Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

médiés au Parlement, le Conseil fédéral a également proposé de ratifier la Convention de La Haye sur les titres 4 et de l’intégrer au droit international privé suisse par un renvoi direct à son contenu opéré dans la loi fédérale sur le droit international privé, tant qu’elle n’est pas entrée en vigueur 5.

2. Les fondements de la Convention

D’un point de vue commercial et technologique, le système de détention, de transfert des titres et de constitution de droits sur des titres par le biais d’intermédiaires financiers est un phénomène de moins en moins limi-tés aux frontières étatiques. Le besoin de financement accru de certains émetteurs 6, de même que la volonté croissante des investisseurs de pouvoir diversifier leurs investissements, contribuent à l’internationalisation de la détention intermédiée de valeurs financières 7. Ce système de détention peut être décrit comme une pyramide 8 consti-tuée de plusieurs niveaux entre le dépositaire central, international ou

p.  159 ss ; Peyer, Probleme der Rechtswahl, p. 956 ss ; Thoma, Applicable Law to Indirectly Held Securities, p. 190 ss ; Sauer, Die Harmonisierung, p. 107 à 133 ; Bintz, Gren�überschreitende Verwendung von Wertpapieren, p. 152 à 181.

4 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8894 ss.5 Voir les art. 108a à 108d LDIP introduits par l’Arrêté fédéral portant approbation et

mise en œuvre de la Convention de La Haye du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire, FF 2008, p. 7595 ss ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8908 ; Peyer, Probleme der Rechtswahl, p. 960 s. ; Guillaume, Les titres intermédiés en droit international privé, p. 167 à 169.

6 Voir par exemple Marano / Ferretti, Cross�listing, p. 267 ss, sur la nécessité écono�267 ss, sur la nécessité écono�mique pour certains émetteurs d’avoir accès à des capitaux étrangers les conduisant à la cotation simultanée de titres à leur bourse nationale et auprès d’une bourse étran�gère, généralement américaine ou britannique.

7 L’institution du dépôt global (Global Custody) constitue à cet égard un exemple de cette internationalisation croissante ; sur le dépôt global, voir par exemple Guggen�heim, Pratique bancaire, p. 144 s. ; Brown / Parolai, Conservation globale, p. 27 ss ; et Kuster, Global Custody, p. 36 ss, sur les questions spécifiques de responsabilité dans ce cadre.

8 Cf. Conférence de La Haye de droit international privé, Doc. prél. no  1, p. 12 ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 9. Pour des représentations graphiques de chaînes de détention, voir notamment Girsberger / Guillaume, As�As�pects, p. 25 ss ; Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 9. Voir également Goode / Kanda / Kreuzer, Rapport explicatif, p.  12�17, §  Int�26 à Int�32, pour une série d’exemples de détention possibles.

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national, au sommet, qui détient et comptabilise l’émission des titres pour l’émetteur, et une multitude d’investisseurs finaux à la base. A chaque ni-veau se trouvent un ou plusieurs intermédiaires, banques, négociants en valeurs mobilières ou dépositaires centraux comptabilisant les titres qu’ils détiennent au niveau supérieur pour leur propres déposants, qui forment le niveau inférieur suivant. Les dépositaires centraux majeurs 9 offrent ainsi des prestations internationales par leurs réseaux de communication avec des banques ou des négociants en valeurs mobilières étrangers ou des dé-positaires centraux étrangers. En Suisse, la détention intermédiée de titres concerne majoritairement des clients étrangers et des titres étrangers 10. La désignation du droit applicable à une transaction portant sur des titres au moyen du critère du lieu de situation de ceux-ci (lex chartae sitae) présente plusieurs inconvénients majeurs au regard de la segmentation internationale de la chaîne d’intermédiation. En effet, le droit applicable n’est déterminable qu’au prix de l’identification du lieu de conservation des titres, situé en un point de la chaîne. Les parties devant déterminer ce lieu ont affaire à un seul intermédiaire et sont dans l’impossibilité de connaître tous les intermédiaires impliqués dans la détention des titres en question. L’application de la lex chartae sitae suppose ainsi de pouvoir regarder à tra-vers tous les intermédiaires impliqués dans la détention des titres jusqu’à celui qui les entrepose physiquement 11. Le critère du lieu de situation pose également des difficultés lorsque des valeurs émises ne sont pas matéria-lisées par un titre. Vu son caractère peu praticable et les coûts qu’elle en-gendre, cette approche dite de la transparence (look-through approach) n’a pas été retenue dans la Convention de La Haye 12. Au vu de la structure globale de la détention intermédiée des titres, l’objectif central de la Convention est de moderniser et d’unifier les règles de conflit de loi applicables en la matière en créant un critère de rattache-ment approprié au système de crédit de titres à un compte de titres 13. Les

9 Par exemple SIX SIS SA, Clearstream, Euroclear ou CrestCo en Europe ou The Deposi�Deposi�tory Trust Company pour les Etats�Unis.

10 Voir les statistiques de la Banque nationale suisse, in Les Banques suisses 2010, près de 54 % des clients ayant des titres en compte en Suisse sont étrangers (tableau 38a) et 80 % des titres détenus dans les portefeuilles des banques (hors Banquiers privés) ont été émis à l’étranger (tableau 15).

11 Thoma, Applicable Law to Indirectly Held Securities, p. 190.12 Goode / Kanda / Kreuzer, Rapport explicatif, p. 19 s., § Int�36 à Int�39.13 Goode / Kanda / Kreuzer, Rapport explicatif, p. 9 ss, § Int�16 à Int�25.

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65Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

premiers critères de rattachement ayant été envisagés sont basés sur l’ap-proche du lieu de situation du compte sur lequel le droit sur les titres est cré-dité (PRACA14) ou le lieu de situation de l’intermédiaire tenant ce compte (PRIMA15), qui figurent déjà dans certaines directives européennes 16. Cependant, il est clairement apparu qu’aucun critère reconnu inter-nationalement ne permet de déterminer avec suffisamment de précision le lieu d’un compte de titres ou de l’établissement tenant ce compte 17. En définitive, l’approche retenue à l’art. 4 de la Convention se concentre sur la relation entre le titulaire d’un compte de titres et son intermédiaire. Le critère de rattachement est fondé sur l’autonomie de la volonté des parties à une relation de tenue de compte de titres. La liberté laissée aux parties est contrebalancée par un critère objectif dont la réalisation est nécessaire à la perfection du choix de la loi applicable : l’intermédiaire pertinent doit disposer, dans l’Etat dont le droit a été choisi, d’un établissement qui a ef-fectivement certaines activités de tenue de comptes de titres ou est identifié comme tel (art. 4 ch. 1 let. a et b). Ce “test de réalité” permet d’éviter que le choix de la loi applicable ne favorise le “Forum Shopping” 18. L’art. 5 contient une série de rattachements subsidiaires objectifs pour le cas où l’élection de droit ne serait pas valable, par exemple si elle ne satisfait pas le test de réalité de l’art. 4, tandis que l’art. 6 énonce une sé-rie de critères exclus aux fins de déterminer le droit applicable selon la Convention.

14 Place of the Relevant Account Approach. Cf. Haentjens, Harmonisation of Securities Law, p. 232 ; Girsberger / Hess, Das Haager Wertpapierübereinkommen, p. 1005.

15 Place of the Relevant Intermediary Approach. Cf. Conférence de La Haye de droit international privé, Doc. prél. no 1, p. 29 ss.

16 Art. 9(2) de la directive 98/26/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, JO L 166, 11.06.1998, p. 45 ss ; art. 24 de la directive 2001/24/CE du 4 avril 2001 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, JO L 125, 05.05.2001, p. 15 ss ; art. 9 de la directive 2002/47/CE du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière, JO L 168, 27.06.2002, p. 43 ss. Voir Deguée, Champ d’application et domaine de la loi applicable, p. 33�38, pour une analyse des limites des solutions retenues au niveau communautaire ; voir également Girsberger / Hess, Das Haager Wertpapierübereinkommen, p. 1003�1005.

17 Goode / Kanda / Kreuzer, Rapport explicatif, p. 21 s. ; Thoma, Applicable Law to Indirectly Held Securities, p. 191 s. ; Girsberger / Hess, Das Haager Wertpapierüber�Das Haager Wertpapierüber�einkommen, p. 998.

18 Peyer, Probleme der Rechtswahl, p. 962.

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Le critère de rattachement défini permet la détermination de la loi ap-plicable aux questions concernant les titres détenus auprès d’un intermé-diaire qui sont énumérées à l’art. 2 ch. 1 de la Convention. Il s’agit notam-ment de la nature juridique et des effets du crédit de titres à un compte de titres et du transfert de titres, des conditions d’opposabilité d’un transfert de titres, des règles de priorité entre droits concurrents, de certaines obli-gations de l’intermédiaire au cas où un tiers revendique des droits sur des titres détenus auprès de cet intermédiaire et des conditions de réalisation d’un droit portant sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire 19.

B. La Convention UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés

1. Chronologie

Dans le cadre d’une étude portant sur les “opérations sur les marchés fi-nanciers interconnectés et transnationaux” (Etude LXXVIII), le Conseil de Direction et l’Assemblée Générale de l’Institut UNIDROIT ont ajouté, en 2001, l’harmonisation des règles de droit matériel applicables aux titres détenus auprès d’un intermédiaire et utilisés à titre de garantie parmi les projets de l’Institut 20. Dans cette perspective, un Comité d’étude restreint composé d’experts indépendants a été constitué en 2002 afin de poser les bases d’un futur instrument international 21. Au cours de ses travaux, le Comité d’étude a été amené à modifier le titre, et par conséquent le champ, de l’étude qui lui avait été confiée. En ef-fet, la prise en compte de la seule utilisation des titres détenus auprès d’un intermédiaire en vue de fournir une garantie sembla trop étroite au Co-mité, qui vit la nécessité de traiter également les questions de la création et du transfert des titres détenus auprès d’un intermédiaire 22. A l’issue d’un peu plus de deux ans de travaux, le Comité d’étude a produit, en novembre 2004, un avant-projet de Convention sur l’harmonisation des règles de droit matériel applicables aux titres détenus auprès d’un intermédiaire 23.

19 Cf. Deguée, Champ d’application et domaine de la loi applicable, p. 43�48.20 Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 1 ; pour un aperçu de la Convention, voir Kuhn,

Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 454 à 456, n. 13 ss. 21 Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 5, p. 1.22 Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 7, p. 15 s.23 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 18.

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L’avant-projet de Convention a ensuite fait l’objet de négociations inter-nationales au cours de quatre sessions tenues par un Comité d’experts gou-vernementaux 24. En marge de ces sessions, les négociations ont également été menées au sein d’un groupe de travail portant sur les systèmes d’inter-médiation dits “transparents”25, et au sein de trois groupes de travail in-formels concernant les systèmes de règlement-livraison et les dépositaires centraux 26, l’acquisition des titres intermédiés par une personne de bonne foi 27 et le traitement de questions liées aux procédures d’insolvabilités 28. Les négociations menées au sein du Comité d’Experts Gouvernemen-taux ont conduit à l’élaboration d’un projet de Convention sur les règles de droit matériel applicables aux titres intermédiés 29, soumis à une Confé-rence diplomatique en vue de son adoption au mois de septembre 2008. Les travaux de cette Conférence n’ont pas permis l’adoption d’un texte définitif, mais ils ont conduit au remaniement du texte du projet de Convention 30. Une seconde session de la Conférence diplomatique a permis, le 9 octobre 2009, d’adopter la version finale de la Convention d’UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés, dont l’abréviation offi-cielle est “Convention de Genève sur les titres”31.

2. Fondements et méthode d’harmonisation

Les travaux préparatoires menés au sein d’UNIDROIT permettent de dé-gager deux motifs principaux influençant le processus d’harmonisation des règles matérielles applicables aux titres détenus auprès d’un intermé-diaire. L’environnement éminemment international de la détention et de l’utilisation de titres sur les marchés financiers a pour effet, d’une part, de confronter les acteurs des transactions aux limites matérielles de chacun des ordres juridiques concernés et, d’autre part, de mettre en évidence l’éven-tuelle incompatibilité entre les différentes solutions nationales pouvant

24 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 23 rév. ; Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 43 ; Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 58 ; Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 95.

25 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 88.26 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 6.27 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 8.28 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 9.29 Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 3.30 Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 48 rév.31 Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11/2 – Doc. 41.

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trouver application. Ainsi, la fiabilité (internal soundness) de chaque ordre juridique applicable et la compatibilité de ces ordres juridiques entre eux sont les deux objectifs centraux de la Convention 32. La prise en compte de la fiabilité interne des ordres juridiques implique que les opérations natio-nales entrent dans le champ d’application de la Convention 33. Les travaux de la Convention de La Haye ne permettant pas d’éliminer les incertitudes concernant les transactions portant sur les titres intermédiés, les coûts et les risques liés à l’insécurité subsistant ont nécessité le traitement du pro-blème au niveau d’un instrument international d’harmonisation des règles matérielles applicables aux titres intermédiés 34. Une fois le principe de l’harmonisation admis, la méthode employée doit permettre d’atteindre l’objectif fixé. A cet effet, c’est une approche neutre et fonctionnelle qui a été retenue 35. Les termes utilisés sont dès lors aussi neutres que possible et les règles sont énoncées en référence à leur résultat 36. Cette approche permet de régler les effets juridiques de l’inscrip-tion de titres en compte auprès d’un intermédiaire sans passer par la quali-fication juridique des droits des investisseurs découlant de l’inscription 37. En effet, la Convention doit permettre son application à différents types de droit nationaux, qu’ils soient issus de la tradition continentale ou de la common law 38. La tradition juridique continentale repose sur l’idée que seul l’investis-seur final est titulaire de droits (direct ownership) sur les valeurs déposées chez le dépositaire qui en tient le compte pour l’investisseur (p. ex. Suisse, France, Allemagne, Italie). En conséquence, cette approche est qualifiée de “comptable” (book-keeping approach) 39. Les ordres juridiques de common law, parmi lesquels figurent les droits anglais et américain, sont fondés sur l’idée que le titulaire légal des droits

32 Cf. notamment Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 5, annexe 4 ; Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 4, p. 4.

33 Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 4, p. 4.34 Paech, L’harmonisation du droit matériel, p. 1143.35 Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 4, p. 4.36 Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 8, p. 14.37 Thévenoz, De Rome à La Haye, p. 136 ; Thévenoz, Intermediated Securities, p. 31.38 Pour une présentation clairement résumée des implications de ces deux traditions

dans le système des titres détenus auprès d’un intermédiaire, voir Thévenoz, Inter�Inter�mediated Securities, p. 19�28 et Thévenoz, De Rome à La Haye, p. 125 s.

39 Thévenoz, De Rome à La Haye, p. 126.

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69Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

contre l’émetteur et qui découlent des titres n’est pas l’investisseur final mais l’intermédiaire qui les conserve et qui est enregistré comme titulaire des droits auprès de l’émetteur. Celui-ci est soit un legal owner, dans le cas d’un trust anglais, soit titulaire d’un legal interest dans le cas du secu-rity entitlement de droit américain. L’investisseur, quant à lui, est qualifié en tant que beneficial owner dans le cas du trust, et en tant que titulaire d’un security entitlement en droit américain 40. Au regard de la détention de titres auprès des intermédiaires, ces systèmes juridiques sont dits “multi-tiered entitlement”, puisque chaque niveau dispose d’une légitimation ju-ridique propre, procurée par chaque dépositaire à son déposant jusqu’à l’investisseur final.

3. Les règles essentielles prévues dans la Convention

Le but d’harmonisation de règles matérielles implique une large adhésion au futur instrument mais également une portée certaine des règles harmo-nisées. Un moyen d’atteindre cet équilibre est d’identifier précisément les matières traitées par la Convention et d’établir le degré d’harmonisation des règles conçues. Le choix des règles à harmoniser a été opéré sur la base d’une approche restrictive : l’harmonisation ne doit intervenir que s’il apparaît clairement que la réduction d’un risque juridique ou systémique ou la promotion de l’efficience du marché le commandent 41. Il est ainsi apparu aux rédacteurs de la Convention qu’il fallait se limiter à poser les règles indispensables aux opérations élémentaires sur des titres 42. La Convention contient sept chapitres. Le premier chapitre (art. 1 à 8) énumère certaines définitions, fixe le champ d’application et les principes d’interprétation. Le chapitre II (art. 9 et 10) traite des droits du titulaire de compte en raison des titres qui figurent au crédit de son compte, soit no-tamment la faculté de jouir des droits attachés aux titres et de les exercer, ainsi que le droit de disposer des titres intermédiés. Sous la désignation “transfert de titres intermédiés”, le chapitre III (art. 11 à 20) règle l’acquisition et la disposition des titres intermédiés par

40 Voir le schéma reproduit dans Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 106.41 Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 8, p. 14.42 Thévenoz, De Rome à La Haye, p. 137.

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l’effet d’un crédit ou d’un débit d’un compte de titres, mais également la constitution de garanties et d’autres droits limités portant sur des titres intermédiés au moyen d’un crédit en compte, au moyen de la conclusion d’une convention constitutive de garantie ou d’une convention de contrôle en faveur d’un tiers, ou encore par l’identification des titres intermédiés en faveur du bénéficiaire de la garantie. Le chapitre III contient également une réglementation relative à la contre-passation des écritures en comptes de titres, aux rangs des droits acquis sur les titres intermédiés et à la protec-tion de l’acquéreur de bonne foi. Le chapitre IV (art. 21 à 30) traite de l’intégrité du système de détention intermédiée au regard notamment des procédures d’insolvabilité (opposa-bilité des droits du titulaire de compte, mainmise sur des titres intermédiés auprès d’un intermédiaire non pertinent et répartition des pertes en cas d’insolvabilité d’un intermédiaire), du fonctionnement même du système (instructions données à l’intermédiaire, intégrité de l’émission des titres intermédiés comptabilisés par les intermédiaires de niveaux différents, obligations des intermédiaires) et de la position des émetteurs de valeurs mobilières par rapport au système d’intermédiation (exercice des droits de vote afférents aux titres intermédiés et éventuelles compensations pouvant intervenir entre un investisseur et l’émetteur nonobstant la détention des titres auprès d’un intermédiaire). Le chapitre V (art.  31 à 38) est intitulé “dispositions spéciales rela-tives aux opérations de garantie”. Ce chapitre constitue un régime spécial par rapport à l’ensemble des règles contenues dans la Convention et dis-pose d’un champ d’application qui lui est propre. Ces règles spéciales sur les opérations de garantie sont conçues d’après la Directive européenne 2002/47/CE du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière 43. Afin de préserver les chances d’une large acceptation de la Convention, la faculté est laissée aux Etats adhérents d’exclure totalement (art. 38 ch. 1) ou partiellement (art. 38 ch. 2) l’application du chapitre V. Le chapitre VI (art.  39) contient les règles transitoires concernant le rang des droits portant sur des valeurs intermédiées constitués avant l’en-trée en vigueur de la Convention. Finalement, le chapitre VII (art. 40 à 48) renferme les modalités de signature et d’entrée en vigueur de la Convention.

43 Thévenoz, Intermediated Securities, p. 61.

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71Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

A n’en point douter, l’influence des travaux d’UNIDROIT sur le droit suisse des titres intermédiés 44 positionne le texte de la Convention sur les règles de droit matériel applicables aux titres intermédiés comme un des points de comparaison importants pour la loi fédérale sur les titres inter-médiés. Cependant, les travaux entrepris à l’échelle européenne posent également un référentiel qu’il convient de garder à l’esprit dans l’analyse du droit suisse.

C. L’Union Européenne

Depuis plusieurs années, le cadre juridique et opérationnel entourant les transactions sur les titres détenus auprès d’un intermédiaire fait l’objet d’une attention particulière des milieux intéressés et des autorités au sein de l’Union Européenne. Le but visé est d’harmoniser l’environnement technique et juridique des processus d’exécution des transactions interna-tionales sur titres et de constitutions de titres en garantie dans un contexte transfrontière. Ces développements doivent permettre de parvenir à l’inté-gration des marchés financiers nationaux en un marché financier commun doté d’une efficience économique améliorée. Dans cette perspective, diffé-rentes démarches institutionnelles parallèles ont été menées afin d’identi-fier les obstacles au fonctionnement intra-européen des marchés et d’éta-blir des standards communs abordant ces problématiques.

1. Les directives européennes

S’agissant des textes d’harmonisation au niveau communautaire, bien que la Directive concernant les marchés d’instruments financiers 45 et la Di-rective concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit 46 touchent, par certains de leurs aspects, la négociation et l’exécution

44 Cf. Thévenoz, New Legal Concepts, p. 305 : “[…] the ideas of the UNIDROIT Study Group became one of the major inputs into the Swiss drafting process, influencing everything from principles down to terminological choices”.

45 Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments finan�ciers, JO L 145, 30.04.2004, p. 1 ss. Voir notamment à ce sujet, Bischof, The Markets in Financial Instruments Directive, p. 127 ss et de Lauzun, La directive concernant les marchés d’instruments financiers, p. 223 ss.

46 Directive 2001/24/CE du 4 avril 2001 concernant l’assainissement et la liquidation des établissements de crédit, JO L 125, 05.05.2001, p. 15 ss.

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des transactions portant sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire financier, nous nous limiterons à présenter brièvement les aspects centraux des deux directives concernant substantiellement l’exécution de ce type de transactions, à savoir la Directive concernant le caractère définitif du règlement et la Directive concernant les contrats de garantie financière.

a. La Directive concernant le caractère définitif du règlement

Certaines techniques juridiques d’exécution des transactions portant sur les valeurs mobilières (les activités de post-marché 47) sont traitées dans la directive dite “finalité”, concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres 48. Cette Directive fait partie du régime prudentiel et d’exécution forcée du droit européen et règle principalement les effets juridiques des ordres de transfert 49 de titres ou la compensation des obligations de livraison des titres en cas d’insolvabilité d’un intermédiaire financier participant à un système d’exécution de transactions sur des valeurs mobilières. Le caractère définitif d’un ordre de transfert découle de l’interaction 50 entre l’opposabilité au tiers des ordres de transferts opérés avant l’insol-vabilité d’un participant (art. 3), la non rétroactivité de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (art. 7) et enfin l’irrévocabilité d’un ordre de transfert selon les règles du système d’exécution des transactions (art. 5). En outre, la directive aménage un régime privilégié pour les garanties 51 constituées dans le cadre de la participation à un système d’exécution de transactions ou dans le cadre des banques centrales des Etats membres

47 Opérations souvent qualifiées par les termes anglais : clearing and settlement (com� pensation et règlement�livraison). Sur ces notions, voir infra chap. III, § 1, B. 3, p. 166.

48 Directive 98/26/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, JO L 166, 11.06.1998, p. 45 ss ; sur cette directive, voir par exemple Sauer, Die Harmonisierung, p. 18 à 46.

49 La notion d’ordre de transfert comprend le transfert de propriété des titres ainsi que la titularité d’un droit limité sur les titres, cf. Goode / Kronke / McKendrick / Wool, Transnational Commercial Law, p. 692.

50 Löber, Changing Legal Landscape, p. 164.51 Le terme de garantie recouvre la fourniture d’un élément d’actif tant par la consti�

tution d’un droit limité, tel qu’un gage, que par le biais d’un transfert de propriété, comme cela est notamment les cas dans les opérations de pension de titres (repur-chase agreements), cf. Vereecken, Directive 98/26/EC, p. 35.

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73Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

ou de la Banque centrale européenne. Les droits des participants au sys-tème ou ceux des banques centrales sur les garanties ne sont pas affectés par l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre de leur contre-partie, de même que le droit de les réaliser est assuré (art. 9).

b. La Directive concernant les contrats de garantie financière

Cette Directive 52 harmonise le cadre légal de l’utilisation d’instruments financiers négociables sur le marché des capitaux en vue de la constitution de garanties par et en faveur d’entités privées 53 et institutionnelles 54. Le régime prévu vise la simplification des conditions de forme conte-nues dans le droit des Etats membres concernant les contrats de garantie et la constitution effective de la garantie sur les instruments financiers. Les régimes nationaux ne peuvent de ce fait pas exiger l’accomplissement d’actes formels 55 (art. 3). Outre les contrats avec constitution d’un droit limité, la notion de contrat de garantie financière inclut les transferts de propriété (art. 6) sans que les parties ne courent le risque que la sûreté ainsi créée ne soit requalifiée en tant que gage 56. La réalisation de la garantie est également simplifiée en ce que les conventions prévoyant la vente de gré à gré, l’appropriation de l’objet du gage, pour les Etats connaissant ce mécanisme, et la compensation peuvent

52 Directive 2002/47/CE du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière, JO L 168, 27.06.2002, p. 43 ss ; voir par exemple Kuhn, Schwei�erisches Kreditsiche�Schwei�erisches Kreditsiche�rungsrecht, p. 451 à 453, n. 8 ss ; Sauer, Die Harmonisierung, p. 47 à 72.

53 Notamment les banques, les entreprises actives dans le commerce de valeurs mobi�lières, les entreprises assurant l’exécution des transactions sur les valeurs mobilières, mais également des entités non soumises à un contrôle prudentiel et qui ne sont pas des personnes physiques, pour autant que l’autre partie soit soumise à un tel contrôle (cf. art. 1 ch. 2 let. e de la Directive). La possibilité est toutefois laissée aux Etats membres d’exclure du champ d’application de la Directive ces entités non soumises à un contrôle prudentiel (art. 1 ch. 3 de la Directive).

54 Telles que les banques centrales des Etats membres, la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international ou la Banque des règlements internationaux.

55 La Directive ne contient pas de définition des actes formels visés, mais une liste exem�plative est contenue dans le considérant 10 précédant le texte légal ; y figurent no�tamment les documents revêtant une forme spécifique, l’inscription dans un registre public ou l’exigence d’une publication officielle. A ce sujet, voir notamment Morton, Moderni�ation of EU Financial Law, p. 15 s. et 28 s.

56 Keijser, Financial collateral arrangements, p. 71 s. ; Morton, Moderni�ation of EU Financial Law, p. 31.

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74 Joël Leibenson

être exécutées même en cas d’ouverture d’une procédure d’exécution for-cée (art. 4). Lorsque les parties sont convenues de l’octroi d’un droit limité sur les instruments financiers, elles ont en outre la possibilité de convenir d’un droit d’utilisation de ces instruments en faveur du créancier garanti (art. 5) 57. La Directive prévoit également des normes concernant l’exécution forcée dont certaines reconnaissent, à certaines conditions, la validité de clauses contractuelles de compensation avec déchéance du terme (close-out netting 58) même en cas d’ouverture d’une procédure d’exécution forcée (art. 7).

2. Les groupes de travail

Les avancées obtenues dans le domaine de la compensation et du règlement- livraison n’étant pas jugées comme suffisantes pour parvenir à l’intégra-tion des marchés, la fragmentation de l’infrastructure d’exécution des transactions intra-européennes restant très élevée 59, l’harmonisation des pratiques a également fait l’objet de travaux au sein de différents groupes de réflexion tant sur le plan des standards techniques 60 qu’au niveau du droit matériel. Certains aspects concernant la nature juridique des droits

57 Un droit d’utilisation est déjà connu du droit suisse ; il n’est cependant que partiel puisque limité à la constitution d’un sous�nantissement par le gagiste : voir l’art. 887 CC en matière civile et la teneur des art. 17 LB et 33 OB en matière bancaire avant leur abrogation (cf. RO 2009, p. 3577 ss, 3593 et RO 2009, p. 5279) en marge de l’adoption de la LTI. Voir toutefois l’art. 22 LTI qui ne prévoit pas une telle limitation et auto�rise la pleine disposition des titres intermédiés ; cf. à ce sujet, Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 117 s. ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 348, n. 5 et 7 ad art. 22 LTI ; Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 887, n. 12 ad art. 13�23 LTI.

58 Lors de la constitution d’une garantie au moyen du transfert de propriété de titres, ce type de clause permet la compensation immédiate des obligations réciproques en cas de défaillance d’une des parties, cela avant le terme initialement prévu pour s’en acquitter. Sur cette notion, voir par exemple, Zobl, Charakter und Rechtsprobleme des sogenannten “Netting”, p. 132 ss ; Zobl, Entwicklung im Recht der derivativen Instrumente, p. 29 s. ; Hess / Wyss, Grundlagen des Netting, p. 1219 ss ; Paech, Net�Net�ting, Finan�marktstabilität und Bankenrestrukturierung, p. 1965 ss.

59 Löber, Changing Legal Landscape, p. 171.60 Voir notamment le rapport conjoint du système européen des Banques centrales et

du Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (ESCB�CESR),

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75Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

portant sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire et le régime de leur transfert font l’objet des travaux du Groupe Giovannini et du Groupe Sécurité juridique qui sont brièvement présentés ci-dessous.

a. Le Groupe Giovannini

En 2001, la Commission européenne a mandaté un groupe d’experts 61 afin de procéder à l’identification des problèmes posés par l’exécution des transactions transfrontalières sur les instruments financiers en Europe. Le premier rapport 62 établi par le Groupe Giovannini analyse notamment les processus d’exécution des transactions portant sur les valeurs mobi-lières, les arrangements entre les divers prestataires de services formant l’infrastructure existant au sein des Etats membres et dresse un inven-taire de quinze barrières empêchant la réalisation efficiente des opérations d’exécution des transactions. Parmi ces barrières, deux (no  13 et no  14) concernent directement la nature des droits portant sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire sous l’angle de la sécurité juridique du droit matériel applicable aux opé-rations effectuées dans les systèmes de règlement-livraison. Ces deux bar-rières ont trait, pour la première, au régime de transfert et à la constitution de sûretés sur valeurs intermédiées, et, pour la seconde, à la compensation de certaines opérations portant sur ces valeurs. Dans un second rapport de 2003 63, le Groupe Giovannini propose des solutions aux problèmes identifiés dans son premier rapport. La réponse aux questions portant sur les normes matérielles applicables aux droits sur des titres comptabilisés auprès d’un intermédiaire passe par l’harmonisa-tion des droits nationaux des Etats membres et doit être centrée sur la no-tion de compte de titres tenu par l’intermédiaire et la signification juridique

Standards for Securities Clearing & Settlement Systems in the European Union, 2004 ; voir également les travaux des groupes CESAME et CESAME 2 sur le site de la Commis�sion européenne : http://ec.europa.eu/internal_market/financial�markets/clearing/ index_fr.htm.

61 Composé de spécialistes des questions relatives aux marchés financiers et présidé par Alberto Giovannini.

62 The Giovannini Group, Cross�Border Clearing and Settlement Arrangements in the European Union, Bruxelles 2001.

63 The Giovannini Group, Second Report on EU Clearing and Settlement Arrange�Second Report on EU Clearing and Settlement Arrange�ments, Bruxelles 2003.

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76 Joël Leibenson

du crédit de titres au compte de titres 64. A cet effet, le rapport préconise la mise en place d’un projet nommé EU Securities Account Certainty. A la suite du premier rapport, la Commission européenne a lancé une consultation en 2002 en matière de compensation et règlement-livraison 65, s’appuyant entre autres sur les résultats des travaux du Groupe Giovannini. Puis, sur la base du second rapport et des résultats de la consultation lan-cée, la Commission a émis une deuxième communication en 2004 sous la forme d’un rapport 66. Cette seconde Communication énonce un plan d’action prévoyant les initiatives nécessaires afin de promouvoir l’intégra-tion des marchés de la compensation et du règlement-livraison de titres dans l’Union européenne et leur efficacité économique. L’une de ces ini-tiatives, dans la droite ligne du “EU Securities Account Certainty”, a été la création du “Groupe Sécurité juridique”. Les thèmes devant être traités par le Groupe Sécurité juridique ont été déterminés par la Commission. Outre la barrière no 13 relative à l’absence de cadre communautaire régissant le traitement des droits détenus sur des titres confiés à un intermédiaire, les travaux du Groupe Giovannini ont conduit à la prise en compte par la Commission de deux autres barrières juridiques (no 3 et no 9). Ces der-nières visent respectivement le traitement des opérations concernant les sociétés (Corporate Actions Processing) et la libre détermination de la loca-lisation des titres par l’émetteur en vue de leur entrée dans le système tenu par un dépositaire central 67.

b. Le Groupe Sécurité juridique

Les travaux du Groupe de Sécurité juridique ont été lancés en janvier 2005 68. A l’issue d’une étude comparative du droit de 25 Etats membres,

64 The Giovannini Group, Second Report, p. 13 ss.65 Cf. COM(2002) 257 final, Communication de la Commission au Conseil et au Parlement

européen, Les mécanismes de compensation et de règlement�livraison dans l’Union européenne. Principaux problèmes et défis futurs, du 28.05.2002.

66 Cf. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen (2004) 312 final, Compensation et règlement�livraison dans l’Union européenne – Un plan pour avancer, du 28.04.2004.

67 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen (2004) 312 final, Compensation et règlement�livraison dans l’Union européenne – Un plan pour avancer, du 28.04.2004, p. 27 s.

68 A noter que le mandat donné au Groupe Sécurité juridique était de fournir des solu�tions s’agissant des barrières Giovannini nos 3, 9 et 13. La barrière no 14 relative à la

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77Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

ainsi que d’une prise en considération de ceux des Etats-Unis d’Amérique, du Japon et de la Suisse, un premier avis a été adressé à la Commission européenne au mois d’août 2006 69. Il ressort de ce premier avis que l’har-monisation européenne des normes matérielles des Etats membres, qui sont applicables aux droits sur des titres comptabilisés auprès d’un inter-médiaire, doit porter sur l’effet de la comptabilisation des titres sur un compte, les instructions du titulaire du compte, la création de sûretés sur des titres, le rang des droits acquis sur des titres et la protection éventuelle de la confiance de l’acquéreur dans le crédit de titres fait à son compte. L’harmonisation visée doit aussi toucher la validité d’un crédit opéré et l’interdiction de la saisie de titres auprès d’un dépositaire autre que celui du constituant (prohibition de la saisie à l’échelon supérieur, upper-tier attachement) 70. Il convient de noter que le champ d’application des réflexions menées dans le cadre du Groupe Sécurité juridique est beaucoup plus large que celui des directives européennes évoquées ci-dessus. En effet, l’harmonisa-tion envisagée ne devrait pas s’adresser qu’à certains acteurs des marchés, mais à tous les titulaires de compte et teneurs de comptes 71. Concernant l’angle d’analyse, le Groupe Sécurité juridique a choisi une approche orien-tée vers la création d’un nouveau régime de droit matériel constituant une harmonisation minimale du droit des Etats membres au détriment de la création d’un nouvel objet juridique 72. La Commission a prié le Groupe Sécurité juridique de compléter son premier avis afin de décrire exactement les dispositions nécessaires de la législation traitant des effets juridiques des opérations faites sur un compte de titres ainsi que d’assurer le suivi des travaux menés au sein de l’Insti-tut UNIDROIT dans le but de préserver la cohérence de ces démarches parallèles. Le Groupe Sécurité juridique a rendu son second avis au mois

compensation des obligations dans le cadre de certaines opérations portant sur des valeurs intermédiées étant considérée comme levée par l’application de la Directive concernant les contrats de garantie financière reconnaissant le close-out netting, cf. The Giovannini Group, Second Report, p. 12 s.

69 Groupe Sécurité juridique, Avis, du 11.08.2006, Bruxelles ; disponible à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/internal_market/financial�markets/docs/certainty/advice_final_en.pdf.

70 Cf. Groupe Sécurité juridique, Avis, p. 5 ss.71 Cf. Paech, EU Post Trading, p. 288.72 Groupe Sécurité juridique, Avis, p. 4.

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d’août  2008 73, lequel contient quinze recommandations. Les onze pre-mières sont consacrées au cadre communautaire régissant le traitement des droits détenus sur des titres confiés à un intermédiaire (barrière Giovannini no  13). Les recommandations douze à quatorze traitent des opérations concernant les sociétés (Corporate Actions Processing) (barrière Giovannini no 3) et la recommandation quinze aborde le libre choix du dépositaire central par l’émetteur aux fins d’introduction des valeurs dans le système d’intermédiation (barrière Giovannini no 9). Le recoupement entre le travail du Groupe Sécurité juridique et les travaux d’UNIDROIT relatifs à la Convention sur les règles de droit matériel applicables aux titres intermédiés apparaît clairement 74.

3. Le projet de législation européenne sur la certitude juridique de la détention et du transfert des titres

A la suite des travaux menés par le Groupe Sécurité juridique, la Com-mission européenne a lancé en avril 2009 une première consultation en vue de l’élaboration d’une législation européenne sur la certitude juri-dique de la détention et du transfert des titres 75. Une seconde consulta-tion a été lancée en 2010 par la Commission sur l’impulsion du Conseil des affaires économiques et financières (ECOFIN) du Conseil de l’Union européenne 76. Cette seconde consultation, qui s’est déroulée jusqu’au début de l’année 2011, portait sur une série de principes pouvant servir de base à la future législation européenne. Au moment de l’achèvement de notre étude, les résultats de ce processus doivent encore donner lieu à un projet de Directive européenne sur les titres (Securities Law Directive) rédigé par

73 Groupe Sécurité juridique, Second Advice, Legal Certainty Group, Solutions to Legal Barriers related to Post Trading within the EU, Bruxelles, Août 2008.

74 Voir Paech, EU Post Trading, p. 293 s. pour qui le travail du Groupe Sécurité juridique sur la nature juridique des opération en compte de titres couvre environ 70 % des questions abordées alors par le projet de Convention UNIDROIT sur les règles de droit matériel applicables aux titres intermédiés.

75 Voir le site de la consultation sur : http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/ 2009/securities_law_en.htm.

76 Voir le communiqué de la Commission européenne du 05 novembre 2010 : http://europa.eu/rapid/middayExpressAction.do?date=04/11/2010&direction=1&gui Language=en.

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la Commission avant d’être soumis au Parlement européen 77. D’après le calendrier prévu, le Parlement européen devrait adopter la nouvelle légis-lation au dans le courant du deuxième semestre 2012 pour une période de transposition dans le droit des Etats membres allant jusqu’à fin 2013.

§ 2 Les fondements et le champ d’application de la loi sur les titres intermédiés

A. Généralités

1. Chronologie

Encouragées par les travaux de la Conférence de droit international privé de La Haye débutés en 2000 78, l’Association suisse des banquiers (ASB) et le dépositaire central suisse de titres, la SIS SegaIntersettle SA (aujourd’hui SIX SIS SA), ont pris l’initiative au niveau national en mandatant un groupe d’experts en 2001 afin d’établir un projet de législation réglemen-tant la conservation et le transfert des papiers-valeurs (Wertpapierverwah-rungsgesetz, WVG) 79. L’approche adoptée par cet avant-projet reposait sur la codification des règles et pratiques établies en matière de dépôt collectif, de certificats globaux et de droits-valeurs. L’avant-projet WVG introduisait la notion de Bucheffekten 80, à savoir des droits-valeurs inscrits dans un registre public tenu par un dépositaire central, et établissait un régime assimilant ces

77 Voir Paech, Cross�border issues of securities law, p. 32 ss ; voir également Paech / Drummond / Garcimartín Alférez / Micheler / Rocks / Thévenoz, Workshop on Securities Law Directive.

78 Kuhn, Die Modernisierung, p. 126. Sur la Convention de La Haye sur les titres, voir supra chap. II, § 1, A. 1, p. 62.

79 Cf. Kuhn, Die Modernisierung, p. 131 ; Ammann, Bucheffektengeset�, p. 524 ; Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 42 s. ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�Aktienrechtliche �uerbe��üge, p. 195.

80 Expression que Luc Thévenoz restitue par “droits�valeurs enregistrés” (cf. Thévenoz, Saut épistémologique, p. 696, à la note 43). Cette notion n’a pas le même sens que le terme Bucheffekten utilisé dans la loi sur les titres intermédiés et traduit en français par “titres intermédiés”. Sur la notion de titres intermédiés au sens de la LTI, voir infra chap. II, § 3, B, p. 105.

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droits-valeurs enregistrés aux titres existant physiquement et conservés en dépôt collectif 81. En 2003, le Département fédéral des finances, en accord avec le Dépar-tement fédéral de justice et police, a chargé un groupe de travail technique composé d’experts issus des milieux intéressés, de l’administration fédé-rale, des autorités de surveillance et dirigé par la Banque nationale suisse, de retravailler le projet WVG et de s’assurer de la compatibilité de l’en-semble avec l’ordre juridique suisse et avec la Convention de La Haye sur les titres 82. En 2004, ce groupe d’experts a rendu son rapport et élaboré un texte d’avant-projet de loi, intitulé “Loi fédérale sur le dépôt et le transfert des titres intermédiés”, dont l’approche était radicalement différente de celle adoptée par le projet WVG 83. La différence majeure entre les deux textes réside dans l’introduction d’un régime entièrement nouveau pour la conservation et le transfert des valeurs intermédiées en créant une nouvelle institution juridique plutôt que de procéder à la codification des règles établies jusqu’ici par la doctrine et la jurisprudence et d’étendre leurs effets aux valeurs dématérialisées. Ce deuxième avant-projet de loi et son rapport explicatif ont permis au Conseil fédéral d’adresser au Parlement fédéral le projet de “Loi fédérale sur les titres intermédiés” par son Message du 15 novembre 2006 84. Après avoir subi des modifications mineures lors de son examen par l’Assemblée fédérale, le texte a été adopté le 3 octobre 2008 85 et la loi sur les titres inter-médiés est entrée en vigueur le 1er janvier 2010 86.

2. Principes à la base de la loi sur les titres intermédiés

Un certain nombre de motifs et de principes sont à l’origine du processus de réforme concrétisé par la loi sur les titres intermédiés 87. A cet égard,

81 Pour plus de détails sur l’ensemble de l’avant�projet et ses spécificités, cf. von der Crone / Kessler / Gersbach, Wertpapierverwahrungsgeset�, p. 135 ss ; Thévenoz, Saut épistémologique, p. 694 ss.

82 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 15 s. ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8839.

83 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 703.84 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8817 ss.85 Cf. FF 2008 p. 7561 ss.86 Cf. RO 2009, p. 3577 ss, p. 3589.87 Voir la liste dressée par Eigenmann, Aspects choisis, p. 107 s. et par Kuhn, Prel. Cmts

FISA, FISA & HSC Commentary, p. 133, n. 21.

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81Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

cette dernière énonce clairement son objet et les buts qu’elle vise. Ainsi, l’art. 1 al. 1 LTI limite l’objet de la loi à la conservation et au transfert des titres intermédiés, le régime juridique des relations entre les émetteurs et les investisseurs n’en fait en conséquence pas partie. L’art. 1 al. 2 énonce, quant à lui, les buts de la LTI parmi lesquels se trouvent la sécurité juri-dique dans les rapports internationaux, l’efficience du règlement des opé-rations sur titres et la stabilité du système financier ainsi que la protection des droits de propriété des investisseurs. L’on peut rassembler ces buts et principes en trois ordres différents : la dimension internationale de la ma-tière, les questions ayant trait à la relation entre l’investisseur et l’émetteur des valeurs intermédiées et enfin les problématiques concernant la protec-tion du fonctionnement de la place financière suisse.

a. La dimension internationale

Selon l’art.  1 al. 2 LTI, un des buts visés est la contribution à la sécurité juridique dans les rapports internationaux. Cette considération procède du mouvement international de modernisation des standards 88 et des législations 89 concernant les valeurs intermédiées. La dimension interna-tionale de la détention intermédiée a entraîné un besoin de clarification des règles suisses applicables aux opérations portant sur des valeurs in-termédiées. En effet, la nature contractuelle, doctrinale et (partiellement) jurisprudentielle des règles en la matière a illustré la nécessité de bénéficier d’un cadre juridique clair et transparent pour les investisseurs étrangers 90 dont la participation substantielle dans le marché suisse est indéniable 91. L’implication internationale du régime juridique applicable aux titres in-termédiés induit également la nécessité d’assurer la compatibilité de ce

88 Cf. Thévenoz, Saut épistémologique, p. 689 s.89 Cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 13 s.90 Les difficultés croissantes à expliquer la complexité des régimes juridiques suisses

en cas de dépôt collectif et de valeurs dématérialisées, notamment aux autorités étrangères de surveillance, ont également joué un rôle dans le choix de la réforme, cf. Kuhn, Die Modernisierung, p.  131 ; Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8827 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 102.

91 Voir les chiffres cités supra au chap.  II, §  1, A. 2, à la note 10, p. 64, concernant les titres détenus en mains étrangères et les titres étrangers détenus en Suisse ; voir aussi les chiffres cités par Kuhn, Prel. Cmts FISA, FISA & HSC Commentary, p. 133, n. 22.

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régime avec les solutions qui sont apparues au niveau international 92, non seulement dans le cadre des travaux d’UNIDROIT relatifs à la Conven-tion sur les règles de droit matériel applicables aux titres intermédiés mais également au niveau du droit européen 93. A cet égard, l’adoption d’une loi spécialement conçue pour traiter du phénomène d’intermédiation des titres permet de tenir compte des standards internationaux contenus dans la Convention UNIDROIT 94 et facilite l’accès aux règles pertinentes en les regroupant au sein d’une seule loi 95.

b. La relation entre l’émetteur et l’investisseur

La LTI délimite son objet en son art. 1 al. 1 en mentionnant la conservation des papiers-valeurs et des droits-valeurs et leur transfert dans le cadre de leur détention intermédiée. Il apparaît que la relation entre l’investisseur et l’émetteur des valeurs qui constituent les titres intermédiés n’est pas incluse dans le champ de la réforme. Cette relation est cependant préservée par la LTI dans une double perspective. Premièrement, l’art. 13 al. 1 LTI assure le maintien d’un lien direct entre l’investisseur et l’émetteur s’agissant des droits résultant des titres inter-médiés en dépit de l’intervention convenue contractuellement d’un ou de plusieurs intermédiaires dans l’exercice de ces droits 96. Ainsi, seuls les statuts (éventuellement les décisions de l’entité concernée), les conditions

92 Cf. Graham�Siegenthaler, Übertragung und Verwahrung von Wertpapieren, p. 193 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 195.

93 Voir le projet mené par le Groupe de sécurité juridique supra chap. II, § 1, C. 2. b, p. 76. Cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 32 s.

94 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 692.95 Thévenoz, New Legal Concepts, p. 304.96 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche

�uerbe�üge, p. 207 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 103 ; Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 863, n. 4 ad art. 1�5 LTI. Voir égale�ment l’art. 2 al. 1 LTI qui prévoit que les dispositions du droit de la société anonyme relatives aux inscriptions dans le registre des actions ne sont pas touchées par la LTI. S’agissant des instruments financiers étrangers, il convient toutefois de noter que ce lien direct n’existe que si le droit applicable à l’émission ou à la conservation le per�met, voir pour le surplus supra chap. II, § 1, B. 2, p. 67, et infra chap. II, § 2, B. 4. c, p. 92, et chap. II, § 3, B. 2. b. i, p. 108.

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et le prospectus d’émission gouvernent le contenu et l’exercice des droits résultant 97 des titres intermédiés. En second lieu, l’entrée des valeurs émises dans le système de déten-tion et de comptabilisation par des intermédiaires ne doit pas modifier la relation entre l’émetteur et les éventuels titulaires légitimes des droits émis. L’émetteur a un “intérêt prépondérant”98 à l’intégrité de l’émission : l’intermédiation ne doit pas faire naître plus de droits que l’émetteur n’en a créés.

c. La protection du fonctionnement de la place financière suisse

L’art. 1 al. 2 LTI établit la protection des droits de propriété des investis-seurs, la recherche de l’efficience du règlement des opérations sur titres et de la stabilité du système financier. Ces considérations à la base de la loi sur les titres intermédiés concernent, sous l’angle du droit privé, la protection des infrastructures des marchés financiers et la protection des investis-seurs, donc la protection du fonctionnement de la place financière suisse dans son ensemble 99. Le mode de transfert des valeurs et de constitution de droits sur celles-ci par écritures en compte, communément pratiqué dans le système d’intermédiation, n’étant juridiquement ni un transfert de possession de titres existant physiquement ni une cession des droits-valeurs 100, la trichotomie entre les droits réels, le droit des papiers-valeurs et le droit des obligations n’était plus adaptée à la réalité opérationnelle 101. La consolidation prévue par la réforme doit déployer ses effets sur plu-sieurs plans. Tout d’abord, le nouveau régime est conçu sur la base d’une

97 “Rechte aus Bucheffekten”, cf. Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 103. 98 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 693.99 Cf. Zufferey, Protection de l’investisseur, p. 178 s., sur la pertinence du fonction�

nement technique de la conclusion et du règlement des transactions dans la mise en œuvre des fonctions dévolues au marché, et p. 186 s., sur la nécessité de la protection des investisseurs au cours de ces transactions afin de permettre au marché d’accomplir sa fonction collective d’allocation efficiente des ressources. Les règles protégeant les investisseurs sont ainsi comprises comme favorisant le fonctionnement de la place financière dans son ensemble.

100 Ammann, Bucheffektengeset�, p. 524.101 Cf. p. ex. Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 102 ; Hofstetter, Rege�Rege�

lung der Verwahrung, cm. 6 à 8 ; Graham�Siegenthaler, Übertragung und Verwah�rung von Wertpapieren, p. 191 s.

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architecture ouverte. Cela signifie que la LTI ne rend pas obligatoires la conservation et la comptabilisation des valeurs auprès d’un dépositaire au sens de la LTI 102. Vu le traitement dans le Code des obligations de la conservation collective, des certificats globaux et des droits- valeurs 103, la LTI n’oblige pas les émetteurs ou les investisseurs à choisir une forme de conservation ou un état de matérialisation des valeurs plutôt qu’un autre. Ensuite, la loi sur les titres intermédiés est conçue de façon à ne pas induire de modifications opérationnelles du système d’intermédiation 104. La neutralité technologique de la réforme et la très large prise en compte des pratiques établies dans la comptabilisation et le transfert des valeurs intermédiées permet de préserver les investissements faits jusqu’ici par les acteurs de la branche et ne nécessite pas de financement supplémentaire 105. Mais cela assure également que les possibles développements futurs des technologies de l’information pourront être mis en œuvre dans le cadre de la LTI 106. La conservation des standards déjà pratiqués avant l’adoption de la LTI, l’absence de poids financier de la nouvelle législation et une flexi-bilité à l’égard des innovations à venir dans le domaine permettent ainsi d’assurer une plus grande efficience du système de règlement des opéra-tions sur les valeurs intermédiées. La nouvelle législation vise en outre une sécurité juridique accrue par rapport au régime antérieur 107. L’amélioration de la prévisibilité des règles applicables clarifie les normes suisses dans la perspective des rela-tions avec les ordres juridiques étrangers. Mais, les nouvelles règles per-mettent également aux intermédiaires financiers concernés une meilleure

102 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8841 ; Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 46 ; Kuhn, Prel. Cmts FISA, FISA & HSC Commentary, p. 134, n. 27 ; Graham�Siegenthaler, Prel. Cmts CO, FISA & HSC Commentary, p. 551, n. 16.

103 Voir les art. 973a à 973c nCO, FF 2006, p. 8933 s. ; voir supra chap. I, § 2, B. 5, p. 31, chap. I, § 2, C. 4, p. 37, et chap. I, § 2, D. 3, p. 40.

104 Cf. Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 118 ; Thévenoz, Saut épisté�mologique, p. 693 s.

105 von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 195.106 Graham�Siegenthaler, Übertragung und Verwahrung von Wertpapieren, p.  193 ;

Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p.  118 ; Graham�Siegenthaler, FISA & HSC Commentary, p. 140, n. 6 ad art. 1 LTI ; Kuhn, Prel. Cmts FISA, FISA & HSC Commentary, p. 134, n. 25 s.

107 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 30 ; Thévenoz, Saut épistémolo�gique, p. 691.

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85Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

gestion du risque juridique dans le cadre de l’application des standards prudentiels 108. L’accroissement de la sécurité juridique ne s’étend évidemment pas qu’aux dépositaires. La promotion de la stabilité du système financier ne serait pas complète sans la protection des droits des investisseurs 109. La loi sur les titres intermédiés garantit expressément la protection des droits de propriété des investisseurs (art. 1 al. 2 LTI). La qualification juridique des titres intermédiés ainsi que les mécanismes de leur transfert ou de leur constitution à titre de sûretés assurent des bases légales claires et trans-parentes correspondant à la réalité opérationnelle, tandis que des méca-nismes sûrs et clairs faisaient défaut auparavant. Avant la réforme, en dépit de multiples règles applicables à la titularité des titres et des droits-valeurs en détention indirecte, le droit suisse connaissait tout de même un méca-nisme de protection des investisseurs par le biais de droits de distraction de ces valeurs 110. Cependant, la LTI affine aujourd’hui les mécanismes de protection en tenant compte de la chaîne d’intermédiation. Elle crée un régime unifié pour le traitement des écritures en compte et des cas de pro-tection de l’acquéreur de bonne foi, ce qui améliore nettement le degré de protection des investisseurs au regard des régimes antérieurs disparates et difficilement applicables en pratique. La loi sur les titres intermédiés repré-sente ainsi une amélioration des normes de droit civil encadrant la place financière suisse et s’avère indispensable au bon déroulement des activités de gestion de fortune 111.

108 Par exemple lors de la constitution de garanties permettant de gérer le risque de cré�dit, voir Kuhn, Die Modernisierung, p. 131.

109 Selon l’art. 5 let. c. LTI, les investisseurs sont les titulaires d’un compte qui ne sont pas dépositaires ou les dépositaires qui détiennent des titres intermédiés pour leur propre compte. La notion d’investisseur inclut en outre “autant les propriétaires des titres que les titulaires de sûretés”, cf. Thévenoz, Saut épistémologique, p. 692, ce à quoi il faut aussi ajouter les titulaires d’un usufruit, cf. Thévenoz, New Legal Concepts, p. 305.

110 Voir les art. 16, 37d aLB, 36a LBVM et art. 35 LPCC ; voir par exemple Hess, Banken�Banken�geset�, p. 364, n. 16 ad art. 16 LB et les réf. citées.

111 Ammann, Bucheffektengeset�, p. 525.

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B. Le champ d’application de la loi

Le champ d’application de loi sur les titres intermédiés est délimité par les trois éléments fondamentaux énumérés à l’art. 2 al. 1 LTI que sont les titres intermédiés, le dépositaire et le compte de titres 112.

1. Champ d’application personnel

Le champ d’application personnel est circonscrit par la notion de dé-positaire (Verwahrungsstelle). L’énumération faite à l’art. 4 al. 2 LTI est exhaustive 113. Sont ainsi désignés : les banques (let. a), les négociants en valeurs mobilières (let. b), les directions de fonds au sens de la LPCC dans la mesure où elles tiennent des comptes de parts (let. c), les exploitants de systèmes de compensation ou de règlement qui jouent un rôle important dans la stabilité du système financier (let. d), la Banque nationale suisse (let. e) et la Poste suisse (let. f). La limitation de la notion de dépositaire à des intermédiaires financiers soumis à des régimes de régulation et de surveillance prudentiels trouve son fondement dans la garantie de fiabilité dans la tenue de compte que présentent ces intermédiaires au regard des effets juridiques étendus reconnus par la LTI aux inscriptions opérées dans un compte de titres 114. Compte tenu de la distinction existant en pratique entre la détention des titres intermédiés pour le compte d’investisseurs et les dépositaires qui ne tiennent pas de comptes pour ceux-ci, l’activité de dépositaire, au sens de la LTI, est décrite à l’art. 4 al. 1 LTI comme étant la tenue de comptes de titres au nom de personnes ou de communautés. Avec une telle définition, le statut de sous-dépositaire est intégré dans la loi, à l’art. 5 let. a LTI, en mentionnant qu’il s’agit d’un dépositaire qui tient des comptes de titres pour d’autres dépositaires 115.

112 Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 46 ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8844.113 Par conséquent, une entreprise d’assurance au sens de la loi du 17 décembre 2004

sur la surveillance des entreprises d’assurance (RS 961.01) et une caisse de pensions au sens de la loi fédérale du 5 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (RS 831.40) n’entrent pas dans le champ de la LTI, même si à titre exceptionnel elles gèrent des comptes de titres pour des clients, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8847 s.

114 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8846 s.115 Cette pratique de substitution est la règle en matière de détention intermédiée, cf.

Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 48. Elle trouve une consécration

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87Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

Il ressort de cette délimitation du champ d’application personnel que tous les clients – qu’ils soient institutionnels ou privés – des intermédiaires seront au bénéfice des dispositions de la LTI. Le caractère international de la conservation et de la comptabilisa-tion de valeurs intermédiées induit le traitement par des intermédiaires situés en Suisse de valeurs étrangères déposées ou comptabilisées auprès de dépositaires étrangers 116. En conséquence, l’art. 4 al. 3 LTI assimile les intermédiaires étrangers tenant des comptes de titres dans le cadre de leur activité professionnelle aux dépositaires selon le droit suisse 117.

2. Champ d’application matériel

Le champ d’application matériel est, quant à lui, délimité par les notions de compte de titres (Effektenkonto) et de titre intermédié (Bucheffekte). La loi ne contient pas de définition du compte de titres 118. La base sur la-quelle le législateur s’appuie est la désignation, dans la pratique bancaire, de l’activité de tenue de compte de titres pour des investisseurs ayant

dans la loi puisque l’art. 9 LTI prévoit la faculté pour tout dépositaire de détenir des titres intermédiés ou des papiers�valeurs auprès d’un sous�dépositaire. Le corollaire de cette reconnaissance se situe dans l’aménagement du régime de responsabilité du dépositaire pour les dommages en rapport avec la conservation ou le transfert des titres intermédiés en cas de délégation de la détention auprès d’un sous�dépositaire, cf. art. 33 al. 2 à 5 LTI.

116 Voir supra chap. II, § 1, A. 2, p. 63.117 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8848. Voir également l’art 9 al. 2 LTI qui prévoit

le consentement exprès du titulaire de compte à la détention de ses valeurs auprès d’un sous�dépositaire étranger qui ne serait pas soumis à une surveillance prudentielle adéquate. Sur le statut des valeurs étrangères selon la LTI, voir infra chap.  II, § 2, B. 4. c, p. 92.

118 On trouve en revanche la notion de compte de titre à l’art. 1 let. c de la Conven�tion UNIDROIT où il est prescrit qu’un compte de titres “désigne un compte tenu par un intermédiaire sur lequel des titres peuvent être crédités ou duquel des titres peuvent être débités”. Cette définition inclut le compte qu’un investisseur a auprès d’un intermédiaire, mais aussi le compte d’un intermédiaire auprès d’un intermédiaire d’un échelon supérieur. En revanche, les registres, parfois qualifiés de comptes de l’émetteur, renfermant des informations sur les titres émis et habituellement te�nus pour l’émetteur par le dépositaire central de titres ou un gestionnaire de re�gistre, ne sont pas des comptes de titres (cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 4, p. 11).

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acquis des valeurs intermédiées dans le cadre d’un contrat de dépôt de titres 119. La désignation commerciale de cette activité diffère en partie de la qualification juridique. En effet, hormis le dépôt à proprement parler des valeurs physiquement émises, le dépositaire assure d’autres prestations de services dans le cadre de ce contrat comme la comptabilisation des valeurs pour le compte du client, qu’elles existent physiquement ou qu’elles soient dématérialisées. A cela s’ajoutent la comptabilisation des droits et créances que le titulaire a envers l’émetteur des valeurs acquises et l’encaissement des prestations périodiques ou des remboursements 120. Le contrat est ainsi généralement qualifié de contrat mixte, présentant des éléments du contrat de dépôt et du mandat 121 ou du seul contrat de mandat lorsque l’objet en est des droits-valeurs 122. Pour les valeurs dématérialisées, l’obligation d’avoir un ou des systèmes de comptabilisation fiables correspond à l’obligation de garde en lieu sûr des titres physiques 123. La notion économique de “dépôt” subsiste même en l’absence de titre physique donnant lieu à l’application des règles du contrat de dépôt, et peut désigner les relations contractuelles soumises aux règles du contrat de mandat ayant pour objet l’administra-

119 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8845. A noter que l’art. 6 let. a de l’avant�projet de loi établi en 2004 par le Groupe d’experts prévoyait une définition du compte de titre le décrivant comme “un compte tenu par un dépositaire auquel des titres intermédiés peuvent être crédités ou débités”. Le rapport accompagnant l’avant�projet considérant que la notion de compte de titre joue un rôle central dans la détermination du champ d’application et dans le concept global de la réglementation contenue dans la LTI (cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 45), il est curieux que la loi n’en contiennent aucune définition, même sommaire.

120 Cf. p. ex. Lombardini, Gestion de fortune, p. 77, n. 14 et Guggenheim, Pratique ban�caire, p. 164, pour des listes d’actes d’administration auxquels l’intermédiaire procède usuellement et qu’il comptabilise ; cf. également Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�e�Schwei�e�rische Bankgeschäft, p. 255, n. 737 et p. 271, n. 779, qui précisent qu’en cas de dépôt ouvert, outre la conservation, c’est également une certaine administration qui est visée.

121 Guggenheim, Pratique bancaire, p. 148 s. ; Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bankgeschäft, p. 268, n. 769 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 130, à la note 123 et p. 136, à la note 153.

122 Cf. Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p. 60, qui retiennent la notion de “Verbuchungsvertrag” entre la banque et son client et celle de “Sammelver-buchung” entre le dépositaire central et les intermédiaires y participant ; Brunner, Wertrechte, p. 224 ; Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 26 ; Koller, Obli�Obli�gationenrecht I, p. 2824 s., n. 16 ad art. 472 CO.

123 Guggenheim, Pratique bancaire, p. 148.

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89Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

tion de valeurs dématérialisées 124. Ainsi, en pratique le contrat vise en réa-lité les valeurs mobilières 125, au sens de la LBVM, quel que soit leur état de matérialisation, ce qui est confirmé par la terminologie allemande de la LTI désignant le compte de titres en tant que Effektenkonto 126. On le voit, la notion de compte de titres présente différents aspects relatifs à la comp-tabilisation et à la gestion des valeurs mobilières acquises, conservées ou vendues pour le compte du client, quels que soient le type ou la forme de ces valeurs. Cependant, il convient également d’inclure un second type de relation dans la notion de compte de titres. Outre les comptes de clients des inter-médiaires financiers que nous venons de mentionner, les intermédiaires disposent également de comptes auprès des sous-dépositaires 127. Cette deuxième famille de comptes de titres doit être incluse dans la définition de compte de titres au sens de la LTI. En effet, comme nous le verrons ci-dessous, il découle de la loi que la création des titres intermédiés intervient par le crédit en compte de titres 128. Ainsi, par exemple lorsque l’on procède à une nouvelle émission, l’émetteur la fait enregistrer auprès du déposi-taire central. Ce dernier sera le sous-dépositaire qui va créditer ces valeurs nouvellement émises sur les comptes qu’il tient pour les intermédiaires. Le crédit des droits correspondant aux valeurs émises au compte du ou des intermédiaires participant à l’émission a pour effet de créer des titres intermédiés. Ces comptes tenus par le dépositaire pour les intermédiaires sont donc des comptes de titres au sens de la LTI. Avec la création de l’institution des titres intermédiés et des règles pour en disposer, la loi introduit un nouvel objet patrimonial, dont la na-ture ne se recoupe pas totalement avec celle d’une valeur mobilière. Elle introduit également un régime juridique nouveau dont la portée diffère des règles applicables jusqu’ici aux opérations faites sur les valeurs admi-nistrées en compte de dépôt en vertu du contrat de mandat ou du contrat de dépôt. Lors de l’examen de ces nouvelles règles, il conviendra de prêter une attention particulière à la nature des différentes relations de tenue de compte de titres telles que nous venons de les illustrer.

124 Forstmoser / Lörtscher, Aufgeschobenem Titeldruck, p. 60 s.125 Cf. Lombardini, Gestion de fortune, p. 76, n. 13 ; Zobl, Depotgeschäft, p. 296.126 Cf. p. ex. les art. 2 al. 1, 3 al. 1 let. a et 5 let. b LTI.127 Cf. Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 423, n. 1298.128 Notamment art. 6 al. 1 LTI ; voir également infra chap. II, § 3, A. 1, p. 99.

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90 Joël Leibenson

Selon l’art. 2 al.  1 LTI, le second élément permettant de déterminer le champ d’application matériel de la loi est la notion de titre intermédié. Nous abordons en premier lieu cette notion en relation avec la détermina-tion du champ d’application géographique 129 et lui consacrons plus loin des développements spécifiques 130.

3. Champ d’application temporel

Conformément aux règles générales de droit intertemporel applicables en droit privé, l’art. 1 du Titre final du Code civil entraîne l’application immé-diate de la LTI à tous les faits postérieurs à son entrée en vigueur. Les faits s’étant produits avant cette entrée en vigueur restent soumis, sauf règle spéciale, à l’ancien droit 131. Les dispositions finales de la loi sur les titres intermédiés prévoient une disposition spéciale à l’art. 35 LTI. L’art. 35 al. 1 LTI concerne l’entrée dans le système des titres intermé-diés des droits-valeurs qui existent au moment de l’entrée en vigueur de la loi 132. Tandis que les valeurs émises physiquement et conservées en dépôt collectif ou sous la forme d’un certificat global ont donné automatique-ment lieu à la naissance de titres intermédiés correspondants 133, les droits-

129 Voir infra chap. II, § 2, B. 4, p. 91.130 Voir infra chap. II, § 3, A, p. 99, et B, p. 105.131 Cf., par ex., Vischer, Zivilgeset�buch II, p. 2578, n. 2 ad art. 1 Tit. fin. CC ; ATF 133

III 105, cons. 2.1. et 2.1.1. ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8883 s.132 A la différence des règles sur l’entrée des droits�valeurs dans le système d’intermédia�

tion, les nouvelles règles concernant leur création et leur régime juridique (art. 973c nCO), à savoir leur existence, ne sont pas accompagnées d’une telle règle transitoire spéciale. Ainsi, l’art. 1 al. 1 Tit. fin. CC s’applique pleinement, sans dérogation. Cela implique que l’art 973c nCO est applicable immédiatement aux droits�valeurs créés après son entrée en vigueur. Mais, cela implique également, en vertu du principe de la non�rétroactivité des lois, que les droits�valeurs créés avant l’entrée en vigueur de l’art. 973c nCO ne sont pas régis par cette disposition. Ainsi, ces “anciens droits�valeurs” ne pourraient pas servir de sous�jacents aux titres intermédiés, au sens des art. 6 al. 1 let. c et art. 5 let. g LTI s’ils ne font pas l’objet d’une inscription dans le registre des droits�valeurs conforme aux conditions de l’art. 973c al. 2 nCO, et non seulement l’objet d’une inscription au registre principal conformément à l’art. 35 al. 1 LTI.

133 Voir l’ATF 138 III 137/140  s., cons. 5.2.2. pour une décision du Tribunal fédéral au sujet du droit transitoire dans une affaire portant sur des titres en dépôt collectif ; cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8884 ; Lanz, Aktientransfers, p. 200 ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1085.

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91Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

valeurs existants ont nécessité, outre leur crédit à un compte de titres tenu par un dépositaire, leur inscription dans le registre principal (nouveau) prévu à l’art. 6 al. 1 let. c LTI. Les émetteurs ont ainsi disposé d’un délai de six mois dès l’entrée en vigueur de la loi afin d’ouvrir ce registre chez un dépositaire et d’y faire procéder cette inscription. Tant que cette ins-cription au registre principal n’a pas eu lieu, les titres intermédiés devant résulter de cette inscription n’existent pas 134. L’art. 35 al. 2 LTI concerne, quant à lui, le rang des actes de disposition portant sur des papiers-valeurs en dépôt collectif, des certificats globaux ou des droits-valeurs faits sous l’empire de l’ancien droit et qui ne corres-pondraient pas aux exigences de la LTI. Les droits ainsi constitués priment sur les droits constitués après l’entrée en vigueur de la LTI pour autant qu’ils fassent l’objet des inscriptions prévues par la loi dans un délai de douze mois suivant son entrée en vigueur.

4. Champ d’application géographique

a. La loi fédérale sur le droit international privé

En présence d’un élément d’extranéité, le champ d’application géogra-phique de la loi sur les titres intermédiés est déterminé par les règles de droit international privé 135. Comme nous l’avons vu 136, les art. 108a ss LDIP nouvellement introduits par la LTI opèrent un renvoi à la Convention de La Haye sur les titres par l’art. 108c LDIP. En application des critères de rat-tachement prévus dans la Convention, la loi sur les titres intermédiés peut ainsi être applicable à des actes opérés par un dépositaire étranger 137 ou à des actes opérés sur des valeurs étrangères, qui sont en général déposées ou comptabilisées originellement auprès d’un dépositaire étranger.

b. Les dépositaires étrangers

S’agissant des dépositaires étrangers, la situation est traitée dans la LTI par l’inclusion, à l’art. 4 al. 3 LTI, des banques étrangères, des négociants, des

134 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8884.135 Kuhn, Bucheffektenmodell, p. 43.136 Voir supra chap. II, § 1, A. 1, p. 62.137 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8848.

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dépositaires centraux et des autres intermédiaires financiers étrangers qui tiennent des comptes de titres dans le cadre de leur activité professionnelle dans la définition légale des dépositaires. Sur un autre plan, la loi recon-naît clairement le mécanisme de sous-dépôt à l’étranger à l’art. 9 al. 1 LTI, car en pratique les alternatives au dépôt de valeurs étrangères à l’étranger font souvent défaut 138. La LTI reconnaît ainsi un système d’intermédiation international 139. La sécurité juridique des transactions est préservée par l’application de la LTI à des situations internationales, évitant ainsi dans ces cas l’application des règles ordinaires relatives à la propriété mobilière et aux créances 140. La reconnaissance des dépositaires étrangers aux fins de l’application de la LTI permet de couvrir des situations très fréquentes en pratique. Il s’agit par exemple de la distribution en Suisse de parts de fonds alternatifs enregistrées et comptabilisées auprès d’un intermédiaire financier étran- ger, par exemple au Luxembourg. Ainsi, la reconnaissance du statut de pro-fessionnel à des dépositaires étranger par les art. 4 al. 3 et 9 al. 1 LTI permet d’éviter de devoir conserver et enregistrer ces instruments auprès d’un dé-positaire unique en Suisse et de multiplier inutilement des frais d’intermé-diaire tandis que la sécurité juridique est garantie à l’investisseur suisse 141. Ainsi, il nous semble que cette situation ne nécessite pas la création en Suisse d’un registre des droits-valeurs ni le maintien d’un registre principal au sens de l’art. 6 al. 1 let. c LTI. En outre, comme nous le verrons ci-dessous au sujet des instruments financiers étrangers, la fonctionnalité de ces ins-truments suppose qu’on leur applique la LTI même si certaines conditions de la définition légale des titres intermédiés ne sont pas remplies.

c. Les instruments financiers étrangers

Le statut juridique des instruments financiers étrangers comporte des situations pouvant potentiellement conduire à des incompatibilités avec

138 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8853.139 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 105.140 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 704, à la note 71.141 Le mécanisme de sous�dépôt à l’étranger est notamment encadré par l’art.  9 al.  2

LTI, à teneur duquel le consentement exprès du titulaire du compte est requis si le dépositaire à l’étranger n’est pas soumis à une surveillance adéquate, et par l’art. 33 al. 2 LTI, qui établi la mesure de la responsabilité du dépositaire en cas de sous�dépôt à l’étranger.

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93Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

le concept suisse de titre intermédié. En effet, il se peut notamment que le droit étranger applicable à la création ou l’enregistrement des valeurs émises ne soit pas conforme aux exigences posées par les art. 6 al. 1 let. a à c LTI et 973a à 973c nCO quant à la nature juridique exacte des rapports dé-coulant d’un dépôt collectif, d’un certificat global ou de droits enregistrés auprès d’un dépositaire. Sous la dénomination d’instruments financiers étrangers, il convient de distinguer trois états de fait. Premièrement, les instruments émis en ap-plication d’un droit étranger. En deuxième lieu, les instruments conservés ou enregistrés en application d’un droit étranger. En troisième et dernier lieu, il existe des situations mixtes.

i. L’émission et le dépôt ou l’enregistrement selon un droit étranger

La question de savoir si des valeurs étrangères donnent lieu à l’existence de titres intermédiés n’est pas traitée en tant que tel par la loi. Cette ques-tion avait pourtant fait l’objet d’une disposition topique dans l’avant-projet rédigé par le groupe d’experts mandaté par le Département fédéral des fi-nances prévoyant que “tout instrument financier et tout droit sur un instru-ment financier dont la conservation est soumise à un droit étranger qui lui reconnaît une fonction comparable” étaient des titres intermédiés 142. L’absence d’une telle disposition dans la LTI ne pose pas de difficul-tés majeures en suivant une interprétation fonctionnelle des normes de la LTI dans la perspective de l’art. 1 al. 2 LTI, qui fixe la contribution à la sécurité juridique dans les rapports internationaux comme un de ses buts. Cette inter prétation est également fondée sur plusieurs éléments retenus

142 Art. 4 al. 2 de l’avant�projet de loi fédérale sur le dépôt et le transfert des titres in�termédiés du 15 juin 2004, cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 122. Bien que le texte de cet article semble traiter le cas de la conservation soumise à un droit étranger, les experts visaient également les instruments financiers constitués selon un droit étranger, cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 43. Il convient en outre de relever que cette disposition considérait les instruments finan�ciers comme étant directement des titres intermédiés, ce qui n’est pas le cas, comme nous le verrons avec l’analyse de la définition légale des titres intermédiés, voir infra chap.  II, §  3, B, p.  105. Sur le principe de l’équivalence fonctionnelle que doivent présenter les instruments financiers étrangers afin de pouvoir rentrer dans le champ d’application de la LTI, voir Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 22 s.

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par la loi qui impliquent la reconnaissance implicite de valeurs conservées et émises selon un droit étranger. Premièrement, les dépôts de papiers-valeurs ou la conservation de droits-valeurs à l’étranger sont spécifiquement reconnus (art. 9 al. 1 LTI). Or, il ressort des travaux préparatoires qu’en pratique, la probabilité que les dépôts à l’étranger concernent des titres provenant d’émetteurs étran-gers, à savoir soumis à un droit étranger, est très grande 143. Il est ainsi lo-gique que la LTI, reconnaissant les dépôts à l’étranger, reconnaisse égale-ment les valeurs émises en application d’un droit étranger aux fins de son application. Deuxièmement, l’inclusion des valeurs étrangères dans le champ d’ap-plication de la LTI doit intervenir eu égard au contexte international du système d’intermédiation, sans s’arrêter aux définitions des instruments financiers pouvant donner lieu à des titres intermédiés contenues dans le droit suisse. Il s’agit donc de faire une analyse fonctionnelle des instru-ments financiers étrangers afin de vérifier s’ils accomplissent la même fi-nalité que les papiers-valeurs, les certificats globaux et les droits-valeurs régis par le droit suisse 144. Pour le cas où la réponse est affirmative, de tels instruments doivent être considérés comme des titres intermédiés au sens de la LTI 145. En pratique, les certificats globaux ou les droits-valeurs émis en appli-cation d’un droit étranger devraient être acceptés par le dépositaire cen-tral suisse de titres même s’ils ne remplissent pas certaines conditions du droit suisse. Il devrait être établi que l’émetteur est en droit, selon le droit étranger applicable à l’émission, d’émettre ses droits sous forme de cer-tificat global ou de droits-valeurs tels que définis selon ce droit étranger. Les émetteurs ne peuvent faire cette démarche que par le biais d’un par-ticipant à la SIX SIS. A ces conditions, ces instruments financiers étran-gers doivent être reconnus comme sous-jacents de titres intermédiés selon la LTI.

143 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 43 ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8825.

144 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 43 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 107 ; Lanz, Aktientransfers, p. 203 ; Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 22 s.

145 Voir en outre infra chap. II, § 3, B. 2. b. i, p. 108, s’agissant du statut des valeurs étrangères dans l’analyse de la définition légale des titres intermédiés.

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95Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

ii. Les situations mixtes

Il existe également des cas hybrides dont certains aspects peuvent relever d’un droit étranger, en particulier dans les situations de cross-listing 146. C’est le cas de l’acquisition en Suisse d’instruments financiers étran-gers représentant des instruments financiers suisses conservés à l’étranger. Il est en effet des cas assez répandus où un investisseur peut acquérir, par le biais de son intermédiaire suisse, notamment des Depository Shares ou des Depository Receipts sur un marché étranger. Les formes les plus cou-rantes sont les American Depository Shares ou des American Depository Receipts sur le marché américain 147. Ce sont généralement de certificats de dépôts émis en dollars par une banque dépositaire américaine, conservés selon le droit américain et qui représentent des valeurs étrangères au mar-ché local 148. Ces valeurs étrangères (suisses, dans notre hypothèse) sont acquises par la banque dépositaire et entreposées auprès d’elle ou auprès d’un sous-dépositaire dans le pays de l’émetteur. Ainsi, un investisseur peut avoir un instrument financier américain sur son compte de titres qui représente en réalité des actions d’un émetteur suisse. Les certificats ac-quis sont étrangers et leur conservation soumise au droit étranger, mais les titres suisses visés par l’investisseurs peuvent être conservées en appli-cation du droit suisse. Les droits de l’investisseur sur le certificat de dépôt

146 Sur le cross-listing, voir par exemple Marano / Ferretti, Cross�listing, p. 267 ss.147 Voir notamment les programmes American Depository Shares à la bourse de New York

des entreprises suisses suivantes : ABB Ltd, Crédit Suisse Group AG, Novartis et Sin�gent AG. A l’inverse, la bourse suisse connaît elle aussi des programmes de certificats de dépôts (Global Depository Receipts) émis par des dépositaires en représentation de titres de participations cotés sur des marchés étrangers ; voir les art. 90 ss RC. Dans ce cas, l’instrument que l’investisseur souhaite acquérir est soumis au droit suisse et conservé en Suisse. Les dispositions de la LTI n’entrent ainsi pas en conflit avec la valeur sous�jacente aux titres intermédiés et sont sans autre applicables aux titres intermédiés créés sur la base de ces certificats de dépôt cotés à la SIX Swiss Exchange. Autre est la question du conflit potentiel entre le droit suisse et le droit étranger qui peut être applicable à la conservation des titres étrangers ayant donné lieu aux GDR cotés à la bourse suisse. Dans cette perspective, l’art. 93 RC aménage un rapport fi�duciaire entre l’investisseur et l’intermédiaire financier qui a émis les GDR. Ce dernier détient les actions sous�jacentes à titre fiduciaire (ou au titre d’accords similaires selon le droit applicable) pour le compte des investisseurs ayant droit aux certificats de dépôt correspondants. Il exerce les droits attachés au patrimoine et à la qualité de membre liés aux actions sous�jacentes dans l’intérêt des investisseurs.

148 Ce mécanisme permet indirectement de pouvoir investir en dollars sur des titres qui ne sont pas cotés en dollars à leur bourse originelle.

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ne dérivent que du droit applicable à l’émission et à la conservation du certificat. Le droit suisse qui serait applicable en raison de la conservation des valeurs suisses en Suisse est inopérant. L’on observe ainsi que les certificats de dépôt peuvent être émis et conservés en application d’un droit qui ne pose pas forcément les mêmes exigences que les art. 6 al. 1 let. a à c LTI et 973a à 973c nCO. Ces certificats de dépôt pourraient en conséquence être exclus du champ d’application de la LTI alors qu’en réalité les instruments dans lesquels il est indirectement investi proviennent d’émetteurs suisses et sont conservés en Suisse auprès de dépositaires dûment soumis à surveillance. L’interprétation fonction-nelle de la loi sur les titres intermédiés permet son application à des tels certificats de dépôts, vu leur équivalence avec les certificats de dépôt émis en application du droit suisse.

iii. Considérations pratiques

Nous complétons notre analyse par des considérations d’ordre pratique il-lustrant la pertinence de l’application de la LTI aux valeurs étrangères d’un point de vue fonctionnel. En effet, les statistiques concernant les instru-ments financiers émis par des émetteurs étrangers démontrent qu’à défaut d’admettre également ces valeurs dans le champ d’application de la LTI l’on priverait des bénéfices du nouveau droit plus de 64 % des titres figu-rant sur des comptes de clients en Suisse 149 et 80 % des titres figurant dans le portefeuille des banques 150.

d. La Convention d’UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés

Après avoir examiné le champ d’application géographique de la LTI dans la perspective de l’extension de son application aux dépôts et valeurs

149 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8825 ; les chiffres concernant la proportion de titres étrangers en comptes sont toujours d’actualité, cf. Banque nationale suisse, Stocks de titres dans les dépôts de la clientèle auprès des banques, Bulletin mensuel de statistiques économiques, novembre 2011, tableau D52a, disponible sous www.snb.ch.

150 Voir les chiffres concernant les valeurs étrangères cités supra chap.  II, §  1, A. 2, note 10, p. 64.

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étrangers, ce champ d’application doit également être envisagé sous l’angle d’une possible contraction s’agissant de situations purement nationales. Selon l’art. 2 let. b de la Convention UNIDROIT sur les règles de droit matériel applicables aux titres intermédiés, celle-ci trouve application lorsque “la situation ne conduit pas à l’application d’une autre loi que la loi en vigueur dans un Etat contractant”. Ainsi, en plus des configurations internationales, la Convention concerne également les situations ne pré-sentant aucun élément d’extranéité 151. Pour les questions réglées dans la Convention, les normes qu’elle contient ont vocation à s’appliquer à l’ex-clusion du droit national. Si des points ne sont pas couverts par les règles harmonisées de la Convention, ils relèvent des règles du droit en vigueur dans l’Etat contractant, ce dernier étant applicable de façon concomitante et complémentaire aux questions réglées par la Convention 152. Du point de vue des normes constitutionnelles suisses, cette configu-ration pourrait, cas échéant, avoir pour conséquence que la LTI ne soit pas applicable sur certains points devant ordinairement relever de son domaine d’application. En effet, le principe de la primauté du droit inter-national fait obligation au juge saisi d’un litige, pour lequel une norme potentiellement applicable de la loi fédérale serait contraire à une norme conventionnelle, de donner la préférence au texte conventionnel en appli-cation de l’art. 190 de la Constitution fédérale 153. Toutefois, cette restriction du champ d’application de la LTI concer-nant les situations internes n’est pas absolue. Elle ne peut intervenir qu’à plusieurs conditions. La première tient à la nature même de la Convention UNIDROIT. Celle-ci conçoit un système d’harmonisation internationale qui contient, en quelque sorte, les fonctions communément admises par les ordres juridiques nationaux des Etats contractants en matière de détention intermédiée d’instruments financiers. Pour le surplus, les règles nationales additionnelles, réservées par la Convention, sont maintenues. Ainsi, pour les questions réglées par la Convention, l’harmonisation fonctionnelle implique de consacrer au moins les mécanismes déjà contenus dans les droits nationaux, ramenant logiquement à un degré très faible le potentiel

151 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 4, p. 13, ch. 41.152 Cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Conf. 11 – Doc. 4, p. 5, ch. 20 et p. 12, ch. 38.153 Cf. Auer / Malinverni / Hottelier, Droit constitutionnel suisse, p. 663 s., n. 1881 s. ;

cf. également ATF 131 V 66, cons. 3.2.

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des divergences entre les solutions conventionnelles et les solutions obte-nues, par hypothèse, sur la seule base du droit national. Ensuite, sur le plan constitutionnel, la nature des normes de la Convention peut entraîner une discussion quant à leur éventuelle applicabilité directe (self-executing) ou non dans l’ordre juridique suisse 154. Enfin, dans l’hypothèse où l’appli-cabilité directe d’un texte conventionnel est reconnue, la primauté de ce texte n’est donnée qu’en présence d’une divergence irréconciliable par voie d’inter prétation entre sa teneur et celle de la loi fédérale 155.

§ 3 La notion de titre intermédié

Le concept de titre intermédié ne repose pas sur les mécanismes de la co-propriété ou de la cession de créance comme cela était le cas pour le dé-pôt collectif, les certificats globaux ou les titres non incorporés dans un papier-valeur. Le titre intermédié est une nouvelle institution sui generis 156 du droit suisse qui suit un régime juridique qui lui est propre et dont le siège de la matière figure dans la loi sur les titres intermédiés. Une décision du Tribunal fédéral a confirmé cette nature juridique particulière des titres

154 Voir à ce sujet les considérations exprimées par la Suisse au sein du Comité d’experts gouvernementaux, cf. Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 26, p. 4 et 8. Notons que notre analyse n’a pas pour but d’apporter une réponse à une éventuelle discussion sur le caractère self-executing du texte de la Convention UNIDROIT. Sur la notion d’appli�cabilité directe des traités internationaux, cf. p. ex. Auer / Malinverni / Hottelier, Droit constitutionnel suisse, p. 464 ss, n. 1307 ss.

155 Cf. Auer / Malinverni / Hottelier, Droit constitutionnel suisse, p. 663, n. 1881.156 Wiegand, Die Bucheffekte : ein neues Verm�gensrecht ?, p. 1136 s. ; Kuhn, Schwei�Schwei�

�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 471, n. 20. Pour une appréciation avant l’entrée en vigueur de la loi, voir Foëx, Transfert et engagement, p. 70 s., qui relevait déjà la nécessité de créer un objet juridique nouveau. Le statut d’objet juridique nouveau des titres intermédiés, qui résulte du rapport du groupe d’experts, cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 34 s., a été reconnu par les auteurs qui se sont prononcés sur la question pendant la phase d’élaboration de la LTI, cf. notamment Thévenoz, Saut épistémologique, p. 704 ; Thévenoz, New Legal Concepts, p. 307 ; Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 244 ; Eigenmann, Aspects choisis, p.  107 ; Kuhn, Die Modernisierung, p. 136 ; Kuhn, Bucheffektenmodell, p. 44 s. ; Kunz, Le�Le�gislative Aktivitäten, p. 44 s. ; Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 152 s. ; Piotet, Titres intermédiés, p. 107.

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99Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

intermédiés et précisé que cette institution ne suit pas les règles des droits réels ni celles de la possession 157. A ce stade de notre analyse, il convient distinguer les mécanismes de création des titres intermédiés et la définition légale des titres inter- médiés 158. L’analyse des conditions de la définition légale des titres inter-médiés nous permettra de dégager les contours juridiques de l’objet des actes de disposition et ses particularités dans la perspective de la protec-tion d’un acquéreur de bonne foi.

A. L’intermédiation, la conversion des valeurs déposées et l’extinction des titres intermédiés

1. La création des titres intermédiés

La création des titres intermédiés s’effectue par l’accomplissement de deux étapes nécessaires et distinctes. La première est constituée par la mise en détention intermédiée des valeurs traditionnellement connues avant l’adoption de la LTI. A savoir, les papiers-valeurs individuels, les certificats globaux et les droits-valeurs 159. Ainsi, la LTI exige tout d’abord soit la remise de papiers-valeurs en dé-pôt collectif (art. 6 al. 1 let. a), soit le dépôt d’un certificat global (art. 6 al.  1 let. b) 160, soit l’inscription des droits-valeurs par le dépositaire dans

157 ATF 138 III 137/139 s., cons. 5.2.1.158 Nous avons vu supra chap. II, § 2, B. 4. b, p. 91, que la loi sur les titres intermédiés

trouve application, et c’est un de ses buts, dans des situations concernant des sous�jacents étrangers. Il se peut ainsi que ces instruments ne remplissent pas certaines conditions du droit suisse quant à la création des titres intermédiés. Il convient en conséquence de distinguer les conditions légales de la création des titres intermédiés et les conditions légales de la définition des titres intermédiés.

159 Les concepts de dépôt collectif et de certificat global ayant été développés en détail par la doctrine, la réforme introduite par la LTI n’a conduit en substance qu’à une codification des principes existant par les art. 973a et 973b nCO. La notion de droits� valeurs, bien que mentionnée dans la législation sur les bourses et les valeurs mobi�lières, n’a fait l’objet que d’une seule étude remarquée (celle de Christoph Brunner) dont les thèses n’ont pas été suivies en doctrine, ni reprises dans les règles concernant les droits�valeurs instaurées par l’art. 973c nCO ; voir pour le surplus, supra chap. I, § 2, B. 5, p. 31, C. 4, p. 37, et D. 3, p. 40.

160 Ces deux étapes alternatives impliquent un transfert de possession des titres du dé�posant au dépositaire, cf. Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 48.

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un registre qu’il tient et qui est appelé registre principal (art. 6 al. 1 let. c et art 6 al. 2) 161. Ces trois formes de matérialisation des instruments finan-ciers peuvent être qualifiées de sous-jacents des titres intermédiés 162. La seconde étape nécessaire à la constitution des titres intermédiés consiste dans l’inscription au crédit d’un ou plusieurs comptes de titres des droits correspondant aux sous-jacents déposés ou enregistrés auprès du dépositaire. Bien que l’art. 6 al. 1 let. a LTI mentionne que ce sont les titres en dépôt collectif qui sont inscrits au crédit du compte de titres et que l’expression de droits correspondants ne soit utilisée expressément que pour les certificats globaux et les droits-valeurs à l’art. 6 al. 1 let. b et c LTI, il s’agit bien du même mécanisme pour les trois sous-jacents : ce sont des droits correspondant aux instruments financiers qui sont créés par la mise en compte. Il est logique que le dépositaire ne crédite que des droits cor-respondants aux sous-jacents puisque le crédit en compte prend place dans le cadre de la relation contractuelle de tenue de compte avec le dépositaire et que ce dernier n’est, en principe, pas le débiteur des droits formant la substance économique des titres intermédiés 163. La notion de droits corres-pondants est fondamentale, car elle permet de distinguer entre les valeurs sous-jacentes remises au dépositaire et les titres intermédiés créés par l’ef-fet de la loi. Nous analysons plus loin le contenu des droits crédités 164. Hormis la naissance des titres intermédiés comme objet juridique in-dépendant, la remise des sous-jacents au dépositaire et l’inscription des droits qui leur correspondent au crédit d’un compte de titres a pour ef-fet d’entraîner l’application exclusive des règles de la LTI pour disposer des droits contre l’émetteur. Le corollaire de cet effet est la suspension

161 Le registre principal est différent du registre des droits�valeurs que l’émetteur doit te�nir en application de l’art. 973c al. 2 nCO et dans lequel les droits�valeurs doivent être inscrits pour exister. A la différence du registre des droits�valeurs, le registre principal est accessible à la consultation par le public. Le Message du Conseil fédéral mentionne les éléments minimaux devant figurer dans le registre principal, à savoir le numéro des valeurs ou le numéro ISIN (International Securities Identification Number), le nombre et la valeur nominale des droits�valeurs inscrits. En outre, la publicité est assurée de façon suffisante par une consultation accessible sur Internet, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8850.

162 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8818, 8841 et 8850 ; Thévenoz, Saut épistémo�logique, p. 705 ; Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 47 s.

163 Il se peut toutefois que les titres crédités soient émis par le dépositaire qui tient le compte de titres, ce qui a pour effet qu’il est le débiteur des titres crédités.

164 Voir infra chap. II, § 3, B. 2. b, p. 107.

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des normes jusqu’ici applicables aux valeurs qui véhiculaient les droits de créances et les droits sociaux constituant l’émission concernée 165.

2. La conversion des sous-jacents

Le mécanisme de conversion des valeurs sous-jacentes est réglé à l’art. 7 al.  1 LTI en ce qui concerne le droit de l’émetteur de procéder à cette conversion. L’art. 7 al. 2 LTI traite, quant à lui, de la faculté du titulaire d’un compte de titres de demander l’établissement de papiers-valeurs corres-pondant aux titres intermédiés crédités sur son compte ; il ne s’agit ici que de la création des papiers-valeurs, mais non de leur remise à l’investisseur, qui est réglée à l’art. 8 LTI. D’un point de vue général, l’on peut constater tout d’abord que l’art. 7 LTI se situe dans le chapitre 2 de la loi, qui traite, selon son intitulé, de la conversion des titres intermédiés en plus de leur création et de leur ex-tinction. A notre avis, la règle introduite par l’art. 7 al. 1 ne relève pas de la LTI. En effet, la matière traitée est la conversion des sous-jacents de l’une des trois formes prévues aux art. 973a ss CO dans une des deux autres et non pas la conversion de titres intermédiés qui ne suivent qu’un seul régime juridique, quelle que soit la forme des sous-jacents à la base de leur création, et qui ne sont pas sujets à conversion. Ainsi, l’on aurait pu envisager l’introduction d’un art. 973d dans le Code des obligations trai-tant de la conversion des sous-jacents et complétant les art. 973b al.  1 et 973c al. 1 nCO. Ces deux normes prévoient respectivement la conversion de papiers-valeurs individuels en un certificat global et la conversion de papiers- valeurs individuels ou d’un certificat global en droits-valeurs. La comparaison entre le régime prévu par l’art. 7 LTI et les art. 973b al.  1 et 973c al.  1 nCO permet ensuite de dégager deux éléments d’im-portance. En premier lieu, les nouvelles règles ancrées dans le Code des

165 Les droits sur les papiers�valeurs en dépôt collectif (art. 973a nCO), les droits décou�lant de la constitution d’un certificat global (art. 973b nCO) et les règles applicables aux droits�valeurs (973c nCO) ainsi que les conditions et les effets juridiques de leur transfert sont suspendus dès que les valeurs sous�jacentes entrent dans le champ d’application de la LTI, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8849 s. et 8890 ; Kuhn, Die Modernisierung, p. 135 s. ; Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 48, à la note 134 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 104 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 114.

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obligations sont formulées de telle sorte qu’elles semblent ne permettre la conversion des valeurs que dans le sens de la dématérialisation, à savoir de la forme de papiers-valeurs individuels vers un certificat global ou des droits- valeurs et d’un certificat global vers les droits-valeurs, tandis que l’art. 7 al. 1 LTI permet expressément à l’émetteur de convertir l’une des trois formes prévues aux art. 973a ss nCO dans une des deux autres, quelle que soit la forme de départ et celle d’arrivée. Nous ne pensons toutefois pas que l’absence de cette possibilité aux art. 973a ss nCO prive les émetteurs de la faculté de remplacer des droits-valeurs par un certificat global ou par des papiers-valeurs individuels ou un certificat global par des papiers-valeurs individuels, pour autant que les conditions de l’émission ou les statuts de l’émetteur le prévoient ou que les déposants aient donné leur consentement. Cette faculté est d’ailleurs expressément reconnue aux in-vestisseurs à l’art. 7 al. 2 LTI lorsque les valeurs font l’objet d’une intermé-diation et que les statuts ou les conditions d’émission le prévoient 166. En second lieu, tandis que les nouvelles dispositions du Code des obligations prévoient que l’émetteur doit nécessairement être autorisé à convertir les valeurs par les conditions d’émission ou les statuts ou que les déposants aient donné leur consentement, l’art. 7 al.  1 LTI permet à l’émetteur de procéder à la conversion sauf si les statuts ou les conditions d’émission l’interdisent. Ainsi, bien que l’art. 7 al 1 LTI règle la conversion des sous-jacents pendant la période d’intermédiation et que les art. 973b et 973c nCO la règlent lorsqu’aucun titre intermédié n’a été créé, il n’en demeure pas moins que la volonté de ne pas affecter les relations entre les émetteurs et les investisseurs sous-tend la loi sur les titres intermédiés 167. Le traitement de la conversion des valeurs sous-jacentes opéré par la LTI de façon fondamentalement différente de celui qui prévaut entre émetteurs et investisseurs en l’absence d’intermédiation constitue une notable en-torse à ce principe. A l’inverse, la possibilité donnée par l’art. 7 al. 2 LTI au titulaire d’un compte de titres de provoquer la conversion uniquement dans la mesure où les statuts ou les conditions d’émission le prévoient est pleinement justifiée puisque cette faculté découle de la possibilité de sortir

166 L’établissement de papiers�valeurs selon l’art.  7 al.  2 LTI peut être compris comme englobant la possibilité d’une remise d’un certificat global au titulaire de compte si ce dernier est titulaire de tous les droits qui y seront incorporés ou s’il a droit à l’établis�sement d’un certificat partiel, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8851 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 196.

167 Voir supra chap. II, § 2, A. 2. b, p. 82.

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103Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

les valeurs du système d’intermédiation et que la neutralité de la LTI doit être maintenue au profit de la primauté des règles régissant directement les relations entre l’émetteur et les investisseurs.

3. L’extinction des titres intermédiés

a. Conditions de l’extinction

L’extinction des titres intermédiés est prévue à l’art. 8 LTI. D’une manière symétrique à leur création, qui s’effectue nécessairement par l’accomplisse-ment de deux étapes, l’extinction des titres intermédiés survient également en deux étapes. Les titres intermédiés doivent tout d’abord être débités du compte de titres de l’investisseur puis cet investisseur doit se faire remettre des papiers-valeurs dont le genre et le nombre correspondent aux titres intermédiés qui ont été débités de son compte. Cette opération est pos-sible lorsque des papiers-valeurs correspondant aux titres intermédiés à éteindre sont conservés par le dépositaire qui tient le compte de titres pour l’investisseur ou un sous-dépositaire (art. 8 al. 1 let. a LTI) ou lorsque la re-lation entre le titulaire du compte et l’émetteur consacre le droit de celui-là à l’établissement de papiers-valeurs (art. 8 al. 1 let. b et 7 al. 2 LTI) 168. La loi ne visant expressément que les cas d’extinction des titres intermédiés moyennant la remise de papiers-valeurs, la sortie des sous-jacents du sys-tème d’intermédiation sous la forme de droits valeurs ne peut se voir appli-quer les art. 8 et 7 al. 2 LTI que par analogie et pour autant que les statuts ou les conditions d’émission prévoient la possibilité de la sortie des droits-valeurs du système 169.

168 A l’extinction volontaire des titres intermédiés par la sortie du système des valeurs qui leur sont sous�jacentes, il convient à notre avis d’ajouter le cas de l’annulation ju�diciaire des papiers�valeurs selon les dispositions du Code des obligations ; voir égale�ment les cas de la faillite ou de la dissolution de l’émetteur cités par Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 105.

169 Voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8851 ; Steiner / Büchi, Vom Wertrecht �ur Bucheffekte, p. 77 s. ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 196 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 101 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 114 ; voir toute�fois Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 868, n. 4 ad art. 6�8 LTI, qui retient que l’extinction des titres intermédiés ne peut intervenir que par remise des sous�jacents et que cette remise ne peut avoir lieu que lorsque des certificats individuels peuvent être remis à l’investisseur. L’extension des règles sur l’extinction des titres intermédiés en cas retrait des droits�valeurs est à nos yeux justifiée par le

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Il convient de relever que le droit d’exiger en tout temps l’extinction des titres intermédiés consacré à l’art. 8 al. 1 LTI n’est pas absolu, même si les conditions de l’art. 8 sont remplies. Il faut en effet réserver notamment le droit de rétention du dépositaire sur les titres intermédiés en applica-tion de l’art. 21 LTI. L’extinction de titres intermédiés ne peut à notre avis pas être exigée si les conditions d’exercice de ce droit de rétention sont remplies. A teneur du texte légal, l’extinction des titres intermédiés peut être pro-voquée par le titulaire du compte. La loi ne semble pas exiger que celui-ci soit également titulaire des titres intermédiés dont il demande l’extinction. Dans les hypothèses où la titularité du compte coïncide avec la titularité des titres intermédiés, le régime légal est adéquat. Cependant, il est des cas de divergence entre ces deux titularités. Par exemple, lorsque le titulaire du compte s’est vu octroyer un gage par virement des titres à son compte ou que le titulaire des titres intermédiés souhaite procéder à leur extinction au préjudice d’un titulaire de sûretés sur ces titres. Dans ces circonstances, les modalités pour provoquer l’extinction des titres intermédiés doivent être appréhendées au regard du régime applicable au droit limité grevant les titres intermédiés. En particulier, le consentement de tous les ayants droit devrait, selon nous, être nécessairement recherché.

b. Effets de l’extinction

Dès l’extinction des titres intermédiés, les normes suspendues avec l’en-trée des sous-jacents dans le système d’intermédiation retrouvent leurs effets juridiques. L’objet du transfert ne sera plus le titre intermédié mais le papier-valeur ou le droit-valeur et seules les règles des droits réels, des papiers-valeurs ou des droits-valeurs seront applicables pour les transférer 170.

principe de l’architecture ouverte de la loi sur les titres intermédiés qui doit permettre en tout temps la sortie des valeurs sous�jacentes du système d’intermédiation, cf. également Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 104. D’après Christoph Steiner et Raffael Büchi, la justification de cette application découle également des coûts potentiels engendrés par la tenue du registre des droits�valeurs par l’émetteur en raison de la sortie des sous�jacents du système d’intermédiation, cf. Steiner / Büchi, Vom Wertrecht �ur Bucheffekte, p. 78.

170 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 105.

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105Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

Se pose alors la question de la correspondance entre la personne du titulaire des titres intermédiés jusqu’à leur extinction et celle du titulaire du droit de propriété sur les papiers-valeurs à remettre par le dépositaire, respectivement du titulaire des droits-valeurs à sortir du système. Cette question se pose également pour les éventuels titulaires de droits limités sur les sous-jacents et/ou sur les titres intermédiés. En d’autres termes, il s’agit de régler la question de la compatibilité entre le droit de propriété (ou la titularité) des sous-jacents ou les droits réels limités portant sur ces sous-jacents et la titularité des titres intermédiés faisant l’objet d’une extinction ou les droits limités portant sur ces titres intermédiés. Le droit de propriété des papiers-valeurs ou la titularité des droits- valeurs ont été suspendus 171 pendant la période d’intermédiation et un nouvel objet juridique a été créé. Il s’ensuit une double conséquence. D’une part, les actes de disposition intervenus pendant l’intermédiation ont porté sur les titres intermédiés, soit un objet juridique différent des papiers- valeurs ou des droits-valeurs. D’autre part, en bonne logique, le titulaire d’un droit réel sur les sous-jacents ou le titulaire des droits-valeurs devrait toujours être le même qu’au moment de l’intermédiation puisqu’à ce moment ses droits n’ont été que suspendus. Ainsi, l’extinction des titres intermédiés provoque la “renaissance” des droits réels ou de créances qui existaient au moment de l’intermédiation 172.

B. La définition légale du titre intermédié

La loi définit les titres intermédiés à l’art.  3 al.  1 LTI comme étant les créances et les droits sociaux fongibles à l’encontre d’un émetteur, qui sont inscrits au crédit d’un compte de titres et dont le titulaire du compte peut disposer selon les dispositions de la LTI. Cette brève définition légale ne reflète pas la complexité de l’institution. Les travaux préparatoires, le Mes-sage du Conseil fédéral et la doctrine ne donnent que peu de substance à cette définition. Par ailleurs, la seule jurisprudence du Tribunal fédéral rendue jusqu’ici où la LTI est applicable confirme le statut sui generis des titres intermédiés et reprend leur définition légale sans analyser le détail de leur nature juridique 173. Il convient en conséquence de présenter les

171 ATF 138 III 137/139, cons. 5.2.1. ; Piotet, Titres intermédiés, p. 114.172 ATF 138 III 137/140, cons. 5.2.1. ; Piotet, Titres intermédiés, p. 114.173 Voir l’ATF 138 III 137/139 s., cons. 5.2.1.

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éléments fondamentaux permettant d’appréhender les conditions de la définition légale des titres intermédiés.

1. La fongibilité des droits à l’encontre d’un émetteur

Les droits qui donnent lieu aux titres intermédiés doivent être fongibles à l’encontre d’un émetteur 174. Cela signifie que ces droits doivent avoir un caractère interchangeable. Ils doivent être déterminés par des caractéris-tiques génériques telles que leur émetteur, leur échéance et leur nombre. La délimitation des droits en fonction de leur nombre implique que chaque droit ait la même valeur. Autrement dit, les droits doivent être fraction-nés de la même façon. Cette appréciation doit se faire de façon objec-tive, conformément à l’usage des affaires. Ainsi, sont des biens fongibles ceux qui sont considérés comme tels sur le marché sur lequel ces actifs s’échangent 175. A notre avis, bien que concernant ordinairement des choses mobilières, la notion de fongibilité peut être appliquée à des droits 176. En outre, la notion de fongibilité ne se recoupe pas nécessairement avec la notion de négociabilité des titres susceptibles d’être diffusés en grand nombre sur le marché 177. Cela a pour conséquence que des droits fongibles mais ne pouvant pas être qualifiés juridiquement de valeurs mobilières au sens de l’art. 2 let. a LBVM peuvent constituer des sous-jacents de titres intermédiés au sens de la LTI 178.

2. Les droits crédités et la possibilité d’en disposer selon la LTI

a. Le crédit en compte

Comme nous l’avons vu, la loi pose l’inscription au crédit d’un compte de titres (la bonification) en tant qu’élément constitutif de la création des titres intermédiés. Il convient de relever que la notion d’inscription au

174 La notion d’émetteur n’est définie ni par la LTI ni par la législation boursière, cf. Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 124.

175 Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 166, n. 24 ad art. 3 LTI.176 Voir supra chap. I, § 2, A, 3, p. 24.177 Du même avis, Lanz, Aktientransfers, p. 195, à la note 18 ; contra Hess / Friedrich,

Das neue Bucheffektengeset�, p. 105.178 Au sujet de la distinction entre fongibilité et négociabilité des droits sous�jacents aux

titres intermédiés, voir Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 8 ss.

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107Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

crédit d’un compte de titres recouvre a priori deux réalités distinctes. La première est l’action d’inscrire des titres intermédiés au crédit du compte de titres concerné. Cette action intervient dans la création des titres inter-médiés et lors du transfert de ceux-ci 179. La seconde est l’état d’être inscrit au crédit du compte de titres concerné. C’est cette deuxième acception qui rentre dans la définition légale des titres intermédiés. La définition de la notion légale du crédit en compte représente un défi puisqu’elle s’appuie sur la notion de compte de titres qui, d’une part, ne fait l’objet d’aucune définition légale dans la LTI et, d’autre part, repose sur la convention liant un titulaire de compte (investisseur ou dépositaire) et un (sous-)dépositaire 180. Le crédit en compte de titres représente, d’une part, le fait que les sous-jacents concernés ont été remis à un dépositaire afin d’être échangés au sein du système d’intermédiation et, d’autre part, le fait que le dépositaire dispose, en principe, de la couverture suffisante des ac-tifs qui sont désignés par le crédit 181. Ainsi que nous l’exposons ci-dessous, l’intégration de cette notion éminemment contractuelle issue des relations entre le dépositaire et le titulaire de compte dans la définition légale des titres intermédiés influence la typologie des droits qui sont portés au crédit du compte de titres et par là-même la nature juridique du titre intermédié.

b. Typologie des droits crédités : les droits contre l’émetteur et les droits correspondant aux sous�jacents

Lorsque la loi sur les titres intermédiés énonce que “[l]es titres intermédiés au sens de la présente loi sont les créances et les droits sociaux fongibles à l’encontre d’un émetteur […]”, l’on comprend que les droits émis par l’émetteur sont les titres intermédiés. Or, cette conclusion est incomplète. Le titre intermédié est en fait une réalité composite plus complexe. Il convient de distinguer, au cœur de la notion de titre intermédié, les droits dirigés contre l’émetteur (les droits de créance ou les droits sociaux) et les droits correspondant aux sous-jacents qui sont détenus ou enregistrés auprès du dépositaire.

179 Voir l’art. 6 al. 1 let. a à c LTI pour la création des titres intermédiés et l’art. 24 al. 1 let. b LTI pour le transfert.

180 Voir supra chap. II, § 2, B. 2, p. 87.181 Il se peut qu’une écriture en compte intervienne sans que le dépositaire ait une cou�

verture suffisante auprès du sous�dépositaire ; par exemple en cas de Contractual Settlement, à ce sujet, voir infra chap. III, § 3, B. 2, p. 221.

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108 Joël Leibenson

La notion de droits correspondants est fondamentale, car elle permet de distinguer entre les valeurs sous-jacentes remises au dépositaire et les titres intermédiés créés par l’effet de la loi. Cette distinction est nécessaire puisque ce ne sont plus les sous-jacents qui véhiculent les droits contre l’émetteur. En effet, le système des titres intermédiés remplace la circu-lation des sous-jacents par la passation d’écritures comptables. La nature exacte du contenu de ces écritures comptables doit en conséquence faire l’objet d’une analyse propre.

i. Les droits correspondant aux sous-jacents

Trois éléments contribuent à asseoir la distinction entre les droits dirigés contre l’émetteur et les droits correspondant aux sous-jacents.

aa. Le crédit au compte de titres documente les droits contre l’émetteur. L’analyse du mécanisme de création des titres intermédiés met en évidence que ce sont des droits correspondant aux sous-jacents émis par l’émetteur qui sont portés au crédit du compte de titres. En effet, comme nous l’avons vu lors de l’examen des conditions de création des titres intermédiés 182, la lecture de l’art. 6 al. 1 let. a à c LTI permet de dégager la notion de crédit de droits correspondants aux sous-jacents en compte de titres. Le texte de cet article de loi consacre expressément cette dénomination pour les certificats globaux et les droits-valeurs. La notion de droits correspondant aux sous-jacents est conceptuellement plus facile à appréhender pour ces deux formes. Dans le premier cas, les droits compris dans un certificat global ont le plus souvent plusieurs titulaires différents, le dépôt du cer-tificat au nom de tous ces titulaires de droits n’étant pratiquement jamais réalisé. S’agissant des droits-valeurs, l’exercice est encore plus aisé puisque les valeurs n’existent pas physiquement et qu’il ne peut y avoir de “dépôt” au sens physique au nom du titulaire de droits contre l’émetteur. Dans ces deux cas, seuls des droits correspondant aux sous-jacents que sont un certificat global ou des droits-valeurs émis par l’émetteur peuvent être cré-dités au compte de titres de l’investisseur (et donc créés) par le dépositaire. Le texte de l’art. 6 al. 1 let. a LTI concernant les papiers-valeurs en dépôt collectif ne contient pas la dénomination de droits correspondants. Pour-tant, le mécanisme est exactement le même que pour les deux autres sous-

182 Voir supra chap. II, § 3, A. 1, p. 99.

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109Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

jacents. La raison en est que dans le cas du dépôt collectif, les investisseurs sont titulaires d’une quote-part de copropriété sur chaque titre composant le dépôt. Ainsi, il n’est pas possible d’affirmer que l’investisseur a un droit exclusif sur une partie des titres composant une émission ou sur une partie des titres se trouvant dans un dépôt collectif. Par conséquent, il n’est éga-lement pas possible de porter des titres déterminés au compte de l’investis-seur. Dès lors, le crédit en compte de titres ne peut comptabiliser que des droits correspondant à la quote-part de copropriété dont l’investisseur est titulaire sur chaque titre composant le dépôt collectif.

bb. Le crédit en compte de titres ne peut créer des droits que contre le dépo-sitaire. La mise en compte des positions ne se fonde que sur les rapports contractuels existant entre le dépositaire et le titulaire du compte et sur les mécanismes contenus dans les dispositions de loi sur les titres intermédiés. Il est ainsi logique que le dépositaire ne crédite que des droits correspon-dants aux sous-jacents puisqu’il n’a pas le pouvoir de créer des obligations à la charge de tiers en comptabilisant des droits au crédit du compte de l’investisseur et qu’il ne soit pas le débiteur des droits formant la substance économique des titres intermédiés. Le droit correspondant au sous-jacent est un droit contre le déposi-taire, à la différence des droits patrimoniaux et sociaux, qui ne sont pas dirigés contre ce dernier 183. Le crédit en compte de titres ne représente un droit correspondant au sous-jacent que dans la perspective du transfert du titre intermédié ou de la constitution d’une sûreté ou d’un usufruit, puisque le dépositaire ne fait que transmettre ces droits 184 ou participer à la constitution du droit limité. Ce système d’intermédiation est consacré à l’art. 13 al. 2 LTI : le titulaire d’un compte ne peut exercer ses droits sur des titres intermédiés que par l’intermédiaire de son dépositaire 185, à moins que la LTI n’en dispose autrement. Cette norme consacre donc un droit du titulaire de compte à l’encontre du dépositaire à la mise en œuvre de ses droits contre l’émetteur 186. Ce droit à la mise en œuvre des droits contre l’émetteur est le droit correspondant au sous-jacent.

183 Voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858 ; Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 49.184 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858.185 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858.186 Ceci est conforme à la systématique même de la norme, située dans la section 1 de la

loi (“Droits généraux du titulaire d’un compte”) au sein du chapitre 4 de la loi consa�crant les “Droits résultant des titres intermédiés”.

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cc. La notion de droits correspondant et la titularité des droits contre l’émetteur. La notion de crédit de droits correspondant aux sous-jacents n’est pas contradictoire avec le fait que la titularité du titre intermédié va en principe de pair avec la titularité des droits contre l’émetteur. La dé-finition légale est très claire à cet égard : les créances et les droits sociaux dirigés contre l’émetteur font partie du titre intermédié 187. En outre, la LTI n’a pas vocation à s’appliquer à la relation entre l’émetteur des droits et les investisseurs puisque celle-ci n’est pas l’objet de la loi, délimité à l’art.  1 al. 1 LTI. Il ressort également de façon expresse de l’art. 13 al. 1 LTI, que la création d’un titre intermédié ne modifie pas les droits de l’investisseur à l’égard de l’émetteur. Ainsi, la LTI ne rompt pas le lien direct entre l’inves-tisseur titulaire du compte de titres et l’émetteur des droits 188. Le contenu des droits contre l’émetteur demeure réglé par les statuts de l’émetteur et/ou les conditions d’émission 189. Ce lien direct prévaut en droit suisse. La situation peut cependant être toute autre lorsqu’un droit étranger entre en ligne de compte 190. Il s’agit là du troisième élément qui fonde la distinction entre le droit contre l’émetteur et le droit correspondant aux sous-jacents. Nous avons tout d’abord vu la nécessité de reconnaître la qualité de titres intermédiés à des valeurs qualifiées d’étrangères parce qu’émises par un émetteur étranger ou déposées ou enregistrées auprès d’un dépositaire étranger 191. Nous avons également observé que certains ordres juridiques étrangers, dont le droit est applicable à des sous-jacents faisant fréquem-ment l’objet de transactions exécutées sur des comptes de titres tenus par des dépositaires suisses, ne procurent pas de droits contre l’émetteur à l’in-vestisseur. C’est par exemple le cas des droits anglais et américain 192. Ainsi,

187 Kuhn, Die Modernisierung, p.  135 ; Eigenmann, Aspects choisis, p.  108 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 103.

188 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8846 et 8858 ; Hess / Friedrich, Das neue Buch�Buch�effektengeset�, p. 103 ; Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 49 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 207 ; Lanz, Aktientransfers, p. 200.

189 Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 425, n. 1302 ; voir également Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 113.

190 Cf. Kuhn, Die Modernisierung, p. 135, au sujet de l’art. 8 du Uniform Commercial Code américain.

191 Voir supra chap. II, § 2, B. 4. c, p. 92.192 Voir supra chap. II, § 1, B. 2, p. 67 ; cf. Thévenoz, Intermediated Securities, p. 19

à 28 ; Thévenoz, De Rome à La Haye, p. 125 s. ; au sujet des droits anglais et améri�cain, voir encore Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p. 55 ss et 88 ss, ainsi que Costantini, Anknüpfungsgegenstände, p. 182 ss et 200 ss.

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111Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

lorsque des sous-jacents constitués ou conservés selon ces droits donnent lieu à des titres intermédiés dont le transfert est apprécié au regard de la LTI, les droits de créance ou les droits sociaux contre l’émetteur étran-ger ne compètent pas au titulaire du compte de titres. Partant, lorsque des titres sont soumis à un droit étranger qui ne prévoit pas les droits directs du titulaire de compte contre l’émetteur, ces droits ne tomberaient a priori pas dans la définition des titres intermédiés contenue à l’art. 3 al. 1 LTI. Cependant, la LTI fournit une solution à cette problématique dans le cadre des règles régissant les effets du sous-dépôt. L’art. 10 al. 2 LTI traite spécifiquement des cas de détention auprès d’un sous-dépositaire qui ne sont pas soumis au droit suisse et prévoit que le titulaire du compte ac-quiert contre le dépositaire 193 des droits au moins équivalents aux droits obtenus par le dépositaire contre le sous-dépositaire ou l’émetteur 194. Ces droits équivalents aux droits contre l’émetteur sont des droits correspon-dant aux sous-jacents. Ils sont dirigés contre le dépositaire et se substituent aux droits contre l’émetteur dans la définition légale des titres intermédiés par l’effet de l’art. 10 al. 2 LTI. On le voit, si la notion de droits correspondant aux sous-jacents n’est pas intégrée dans la définition des titres intermédiés, un nombre considé-rable d’instruments financiers étrangers ne tombent pas dans le champ d’application de la LTI. Les investisseurs et les dépositaires suisses per-draient, dans ces cas, le bénéfice de ses nouvelles dispositions.

ii. Le titre intermédié : un ensemble de droits

Au vu des trois éléments que nous venons d’exposer, l’inclusion de la no-tion de droits correspondant aux sous-jacents comme élément essentiel de la définition des titres intermédiés permet de lui donner une base stable et cohérente quel que soit le droit applicable à l’émission des sous-jacents et/ou à leur conservation. En outre, cette notion est en tout point conforme avec le statut de vecteur neutre des titres intermédiés assuré par les dépo-sitaires dans le système d’intermédiation.

193 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8854.194 Cette solution, certes pragmatique (cf. Lanz, Aktientransfers, p. 202 s.), n’apporte

qu’une prévisibilité juridique minime quant au contenu effectif des droits dont béné�ficie le titulaire du compte. Mais, il ne peut en aller autrement, car les effets du droit suisse trouvent logiquement leurs limites dans l’application du droit étranger.

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Les droits équivalents aux droits contre l’émetteur, tirés de l’art. 10 al. 2 LTI, sont de même nature que les droits correspondant aux sous-jacents que nous avons mentionnés plus haut. Ils en sont un exemple expressé-ment prévu par la LTI. Ces deux types de droits doivent être admis, pour des motifs distincts, dans le but de mettre en œuvre les droits de créance et les droits sociaux créés par l’émetteur. En effet, dans le cas de titres étran-gers, la mise en œuvre par le dépositaire de droits dirigés contre l’émetteur peut être nécessaire si, comme on l’a vu selon certains droits étrangers, le titulaire de compte n’est titulaire que d’un droit dirigé contre le dépo-sitaire. S’agissant du droit suisse, bien que la titularité des droits dirigés contre l’émetteur compète au titulaire de compte, il ressort du système d’intermédiation que ces droits sont exercés exclusivement par le biais du dépositaire, conformément à l’art. 13 al. 2 LTI. Le titre intermédié est ainsi constitué d’un ensemble de droits. Ces droits sont dirigés pour partie contre l’émetteur, lorsqu’un lien direct existe entre lui et l’investisseur, et pour partie contre le dépositaire. La fonction des droits dirigés contre le dépositaire est de permettre la mise en œuvre des droits directs de l’investisseur contre l’émetteur ou de permettre la mise en œuvre au profit du titulaire de compte d’un éventuel droit direct dont le dépositaire serait titulaire en vertu d’un droit étranger. Le Groupe d’experts chargé d’élaborer l’avant-projet de loi sur les titres intermédiés utilise l’expression “Bündel von Rechten” 195, que l’on peut traduire par “un ensemble de droits”, pour restituer la réalité composite des titres intermé-diés sans pour autant définir précisément la nature et le contenu de cet ensemble de droits. L’idée exprimée est bien celle de droits distincts mais formant un tout : le titre intermédié.

iii. Questions terminologiques

En dépit des avantages de la nouveauté de l’expression 196 pour désigner une institution juridique nouvelle, il subsiste une certaine imprécision dans

195 Cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 42.196 La désignation de “titres intermédiés” est ainsi en accord avec le droit harmonisé

par la Convention UNIDROIT, qui ne se rattache à aucune tradition juridique parti�culière, cf. Thévenoz, Intermediated Securities, p. 47 ; voir cependant la critique du Prof. Steinauer, exprimant qu’il eût peut�être été préférable de choisir les termes “va�leurs en compte” plutôt que titres intermédiés, ces derniers termes étant issus de la

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la désignation des titres intermédiés. Cette imprécision est inhérente au phénomène de création progressive d’un nouveau droit dans un contexte fortement international et reposant sur des pratiques sociales établies de-puis des décennies. D’une part, s’agissant du droit interne suisse, les désignations de “titres intermédiés” et de “Bucheffekten” ont déjà été employées avant l’adoption de la loi sur les titres intermédiés afin de désigner les valeurs émises faisant l’objet d’une détention physique par un intermédiaire ou non, mais dont les actes de disposition étaient documentés par des écritures en compte déclaratives 197. Il faut, à notre avis, réserver l’appellation titres intermé-diés (Bucheffekten, titoli contabili) à l’institution créée par la LTI et ne pas l’employer pour désigner les papiers-valeurs en dépôt collectif, les certi-ficats globaux ou les droits-valeurs, faisant l’objet, en tant que tels, d’une détention auprès d’un intermédiaire financier. Cela permet de distinguer clairement les valeurs sous-jacentes des titres intermédiés. L’identification dogmatique du nouveau corps de règles sera ainsi facilitée et son applica-tion s’en trouvera plus aisément détachée des réflexes relatifs à des règles qui n’entrent plus en ligne de compte 198. D’autre part, au niveau du droit harmonisé, la notion de titres intermé-diés au sens de la Convention UNIDROIT ne coïncide pas entièrement avec celle de la LTI 199. Le risque de confusion entre les instruments financiers sous-jacents et les titres intermédiés est ici également observé, mais il est de moindre portée 200. La raison en est que le droit harmonisé contient la base commune à tous les droits nationaux et la notion de titre intermédiés

pratique et pouvant porter à confusion quant à la nature des droits des investisseurs, cf. Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 163 s.

197 Cf., par exemple, Thévenoz, L’état de fait, p. 1 ss ; Rickenbacher, Globalurkunden, p. 216 ss ; Brunner, Wertrechte, p. 78 s. ; Steiner / Büchi, Vom Wertrecht �ur Buch�Buch�effekte, p. 74.

198 La même distinction doit être faite s’agissant du droit harmonisé par la Convention UNIDROIT : cf. Thévenoz, Intermediated Securities, p. 36 : “By requiring that rules be capable of application and implementation in any legal system, the functional ap-proach calls for the adoption of an operational concept different from the securities themselves”.

199 Thévenoz, Intermediated Securities, p. 38 s.200 Voir la définition même des titres intermédiés qui, de façon troublante, inclut les

“titres portés au crédit d’un compte de titres” à coté de “tous droits sur des titres qui résultent du crédit de titres à un compte de titres”, cf. art. 1 let. b) du projet de Convention.

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est volontairement limitée à cette base commune par la Convention. Une large place est réservée au droit national non-conventionnel dont le rôle, complétant la notion harmonisée de titre intermédié, est inhérent à la mé-thode d’harmonisation choisie. La notion de titres intermédiés au sens de la Convention est ainsi composée d’un noyau commun, harmonisé, au-quel s’additionnent différents droits relevant chaque fois de l’ordre juri-dique de l’Etat l’ayant adoptée 201.

iv. Synthèse

A l’examen de la définition légale des titres intermédiés, l’on constate que ceux-ci constituent une réalité composite qui se décline sur deux plans. Le premier plan contient une distinction entre les droits de créance et sociaux dirigés contre l’émetteur et les droits correspondant à ces droits émis par l’émetteur. Les droits correspondants sont reconnus par la loi sur les titres intermédiés au titulaire de compte dans le cadre de la relation qui le lie au dépositaire. Le second plan consacre une distinction entre les titres intermédiés dont les sous-jacents sont des valeurs émises et conservées selon le droit suisse et les titres intermédiés dont les sous-jacents sont certaines valeurs étrangères. Les valeurs en question sont celles qui sont émises en appli-cation d’un droit étranger et/ou conservées conformément à un droit étranger ne reconnaissant pas à l’investisseur la titularité directe de droits contre l’émetteur. Cette titularité revient à un ou plusieurs intermédiaires participant à la chaîne de détention des valeurs concernées. Dans ce cas, la LTI prévoit que le titulaire de compte est au bénéfice de droits équivalents à ceux que le dépositaire peut faire valoir contre son sous-dépositaire ou contre l’émetteur. Ces droits équivalents sont dirigés contre le dépositaire qui tient le compte pour l’investisseur. Ces deux niveaux regroupent autant de droits dont il convient de te-nir compte afin d’analyser la nature juridique exacte des titres intermé-diés. Il s’ensuit que parmi les positions inscrites au crédit d’un compte de titres figurent dans tous les cas les droits correspondant aux sous-jacents consacrés par la LTI. Ces droits servent la mise en œuvre des droits dirigés

201 Thévenoz, Intermediated Securities, p. 40 et 44. Voir également Unidroit, Etude LXXVIII, Doc. 23 rév., annexe 6, p. 2.

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contre l’émetteur au profit de l’investisseur. Dans le cas où les sous-jacents sont émis et conservés en application du droit suisse, les positions inscrites au crédit d’un compte de titres comportent en outre les droits de créance ou les droits sociaux dirigés contre l’émetteur. Dans les cas où les sous-jacents sont émis et conservés originairement en application d’un droit étranger ne reconnaissant pas de lien direct entre l’émetteur et l’investis-seur, les positions inscrites au crédit d’un compte de titres comportent les droits équivalant à ceux que le dépositaire peut faire valoir dans la chaîne d’intermédiation, qui sont également des droits correspondant aux sous-jacents étrangers dans la mesure où ils permettent la mise en œuvre au profit de l’investisseur des droits dirigés contre l’émetteur.

c. La possibilité de disposer des droits crédités selon la LTI

Selon l’art. 3 al. 1 let. b LTI, une des conditions légales des titres intermé-diés est que le titulaire de compte doit pouvoir disposer des droits inscrits au crédit d’un compte de titres selon les dispositions de la LTI. L’interpré-tation systématique et téléologique de cette norme permet d’envisager trois possibilités.

i. Une tautologie ?

L’art. 3 al. 1 let. b LTI semble procéder d’une tautologie où le prédicat se retrouverait sujet 202. En effet, la condition qui y est posée pour être un titre intermédié est la soumission au régime juridique applicable au transfert des titres intermédiés. Si les droits crédités en compte sont qualifiés de titres intermédiés, ils suivront nécessairement le régime juridique applicable au transfert de titres intermédiés. Dès lors, cette condition est toujours vraie puisque les titres intermédiés suivent toujours le régime juridique qui leur est applicable. Afin de contourner ce constat, l’on pourrait considérer que la seule présence d’un ensemble de droits fongibles crédités sur un compte de titres serait nécessaire à constituer des titres intermédiés 203. Il

202 Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 169, n. 34 ad art. 3 LTI.203 Le Message du Conseil fédéral, qui ne contient aucune explication au sujet de la

condition du pouvoir de disposer en particulier, semble mettre en l’avant l’idée que l’élément essentiel de la définition des titres intermédiés est l’inscription au crédit d’un compte de titres, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8846.

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en découlerait alors que le pouvoir de disposer ne serait pas une condition de la définition des titres intermédiés, mais une conséquence juridique de leur présence dans le patrimoine d’une personne.

ii. Nécessité d’un véritable pouvoir de disposer ?

L’on pourrait retenir que la norme pose véritablement, au sens technique, l’exigence du pouvoir de disposer du titulaire sur les droits inscrits au cré-dit de son compte afin que ceux-ci puissent être qualifiés de titres intermé-diés. Cette interprétation induirait des conséquences tout à fait notables dans la définition et l’utilisation de certains mécanismes prévus dans la loi sur les titres intermédiés. L’observation de certaines particularités résul-tant du système d’intermédiation permet d’apporter des éléments étayant une telle interprétation de la norme considérée. Retenir l’exigence du pouvoir de disposer comme élément constitutif de la définition des titres intermédiés permettrait de donner un statut clair aux multiples inscriptions en comptes de titres intervenant aux différents niveaux de la chaîne d’intermédiation. Prenons l’exemple d’une émission comptant 100 droits émis et portés au compte du dépositaire tenu par le dépositaire central agissant comme sous-dépositaire. Conformément à l’art. 6 let. a, b ou c LTI, 100 titres intermédiés sont créés. Le dépositaire crédite ensuite 50 titres intermédiés sur le compte du client A et 50 titres intermédiés sur le compte du client B. A ce stade, 200 crédits à des comptes de titres (les 100 auprès du sous-dépositaire, les 50 du client A et les 50 du client B auprès du dépositaire) peuvent remplir une définition des titres intermédiés. En effet, ces 200 crédits concernent des droits fongibles à l’en-contre d’un émetteur sont inscrits à un compte de titres. Pourtant, il n’y a que 100 valeurs émises par l’émetteur. L’application des normes de droit privé contenues dans la LTI, visant la conservation et le transfert de ces valeurs, ne peut pas conduire à une multiplication des actifs patrimoniaux qui serait le fait d’une qualification imprécise de la notion même de titre intermédié. Dans notre exemple, les clients A et B ont acquis ces titres et ont seuls le pouvoir juridique de disposer des titres intermédiés créés, ceux-ci fi-gurent dans leur patrimoine respectif 204. L’ajout de l’exigence d’un pou-

204 Le fait que les inscriptions auprès du sous�dépositaire soient faites au crédit d’un compte omnibus, à savoir un compte sur lequel les titres des clients du dépositaire ne

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117Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

voir de disposer sur les droits crédités qualifierait ainsi seulement les 100 positions comptables créditées sur le comptes des deux clients A et B comme titres intermédiés, ce qui se conformerait au principe de l’intégrité de l’émission créée par l’émetteur 205. La distinction entre les titres inter-médiés et les écritures en compte qui n’en sont pas est cependant faite en application d’un autre critère que l’exigence du pouvoir de disposer du ti-tulaire de compte. Il s’agit de la notion de titres disponible ancrée à l’art. 11 LTI (ci-après aa.). L’absence de nécessité du pouvoir de disposer est éga-lement confirmée par l’analyse de l’effet qu’aurait une telle condition sur les mécanismes prévus par la LTI pour accomplir les actes de disposition (ci-après bb.).

aa. Distinction entre titres intermédiés et titres disponibles. Plusieurs élé-ments d’interprétation consacrent une distinction juridique entre les titres disponibles et les titres intermédiés. En premier lieu, les explications contenues dans le Message relatif à l’art. 11 al. 3 let. a LTI précisent la portée de cette norme. Celle-ci s’applique même si le compte auprès du sous-dépositaire est un compte collectif tenu pour les clients du dépositaire (compte Loro) 206. En dépit de la teneur du texte légal, ce dernier est ainsi applicable à des situations où il est clai-rement reconnaissable pour le sous-dépositaire que les positions comp-tabilisées au nom du dépositaire appartiennent aux clients de celui-ci. En conséquence, l’appellation “titres intermédiés” à l’art. 11 al. 3 let. a LTI pour les positions inscrites au crédit d’un compte de titres du dépositaire auprès d’un sous-dépositaire ne les qualifie pas juridiquement de titres intermé-diés sens de l’art. 3 LTI. En réalité, ces positions ne tombent dans la défi-nition des titres intermédiés que lorsque la présomption de titularité des

sont pas ségrégués de ses éventuels titres propres (à ce sujet, voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8856 s.), n’empêche pas de conclure au fait que seuls les clients du dépositaire ont ce pouvoir de disposition. En effet, l’art. 17 al. 2 LTI prévoit que la titularité des titres crédités sur le compte du dépositaire auprès du sous�dépositaire est présumée en faveur des clients du dépositaire. Bien que l’art. 17 al. 2 LTI soit inséré dans la section 2 du chapitre 4 de la loi consacrée aux droits du titulaire d’un compte lors de la liquidation d’un dépositaire, cette présomption vaut à notre avis en tout temps (cf., dans le même sens, Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8857).

205 A ce sujet, voir supra chap. II, § 2, A, 2. b, p. 82.206 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8855.

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clients du dépositaire ancrée à l’art. 17 al. 2 LTI est renversée 207. Dans ce cas, les positions correspondent alors à des titres propres du dépositaire crédités à son compte et sur lesquels ce dernier à le pouvoir juridique de disposer. La distinction entre titres disponibles et titres intermédiés est par ailleurs corroborée par la teneur de l’art. 12 al. 2 LTI. Celui-ci prévoit, en cas de ségrégation des titres du dépositaire et des titres de ses clients sur deux comptes distincts auprès du sous-dépositaire, que le dépositaire ne peut pas disposer des titres de ses clients avant de les avoir transférés à son propre compte (Nostro) dans le cadre de l’exercice d’un droit d’utilisation selon l’art. 22 LTI. La titularité du compte de titres et le pouvoir de dispo-ser doivent ainsi coïncider dans la personne de la banque pour que son patrimoine contienne effectivement des titres intermédiés susceptibles de faire l’objet d’un acte de disposition. De façon correspondante, l’exercice du droit d’utilisation en cas de compte omnibus auprès du sous-dépositaire ne devrait pouvoir intervenir que moyennant le débit des titres à utiliser du compte de l’investisseur et leur crédit sur le compte Nostro que le dépo-sitaire tient pour ses positions. En second lieu, la cohérence interne de l’art. 11 LTI empêche également que les positions comptabilisées auprès du sous-dépositaire soient quali-fiées en tant que telles de titres intermédiés. En effet, l’art. 11 al. 1 LTI accole, entre parenthèse, la dénomination de “titres disponibles” à la mention des titres intermédiés auprès du sous-dépositaire. Or, la définition des titres disponibles à l’art. 11 al. 3 let. a à c LTI recouvre trois réalités différentes, dont la teneur des lettres b et c démontre clairement que les titres dispo-nibles ne sont pas des titres intermédiés, mais correspondent bien plutôt à la détention de sous-jacents permettant la création de titres intermédiés ou à l’existence d’une prétention en remise de tels sous-jacents. En conclusion, les titres disponibles, au sens de l’art. 11 LTI, peuvent être définis comme les titres en dépôt collectif et certificats globaux détenus par le dépositaire, ainsi que les écritures figurant au crédit du compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire destinées à couvrir les titres intermédiés crédités sur

207 A notre avis, en cas de compte omnibus, comptabilisant indistinctement auprès du sous�dépositaire les titres du dépositaire et ceux de ses clients, cette présomption est renversée en tout cas lorsque les titres sont débités du compte de l’investisseur et crédités sur le compte interne Nostro que le dépositaire tient pour ses positions propres.

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le compte des investisseurs. Ces titres disponibles ne constituent pas des titres intermédiés au sens strict, malgré le texte trompeur des art. 10 al. 1, 11 al. 1 et 3 let. a LTI, qui semble admettre que les positions comptabilisées auprès du sous-dépositaire sont des titres intermédiés.

bb. Conséquences de l’exigence du pouvoir de disposer. Si l’on retient que la définition légale des titres intermédiés comporte l’exigence du pouvoir de disposer du titulaire du compte, au sens technique, cela peut avoir au moins deux conséquences notables sur la définition des mécanismes per-mettant les actes de disposition sur les titres intermédiés. Premièrement, il se pourrait que des positions créditées selon le prin-cipe du Contractual Settlement ne soient alors pas qualifiées de titres in-termédiés. Dans les cas où le dépositaire doit se procurer sur le marché les titres que le client souhaite acquérir, la pratique du Contractual Settlement lui permet de créditer les positions sur le compte du client avant d’avoir obtenu lui-même la livraison comptable des titres qu’il a acquis pour son client 208. Ce faisant, les droits contre l’émetteur n’ont pas encore été acquis par le dépositaire de l’investisseur et ne peuvent par conséquent pas se trouver dans le patrimoine du titulaire de compte final. Ces inscriptions anticipées au crédit d’un compte de titres seraient ainsi des titres intermé-diés “en devenir”, puisque le crédit au compte ne s’accompagne pas d’un pouvoir de disposer correspondant. De telles positions comptables ne ren-treraient pas dans une définition des titres intermédiés nécessitant le pou-voir de disposer. Cependant, aussitôt que le dépositaire de l’investisseur obtient le crédit des titres auprès du sous-dépositaire (à savoir la livraison comptable), il acquiert effectivement la titularité de ceux-ci pour son client et le crédit anticipé procure alors définitivement au titulaire de compte final le bénéficie des droits des droits dirigés contre l’émetteur 209. Si l’on admet que le crédit anticipé selon le Contractual Settlement ne procure pas immédiatement à l’investisseur la titularité d’un titre

208 Pour plus de détails sur la notion du Contractual Settlement, voir infra, chap. III, § 3, B. 2, p. 221.

209 Il convient de noter que seul le crédit au compte de titres de l’investisseur est sujet au Contractual Settlement. La pratique du dépositaire central suisse de titres avec les comptes que les intermédiaires ont auprès de lui ne repose pas sur ce mécanisme. Les comptes des dépositaires ne sont crédités que lorsque que le dépositaire central reçoit effectivement les sous�jacents ou obtient un crédit sur son compte auprès d’un dépositaire international pour des sous�jacents étrangers.

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intermédié en tant qu’actif tombant effectivement dans son patrimoine 210, sa situation n’est pas pour autant péjorée par rapport à un crédit ayant un effet immédiat. En effet, en cas de faillite de son dépositaire, le titulaire de compte final bénéficie, selon l’art. 17 al. 1 let. c LTI, de la distraction à son profit de la prétention du dépositaire en livraison des valeurs ayant fait l’objet d’un crédit anticipé 211. Deuxièmement, l’exigence du pouvoir de disposer du titulaire du compte afin de qualifier de titres intermédiés les positions figurant à son crédit pourrait influencer de manière sensible les institutions mises en place par la LTI dans le but de procurer des sûretés sur des titres intermédiés. Une telle condition aurait pour effet de ne pas permettre l’utilisation du transfert de titres intermédiés par bonification sur un compte dans le but de constituer un gage sur ceux-ci, comme cela serait envisageable en application des articles 24 al. 1 et 25 al. 1 LTI 212. Le titulaire d’une telle sû-reté n’a pas le pouvoir de disposer des titres intermédiés qui sont crédités à son compte, il ne peut que les faire réaliser soit par le biais de l’exécu-tion forcée, soit conformément à l’art. 31 LTI s’il en a été convenu ainsi. En conséquence, une sûreté ne conférant pas le pouvoir de disposer à son bénéficiaire ne pourrait pas intervenir par le crédit des titres engagés sur le compte du bénéficiaire. Dans ce cas en effet, le titulaire du compte sur lequel ces positions seraient créditées n’ayant pas le pouvoir d’en disposer, celles-ci ne rempliraient alors pas la condition de l’art. 3 al.  1 let. b LTI, perdant du même coup leur qualification de titres intermédiés. La même problématique se poserait en sens inverse pour le transfert de titularité des titres intermédiés aux fins de sûreté par la conclusion d’une convention irrévocable au sens de l’art. 25 al. 1 LTI, 2e hypothèse. Dans ce cas, les titres resteraient crédités sur le compte du constituant qui conclu-rait une convention avec le dépositaire seulement ou avec le dépositaire et le bénéficiaire. Le bénéficiaire devrait acquérir la titularité des titres visés par la convention et le constituant serait logiquement dépourvu du pou-voir d’en disposer. Les titres concernés se retrouveraient alors au crédit du

210 Sur les effets du Contractual Settlement dans les mécanismes de l’acte de disposition sur des titres intermédiés, voir infra chap. III, § 3, C. 2. c, p. 230 ; s’agissant en par�ticulier la revente immédiate de valeurs créditées par anticipation, voir infra chap. V, § 3, B. 2. c, p. 382.

211 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8862.212 A ce sujet, voir infra chap. III, § 1, A. 2. b. ii, p. 159.

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121Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

compte d’un titulaire de compte qui n’en aurait pas le pouvoir de dispo-ser, excluant ici aussi que ces positions créditées puissent être qualifiées de titres intermédiés. Le même raisonnement s’appliquerait également à la sûreté en faveur du dépositaire, consacrée par l’art. 26 LTI. Si cette sûreté visait un transfert de titularité fiduciaire des titres au dépositaire, les positions qui resteraient créditées sur le compte du constituant ne rempliraient pas la définition des titres intermédiés puisque le pouvoir de disposer des valeurs compéterait exclusivement au dépositaire. Si le pouvoir de disposer au sens technique devait être retenu au nombre des conditions à remplir par des écritures en compte pour être qualifiées de titres intermédiés, il conviendrait de conclure que le transfert fiduciaire de titres intermédiés ne pourrait intervenir que par transfert au compte du fiduciaire, le gage sur les titres intermédiés ne pourrait inter-venir que par convention irrévocable selon l’art. 25 al. 1 LTI ou, en faveur d’un dépositaire, par une convention au sens de l’art. 26 LTI. Nous verrons plus loin que la notion de sûreté selon les art. 24, 25 et 26 LTI implique que la titularité du compte de titres peut être indépendante de la titularité des titres intermédiés pour autant que le moyen employé (transfert en compte ou conclusion d’une convention selon les art. 25 et 26 LTI) serve à accom-plir un acte de disposition et non à conférer au titulaire de compte une simple maîtrise de fait sur les titres qui sont crédités sur son compte 213.

iii. La faculté de transférer les instruments financiers par un crédit en compte de titres

En réalité, la notion de pouvoir de disposition du titulaire de compte sur les titres intermédiés qui est contenue dans l’art. 3 al. 1 let. b LTI doit être comprise dans un sens non technique. Il est ici question non du pouvoir juridique de disposer sur les éléments patrimoniaux que sont les titres in-termédiés, mais plutôt de l’aptitude des instruments financiers à pouvoir faire l’objet d’un acte de disposition en application des mécanismes prévus dans la LTI, à savoir, pouvoir être transférés par un crédit en compte de titres 214. Cela implique que les droits composant les instruments financiers

213 Voir infra chap. III, § 1, A. 2. b. iii, p. 161 ; chap. III, § 2, C. 1, p. 210 ; chap. IV, § 1, B. 2, p. 246.

214 Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 169, n. 34 ad art. 3 LTI.

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sous-jacents des titres intermédiés soient négociables, c’est-à-dire libre-ment transférables. La négociabilité limitée des actions nominatives liées est couverte par l’exception instaurée par l’art. 24 al. 4 LTI, qui déroge à la condition de la libre transférabilité prévue à l’art. 3 al. 1 let. b LTI 215. Il ressort de ce qui précède que la condition posée par l’art. 3 al. 1 let. b LTI est une expression du législateur signifiant que les droits visés par la définition des titres intermédiés ne peuvent être que soumis à la LTI s’agis-sant de leur disposition et ne peuvent être soumis à d’autres institutions de notre ordre juridique telles que celles qui résultent des droits réels, du droit des papiers-valeurs ou du droit matériel applicable à la relation entre l’émetteur et l’investisseur, hormis les restrictions applicables aux actions nominatives liées.

iv. Synthèse

A comparer les trois hypothèses que nous venons d’évoquer en relation avec l’exigence de la faculté de disposer selon les dispositions de la LTI posée à l’art. 3 al. 1 let. b LTI, il ressort tout d’abord que l’éventualité d’une malencontreuse tautologie est improbable. Ensuite, le choix entre la né-cessité ou non d’un véritable pouvoir juridique de disposer du titulaire du compte a des conséquences pour l’ensemble des institutions composant le régime juridique mis en place par la loi sur les titres intermédiés. Ainsi que nous l’avons posé en dernier lieu, nous sommes d’avis que la condi-tion posée à l’art. 3 al. 1 let. b LTI à la définition des titres intermédiés ne prévoit qu’une exigence relative aux instruments qui font l’objet de l’inter-médiation et non un véritable pouvoir juridique de disposer du titulaire de compte sur les titres qui sont crédités sur son compte. Cette manière de voir assure que la définition des titres intermédiés favorise une flexibilité maximale dans l’utilisation des mécanismes de constitution de sûretés sur des titres intermédiés. Le gage par transfert des titres et le transfert de titularité fiduciaire par convention selon les art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LTI sont ainsi compatibles avec une définition des titres in-termédiés, ne nécessitant pas un pouvoir de disposer au sens technique du titulaire du compte au crédit duquel les titres grevés figurent.

215 Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 9 ; Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 169 s., n. 35 ss ad art. 3 LTI.

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123Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

§ 4 Les actes de disposition en droit privé

En droit privé, les conditions de l’acte disposition font traditionnellement l’objet de distinctions fondamentales, parfois controversées, entre les droits réels et les droits de créance, notamment quant à la publicité donnée à l’acte de disposition ou quant aux liens entretenus avec l’acte généra-teur d’obligations. D’autres droits subjectifs, tels que les droits de la pro-priété intellectuelle ou les droits corporatifs, peuvent suivre des régimes spéciaux 216. La LTI s’inscrit dans cette ligne puisque la nature sui generis du titre intermédié induit la mise en place de mécanismes nouveaux et particuliers pour en disposer. Nous devons cependant déterminer la me-sure dans laquelle le régime ad hoc créé par la LTI se distingue ou se rap-proche des solutions retenues en rapport avec les droits réels et les droits de créance. Il nous faut pour cela tout d’abord exposer les conditions qui interviennent ordinairement dans le cadre des actes de disposition sur des droits patrimoniaux afin de pouvoir ensuite déterminer l’étendue de leur application dans les mécanismes de disposition sur les titres intermédiés.

A. La manifestation de(s) volonté(s)

L’élément central de l’acte de disposition est l’effet juridique contenu dans la manifestation de volonté du disposant. L’acte de disposition est toutefois déterminé par l’objet (un droit réel, un droit de créance, etc.) sur lequel il porte. En effet, le sort d’un droit ne peut être que celui que sa nature juridique et matérielle lui permet de suivre. Ainsi, les parties ne peuvent convenir qu’une créance nécessite un transfert de possession afin d’être valablement transférée, cela étant matériellement impossible. Elles ne peuvent non plus convenir qu’une créance devra être inscrite au registre foncier, instrument de publicité des droits réels immobiliers, pour être va-lablement cédée. De même, le transfert de la propriété mobilière ne peut intervenir sans transfert de la possession, ni celui des immeubles sans ins-cription au registre foncier, sauf exception prévue par la loi.

216 Voir, par exemple, l’art. 900 al. 3 CC, qui réserve des dispositions spécifiques appli�cables à la mise en gage de certains droits ; voir par ailleurs Rey, Der Gutglaubenser�Gutglaubenser�werb im Immaterialgüterrecht, p. 55 à 78 au sujet des actes de disposition en matière de propriété intellectuelle.

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Deux aspects nous semblent devoir être mis en évidence. Il s’agit tout d’abord du caractère unilatéral ou bilatéral de la manifestation de volonté. Il convient ensuite d’apporter des précisions au sujet de la distinction entre les actes de disposition, les actes d’attribution et l’exercice des droits formateurs.

1. Un acte unilatéral ou bilatéral ?

S’agissant des droits de créance, les actes visant la constitution d’un droit, le transfert, la modification ou l’extinction ne peuvent en principe avoir lieu que par contrat entre le disposant et le bénéficiaire 217. Concernant les droits réels mobiliers, le siège de la manifestation de volonté du disposant est le contrat réel 218. Le contrat réel est l’acte bila-téral par lequel le disposant manifeste sa volonté de constituer, de modi-fier ou de transférer un droit en faveur du bénéficiaire, qui manifeste son acceptation 219. En matière immobilière, l’acte de disposition est, à première vue, visé par la majorité des auteurs comme étant un acte (formellement) unilatéral 220. Dans les cas où la loi prévoit un effet constitutif à l’inscrip-

217 A l’exception de la reprise privative de dette (art. 176 CO) et de la constitution d’un droit en faveur d’un tiers au moyen de la stipulation pour autrui (art. 112 CO), van de Sandt, L’acte de disposition, p. 21, n. 76 et p. 126, n. 373.

218 Voir, par exemple, Deschenaux, Das Grundbuch, p.  268  s. ; Tuor / Schnyder / Schmid / Rumo�Jungo, Schwei�erische Zivilgeset�buch, p. 997, n. 5 ; Schönenberger / Jäggi, Zürcher Kommentar, p. 254 s., n. 95 ad art. 1 CO ; van de Sandt, L’acte de dis�position, p. 24 ss, n. 85 ss ; Rey, Die Grundlagen, p. 440 ss, n. 1699 ss. La question est toutefois controversée de savoir si la volonté des parties doit être inférée du contrat générateur d’obligations, du transfert de possession ou si elle ne serait pas requise du tout ; pour des perspectives récentes sur cette controverse, cf. Steinauer, Droits réels II, p. 309 s., n. 2014a ; Sutter�Somm, Dinglicher Vertrag, p. 191 ss et p. 196 s., qui se prononce pour un rattachement de la volonté de disposer à l’acte générateur d’obligations. Pour qui admet que l’acte de disposition nécessite un échange de ma�nifestations de volonté, à savoir la quasi�totalité des auteurs, le débat ne présente qu’un intérêt terminologique, Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 822, n. 653 ad art. 884 CC.

219 Steinauer, Droits réels II, p.  309, n.  2013 ; Foëx, Numerus clausus, p.  159  s., n. 346 ss.

220 Schmid, Zivilgeset�buch II, p. 2462 s., n. 15 ad art. 963 CC et les réf. citées ; Deillon�Schegg, Grundbuchanmeldung, p. 33 s. ; Staehelin, Bedingte Verfügungen, p. 8 s.

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tion au registre foncier (principe absolu de l’inscription), l’acte de disposi-tion est la réquisition au registre foncier faite par le disposant, conformé-ment à l’art. 963 CC. S’il ne fait pas de doute qu’il s’agisse formellement d’un acte unilatéral, un certain nombre d’auteurs justifient qu’il implique nécessairement la volonté du bénéficiaire d’un point de vue matériel 221, ce qui en fait en réalité un acte bilatéral 222. La question a son importance avant tout quant à la possibilité de révoquer la réquisition faite au registre foncier, compte tenu du fait que ce n’est qu’à l’inscription au grand livre que l’opération d’acquisition est parachevée, même si ses effets re montent à la date d’inscription de l’acte au journal. La question porte alors sur les effets d’une révocation qui serait faite entre le moment de l’inscrip-tion au journal et le moment de son report dans le grand livre. Le débat a perdu de son intérêt depuis un certain temps déjà, compte tenu du fait que le Tribunal fédéral s’est prononcé en défaveur d’une telle révocation, même s’il a laissée ouverte la question du caractère bilatéral de l’acte de disposition 223. La manifestation de volonté du disposant est la condition centrale de l’acte de disposition afin que la conséquence juridique se produise dans son patrimoine 224. Il est rare qu’un acte de disposition n’entraine qu’une diminution du patrimoine sans provoquer d’accroissement correspondant dans le patrimoine d’une autre personne. On peut cependant citer la dé-réliction, soit l’abandon pur et simple d’un droit réel. Celle-ci n’entraînant pas de conséquence directe pour le patrimoine d’un tiers 225, elle ne néces-site que la manifestation du disposant. En droit des obligations, la remise conventionnelle de dettes 226, comme sa dénomination l’indique, est un acte bilatéral qui repose sur un échange des volontés entre le créancier et

221 Voir Deschenaux, Das Grundbuch, p. 268 s. ; Zobl, Grundbuchrecht, p. 156, n. 394 ; van de Sandt, L’acte de disposition, p. 34 s., n. 110 ss.

222 Deschenaux, Das Grundbuch, p. 268 s. ; van de Sandt, L’acte de disposition, p. 34, n. 111.

223 ATF 115 II 221/228 = JdT 1990 I 41/45, cons. 4 c).224 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 13, n. 52.225 Les droits réels limités qui grèvent une chose, mobilière ou immobilière, ne sont en

effet pas touchés et subsistent, cf. Steinauer, Droits réels II, p.  106, n.  1593a et p. 380, n. 2132a. Il convient de réserver les situations particulières que représen�tent l’accroissement dans la propriété commune et la consolidation des droits des copropriétaires d’étage sur la part que l’un d’entre eux abandonne, cf. ATF 129 III 216/219 ss, consid. 3.2.1 ss.

226 Art. 115 CO.

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le débiteur 227. La manifestation de volonté du disposant ne peut entraîner que la sortie du droit de son patrimoine, mais ne peut permettre son ac-quisition par une autre personne 228. Même dans le cadre de la discussion au sujet du caractère uni- ou bilatéral de l’acte de disposition en matière immobilière, il est reconnu que la volonté d’acquérir du bénéficiaire de l’acte doit intervenir, fut-ce tacitement 229.

2. Distinction avec les actes matériels et les actes formateurs

La question des manifestations de volontés du disposant et du bénéficiaire de son acte appelle des précisions quant aux notions d’acte matériel et d’acte formateur. A coté d’un acte de disposition, qui est un acte juridique 230, un acte matériel (Realakt ou Tathandlung) peut également entrainer la perte ou l’extinction d’un droit. L’acte matériel ne nécessite pas la capacité de dis-cernement. La volonté de celui qui l’accomplit n’est pas à même d’emporter d’effet juridique. Il ne s’agit donc pas d’un acte juridique, puisque celui qui agit ne manifeste pas une volonté destinée et apte à produire un effet juridique conforme à cette volonté. L’effet juridique découle de la modifi-cation du monde extérieur à laquelle la loi s’attache 231. La destruction ou la consommation d’une chose consomptible sont, par exemple, des actes ma-tériels. La perspective est unilatérale puisque le titulaire d’un droit sur la chose consommée ou détruite ne peut, cas échéant, manifester sa volonté (accord ou désaccord). Par ailleurs, l’exercice d’un droit formateur offre également la possibi-lité d’opérer une “disposition” unilatérale sur un droit. Un acte formateur

227 Engel, Traité, p.  761 ; Gonzenbach / Gabriel�Tanner, Obligationenrecht I, p.  715, n. 4 ad art. 115 CO ; von Tuhr / Escher, Allgemeiner Teil, II, p. 173 s. Voir cependant Piotet, Commentaire romand, p. 907 s., n. 3 ad art. 115 CO, sur la possibilité d’une remise unilatérale de dette.

228 Staehelin, Bedingte Verfügungen, p. 2.229 Zobl, Grundbuchrecht, p. 156, n. 394 ; Deschenaux, Das Grundbuch, p. 269.230 L’acte juridique est “une manifestation de volonté destinée et apte à produire l’effet

juridique correspondant à la volonté exprimée”, cf. Gauch / Schluep / Tercier, Partie générale, vol. I, p. 27, n. 133 ; voir également Engel, Traité, p. 136 s. ; Berger, Allge�Allge�meines Schuldrecht, p. 83, n. 23.

231 Huguenin, Obligationenrecht, AT, p. 24, n. 158 ; von Tuhr / Peter, Allgemeiner Teil, I/1, p. 175.

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127Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

est une manifestation unilatérale de volonté qui permet à celui qui l’ac-complit de modifier unilatéralement sa situation juridique ou celle d’un tiers 232. Ainsi, une différence notable entre l’acte de disposition et l’acte formateur réside principalement dans le fait que l’acte formateur permet d’effectuer une opération dans le patrimoine d’un tiers 233, tandis que l’acte de disposition porte sur le patrimoine du disposant.

3. Perspectives pour les titres intermédiés

La manifestation de volonté du disposant représente la pierre angulaire de l’acte de disposition. Son analyse visera notamment à déterminer quelles sont les parties concernées par les manifestations de volonté (disposant, dépositaire et bénéficiaire). Le système d’intermédiation étant formé des réseaux de dépositaires, cela induit d’identifier les manifestations de vo-lonté en fonction de leur émetteur et de clarifier le statut des instructions données par les dépositaires pour le compte de leurs clients. Cependant, la volonté ne peut pas tout. L’acte de disposition est en premier lieu déterminé par son objet. Il convient en conséquence d’analy-ser l’effet juridique que peut entraîner la manifestation de(s) volonté(s) en fonction de la nature juridique des titres intermédiés et des circonstances de fait qui les entourent. Il s’agit d’établir dans quelle mesure l’acte de dis-position emporte un transfert d’actif entre les parties à cet acte ou procure au bénéficiaire des droits dirigés contre le dépositaire qui participe à l’acte de disposition. Par ailleurs, les principes du processus d’acquisition des droits im-mobiliers par inscription au registre foncier contribueront à notre ana-lyse du processus de bonification des titres intermédiés, notamment au regard du caractère uni- ou bilatéral de l’instruction et de ses possibili-tés de révocation 234. Il en va de même du régime particulier prévu pour les conventions de contrôle des art. 25 et 26 LTI, qui pose la question du consentement du bénéficiaire de la sûreté à l’acte de disposition.

232 Voir, entre autres, Huguenin, Obligationenrecht, AT, p.  15. n.  102  ss ; Furrer / Müller�Chen, Obligationenrecht, AT, p. 29, n. 125 ; Berger, Allgemeines Schuld�Schuld�recht, p. 27, n. 100 ss.

233 Vionnet, L’exercice des droits formateurs, p. 33.234 Voir infra chap. III, § 2, A. 3, p. 193.

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128 Joël Leibenson

B. Le pouvoir de disposer

1. Le pouvoir du titulaire du droit

Le patrimoine d’une personne est composé des actifs et des passifs 235. L’acte de disposition implique que les actifs du disposant diminuent 236, tandis qu’un acte générateur d’obligation augmente les passifs 237. Dans la perspective de l’acte de disposition, la notion juridique d’actifs et de passifs ne doit pas être confondue avec leur acception économique, puisque seul le patrimoine brut (la somme des actifs) est pris en considération. Les actifs et les passifs ne sont pas compensés et demeurent séparés. D’un point de vue économique, c’est le patrimoine net qui est envisagé, les passifs étant déduits des actifs 238. Il s’ensuit qu’un patrimoine dont le passif a augmenté d’une dette ayant pour objet la livraison d’une chose contient toujours le droit de propriété sur cette chose à son actif. La situation ne s’équilibre que lorsque le droit de propriété sur la chose fait l’objet d’un acte de disposi-tion. Ce droit sort de l’actif du patrimoine lorsque l’obligation est exécutée. Dès lors, les passifs ne contiennent plus la dette, qui est éteinte, et les actifs ne contiennent plus le droit de propriété sur la chose. La conséquence juridique de l’acte de disposition sur le patrimoine qu’il affecte nécessite, en principe 239, que le disposant ait le pouvoir juri-dique de disposer 240. Le pouvoir de disposer est la faculté juridique (et non seulement de fait) d’accomplir un acte de disposition sur un droit 241. Ce

235 Sur la notion de patrimoine, cf. Meier�Hayoz, Berner Kommentar, p. 78, Syst. T., n. 151 ss ; Engel, Traité, p. 36 ss ; Inauen, Causa, p. 55 ss. L’actif comporte les droits appréciables en argent tels que les droits réels, les droits de créance, certains droits de la propriété intellectuelle, les droits formateurs, les droits d’expectative. Les droits sur des titres intermédiés (titularité ou droit limité) tombent également dans le patri�moine. Les passifs, quant à eux, comprennent les dettes et les charges.

236 von Tuhr / Peter, Allgemeiner Teil, I/1, p. 194 : “Jede Verfügung ist eine Minderung der Aktiva des Vermögens”.

237 von Tuhr / Peter, Allgemeiner Teil, I/1, p. 195.238 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 16, à la note 61.239 Sauf lorsque la loi prévoit que la bonne foi du bénéficiaire de l’acte supplée l’absence

de pouvoir du disposant, cf. les art. 933 et 935 CC en matière mobilière, l’art. 973 CC en matière immobilière et l’art. 18 al. 2 CO en matière de droits de créance.

240 Steinauer, Droits réels I, p.  153  s., n. 411  ss ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 674 s., n. 45 ad art. 714 CC ; Rey, Die Grundlagen, p. 158, n. 576.

241 Voir, par exemple, von Tuhr / Peter, Allgemeiner Teil, I/1, p. 214 ss ; Engel, Traité, p. 147 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 849 ss, n. 730 ss ad art. 884 CC.

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129Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

pouvoir existe lorsque la titularité du droit sur lequel porte l’acte de dispo-sition appartient au disposant 242. Dans ce cas, ce droit se trouve dans le pa-trimoine de celui qui s’apprête à en disposer. Encore faut-il que la titularité du droit permette l’acte envisagé (aliénation, modification, constitution d’un droit réel limité) et qu’il n’y ait aucune restriction légale au pouvoir de disposer. Le pouvoir de disposer subsiste à côté d’un pouvoir de disposer que le titulaire d’un droit aurait conféré à un tiers 243. Ainsi, le propriétaire d’une chose ou le créancier ont-ils le pouvoir juridique d’aliéner ou d’en-gager la chose ou la créance. Sans aménagement contractuel particulier, le droit du créancier gagiste, par exemple, ne permet en revanche que de faire réaliser l’objet de son droit et de se payer sur le prix obtenu 244, son droit de gage ne comporte, en effet, pas la faculté d’user ou de jouir de l’objet grevé dans un autre but 245.

2. Le pouvoir conféré à un tiers

Une personne qui n’est pas titulaire d’un droit peut être au bénéfice d’une faculté de disposer sur ce droit. Deux possibilités rentrent principalement en ligne de compte. Il peut s’agir premièrement de l’octroi d’un pouvoir de disposer. Ce pouvoir peut prendre la forme d’une autorisation donnée par la personne ayant le pouvoir de disposer 246. La nature et le contenu du pouvoir concédé déterminent si le bénéficiaire de ce pouvoir peut disposer au nom du titulaire du droit (représentation directe) ou s’il peut accomplir l’acte en son propre nom (représentation indirecte ; pouvoir de disposer au sens étroit 247). La deuxième possibilité est l’existence et l’exercice d’un

242 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 172, n. 518, et les réf. citées.243 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 852, n. 738 ad art. 884 CC ; Koller, OR

AT, p. 50, n. 64. Sur les restrictions du pouvoir de disposer, voir van de Sandt, L’acte de disposition, p. 176 ss, n. 529 ss.

244 Voir les art. 816 al. 1 CC et 891 al. 1 CC.245 Voir, entre autres, Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 53, Syst. T., n. 156 s. ;

cf. également Steinauer, Droits réels III, p. 474, n. 3170c ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2090 s., n. 9 et 13 ad art. 890 CC ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 996, n. 11 ad art. 887 CC ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 65, n. 49 ad art. 890 CC.

246 Voir Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p.  676, n.  48 ad art. 714 CC ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 597 s., n. 38 et p. 856, n. 748 ad art. 884 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2078, n. 8 ad art. 887 CC.

247 von Tuhr / Peter, Allgemeiner Teil, I/1, p. 216 s.

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droit formateur par celui qui n’est pas titulaire du droit faisant l’objet de l’acte de disposition 248. L’octroi de ce droit formateur peut découler d’un acte juridique émanant de celui qui a le pouvoir juridique de disposer du droit concerné. Mais, il peut également s’agir d’un droit formateur ayant son origine dans la loi 249.

3. Perspectives pour les titres intermédiés

Lors de l’analyse du système de détention intermédiée, nous avons vu que le titulaire d’un compte de titres ne devait pas nécessairement avoir le pou-voir de disposer sur les titres figurant au crédit de son compte pour que ceux-ci rentrent dans la définition des titres intermédiés selon l’art. 3 al. 1 LTI 250. En outre, certains auteurs ont été amenés à considérer que l’acqui-sition de titres intermédiés est dans tous les cas originaire 251, puisque selon l’art. 29 LTI, une acquisition défectueuse de titres intermédiés n’entraîne-rait jamais une restitution des titres acquis, mais ne procure qu’une action personnelle tendant au transfert de titres du même genre 252. Il en décou-lerait logiquement que le pouvoir de disposer de l’aliénateur ne serait pas nécessaire afin d’acquérir des titres intermédiés puisque cette acquisition interviendrait originairement, même en l’absence du pouvoir de disposer. Cette question s’inscrit dans le cadre de l’accomplissement régulier des actes de disposition, mais renvoie également au traitement de la protection de l’acquéreur de bonne foi 253. D’un autre côté, la possibilité d’une pro-tection en cas d’absence de pouvoir de disposer prévue à l’art. 29 semble indiquer que celui-ci est nécessaire 254.

248 L’existence et l’exercice d’un droit formateur est en effet à distinguer de l’octroi d’un pouvoir de représentation, cf. Vionnet, L’exercice des droits formateurs, p. 33.

249 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 112 s., n. 325 ; Vionnet, L’exercice des droits formateurs, p. 39 s.

250 Voir supra chap. II, § 3, B. 2. c, p. 115.251 L’acquisition originaire, par opposition à l’acquisition dérivée, repose sur la loi et ne

procède pas de la validité du droit de l’aliénateur ou du constituant, cf., par exemple, Steinauer, Droits réels I, p. 68, n. 130.

252 Eigenmann, Aspects choisis, p. 116 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 112.253 Voir infra chap. V, § 3, B, p. 373.254 Foëx, Les actes de disposition, p. 85.

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C. Un acte matériel de publicité

1. Les droits réels

La nécessité d’un acte matériel de publicité comme condition des actes de disposition est déterminée de façon nuancée entre les diverses institu-tions juridiques réglant les droits subjectifs patrimoniaux. Il convient de distinguer principalement les droits réels et les droits de créance 255. En matière de droits réels, le Code civil prévoit deux types d’acte maté-riel de publicité nécessaire au transfert de la propriété ou à la constitution de droits réels limités. D’une part, les droits réels immobiliers doivent, en principe 256, faire l’objet d’une inscription au registre foncier 257. Ils jouissent d’une publicité tabulaire assurée par cette inscription 258 (principe de l’ins-cription ; Eintragungsprinzip). D’autre part, en matière mobilière, le proces-sus des actes de disposition est complété par l’accomplissement du trans-fert de la possession 259, le moyen de publicité des droits réels mobiliers 260. Le transfert de possession est en effet exigé par la loi afin d’opérer le trans-fert de la propriété mobilière ou de constituer un droit réel limité sur une

255 Sur l’application du principe de publicité aux droits de la propriété immatérielle, cf. Rey, Der Gutglaubenserwerb im Immaterialgüterrecht, p. 84 s.

256 Il s’agit du principe absolu de l’inscription, cf. art. 656 al. 1 CC. Il est également des cas où la loi ne fait pas dépendre l’acquisition du droit de son inscription, par exemple en cas de succession, art. 537 al. 1 CC et 560 al. 1 et 2 CC. Cependant, même dans ces cas, le titulaire du droit réel acquis extra tabulas ne peut en disposer que si son droit a été inscrit au registre foncier, cf. art. 656 al. 2 CC. Au sujet du principe absolu de l’inscription, voir Schmid / Hürlimann�Kaup, Sachenrecht, p. 132 s., n. 572 ss ; Rey, Die Grundlagen, p. 339 ss, n. 1319 ss. La distinction opérée entre les principes absolu et relatif de l’inscription induit que les droits soumis au principe relatif existent sans inscription, mais celle�ci est nécessaire à leur opposabilité aux tiers, cf. Eigenmann, Effectivité, p. 50, n. 159.

257 Cf. art. 958 CC, 971 al. 1 CC et 972 al. 1 CC.258 Deschenaux, Das Grundbuch, p. 8 s. ; Schmid, Zivilgeset�buch II, p. 2321, n. 12 ad

Vor Art. 942�977.259 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 45, n. 142 ; Eigenmann, Effectivité, p. 105,

n. 348.260 Steinauer, Droits réels II, p.  311, n.  2018 ; Rey, Die Grundlagen, p.  79, n.  277 ;

Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 33 s., Einleitung, n. 63 ; etc.

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chose (principe de tradition ; Traditionsprinzip ; principe du nantissement ; Faustpfandprinzip 261) 262. Le but premier de la publicité est de manifester l’existence des droits réels pour les tiers. Il s’agit de permettre l’exercice de ces droits conformé-ment à leur nature 263. En effet, les droits réels sont des droits absolus, op-posables erga omnes 264. Il est donc nécessaire d’assurer leur publicité afin que la légitimité de leur opposabilité à tous soit assurée 265. La foi publique attachée au registre foncier permet à celui qui s’y est fié de bonne foi d’être maintenu dans son acquisition si l’auteur de l’acte n’avait pas le pouvoir de disposer. Une telle protection est rendue possible parce que la tenue du registre foncier est organisée et opérée par l’Etat. En matière mobilière, la situation est différente. La publicité n’est pas assurée par l’Etat, elle découle de la possession des objets mobiliers par des particuliers 266. Elle est donc plus susceptible d’être détournée de son but par des personnes malveillantes ou de ne pas indiquer correctement l’état matériel du droit sur la chose, qui relève des affaires privées des partici-pants à une transaction portant sur cette chose. Il en découle que le régime de la protection de la bonne foi est soumis à des aléas qui dépendent des circonstances et du type de chose mobilière en cause. Ainsi, la bonne foi

261 Le principe du nantissement requiert un transfert de possession qualifiée, à savoir que le constituant du gage ne doit pas conserver la maîtrise exclusive du bien remis en gage, cf. art. 884 al. 3 CC. Il en découle que le transfert de possession ne peut se faire par constitut possessoire (art. 924 al. 1 CC, 2e hypothèse) ni par le transfert de possession ouverte (922 al. 2 CC) ; voir, par exemple, Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 796 s., n. 566 ss ad art. 884 CC ; Steinauer, Droits réels III, p. 459, n. 3150 ss.

262 Cf. art. 714 CC, 746 CC, 884 CC, 900 al. 1 CC, 901 CC, 895 CC. A l’exception, toutefois, de l’hypothèque mobilière prévue à l’art. 885 CC, qui ne nécessite pas un transfert de possession pour sa constitution, mais une inscription dans un registre ad hoc, voir l’art. 1 de l’ordonnance sur l’engagement du bétail, du 30 octobre 1917 (RS 211.423.1). L’on mentionnera également les exceptions dérivant des registres des bateaux et des aéronefs, voir la loi fédérale sur le registre des bateaux, du 28 septembre 1923 (RS 747.11) et la loi fédérale sur le registre des aéronefs, du 7 octobre 1959 (RS 748.217.1).

263 Voir Schmid, Gedanken, p. 111 : “Die dinglichen Rechte erlangen ihre Bedeutung durch ihre Publizität”.

264 Sur cette notion, voir Steinauer, Droits réels I, p. 40, n. 13 et p. 42 s., n. 23 ss ; Eigenmann, Effectivité, p.  39  ss, n.  119  ss ; Meier�Hayoz, Berner Kommentar, p. 105 s., Syst. T., n. 242 ss.

265 Eigenmann, Effectivité, p. 51, n. 165 ; Deschenaux, Das Grundbuch, p. 6.266 Voir les présomptions créées par les art. 930 et 931 CC.

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133Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

du tiers confortée par l’apparence créée par la possession peut ne pas suf-fire si, en dépit des apparences, certains faits méritent protection même s’ils sont occultes 267. Au contraire de cela, le régime juridique applicable aux papiers-valeurs au porteur prévu à l’art. 935 CC opère un choix entre les intérêts à protéger au moyen d’une fiction et favorise l’acquéreur de bonne foi quels que soient les faits à l’origine de la possession de la per-sonne qui a l’apparence du pouvoir de disposer 268. Une seconde fonction de la publicité, notamment en matière de sûre-tés mobilières, est celle d’informer les tiers sur l’état des actifs d’une per-sonne (“solvabilité apparente”) 269. En effet, tandis qui les présomptions des art. 930 et 931 CC ont un effet de publicité positive de l’existence d’un droit, l’interdiction de l’hypothèque mobilière 270 engendre un effet de publicité négative : une chose qui se trouve entre les mains d’un débiteur ne peut être grevée d’un droit en faveur d’un tiers 271. Le constat de l’inadéquation du principe du nantissement des choses mobilières dans le domaine des sûretés est posé de longue date. L’aptitude de l’institution de la possession à renseigner réellement sur l’état du patrimoine du possesseur a été large-ment critiquée en doctrine 272, mais également la praticabilité très limitée

267 On pense notamment à la distinction opérée par la loi aux art. 933 et 934 CC entre les choses confiées et les choses volées ou perdues. Il est fréquent que cette différence ne soit pas perceptible pour le tiers, mais peut lui être opposée, en dépit de l’apparence créée par la possession. Le caractère choquant de cette distinction a déjà été relevé ; voir Rusch, Gutgläubiger Fahrniserwerb, R� 60 ss, sur la conséquence de cette diffé�rence du point de vue du propriétaire non protégé.

268 Le régime de protection de l’acquéreur s’agissant de papiers�valeurs à ordre néces�site, quant à lui, une suite ininterrompue d’endossements si le papier a été confié (art. 1006 al. 1 CO et 1006 al. 2 CO a contrario), mais il n’instaure qu’une présomption réfragable. Dans les cas où l’ayant droit a été dépossédé du papier�valeur, la bonne foi de l’acquéreur ou, à tout le moins, l’absence d’une faute lourde sont nécessaires (art. 1006 al. 2 CO) ; cf. Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 97 s., n. 310 ; Eigenmann, Code des obligations II, p. 2309, n. 9 ad art. 1006 CO.

269 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 770, n. 486 ad art. 884 CC ; Wiegand, Kreditsicherung, p. 285 ; Girsberger, Faustpfandprin�ip, p. 100 ; Eigenmann, Effec�tivité, p. 48 s., n. 154 ss ; Iynedjian, Sûretés globales, p. 159.

270 Sur la ratio historique de l’interdiction de l’hypothèque mobilière, voir Thévenoz, Cendrillon, p. 305 s. ; Girsberger, Mobiliarhypothek, p. 251 s.

271 Cf. Girsberger, Faustpfandprin�ip, p. 100.272 Voir, entre autres, Girsberger, Faustpfandprin�ip, p. 102 s. ; Thévenoz, Cendrillon,

p. 319 s. ; Aeschlimann / Foëx, Limites et réformes, p. 29 s., etc.

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134 Joël Leibenson

qu’elle offre lorsque le constituant est confronté à la nécessité d’utiliser ou de jouir des biens mis en gage 273. Cependant, malgré les critiques, le transfert de la possession en fa-veur du créancier gagiste présente un avantage : la maîtrise de fait de l’actif transféré. Le transfert de la possession est non seulement une des condi-tions de constitution du droit de gage mobilier, mais il en facilite surtout l’exercice par le créancier gagiste, entre autres parce qu’il empêche que le débiteur ne dispose du bien contrairement aux intérêts du créancier gagiste 274. De même, outre le fait que les inscriptions au registre foncier légitiment la nature absolue des droits réels immobiliers, elles présentent aussi l’avantage d’être soumises à une gestion et un contrôle étatiques dont il découle que la situation juridique et matérielle des ayants droit ne peut pas être inopinément modifiée contre leur gré. Ainsi, en plus de la fonc-tion de révélation au monde de l’existence de droits patrimoniaux permet-tant d’en justifier l’opposabilité aux tiers, le mode de publicité des droits réels a également une fonction pratique de maîtrise factuelle au regard de l’acquisition ultérieure de droits sur l’actif concerné.

2. Les droits de créance

En droit des obligations, la cession de créance n’est, quant à elle, pas sou-mise à un régime légal de publicité. Les droits de créance n’ont en effet pas la nécessité d’être reconnaissables pour les tiers 275. La forme écrite simple requise par la loi pour accomplir l’acte disposition est considérée comme étant suffisante afin de manifester la titularité de la créance à l’égard du débiteur 276. Il faut toutefois relever que la doctrine dominante préconise l’application analogique de l’art. 900 al. 1 CC à la cession de créance à fin de sûreté lorsqu’un titre de créance existe 277. Selon cette approche, la remise

273 Voir notamment, Thévenoz, Cendrillon, p. 305 ; Foëx, Sûretés bancaires, p. 129 ; Foëx, Propositions pour une réforme, p. 301 ss ; Eigenmann, Effectivité, p. 129, n. 430.

274 Riemer, Die beschränkten dinglichen Rechte, p. 166, n. 7 ; Eigenmann, Effectivité, p. 49, n. 155.

275 Steinauer, Droits réels I, p. 66, n. 125.276 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 525 s., Syst. T, n.  1580 ; Steiner, Ab�Ab�

tretung von Forderungen, p.  15 ; Girsberger, Obligationenrecht I, p. 916, n.  5 ad art. 165 CO.

277 Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 80 s., Syst. T., n. 304 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p.  530, Syst. T., n.  1588 ; de Gottrau, Transfert, p.  229 ;

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135Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

de ce titre est alors constitutive de la cession et un transfert de possession du titre par constitut possessoire n’est pas suffisant. L’idée est la même que celle qui sous-tend l’art. 717 CC 278. Cette transposition des principes valant pour la mise en gage des créances souligne, au-delà des aspects dogmatiques, la fonction pratique de la publicité. Dans le cas d’une cession de créance à titre fiduciaire, la re-mise du titre de créance au fiduciaire limite le risque que l’ancien titulaire de la créance ne se prévale de celle-ci alors qu’il n’en est plus titulaire 279. L’effet pratique est comparable à celui engendré par le transfert de la pos-session des choses mobilières. Dans ce dernier cas, non seulement la loi fait naître une présomption de titularité du droit dans la personne du posses-seur, mais la possession du créancier gagiste permet effectivement d’éviter que le propriétaire n’accomplisse un acte de disposition à son détriment.

3. La fonction de maîtrise assurée par l’instrument de publicité et le contrôle sur l’objet grevé

Il résulte des mécanismes de publicité présentés ci-dessus que l’apparence de titularité juridique d’un bien est au centre du principe de publicité. Cette apparence est créée par un contrôle de fait qui découle de la posses-sion ou de la nécessité du concours du titulaire du droit à la prise d’inscrip-tion dans le registre foncier, en conjonction avec sa tenue par l’Etat. Ainsi, l’instrument de publicité est adéquat lorsqu’il offre un moyen de contrôle sur l’actif concerné et que le contrôle de fait correspond à un droit existant effectivement sur cet actif. Lorsqu’il y a divergence entre la maîtrise de fait (le pouvoir de décision) sur un bien et le pouvoir juridique sur ce bien, les mécanismes de protection de l’acquéreur de bonne foi suppléent l’absence de pouvoir de disposer en se fondant sur l’apparence créée par la maîtrise de l’actif.

Eigenmann, Effectivité, p. 110, n. 365 ; contra : Thévenoz, Cendrillon, p. 306 ; Walter, Sicherungs�ession, p. 58 ; Reetz, Sicherungs�ession von Forderungen, p. 151, n. 304 ; Reetz, Sicherungs�ession, p. 201 ; Aeschlimann / Foëx, Limites et réformes, p. 29.

278 Voir Reetz, Sicherungs�ession, p. 202 à 205.279 En effet, si un créancier est en possession du titre de créance, il y a une forte pro�

babilité que la dette existe toujours et qu’elle ne soit pas mise en gage. Il ne s’agit pas d’une présomption légale, mais cette déduction est permise par le système qui prévaut entre le droit des obligations (art. 88 al. 1 CO et 89 al. 3 CO) et le droit qui régit le gage sur les créances et autres droits (art. 901 al. 1 et 3 CC).

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136 Joël Leibenson

Les moyens d’assurer la publicité des droits portant sur des choses mo-bilières ou la publicité de l’existence de sûretés grevant des créances mettent en lumière la fonction assumée par cette publicité : assurer une certaine maîtrise du sort juridique par la maîtrise de fait de l’actif concerné. L’ab-sence d’instruments de publicité physique tels que la possession ou l’ins-cription dans un registre, s’agissant des sûretés portant sur des créances ou différents biens, a par exemple poussé certains ordres juridiques à ins-taurer la création de sûretés au moyen d’un contrôle de fait sur ce type d’actifs 280. Le contrôle est la faculté matérielle et concrète (non seulement juridique) pour le bénéficiaire d’une sûreté de gérer, de faire gérer ou de gé-rer un actif en commun 281. Ce contrôle peut prendre la forme d’un pouvoir d’instruire le dépositaire d’actifs quant au transfert d’avoirs sur le compte du créancier garanti 282. Cette mainmise, lorsqu’elle est érigée comme condition de constitution de droits sur l’actif, permet d’atteindre les deux buts de la publicité formelle. Premièrement, l’information des tiers a lieu par le fait qu’un actif qui est contrôlé ne peut entraîner la croyance qu’il est libre de droits. Deuxièmement, le contrôle évite que le titulaire d’un actif ne puisse en altérer la substance en conférant un droit à un tiers sans le consentement du créancier qui exerce le contrôle. Une sûreté qui repose sur le contrôle comme instrument de publicité n’est ainsi pas occulte 283.

4. Perspectives pour les titres intermédiés

Le système régissant les actes de disposition mis en place par la LTI doit être soigneusement distingué des modèles de publicité traditionnels de droit privé.

280 Eigenmann, Effectivité, p.  214  s., n.  732  s. ; voir les art.  9�104 à 9�107 et 9�314 du Uniform Commercial Code (UCC) américain instaurant le contrôle du bénéficiaire comme moyen de publicité adéquat afin de rendre opposable aux tiers une sûreté portant sur certains droits et créances.

281 Eigenmann, Effectivité, p. 214, n. 731 et p. 394 s., n. 1328 ss.282 Voir Foëx, Opposabilité, p. 77, sur la notion de contrôle dans le cadre de l’harmoni�

sation internationale des sûretés au sein de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Il convient de noter que les normes pro�posées par cette démarche internationale n’ont pas vocation à s’appliquer aux titres intermédiés, cf. Eigenmann, Publicité et effets, p. 99.

283 Eigenmann, Effectivité, p. 394, n. 1328 ; Eigenmann, Publicité et effets, p. 99.

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137Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

En premier lieu, la nouveauté des titres intermédiés ne doit pas faire oublier que les questions qui se posent relèvent du droit privé. Partant, lorsque la réponse législative est insuffisante pour la résolution de certaines questions, l’on doit pouvoir recourir aux principes issus des droits réels ou du droit des obligations, qui offriraient, par hypothèse, une solution à une problématique similaire 284. Cela ne signifie pas pour autant que les parti-cularités caractérisant les titres intermédiés ne doivent pas être prises en compte, bien au contraire. Il conviendra, dès lors, de déterminer l’étendue des règles et principes prévus par la LTI et, le cas échéant, les autres normes de droit privé qui pourraient trouver application. De plus, la configuration des opérations sur des titres intermédiés est très souvent triangulaire et anonyme lorsqu’il s’agit de transactions bour-sières ou de transactions intervenant sur des marchés organisés au moyen de plateformes de négoce électroniques. La structure d’intermédiation appelle une réflexion coordonnée qui doit prendre en considération la si-tuation factuelle et juridique des différents dépositaires et de leurs clients. En particulier, le système de l’inscription en compte a été introduit parce qu’il est le mieux à même de conférer la maîtrise des titres intermédiés. Il s’agit d’un moyen qui permet l’utilisation effective de l’objet patrimo-nial. Si l’inscription en compte n’est pas dépourvue de toute fonction de publicité 285, celle-ci n’est cependant pas de nature tabulaire, comme l’est celle qui découle du registre foncier. Les comptes de titres sont strictement privés. Même si le registre principal prévu à l’art. 6 al. 1 let. c LTI est public, les informations qu’il contient sont avant tout destinées aux dépositaires et aux autres opérateurs présents sur le marché sur lequel les titres inter-médiés sont échangés à qui il sert de point de repère afin de procéder aux réconciliations entre les droits non incorporés dans un titres et les cré-dits figurant sur les comptes de titres 286. En outre, le registre principal ne concerne que les titres intermédiés dont les sous-jacents sont des droits-valeurs 287 et ne constitue pas un registre public au sens de l’art. 9 du Code civil.

284 Voir infra, chap. II, § 4, E, p. 147.285 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 709 ; Eigenmann, La réalisation des sûretés,

p. 128 s.286 Ammann, FISA & HSC Commentary, p. 196, n. 18 ad art. 6 LTI.287 Le registre principal n’a en effet pas pour autre mission que de “rendre publics les

titres intermédiés qui sont en circulation dans un système et qui ont été établis sous la forme de droits�valeurs”, Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8850.

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138 Joël Leibenson

S’agissant des sûretés sur les titres intermédiés, leur constitution au moyen des conventions de contrôle (art.  25 et 26 LTI) répond à une lo-gique différente. Le mécanisme du contrôle sur les titres intermédiés pose la question de la portée du principe de publicité dans l’accomplissement de ces actes de disposition. Nous avons vu ci-dessus que, d’une manière générale, les destinataires des informations signifiées par l’instrument de publicité doivent pouvoir se fier aux apparences. Or, le contrôle sur les titres intermédiés n’est pas public, dans le sens qui prévaut pour les moyens traditionnels de publicité, même s’il n’est pas occulte 288. La portée du contrôle se mesure au regard du rôle central que joue le dépositaire dans le système d’intermédiation 289. Le contrôle constitue ainsi à nos yeux une mesure de publicité adaptée au système d’intermédiation 290. Ensuite, la place que prend la publicité dans l’accomplissement des actes de disposi-tion soulève habituellement des questions relatives à la transmission et de l’acquisition de certaines informations par les parties concernées 291. La dé-termination de la bonne foi implique donc de déterminer la manière avec laquelle l’information circule entre les participants à une transaction afin d’établir d’éventuels devoirs de renseigner et de se renseigner sur l’exis-tence de droits portant sur des titres intermédiés.

D. Les principes de causalité, d’abstraction et de spécialité

Outre les éléments énoncés jusqu’ici, l’application ou la non-application de plusieurs principes juridiques exerce également une influence sur l’ac-complissement des actes de disposition sur des droits patrimoniaux. Les effets de certains de ces principes sont plus ou moins marqués en fonction du domaine concerné, comme les principes de causalité et d’abstraction en droits réels ainsi qu’en droit des obligations, ou en fonction du type d’acte

288 Eigenmann, Aspects choisis, p. 114 ; Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 128 s. 289 Cf. art. 13 al 2 LTI, qui prévoit que les droits sur les titres intermédiés ne peuvent être

exercés que par le biais du dépositaire qui tient le compte de titres ; à ce sujet, voir infra chap. V, § 2, C. 3. b, p. 355.

290 Voir également, Eigenmann, Publicité et effets, p. 99. La question de savoir si le contrôle constitue un moyen de publicité dans le domaine des titres intermédiés est discutée, voir Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 135, qui considère que le contrôle n’est pas une mesure de publicité, tandis que Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 19 et p. 66 s. considère, quant à elle, que le contrôle constitue une telle mesure.

291 Voir Wiegand, Erkundigungsobliegenheiten, p. 631 ss.

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139Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

de disposition, comme le principe de spécialité s’agissant, par exemple, de la constitution d’un gage mobilier ou d’une cession globale de créance.

1. Les principes de causalité et d’abstraction

La difficulté à cerner la portée précise des principes de causalité et d’abs-traction en droit privé a été démontrée 292. La diversité des domaines tou-chés à différents degrés par ces principes l’explique certainement 293. S’agis-sant des actes de disposition, le principe de causalité implique que ceux-ci reposent sur une cause valable, la cause étant l’acte générateur d’obligation, parfois nommé titre d’acquisition, fondant le devoir de procéder à l’acte de disposition 294. Pour ce qui concerne l’affectation d’un patrimoine, le prin-cipe de causalité signifie que la validité de l’acte de disposition dépend de l’existence et de la validité du titre d’acquisition 295. A l’opposé, le principe d’abstraction énonce que l’existence et la validité d’un droit sont indépen-dantes de l’acte juridique qui a donné naissance à ce droit 296. L’application de ce deuxième principe entraîne qu’un acte de disposition n’a pas besoin de reposer sur un titre d’acquisition valable pour être lui-même valable 297. L’acte juridique qui opère le transfert d’un droit est ainsi “abstrait” de sa cause juridique.

292 Voir Rochat, Inefficacité, p. 41 ss, n. 89 ss et les réf qu’il cite à la note 191 ; voir éga�lement che� Inauen, Causa, p. 8 à 53, la diversité des courants doctrinaux en fonction des domaines juridiques touchés ; Dischler, Rechtsnatur, p. 267 à 279.

293 Sans être exhaustif, l’on peut mentionner que la notion d’abstraction intervient dans le domaine des actes de disposition, des garanties indépendantes, des mécanismes de crédit documentaire, de l’assignation dans le trafic des paiements ou encore des droits incorporés à certains types de papiers�valeurs. La notion d’abstraction revêt différentes significations en fonction des institutions touchées. Il peut s’agir de l’indé�pendance d’un acte de disposition par rapport à un acte générateur d’obligations, mais également de l’absence d’accessoriété d’un rapport juridique à un autre rapport de droit, cf. Dessemontet, Abstraction, p. 100 à 114 ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommen�Kommen�tar, p. 142, n. 157 ad art. 884 CC. Sur les divers degrés d’abstraction que présentent certains papiers�valeurs, voir Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 50, n. 139.

294 Voir, entre autres, Schmid / Hürlimann�Kaup, Sachenrecht, p. 18, n. 74 ss ; Engel, Traité, p. 146 ; Berger, Allgemeines Schuldrecht, p. 92, n. 268 s. ; Huguenin, Obliga�Obliga�tionenrecht, AT, p. 14, n. 95 ; Rey, Die Grundlagen, p. 98, n. 347.

295 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 230, n. 669.296 Dessemontet, Abstraction, p. 74 ; Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 50,

n. 138. 297 Rochat, Inefficacité, p. 45, n. 101 ; Bucher, OR AT, p. 555.

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140 Joël Leibenson

a. Les droits réels

Le principe de causalité prévaut en droits réels. Il est ancré dans la loi en matière immobilière 298 et a été consacré de longue date par la jurispru-dence du Tribunal fédéral en matière mobilière 299. L’ensemble de la doc-trine approuve aujourd’hui la nature causale de l’acte de disposition s’agis-sant des droits réels mobiliers 300. Il en résulte qu’un acte de disposition, pour être valable, doit être ac-compli en exécution d’une cause valable 301. Cela signifie que le contrat générateur d’obligations qui sous-tend l’opération patrimoniale visant l’aliénation d’une chose ou la constitution d’un droit réel limité 302 doit être valable afin que le patrimoine de celui qui dispose de son droit soit ef-fectivement affecté.

b. Les droits de créance

En droit des obligations, la situation est en revanche plus discutée. La loi ne mentionne pas le caractère causal ou abstrait de la cession de créance 303. La jurisprudence du Tribunal fédéral n’a pas tranché définitivement la question. Après avoir opté en faveur de l’abstraction de la cession de créance 304, elle a ensuite laissé la question ouverte, mentionnant entre

298 Voir l’art. 974 al. 2 CC.299 ATF 55 II 302/306 ss = JdT 1930 I 535/539 ss, cons. 2. Voir également les références ju�

risprudentielles citées par van de Sandt, L’acte de disposition, p. 246, à la note 1267 et par Rochat, Inefficacité, p. 84, à la note 379, confirmant cet arrêt.

300 Voir Steinauer, Droits réels II, p. 308, n. 2011a ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 645 ss, n. 16 ss ad art. 714 CC ; Meier�Hayoz, Berner Kom�Kom�mentar, p. 61, Syst. T., n. 88 ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 128 s., n. 110 ss ad art. 884 CC, p. 187, n. 299 ad art. 884 CC et p. 435, n. 131 ad art. 899 CC ; Foëx, Numerus clausus, p.  158, n.  344 ; van de Sandt, L’acte de disposition, p.  246  s., n. 733 ; Rochat, Inefficacité, p. 200, n. 455 ; Rey, Die Grundlagen, p. 99, n. 355 et p.  448  s., n.  1735 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p.  85  s., Syst. T., n. 296 ss et p. 713 s., n. 328 ss ad art. 884 CC ; Schmid / Hürlimann�Kaup, Sachen�Sachen�recht, p. 18, n. 75 ; Schwander, Zivilgeset�buch II, p. 1327, n. 3 s. ad art. 714 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2020, Vor Art. 884�894, n. 8 ad et p. 2030 s., n. 13 s. ad art. 884 CC.

301 ATF 119 II 326/328 = JdT 1995 II 87/90, cons. 2.c.302 Il s’agit notamment d’une vente ou de la constitution d’un gage, mais également du

contrat de fiducie, cf. ATF 85 II 97/99, cons. 1.303 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 247, n. 734.304 ATF 67 II 123/127 = JdT 1941 I 525/529, cons. 4.

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141Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

autres la jurisprudence relative à l’admission du caractère causal de l’acte de disposition en matière mobilière pour justifier un réexamen de la question 305. Une jurisprudence cantonale en faveur du principe d’abstrac-tion a été un temps invoquée par les tenants de cette théorie 306, mais cette instance s’est ralliée quelques années plus tard à la faveur du principe de causalité 307. La doctrine, quant à elle, est divisée. Certains auteurs argumentent en faveur du principe d’abstraction 308, alors que d’autres soutiennent le principe de causalité 309, parfois de façon modifiée 310. Les arguments déve-loppés en faveur du principe de causalité de la cession de créance ont notre préférence 311. Il découle du principe de causalité que l’acte de disposition,

305 ATF 84 II 355/363 = JdT 1959 I 198/201, cons. 1. La question a également été laissée ouverte plus tard dans l’ATF 95 II 109/112 = JdT 1970 I 92/93, cons. 2.b. in fine, pas�sage non reproduit dans la traduction.

306 Arrêt du Tribunal supérieur du canton de Zurich, du 26 février 1988, in ZR 1988 n. 129, p. 305/307.

307 Arrêt du Tribunal supérieur du canton de Zurich, du 13 juillet 1995, in ZR 1996 n. 61, p. 180/184.

308 Voir, entre autres, Bucher, OR AT, p.  554  ss ; Girsberger, Obligationenrecht  I, p.  903, n.  25 ad art.  164 CO ; Schwenzer, Allgemeiner Teil, p.  566  s., n.  90.08 ; Probst, Commentaire romand, p. 1169 s., n. 6 s. ad art. 164 CO ; Honsell, Tradition und Zession, p. 367 ss ; Berger, Allgemeines Schuldrecht, p. 740 s., n. 2128 ss.

309 Voir, entre autres, Jäggi, Zur “Rechtsnatur”, p.  7 ; Engel, Traité, p.  875 ; Spirig, Zürcher Kommentar, p. 17 ss, n. 37 ss et p. 40, n. 107 ad Vorbem. Zu Art. 164�174 ; Dutoit, La cession de créance, p. 453 ss ; Gauch / Schluep / Emmenegger, Allgemei�Allgemei�ner Teil, vol. II, p. 245, n. 3411 et p. 268 s., n. 3542 ; Koller, OR AT, p. 1349, n. 6 et p. 1369 ss, n. 78 ss ; Tercier, Le droit des obligations, p. 348, n. 1706 ; Dessemontet, Abstraction, p. 114 ; van de Sandt, L’acte de disposition, p. 249, n. 745 ; Spirig, Zur Kausalität, p. 7 ss.

310 von der Crone, Zession, p. 253 ss et Meier�Hayoz / von der Crone, Wertpapier�Wertpapier�recht, p. 14, n. 17 ss, considèrent que la validité de la cession de créance dépend de la validité du pactum de cedendo, mais proposent de limiter les effets de cette causalité par la protection du cessionnaire en cas d’inefficacité du titre d’acquisition dans l’hy�pothèse où celui�ci a cru à l’existence d’une cession valable sur la base de la relation particulière créée par la déclaration de cession faite par le cédant (Sonderverbindungs-theorie) et a pris des dispositions envers le cédant où un tiers (exécution anticipée de son obligation ou renonciation à sa prétention en restitution) ; voir les critiques de cette construction che� Spirig, Zur Kausalität, p. 7 ss.

311 La causalité comme trait fondamental de notre droit des biens repose sur une série de considérations qui ont déjà fait l’objet d’études approfondies. �u’il nous soit ici permis d’y renvoyer ; voir, entre autres, Rochat, Inefficacité, p. 87 à 204, et les nombreuses références sur lesquelles il appuie son étude.

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142 Joël Leibenson

la cession d’une créance par le titulaire de ce droit, n’est pas valable si le contrat générateur d’obligation est de nul effet, même si toutes les autres conditions nécessaires à l’acte de disposition sont par ailleurs remplies, notamment quant au pouvoir de disposer.

c. Perspectives pour les titres intermédiés

La question de la causalité des actes de disposition touche un aspect dog-matique marqué du droit des biens. La doctrine qui a eu l’occasion de se prononcer sur la nature abstraite ou causale des actes disposition sur les titres intermédiés est divisée 312. Plusieurs éléments contribuent à perturber l’analyse de la causalité ou de l’abstraction des actes de disposition sur les titres intermédiés. En premier lieu, les titres intermédiés ont un statut sui generis, il s’agit d’un hybride qui “cumule certains traits d’une créance et d’une chose au sens du droit privé suisse”313. En effet, il est question d’une part de créances et de droits sociaux 314, mais, d’autre part, d’opposabilité erga omnes de ces mêmes droits 315. En fonction de la distinction faite entre les choses mo-bilières et les créances par les tenants de la théorie de l’abstraction 316, la nature mixte de l’institution pose la question de son fondement causaliste ou abstractionniste. En second lieu, les particularités du système d’intermédiation appor-tent des éclairages nuancés sur différents aspects pertinents dans la déter-mination de la nature causale ou abstraite des actes de disposition.

312 Voir, en faveur de l’abstraction, Blum, Rechtsmängel, p. 695 ; Thévenoz, Saut épis�témologique, p. 708 ; Kuhn, Die Modernisierung, p. 139 ; Kuhn, Bucheffektenmodell, p. 55 ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 285, n. 27 ad art. 15 LTI ; apparemment Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1078, à la note 65 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 17, à la note 7 ; Wiegand, Die Bucheffekte : ein neues Verm�gensrecht ?, p. 1132 s. ; Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p. 141 s. En faveur de la causalité, Eigenmann, Aspects choi�sis, p. 111 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 87 ss et p. 94 ; Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p.  154, à la note 55 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 158 ; Hess / Stöckli, Grund�üge und Missverständnisse, p. 118 ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 25 s.

313 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8841.314 Art. 3 al. 1 LTI.315 Art. 3 al. 2 LTI.316 Voir supra les références mentionnées à la note 308, p. 141.

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143Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

Il faut considérer d’une part le mécanisme d’inscription des titres in-termédiés en compte de titres au regard du libellé de l’art. 15 al. 2 LTI qui prévoit que “le dépositaire n’a ni le droit ni l’obligation de vérifier la cause juridique d’une instruction”. Cette formulation peut être utilisée afin de soutenir que l’acte de disposition sur des titres intermédiés est de nature abstraite, indépendant de sa cause 317. Il convient cependant de mettre en perspective le fait que l’instruction suivie d’une bonification, bien qu’étant la figure centrale de la LTI, n’est pas le seul mode de disposer. La conven-tion de contrôle n’est pas une écriture portée au crédit ou au débit d’un compte de titres et ne peut pas faire l’objet d’une extourne. La distinction entre la bonification et la convention de contrôle permet de relativiser la portée des extournes dans la perspective du lien entre l’acte de disposition et l’acte générateur d’obligation qu’il exécute. Il faut d’autre part envisager les effets des écritures en comptes de titres et de leurs mécanismes correctifs que sont les extournes. Les cas d’extourne prévus par la LTI ne matérialisent que la prise en compte des défauts contenus dans l’instruction du disposant ou dans l’exécution de cette instruction 318. Il en découlerait que ces règles ne devraient pas trou-ver application en cas de défaillance de l’acte générateur d’obligation et que l’inefficacité de celui-ci n’aurait pas d’incidence sur la validité de l’ins-truction et de la bonification 319. Cette approche omet le mécanisme réservé aux Mistrades qui est utilisé sur les marchés boursiers 320. Ce mécanisme assure en effet que les transactions boursières comportant certaines er-reurs sont détectées par le système de bourse et sont annulées par la SIX Swiss Exchange. L’inefficacité de la transaction entraîne que les écritures comptables qui ont été passées par les dépositaires soient extournées. Cette pratique a été confirmée par un récent arrêt du Tribunal fédéral 321. Nous analyserons plus loin en détail la nature de cette inefficacité et son effet sur l’acte de disposition relatif à des titres intermédiés 322. En dernier lieu, l’analyse de la nature causale ou abstraite est à me-ner dans la perspective de l’existence d’un mécanisme de protection de la

317 Kuhn, Bucheffektenmodell, p. 55 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 87 s.318 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8872.319 Blum, Rechtsmängel, p. 695, note 20.320 Au sujet des Mistrades, voir infra chap. III, § 1, B. 2, p. 165.321 Voir l’ATF 133 III 221 ss = SJ 2007 p. 320 ss.322 Voir infra chap. III, § 1, D. 5, p. 182.

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144 Joël Leibenson

bonne foi dans l’acquisition de titres intermédiés ou de droits portant sur des titres intermédiés. En effet, la présence d’une telle institution est de nature à confirmer le fondement causaliste des actes de disposition 323.

2. Le principe de spécialité

Le principe de spécialité est issu des droits réels. Il implique que la chose qui est l’objet d’un droit réel soit précisément individualisée 324. Il en dé-coule que l’objet d’un acte de disposition, le transfert ou la constitution d’un droit, doit être déterminé 325. Le principe de spécialité intervient à plusieurs niveaux sur les actes de disposition en droit privé. Son importance se fait le plus sentir en relation avec le domaine des droits réels et plus particulièrement s’agissant du gage mobilier, où l’objet du gage doit être clairement identifié. Mais, ce principe est également discuté dans la perspective de la cession de créance à fin de garantie, notamment quant celle-ci est globale, c’est à dire lorsqu’elle concerne un nombre indéterminé de créances 326.

a. Les droits réels

En droits réels, le principe de spécialité a une fonction de support. Il sert directement l’accomplissement des effets du principe de publicité 327. En ef-fet, l’exigence de l’individualisation de l’objet empêche un acte de disposi-

323 Voir Rochat, Inefficacité, p. 143 ss, n. 327 ss et les nombreuses référence citées.324 Voir l’art. 797 al. 1 CC, en matière immobilière, et l’exigence de remise de la chose

nantie selon l’art.  884 al.  3 CC, en matière mobilière (Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2037, n. 44 ad 884 CC). Meier�Hayoz, Berner Kommentar, p. 56, Syst. T., n. 75 ; Steinauer, Droits réels I, p.  70, n.  139 ; Schmid / Hürlimann�Kaup, Sachenrecht, p. 17, n. 70 ; Rey, Die Grundlagen, p. 95, n. 333 ; Wiegand, Kreditsicherung, p. 288 s.

325 Berger, Allgemeines Schuldrecht, p. 149, n. 443 ; Wiegand, Kreditsicherung, p. 289 ; Bucher, OR AT, p. 544. ; Wiegand, Zivilgeset�buch II, p. 806, n. 60 ad Vor Art. 641 ff.

326 Au sujet de la cession globale de créances, voir notamment Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 547 ss, Syst. T., n. 1659 ss ; Iynedjian, Sûretés globales, p. 14 ss ; Spirig, Zürcher Kommentar, p. 99 ss, n. 47 ss ad art. 164 CO ; Girsberger, Obligati�Obligati�onenrecht I, p. 908 s., n. 40 ss ad art. 164 CO ; de Gottrau, Transfert, p. 237 ss ; de Gottrau, Cession à fin de garantie, p. 114 s.

327 Rey, Die Grundlagen, p. 95, n. 336.

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145Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

tion général qui rendrait vaine la publicité du droit portant sur une chose déterminée 328. Du point de vue de l’acte de disposition, le principe de spé-cialité a pour effet de limiter la possibilité de traiter uniformément (en un seul acte juridique) plusieurs objets présentant une unité économique 329, même si un contrat, de gage par exemple, peut se limiter à n’indiquer qu’un ensemble d’actifs déterminables 330. Le principe de spécialité s’applique éga-lement à la mise en gage de créances et d’autres droits selon les art. 899 ss CC. Dans ce cas, toutefois, le droit grevé doit seulement être déterminable, comme dans le cas de la cession de créance 331. Le principe de spécialité a contribué à fonder la théorie de la copro-priété labile dans le dépôt collectif de titres fongibles 332. C’est en effet lui qui a nécessité le report d’une quote-part de copropriété sur chacun des titres du dépôt en proportion des titres apportés à ce dépôt. Il convient toutefois de relever que, lors de leur sortie du dépôt collectif, l’identité des titres reçus avec ceux déposés n’est pas assurée. Cela est sans pertinence, puisqu’ils proviennent d’un groupe déterminé de titres du même genre 333. Cette absence d’identité entre le titre physique et le droit permettant de bé-néficier de sa substance économique est encore plus marquée avec la créa-tion des titres intermédiés en tant objet juridique distinct des sous-jacents déposés.

b. Les droits de créance

En matière de droits de créance, le principe de spécialité intervient sur-tout s’agissant de la cession globale de créances dans la détermination

328 Meier�Hayoz, Berner Kommentar, p. 56, Syst. T., n. 75.329 Rey, Die Grundlagen, p. 96, n. 337.330 Foëx, Contrat de gage, p. 119, n. 291 et p. 207, n. 573.331 Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2145, n. 19 ad art. 899 CC ; voir infra chap. II, § 4, D. 2.

b, p. 145.332 Voir supra chap. I, § 2, B. 2, p. 27, et 3, p. 29.333 Il convient de distinguer la sortie de titres du dépôt collectif “simple”, selon l’art. 973b

CO, qui n’ont pas donné lieu à la création de titres intermédiés, et la remise de titres après extinction de titres intermédiés, qui nécessite en outre le respect de l’art. 8 LTI. On observe toutefois le même phénomène dans les deux cas : la détermination des titres physiques livrés est sans importance, pourvu que ceux�ci soient du même genre que les titres remis initialement en dépôt collectif.

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146 Joël Leibenson

de l’assiette de la sûreté, à savoir le cercle des créances cédées 334. Dans ce cas, la détermination et l’identification de toutes les créances cédées n’est pas possible puisqu’il s’agit essentiellement de créances futures et qu’elles peuvent potentiellement concerner de nombreux débiteurs différents sur une certaine période de temps. La stricte application du principe de spécialité conduirait à ce que la créance doive être déterminée quant à la personne du débiteur, à son fon-dement juridique et à son contenu, au moment où elle est cédée 335. Ce-pendant, le Tribunal fédéral a posé que le principe de spécialité n’a pas la même portée dans la cession de créance qu’en droits réels 336. La seule déterminabilité de la créance suffit au moment de la rédaction de l’acte de cession. Celui-ci doit contenir tous les éléments qui permettront de déter-miner la créance lorsqu’elle naîtra 337.

c. Perspectives pour les titres intermédiés

Les titres intermédiés sont fongibles par définition 338. Ils sont dès lors pre-mièrement identifiés par leur genre, leur nombre, et, s’agissant d’instru-ments financiers, par leur valeur nominale, leur date d’échéance ou leur taux d’intérêt 339. L’application du principe de spécialité est remise en ques-tion par la loi sur les titres intermédiés 340. En effet, outre la possibilité de désigner précisément des titres déterminés, il ressort de l’art. 25 al. 2 let. b et c LTI que l’assiette des sûretés établies par convention peut être définie en référence à tous les titres figurant au crédit d’un compte de titres ou à concurrence d’une valeur déterminée.

334 La discussion au sujet de la déterminabilité des créances garanties ne relève pas du principe de spécialité, mais du principe d’accessoriété, cf. Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p.  79, n.  268 ad Syst. Teil et p.  728  ss, n.  379  ss ad art.  884 CC ; Wiegand, Ak�essorietät und Spe�ialität, p. 41. Ainsi, les questions relatives à la ga�rantie d’un montant maximal, comme cela est le cas en matière immobilière, n’ont pas trait au principe de spécialité, mais au principe d’accessoriété.

335 De cet avis, Wiegand, Kreditsicherung, p. 288 ss ; Bucher, Zur Gültigkeit von Glo�Glo�bal�essionen, p. 14 ss ; Thévenoz, Cendrillon, p. 310.

336 ATF 113 II 163/167, cons. 2.c.337 Idem.338 Cf. art. 3 al. 1 LTI.339 Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 8.340 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870.

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147Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

Il convient de mesurer l’effet de la fongibilité des titres intermédiés et des possibilités de leur individualisation. Il nous faudra pour cela examiner comment il convient de traiter un acte de disposition qui est effectué par transfert de titres au crédit d’un compte de titres selon l’art. 24 al. 1 LTI 341, que cela soit à titre de sûreté ou non, et les actes accomplis par convention de contrôle selon les art. 25 al. 1, 2e hypothèse, et 26 LTI 342. Dans ces deux perspectives, la notion de compte de titres et ses fonctions seront utilisées pour permettre d’affiner la détermination ou la déterminabilité des titres intermédiés, ainsi que pour assurer une cohérence dans la détermination des rangs entre différents actes de disposition.

E. Le cadre de l’analyse

1. Le contexte de droit privé

L’analyse des actes de disposition selon la LTI doit enfin être replacée dans son contexte : la loi sur les titres intermédiés constitue du droit privé fédéral 343. C’est à ce titre qu’elle s’insère dans l’ordre juridique suisse et qu’elle doit être appréhendée. Il en découle deux conséquences pour l’ana-lyse des actes de disposition. La première conséquence est structurelle. L’examen des mécanismes mis en place dans la LTI doit être mené en conservant à l’esprit la systéma-tique et les principes dégagés en droit privé, aussi bien en droit des obliga-tions qu’en droits réels. C’est à ce titre que nous nous appuyons sur les critères traditionnellement utilisés pour les actes de disposition en droit privé. La deuxième conséquence du caractère de droit privé de la LTI se ma-térialise dans l’application de l’art.  1 du Code civil à son interprétation. En effet, “la loi” mentionnée à l’art.  1 al.  1 CC comprend non seulement le Code civil et le Code des obligations, mais également les lois fédérales édictant du droit privé 344, sauf si une disposition spéciale l’exclut 345.

341 Voir infra chap. III, § 2, D, p. 212.342 Voir infra chap. IV, § 2, C, p. 314.343 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8857 et 8910 ; Hess / Friedrich, Das neue Buchef�Buchef�

fektengeset�, p. 113.344 Voir Steinauer, Titre préliminaire, p. 27, n. 76 ss et p. 126, n. 366 ; Deschenaux,

Le Titre préliminaire du Code civil, p. 59 et 67 ; Dürr, Zürcher Kommentar, p. 250 s., n. 15 et 17 ad art. 1 CC ; dans le même sens, Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 56 s.

345 Voir, par exemple, l’art. 7 de la loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse, du 23 septembre 1953 (RS 747.30).

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148 Joël Leibenson

Partant, la méthodologie développée pour l’interprétation et la déter-mination du contenu des normes légales sur la base de l’art. 1 CC est appli-cable à la LTI. Il en résulte que lorsqu’une norme de la LTI doit faire l’objet d’une interprétation, celle-ci doit être menée selon les méthodes tradition-nelles que sont les analyses littérale, historique, téléologique et systéma-tique. A défaut de parvenir à dégager le contenu d’une norme en suivant ces méthodes, la doctrine et la jurisprudence sont divisées quant au mo-ment du recours à la réduction analogique. Selon une partie de la doctrine, la mise au jour d’une éventuelle lacune proprement dite et son comblement ne peut intervenir qu’après avoir exclu l’application de toute autre règle légale par analogie, en application de l’art. 1 al. 2 et 3 CC 346. Selon la doc-trine dominante, le recours au procédé analogique n’intervient qu’après la constatation d’une lacune, dans le comblement de celle-ci par le juge 347. La jurisprudence adopte parfois l’une ou parfois l’autre approche 348. La ques-tion a une certaine importance lorsqu’aucune règle positive ne tranche une question qui se pose nécessairement, cette configuration correspondrait à une lacune ouverte 349. L’application par analogie d’une base légale exis-tante permet d’éviter de recourir à un comblement de lacune. La question a un intérêt pratique puisque la seconde méthode impose au juge attaché au comblement de la lacune de déterminer en premier lieu l’existence ou non d’une éventuelle coutume avant d’envisager l’application analogique d’une autre norme légale 350. S’agissant de la LTI, certains auteurs prennent appui sur le Message du Conseil fédéral et proscrivent le recours aux normes du droit civil en cas d’absence de règle dans la LTI 351. La justification de l’impossibilité de recourir aux normes et principes du doit privé, par le fait que la matière

346 Sur cette controverse, voir Steinauer, Titre préliminaire, p. 131 ss, n. 383 ss, spécia�lement les références citées p. 132, à la note 34.

347 Voir Deschenaux, Le Titre préliminaire du Code civil, p. 105 ss ; Honsell, Zivilgeset��Zivilgeset��buch I, p. 15 s., n. 12 ad art. 1 CC.

348 Voir les références jurisprudentielles citées par Steinauer, Titre préliminaire, p. 132, à la note 34.

349 Steinauer, Titre préliminaire, p. 130, n. 377.350 Art. 1 al. 2 CC ; Steinauer, Titre préliminaire, p. 132, à la note 34.351 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8843 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektenge�Bucheffektenge�

set�, p. 113 ; Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 578 ; Hess / Stöckli, Grund�Grund��üge und Missverständnisse, p. 120 ; voir également Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 38.

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149Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

est nouvelle et qu’il n’existerait en conséquence pas de solution consacrée par la doctrine et la jurisprudence au sens de l’art. 1 al. 3 CC 352, nous paraît méthodologiquement un peu courte. Les règles contenues édictées dans la LTI sont très loin de couvrir tous les aspects des institutions qu’elle consacre. D’une manière générale, le re-cours à certaines dispositions du Code civil ou du Code des obligations est inévitable et cela se traduit dans une mesure notable dans les réflexions qui ont été publiées jusqu’ici sur la LTI 353. Cela ne signifie pas pour autant que les particularités caractérisant les titres intermédiés ne doivent pas être prises en compte, bien au contraire. En effet, le processus d’interprétation des normes n’est pas aussi tranché qu’il n’y paraît puisque la détermination d’une norme basée sur une analogie avec une autre norme ne doit empor-ter la conviction que si elle est soutenue par des arguments reposant sur le but de la loi qu’il convient de compléter 354.

2. La signification pour la LTI

Selon la définition généralement retenue en doctrine, l’acte de disposition est l’acte juridique permettant de constituer, de transférer, de modifier ou d’éteindre un droit patrimonial 355. Les actes de disposition peuvent être appréhendés selon deux perspectives. La première est l’ensemble du pro-cessus qui vise à constituer, transférer, modifier ou éteindre un droit, plu-sieurs conditions devant être nécessairement remplies pour que le proces-sus aboutisse. La seconde est l’acte technique central qui forme une étape de ce processus et qui s’insère parmi les autres conditions afin d’opérer la modification du patrimoine du disposant 356.

352 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 113.353 Voir, par exemple, Piotet, Titres intermédiés, p. 118, Lanz, Aktientransfers, p. 211,

Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 128, à la note 57 et Bärtschi, Rechtliche Umset�Rechtliche Umset��ung, p. 1080, qui appliquent par analogie certains articles du Code civil à des situa�, p. 1080, qui appliquent par analogie certains articles du Code civil à des situa�tions rentrant dans le champ d’application de la LTI, mais non explicitement réglées par celle�ci.

354 Steinauer, Titre préliminaire, p. 133 s., n. 386. Voir aussi Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 10 s., qui parvient au même résultat.

355 Voir van de Sandt, L’acte de disposition, p. 7 à 10, n. 25 à 42 pour un revue des défi�nitions posées en doctrine.

356 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 2, n. 5 et p. 13 s., n. 52 ss et les réf. doctrinales et jurisprudentielles citées.

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150 Joël Leibenson

Cette distinction nous permet d’établir une grille d’analyse des actes de disposition sur les titres intermédiés. Celle-ci consistera à passer en revue les différents actes techniques qui opèrent la disposition sur le pa-trimoine. Nous nous pencherons donc sur la bonification des titres inter-médiés prévue à l’art. 24 LTI et les conventions de contrôle des art. 25 et 26 LTI. En nous concentrant sur ces deux modes d’accomplissement des actes de disposition, nous ne traiterons pas de l’octroi et de l’exercice d’un droit d’utilisation selon l’art. 22 LTI. Ce dernier est en effet une moda-lité particulière de l’octroi et de l’exercice du pouvoir de disposer, qui doit de toute façon être exécuté conformément aux modes de disposer prévus par la LTI 357. Dans le but d’affiner notre analyse, nous considérerons également la nature du transfert ou de la constitution de droits que vise l’acte de dis-position, à savoir le processus dans son ensemble permettant d’acquérir, de transférer, de modifier ou d’éteindre un droit concernant des titres in-termédiés. Il s’agira du transfert de titularité, de la titularité fiduciaire, de la constitution d’un gage irrégulier et de la constitution d’un gage sur les titres intermédiés. A l’inverse, nous laissons en dehors de notre étude les mécanismes d’acquisition par succession à titre universel ou par exécution forcée, qui sont réservés par l’art. 24 al. 3 LTI, dès lors qu’ils ne suivent pas le régime instauré par la LTI 358. L’analyse des différents modes de disposer des titres intermédiés ins-taurés par la LTI nous permettra d’observer quelles sont les solutions of-fertes par le nouveau droit à des questions classiques, mais aussi de dé-terminer les réponses à apporter aux nouvelles interrogations qu’amène l’introduction d’un objet juridique sui generis au regard des principes connus régissant les actes de disposition en droit privé. L’examen des conditions des actes de disposition sur les titres inter-médiés nous conduira également à déterminer si la nouveauté de l’objet juridique sui generis créé par la LTI crée un nouveau concept d’acte de dis-

357 A ce sujet, voir Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 348, n. 7 ad art. 22 LTI. 358 Sont notamment visés les acquisitions par l’ouverture d’une succession selon l’art. 560

CC, la constitution d’une communauté de biens entre époux selon les art. 222 et 652 ss CC, l’adjudication de titres intermédiés lors de la réalisation forcée par voie d’enchères publiques selon les art. 125 et 257 à 259 LP, ou les opérations couvertes par la loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus), cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8868.

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151Chapitre II : Loi sur les titres intermédiés

position en droit privé. En d’autre termes, est-ce que les nouveaux modes de disposer que sont la bonification de titres au crédit d’un compte et les conventions de contrôle sur des titres figurant au crédit d’un compte de titres entraînent la naissance de nouveaux types d’acte de disposition, dif-férents du transfert d’un droit du patrimoine du disposant vers le patri-moine du bénéficiaire ?

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153Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

CHAPITRE III

La bonification de titres intermédiés en compte de titres

selon l’art. 24 LTI

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155Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

Les règles concernant les actes de disposition constituent un des chapitres centraux de la LTI 1. Le transfert de titres intermédiés selon l’art. 24 LTI est le premier des trois modes mis en place par la LTI pour disposer des titres intermédiés. Le Conseil fédéral y voit même l’ “acte de disposition ordinaire”2. Les deux autres modes de disposer sont les conventions de contrôle, conclues en faveur d’un tiers bénéficiaire ou en faveur du déposi-taire, prévues aux art. 25 et 26 LTI 3. Dans le présent chapitre, nous allons examiner les conditions néces-saires pour qu’un acte de disposition accompli au moyen d’un crédit en compte de titres soit valable. Ceci implique que nous nous intéressions, dans une certaine mesure, au titre d’acquisition qui sert de base à l’acte de disposition stricto sensu. Nous évoquerons en conséquence le contenu possible de ce titre d’acquisition et nous détaillerons les implications pa-trimoniales des différentes variantes du contrat de commission, qui est le contrat le plus fréquemment utilisé en pratique pour servir de base à une aliénation de titres intermédiés. Nous examinerons ensuite l’acte de dis-position au sens technique, à savoir l’acte constitutif central qui opère la modification patrimoniale visée. A ce titre, nous nous intéresserons aux manifestations de volontés, expresses et tacites, qui sont nécessairement accomplies par les participants à une transaction, lorsqu’un dépositaire est instruit par un titulaire de compte de transférer des titres, afin de déter-miner si l’acte de disposition est un acte unilatéral ou bilatéral. En second lieu, nous aborderons les questions que suscite le crédit opéré en compte de titres. Cet acte matériel qui parachève l’opération d’acquisition doit être mis dans la perspective de la publicité qui est faite par ce truchement à la légitimité du titulaire de compte sur lequel les titres sont crédités. A cet égard, nous analyserons en détail les pratiques opérationnelles utilisées par les dépositaires pour accomplir les crédits en compte de titres et leurs conséquences juridiques dans le cadre de la LTI.

1 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8843.2 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8869 ; il s’agit en réalité du mode ordinaire de

disposer, l’acte de disposition au sens strict étant constitué de la manifestation des volontés du disposant et du bénéficiaire, voir infra chap. III, § 2, A, p. 186.

3 Voir infra chap. IV, p. 239.

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156 Joël Leibenson

§ 1 Le titre d’acquisition à la base du crédit en compte de titres

Notre recherche portant sur les actes de disposition sur les titres inter-médiés, nous n’étudierons pas les détails des relations contractuelles qui sont à la base de ces actes de disposition. Cependant, la nouveauté du ré-gime juridique introduit par le transfert en compte de titres comme moyen de disposer de titres intermédiés nous amène à présenter brièvement le contenu possible du contrat générateur d’obligations sur lequel repose ce crédit en compte de titres, ainsi qu’à analyser le lien nécessaire entre la validité du titre d’acquisition et la validité de l’acte de disposition.

A. Le contenu du titre d’acquisition

1. La LTI ne régit pas le contenu du titre d’acquisition

Au rang de ses conditions, l’art. 24 LTI mentionne l’instruction 4 donnée en vue des écritures comptables à exécuter et la bonification 5, soit l’ins-cription des titres intermédiés au crédit du compte de l’acquéreur, mais il ne contient aucune indication quant au contrat générateur d’obligations à la base de la transaction visée par les parties : la cause de l’acte de disposi-tion. La nature juridique et économique des titres intermédiés les destine à de nombreux types d’utilisation et en fait l’objet de toute une série de transactions. Le contenu du titre d’acquisition dépend évidemment du but visé et des engagements assumés par les parties à un contrat. Il s’agira le plus souvent d’un but d’investissement dans les titres concernés ou d’un but de protection contre un risque (de contrepartie, de marché, etc.) au moyen de ces titres. Les diverses possibilités d’utilisation des titres sont pleinement prises en compte par la LTI. La terminologie employée par la loi reste neutre à

4 Voir infra chap. III, § 2, p. 186.5 Voir infra chap. III, § 3, p. 219.

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157Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

cet égard 6. L’approche adoptée par l’art. 24 LTI, consistant à ne pas décrire le titre d’acquisition, est cohérente dans le système de la LTI. Celle-ci ne régit en effet pas le contrat générateur d’obligations 7. Cette neutralité ju-ridique de la LTI à propos du titre d’acquisition qui fonde l’acte de dispo-sition s’explique par le fait qu’une des idées centrales de la réforme opérée est de n’intervenir dans des pratiques et des systèmes éprouvés qu’en cas d’absolue nécessité 8. La loi est orientée en fonction des pratiques établies des intermédiaires financiers pour opérer des transactions sur des instru-ments financiers conservés par les dépositaires 9. En conséquence, l’art. 24 LTI réglemente l’acte de disposition par bonification sans le rattacher spé-cifiquement au transfert de titularité ou à la constitution d’un droit limité sur les titres intermédiés.

2. La titularité, une sûreté ou un usufruit sur des titres intermédiés

Les termes neutres de la LTI ne posent pas directement de conditions ou de restrictions quant au contenu possible du titre d’acquisition exécuté au moyen d’un transfert en compte de titres. Il nous faut cependant évoquer brièvement la nature juridique des droits effectivement créés ou transférés par ces transactions afin de s’assurer que les caractéristiques principales des différents actes de disposition n’entrent pas en conflit avec les fonc-tionnalités permises par le transfert en compte de titres. Plusieurs possibi-lités s’offrent au disposant. La première est un transfert pur et simple des titres intermédiés 10, la deuxième est un transfert à titre de sûreté 11 et la troisième est un transfert constitutif d’un usufruit 12.

6 Selon l’art. 24 al. 1 LTI in initio : “L’acte de disposition portant sur des titres intermédiés intervient […]” ; “Über Bucheffekten wird verfügt durch […]” ; “Dei titoli contabili si dispone mediante […]”.

7 Voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869, en ce qui concerne le contrat de gage ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1078, à la note 65 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 155.

8 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8910 ; Thévenoz, Saut épistémologique, p. 693 s. ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 118.

9 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 33.10 Art. 24 al. 1 LTI.11 Art. 25 al. 1 combiné avec l’art. 24 al. 1 LTI.12 Art. 25 al. 3 combiné avec les art. 25 al. 1 et 24 al. 1 LTI.

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158 Joël Leibenson

Il ressort de ce qui précède que le transfert en compte de titres permet d’accomplir des actes de disposition de toutes natures. Il s’agit du mode de disposer qui permet de transférer ou constituer tous les pouvoirs sur des titres intermédiés. Ainsi, la totalité (titularité) ou seules certaines facultés (gage, usufruit) peuvent être transférées, respectivement constituées par transfert de titres intermédiés selon l’art. 24 LTI au crédit du compte de titres d’un participant à une transaction. Le transfert de titres intermédiés en compte de titres n’est donc pas synonyme de transfert de titularité de titres intermédiés.

a. La simple titularité

Le transfert pur et simple de la titularité 13 des titres intermédiés inter-vient généralement dans le cadre d’une vente. Le contrat vise dans ce cas l’aliénation des titres intermédiés par le vendeur contre le paiement de la valeur des titres. Lorsque toutes les conditions du transfert sont remplies, l’acquéreur reçoit la titularité des titres intermédiés et ceux-ci entrent dans son patrimoine. Ces titres peuvent être admis ou non au né-goce boursier ; si cela est le cas, la vente peut intervenir en bourse ou hors

13 Nous choisissons d’employer le vocable titularité pour désigner les droits les plus éten�dus sur les titres intermédiés, que l’on ne peut à notre avis pas qualifier de propriété au sens des art. 641 ss du Code civil (voir dans le même sens l’ATF 138 III 137/139, cons. 5.2.1. ; Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 67, qui parle de “vollen Rechtszuständigkeit” sur les titres intermédiés, ce que le Message restitue impropre�ment par “pleine propriété”, Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867 ; voir Foëx, Les actes de disposition, p. 92). La titularité des titres intermédiés est certes au bénéfice de la garantie fédérale de la propriété (Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8844 et p. 8911 s.), ce qui l’inclut dans la notion constitutionnelle de propriété (cf. Thévenoz, Saut épistémologique, p. 703), mais cette titularité, bien qu’étant déclarée opposable à tout tiers, ne regroupe pas pleinement tous les attributs essentiels des droits réels. En effet, le droit de préférence est maintenu (cf. art.  3 al.  2, 17 al.  1 et 29 al.  3 LTI). Cependant, le droit de suite est mis à mal en raison du traitement des cas de découvert de titres (Shortfall ; art. 19 al. 2 LTI) et de l’emploi de règles fondées sur l’enrichissement illégitime en cas d’acquisition de titres intermédiés de mauvaise foi (art. 28 al. 3 et 4 LTI). Sur le droit de préférence et de suite, voir Eigenmann, Aspects choisis, p. 114 ss ; voir en outre Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 153 ss, qui démontre que les titres intermédiés ne peuvent pas faire l’objet d’un droit de propriété.

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159Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

bourse, aux conditions prévues par la réglementation de la place boursière concernée 14.

b. Une sûreté

La seconde possibilité pour le disposant qui transfert des titres intermédiés selon le mode de la bonification est de constituer une sûreté pour le béné-ficiaire sur le compte duquel les titres vont être crédités. Nous n’entrons pas ici dans le détail des différentes caractéristiques juridiques des sûretés. Nous invitons le lecteur à consulter les développements que nous faisons plus loin au sujet de la constitution de sûretés au moyen d’une convention de contrôle 15.

i. La titularité fiduciaire à fin de sûreté et le gage irrégulier

Une sûreté au sens des art. 25 al. 1 et 24 al. 1 LTI permet tout d’abord de transférer la titularité au titulaire du compte crédité 16. La constitution de la sûreté vise alors soit la titularité fiduciaire à fin de garantie et repose sur une convention de fiducie (pactum fiduciae) ou constitue un transfert de titularité sur la base d’un contrat de gage irrégulier (pignus irregulare) 17.

ii. Le gage mobilier

Outre le transfert de titularité des titres intermédiés, une sûreté moyen-nant un transfert selon l’art. 24 al. 1 LTI permet également la constitution

14 Pour un aperçu du processus des transactions sur titres intermédiés cotés, voir infra chap. III, § 1, B, p. 164.

15 Voir infra chap. IV, § 1, B, p. 244.16 Foëx, Les actes de disposition, p. 93 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 117 ; Bensahel /

Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 331 ; Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 578 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 17.

17 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 116 ; Foëx, Les actes de disposi�tion, p. 92 s. ; Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 131 ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 127 s. ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 487, n. 64 ; au sujet du gage irrégulier, voir infra chap. IV, § 1, B. 2. c, p. 258.

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160 Joël Leibenson

d’un gage en faveur du titulaire du compte sur lequel les titres intermédiés sont bonifiés 18. Il s’agit du gage sur les créances et autres droits, un droit réel limité qui grève les titres intermédiés constitués en gage 19. La notion d’acquéreur, contenue à l’art. 24 al. 1 let. b LTI, ne doit ainsi pas être prise dans son sens littéral et doit également inclure celle de créancier au bé-néfice d’une sûreté ou d’un tiers qui reçoit la sûreté pour le créancier 20. Comme nous l’avons vu, le pouvoir juridique de disposer du titulaire d’un compte de titres n’est pas une condition de la définition des inscriptions figurant au crédit de compte en tant que titres intermédiés 21. Il en résulte qu’on ne peut déduire des art. 3 al. 1 let. b, et 24 al. 1 et 2 LTI qu’un crédit en compte procure nécessairement la titularité des instruments financiers crédités. Ceci signifie qu’un crédit en compte peut procurer un autre droit que la titularité de ces instruments financiers 22. Le fait que la bonification en compte donne au titulaire du compte l’apparence d’être titulaire de plus de droit qu’il n’en a en réalité n’est pas un critère de nature à empêcher que certains actes de disposition procurant des droits limités soient accomplis

18 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867 ; Thévenoz, Saut épistémologique, p. 708, qui parle de bonification inscrite dans un “compte�gage” ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 116, à la note 159 ; Kunz, Legislative Aktivitäten, p. 51, à la note 155 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 92 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p.  129, 131 et 137  s. ; Eigenmann, La réalisation des sûretés, p.  128 ; Eggen, Si�Si�cherheiten an Wertrechten, p. 123 s. ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 84 s. ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 155 s. ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 154, Syst. T., n. 531d ; Zbinden / Hess, Das reguläre Pfandrecht an Bucheffekten, p. 358 ; Abegglen / Brönnimann, Bestellung eines Pfandrechts an Bucheffekten, p. 117 ; Baumgartner, Reguläre Pfandrechte, p. 1364 s. ; Kuhn, Schwei�Schwei��erisches Kreditsicherungsrecht, p. 478, n. 38 et p. 487, n. 64 ; contra : Piotet, Titres intermédiés, p. 117 s. ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 18 ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 65.

19 Les sûretés pouvant être créées par transfert selon l’art. 24 LTI ou par convention se�lon les art. 25 et 26 LTI, nous renvoyons aux développements consacrés infra chap. IV, § 1, B. 2. b, p. 254, à la notion de sûreté selon ces articles pour un exposé de notre argumentation en faveur de la constitution d’un gage par transfert en compte de titres au sens de l’art. 24 LTI.

20 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 130 s., note 73.21 Voir supra chap. II, § 3, B. 2. c. ii, p. 116 ; voir également les développements infra

relatifs à la nécessité du pouvoir de disposer du titulaire du compte afin d’accomplir un acte de disposition valable, chap. III, § 2, C. 2, p. 212.

22 La possibilité de constituer un droit réel limité est d’ailleurs confirmée par la mention expresse du transfert en compte de titres comme moyen de constituer un usufruit d’après le texte de l’art. 25 al. 3 LTI qui renvoie à l’art. 25 al. 1 LTI.

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161Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

au moyen d’un transfert de titres en compte 23. La seule présence dans la LTI d’un régime de protection d’un acquéreur de bonne foi en cas d’ab-sence de pouvoir juridique de disposer le confirme.

iii. Consignation à titre de sûreté et Escrow Agreement

Outre les sûretés réelles mobilières évoquées ci-dessus, il nous faut égale-ment considérer les actes de disposition reposant sur les figures juridiques de la consignation à titre de sûreté (Sicherheitshinterlegung) et de l’Escrow Agreement. Pour les différentes modalités de ces institutions, nous ren-voyons ici aux développements que nous leur consacrons en relation avec les conventions de contrôle fondées sur les art. 25 et 26 LTI 24. Nous nous limitons à relever ici certains éléments en lien direct avec le rôle du crédit de titres dans leur constitution. Bien que les relations visant la détention auprès d’un tiers ne soient généralement envisagées que pour les choses mobilières 25, il nous semble que les mécanismes de consignation à titre de sûreté peuvent être trans-posés aux titres intermédiés. En effet, le bien remis doit être approprié au but poursuivi par les parties et doit ainsi le plus souvent pouvoir être réa-lisé et transféré 26. En outre, s’agissant des droits ordinairement incorpo-rés dans un papier-valeur, le but de garantie visé par la remise au tiers est d’empêcher l’exercice du droit incorporé ou de pouvoir créer un gage sur ce droit 27. Dès lors que le transfert de titres intermédiés sur un compte de titres joue exactement le même rôle qu’une remise physique, on ne voit pas pourquoi un tiers à une transaction ne pourrait pas servir d’Escrow Agent et se voir créditer des titres intermédiés sur son compte. Il convient toute-fois de relever deux éléments.

23 La constitution du gage ne nécessite pas que la bonification soit accompagnée d’une mention faite dans le compte de titres précisant que l’opération est faite à titre de gage ; d’un autre avis, Steinauer, Droits réels III, p. 520 s., n. 3214e, qui se réfère au “système légal” sans mettre en évidence en quoi celui�ci fonde une telle interpréta�tion de la LTI.

24 Voir infra chap. IV, § 1, B. 2. d, p. 260.25 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 12 et p. 87 ss.26 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 87 ss.27 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 89.

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162 Joël Leibenson

Premièrement, ce transfert en compte de titres est soumis à la LTI s’il vise à accomplir un acte de disposition. C’est-à-dire, si le transférant affecte son patrimoine par une diminution de ses actifs (transfert de ti-tularité ou engagement). Or, un transfert de titres intermédiés par crédit en compte de titres exécuté sur la base d’un engagement contractuel ne visant pas à transférer la titularité des titres ni à conférer un gage au ti-tulaire de compte n’est pas un acte de disposition au sens de la loi sur les titres intermédiés 28. En effet, dans le cas d’un Escrow Agreement visant seulement à supprimer la possibilité de fait de pouvoir disposer des actifs concernés 29, le transférant ne dispose pas des titres. Il ne fait que conférer la maîtrise sur les titres, que procure le crédit sur le compte et le pouvoir d’instruire le dépositaire à leur égard. Deuxièmement, si le but des parties est de faire une consignation ré-gulière à fin de sûreté, le transfert en compte de titres peut également être utilisé. En effet, la situation du consignataire est celle d’un tiers détenteur de gage (Pfandhalter), qui exerce ordinairement la maîtrise de fait de l’actif grevé afin de permettre la constitution d’un gage mobilier en faveur du créancier gagiste 30. Dans un tel cas, un transfert en compte de titres n’a pas pour but de conférer un gage sur les titres en faveur du titulaire de compte, mais vise leur simple maîtrise afin que le titulaire du compte de titres puisse conférer le gage au créancier gagiste non-titulaire de compte 31. Ici, le transfert ne vise pas un acte de disposition en faveur du titulaire

28 Il n’en demeure pas moins, selon nous, qu’un tel transfert est possible. Il n’est en effet pas concevable qu’un transfert de titres, s’il n’entraine pas d’acte de disposition, ne puisse plus avoir lieu en raison de l’adoption de la loi sur les titres intermédiés. Il suffit d’évoquer le cas où une personne souhaiterait transférer ses titres sur un autre compte de titres qu’elle a, par hypothèse, auprès d’un autre dépositaire. Il n’y a là clairement pas d’acte de disposition et l’on n’envisage pas que l’adoption de la LTI rende un tel transfert impossible.

29 Sur cette forme d’Escrow Agreement, voir Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 30 ss et 52 ss ; pour les choses mobilières, le pouvoir de fait octroyé à l’Escrow Agent est le transfert de la possession qualifiée.

30 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 403, Syst. T., n. 1214 et p. 410, Syst. T., n. 1234.

31 Voir Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 19, qui semblent envisager ce mode de constitution : “Denkbar ist aber auch, dass ein Dritter als Kontoinhaber bezeichnet wird, mithin eine der Pfandhalterschaft ähnliche Konstellation entsteht”, bien qu’ils soutiennent par ailleurs que le crédit en compte de titres ne peut conférer que la titularité des titres ; voir infra chap. IV, § 1, B. 2. a, p. 247.

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163Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

de compte crédité, mais en faveur d’un tiers non-titulaire de compte. En conséquence, une consignation à fin de sûreté par transfert en compte de titres est possible aussi bien en cas de consignation irrégulière ou fidu-ciaire, puisque dans ces cas le consignataire acquiert la titularité de l’actif concerné 32, qu’en cas de consignation régulière à fin de sûreté. En outre, la LTI introduit un moyen spécifique afin d’interposer une personne entre le constituant et le créancier gagiste : il s’agit de la convention de contrôle se-lon l’art. 25 al. 1 LTI, 2e hypothèse 33. Cependant, la répartition particulière des pouvoirs 34 entre le créancier gagiste, le constituant et le dépositaire, qui est introduite par la convention de contrôle exige que les parties prennent des dispositions contractuelles précises afin d’instaurer un équilibre qui puisse permettre d’atteindre le but ordinairement visé par l’interposition d’un Escrow Agent.

c. Un usufruit

Enfin, selon les art. 25 al. 1 et 3 LTI, le transfert de titres intermédiés per-met de constituer un usufruit en faveur du titulaire du compte sur lequel les titres sont bonifiés 35. La réglementation de l’acte de disposition per-mettant la constitution d’un usufruit à l’art. 25 al. 3 LTI met en évidence que la LTI ne régit pas le titre d’acquisition à la base de l’acte de dispo-sition. La LTI ne fait que mentionner le nom de l’usufruit en référence à son mode de constitution. Cela est étayé par le Message du Conseil fé-déral qui fait un parallèle entre le crédit en compte à fin de créer l’usu-fruit avec le transfert d’une chose mobilière conformément à l’art. 746 al. 1 CC 36, sans remettre en cause le fait que le transfert de la chose n’est qu’une

32 Sur ces notions, voir infra chap. IV, § 1, B. 2. d, p. 260.33 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p.  116 ; Dalla Torre / Leisinger /

Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 20.34 Il s’agit notamment du large pouvoir d’instruction et de l’absence apparente de

contrôle de cette instruction par le dépositiaire (art. 15 al. 2 LTI). 35 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867 et p. 8870 ; Thévenoz, Saut épistémologique,

p. 708, selon lequel le crédit est opéré sur un “compte�usufruit” ; Foëx, Les actes de disposition, p. 100 ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1078, à la note 66 ; d’un avis différent, Piotet, Titres intermédiés, p. 119 s., qui n’admet que la constitution d’un quasi�usufruit par transfert de titres intermédiés sur le compte de l’usufruitier.

36 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870.

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164 Joël Leibenson

des conditions à la constitution du droit, à côté de l’existence d’un titre d’acquisition valable 37.

B. Bref aperçu des processus de transactions sur les marchés financiers

Parmi la diversité des opérations pouvant impliquer des titres intermédiés, le mécanisme de la transaction en bourse nous semble devoir être abordé parce qu’il représente en volume certainement la forme la plus courante d’acte de disposition sur les titres intermédiés. Nous n’en évoquerons que les aspects essentiels permettant de dégager certains principes fondamen-taux du fonctionnement des actes de disposition sur les titres intermédiés.

1. La conclusion de la transaction (Trade)

La transaction commence généralement par un ordre d’un investisseur à son négociant en valeurs mobilières. Différents types d’ordre sont envi-sageables en fonction de variations de quantité, du prix souhaité ou de la durée de validité 38. Le négociant va alors soit exécuter cet ordre à partir de son propre portefeuille de titres, soit il va se procurer les valeurs sur le mar-ché. Dans le second cas, il va passer un ordre de bourse en son nom, en tant que participant à la bourse. Ce participant introduit dans le système in-formatique de la bourse (la plateforme SWXess) les données relatives aux valeurs qu’il souhaite acquérir. Les ordres des différents négociants sont traités en continu par le système de bourse par ordre de prix et de temps et ils sont conciliés par paires en fonction de leur concordance : il s’agit du Matching 39. A ce moment-là, deux manifestations de volonté réciproques et concordantes existent et le contrat de vente, le Trade, est conclu 40.

37 Steinauer, Droits réels III, p. 57, n. 2416.38 Pour un aperçu des différents types d’ordre, voir par exemple Lombardini, Droit ban�

caire suisse, p. 724 s., n. 24 s.39 Le terme français correspondant est “appariement”. Il restitue mieux la notion d’assor�

tir par paire. Cependant, compte tenu de l’usage particulièrement répendu du terme anglais dans le domaine, c’est ce dernier que nous utiliserons dans notre étude.

40 Art. 14.1 du Règlement relatif au négoce (RN), édicté par le Regulatory Board de SIX Swiss Exchange le 15 février 2011 et entré en vigueur le 1er juillet 2011 ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 493, n. 1316 et p. 494, n. 1318 ; Hess, Die �entrale Gegenpartei, p. 692 ; Weber, Elektronische Abwicklung, p. 60 ; Schönholzer, Zentrale Gegenpar�Zentrale Gegenpar�teien, p. 43 s. ; Zobl, Kommentar BEHG, p. 28 s., Einleitung, n. 142.

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165Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

Les transactions boursières sont aujourd’hui en grande partie conclues au moyen d’une contrepartie centrale, à savoir une chambre de compen-sation, fréquemment désignée par le terme anglais de “Central Counter-Counter-party” (CCP) 41. La contrepartie centrale est une entité dont le but est d’in-tervenir en tant que partie aux transactions passées sur les marchés afin de répartir collectivement les risques de défaut d’une contrepartie. Avec l’introduction d’une contrepartie centrale, le Matching se fait aussi entre les ordres des participants, mais des contrats distincts sont conclus direc-tement entre la CCP et chaque participant. La CCP est alors venderesse envers l’acheteur et acheteuse envers le vendeur 42.

2. Les erreurs de transaction (Mistrades)

Le cadre juridique boursier contient certaines règles destinées à assurer la transparence, l’efficacité et la liquidité du marché des valeurs mobilières lors de la conclusion des transactions 43. Le contrat conclu entre les par-ticipants à la bourse est soumis à la “Directive régulation du marché”44 qui traite notamment des erreurs de transactions, les Mistrades. Un cas de Mistrade survient lorsque “le prix d’une transaction diverge nettement du prix du marché” ou lorsque “les conditions de négoce juste et dans les règles ne sont pas garanties”45. A ce moment-là, suivant une procédure ad hoc, la bourse peut, de sa propre initiative ou sur demande d’un partici-pant, considérer une transaction caduque (ungültig ; invalid) et pronon-cer sa nullité 46. Cette pratique, qui a été confirmée par un récent arrêt du Tribunal fédéral 47, est de première importance dans le traitement des

41 La contrepartie centrale qui opère pour les transactions faites à la SIX Swiss Exchange est SIX x�clear AG.

42 Art. 15.1 RN et art. 5.1 et 5.2 des Conditions générales SIX x�clear spécifiques à la bourse SIX Swiss Exchange SA, édition de novembre 2009 ; Hess, Die �entrale Ge��entrale Ge�genpartei, p. 692 ; Hautekiet / Van Burik, Clearing and settlement, p. 102 ; Schön�holzer, Zentrale Gegenparteien, p. 95 ss.

43 Art. 9.4 et 10.5 RN.44 Voir l’art. 9.4 al. 3 RN et les art. 6 ss de la “Directive 4 : Régulation du marché”, du

9 août 2010, entrée en vigueur le 27 septembre 2010. 45 Art. 6.2 al. 1 let. a et b Directive Régulation du marché.46 Art. 9.4 al. 2 et 10.5.3 du RN et art. 6.2 al. 1, 6.3 al. 1 et 6.4 de la Directive Régulation

du marché ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p.  115 ; Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 730, n. 40.

47 ATF 133 III 221 ss = SJ 2007 p. 320 ss ; pour un état récent de la situation en droit allemand, voir Fleckner, Mistrades, p. 585 ss.

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166 Joël Leibenson

transactions sur les titres intermédiés. En effet, suite au cas de nullité, le négociant qui a participé à la transaction est en droit de contrepasser l’écri-ture comptable de la transaction dans le compte du client pour le compte duquel il a agi, à savoir procéder à une extourne 48.

3. Le Clearing et le Settlement

Après la conclusion de la transaction boursière, les obligations réciproques des parties doivent être exécutées. C’est ici qu’interviennent les notions de Clearing et de Settlement. Au sein de l’infrastructure des marchés, compre-nant notamment la bourse, le dépositaire central de titres, la contrepartie centrale et le système central de paiement (Swiss Value Chain) 49, les ordres sont en principe traités automatiquement, en un seul tenant (Straight Through Processing), de leur entrée dans le système de bourse jusqu’à l’exé-cution de la transaction. Sur ce modèle de transaction dit “locked-in”50, l’ordre entré dans le système de bourse par le participant est automatique-ment transféré à l’éventuelle contrepartie centrale, au dépositaire central et au système central de paiement, sans que des instructions ne doivent être ressaisies dans le système. Dans la perspective des transactions sur titres, le Clearing est le pro-cessus mené par un dépositaire central ou par une contrepartie centrale, qui vise à calculer les obligations réciproques des parties et à les compen-ser pour aboutir à un solde d’obligations net (Netting) en vue de l’exécu-tion des transactions passées (livraison des titres et paiement du prix de vente) 51. Les transactions qui ne sont pas conclues au moyen d’une contre-partie centrale sont donc acheminées directement au dépositaire central de titres et au système de paiement. Le Clearing et le Settlement (la “livrai-son” des titres) interviennent alors en une seule et même étape 52.

48 ATF 133 III 221/227, cons. 5.2.6 = SJ 2007 p. 320/322, cons. 5.2 in fine ; sur la portée de cet arrêt dans le cadre des actes de disposition sur des titres intermédiés, voir infra chap. III, § 1, D. 5, p. 182.

49 Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bankgeschäft, p. 731, n. 2221.50 Emch / Renz / Arpagaus, Schwei�erische Bankgeschäft, p. 731, n. 2222.51 Haeberli, Clearing and Settlement, p. 262 ; Hautekiet / Van Burik, Clearing and

settlement, p.  99 ; Schönholzer, Zentrale Gegenparteien, p.  7  ss et p.  159  ss ; Giovanoli, Tendances modernes, p. 36.

52 Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 495, n. 1321.

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167Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

Le Settlement est l’exécution effective de la transaction, qui induit l’ex-tinction des obligations réciproques de paiement et de transfert des titres 53. Comme le Clearing, il comporte deux aspects, le côté cash, le paiement du prix convenu, et le côté titres, le transfert des titres à l’acquéreur. En pra-tique, la “livraison” des titres est effectuée depuis longtemps par le crédit de ces titres sur le compte que le négociant en valeurs mobilières qui par-ticipe à la transaction a auprès du dépositaire central 54. Le délai usuel qui s’écoule depuis la conclusion de la transaction (moment T+0) jusqu’au cré-dit au compte du dépositaire est de 3 jours. On symbolise donc par T+3 la date-valeur, à savoir la date à laquelle la livraison comptable a lieu 55. Cette livraison est faite automatiquement contre paiement (Delivery versus Pay- Pay-Pay-ment), à savoir lorsque le compte du participant auprès du système de paie-ment SIX Interbank Clearing est crédité du montant de la transaction 56. Le même processus peut s’appliquer à des transactions hors bourse de titres ordinairement admis au négoce boursier 57. De son côté, le négociant livre les titres en les créditant sur le compte qu’il tient pour l’investisseur.

C. Statut des participants et nature juridique de la transaction : examen du contrat de commission

Le régime juridique établi par la LTI ne distingue pas les différentes situa-tions contractuelles pouvant se présenter dans le transfert des titres inter-médiés. Le rôle des parties à l’acte de disposition et leur position dans la chaine d’intermédiation ne donnent lieu à aucune règle particulière. La LTI règle la manière avec laquelle les actes de disposition doivent être faits. Cependant, les diverses figures contractuelles possibles entraînent égale-ment différents effets patrimoniaux. Vu la multitude de possibilités, nous faisons le choix de ne présenter que la figure juridique la plus fréquente en pratique 58, à savoir les rapports basés sur le contrat de commission. L’autre intérêt que présente l’institution

53 Hautekiet / Van Burik, Clearing and settlement, p. 99.54 Brunner, Wertrechte, p. 12 s. ; Ammann, Bucheffektengeset�, p. 524 ; Petitpierre�

Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 403, n. 1263.55 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8854 ; art. 13.1 RN.56 Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 497 s., n. 1330.57 Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 424, n. 1300.58 Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 717, n. 2 et p. 721, n. 16 ; von Planta / Flegbo�

Berney, Commentaire romand, p. 2589, Introduction aux art. 425�439 CO, n. 2.

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168 Joël Leibenson

du contrat de commission est celui de reposer sur une structure particu-lière de transfert de titularité des actifs concernés qui permet de détailler les mécanismes de transfert en compte de titres au sein du système d’inter-médiation. En effet, d’un point de vue patrimonial, c’est la relation entre le titulaire de compte qui dispose et son dépositaire qui est déterminante et non pas la bonification finale qui pourra être opérée dans le compte d’un investisseur qui aura donné une instruction d’achat à son dépositaire 59.

1. Le contrat de commission

Les règles du contrat de commission s’appliquent en principe à la vente et à l’achat de papiers-valeurs et de choses mobilières par une banque sur man-dat de son client 60. Le négociant (le commissionnaire) s’engage à acheter ou à vendre des choses mobilières ou des papiers-valeurs en son propre nom, mais pour le compte de son client (le commettant), et cela contre une rémunération (la provision) 61. Les règles de la commission sont appli-cables par analogie au négoce de droits non incorporés dans un papiers- valeurs 62. En outre, le contrat de commission étant une forme de mandat, les règles du mandat sont également applicables dans la mesure où le ré-gime de la commission n’y déroge pas 63. Il nous semble dès lors possible

59 Voir aussi Staehelin, Bankinsolven�rechtliche Finalität, p. 96, qui relève que c’est dans la relation entre le titulaire de compte disposant et son dépositaire que se situe le premier acte de disposition au sein de la chaine d’intermédiation, le dépositaire aliénant ensuite les titres intermédiés à l’investisseur qui les acquiert.

60 ATF 133 III 221/225 = SJ 2007 p. 320/321, cons. 5.1 ; ATF 114 II 57/63 = JdT 1988 I 363/367, cons. 6 a) ; Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 717, n. 1. Il faut toutefois réserver des cas où seules les règles de la vente sont applicables, comme par exemple sur dans le cas du placement sur le marché primaire ou en cas d’activité de teneur de marché (Thévenoz, opérations sur valeurs mobilières, p. 41) ou pour l’acquisition de certains produits structurés (Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 723, n. 22). Voir également Martin, L’ordre de bourse, p. 23 ss.

61 von Planta / Flegbo�Berney, Commentaire romand, p. 2592, n. 1 ad art. 425 CO. 62 Lombardini, Gestion de fortune, p. 93 ; Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 717,

n. 2 ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 456, n. 1222 ; Roth, Kommentar BEHG, p. 41 s., n. 124 ad art. 11 LBVM ; Sibbern / von der Crone, Genehmigungsfiktion, p. 71 ; voir toutefois von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2662, n. 2 ad art. 425 CO, qui n’appliquent que les règles du mandat, et Forstmoser / Lörtscher, Aufge�Aufge�schobenem Titeldruck, p. 62, qui préconisent l’application des règles du mandat, à moins que les parties n’aient expressément déclaré que les règles de la commission étaient applicables.

63 Art. 425 al. 2 CO.

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169Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

de mener une analyse du contrat de commission dans son application aux actes de disposition sur des titres intermédiés 64. La conclusion d’un contrat de commission entre le client et le déposi-taire qui procède à la négociation des titres nécessite d’opérer une distinc-tion fondamentale. Il s’agit de savoir si le dépositaire intervient simple-ment en son nom, mais pour le compte du client qui lui transmet un ordre, comme représentant indirect, ou s’il exerce son droit formateur de se por-ter contrepartie à la transaction initiée par son client, comme le lui permet l’art. 436 al. 1 CO. Ce deuxième cas de figure est très fréquent en pratique 65.

2. Le commissionnaire ne se porte pas contrepartie

a. Commission à l’achat

Dans une commission simple à l’achat, le dépositaire qui négocie les titres pour son client conclut un contrat de vente et acquiert les titres en son propre nom, mais pour le compte du client. Le mécanisme de représentation in- directe 66 qui sous-tend l’opération a pour conséquence que le dépositaire

64 Du même avis, von Planta / Flegbo�Berney, Commentaire romand, p. 2592, n. 2 ad art. 425 CO, qui appliquent les règles de la commission aux transactions sur des titres intermédiés.

65 von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2660 s., n. 8 ad Vor Art. 425�439.66 Une partie de la doctrine soutient que l’acquisition de titres en bourse sur la base du

mécanisme de représentation directe doit être présumée, à moins que le commission�naire n’ait exercé son droit de se porter contrepartie (von Planta / Lenz, Obligatio�Obligatio�nenrecht I, p. 2680 s., n. 2 ad art. 434 CO ; Tercier / Favre, Contrats spéciaux, p. 890, n. 5891). D’autres auteurs soutiennent au contraire qu’il s’agit d’un cas de représen�tation indirecte (Watter, Handel in Wertschriften, p. 186 ; Zobl / Kramer, Kapital�Kapital�marktrecht, p. 453 s., n. 1215 ; Brunner, Wertrechte, p. 226 ; voir également Kleiner, Zäher Abschied, p. 293). Nous nous rallions à cette seconde opinion pour le motif que l’identité des cocontractants n’est pas indifférente aux participants à la bourse (cf. art. 32 al. 2 CO). Il s’agit�là d’un des principaux motifs pour justifier le fait que la parti�cipation à la bourse n’est ouverte qu’à des entités qui présentent certaines caractéris�tiques du point de vue du droit de la surveillance. Il est d’ailleurs constant que la limi�tation du cercle des participants ayant accès au marché permet d’assurer la protection du système et des investisseurs (Nobel, Net�werke im B�rsenbereich, p. 181). Pour le surplus, le SWX Platform “Back Office” Guide, du 8 décembre 2004, p. 52, énonce clairement, pour les opérations conclues sur la base d’une représentation directe, que “This contractual form is not known in Switzerland”. Pour un exemple reposant sur des considérations similaires de protection des échanges dans le domaine du trafic des paiements, voir l’ATF 121 III 310/312 s. = JdT 1996 I 359/361 s., cons. 3 a) et 3 b).

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acquiert ordinairement la possession des papiers-valeurs et choses mo-bilières transférées et en devient propriétaire 67. L’investisseur ne devient propriétaire que lorsqu’il reçoit la possession des biens de la part du com-missionnaire, en exécution de son devoir de restitution conformément à l’art. 400 al.  1 CO 68. Dans le cadre du système d’intermédiation, l’acte constitutif de l’acquisition des titres intermédié par l’investisseur n’est pas la possession des titres, mais l’accomplissement du crédit opéré sur son compte de titres (bonification), conformément à l’art. 24 al. 1 let. b LTI 69.

b. Commission à la vente

Le commissionnaire vendeur n’acquiert en principe pas le bien que le com-mettant souhaite vendre 70. Le commissionnaire passe un contrat en son nom, mais pour le compte de son client. Le commissionnaire est au bénéfi-cie d’un pouvoir de disposer sur les titres pour opérer l’acte de disposition directement depuis le patrimoine du commettant vers le patrimoine de l’acquéreur conformément à l’art. 396 al. 2 CO applicable par renvoi de l’art. 425 al.  2 CO 71. A la différence de la commission à l’achat, le com-missionnaire à la vente n’a pas à créditer les titres sur son compte Nostro. Seules les écritures comptables faites du côté de l’acheteur seront à même d’opérer l’accomplissement du transfert et d’achever l’acte de disposition de l’aliénateur.

3. Le commissionnaire se porte contrepartie

L’art. 436 al. 1 CO permet au commissionnaire de se porter contrepartie du commettant et de devenir son cocontractant pour la transaction envisagée

67 von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2680 s., n. 2 ad art. 434 CO ; Tercier / Favre, Contrats spéciaux, p. 890, n. 5891 ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 455, n. 1219 ; voir aussi Weber, Obligationenrecht I, p. 2474, n. 12 ad art. 396 CO.

68 von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2680 s., n. 2 ad art. 434 CO ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 455, n. 1219.

69 Sur la signification des différents modes de comptabilisation des crédits en compte de titres, voir infra chap. III, § 3, B, p. 220, et C, p. 223.

70 von Planta / Flegbo�Berney, Commentaire romand, p. 2613, n. 5 ad art. 434 CO.71 Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p.  456, n.  1221 ; von Planta / Lenz, Obligatio�Obligatio�

nenrecht I, p. 2681, n. 4 ad art. 434 CO. La doctrine n’est toutefois pas unanime, voir les références citées par von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2681, n. 4 ad art. 434 CO.

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171Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

(Selbsteintritt), à la condition que les valeurs soient cotées à la bourse ou sur le marché. Conformément à l’art. 437 CO, si le commissionnaire ne désigne pas son cocontractant, il est présumé se porter contrepartie du commettant. Lorsque le commissionnaire se porte contrepartie, l’exécution du contrat envers le commettant implique plusieurs cas de figures possibles 72. Le premier est dit Nostro véritable 73 lorsque le dépositaire n’effectue pas d’achat de couverture ou de vente sur le marché, mais livre des titres de-puis son compte Nostro ou crédite ces titres sur son compte Nostro. Le deuxième cas de figure est dit Nostro technique 74 lorsque le commission-naire se porte contrepartie de l’investisseur, mais effectue en son nom propre un achat ou une vente sur le marché et qu’il conclut cette opération pour son propre compte, à la différence de la commission simple. La troi-sième possibilité envisageable est l’internalisation, à savoir la “compensa-tion” par le dépositaire de la position de son client avec celle d’un autre de ses clients qui souhaite faire l’opération contraire 75. Nous reviendrons

72 La terminologie que l’on trouve che� les différents auteurs n’est pas uniforme. Plus que le nom donné à une pratique, son contenu est assurément déterminant pour la qualifier juridiquement.

73 Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 720, n. 11 ; Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 423, n. 1299 ; opération parfois dénommée “wirtschaftlicher Selbsteintritt” (Brunner, Wertrechte, p. 229, à la note 41 ; Schönholzer, Zentrale Gegenparteien, p. 41) ou “echter Selbsteintritt” (von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2685, n. 2 ad art. 436 CO).

74 Lombardini, Droit bancaire suisse, p.  720, n.  11 ; Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 423, n. 1300 ; d’autres auteurs décrivent cette opération comme étant également un “echter Selbsteintritt” (von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2685, n. 2 ad art. 436 CO ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 457, n. 1225) ou comme étant un “formaler Selbsteintritt” (Brunner, Wertrechte, p. 229, à la note 41 ; Schönholzer, Zentrale Gegenparteien, p. 41).

75 Il ne s’agit pas d’une compensation au sens juridique (Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 720, n. 11), mais plutôt d’une exécution croisée d’ordres opposés émanant de deux clients du dépositaire (Internal Crossing). Cette façon de se porter contrepartie est aussi appelée “technischer Selbsteintritt” (von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2685, n. 2 ad art. 436 CO ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 457, n. 1225), “in-tervention personnelle technique” (Petitpierre�Sauvain, Les papiers�valeurs, p. 423, n. 1299), “fiktiver Selbsteintritt” (Brunner, Wertrechte, p. 229, à la note 41 ; Schön�holzer, Zentrale Gegenparteien, p.  42) ou “Internalisierung” (von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2685, n. 2 ad art. 436 CO ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 457, n. 1225 ; Schönholzer, Zentrale Gegenparteien, p. 42).

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172 Joël Leibenson

plus loin sur les interactions entre ces diverses possibilités et les différents modes de comptabilisation des opérations en compte de titres76.

D. La nature causale du crédit en compte de titres

Le caractère abstrait ou causal de l’acte de disposition sur les titres inter-médiés est avant tout affaire de choix législatif. De ce choix dépend l’équi-libre des relations entre toutes les parties impliquées dans les transactions sur des titres intermédiés. Si ce choix n’est pas clairement exprimé par le législateur, la détermination du régime que suit l’acte de disposition sur des titres intermédiés se fait en fonction d’éléments propres au système des titres intermédiés et externes à celui-ci. S’agissant des éléments intrin-sèques de la LTI, les facteurs déterminant le régime de la politique légis-lative suivie sont matérialisés par la présence de mécanismes d’extournes, d’un régime de protection de la bonne foi et de renvois aux règles sur l’en-richissement illégitime. Parmi les éléments externes, il faut envisager la comparaison avec le statut qui prévaut dans les autres matières du droit des biens, et notamment les distinctions fondamentales à faire entres les créances, les choses mobilières et les titres intermédiés.

1. L’absence de base légale et la volonté du législateur

La détermination de la nature causale ou abstraite des actes de disposition sur les titres intermédiés fait l’objet d’un débat au sein de la doctrine 77. Les

76 Voir infra chap. III, § 3, B, p. 220, et C, p. 223.77 Voir, notamment, en faveur de l’abstraction, Blum, Rechtsmängel, p.  695 ; Thé�

venoz, Saut épistémologique, p.  708 ; Kuhn, Die Modernisierung, p.  139 ; Kuhn, Bucheffektenmodell, p.  55 ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p.  285, n.  27 ad art. 15 LTI ; apparemment Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1078, à la note 65 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 17, à la note 7 ; Wiegand, Die Bucheffekte : ein neues Verm�gensrecht ?, p. 1132 s. ; Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p. 141 s. En faveur du principe de causa�, p. 141 s. En faveur du principe de causa�lité, Eigenmann, Aspects choisis, p. 111 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 87 ss et p. 94 ; Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 154, à la note 55 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 122 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicher�Sicher�heiten, p. 158 ; Hess / Stöckli, Grund�üge und Missverständnisse, p. 118 ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 25 s.

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173Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

auteurs en faveur du principe d’abstraction s’appuient en premier lieu, si-non exclusivement, sur le texte de l’art. 15 al. 2 LTI, qui énonce que le dé-positaire n’a ni le droit ni l’obligation de vérifier la cause juridique d’une instruction. Cependant, les travaux préparatoires accompagnant le texte légal ne permettent pas d’établir l’abstraction de l’acte de disposition. En effet, les termes du Message du Conseil fédéral sont contradictoires 78. Un passage mentionne que la validité de l’instruction serait indépendante de l’efficacité de l’acte causal 79, mais un autre mentionne le contraire en réfé-rence à un exemple d’extourne d’un crédit dans lequel la justification de l’extourne est l’absence de cause juridique (Rechtsgrund) au crédit opéré 80, ce que la version française du Message restitue improprement par “sans droit”81. Par ailleurs, les explications relatives au gage sur des titres inter-médiés constitués par convention de contrôle en application de l’art.  25 LTI mentionnent expressément le contrat de gage comme acte causal de l’acte de disposition 82. Au vu de ces éléments, certains auteurs sou tiennent avec raison que l’art. 15 al. 2 LTI ne prescrit pas que l’instruction est valable même si elle est dépourvue de cause 83. Nous démontrerons plus loin que cette norme vise en réalité à introduire une certaine neutralité dans l’exé-cution d’une instruction par le dépositaire, non pour affirmer que celle-ci est abstraite, mais pour mettre en œuvre la fonction de transfert des droits contre les émetteurs assumée par les titres intermédiés 84. A considérer le texte de loi et ses travaux préparatoires, il apparaît que le législateur de la LTI n’a pas fait de choix en faveur du principe d’abstraction ou de causalité 85.

78 Hess / Stöckli, Grund�üge und Missverständnisse, p. 118.79 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8860.80 Cf. la version allemande du Message, Conseil Fédéral, Botschaft BEG, p. 9375.81 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8874.82 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869.83 Foëx, Les actes de disposition, p. 88 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten,

p. 158 ; Eigenmann, Aspects choisis, p. 111, qui semble toutefois avoir légèrement modifié sa position depuis lors (cf. Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA & HSC Commentary, p. 367, n. 18, premier tiret).

84 Voir infra chap. III, § 2, B, p. 207.85 Foëx, Les actes de disposition, p. 89 ; Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA &

HSC Commentary, p. 367, n. 18.

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174 Joël Leibenson

2. La causalité des actes de disposition en droit des biens

La question de la causalité ou de l’abstraction des actes de disposition en droit des biens a déjà donné lieu à des études approfondies, notamment en matière mobilière. Ces analyses ont mis en évidence les implications des caractéristiques structurelles des diverses institutions de droit des biens qui sont concernées, ainsi que les choix de politique législative qui peuvent intervenir en faveur de l’un ou de l’autre système 86. Dans l’ordre juridique suisse, les actes de disposition sont dans la règle soumis au principe de causalité 87. Ce principe se vérifie aisément en ce qui concerne les actes de disposition relatifs aux droits réels immobiliers et mobiliers. Concernant la cession de créances, la question est certes dé-battue, mais l’existence de ce débat ne permet en tout cas pas de se ré-férer à la nature pseudo-abstraite de la cession de créance afin de justi-fier une soumission des actes de disposition sur les titres intermédiés au principe d’abstraction au motif que les titres intermédiés sont constitués de créances et de droits sociaux. Les principales justifications données à l’application du principe d’abstraction à la cession de créances sont la sé-curité des transactions, la préservation du statut du débiteur et la protec-tion du cessionnaire en cas de faillite du cédant survenant après la cession défectueuse. Si la validité d’un transfert était indépendante de la validité du contrat fondant l’obligation de ce transfert, les cessions de créance en chaîne pourraient effectivement faire circuler la créance cédée même si l’un ou l’autre des contrats de base étaient défectueux dans la chaine 88. Le régime du transfert de créance ne pourvoyant que dans une mesure très limitée à la protection de l’acquéreur de bonne foi 89, l’abstraction du

86 Voir, notamment, Dischler, Rechtsnatur, p. 267 à 311 et p. 328 à 331 ; Rochat, In efficacité, p. 105 à 195.

87 Foëx, Les actes de disposition, p. 87 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 122. Voir aussi Eigenmann, Effectivité, p. 64, n. 210 et Rochat, Inefficacité, p. 46, n. 104, qui exposent que le principe de causalité, au sens large, fonde tout transfert de bien, y compris lorsque celui�ci est dit abstrait, puisque l’absence de cause peut fonder une action en enrichissement illégitime.

88 Bucher, OR AT, p. 557 s. ; Arrêt du Tribunal supérieur du canton de Zurich, du 26 fé�vrier 1988, in ZR 1988, n. 129, p. 305/307.

89 Voir les art. 18 al. 2 CO et 164 al. 2 CO ; ces bases légales ne concernent toutefois que les exceptions que peut faire valoir le débiteur cédé envers un cessionnaire, mais non la protection d’un tiers cessionnaire envers un précédent créancier cédant quant au caractère défectueux d’une cession antérieure.

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175Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

transfert assurerait une certaine sécurité des transactions. La protection du cessionnaire en cas de faillite du cédant après un pactum de cedendo in efficace, viendrait suppléer les faiblesses des mécanismes d’enrichis-sement illégitime destinés à obtenir la rétrocession de la créance ou le paiement de la contre-valeur de celle-ci. L’absence de droit de suite sur la créance (impossible en raison de l’absence d’une chose) et les effets de la faillite sur le sort des prestations à recouvrer par le biais de l’enrichisse-ment illégitime ont poussé à considérer la cession comme étant de nature abstraite afin de protéger le cessionnaire en cas de faillite du cédant. Selon nous, il ne peut être simplement soutenu que les titres inter-médiés ne présentent pas la matérialité nécessaire à leur soumission au principe de causalité, contrairement aux choses mobilières 90. En effet, la nature sui generis des titres intermédiés et les propriétés particulières qui caractérisent cette institution constituent un empêchement concret à la reprise pure et simple des arguments avancés dans l’analyse de la cession de créance 91.

3. Un élément de politique législative en faveur de la causalité : la sécurité des transactions par la protection de l’acquéreur de bonne foi

Le régime de l’abstraction est habituellement désigné comme présen-tant une grande sécurité des transactions. Cette caractéristique permet théoriquement une circulation des biens plus rapide et plus efficace que le système causaliste 92. Selon le principe de l’abstraction, une acquisition est maintenue si la cause du transfert n’est pas valable. Le droit est acquis même si l’acquéreur est de mauvaise foi quant au vice qui affecte le titre d’acquisition. La sécurité des transactions est réalisée en ce que les tiers qui acquerront l’actif par la suite n’ont pas à se préoccuper de la validité du titre d’acquisition entre l’aliénateur et l’acquéreur précédent. Un régime qui

90 Sur cette différence entre les choses et les créances et la conséquence qui peut en être tirée sur le plan de l’application du principe de causalité, voir Eigenmann, Effectivité, p. 67 s., n. 223.

91 Voir les considérations relatives à l’application du principe de spécialité en matière de titres intermédiés, qui permettent une identification de ceux�ci malgré leur caractère immatériel, voir infra chap. III, § 2, D. 2, p. 214.

92 Voir Rochat, Inefficacité, p. 143 s., n. 327 s. et les réf. citées.

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176 Joël Leibenson

serait fondé sur l’abstraction permet à un acquéreur, même de mauvaise foi, d’acquérir la titularité du droit visé si la cause fait défaut. Ceci a pour conséquence que les tiers de bonne foi sont automatiquement protégés puisque le participant à la transaction défectueuse a tout de même acquis la titularité du droit visé, même s’il agit frauduleusement. C’est pourquoi plusieurs correctifs sont généralement apportés à ce régime dans les ordres juridiques où il est adopté, afin que certains défauts du titre d’acquisition affectent également la validité de l’acte de disposition accompli 93. A l’opposé, la présence d’un régime de protection des acquéreurs de bonne foi supprime une très grande partie des arguments en faveur d’un régime gouverné par le principe de l’abstraction 94. En définitive, l’intro-duction d’un mécanisme de protection de l’acquéreur de bonne foi revient à opérer un choix entre les participants à la chaine de transactions, quant à savoir si la protection s’étendra au premier acquéreur, même de mauvaise foi, comme cela est le cas dans un mécanisme reposant sur l’abstraction, ou si seuls les acquéreurs subséquents, de bonne foi, seront protégés, comme cela est le cas dans un système causaliste. Le choix opéré dans la loi sur les titres intermédiés est clair. L’intro-duction d’un régime de protection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’absence de pouvoir de disposer repose conceptuellement sur un système causaliste. En effet, si la LTI concevait l’acte de disposition comme gou-verné par le principe de l’abstraction, la question de la protection en cas d’absence de pouvoir de disposer ne se poserait pas, puisque l’acquisition faite sans cause ne rendrait pas possible un acte de disposition ultérieur sans pouvoir de disposer. Il faut en outre relever que le système de protec-tion de l’acquisition de bonne foi dans le domaine des titres intermédiés ne connaît pas la même incertitude que le régime applicable aux choses mobilières, en l’absence de distinction entre un actif confié et un actif dont le titulaire n’a plus la maîtrise en raison d’éléments indépendants de sa vo-lonté. Il s’ensuit que la protection de la bonne foi réglée dans la LTI assure une plus grande sécurité des transactions qu’en matière mobilière, ce qui rend sans objet un régime fondé sur l’abstraction. Il apparaît ainsi que le choix d’introduire un régime de protection en cas d’absence de pouvoir de

93 Voir les théories de la Geschäftseinheit et de la Fehleridentität en droit allemand, à ce sujet : Rochat, Inefficacité, p. 160 ss, n. 364 s. et 366 s. ; Füller, Eigenständiges Sachenrecht ?, p. 133 ss et p. 161 ss.

94 Rochat, Inefficacité, p. 144 ss, n. 329 ss ; von Tuhr, Eigentumsübertragung, p. 42.

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177Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

disposer signifie clairement qu’un acte de disposition sur des titres inter-médiés doit reposer sur un titre d’acquisition valable.

4. Le statut et la portée des règles sur l’enrichissement illégitime

a. En droit des biens

Les principaux arguments avancés par les partisans de la théorie de l’abs-traction fondés sur les règles relatives à l’enrichissement illégitime doivent être écartés. Ceux-ci s’appuient notamment sur l’existence même de ces règles pour soumettre les transferts mobiliers au principe de l’abstraction, arguant qu’un système causal les rendrait caduques 95. Ce raisonnement est infirmé par le fait qu’aucun des types particuliers d’action en enrichisse-ment sans cause (condictiones) n’est aboli par l’application du principe de causalité 96. A cela s’ajoute que les condictiones gardent toute leur utilité afin de compenser les attributions abstraites opérées par la loi 97. Cette uti-lité est également avérée dans le cadre de la LTI 98. En outre, afin de justifier l’application du principe d’abstraction, il est également invoqué que les résultats auxquels la revendication et la res-titution d’après les règles de l’enrichissement illégitime conduisent sont asymétriques 99. Nous rejetons cette argumentation pour deux raisons. En

95 Voir les références citées par Rochat, Inefficacité, p. 109 ss, n. 253 ss.96 Rochat, Inefficacité, p. 118, n. 274.97 Rochat, Inefficacité, p. 122 ss, 283 ss ; par exemple les art. 726 al. 3 CC et 727 al. 3

CC en matière de droits réels.98 Cela est le cas, par exemple, pour les dividendes ou les intérêts perçus à tort par le

titulaire de compte après qu’il ait bénéficié d’un virement irrégulier de titres intermé�diés. L’extourne servant à replacer le titulaire de compte dans la situation qui serait la sienne si le débit n’avais jamais eu lieu (Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8873), l’art. 27 al. 3, 2e phrase, LTI réserve des dommages�intérêts à faire valoir par celui�ci contre le dépositaire, voir Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 435  s., n.  77  ss ad art. 27 LTI. En plus des dommages�intérêts, il faut également retenir l’action en en�richissement illégitime qui peut être intentée contre le crédité à tort qui a perçu des dividendes ou des intérêts pendant que les titres étaient crédités sur son compte.

99 Notamment en ce qui concerne l’exigence de la preuve de l’erreur dans l’attribution faite, l’absence de devoir de restitution en cas de contrat ayant un but illicite ou contraire aux mœurs, les conséquences de l’insolvabilité du débiteur tenu à restitu�tion, le sort des fruits et des impenses ou la prescription de l’action en restitution, voir les développements y relatifs che� Dischler, Rechtsnatur, p. 290 ss ; Rochat, Inefficacité, p.  165  ss, n.  373  ss ; voir également Petitpierre, Bereicherungsrecht, p. 530 ss.

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premier lieu, celle-ci conduit, en quelque sorte, à un nivellement par le bas : les actions en enrichissement illégitime étant moins “efficaces” que la re-vendication, il conviendrait de soumettre toutes les restitutions mobilières à celles-là. A notre avis, si l’on veut assimiler les deux voies, il convient de voir la question dans la perspective inverse, à savoir identifier les mo-difications au régime des art. 62 ss CO à opérer afin que son application ne présente pas une si grande disparité avec la revendication. En second lieu, nier toute différence entre les actes de disposition portant sur un droit absolu et sur un droit relatif en les soumettant tous au principe d’abstrac-tion revient à nier un élément de droit qui s’impose à tous : à la différence d’un droit absolu, une simple créance n’est pas opposable erga omnes et n’a pas, par nature, vocation à pouvoir être identifiée à l’égard de tous comme faisant partie du patrimoine de son titulaire. La situation change radica-lement lorsqu’un objet de droit est conçu comme étant opposable à tous et jouit d’une publicité particulière 100 ou peut être identifié. Ces caracté-ristiques étant présentes chez les titres intermédiés 101, elles les distinguent fondamentalement des simples créances et permettent leur soumission au principe de causalité.

b. Dans la LTI

Le choix du régime assurant la sécurité des transactions dans le cadre de la LTI et la nature des règles applicables en cas d’absence de protection sont la source de plusieurs éléments qui confirment la nature causale des actes de disposition sur les titres intermédiés.

i. La signification de l’enrichissement illégitime comme correctif de l’absence du pouvoir de disposer

Le premier élément est la signification du renvoi aux règles sur l’enrichisse-ment illégitime afin d’assurer la restitution des titres intermédiés. Antoine

100 Un contrôle de fait et une diffusion appropriée de l’information pertinente relative au bien assurent une telle publicité, voir supra chap. II, § 4, C, p. 131, et infra chap. III, § 3, D, p. 234.

101 Voir infra les développements consacrés à l’application du principe de spécialité en matière de titres intermédiés, qui permettent une identification de ceux�ci malgré leur caractère immatériel, chap. III, § 2, D. 2, p. 214.

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179Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

Eigenmann et Denis Piotet voient dans l’introduction de ce régime de restitution en cas d’acquisition non protégée un argument en faveur de la nature abstraite du transfert de titres intermédiés. En effet, selon ces auteurs, l’acquéreur non protégé est tenu de restituer non les titres acquis mais des titres du même genre et a ainsi acquis originairement la titula-rité des titres à restituer 102. Nous ne sommes pas de cet avis. La confusion vient de ce que la loi sur les titres intermédiés opère un renvoi à un jeu de normes qui s’applique ordinairement à la restitution dans le cas d’un éventuel défaut dans le titre d’acquisition. Dans les cas ordinaires d’enri-chissement illégitime, le patrimoine de la personne tenue à restitution a été accru indûment aux dépens de celui de l’appauvri. Ce régime juridique de restitution peut laisser penser que la personne tenue à restitution a au préalable tout de même acquis les titres à restituer. Or, le renvoi instauré par la LTI couvre également les cas où, par hypothèse, seul le pouvoir de disposer fait défaut. Ainsi, il ne nous paraît pas possible de déduire du choix de ce régime qu’il implique que l’acte de disposition serait valable sans cause. Une telle démarche méconnaîtrait que le principe d’abstrac-tion permet de maintenir un transfert effectué sans cause valable, mais ne permet pas de maintenir un acte de disposition accompli sans pouvoir de disposer 103. L’absence d’une restitution des titres intermédiés par une véritable revendication ne peut donc pas permettre de conclure, a contrario, que la titularité des titres passe à l’acquéreur tenu à restitution. En effet, l’ad-mission d’une telle conséquence juridique est incompatible avec les cas d’acquisition défectueuse où le droit qui est concerné par l’acquisition en question n’est pas la titularité, mais un droit réel limité, tel que l’usufruit ou le gage 104.

ii. Les règles sur l’enrichissement illégitime comme seul régime de restitution approprié ?

En réalité, le choix des règles sur l’enrichissement illégitime a été fait en raison de la nature immatérielle et fongible des titres intermédiés. Celle-ci

102 Eigenmann, Aspects choisis, p. 116 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 111 s.103 Voir Eigenmann, Aspects choisis, p. 116.104 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 464, n. 60 ad art. 29 LTI.

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180 Joël Leibenson

rend impossible leur individualisation physique. En conséquence, l’ac-tion en enrichissement illégitime a été choisie car un “revendiquant” ne pourrait pas identifier “ses” titres et parce cette action permet une restitu-tion en nature et non seulement une compensation en argent des valeurs à restituer 105. Ainsi, le régime de restitution en cas de transaction défec-tueuse a été créé par un renvoi aux règles de l’enrichissement illégitime à l’art. 29 al. 2 LTI. Cependant, le choix de ce régime de restitution est incohérent avec le motif même qui a mené à son introduction. La restitu-tion en nature ne peut se faire qu’en identifiant les biens à restituer. Cette identification aura lieu sur la base des caractéristiques déterminant les titres en question (émetteur, valeur, échéance, etc.). Il en découle qu’un droit de suite sur les titres – une “revendication” sui generis – pourrait tout aussi bien intervenir sur la base de ces mêmes critères de désigna-tion. La seule différence réside dans l’abandon du principe de la spécia-lité des actifs visés : il ne s’agit plus d’actifs individualisés à l’unité, mais en raison du fait qu’ils sont crédités sur un compte de titres tenu par un dépositaire. Ainsi, peut importe qu’entre le moment où l’acquisition non protégée a eu lieu et le moment où le légitime ayant droit réclame ses titres, la personne tenue à restitution ait vendu tous les titres de ce genre-là puis en ait racheté à un tiers. Ce qui compte, c’est que des titres de ce genre soient présents sur le compte au moment où la prétention en restitution est invoquée. Par ailleurs, la nature fongible des titres ne peut pas servir de justifi-cation au choix du régime de restitution fondé sur l’enrichissement illé-gitime. En effet, cela reviendrait à considérer que la nature fongible des titres a pour conséquence que le titulaire de compte, bien que de mauvaise foi, en devient titulaire parce qu’il serait impossible de dissocier les titres acquis illégitimement de ceux qui ne le seraient pas. Il y aurait en quelque sorte un mélange des titres intermédiés qui pourrait donner lieu à leur ac-quisition originaire. Cependant, au contraire de ce qui prévaut en matière de mélange d’argent, l’identification des transactions est possible dans les livres du dépositaire et les titres crédités sur le compte (les créances qui les composent) ne constituent pas une dette du dépositaire envers le titulaire de compte, comme cela est le cas avec un compte monétaire.

105 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8876  s. ; Thévenoz, Saut épistémologique, p. 699 s. et 708 s.

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181Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

iii. Nature juridique du renvoi aux règles sur l’enrichissement illégitime

Vu les considérations qui précèdent quant à la signification du renvoi aux règles de l’enrichissement illégitime, il convient d’envisager la nature ju-ridique de ce renvoi, compte tenu de l’état de fait auquel il est censé s’ap-pliquer. Du point de vue de la technique législative deux possibilités sont à prendre en considération. En premier lieu, il peut s’agir d’un renvoi ma-tériel à la norme (Rechtsgrundverweisung), afin de l’appliquer à un état de fait qui y correspond. En second lieu, le renvoi peut être fonctionnel et ne viser qu’une application des modalités de la conséquence juridique de la norme (Rechtsfolgenverweisung), afin d’obtenir le même résultat que celui auquel on parvient lorsque l’on applique la norme concernée, en dépit de ce que l’état de fait visé ne peut pas être subsumé sous la norme à laquelle il est renvoyé. Dans le cas de l’art. 29 al. 2 LTI, le renvoi est fait à la seule conséquence juridique des art. 62 ss CO (Rechtsfolgenverweisung) 106. Sou-tenir le contraire reviendrait à dire que celui qui est tenu à restitution a acquis originairement les titres qu’il doit restituer. Or, nous avons vu ci-dessus que cela ne peut pas être le fondement à la base du choix du régime de restitution.

iv. Conclusion

Le renvoi aux dispositions sur l’action en enrichissement illégitime fi-gurant à l’art. 29 al. 2 LTI, lorsque l’acquéreur tenu à restitution est de mauvaise foi, pourrait laisser penser que l’acte de disposition sur les titres intermédiés est de nature abstraite 107. Cependant, il faut bien distinguer l’application du principe de causalité du correctif apporté par la loi afin de permettre une restitution de l’objet du droit à son titulaire légitime 108. En l’occurrence, la LTI recourt aux dispositions sur l’action en enrichissement illégitime afin de réaliser la restitution des titres intermédiés lorsqu’un acte de disposition a été opéré sans pouvoir de disposer en faveur d’un acqué-reur de mauvaise foi (art. 29 al. 1 let. a LTI) ou si la bonification des titres

106 Le même type de renvoi aux règles de l’enrichissement illégitime (Rechtsfolgenverwei-sung) existe à l’art. art. 91 al. 2 CC (ancien art. 94 al. 2 CC) pour la restitution des présents qui n’existent plus en nature, en cas de rupture de fiançailles ; voir Kramer, Juristische Methodenlehre, p. 83, à la note 187.

107 Dans ce sens, Piotet, Titres intermédiés, p. 111 s.108 Eigenmann, Aspects choisis, p. 111.

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a été extournée dans le compte de l’aliénateur (art. 29 al. 1 let. b LTI). Ce-pendant, cette base légale ne concerne pas un acte de disposition accompli avec le pouvoir de disposer en faveur d’un acquéreur de mauvaise foi, mais en l’absence de contrat valable. Il n’en découle donc pas qu’un acte de dis-position accompli sur la base d’un titre d’acquisition nul serait valable.

5. Le régime des extournes et la signification des règles boursières sur les Mistrades

Un autre élément est invoqué pour tenter de soutenir que les actes de dis-position sur les titres intermédiés seraient de nature abstraite. Il repose sur la réglementation des extournes contenue à l’art. 27 al. 1 LTI. Etant donné que les motifs d’extournes figurant dans la LTI ne prennent en compte que les défauts contenus dans l’instruction du disposant ou dans l’exécution de cette instruction 109, il s’ensuivrait que ces règles ne devraient pas trouver application en cas de défaillance de l’acte générateur d’obligation et que l’inefficacité de celui-ci n’aurait pas d’incidence sur la validité de l’instruc-tion et de la bonification 110. Cet argument est tout d’abord fragilisé par l’existence et la portée de l’institution de l’acte de disposition par convention de contrôle au sens des art. 25 et 26 LTI. En effet, la convention de contrôle n’est pas soumise à un processus de mise en compte et, partant, n’est pas sujette à extourne. Cette dualité dans les modes de disposer permet, à tout le moins, de mettre en doute la portée universelle des motifs d’extourne présents dans la LTI en tant qu’indicateur du caractère abstrait des actes de disposition sur les titres intermédiés. De plus, les règles sur les extournes ne corrigent pas un titre d’acquisition défectueux. Il s’ensuit qu’une transaction sans titre d’acquisition valable ne peut pas simplement être extournée, elle nécessite une instruction du titulaire du compte qui a été crédité à tort. Cela ne signifie pas que le transfert soit abstrait. En effet, lorsque le titulaire de compte tenu à restitution instruit son dépositaire afin que les titres soient crédités sur le compte du légitime titulaire, il n’accomplit pas un acte de disposition puisque les titres ne sont pas entrés dans son patrimoine. L’in-troduction de la LTI n’entraîne ainsi pas la qualification de tout ordre de crédit sur un compte de titres en tant qu’acte de disposition. La situation

109 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8872.110 Blum, Rechtsmängel, p. 695.

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183Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

peut être comparée au transfert de possession. Dans un cas d’invalidité du titre d’acquisition, une personne obligée de restituer une chose mobilière doit également retransférer la chose à la personne restée propriétaire. Ce faisant, elle accomplit un transfert de possession, mais non pas un acte de disposition. Enfin, la pratique boursière relative aux Mistrades, qui lie l’invalidité du titre d’acquisition conclu en bourse à l’extourne du crédit de titres qui en découle, dément l’application du principe d’abstraction. Ce processus boursier établit bien un lien direct entre la validité du titre d’acquisition et les effets d’une instruction. Ainsi que nous l’avons vu 111, certaines trans-actions boursières comportant des erreurs (Mistrades) sont détectées par le système de bourse et sont traitées par la SIX Swiss Exchange. Les normes boursières prescrivent l’inefficacité de ces transactions, ce qui entraîne l’extourne des écritures comptables qui ont été passées en compte de titres par les dépositaires. La procédure relative aux Mistrades mise en place par les instances boursières et la consécration qui lui a été donnée récemment dans la jurisprudence fédérale 112 influencent fondamentalement l’analyse de l’acte de disposition sur des titres intermédiés. Il s’agit dès lors de déter-miner la nature de l’inefficacité de la transaction et d’analyser ses effets sur l’acte de disposition accompli sur les titres intermédiés.

a. La nullité du titre d’acquisition du dépositaire

Le cas concernant un Mistrade, qui a récemment été soumis au Tribunal fédéral, n’a pas nécessité que ce dernier se prononce sur la nature de la nullité de l’opération. Cet élément lui a seulement servi à trancher le li-tige existant dans le rapport entre le client et sa banque. Il convient donc d’examiner ici plus précisément la nature du défaut affectant la transaction passée en bourse par le commissionnaire. Lorsqu’un Mistrade est identifié, la bourse déclare caduque (ungültig ; invalid) la transaction affectée du défaut et en prononce la nullité 113. La

111 Voir supra chap. III, § 1, B. 2, p. 165.112 Voir l’ATF 133 III 221 ss = SJ 2007 p. 320 ss.113 Art.  10.5 .3 et 9.4 al.  2 du RN et art.  6.2 al.  1, 6.3 al.  1 et art.  6.4 de la Direc�

tive Régulation du marché ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 115 ; Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 730, n. 40. Les Mistrades sont constatés dans un laps de temps très court après la conclusion de la vente, en principe une demi�heure (voir l’art. 6.3 al. 2 de la Directive Régulation du marché).

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184 Joël Leibenson

nullité de la vente est déclarée par la bourse si celle-ci constate une trans-action dont le prix “diverge nettement du prix du marché” ou dont “les conditions de négoce juste et dans les règles ne sont pas garanties” 114. En d’autres termes, la transaction est nulle si certaines de ses conditions pré-sentent des divergences objectives avec les conditions des transactions telles qu’elles existent sur le marché boursier concerné. Ainsi, dans la pers-pective de la régulation du marché, une transaction qui remplit ces condi-tions est objectivement impossible. En effet, n’importe quel participant à la bourse qui entrerait une telle transaction dans le système de bourse verrait celle-ci déclarée nulle. Cette impossibilité existe déjà au moment de la conclusion du contrat car c’est ce moment qui est déterminant et qui sert de base à l’autorité boursière pour déclarer la nullité de la transac-tion au regard des conditions du marché. En conséquence, la transaction qui remplit les conditions d’un Mistrade est affectée d’une impossibilité objective initiale et est nulle conformément à l’art. 20 CO 115. Après la dé-claration de nullité, la bourse procède à une révocation de la transaction (Trade Reversal) dans le système informatique, à savoir une opération in-verse à la transaction concernée. Cette opération a logiquement pour effet que l’éventuel crédit de titres intermédiés fait sur le compte du dépositaire auprès du dépositaire central n’a pas lieu ou est extourné s’il a déjà eu lieu au moment où le Mistrade est prononcé. Nous abordons la question de l’extourne du crédit que le dépositaire a effectué sur le compte de titres de l’investisseur dans le cadre de la protection de l’acquéreur de bonne foi 116.

b. L’effet de la nullité : un cas d’extourne hors LTI

La confirmation que l’extourne d’un crédit opéré sur le compte du déposi-taire est effectuée en raison de la nullité du titre d’acquisition apparaît plus clairement si l’on décompose la transaction. Les instructions respectives introduites dans le système de bourse par les dépositaires aliénateur et ac-quéreur constituent le titre d’acquisition de la transaction. L’architecture du système a pour conséquence que cette même instruction est automati-

114 Art. 6.2 al. 1 let. a et b Directive Régulation du marché.115 Sur les conditions de l’impossibilité objective initiale et ses conséquences, voir,

entre autres, Engel, Traité, p. 268 ss ; Berger, Allgemeines Schuldrecht, p. 377 ss, n. 1109 ss.

116 Voir infra chap. V, § 3, C. 3, p. 389.

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185Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

quement acheminée au dépositaire central pour qu’il procède aux écritures nécessaires au débit et au crédit de comptes concernés (Straight Through Processing 117). L’on pourrait être tenté de soutenir que c’est l’instruction qui est nulle parce qu’impossible et que, partant, le motif d’extourne en cas de Mistrade figure déjà à l’art. 27 al. 1 let. b. ch. 1 LTI 118. Cependant, comme nous venons de le voir dans la section précédente, la réglementa-tion boursière prévoit bien que c’est la transaction dans son entier qui est nulle. Elle ne prescrit pas que l’instruction prise pour elle-même serait de nul effet. Il en découle que l’art. 27 al. 1 let. b. ch. 1 LTI est inapplicable à un tel cas puisque le motif de nullité doit être inhérent à l’instruction en tant que telle 119. Par ailleurs, les règles de marché sanctionnent la conclusion d’un Trade contraire aux conditions du négoce juste, mais non la seule instruction placée dans le système de bourse. Ainsi, le motif d’extourne ne repose ni sur un cas d’absence ou de nullité de l’instruction du disposant, ni sur une divergence entre l’instruction du disposant et le crédit opéré sur le compte de titres du bénéficiaire de l’acte de disposition. Lors d’un Mistrade, l’instruction donnée en bourse par le commissionnaire n’est pas nécessairement constitutive d’une erreur de déclaration et peut cor-respondre à sa volonté 120. Le défaut de la transaction réside dans son écart objectif avec les conditions de négoce. Au demeurant, l’art. 6.2 al. 3 de la Directive Régulation de marché prévoit expressément que “[l]es trans-actions conclues au prix du marché en raison d’erreurs de saisie ne sont pas annulées”. Par ailleurs, d’après le but de la réglementation boursière qui encadre les Mistrades la tâche de surveillance conférée à la bourse à

117 Voir supra chap. III, § 1, B. 3, p. 166.118 Voir Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 420, n. 17 ss ad art. 27 LTI ; Hess / Stöckli,

Optik des Kapitalmarktrechts, p. 112.119 Cela est confirmé par la teneur des travaux préparatoires relatifs à l’art. 27 al. 1 let. a

ch. 1 du projet de LTI, qui correspond à l’art. 27 al. 1 let. b. ch. 1 LTI. Il y est relevé que “Le motif de nullité doit être inhérent à l’instruction en tant que telle. En effet, une instruction donnée en exécution d’un acte juridique illicite ou contraire aux mœurs n’est pas nécessairement elle-même illicite ou contraire aux mœurs. La let. a, ch. 1, ne devrait donc être que très rarement appliquée” (Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8872).

120 Dans le cas qui a été soumis au Tribunal fédéral, le motif du Mistrade n’est pas men�tionné, mais l’état de fait retenu par les juges permet de constater qu’il n’y a pas eu d’erreur de déclaration de la part du commissionnaire puisque ce dernier a répercuté exactement les ordres donnés par le client. Il faut cependant relever que les parties concernées par cet arrêt sont les acquéreurs. Il n’est donc pas directement question de la manifestation de volonté du disposant.

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l’art. 6 al. 1 LBVM, qui comprend “la formation des cours, la conclusion et l’exécution des transactions” ne vise que le traitement de la conclusion de l’opération, à savoir la constatation des parties, de l’objet et du prix de la transaction, mais non à son exécution patrimoniale 121. Les normes bour-sières ne peuvent donc pas viser ni prononcer l’invalidité de l’instruction que le dépositaire adresse au sous-dépositaire en vue de disposer de son patrimoine. Il ne peut s’agir que de la nullité du titre d’acquisition qui en-traîne l’invalidité de l’instruction donnée par le dépositaire au dépositaire central, confirmant en cela que l’acte de disposition sur les titres intermé-diés est causal et non abstrait. L’extourne à laquelle le commissionnaire est tenu exprime ainsi on ne peut plus concrètement le lien entre la validité du titre d’acquisition et la validité de l’acte de disposition. Si le premier est nul, le second n’est pas valable et les écritures comptables devant lui donner effet doivent être supprimées. La pratique boursière relative aux Mistrades fonde en conséquence un cas d’extourne supplémentaire à ceux envisagés par le législateur aux art. 27 et 28 LTI et qui atteste du caractère causal de l’acte de disposition sur des titres intermédiés.

§ 2 L’instruction

A. La manifestation de(s) volonté(s)

1. L’acte de disposition stricto sensu

D’après à l’art. 24 al. 1 LTI, l’acte de disposition sur des titres intermédiés intervient par une instruction du titulaire d’un compte au dépositaire ten-dant au transfert des titres à l’acquéreur et par l’inscription des titres au crédit du compte de l’acquéreur. A première lecture, l’acte de disposition serait donc composé de deux éléments : l’instruction et la bonification. Le Message du Conseil fédéral semble aller dans ce sens 122. Cependant, les versions allemande et italienne du texte légal infirment cette interpréta-

121 Watter / Kägi, Basler Kommentar, B�rsengeset�, p.  569, n.  36 ad art.  6 LBVM ; Küng / Huber / Kuster, Kommentar �um B�rsengeset�, p.  118  s., n.  8  s. ad art.  6 LBVM ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 350 s., n. 946.

122 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867.

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187Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

tion en se réfèrant au fait de disposer plutôt qu’à l’acte de disposition en tant que tel 123. Ainsi, c’est l’instruction au dépositaire visant une disposi-tion sur des titres intermédiés qui figure dans l’acte de disposition au sens technique 124. L’acte matériel que représente la bonification en compte n’en fait pas partie 125. Selon nous, et dans la ligne du rapprochement opéré par le Message du Conseil fédéral entre le processus instauré par la LTI et le système prévalant en matière immobilière, les deux conditions figurant à l’art. 24 al. 1 LTI constituent l’opération d’acquisition (Erwerbsakt), englo-bant un acte de disposition et un acte matériel 126. Contrairement à ce que suggère le texte de l’art. 24 al. 1 LTI, la déter-mination de l’acte de disposition au sens technique implique en outre la nécessité de la manifestation de volonté du bénéficiaire de l’acte de dispo-sition, ce qui a pour effet que l’acte de disposition accompli par transfert en compte de titre est un acte bilatéral et que la seul instruction du titulaire de compte n’est pas suffisante 127.

2. Contenu et forme

a. Le “transfert” des titres intermédiés

i. Le contenu du transfert

Dans le cadre de l’art. 24 al. 1 LTI, l’acte de disposition est une instruction du titulaire d’un compte au dépositaire “tendant au transfert des titres à l’acquéreur”. L’art. 15 al.  1 LTI relatif aux instructions parle des “instruc-tions du titulaire d’un compte tendant à disposer”. La notion de transfert des titres n’est explicitée ni dans la loi, ni dans les travaux préparatoires. Selon le Message du Conseil fédéral, l’instruc-tion est une manifestation de volonté “qui tend au transfert de titres à un

123 Foëx, Les actes de disposition, p. 84.124 Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 245 ; Steinauer, Les droits réels face à la dé�

matérialisation, p. 154 ; Eigenmann, Aspects choisis, p. 112 ; Kunz, Legislative Akti�Legislative Akti�vitäten, p. 52 ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8842 : “Les actes de disposition du titulaire d’un compte sur des titres intermédiés consistent en des instructions données au dépositaire (art. 15)”.

125 Foëx, Les actes de disposition, p. 84.126 Steinauer, Droits réels III, p. 520, n. 3214c ; dans le même sens, Wiegand, Die Buch�Buch�

effekte : ein neues Verm�gensrecht ?, p. 1131 s.127 Voir infra chap. III, § 2, A. 3, p. 193.

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acquéreur” 128. Comme nous l’avons exposé en relation avec le titre d’acqui-sition à la base du crédit en compte, le contenu de l’acte de disposition en faveur du bénéficiaire, le titre de transfert ou le contenu du droit constitué, ne sont pas régis par la loi sur les titres intermédiés 129. La notion d’ “ac-quéreur” au sens de l’art.  24 al.  1 doit en conséquence être admise dans un sens large. Elle vise non seulement celui à qui le disposant transfère la titularité des titres intermédiés, y compris à titre de sûreté, mais également le bénéficiaire du transfert à titre de gage 130 ou d’usufruit. Ainsi, l’acte de disposition sur des titres intermédiés par le mode du transfert n’est pas synonyme d’aliénation des titres intermédiés, mais recouvre tous les actes de disposition 131. Cette définition correspond à celle qui prévaut d’une manière générale en droit privé, selon laquelle l’acte de disposition vise à constituer, à transférer, à modifier ou à éteindre un droit patrimonial 132. Pourtant, à la différence de ce qui prévaut ordinairement en droit privé, le contenu de la manifestation de volonté constituant l’acte de dis-position stricto sensu ne reflète pas nécessairement si la titularité de titres intermédiés est transférée au bénéficiaire ou si un droit limité est constitué en sa faveur. Cela ressort de la construction sur laquelle repose le système de transfert en compte de titres. Il y a bien sûr des cas où la manifestation de volonté mentionne ex-pressément la vente ou l’achat de titres intermédiés. Mais, s’agissant des transactions conclues par le titulaire du compte directement avec des tiers, l’instruction communiquée au dépositaire ne vise que les mesures à prendre afin de procéder au débit de son compte et créditer le compte du tiers. Le dépositaire exécute toutes ces opérations lorsque le tiers bénéficiaire a son compte en les livres du même dépositaire que le disposant. Dans les cas im-pliquant un autre dépositaire, le dépositaire du donneur d’ordre de trans-fert donnera à son tour une instruction de débit de son compte auprès du sous-dépositaire en faveur du dépositaire de l’acquéreur 133. L’instruction

128 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8859.129 Voir supra chap. III, § 1, A. 1, p. 156.130 Du même avis, Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 130 s., à la note 73.131 La notion d’acte de disposition selon la LTI recouvre en effet le transfert de titularité

des titres intermédiés, y compris à titre de sûreté, mais également le transfert à titre de gage ou d’usufruit (Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867 ; Lanz, Aktientrans�fers, p. 204).

132 Voir supra chap. II, § 4, E. 2, p. 149.133 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8859.

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189Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

donnée au dépositaire ne contient potentiellement aucun autre élément que l’ordre de débit et la requête de transfert des titres sur le compte du bénéficiaire. Or, l’indication des titres à transférer, de la date du transfert, du compte sur lequel les créditer et du titulaire de ce compte ne permettent pas en soi d’établir le contenu de la manifestation de volonté constitutive de l’acte de disposition. Le contenu de la disposition en faveur du bénéfi-ciaire ne peut être complètement établi qu’en se référant à la volonté expri-mée dans le contrat de base. L’absence potentielle de connaissance du contenu par le dépositaire est une particularité des actes de disposition sur des titres intermédiés par transfert en compte de titres. C’est dans ce contexte que l’art. 15 al. 2 LTI prend tout son sens et qu’il contraint le dépositaire à exécuter une transac-tion dont il ne connaît pas nécessairement les tenants et les aboutissants. Cependant, comme nous le verrons, la restriction qui est posée à la marge de manœuvre du dépositaire dans le traitement du contenu de l’instruc-tion n’est pas totale 134.

ii. L’absence d’assignation

Le transfert de titres intermédiés est à distinguer de certains mécanismes qui trouvent application dans le trafic des paiements. L’instruction du titu-laire de compte dans le cadre d’un transfert de titres intermédiés n’est pas une assignation au sens des art. 466 ss CO 135. Certains auteurs envisagent toutefois l’application de dispositions relevant de l’assignation, à tout le moins par analogie 136.

134 Voir infra chap. III, § 2, B, p. 207.135 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8859 s. ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarkt�Kapitalmarkt�

rechts, p. 80 ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 282, n. 11 ad art. 15 LTI ; Eigen�mann, FISA & HSC Commentary, p. 377, n. 12 ad art. 24 LTI.

136 Guggenheim, Pratique bancaire, p. 183, qui envisage l’application, directe ou par analogie, de l’art. 468 al. 1 CO en cas de découvert du compte du dépositaire auprès du sous�dépositaire ; Schönholzer, Zentrale Gegenparteien, p. 52 s., qui s’appuie sur Koller, Obligationenrecht I, p. 2784, n. 7 ad art. 466 CO, afin de soutenir que le cré�dit en compte de titre auquel le dépositaire central procède en faveur des dépositaires participants est un service qui peut faire l’objet d’une assignation ; Costantini, An�An�knüpfungsgegenstände, p. 197 s., qui fait reposer l’acquisition des titres intermédiés sur un modèle de “virement” de titres du même type que l’assignation ; voir Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 282, n. 11 ad art. 15 LTI, qui n’exclut pas d’avoir recours aux art. 466 ss CO, lorsque l’état de fait s’y prête.

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Cela étant, l’instruction n’est ni une simple, ni une double autorisation qui serait adressée au dépositaire et au bénéficiaire. Le dépositaire n’est pas seulement autorisé à créditer, ou faire créditer, les titres sur le compte du bénéficiaire. Il y est obligé, dans la mesure prévue par le contrat qui le lie au titulaire de compte 137. En outre, il ne peut être question d’une assignation telle qu’elle produit ses effets dans le domaine du trafic des paiements 138. En effet, du point de vue du droit matériel et également dans une pers-pective économique, le transfert de titres intermédiés ne réside pas dans l’extinction d’une créance contre le dépositaire du disposant et la création d’une créance en faveur du bénéficiaire de l’acte de disposition contre son dépositaire. En cela, l’état de fait du transfert des titres intermédiés ne cor-respond pas à celui de l’assignation.

b. Une manifestation de volonté inconditionnelle ?

La soumission des actes de disposition à un terme, à une condition ou à une réserve est traditionnellement admise de façon différenciée en droit des biens. Les actes de disposition portant sur des créances et sur des choses mobilières peuvent être assortis d’un terme ou d’une condition 139. Il en va en revanche différemment des actes de disposition en matière im-mobilière qui sont soumis au principe de l’inscription au registre foncier. Les art. 963 al. 1 CC et 12 ORF proscrivent la soumission de la réquisition d’inscription à de telles restrictions 140. Ceci s’explique par le fait que la volonté de disposer n’est manifestée dans le titre d’acquisition que sous certaines conditions et réserves et qu’elle n’est pas à même de constituer une volonté de disposer effectivement de l’immeuble 141. Comme en matière de droits réels ou de droit des obligations, les opé-rations qui se déroulent dans le système d’intermédiation peuvent com-porter diverses conditions. En matière de transactions boursières, outre

137 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 284 s., n. 21 ss ad art. 15 LTI.138 Contra : Costantini, Anknüpfungsgegenstände, p. 197 ; à ce sujet, voir infra chap. III,

§ 3, C. 2. c. iii, p. 232.139 Sur ces questions, voir Staehelin, Bedingte Verfügungen, p. 16 ss ; van de Sandt,

L’acte de disposition, p. 57, n. 173 ss.140 Voir Deillon�Schegg, Grundbuchanmeldung, p. 88 ss ; van de Sandt, L’acte de dis�

position, p. 63, n. 190 ; Schmid, Zivilgeset�buch II, p. 2462, n. 11 ad art. 963 CC ; Steinauer, Droits réels I, p. 259, n. 720 ; etc.

141 Wieland, Les droits réels II, p. 529, n. 2 ad art. 963 CC.

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191Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

la volonté d’achat ou de vente, plusieurs autres éléments relatifs au fonc-tionnement des marchés pourront conditionner l’instruction en vue d’une transaction. Il s’agit notamment des modalités concernant le prix (cours minimal ou maximal), la quantité et des conditions temporelles (durée de validité de l’ordre, exécution en une transaction ou en plusieurs) 142. Ainsi, l’instruction d’un titulaire de compte ou d’un dépositaire contenant la manifestation de volonté de disposer peut également contenir un terme ou d’autres conditions. Cette conclusion est justifiée par au moins deux caractéristiques propres au système d’intermédiation. En premier lieu, dans les cas de transactions sur les marchés, l’opérateur du système as-sume également une fonction dans la conclusion du titre d’acquisition et non seulement en relation avec les actes techniques assurant l’exécution du contrat de base 143. Il en résulte que l’instruction de transférer est associée à la communication d’informations en vue de la conclusion de l’acte géné-rateur d’obligation. En second lieu, il apparaît également que l’exécution complète de la transaction peut être assurée au sein du système d’inter-médiation. Pour les transactions en bourse, des garanties fonctionnelles existent de part et d’autre que les obligations réciproques seront exécu-tées, notamment en raison de la fonction Delivery versus Payment. Ceci explique que l’instruction de vente du client ou du dépositaire puisse en même temps servir de manifestation de volonté sur laquelle repose l’acte de base, ainsi que de manifestation de volonté de disposer. Lorsque le contrat de base n’implique que deux titulaires de compte, l’instruction donnée au dépositaire ne comporte pas d’éléments destinés à servir de fondement au titre d’acquisition. Il pourrait peut-être en dé-couler que, dans ces cas, l’instruction ne puisse être soumise à un délai ou à des conditions par le disposant. Cependant, deux éléments per mettent d’écarter cette éventuelle restriction quant au contenu de l’instruction. Le premier est que la LTI préserve la fonction de transfert assumée par

142 Pour un aperçu des différents types d’ordre, voir par exemple Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 724 s., n. 24 s. Voir aussi les art. 5.2 et 14 al. 2 de la Directive 3 : Négoce, adoptée par la Direction générale de SIX Swiss Exchange le 12 mai 2010, en vigueur depuis le 1er juin 2010, qui prévoient les détails des éléments constitutifs des ordres placés sur le marché boursier ou des transactions passées hors bourse qui sont déclarées en bourse.

143 Dans le cadre de l’infrastructure boursière suisse, l’ordre de bourse contient égale�ment une instruction (Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 115 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 81).

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le dépositaire tout en concevant ce rôle dans le cadre du contrat qui lie le dépositaire au titulaire de compte (art. 15 al. 1 LTI) 144. Cet élément autorise le titulaire de compte à instruire comme il l’entend son mandataire, tant que cela est conforme au contrat convenu entre eux, sans que ce dernier ne soit lié par les obligations qui découlent du titre d’acquisition. Pour le cas où la condition grevant l’instruction entraînerait une mauvaise exécution du contrat de base, celle-ci serait uniquement imputable au disposant et non au dépositaire. Le second élément rendant possibles des instructions conditionnelles a déjà été mentionné pour les ordres de bourse, mais nous semble également valoir pour les instructions visant un transfert direct entre titulaires de compte. Ce que l’infrastructure boursière permet à l’échelle du marché, les dépositaires sont à même de l’offrir dans le cadre des prestations qu’ils fournissent à leurs clients. Il est en effet par exemple possible de prévoir qu’un dépositaire ne débitera le compte de titres du disposant et que le compte de titres du bénéficiaire ne sera crédité que lorsque le compte monétaire du disposant ne sera crédité du montant de la transaction. Il est également probable que, dans ce type de cas, le ou les dépositaires auront participé à la mise en œuvre de ce mécanisme avec les parties, sans pour autant être partie à l’acte de base.

c. La forme de l’instruction

La LTI ne fait dépendre la validité de l’instruction d’aucune condition de forme 145. Il est ainsi possible qu’elle intervienne par oral, par poste, par téléphone, par écrit, télex ou email 146. Comme dans d’autres domaines du droit, il est cependant recommandé, voire obligatoire, de documenter les instructions communiquées afin d’être à même de reconstituer toute transaction 147.

144 Voir infra chap. III, § 2, A. 3. a, p. 193, et § 2, B, p. 207.145 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8859 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffekten�Das neue Bucheffekten�

geset�, p. 117 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 197 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 84 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 80 ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 282, n. 10 ad art. 15 LTI.

146 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 377, n. 11 ad art. 24 LTI.147 Ce que les normes de surveillance imposent aux négociants en valeurs mobilières,

voir Circulaire FINMA 2008/4, Journal des valeurs mobilières, du 20 novembre 2008, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, Cm 25 à 28.

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193Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

Nous verrons pourtant ci-dessous qu’un certain nombre des mani-festations de volontés constitutives des actes de disposition sur des titres intermédiés n’interviennent en réalité pas par une instruction à un dépo-sitaire, cela en raison de la structure même du système d’intermédiation, mais constituent des déclarations de volonté expresses ou tacites faites au titulaire de compte 148.

3. Destinataire de l’instruction et acte de disposition uni- ou bilatéral

a. Le contexte de l’instruction

Le cadre de la détention intermédiée de titres implique un traitement ad hoc de l’instruction du disposant par le dépositaire. L’instruction étant une manifestation de volonté sujette à réception, il est dès lors normal que l’art. 15 al. 1 LTI mentionne le dépositaire comme destinataire des instruc-tions du titulaire de compte. Cependant, cette même norme prévoit que le dépositaire est tenu d’exécuter les instructions du titulaire d’un compte tendant à disposer des ses titres “conformément au contrat qui les lie”. Les instructions sont en conséquence données dans le contexte constitué par la nature du contrat qui lie le titulaire du compte au dépositaire. Deux perspectives sont dès lors envisageables. La première concerne les opérations d’investissement sur les marchés, qui sont exécutées à partir du compte de titres dans un rapport direct avec le dépositaire. Ainsi que nous l’avons vu, ces opérations reposent princi-palement sur la figure juridique du contrat de commission 149. La structu-ration des rapports entre les différentes parties impliquées dans la conclu-sion et l’exécution de la transaction nécessite une approche systématique. La seconde persepctive se présente lorsque l’investisseur procède di-rectement à une opération avec un ou des tiers. Dans ces cas, le dépositaire n’est pas partie à cette opération et n’intervient sur la base de l’instruction que pour procéder à un crédit ou un débit au compte qu’il tient en ses livres et transmettre l’instruction à un ou plusieurs dépositaires afin de faire procéder aux écritures comptables correspondantes sur le compte du

148 Voir infra chap. III, § 2, A. 3. d, p. 200.149 Voir supra chap. III, § 1, C, p. 167.

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bénéficiaire de l’acte de disposition 150. Ces opérations englobent le trans-fert de titularité des titres intermédiés, à titre de vente ou à fin de sûreté, ainsi que la constitution d’un gage ou d’un usufruit. Ces différentes perspectives ont des conséquences sur la détermina-tion du destinataire de la manifestation de volonté de disposer des titres intermédiés, son caractère uni- ou bilatéral, sa révocation ou la nécessité du titulaire du compte d’être au bénéfice du pouvoir de disposer.

b. Le contrat de commission

Dans le cadre d’un contrat de commission, il faut distinguer fondamenta-lement deux situations. La première survient lorsque le dépositaire se porte contrepartie du titulaire du compte qui aliène des titres intermédiés. La seconde situation se présente lorsque le dépositaire ne se porte pas contre-partie et qu’il conclut sur le marché une vente en son nom, mais pour le compte de l’aliénateur. S’agissant du détail des mécanismes patrimoniaux entraînés par la structure du contrat de commission, nous renvoyons aux développements fais ci-dessus 151.

i. Le commissionnaire se porte contrepartie

aa. Le titulaire de compte dispose de ses titres intermédiés. Deux, voire trois manifestations de volonté sont à différencier. La première émane du titu-laire de compte et est destinée à son dépositaire. Le titulaire du compte qui dispose de ses titres chargera son négociant de vendre certains titres sur le marché. Ainsi caractérisée dans le rapport de commission, cette ins-truction vise l’aliénation des titres et autorise le dépositaire à procéder aux actes nécessaires à cette aliénation. Dans ce cas, l’instruction donnée au dépositaire est une instruction tendant à disposer de ses titres au sens de l’art. 24 al. 1 let. a LTI. Il s’agit d’une manifestation de volonté expresse 152.

150 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8859 : “Si d’autres dépositaires participent au trans-fert, le dépositaire de l’aliénateur doit transmettre l’instruction au dépositaire de ni-veau supérieur” ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 284, n. 22 ad art. 15 LTI.

151 Voir supra chap. III, § 1, C, p. 167.152 D’un autre avis, Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 81 ; Hess / Stöckli,

Bestellung von Sicherheiten, p. 155, qui y voient un acte concluant.

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195Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

La seconde manifestation de volonté émane du dépositaire, lorsqu’il délivre l’avis d’exécution de la transaction 153. Lorsque le dépositaire crédite le compte de l’investisseur du montant du prix de la transaction et débite les titres du compte sans indication de la contrepartie, il est présumé exer-cer son droit formateur de se porter contrepartie de l’aliénateur, conformé-ment à l’art. 437 CO. La manifestation de volonté du dépositaire d’acquérir les titres aliénés intervient ici tacitement, par acte concluant. Dans le cas d’une opération dite Nostro véritable, le dépositaire ac-quiert les titres de l’investisseur et les crédite sur le compte Nostro qu’il tient pour lui-même. Seul le dépositaire provoque l’acquisition par sa ma-nifestation de volonté d’acquérir les titres. Aucun tiers n’est concerné par l’opération, qui ne nécessite pas d’inscription comptable sur le compte du dépositaire tenu par le sous-dépositaire. Dans le cas d’une vente par le titulaire de compte mise en œuvre par une opération dite Nostro technique, le dépositaire acquiert les titres du titulaire de compte et vend en parallèle ces titres sur le marché pour son propre compte. Comme pour le Nostro véritable, la volonté du déposi-taire d’acquérir les titres est communiquée au titulaire de compte par acte concluant, sur la base de l’avis d’exécution ne mentionnant pas l’acquéreur. Au regard de cette acquisition, le dépositaire émet une manifestation de volonté en passant un ordre de vente dans le système informatique de la bourse ou en faisant une transaction hors bourse, lorsque les conditions le permettent. L’instruction est relayée vers le sous-dépositaire par le sys-tème de bourse ou communiquée directement par le dépositaire et vise à débiter son compte. Cette instruction constitue la manifestation de vo-lonté à la base d’un acte de disposition propre du dépositaire, qui a acquis les titres en se portant contrepartie de l’investisseur qui les a vendus. Il ne s’agit donc pas de la mise en œuvre d’un acte de disposition du titu-laire de compte. L’acte de disposition du titulaire de compte a déjà eu lieu lorsque le dépositaire s’est porté contrepartie des titres dont celui-là voulait disposer.

bb. Le dépositaire dispose de ses titres intermédiés. Lorsque le dépositaire dispose de ses titres intermédiés en faveur d’un titulaire de compte, le pro-cessus commence de la même manière qu’en présence d’une disposition de l’investisseur. Le titulaire de compte donne une instruction d’achat à son

153 Au sujet de l’avis d’exécution de la transaction, voir infra chap. III, § 3, D, p. 234.

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dépositaire, contenant en règle générale toutes les caractéristiques de la transaction portant sur les titres souhaités (prix, quantité et validité tem-porelle de l’ordre). Dans le cas d’une opération dite Nostro véritable, le dépositaire crédite les titres sur le compte de l’investisseur et débite le compte Nostro qu’il tient pour lui-même. Aucun tiers n’est concerné par l’opération, qui ne né-cessite pas d’inscription comptable sur le compte du dépositaire tenu par le sous-dépositaire. La manifestation de volonté du dépositaire n’intervient pas par une instruction au sens des art. 15 al. 1 et 24 al. 1 let. a LTI. Elle est exprimée par acte concluant, lorsqu’il crédite les titres sur le compte de l’investisseur sans indiquer de contrepartie. Dans ce mécanisme, aucune instruction du dépositaire tendant au transfert des titres au titulaire de compte n’est adressée au sous-dépositaire. Dans le cas d’une opération dite Nostro technique, le commissionnaire se procure les titres sur le marché pour son propre compte. Il acquiert les titres intermédiés lorsque ceux-ci sont crédités sur le compte que le sous-dépositaire tient pour lui. Le dépositaire crédite généralement les titres sur le compte du titulaire de compte avant de les avoirs lui-même au crédit de son compte auprès du sous-dépositaire 154. Ce faisant, le dépositaire ac-complit une manifestation de volonté de transférer les titres au titulaire de compte. La manifestation de volonté du dépositaire n’intervient pas par une instruction au sens des art. 15 al. 1 et 24 al. 1 let. a LTI. Elle est exprimée par acte concluant, lorsqu’il crédite les titres sur le compte de l’investisseur sans indiquer de contrepartie. Dans ce mécanisme, aucune instruction du dépositaire tendant au transfert des titres au titulaire de compte n’est adressée au sous-dépositaire.

cc. L’internalisation. Dans le cas d’une opération d’internalisation, à savoir une exécution croisée d’ordres opposés émanant de deux de ses clients, le dépositaire manifeste sa volonté d’acquérir, respectivement d’aliéner, des titres correspondant aux instructions données par les titulaires de comptes en débitant et créditant les comptes des investisseurs sans mentionner de contrepartie, conformément à l’art. 437 CO. Le dépositaire assume ainsi deux rapports d’obligations indépendants et acquiert effectivement dans son patrimoine les titres de l’investisseur vendeur qu’il aliène à l’investis-

154 Selon la technique du Contractual Settlement, voir infra chap. III, § 3, C. 2. c. ii, p. 231, et iii, p. 232.

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197Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

seur acheteur. L’opération ne nécessite pas d’inscription sur le compte tenu par le sous-dépositaire. Partant, l’investisseur vendeur manifeste sa vo-lonté d’aliéner les titres par une instruction au dépositaire, conformément à l’art. 24 al. 1 let. a LTI. Ce n’est en revanche pas le cas du dépositaire, qui aliène les titres à l’investisseur acheteur et accomplit son acte de disposi-tion en lui signifiant qu’il se porte contrepartie en créditant les titres sur son compte.

ii. Le commissionnaire ne se porte pas contrepartie

Lorsque le dépositaire ne se porte pas acquéreur des titres que l’investis-seur souhaite aliéner, il conclut en bourse ou hors bourse un contrat de vente en son nom propre, mais pour le compte de son client. Nous avons vu que, dans ce cas, le dépositaire est au bénéfice d’un pouvoir de dis-poser sur les titres qui font l’objet de l’ordre de vente dans le contrat de commission 155. L’autorisation de transférer les titres intermédiés du pa-trimoine du client à celui du tiers acheteur est inhérente au contrat de commission. Il en découle que l’on fait ici également une distinction entre l’instruction de l’aliénateur et la manifestation de volonté du dépositaire visant à disposer des titres en faveur de l’acquéreur. Le dépositaire entre un ordre de vente dans le système de bourse qui contient une instruction adressée automatiquement au dépositaire central afin d’exécuter le dé-bit du compte de titres du dépositaire 156. Le dépositaire exerce ainsi son pouvoir de disposer des titres de l’aliénateur et seule son instruction (sa manifestation de volonté) est constitutive de l’acte de disposition sur les titres du titulaire de compte. En effet, l’instruction du dépositaire est com-muniquée au sous- dépositaire, qui va procéder au crédit du compte du participant qui est l’acquéreur des titres. C’est donc bien l’instruction du dépositaire qui constitue une instruction tendant à disposer de titres au sens de l’art. 24 al. 1 let. a LTI. La possibilité qu’une personne qui n’est pas titulaire du compte sur lequel se trouvent des titres intermédiés puisse en disposer se rencontre également dans le cas de l’exercice du droit d’uti-lisation prévu à l’art. 22 al. 1 LTI par le dépositaire ou encore dans le cas

155 Voir supra chap. III, § 1, C. 2. b, p. 170.156 La bourse est dûment autorisée à représenter le participant dans la transmission de

l’ordre au dépositaire central, voir l’art. 13.2 RN.

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du créancier garanti au bénéfice d’une convention de contrôle l’autorisant à disposer des titres 157.

iii. Les ordres donnés par le client aux contreparties de la banque

Dans le cadre des opérations menées sur les marchés, plusieurs modifica-tions des structures contractuelles ont été engendrées par certaines inno-vations informatiques. La relation entre un titulaire de compte et un dépositaire prévoit par-fois que le titulaire de compte pourra passer des ordres directement aux contreparties du dépositaire. Ce cas de figure intervient lors de transac-tions sur des places financières étrangères 158. La situation peut aussi exister au niveau national. La réglementation boursière prend en compte ce type d’investisseur muni d’un “Direct Electronic Access” 159. Selon cette pratique, le client donne ses ordres au nom du dépositaire. Dans de tels cas, la ma-nifestation de volonté émise par l’investisseur est faite au nom et pour le compte du dépositaire. C’est d’ailleurs ce dernier qui est responsable de-vant les instances boursières des actions ou des omissions de son client 160. Une telle structure ne modifie donc pas l’analyse des rapports juridiques tels qu’ils résultent du contrat de commission.

c. Les contrats du titulaire de compte avec les tiers

Outre le contrat de commission, les instructions d’un titulaire de compte peuvent également avoir pour cadre des transactions qui n’impliquent pas le dépositaire en tant que partie au contrat à la base de l’acte de disposition. En fonction du contrat passé entre les titulaires de comptes, ces opérations peuvent avoir pour objet le transfert de titularité des titres intermédiés, à titre de vente ou à fin de sûreté, ainsi que la constitution d’un gage ou d’un usufruit. Dans bien des cas, cependant, l’instruction donnée au dé-positaire ne contient aucun autre élément que la requête de transfert des titres sur le compte du bénéficiaire. Or, l’indication des titres à transférer,

157 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 130, à la note 68.158 Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 731, n. 41.159 Voir l’art. 4.3.3 RN.160 Art. 4.3.3. al. 1 RN.

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199Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

de la date du transfert, du compte sur lequel les créditer et du titulaire de ce compte ne permet pas en soi d’établir le contenu de la manifestation de volonté constitutive de l’acte de disposition. Le contenu de la disposition en faveur du bénéficiaire ne peut être complètement établi qu’en se référant à la volonté exprimée dans le contrat de base. Le dépositaire n’intervient que pour procéder aux écritures comp-tables sur le ou les comptes qu’il tient en ses livres. Lorsque le compte de l’investisseur qui doit être crédité est tenu par un autre dépositaire, le dé-positaire du donneur d’ordre doit prendre les mesures nécessaires afin que le compte du bénéficiaire soit crédité. Cela implique d’instruire le sous- dépositaire qui tient le compte du dépositaire afin que son compte soit dé-bité en faveur de celui du dépositaire du bénéficiaire 161. Les rapports entre les dépositaires et leur(s) sous-dépositaire(s) reposent sur des obligations de tenue de comptes, d’enregistrement et de dépôt des instruments finan-ciers sous-jacents aux titres intermédiés. N’étant pas parties au rapport contractuel de base dont l’exécution entraîne le transfert patrimonial, les dépositaires n’acquièrent pas les titres intermédiés transférés ou le droit limité constitué sur les titres intermédiés par l’opération. Au regard du système mis en place par la LTI, l’opacité de l’instruction pour le dépositaire est normale. En effet, la LTI n’exige pas que le disposant donne le motif de son instruction, ce que le texte des art. 15 al. 1 LTI et 24 al. 1 let. a LTI confirme. Il suffit d’une instruction “tendant à disposer de ses titres” ou “tendant au transfert des titres” 162. La LTI n’exige en outre pas que l’inscription signifie quel droit est conféré par le crédit en compte 163. Le transfert doit ainsi être entendu dans le sens de “crédit à un autre compte de titres”, à savoir une opération consistant à faire passer des titres inter-médiés d’un compte à un autre, mais non dans le sens d’un acte par lequel

161 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8859 : “Si d’autres dépositaires participent au trans-fert, le dépositaire de l’aliénateur doit transmettre l’instruction au dépositaire de ni-veau supérieur” ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 284, n. 22 ad art. 15 LTI.

162 Ceci est corroboré par la version allemande du texte légal : art.  15 al.  1  LTI :  “[…] Weisungen �ur Verfügung über Bucheffekten […]” et 24 al. 1 let. a LTI : “Weisung der Kontoinhaberin oder des Kontoinhabers an die Verwahrungsstelle, die Bucheffekten �u übertragen” ; et la version italienne : art. 15 al. 1 LTI : “[…] le istru�ioni di quest’ul�” ; et la version italienne : art. 15 al. 1 LTI : “[…] le istru�ioni di quest’ul�le istru�ioni di quest’ul�timo concernenti la facoltà di disporre dei titoli contabili” et art. 24 al. 1 let. a LTI : “trasferimento, su istru�ioni del titolare del conto all’ente di custodia”.

163 Ce qui peut poser certaines questions relatives à la nature des informations ressortant de l’attestation délivrée par le dépositaire, voir Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 245 ss.

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200 Joël Leibenson

la titularité des titres intermédiés passe obligatoirement d’une personne à une autre. Il en découle une notion large du concept d’acquéreur 164.

d. Prise de position

i. Distinction entre instruction et acte de disposition

La structure contractuelle entourant les actes de disposition nous permet de constater que l’instruction donnée au dépositaire par le titulaire de compte ne suffit pas toujours en elle-même à provoquer l’acte de dispo-sition. En d’autres termes, l’instruction du titulaire de compte n’est pas toujours constitutive d’un acte de disposition et un acte de disposition n’intervient pas nécessairement sur la base d’une instruction du disposant, ce qui ne signifie pas pour autant qu’un acte de disposition puisse interve-nir sans qu’il n’y ait de manifestation de volonté de disposer. Lorsque le dépositaire se porte contrepartie, l’acte de disposition du titulaire de compte qui aliène ses titres repose sur une instruction au dépo-sitaire. En pareil cas, l’instruction émise par l’investisseur est adressée au dépositaire qui, de son côté, va créditer les titres sur le compte Nostro qu’il tient pour lui-même, et cela quelle que soit la forme comptable de l’acqui-sition (Nostro véritable, Nostro technique ou internalisation). L’instruction fait ainsi partie de l’acte de disposition puisqu’elle va directement consti-tuer la base de l’effet patrimonial d’aliénation en faveur de l’acquéreur. Nous exposons ci-dessous qu’elle ne constitue cependant pas à elle seule l’acte de disposition au sens technique, puisque celui-ci est bilatéral 165. Au contraire, la distinction entre l’instruction du titulaire de compte au dépositaire et la manifestation de volonté tendant à disposer est parti-culièrement visible lorsque le titulaire de compte aliène des titres et que le dépositaire ne se porte pas contrepartie de celui-ci. L’effet patrimonial est ici produit non par l’instruction du titulaire de compte au dépositaire, mais par la manifestation de volonté émise par le dépositaire qui est au bénéfice d’un pouvoir de disposer en faveur du tiers acquéreur 166. Cette manifesta-tion de volonté du dépositaire est émise sous forme d’ordre de bourse, qui

164 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 130 s., à la note 73.165 Voir infra chap. III, § 2, A. 3. d. ii, p. 202.166 Voir supra chap. III, § 1, C. 2. b, p. 170.

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201Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

est, dans ce cas-là, également une instruction au sens de l’art.  15 LTI en raison de l’acheminement direct au dépositaire central selon le principe du Straight Through Processing 167. L’ordre donné par le titulaire de compte ne représente qu’une instruction “ordinaire” dans le cadre du contrat qui le lie au dépositaire. Il y a également une séparation entre une instruction et la manifesta-tion de volonté tendant à disposer des titres intermédiés lorsque le dépo-sitaire aliène ses titres à un titulaire de compte qui souhaite acquérir des titres. En effet, dans ce cas, l’acte de disposition accompli par le dépositaire ne repose sur aucune instruction. Seul le crédit que le dépositaire fait sur le compte de titres de l’investisseur, documenté par l’avis d’exécution 168, témoigne de la volonté du dépositaire de disposer. Dans le cas de transactions n’impliquant un acte de disposition qu’entre des titulaires de comptes, l’instruction du disposant au déposi-taire va participer à provoquer directement l’effet patrimonial en faveur du tiers acquéreur. Il y a donc dans ce cas également concordance entre l’ins-truction au dépositaire et la manifestation de volonté tendant à disposer. Il faut enfin relever le cas d’un transfert entre deux comptes apparte-nant à la même personne. Ce cas de figure confirme la distinction à faire entre instruction et acte de disposition. Si un titulaire de compte décide de transférer des titres intermédiés qui lui appartiennent depuis son compte auprès du dépositaire A sur un autre compte auprès du dépositaire B, il n’accomplit pas un acte de disposition. En effet, il ne réduit pas son actif, les instruments financiers restant toujours dans son patrimoine. Seul le dépositaire change. Le transfert de titres intermédiés n’est, dans ce cas-là, pas un acte de disposition. Cependant, si un tel transfert n’est pas un acte de disposition selon l’art. 24 LTI, il n’en demeure pas moins que les art. 15, 27 et 28 LTI, régissant l’instruction et les extournes de débits ou de crédits en compte de titres, sont applicables. La distinction entre instruction et manifestation de volonté tendant à disposer est une nécessité qui découle du système d’intermédiation. Celui-ci repose en effet sur des mécanismes particuliers, dont le législateur ne pouvait pas embrasser les moindres détails. La LTI n’en demeure pas

167 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 115 et p. 117 ; voir supra chap. III § 1, B. 3, p. 166.

168 Voir infra chap. III, § 3, D. 1, p. 234.

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moins fondée sur le principe que l’opération d’acquisition repose sur des manifestations de volontés et un acte matériel qu’est la bonification 169.

ii. Caractère bilatéral de l’acte de disposition

Il ressort, en apparence, de la combinaison entre l’art. 15 al. 1 LTI, l’art. 24 al. 1 let. a LTI et l’art. 24 al. 2 LTI que l’acte de disposition par transfert en compte de titres serait unilatéral. Les travaux préparatoires mention-nent également que l’acte de disposition serait unilatéral 170. Ce schéma est suivi par la doctrine qui s’est prononcée jusqu’ici, sans que les auteurs ne se soient déjà penchés sur le sujet de façon approfondie 171. Il nous apparaît pourtant que la nature de l’acte de disposition par transfert en compte de titres est bilatérale 172. Ceci est autant fondé sur des éléments propres au droit des biens que sur la conception même du système d’intermédiation.

aa. Les fondements de droit des biens. Les actes de disposition en droit privé sont en principe bilatéraux. Il nous suffit ici de rappeler que la cession de créance (art. 164 CO), la remise de dette (art. 115 CO), la mise en gage de créances et autres droits selon le code civil (art. 900 et 901 CC), le transfert de la propriété mobilière ou le nantissement d’une chose mobilière néces-sitent tous un contrat bilatéral de disposition. Il est soutenu en doctrine

169 Voir supra chap. III, § 2, A. 1, p. 186.170 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8859 et p. 8867.171 Voir, entre autres, Kuhn, Die Modernisierung, p.  139 ; Foëx, Gages sur les droits�

valeurs, p. 245 ; Eigenmann, Aspects choisis, p. 112 ; Thévenoz, Saut épistémo�logique, p.  708 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p.  117 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 197 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 84 ; Lanz, Aktientransfers, p. 204.

172 Du même avis, Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p. 62 s. et 91 ; voir en outre Wiegand, Die Bucheffekte : ein neues Verm�gensrecht ?, p. 1133 (“[…] dass die Offerte zur Übertragung das zweite Element der Weisung darstellt und zugleich als Erfüllungshandlung zu qualifizieren ist. Diese Offerte wird je nach Verwahrungsart eventuell über mehrere Stufen weitergeleitet und erst durch die Gutschrift auf dem Empfängerkonto angenommen. Damit ist die Einigung über den Rechtsübergang zustan-degekommen und das Verpflichtungsgeschäft durch den Übergang des Rechts erfüllt”) et p.  1135 (“Die Weisung enthält aber zudem als zweite Komponente die Offerte zur Einigung über den Rechtsübergang”), pour qui l’instruction contient une offre d’accord quant au transfert, qui n’est parachevé qu’avec la bonification dans le compte de l’acquéreur.

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203Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

classique que l’on ne peut se passer du contrat réel car il est un des éléments les plus importants de la vie des affaires 173. De même, il est également géné-ralement reçu que l’on ne peut pas acquérir de droit sans le vouloir 174. En outre, même les actes de disposition en matière immobilière 175, qui peuvent a priori sembler constituer une exception au contrat réel en raison de la réquisition unilatérale d’inscription au registre foncier, reposent en réalité également sur l’accord de l’acquéreur 176. Même parmi les auteurs qui retiennent que la réquisition d’inscription au registre foncier serait un acte de disposition unilatéral, il est également admis que l’acquéreur ex-prime tout de même son accord à l’acquisition, à tout le moins par la vo-lonté manifestée dans le titre d’acquisition, qui sert de base à la réquisition d’inscription 177. Il ressort de ce qui précède que les fondements du droit des biens prescrivent que l’acte de disposition est, dans son principe, un acte bilaté-ral. Un transfert ne peut logiquement affecter le patrimoine de l’acquéreur sans qu’il n’ait d’une manière ou d’une autre manifesté son consentement. Ainsi que nous l’exposons ci-après, cette réalité est confirmée par le fonc-tionnement du système d’intermédiation.

bb. Les fondements issus du système d’intermédiation. Tout d’abord, l’ins-truction doit être replacée dans le contexte du contrat de base qui sous-tend l’acte de disposition. Si l’instruction du titulaire de compte est un acte formellement unilatéral, l’acte de disposition reste un acte matériellement bilatéral. Cela est vrai que l’opération soit conclue directement avec le dé-positaire ou que celui-ci ne prête son concours qu’en tant que teneur de compte pour des parties à un accord qui ne le concerne pas.

173 Schönenberger / Jäggi, Zürcher Kommentar, p. 254 s., n. 95 ad art. 1 CO ; Desche�naux, Das Grundbuch, p. 268.

174 Voir Liver, Das Eigentum, p. 140 ; Deschenaux, Das Grundbuch, p. 269 ; Weimar, Die Erbschaftsteilung, p. 451 ; Staehelin, Bedingte Verfügungen, p. 2 ; van de Sandt, L’acte de disposition, p. 34, n. 111.

175 Là où la loi fait dépendre de l’inscription la constitution ou le transfert du droit réel.176 Deschenaux, Das Grundbuch, p. 269 ; Wieland, Les droits réels II, p. 529, n. 2 ad

art. 963 CC ; van de Sandt, L’acte de disposition, p. 34, n. 111.177 Zobl, Grundbuchrecht, p. 156, n. 394 ; Homberger, Besit� und Grundbuch, p. 312,

n. 4 ad art. 963 CC ; Liver, Das Eigentum, p. 140 ; Weimar, Die Erbschaftsteilung, p. 451 ; Paul Piotet, Du partage successoral, p. 65 ; Staehelin, Bedingte Verfü�Verfü�gungen, p. 2 ; von Tuhr, Eigentumsübertragung, p. 48.

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204 Joël Leibenson

Lorsque le dépositaire se porte contrepartie d’un client, les titres ne sortent du patrimoine du titulaire de compte ou n’y rentrent qu’avec l’ac-cord du dépositaire, en tant qu’acquéreur ou vendeur. La volonté du dépo-sitaire est communiquée au titulaire de compte au moyen de l’avis d’exé-cution de la transaction ne contenant pas l’indication de la contrepartie. Ce caractère bilatéral tient au fait que le dépositaire assume l’exploitation du système de transfert et est en même temps partie au transfert. Il s’agit d’une des différences fondamentales avec le mécanisme des actes de dispo-sition au moyen de l’instruction au registre foncier. Le caractère bilatéral de l’acte de disposition est également donné dans les cas de figure où le dépositaire ne se porte pas contrepartie du titulaire de compte. A savoir, dans les cas où les titres sont aliénés à un tiers pour le compte de l’investisseur et ceux où l’acte de base est passé entre deux titu-laires de compte et que le ou les dépositaires de ces investisseurs opère(nt) les inscriptions nécessaires. Dans ces cas, comme avec les actes de dispo-sition impliquant une instruction au registre foncier, l’on n’imagine pas que l’effet patrimonial puisse se produire chez l’acquéreur sans qu’il n’ait, d’une manière ou d’une autre, manifesté son consentement. Lors d’une aliénation à un tiers par le dépositaire pour le compte de l’investisseur, le dépositaire de l’acquéreur a nécessairement reçu une instruction de se procurer les titres sur le marché. Partant, le titulaire de compte a manifesté son intention d’acquérir les titres et son consentement au crédit opéré sur son compte. Dans le cas d’une opération directe entre deux titulaires de comptes, le consentement à l’acquisition résulte, au moins implicitement, de la mani-festation de volonté exprimée dans le contrat de base, mais pas seulement. En effet, le crédit des titres sur le compte de l’acquéreur n’est probablement pas précédé d’une instruction de celui-ci à son dépositaire visant la ré-ception des titres reçus du disposant, mais cela peut toutefois être le cas. L’instruction de créditer le bénéficiaire est donc reçue du disposant ou de son dépositaire. Cependant, le dépositaire du bénéficiaire se trouve dans une relation contractuelle de tenue de compte avec celui-ci. Sur cette base, si le titulaire du compte qui reçoit le crédit annonce au dépositaire qu’il y a erreur et qu’il n’a pas acquis ces titres, le dépositaire, qui n’est pas partie à l’acte de base, ne peut pas imposer l’acquisition au titulaire crédité. Le dé-positaire doit exécuter l’instruction du “bénéficiaire” et extourner le crédit

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205Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

sans avoir à examiner la situation de base plus avant 178. Il découle de ce mécanisme qu’une instruction du disposant à laquelle ne correspond pas une volonté concordante de l’acquéreur ne peut pas valablement opérer un acte de disposition par transfert en compte de titres.

4. La révocation de l’instruction

a. Le moment de la révocation

Selon l’art. 15 al. 3 LTI, “Le titulaire du compte peut révoquer une instruc-tion jusqu’au moment fixé par le contrat qui le lie à son dépositaire ou par les règles du système de compensation ou de règlement des opérations sur titres utilisé. L’instruction est irrévocable dès que le dépositaire a débité le compte de titres du titulaire”. A première lecture, le texte de l’art. 15 al. 3 LTI semble laisser une certaine liberté au dépositaire pour fixer le délai dans lequel une instruction peut être révoquée, tout en posant de façon impérative que la révocation ne peut plus intervenir une fois que les titres ont été débités 179. Il nous semble que cette lecture est trop rigide et cela pour trois raisons au moins. Avant tout, les règles relatives aux extournes prévoient qu’une écriture au débit peut être contrepassée si la révocation de l’instruction qui a servi de base à ce débit a été faite en temps utile (art. 27 al. 1 let. b, ch. 3 LTI). Il en ressort que le système d’intermédiation prévoit que la survenance du débit n’empêche pas de revenir sur les écritures comptables qui constituent une opération 180. Cet élément indique que le dépositaire devrait pouvoir prévoir un délai de révocation qui va au-delà du moment du débit opéré sur le compte de l’investisseur 181. Par ailleurs, on le sait, le débit peut intervenir sur un compte avant ou après qu’un crédit correspondant soit opéré sur le compte de l’acquéreur, c’est pour cette raison que seul le crédit a un effet constitutif du transfert

178 Cette situation constitue le pendant de celle dans laquelle peut se trouver le déposi�taire du titulaire de compte qui dispose et qui est visée par l’art. 15 al. 2 LTI.

179 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 113 ; von der Crone / Bilek, Ak�Ak�tienrechtliche �uerbe�üge, p. 197.

180 Ni même la survenance du crédit, ce que la lecture des art. 27 al. 1 let. b ch. 3 LTI et 28 al. 1 let. a LTI autorise à penser.

181 Du même avis, Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 286, n. 33 ad art. 15 LTI.

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206 Joël Leibenson

des titres ou de la création d’un droit sur les titres intermédiés 182. Ainsi, le fait que le compte n’ait pas encore été débité ne garantit pas qu’aucun crédit ne soit survenu, soit sur le compte du dépositaire de l’acquéreur au-près du sous-dépositaire, soit sur le compte de l’acquéreur. Si l’on souhaite prévenir les effets négatifs d’une révocation tardive, le moment du débit du compte du disposant ne représente pas le moment à partir duquel la trans-action a été exécutée. Enfin, le réel déterminant du moment de l’irrévocabilité d’une instruc-tion est la marge de manœuvre existante au niveau du système de compen-sation ou de règlement des opérations sur titres 183. Une transaction impli-quant deux titulaires de compte auprès du même dépositaire ne présente pas de difficultés ni de risques particuliers pour le dépositaire ou les parties puisqu’un seul teneur de comptes agit pour le donneur d’ordre et pour le bénéficiaire 184. La révocation est donc reçue par celui qui peut lui donner effet sans décalage dans le temps, sauf erreur ou omission. Dans ce cas, la marge de manœuvre du dépositaire est pleine et entière, sous réserve de l’effet juridique attaché au crédit en compte de titres. La situation est beaucoup plus délicate pour les opérations impliquant un sous-dépositaire. Dans ce cas, le moment fixé par le sous-dépositaire jusqu’auquel les dépositaires peuvent révoquer leurs instructions, que cela soit une transaction sur le marché ou non, nous semble être l’élément cen-tral pour déterminer le délai à disposition du dépositaire afin de traiter les éventuelles révocations émises par les titulaires de compte de titres. Selon nous, vu les bases sur lesquelles le système d’intermédiation repose, à savoir la distinction entre les notions de titres disponibles et de titres intermédiés 185, la pratique de la bonification en compte par les dépositaires et les effet qui en découlent 186, la révocation d’une instruction dans une transaction impliquant plus d’un dépositaire ne devrait plus pouvoir inter-venir après le crédit du compte de titres du dépositaire du bénéficiaire du

182 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8843 et 8867.183 Conformément aux prescriptions de surveillance appliquées par la Banque nationale

suisse, le système de règlement concerné doit impérativement prévoir dans sa docu�mentation contractuelle le moment à partir duquel une opération est irrévocable, voir l’art. 24 al. 1 let. d de l’Ordonnance relative à la loi fédérale sur la Banque nationale suisse, du 18 mars 2004 (OBN).

184 Voir Kuhn, Prel. Cmts Arts. 27�28, FISA & HSC Commentary, p. 410, n. 23 s.185 Voir supra chap. II, § 3, B. 2. c. ii, p. 116.186 Voir infra chap. III, § 3, C. 2. c, p. 230.

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207Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

transfert, même si ce crédit intervient avant le débit du compte de titres de l’investisseur qui a émis l’instruction 187.

b. La forme de la révocation

De même que la forme dans laquelle l’instruction peut être communiquée est en principe libre, la forme de sa révocation est également libre, sous réserve d’une convention contraire dans la relation avec le dépositaire. Il faut ici relever que le dépositaire devrait être légitimé à retenir qu’une instruction qui serait contradictoire avec une instruction précédente non encore exécutée peut être comprise comme une révocation de l’instruction précédente 188.

B. La vérification de la cause de l’instruction

1. L’obligation d’exécuter l’instruction

L’art.  15 al. 2 LTI prévoit que le “dépositaire n’a ni le droit ni l’obligation de vérifier la cause juridique d’une instruction”. Nous avons démontré que cette norme ne fonde pas l’abstraction des actes de disposition sur les titres intermédiés 189. Sa portée doit ici être précisée, tant il est vrai que l’indéter-mination de son contenu peut susciter des interrogations légitimes quant au degré de diligence requis du dépositaire 190. En premier lieu, la lettre de la loi va à l’encontre de ce que requiert objectivement la pratique de l’activité dépositaire. Ainsi que nous l’avons vu en matière des transactions sur le marché, les normes boursières im-posent aux dépositaires (participants à la bourse ou dépositaire central) de s’intéresser à la validité du contrat de vente passé en bourse et de ne pas exécuter une instruction, voire d’en supprimer les effets, si la bourse décide

187 Voir, à titre indicatif, l’art. 34 let. c des conditions générales du dépositaire central SIX SIS SA, du 1er mai 2005, qui prévoyaient que la propriété des instruments finan�ciers allait de pair avec l’irrévocabilité de l’instruction, qui était elle�même condition�née au crédit du compte de titres du dépositaire participant, ainsi qu’aux conditions techniques du système.

188 Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 727, n. 30.189 Voir supra chap. III, § 1, D, p. 172.190 Foëx, Les actes de disposition, p. 88.

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208 Joël Leibenson

qu’une opération est un Mistrade 191. En second lieu, dans le cas où un dé-positaire se porte contrepartie d’un titulaire de compte, l’art. 15 al. 2 LTI ne saurait obliger le dépositaire à opérer une écriture comptable s’il s’avère que le contrat qu’il a conclu est nul, par exemple en cas d’incapacité de discernement du titulaire de compte 192. D’une part, il semble douteux d’in-terdire à une personne de vérifier la validité juridique d’un contrat qu’elle a passé avec une autre personne. D’autre part, il apparaît raisonnable pour la protection des intérêts de toutes les parties que le dépositaire ne soit pas contraint d’exécuter un contrat qui ne l’oblige ni lui ni son client. En réalité l’art. 15 al. 2 LTI signifie autre chose. Il symbolise, aux cô-tés de l’art. 15 al. 1 LTI, le rôle de transmetteur neutre que le dépositaire assume s’agissant des droits dirigés contre l’émetteur. Le législateur a souhaité préserver autant que possible la fonction de circulation qui est dévolue au système d’intermédiation des rapports que le dépositaire peut entretenir avec les titulaires de compte. Cette fonction, obscurément re-transcrite dans la lettre de l’art. 15 al. 2 LTI, est confirmée par la teneur des travaux préparatoires. Selon le Message du Conseil fédéral, cette norme signifie que le dépositaire ne peut pas refuser d’exécuter une instruction, même s’il a connaissance de défauts dans le rapport de base, de même qu’il ne peut être tenu pour responsable s’il exécute une instruction malgré de tels défauts 193. Il appert ainsi que le dépositaire peut sans autres apprécier la validité du contrat qui le lie à son client et sur la base duquel il va procé-der à une ou des inscriptions en compte.

2. Les devoirs d’information, de conseil et de mise en garde

Cette “obligation d’exécuter” l’instruction ne dispense cependant pas le dépositaire des éventuels devoirs d’information, de conseil et de mise en garde qui peuvent être à sa charge dans le cadre d’un mandat de ges-tion de fortune, d’un contrat de conseil en placement ou d’un mandat dit

191 Voir supra chap. III, § 1, B. 2, p. 165.192 Il faut ici prendre garde à faire une distinction entre un contrat qui serait nul et une

instruction nulle, pour laquelle l’art. 27 al.  1 let. b ch. 1 LTI prévoit que ses effets puissent être supprimés par l’extourne du débit qui se serait ensuivi (voir également Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 285, n. 26 ad art. 15 LTI).

193 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8860 ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 285, n. 26 ad art. 15 LTI.

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209Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

Execution Only 194. Il faut ajouter que l’art. 15 al. 2 LTI ne rentre pas en colli-sion avec le degré de diligence qui est exigé d’un mandataire sur la base de l’art. 11 LBVM. En effet, selon la jurisprudence et la doctrine, les règles de conduite exigent que le mandataire informe l’investisseur sur les risques d’un type d’opération en soi, mais non sur les risques d’une opération concrète 195. Les éventuels défauts juridiques affectant un contrat donné ne tombent dès lors pas sous le coup de l’art. 11 LBVM 196. Il convient, selon nous, d’apprécier l’art.  15 al.  2 LTI au regard du contexte des différentes opérations possibles. Une distinction doit être faite entre les opérations impliquant seulement des titulaires de comptes, à l’ex-clusion de leur(s) dépositaire(s), et celles qui lient un titulaire de compte avec son dépositaire, dans le cadre d’un mandat de gestion, d’un contrat de conseil en placement ou de l’exécution ponctuelle d’opérations sur le marché (Execution Only). Il apparaît que la portée de l’art. 15 al. 2 LTI peut être réduite par les éventuels devoirs d’information de conseil et de mise en garde découlant de la convention fixant l’étendue du service promis par le dépositaire au titulaire de compte. A l’inverse, si l’on se trouve dans le cadre de la simple exécution d’une transaction qui lie deux titulaires de compte et n’implique un ou des dépositaires que comme teneur de compte, l’art.  15 al. 2 LTI empêche clairement le dépositaire de se préoccuper du contenu de la transaction. Cela est d’autant plus justifié qu’en pareil cas,

194 Sur les différents degrés de diligence entre ces trois formes, voir, notamment, ATF 133 III 97/102 ss = JdT 2008 I 84/88 ss, cons. 7 ; ATF 131 III 377/380 ss = JdT 2005 I 612/615  s., cons. 4.1.1. Sur la notion de mandat Execution Only par rapport à la gestion de fortune et au conseil en placement, voir, par exemple, l’arrêt du Tribunal fédéral du 29 octobre 1997, in SJ 1998 I 198/203, cons. 6 a) ; Lombardini, Droit ban�caire suisse, p. 723 s., n. 23 ; Thalmann, Vorvertraglichen Aufklärungspflicht, p. 974 ; Emmenegger, Le devoir d’information du banquier, p. 76 ss.

195 ATF 133 III 97/99 s. = JdT 2008 I 84/86 s., cons. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral du 21 février 2007, in SJ 2007 I 313/315 s., cons. 3.3. ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 292, n. 802 ; Roth, Kommentar BEHG, p. 22 ss, n. 58 ss ad art. 11 LBVM ; Thévenoz, opérations sur valeurs mobilières, p. 30 ; Bahar / Stupp, Basler Kommentar, B�rsen�B�rsen�geset�, p. 651 s., n. 42 ad art. 11 LBVM ; Romy / Bloch, Les devoirs d’information du banquier, p. 651 ; etc.

196 A cela s’ajoute que la définition des titres intermédiés ne coïncide pas forcément avec celle des valeurs mobilières (Lanz, Aktientransfers, p. 195, à la note 18 ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 124, à la note 5 ; Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 9) et qu’un dépositaire peut ne pas être une banque ou un négociant en valeurs mo�bilières (Art. 4 al. 2 LTI). Il est ainsi théoriquement possible, bien que peu probable, que des transactions sur titres intermédiés ne soient pas soumises à la LBVM.

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210 Joël Leibenson

le dépositaire est potentiellement dans l’ignorance totale des dispositions patrimoniales visées par les parties. La prise en compte de la nature de la relation contractuelle entre le dépositaire et le titulaire de compte figure expressément à l’art. 15 al. 1 LTI in fine, qui met en évidence que l’instruc-tion du titulaire de compte transférant s’inscrit dans le cadre du contrat qui le lie au dépositaire visant la tenue de son compte de titres 197. Le ratta-chement à la conformité au contrat qui lie le titulaire de compte au déposi-taire autorise bien sûr ce dernier à s’assurer, entre autres, que le compte est provisionné et que le donneur d’ordre est légitimé à instruire le dépositaire au regard de la convention de compte 198.

C. Le pouvoir de disposer

1. Distinction entre le pouvoir d’instruction et le pouvoir de disposer

Une caractéristique essentielle du système d’intermédiation réside dans ce que l’acquisition de titres intermédiés ou de droits portant sur des titres intermédiés est déclenchée par des mécanismes maîtrisés par le titulaire d’un compte de titres. Cette maîtrise a son fondement dans la relation contractuelle qui lie le titulaire du compte au dépositaire et dans les dis-positions de la LTI visant à régir cette relation de compte. Il en résulte une apparente identité entre le pouvoir juridique de disposer et la possibilité de fait de transférer des titres intermédiés par crédit en compte de titres. Cette apparence est aussi créée par l’absence de publicité quant à la nature des droits effectivement acquis par un titulaire de compte ou un tiers sur des titres figurant au crédit d’un compte de titres. Cependant, la titularité du compte de titres et la titularité des titres intermédiés qui y sont crédités ne se confondent pas 199. Comme nous

197 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8842 : “L’instruction est un ordre que le titulaire d’un compte donne au dépositaire pour que celui-ci effectue les écritures nécessaires”.

198 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8859 ; Foëx, Les actes de disposition, p.  88 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 81.

199 Voir toutefois Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA & HSC Commentary, p. 366, n. 14, qui semble admettre que le titulaire de compte est au bénéfice d’un pouvoir de disposer, sur un plan formel. Ce qui peut correspondre en réalité à un pouvoir de fait, mais non juridique.

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211Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

l’avons exposé plus haut, cette distinction repose sur la définition même des titres intermédiés 200. Cette séparation pourrait être rendue inutile si l’on considérait que le titulaire de compte qui n’est pas titulaire des titres intermédiés est au bénéfice d’un pouvoir de disposer sur les titres intermé-diés crédités sur son compte. Nous ne pensons pas que cela soit le cas. En effet, si ce pouvoir de disposer est un pouvoir de fait 201, il ne change rien aux exigences juridiques traditionnellement posées à l’accomplissement d’un acte de disposition. Ensuite, il n’existe nulle trace dans la LTI d’un pouvoir légal de disposer qui compéterait au titulaire de compte, hormis le pouvoir d’éteindre des titres intermédiés ancré à l’art. 8 LTI. Au de-meurant, nier un tel pouvoir de disposer au titulaire de compte qui ne serait pas titulaire des titres intermédiés ne nous semble pas choquant vu la similarité de la situation avec d’autres cas de figures déjà connus dans notre ordre juridique. A titre d’exemple, il est permis d’évoquer le cas des choses mobilières confiées : la remise d’une chose mobilière à titre de gage ne confère pas un pouvoir de disposer au créancier gagiste 202, en dépit de la présomption découlant de la possession de la chose. La distinction entre la titularité du compte de titres et la titularité des titres intermédiés permet ainsi à des parties à un rapport contractuel de conférer au titulaire de compte un droit limité sur les titres intermédiés 203. L’apparent inconvénient que pourrait susciter cette distinction est natu-rellement corrigé par le mécanisme de protection de la bonne foi mis en place à l’art. 29 LTI. En effet, celui-ci est général et n’est soumis qu’aux

200 Voir supra chap. II, § 3, B. 2. c. ii, p. 116.201 L’on pense notamment au transfert de titres à fin de gage, qui n’entraîne pas l’octroi

d’un pouvoir de disposer sur les titres transférés, même si, de fait, le titulaire du compte à l’air d’être légitimé à instruire le dépositaire en vue de disposer des titres.

202 Le créancier gagiste n’a que le droit de se payer sur le prix de vente du gage (art. 891 al. 1 CC). Il doit restituer celui�ci en cas de paiement de la dette garantie (art. 889 CC). Et il encourt une responsabilité causale en cas d’aliénation de l’objet grevé sans le consentement du constituant, cf. Steinauer, Droits réels III, p. 474, n. 3170c ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2090 s., n. 9 et 13 ad art. 890 CC ; voir aussi Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 996, n. 11 ad art. 887 CC ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 65, n. 49 ad art. 890 CC.

203 L’octroi d’un droit personnel tendant à la maîtrise de fait des titres est également envi�sageable, comme cela peut se produire dans le cas d’un Escrow Agreement (Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 30 ss. spécialement 32 s.). Dans un tel cas, il ne s’agira cepen�dant pas d’un acte de disposition selon la LTI, à ce sujet voir supra chap. III, § 1, A. 2. b. iii, p. 161. Sur la dissociation entre la titularité du compte de titres et le pouvoir de disposer, voir également infra chap. IV, § 1, B. 2. a, p. 247.

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212 Joël Leibenson

conditions fondamentales de fonctionnement du système d’intermédia-tion, à savoir l’absence d’extourne et une acquisition à titre onéreux. Le résultat est un système dont le fonctionnement ne doit pas représenter une charge trop lourde et qui opère un arbitrage entre les intérêts des investis-seurs, des émetteurs et des dépositaires.

2. Nécessité du pouvoir de disposer

L’exigence d’être au bénéfice du pouvoir de disposer afin de pouvoir opérer un transfert de titres intermédiés selon l’art. 24 LTI découle en premier lieu du droit des biens 204. La nécessité du pouvoir de disposer est égale-ment mise en lumière par les règles de la LTI. En effet, la présence d’un régime de protection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’absence de pou-voir de disposer démontre que ce pouvoir est compris comme nécessaire à l’acte de disposition sur des titres intermédiés 205. Ainsi, le principe est que le titulaire de compte ou le tiers qui ordonne un transfert de titres intermédiés doivent être au bénéfice du pouvoir de disposer sur les titres visés par le transfert. Si la faculté juridique de transférer la titularité des titres intermédiés ou de les constituer en gage ou en usufruit fait défaut, alors les règles protégeant l’acquéreur de bonne foi entrent en ligne de compte 206. Le contraire signifierait simplement que l’art. 29 al. 1 let. a LTI devrait rester lettre morte.

D. L’identification des titres intermédiés et le principe de spécialité

1. Les difficultés liées à l’intermédiation et à la dématérialisation

La conservation collective des instruments financiers auprès d’un ou plu-sieurs dépositaires crée des difficultés en relation avec l’application du principe de spécialité 207. Avant l’entrée en vigueur de la loi sur les titres

204 Voir supra chap. II, § 4, B, p. 128.205 Foëx, Les actes de disposition, p. 85.206 Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1078.207 Eigenmann, Aspects choisis, p. 113.

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213Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

intermédiés, l’application du principe de spécialité a pu être maintenue au moyen des créations doctrinale et contractuelle de la copropriété des déposants en cas de dépôt collectif ou de certificat global 208. S’agissant des droits-valeurs, leur statut juridique étant soumis aux règles applicables aux créances, la difficulté était de moindre intensité. En effet, dans ce cas, la dé-signation d’un actif existant physiquement n’est pas nécessaire et la juris-prudence relative à la cession de créance a posé que le principe de spécialité a une portée réduite dans ce domaine 209. Dans le système créé par la LTI, la comptabilisation de droits sur des comptes de titres tenus pour des investisseurs en relation avec les instru-ments financiers conservés collectivement pose en outre un défi structu-rel. Lorsque des instruments financiers sous-jacents aux titres intermé-diés ont fait l’objet d’une comptabilisation sur un compte de titres, les écritures comptables ne peuvent pas porter pas sur des actifs sous-jacents déterminés 210. Il en découle, par exemple, que lorsque des actions de la so-ciété XYZ sont créditées sur un compte et sont revendues deux mois plus tard, les écritures comptables sont restées inchangées pendant deux mois, mais le pool d’actions de la société XYZ détenu par le dépositaire a peut-être été complètement renouvelé pendant ce temps. Les titres intermédiés sont ainsi en constante transformation 211. Le seul lien entre les titres in-termédiés et les instruments financiers sous-jacents est numérique : il s’agit de la réconciliation comptable opérée par les dépositaires de chaque niveau entre les crédits en comptes de titres et les positions disponibles maintenues auprès de leur sous-dépositaire. De plus, l’accomplissement de la fonction d’identification des actifs, remplie par le principe de spécialité, est rendu complexe par la difficulté qui peut parfois exister à établir un lien entre différents actes de disposition, notamment si ceux-ci sont accom-plis selon le mode du transfert en compte, compte tenu des extournes qui peuvent intervenir. Mais, cela peut également être le cas lorsque des actes de disposition opérés par convention de contrôle s’insèrent dans une série d’acte de disposition.

208 Voir supra chap. I, § 2, B. 3, p. 29, et C. 2, p. 35.209 ATF 113 II 163/167, consid. 2. c.210 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 395, n. 36 ad art. 25 LTI.211 Voir Johansson, Doctrine of Specificity, p. 176 s.

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214 Joël Leibenson

2. La portée du principe de spécialité

L’application du principe de spécialité dans le cadre d’un transfert de titres intermédiés en compte de titres est a priori rendue difficile par la nature intangible des titres intermédiés. Nous ne pensons pas que le principe de spécialité soit exclu du système d’intermédiation. Il nous semble plutôt que son expression et sa portée sont fondamentalement modifiées pour adhérer aux caractéristiques centrales des titres intermédiés et du système dans lequel ils existent.

a. Le besoin d’identification

La fongibilité, la conservation collective des instruments financiers et leur intangibilité sont des facteurs qui rendent non seulement malaisée l’iden-tification d’un titre précis, mais également inutile. Tous les instruments d’un même genre se valent. Dans cette perspective, l’avis avancé par le pro-fesseur Roy Goode au sein d’une controverse doctrinale en droit anglais énonce que les actions d’une société ne peuvent être soumises au principe de spécialité, puisqu’elles représenteraient en réalité des fractions notion-nelles d’un seul actif, le capital social 212. L’application de ce raisonnement implique qu’une part de ce capital représente le même actif qu’une autre part du même capital 213. Ce point de vue illustre que le besoin et la possibilité de distinguer les fractions d’un capital ou d’une dette peuvent être inexistants. En ef-fet, lorsque des fractions de dettes ont le même montant nominal ou que des titres de participation donnent les mêmes droits, la désignation d’un instrument financier déterminé est non pertinente, pour autant que l’on ait un moyen d’attribuer cet actif à son ayant droit avec suffisamment de précision et que l’intérêt de l’émetteur de ces droits à l’intégrité de l’émis-sion soit dûment pris en compte 214. L’identification de l’objet d’un acte de

212 Goode, Are Intangible Assets Fungible ?, p. 384. La question de l’identification d’ins�truments financiers intangibles est bien entendu débattue au sein de la doctrine anglaise, pour un aperçu des solutions jurisprudentielles et des avis discutés, voir Micheler, Property in Securities, p. 128 ss.

213 Ceci modifierait par exemple la qualification juridique des repurchase agreements puisque les instruments financiers retransférés à l’échéance seraient les mêmes que ceux initialement transférés, cf. Goode, Are Intangible Assets Fungible ?, p. 385.

214 Voir supra chap. II, § 2, A. 2. b, p. 82.

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215Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

disposition a un but probatoire, une fonction de publicité sur laquelle re-posent les mécanismes d’opposabilité erga omnes que sont le droit de suite et le droit de préférence, mais également une fonction d’information des tiers sur l’état des actifs d’une personne 215. Une ségrégation des actifs fon-gibles permet leur identification et l’application du principe de spécialité 216. Tandis que la matérialité d’une chose mobilière de genre rend son indivi-dualisation aisée, cela n’est pas possible pour les biens immatériels que sont les titres intermédiés. Dès lors, l’inscription en compte de titres consti-tutive de droits sur les titres intermédiés est un moyen qui permet d’ef-fectuer une telle attribution à un ayant droit et qui présente un degré cer-tain de sécurité, compte tenu des pratiques réglementées et surveillées des dépositaires 217.

b. L’identification des titres et les circonstances de l’acte de disposition

Cependant, la réalité opérationnelle du système d’intermédiation pose les limites de l’identification par le crédit au compte de titres. Une des carac-téristiques de cette réalité opérationnelle réside dans un immense volume de transactions, qui peuvent intervenir en chaîne sur des marchés orga-nisés ou de façon ponctuelle, de gré à gré. Certaines transactions peuvent donc impliquer plusieurs dépositaires et de nombreux investisseurs ou être effectuées entre deux personnes qui se connaissent, par un seul et même dépositaire. Dans ce dernier cas, les circonstances du transfert entre les parties sont telles qu’elles peuvent, cas échéant, permettent de considérer que les titres qui sont l’objet de l’acte de disposition sont assimilables à des corps certains 218. De ce fait, le degré de certitude de l’identification des titres et leur attribution à un ayant droit au moyen du crédit en compte de titres dépend des circonstances 219.

215 Voir supra chap. II, § 4, C, p. 131.216 Goode, Are Intangible Assets Fungible ?, p. 384.217 Johansson, Doctrine of Specificity, p. 176 s.218 Foëx, Les actes de disposition, p. 86.219 Cette variabilité n’est pas que l’apanage du domaine des titres intermédiés. En effet,

l’application du principe de spécialité en tant que tel est lié aux circonstances et peut varier en fonction de son but dans le cas d’espèce (publicité d’un droit afin d’éviter les fraudes, établissement d’une priorité entre droits concurrents, réalisation forcée d’un droit sur l’actif), cf. Johansson, Doctrine of Specificity, p. 174 s.

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216 Joël Leibenson

Vu les fonctions assurées par le principe de spécialité, celui-ci ne doit valoir que dans la mesure où il se révèle utile à l’accomplissement des actes de disposition sur les titres intermédiés. Or, le processus de transfert en compte selon l’art. 24 LTI ne nécessite en aucun cas que la titularité d’un titre ou d’un droit sur un titre ne soit rattachée à un titre intermédié dé-terminé autrement que par son genre, à savoir par son appartenance à une émission particulière créée par un émetteur. Ceci découle de la dé-finition même des titres intermédiés, qui repose sur leur fongibilité et leur négociabilité 220. En outre, les processus de disposition sur les titres intermédiés ne peuvent matériellement pas permettre une stricte appli-cation du principe de spécialité puisqu’aucun acteur du système d’inter-médiation ne peut individualiser des droits sociaux ou des créances pré-cis contre l’émetteur. Seul le dépositaire central se retrouve garant de la concordance entre le nombre d’instruments financiers émis et le nombre de positions disponibles existant sur les comptes des dépositaires partici-pants qui permettent de créditer des titres intermédiés sur les comptes des investisseurs.

c. Des modes d’identification spécifiques

Il découle de ce qui précède que la LTI n’exclut pas formellement l’iden-tification de titres intermédiés dans le cadre d’un acte de disposition par transfert selon l’art. 24 LTI. Cela signifie plutôt que les modalités d’identi-fication sont spécifiques au domaine des titres intermédiés. L’identification des titres à transférer s’effectue fondamentalement au moyen de quatre élé-ments : le genre de titres 221, la désignation du compte de titres duquel ces titres doivent être débités, leur nombre 222 et la date à laquelle ils ont été crédités. Vu la fonction assurée par le compte de titres, cette date permet

220 Art. 3 al. 1 LTI ; à ce sujet, voir Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 8 ss ; Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 166 s., n. 23 ss et p. 169 s., n. 34 ss ad art. 3 LTI.

221 Le genre des titres est déterminé par leur émetteur, leur nature (action, obligation, etc.), le cas échéant, leur valeur nominale et leur échéance ou leur numéro ISIN (cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 395, n. 36 ad art. 25 LTI).

222 Si le disposant souhaite transférer tous les titres figurant sur un compte, il n’a pas besoin de les détailler, l’instruction tendant à disposer de tous les titres figurant sur un compte déterminé suffit.

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217Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

de préciser l’état juridique des titres en question 223. Si les instruments fi-nanciers ont perdu les trois dimensions de l’univers matériel, ils ont gagné la dimension temporelle comme une de leur composante essentielle. Le temps dans la comptabilisation est donc aussi un élément distinctif des titres intermédiés. Ainsi, en fonction des dispositions prises dans le cadre d’une convention de contrôle, postérieure ou antérieure à l’arrivée de titres sur un compte, la date du crédit en compte et la date de la convention de contrôle permettent de distinguer d’éventuels titres grevés des autres titres tout en identifiant ceux qui vont ou peuvent faire l’objet de l’acte de disposition par transfert en compte de titres ou une deuxième convention de contrôle. Ceci est cohérent avec le système mis en place dans la LTI où l’articulation entre le crédit en compte de titres et la convention de contrôle est assurée par le dépositaire qui tient le compte de titres. C’est lui qui se retrouve au centre des possibilités de coordination entre les actes de dispo-sition et donc d’identification des titres intermédiés. En cas de constitution d’une sûreté par transfert en compte de titre selon l’art. 24 al. 1 LTI, la détermination des titres sur la base des éléments que nous venons de mentionner peut en principe se faire dans le cadre défini par l’art. 25 al. 2 LTI. En effet, le renvoi systématique de l’art. 25 al. 1 LTI, 1re hypothèse, entraîne l’application de l’art. 25 al. 2 LTI aux sûretés constituées selon l’art. 24 al. 1 LTI en plus de celles constituées par conven-tion de contrôle 224. Ainsi, l’instruction peut porter sur des titres détermi-nés (art. 25 al. 2 let. a LTI), sur tous les titres figurant au crédit d’un compte (art. 25 al. 2 let. b LTI) ou sur une partie des titres figurant au crédit d’un compte à concurrence d’une valeur déterminée (art. 25 al. 2 let. c LTI). Bien qu’une instruction d’un titulaire de compte au dépositaire tendant au transfert de titres à hauteur d’une certaine somme d’argent semble a priori possible, certains éléments nous incitent à envisager cette éventualité avec réticence 225.

223 Il s’agit de la détermination du rang d’éventuels droits concurrents portant sur des titres du genre concerné, selon l’art. 30 LTI ; à ce sujet, voir infra chap. V, § 2, A. 3, p. 332.

224 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 338, qui ne retiennent toutefois pas l’application de l’art. 25 al. 2 let. c LTI ; Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA & HSC Commentary, p. 369, n. 27 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 155.

225 Voir également Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 155 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p.  86, qui relèvent qu’un tel transfert est en prin�cipe possible, mais leur semble difficilement concevable en pratique ; et Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 338.

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218 Joël Leibenson

Le premier élément tient à l’environnement contractuel du transfert en compte de titres selon l’art. 24 LTI. En fonction des circonstances, notam-ment en présence de titres intermédiés cotés en bourse émis par différents émetteurs, une instruction ayant simplement pour contenu le transfert de n’importe quels titres à concurrence d’une certaine valeur risque de ne pas être acceptée par le dépositaire. En effet, celui-ci s’expose, par hypothèse, au mécontentement du titulaire de compte en cas d’évolution des cours des valeurs transférées à la hausse postérieurement à l’exécution de l’ins-truction. En outre, à la différence de “l’assiette flottante” de la convention de contrôle, l’instruction tendant au transfert de titres pour une certaine valeur ne vaut qu’une fois. Il ne s’agit pas d’une instruction permanente qui devrait être exécutée par plusieurs transferts successifs sur le compte du bénéficiaire en cas de perte de valeurs des titres déjà transférés. Le second élément concerne les instructions visant les transferts en compte de titres qui ne sont pas destinés à procurer une sûreté au sens de l’art. 25 al. 1 LTI. Il devrait a priori également être envisageable d’ap-pliquer les mêmes critères que pour la constitution de sûretés, puisque la limite de la déterminabilité minimum admissible des titres visés par l’acte de disposition résulte des possibilités d’identification que permet la notion d’acte de disposition sur des titres crédités en compte de titres. Il est ainsi techniquement possible de vendre pour une valeur déterminée de titres intermédiés crédités sur un compte de titres déterminés. Les exigences de la déterminabilité objective résultant du droit des obligations et l’exigence de déterminabilité conformément aux dispositions de la LTI seraient rem-plies. Il est en revanche fort probable que des motifs commerciaux, liés à ce qui semble opportun aux parties à un simple transfert, les dissuade de procéder à un transfert en compte de titres à concurrence d’une certaine valeur. En effet, à la différence de la constitution d’une sûreté, où l’élément est, certes, non négligeable, mais peut-être moins déterminant 226, c’est principalement l’identité de l’émetteur des titres qui est décisive dans la perspective économique de l’acquisition de titres contre le paiement d’un prix dans un but d’investissement.

226 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870.

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219Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

§ 3 La bonification

A. Généralités

L’art. 24 al. 1 let. b LTI fait de l’inscription en compte de titres (la bonifica-tion) un élément nécessaire du processus d’acquisition de titres intermé-diés ou de constitution de droits sur des titres intermédiés. Le contenu des droits qui peuvent être transférés ou constitués étant varié 227, nous avons fait le choix de présenter les mécanismes de transfert de la titularité des titres intermédiés qui sous-tendent le contrat de commission, une des fi-gures importantes des opérations sur les titres intermédiés. Il convient cependant de garder à l’esprit que des figures contrac-tuelles plus simples demeurent également largement utilisées, comme par exemple des ventes de titres intermédiés non admis au négoce boursier, mais, également des cas de constitution de sûretés entre particuliers ou dans le cadre d’opérations menées par des investisseurs qualifiés 228. Dans ces cas, le processus du crédit en compte est simple et les effets sont clairs. Conformément à l’art. 24 al. 2 LTI, l’acte de disposition est parfait au mo-ment de la bonification. Le titulaire du compte bonifié acquiert les titres ou les droits qui ont fait l’objet de la transaction et le patrimoine du titulaire du compte débité est affecté dans la mesure qui correspond à cette acqui-sition. L’art. 24 al. 2 LTI énonce à cet égard, de façon imprécise, que “le titulaire du compte perd ses droits sur les titres intermédiés”229. Seule la bonification opère l’accomplissement 230 de l’acte de disposi-tion, et non le débit porté en compte 231. L’explication de ce choix du légis-lateur réside dans le fait que le transfert de titres intermédiés ne résulte pas d’un seul crédit en compte, mais d’une série d’écritures comptables qui ne sont pas forcément coordonnées aux différents niveaux de la chaîne d’intermédiation. Cette situation est la plus perceptible au niveau des transactions internationales 232. C’est justement cette nécessité d’opérer des

227 Cf. supra chap. III, § 1, A, p. 156.228 Au sens de l’art. 5 let. d LTI.229 Dans le même sens, Foëx, Les actes de disposition, p. 93.230 Foëx, Les actes de disposition, p. 85.231 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867.232 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8843 et p. 8867.

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220 Joël Leibenson

écritures non séquentielles en compte de titres qui met à l’épreuve l’effet juridique constitutif du crédit en compte pour l’accomplissement de l’acte de disposition sur des titres intermédiés 233.

B. Les procédés de bonification

La pratique bancaire du négoce de titres a développé principalement deux techniques de crédit en compte de titres afin d’optimiser ces opérations et de les adapter notamment aux contraintes imposées par le caractère tou-jours plus international du négoce de valeurs mobilières. Ces deux procé-dés sont dénommés Actual Settlement et Contractual Settlement. Depuis 2002, l’usage de ces techniques fait l’objet de recommandations spécifiques dans une circulaire de l’Association suisse des banquiers 234. Cependant, ces pratiques et les questions qui y sont liées ne sont pas nouvelles 235. Tous les dépositaires au sens de la LTI ne sont pas soumis à l’autorégle-mentation bancaire 236. Cependant, au regard du droit privé, les techniques comptables que nous présentons ci-après peuvent être utilisées par tous les dépositaires soumis à la LTI. La prise en considération de ces standards dans l’élaboration de la loi 237 indique que le législateur entend permettre que ceux-ci soient pratiqués par tous les dépositaires, qu’ils soient ou non soumis à l’autoréglementation bancaire. Il ne faut toutefois pas omettre d’intégrer dans l’analyse d’un transfert de titres intermédiés en compte de titres d’éventuelles techniques comptables spécifiques du ou des déposi-taires impliqués.

233 Voir infra chap. V, § 3, B. 2. b, p. 378.234 Voir la Circulaire de l’Association suisse des banquiers (ASB) no 7215, “Déroulement

des opérations d’achat et de vente de titres”, du 27 novembre 2002 (ci�après : Circu�laire ASB no 7215).

235 Voir Brunner, Wertrechte, p. 216, qui se réfère à un document non publié de l’Asso�ciation suisse des banquiers datant de 1988.

236 Voir supra chap. II, § 2, B. 1, p. 86, la définition de la notion de dépositaire au sens de la LTI.

237 Voir infra chap. III, § 3, B. 2, p. 221.

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221Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

1. L’Actual Settlement

La premier type de crédit en compte est dénommé “Actual Settlement”. Selon cette pratique des banques, “la comptabilisation d’un achat dans le dépôt du client n’est effectuée que si les titres sont effectivement disponibles auprès de la banque qui gère le dépôt ou auprès de son office de dépôt”238. La conséquence est que lorsque le crédit est porté au compte de l’investis-seur, la livraison est donc effectivement intervenue puisque le dépositaire les a lui-même. Cette pratique est ainsi recommandée dans le cadre d’opé-rations avec la participation de tiers (Drittliefergeschäften), comme cela est le cas de certaines variantes du contrat de commission. Dans ce contexte, le dépositaire crédite les titres sur le compte de l’investisseur une fois seu-lement que sa contrepartie s’est exécutée et qu’il a lui-même été crédité des titres concernés. L’Actual Settlement est également indiqué lorsque la trans action implique exclusivement des investisseurs et que le dépositaire est sollicité pour opérer les écritures comptables qui vont parachever celle-ci. Cela sera le cas notamment le cas d’une vente, de la constitution d’un gage ordinaire ou irrégulier par transfert de titres intermédiés ou encore de la constitution d’un usufruit.

2. Le Contractual Settlement

Une deuxième possibilité pour exécuter le crédit en compte de titres est le “Contractual Settlement”. Cette pratique doit son nom au fait que le dé-positaire qui crédite les titres sur le compte du client s’en porte, en prin-cipe, contrepartie contractuelle, mais ce type de crédit peut également être réalisé si le dépositaire “intervient comme broker effectuant le décompte à l’égard” de l’investisseur 239. Dans ces cas, l’écriture intervient dans le compte de titres de l’investisseur même si le dépositaire n’a pas reçu les titres sur son propre compte auprès du dépositaire central 240. Les titres sont donc crédités à l’investisseur alors que le dépositaire ne dispose pas de couverture 241. Le crédit intervient sans réserve au jour de la conclusion

238 Circulaire ASB no 7215, Actual Settlement.239 Circulaire ASB no 7215, Contractual Settlement.240 Favre, Die Berechtigung von Depotkunden, p.  167 ; Hess, Bankengeset�, p.  366,

n. 32 s. ad art. 16 LB ; Circulaire ASB no 7215, Contractual Settlement.241 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 693 ; Witmer, FISA & HSC Commentary, p. 243,

n. 12 ad art. 11 LTI.

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222 Joël Leibenson

de la transaction (intra-day, ou T+0) 242. L’écriture en compte peut être ac-compagnée de la mention : “nous comptabiliserons les titres dans votre dépôt”243. Le dépôt auprès du sous-dépositaire est alors en état de décou-vert (Shortfall) : les positions comptables dans les livres du dépositaire re-latives aux titres livrés à l’investisseur dépassent celles qui sont créditées auprès du sous-dépositaire 244. Ce découvert intervient pendant de courtes périodes en raison des techniques de débit et crédits auprès des sous- dépositaires nationaux et internationaux 245. Les titres sont ensuite crédités sur le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire dans le délai usuel prévu par les normes boursières s’appliquant au marché concerné, soit gé-néralement trois jours de bourse après la transaction, moment que l’on nomme T+3 246. La légitimation de la méthode du Contractual Settlement réside dans son apport à la fluidité et à la rapidité du règlement des opéra-tions sur titres. En cela, elle améliore la liquidité du marché, ce qui accroît la stabilité des systèmes de compensation ou de règlement des opérations sur titres 247. La pratique du Contractual Settlement est implicitement reconnue par la LTI 248. L’art 11 al. 3 let. c. LTI prévoit en effet que “les titres dont le dé-positaire peut librement exiger la remise par d’autres dépositaires pendant la durée prescrite ou usuelle du règlement régulier sur le marché corres-pondant, mais au plus pendant huit jours” sont des titres disponibles 249 qui remplissent l’exigence de couverture des positions crédités dans les

242 Circulaire ASB no 7215, Contractual Settlement ; Witmer, FISA & HSC Commentary, p. 242, n. 10 ad art. 11 LTI.

243 Circulaire ASB no 7215, Contractual Settlement.244 Witmer, FISA & HSC Commentary, p. 242, n. 8 s. ad art. 11 LTI.245 Sans lien avec le Contractual Settlement, la raison d’un découvert peut également

résider dans un problème opérationnel tel qu’une falsification, un problème informa�tique ou une erreur de comptabilisation affectant les écritures en compte, cf. Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 873, n. 5 ad art. 9�12 LTI.

246 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8854 ; voir l’art. 13.1 RN et les ch. 5.4 et 8.1 des Conditions générales SIX x�clear spécifiques à la bourse SIX Swiss Exchange SA, édi�tion de novembre 2009.

247 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8855 ; Thévenoz, Saut épistémologique, p. 693 ; Witmer, FISA & HSC Commentary, p. 243, n. 12 ad art. 11 LTI.

248 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8854 ss, spécialement p. 8856 ; Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 694, à la note 56 ; Witmer, FISA & HSC Commentary, p. 249 s., n. 45 ss ad art. 11 LTI.

249 Sur la notion de titres disponibles, voir supra chap. II, § 3, B. 2. c. ii, p. 116.

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223Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

comptes de titres des investisseurs imposée par l’art. 11 al. 1 LTI au déposi-taire. Le système d’intermédiation prend également en compte la pratique du Contractual Settlement en ce que l’investisseur peut distraire la préten-tion en livraison des titres en cas de faillite du dépositaire 250. Les techniques d’écriture en compte utilisées au sein de la chaine d’in-termédiation ont pour effet que les débits et les crédits en compte de titres ne sont pas séquentiels. L’ordre chronologique des écritures ne correspond pas à l’ordre logique (juridique). Ceci pose certaines questions lorsque l’on analyse en détail l’effet des diverses obligations des parties aux transac-tions considérées 251. En effet, la structure du contrat de commission im-pose une analyse séquentielle afin de déterminer les effets des actes de disposition. Grâce à la technique du Contractual Settlement, le compte de l’acquéreur final est crédité avant celui de son dépositaire, ce crédit devant normalement parachever le transfert de titularité des titres. Or, le compte du dépositaire de l’acquéreur auprès du sous-dépositaire doit encore être crédité. Comment faut-il analyser cette dernière écriture comptable au re-gard de l’ordre d’achat que le dépositaire de l’acquéreur a passé en son nom propre auprès de son cocontractant ? La titularité des titres intermédiés fait-elle un aller-retour dans les patrimoines respectifs du dépositaire et de l’investisseur ? Y a-t-il eu deux fois acte de disposition et deux fois crédit en compte de titres. Une première fois sur la base de l’instruction de l’in-vestisseur et une seconde fois sur la base de l’ordre passé en ou hors bourse par le dépositaire. Ou bien y a-t-il certaines écritures, nécessaires du point de vue de la technique d’intermédiation, qui n’emportent pas accomplis-sement d’un acte de disposition sur des titres intermédiés d’un patrimoine à un autre ?

C. La “livraison” des titres intermédiés

1. L’identification des patrimoines touchés

Ainsi que nous l’avons mis en évidence 252, il convient pour chaque transac-tion de distinguer les parties à l’acte, leur statut (dépositaire, sous-déposi-taire ou investisseur), le patrimoine d’origine des titres et les pa trimoines

250 Art. 17 al. let. c LTI.251 Voir infra chap. III, § 3, C. 1, p. 223, et 2, p. 227.252 Voir supra chap. III, § 1, C, p. 167.

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224 Joël Leibenson

des intermédiaires dans lesquels les titres pourraient éventuellement tran-siter avant d’aboutir dans le patrimoine de l’investisseur final. Les opéra-tions considérées doivent être analysées, à chaque étape, dans la perspec-tive de la partie qui dispose des titres intermédiés en fonction de la nature de la relation contractuelle qui la lie avec son cocontractant. L’identifica-tion des patrimoines affectés nécessite en outre de replacer le schéma du contrat de commission non seulement dans le système d’intermédiation créé par la LTI, mais également dans le cadre du droit boursier et du droit de la surveillance.

a. Les règles d’intermédiation

Les règles d’intermédiation, telles qu’elles découlent de la LTI, ne permet-tent pas d’identifier l’ordre des patrimoines impliqués dans le transfert de titres intermédiés. L’art. 12 LTI règle la détention collective transparente au niveau du sous-dépositaire. Celle-ci implique que le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire distingue les titres détenus pour propre compte des titres détenus pour le compte des clients. Dans ce cas de figure, l’ac-quisition des titres du client par le dépositaire peut se faire, une fois l’ordre de vente émis par le client, par la passation d’une écriture comptable au crédit de la rubrique concernant les titres détenus pour compte propre. Cependant, ce système n’est pas obligatoire et n’est pas celui adopté par le dépositaire central suisse 253. Si la conservation se fait de façon opaque, les positions comptables du compte auprès du sous-dépositaire ne distinguent pas les titres détenus pour compte propre de ceux détenus pour le compte des investisseurs. Dans ce cas, il est difficile de distinguer au niveau du dépositaire central, si les participants à la bourse ont conclu la vente pour le compte de leur client ou pour leur compte propre. Cette source d’insécurité juridique est expressément admise dans les travaux préparatoires de la LTI 254. De surcroît, la LTI ne fait pas du débit au compte de titres une condi-tion de l’acte de disposition. Il se peut ainsi que le crédit, qui opère l’accom-plissement de l’acte de disposition, intervienne avant le débit. Il y aura à ce

253 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8856 s.254 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8857.

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225Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

moment-là un décalage entre la situation juridique de l’aliénateur, qui aura disposé de ses titres intermédiés, et l’apparence résultant de son compte de titres qui contiendra encore la position comptable qui avait fait l’objet de l’acte de disposition. Enfin, le traitement légal du compte de titres du dépositaire auprès du sous-dépositaire 255 démontre que les inscriptions qui y sont portées ne sont pas aptes à emporter l’accomplissement de l’acte de disposition. Nous avons en effet exposé la distinction à opérer entre les positions dis-ponibles que le dépositaire doit maintenir afin de couvrir les crédits en compte de titres et les positions comptables qui constituent des titres inter-médiés parce qu’elles sont créditées pour un investisseur 256. Les positions disponibles au crédit du compte auprès du sous-dépositaire ne remplissent pas les conditions de la définition des titres intermédiés. En revanche, les positions comptables qui figurent au crédit du compte Nostro que le dépo-sitaire tient en ses livres sont des titres intermédiés. Cela est confirmé par la définition de l’investisseur posée à l’art. 5 let. c LTI puisqu’un déposi-taire est un investisseur lorsqu’il détient des titres intermédiés pour son propre compte. Or, les positions créditées sur son compte auprès du sous- dépositaire sont présumées couvrir les titres intermédiés de ses clients ti-tulaires d’un compte, conformément à l’art. 17 al. 2 LTI. Il découle de ce qui précède qu’un acte de disposition en faveur du dépositaire n’est accom-pli que lorsque le compte Nostro du dépositaire est crédité de l’achat fait avec le client 257.

b. La réglementation boursière

L’identification du patrimoine pour le compte duquel la transaction est ef-fectuée est facilitée par les prescriptions boursières concernant le contenu des ordres de bourse et des annonces obligatoires des transactions. Ces

255 Voir les art. 11 al. 3 let. a LTI, art. 17 al. 1 let. a LTI et art. 17 al. 2 LTI.256 Voir supra chap. II, § 3, B. 2. c. ii, p. 116 ; il faut relever qu’un dépositaire est un inves�

tisseur lorsqu’il détient des titres intermédiés pour son propre compte.257 L’art. 12 al. 2 LTI explicite d’ailleurs clairement ce mécanisme s’agissant de la mise en

œuvre du droit d’utilisation en cas de ségrégation des titres sur des comptes séparés auprès du sous�dépositaire. Dans ce cas, l’acte de disposition (l’utilisation) ne peut pas avoir lieu tant que le compte Nostro du dépositaire n’a pas été crédité.

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226 Joël Leibenson

normes fournissent des informations utiles quant à savoir si le dépositaire se porte contrepartie ou non dans le cadre du contrat de commission. Les art. 5.2 et 14 al. 2 de la directive boursière relative au négoce 258 prévoient la liste des attributs obligatoires des ordres placés sur le marché boursier ou des transactions passées hors bourse, mais qui sont déclarées en bourse. Les ordres doivent, entre autres éléments, contenir la mention obligatoire du statut contractuel d’une transaction. L’opération passée au nom du dépositaire, mais pour le compte d’un investisseur doit porter la mention CU (pour Customer). Une transaction passée au nom du déposi-taire et pour son propre compte doit porter la mention PR (pour Principal). Ces éléments permettent, à tout le moins a posteriori, de documenter la structure contractuelle adoptée par le dépositaire et d’établir l’effet pa-trimonial des écritures en compte de titres. Si le statut du dépositaire est déterminable, le lien entre une transaction passée et l’ordre d’un client dé-terminé ne peut pas toujours être établi avec certitude. Cette possibilité est confirmée par la teneur de certaines règles de surveillance du négoce de valeurs mobilières.

c. Les règles de surveillance prudentielle

Les normes régissant la surveillance de l’activité sur les marchés permet-tent également d’établir une certaine clarté dans les relations patrimoniales des parties. Selon l’art. 15 al. 1 LBVM, le négociant en valeurs mobilières est astreint à tenir un journal relatif aux ordres reçus et aux transactions qu’il effectue, dans lequel il enregistre toutes les informations nécessaires à leur reconstitution et à la surveillance de son activité. Cette norme est complé-tée par l’art. 1 de l’OBVM-FINMA259, selon lequel le journal doit contenir l’identité du donneur d’ordre, le type de transaction et la nature de l’ordre, mais également l’identité de la contrepartie pour la transaction passée en exécution de l’ordre reçu. L’art. 4 let. h et let. i OBVM-FINMA prévoient également pour les transactions hors bourse la communication du sta-tut d’une transaction (pour le compte du négociant ou pour le compte de

258 SIX Swiss Exchange, Directive 3 : Négoce, adoptée par la Direction générale de la bourse le 31 août 2011, en vigueur depuis le 31 octobre 2011.

259 Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, 25 octobre 2008 (RS 954.193).

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227Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

tiers), ainsi que la communication de l’identité de la contrepartie (membre de la bourse, autre négociant ou un client) 260. La FINMA a également adopté une circulaire relative au journal des valeurs mobilières 261. Selon ses prescriptions, tant le donneur d’ordre que la contrepartie doivent être mentionnés dans le journal 262. Concernant l’in-dication du donneur d’ordre, seuls le numéro d’identification et le nom du client ou le fait que le négociant est intervenu pour compte propre doivent être enregistrés dans le journal. Cela a pour conséquence qu’une trans ac-tion pour laquelle le dépositaire se porte contrepartie par une opération dite Nostro technique 263 ne permet pas d’établir un lien avec un ordre de client identifié. En effet, dans ce cas, la mention que le négociant est inter-venu pour compte propre suffit. Par ailleurs, selon la nature de l’ordre et le type d’exécution (par ex. lors d’ordres cumulés ou lors d’exécutions partielles), le négociant n’est pas toujours en mesure de connaître sa contrepartie et ne peut en conséquence pas l’indiquer dans le journal 264. Il en découle qu’il n’est pas toujours pos-sible d’attribuer de manière incontestable une contrepartie à un donneur d’ordre 265.

2. L’accomplissement de l’acte de disposition

La détermination de l’accomplissement de l’effet patrimonial de la boni-fication nécessite l’établissement de la chronologie des effets contractuels par une analyse séquentielle de la transaction qui tienne compte du temps global dans lequel elle se déroule.

260 Voir la Circulaire FINMA, 2008/11, Obligation de déclarer les transactions boursières, du 20 novembre 2008, entrée en vigueur le 1er  janvier 2009, Cm 14, qui renvoie à l’art. 4 OBVM�FINMA.

261 Circulaire FINMA 2008/4, Journal des valeurs mobilières, du 20 novembre 2008, en�trée en vigueur le 1er janvier 2009.

262 Circulaire FINMA 2008/4, Journal des valeurs mobilières, Cm 23 et 38�41.263 Voir supra chap. III, § 1, C. 3, p. 170.264 Circulaire FINMA 2008/4, Journal des valeurs mobilières, Cm 8 s. et 40 s.265 Circulaire FINMA 2008/4, Journal des valeurs mobilières, Cm 39.

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228 Joël Leibenson

a. Le commissionnaire ne se porte pas contrepartie

i. Commission à l’achat

Le commissionnaire à l’achat acquiert les biens souhaités par le commet-tant et les transfère ensuite à celui-ci 266. La nature juridique du contrat de commission implique ainsi que l’ordre d’achat que le dépositaire, qui agit en son propre nom, passe en bourse ou hors bourse est la manifestation de sa volonté propre d’acquérir et non celle de son client. La conséquence en est que les titres que le commissionnaire acquiert entrent (d’abord) dans son patrimoine. L’étape suivante voit les titres intermédiés sortir du pa-trimoine du dépositaire pour aller dans celui de l’investisseur final. Cet ordre logique (séquentiel) repose sur les effets patrimoniaux du contrat de commission. Ces effets juridiques sont ceux qui résultent de rapports contractuels que la LTI n’a pas vocation à régir. La technique de l’Actual Settlement, utilisée par les dépositaires lorsque la transaction implique un tiers, assure que le transfert des titres intermédiés intervienne conformé-ment aux mécanismes du contrat de commission. Le dépositaire ne crédite les titres intermédiés sur le compte de l’investisseur que lorsqu’il les a lui-même reçus au crédit de son compte auprès du sous-dépositaire et c’est à ce moment-là que l’investisseur acquiert les titres intermédiés.

ii. Commission à la vente

Dans le cas d’une commission à la vente, la question de la perte du droit par l’investisseur ne se pose que dans la mesure du crédit qui doit être opéré en faveur du patrimoine dans lequel les titres intermédiés vont être déplacés, à savoir celui de l’acquéreur. Le commissionnaire à la vente est au bénéfice d’un pouvoir de disposer sur les titres du commettant, confor-mément à l’art. 396 al. 2 CO 267. Il n’acquiert pas lui-même les titres qui font l’objet de la transaction. Ainsi, ce sera le cocontractant du commission-naire à la vente, à savoir le commissionnaire à l’achat, qui sera l’acquéreur des titres. Comme nous venons de l’exposer, ce dernier n’acquerra les titres que lorsqu’ils seront crédités sur son compte auprès du sous-dépositaire. Ce

266 Voir supra chap. III, § 1, C. 2. a, p. 169.267 Voir supra chap. III, § 1, C. 2. b, p. 170.

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229Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

n’est qu’à ce moment-là que le commettant à la vente ne perd la titula-rité des titres intermédiés dont il a disposé, même si ceux-ci sont en-core crédités sur son compte. Si, avant cela, le commissionnaire à l’achat a crédité le compte du commettant sur la base du Contractual Settlement, ce crédit au compte de l’investisseur n’emporte pas transfert des titres intermédiés 268.

b. Le commissionnaire se porte contrepartie

Lorsque le dépositaire se porte contrepartie de l’investisseur pour les titres qu’il souhaite acheter ou vendre, l’effet patrimonial de la bonification dé-pend de la technique d’inscription en compte qui est utilisée. Dans l’opération Nostro véritable, le compte Nostro du dépositaire contient déjà à son actif les titres faisant l’objet de la transaction si le dé-positaire les vend. Le crédit au compte de l’investisseur peut donc cor-respondre à l’Actual Settlement si le compte Nostro est couvert par une position comptable au crédit du compte du dépositaire auprès de son sous-dépositaire. Si le dépositaire fait figurer des titres au crédit du compte Nostro qu’il tient en ses livres alors qu’il n’a pas de position de couverture sur son compte auprès du sous-dépositaire, l’opération Nostro véritable sera faite sur la base du Contractual Settlement. Si le dépositaire achète les titres à l’investisseur par une opération Nostro véritable, l’opération entraîne un crédit sur compte Nostro du dé-positaire et le débit des titres du compte de l’investisseur. Dans ce cas, le crédit en compte est normalement couvert par une position du compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire compte tenu du fait que l’in-vestisseur a au préalable acquis ces titres soit du dépositaire soit d’un tiers qui a livré les titres lorsque le compte du dépositaire a été crédité. Cela peut cependant ne pas être le cas si les titres viennent d’être achetés par le client et crédités sur son compte en vertu du Contractual Settlement et qu’ils sont revendus immédiatement alors qu’ils ne figurent pas encore sur le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire. Dans un tel cas, la position comptable représentant les titres est débitée du compte du

268 Voir infra chap. III, § 3, C. 2. c. iii, p. 232.

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230 Joël Leibenson

client. Le dépositaire verra son compte auprès du sous-dépositaire crédité lorsque l’achat initial fait pour le client sera exécuté du côté marché. Dans le cas du Nostro technique, le dépositaire effectue l’opération sur le marché (l’achat ou la vente) en son nom et pour son compte et procède au crédit ou au débit sur le compte de l’investisseur. Là aussi, la bonifi-cation effectuée sur le compte de l’investisseur repose en pratique sur le Contractual Settlement si l’investisseur achète des titres. S’il les vend, on retrouve les mêmes possibilités qu’en cas d’opération Nostro véritable. Le compte de l’investisseur est débité et l’acquisition par le dépositaire dé-pend de la présence ou non d’une couverture sur son compte auprès du sous-dépositaire pour exécuter la vente qu’il a conclue en son nom et pour son propre compte avec un tiers participant au marché. Enfin, en cas d’internalisation, le crédit au compte de l’investisseur à l’achat est couvert par les positions disponibles au crédit du compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire qui couvraient jusqu’ici la position de l’investisseur à la vente. De ce fait, la bonification est effective et peut opérer immédiatement le transfert des titres intermédiés. Si l’investisseur à la vente s’est vu créditer son achat initial sur la base du Contractual Settle-Settle-ment et que le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire n’a pas encore été crédité de l’achat qu’il a fait sur le marché, le crédit sur le compte de l’investisseur à l’achat est lui aussi fait selon la technique du Contractual Settlement.

c. Lien entre procédé de bonification et acquisition des titres intermédiés

Le fait que le crédit en compte soit fondé sur l’Actual Settlement ou sur le Contractual Settlement ne se recoupe pas avec le statut de représentant indirect ou de contrepartie que le commissionnaire peut avoir. En effet, le dépositaire peut se porter contrepartie d’un investisseur qui souhaite acheter des titres intermédiés et les créditer sur son compte selon le mode de l’Actual Settlement, en cas d’opération Nostro véritable. Il peut égale-ment procéder selon le mode du Nostro technique alors qu’il ne dispose pas encore des titres sur son compte, le crédit sera fait dans ce cas-là selon le Contractual Settlement. Cependant, la technique de bonification qui est utilisée est en lien direct avec le moment de l’acquisition des droits.

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231Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

i. L’Actual Settlement

Lorsque le crédit est fait selon l’Actual Settlement, la bonification opère effectivement le transfert des titres intermédiés dans le patrimoine de celui qui voit son compte crédité. A ce moment-là, le compte du dépositaire au-près du sous-dépositaire contient des positions comptables qui couvrent les titres intermédiés crédités au compte de l’investisseur. Il s’agit bien ici de titres intermédiés au sens de l’art. 3 LTI car les droits contre l’émetteur ont été acquis.

ii. Le Contractual Settlement

La LTI ne contient aucune précision quant à la pratique du Contractual Settlement et les travaux préparatoires, bien qu’évoquant à plusieurs re-prises cette technique, ne font pas précisément état de la relation entre Contractual Settlement et acquisition effective des titres intermédiés 269. La nature juridique du Contractual Settlement est ainsi incertaine. Pour Luc Thévenoz, il s’agit d’une écriture soumise à une condition suspensive ou résolutoire 270. Cette manière de voir nous semble se placer dans la perspective du fonctionnement du système d’intermédiation. Il pa-raît toutefois difficile de trouver une expression claire dans la LTI d’une distinction légale entre des bonifications conditionnelles et d’autres qui seraient définitives. Pour Carlo Lombardini, cette écriture comptable reconnaît à un client la disponibilité des titres alors qu’il est au bénéfice d’un simple en-gagement de livraison 271. Cet aspect est plutôt orienté dans la perspective du contrat de commission, mais il ne renseigne pas sur la conciliation du régime contractuel de la tenue de compte avec le nouveau statut conféré aux bonifications en compte de titres.

269 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8854 : “Si des découverts apparaissent dans une chaîne de détention, les titulaires d’un compte courent le risque de ne pas pouvoir dis-poser de leurs titres intermédiés (art. 24 ss), qui ne pourront donc pas leur être remis (art. 8)”.

270 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 693.271 Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 694, à la note 56.

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232 Joël Leibenson

iii. Prise de position

Selon nous, une bonification “anticipée” faite sur le compte d’un investis-seur au moyen de la technique du Contractual Settlement ne produit pas l’effet constitutif du transfert tel qu’il résulte de l’art. 24 al.  1 let. b LTI. En effet, lorsque le crédit est opéré selon cette méthode, la bonification est portée au compte de l’investisseur alors que la personne qui lui trans-fère la titularité des titres, à savoir le dépositaire qui a procédé à l’acqui-sition des titres sur le marché en son nom propre mais pour le compte de l’investisseur 272, n’a pas encore vu les titres concernés crédités son compte auprès du sous-dépositaire. Au moment du crédit sur le compte de l’inves-tisseur, le commissionnaire n’est ainsi pas encore titulaire de titres inter-médiés qu’il devra transférer au commettant. Dans ce cas, un effet trans-latif de titularité ne peut pas avoir lieu, en vertu du principe Nemo plus iuris ad alium transferre potest quam ipse habet 273. En outre, la prise en compte du Contractual Settlement dans le système d’intermédiation (aux art. 11 al. 3 let. c et 17 al. 1 let. c LTI) démontre que la LTI ne consacre pas le crédit en compte opéré de cette façon comme une acquisition des droits dirigés contre l’émetteur, mais bien comme la manifestation d’une prétention du dépositaire en livraison des titres qu’il a acquis en son propre nom et qui peut être distraite de sa masse en faillite au profit de l’investisseur. Cette structure du système d’intermédiation contredit la position qui consiste à voir une légitimation de l’investisseur sur les titres intermédiés à la manière d’un security entitlement de droit américain, qui est dirigée uniquement contre le dépositaire qui crédite les titres sur le compte de l’investisseur. Ainsi, l’avis soutenu par Renato Costantini 274 sur la nature juridique de l’acte de disposition sur les titres

272 L’acquisition étant indirecte, le dépositaire acquiert d’abord les titres en son nom puis les transfère au titulaire de compte en vertu de son devoir de restitution découlant de l’art. 400 al. 1 CO ; voir supra chap. III, § 1, C. 2. a, p. 169.

273 Compte tenu de ceci, la question d’une éventuelle acquisition de bonne foi par l’inves�tisseur se pose. Selon nous, le fonctionnement du système d’intermédiation tel que conçu dans la LTI empêche une acquisition par l’investisseur de bonne foi sur la base de l’art. 29 al. 1 LTI. Nous analysons en détail cette problématique dans les dévelop�pements consacrés à la protection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’absence de pouvoir de disposer ; voir infra chap. V, § 3, B. 2. b, p. 378.

274 Costantini, Anknüpfungsgegenstände, p. 141 ss et p. 197 s. ; à noter que, sous l’an�cien droit, les effets de la pratique du Contractual Settlement étaient les mêmes que dans le cadre de la LTI : le crédit anticipé ne pouvait pas procurer à l’investisseur la

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233Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

intermédiés est en contradiction avec le système qui prévaut effectivement dans la LTI. Cet auteur fait reposer l’acquisition des titres intermédiés sur un modèle de “virement” de titres du même type que l’assignation, qui est la figure juridique applicable dans le trafic des paiements. Il en déduit que le titulaire de compte acquiert les titres intermédiés même si le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire est à découvert. Ainsi que nous l’avons vu tout au long de l’examen des règles du contrat de commission, la nouveauté de l’objet juridique sui generis créé par la LTI ne crée pas un nou-veau type d’acte de disposition en droit privé qui soit différent du transfert d’un droit du patrimoine du disposant vers le patrimoine du bénéficiaire. En particulier, la LTI reste basée sur la notion d’acquisition dérivée entre le disposant et le bénéficiaire 275 et ne crée pas un système d’acquisition qui s’apparenterait à ce qui prévaut dans le trafic des paiements avec l’assigna-tion ou avec le système du Security Entitlement du droit américain. Par ailleurs, la discussion sur les effets juridiques de la pratique du Contractual Settlement a lieu dans la perspective de l’efficience du règle-ment des opérations sur titres et de la stabilité du système financier. A cet égard, les principes adoptés au sein des groupes d’élaboration des stan-dards internationaux désirables pour l’infrastructure des marchés finan-ciers visent essentiellement à réduire le risque systémique et à protéger les dépôts des investisseurs en cas de faillite du dépositaire 276. Dans le cadre de l’élaboration d’une législation européenne sur le droit des titres inter-médiés, le Groupe Sécurité juridique, dans son second avis en vue de l’éla-boration d’une directive sur le droit des titres, examine les conditions de la transparence nécessaire à l’acceptation d’un crédit en compte de titres à effet différé 277. Les deux points qui ressortent de la discussion au niveau

propriété des titres ou la titularité des droits�valeurs que son dépositaire n’avait pas encore acquise (Brunner, Wertrechte, p. 216 ; Petitpierre�Sauvain, Les papiers� valeurs, p. 423, n. 1298 s.), et les droits du titulaire de compte n’étaient pas mis en péril par une éventuelle faillite du dépositaire pendant l’intervalle entre le moment de la conclusion du titre d’acquisition et la livraison des titres (Hess, Bankengeset�, p. 367, n. 33 ad art. 16 LB).

275 Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 884 s., n. 4 ad art.13�23 LTI et p. 898, n. 2 ad art. 24�30 LTI.

276 Graham�Siegenthaler, FISA & HSC Commentary, p. 145, n. 18 ad art. 1 LTI et les réf. citées.

277 Groupe Sécurité juridique, Second Advice, p. 49 ss, Recommendation 6 – Effective-ness and reversal.

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européen sont, premièrement, la protection des tiers à qui l’on confère un droit sur les titres postérieurement au crédit à effet différé et, en second lieu, la protection de tiers, notamment les créanciers du titulaire de compte en cas d’insolvabilité de celui-ci. En droit suisse, ces points reçoivent un traitement satisfaisant, peu im-porte que l’effet différé de la bonification n’apparaissent pas aux tiers. En effet, la banque qui maintient le compte et opère la bonification est égale-ment celle qui conclut la convention de contrôle constitutive d’une sûreté ou d’un usufruit en faveur d’un tiers, selon l’art. 25 al. 1 LTI. Cette fonc-tion du dépositaire permet de s’assurer que la sûreté ou l’usufruit porte sur des titres intermédiés existants effectivement. Ensuite, comme nous venons de le voir, le titulaire de compte étant au bénéfice d’une prétention contre le dépositaire, celle-ci peut être réalisée dans le cadre de l’exécution forcée. Les créanciers sont ainsi protégés. En outre, il faut relever que po-tentiellement bon nombre de ces préoccupations peuvent, en pratique, être caduques au moment de la réalisation des faits nécessitant une protection. En effet, entre le moment où le crédit est effectué et celui où l’effet patri-monial se produit effectivement le délai est extrêmement court (quelques jours). Dans tous les cas, le temps nécessaire à un tiers pour faire valoir une prétention au fond sur un crédit au compte de titres est plus long.

D. Un acte matériel de “publicité”

1. L’avis d’exécution

Une fois l’ordre de l’investisseur exécuté, le dépositaire lui adresse un avis d’exécution 278. Ce document est un compte-rendu de l’opération. L’avis d’exécution doit être vu, selon nous, comme le pendant de l’attestation délivrée au titulaire de compte selon l’art.  16 LTI 279. L’extrait de compte de l’art. 16 LTI documente l’inscription faite au compte de titres sous un angle statique. Il contient les titres qui se trouvent au crédit du compte à un moment donné, même s’ils ont été crédités à une date antérieure 280. L’avis d’exécution documente quant à lui l’inscription sous un angle dyna-

278 Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 729 s., n. 38 ss.279 Voir infra chap. III, § 3, D. 2, p. 235.280 Dans cette optique, l’attestation sert de moyen de preuve dans les relations entre

l’investisseur et l’émetteur, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8860 s.

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235Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

mique puisqu’il renseigne sur les titres qui subissent l’action d’être inscrit au crédit du compte à la date indiquée. L’accomplissement d’une bonification en compte ne permet pas dans tous les cas de déduire que l’opération d’acquisition est achevée. L’infor-mation véhiculée par le crédit en compte, à savoir par l’avis d’exécution de l’opération, peut dans certains cas contenir une mention qui caractérise un processus d’acquisition inachevé sur le plan patrimonial. Il s’agit des cas où le crédit en compte est accompli selon le mode du Contractual Settlement. Conformément à la pratique des dépositaires suisses, lorsque l’avis d’exé-cution d’un crédit en compte de titres est opéré sur la base du Contractual Settlement, le caractère précaire de la bonification doit apparaître dans une mention qui l’accompagne. En effet, selon les recommandations de l’As-sociation suisse des banquiers, le crédit en compte est accompagné de la phrase suivante : “nous comptabiliserons les titres dans votre dépôt”, “Wir werden die Titel in Ihr Depot einbuchen”. Selon l’ASB, l’investisseur peut donc estimer que les titres achetés seront disponibles dans son dépôt le jour du règlement ou à la date valeur et ceci indépendamment du fait que la banque reçoive de la contrepartie ou non les titres le jour même, étant donné qu’elle est la contrepartie 281.

2. L’attestation des titres inscrits au crédit du compte

A la suite des observations faites ci-dessus, nous envisageons maintenant quelques réflexions dans la perspective statique du crédit en compte de titres, à savoir l’état d’être crédité. Cet état est documenté par l’attestation prévue à l’art. 16 LTI 282. Ce relevé de compte 283 constate les titres intermé-diés figurant au crédit du compte à une date donnée. Par souci de clarté, l’art.  16 LTI, 2e phrase, mentionne que l’attestation ne constitue pas un

281 Circulaire ASB no  7215, Contractual Settlement ; voir aussi Hess, Bankengeset�, p. 366 s., n. 32 ad art. 16 LB ; pour la signification de ce procédé en relation avec la bonne foi de l’acquéreur, voir infra chap. V, § 3, B. 2. b, p. 378.

282 L’obligation de rendre en compte prévue à l’art. 400 CO permettrait également d’ob�tenir du dépositaire les informations souhaitées ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8860 s.

283 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 117 ; Foëx, Les actes de disposi�tion, p. 90.

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papier-valeur, ceci afin d’éviter que l’application même de la LTI ne soit rendue vaine par le transfert du relevé de compte en lieu et place de l’usage des mécanismes prévus par cette loi 284. L’inscription en compte n’est pas dépourvue de toute fonction de publicité 285. Cependant, le compte de titres, par les extraits qui peuvent en être tirés, ne constitue pas un véritable instrument de publicité des droits sur des titres intermédiés 286. Ce compte n’est tenu que dans le cadre d’une relation qui relève du domaine privé, à laquelle le futur acquéreur n’a en principe pas accès. La fonction constitutive des écritures en compte de titres ne doit pas être assimilée à une fonction informative. Ainsi, les comptes de titres ne sont pas des registres publics destinés à fournir une publicité tabulaire dotée de la foi publique. En tant que tel, les actes inhé-rents à la tenue de compte comme une bonification ou la conclusion d’une convention de contrôle ne sont donc pas censés être connus. En outre, une fois les titres intermédiés inscrits, le droit de celui qui les a acquis peut exister même si ceux-ci ne figurent plus sur le relevé de compte. Ceci dé-coule du fait que le débit n’a pas d’effet extinctif 287. Des titres intermédiés peuvent donc toujours se trouver dans le patrimoine d’une personne sans pour autant figurer au crédit de son compte de titres. A noter que le relevé de compte attestant d’un crédit de titres intermédiés sur un compte n’a pas vocation à rendre l’opération irréversible. En effet, les règles sur les contre-passations d’écritures au débit du compte de l’aliénateur ou au crédit du

284 Foëx, Les actes de disposition, p. 90.285 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 709 ; Eigenmann, La réalisation des sûretés,

p. 128 s.286 Pour la signification du registre principal, qui est public, voir supra chap. II, § 4, C. 4,

p. 136.287 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867 s. ; Foëx, Les actes de disposition, p. 89. En

matière de Securities Lending, la pratique des dépositaires consiste à ne pas débiter les titres du compte, mais à mentionner qu’ils sont en réalité prêtés. Cette pratique dé�coule du fait que certaines formes de prêt de titres laissent subsister le risque écono�mique dans le chef du prêteur. Ceci transparaît également dans les normes comptables bancaires relatives au opérations de pension de titres, qui prescrivent que les titres sont comptabilisés dans le bilan du prêteur, mais non dans celui de l’emprunteur, cf. Circulaire FINMA 2010/2, Opérations de mise/prise en pension et de prêt/emprunt de titres (Repo/SLB), du 17 décembre 2009, entrée en vigueur le 30 juin 2010, Cm 18 s. ; Favre, Securities Lending, p. 31 ; Circulaire FINMA 2008/2, Comptabilité – banques, du 20 novembre 2008, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, Cm 29n ; Richa, Pensions de titres, p. 98 et p. 265 s.

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237Chapitre III : Le crédit de titres intermédiés

compte de l’acquéreur prévues aux art. 27 et 28 LTI doivent être réservées. Ces règles sont même opposables à l’acquéreur de bonne foi, conformé-ment à l’art. 29 al. 5 LTI. L’on constate aisément que le système de crédit en compte de titres ne constitue pas un instrument de publicité, tel qu’un registre, comme on le connaît traditionnellement en droit privé. Cependant, le mécanisme de crédit en compte est le fruit du système d’intermédiation et ce système, bien que n’étant pas opéré par l’Etat, présente des garanties résultant de la surveillance étatique quant à la tenue régulière des comptes de titres et au traitement équitable des participants au système 288. Nous verrons plus loin que cette structure, coordonnée par les dépositaires, légitime la protection de la confiance des investisseurs dans le système d’intermédiation 289.

288 Voir, à cet égard, Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 164 ; voir aussi Foëx, Les actes de disposition, p. 86.

289 Voir Meier�Hayoz, Abschied, p.  396 et p.  398 ; Brunner, Wertrechte, p.  232  ss ; Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 164. L’argument du néces�saire respect du droit par les dépositaires composant le système d’intermédiation était même à la base des opinions soutenant que la circulation juridique des titres immobilisés ou dématérialisés ne nécessitait pas un régime de protection de l’acqué�reur de bonne foi (Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 134 ; Kleiner, Zäher Abschied, p. 293). Voir infra chap. V, § 3, p. 361.

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239Chapitre IV : Les conventions de contrôle

CHAPITRE IV

La constitution de sûretés sur des titres intermédiés par convention

de contrôle selon les art. 25 et 26 LTI

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241Chapitre IV : Les conventions de contrôle

Outre l’inscription en compte fondée sur l’art. 24 LTI, la loi sur les titres intermédiés établit un second mode de disposer qui est, lui, réservé à la constitution de sûretés : la convention de contrôle 1. La loi envisage deux situations : la convention conclue entre le titulaire de compte et le déposi-taire en faveur d’un tiers (art. 25 al. 1, 2e hypothèse, LTI) et la convention entre le titulaire de compte et le dépositaire en faveur de ce dernier (art. 26 al. 1 LTI). La LTI ne contient pas le terme de “contrôle” pour les conventions prévues par ces deux articles. Par référence à l’institution existant en droit américain et dans la Convention d’UNIDROIT sur les règles maté-rielles relatives aux titres intermédiés, la doctrine appelle “convention de contrôle” la convention prévue à l’art. 25 al. 1 LTI 2, celle de l’art. 26 al. 1 LTI étant simplement nommée convention en faveur du dépositaire. Nous faisons ici le choix d’utiliser la dénomination de “convention de contrôle” pour les deux conventions. En effet, la notion de contrôle constitue le fon-dement des deux conventions 3, même si la LTI ne précise certains éléments de ce contrôle qu’en relation avec la convention prévue à l’art. 25 al. 1 LTI. En outre, compte tenu du fait que l’examen de ces deux conventions présente des similitudes, nous observerons en parallèle ces deux moyens de disposer tout en réservant un traitement différencié aux questions spé-cifiques à chacune des deux institutions. Nous allons en premier lieu présenter le contenu possible du contrat générateur de l’obligation de constituer la sûreté. Il s’agit, à cet égard, de présenter les formes traditionnelles de sûretés dont les titres intermédiés peuvent potentiellement être l’objet et d’examiner si ces sûretés peuvent être constituées au moyen d’une convention de contrôle. Cette réflexion exigera d’abord d’étudier la notion de sûreté telle qu’elle ressort des diffé-rentes dispositions de la LTI, puis d’analyser la nature juridique de la sûreté constituée par convention de contrôle afin de déterminer si celle-ci permet

1 La convention de contrôle permet également la constitution d’un usufruit, mais la disposition n’est applicable que par analogie, cf. art. 25 al. 3 LTI.

2 Kuhn, Die Modernisierung, p. 139 ; Eigenmann, Aspects choisis, p. 114 ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 132 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 332 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 20 ; Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA & HSC Commentary, p. 365, n. 13.

3 Du même avis, Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p.  127 ; voir, dans le même sens, Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA & HSC Commentary, p. 365 s., n. 13 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 402, n. 15 ad art. 26 LTI.

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242 Joël Leibenson

le transfert de la titularité fiduciaire, la création d’un gage sur créances et autres droits ou la création d’une sûreté sui generis. Nous examinerons en second lieu la convention de contrôle et la place-rons dans la perspective de l’acte de disposition stricto sensu permettant la constitution d’une sûreté. Dans ce cadre, nous aborderons notamment la nature bilatérale de la convention de contrôle et le rôle de la manifestation de volonté du bénéficiaire de l’acte de disposition. Nous traiterons ensuite de la notion de contrôle et de sa signification dans la création de sûretés sur des titres intermédiés, en particulier les conditions de son octroi irrévocable et sa portée pour la sûreté en faveur d’un tiers et en faveur du dépositaire. Nous nous pencherons également sur les rapports qu’entretiennent la désignation des titres intermédiés et le principe de spécialité, pour finir par l’examen de la nécessité du pouvoir de disposer.

§ 1 Le titre d’acquisition à la base des conventions de contrôle – le contrat de sûreté

De même que pour le transfert en compte de titres selon l’art. 24 LTI, nous n’entrerons pas dans les détails des dispositions contractuelles qui fondent l’obligation de constituer les sûretés concernées. Cependant, la nouveauté du régime de constitution de sûretés sur des titres intermédiés instauré par les art. 25 et 26 LTI nécessite de mettre en perspective le contenu possible du contrat générateur d’obligations sur lequel repose l’acte de disposition afin de permettre de cerner l’effet patrimonial qu’il peut entraîner. A ce stade, trois éléments sont à distinguer. Le premier est la question de savoir si la LTI régit ou non le contenu de l’acte générateur de l’obligation de constituer une sûreté. Le second élément porte sur la nature juridique de la sûreté créée par convention de contrôle, puisqu’une notion étroite de sûreté au sens des art. 25 et 26 LTI ou l’introduction d’une sûreté sui ge-neris déterminerait et limiterait le contenu du titre d’acquisition sur lequel repose l’acte de disposition. Pour ce faire, nous mettrons brièvement en perspective les principales caractéristiques des sûretés réelles mobilières les plus couramment utilisées au regard des conventions de contrôle des art. 25 et 26 LTI. Le dernier élément porte sur le lien nécessaire entre la

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243Chapitre IV : Les conventions de contrôle

validité du titre d’acquisition et la validité de l’acte de l’acte de disposition qui repose sur la convention de contrôle.

A. La LTI ne régit pas le titre d’acquisition

Le texte de la loi fait référence à deux reprises au contrat générateur d’obli-gations à la base de la constitution de sûreté, aux art. 23 al. 3 et 31 al. 1 LTI (“contrat constitutif de la sûreté” ; “Sicherungsvertrag”), sans pour autant en régler le contenu 4. En ne déterminant pas le contenu du contrat de sû-reté, la loi sur les titres intermédiés, préserve la liberté des parties de conve-nir d’une sûreté correspondant à leurs besoins. Par voie de conséquence, cette liberté implique que la validité du contrat de sûreté ne dépend du respect d’aucune forme spéciale 5. Le contenu du titre d’acquisition dépen-dra tout d’abord de la volonté des parties au regard de la configuration de leurs relations et du contexte dans lequel l’acte de disposition prend place 6. Dans la perspective de la constitution de sûretés, la substance économique des titres intermédiés les destine à plusieurs types d’utilisation en fonction des transactions concernées. Au demeurant, la terminologie employée par la loi reste neutre, puisque seul le mot “sûreté” est employé aux art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LTI. Cette neutralité résulte de l’approche régissant le système de la LTI. Comme pour l’acte de disposition par transfert en compte de titres, l’absence de traitement dans la LTI du titre d’acquisition qui fonde l’acte de disposition repose sur une des idées centrales de la réforme opé-rée, qui consiste à n’intervenir dans des pratiques et des systèmes éprouvés qu’en cas d’absolue nécessité 7. La loi est orientée en fonction des pratiques

4 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869 ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1078, à la note 65 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p.  155 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p.  95 ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p.  2047, n.  81 ad art. 884 CC. Pour une liste des points à régler dans le contrat de sûreté, voir notam�ment, Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 129 s. et p. 132 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 95 s. ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 393, n. 25 ss ad art. 25 LTI et p. 403, n. 20 ad art. 26 LTI.

5 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869 ; Foëx, Gages sur les droits�valeurs, p. 245 ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 130 ; Eigenmann, Aspects choisis, p. 111 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 95 ; etc.

6 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 393, n. 25 ss ad art. 25 LTI et p. 403, n. 20 ad art. 26 LTI.

7 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8910 ; Thévenoz, Saut épistémologique, p. 693 s. ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 118.

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établies des intermédiaires financiers pour opérer des transactions sur des instruments financiers conservés par les dépositaires 8. En conclusion, les art. 25 al. 1, 2e hypothèse, et 26 al. 1 LTI réglementent l’acte de disposition par convention de contrôle sans le rattacher spécifi-quement au transfert de titularité ou à la constitution d’un droit limité sur les titres intermédiés. Nous examinons ci-après la portée exacte du terme “sûreté” dans la perspective de la nature juridique du droit créé en faveur du bénéficiaire de l’acte de disposition.

B. La nature juridique des sûretés constituées par convention de contrôle

Les conventions de contrôle prévues aux art.  25 et 26 LTI régissent la constitution de “sûretés”. La détermination de cette notion nécessite tout d’abord de se pencher sur le sens qui ressort des travaux préparatoires de la LTI. Elle requiert en outre de vérifier si les sûretés, telles qu’elles sont ha-bituellement comprises en droit des biens, sont incluses dans la notion uti-lisée aux art. 25 et 26 LTI. Enfin, il convient de vérifier si la loi sur les titres intermédiés introduit un nouveau type de sûretés, jusqu’ici inconnu du droit suisse, et si les sûretés créées au moyen d’une convention de contrôle sont de nature sui generis.

1. La désignation “ fonctionnelle” des sûretés

Le terme “sûretés” est employé dans plusieurs articles de la LTI 9. L’emploi de ce terme dans plusieurs contextes différents régis par la LTI couvre né-cessairement plusieurs contenus, à savoir, autant les sûretés convention-nelles que légales (transfert de titularité aux fins de garantie, droit de gage, droit de rétention) 10. S’agissant des sûretés conventionnelles, l’explication donnée au regard de l’art. 25 LTI dans les travaux préparatoires de la loi quant à l’emploi de cette notion indéterminée mentionne que ce terme est

8 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 33.9 Art. 22 al. 1 ; art. 23 ; art. 25 al. 1 et 2 ; art. 26 al. 1 ; art. 30 al. 2 ; art. 31 al. 1, 2 et 4 ;

art. 32 LTI.10 Foëx, Les actes de disposition, p. 92 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 127 s. ;

Foëx, Prel. Cmts Arts. 31�32, FISA & HSC Commentary, p. 478, n. 1 et p. 483, n. 17.

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245Chapitre IV : Les conventions de contrôle

utilisé dans “un sens fonctionnel” 11. Cette qualification est décisive afin d’identifier ce qu’il faut entendre par le mot sûretés au sens des art. 25 et 26 LTI. Il faut avant tout relever que l’acception de ce terme dans son sens fonctionnel ne consacre pas l’approche dite fonctionnelle (ou unitaire) des sûretés en droit suisse des titres intermédiés. L’approche fonctionnelle, qui est une question centrale en droit des sûretés, consiste à appliquer le même régime juridique à toutes les sûretés, indépendamment de la volonté claire-ment manifestée par les parties, seul le but économique de garantie d’une obligation étant pris en compte 12. L’utilisation du seul terme de sûreté dans la LTI n’introduit pas un tel régime uniforme. Au contraire, cette désigna-tion est faite de façon générique. La loi n’envisage le droit constitué que par sa fonction, celle d’une sûreté. Il n’y a aucune norme dans la LTI qui instaure une qualification juridique uniforme de toutes les conventions qui visent un but économique de garantie. Les art. 25 et 26 LTI ont en consé-quence pour but de fonder un nouveau moyen de disposer avec la conclu-sion d’une convention de contrôle, afin de constituer les différents types de sûreté existants, mais ne permet pas de réduire les manifestations de volonté des parties relatives à un acte de disposition à une seule institution. C’est la forme (le moyen) de l’acte de disposition qui est ici envisagée, mais non sa substance 13. La volonté clairement exprimée par le législateur permet de confir-mer ce qui précède. Le terme de sûreté est utilisé dans le but de couvrir les différents types de droit existants pour garantir l’exécution des obliga-tions. Le but de donner une couverture large à la notion de sûreté ressort clairement du Message du Conseil fédéral. En premier lieu, il mentionne que “la notion d’acte de disposition inclut la constitution de sûretés sur les titres, par le transfert de la propriété ou la constitution d’un gage […]” 14. En second lieu, les considérations qui accompagnent le texte de l’art. 25 LTI démontrent également que la sûreté comprend aussi bien le gage que le transfert de titularité : “[C]ette notion [de sûreté] recouvrant ainsi aussi

11 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869.12 Voir, entre autres, Riffard, Approche fonctionnelle, p. 218  ss ; Foëx, Propositions

pour une réforme, p. 327 ; Foëx, Les types, p. 66 ss ; McCormack, Functionalism and Form, p. 53 ss ; voir aussi Bridge, The Scope, p. 191 ss, et Kieninger, The Scope, p. 216 ss, sur le traitement de l’approche unitaire dans différents instruments inter�nationaux d’harmonisation du droit des sûretés réelles mobilières.

13 Du même avis, Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 124.14 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867.

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246 Joël Leibenson

bien la constitution de droits de gage que le transfert de propriété à des fins de garantie” 15. A l’origine, l’art. 22 al. 1 de l’avant-projet de loi sur les titres intermé-diés élaboré par le Groupe d’experts ne mentionnait que la constitution d’un gage 16. La désignation des sûretés selon leur fonction exprime donc un élargissement des éventualités couvertes par la LTI depuis l’avant- projet de loi 17. La même réflexion vaut pour l’art. 26 LTI, puisque la convention en faveur du dépositaire était traitée à l’art. 22 al. 2 AP-LTI et mentionnait le “gage en faveur du dépositaire”. Sa portée a également été élargie 18. Le sens du terme “sûretés” utilisé aux art. 25 et 26 LTI couvre donc sous un même vocable la constitution de différents droits comprenant des facultés juridiques différentes 19. La nature fonctionnelle de la désignation des sûretés a pour consé-quence que la nature juridique exacte des droits conférés au créancier garanti dépend de la volonté des parties.

2. La nature des droits conférés par convention de contrôle

La LTI ne prévoit rien quant au contenu du titre d’acquisition, ni ne déter-mine a priori la nature juridique des sûretés qu’il est possible de constituer. Bien que les titres intermédiés soient des biens juridiques sui generis, ils regroupent un ensemble de créances et autres droits 20. Il en découle que les sûretés qui les visent appartiennent à la catégorie des sûretés réelles mobilières 21. Il n’existe pas de définition légale des sûretés. La doctrine en a toutefois posé plus ou moins précisément les contours. En matière de sûretés réelles, il s’agit d’une prérogative additionnelle du créancier qui le protège contre l’insolvabilité de son débiteur par l’affectation d’un bien du débiteur ou d’un tiers au paiement de la dette 22.

15 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869.16 Voir Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 70 et 128.17 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 389, n. 7 ad art. 25 LTI.18 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 71 s. et 128 ; Eigenmann, FISA &

HSC Commentary, p. 400 s., n. 6 ad art. 26 LTI.19 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869.20 Voir supra chap. II, § 3, B. 2, p. 106.21 Dans le même sens, Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 128.22 Voir, p. ex., Scyboz, Le contrat de garantie, p. 22 ss ; Steinauer, Droits réels III,

p.  159, n. 2621  s. ; Giovanoli, Tendances modernes, p. 47, à la note 37 ; Riemer,

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247Chapitre IV : Les conventions de contrôle

Nous allons exposer brièvement les caractéristiques essentielles des sûretés réelles mobilières couramment utilisées. Ceci nous permettra de vérifier si la nature juridique et les effets patrimoniaux des sûretés réelles mobilières concordent avec les fonctionnalités des conventions de contrôle prévues par la LTI. Les formes de sûretés réelles que nous évoquerons sont le transfert de titularité fiduciaire à fin de sûreté, le gage sur les créances et autres droits et le gage irrégulier. Nous présenterons également les figures contractuelles développées par la pratique des opérations garanties autour de la consignation à titre de sûreté, afin vérifier si celles-la peuvent être mises en œuvre au moyen d’une convention de contrôle.

a. La titularité fiduciaire à fin de sûreté

i. En général

Le transfert fiduciaire à fin de sûreté oblige le débiteur ou un tiers à trans-férer un droit de propriété sur un bien ou la titularité d’une créance ou d’un autre droit en garantie de l’exécution d’une créance 23. Le bénéficiaire du transfert fiduciaire acquiert la titularité du droit transféré et n’est ainsi pas limité dans son pouvoir juridique d’en disposer 24 (Vollrechtstheorie), à la différence du titulaire d’un gage. Le contrat de fiducie sert de cause juridique à l’acquisition du bien 25 en même temps qu’il contient une obligation pour le bénéficiaire du transfert de ne pas faire un usage du droit acquis qui aille au-delà de ce que néces-site le but de garantie, ainsi qu’une obligation de restituer le bien transféré

Die beschränkten dinglichen Rechte, p. 86 ss, n. 1 ss ; Foëx, Propositions pour une réforme, p. 257 ss ; Eigenmann, Effectivité, p. 8, n. 22.

23 Steinauer, Droits réels III, p. 427, n. 3098, et p. 433, n. 3106 ; de Gottrau, Trans�fert, p. 176 s. et p. 221 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 417 s., Syst. T., n. 1300, et p. 479 s., Syst. T., n. 1507 ; Reetz, Sicherungs�ession von Forderungen, p. 16 ss, n. 40 ss.

24 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 434, Syst. T., n. 1360 ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 62, Syst. T., n. 240 ; Foëx, Contrat de gage, p. 39 s., n. 40 ; Foëx, Numerus clausus, p. 125 ss, n. 261 ss ; Wiegand, Zivilgeset�buch II, p. 814 s., n. 23 ad art. 641 CC.

25 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 438, Syst. T., n.  1374 ; de Gottrau, Transfert, p. 184 ; Reetz, Sicherungs�ession, p. 17, n. 41.

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lorsque la créance garantie a été exécutée 26. Ainsi, un acte de disposition du fiduciaire sera valable en raison de sa maîtrise juridique complète du bien, mais il se peut qu’il viole les obligations assumées envers le fiduciant. L’on dit couramment que le fiduciaire “peut plus qu’il ne doit”27.

ii. Compatibilité fonctionnelle avec la convention de contrôle

Le transfert fiduciaire de titres intermédiés peut intervenir par conven-tion de contrôle 28. Dans le cas de la convention conclue selon l’art. 25 LTI par le constituant avec le dépositaire en faveur du créancier garanti, ce dernier est au bénéfice de la faculté fondamentale de pouvoir instruire le dépositaire indépendamment de toute approbation du titulaire de compte. Cette faculté permet au créancier garanti qui a reçu la titularité des titres intermédiés de pouvoir pleinement exercer ses droits. En d’autres termes, le pouvoir d’instruction du créancier bénéficiaire de la convention de contrôle lui permet d’exercer son pouvoir juridique de disposer des titres intermédiés restés crédités sur le compte du fiduciant. Dans le cas de la convention en faveur du dépositaire selon l’art. 26 LTI, la titularité fiduciaire des titres et le pouvoir juridique d’en disposer se recoupent également avec la maîtrise que la constitution de la sûreté confère au dépositaire. La notion de contrôle et le pouvoir sur les titres concernés sont en effet inhérents à la position du dépositaire qui se voit conférer une sûreté par convention, et celui-ci peut alors disposer des titres concernés sans le consentement ou la coopération du titulaire de compte 29. Le fait que le bénéficiaire de la convention de contrôle puisse plus sur le plan patrimonial que ne le lui permettrait, par hypothèse, la conven-tion qui le lierait avec le titulaire de compte est parfaitement compatible avec la structure juridique du transfert de titularité fiduciaire. Le pouvoir

26 Steinauer, Droits réels III, p. 427, n. 3098, et p. 433, n. 3106 ; de Gottrau, Transfert, p. 187 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 458 s., Syst. T., n. 1443 ss.

27 Wiegand, Obligationenrecht I, p. 187, n. 140 ad art. 18 CO.28 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 390, n. 13 ad art. 25 LTI et p. 402, n. 11 ad

art. 26 LTI ; Foëx, Les actes de disposition, p. 92 et p. 98 ; Foëx, Prel. Cmts Arts. 31�32, FISA & HSC Commentary, p. 484, n. 19 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 123 s. ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 156 ; Hess / Stöckli, Grund�Grund��üge und Missverständnisse, p.  117 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 92 ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 489, n. 71.

29 Cf. Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 402, n. 15 ad art. 26 LTI.

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249Chapitre IV : Les conventions de contrôle

d’instruction qui subsiste éventuellement en faveur du titulaire de compte, en fonction des instructions que donne le bénéficiaire de la convention, repose sur la relation contractuelle qui le lie au dépositaire. Dans la pers-pective du droit sur les titres intermédiés, il s’agit soit d’un pouvoir de fait, soit d’un pouvoir juridique de disposer qui est conféré par le bénéficiaire de la convention de contrôle. Dans les deux cas, ce pouvoir n’est pas de nature à remettre en cause la compatibilité juridique ou de fait du mode de constitution de la sûreté avec son effet sur le patrimoine du constituant et du bénéficiaire.

iii. Compatibilité structurelle avec la convention de contrôle

Une partie de la doctrine considère que la convention de contrôle ne per-met pas le transfert de la titularité des titres intermédiés qu’elle vise 30. Pour plusieurs raisons, nous ne soutenons pas cette opinion. L’argumentation proposée par Denis Piotet met en avant que la possi-bilité du titulaire de compte de donner des instructions au dépositaire im-plique qu’il a le pouvoir de disposer des titres et, donc, qu’il en est titulaire 31. Ce faisant cet auteur assimile obligatoirement le pouvoir d’instruction au pouvoir juridique de disposer 32. Nous sommes d’un autre avis. Première-ment, nous avons vu que la définition des titres intermédiés n’implique pas structurellement un lien entre la titularité d’un compte de titres et la titularité des titres qui y sont crédités 33. Deuxièmement, la faculté d’ins-truire du titulaire de compte repose sur la relation contractuelle le liant au dépositaire. Et c’est précisément cette relation contractuelle que le légis-lateur a voulu séparer du processus des actes de disposition sur les titres intermédiés, en prévoyant que le dépositaire doit exécuter l’instruction indépendamment de toute considération quant à sa cause juridique 34. Le

30 Piotet, Titres intermédiés, p.  117  s. ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p.  1080 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 333 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosi�mann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 17 s. et p. 20 ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 65 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 154, Syst. T., n. 531e.

31 Piotet, Titres intermédiés, p. 117 s.32 Piotet, Les droits réels limités, p. 189, n. 648.33 Voir supra chap. II, § 3, B. 2. c, p. 115.34 Voir supra chap. III, § 2, B, p. 207. Il convient toutefois de bien distinguer un acte

de disposition effectué sans cause d’un acte de disposition effectué sans pouvoir de disposer, voir Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 134.

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pouvoir d’instruction à l’égard du dépositaire est ainsi la caractéristique du système d’intermédiation en tant qu’instrument de mobilisation des droits émis par l’émetteur. La fonction de circulation des droits est parache vée par l’introduction d’un système de protection de l’acquéreur de bonne foi à l’art. 29 LTI. Sans le diptyque formé par le pouvoir d’instruction et la pro-tection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’absence de pouvoir de dispo-ser, les titres intermédiés ne seraient pas dotés des fonctions de transport et de sécurité des transactions, comme le sont les papiers-valeurs qu’ils sont censés remplacer, alors qu’il s’agit d’un des principaux buts visés par la LTI 35. La dissociation entre la titularité du compte de titres et la titularité des titres est en outre confirmée par la possibilité de constituer un usufruit par virement de titres sur le compte de l’usufruitier, prévue à l’art. 25 al. 3 LTI. Ici encore, les arguments de Denis Piotet n’emportent pas la conviction. En effet, il soutient que le virement des titres sur le compte de l’usufruitier entraîne la constitution d’un quasi-usufruit, le constituant perdant la titu-larité des titres 36. Or, il soutient également que l’usufruit reste soumis aux règles ordinaires, le législateur de la LTI n’ayant eu à l’esprit que les moda-lités de constitution de l’usufruit relatives à la publicité 37. Il y a là, à notre avis, une contradiction à soutenir que le mode d’accomplissement de l’acte de disposition prévu par la LTI influe sur le contenu de cet acte de disposi-tion tout en précisant que la LTI ne vise en réalité qu’à introduire un mode de publicité différent de celui qui résulte des règles du Code civil. Nous pensons que le crédit en compte de titre ne provoque pas automatiquement l’acquisition de la titularité des titres soumis à l’usufruit. En effet, seul le mode de constitution de l’usufruit (la “publicité” qui ressort d’un transfert en compte de titres ou d’une convention de contrôle) est réglé par la LTI et non pas le contenu effectif de l’acte de disposition (l’octroi d’un droit réel limité ou le transfert des créances et autres droits à titre de quasi-usufruit). D’autres auteurs, Messieurs Luca Dalla Torre et alii, soutiennent que la titularité de titres ne peut être transférée que par crédit en compte et, partant, que la convention de contrôle ne peut pas permettre de transférer

35 Art.  1 LTI ; Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8823, p.  8833 et p.  8841 : “Comme le montrent les autres dispositions de la LTI, les titres intermédiés présentent toutes les caractéristiques fonctionnelles d’un papier-valeur, sans constituer pour autant une chose”.

36 Piotet, Les droits réels limités, p. 189, n. 648.37 Piotet, Titres intermédiés, p. 120.

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251Chapitre IV : Les conventions de contrôle

la titularité fiduciaire des titres intermédiés 38. Ils avancent plusieurs argu-ments qui reposent notamment sur l’idée que la constitution d’un droit limité par crédit en compte de titres engendrerait trop d’insécurité juri-dique, puisque l’apparence du droit ne correspondrait pas à la situation de fait. A l’appui de leur opinion, ils mentionnent des éléments structu-rels, comme la définition de l’investisseur dans la LTI en tant que titulaire du compte de titres, l’absence d’exigence légale relative à une mention en compte qui indiquerait que le crédit est effectué à titre de gage et le fait que les émetteurs doivent pouvoir compter sur leur libération en cas de paie-ment des intérêts et dividendes aux titulaires de comptes par le biais du dépositaire central. Compte tenu de l’absence de fonction de légitimation de l’investisseur vis-à-vis de l’émetteur dans la LTI, cette opinion ne peut être suivie. Une des idées fondamentales de la LTI est d’essayer de donner aux titres intermédiés les mêmes fonctions que celles assumées par les papiers- valeurs sans que l’existence ou non d’un tel papier-valeur ne revête une quelconque importance juridique 39. L’objectif est précisément d’essayer autant que possible de créer les mécanismes juridiques qui réalisent les fonctions de légitimation, de transport et de sécurité des transactions tra-ditionnellement mises en œuvre au moyen de la possession des papiers-valeurs et qui ne sont plus assurées en raison de l’immobilisation des papiers-valeurs dans un dépôt central ou de l’émission de droits sans in-corporation dans un papier-valeur. Les éléments centraux qui cristallisent les actes de disposition sur les titres intermédiés sont, d’une part, le crédit à un compte de titres et, d’autre part, la maîtrise exercée au moyen de la convention de contrôle sur le compte de titres. C’est donc la relation (de compte de titres ou de contrôle) mettant une personne en rapport avec un dépositaire, qui est le centre de gravité de la nouvelle réglementation et qui assure la fonction que la possession a dans le système des papiers-valeurs. La fonction de transport est réalisée au moyen de l’exigence du cré-dit en compte de titres ou d’une convention de contrôle sur des titres en compte afin de transférer la titularité des titres intermédiés ou de les grever de droits réels limités, conformément aux art. 24, 25 et 26 LTI. En effet, la modification du rapport de contrôle sur les titres intermédiés permet

38 Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 17 s. et p. 20.

39 Voir, notamment, Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8823, p. 8833 et p. 8841.

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d’octroyer la faculté de transférer les droits contre l’émetteur. La fonction de sécurité des transactions est assurée par la protection de la bonne foi du bénéficiaire d’un crédit sur son compte ou du bénéficiaire d’une conven-tion de contrôle, ancrée l’art. 29 al. 1 LTI. La fonction de légitimation n’est, quant à elle, pas ancrée dans la loi. La LTI n’instaure aucune norme qui offrirait au titulaire de compte la possibilité d’opposer une titularité des titres à l’émetteur. Le seul mécanisme existant est l’attestation prévue à l’art. 16 LTI. Si le droit à ce document est rattaché à la titularité du compte, il n’en demeure pas moins qu’il est créé par le dépositaire et non l’émet-teur, lequel n’a aucun contrôle sur son contenu. La notion d’investisseur au sens de l’art. 5 let. d LTI n’est d’aucun secours, puisque cette notion est un concept purement formel, utilisé afin de distinguer l’application de cer-taines dispositions de la LTI 40, le titulaire des titres intermédiés pouvant être une autre personne que le titulaire de compte 41. En outre, le texte de l’art.  16 LTI, 2e phrase, précise bien que l’attestation n’est pas un papier-valeur. La teneur des travaux préparatoires confirme que l’attestation est un simple moyen de preuve, qu’elle ne permet pas au titulaire de compte de faire valoir les droits découlant des titres intermédiés dirigés contre l’émetteur et que l’émetteur ne peut pas se fier à la teneur de l’attestation quant à la titularité des droits du titulaire de compte 42. Le contenu de l’at-testation ne lie pas l’émetteur, ce dernier reste libre de ne pas reconnaître celui qui s’en prévaut ou de reconnaître un titulaire qui ne s’en prévaut pas 43. Le paiement effectué à un titulaire de compte, qui ne serait par hy-pothèse pas un ayant droit, sur la base d’une attestation du dépositaire ne libère pas l’émetteur44. Certains auteurs s’appuient sur le fait qu’en pra-tique, la légitimation intervient sur la base de cette attestation pour en dé-duire que la fonction de légitimation des titres intermédiés est assurée 45. Il n’en demeure pas moins que, juridiquement, la titularité du compte de titre donnant droit à la délivrance d’une attestation ne remplit pas la fonction

40 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8848 s. ; voir les art. 13 al. 1, 22 al. 2, 26 al. 3, 27 al. 5, 28 al. 5 et 32 al. 1 LTI.

41 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 263, n. 12 ad art. 13 LTI.42 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8861 ; Groupe de travail LTI, Rapport explicatif

LTI, p. 59 ; voir aussi Foëx, Les actes de disposition, p. 90 ; Kuhn, FISA & HSC Com�Com�mentary, p. 293, n. 13 ad art. 16 LTI.

43 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 294, n. 15 ad art. 16 LTI.44 Idem.45 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p.  117 ; Dalla Torre / Germann,

12 Antworten, p. 574 s.

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253Chapitre IV : Les conventions de contrôle

de légitimation, puisqu’elle ne rend pas la position du titulaire de compte opposable à l’émetteur. Cette carence fonctionnelle des titres intermédiés peut a priori sur-prendre, mais elle est en fait volontaire. La LTI a pour objet de régler les droits sur les titres intermédiés (Rechte an Bucheffekten), mais non les droits découlant des titres intermédiés, dirigés contre l’émetteur (Rechte aus Bucheffekten), conformément à l’art. 13 al. 2 LTI 46. Le législateur a fait le choix de laisser les rapports entre l’émetteur et l’investisseur en dehors du champ d’application de la loi 47. Or, la légitimation de l’investisseur en-vers son débiteur relève des règles matérielles régissant le droit émis par l’émetteur. Le statut des actions nominatives illustre bien cela, puisque la LTI admet expressément qu’elle ne porte pas préjudice aux règles relatives à la légitimation de l’acquéreur d’actions nominatives 48. La LTI “[…] porte uniquement sur les conditions et les effets de l’acquisition de droits juri-diques [sic] sur les titres intermédiés, et non sur les conditions auxquelles il serait possible de faire valoir vis-à-vis de la société les droits conférés par les actions nominatives”49. Le législateur s’accommode même du fait qu’en réa-lité, la légitimation est réglée contractuellement par les parties à la chaîne de détention intermédiée 50. L’impact de ce choix de politique législative est que la fonction de légitimation n’est pas assurée par le droit des titres in-termédiés et que la titularité de titres intermédiés n’est pas juridiquement reliée à la titularité d’un compte de titres. Il découle de ce qui précède que la titularité du compte n’entraîne pas, par nature, l’acquisition de la titularité des titres qui y sont crédités 51. Cela signifie que la forme de l’acte de disposition, crédit en compte ou conven-tion de contrôle, n’empêche pas les parties de prévoir librement le type d’acte de disposition qu’elles souhaitent (transfert de titularité ou consti-tution d’un gage).

46 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 103 et p. 113 ; Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 165, n. 17 ad art. 3 LTI ; Graham�Siegenthaler, FISA & HSC Commentary, p. 141, n. 8 ad art. 1 LTI ; Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privat�Handkommentar �um Schwei�er Privat�recht, p. 884, n. 2 ad art. 13�23 LTI.

47 Voir l’art. 13 al. 1 LTI.48 Voir l’art. 2 al. 2 LTI.49 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8845.50 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858.51 Dans le même sens, Zbinden / Hess, Das reguläre Pfandrecht an Bucheffekten,

p. 358 ; Abegglen / Brönnimann, Bestellung eines Pfandrechts an Bucheffekten, p. 117 ; Baumgartner, Reguläre Pfandrechte, p. 1364 s.

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254 Joël Leibenson

b. Le gage mobilier

i. En général

Le gage mobilier (Fahrnispfand) vise la constitution d’un droit réel limité grevant une chose mobilière ou des créances et autres droits 52 dans le but de garantir une créance. Le créancier gagiste n’acquiert qu’un droit réel limité sur l’actif grevé, qui ne lui confère que la faculté de le faire réaliser et d’être payé par préférence aux autres créanciers du débiteur, à la condi-tion que la créance garantie soit échue 53. La titularité de l’actif reste ainsi au constituant du droit de gage. Le créancier gagiste est limité dans ses pouvoirs, puisqu’il n’a ni l’usage ni la jouissance de l’objet du gage, mais exerce sur celui-ci une maîtrise qui lui permet de le réaliser ou de le faire réaliser 54. Cette maîtrise découle du mode de constitution du gage mobi-lier. Il nécessite en effet le transfert de la possession des choses mobilières qui en sont l’objet 55 ou, en cas de gage sur les créances et autres droits, la remise du titre de créance, s’il en existe un, ou un acte écrit 56.

ii. Compatibilité fonctionnelle avec la convention de contrôle

Une convention de contrôle conclue sur la base des art. 25 et 26 LTI per-met de conférer un droit de gage sur les titres crédités en compte. Cet effet patrimonial est admis par la plus grande partie des auteurs qui se sont prononcés jusqu’ici 57. La création d’un gage est compatible avec les fonc-

52 Steinauer, Droits réels III, p. 415, n. 3075.53 Art. 891 al. 1 CC ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 48, Syst. T., n. 149 et

p. 53, Syst. T., n. 156 ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2027 s., n. 1 ad art. 884 CC. 54 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 53, Syst. T., n. 156 s. ; Steinauer, Droits

réels III, p. 416, n. 3078 ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2028, n. 2 ad art. 884 CC.55 Art. 884 al. 3 CC.56 Art. 900 al. 1 et 3 et 901 CC.57 Notamment, Thévenoz, Saut épistémologique, p.  709 ; Kunz, Legislative Aktivi�Legislative Aktivi�

täten, p. 51, à la note 155 ; Eigenmann, Aspects choisis, p. 112 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p.  390, n.  13 ad art.  25 LTI et p. 402, n.  11 ad art.  26 LTI ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 156 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapi�Optik des Kapi�talmarktrechts, p. 92 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 92 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 132 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 118 ; Eggen, Sicherheiten an Wert�Sicherheiten an Wert�rechten, p. 123 s. ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 154, Syst. T., n. 531d ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 198 ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 489, n. 71 et p. 490, n. 75.

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255Chapitre IV : Les conventions de contrôle

tionnalités permises par la constitution d’une convention de contrôle. Le pouvoir qui résulte du contrôle permet au créancier gagiste d’exercer les droits inhérents à son droit de gage sur les titres. En effet, le créancier ga-giste au bénéfice du contrôle des titres intermédiés engagés a la faculté de faire réaliser ceux-ci à son profit, en les soumettant à l’exécution forcée, ou les réaliser lui-même, si cela a été prévu dans la convention conclue entre les parties 58. Ces facultés inhérentes au gage sont mises en œuvre au moyen du pouvoir d’instruction du créancier gagiste lorsque le gage a été constitué en application de l’art. 25 al. 1, 2e hypothèse. En cas de conven-tion de contrôle en faveur du dépositaire, ce dernier a, de par sa fonction, le contrôle du compte et des opérations qui peuvent y être faites 59, ce qui implique sa compatibilité avec les effets juridiques du gage. Les autres effets du gage dépendent du mode de détermination des règles applicables à la sûreté constituée par convention de contrôle. Nous traitons cet aspect ci-après, dans le cadre d’une analyse sur l’éventuelle na- ture juridique sui generis de la sûreté constituée par convention de contrôle.

iii. Absence de sûreté sui generis et détermination du régime juridique applicable

Un courant minoritaire au sein de la doctrine soutient que la convention de contrôle crée une nouvelle forme de sûreté sui generis qui ne serait pas un gage mobilier et à laquelle les règles du Code civil ne seraient pas applicables 60. Nous avons démontré que la dénomination générique des sûretés dans la LTI et les particularités liées à la distinction entre titularité du compte de titres et bénéficiaire d’une convention de contrôle ne fondent juridiquement, ni ne nécessitent, l’introduction d’un droit sui generis sur

58 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869 ; Eigenmann, La réalisation des sûretés, p.  132 ; Lanz, Aktientransfers, p.  211 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p.  495, n. 28 ad art.  31 LTI ; Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p.  169 ; Dörig / Weber, Die private Verwertung, p. 257 ; contra : Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 579 ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 505, n. 117.

59 Dans le même sens, Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 402, n. 15 ad art. 26 LTI ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 68.

60 Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 578 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 330 ss, spécialement p. 341 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 16 ; dans le sens d’une sûreté sui generis, mais plus hésitant quant aux règles applicables, Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1080.

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256 Joël Leibenson

les titres intermédiés, en rupture avec les figures juridiques traditionnelles connues en droit des biens 61. Une des causes des réflexions sur la nature juridique pseudo sui generis de la sûreté constituée par convention de contrôle réside dans la méthode de détermination des règles à appliquer dans les cas où la LTI ne prévoit pas de normes. En effet, le législateur aurait imposé par la LTI non seulement la séparation avec les règles matérielles du Code civil, mais également avec la méthode permettant de dégager le contenu de la nouvelle réglementation 62. Nous l’avons évoqué plus haut, la portée de ce vœu pieux est inexistante 63. La loi sur les titres intermédiés relève du droit privé fédéral et ne peut pas, sauf base légale expresse, être affranchie de la méthode qui résulte de l’art. 1 CC. En outre, admettre une telle coupure avec le droit privé aurait un effet contraire à celui recherché en réglant le droit des titres intermédiés dans une loi fédérale. Le souci était en effet de rendre les nouvelles normes visibles et prévisibles 64. Quoi de plus imprévisible que de consacrer une sûreté orpheline, ayant perdu tout lien avec le reste du droit privé ? 65

Selon nous, bien que les titres intermédiés soient une institution ju-ridique sui generis, le droit de gage dont ils sont grevés est un gage sur les créances et autres droits au sens des art. 899 ss CC 66. Cette interpré-tation tire sa légitimité de la définition des titres intermédiés posée à l’art. 3 al. 1 LTI, ceux-ci étant composés de créances et de droits sociaux 67. Or, les créances et les droits sociaux sont des créances et autres droits au sens des art. 899 ss CC 68. L’intermédiation des instruments financiers ne

61 Voir supra chap. IV, § 1, A, p. 243, et B. 2. a, p. 247.62 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8843 : “En cas de vide juridique, la procédure sui-

vante s’applique : si la LTI ne règle pas ou du moins pas intégralement une question, la solution recherchée devra correspondre à sa systématique, compte tenu du but énoncé à l’art. 1, et ne s’appuyer ni sur les droits réels inscrits dans le CC (papiers-valeurs et certificats globaux), ni sur le droit des obligations figurant dans le CO (droits-valeurs)”.

63 Voir supra chap. II, § 4, E. 1, p. 147.64 Voir supra chap. II, § 2, A. 2, p. 80.65 Voir aussi Foëx, Prel. Cmts Arts. 31�32, FISA & HSC Commentary, p. 483, n. 16, qui

évoque la problématique des effets d’une sûreté “hors�sol” (“soilless”).66 Voir également, Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2157, n. 10 ad art. 901 CC, qui relève que

“Wenngleich Art. 25 den Begriff ‘Pfandrechten’ nicht verwendet, sondern nur von ‘Si-cherheit’ spricht, handelt es sich hier um ein Pfandrecht an Rechten im herkömmlichen Sinne”.

67 Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 165, n. 16 ad art. 3 LTI.68 Zobl, Berner Kommentar II, p. 224 ss, n. 38 ss ad art. 899 CC et p. 232 ss, n. 87 ss ad

art. 899 CC ; Steinauer, Droits réels III, p. 505 s., n. 3207 s.

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257Chapitre IV : Les conventions de contrôle

change rien à cela, puisqu’elle n’affecte pas la relation entre l’émetteur et le titulaire des droits émis 69. La nature du droit qui les lie n’est donc pas modifiée. Cette qualification en tant que gage sur les créances et autres droits est confirmée par l’adoption de l’art. 901 al. 3 CC 70. Cette nouvelle base légale constitue, au sein des dispositions sur le gage sur les créances et autres droits, le renvoi systématique aux dispositions de la LTI pour la constitution d’un tel gage sur des droits qui remplissent la définition des titres intermédiés. A cet égard, l’argument, avancé en faveur d’une sûreté sui generis, consistant à dire que le législateur aurait oublié de supprimer l’art. 901 al. 3 CC de la réforme, après avoir remplacé le terme “gage” par le terme “sûreté”, ne nous convainc pas 71. Ce d’autant plus que les travaux préparatoires expliquent le choix du terme de sûreté par la large couver-ture de la fonction de sûreté et le fait qu’elle inclut la notion de gage 72. Il n’existe, au demeurant, aucune trace dans les débats parlementaires d’une éventuelle volonté du législateur d’introduire une sûreté sui generis dans l’ordre juridique suisse. A notre sens, la LTI introduit les titres intermédiés comme objet patrimonial nouveau, définis par les caractéristiques du sys-tème d’intermédiation, et pose les moyens juridiques pour en disposer. Il est ici question de réglementer l’acte de disposition, autrement dit, le pro-cessus de constitution du droit de gage, mais non de remettre en question la typologie des sûretés existante 73. Andrea Zbinden considère que le gage sur les titres intermédiés créé en application de la LTI est une nouvelle forme de gage mobilier, aux cô-tés du nantissement, de l’hypothèque mobilière, du gage sur les créances et autres droits, du droit de rétention et du gage des prêteurs sur gages. Son argumentation repose en partie sur la volonté d’affranchissement des règles du Code civil et du Code des obligations, pour admettre seulement leur application par analogie, subsidiairement aux règles de la LTI 74. En définitive, l’enjeu pratique de la qualification de la sûreté constituée par convention de contrôle est le mode de détermination des règles qui

69 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 207 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 103.

70 Dans le même sens, Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p. 86 à 88.71 Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 18.72 Voir supra chap. III, § 1, B. 1, p. 164. 73 Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 124 s. ; Hess / Stöckli, Bestellung von Si�Si�

cherheiten, p. 155 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 84 s.74 Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 9 s.

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lui sont applicables. S’agissant du régime juridique applicable aux droits constitués en application de la LTI, il faut relever que la loi sur les titres intermédiés ne régit pas que les conditions des actes de disposition. Cer-taines de ses dispositions couvrent également certains aspects de leurs effets juridiques 75. Ainsi, les dispositions des art.  899  ss CC ne sont pas directement applicables, mais seulement par analogie, si la LTI ne règle pas la question 76. La priorité donnée aux normes de la LTI découle du principe de la lex specialis, mais non du fait qu’elle créerait une nouvelle sorte de gage mobilier 77. Ainsi que nous l’avons relevé, le recours à l’application analogique d’une norme du Code civil ne peut se faire que s’il existe des arguments reposant sur le but de la loi qu’il convient de compléter 78. Cette manière de faire garantit que les normes du Code civil ne peuvent être appliquées que si elles correspondent au fonctionnement et aux caractéris-tiques du système d’intermédiation 79.

c. Le gage irrégulier

Le contrat de gage irrégulier vise la remise de biens fongibles au bénéficiaire de la sûreté, en garantie d’une créance, avec l’obligation pour ce dernier de restituer des biens de même nature et en même nombre lorsque la créance garantie a été exécutée 80. De ce fait, le transfert emporte l’acquisition de la propriété ou de la titularité des biens transférés. Cet élément fait du gage irrégulier une construction qui se rapproche du transfert fiduciaire 81. Cependant, au contraire du pactum fiduciae, le contrat de gage irré-gulier ne contient pas d’élément fiduciaire. L’absence d’obligations com-parables à celles caractérisant le contrat de fiducie permet au bénéficiaire

75 Il s’agit par exemple des art. 27 à 32 LTI.76 Du même avis, Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p.  85 ; Steinauer,

Droits réels III, p. 523, n. 3214j s. ; voir supra chap. II, § 4, E. 1, p. 147.77 D’un autre avis, Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 9 s.78 Voir supra chap. II, § 4, E. 1, p. 147.79 Dans le même sens, voir Zellweger�Gutknecht, Verm�genswerte im Finan�markt�Verm�genswerte im Finan�markt�

recht, p. 100 ; Wiegand, Die Bucheffekte : ein neues Verm�gensrecht ?, p. 1136.80 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 362, Syst. T., n. 1106 ; Steinauer, Droits

réels III, p. 439, n. 3111 ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 47, Syst. T., n. 183 ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2024 s., Vor Art. 884�894, n. 29.

81 Steinauer, Droits réels III, p. 440, n. 3112 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 369 s., Syst. T., n. 1136 ; Foëx, Contrat de gage, p. 43 ss, n. 49 ss.

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259Chapitre IV : Les conventions de contrôle

de la sûreté de disposer en tout temps des actifs remis sans violer ses obligations 82. Le contrat de gage irrégulier est admis pour des choses mobilières fongibles, mais n’est en principe pas possible sur des droits 83. Avant la ré-forme introduite par la LTI, certains auteurs se sont toutefois prononcés en faveur de l’utilisation de cette figure juridique pour les valeurs mobi-lières dématérialisées 84. Le pendant du contrat de gage irrégulier pour des créances serait une cession de droits fongibles couplée à une obligation de restitution de droits du même genre 85. La pratique antérieure à la LTI des opérateurs boursiers suisses appliquait d’ailleurs le mécanisme du gage irrégulier à des papiers-valeurs en dépôt collectif et à des droits-valeurs 86. Les titres intermédiés étant composés de créances et d’autres droits fon-gibles, leur nature juridique sui generis et leur système de transfert nous paraît justifier l’application, mutatis mutandis, de la notion et des règles relatives au gage irrégulier 87. La mention des institutions couvertes par la notion de sûreté dans le Message du Conseil fédéral ne contient pas nommément le contrat de gage irrégulier 88. Cependant, la notion de sûreté au sens de la LTI inclut le gage irrégulier 89. Du point de vue des fonctions juridiques qui peuvent être exercées, la convention de contrôle permet la constitution d’un gage irrégulier, celui- ci comportant les mêmes caractéristiques sur le plan patrimonial que le transfert de titularité fiduciaire des titres à fin de garantie.

82 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 371  s., Syst. T., n.  1116 ; Steinauer, Droits réels III, p. 441, n. 3113.

83 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 364, Syst. T., n. 1115 ; Bauer, Zivilgeset��Zivilgeset��buch II, p. 2024 s., Vor Art. 884�894, n. 29 ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 47, Syst. T., n. 183.

84 Brunner, Wertrechte, p. 264 s. ; Bertschinger, Securities Lending and Borrowing, vol. I, p. 71 s.

85 Bertschinger, Securities Lending and Borrowing, vol.  I, p.  71  s. ; Eggen, Sicher�Sicher�heiten an Wertrechten, p. 120 s.

86 Hess, Die �entrale Gegenpartei, p. 700.87 Voir aussi Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 128, et les réf. qu’il cite à la note 52.88 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869.89 Voir Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 128 ; Foëx, Prel. Cmts Arts. 31�32, FISA &

HSC Commentary, p. 481, n.  10 ; Eigenmann, La réalisation des sûretés, p.  131 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 390, n. 13 ad art. 25 LTI ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 155 ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 478, n. 38, p. 489, n. 71 et p. 490, n. 75.

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d. Consignation à titre de sûreté et Escrow Agreement

i. En général

La pratique contractuelle des mécanismes de garantie des transactions commerciales connaît également des variantes des sûretés que nous ve-nons de présenter. Le principal élément qui modifie les relations des parties par rapport aux sûretés traditionnelles est le fait qu’elles aient recours à un tiers afin de garantir la bonne exécution de leur opération. Ces variantes prennent notamment leur assise dans les figures contractuelles dévelop-pées à l’exemple du dépôt-séquestre (art. 480 CO), de la consignation à titre de sûreté ou de l’institution anglo-saxonne qu’est l’Escrow Agreement 90. La doctrine récente aborde ces différentes formes contractuelles comme au-tant de variations (Escrow-Verhältnisse) autour de ce tiers, l’Escrow Agent, et autour du fait que la titularité des biens remis en Escrow passe à ce tiers ou non 91. Le tiers intervient soit pour garder l’objet principal de la trans-action, soit pour garder des actifs servant de garantie. Les diverses possi-bilités à envisager sont nombreuses. Notre examen portera dès lors prin-cipalement sur la consignation à titre de sûreté (Sicherheitshinterlegung), considérant cette institution comme étant emblématique de ces relations tripartites, ainsi que sur certains aspects relatifs à l’Escrow Agreement. Dans la consignation à titre de sûreté, le propriétaire d’un bien, le consignant, le remet à une personne, le consignataire, afin de garantir sa propre dette ou celle d’un tiers. Le consignataire est chargé de remettre le bien au créancier garanti en cas d’inexécution de la créance concernée ou de la tenir à disposition en vue de la réalisation forcée 92. Le contrat peut être tripartite entre le consignant, le consignataire et le créancier. Si le créancier n’est pas partie au contrat, celui-ci contient une stipulation pour autrui 93. La consignation à titre de sûretés existe sous différentes formes. La

90 Voir, par exemple, Barbey, Commentaire romand, p. 2846, n. 3 ss ad art. 480 CO.91 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 11 s., et p. 37 ss.92 ATF 102 Ia 229/236 = JdT 1978 II 49/54 ; Baerlocher, Hinterlegungsvertrag, p. 660 ;

Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 389, Syst. T., n. 1200 ; Steinauer, Droits réels III, p. 442 s., n. 3116 ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2025, Vor Art. 884�894, n. 30 s. ; Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 40 et 68.

93 Steinauer, Droits réels III, p. 445, n. 3124b ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommen�Kommen�tar I, p. 398, Syst. T., n. 1228 ; Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 21 ss ; d’un autre avis, Baerlocher, Hinterlegungsvertrag, p. 660 ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommen�tar, p. 55, Syst. T., n. 214, qui considèrent que le droit du créancier à la constitution

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261Chapitre IV : Les conventions de contrôle

consignation fiduciaire à titre de sûreté doit être rapprochée du transfert fiduciaire à fin de garantie 94. La consignation irrégulière à titre de sûreté est, quant à elle, proche du gage irrégulier 95. Dans ces deux premier cas, le consignataire acquiert en effet la titularité des biens qui lui sont remis. Enfin, la consignation régulière à titre de sûreté repose sur un contrat de gage en faveur du créancier, mais contient également une convention de détenteur de gage (Pfandhalter) qui fonde la possession (une maîtrise de fait) du bien en question par le tiers 96.

ii. Compatibilité fonctionnelle avec la convention de contrôle

Bien que les relations de détention par un tiers ne soient envisagées que pour les choses mobilières 97, il nous semble que la nature sui generis des titres intermédiés ne les empêche a priori pas de faire l’objet des méca-nismes de consignation à titre de sûreté. Premièrement, la caractéristique essentielle du bien remis dans le cadre du contrat d’Escrow est celle d’être approprié au but poursuivi par les parties ainsi que de pouvoir être réalisé et transféré 98. En outre, dans le cas de papiers-valeurs, le but de garantie visé par la remise au tiers est d’empêcher l’exercice du droit incorporé ou de pouvoir créer un gage sur ce droit 99. Lorsque les valeurs font l’objet d’une détention intermédiée, les conventions de contrôle conclues en application des art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LTI jouent le même rôle qu’une remise physique de papiers-valeurs quant aux droits émis. Ces conventions de contrôle entraînent la constitution d’un gage régulier ou irrégulier ou un transfert de titularité fiduciaire à fin de garantie. Leurs effets sont donc compatibles avec la figure contractuelle de la consignation à titre de sûreté. Deuxièmement, compte tenu du but des parties, la licéité de la consi-gnation fiduciaire, régulière ou irrégulière à titre de sûreté est admise tant

repose sur l’obligation du consignataire de ne pas restituer l’objet de la consignation au consignant.

94 Steinauer, Droits réels III, p. 444, n. 3123 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 400 s., Syst. T., n. 1208.

95 Steinauer, Droits réels III, p. 443, n. 3119.96 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 40 ; Steinauer, Droits réels III, p. 445, n. 3124d.97 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 12 et p. 87 ss.98 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 87 ss.99 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 89.

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262 Joël Leibenson

en doctrine qu’en jurisprudence 100 comme une variante du gage mobilier. Hors champ d’application de la LTI, l’acte de disposition accompli en exé-cution du contrat de consignation à titre de sûreté prend la forme d’un gage sur des créances et autres droits ou d’un transfert, respectivement une cession, à titre fiduciaire 101. Dès lors, d’un point de vue fonctionnel, on ne voit pas d’obstacle à ce qu’un contrat de consignation à fin de sûreté soit exécuté par la conclusion d’une convention de contrôle selon les art. 25 al. 1, 2e hypothèse, ou 26 al. 1 LTI. Il faut cependant distinguer entre la position des parties au contrat de consignation avec la position des parties à la convention de contrôle. En effet, les états de fait couverts par les deux possibilités de convention de contrôle (art. 25 et 26 LTI) sont différents. Dans la perspective de l’art. 25 al. 1 LTI, c’est le tiers bénéficiaire qui est preneur de sûretés et est mis au bénéfice d’un droit opposable aux tiers. Dans le cadre de l’art. 26 LTI, c’est le dépositaire qui est au bénéfice d’une sûreté pour son propre compte. Cette différence appelle deux conséquences. En premier lieu, la convention de l’art. 26 LTI ne peut pas être utilisée à fin de créer une consignation régulière à titre de sûreté. Puisque cette convention de contrôle confère la sûreté au dépositaire, ce dernier ne maîtrise pas les titres afin de créer un gage en faveur d’un tiers. En second lieu, le tiers bénéficiaire de la conven-tion de contrôle réglée à l’art. 25 al. 1 LTI ne peut pas être le consignataire en vue d’une consignation régulière. C’est le dépositaire qui tient ce rôle dans ce cadre, puisqu’il contrôle les titres afin de créer un gage en faveur du bénéficiaire de la convention de contrôle. Dans le cas de la convention de contrôle en faveur d’un tiers, l’engagement que le dépositaire prendrait envers le tiers créancier garanti de soumettre les titres à l’exécution forcée ou de transférer les titres à qui de droit lorsque certaines conditions déter-minées à l’avance se réalisent n’est pas contraire à la notion de contrôle 102 et n’est ainsi pas de nature à empêcher la constitution du droit en sa faveur par convention de contrôle. La distinction entre la teneur des actes générateurs d’obligation et les effets des actes de disposition a également une influence en matière

100 Steinauer, Droits réels III, p. 443 s., n. 3121 ss et les réf. citées ; ATF 102 Ia 229/236 = JdT 1978 II 49/54 ; ATF 94 I 48/50 = JdT 1969 I 98/101.

101 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 410 ss, Syst. T., n. 1234 ss ; Steinauer, Droits réels III, p. 443 s., n. 3121 ss.

102 A ce sujet, voir infra chap. IV, § 2, B, p. 294.

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263Chapitre IV : Les conventions de contrôle

d’Escrow. Comme nous l’avons déjà évoqué s’agissant de la constitution d’une sûreté par crédit en compte de titres 103, il est des cas où le contrat d’Escrow a seulement pour but de priver les parties du pouvoir de fait de déterminer le sort d’un actif (Verfügungsgewalt) 104. Pour les choses mo-bilières, ce pouvoir réside dans le transfert de la possession qualifiée. Il s’agit alors de conférer cette faculté à l’Escrow Agent, sans pour autant lui transférer la titularité des actifs ni les grever d’un droit réel en sa faveur ou en faveur d’un tiers 105. Dans le cadre du système d’intermédiation, cette construction contractuelle ne vise pas un acte de disposition sur le pa-trimoine du titulaire des titres intermédiés qui en seraient l’objet. Il nous semble qu’une convention par laquelle l’Escrow Agent (un dépositaire, selon l’art. 26 LTI, ou un tiers, selon l’art. 25 al. 1 LTI, 2e hypothèse) se ver-rait octroyer le contrôle sur des titres intermédiés, sans vouloir lui confé-rer la titularité ou un gage sur les titres concernés, ne serait pas soumise à la loi sur les titres intermédiés. Il convient en effet de replacer les processus fixés par la LTI dans leur contexte. Les prescriptions de la LTI doivent être respectées si l’on veut disposer de titres intermédiés. Si l’on souhaite sim-plement conférer un droit contractuel à une personne, sans avoir la volonté de grever son patrimoine, il n’y a pas acte de disposition affectant les actifs du patrimoine.

3. La désignation de la sûreté créée dans le titre d’acquisition

Conformément aux principes généraux de droit des contrats, les obli-gations des parties au contrat de sûreté doivent être déterminées ou, à tout le moins, suffisamment déterminables 106. La seule mention, dans le contrat de sûreté, que le constituant s’engage à conclure une convention de contrôle en faveur du preneur de sûreté ne permet pas en soi de déterminer la nature de la sûreté que les parties souhaitent constituer, puisque seul le mode de constitution est précisé. Dans le cas où il existe un doute quant au type de sûreté que les parties voulaient créer, il convient de procéder conformément aux principes établis par la doctrine et la jurisprudence en

103 Voir supra chap. III, § 1, A. 2. b. iii, p. 161.104 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 30.105 Eisenhut, Escrow�Verhältnisse, p. 78 et p. 199 ss.106 Voir, entre autres, Tercier, Le droit des obligations, p.  81, n.  424  ss ; Gauch /

Schluep / Schmid, Allgemeiner Teil, vol. I, p. 65 ss, n. 344 ss.

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264 Joël Leibenson

matière de sûretés réelles mobilières et présumer que les parties ont en-tendu constituer un gage mobilier 107. Il s’agit en effet du droit qui restreint le moins les prérogatives du constituant. En outre, la nature fongible des titres intermédiés n’entraîne pas une présomption en faveur du gage irré-gulier. En effet, lorsqu’il n’est pas possible d’établir clairement quelle sû-reté les parties ont voulu créer sur des biens fongibles autres qu’une somme d’argent, comme des titres à ordre ou au porteur, il y lieu de présumer l’existence d’un gage ordinaire 108. Selon nous, cette différence de traite-ment entre les sommes d’argent et les autres biens fongibles est pleinement justifiée. Le rôle économique et juridique de l’argent est de conférer un pouvoir abstrait d’acquisition des biens, il n’existe pas pour lui-même. Dès lors, son régime juridique suit un sort particulier 109. La présomption en faveur du gage ordinaire n’est pas une simple re-prise d’un principe de droit des sûretés. Elle tient compte de la conception de la convention de contrôle qui a cours dans la doctrine relative aux titres intermédiés et qui envisage la convention de contrôle comme le mode de constitution qui devrait avant tout être choisi pour constituer un gage sur les titres intermédiés 110. Par ailleurs, un contrat de sûreté qui prévoirait que le constituant s’en-gage à conférer au preneur de sûreté un droit clairement déterminé (gage ou titularité fiduciaire, par exemple), mais qui ne mentionnerait pas le mode de constitution, ne nous semble pas problématique. Pour autant que le mode de constitution de la sûreté ne soit pas un élément subjectivement essentiel du contrat 111, ce dernier est valable et le débiteur de l’obligation de constituer la sûreté est libre dans le choix du mode d’exécution, puisque son obligation se limite à la constitution du droit.

107 Foëx, Les actes de disposition, p. 94 ; Foëx, Prel. Cmts Arts. 31�32, FISA & HSC Com�Com�mentary, p. 483, n. 16 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 444 s., Syst. T., n. 1346 et les réf. jurisprudentielles citées ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 320, n. 82 ad art. 901 CC.

108 Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p.  109  ss, n.  44  ss ad art.  884 CC ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 373, Syst. T., n. 1120 ; Steinauer, Droits réels III, p. 440, n. 3111a.

109 Dunand / Cerutti, Le régime juridique du mélange d’argent, p. 203 s.110 Voir, Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 116 ; Hess / Stöckli, Optik

des Kapitalmarktrechts, p. 92 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 95 ; Foëx, Les sûre�tés sur les titres, p. 132.

111 Cf. art. 2 al. 1 CO.

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265Chapitre IV : Les conventions de contrôle

C. La nature causale de l’acte de disposition par convention de contrôle

Ainsi que nous l’avons exposé au sujet du crédit en compte de titres, le caractère abstrait ou causal de l’acte de disposition est avant tout une question de choix de politique législative 112. Ce choix définit un certain équilibre dans les relations entre les parties aux transactions sur des titres intermédiés. Plusieurs éléments permettent de déterminer si le législateur de la LTI a fait ce choix ou, à défaut, de déterminer la tendance qui se dégage du régime fixé dans la loi pour encadrer les actes de disposition. Cette détermination en ce qui concerne les actes de disposition effectués par convention de contrôle nécessite d’aborder plusieurs questions. Il s’agit tout d’abord d’examiner certaines normes contenues dans la LTI et les intentions exprimées dans le Message du Conseil fédéral. Notre analyse s’appuie également sur des considérations d’ensemble au sujet des moyens mis en place pour assurer la sécurité des transactions dans la LTI et sur la confusion que crée le remède introduit par le législateur en cas d’ab-sence de protection de l’acquéreur dans une transaction défectueuse. Nous envisagerons également les conséquences des différences structurelles qui marquent les actes de disposition accomplis au moyen d’une convention de contrôle de ceux accomplis par un crédit en compte de titres.

1. L’absence de base légale et la volonté du législateur

La loi sur les titres intermédiés ne contient pas de base légale expresse qui consacre plutôt l’application du principe d’abstraction ou de causalité aux actes de disposition. Seul l’art. 15 al. 2 LTI, qui contribue en réalité à réali-ser la fonction de circulation des titres intermédiés en limitant le pouvoir du dépositaire de refuser d’exécuter une instruction, sert de base à certains auteurs, afin d’en déduire que les actes de disposition sur les titres inter-médiés seraient soumis au principe de l’abstraction 113. Cette base légale n’a d’ailleurs aucune portée quant à la constitution des sûretés par convention de contrôle selon les art. 25 al. 1, 2e hypothèse, et 26 LTI. En effet, l’acte

112 Voir supra chap. III, § 1, D, p. 172.113 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 708 ; Kuhn, Die Modernisierung, p. 139 ; Kuhn,

FISA & HSC Commentary, p. 285, n. 27 ad art. 15 LTI.

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266 Joël Leibenson

de disposition sur lequel reposent ces deux modes de disposer n’est pas constitué par une instruction. Il ne peut donc être déduit de l’art. 15 al. 2 LTI que l’acte de disposition incluant une convention de contrôle serait abstrait. En outre, il ressort clairement des travaux préparatoires que le législa-teur avait à l’esprit le maintien du principe de causalité pour la constitution de sûretés 114. Les considérations du Message du Conseil fédéral consacrées au gage sur les titres intermédiés constitué par convention de contrôle en application de l’art. 25 LTI mentionnent expressément le contrat de gage comme acte causal de l’acte de disposition pour dire que la LTI ne le régit pas 115. Il est permis d’en déduire que la loi sur les titres intermédiés ne remet pas en question l’application du principe de causalité. La volonté du législateur n’est pas de faire de la constitution de sûretés par conven-tion de contrôle un acte abstrait. Le principe de causalité s’y applique donc également. D’une manière générale, le législateur a seulement introduit de nouveaux modes de disposer, mais n’a pas modifié le contenu des droits constitués 116. Ainsi, la constitution d’une sûreté par convention de contrôle nécessite la conclusion d’un contrat de sûreté 117.

2. Les éléments objectifs de politique législative – la sécurité des transactions

L’observation du système mis en place dans la LTI afin d’assurer la sécu-rité des transactions permet de confirmer le caractère causal des actes de disposition sur les titres intermédiés. Ce régime concerne tous les actes de disposition accomplis en application de la LTI, qu’ils l’aient été par cré-dit en compte de titres ou par une convention de contrôle 118. En consé-quence, nous reprendrons ici très brièvement l’essentiel des observations

114 Voir, dans ce sens, notamment Foëx, Les actes de disposition, p. 94 ; Eggen, Sicher�Sicher�heiten an Wertrechten, p.  122 ; Hess / Stöckli, Grund�üge und Missverständnisse, p. 118 ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 25 s.

115 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8869 ; voir aussi Eggen, Sicherheiten an Wert�Sicherheiten an Wert�rechten, p. 123, à la note 76.

116 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 84 s. et p. 96.117 Voir, notamment, Eigenmann, Aspects choisis, p.  111 ; Foëx, Les actes de dispo�

sition, p. 96 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p.  132 et p.  138 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 158 ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 66 et p. 68.

118 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 452, n. 6 ad art. 29 LTI.

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267Chapitre IV : Les conventions de contrôle

que nous avons faites s’agissant de la causalité des actes de disposition par crédit en compte de titres 119. Nous évoquerons en outre quelques éléments spécifiques aux conventions de contrôle, qui tiennent compte du fait que celles-ci ne peuvent pas faire l’objet d’une extourne.

a. Le régime de restitution

Le renvoi aux dispositions sur l’enrichissement illégitime paraît implici-tement signifier que le système des actes de disposition sur les titres in-termédiés serait fondé sur le principe d’abstraction 120. Cette déduction est en réalité erronée. En effet, la motivation à la base de ce choix législatif ne repose pas sur la volonté d’introduire le principe de l’abstraction, mais sur le fait qu’il fallait trouver une alternative à l’action en revendication propre au domaine des droits réels, l’immatérialité des titres intermédiés rendant, en principe, une telle revendication impossible 121. En outre, le régime de restitution est également destiné à couvrir des cas où la cause d’une trans-action est valable, mais où le pouvoir de disposer fait défaut et l’acquéreur est de mauvaise foi. L’on ne peut ainsi pas déduire de ce régime que les titres sont entrés dans le patrimoine de la personne de mauvaise foi tenue à restitution. Cette particularité signifie que les règles sur l’enrichissement illégitime ont été choisies pour leur fonctionnalité 122. Dès lors, la validité de l’acte de disposition n’est pas indépendante de la validité du titre d’ac-quisition. Le choix de ce régime de restitution n’a pas pour conséquence de soumettre les actes de disposition au principe de l’abstraction. De plus, l’introduction d’un régime de protection de l’acquéreur de bonne foi, comme cela est le cas à l’art. 29 LTI, est la caractéristique d’un système fondé sur le principe de causalité. Il s’agit même d’une caractéris-tique qui rapproche plus le régime juridique des titres intermédiés de celui des choses que de celui des créances ou d’autres droits non incorporés 123. Dans l’opposition entre les systèmes causaliste et abstractionniste, la

119 Voir supra chap. III, § 1, D, p. 172. 120 Eigenmann, Aspects choisis, p. 116 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 111.121 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8877 ; Thévenoz, Saut épistémologique, p. 699 et

708 s.122 Le renvoi opéré par l’art.  29 al.  2 LTI est un renvoi fonctionnel (Rechtsfolgenver-

weisung) et non un renvoi matériel (Rechtsgrundverweisung), à ce sujet, voir supra chap. III, § 1, D. 4. b. iii, p. 181.

123 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 451, n. 1 ad art. 29 LTI.

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268 Joël Leibenson

présence d’un régime de protection de l’acquéreur de bonne foi est le signe typique de la correction des défauts potentiels d’un régime fondé sur le principe de causalité 124, tandis que les correctifs apportés à un système fondé sur l’abstraction ont plutôt tendance à assimiler les motifs permet-tant d’écarter le titre d’acquisition à ceux permettant d’écarter un acte de disposition 125. Dès lors, nous voyons dans l’introduction d’un régime de protection de l’acquéreur de bonne foi de titres intermédiés ou de droits sur des titres intermédiés au moyen d’une convention de contrôle un signe de plus que les actes de disposition sur les titres intermédiés sont soumis au principe de causalité.

b. Absence d’extournes et unité du régime des actes de disposition

Un deuxième argument invoqué par certains tenants du principe de l’abs-traction se fonde sur la réglementation des extournes contenue aux art. 27 et 28 LTI. Compte tenu du fait que les motifs d’extourne figurant dans la LTI ne retiennent pas l’invalidité du titre d’acquisition, mais seulement les défauts relatifs à l’instruction du disposant ou à l’exécution de cette instruction 126, ce régime serait inapplicable en cas de défaillance de l’acte générateur d’obligations et l’inefficacité de celui-ci n’aurait pas d’incidence sur la validité de l’instruction et de la bonification 127. Nous avons démon-tré que l’invocation des bases légales relatives aux extournes dans le but de fonder l’abstraction des actes de disposition n’est pas pertinente, en raison de la réglementation même des transactions boursières. Les normes bour-sières, au contraire, lient la validité de l’acte de disposition à celle du titre d’acquisition, puisque la nullité de ce dernier, en cas de Mistrade, entraîne l’extourne de l’opération concernée 128. Un élément supplémentaire nous conduit à rejeter la théorie de l’abs-traction prenant appui sur la réglementation des extournes. Les conven-

124 Voir, entre autres, Rochat, Inefficacité, p. 143 ss, n. 327 ss ; Bartels, An abstract or a causal system, p. 62.

125 Il s’agit notamment des théories de la Geschäftseinheit et de la Fehleridentiät dévelop�pées en droit allemand ; à ce sujet, voir Rochat, Inefficacité, p. 160 ss, n. 364 s. et 366 s. ; Füller, Eigenständiges Sachenrecht ?, p. 133 ss et p. 161 ss.

126 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8872.127 Blum, Rechtsmängel, p. 695 ; voir également Dalla Torre / Leisinger / Mosimann /

Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 17, à la note 7, qui se réfèrent à Blum précité.128 Voir supra chap. III, § 1, D. 5, p. 182.

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269Chapitre IV : Les conventions de contrôle

tions de contrôle des art. 25 et 26 LTI ne sont pas soumises à un proces-sus de mise en compte et, partant, ne sont pas sujettes à extourne 129. Il en résulte une double conséquence. Cela démontre, premièrement, qu’il ne peut être déduit des modalités des extournes que l’acte de disposition par convention de contrôle serait abstrait. Deuxièmement, le constat de la dualité des modes de disposer prévus dans la LTI pose la question de l’unité d’application du principe de causalité. Il nous apparaît que les actes de disposition ne peuvent pas être soumis au principe de causalité ou au principe d’abstraction du fait qu’ils ont été accomplis par crédit en compte de titres ou par convention de contrôle. Ainsi, vu l’absence de fondement d’une abstraction reposant sur l’apparente inexistence de motifs d’ex-tourne touchant au titre d’acquisition et vu les considérations rattachant les sûretés constituées par convention de contrôle au principe de causalité, nous sommes d’avis que le principe de causalité régit tous les actes de dis-position sur des titres intermédiés, quel que soit leur contenu et quel que soit le mode choisi pour les accomplir.

3. Conclusion

En conclusion, les seuls arguments utilisés par les auteurs en faveur du principe de l’abstraction concernent l’instruction du disposant et le champ d’application des mécanismes d’extourne. Or, aucun de ces deux éléments ne se retrouve dans le processus des actes de disposition sur des titres in-termédiés par convention de contrôle. Par ailleurs, la teneur du Message du Conseil fédéral relative à la prise en compte du contrat de gage comme acte causal de l’acte de disposition ne laisse pas beaucoup de place à une discussion en faveur du principe de l’abstraction. Il convient également de noter ici que certains auteurs ont relevé que le législateur n’a pas tranché la question de savoir si l’acte de disposition sur les titres intermédiés est causal ou abstrait, mais s’est contenté de régler un certain nombre de pro-blématiques concrètes 130. Or, il appert que les questions réglées touchent diversement les différents moyens d’accomplir des actes de disposition sur les titres intermédiés en fonction de leur mode d’accomplissement (crédit

129 Foëx, Les actes de disposition, p. 97.130 Foëx, Les actes de disposition, p. 89 ; Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA &

HSC Commentary, p. 367, n. 18.

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270 Joël Leibenson

en compte de titres ou convention de contrôle) et qu’il ne semble pas op-portun de distinguer la nature de l’acte de disposition en fonction de son mode d’accomplissement.

§ 2 L’acte de disposition au moyen des conventions de contrôle

Selon les art. 25 al. 1, 2e hypothèse, et 26 LTI, l’acte de disposition visant la constitution d’une sûreté peut être accompli par le titulaire de compte au moyen de la conclusion d’une convention avec le dépositaire, c’est-à-dire sans créditer les titres sur le compte de titres du preneur de sûreté. Le texte de l’art. 25 al. 1 LTI, qui vise la sûreté en faveur d’un bénéficiaire non dépositaire, mentionne uniquement que la convention doit contenir l’en-gagement irrévocable du dépositaire d’exécuter les instructions du bénéfi-ciaire de la sûreté sans nouveau consentement ni concours du titulaire du compte. L’art. 26 LTI, qui concerne la sûreté en faveur d’un dépositaire, ne mentionne rien d’autre que la seule conclusion d’une convention, sans évo-quer, même partiellement, des exigences matérielles quant à son contenu. Nous avons posé plus haut que, dans la plupart des cas, l’accomplis-sement de l’acte de disposition en droit privé est un acte bilatéral, puisque qu’à la manifestation de volonté du disposant d’affecter l’actif de son patri-moine correspond celle du bénéficiaire de l’acte d’acquérir le droit trans-féré ou constitué en sa faveur 131. Nous avons également constaté que l’acte de disposition nécessite le pouvoir juridique de disposer de celui qui l’ac-complit et est soumis au principe de spécialité, qui commande que l’objet d’un acte de disposition soit individualisé 132. L’introduction dans la loi sur les titres intermédiés d’un mode de dis-poser inconnu jusqu’ici en droit suisse pose des questions relatives aux conditions nécessaires à l’accomplissement de l’acte de disposition au sens technique, à savoir l’acte juridique qui est au centre du processus permet- tant au disposant de modifier l’état de son patrimoine. Il convient notam-ment d’examiner dans quelle mesure la conclusion et le contenu de la convention de contrôle contiennent ou excluent les conditions habituelles

131 Voir supra chap. II, § 4, A, p. 123.132 Voir supra chap. II, § 4, D. 2, p. 144.

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271Chapitre IV : Les conventions de contrôle

que nous venons d’évoquer. La convention de contrôle est-elle une condi-tion supplémentaire aux exigences traditionnelles de la constitution d’une sûreté ou les supplante-t-elle ? Nous avons déjà vu que l’acte de disposition accompli au moyen d’une convention de contrôle est causal 133. Sa validité dépend donc, avant tout, de l’existence d’un titre d’acquisition valable. Nous examinerons ci-après les incidences du contexte bi- ou tripartite des conventions de contrôle sur l’éventuelle nature bilatérale de l’acte de dis-position. Nous analyserons ensuite la condition du contrôle dans la pers-pective de la convention conclue en faveur d’un tiers et de la convention concernant la sûreté du dépositaire. Nous nous pencherons également sur la portée du principe de spécialité dans le cadre de la convention de contrôle s’agissant de la détermination de l’assiette de la sûreté.

A. La manifestation des volontés

1. La conclusion de la convention de contrôle

a. La forme de la convention

L’avant-projet de loi fédérale sur le dépôt et le transfert des titres intermé-diés, élaboré par le Groupe d’experts institué par le Département fédéral des finances, prévoyait que la constitution de sûretés en faveur du déposi-taire ou d’un tiers devait être effectuée au moyen d’une convention passée en la forme écrite 134. Cette condition devait permettre de garantir une pu-blicité minimale, qui rendrait “les manipulations au détriment des autres créanciers du constituant plus difficiles” 135. Le projet de loi sur les titres intermédiés soumis au Parlement ne contenait plus l’exigence de la forme écrite pour la convention en faveur d’un tiers, mais introduisait une forme écrite spéciale, par acte séparé des conditions générales, pour la conven-tion conclue en faveur du dépositaire par un titulaire de compte qui n’était pas un investisseur qualifié (au sens de l’actuel art. 5 let. d LTI) 136. Cette dernière exigence est tombée lors des débats parlementaires 137.

133 Voir supra chap. IV, § 1, C, p. 265.134 Art. 22 al. 1 et 2 AP�LTI (cf. Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 128).135 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 71.136 Art. 25 al. 1 et 26 al. 3 P�LTI (FF 2006 p. 8919 ss, p. 8926 s.).137 Voir BOCE 2007, p. 1122 s. et BOCN 2008 p. 1342 ss ; à ce sujet, voir Thévenoz, Les

conditions générales, p. 465 s.

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272 Joël Leibenson

Le texte de la LTI adopté et entré en vigueur ne contient donc aucune disposition qui requière que la convention de contrôle revête une forme spéciale. Ainsi, en application de l’art. 11 al. 1 CO, applicable par renvoi de l’art. 7 CC, la convention de contrôle conclue entre un titulaire de compte et un dépositaire en faveur d’un tiers bénéficiaire et la convention de contrôle en faveur d’un dépositaire sont valables sans avoir à respecter une forme particulière 138. Il est cependant recommandé de conclure la conven-tion de contrôle par écrit, non seulement pour des questions évidentes de preuve, mais également afin de contribuer à prévenir une éventuelle erreur du dépositaire concernant le sort des titres visés par la sûreté 139. En pratique, la conclusion de la convention de contrôle intervient parfois lorsque le dépositaire contresigne un avis de mise gage (notice of pledge) qui lui est notifié et qui contient les obligations qu’il assume en vue de la création de la sûreté 140. Bien que la forme écrite ne soit pas nécessaire à la validité de la convention de contrôle, il convient tout de même de pou-voir établir le consentement du dépositaire aux engagements constituant le cœur de la convention de contrôle, à savoir l’engagement irrévocable d’exécuter les instructions d’un bénéficiaire déterminé et la désignation des titres visés par la sûreté 141. Or, la seule notification de la mise en gage communiquée au dépositaire suite à un accord intervenu entre le titulaire de compte et le tiers bénéficiaire ne permet pas d’établir la conclusion de la convention de contrôle 142. En outre, la signature par le dépositaire d’un document qui ne contiendrait pas les éléments essentiels que nous venons de mentionner ne remplirait pas l’exigence de la conclusion d’une conven-tion de contrôle au sens de l’art. 25 al. 1 LTI.

138 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffekten�Das neue Bucheffekten�geset�, p.  116 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 95 et p. 97 ; Lanz, Aktientrans�Aktientrans�fers, p. 210 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 394, n. 30 ad art. 25 LTI et p. 403 s., n. 21 ad art. 26 LTI ; etc.

139 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 388, n. 4 ad art. 25 LTI et p. 392, n. 22 ad art. 25 LTI.

140 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 133 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 332, à la note 36.

141 Car comme toutes les conventions, la convention de contrôle nécessite une manifes�tation de volonté réciproque et concordante des parties, conformément aux art. 1 ss CO, cf. Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 391, n. 18 ad art. 25 LTI et p. 402, n. 14 ad art. 26 LTI.

142 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 391, n. 16 ad art. 25 LTI.

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273Chapitre IV : Les conventions de contrôle

Parallèlement à la conclusion de la convention de contrôle, la LTI n’exige pas que la sûreté en faveur du dépositaire ou en faveur d’un tiers fasse l’objet d’une écriture comptable ou d’une mention dans le compte de titres 143. Cependant, elle n’empêche pas les parties de convenir d’une telle mention 144. A notre avis, l’apposition d’une telle mention sur le relevé de compte par le dépositaire peut être considérée comme un acte concluant manifestant la conclusion d’une convention de contrôle avec le titulaire de compte. Il faut cependant bien distinguer entre la mention signifiant que le titulaire du compte a constitué des titres intermédiés en sûreté (en faveur du dépositaire ou d’un tiers) et une mention qui signifierait que les titres sont crédités à fin de sûreté sur le compte du titulaire. Dans le second cas, la mention n’atteste pas d’une convention de contrôle avec le titulaire de compte. Par ailleurs, l’exécution d’une instruction reçue du tiers après avoir reçu une notification de l’avis de mise en gage doit également être comprise comme une manifestation de volonté tacite du dépositaire de conclure une convention de contrôle en faveur de ce tiers.

b. Les parties à la convention

Les conventions de contrôle des art. 25 al. 1 et 26 LTI prévoient toutes deux un accord entre le dépositaire et le titulaire de compte. Cependant, tan-dis que la convention en faveur du dépositaire vise une situation qui ne concerne que les rapports entre le dépositaire et le titulaire de compte, la convention conclue avec le dépositaire en faveur d’un tiers s’insère dans l’opération d’acquisition d’un droit par le tiers et a, dès lors, une dimension tripartite.

i. En cas de convention en faveur d’un tiers

L’art. 25 al. 1 LTI prévoit que la convention de contrôle est conclue entre le titulaire du compte de titre et le dépositaire qui tient le compte de titres. A teneur du texte légal, le tiers preneur de sûreté n’a pas besoin d’être partie

143 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8871 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 95 ; Lanz, Aktientransfers, p. 208 s.

144 Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1081, à la note 100 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 333, à la note 38.

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274 Joël Leibenson

à la convention de contrôle. Cependant, comme nous l’avons relevé ci-dessus en rapport avec la forme de la convention de contrôle, il arrive en pratique que celle-ci soit tripartite et qu’elle inclue le tiers bénéficiaire, notamment dans le cas de la notification d’un avis de mis en gage. Il peut arriver éga-lement que la convention de contrôle soit le fruit d’une convention rédigée en commun par les trois parties. L’enjeu de la conclusion d’une convention tripartite est double. Tout d’abord, la participation du tiers permet au dépositaire de s’as-surer que l’existence d’une éventuelle sûreté antérieure dont il serait au bénéfice soit dûment communiquée au tiers, permettant ainsi au déposi-taire de maintenir son rang. En effet, l’art. 30 al. 2 LTI prévoit que si le dépositaire conclut avec le titulaire d’un compte une convention au sens de l’art. 25, al. 1 LTI, sans signaler expressément les sûretés antérieures du dépositaire au bénéficiaire de la nouvelle sûreté, celles-ci sont réputées su-bordonnées à la nouvelle sûreté. La notification de la sûreté préexistante du dépositaire peut intervenir de façon séparée sans nécessiter que le tiers bé-néficiaire ne manifeste son consentement en retour, en tant que partie à la convention de contrôle ou d’une autre manière. Cette notification doit être expresse 145. Le but de la notification est de permettre au tiers qui s’apprête à octroyer un financement garanti au titulaire de compte de pouvoir ajuster ses conditions de crédit à une position subordonnée à celle du dépositaire. En conséquence, une notification de la sûreté du dépositaire à un moment qui ne permette pas au tiers d’adapter sa situation juridique par rapport à la conclusion de la convention de contrôle, par exemple après celle-ci, ne peut pas permettre le maintien du rang de la sûreté du dépositaire 146. Cette situation peut inciter le dépositaire à préférer inclure le tiers dans le processus de conclusion de la convention de contrôle en sa faveur. Le second enjeu de la participation du tiers bénéficiaire à la convention de contrôle réside dans l’inclusion des éléments du contrat de sûreté dans la convention de contrôle. Dans un tel cas de figure, le dépositaire aurait connaissance des éventuelles conditions de réalisation de la sûreté, ce qui pourrait potentiellement entraîner un devoir de vérification que ces condi-tions sont bien remplies. Il faut tout d’abord noter que le but de l’art. 31 al. 3 LTI, qui prescrit que le dépositaire n’a ni le droit ni l’obligation de vérifier si les conditions de la réalisation sont remplies, est de procurer au dépositaire

145 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 474, n. 21 ad art. 30 LTI.146 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 474, n. 22 s. ad art. 30 LTI.

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275Chapitre IV : Les conventions de contrôle

la neutralité nécessaire afin qu’il puisse opérer les transactions nécessitées par les obligations assumées par les parties à l’acte de disposition. Il s’agit ici non pas de consacrer le principe de l’abstraction dans la réalisation des sûretés 147, mais de s’assurer que la fonction du dépositaire ne soit pas per-turbée par des obligations qui ne relèvent pas du champ d’application de la LTI 148. La confirmation de la neutralité du dépositaire réside également dans le fait que c’est le bénéficiaire de la sûreté qui réalise des titres inter-médiés alors que les conditions ne sont pas remplies qui est responsable du dommage causé, conformément à l’art. 31 al. 4 LTI. En conséquence, lorsque le dépositaire ne revêt pas la fonction de vecteur de la position juridique d’un tiers, mais est impliqué pour son compte dans la réalisa-tion d’une sûreté constituée en sa faveur, l’art. 31 al. 3 LTI n’a pas vocation à s’appliquer 149. Nous ne pensons pas que le dépositaire qui serait partie à une convention de contrôle réunissant le constituant et le tiers bénéfi-ciaire soit automatiquement tenu de vérifier les conditions de réalisation de la sûreté. Il faudrait, pour cela, qu’il assume une obligation expresse al-lant dans ce sens, afin de rendre inopérante l’interdiction ancrée à l’art. 31 al. 3 LTI 150.

ii. En cas de convention en faveur du dépositaire

A la différence de ce qui prévaut pour la convention de contrôle en faveur d’un tiers non dépositaire, la situation est beaucoup plus simple dans le cas de la convention de contrôle conclue en application de l’art. 26 LTI. En effet, la configuration des rapports est bipartite à tous les niveaux 151. Le titre d’acquisition et l’acte de disposition peuvent donc se confondre dans un seul et même document. Cela ne doit toutefois pas amener à considérer que la convention prévue par la LTI à l’art. 26 LTI concerne le contrat de

147 Voir Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 134 s. Un tel constat n’a d’ailleurs pas vraiment de sens, puisque le titre d’acquisition sur lequel se fonderait l’acquéreur en cas de réalisation n’est pas le contrat de sûreté dont le non respect n’affecterait pas la validité de l’acte de disposition accompli par le bénéficiaire du droit de vendre, mais bien le contrat d’aliénation passé entre ce bénéficiaire et le tiers acquéreur.

148 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8880.149 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 500, n. 50 ad art. 31 LTI.150 Dans le même sens, semble�t�il, Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 500, n. 51 ad

art. 31 LTI.151 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 92

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276 Joël Leibenson

sûreté. Il ne s’agit pas du même acte juridique. La LTI pose les conditions des actes de disposition, elle ne pose pas de prescription concernant le titre d’acquisition. Nous examinerons plus en détail ce point lors de l’analyse de l’aptitude de la convention de contrôle à être le vecteur de la manifestation de volonté des parties à l’acte de disposition 152. Le constituant et le dépo-sitaire sont partie au contrat de sûreté et à la convention de contrôle, qui constitue, dans ce cas, l’acte de disposition.

2. La convention de contrôle et la manifestation de volonté du bénéficiaire de l’acte de disposition

Les développements que nous venons de faire en relation avec les parties à la convention de contrôle démontrent que plusieurs cas de figure sont envisageables en fonction du fait que le tiers bénéficiaire de la convention y est partie ou non, ainsi qu’en fonction du contenu de la manifestation des volontés des parties. Nous rappelons ici que le système qui prévaut en droit des biens repose, d’une manière générale, sur un acte de disposition bilatéral 153. Nous avons vu que les actes de disposition stricto sensu ayant pour objet les droits réels mobiliers sont accomplis par un contrat réel (dinglicher Vertrag). La cession de créance est également un acte bilatéral en la forme d’un contrat de disposition (Verfïugungsvertrag). Avec l’intro-duction de la constitution de sûretés par convention de contrôle en faveur d’un tiers, la question se pose de savoir si la LTI introduit un mode de disposer qui ne requiert potentiellement pas la manifestation de volonté du bénéficiaire de l’acte de disposition. Il convient en conséquence de déter-miner la nature juridique exacte de la convention de contrôle dans le pro-cessus global de disposition. Est-ce qu’elle représente l’acte de disposition stricto sensu, y compris lorsque le tiers n’y participe pas du tout ? Ou est-ce que la convention de contrôle doit être vue comme un acte qui parachève l’acte de disposition qui intervient entre le disposant et le bénéficiaire de l’acte ? Tandis que le rapport uniquement bilatéral qui existe dans le cas de la convention en faveur du dépositaire simplifie l’analyse, la dimension triangulaire de la convention en faveur d’un tiers permet de décomposer l’opération d’acquisition qui suit la conclusion du titre d’acquisition en un

152 Voir infra chap. IV, § 2, A. 2. b, p. 289.153 Voir supra chap. II, § 4, A, p. 123.

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277Chapitre IV : Les conventions de contrôle

acte de disposition bilatéral, qui est généralement tacite, et la conclusion de la convention de contrôle, qui est un acte nécessaire à procurer au bé-néficiaire le contrôle sur l’objet de l’acte de disposition. Nous examinons donc ci-après les liens qu’entretiennent la convention de contrôle et la ma-nifestation de volonté du bénéficiaire dans le cadre de l’acte de disposition au sens strict.

a. En cas de convention en faveur d’un tiers

Selon l’art. 25 al. 1, 2e hypothèse, LTI, une sûreté peut être constituée par une convention conclue entre le titulaire d’un compte et le dépositaire, par laquelle le dépositaire s’engage irrévocablement à exécuter les instructions du bénéficiaire de la sûreté sans nouveau consentement ni concours du ti-tulaire du compte. La convention de contrôle doit nécessairement contenir cet engagement afin d’entraîner la constitution de la sûreté 154. Le système prévu à l’art. 25 al. 1 LTI repose donc sur une convention qui n’inclut, a priori, pas directement le bénéficiaire de l’acte de disposition. Le Message du Conseil fédéral n’aborde pas la qualification juridique de la convention de contrôle dans la perspective de son effet constitutif dans le processus de l’acte de disposition. Plusieurs auteurs se sont prononcés à ce sujet en sou-tenant que la convention de contrôle contient une stipulation pour autrui parfaite au sens de l’art. 112 al. 2 CO 155. Prise littéralement, la prescription de l’art. 25 al.  1 LTI signifierait que la seule conclusion de la convention

154 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 134 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p.  156 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 391, n.  19 ad art. 25 LTI. Cette mention obligatoire dans la convention de contrôle représente une différence avec le régime instauré par la Convention de Genève sur les titres. En effet, selon les art. 1 let. (k) (i) et 12 de la Convention de Genève, les Etats contractants peuvent décider que le contrôle peut être valablement constitué s’il est seulement convenu dans la convention de contrôle que le dépositaire n’est pas autorisé à se conformer aux ins�tructions du titulaire de compte sans le consentement du bénéficiaire de la sûreté, Kanda / Mooney / Thévenoz / Béraud, Commentaire officiel UNIDROIT, p.  52  s., n. 1�54 ; à ce sujet, voir infra chap. IV, § 2, B. 1. c, p. 302.

155 Voir Kunz, Legislative Aktivitäten, p.  51, à la note 155 ; Piotet, Titres intermé�diés, p. 118 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 123, à la note 67 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 332, à la note 35 ; Eigenmann, FISA & HSC Com�Com�mentary, p. 391, n. 17 ad art. 25 LTI ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 489, n. 71 et p. 490, n. 73 s.

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278 Joël Leibenson

de contrôle serait l’acte de disposition stricto sensu en faveur du tiers bé-néficiaire. Nous ne pensons pas que cela soit le cas, et ceci en raison des caractéristiques mêmes de la stipulation pour autrui que nous présentons ci-dessous.

i. La stipulation pour autrui

Dans la stipulation pour autrui, le stipulant se fait promettre par le pro-mettant une prestation en faveur d’un tiers, le bénéficiaire. La stipulation pour autrui parfaite procure au bénéficiaire la titularité d’une créance di-rigée contre le promettant 156. En outre, lorsque le bénéficiaire déclare qu’il entend exercer son droit (adhésion, Beitritt), le stipulant et le promettant ne peuvent plus révoquer son droit de créance à l’encontre du promettant, à moins qu’ils ne soient convenus du contraire 157. Bien que le bénéficiaire acquière une créance, il ne devient pas partie au contrat qui lui a donné naissance et qui lie le stipulant et le promettant 158. Par ailleurs, le stipulant reste également créancier du promettant à côté du bénéficiaire 159. Enfin, en vertu du principe “beneficia non obtruduntur” 160, la titularité d’une créance ne peut pas être imposée à une personne contre sa volonté 161. Il en découle

156 Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 257 ss, n. 1002 ss ; Tevini du Pasquier, Commentaire romand, p. 888 s., n. 3 et p. 896 s., n. 16 ad art. 112 CO.

157 Weber, Berner Kommentar, p. 135 s., n. 115 ad art. 112 CO ; Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 283, n. 1115 et p. 287, n. 1130.

158 Bucher, OR AT, p. 479. Il importe peu, à cet égard, que l’on considère que la stipu�lation pour autrui ne soit pas un contrat, mais un mode spécialement convenu pour l’exécution d’une obligation qui découle du rapport de couverture entre le stipulant et le promettant (Bucher, OR AT, p. 475 ; Tevini du Pasquier, Commentaire romand, p. 888, n. 2 ad art. 112 CO) ou que l’on considère qu’elle est un contrat générateur d’obligation à part entière (Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 45, n. 167 ; Engel, Traité, p. 417).

159 Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p.  350, n.  1423 ; Tevini du Pasquier, Commentaire romand, p. 896 s., n. 18 ad art. 112 CO. Il est cependant des cas dans lesquels seul l’un des deux créanciers est légitimé envers le promettant à exiger la prestation, cf. Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 354 ss, n. 1441 ss ; nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de la répartition du pouvoir d’instruction entre le titulaire de compte et le tiers bénéficiaire de la convention de contrôle, voir infra chap. IV, § 2, B. 1. c, p. 302.

160 “Les bienfaits ne peuvent être imposés de force”.161 Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 294, n. 1161 ; Weber, Berner Kommen�

tar, p. 136, n. 116 ad art. 112 CO ; Engel, Traité, p. 426.

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279Chapitre IV : Les conventions de contrôle

que le tiers peut refuser cette créance, lorsqu’il en a connaissance 162. Son refus a un effet ex tunc 163, à savoir que la créance que le promettant a voulu procurer au tiers n’a jamais existé et n’est jamais entrée dans le patrimoine de ce dernier 164. La stipulation est ainsi valable sans le concours du tiers, mais elle ne produit son effet qu’avec son assentiment 165. L’admissibilité de l’accomplissement d’un acte de disposition au moyen d’une stipulation pour autrui est abordée avec retenue et est controver-sée en doctrine 166. Premièrement, compte tenu du fait que l’art. 112 CO ne vise que les actes générateurs d’obligations, son application à un acte de disposition ne pourrait intervenir que par analogie 167. Deuxièmement, les auteurs distinguent la stipulation pour autrui visant un acte analogue à un acte de disposition sur une créance (improprement appelé schuldrechtliche Verfüngung) et la stipulation pour autrui visant les droits absolus (impro-prement appelé dingliche Verfügung) 168. Nous faisons ci-dessous l’analyse des effets de l’utilisation de la stipu-lation pour autrui afin d’opérer un acte de disposition sur les créances et sur les droits réels. Ce faisant, nous démontrons que les propriétés de la sti-pulation pour autrui ne permettent pas d’accomplir un acte de disposition sur ces deux objets juridiques.

aa. L’ “acte de disposition” sur une créance. La stipulation pour autrui vi-sant le transfert d’une créance aboutit à un résultat analogue à la cession de créance 169. En effet, la constitution de la créance en faveur du tiers par le promettant équivaut à une cession par le stipulant de sa créance contre le promettant. Il n’y a cependant pas de transfert d’actif. La créance du

162 Weber / Skripsky, Verfügungen �ugunsten Dritter, p. 253 ; Bärtschi, Verabsolutierte Relativität, p. 253.

163 von Tuhr / Escher, Allgemeiner Teil, II, p. 250 ; Weber, Berner Kommentar, p. 136, n. 116 ad art. 112 CO ; Weber / Skripsky, Verfügungen �ugunsten Dritter, p. 257, 260 et 263 ; Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 293 ss, n. 1154 ss.

164 Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 306, n. 1216.165 Tevini du Pasquier, Commentaire romand, p. 893 s., n. 11 ad art. 112 CO.166 Pour un aperçu des avis donnés, voir Weber, Berner Kommentar, p. 106 s., n. 24 ss ;

Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 417 ss, n. 1700 ss ; Bärtschi, Verabso�Verabso�lutierte Relativität, p. 253.

167 Weber / Skripsky, Verfügungen �ugunsten Dritter, p. 252.168 Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p.  417  ss, n.  1700  ss et p.  424  ss,

n. 1728 ss ; Bucher, OR AT, p. 475 s.169 Bucher, OR AT, p. 475.

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stipulant reste dans son patrimoine. Le bénéficiaire de la stipulation pour autrui acquiert à titre originaire. Il n’est pas le successeur juridique du stipulant 170 et la créance qu’il obtient ne passe pas même le temps d’une “seconde logique” dans le patrimoine du stipulant 171. Le contrat en faveur du tiers conclu entre le stipulant et le promettant n’est donc pas un contrat de disposition (Verfügungsvertrag), mais un acte générateur d’obligations (Verpflichtungsvertrag). La doctrine dominante et la jurisprudence consi-dèrent que seul un contrat de disposition passé entre le cédant et le ces-sionnaire peut opérer l’acte de disposition sur une créance 172. On le comprend, l’effet patrimonial est obtenu entre les parties en rai-son du fait que le promettant est le débiteur du stipulant et procure la même créance au bénéficiaire. Cette dimension a une grande importance pour ce qui concerne les titres intermédiés. En particulier, dans le cas d’une ac-quisition à titre fiduciaire par convention de contrôle, le dépositaire n’est pas le débiteur des droits composant les titres intermédiés et ne peut, par conséquent, pas procurer au bénéficiaire les créances et autres droits qui composent les titres.

bb. L’ “acte de disposition” sur un droit réel. S’agissant du transfert de droits réels, la doctrine majoritaire et la jurisprudence rejettent la possibilité de transférer le droit de propriété au moyen d’une stipulation pour autrui 173. Selon nous, la problématique mise en évidence dans le cadre du “trans-fert” de créances par stipulation pour autrui est également présente dans le rapport entre le promettant et le tiers en relation avec la titularité du droit réel. La promesse du promettant ne fait naître qu’une créance et n’opère pas de succession à titre singulier entre le stipulant et le tiers. Compte tenu du fait que le promettant ne peut pas créer un droit de propriété ex nihilo et le procurer au tiers, ce dernier ne peut recevoir le droit de propriété du stipulant dans son patrimoine que s’il participe à un acte de disposition

170 van de Sandt, L’acte de disposition, p. 124 s., n. 369.171 Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 74, n. 295.172 Bucher, OR AT, p.  547 ; Gauch / Schluep / Emmenegger, Allgemeiner Teil, vol.  II,

p. 268, n. 3540 s. ; von Tuhr / Escher, Allgemeiner Teil, II, p. 245 ; ATF 84 II 355/363, consid. 1) ; voir en outre Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p.  420  s., n. 1715 ss.

173 ATF 67 II 88/95, consid. 1.a ; Gauch / Schluep / Emmenegger, Allgemeiner Teil, vol.  II, p. 329, n. 3905 ; von Tuhr / Escher, Allgemeiner Teil, II, p. 245 ; van de Sandt, L’acte de disposition, p. 125 s., n. 372. ; contra : Bucher, OR AT, p. 476.

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accompli par le stipulant ou si le promettant dispose du droit du stipulant sur la base d’un pouvoir de disposer dont il serait au bénéfice. La question de la constitution d’un droit de gage mobilier par le biais de la stipulation pour autrui fait l’objet d’une exception admise par cer-tains auteurs 174 dans le cadre de la consignation à fin de sûreté (Sicherheits-hinterlegung). L’admission par la doctrine de la validité de la constitution d’un gage par stipulation pour autrui dans le cadre de la consignation à fin de sûreté est, selon nous, non justifiée. En effet, les deux principales jurisprudences sur lesquelles ces auteurs s’appuient ne reposent pas sur un état de fait qui correspond à la constitution d’un gage pour autrui sur une chose mobilière sans le concours du tiers bénéficiaire. Le premier arrêt concerne la consignation judiciaire d’une somme d’argent dans le cadre d’une requête de prise d’inventaire d’objets soumis à droit de rétention 175. Le Tribunal fédéral évoque la constitution d’un gage par stipulation pour autrui, mais considère finalement que le droit de ré-tention peut porter sur la somme remise en consignation. Il est en effet possible d’imposer au tiers bénéficiaire un changement d’objet de la sûreté, même contre sa volonté, comme cela ressort de l’art. 898 al 1 CC. En tout

174 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 402  s., Syst. T., n.  1213 ; Steinauer, Droits réels III, p. 445, n. 3124b ; von Tuhr / Escher, Allgemeiner Teil, II, p. 244 ss ; voir toutefois les avis divergents d’Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p.  55, Syst. T., n. 214, et de Baerlocher, Hinterlegungsvertrag, p. 660.

175 ATF 61 III 74/76=JdT 1936 III 27/29, consid. 1. Cet arrêt se fonde sur un arrêt antérieur du Tribunal fédéral, à savoir l’ATF 59 III 128/131, qui considère qu’une somme d’argent consignée par un débiteur auprès de l’office des poursuites en faveur du créancier poursuivant constitue un gage en sa faveur sur cette somme. Cet arrêt plus ancien, quant à lui, omet de mentionner un élément fondamental qui est de savoir si le dépôt de cette somme d’argent est un dépôt régulier ou irrégulier. En cas de dépôt régulier, il s’agirait d’un gage sur une chose mobilière qui nécessite le transfert de la possession au créancier gagiste, l’arrêt est muet sur un tel transfert de possession. En cas de dépôt irrégulier, l’office acquerrait la propriété de la somme d’argent et le consignant aurait une créance contre l’office tendant à la restitution de celle�ci. Il s’ensuit deux sous�hypothèses : soit l’office accepte par ailleurs de reconnaître au créancier poursui�vant une créance tendant au paiement pour le cas où la poursuite irait sa voie, soit l’on considère que le débiteur et l’office concluent en faveur du créancier poursuivant un contrat de gage portant sur la créance du débiteur contre l’office tendant au rem�boursement de la créance consignée. Dans la première sous�hypothèse, il n’y a pas de gage, mais constitution d’une créance contre l’office en faveur du tiers ; dans la se�conde sous�hypothèse, le gage ne peut pas naître en faveur du tiers en l’absence d’un contrat de gage et d’un acte de disposition revêtant la forme écrite, conformément à l’art. 900 al. 1 ou 3 CC.

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état de cause, la réflexion étant relative à l’admissibilité de la constitution du droit de rétention ou plutôt, dans le cas d’espèce, à l’admissibilité de la substitution de son objet par une somme d’argent sans le consentement de son bénéficiaire, elle ne peut pas, à nos yeux, servir à fonder l’admissibilité de la constitution d’un droit de gage en faveur d’un tiers sans qu’il ne ma-nifeste son consentement. En effet, la constitution d’un droit de rétention ne procède pas d’un acte de disposition 176. La naissance de ce droit de gage légal, donc non conventionnel, intervient ipso jure, lorsque les conditions légales sont remplies 177. Le titre d’acquisition est la loi 178. Il n’est dès lors pas question d’un titre d’acquisition qui pourrait être conclu par le débiteur avec un consignataire en faveur d’un tiers garanti. Le second arrêt concerne bien la constitution d’un gage par la remise d’une chose en consignation en faveur d’un créancier par un débiteur 179. Cependant, l’état de fait laisse clairement apparaître que le tiers créancier avait connaissance de la consignation et a manifesté son accord. La consi-gnation avait en effet été prévue dans le contrat ayant donné naissance à l’obligation garantie (le rapport de valeur). Le créancier et le débiteur avaient en outre manifesté leur volonté dans un document conjoint adressé au consignataire et qui lui avait été remis en même temps que l’objet consi-gné, afin qu’il possède l’objet conformément aux instructions communes du débiteur et du créancier. Dans un tel cas, il ne nous semble pas que l’on puisse qualifier le créancier de tiers simplement parce qu’il ne concourt pas à la remise physique de la chose au consignataire. Les instructions com-munes remises au consignataire semblent plutôt indiquer que le créan-cier est également partie à la convention de consignation conclue avec le consignataire. Elles indiquent également l’accord du créancier à ce que le consignataire possède pour lui l’objet de la consignation. Une telle mani-festation de volonté permet en conséquence d’attester l’accomplissement d’un acte de disposition bilatéral entre le constituant et le créancier. L’admission de la constitution d’un gage mobilier par stipulation pour autrui sans requérir le consentement du créancier gagiste est en contra-

176 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 126, Syst. T., n. 461 ; Zobl, Berner Kom�Kom�mentar II, p. 128 s., n. 15 ad art. 895 CC.

177 Rampini / Schulin / Vogt, Zivilgeset�buch II, p. 2117, n. 6 ad art. 895 CC ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 128 s., n. 15 ad art. 895 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kom�Zürcher Kom�mentar, p. 337, n. 15 ad art. 895.

178 Zobl, Berner Kommentar II, p. 128 s., n. 15 ad art. 895 CC.179 ATF 102 Ia 229/236, consid. 2. e).

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diction avec la quasi-totalité des conceptions qui ont cours en doctrine au sujet de la nature juridique de l’acte de disposition et du transfert de pos-session. En effet, qu’il s’agisse d’un contrat réel entre le disposant et le bé-néficiaire, qu’il s’agisse de considérer le transfert de la possession comme un acte juridique qui repose sur les volontés du disposant et du bénéficiaire de l’acte de disposition ou encore qu’il s’agisse de rattacher la volonté du bénéficiaire à la manifestation de volonté normalement manifestée dans le cadre de l’acte générateur d’obligations, il ne peut être admis que le béné-ficiaire de l’acte n’aurait soudain plus besoin de manifester sa volonté, ni dans l’acte générateur d’obligation, puisqu’une créance lui est procurée par la promesse du promettant envers le stipulant, ni de façon au moins tacite dans le cadre du transfert de possession, puisque celui-ci interviendrait sans que le bénéficiaire n’en ait même connaissance. Certains auteurs ont clairement exprimé que l’accomplissement d’un acte de disposition au moyen d’une stipulation pour autrui nécessite la manifestation de volonté du bénéficiaire de l’acte 180. L’application analo-gique de l’art.  112 CO doit être conditionnée au respect des mesures de publicité constitutives du processus d’acquisition des droits réels, soit le transfert de possession en matière mobilière, afin de protéger l’intérêt à la sécurité des transactions. L’application du régime juridique de la stipula-tion pour autrui risque de porter atteinte à cette sécurité des transactions par le biais de la révocabilité de la promesse faite au stipulant tant que le bénéficiaire n’a pas déclaré qu’il entendait faire usage de son droit, ainsi que par le droit du bénéficiaire de refuser l’attribution avec effet ex tunc, rendant l’attribution inopérante ab initio 181. L’information du bénéficiaire permet de s’assurer que tant ses intérêts que ceux du promettant, du stipu-lant ou ceux de tiers sont préservés par la stabilité conférée à la situation juridique dès que le bénéficiaire peut se prononcer sur le sort juridique de l’opération. En matière mobilière, le transfert de possession au bénéficiaire est la manière la plus sûre et la plus rapide pour y parvenir.

cc. Synthèse. Il découle des caractéristiques de la stipulation pour autrui que celle-ci ne peut pas avoir pour effet d’opérer un acte de disposition qui affecte le patrimoine du bénéficiaire sans son consentement.

180 Weber / Skripsky, Verfügungen �ugunsten Dritter, p. 258 s. ; Bärtschi, Verabsolu�Verabsolu�tierte Relativität, p. 254.

181 Weber / Skripsky, Verfügungen �ugunsten Dritter, p. 258 s. et p. 264.

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En premier lieu, la convention de contrôle, qui opère une stipulation pour autrui, ne peut pas être le seul acte juridique accompli par le dispo-sant afin d’effectuer un acte de disposition qui consisterait à transférer la titularité fiduciaire des titres visés. En second lieu, le bénéficiaire d’un gage doit d’une manière ou d’une autre concourir à la constitution de ce droit. Que cela soit par sa partici-pation au titre d’acquisition ou par sa manifestation de volonté, au moins tacite, lors de l’exécution du contrat de gage conclu en sa faveur (acte de disposition, transfert de possession). Cette participation repose sur l’exi-gence de sécurité des transactions et sur le principe de droit des biens qui prescrit que l’on ne peut pas imposer une attribution patrimoniale à une personne contre sa volonté. Ainsi, la stipulation pour autrui procure au tiers bénéficiaire une créance tendant à la constitution du gage 182. En au-cun cas, la stipulation pour autrui n’est assimilable à un acte de disposition qui entraîne la constitution du gage.

ii. L’effet de la stipulation pour autrui dans la convention de contrôle

Après avoir analysé les effets de la stipulation pour autrui en relation avec les actes de disposition, nous allons maintenant comparer ces résultats avec les effets de la convention de contrôle en faveur d’un tiers bénéficiaire. Ce faisant, nous soulignerons les différences qui résultent du système d’intermédiation et en tirerons la conclusion qui s’impose s’agissant de la nature bilatérale de l’acte de disposition.

aa. L’octroi d’une créance sui generis en faveur du bénéficiaire permettant d’instruire le dépositaire. Comme nous l’avons vu en relation avec les droits de créance et les droits réels, la stipulation pour autrui ne permet pas, à elle seule, d’accomplir un acte de disposition. Il en va de même avec la conven-tion de contrôle. L’art. 25 al. 1 LTI, 2e hypothèse, instaure bien un cas de stipulation pour autrui. La raison en est que la conclusion de la convention de contrôle procure au bénéficiaire une créance contre le dépositaire lui permettant de lui donner des instructions et d’exercer ainsi un contrôle

182 Voir Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 409, Syst. T., n. 1230, qui retiennent que la stipulation pour autrui figurant dans le contrat de consignation à fin de sûreté conclu entre le débiteur et le consignataire fait naître une créance en faveur du créan�cier, qui tend à l’exécution de la consignation.

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285Chapitre IV : Les conventions de contrôle

qui est nécessaire à l’existence de la sûreté. En conséquence, la conclusion de la convention de contrôle en faveur du tiers bénéficiaire produit l’effet typique de la stipulation pour autrui, déclenché par la promesse du pro-mettant au stipulant. L’octroi du pouvoir d’instruction dépend donc de la convention de contrôle passée entre le titulaire de compte et le dépositaire et ne fait pas partie de l’acte de disposition stricto sensu, ni ne le contient. La créance acquise par le bénéficiaire a pour objet un pouvoir d’ins-truction à l’égard du dépositaire relatif aux titres visés par la sûreté. Cette créance se définit en conséquence par rapport à la relation de compte entre le dépositaire et le titulaire du compte de titres. Le bénéficiaire ne devient pas partie au contrat liant le titulaire de compte et le dépositaire, mais bénéficie d’un pouvoir que le titulaire de compte ne peut pas révoquer puisque l’exécution de ces instructions intervient sans son consentement ni son concours. L’octroi de la créance au bénéficiaire de la convention crée un rapport juridique sui generis entre lui et le dépositaire. En effet, sa créance n’est pas soumise à certaines limites découlant du droit du man-dat, qui peuvent exister pour la convention de compte. En particulier, le droit du bénéficiaire de donner des instructions au dépositaire ne peut pas lui être refusé pour le motif que l’instruction serait contraire au mandat reçu. En outre, la révocabilité du mandat reçu par le dépositaire est condi-tionnée au maintien de la sûreté du bénéficiaire 183. Vu le lien entre la convention de contrôle et le compte de titres, il convient impérativement d’identifier dans la convention de contrôle le ou les compte(s) sur le(s)quel(s) sont crédités les titres faisant l’objet de la sûreté. Si un compte du constituant auprès du dépositaire n’est pas men-tionné dans la convention de contrôle, le bénéficiaire n’a pas de contrôle sur les titres qui y sont crédités et ceux-ci ne font pas partie de l’assiette de la sûreté constituée, même s’ils sont par ailleurs visés par le contrat de sûreté passé entre le constituant et le preneur de sûreté.

bb. Le droit du bénéficiaire à la connaissance de la conclusion de la conven-tion de contrôle. Nous sommes d’avis que la structure et le but même de la convention de contrôle fondent un droit du bénéficiaire à être in-formé de la conclusion de la convention de contrôle et de son contenu. La fonction essentielle de la convention de contrôle justifie un tel droit à l’information.

183 Voir infra chap. IV, § 2, B. 1. a. ii, p. 297, et b. ii, p. 300.

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A teneur du Message du Conseil fédéral, “La convention entre le titu-laire de compte et le dépositaire doit être irrévocable en ce sens qu’elle ne peut être modifiée ou supprimée sans le consentement du bénéficiaire de la sûreté” 184. Le contrôle qui doit être exercé par le bénéficiaire implique que celui-ci soit dûment informé de la conclusion d’une convention de contrôle en sa faveur. A défaut, le consentement à une éventuelle modification de la convention de contrôle ou même la communication d’une instruction du bénéficiaire au dépositaire n’est simplement pas possible. En outre, la loi ne peut pas prescrire que la convention de contrôle garantit l’irrévocabilité du droit du bénéficiaire et, en même temps, se satisfaire de ce que le bénéfi-ciaire puisse rester dans l’ignorance quant à l’existence de son droit, avec la conséquence que son exercice n’est pas possible. Admettre la constitution de la convention sans assortir cette constitution d’un devoir d’informer rendrait vain le résultat visé par l’octroi du contrôle sur les titres. Dès lors, il n’est possible de retenir que le contrôle a été valablement octroyé au bé-néficiaire que si ce dernier a été informé de la conclusion de la convention de contrôle en sa faveur. L’obligation d’informer le bénéficiaire se justifie également sur la base des considérations posées plus haut quant à la préservation de la sécurité des transactions au moyen du respect des prescriptions relatives à la publi-cité nécessaire à l’accomplissement de l’acte de disposition dans un but de sécurité juridique 185. Même si la convention de contrôle n’est pas une me-sure traditionnelle de publicité de la sûreté constituée, elle assure les fonc-tions d’un instrument de publicité adapté au système d’intermédiation 186. La mainmise du bénéficiaire par le biais du contrôle permet en effet d’at-teindre les deux buts de la publicité des sûretés, qui résulte soit de la pos-session soit d’une inscription dans un registre. Tout d’abord, l’information des tiers a lieu par le fait que les titres contrôlés ne peuvent entraîner la croyance qu’ils sont libres de droits. La nécessité pour le titulaire de compte de passer par la conclusion d’une autre convention de contrôle en faveur d’un second créancier assure une information de celui-ci quant à la sûreté préexistante. Par ailleurs, ce mécanisme de contrôle évite que le titulaire d’un actif ne puisse en altérer la substance en conférant un droit à un tiers

184 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869 s.185 Afin de favoriser la sécurité juridique, Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts,

p. 89, estiment que le tiers bénéficiaire devrait recevoir une notification.186 Voir supra chap. II, § 4, C. 2, p. 134, 3, p. 135, et 4, p. 136.

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sans le consentement du créancier qui exerce le contrôle. Le dépositaire, pivot du mécanisme de contrôle, assure la possibilité qu’un transfert, par hypothèse, ordonné par le titulaire de compte et qui mettrait en péril la sûreté d’un bénéficiaire ne serait pas exécuté.  Au vu du texte de l’art. 25 al. 1 LTI et de la logique de la stipulation pour autrui, il nous semble que l’obligation de notifier de la conclusion de la convention de contrôle incombe au dépositaire 187. En effet, c’est le dépo-sitaire qui prend un engagement vis-à-vis du tiers. Toutefois, en fonction des circonstances et du mode de conclusion de la convention de contrôle, s’il s’agit d’une convention tripartite ou si le constituant et le bénéficiaire ont établi un document qu’ils font contresigner au dépositaire (notice of pledge), ce dernier pourra clairement établir qu’il n’a pas besoin de notifier la conclusion de la convention de contrôle au bénéficiaire parce que celui-ci ne sera, justement, pas un tiers au regard de la convention de contrôle.

cc. Nécessité de la manifestation de volonté du bénéficiaire et absence de droit de refus. Il n’est pas possible d’admettre que la stipulation pour autrui contenue dans la convention de contrôle entraîne l’accomplissement de l’acte de disposition. Cela se heurterait à la problématique du droit de refus du bénéficiaire. Nous avons vu que l’application analogique de l’art. 112 CO à un acte de disposition ne supprime pas le droit de refus du bénéficiaire 188. Cette faculté n’est pas remise en question par les auteurs qui admettent la possibilité d’accomplir un acte de disposition au moyen d’une stipulation pour autrui. C’est d’ailleurs la perspective d’un refus du bénéficiaire avec un effet ex tunc qui pousse certains auteurs à n’admettre l’application de la stipulation pour autrui à un acte de disposition que moyennant le respect des prescriptions de publicité qui assurent la sécurité des transactions. Le respect de ces prescriptions, parce qu’elles nécessitent la manifestation de volonté du bénéficiaire qu’il souhaite acquérir la sûreté qui est constituée en sa faveur, sert de fondement à une manifestation de volonté d’acquérir le droit visé et empêche de ce fait la possibilité d’un refus. Or donc, l’effet patrimonial constitutif de la sûreté envisagée ne peut être produit par la seule conclusion de la convention de contrôle. L’accord

187 Dans la même sens, Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 71, qui men�tionne que l’accord entre le titulaire de compte et le dépositaire est déclaré par ce dernier au tiers bénéficiaire.

188 Voir supra chap. IV, § 2, A. 2. a. i, p. 278.

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entre le titulaire de compte et le dépositaire ne peut avoir d’effet patrimo-nial à l’égard du créancier garanti que si ce dernier manifeste sa volonté, au moins tacitement, d’être le bénéficiaire de l’acte de disposition du titulaire de compte 189. En conséquence, l’acte de disposition stricto sensu n’est pas la convention de contrôle en tant que telle, mais est un acte juridique bilaté-ral, qui réunit la manifestation de volonté du disposant de constituer la sû-reté et la manifestation de volonté correspondante du bénéficiaire de l’ac-quérir. Cet acte juridique bilatéral doit en conséquence au moins contenir les éléments essentiels à l’acte de disposition, à savoir la volonté de créer la sûreté convenue en faveur du créancier garanti sur les titres déterminés 190. L’octroi irrévocable du contrôle par le dépositaire au tiers bénéficiaire doit en revanche faire partie de la convention de contrôle conclue entre le dépo- sitaire et le titulaire du compte et désigner les titres soumis à ce contrôle. En fonction des circonstances entourant la conclusion de la conven-tion de contrôle, le siège de la manifestation de volonté du bénéficiaire pourra se situer dans le titre d’acquisition ou résulter d’un avis de mise en gage (notice of pledge) rédigé conjointement par le constituant et le béné-ficiaire, ou d’un comportement ultérieur. Dans cette perspective, le droit du bénéficiaire d’être informé de la conclusion de convention de contrôle joue, à nos yeux, un rôle important. En effet, la notification de la conven-tion de contrôle au bénéficiaire lui permet d’approuver la constitution de la sûreté par tout moyen qui lui paraît adéquat et favorise l’admission d’une manifestation tacite en fonction de son comportement postérieur à la noti-

189 Du même avis, Foëx, Les actes de disposition, p. 96 ; Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p. 91 et 118  s. ; contra : clairement, Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 20, qui considèrent que la conven� tion de contrôle constitue l’acte de disposition ; apparemment également Kunz, Le�Le�gislative Aktivitäten, p. 51, à la note 155 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 118 ; Eggen, Sicherheiten an Wertrechten, p. 123, à la note 67 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’ob� jet et le rang, p. 332, à la note 35 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 391, n. 16 s. ad art. 25 LTI, qui estiment tous que la convention de contrôle est constitu�tive de l’acte de disposition et qu’elle contient une stipulation pour autrui, sans expli�quer que cette stipulation ne peut pas permettre d’accomplir un acte de disposition au sens strict ; voir également Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 89, qui recommandent l’inclusion du tiers bénéficiaire dans la convention de contrôle pour des motifs d’ordre pratique tenant à la clarté de la situation, mais non en raison du fait que l’absence de manifestation de volonté du tiers empêcherait la naissance de la sûreté.

190 Au sujet de la détermination de l’assiette de la sûreté, voir infra chap.  IV, § 2, C, p. 314.

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289Chapitre IV : Les conventions de contrôle

fication. Il n’est peut être même pas exclu qu’en fonction des circonstances (notamment les termes du titre d’acquisition), le silence du bénéficiaire puisse être interprété selon le principe de la confiance comme étant un acquiescement tacite à l’acquisition de la sûreté qui lui a été notifiée 191. Une telle manière de voir pourrait trouver son fondement dans la nature parti-culière du système d’intermédiation, qui certes nécessite une flexibilité de-vant servir à préserver la sécurité juridique, mais qui offre en contrepartie l’avantage d’être un système clos mis en œuvre par des opérateurs qualifiés dont les activités sont soumises à une surveillance étroite.

b. En cas de convention en faveur du dépositaire

Nous rappelons ici que nous avons choisi de dénommer également “conven-tion de contrôle” la convention conclue entre le titulaire de compte et le dépositaire dans le but de constituer une sûreté en faveur de ce dernier. Les motifs de ce choix sont inhérents à l’analyse de la nature juridique de cette convention, exposée ci-après.

i. La distinction avec le contrat de sûreté

L’analyse de la convention en faveur du dépositaire selon l’art. 26 LTI né-cessite d’opérer une clarification fondamentale. Il convient de distinguer le titre d’acquisition (le contrat de sûreté) et l’acte de disposition (qui est

191 Voir l’ATF 4C.376/1991, du 20 septembre 1994, consid. 2. b. aa), reproduit dans Krauskopf, Der Vertrag �ugunsten Dritter, p. 456 ss, pour un exemple d’une telle interprétation du silence d’un débiteur en relation avec une offre de remise de dette qui lui avait été signifiée. Toutefois, il est vrai que la remise de dette est exclusive�ment dans l’intérêt du débiteur, à la différence de l’acquisition d’un droit, qui peut également présenter des charges (voir Weber / Skripsky, Verfügungen �ugunsten Dritter, p. 258) ; nous pensons particulièrement à l’acquisition de la titularité fidu�ciaire à fin de sûreté ou d’un gage irrégulier sur des titres intermédiés. Il se peut que cette acquisition déclenche le franchissement d’un seuil légal de participation dans une entreprise au moins cotée partiellement à la bourse suisse qui aurait pour conséquence de soumettre le créancier garanti à l’obligation d’effectuer une annonce à la société émettrice et à la bourse, conformément à l’art. 20 al. 1 LBVM (contra : Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 18, qui considèrent que la constitution de sûreté par convention de contrôle ne permet pas l’acquisition de la titularité des titres visés).

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constitué de la convention de contrôle) 192. Le contrat de sûreté est l’acte gé-nérateur de l’obligation de constituer la sûreté. Il contient toutes les condi-tions que les parties souhaitent poser à la constitution de la convention de contrôle. La convention de contrôle, quant à elle, vise à créer la sûreté par l’octroi de la maîtrise des titres servant de garantie. L’exigence de la conclusion d’une convention de contrôle, ancrée à l’art. 26 al.  1 LTI, fait donc partie des conditions de l’accomplissement de l’acte de disposition. Certains auteurs semblent pourtant traiter la convention prévue à l’art. 26 al. 1 LTI comme un acte générateur d’obligations et non comme une partie intégrante de l’acte de disposition affectant le patrimoine du disposant 193. Selon nous, cette opinion ne peut être suivie. L’interprétation téléologique et systématique de l’art. 26 LTI confirme que la convention dont il y est question a bien pour objet l’acte de dis-

192 Voir, dans ce sens, Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 577, à la note 48, au sujet de la convention de contrôle prévue à l’art. 25 al. 1 LTI : “Diese ‘Kontrollverein-barung’ ist vom Sicherheitsvertrag zwi schen Sicherungsnehmer und Sicherungsgeber zu unterschei den. Während der Sicherungsvertrag sämtliche Modalitäten der Sicherungsbe-stellung zwischen den Parteien adressiert, hat die Kontrollvereinbarung (basierend auf dem Sicherungsvertrag) in erster Linie die Weisungsbefugnisse von Sicherungsgeber und Si cherungsnehmer gegenüber der kontoführenden Bank zu regeln”.

193 Foëx, Les actes de disposition, p. 97 : “A mon sens, la convention prévue à l’art. 26 al. 1 LTI constitue l’acte générateur de l’obligation de constituer la sûreté. Elle doit être suivie d’un acte de disposition, acte juridique bilatéral, accompli généralement tacite-ment […]” ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 138 “La loi ne précise pas quel doit être le contenu de cette convention [celle de l’art. 26 LTI] ; il s’agit d’un contrat de sûreté, devant à tout le moins désigner les parties, le type de sûreté à créer, les titres qui en feront l’objet et la créance garantie […]” ; cf. Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 68, qui suit Bénédict Foëx ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 93 : “Grund-lage bildet eine Vereinbarung zwischen Verwahrungsstelle und Kontoinhaber (Art. 26 Abs. 1 BEG). Es handelt sich – auch wenn das Gesetz dies nicht explizit sagt – um eine Sicherungsvereinbarung. Damit sind die Standardverträge der Banken zur Begründung von Sicherheiten (Pfandvertrag, Sicherungsübereignung, etc.), aber auch die Pfandklau-seln in Allgemeinen Geschäftsbedingungen gemeint” ; voir également Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 402 s., n.  14  ss ad art. 26 LTI, qui semble considérer que la convention de l’art. 26 al. 1 LTI est un contrat de sûreté (“Security Agreement”), par opposition à une convention de contrôle, mais qui retient tout de même que : “The security agreement automatically includes a control agreement, since the account holder and the custodian must irrevocably agree that the custodian may liquidate the intermediated securities without any further consent or cooperation on the part of the account holder […]” ; voir aussi Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 491, n. 76 ss.

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position et non le contrat de sûreté. D’une part, la LTI n’a pas pour but de régir l’acte générateur de l’obligation de disposer d’un titre intermédié, mais règle les conditions et certains effets de l’acte de disposition. Ceci est exprimé très clairement dans le Message du Conseil fédéral en rela-tion avec le droit de gage : “[…] la LTI n’a pas pour objet de réglementer le contrat constitutif de gage en tant qu’acte causal de l’acte de disposition de droits réels” 194. D’autre part, la systématique de l’art. 26 LTI le situe dans la section 1 du chapitre 5 de la loi, qui vise les actes de disposition (Ver-fügung über Bucheffekten ; facoltà di disporre dei titoli contabili). Enfin, il nous semble contradictoire que ces auteurs soutiennent que la LTI ne régit pas le titre d’acquisition, puis de considérer que la convention introduite par l’art. 26 al. 1 LTI en serait un 195. Il ne ressort ni des travaux préparatoires ni du texte de la loi ou de sa systématique que la convention prévue à l’art. 26 al.  1 LTI viserait autre chose que celle prévue à l’art. 25 al.  1 LTI 196. Au contraire, dans l’avant-projet, les deux conventions de contrôle étaient réglées dans la même dis-position, l’art. 22 AP-LTI. Il découle d’ailleurs de cette “parenté” entre les deux conventions de contrôle que l’art. 25 al. 2 LTI, qui concerne la déter-mination de l’assiette de la sûreté constituée par convention de contrôle en faveur d’un tiers, est également applicable à la sûreté constituée par le biais de l’art. 26 al. 1 LTI 197. Selon nous, la confusion entre titre d’acquisition et acte de disposition est tout d’abord favorisée par le fait que le texte l’art. 26 al. 1 LTI ne men-tionne que “la conclusion d’une convention”, sans autre élément. A la dif-férence de l’art. 25 al. 1 LTI, qui renferme les éléments de base de la conven-tion de contrôle et qui rend de ce fait identifiable que son contenu ne relève pas du contrat de sûreté, mais de son exécution. Le caractère laconique

194 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869.195 Voir, par exemple, Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p.  155 s. ; Hess /

Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 93 et p. 95.196 Voir Thévenoz, Saut épistémologique, p. 709, qui traite les deux conventions comme

une seule forme d’acte de disposition.197 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 337 s. ; Hess / Stöckli, Bestellung

von Sicherheiten, p. 157 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 23 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 403, n. 18 ad art. 26 LTI ; voir, cependant, Foëx, Les actes de disposition, p. 99 et Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 139, qui semble douter que l’art. 25 al. 2 LTI soit applicable à la sûreté conclue sur la base de l’art. 26 LTI.

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de l’art.  26 al.  1 LTI découle de la position du dépositaire, qui implique naturellement le contrôle des titres dont il tient le compte 198.De surcroît, nous pensons que cette confusion est un héritage idéologique de la distinction faite entre la mise en gage de créances incorporées et la mise en gage de créances non incorporées et du traitement du contrat de gage sur les valeurs du déposant dans les conditions générales des dépo-sitaires. La référence à l’insertion du contrat de gage dans les conditions générales du dépositaire constitue la motivation principale du Message du Conseil fédéral au sujet de l’art. 26 LTI, ainsi que du rapport d’experts rela-tif à l’art. 22 al. 2 AP-LTI 199. La doctrine et la jurisprudence admettent que la forme écrite, requise par l’art. 900 al. 1 et 3 CC lors de la mise en gage de créances non-incorporées dans un papier-valeur ou d’autres droits, concerne le contrat de gage générateur de l’obligation de constituer la sû-reté. Ce faisant, le contrat de gage revêt également la fonction d’un acte de disposition 200. La motivation à la base de ce raisonnement réside dans la préservation de la sécurité des transactions, puisque l’objet du gage n’est pas matérialisé, aucun acte matériel de publicité n’est possible. La forme écrite assure alors une certaine publicité à la transaction 201. En réalité, cette opinion ne nous semble pas correspondre à la systé-matique du Code civil. Nous sommes d’avis que la forme écrite visée à l’art.  900 al.  1 et 3 CC concerne l’acte de disposition, à savoir l’engage-ment proprement dit, mais non le contrat de gage qui fonde l’obligation de constituer la sûreté. Ce faisant nous partageons le constat auquel parvient Dieter Zobl 202. Il met la mise en gage des créances en relation avec le mé-canisme de transfert des créances, qui prévoit que le contrat générateur de l’obligation de céder la créance (pactum de cedendo) ne nécessite pas la forme écrite pour être valable, tandis que la loi prescrit à l’art. 165 CO que c’est la cession de créances, à savoir l’acte de disposition, qui doit revêtir

198 Voir infra chap. IV, § 2, A. 2. b. ii, p. 293.199 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870 s. ; Groupe de travail LTI, Rapport explicatif

LTI, p. 71 s.200 Voir, entre autres, Steinauer, Droits réels III, p. 509, n. 3208g ; Zobl, Berner Kom�

mentar II, p. 271, n. 35 s. ad art 900 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2152, n. 2 ad art. 900 CC ; Krummenacher, Verpfändung von Namenaktien, p. 80 ss ; ATF 116 III 82/84=JdT 1992 II 112/114 s., consid. 3) ; ATF 105 III 117/120 s.=JdT 1981 II 47/50 s., consid. 2 a) et b).

201 Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 442, n. 13 ad art. 900 CC ; Foëx, Contrat de gage, p. 166 s., n 440 ; Krummenacher, Verpfändung von Namenaktien, p. 80.

202 Zobl, Berner Kommentar II, p. 272, n. 37 ad art 900 CC.

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293Chapitre IV : Les conventions de contrôle

la forme écrite. Il retient qu’il est douteux que le législateur ait eu à l’esprit le contrat de gage lorsqu’il a posé l’exigence de la forme écrite, mais visait bien plutôt l’acte de disposition 203. Il s’appuie enfin sur la réglementation de la mise en gage des créances non-incorporées dans un papier-valeur figurant à l’art. 215 de l’ancien Code fédéral des obligations de 1881, où c’est l’acte de disposition qui revêtait la forme écrite, comme cela prévalait dans la cession de créance.

ii. La double fonction : l’octroi du contrôle et l’acte de disposition stricto sensu

Dans le cas de la constitution d’une sûreté en faveur du dépositaire, la convention de contrôle ne prend pas la forme d’une stipulation pour autrui. Il n’y a en effet pas de tiers impliqué dans le mécanisme de constitution de la sûreté. Il en découle que la constitution d’une sûreté en faveur du dépo-sitaire sur des titres qui sont crédités sur un compte qu’il tient lui-même ne peut pas intervenir par une convention de contrôle selon l’art. 25 al. 1 LTI, 2e hypothèse 204. La convention prescrite à l’art. 26 LTI réunit en un seul acte juridique les deux étapes qui suivent la conclusion du contrat de sû-reté. Il s’agit de l’octroi du contrôle au créancier et de l’acte de disposition bilatéral passé entre le disposant et le dépositaire bénéficiaire de l’acte de disposition. Ainsi, l’acte de disposition stricto sensu est un acte juridique bilatéral qui réunit la manifestation de volonté du disposant de constituer la sûreté et la manifestation de volonté correspondante du bénéficiaire de l’acquérir. A la différence de la situation concernant le contrôle en fa-veur d’un tiers, la convention en faveur du dépositaire est toujours le siège d’un acte de disposition bilatéral entre le titulaire de compte disposant et le dépositaire qui est bénéficiaire de l’acte de disposition. La convention conclue entre le dépositaire et le titulaire de compte doit contenir les élé-ments essentiels à l’acte de disposition, à savoir la volonté de créer la sûreté convenue en faveur du créancier garanti sur les titres déterminés 205. Ainsi,

203 Il s’appuie pour cela sur les opinions de Wieland, Das Sachenrecht, p. 471 s., n. 2a ad art. 900 CC, et de Leemann, Beschränkten dinglichen Rechte, p. 1142, n. 12 ad art. 900 CC.

204 Du même avis, Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicher�Sicher�heiten, p. 23.

205 Au sujet de la détermination de l’assiette de la sûreté, voir infra chap.  IV, § 2, C, p. 314.

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bien que l’art. 26 al. 1 LTI ne le mentionne pas, la convention doit en outre contenir l’octroi irrévocable du contrôle au dépositaire par le titulaire du compte sur les titres concernés.

B. L’octroi irrévocable du contrôle

1. En cas de convention en faveur d’un tiers

Il convient de rappeler que le pouvoir de contrôle est conféré au bénéfi-ciaire de la sûreté au moyen d’une stipulation pour autrui. Cela signifie que le tiers acquiert une créance contre le dépositaire. Le contenu de cette créance est façonné par la nature juridique du contrôle, c’est-à-dire par les facultés effectivement octroyées au bénéficiaire afin que le contrôle soit efficace pour atteindre son but.

a. La nature du contrôle

i. L’étendue du pouvoir d’instruire en vue de la réalisation de la sûreté

L’art. 25 al. 1 LTI ne décrit pas le contenu du contrôle que le tiers bénéfi-ciaire de la convention peut exercer sur les titres visés par la sûreté. En référence à l’art. 9 du Uniform Commercial Code du droit américain qui, qu’on le veuille ou non, sert incidemment de point de repère à défaut d’être un modèle avoué, il est permis en tout cas de retenir que le contrôle pro-cure la faculté matérielle et concrète – non seulement juridique – pour le bénéficiaire d’une sûreté de gérer, de faire gérer ou de gérer en commun un actif 206. Le contrôle au sens du UCC peut prendre la forme d’un pouvoir d’instruire le dépositaire des actifs ou s’acquérir par le transfert d’avoirs sur le compte du créancier garanti afin de permettre au créancier de faire réaliser les titres sans le consentement ou le concours du constituant 207. Dans le cas de la convention de contrôle prévue par l’art. 25 al. 1 LTI, le tiers est au bénéfice d’un droit de créance dirigé contre le dépositaire qui lui permet de donner des instructions sans nouveau consentement ni

206 Eigenmann, Effectivité, p. 214, n. 731 et p. 394 s., n. 1328 ss. 207 Sigman, Perfection and Priority, p. 150.

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295Chapitre IV : Les conventions de contrôle

concours du titulaire du compte. Ainsi, le créancier garanti a la faculté de donner tout type d’instructions au dépositaire. Son pouvoir est com-plet et n’est pas limité par une disposition de la LTI. L’instauration du contrôle n’a qu’un but : permettre au titulaire d’exercer une maîtrise effec-tive des titres intermédiés en vue de la réalisation du risque couvert par la sûreté 208. Ceci est confirmé par les travaux préparatoires. Le Message du Conseil fédéral mentionne en effet que “si la sûreté doit être exécutée, son bénéficiaire pourra disposer des titres intermédiés sans nouvel accord du constituant”209. Le pouvoir d’instruire signifie donc que les titres inter-médiés doivent être à la disposition du tiers bénéficiaire afin de préserver ses droits. Autre est la question de savoir si le pouvoir juridique inhérent à la titularité de la sûreté (gage ou titularité des titres intermédiés) ou la convention de sûreté prévoyant les conditions d’un éventuel droit de réa-lisation privée permettent, sur le fond, au bénéficiaire de la convention de contrôle de donner l’instruction en cause. La validité matérielle de l’instruction ne concerne pas le dépositaire. D’une part, ce dernier n’est pas tenu de vérifier si les conditions de réalisa-tion de la sûreté sont remplies, conformément à l’art. 31 al. 3 LTI 210. D’autre part, l’art. 31 al. 4 LTI instaure une responsabilité spécifique du bénéficiaire de la sûreté dans la réalisation des titres, qui déroge au régime général de la responsabilité du dépositaire prévu à l’art. 33 LTI 211. Enfin, le système de constitution des sûretés de la LTI peut conduire à ce que le dépositaire soit dans l’ignorance complète du pouvoir juridique réel du bénéficiaire,

208 Voir aussi, Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p. 144 ss.209 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869.210 Cette exemption ne vaut pas si le dépositaire a accepté d’assumer des obligations

en relation avec la réalisation de la sûreté dans la convention de contrôle, voir supra chap. IV, § 2, A. 1. b. i, p. 273.

211 Nous sommes d’avis que l’art. 31 al. 4 LTI a une portée générale et n’est pas limité aux cas où une clause de réalisation privée est prévue par les parties. Dans la perspective du dépositaire, il ne fait aucune différence que les parties au contrat de sûreté aient prévu une clause de réalisation privée ou non, tant qu’il n’a pas connaissance des conditions auxquelles la sûreté peut être réalisée ou qu’il ne s’est pas engagé dans la convention de contrôle à assumer certaines obligations concernant la réalisation de la sûreté ; contra : Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 500, n. 55. Autre est la question d’apprécier le comportement du dépositaire qui commet une négligence dans le cadre de son activité en transférant par exemple des titres intermédiés sur instruction du titulaire de compte au mépris d’une instruction contraire du bénéficiaire ; voir aussi Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 129.

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qui peut parfaitement inclure le droit de vendre les titres immédiatement après la constitution de la sûreté, comme cela est possible en cas de gage irrégulier. A notre avis, l’étendue du pouvoir d’instruction qui compète au bé-néficiaire de la convention de contrôle en relation avec l’objet de la sûreté ne peut pas être conventionnellement réduite à la possibilité d’ordonner seulement certains types d’actes, si ces types d’actes ne permettent pas de préserver la sûreté afin que celle-ci puisse effectivement remplir son but de garantie. La raison à cela est qu’une limitation de pouvoir, même ini-tialement prévue pour ne pas entraver le pouvoir du créancier de procéder à la réalisation des titres en cas d’exigibilité de la dette, pourrait rendre le contrôle inopérant en fonction de circonstances non envisagées au mo-ment de la constitution de la sûreté. Les parties pourraient, par exemple, vouloir limiter le droit du bénéficiaire à la seule possibilité d’autoriser ou non le dépositaire à exécuter un ordre de transfert ou de vente de tout ou partie des titres émanant du titulaire de compte. Elles pourraient aussi vouloir limiter le droit du bénéficiaire à instruire le dépositaire pendant une certaine période après la conclusion de la convention de contrôle ou conditionner sa création ou sa suspension temporaire à la survenance de différents évènements certains ou incertains. Nous sommes d’avis que dans de tels cas, le contrôle ne serait pas suffisant pour créer la sûreté. En effet, il doit permettre au bénéficiaire de parer toute éventualité (fluctuations de cours, comportement soudain du débiteur tel qu’une suspension de paie-ments, acte de dissimulation ou portant atteinte à la valeur des titres). Si un type d’instruction n’est pas permis au bénéficiaire, le dépositaire ne pourra pas y donner suite, même si cette instruction est conforme aux conditions du contrat de sûreté (conforme aux conditions de réalisations de la sûreté ou à une autre clause de ce contrat). En réalité, introduire une limitation du type d’instruction que le bénéficiaire de la convention peut donner au dépositaire revient à introduire dans la convention de contrôle des condi-tions qui relèvent en réalité soit du type de sûreté constituée, soit de faits qui anticipent sur les conditions de réalisation de la sûreté. Une telle inter-dépendance entre la convention de contrôle et les conventions qui peuvent intervenir entre le constituant et le preneur de sûreté n’est pas prévue par le système de la LTI, qui isole le contrôle sur les titres du droit de fond qui résulte des effets du contrat de sûreté.

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297Chapitre IV : Les conventions de contrôle

ii. La relation sui generis entre le dépositaire et le bénéficiaire de la convention de contrôle

Les caractéristiques du pouvoir d’instruction que nous venons de men-tionner distinguent celui-ci du pouvoir d’instruction dont jouit le titulaire de compte, tel qu’il peut découler du contrat de mandat. En effet, le pou-voir d’instruire qui est créé en faveur du tiers repose sur une relation sui generis, puisque la position juridique du dépositaire face à ces instructions n’est pas la même que face aux instructions qu’il pourrait recevoir dans le cadre d’un mandat. Dans le contrat de mandat, le mandataire doit rendre un service et exécute ses obligations de manière indépendante. Il s’ensuit que le pouvoir du mandant de donner des instructions au mandataire peut être limité en plusieurs circonstances 212. Par ailleurs, les instructions du mandant sont, hormis la définition de pouvoirs de représentation du man-dataire, des offres faites en vue de l’exécution du mandat 213. Au contraire, dans le cadre de la convention de contrôle, le dépositaire n’est pas chargé de veiller en toutes circonstances aux intérêts du bénéficiaire. Il doit se borner à être un moyen pour ce dernier de maîtriser l’objet de la sûreté sans assumer de devoir de conseil ou de mise en garde. Il ne peut juridi-quement pas refuser d’exécuter une instruction du bénéficiaire à partir du moment où cette instruction repose sur une convention de contrôle valable et qu’elle n’est pas illicite. Admettre le contraire reviendrait à mettre en péril la définition des obligations du dépositaire envers le titulaire compte et engendrerait un conflit d’intérêts potentiel insupportable, tant dans la perspective du respect des obligations qui lient le dépositaire envers le ti-tulaire de compte que pour la crédibilité et l’intérêt de la création d’une sûreté par convention de contrôle.

iii. Le droit d’être renseigné

La convention de contrôle doit assurer au bénéficiaire de la sûreté qu’il exer-cera un contrôle effectif des titres concernés. Comme en cas de stipulation

212 Il s’agit notamment des cas d’urgence nécessitant éventuellement une intervention contraire aux instructions, du cas d’instructions déraisonnables, du cas d’instruc�tions illicites ou contraires aux mœurs et du cas d’instructions contraire au contenu du contrat fixé en commun avec précision, cf. Tercier / Favre, Contrats spéciaux, p. 770 s., n. 5133 à 5137.

213 Tercier / Favre, Contrats spéciaux, p. 771, n. 5138.

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298 Joël Leibenson

pour autrui classique, le tiers bénéficiaire de la stipulation ne devient pas partie à la relation contractuelle liant le stipulant et le promettant. Ainsi, le bénéficiaire de la sûreté ne devient pas partie à la relation de compte entre le dépositaire et le titulaire de compte. Cet élément irait plutôt dans le sens d’une opposabilité du secret bancaire 214 au bénéficiaire de la convention, sauf libération expresse du dépositaire par le titulaire de compte. Cepen-dant, à considérer le but du contrôle et l’étendue du pouvoir que la faculté d’instruire le dépositaire est censée procurer au tiers, il nous semble que ce dernier ne devrait pas avoir besoin d’être au bénéfice d’une convention expresse afin de pouvoir être complètement renseigné sur la situation des titres visés. Il apparaît en effet contradictoire de prétendre que l’octroi du contrôle par le titulaire de compte ne peut signifier, au moins tacitement, une renonciation au secret bancaire dans la mesure nécessaire à l’exécu-tion de la convention de contrôle. Il faut bien considérer que le contrôle ne concerne que les titres frappés par la sûreté 215. Il n’autorise pas le béné-ficiaire de la convention de contrôle à obtenir des renseignements sur un éventuel compte monétaire, même si un tel compte est lié au compte de titres visé par la convention contrôle en application du contrat qui régit les relations entre le dépositaire et le titulaire de compte. Le contrôle, matérialisé par le droit d’instruire le dépositaire, implique donc la faculté de se faire renseigner par le dépositaire sur la situation concernant la sûreté 216. Le droit aux renseignements est le corollaire du contrôle. Nous avons vu la nécessité de l’information du bénéficiaire pour la naissance de son droit. Il en va de même pour son exercice. A défaut, le contrôle n’est pas effectif. En effet, sans possibilité de connaître toutes les informations relatives aux titres et au comportement du titulaire du compte, le bénéficiaire de la sûreté n’est pas en mesure de prendre les dis-positions adéquates, comme par exemple une restriction du pouvoir d’ins-truction du titulaire de compte ou une vente d’urgence. Le droit aux renseignements doit permettre au preneur de sûreté de bénéficier du niveau d’information suffisant afin de prendre ses décisions

214 Lorsque celui�ci est applicable, cf. la définition du dépositaire à l’art. 4 al. 2 LTI. 215 Par exemple, si ce sont seuls les titres de la société XYZ qui sont visés par la sûreté, le

bénéficiaire ne pourra, à notre avis, pas requérir un extrait complet de tous les titres crédités sur le compte du constituant. L’information délivrée par le dépositaire ne pourra porter que sur les titres XYZ.

216 Voir Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 91, qui préconisent l’octroi d’un droit de consultation au preneur de sûreté.

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299Chapitre IV : Les conventions de contrôle

sur les instructions qu’il entend donner au dépositaire. Le bénéficiaire peut donc au moins requérir du dépositaire qu’il lui délivre des attestations au sens de l’art.  16 LTI aussi souvent que les circonstances rendent néces-saire un nouvel état de la situation des titres sur le compte concerné. Cette mesure d’information doit permettre au bénéficiaire de la convention de contrôle de pouvoir assurer la surveillance effective des avoirs en compte de titres dans la mesure définie par l’assiette de la sûreté.

b. Le caractère irrévocable du contrôle

i. Au moment de la constitution de la sûreté

L’art. 25 al. 1 LTI définit la convention de contrôle comme une convention par laquelle le dépositaire s’engage irrévocablement à exécuter les instruc-tions du bénéficiaire de la sûreté. Cela ne ressort pas clairement du texte français de la disposition, mais celle-ci ne vise pas l’irrévocabilité d’un engagement du dépositaire envers le tiers, mais bien l’irrévocabilité de la convention conclue entre le dépositaire et le titulaire de compte 217. Ceci s’inscrit dans la logique de la stipulation pour autrui, qui fonde l’octroi du contrôle au tiers bénéficiaire. La notion d’irrévocabilité signifie que la convention entre le titulaire de compte et le dépositaire ne peut pas être modifiée ou supprimée sans le consentement du bénéficiaire de la sûreté 218. Il s’ensuit que la dette du dépositaire envers le bénéficiaire tendant à l’exécution de ses instructions ne peut pas être éteinte par le titulaire de compte. En d’autres termes, le titulaire du compte ne peut pas libérer le dépositaire de son obligation d’exécuter les instructions du créancier bénéficiaire de la convention de contrôle 219. Dans le cadre de la stipulation pour autrui ordinaire, l’art. 112 al. 3 CO prévoit que les stipulant et le promettant ne peuvent révoquer la créance du tiers que jusqu’à la déclaration d’adhésion du tiers par laquelle il com-munique qu’il entend exercer son droit. Cependant, l’art. 112 al. 3 CO est de

217 Les versions allemande et italienne du texte légal sont beaucoup plus claires : “[…] der Kontoinhaber mit der Verwahrungsstelle unwiderruflich vereinbart, dass […]” ; “[…] accordo irrevocabile tra il titolare del conto e l’ente di custodia […]” ; voir aussi Lanz, Aktientransfers, p. 209, à la note 68.

218 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869 s.219 Comparer avec l’art. 112 al. 3 CO.

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300 Joël Leibenson

droit dispositif et le stipulant et le promettant peuvent y déroger en conve-nant que la stipulation pour autrui pourra être révoquée en tout temps, même après l’adhésion du tiers bénéficiaire. Transposer une telle possibilité pour la constitution de la sûreté par convention de contrôle aurait fragilisé l’institution au point de la rendre inopérante. La stipulation pour autrui prévue par l’art. 25 al. 1 LTI doit donc être différente de celle qui repose sur la règle générale de l’art. 112 CO. Il ne serait en effet pas acceptable du point de vue de la sécurité juridique que la convention de contrôle puisse être révoquée par le titulaire de compte et le dépositaire après que la sûreté ait été constituée. L’incertitude est ici supprimée par le fait que la convention de contrôle ne peut être qu’irrévocable. Nous sommes ainsi d’avis que si le titulaire de compte et le dépositaire omettent de préciser le caractère irré-vocable de leur convention, celle-ci n’en demeure pas moins valable afin de constituer la sûreté et ne pourrait pas être révoquée par un accord ultérieur sans le consentement du tiers bénéficiaire de la sûreté. Il ne se justifie pas de subordonner l’effet constitutif de la convention de contrôle à la mention du terme “irrévocable” dans l’accord entre le titulaire de compte et le dé-positaire. Il doit en revanche ressortir de la convention de contrôle que le dépositaire maintiendra le contrôle pendant toute la durée de la sûreté et que ce dernier ne prendra fin que lorsque le bénéficiaire lui communiquera – de préférence par écrit – que la ou les créances garanties sont éteintes. Il doit absolument pouvoir être déduit de la convention de contrôle qu’elle est conclue pour constituer une sûreté au tiers bénéficiaire. Cette carac-téristique est nécessaire pour provoquer l’effet d’irrévocabilité exigé par la loi et distinguer une convention de contrôle d’un pouvoir d’instruction relatif au compte de titres reposant sur une simple procuration librement révocable.

ii. Au terme de la convention de compte

Vu que la convention de contrôle est conçue comme étant irrévocable et que son bénéficiaire ne devient pas partie à la convention de compte, qui comprend des éléments relevant du contrat de mandat 220, la nature juri-dique du rapport entre le créancier garanti et le titulaire de la sûreté, de même que l’incidence de la qualification de la relation de compte sur la pos-

220 Voir supra chap. II, § 2, B. 2, p. 87.

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301Chapitre IV : Les conventions de contrôle

sibilité de mettre un terme à la convention de contrôle sont des questions qui se posent de. Dans cette appréciation, il faut mettre en perspective les intérêts divergents du dépositaire et du titulaire de la sûreté. D’un côté, le pouvoir de contrôle du bénéficiaire doit jouir d’une stabilité et d’une sécu-rité juridique accrue. De l’autre, la situation du dépositaire peut nécessiter qu’il puisse tout de même mettre un terme à sa position d’intermédiaire entre le titulaire de compte et le bénéficiaire de la sûreté. La créance du bénéficiaire envers le dépositaire a un contenu analogue à ce qui pourrait découler d’un mandat, à savoir donner des instructions. Toutefois, la LTI fait de la convention qui fonde cette créance un accord irrévocable. Cette relation sui generis ne permet pas au dépositaire de mettre un terme au pouvoir du tiers sans son consentement. Il en va de la sécurité juridique et de la crédibilité de l’institution de la convention de contrôle. Cependant, la pérennité du droit du créancier garanti pourrait signifier qu’une fois que la convention de contrôle est conclue, le dépositaire ne dispose plus de la faculté de mettre un terme à la relation de compte de dépôt qui le lie au titulaire de compte tant que la sûreté existe. Or, une telle situation peut durer de très longues années 221, surtout si l’on est en présence d’un crédit renouvelable et que l’assiette de la sûreté est déterminée de la façon la plus large permise par l’art. 25 al. 2 LTI. Il peut ainsi s’avérer excessif d’obliger le dépositaire à assurer l’exécution de la convention de contrôle sur une très longue période. Il convient en conséquence d’admettre que le dépositaire a toujours la faculté de mettre un terme à la relation de compte à laquelle il est partie et donc également à la convention de contrôle. Néanmoins, le fait qu’il ait accepté d’être partie à la convention de contrôle qui donne naissance à une créance sui generis conditionne son droit à la répudiation du mandat et de la convention de contrôle à l’exigence que les titres soient crédités sur un compte ouvert auprès d’un nouveau dépositaire et au fait que le titulaire de compte conclue une convention de contrôle avec le nouveau dépositaire 222. Le droit de répudiation pourrait demeurer sans effet si le

221 Cela peut aller jusqu’à plusieurs décennies, par exemple dans le cas du gage général des banques, cf. Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 756, n. 453 ad art. 884 CC.

222 Cette obligation se fonde sur la même idée que celle qui préside à l’interdiction de résilier le mandat en temps inopportun. Le résultat n’aboutit pas au paiement de dommages�intérêts, mais à une obligation de participer au transfert des titres de façon à ce que le créancier bénéficiaire de la convention de contrôle ne perde pas sa sûreté.

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302 Joël Leibenson

titulaire de compte ne coopère pas. Il nous semble dès lors possible de dé-duire de l’art. 2 al. 1 CC un devoir du titulaire de compte 223 de procéder à tous les actes nécessaires pour que le transfert des titres sur un nouveau compte de titres et le report de la sûreté sur les titres nouvellement crédité se fasse au moyen d’une convention de contrôle conclue avec le nouveau dépositaire en faveur du créancier.

c. Le pouvoir d’instruction résiduel du constituant de la sûreté

i. La problématique

L’octroi d’un pouvoir d’instruction au tiers bénéficiaire pose la question des conséquences du maintien d’un éventuel pouvoir d’instruction rési-duel du titulaire de compte en relation avec les titres visés par la conven-tion de contrôle sur l’existence ou le maintien de la sûreté. A la différence du droit américain ou du droit européen 224, cette question n’est pas abor-dée par la LTI 225. Le Message du Conseil fédéral retient que l’art. 25 LTI est “conciliable” avec le principe du nantissement prévu à l’art. 884 al. 3 CC, puisque le constituant, “du fait même de la constitution de la sûreté, renonce à exercer une maîtrise exclusive sur ces titres”226. Si la référence au

223 Devoir qui ressortit à l’exécution conforme à la bonne foi des obligations du titulaire de compte découlant du contrat générateur de l’obligation de constituer la sûreté et de ne pas adopter un comportement susceptible de compromettre la garantie oc�troyée au preneur de sûreté.

224 Voir la section 8�106 UCC, sous�section (f) : “A purchaser who has satisfied the requi-rements of subsection (c) or (d) has control even if the registered owner in the case of subsection (c) or the entitlement holder in the case of subsection (d) retains the right to make substitutions for the uncertificated security or security entitlement, to originate instructions or entitlement orders to the issuer or securities intermediary, or otherwise to deal with the uncertificated security or security entitlement” ; voir l’art. 2 al. 2 de la Directive 2002/47/CE sur les contrats de garantie financière : “Le droit de substitution ou de retrait de l’excédent d’espèces ou d’instruments financiers remis à titre de garantie en faveur du constituant de la garantie ne porte pas atteinte à la garantie constituée au profit du preneur de la garantie visée dans la présente directive”.

225 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 134 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 90.

226 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870. Pour aller au bout de la comparaison, il faut se souvenir que la sûreté constituée par convention de contrôle peut également être la titularité pleine et entière des titres intermédiés (voir supra chap. IV, § 1, B, p. 244). Il

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303Chapitre IV : Les conventions de contrôle

principe du nantissement peut surprendre 227, l’idée qui sous-tend la com-paraison avec la dépossession est que le but que de l’octroi du contrôle est le même que celui visé par le transfert de possession des actifs matériels. En effet, s’agissant des sûretés mobilières en général, ce qui vaut aussi pour les titres intermédiés, Antoine Eigenmann constate que le contrôle est proche de la notion de possession, puisqu’il “est aux biens intangibles ce que la possession est aux biens tangibles : un pouvoir concret de décision sur l’avenir du bien grevé”228. Si l’on tire les conséquences de cette analogie et qu’on les transpose à la convention de contrôle, le titulaire de compte ne devrait pas pouvoir donner des instructions au dépositaire sans que le preneur de sûreté ne se prononce sur l’opportunité de les exécuter 229. La teneur du texte de l’art. 25 al.  1 LTI ne permet pas de déterminer si le pouvoir d’instruction résiduel est contraire à la notion du maintien de la dépossession. Il convient donc de présenter ci-dessous les principaux cas de figure qui peuvent se présenter et déterminer s’ils sont compatibles avec l’art. 25 al. 1 LTI.

ii. Le traitement du pouvoir résiduel du constituant

En posant l’exigence de l’octroi d’un contrôle au preneur de sûreté qui soit indépendant du consentement ou du concours du titulaire de compte, la loi n’exige pas qu’en contrepartie le constituant perde tout pouvoir de décision sur les titres visés 230.

en découle que dans un tel cas l’étalon de mesure de la perte de contrôle du consti�tuant ne devrait pas être l’art. 884 al. 3 CC, mais l’art. 717 CC. Nous verrons ci�dessous que l’esprit d’aucune de ces deux bases légales n’est transposable à la constitution de sûretés sur les titres intermédiés.

227 Voir Foëx, Les sûretés sur les titres, p.  135 ; Hess / Stöckli, Optik des Kapital�marktrechts, p. 89, à la note 44 ; tous relèvent que le renvoi opéré par l’art. 901 al. 3 CC rend l’art. 884 al. 3 CC inapplicable. Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 157, font référence à une exception légale de l’art. 884 al. 3 CC fondée sur l’art. 25 al. 1 LTI et l’art. 884 al. 1 CC, ce qui apparaît contradictoire puisque l’art. 884 al. 1 CC n’est applicable qu’aux choses mobilières.

228 Eigenmann, Effectivité, p. 395, n. 1329 ; Eigenmann, Prel. Cmts Arts. 24�26, FISA & HSC Commentary, p. 368, n. 24.

229 Voir Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1080.230 Voir Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 134 s. ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et

le rang, p. 332 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicher�Sicher�heiten, p. 21.

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304 Joël Leibenson

Dès lors, plusieurs situations sont envisageables en fonction de la ré-partition du contrôle entre le constituant et le preneur de sûreté. Certains auteurs ont dressé une classification de ces cas de figures. Ces variantes sont le “contrôle exclusif”, le “contrôle partagé” et le “contrôle potentiel”231. D’autres auteurs se basent sur la terminologie utilisée dans la Convention de Genève sur les titres afin d’identifier les différentes configurations. Ils recensent le “contrôle positif” et le “contrôle négatif”232. En synthétisant ces dénominations en fonction de leur contenu, deux situations princi-pales sont envisageables : le contrôle exclusif et le contrôle dual.

aa. Le contrôle exclusif. La première situation concerne le contrôle exclusif du bénéficiaire 233. L’exclusivité peut découler de deux engagements diffé-rents du dépositaire dans la convention de contrôle. Il peut, d’une part, être convenu que le dépositaire exécutera exclusivement les instructions du bénéficiaire. L’exclusivité du contrôle du bénéficiaire est ici explicite et implique à elle seule que le titulaire de compte ne peut pas donner d’ins-tructions au dépositaire. Il peut, d’autre part, être convenu que le titulaire de compte n’est pas autorisé à donner des instructions au dépositaire. L’ex-clusivité est ici implicite et résulte de l’exclusion du pouvoir d’instruction du titulaire de compte. Selon nous, la convention de contrôle ne peut pas se borner à mention-ner que le titulaire de compte n’a pas de pouvoir d’instruction. Le texte de l’art. 25 al. 1 LTI nécessite en effet que la convention de contrôle com-prenne également l’engagement du dépositaire à suivre les instructions du bénéficiaire sans le consentement ni le concours du titulaire du compte 234. Le contrôle exclusif est la structure de contrôle qui apporte la plus grande certitude au preneur de sûreté quant aux actes du constituant, puisqu’il est sûr que ce dernier ne pourra prendre absolument aucune mesure relative aux titres.

bb. Le contrôle dual. La seconde configuration possible est l’instauration d’un contrôle que nous appellerons dual. Dans ce cas, en marge de l’octroi

231 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 134 s. ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 332.

232 Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p.  21 ; Kanda / Mooney / Thévenoz / Béraud, Commentaire officiel UNIDROIT, p. 52 s., n. 1�54.

233 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 134.234 Voir supra chap. IV, § 2, A. 2. a, p. 277.

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305Chapitre IV : Les conventions de contrôle

du contrôle au bénéficiaire, le titulaire de compte conserve également un pouvoir de donner des instructions au dépositaire. La faculté du bénéfi-ciaire de donner des instructions ne pouvant pas être limitée 235, le contrôle dual se décompose alors en deux sous-catégories en fonction de la latitude dont dispose le titulaire de compte : le contrôle dual conjoint et le contrôle dual autonome. Dans le cas du contrôle dual conjoint, la convention de contrôle prévoit que les instructions du titulaire de compte au dépositaire sont soumises au respect de critères qui peuvent être fixés à l’avance ou bien peuvent être soumises à l’approbation du bénéficiaire au cas par cas. La latitude réservée au titulaire de compte peu notamment dépendre de la réalisation de cer-taines circonstances comme des franchissements de seuils ou la demeure du débiteur 236. L’instauration de tels critères dépendra de la mesure dans laquelle le dépositaire est prêt à s’engager dans la surveillance de l’objet de la sûreté. Le dépositaire n’est en effet pas tenu de surveiller l’objet de la sûreté, sauf si cela a été prévu dans la convention de contrôle 237. Si cela est le cas, le dépositaire ne doit pas exécuter une instruction donnée par le titulaire de compte qui serait incompatible avec la marge de manœuvre qui lui a été laissée dans la convention de contrôle. Dans le cas du contrôle dual autonome, le contrôle du tiers bénéficiaire laisse subsister une autonomie complète au titulaire de compte. Ce dernier demeure autorisé à donner des instructions au dépositaire. Cette situation correspond à la situation par défaut visée par l’art. 25 al. 1 LTI. Dans cette configuration, le contrôle du bénéficiaire semble a priori très peu effectif, puisque le titulaire de compte peut instruire le dépositaire et disposer des titres, ce que le bénéficiaire de la sûreté ne peut pas empêcher 238.

235 Voir supra chap.  IV, § 2, B. 1. a. i, p. 294 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 21.

236 Foëx, Les actes de disposition, p. 95 ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 134 ; ce type de contrôle correspond au “contrôle négatif” prévu dans la Convention de Genève sur les titres, Art. art. 1 let. k para. i) et 12 ch. 3 let. c) de la Convention ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 21.

237 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 90 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosi�mann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 21.

238 Foëx, Les sûretés sur les titres, p.  135, parle de contrôle “potentiel” ; ce type de contrôle correspond au “contrôle positif” de la Convention de Genève sur les titres, art. 1 let. k para. ii) et 12 ch. 3 let. c) de la Convention ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 21.

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306 Joël Leibenson

iii. Prise de position

La possibilité pour le titulaire de compte de maintenir un pouvoir de dé-cision autonome conduit nécessairement à se poser la question de l’ad-missibilité d’une telle situation au regard des conditions de création de la sûreté 239 et de son maintien. Plusieurs auteurs relèvent les difficultés in-hérentes à ce pouvoir résiduel du constituant 240 et certains se prononcent même contre 241. La détermination du degré de contrôle résiduel admissible en faveur du constituant doit, selon nous, résulter de l’interprétation té-léologique de l’art. 25 al. 1 LTI. Le texte de la loi ne contient en effet aucun élément qui puisse servir de base à l’interprétation. Si la constitution d’une sûreté dans le système d’intermédiation né-cessitait la perte de tout pouvoir de contrôle du constituant, la loi aurait dû prévoir qu’une sûreté ne peut être créée que par crédit sur le compte de titres du preneur de sûretés. Or, cela n’est pas le cas. Dans la constitu-tion par convention de contrôle, les titres restent crédités sur le compte de titre du constituant. L’utilité d’un tel mode de constitution réside dans le fait que le titulaire de compte doit pouvoir continuer à contrôler les titres intermédiés dans une certaine mesure, afin d’être à même de gérer l’inves-tissement qu’ils représentent. Les titres intermédiés ne sont pas des actifs qui sont simplement comptabilisés une fois pour toutes dans les livres d’un

239 Nous abordons ici des problématiques relatives à la constitution de la sûreté. Pour des considérations touchant le maintien de la sûreté en lien avec les éventuels pouvoirs du constituant, voir infra chap. IV, § 2, C, p. 314.

240 Voir Foëx, Les sûretés sur les titres, p.  135, qui semble admettre la validité cette forme de pouvoir, mais constate que les contraintes qu’elle impose au créancier ga�ranti risquent d’être dissuasives ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 90, remarquent que le but de la sûreté pourrait être rendu illusoire par la possibilité du constituant de vider le compte.

241 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p.  91 ; Bärtschi, Rechtliche Umset�Umset��ung, p. 1080 s., considère que le constituant ne doit pas avoir de pouvoir d’instruc�, p. 1080 s., considère que le constituant ne doit pas avoir de pouvoir d’instruc�tion autonome, ou alors seulement pour des titres qui n’entrent pas dans l’assiette de la sûreté selon l’art. 25 al. 2 let. c LTI ; Ammann, FISA & HSC Commentary, p. 517, n.  12 ad art.  33 LTI, retient que le dépositaire a l’obligation de n’exécuter que les instructions du preneur de sûreté ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 67, ne conçoit pas que le pouvoir d’instruction du titulaire de compte ne soit pas restreint ; voir aussi Lanz, Aktientransfers, p. 209, qui n’envisage les instructions du constituant qu’en rapport avec la quotité de titres qui dépasse la valeur pour laquelle la sûreté à été créée (art. 25 al. 2 let. c LTI), ce qui revient à ce que le constituant ne puisse instruire que pour les titres qui ne constituent pas l’assiette de la sûreté.

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307Chapitre IV : Les conventions de contrôle

gardien. Leur valeur peu fluctuer fortement sur des très brèves périodes, l’investisseur les a peut-être acquis sur les conseils de son gérant de fortune et leur détention n’a peut-être un sens économique que pour une durée déterminée, liée à un évènement macro-économique donné, pour ensuite être vendus et remplacés par d’autres titres intermédiés en fonction de leur perspective de rendement ou de gain en capital. Ces caractéristiques constituent la ratio économique de l’existence juridique du maintien d’un certain pouvoir de gestion du constituant sur l’objet de la sûreté 242. Le pouvoir d’instruction résiduel du constituant est donc une faculté qu’il peut être nécessaire de préserver. L’application des principes qui dé-coulent des art. 717 CC et 884 al. 3 CC à la constitution de sûretés sur les titres intermédiés au moyen d’une convention de contrôle est manifes-tement contraire à la structure et au fonctionnement mêmes du système d’intermédiation. La solution médiane qui découle de l’interprétation de l’art. 25 al. 1 LTI suit la finalité et la praticabilité d’une sûreté constituée au moyen d’une convention de contrôle. Il s’agit, selon nous, d’admettre la validité du contrôle dual autonome, tout en admettant également la faculté pour le bénéficiaire de limiter le pouvoir d’instruction du constituant dans la mesure nécessaire au maintient de sa sûreté. Et cela, même si le contrat de sûreté ou la convention de contrôle prévoient que le bénéficiaire s’engage à tolérer le pouvoir d’instruction résiduel du titulaire de compte. En d’autres termes, nous pensons que le contrôle plein et entier du bénéficiaire de la convention de contrôle doit être maintenu en tout temps 243. Cette conclu-sion résulte de l’engagement nécessaire du dépositaire d’exécuter les ins-tructions du bénéficiaire sans le consentement du titulaire de compte 244. A défaut, c’est la crédibilité de ce mode de création d’une sûreté qui risque d’être remise en cause. Ainsi, la convention de contrôle peut prévoir que le titulaire de compte pourra instruire le dépositaire et le bénéficiaire pourra révoquer ce pouvoir unilatéralement s’il estime cela adéquat pour la pré-servation de sa sûreté.

242 Eigenmann, Effectivité, p. 394, n. 1328.243 Du même avis, Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicher�Sicher�

heiten, p. 21.244 D’un avis différent, Foëx, Les actes de disposition, p. 95, qui retient que la conven�

tion de contrôle doit prévoir que le bénéficiaire peut mettre fin en tout temps au pouvoir résiduel du constituant.

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308 Joël Leibenson

Le droit du bénéficiaire de revenir sur ce qui a été convenu dans la convention de contrôle au moyen d’instructions ultérieures doit lui per-mettre d’être en tout temps au bénéfice d’un contrôle afin d’être en mesure de réaliser la sûreté en cas de besoin. A coté des instructions visant princi-palement à prendre des mesures sur les titres (par exemple, transfert sur un autre compte de titres, vente en bourse ou à un tiers), le bénéficiaire de la convention de contrôle peut également donner au dépositaire des instruc-tions visant à aménager le pouvoir d’instruction résiduel du titulaire de compte. La raison en est que de telles instructions ont une incidence directe sur l’assiette de la sûreté qui sera disponible au moment de sa réalisation, à l’exigibilité de la créance garantie. La teneur de l’art. 25 al. 1 LTI, qui pré-voit que le dépositaire doit suivre les instructions du tiers bénéficiaire sans le concours ultérieur du titulaire de compte, ne devrait donc pas pouvoir être remise en question par des dispositions de la convention de contrôle qui empêcheraient de quelque manière que ce soit le bénéficiaire de donner ses instructions. Ce dernier peut donc en tout temps révoquer le pouvoir résiduel du titulaire de compte de donner des instructions au dépositaire concernant les titres qui forment l’objet de la sûreté. Le principe du respect des instructions du bénéficiaire est en effet de nature impérative 245. Une telle faculté du bénéficiaire ne préjuge pas de dommages-intérêts que le titulaire de compte pourrait réclamer si des obligations résultant du contrat de sûreté ne sont pas respectées par le preneur de sûreté. Le dépo-sitaire ne devrait en revanche pas être tenu à réparation tant que ses actes sont conformes au principe du respect des instructions du bénéficiaire 246.

2. En cas de convention en faveur du dépositaire

a. La nature du contrôle

i. L’interprétation de l’art. 26 al. 1 LTI

La base légale sur laquelle repose le contrôle du dépositaire pour consti-tuer sa sûreté est encore plus succincte que l’art. 25 al. 1 LTI. L’art. 26 LTI

245 Voir aussi Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 21.

246 S’agissant des dommages�intérêts auxquels le dépositaire pourrait éventuellement être tenu, voir supra chap. IV, § 2, B. 1. a. i, p. 294.

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309Chapitre IV : Les conventions de contrôle

déclare que la sûreté est constituée et opposable aux tiers par la conclusion d’une convention. L’interprétation de cette norme repose sur plusieurs élé-ments qui permettent d’expliciter la nature du contrôle du dépositaire. La simplicité de la norme s’explique à la lumière des travaux prépara-toires. La motivation avancée dans le rapport du Groupe d’experts qui a ré-digé l’avant-projet de LTI au sujet de la convention en faveur du dépositaire était que l’octroi d’un gage sur les avoirs déposés auprès du dépositaire ne nécessitait pas, selon l’ancien droit, de mesure de publicité afin de rendre la sûreté particulièrement visible. En effet, la possession des choses mo-bilières déposées était transférée par brevi manu traditio et le gage sur les créances et autres droits était constitué en la forme écrite dans les condi-tions générales des dépositaires, conformément à l’art. 900 al. 1 et 3 CC. Le Groupe d’experts a estimé qu’il ne convenait pas de changer la situation d’un point de vue matériel et a retenu que la constitution de la sûreté ne nécessitait pas d’autre mesure de publicité que la conclusion d’une conven-tion entre le dépositaire et le titulaire de compte 247. Le contenu lapidaire de l’art. 26 al. 1 LTI est la conséquence de l’évi-dence de la fonction assurée par le dépositaire. Il exerce par nature un contrôle des opérations sur les titres intermédiés qui touchent au compte de titres qu’il tient pour les titulaires de compte 248. En droit américain éga-lement, la norme qui permet la constitution d’une sûreté en faveur du dé-positaire au moyen de l’octroi du contrôle ne mentionne que la conclusion d’une convention 249. La caractéristique majeure qui distingue le contrôle en faveur du dépositaire du contrôle en faveur d’un tiers est évidemment la nature bilatérale de la relation entre le constituant et le preneur de sû-reté. Il est par conséquent impossible d’envisager le contrôle sous la forme d’un pouvoir d’instruction du preneur de sûreté au dépositaire, puisque les deux sont la même personne 250. La mention dans la loi d’un contrôle en faveur du dépositaire n’était donc pas nécessaire d’un point de vue concep-tuel. Cependant, étant donné que la configuration des rapports diffère d’avec la convention de contrôle en faveur d’un tiers, il était nécessaire de

247 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 71 s.248 Nous revenons sur ce point ci�après, car c’est précisément sur lui que repose la quali�

fication juridique du contrôle.249 Voir la section 8�106 UCC, sous�section (e) : “If an interest in a security entitlement

is granted by the entitlement holder to the entitlement holder’s own securities inter�mediary, the securities intermediary has control”.

250 Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 23.

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prévoir une base légale spécifique 251. Sur le plan pratique, en revanche, la situation aurait gagné en sécurité juridique, si la loi mentionnait, au moins en quelques mots, la nécessité de convenir de l’octroi d’un contrôle afin de constituer la sûreté. Antoine Eigenmann considère que la convention de l’art. 26 al. 1 LTI inclut automatiquement une convention de contrôle, puisque le dépositaire et le titulaire de compte doivent convenir irrévocablement que le déposi-taire pourra réaliser les titres sans nouveau consentement ni concours du titulaire du compte 252. Andrea Zbinden estime que la convention entre le dépositaire et le titulaire de compte est un contrat de gage et que la conclu-sion d’une convention de contrôle n’est pas nécessaire, puisque le déposi-taire agit dans son propre intérêt. Il est dès lors assuré que le constituant ne pourra pas exercer de pouvoir de fait sur l’objet de la sûreté 253. Cette seconde opinion nous semble adaptée à un gage sur une chose mobilière ou sur une créance dont le gagiste est le débiteur, mais non aux titres in-termédiés. En effet, dans ces deux cas, soit le gagiste a le droit de posséder l’objet grevé tant qu’il n’est pas désintéressé, soit il peut refuser de payer la somme due au titulaire d’un compte monétaire 254. Dans le cas de la créance due par le gagiste, le pouvoir de fait est circonstanciel et non struc-turel. Il est efficace en raison du rapport d’obligation qui fonde la créance mise en gage, mais non pas en raison du rapport d’obligation concernant la créance garantie ou en raison du contenu de la sûreté. Le rapport d’obli-gation qui lie le dépositaire au titulaire de compte implique notamment la tenue du compte de titre et l’exécution des instructions du titulaire de compte en vue de disposer des titres qui y sont crédités. Selon nous, la conclusion d’un contrat de sûreté et l’accomplissement de l’acte de dispo-sition doivent être accompagnés de l’octroi du contrôle au dépositaire afin de fonder juridiquement le contrôle dans le cadre de la relation de compte. Si l’obligation de suivre les instructions du titulaire de compte découlant de la relation de compte n’est pas juridiquement neutralisée par une objec-tion du dépositaire (un droit à exercer le contrôle sur les titres concernés

251 Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 23.252 Voir dans le même sens, Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p.  402, n.  15 ad

art. 26 LTI. 253 Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 68.254 C’est précisément l’exemple donné par Eigenmann, Publicité et effets, p. 99, pour

illustrer que la notion de contrôle existe déjà en droit suisse.

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311Chapitre IV : Les conventions de contrôle

correspondant à l’obligation assumée par le titulaire de compte de conférer le contrôle), alors le simple refus matériel d’exécuter une instruction du ti-tulaire de compte devrait céder le pas devant une action en exécution de la convention de compte. En d’autres termes, il faut un fondement juridique au pouvoir de fait sur l’objet de la sûreté qui ressort de l’engagement du titulaire de compte à conférer le contrôle sur les titres au dépositaire.

ii. La relation sui generis entre le dépositaire et le titulaire de compte

On le voit, un simple pouvoir de fait reposant sur les circonstances ne suffit pas à assurer la sécurité juridique de la sûreté. Un accord irrévocable entre le dépositaire et le titulaire de compte prévoyant que le dépositaire est en droit de ne pas exécuter les instructions du titulaire de compte tant que la garantie de sa créance l’exige apparaît donc nécessaire. Il faut bien que techniquement le titulaire du compte conclue une convention de contrôle avec le dépositaire, puisqu’il existe entre les deux une relation contrac-tuelle de compte et que, sur cette base, le titulaire de compte bénéficie d’une faculté juridique d’instruire le dépositaire ou de mettre un terme à la relation (404 CO). En conséquence, afin de donner une stabilité juridique au droit conféré au dépositaire sur les actifs visés, ce dernier doit se voir oc-troyer un pouvoir irrévocable lui permettant de concrétiser factuellement et juridiquement le droit que le titulaire du compte lui confère. Le droit de contrôler repose ici non sur une stipulation pour autrui, mais dépend, d’une part, de l’octroi irrévocable au dépositaire d’un pouvoir de décision quant au sort des titres concernés et d’autre part, d’une renonciation de la part du titulaire de compte au pouvoir de donner des instructions dont il jouit en temps normal dans le cadre de la convention de compte. Ainsi, tant que la sûreté existe et que le dépositaire doit pouvoir bénéficier de la possibilité de décider du sort des titres, la convention de compte ne per-met pas au constituant de demander l’exécution des ses instructions 255. Comme pour le contrôle en faveur d’un tiers, l’attribution du contrôle au dépositaire, en tant qu’instrument de maîtrise des titres concernés, crée une relation sui generis qui s’intègre à la relation de compte de titres.

255 Il faut réserver la question d’un éventuel pouvoir d’instruction résiduel du titulaire de compte ; voir infra chap. IV, § 2, B. 2. c, p. 313.

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Le contrôle étant un pouvoir de maîtrise de fait sur les titres qui font l’objet de la sûreté, il ne légitime pas le dépositaire à prendre des mesures contraires aux engagements contractuels qui sont compatibles avec le maintien de l’existence de la sûreté. La possibilité matérielle de faire porter les titres au crédit du compte de titres d’un tiers ou de son propre compte de titres Nostro ne dispense pas le dépositaire de respecter les facultés ju-ridiques que lui confèrent la sûreté dont il bénéficie (gage, titularité fidu-ciaire, gage irrégulier), ainsi que les éventuelles obligations ayant trait, par exemple, à la réalisation privée ou forcée de la sûreté. Dans une telle situa-tion, le dépositaire ne peut pas invoquer l’art. 31 al. 3 pour se soustraire à ses obligations 256.

b. Le caractère irrévocable du contrôle

i. Au moment de la constitution de la sûreté

Les considérations sont ici de même nature que dans le cas du contrôle selon l’art. 25 al. 1 LTI. La notion d’irrévocabilité signifie que la convention entre le titulaire de compte et le dépositaire ne peut pas être modifiée ou supprimée sans le consentement du dépositaire. Il s’ensuit que le titulaire de compte ne peut plus exiger que ses instructions soient exécutées si elles sont incompatibles avec le maintien de la sûreté sur les titres. Vu l’absence d’exigence légale figurant à l’art. 26 al. 1 LTI, le titulaire de compte et le dépositaire n’ont pas besoin de mentionner le caractère irrévocable de leur convention de contrôle. Le dépositaire et le titulaire de compte doivent toutefois fixer dans la convention de contrôle que le dépositaire sera au bénéfice de la faculté de ne pas suivre les instructions du titulaire de compte pendant toute la durée de la sûreté et que celle-ci ne prendra fin que lorsque la ou les créances garanties seront éteintes. Il doit en conséquence ressortir de la convention de contrôle qu’elle est conclue pour constituer une sûreté en faveur du dépositaire. Cette caracté-ristique est nécessaire pour constituer la sûreté et distinguer la convention de contrôle d’une clause qui modifierait la convention de compte et sur laquelle le titulaire de compte pourrait revenir s’il souhaite modifier ses instructions au dépositaire sur la manière dont se déroule le mandat.

256 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 500, n. 50 ad art. 26 LTI.

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313Chapitre IV : Les conventions de contrôle

ii. Au terme de la convention de compte

Le nature irrévocable de l’engagement du titulaire de compte de confé-rer un pouvoir de décision au dépositaire emporte la renonciation par le titulaire de compte au caractère contraignant que peuvent avoir ses ins-tructions dans le cadre de la convention de compte. L’intégration de cet élément sui generis dans le cadre de la convention de compte se justifie afin d’éviter que les modalités juridiques auxquelles cette dernière est soumise en application du droit du mandat n’empêchent l’exercice du contrôle par le dépositaire. Pour tenter de trouver un équilibre entre les intérêts des deux protagonistes, l’on peut retenir que le droit du titulaire de compte de résilier le mandat est subordonné au maintien de la sûreté du dépositaire. La libération des titres par le dépositaire, par leur crédit sur un compte de titres tenu auprès d’un autre dépositaire 257, ne peut intervenir qu’après que le nouveau dépositaire et le constituant ait conclu une convention de contrôle en faveur de l’ancien dépositaire en application de l’art. 25 al. 1 LTI.

c. Le pouvoir résiduel du constituant

De même que pour la sûreté constituée par convention de contrôle en fa-veur d’un tiers, le contrôle octroyé au dépositaire peut laisser subsister un pouvoir d’instruction résiduel du titulaire de compte 258. Cependant, ici aussi un engagement du dépositaire de tolérer certaines instructions du titulaire de compte ne doit pas avoir pour effet de mettre en péril l’effica-cité du contrôle du dépositaire. Ce dernier est en droit de révoquer à tout moment le pouvoir du constituant de la sûreté de lui donner des instruc-tions. Il peut ainsi accepter, de cas en cas, d’élargir ou, au contraire, déci-der de resserrer la marge de manœuvre du titulaire de compte. En effet, la conséquence du débit des titres du compte de titres est la perte de la sûreté

257 A noter que la perte de la sûreté selon l’art. 26 al. 2 LTI intervient en cas de crédit des titres sur un autre compte de titres même si ce compte de titre appartient au constituant et est ouvert au près du dépositaire qui est au bénéfice du contrôle, à moins que ce deuxième compte de titre ne soit également couvert par la convention de contrôle ; cf. Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicher�Sicher�heiten, p. 23.

258 Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 23.

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du dépositaire 259. Le dépositaire n’est donc pas obligé d’exécuter une telle instruction 260. Le corollaire de la maîtrise dont le dépositaire bénéficie se trouve dans la perte de sa sûreté si les titres sont crédités sans émettre de réserves par le dépositaire sur le compte d’un tiers (art. 26 al. 2 LTI) 261 ou dans la subordination de sa sûreté si le dépositaire conclut une convention de contrôle en faveur d’un tiers sans annoncer au préalable l’existence de la sienne propre (art. 30 al. 2 LTI). Ces mécanismes attestent que la maîtrise que le dépositaire exerce le met dans une position où il est en charge du maintient de l’existence de sa sûreté. Les conséquences prévues par ces deux normes sont un élément supplémentaire qui atteste que le dépositaire doit pouvoir résister à une pouvoir d’instruction résiduel du titulaire de compte. A défaut, l’instauration d’une sûreté selon l’art. 26 al. 1 LTI n’au-rait aucune valeur juridique, puisqu’elle pourrait être réduite à néant par l’usage d’un pouvoir d’instruction résiduel du titulaire de compte.

C. La désignation des titres intermédiés et le principe de spécialité

1. En général

Nous avons vu que l’application du principe de spécialité en droit des biens entraîne, en principe, que chaque actif qui fait l’objet d’un acte de dispo-sition soit individuellement déterminé en tout cas au moment de l’acte de disposition 262. Compte tenu de la structure du processus de constitution des droits au moyen des conventions de contrôle, la désignation des titres, telle que permise par la LTI, doit intervenir tant dans le cadre de l’acte de disposi-tion que dans l’octroi du contrôle. Cela signifie qu’en cas de convention de contrôle en faveur d’un tiers, les titres doivent être désignés au dépositaire et doivent faire l’objet de l’acte juridique bilatéral de disposition entre le titulaire de compte et le bénéficiaire de la sûreté. En cas de convention

259 Art. 26 al. 2 LTI ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 138.260 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 94.261 Dans ce cas, le dépositaire est présumé renoncer à sa sûreté ; Conseil Fédéral, Mes�

sage LTI, p. 8871 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 98.262 Wiegand, Eigentumsvorbehalt, p.  111 ; Foëx, Sûretés bancaires, p.  139 ; Eggen,

Bemerkung �ur Verpfändung, p. 541 ; voir supra chap. II, § 4, D. 2, p. 144.

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315Chapitre IV : Les conventions de contrôle

de contrôle en faveur du dépositaire les deux actes se confondent en une convention. Dès lors, seule la désignation des titres dans celle-ci suffit. Le degré de détermination de l’objet de la sûreté, réglé à l’art. 25 al. 2 LTI, vaut non seulement pour la sûreté constituée par convention de contrôle selon l’art. 25 al. 1 LTI, mais également pour la sûreté constituée en faveur du dépositaire en application de l’art. 26 al. 1 LTI 263. La LTI prévoit trois possibilités d’identification des titres qui font l’ob-jet de l’acte de disposition. Cependant, dans tous les cas de figure la racine de l’identification est le compte de titre qui est le rattachement objectif primaire permettant d’identifier des titres intermédiés. Avec l’art. 25 al. 2 let. b et let. c, la loi sur les titres intermédiés introduit de nouvelles possibilités d’identifier l’objet des sûretés. Les parties peuvent en effet désigner celui-ci soit simplement par référence à un compte de titre, soit à concurrence d’une valeur en relation avec un compte de titres. Nous analyserons tout d’abord quels sont les effets de ces modulations du principe de spécialité sur l’acte de disposition. Nous les replacerons ensuite dans la perspective de la fixation du rang des droits créés, avec laquelle ces nouveautés interagissent étroitement. Enfin, le degré de détermination de l’objet de l’acte de disposition nous amènera nécessairement à nous poser la question de l’acte de disposition anticipé.

2. L’acte de disposition sur certains titres déterminés

a. La désignation de l’objet

La première possibilité consiste à disposer de titres déterminés (art. 25 al. 2 lat. a LTI). Une telle manière de désigner l’objet du droit constitué revient à appliquer pleinement le principe de spécialité 264. Cela a pour consé-quence que les titres doivent être identifiés individuellement pour être va-lablement grevés. Il s’agit dans ce cas d’identifier les titres au moyen des

263 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 337 s. ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 157 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 23 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 403, n. 18 ad art. 26 LTI ; voir, cependant, Foëx, Les actes de disposition, p. 99 et Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 139, qui semble douter que l’art. 25 al. 2 LTI soit applicable à la sûreté conclue en application de l’art. 26 LTI.

264 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870.

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particularités qui les caractérisent, que cela soit le numéro ISIN 265 ou leurs conditions d’émission (émetteur, type de droit émis, valeur nominale, date d’échéance, taux d’intérêt, monnaie d’émission) 266. Si un compte de titres contient 20 actions XYZ et que seulement 10 ac-tions XYZ sont constituées en sûreté, deux éléments permettent d’admettre que les titres qui font l’objet de la sûreté sont déterminés par rapport au 10 autres titres XYZ qui ne sont pas visés. Il s’agit de la nature fongible des titres intermédiés 267 et du contrôle octroyé au preneur de sûreté par la convention de contrôle. En effet, la fongibilité permet fondamentalement de se satisfaire de la qualité de n’importe lequel des 20 titres de départ. Ensuite, la convention de contrôle indique, et le dépositaire qui conclurait une seconde convention de contrôle sur des titres du même genre devrait y prêter garde, qu’une sûreté existe sur 10 titres de ce genre et que, par consé-quent, seuls 10 titres XYZ sont libres de droits pour la constitution d’une sûreté en premier rang. Selon nous, une telle situation n’est pas un cas de constitution de sûreté à concurrence d’une certaine valeur, puisque les titres sont bel et bien déterminés dans leurs caractéristiques. La référence numérique porte sur leur nombre, mais non sur la valeur de la sûreté.

b. Le maintien du droit constitué

L’interaction entre ce mode de détermination de l’assiette de la sûreté et l’éventuel pouvoir d’instruction résiduel en faveur du constituant que laisse subsister le contrôle est la suivante : il s’agit de vérifier l’effet d’une perte de contrôle du créancier garanti causée par l’instruction du constituant de débiter des titres du compte et l’effet qu’entraîne le crédit sur le compte des nouveaux titres que le constituant acquiert, par exemple en se servant du produit de réalisation des titres vendus 268. Le but du pouvoir résiduel est de

265 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8870 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 395, n. 36 ad art. 25 LTI.

266 Voir Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 359 s., n. 13 ad art. 23 LTI. 267 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 396, n. 37 ad art. 25 LTI ; sur la fongibilité,

voir Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 166 s., n. 23 ss et p. 169 s., n. 34 ss ad art. 3 LTI.

268 Il s’agit ici non d’examiner l’ampleur de la protection d’un tiers acquéreur, mais de déterminer dans quelle mesure le pouvoir de contrôle se répercute sur l’assiette de la sûreté. Ainsi, c’est l’effet d’une perte de contrôle du créancier garanti en cas de débit du compte qui doit être envisagé.

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317Chapitre IV : Les conventions de contrôle

pouvoir procéder à une gestion du compte de titres, c’est-à-dire procéder à des aliénations contre un prix, suivies éventuellement d’un rachat de titres qui sont alors crédités sur le compte 269. Dans le cas d’une aliénation des titres XYZ à un tiers de bonne foi contre paiement et par crédit au compte de titres de l’acquéreur, le droit du bénéficiaire est perdu 270. Si des titres XYZ ont été achetés par le constituant et sont crédités sur le compte de titres ou si des titres intermédiés d’un autre genre ont été rachetés et cré-dités sur le compte, ils ne reconstitueront pas automatiquement l’assiette de la sûreté du créancier garanti. Un nouveau contrat de sûreté, un nouvel acte de disposition et une nouvelle convention de contrôle sont nécessaires.

3. L’acte de disposition sur une assiette flottante de titres

a. L’acte de disposition sur tous les titres figurant au crédit d’un compte de titres

i. La désignation de l’objet

La deuxième possibilité d’identification, prévue à l’art. 25 al. 2 let. b LTI, détermine l’objet de la sûreté comme étant tous les titres figurant au crédit d’un compte de titres. Cette norme prévoit donc la détermination de l’ob-jet de la sûreté par la seule référence au fait d’être crédité sur le compte de titres au moment de la perfection de l’acte de disposition. Dans ce cas, il n’est pas question de détermination au moyen de l’identification précise de chaque titre intermédié, ni de la détermination de l’assiette de la sûreté au moyen d’une valeur.

269 A ce stade, il faut prêter attention à deux éléments. En premier lieu, le produit de réalisation est crédité sur un compte monétaire et n’est pas soumis aux dispositions de la LTI ; il convient donc, si cela est possible, de s’assurer d’obtenir une sûreté sur les montants qui ne sont pas réinvestis en titres intermédiés (voir Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 350). En second lieu, le produit de réalisation peut fort bien servir à acquérir des instruments financiers qui ne rentrent pas dans le champ d’application de la LTI parce qu’ils ne constituent pas des titres intermédiés, comme certaines parts et actions de placements collectifs de capitaux ou de certains produits dérivés comme ceux échangés sur la bourse de produits dérivés EUREX (à ce sujet, voir Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 16 ss et p. 19 ss ; Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 168 s., n. 32 ad art. 3 LTI). Il faut dans ce cas également s’assurer d’obtenir une sûreté sur ces instruments financiers conformément aux règles qui y sont applicables.

270 Voir infra chap. V, § 3, D. 3. a, p. 403, et b, p. 406.

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318 Joël Leibenson

Sur le plan dogmatique, la question se pose de savoir si une telle ma-nière de faire déroge aux exigences découlant du principe de spécialité ou non. Frédérique Bensahel et alii considèrent que ce critère de détermi-nation remplit l’exigence de l’individualisation suffisante nécessitée par le principe de spécialité et que, dans ce cas, la LTI ne crée pas une exception à ce principe 271. Selon nous, cette base légale crée expressément une ex-ception au principe de spécialité en tant qu’elle permet une désignation générale de l’objet de l’acte de disposition 272. En effet, tous les titres crédi-tés sur un compte de titres représentent une universalité de fait, comme le sont, par exemple, tous les livres d’une bibliothèque. La problématique du libellé de l’art. 25 al. 2 let. b LTI se retrouve également dans le texte de l’art. 973a nCO, qui mentionne l’acquisition par le déposant d’ “une part de copropriété sur l’ensemble des titres du même genre ainsi conservés”273. Au vu de ce qui précède que l’art. 25 al. 2 let. b LTI déroge bien au principe de spécialité et permet de désigner des titres qui ne sont qu’ob-jectivement déterminables au moment de l’acte de disposition. Il n’y a pas besoin que les titres soient individuellement déterminés au moment où la sûreté prend naissance. Le degré de détermination par le crédit en compte de titres suffit. Cependant, comme nous le verrons lors de l’examen du système de prise de rangs des droits grevant les titres intermédiés 274, la sûreté ne peut naître que lorsque toutes les conditions de son existence sont remplies, à savoir, lorsque le contrat de sûreté, la convention de contrôle et l’acte de disposition entre le constituant et le preneur de sûreté sont conclus, et lorsque des titres (peut importe lesquels) sont crédités sur le compte de titres 275.

271 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 341.272 Voir Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2022, Vor Art. 884�894, n. 22 et Foëx, Gages sur

les droits�valeurs, p. 247 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 98, qui considèrent que l’art. 25 al. 2 let. b LTI constitue une exception au principe de spécialité.

273 Ce type de formulation est repris des dispositions contractuelles que l’on pouvait trouver che� certains dépositaires et qui avaient été critiquée dans la perspective du principe de spécialité, puisque l’acquisition d’une part de copropriété se fait non sur l’ensemble du dépôt, mais sur chacun des titres qui y sont déposés (voir Dallèves, Dématérialisation, p. 45, à la note 13 ; voir aussi Eggen, Bemerkung �ur Verpfändung, p. 541).

274 Voir infra chap. V, § 2, A. 3, p. 332.275 Foëx, Les actes de disposition, p. 100 ; Lanz, Aktientransfers, p. 209, à la note 69 ;

dans le même sens s’agissant du nantissement, Zobl, Berner Kommentar II, p. 106, n.  17 ad art.  893 CC et les références citées ; contra : Eigenmann, FISA & HSC

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319Chapitre IV : Les conventions de contrôle

ii. Le maintien du droit constitué

Si nous reprenons le même test que ci-dessus afin de vérifier l’interaction entre le pouvoir résiduel du constituant et le maintien de l’assiette de la sûreté, le résultat est différent d’un acte de disposition portant sur chaque titre individuellement. Dans le cas d’une aliénation des titres grevés par le titulaire de compte à un tiers de bonne foi contre paiement et par cré-dit au compte de titres de l’acquéreur, le droit du bénéficiaire est en prin-cipe perdu 276. En revanche, si le titulaire de compte acquiert de nouveaux titres intermédiés, quels qu’ils soient, ceux-ci peuvent servir à reconstituer l’assiette de la sûreté du premier créancier garanti, si les parties en sont convenues ainsi 277. En effet, au moment du crédit sur le compte toutes les conditions sont remplies pour que la sûreté du constituant naisse sur ces titres 278, même si une autre convention de compte à été conclue en faveur d’un deuxième créancier entre le moment où les conventions concernant le premier créancier ont été conclues et le moment du crédit en compte. La sûreté sur tous les titres d’un compte peut donc également être une sûreté globale ou dite à assiette flottante. Les sûretés sur les titres intermédiés qui ne sont crédités qu’après la conclusion de toutes les conventions nécessaires naissent en même temps, au moment du crédit en compte de titres, mais prennent leur rang par réfé-rence à la date de la conclusion de la convention de contrôle 279. Une telle si-tuation implique que le créancier au bénéfice d’une convention de contrôle de deuxième rang ne pourra être désintéressé que s’il reste des titres in-termédiés sur le compte concerné après que la sûreté du créancier de pre-mier rang soit éteinte. Cette dernière considération est à la base de l’intro-duction de la troisième manière de déterminer les titres réglée à l’art. 25 al. 2 let. c LTI 280.

Commentary, p. 394, n. 31 ad art. 25 LTI, et Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 471, n. 13 ad art. 30 LTI, qui considèrent que la sûreté sur des titres intermédiés naît et est opposable aux tiers lors de la conclusion de la convention de contrôle.

276 Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 137 ; voir infra chap. V, § 3, D. 3. a, p. 403, et b, p. 406.

277 A défaut de convention sur l’inclusion des titres grevés après la naissance de la sûreté, celle�ci ne grève que les titres présents sur le compte au moment de sa naissance ; sur les modalités de l’acte de disposition anticipé, voir infra chap. IV, § 2, C. 4, p. 322.

278 Voir infra chap. IV, § 2, C. 4, p. 322 ; voir aussi Foëx, Les actes de disposition, p. 95.279 Voir infra chap. V, § 2, A. 3, p. 332.280 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 72.

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320 Joël Leibenson

b. L’acte de disposition à concurrence d’une valeur déterminée

i. La désignation de l’objet

Nous venons de voir qu’un acte de disposition général, sur tous les titres fi-gurant au crédit d’un compte de titres, prive potentiellement le constituant d’utiliser pleinement la valeur des titres crédités. En effet, si la créance ga-rantie est d’une valeur inférieure à celle des titres crédités, il y a une perte d’efficience économique dans la mobilisation de cette valeur, puisque que la surface de crédit qu’elle représente ne peut pas être concrétisée par un emprunt garanti correspondant. Ce constat a motivé l’introduction du troisième mode de désignation des titres dans la LTI afin de permettre d’accomplir le processus de disposition sur des titres intermédiés 281. La doctrine relève également que l’application du principe de spécialité re-présente une charge trop importante dans les pratiques commerciales qui touchent à la création des sûretés 282. Afin de permettre la plus grande sou-plesse dans la détermination de l’objet de la sûreté, l’art. 25 al. 2 let. c LTI, prévoit que la sûreté peut porter sur une partie des titres figurant au crédit d’un compte à concurrence d’une valeur déterminée. La raison en est que ce qui intéresse en principe le preneur de sûreté est que sa garantie atteigne une certaine valeur 283. Lorsque l’objet de la sûreté constituée est déterminé de cette manière, la sûreté est dite globale, à l’assiette flottante 284 ou de caractère général 285.

ii. Le maintien du droit constitué

Les auteurs qui ont examiné en détail ce mode de désignation de l’objet de la sûreté sont confrontés à plusieurs problèmes de taille. Un de ceux-ci concerne notamment l’admission des actes opérés par le constituant sur

281 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 72 ; Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870.

282 Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 395, n. 36 ad art. 25 LTI.283 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8870 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 98.284 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 116 et Bärtschi, Rechtliche Um�Rechtliche Um�

set�ung, p. 1081, qui se réfèrent à la “floating charge” du droit anglais ; Foëx, Les actes de disposition, p. 98 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 139 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 341.

285 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 341.

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321Chapitre IV : Les conventions de contrôle

des titres intermédiés qui excèdent la valeur désignée. De tels actes sont admis 286, mais ils ont pour corollaire la détermination de la surveillance de ces actes et de la responsabilité du constituant, y compris pour les actes de l’éventuel gérant de fortune qui s’occupe du compte, et/ou du dépositaire 287. Une question concerne également les problématiques touchant la baisse involontaire de la valeur des titres au-dessous de la valeur pour laquelle la sûreté a été constituée et la répartition du découvert qui en découle 288. D’un point de vue dogmatique, il semble douteux de devoir rentrer dans un débat sur l’appréciation de la validité ou l’opportunité juridique d’actes de disposition effectués conformément au droit sur des biens qui ne ren-trent pas dans l’assiette d’une sûreté (tant que la valeur de constitution est préservée), par anticipation sur le moment où la valeur des biens non af-fectés par cet acte de disposition pourrait diminuer et réduire l’utilité de la garantie. La préservation de la valeur fixée risque d’empêcher tout acte de disposition sur les titres du compte afin d’être sûr de pouvoir la maintenir. A cela s’ajoute la question du choix des titres à réaliser effectivement en cas d’exigibilité de la dette garantie 289. L’on constate aisément que ces questions nécessitent des aménage-ments juridiques dans les relations entre les parties qui peuvent s’avérer complexes et dont la mise en œuvre peut se révéler coûteuse, notamment quant au prix du service de surveillance du bon déroulement des opéra-tions, qui comprend la mesure des risques juridiques qui découlent non seulement de la détermination des obligations des parties, mais également de la responsabilité potentielle qui pourrait résulter de leur violation. Avant même qu’une pratique commerciale n’ait eu le temps de s’établir en la matière, certains auteurs ont constaté qu’un tel mode d’identification, avec les contraintes qu’il représente, risque fort de rester lettre morte 290. Comme pour la sûreté qui porte sur tous les titres d’un compte, il se peut que l’assiette de la sûreté à concurrence d’une certaine valeur ait été prévue par les parties pour être recomposée par des titres qui peuvent être crédités

286 Lanz, Aktientransfers, p. 209 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 139 ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1081.

287 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 343 ss ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 396, n. 38 ad art. 25 LTI.

288 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 347 ss.289 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 72.290 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 91 : “Art. 25 Abs. 2 lit. c BEG dürfte

daher wohl toter Buchstabe bleiben”.

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bien après l’acte de disposition et la naissance de la sûreté 291. Le méca-nisme de prise de rang fondé sur la date de conclusion de la convention de contrôle 292 implique que la reconstitution de l’assiette intervient tout d’abord en faveur de la sûreté en premier rang, par préférence aux autres créanciers garantis de rangs subordonnés. Le caractère général de la sûreté relevé plus haut a, en effet, pour conséquence d’ “aspirer” vers elle tous les titres qui sont crédités sur le compte de titres concerné après sa constitu-tion, si la valeur des titres a chuté, même sans intervention fautive de qui que ce soit. Ainsi, la sûreté à l’assiette flottante présente la même “faille” que la sûreté portant sur tous les titres figurant sur le compte, qu’elle avait pour mission de pallier en créant une sûreté qui permette de mobiliser au maximum la valeur de garantie des titres intermédiés.

4. La nécessaire possibilité d’un acte de disposition anticipé

Le texte des lettres b et c de l’art. 25 al. 2 LTI ne semble permettre que des titres figurant au crédit d’un compte comme objet de l’acte de dis-position, soit tous les titres, soit une partie des ces titres à concurrence d’une valeur déterminée. Il faut donc se poser la question de la validité d’une convention de contrôle, respectivement d’un acte de disposition, si le compte ne contient pas encore de titres qui puissent, dans leur totalité ou en partie, être l’objet de l’acte accompli. Selon nous, la latitude permise par l’art. 25 al. 2 let. b et let. c LTI dans la déterminabilité de l’objet de la sûreté rend également possible un acte de disposition anticipé. En effet, un acte de disposition qui porte sur tous les titres qui figurent ou figureront sur le compte de titres désigné déter-mine son objet suffisamment pour que le droit naisse au moment où des titres seront crédités sur le compte en question 293. Il en va de même pour une partie des titres figurant sur un compte à concurrence d’une valeur déterminée. Lorsque des titres sont crédités (petit à petit) sur le compte, la sûreté prend (peu à peu) son assiette, jusqu’à ce que la valeur déterminée

291 Sur les modalités de l’acte de disposition anticipé, voir infra chap.  IV, § 2, C. 4, p. 322.

292 Voir infra chap. V, § 2, A. 3, p. 332.293 Pour le nantissement, voir par exemple Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I,

p.  824  s., n.  661  ss ad art.  884 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p.  149, n. 183 ad art. 884 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2049, n. 87 ad art. 884 CC.

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323Chapitre IV : Les conventions de contrôle

soit atteinte. Cependant, l’assiette de la sûreté peut également diminuer lorsque des titres sont aliénés par le titulaire du compte en vertu de son pouvoir d’instruction résiduel ou en raison d’une baisse valeur des titres en dessous de la valeur de garantie déterminée. Ces caractéristiques font des sûretés dont l’objet est déterminé conformément aux lettres b et c de l’art. 25 al. 2 LTI des sûretés globales ou à l’assiette flottante. Si l’on considère que l’assiette de la sûreté ne peut pas se reconstituer, elle est fixe et non flottante. Nous sommes d’avis que la tolérance par la LTI d’un pouvoir d’instruction résiduel du constituant sur l’objet de la sû-reté implique nécessairement l’acceptation du mécanisme de disposition anticipé qui se matérialise par le caractère flottant, ou général, de la sû-reté constituée 294. A défaut, le pouvoir d’instruction résiduel devrait tou-jours être supprimé, ou ne devrait pas pouvoir être toléré aux termes de la loi, puisqu’il entraînerait la diminution systématique de l’assiette de la sûreté sans permettre sa reconstitution autrement qu’en devant conclure à nouveau un contrat de sûreté, une convention de contrôle et un acte bilatéral de disposition concernant les titres nouvellement acquis. Une telle configuration ne fournirait pas la flexibilité nécessaire à la gestion du portefeuille de titres intermédiés qui fonde l’utilité du contrôle dans le cadre d’une sûreté sur des instruments financiers inscrits en compte de titres 295. Il est cependant loisible aux parties de limiter l’objet de l’acte de dispo-sition à tous les titres figurant sur le compte concerné à un moment donné ou à une certaine valeur à un moment donné 296. Il s’ensuit que tous les titres qui sont crédités sur le compte par la suite ne tombent pas dans l’as-siette de la sûreté. En cas de perte de valeur des titres crédités, l’assiette ne se recompose pas et continue de grever les titres qui étaient crédités au mo-ment choisi par les parties. La valeur de garantie n’est alors plus couverte

294 Voir, dans le même sens, Bahar, Conditions générales, p. 124.295 Voir supra chap. IV, § 2, B. 1. c. iii, p. 306.296 Si les parties désignent les titres selon l’art. 25 al. 2 let. b. ou c. LTI et que des titres

figurent au crédit du compte (pour la valeur déterminée), mais qu’elles ne mention�nent pas si l’acte de disposition affecte également les titres qui seront ultérieurement crédités sur le compte, il ne s’agit pas d’un acte de disposition anticipé ; seuls les titres présent sur le compte font l’objet de l’acte de disposition ; d’un autre avis Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p. 122, qui retient q’un acte de disposi�, p. 122, qui retient q’un acte de disposi�tion anticipé est présumé lorsque son objet est déterminé selon l’art. 25 al. 2 let. b. ou c. LTI.

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dans son entier, mais peut à nouveau l’être si la valeur des titres grevés remonte. De telles caractéristiques sont tout à fait possibles d’un point de vue opérationnel, puisque les relevés de compte permettent de connaître la composition exacte du compte à un moment donné, ainsi que sa valeur à ce moment et son évolution à la hausse ou à la baisse dans le temps. Il est ainsi possible d’avoir une “photo” du compte à tout moment, de même qu’il est possible d’avoir le “film” qui retrace les évènements qui se sont succédé dans le temps.

D. Le pouvoir de disposer

1. Distinction entre le pouvoir de conférer le contrôle et le pouvoir de disposer

S’agissant des conventions de contrôle, il faut distinguer le pouvoir d’oc-troyer le contrôle et le pouvoir juridique de disposer des titres qui forment l’objet de la sûreté. Tout titulaire de compte a le pouvoir d’octroyer un contrôle sur les titres crédités sur son compte de titres, puisque l’octroi du contrôle repose sur la relation de compte entre le dépositaire et le titulaire du compte, que celui-ci soit ou non le véritable titulaire juridique des titres qui sont crédités sur son compte. Ceci vaut autant pour la convention de contrôle en faveur d’un tiers selon l’art. 25 al. 1 LTI que pour la convention en faveur du dépositaire selon l’art. 26 LTI.

2. La nécessité du pouvoir de disposer

L’exigence d’être au bénéfice du pouvoir de disposer afin de pouvoir conclure une convention de contrôle sur des titres intermédiés selon les art. 25 et 26 LTI découle du droit des biens 297. La nécessité du pouvoir de disposer ressort également de la systématique des règles de la LTI. En effet, la présence d’une norme de protection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’absence de pouvoir de disposer démontre que ce pouvoir est compris comme nécessaire à l’acte de disposition sur des titres intermédiés 298.

297 Voir supra chap. II, § 4, B, p. 128.298 Foëx, Les actes de disposition, p. 136.

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325Chapitre IV : Les conventions de contrôle

Le principe est que le titulaire de compte qui accomplit un acte de dis-position devra être au bénéfice du pouvoir de disposer sur les titres visés par la convention de contrôle. Si la faculté juridique de transférer la titula-rité des titres intermédiés ou de les constituer en gage fait défaut, alors les règles protégeant l’acquéreur de bonne foi entrent en ligne de compte 299. Le contraire signifierait simplement que l’art. 29 al.  1 let. a LTI n’aurait aucune portée.

299 Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1078.

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327Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

CHAPITRE V

L’effet des actes de disposition à l’égard des tiers : quelques perspectives

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329Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

§ 1 Généralités

Notre étude porte sur l’analyse des conditions des actes de disposition se-lon les modes prévus par la LTI. Afin d’avoir une vue d’ensemble sur les actes de disposition, il nous faut également examiner certains effets de ces actes de disposition, tels qu’ils sont réglés dans le système d’intermédia-tion. En conséquence, nous abordons dans ce chapitre les effets à l’égard des tiers que sont la prise de rang des droits constitués sur des titres inter-médiés et la protection de l’acquéreur de bonne foi de titres intermédiés ou d’un droit sur eux. Compte tenu du fait qu’une analyse détaillée dé-passerait largement le cadre de notre étude, nous n’abordons que les prin-cipaux aspects du mécanisme de la prise de rang et des différents cas de protection de l’acquéreur de bonne foi. En revanche, nous n’analyserons ni les conséquences d’une absence de protection de l’acquéreur, soit no-tamment les caractéristiques du régime de restitution des titres intermé-diés dans un tel cas, ni le sort des droits sur des titres intermédiés dans les cas d’exécution forcée. Dans un premier temps, nous poserons les détails du mécanisme de la prise de rang des droits sur les titres intermédiés conformément au prin-cipe de la priorité dans le temps, suivi par un examen des exceptions à ce principe. Nous ferons ensuite une analyse détaillée des conditions qui permettent aux rangs des droits sur les titres intermédiés d’être effec-tifs, c’est-à-dire de permettre aux différents titulaires d’exercer leur droit conformément à leur rang. A cet égard, nous détaillerons le rôle central que la LTI fait jouer au dépositaire dans la mise en œuvre de l’opposabilité aux tiers des droits sur les titres intermédiés. Puis, nous analyserons les différentes conditions posées par la LTI à la protection de l’acquisition de bonne foi. Il s’agit en particulier des cas d’ab-sence de pouvoir de disposer et des cas dans lesquels les titres qui font l’ob-jet de l’acte de disposition sont déjà grevés en faveur d’un tiers. Nous envi-sagerons également en détail l’effet des règles de la LTI sur les pratiques des dépositaires sur les marchés (Contractual Settlement et Mistrade). Nous traiterons également des questions qu’entraînent les spécificités du sys-tème d’intermédiation que sont les extournes et les contours de la protec-tion qui est accordée dans ce cadre. Notre analyse inclut en outre la mise en perspective des différences inhérentes aux deux modes distincts pour

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330 Joël Leibenson

disposer des titres intermédiés : le crédit en compte de titres et la conven-tion de contrôle.

§ 2 Le rang des droits acquis sur des titres intermédiés

A. La priorité dans le temps

1. Le principe

A l’instar de ce qui prévaut en principe en droit réels 1, le régime de base introduit par l’art. 30 al. 1 LTI pour gouverner le rang des droits constitués sur les titres intermédiés suit le principe de priorité dans le temps : le droit plus ancien prime le plus récent (prior tempore, potior iure) 2. A cet égard, on peut relever que la nature d’un conflit à résoudre entre différents droits absolus est la même que leur objet soit matériel ou immatériel 3. Le carac-tère incorporel des titres intermédiés n’est donc pas un obstacle à l’applica-tion du principe de priorité dans le temps.

2. Relation entre la titularité des titres et les droits réels limités qui les grèvent

La relation entre la titularité d’un droit absolu et un droit limité qui visent le même objet n’est pas soumise au principe de la priorité dans le temps, mais à la théorie dite de la “charge”. Les facultés juridiques du titulaire de

1 ATF 119 III 32/34 s., consid. 1a) et b) ; Steinauer, Droits réels I, p. 70 s., n. 140 ; Rey, Die Grundlagen, p. 149, n. 550 s. ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kom�Kom�mentar, p. 34 s., Einleitung, n. 65 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 87, Syst. T., n. 302 ; le rang des gages immobiliers est fixé selon la case hypothécaire qui leur est attribuée au registre foncier (cf. art. 813 ss CC).

2 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8878 ; Kuhn, Die Modernisierung, p.  142 ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1079 ; Lanz, Aktientransfers, p. 213 s. ; Foëx, Les actes de disposition, p. 99 s. ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 334 ; Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 154.

3 Piotet, Conflits entre droits absolus, p. 149.

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l’actif sont restreintes par la charge qu’impliquent les facultés dont bénéfi-cie le titulaire du droit limité 4. Il en résulte que, sous réserve d’une acqui-sition de bonne foi de la pleine titularité de l’objet juridique en cause, le droit réel limité qui grève cet objet prime la titularité de cet objet même s’il a été constitué postérieurement à l’acquisition de celle-ci. Ainsi, comme cela est le cas en matière de droit réels, la titularité des titres intermédiés est primée par les droits limités qui grèvent les titres. Hans Kuhn estime, quant à lui, que la règle de la priorité dans le temps s’applique indépendamment du fait qu’un des droits concernés par un conflit soit la titularité des titres. Il soutient que le conflit social est le même quel que soit la nature des droits concernés 5. Une telle position ne nous semble guère soutenable. En effet, si le droit limité ne prime pas la titularité de l’actif, il perd tout simplement son utilité, puisqu’il ne permet pas de conférer un droit de préférence à son bénéficiaire. L’exemple que cet auteur donne est celui d’un transfert de titularité au moyen d’une convention de contrôle suivie de la constitution d’une seconde sûreté par le titulaire de compte également par convention de contrôle. Il considère que l’invoca-tion de l’absence de pouvoir de disposer est un argument trop formaliste, compte tenu du fait que le titulaire de compte est tout de même au bénéfice d’une prétention contractuelle en restitution de l’objet de la sûreté à l’ex-tinction de la créance garantie 6. Selon nous, admettre que, dans un tel, cas le conflit entre les deux droits doit être réglé par le principe de priorité dans le temps revient purement et simplement à écarter l’art. 29 al. 1 LTI en dépit du fait qu’il est pleinement applicable en pareille circonstance. Ce qui précède montre que la possibilité de constituer des droits d’une nature juridique différente par le même mode de disposer est de nature à induire certaines confusions dans l’approche réservée à la résolution des conflits entre deux droit concurrents, qu’il s’agisse de la détermination d’un rang ou de la protection d’un acquéreur de bonne foi. Mais, l’inverse est également vrai. La possibilité de constituer des droits de même nature juridique par les différents modes de disposer que sont les conventions de contrôle et le crédit en compte de titres pose, elle aussi, plusieurs questions

4 Piotet, Les droits réels limités, p. 7, n. 8 ; Meier�Hayoz, Berner Kommentar, p. 139 s., Syst. T., n. 346 s. ; Liver, Zürcher Kommentar, p. 8, Einleitung, n. 8. ; Rey, Die Grund�Grund�lagen, p. 160, n. 581 ; Steinauer, Droits réels I, p. 71, n. 141.

5 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 473, n. 17 ad art. 30 LTI.6 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 473, n. 17 ad art. 30 LTI.

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332 Joël Leibenson

en relation avec l’application des principes de la priorité dans le temps et de la protection de l’acquéreur de bonne foi.

3. La prise de rang

a. Le moment de la perfection de l’acte de disposition

L’art. 24 al. 2 LTI prévoit que l’acte de disposition opéré par crédit en compte de titres est parfait au moment de la bonification et que, simultanément, le titulaire du compte perd ses droits sur les titres intermédiés. L’idée qui est exprimée par le texte légal est de rattacher l’accomplissement de l’acte de disposition au crédit en compte de titres du bénéficiaire et non au débit du compte du disposant. Cette manière de faire permet d’éviter que les titres intermédiés restent sans titulaire s’ils ont été débités du compte du disposant, mais non encore crédités sur le compte du bénéficiaire de l’acte de disposition 7. Les actes de disposition qui ont pour objet l’acquisition de la titularité d’actions nominatives liées ou la constitution d’usufruit sur ces actions ne peuvent pas être mis sur le même plan. L’art. 24 al. 4 LTI réserve dans ce cas les restrictions à la transmissibilité des actions nominatives liées. Cette exception à la négociabilité des instruments financiers sous-jacents aux titres intermédiés a pour effet de conditionner l’acquisition des droits dirigés contre l’émetteur à l’accomplissement des conditions pré-vues par le droit de la société anonymes aux art. 685a ss CO 8. Le texte des art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LTI mentionne simplement pour les conventions de contrôle que la sûreté est constituée par la conclusion d’une convention en faveur du dépositaire ou d’un tiers. Un acte de disposition sur des titres intermédiés ne peut déployer ses effets que lorsque toutes ses conditions sont remplies 9. Pour les actes de

7 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8868 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 380, n. 22 ad art. 24 LTI.

8 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8868 s. ; von der Crone / Bilek, Aktienrecht�Aktienrecht�liche �uerbe�üge, p. 204 ; Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1073 ; Gomez Richa / Veuve, Titres intermédiés, p. 12 ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 381 ss, n. 27 ss ad art. 24 LTI.

9 Foëx, Les actes de disposition, p. 100 ; Lanz, Aktientransfers, p. 209, à la note 69 ; dans le même sens, s’agissant du nantissement, Zobl, Berner Kommentar II, p. 106, n. 17 ad art. 893 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 317, n. 12 ad art. 893 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2109, n. 9 ad art. 893 CC ; d’un autre avis,

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333Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

disposition accomplis par crédit en compte de titres, il est nécessaire qu’un titre d’acquisition valable (contrat d’aliénation, contrat de sûreté, contrat constitutif d’usufruit) ait été conclu, qu’une instruction valable ait été don-née au dépositaire, qu’un acte juridique bilatéral entre le disposant et le bénéficiaire contienne leurs manifestations de volonté de disposer, respec-tivement d’acquérir, et que les titres qui font l’objet de l’acte de disposition soient crédités sur le compte du bénéficiaire. Pour les actes de disposition accomplis au moyen d’une convention de contrôle, il faut une cause valable (contrat de sûreté ou d’usufruit), une convention de contrôle entre le titulaire de compte et le dépositaire, un acte juridique bilatéral entre le disposant et le bénéficiaire qui contienne leurs manifestations de volonté de disposer, respectivement d’acquérir, ainsi que le crédit des titres qui font l’objet de l’acte de disposition sur le compte visé par la convention de contrôle. Ainsi, par exemple, une sûreté ou un usufruit constitués par conven-tion de contrôle sur des titres intermédiés qui ne seront crédités que plu-sieurs mois après la conclusion des conventions de sûreté, respectivement d’usufruit et de contrôle, ne prendra naissance qu’à la date où les titres seront finalement crédités sur le compte, mais non à la date de conclusion de la convention de contrôle. Est-ce à dire que la prise de rang aura lieu à la date de la naissance du droit limité ?

b. Le moment de la prise de rang

i. Les actes de disposition par crédit en compte ou par convention de contrôle

D’après le Message du Conseil fédéral relatif à l’art. 30 al. 1 LTI, le moment déterminant pour la prise de rang est celui de la bonification en cas de crédit en compte de titres selon l’art. 24 LTI, ou celui de la conclusion de la convention en cas de contrôle en faveur d’un tiers ou du dépositaire, selon les art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LTI 10. Plusieurs auteurs retiennent également ces

apparemment : Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 394, n. 31 ad art. 25 LTI, et Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 471, n. 13 ad art. 30 LTI, qui considèrent que la sûreté sur des titres intermédiés naît et est opposable aux tiers lors de la conclusion de la convention de contrôle.

10 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878.

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334 Joël Leibenson

éléments, sans toutefois les replacer dans la perspective du processus glo-bal qui constitue l’acte de disposition 11. La LTI pose, aux art. 24 à 26, les actes déterminants qui sont constitu-tifs des actes de disposition, mais elle n’identifie pas le moment exact où le droit visé par l’acte accompli prend son rang. En outre, la perfection de l’acte de disposition, mentionnée à l’art. 24 al. 1 LTI, et l’opposabilité aux tiers, mentionnée aux art. 25 al. 1 et 26 al. 1 LTI, ne peuvent pas être réalisés si d’autres conditions à l’acte de disposition font défaut. Par ailleurs, il est des cas où l’accomplissement de toutes les conditions n’est pas simultané. Le crédit en compte ou la convention de contrôle pouvant intervenir avant ou après l’accomplissement des autres conditions de l’acte de disposition. Un décalage entre le moment de l’existence du droit et le moment de la fixation de son rang n’est pas possible pour les actes de disposition concer-nant des droits réels limités mobiliers réglés par le Code civil, puisque l’art. 893 al. 2 CC rattache la prise de rang au moment de la création du droit 12. La création d’un droit de gage postérieur sur une chose mobilière implique que l’élément de maîtrise de l’actif grevé et constitutif du droit, la possession, fait défaut au titulaire du droit créé en rang postérieur. Ce dé-faut de publicité est pallié par un avis écrit au titulaire du droit de premier rang 13, qui est une délégation de possession nécessaire à la constitution du droit subséquent. La maîtrise de l’actif grevé est en quelque sorte répartie entre les titulaires de droits de rangs différents 14. Tant que le titulaire du

11 Kuhn, Die Modernisierung, p.  142 ; Lanz, Aktientransfers, p.  213 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 334, à la note 40 (ces auteurs se contredisent par ailleurs en retenant que la sûreté prend son rang selon la date de sa constitution, Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 363 et 365) ; Eigenmann, FISA & HSC Commentary, p. 394, n. 31 ad art. 25 LTI, et Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 471, n. 13 ad art. 30 LTI.

12 Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 146 s. ; l’art. 893 al. 2 CC (“Le rang est déterminé par la date de la constitution des gages”) vaut également pour la constitution d’un usufruit (Zobl, Berner Kommentar II, p. 103, n. 5 ad art. 893 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 321, n. 29 ad art. 893 CC ; Bauer, Zivil�Zivil�geset�buch II, p. 2107 ss, n. 3 et n. 8 ad art. 893 CC) et est applicable aux gages sur les créances et autres droits par le renvoi de l’art. 899 al. 2 CC.

13 Art. 886 CC : “Le propriétaire peut constituer un droit de gage subséquent, à la condi�tion d’en donner avis par écrit au créancier nanti et de l’informer en outre qu’il ait à remettre la chose à l’autre créancier une fois la dette payée”.

14 Il ne s’agit cependant pas d’une possession commune, le gagiste de rang postérieur est possesseur individuel médiat, Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 122 ss ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 987, n. 39 ad art. 886.

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335Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

droit de premier rang exerce une possession suffisante au maintien de son droit, celle du titulaire du droit de deuxième rang est également suffisante au maintien du sien 15. En matière de gage sur les créances et autres droit, la publicité assu-rée par la possession est remplacée par un acte écrit. L’art.  903 CC pré-voit lui aussi un avis écrit au gagiste antérieur de la constitution du gage postérieur 16. Cet avis est nécessaire pour la constitution du droit de gage subséquent 17. Ici également, le moyen utilisé afin de constituer le gage sub-séquent donne une certaine maîtrise au gagiste de deuxième rang, puisque le gagiste de rang antérieur est obligatoirement informé de la création du droit concurrent et est tenu de ne rien faire qui empêche le titulaire du droit de rang postérieur de faire valoir son droit 18. Comme le Code civil, la LTI ne fait pas de distinction entre le moment de la naissance du droit et son opposabilité aux tiers. Cependant, le critère qui permet d’identifier le moment déterminant pour l’établissement du rang n’est pas identique. Une des différences fondamentales que le système d’intermédiation présente par rapport au Code civil est que l’instrument juridique de maîtrise qu’est la convention de contrôle, et qui est nécessaire à la constitution d’un droit sur les titres intermédiés, peut être dissocié de l’actif grevé. En outre, cet instrument peut juridiquement être répli-qué à l’identique chez plusieurs titulaires de droits sur les titres intermé-diés sans que les titulaires de droits antérieurs n’en aient conscience. Cette dissociation entre l’instrument de publicité et la constitution d’un droit de rang postérieur permet de rattacher le moment déterminant le rang à un évènement qui peut survenir avant que le droit concerné ne soit né. Ainsi, le moment déterminant la prise de rang peut survenir lors du cré-dit en compte ou lors de la conclusion de la convention de contrôle, alors même que l’acte de disposition concerné n’est peut-être pas encore parfait. Lorsqu’il le sera, le moment déterminant le rang entre les différents droits

15 Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 123 s.16 Art. 903 CC : “L’engagement subséquent d’une créance déjà grevée d’un droit de gage

n’est valable que si le propriétaire de la créance ou le nouveau créancier gagiste en avise par écrit le créancier gagiste antérieur”. L’art. 903 est donc construit sur le mo�dèle de l’art. 886 CC, cf. Zobl, Berner Kommentar II, p. 366, n. 2 ad art. 903 CC.

17 Zobl, Berner Kommentar II, p. 370, n. 28 ad art. 903 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 542, n. 5 ad art. 903 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2160, n. 4 ad art. 903 CC.

18 Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 8 ss et p. 137.

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limités ne sera pas le moment de la perfection de l’acte, mais celui auquel le crédit en compte ou la convention de contrôle est intervenu. Pendant la période entre la conclusion de la convention de contrôle et le moment de la perfection de l’acte de disposition, le droit concerné n’existe pas et n’est pas opposable aux tiers. Au moment de sa perfection, sa prise de rang est déterminée par la date de la convention de contrôle. Prenons un cas dans lequel une convention de contrôle en faveur de C1 a été conclue le 1er mars dans le but de créer un gage, une convention de contrôle en faveur de C2 a été conclue le 1er avril qui suit, dans le but de créer un gage également. Par ailleurs, toutes les conditions d’une ac-quisition régulière sont remplies (contrat de sûreté, acte de disposition), sauf le crédit des titres sur le compte concerné par les deux conventions de contrôle. Par la suite, les titres visés par ces conventions de contrôle sont crédités sur le compte de titres le 1er mai. Le gage de C1 est en premier rang et le gage de C2 est en 2e rang, même si les deux sûretés sont nées le même jour, à savoir le 1er mai. Deux droits ne peuvent entrer en conflit que s’ils existent les deux. Une convention de contrôle en faveur de C1 a été conclue le 1er mars dans le but de créer un gage, une convention de contrôle en faveur de C2 a été conclue le 1er avril qui suit, dans le but de créer un gage également. Par la suite, les titres visés par ces conventions de contrôle sont crédités sur le compte de titres le 1er mai. Le 1er mai, le constituant et C2 concluent un contrat de gage. Le 15 mai, le constituant et C1 concluent à leur tour un contrat de gage. Du 1er au 15 mai, les titres ne sont grevés que par le gage de C2 et si celui-ci fait réaliser les titres avant le 15 mai, C1 ne peut pas prétendre être en rang préférable. Le système des rangs que nous venons de présenter est celui qui s’im-pose au vu des caractéristiques du système d’intermédiation. En effet, si l’on basait la prise de rang sur le moment de l’existence du droit concerné, il y aurait notamment un risque que deux sûretés conclues à des dates différentes avant que les titres n’arrivent sur le compte du disposant ne prennent rang qu’à la date à laquelle les titres arrivent sur le compte, soit à la même date. Il faudrait alors en déduire qu’elles ont le même rang, ce qui ne permettrait pas de résoudre des conflits entre les différents droits dont le constituant serait convenu à des moments pourtant différents et pour lesquels aucune réserve de rang n’aurait été faite en faveur du créancier qui s’est fait octroyer le contrôle en premier lieu. Cela vaut pour toutes formes de désignation des titres grevés selon l’art. 25 al. 2 LTI tant qu’il n’y a pas

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de convention de réserve de rang ou de modification de rang. Afin de fonc-tionner, le système de prise de rang devrait donc entièrement reposer sur de telles conventions de modification des rangs et cela n’est pas satisfaisant pour un système dont le principe est que le rang préférable est attribué aux événements les plus anciens. Il s’agit donc bien d’admettre que la priorité est déterminée par l’accomplissement de l’acte qui confère le contrôle, sans pour autant admettre une dissociation entre la naissance de la sûreté et son opposabilité aux tiers. La sûreté prend son rang le jour de la création, mais celui-ci est déterminé par la date d’accomplissement du contrôle.

ii. Le droit de rétention du dépositaire

La situation est différente pour la prise de rang du droit de rétention du dépositaire prévu à l’art. 21 LTI. Premièrement, il ne s’agit pas d’un acte de disposition, mais d’une sûreté légale qui ne naît pas de la volonté du consti-tuant et du bénéficiaire. Il est donc logique que cette sûreté ne prenne place dans le conflit potentiel avec d’autres sûretés antérieures ou postérieures que lorsque les conditions de son existence sont réunies 19. Deuxièmement, l’élément déterminant pour la naissance du droit est l’existence d’une dette échue résultant de la conservation ou de l’acqui-sition des titres se trouvant sur le compte concerné. Si l’on rattachait le moment de la prise de rang au moment du crédit en compte et non pas au moment de la naissance du droit de rétention, le droit de rétention au-rait presque toujours la priorité sur les sûretés de tiers. Il y aurait alors un grand risque que les gages en faveur de tiers garantissant des dettes nées après l’acquisition des titres soient primés par le droit de rétention du dépositaire – alors que sa créance ne serait pas échue – même si ce droit de rétention ne naît qu’après la constitution des garanties en faveur des tiers, lorsque sa créance découlant de l’acquisition des titres échoit. En effet, la prise de rang de la sûreté légale remonterait au moment du cré-dit des titres sur le compte et celle-ci ne serait primée que par des sûretés de tiers qui auraient été constituées par la conclusion d’une convention de contrôle en leur faveur avant que les titres n’arrivent sur le compte du constituant.

19 Voir Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 343, n. 29 s. ad art. 21 LTI ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 472, n. 15 ad art. 30 LTI.

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Dans une telle situation, le risque qu’une sûreté du dépositaire prime toujours ne pourrait être écarté que par le recours systématique à une re-nonciation ou à une postposition de la sûreté potentielle du dépositaire 20. Un tel mécanisme s’avèrerait contraire au principe de la priorité dans le temps sur lequel est fondé le système des rangs dans la LTI et qui est plei-nement applicable au droit de rétention du dépositaire 21.

c. Influence du mode d’identification de l’objet de la sûreté sur son rang ?

i. Des titres déterminés

L’application du principe de priorité dans le temps aux actes de disposition sur des titres déterminés constitue la variante la plus simple à appréhender. La pleine application du principe de spécialité a pour conséquence que les titres doivent être identifiés individuellement pour être valablement grevés de droits limités. Dans ce cas, le mécanisme de la prise de rang ne présente pas de difficultés conceptuelles.

ii. Tous les titres d’un compte

La sûreté qui porte sur tous les titres d’un compte ne présente pas de com-plexités majeures, même si son assiette est flottante. C’est-à-dire, même si l’objet de la sûreté peut évoluer dans le temps, notamment avant et après des prises de rangs de droits différents. Cela tient au fait que le seul cri-tère de détermination est le compte de titres. Comme nous l’avons démon-tré plus haut 22, des titres crédités sur le compte après la conclusion d’une convention de contrôle de premier rang et la conclusion d’une convention de deuxième rang, sont grevés par les deux sûretés au moment où ils sont crédités en compte, mais dans l’ordre des rangs assignés aux sûretés par la date de conclusion respective des conventions de contrôle.

20 Une telle convention de modification de rang est possible pour le droit de rétention du dépositaire, cf. Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 344, n. 32 ad art. 21 LTI.

21 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 472, n. 15 ad art. 30 LTI.22 Voir supra chap. IV, § 2, C. 3. a. ii, p. 319.

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339Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

iii. Des titres à concurrence d’une valeur déterminée

La situation est pareille pour la sûreté dont l’objet est une partie des titres d’un compte à concurrence d’une valeur déterminée (art. 25 al. 2 let. c LTI). En effet, la valeur déterminée ne sert qu’à identifier l’objet de la sûreté figurant sur un compte de titres déterminé, sans avoir aucun lien avec le rang des droits constitués. Si la valeur des titres varie dans le temps pour ne plus couvrir la valeur de garantie d’un créancier gagiste et que la sûreté constituée est flottante, des titres crédités ultérieurement reconstitueront l’assiette des sûretés, dans l’ordre de leur rang respectif, comme pour la sû-reté portant sur tous les titres d’un compte.

B. Les exceptions au principe de la priorité dans le temps

Une exception au principe de priorité dans le temps signifie que le droit an-térieur ne prime pas le droit postérieur. Plusieurs solutions sont possibles. L’on peut songer à un système de cases fixes (ou mobiles) tel que celui qui prévaut en matière immobilière, ou bien à l’introduction de la faculté pour les parties de modifier par convention le rang des droits constitués. Il est enfin concevable qu’un acte de disposition postérieur acquière un rang préférable à un droit constitué antérieurement ou que le droit constitué en premier lieu s’éteigne, laissant seul subsister le droit constitué en second lieu, ce dernier cas intervenant lorsque l’acquisition du droit constitué en second lieu est incompatible avec le maintien du droit constitué antérieure-ment. L’acquisition d’un rang préférable ou l’acquisition de l’actif concerné sans le droit constitué en premier lieu portent atteinte au droit acquis par le premier acquéreur. De ce fait, la justification nécessaire se trouve dans la préservation de la sécurité des transactions, qui relève de la protection de la bonne foi de l’acquéreur du droit constitué en second lieu. La LTI ne contient pas de régime de rang en fonction de cases attri-buées aux droits constitués sur les titres intermédiés. Elle connaît en re-vanche un régime spécial pour les actes de disposition accomplis par la cession de titres intermédiés, qu’elle semble indirectement autoriser, et réserve la possibilité pour les parties à un acte de disposition de modifier le rang du droit constitué par cet acte. Les questions les plus complexes sont en lien avec l’acquisition d’un droit sur les titres intermédiés dans l’ignorance de l’existence d’une sûreté antérieure du dépositaire, ainsi que

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la détermination du rang d’actes de disposition accomplis par crédit en compte de titres.

1. Les actes de disposition par cession de titres intermédiés

a. La réserve indirecte en faveur des règles sur la cession

Dans le système des rangs établis par la LTI, l’art. 30 al. 3 prévoit une ex-ception au principe de la priorité dans le temps. En effet, les actes de dispo-sition accomplis au moyen d’une cession au sens des art. 164 ss CO, à savoir les cessions de titres intermédiés ou de droits sur les titres intermédiés 23, sont subordonnés en rang aux actes accomplis selon les dispositions de la LTI, c’est-à-dire selon les art. 24 al. 1, 25 al. 1 et 26 al. 1 LTI, même si la cession est antérieure. En introduisant cette exception, la LTI réserve, in-directement, la possibilité d’accomplir des actes de disposition sur les titres intermédiés au moyen d’un mode, la cession, qui est étranger au système d’intermédiation. Pour certains auteurs, le maintien de la possibilité de disposer des titres intermédiés au moyen d’une cession constitue soit une erreur législative 24, soit une source de problèmes telle qu’elle engendre une insécurité juridique difficilement maîtrisable 25.

b. L’insécurité juridique créée par la réserve en faveur de la cession

La raison qui justifie l’introduction de l’art. 30 al. 3 LTI est la protection du système d’intermédiation mis en place par la LTI. Il s’agit en effet d’assurer la fiabilité des crédits opérés sur les comptes de titres par leur primauté,

23 Foëx, Les actes de disposition, p. 91 s., relève à juste titre que l’art. 30 al. 3 LTI ne concerne que les droits sur les titres intermédiés qui peuvent faire l’objet d’une ces�sion, ce qui n’est pas le cas de l’usufruit, puisqu’il s’agit d’une servitude personnelle incessible.

24 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 81  s. ; Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 577 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 16

25 Voir les exemples donnés par Foëx, Les actes de disposition, p. 91, en relation avec l’exercice d’un droit de préemption sur les titres intermédiés ; voir aussi Steiner / Büchi, Vom Wertrecht �ur Bucheffekte, p. 76.

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341Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

compte tenu du fait qu’un acte de disposition par cession est occulte 26. L’introduction de cette norme est surprenante à plusieurs titres. En premier lieu, le but de sécurité juridique aurait été atteint justement en n’introduisant pas la possibilité de disposer par cession. Le conflit entre deux modes de disposer des titres intermédiés, l’un externe et l’autre in-terne au système d’intermédiation, aurait été évité à coup sûr. Le maintien d’un deuxième régime juridique applicable en marge de la LTI compromet la sécurité juridique autour des actes de disposition sur les titres intermé-diés. Bien que la LTI dénie toute priorité aux actes de disposition accom-plis au moyen d’une cession, la persistance d’un système parallèle est de nature à créer des perturbations dans le flux des transactions concernant les titres intermédiés 27. A l’inverse, si l’on considère que le maintien des règles relatives à la cession n’est pas de nature à créer des perturbations en raison de la règle de priorité introduite à l’art. 30 al. 3 LTI, alors cela signi-fie que la cession de titres intermédiés n’a pas de portée propre puisqu’elle doit toujours céder le pas sur le régime prévu dans la LTI ; le maintien de la possibilité de disposer des titres intermédiés par une cession n’a alors pas de sens, puisque dénuée de toute utilité. Martin Lanz propose d’in-terpréter l’art. 30 al. 3 LTI conformément aux considérations de sécurité des transactions qui sous-tendent son adoption et de ne l’appliquer que lorsque l’acquisition selon la LTI se fait dans l’ignorance d’une cession antérieure 28. Si l’on comprend bien cette proposition, elle conduit à ad-mettre la primauté d’un acte de disposition accompli selon les dispositions de la LTI sur une cession même si cette dernière a été faite antérieurement, si le bénéficiaire du deuxième acte de disposition ignore l’existence de la cession antérieure. Il en découle que si le bénéficiaire du deuxième acte de disposition connaissait l’existence de la cession, il n’est pas protégé et la cession antérieure prime l’acte accompli en second lieu selon la LTI. Cette opinion, que nous ne suivons pas, démontre que l’art. 30 al. 3 LTI introduit bel et bien une insoutenable insécurité juridique en admettant un mode de disposer contraire à la primauté de l’inscription en compte, qui représente le cœur du système d’intermédiation.

26 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878 s. ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 474 s., n. 26 ad art. 30 LTI.

27 Foëx, Les actes de disposition, p. 91.28 Lanz, Aktientransfers, p. 214 : “Da diese Bestimmung [l’art. 30 al. 3 LTI] dem Schutz

des Rechtsverkehrs dient, ist sie m.E. nur anwendbar, wenn der Erwerb gemäss BEG in Unkenntnis einer früheren Abtretung erfolgte”.

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342 Joël Leibenson

En second lieu, le maintien de la faculté d’aliéner des titres intermédiés par le biais de la cession est en opposition avec l’ensemble du système mis en place par la LTI et est même contradictoire avec le souhait du législa-teur. Ce dernier considère en effet que l’intermédiation des instruments financiers nécessite que les modes de disposer prévus en droit commun demeurent inapplicables 29. Le système de la LTI pour disposer des titres intermédiés est en outre conçu comme exclusif 30. L’on a du mal à imaginer que les règles de la cession de créances sont suspendues par l’intermédia-tion, mais qu’il serait toujours possible d’y recourir pour disposer de titres intermédiés.

c. Le caractère insoluble des conflits créés par la réserve en faveur de la cession

Enfin, l’introduction d’une telle dérogation à l’autonomie du système d’in-termédiation pose des questions juridiques délicates. Prenons le cas d’une cession de titres intermédiés entre A et B suivie d’une instruction de A ten-dant au transfert des titres par crédit sur le compte de B et admettons qu’il s’agisse d’une opération à titre onéreux. Au moment de l’instruction, A a déjà disposé des titres par cession, il n’a donc plus le pouvoir de disposer 31, ce que B sait, puisqu’il est le bénéficiaire de la cession intervenue préala-blement. L’acte de disposition selon la LTI est donc accompli sans pouvoir de disposer et le bénéficiaire est de mauvaise foi. Sur la base de l’art. 30 al. 3 LTI, le crédit en compte devrait primer la cession. Cependant, selon l’art. 29 al. 2 LTI, le titulaire de compte de mauvaise foi ne peut pas conser-ver les titres et est tenu de les restituer. Une issue à la problématique qui résulte du conflit entre l’art. 30 al. 3 et l’art. 29 al. 1 et 2 LTI aurait pu consis-ter à considérer le crédit en compte de titres non comme un acte de dis-

29 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8890 : “les droits sur les papiers-valeurs en dépôt collectif, sur les certificats globaux et sur les droits-valeurs nés en vertu des art. 973a ss CO, ainsi que les conditions et les effets juridiques de leur transfert sont suspendus dès que les titres entrent dans le champ d’application de la LTI du fait qu’ils sont mis en dépôt chez un dépositaire et inscrits au crédit d’un compte de titres”.

30 Conseil Fédéral, Message LTI, 8849 s. : “Les investisseurs ne peuvent toutefois plus, pendant toute la durée de ce dépôt, exercer de droits résultant de la copropriété des papiers-valeurs en dépôt collectif ou du certificat global. En particulier, ils ne peuvent plus transférer des titres intermédiés que selon les prescriptions du chapitre 5”.

31 Voir Foëx, Les actes de disposition, p. 91.

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343Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

position, mais comme une simple action de fait destiné à mettre l’état du compte en conformité avec la situation juridique matérielle prévalant entre les parties. Le seul problème (fondamental) est qu’une telle manière de voir conduit purement et simplement à éluder l’entier du système introduit par la LTI, puisqu’il serait possible d’accomplir un acte de disposition sur des titres intermédiés sans passer par les dispositions de cette loi. Compte tenu des conséquences imprévisibles qu’elle peut entraîner, la cession de titres intermédiés est à éviter absolument. En outre, une partie qui voudrait s’assurer d’une exécution rapide en sa faveur à l’issue d’une négociation en se faisant céder des titres intermédiés risque bien, au contraire, de voir la validité de son acquisition contestée et de péjorer sa situation au lieu de l’améliorer.

2. Les conventions de modification de rang

a. L’absence d’effet erga omnes

L’art. 30 al. 4 LTI prévoit une dérogation conventionnelle au principe de la priorité dans le temps. Il est en effet possible aux parties de convenir d’une modification de rang. Cette convention de modification peut concerner des droits sur les titres intermédiés lors de leur création, dans le cas d’une constitution simultanée, mais il peut également s’agir d’une modification de rang intervenant postérieurement à la constitution des droits dont il s’agit de régler l’ordre de priorité 32. L’art. 30 al. 4 LTI prévoit en outre qu’une convention de modification de rang n’a d’effets qu’entre les parties à cet accord (inter partes). D’ordi-naire, les conventions de modification des rangs des droits réels mobiliers limités ont un effet erga omnes qui doit être respecté dans la réalisation for-cée du bien grevé 33. Le rang ne fait pas partie du contenu du droit consti-tué, mais il matérialise la portée du droit de préférence attachée à la qualité de droit absolu 34. L’acte qui modifie le rang est en conséquence un acte de

32 Voir, pour le nantissement, Zobl, Berner Kommentar II, p. 107 s., n. 23 s. ad art. 893 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 320, n. 24 ss ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2109 s., n. 11 ad art. 893 CC.

33 Zobl, Berner Kommentar II, p. 108, n. 24 ad art. 893 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 320, n. 24 ss ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2109 s., n. 11 ad art. 893 CC ; Foëx, Les actes de disposition, p. 100 ; Piotet, Titres intermédiés, p. 109.

34 Piotet, Titres intermédiés, p. 109 ; Dubois, Le rang des droits de gage, p. 214.

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disposition sur le droit réel concerné 35, il serait dès lors logique que cet acte de disposition ait un effet erga omnes. Il faut cependant distinguer un tel acte de disposition d’une simple renonciation contractuelle du titulaire du droit à certaines des facultés at-tachées au rang de son droit 36. L’examen de la ratio de la norme permet d’en vérifier son véritable impact.

b. La ratio de la norme

Les travaux préparatoires ne précisent pas ce qui a conduit à l’adoption de ce texte 37. Avec Bénédict Foëx, l’on peut s’étonner d’une telle norme et se poser la question de savoir quel équilibre entre toutes les parties concer-nées celle-ci est destinée à introduire 38. Il nous semble que l’on peut rai-sonnablement admettre que les intérêts visés sont, en premier lieu, ceux d’un titulaire de droit qui n’a pas (et ne peut avoir) connaissance d’une convention de modification qui a pour effet que son droit serait primé par un autre droit que jusqu’alors, et qui péjore sa position juridique. Le ré-sultat auquel une telle norme conduit est un mécanisme circulaire qui ne modifie pas le rang des droits existants. En effet, imaginons que A est en 1er rang, B en 2e rang et C en 3e rang. A et C ont conclu une convention de modification qui fait primer le droit de C sur celui de A. Le droit de A prime le droit de B, qui prime le droit de C, qui prime à son tour le droit de A en vertu de la convention de modification 39. La solution propo-sée jusqu’ici en doctrine n’est pas satisfaisante, puisqu’elle implique, par exemple pour les gages, que le produit de réalisation est obtenu par le ti-tulaire du droit en premier rang avant modification, qui est obligé de le remettre au titulaire du droit de rang postérieur au bénéfice d’une conven-

35 Dubois, Le rang des droits de gage, p. 216 ss ; voir également Piotet, Le rôle du rang, p. 155 s. et p. 162 ss.

36 Dubois, Le rang des droits de gage, p. 214 s.37 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 83 ; Conseil Fédéral, Message LTI,

p. 8879.38 Foëx, Les actes de disposition, p. 100.39 Le même phénomène est observé avec l’art. 19 al. 6 de la Convention de Genève sur

les titres, qui prévoit également que les conventions de modification de rang n’ont pas d’effet erga omnes, voir Kanda / Mooney / Thévenoz / Béraud, Commentaire officiel UNIDROIT, p. 181 s., n. 19�16.

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345Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

tion de modification 40. Dans ces conditions, un rang préférable acquis par convention ne garantit pas d’être payé par préférence, puisque ceci ne tient qu’à la volonté du débiteur de l’obligation résultant de la convention de modification du rang. En d’autres termes, selon un tel régime juridique, une convention de modification du rang ne modifie pas le rang. Il appert que la modification de rang envisagée par l’art. 30 al. 4 LTI correspond à une simple renonciation conventionnelle à l’exercice d’une faculté attachée au rang de son droit. Mais, on peut se demander si l’art. 30 al. 4 LTI n’a pas également pour effet de protéger les dépositaires face à des conventions conclues entre des titulaires de droits et le titulaire de compte dont ils n’auraient pas, eux non plus, connaissance. Dans un tel cas, le dépositaire est en effet, dans l’impossibilité de reconstituer les rangs. La problématique de la maîtrise des rangs par le dépositaire ne concerne pas seulement la modification conventionnelle des rangs, mais également le maintien des rangs consti-tués par l’effet de la loi selon le principe de la priorité dans le temps. Cette question sera traitée plus loin 41.

c. La variabilité de l’effet relatif de la convention

Selon nous, l’incertitude introduite par l’art.  30 al. 4 LTI n’est pas aussi importante qu’il n’y paraît. Il faut tout d’abord distinguer entre l’opposabilité du nouveau rang convenu aux autres titulaires de droits absolus qui ne sont pas parties à la convention et l’opposabilité aux autres tiers. Ces derniers, n’ayant pas de droit absolu sur les titres, doivent se laisser opposer le droit d’un gagiste ou d’un usufruitier, quel que soit son rang, la question n’a donc pas de portée propre dans ce cas. S’agissant des autres titulaires de droits absolus, il est habituellement admis en droits réels qu’ils ne peuvent se voir opposer la substitution d’un gage qui leur serait antérieur par un autre qui leur était postérieur si cette permutation porte préjudice à leur position juridique 42. Ainsi, pour être

40 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 475 s., n. 33 ad art. 30 LTI.41 Voir infra chap. V, § 3, D, p. 397.42 ATF 72 II 351/356  s. ; Leemann, Beschränkten dinglichen Rechte, p.  1110, n. 4 ad

art. 893 ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 320, n. 25 ad art. 893.

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346 Joël Leibenson

opposable aux ayants droit qui n’y sont pas parties, la convention de mo-dification de rang ne doit pas avoir pour effet de placer en rang préférable un gage garantissant une créance plus élevée 43, ni un gage garantissant une créance ayant une échéance différente 44 de celle qui était garantie par le gage qui se trouvait précédemment à ce rang. En conséquence, afin de déployer un effet erga omnes, une convention de modification de rang doit réunir touts les ayants droit dont la position est touchée, y compris le constituant 45. Par exemple, le droit de A est en 1er rang, celui de B en 2e rang et celui de C en 3e rang, et une convention de modification entre A et C intervertit le rang de leur gage respectif. Le gage de C ne primera celui de B que dans la mesure du montant de la créance de A. Si la créance de C est plus élevée que celle de A, le gage de C ne lui permettra pas de recevoir le produit de la réalisation qui excèderait le montant de la créance de A, cet excédant devant revenir à B du fait de son 2e rang. Il découle de ce qui précède que l’effet erga omnes des conventions de modification de rang en droits réels ne vaut que dans la mesure où les droits des tiers ne sont pas lésés. A contrario, cela signifie qu’une convention est opposable aux autres titulaires de droits sur le bien grevé qui n’y ont pas consenti, si leur position juridique n’est pas péjorée par la convention de modification, voire améliorée, si le gage qui les prime dorénavant garantit une créance d’un montant moins élevé que celle qui l’était par le gage les primant avant la conclusion de la convention. Il découle de ce qui précède que malgré son texte, l’art. 30 al. 4 LTI consacre une situation qui corres-pond à ce qui prévaut selon le Code civil pour les droits réels mobiliers.

3. L’acquisition de bonne foi d’un rang préférable (renvoi)

En cas d’existence d’une sûreté antérieure du dépositaire, l’art.  30 al.  2 LTI prévoit l’acquisition d’un rang préférable par le bénéficiaire d’une sû-

43 Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2109 s., n. 11 ad art. 893 CC.44 Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 149.45 Zobl, Berner Kommentar II, p. 108, n. 24 ad art. 893 CC. Voir, cependant, l’art. 1170

al. 1 ch. 7 CO, selon lequel une majorité des deux tiers au moins du capital en circu�lation d’un emprunt par obligations est nécessaire pour qu’une décision valable soit prise par la communauté des créanciers sur la constitution d’un gage avec droit de priorité en faveur de nouveaux capitaux versés à l’émetteur, sur la modification des sû� retés garantissant un emprunt ou sur la renonciation totale ou partielle à ces sûretés.

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347Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

reté postérieure si le dépositaire conclut avec le titulaire d’un compte une convention au sens de l’art. 25, al. 1, sans signaler expressément au béné-ficiaire de la nouvelle sûreté la sûreté antérieure du dépositaire. D’autres normes visent également le sort d’un droit constitué antérieurement par rapport à un droit constitué postérieurement au moyen d’un crédit en compte de titres (art. 21 al. 2 et 26 al. 2 LTI). Cependant, ces normes pré-voient l’extinction du droit antérieur et non pas sa subordination. Une éventuelle acquisition de bonne foi d’un rang par crédit en compte de titre n’est ainsi pas spécifiquement réglée par la LTI. Les problématiques qui se posent dans la subordination et l’extinction des droits antérieurs en cas d’ignorance de l’acquéreur subséquent relèvent des mécanismes de protection de la bonne foi de cet acquéreur. Nous renvoyons dès lors aux réflexions que nous consacrons à ces questions dans la section dédiée à la protection de l’acquéreur de bonne foi 46.

C. L’effectivité du rang des droits sur les titres intermédiés

1. But et contexte du régime des rangs

La maîtrise que procure la titularité d’un droit absolu est opposable aux tiers, c’est-à-dire non seulement au constituant du droit, mais également à toute autre personne. Cette opposabilité aux tiers se matérialise, entre autres, par le droit de préférence, qui permet au titulaire du droit de l’exercer par préférence aux personnes qui n’ont qu’un droit personnel en relation avec l’objet du droit 47. Lorsque plusieurs personnes ont des droits réels limités sur un même objet juridique, il faut régler la priorité entre ces titulaires de droits absolus. La raison d’être du rang est de permettre l’exécution or-donnée de plusieurs droits réels limités grevant un même actif 48. L’attribu-tion d’un rang permet donc de résoudre l’incompatibilité qui peut résulter du contenu respectif de plusieurs droits concurrents sur le même objet 49.

46 Voir infra chap. V, § 3, D, p. 397.47 Steinauer, Droits réels I, p. 43, n. 26 s. ; Piotet, Le rôle du rang, p. 155.48 Piotet, Le rôle du rang, p. 156.49 Steinauer, Droits réels I, p. 70 s., n. 140 ; il s’agit, par exemple, de l’exercice de la

propriété et de l’usufruit ou de deux droits de gage garantissant à leur titulaire de faire réaliser l’objet du gage à leur profit pour une valeur dépassant celle de l’objet grevé ; voir aussi Rey, Die Grundlagen, p. 150, n. 552 ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 34 s. Einleitung, n. 65.

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348 Joël Leibenson

Le rang est une manifestation du droit de préférence dont jouit le ti-tulaire d’un droit réel limité. Le droit de préférence étant une des compo-santes de l’opposabilité erga omnes, la détermination du rang des droits repose sur les mécanismes que permettent les instruments de publicité qui servent à leur constitution. Cela est vrai en matière immobilière avec le registre foncier 50, mais également en matière mobilière avec le rôle joué par la possession dans l’établissement du rang du gage 51. Ainsi, l’instrument de la manifestation au monde du droit créé assume également une fonction dans la détermination du rang de ces droits. Il en va de même dans la loi sur les titres intermédiés. La prise de rang est subordonnée à l’accomplissement de l’acte destiné à remplir les mêmes fonctions que les moyens traditionnels de publicité. Cependant, à la dif-férence de ce qui prévaut dans le Code civil, le transfert de titularité des titres intermédiés et la constitution des différents droits réels limités peu-vent être accomplis selon deux modes différents : le crédit en compte de titres et la conclusion d’une convention de contrôle. Nous avons vu que cette particularité entraîne certaines conséquences pour la prise de rang sur des droits portant sur les titres intermédiés 52. Cette caractéristique a également des conséquences sur le rôle que le dépositaire joue afin que les différents rangs des droits concurrents soient effectivement maintenus lors de la création du droit ou lorsque l’un d’entre eux est exercé. La nécessaire implication du mécanisme de publicité dans la fixation du rang doit assu-rer que l’information quant au(x) droit(s) existant(s) parvienne obligatoi-rement à l’acquéreur d’un droit de rang postérieur avant le moment de son acquisition. Les conséquences de l’absence d’une telle information au mo-ment de la constitution du droit ne relèvent pas de la fixation du rang, mais de la protection de la bonne foi. Cependant, outre l’information dans la

50 �ue le rang soit rattaché à la date de l’inscription au registre ou à une case hypothé�caire attribuée au gage immobilier ; voir les art. 972 al. 1 CC et 813 al. 1 CC.

51 Voir les art. 886 CC et 903 CC au sujet de l’avis à donner nécessairement au gagiste de rang préférable quant à l’existence du gage de rang postérieur qui est créé. Le gage de rang postérieur est ainsi créé au moyen de l’accomplissement de l’acte de publicité valant pour le type de gage en question (transfert de possession par délégation ou notification écrite) ; voir Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 979, n. 3 ad art. 886 CC et Zobl, Berner Kommentar II, p. 370, n. 26 à 28 ad art. 903 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2073 s., n. 9 s. ad art. 886 CC et p. 2160, n. 4 ad art. 903 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 249 s., n. 3 ad art. 886 CC ; Stark, Berner Kommentar, p. 155, n. 34 ad art. 924 CC.

52 Voir supra chap. V, § 2, A. 3. a, p. 332, et b, p. 333.

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349Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

phase d’acquisition de titres ou de constitution de droits limités 53, la mise en œuvre du rang des droits sur les titres intermédiés pose la question cen-trale de l’information des titulaires de droits quant au rang de chaque droit existant, dans le but d’assurer effectivement la coordination entre les diffé-rents droits lorsque leur exercice se révèle conflictuel. Cette problématique sera illustrée ci-dessous par l’exemple de la réalisation forcée et privée du gage en matière mobilière 54 et nous en tirons plus loin les conséquences nécessaires pour le système des rangs des droits sur les titres intermédiés 55.

2. Le droit de préférence à l’exemple de la réalisation du gage mobilier

La réalisation du gage est la situation classique où le rang des droits réels limités joue son rôle. L’exercice par un créancier gagiste de son droit à faire réaliser l’actif grevé se révèle incompatible avec le droit des autres titulaires de droits si le prix obtenu ne permet pas que toutes les dettes garanties soient remboursées. Dans un tel cas, le rang des droits de gage existant permet de déterminer le créancier gagiste qui doit être désintéressé en priorité 56. Les principes qui gouvernent la réalisation de gage mobilier per-mettent une mise en œuvre effective du rang des différents droits concur-rents et, donc, du droit de préférence de ces droit absolus.

a. L’information des titulaires de droits de gage concurrents

Dans le cas d’une procédure de réalisation forcée, l’art. 151 al. 2 LP 57 prévoit que le créancier qui requiert une poursuite en réalisation d’un gage mobi-lier sur lequel un tiers a un droit de gage subséquent doit informer ce der-nier de la réquisition de poursuite. Cette norme met le créancier gagiste de rang postérieur dans une position lui permettant de faire éventuellement valoir ses droits dans la procédure d’exécution forcée 58. Cette disposition

53 Voir infra chap. V, § 3, B. 3, p. 383.54 Voir infra chap. V, § 2, C. 2, p. 349.55 Voir infra chap. V, § 2, C. 3, p. 352.56 Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 315, n. 8 ad art. 893 CC.57 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (RS 281.1).58 Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 176 ; Bauer, Zivilgeset��Zivilgeset��

buch II, p. 2075 s., n. 21 ad art. 886 CC.

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350 Joël Leibenson

est également applicable lorsque l’objet du gage est une créance ou un autre droit 59. En cas de poursuite en réalisation de gage intentée par un créancier gagiste de rang postérieur, la loi ne prévoit pas expressément que celui- ci doive informer les créanciers gagistes de rang antérieur. Le créancier dont le droit est en premier rang sera informé de la réalisation à venir du gage, lorsque l’office lui ordonnera de remettre l’objet grevé afin de pro-céder à la réalisation 60. Dans le cas de créances, il pourra s’agir de la re-mise des documents attestant l’existence de la créance 61. Certains auteurs appliquent l’art.  151 al.  2 LP par analogie et admettent que le gagiste de premier rang doit alors informer les créanciers gagistes qui auraient un rang intermédiaire entre le premier rang et le rang du droit du créancier poursuivant 62.

b. Les principes de l’offre suffisante, de la liquidation des charges et le ius offerendi

Deux principes qui guident la procédure de réalisation forcée du gage mo-bilier ont également pour effet de coordonner l’exercice des droits concur-rents en conformité avec les rangs acquis. Il s’agit du principe de l’offre suffisante (ou de couverture) et du principe de la liquidation des charges. Le principe de couverture protège le créancier gagiste de rang anté-rieur, lorsque la réalisation est demandée par le créancier de rang posté-rieur. En application de l’art. 126 al. 1 LP, le principe de couverture com-mande que la réalisation n’ait lieu que si le prix de vente couvre le montant des éventuelles créances garanties par un gage de rang antérieur à celui du créancier qui demande la réalisation du gage 63.

59 Voir Foëx, Commentaire romand LP, p. 727, n. 29 ad art. 151 LP ; Känzig / Bernheim, Basler Kommentar, SchKG I, p. 1475, n. 64 ad art. 151 LP ; etc.

60 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 185, Syst. T., n. 643 ; Foëx, Commentaire romand LP, p. 728, n. 35 ad art. 151 LP.

61 Foëx, Commentaire romand LP, p. 758, n. 48 ad art. 155 LP.62 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 185, Syst. T., n. 643 ; Känzig / Bernheim,

Basler Kommentar, SchKG I, p. 1475, n. 66 ad art. 151 LP.63 Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p.  33, Syst. T., n.  125 ; Zobl / Thurnherr,

Berner Kommentar I, p.  196, Syst. T., n.  687 ; Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 187 ; Foëx, Commentaire romand LP, p. 773, n. 67 ss ad art. 156 LP ; etc.

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351Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

Le principe de la liquidation des charges implique que les dettes garan-ties par gage mobilier ne sont pas déléguées à l’acquéreur de l’objet grevé de ces gages, mais sont payées dans la mesure de ce que permet le produit de la réalisation. Les gages sont tous éteints par la réalisation de leur ob-jet, même s’ils garantissent une créance non échue et/ou non payée par le produit de réalisation 64. Le principe de liquidation protège également le créancier dont le droit a un rang antérieur, puisqu’il facilite la réalisation de l’objet du gage, libéré d’un éventuel droit de gage de rang postérieur. Enfin, le créancier gagiste qui ne requiert pas la réalisation du gage dispose de la possibilité d’exercer le ius offerendi, conformément à l’art. 110 ch. 1 CO. Cette disposition lui permet de payer le créancier poursuivant et d’être subrogé dans ses droits 65. L’effet d’une telle norme permet de conser-ver l’avantage économique que présente la réalisation d’un gage libre de droits de tiers sans pour autant léser les droits du créancier gagiste qui ne requiert pas la réalisation du gage. L’exercice du ius offerendi est rendu possible par le fait que le créancier qui ne requiert pas la réalisation est informé de celle-ci.

c. Le maintien des rangs dans la réalisation privée

Lorsqu’un droit de réalisation privée est conféré à l’un ou l’autre des créan-ciers gagistes, il n’en demeure pas moins que tous les créanciers doivent être désintéressés dans l’ordre de leur rang 66. Dans un tel cas, la ques-tion se pose de savoir comment le maintien du rang des différents droits concurrents est assuré dans le cadre de la réalisation de l’objet du gage. L’art. 151 al. 2 LP, qui organise une partie de la transmission de l’infor-mation entre les titulaires de gages concurrents, n’est pas applicable. Il en découle que ce sont, en principe, les règles du droit civil qui s’appliquent et non le régime de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite 67. A ce titre,

64 Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p.  33, Syst. T., n.  125 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 197 s., Syst. T., n. 689 et p. 199, Syst. T., n. 693 ; Foëx, Com�mentaire romand LP, p. 775, n. 79 s. ad art. 156 LP ; Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 188 s.

65 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 988, n. 44 ad art. 886 CC ; Bauer, Zivil�Zivil�geset�buch II, p. 2075, n. 18 ad art. 886 CC.

66 Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 315 s., n. 9 ad art. 893 CC.67 Erne, Mehrfache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 206 s.

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352 Joël Leibenson

le principe de la priorité dans le temps implique que lorsque la réalisation privée est provoquée par le créancier gagiste de rang préférable le principe de liquidation des charges est applicable 68. Le créancier dont le droit est en rang postérieur doit être informé avant la réalisation afin de pouvoir faire éventuellement valoir son ius offerendi et un éventuel surplus de réa-lisation doit lui être remis 69. En revanche, lorsque la réalisation privée est entreprise par un créancier gagiste de rang postérieur, le principe de liqui-dation n’est pas applicable et l’objet du gage est acquis avec les charges 70. Cette situation est acceptable en raison du fait que le titulaire d’un gage de rang préférable qui ne requiert pas la réalisation est au bénéfice de la maîtrise que confère la possession de la chose mobilière grevée, ce qui lui confère le pouvoir d’exercer, cas échéant, son ius offerendi ou de s’oppo-ser en fait à la réalisation 71. Pour le gage sur les créances et autres droits, l’inapplicabilité du principe de liquidation des charges dans ce cas n’est pas problématique. En effet, le régime juridique ordinaire de l’acquisition des créances ne permettant pas l’acquisition de bonne foi, la question de l’information de l’acquéreur au sujet du gage qui continuera à grever la créance ne se pose pas.

3. Le maintien du rang des droits sur les titres intermédiés

Il ressort de la présentation des mécanismes de la réalisation de gage que nous venons de faire que le maintien du rang en matière mobilière dépend de deux facteurs fondamentaux : la maîtrise de fait de l’actif grevé et l’in-formation au sujet de l’exercice éventuel des droits concurrents. Dans cette perspective, nous examinerons ci-après les difficultés les plus marquantes qui accompagnent les nouveautés introduites par la LTI, afin d’en tirer les conséquences qui s’imposent pour la gestion de l’exer-cice des droits concurrents sur les titres intermédiés conformément à leur rang.

68 Zobl, Berner Kommentar II, p. 104 s., n. 12 ad art. 893 CC ; d’un autre avis, Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 316., n. 10 ad art. 893 CC ; voir également Erne, Mehr�Mehr�fache Verpfändung von Mobilien und Rechten, p. 208, qui retient que l’objet du gage n’est acquis exempt de charges que si l’acquéreur est de bonne foi.

69 Zobl, Berner Kommentar II, p. 104 s., n. 12 ad art. 893 CC.70 Zobl, Berner Kommentar II, p. 104 s., n. 14 ad art. 893 CC.71 Zobl, Berner Kommentar II, p. 105, n. 14 ad art. 893 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher

Kommentar, p. 301., n. 55 ad art. 891 CC.

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353Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

a. Les difficultés de maintien du rang liées au régime de la LTI

i. Distinction entre détermination de l’assiette d’un gage et son rang

La nouveauté introduite par l’art. 25 al. 2 let. c LTI, qui permet d’avoir pour objet d’un gage une partie des titres figurant au crédit d’un compte à concurrence d’une valeur déterminée, peut apparaître comme une source de confusion avec la fixation du rang des gages dont l’objet est déterminé de cette manière. Certains auteurs sont d’avis que l’art. 30 LTI n’est pas applicable à la détermination du rang entre plusieurs sûretés dont l’objet est identifié à concurrence d’une valeur déterminée 72. Leur analyse part du principe que ces sûretés ont toutes une assiette flottante 73. Cependant, le choix d’un tel mode d’identification de l’objet de la sûreté n’entraîne pas nécessairement son caractère flottant 74. Il faut qu’elle ait été conclue pour grever également les titres acquis postérieurement à sa constitution. Le but de l’introduction d’une telle norme est de pouvoir morceler et mieux affec-ter la valeur de garantie des titres intermédiés, mais pas de créer automati-quement un acte de disposition anticipé sur tous les titres qui seront acquis dans le futur par le constituant.

ii. Le contrôle des titres intermédiés et leur caractère immatériel

Une autre innovation de la LTI réside dans une large prise en compte du mécanisme de la réalisation privée du gage. Cette ouverture légale vers la plus grande flexibilité possible s’agissant du mode d’exercice des droits de gage grevant des titres intermédiés, combinée à la nature de la maîtrise exercée par le créancier gagiste sur l’objet de son droit, a incité certains auteurs à retenir qu’un créancier de rang postérieur peut demander en pre-mier la réalisation des titres grevés sans qu’un créancier gagiste de rang antérieur n’en ait connaissance 75. Il convient tout d’abord de relever que la réalisation privée ne peut inter venir que si elle a été convenue entre le constituant et le titulaire du

72 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 355.73 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 356.74 Voir supra chap. IV, § 2, C. 4, p. 322.75 Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 356 s.

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354 Joël Leibenson

gage 76. Il n’est dès lors pas question que tous les créanciers gagistes sans exception soient automatiquement au bénéfice d’un tel droit. De plus, ad-mettre qu’un créancier gagiste de rang postérieur puisse demander, et ob-tenir, la réalisation du gage à son profit sans que le titulaire d’un droit de gage de rang antérieur ne soit d’une manière ou d’une autre mis en mesure de préserver son droit, ne repose sur aucune base légale ni élément res-sortant des travaux préparatoires de la LTI, mais est surtout contraire à la notion même de rang d’un droit absolu, qui est une expression du droit de préférence. Une telle situation signifierait que les droits dont les divers créanciers gagistes sont chacun titulaire n’auraient pas de rang les uns par rapport aux autres et que le système posé par l’art. 30 LTI n’existerait pas. Ces droits ne seraient pas des droits absolus. La crainte que l’exercice des différents droits absolus qui portent sur des titres intermédiés ne soit soumis à aucune coordination repose sur deux éléments caractéristiques du régime des titres intermédiés qui inter agissent entre eux : l’immatérialité de l’objet du droit et le mode de maîtrise exercée par le titulaire du droit sous la forme de la convention de contrôle. La nature immatérielle des titres intermédiés rend impossible une maî trise directe de l’objet de son droit par le créancier gagiste de premier rang. Le contrôle des titres intermédiés est indirect et s’exerce par le biais d’un même dépositaire pour tous les protagonistes concernés par le sort des titres intermédiés crédités sur un compte de titres. Cette situation a une double conséquence. Premièrement, les titres intermédiés peuvent être maîtrisés par plusieurs titulaires de droit en même temps. En effet, le système de la LTI laisse subsister la possibilité de donner des instructions concurrentes qui doivent impérativement être coordonnées en fonction du rang des donneurs d’ordre. Deuxièmement, l’absence de matérialité des titres intermédiés empêche le créancier de rang antérieur à celui qui re-quiert la réalisation d’être informé de celle-ci ou de pouvoir la contrôler, comme cela est le cas avec les choses mobilières. Cette caractéristique n’a pas une grande portée pour les créances et autres droits dont le régime d’engagement est réglé par le Code civil, parce que la bonne foi d’un tiers

76 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8869 ; Eigenmann, La réalisation des sûretés, p.  132 ; Lanz, Aktientransfers, p.  211 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p.  495, n. 28 ad art.  31 LTI ; Steiner, Besicherung nach dem Bucheffektengeset�, p.  169 ; Dörig / Weber, Die private Verwertung, p. 257 ; contra : Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 579 ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 505, n. 117.

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355Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

acquéreur n’est pas protégée s’il acquiert son droit dans l’ignorance du gage qui grèverait encore le droit réalisé. Elle a cependant une portée dé-terminante dans le système des titres intermédiés, puisqu’une telle acqui-sition de bonne foi est possible 77.

b. Les obligations en relation avec l’exercice des droits sur les titres intermédiés

Comme nous l’avons vu ci-dessus en relation avec la procédure de réali-sation du gage portant sur des choses mobilières 78, le maintien du rang des droits réels limités passe par une coordination de leur exercice fondée essentiellement sur l’information des titulaires de droits, leur permettant de les faire valoir conformément à leur rang. Il en va de même s’agissant du maintien du rang des gages sur les titres intermédiés. La solution à ap-porter repose sur la coordination des actes que le dépositaire et le créancier requérant un acte de réalisation sont amenés à accomplir. Cette coordina-tion est, d’une part, déduite de la structure fondamentale du système d’in-termédiation ayant le dépositaire pour pierre angulaire et résulte, d’autre part, des règles générales applicables à la réalisation du gage.

i. La coordination de l’exercice des droits sur les titres intermédiés

La conséquence du régime juridique des titres intermédiés implique que l’information soit concentrée chez le dépositaire. En raison de son rôle

77 La nouveauté du système et la difficulté à percevoir le rôle que le dépositaire doit réellement jouer a conduit certains auteurs à soutenir que la violation de ses obliga�tions contractuelles par le constituant ne tombe pas dans le champ d’application de la protection de la bonne foi et que l’acquéreur de titres intermédiés qui sont grevés d’une convention de contrôle en faveur d’un tiers acquiert les titres sans la sûreté préexistante et cela même s’il connaissait son existence, à savoir même s’il était de mauvaise foi cf. Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 578, à la note 56 : “Der Erwerber von Bucheffekten, die einem Dritten als Sicherheiten gemäss Art. 25 BEG die-nen, erwirbt unbelastetes Eigentum. Dies gilt u.E. selbst dann, wenn er von der Kon-trollvereinbarung wusste, mithin bösgläubig war. Der Gutglaubensschutz nach Art. 29 BEG bezieht sich nicht auf Fälle, in welchen ein Veräusserer in Verletzung vertraglicher Pflichten über die Bucheffekten verfügt, sondern auf Verfügungen über Bucheffekten, welche dem Veräusserer aufgrund missbräuchlicher oder fehlerhafter Buchungen gutge-schrieben wurden”.

78 Voir supra chap. V, § 2, C. 2, p. 349.

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356 Joël Leibenson

central dans le système d’intermédiation, seul le dépositaire est en mesure d’assurer la publicité des droits sur les titres intermédiés au moyen d’un contrôle effectif de l’exercice des droits sur les titres intermédiés.

aa. L’articulation du système d’intermédiation. La LTI prend en compte la prépondérance du rôle assuré par le dépositaire dans le système d’intermé-diation en prévoyant à l’art. 13 al. 2 LTI que le titulaire de compte ne peut exercer ses droits sur les titres intermédiés que par son dépositaire. Cette norme nécessite d’être explicitée afin d’en saisir la portée exacte. Contrairement à ce que son texte indique, cette norme ne s’applique pas qu’au titulaire d’un compte, mais aussi au bénéficiaire d’une conven-tion de contrôle. En effet, l’art.  13 al. 2 LTI vise l’exercice d’un droit sur des titres intermédiés (Rechte an Bucheffekten), par opposition aux droits découlant des titres intermédiés (Rechte aus Bucheffekten), qui sont dirigés contre l’émetteur des instruments financiers 79. Cette solution résulte de l’interprétation de l’art. 13 al. 2 LTI conformément à l’un des buts de la LTI ancré à l’art. 1 al. 2 LTI, qui vise la protection des droits de propriété des investisseurs. Dans le cadre de la réforme du droit suisse des titres inter-médiés, la notion d’investisseur couvre autant “les propriétaires de titres que les titulaires de sûretés”80. Le concept des droits de propriété devant être protégés correspond à la garantie constitutionnelle de la propriété et comprend les droits absolus et les droits contractuels 81. Les droits absolus et contractuels que peut faire valoir le bénéficiaire d’une convention de contrôle sur des titres intermédiés sont donc bien couverts par la protec-tion de la LTI et par l’obligation de les exercer par le biais du dépositaire selon l’art.  13 al. 2 LTI. Admettre que les prêteurs au bénéfice d’une ga-rantie réelle sur des titres intermédiés ne doivent pas être protégés dans la mise en œuvre de leurs droits absolus reviendrait à compromettre un mécanisme qui revêt une importance fondamentale pour le système de dé-tention intermédiée 82. Les risques que ces prêteurs courraient seraient tels qu’ils rendraient les sûretés constituées par convention de contrôle inutili-sables d’un point de vue économique.

79 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858 : “L’[art. 13] al. 2 concerne exclusivement l’exer- cice de droits sur des titres intermédiés, et non les droits qui résultent de ces titres”.

80 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 692.81 Graham�Siegenthaler, FISA & HSC Commentary, p. 143, n. 14 ad art. 1 LTI. 82 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8858 : “L’art. 13 revêt une importance fondamentale

pour les relations au sein d’une chaîne de détention”.

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357Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

La mise en œuvre de l’art. 13 al. 2 LTI repose tout d’abord sur le fait que le dépositaire est informé de l’existence des droits des différents bé-néficiaires sur les titres intermédiés dont il tient le compte 83. C’est en effet le dépositaire qui est seul en mesure d’assurer effectivement la coordina-tion de l’exercice des différents droits existant conformément aux rangs obtenus en application du principe de la priorité dans le temps. Cette mise en œuvre ne pose aucun problème opérationnel compte tenu du fait que le dépositaire dispose de toutes les informations pour cela. Il sait quels titres sont visés par les différents droits, quand ces titres ont été crédités, quand les conventions de contrôle qui les visent ont été conclues et quand les conditions d’un éventuel droit de rétention sont remplies. La coordination implique ensuite que les titulaires des différents droits soient informés par le dépositaire de l’existence et du rang des autres droits (antérieurs ou postérieurs) grevant les titres intermédiés concernés ainsi que de leur exercice. L’information quant aux droits existants préserve l’existence du droit ou le maintien de son rang dans le cadre de la protec-tion de l’acquéreur de bonne foi 84. En outre, lorsque le bénéficiaire d’une convention de contrôle souhaite faire réaliser des titres, le dépositaire doit informer toutes les parties concernées afin qu’elles puissent faire valoir leurs droits en relation avec les titres concernés. Cette obligation existe que la réalisation ait lieu dans le cadre d’une réalisation forcée ou d’une réali-sation privée. Nier l’existence d’une telle obligation du dépositaire serait en stricte opposition avec la qualité de droits absolus des droits portant sur de titres intermédiés. En l’absence d’une telle obligation, la notion même de rang serait vidée de tout son sens et l’exercice des droits sur les titres inter-médiés présenterait un niveau de sécurité juridique quasi nul. En effet, on imagine mal comment qualifier un droit s’il est constitué en premier lieu et que le titulaire d’un droit constitué en second lieu peut faire réaliser les titres grevés et se payer sur le produit de réalisation sans que le titulaire du droit constitué en premier lieu ne puisse agir de quelque manière que ce soit faute d’information reçue au sujet de cette réalisation. Une interprétation de l’art. 13 al. 2 LTI qui concrétise le maintien du rang des droits grevant les titres intermédiés par l’obligation pour les dé-positaires d’informer les autres titulaires de droits sur les titres lorsque l’un

83 Cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8858 : “En effet, le dépositaire est seul à connaître l’identité de l’investisseur et l’état de son dépôt”.

84 A ce sujet, voir infra chap. V, § 3, B. 3, p. 383, et § 3, D, p. 397.

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d’eux souhaite exercer son droit nous semble être une alternative accep-table au no man’s land que nous évoquons ci-dessus et qui permet d’offrir des caractéristiques comparables à un régime de publicité des droits qui reposerait sur des garanties institutionnelles directes comme un système de registre public 85.

bb. L’effectivité du contrôle sur les titres intermédiés. La nécessité de la connaissance de la nature juridique du droit conféré au moyen d’une convention de contrôle découle également de l’effectivité de ce contrôle. Comment un dépositaire peut-il octroyer un contrôle à un gagiste ou à un usufruitier, qui doivent avoir la priorité sur le titulaire des titres inter-médiés, sans savoir quel est le contenu respectif du droit des bénéficiaires de ces conventions et, par conséquent, le contenu du droit du titulaire de compte ? L’enjeu est ici la préservation de la nature juridique de droit ab-solu par l’effectivité de son opposabilité aux tiers. En outre, le contrôle des titres intermédiés nécessite que le dépositaire connaisse le rang des droits conférés par convention de contrôle. En effet, si chaque bénéficiaire d’une convention de contrôle, ou titulaire de compte visé par une telle convention, pouvait acquérir sa position juridique et exercer son pouvoir d’instruction selon les circonstances qui le concernent sans égard pour les autres titulaires de droit, le système de rangs qui règle l’ordre dans lequel les différents droits peuvent être exercés serait tout sim-plement ineffectif. On le rappelle, un droit de gage, par exemple, permet de bénéficier de la valeur de garantie représentée par les titres engagés. Le rang ne fait pas partie du contenu du droit conféré, mais représente une caractéristique inhérente à sa nature absolue. S’il n’existe en réalité pas de rang, mais que le premier créancier gagiste qui en fait la demande peut bénéficier de la valeur des titres, les sûretés conférées selon la LTI n’auront aucune valeur économique, tellement le risque serait grand de ne pas pou-voir parvenir à bénéficier de la valeur mise en garantie. Le devoir du dépositaire d’informer concerne tant le futur titulaire d’une convention de contrôle que le bénéficiaire d’une convention déjà si-gnée. Dans le premier cas, le fondement est précontractuel et a pour objet

85 A ce sujet, voir Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 164, qui constate que la LTI ne contient aucune disposition donnant une garantie institution�nelle qui puisse permettre de disposer de façon sûre des informations nécessaires ; voir également Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 143.

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359Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

les circonstances propres à influencer la décision du futur bénéficiaire de conclure 86. Il s’agira du rang de son droit par rapport aux autres titulaires éventuels de droit réels limités sur les titres visés. Dans le second cas, l’obli-gation d’informer découlera de la convention signée. Il est difficilement concevable que le dépositaire puisse suivre les instructions d’un second bénéficiaire de convention de contrôle sans en informer le ou les titulaires d’autres droits qui le priment. En effet, le dépositaire ne peut pas collec-tionner les conventions de contrôle sans se soucier de la préservation du contrôle qu’il s’engage à procurer au bénéficiaire d’une convention 87 ni prê-ter attention aux rangs des droits à la constitution desquelles il participe. Cette position est d’autant plus justifiée si l’on considère que la convention de contrôle peut servir à transférer la titularité (fiduciaire) au bénéficiaire, avec pour conséquence non la perte de rang, mais la perte du droit du pre-mier bénéficiaire 88. Une action du dépositaire ayant pour conséquence que le bénéficiaire d’une convention de contrôle voit son droit primé ou éteint par un droit acquis postérieurement de bonne foi entraîne la responsabilité du dépositaire 89.

ii. L’obligation d’informer en cas de réalisation privée de gage

L’obligation du dépositaire d’informer les titulaires d’un droit de rang an-térieur ou postérieur à celui du créancier qui requiert la réalisation vaut également en matière de réalisation privée du gage sur la base de l’art. 13 al. 2 LTI et de la convention de contrôle conclue par le dépositaire. Le dé-positaire doit informer les autres titulaires de droits, lorsqu’un créancier gagiste requiert une mesure de réalisation privée des titres, afin que ceux-ci puissent faire valoir leur droit par les moyens à leur disposition. Comme nous l’avons vu, si le droit du créancier gagiste qui requiert la réalisation est de rang préférable, les titulaires de droits de rang postérieurs pourront faire valoir leur ius offerendi 90. A défaut de l’exercice de ce droit, le respect

86 A ce sujet, voir par exemple, Chappuis, Commentaire romand, CC I, p. 46, n. 20 ad art. 2 CC et les réf. citées.

87 Voir supra chap. IV, § 2, B. 1. c, p. 302, les considérations au sujet du caractère irré�, p. 302, les considérations au sujet du caractère irré�302, les considérations au sujet du caractère irré�vocable du contrôle au regard du pouvoir d’instruction résiduel du constituant.

88 Voir Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 137.89 Voir Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 129 ; Kuhn, FISA & HSC Commentary,

p. 477, n. 39 ad art. 30 LTI.90 Voir supra chap. V, § 2, C. 2. b, p. 350.

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du principe de la priorité dans le temps entraîne l’application du principe de liquidation des charges : les titres seront aliénés libres des charges exis-tantes à la réalisation. Lorsque le créancier gagiste qui fait réaliser les titres est en rang pos-térieur, les titulaires de droits de rang antérieur pourront également faire valoir leur ius offerendi. A la différence de ce qui prévaut dans l’hypothèse précédente, si le titulaire du droit antérieur ne fait pas valoir son droit d’ac-quérir l’objet grevé, le principe de liquidation ne s’applique pas et l’objet aliéné au tiers reste grevé de ce droit 91. Dans ce cas, à la différence de ce qui prévaut avec les créances et autres droits soumis au régime du Code civil, la protection de l’acquéreur de bonne foi prévue dans la LTI peut entrer en collision avec le maintien du ou des droits grevant les titres alié-nés. Ici aussi, l’exigence de publicité de ces droits reposant sur l’obligation de conférer le contrôle justifie de donner aux bénéficiaires des éventuelles conventions de contrôle visant les titres concernés le pouvoir de s’opposer au transfert des titres. Si c’est à tort qu’un titulaire de droit s’oppose au dé-bit des titres du compte concerné, il engage alors sa responsabilité vis-à-vis du débiteur. Un second mécanisme permet au titulaire d’un droit sur l’objet du gage d’être informé de sa réalisation lorsque ce n’est pas lui qui la requiert. En matière de réalisation privée du gage portant sur une chose mobilière, la doctrine majoritaire est d’avis que le créancier gagiste qui procède à la réalisation privée doit donner un délai non seulement au constituant et au débiteur de l’obligation garantie par le gage, mais également aux éventuels titulaires de droits grevant l’objet du gage en rang postérieur 92. Bénédict Foëx estime douteux qu’un tel devoir puisse être retenu en relation avec la réalisation privée portant sur des titres intermédiés, puisque l’art. 32 al. 1 LTI prévoit le destinataire de l’avertissement précédant la réalisation de la sûreté 93. Si nous pouvons admettre que le créancier qui souhaite réaliser les titres n’ait pas l’obligation d’avertir le débiteur de la dette garantie, nous sommes d’un avis différent quant à l’avertissement du titulaire d’un droit grevant l’objet du gage en rang postérieur. Nous avons vu que le système

91 Zobl, Berner Kommentar II, p. 104 s., n. 14 ad art. 893 CC.92 Zobl, Berner Kommentar II, p. 83 s., n. 46 ad art. 891 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch

II, p. 2099, n. 27 ad art. 891 CC ; voir toutefois Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 301 s., n. 57 ad art. 891 CC.

93 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 505, n. 12 ad art. 32 LTI.

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de détention intermédiée doit être adapté afin de maintenir une publicité suffisante qui permette de préserver le caractère de droit absolus des droits sur les titres intermédiés, ainsi que le maintien de leur rang. Il nous semble donc, au contraire, que les règles de réalisation du gage sur les titres inter-médiés sont avantageusement complétées par cette obligation d’informer également les titulaires de droits figurant en rang postérieur avant de pro-céder à la réalisation privée des titres. Il peut cependant être fort difficile d’appliquer cette règle en l’état. En effet, à la différence de ce qui prévaut avec les choses mobilières, le titulaire d’un droit de gage ne connaît pas né-cessairement les titulaires de droits postérieurs. Il convient donc de com-biner cette obligation avec celle du dépositaire de fournir les informations nécessaires à son accomplissement. Enfin, il convient de relever que la prescription contenue à l’art. 31 al. 3 LTI qui prévoit que le dépositaire n’a ni le droit ni l’obligation de véri-fier si les conditions de la réalisation sont remplies ne peut pas conduire à simplement nier l’effectivité du système des rangs des droits sur les titres intermédiés. Cet article se rapporte aux conditions de fond auxquelles la réalisation est soumise, à savoir l’exigibilité de la dette, les conditions sup-plémentaires spécialement convenues entre le débiteur et le créancier, et le mode de réalisation. Il ne signifie pas que le dépositaire peut simplement ignorer les autres titulaires de droits lorsque l’un d’entre eux requiert la vente de titres visés par une convention de contrôle 94.

§ 3 La protection de l’acquéreur de bonne foi

La protection de l’acquéreur de bonne foi est une institution de droit des biens 95 qui vise à arbitrer les intérêts contradictoires 96 du légitime titulaire d’un actif et d’une personne qui acquiert cet actif ou un droit sur celui-ci en ignorant de bonne foi que son cocontractant n’est pas légitimé à aliéner ou à engager comme tel l’objet de la transaction. La grande variété des

94 Dans le même sens, Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 500, n. 51 ad art. 31 LTI.95 L’on retrouve cette institution, à divers degrés, tant en droits réels qu’en droit des

obligations (voir, par exemple, les art. 933, 935 et 973 CC, et les art. 18 al. 2, 33 al. 3, 34 al. 3, 164 al. 2 et 1006 CO).

96 Stark, Berner Kommentar, p. 279, Vorbem. ad art. 930�937 CC, n. 26.

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cas de figures possibles et des circonstances à prendre en compte font de cette institution un sujet de nombreuses controverses. Le traitement de la protection de l’acquéreur de bonne foi dans la loi sur les titres intermédiés mériterait une analyse détaillée qui dépasse largement le cadre de notre étude. C’est pourquoi nous nous limiterons à aborder les points du régime de protection de la bonne foi qui nous paraissent les plus saillants dans la perspective des effets des actes de disposition à l’égard des tiers 97.

A. Contexte et fondements de la protection de la bonne foi

1. En matière mobilière

Le mécanisme de protection de l’acquéreur de bonne foi repose essentiel-lement, mais pas seulement, sur la publicité qui est donnée au(x) droit(s) existant par la possession de l’actif mobilier en question. Cela est le cas des choses mobilières confiées (art. 933 CC ; art. 884 al. 2 CC). Cependant, dans certaines situations, la possession de l’aliénateur ne suffit pas à pro-téger l’acquéreur de bonne foi. La protection est ainsi refusée pendant un certain temps à l’acquéreur d’une chose volée ou perdue ou ne lui est accor-dée qu’à certaines conditions supplémentaires, malgré l’apparence résul-tant de la possession (art. 934 al 1 et 2 CC). Il découle de cette dualité que la protection de l’acquéreur de bonne foi n’est pas seulement justifiée par la responsabilité assumée par le titulaire légitime pour l’apparence de droit créée en confiant sa chose 98. Le critère déterminant la personne qui, du titulaire légitime ou de l’acquéreur de bonne foi, doit assumer le risque pa-trimonial est plutôt de savoir qui est le mieux à même de faire face à l’alié-nateur illégitime. Il s’agit du titulaire légitime en cas de chose confiée et de l’acquéreur de bonne foi en cas d’aliénation d’une chose perdue ou volée 99. La sécurité des transactions peut en outre nécessiter, pour certains actifs mobiliers destinés à faire l’objet d’un commerce soutenu, qu’une protec-

97 Voir infra chap. V, § 3, B, p. 373, C, p. 386, D, p. 397, et E, p. 413.98 Guisan, La protection de l’acquéreur de bonne foi en matière mobilière, p. 209 ss ;

Steinauer, Droits réels I, p. 155, n. 418 s. ; Wieser, Gutgläubiger Fahrniserwerb, p. 25 ss ; Engel, L’apparence efficace, p. 86 ; pour un aperçu de la situation en droit européen comparé, voir Salomons, New Rules on the Bona Fide Acquisition, p. 141 ss.

99 Hartmann, Fahrniserwerb vom Nichtberechtigten, p. 142 ; voir aussi Berger, Rechts�Rechts�scheinhaftung und Vertrauenshaftung, p. 208 s. sur la distinction entre apparence efficace et responsabilité fondée sur la confiance.

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tion soit accordée lorsque certaines conditions supplémentaires sont rem-plies. C’est le cas lorsque la protection concerne un papier-valeur à ordre qui doit être muni d’une suite ininterrompue d’endossements (art. 1006 CO). La sécurité des transactions peut, au contraire, requérir que seule la possession entre en ligne de compte. C’est le cas de l’acquisition d’un titre au porteur, qui est protégée sans égard au fait que le légitime ayant droit en ait été dépossédé contre sa volonté (art. 935 CC) 100. En effet, la sécurité des transactions implique que celles-ci se déroulent efficacement et sûre-ment ; ce qui est le cas si l’acquéreur ne doit pas procéder à des clarifica-tions longues ou coûteuses et si son acquisition ne peut pas être remise en cause de façon imprévue 101. Il ressort des considérations qui précèdent que pour les choses mo-bilières comme pour les papiers-valeurs, le maintien d’une transaction repose sur le fait que celui qui dispose de l’actif mobilier remplit une condition nécessaire à l’acquisition régulière antérieure de son droit : la possession et l’endossement. Cette constatation, couplée à la bonne foi de l’acquéreur, fonde le maintien de la transaction postérieure, en dépit du défaut objectif qu’elle présente. D’un point de vue technique, la protection de l’acquéreur de bonne foi peut être vue comme une condition alternative d’acquisition d’un droit lorsque la condition ordinaire du pouvoir de dis-poser n’est pas remplie 102. Bien que ce cas de figure ne soit pas prévu dans le Code civil, ce-lui qui acquiert un droit réel limité en ignorant de bonne foi l’existence préalable d’un autre droit grevant l’actif mobilier concerné est en principe protégé. Le droit limité acquis de bonne foi primera le droit constitué antérieurement 103. Dans ce cas, l’objet de la bonne foi de l’acquéreur n’est pas l’absence de pouvoir de disposer, mais l’existence d’un droit antérieur au sien. La situation peut donc se présenter également dans l’hypothèse où c’est le légitime propriétaire de l’actif concerné qui constitue le droit protégé. Cependant, la détermination de la bonne foi, et donc l’étendue de

100 Stark, Berner Kommentar, p. 279, Vorb. ad art. 930�937 CC, n. 27 et p. 389, n. 8 ad art. 935 CC ; Wieser, Gutgläubiger Fahrniserwerb, p. 31.

101 Guisan, La protection de l’acquéreur de bonne foi en matière mobilière, p. 209.102 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p.  850, n.  732 et p.  864  s., n.  764 ad

art. 884 CC.103 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 893, n. 846 ad art. 884 CC ; Oftinger /

Bär, Zürcher Kommentar, p. 206 s., n. 363 s. ad art. 884 CC ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2064 s., n. 152 ad art. 884 CC.

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la protection, dépend du mode de transfert de la possession. Si l’acquéreur de bonne foi n’obtient son droit qu’au moyen d’une possession médiate, parce qu’un tiers demeure en possession immédiate de la chose (art. 924 CC), alors sa bonne foi est incompatible avec les circonstances du transfert et ne peut être protégée 104 ; son droit ne primera pas le droit antérieure-ment constitué. La raison à cela est que la possession immédiate du tiers fonde une présomption de droit au profit de ce tiers. Il résulte de ce mode de transfert de la possession une probabilité certaine que la chose soit déjà grevée d’un droit en faveur d’un tiers, ce qui fait de l’acquéreur un acquéreur de mau-vaise foi s’il ne prend pas la peine de se renseigner sur le statut juridique de la chose concernée.

2. En matière de titres intermédiés

Le régime juridique des titres intermédiés est destiné à remplacer le ré-sultat obtenu au moyen du droit des papiers-valeurs, le but étant d’obtenir les mêmes caractéristiques fonctionnelles tout en étant adapté au système d’intermédiation qui a vu l’immobilisation et la dématérialisation des papiers-valeurs. L’institution de la protection de l’acquéreur de bonne foi étant une figure centrale du droit des papiers-valeurs, elle est donc indis-pensable au régime des titres intermédiés 105. Comme en matière mobilière, la protection de la bonne foi dans le do-maine des titres intermédiés est étroitement liée aux différentes manifes-tations que revêtent les droits sur les titres intermédiés. L’art. 29 al. 1 LTI rattache en effet la protection de la bonne foi à l’acquisition de titres inter-médiés ou de droits sur des titres intermédiés conformément aux art. 24, 25 ou 26 LTI, c’est-à-dire suite à l’accomplissement d’un crédit en compte ou de la conclusion d’une convention de contrôle 106. Il s’agit là des actes

104 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 895, n. 855 ad art. 884 CC ; Oftinger / Bär, Zürcher Kommentar, p. 207, n. 364 ad art. 884 CC ; Stark, Berner Kommentar, p. 365, n. 89 ad art. 933 CC.

105 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8875.106 Voir Thévenoz, Saut épistémologique, p. 709, qui relève que l’écriture en compte et

la convention de contrôle sont les formes de publicité des droits sur les titres inter�médiés qui permettent leur opposabilité aux tiers ; voir aussi Eigenmann, La réalisa�tion des sûretés, p. 128 s. ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 492 ss, n. 82 ss.

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matériels constitutifs des deux modes de disposer des titres intermédiés prévus par la LTI. L’élément fondamental qui gouverne la protection de la bonne foi est donc modifié pour être rattaché non plus à la possession, mais au processus de gestion du compte de titres (bonification, convention de contrôle) qui permet la maîtrise des titres intermédiés. Le droit des titres intermédiés comporte également des éléments qui sont destinés au bon fonctionnement du système d’intermédiation. Le fait que ces éléments soient propres au domaine des titres intermédiés intro-duit une nouveauté importante dans la conception du régime de protec-tion de la bonne foi. A cet égard, l’on peut mentionner notamment les ex-tournes des crédits et débits passés sur les comptes de titres (art. 27 et 28 LTI). La circulation des valeurs intermédiées étant basée sur le mécanisme des écritures au crédit et au débit de comptes de titres, le régime de protec-tion de l’acquéreur de bonne foi intègre le nécessaire processus correctif apporté par le régime des extournes. En premier lieu, la protection de l’ac-quéreur de bonne foi n’existe pas seulement en cas d’absence de pouvoir de disposer (art. 29 al. 1 let. a LTI), mais également dans le cas où le crédit des titres intermédiés a été extourné dans le compte de l’aliénateur (art. 29 al. 1 let. b LTI). En second lieu, le dispositif de protection de la bonne foi intègre la primauté de l’extourne éventuelle du crédit opéré sur le compte de l’acquéreur de bonne foi (art. 29 al. 5 LTI). La primauté de l’extourne sur la protection de la bonne foi a pour conséquence qu’un acquéreur ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi pour s’opposer à l’extourne d’un crédit opéré sur son compte 107. Enfin, à la différence de la possession des choses mobilières, les mé-canismes constitutifs du transfert de titularité des titres intermédiés ou des droits sur ceux-ci ne sont pas laissés aux particuliers ni fondés sur une inscription dans un registre, mais sont exclusivement réservés aux dépo-sitaires au sens de l’art. 4 LTI, qui sont des entités soumises à une régle-mentation et une surveillance prudentielles strictes. Cette particularité est d’une importance déterminante dans la mesure de la bonne foi d’un acquéreur lors d’une transaction irrégulière 108.

107 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878 ; Kuhn, Die Modernisierung, p. 140 s. ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 206 ; Foëx, FISA & HSC Com�Com�mentary, p. 461 s., n. 43 ss ad art. 29 LTI.

108 Meier�Hayoz, Abschied, p. 398 ; Brunner, Wertrechte, p. 32 ss ; Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 164 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 86 ; Lanz, Aktientransfers, p. 220 s.

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La protection de l’acquéreur de bonne foi dans le domaine des titres intermédiés est en outre marquée par le caractère immatériel de l’objet des transactions. Celui-ci a deux conséquences. Premièrement, la maîtrise des titres intermédiés peut exister en même temps en faveur de plusieurs béné-ficiaires sur la même valeur d’actifs intermédiés. Les titres peuvent en effet figurer au crédit d’un compte de titres et être l’objet de plusieurs conven-tions de contrôle. Cette possibilité structurelle multiplie le risque d’un acte de disposition sans pouvoir et donc d’une acquisition de bonne foi. Elle pose par ailleurs la question d’une éventuelle protection différenciée entre le bénéficiaire d’un crédit en compte de titres et le bénéficiaire d’une convention de contrôle 109. Deuxièmement, le système des titres intermé-diés est basé sur le fait que les différentes écritures au débit et au crédit des comptes de titres ne sont pas coordonnées entre elles. Les effets juridiques d’une écriture au crédit, constitutive du transfert du droit, et ceux d’une écriture au débit, sont intrinsèquement dissociés. Cela permet notam-ment la pratique du Contractual Settlement, c’est-à-dire le crédit anticipé des titres sur un compte de titres avant que le dépositaire n’ait acquis ces titres pour le titulaire du compte 110. Le Contractual Settlement soulève la problématique d’une éventuelle acquisition de bonne foi par le titulaire de compte des titres crédités par anticipation. En effet, ordinairement l’acqui-sition de bonne foi d’un actif signifie, de façon correspondante, la perte de celui-ci par le titulaire légitime. Or, le Contractual Settlement en matière de titres intermédiés signifie que le nombre de titres comptabilisés sur des comptes de titres excède le nombre de titres émis (altération de l’intégrité de l’émission). La question de savoir si un crédit par anticipation peut faire acquérir des titres intermédiés de bonne foi est une question d’une impor-tance particulière pour le système d’intermédiation 111.

3. Aperçu des conditions de protection de l’acquéreur de bonne foi selon l’art. 29 LTI

Les développements figurant dans les sections qui suivent 112 traitant des aspects les plus importants du régime de protection de la bonne foi, il nous

109 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 460, n. 40 et p. 463, n. 50 ad art. 29 LTI ; voir infra chap. V, § 3, D. 4, p. 407.

110 A ce sujet, voir supra chap. III, § 3, B. 2, p. 221, et C. 2. c. ii, p. 231.111 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 701 s.112 Voir infra chap. V, § 3, B, p. 373, C, p. 386, D, p. 397, et E, p. 413.

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a paru opportun de rappeler sous forme simplifiée la liste des conditions nécessaires à la protection d’un acquéreur de bonne foi selon l’art.  29 LTI 113. Nous donnerons en conséquence ici un aperçu de ces conditions. Puis, nous exposerons séparément deux conditions spécifiques qui ont été introduites par la LTI, à savoir l’acquisition à titre onéreux, commune à toutes les acquisitions de bonne foi, et l’opposabilité à l’acquéreur de bonne foi de l’extourne d’un crédit qui est opéré sur son compte après son acqui-sition. Cette seconde condition représente une exigence commune à toutes les acquisitions faites au moyen d’un crédit en compte de titres.

a. En général

L’acte de disposition doit reposer sur un titre d’acquisition valable 114. L’ob-jet de la transaction doit être la titularité des titres ou un droit constitué sur eux conformément aux art. 24, 25 ou 26 LTI. Outre le transfert de ti-tularité, la protection de la bonne foi peut être accordée pour la constitu-tion d’un usufruit ou de droits absolus qui peuvent servir à constituer une sûreté sur les titres intermédiés qui en sont l’objet 115. L’acquisition doit être faite à titre singulier et non par succession à titre universel 116. Le pouvoir de disposer fait défaut à l’aliénateur des titres ou au constituant du droit 117. Alternativement, la bonne foi de l’acquéreur peut également être protégée si la bonification des titres intermédiés a été extournée dans le compte de l’aliénateur 118. L’acquisition doit être faite à titre onéreux 119. L’acquéreur doit être de bonne foi, c’est-à-dire qu’il doit ignorer l’absence de pouvoir de disposer ou la possibilité concrète que le crédit des titres dans le compte de l’aliénateur, préalable nécessaire à la transaction visée, puisse être

113 Cette liste a été dressée par Foëx, FISA & HSC Commentary, p.  452, n.  5 ad art. 29 LTI.

114 Stark, Berner Kommentar, p.  327, n.  7 ad art.  933 CC ; Guisan, La protection de l’acquéreur de bonne foi en matière mobilière, p. 65 ss ; Haab / Simonius / Scherrer / Zobl, Zürcher Kommentar, p. 682, n. 57 ad art. 714 CC ; Steinauer, Droits réels I, p. 163, n. 440 à 442 ; etc.

115 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 452, n. 6 ss ad art. 29 LTI.116 Voir l’art. 24 al. 3 LTI ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 453, n. 10 s. ad art. 29 LTI ;

Piotet, Titres intermédiés, p. 111.117 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8875.118 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 455 s., n. 20 ss ad art. 29 LTI.119 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8876 ; Lanz, Aktientransfers, p. 222.

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extourné. Conformément à l’art. 3 CC, la bonne foi de l’acquéreur est pré-sumée, mais elle ne peut être invoquée si elle est incompatible avec l’atten-tion que les circonstances permettaient d’exiger de lui 120. Enfin, confor-mément à l’art. 29 al. 5 LTI, pour les acquisitions de fondées sur un crédit en compte de titres, il est encore nécessaire que le crédit ne soit pas l’objet d’une extourne en application de l’art. 28 LTI.

b. L’acquisition à titre onéreux

i. La problématique

L’acquéreur de bonne foi de titres intermédiés ou de droits sur des titres intermédiés n’est protégé selon les conditions de l’art. 29 al. 1 LTI que s’il a acquis son droit à titre onéreux. Cette exigence est une nouveauté pour le droit suisse, puisque le caractère onéreux n’est pas requis en droits réels pour la protection de l’acquéreur de bonne foi 121. A vrai dire, et sans entrer sur le fond de la discussion qui relève du droit des obligations 122, le contrat de donation semble porter en lui son incompatibilité avec une protection de l’acquéreur en cas d’absence de pouvoir de disposer. En effet, l’art. 239 al. 1 CO prévoit que la donation est une disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre sans contre-prestation. Cela implique que le contrat de donation n’est pas valable s’il porte sur un actif qui ne figure pas dans le patrimoine du donateur 123. Il en découle qu’une donation accomplie sur un actif qui ne figure pas dans le patrimoine du donateur ne pourrait a priori pas donner lieu à une acquisi-tion de bonne foi, puisque celle-ci nécessite une cause valable 124.

120 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8876 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 458, n. 30 ad art. 29 LTI.

121 Guisan, La protection de l’acquéreur de bonne foi en matière mobilière, p. 68  s. ; Steinauer, Droits réels I, p. 163, n. 441 ; Rey, Die Grundlagen, p. 457, n. 1764 ; Stark, Berner Kommentar, p. 280 s., Vorbem. ad art. 930�937 CC, n. 29 et p. 283, Vorbem. ad art. 930�937 CC, n. 33 ; Wieser, Gutgläubiger Fahrniserwerb, p. 82 s. ; etc.

122 A ce sujet, voir Emmenegger, Schenkung und Gutglaubenschut�, p. 223 ss ; Wieser, Gutgläubiger Fahrniserwerb, p. 82 s.

123 Foëx, Les actes de disposition, p. 85 s. et les réf. citées.124 Emmenegger, Schenkung und Gutglaubenschut�, p.  221  s. ; Rusch, Gutgläubiger

Fahrniserwerb, p. 13, R� 50.

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369Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

Outre l’hésitation qui pourrait découler de la validité d’une donation en cas d’absence de pouvoir de disposer 125, l’introduction de la nécessité du caractère onéreux de la transaction concernée apporte une certaine insécurité juridique dans le mécanisme de protection de la bonne foi 126. En effet, ni la LTI ni le Message du Conseil fédéral ne posent précisément ce qu’il faut entendre par une acquisition à titre onéreux. L’on peut tout d’abord retenir qu’un paiement n’est pas nécessaire en soi 127. Il n’est en outre pas nécessaire que l’acte de disposition se trouve dans une relation de contre-prestation directe entre le créancier de l’obligation garantie et le débiteur qui profité de la sûreté fournie par le constituant 128. D’après le Message du Conseil fédéral, le transfert de droits ou la constitution de sûretés au sein d’un groupe de sociétés ou en relation avec des transactions boursières sont aussi des actes de transfert onéreux 129. Les garanties four-nies par un participant à la bourse suisse ou à un système de compensation ou de règlement des opérations sur titres en raison de leurs activités au sein du système d’intermédiation sont ainsi couvertes par la notion d’acquisi-tion à titre onéreux 130. Certains aspects de cette définition lapidaire du caractère onéreux de l’acquisition sont discutés en doctrine : le moment de l’octroi d’une sûreté et l’absence de relation de contre-prestation directe entre le constituant et le bénéficiaire de la sûreté. Bénédict Foëx émet des doutes quant à savoir si une sûreté constituée par une personne autre que le débiteur, ou si une sû-reté constituée après la naissance de la créance qu’elle garantit, est acquise à titre onéreux 131. Andrea Zbinden est, quant à elle, d’avis que le moment

125 Voir toutefois la clarté des travaux préparatoires : Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8876 : “La protection de la bonne foi ne s’applique qu’en cas d’acquisition à titre onéreux. Ainsi, celui qui acquiert des titres intermédiés auprès d’une personne non au-torisée par donation ne peut invoquer l’acquisition de bonne foi”.

126 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 456, n. 24 ad art. 29 LTI.127 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 456, n. 25 ad art. 29 LTI. 128 von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 206 ; Lanz, Aktientransfers,

p. 222.129 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8876.130 Pour SIX Swiss Exchange, voir les garanties requises par l’art. 3.3 du Règlement relatif

au négoce, du 15 février 2011, en vigueur dès le 1er juillet 2011, précisé par l’art. 5 de la Directive 1 : Admission des participants, du 6 juillet 2011, en vigueur dès le 1er août 2011 ; s’agissant de SIX x�clear, voir l’art.  5 des Conditions générales de novembre 2009.

131 Foëx, Les actes de disposition, p. 85 s. et p. 94 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 457, n. 27 s. ad art. 29 LTI.

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370 Joël Leibenson

auquel une sûreté est octroyée ne détermine pas le caractère onéreux de cette attribution, ni le fait que la sûreté soit fournie par une personne autre que le débiteur de l’obligation garantie 132.

ii. Prise de position

Selon nous, il convient de se poser la question du but d’une telle exigence et des motifs implicites qui ont pu inciter le législateur à l’introduire. Ce but est à replacer dans son contexte, qui est celui d’actes de disposition sur des instruments financiers circulant dans un réseau de dépositaires et faisant ordinairement l’objet de transactions commerciales. Cela signifie que, dans la perspective de leur titulaire, les titres intermédiés sont l’objet d’un investissement. Cet investissement se prolonge lorsque ces titres sont constitués en sûretés. En effet, la valeur qu’ils représentent est soumise à un risque supplémentaire qui est “rémunéré” par le créancier garanti soit par la baisse du coût du crédit obtenu soit par la seule obtention du crédit, qui n’eût peut-être pas été possible sans la sûreté. Ainsi, dans le cas de la constitution de sûreté en faveur d’un tiers, l’avantage économique que ce tiers débiteur obtient par la constitution de sûreté est une contre-prestation qui fait de cet acte un acte à titre onéreux 133. En outre, du point de vue de la protection de l’acquéreur de bonne foi, le moment de l’acte de disposition ne change rien à l’apprécia-tion du caractère onéreux selon l’art. 29 LTI. Ceci est vrai pour autant que les circonstances de la constitution d’une sûreté postérieure à la naissance de la créance garantie permettent de mettre en évidence l’avantage éco-nomique effectivement consenti par le créancier garanti. Il pourra s’agir d’une amélioration des conditions par rapport à ce qui aurait prévalu si la sûreté n’avait pas été constituée (exigibilité repoussée, renouvellement, baisse de taux d’intérêts). Il faut toutefois réserver les cas d’actions révo-catoires découlant de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP). Un tel acte de disposition pourrait, en dépit de son caractère onéreux pour le créancier garanti, être considéré comme une libéralité accordée par le constituant (en particulier si l’avantage économique consenti par le créan-

132 Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 70.133 Voir Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 457, n. 27 ad art. 29 LTI, qui retient que le

caractère onéreux s’apprécie dans la perspective de l’acquéreur de bonne foi (le béné�ficiaire de la sûreté).

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371Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

cier garanti profite à un tiers) ou être révocable parce qu’accompli par un constituant surendetté (art. 286 et 287 LP) 134/135. Dans de tels cas, la pro-tection de l’acquéreur de bonne foi de la sûreté cèderait le pas devant la protection des créanciers du disposant.

c. L’opposabilité de l’extourne d’une bonification à l’acquéreur de bonne foi

L’art.  29 al.  5 LTI prévoit qu’un acquéreur ne peut invoquer la protec-tion de sa bonne foi pour s’opposer à l’extourne d’une bonification vi-sée à l’art. 28 LTI 136. Ainsi, l’extourne d’un crédit prime l’acquisition de bonne foi 137. En dépit de son texte général ne désignant que “l’acquéreur”, l’art. 29 al. 5 LTI ne vise que l’acquéreur de bonne foi qui est titulaire du compte qui fait l’objet de l’extourne. En effet, si l’acquéreur en question a acquis de bonne foi son droit au moyen d’une convention de contrôle sur le compte du constituant, la protection dont il bénéficie par l’art. 29 LTI est réservée par une règle spécifique du régime des extournes, l’art. 28 al. 3 LTI, 1re phrase 138. Cette situation illustre la conception que le législateur avait à l’esprit lorsqu’il a introduit cette norme. Les titulaires de compte qui se suivent directement dans une chaîne de transmission ne peuvent pas se prévaloir des règles de protection de la bonne foi si une extourne doit intervenir 139. Par conséquent, dans un cas où le légitime titulaire des titres intermédiés accomplit un acte de disposition et que, pour une raison

134 Pour un exposé des différents cas d’action révocatoire relatifs à la constitution de sûretés, voir Lorandi, Sicherungsgeschäfte, p. 1302 ss.

135 Voir l’introduction de l’art. 287 al. 3 LP (RO 2009, p. 3577 ss, 3592 s.), en marge de l’adoption de la LTI, qui prévoit qu’à certaines conditions des sûretés constituées pendant la période suspecte ne sont pas révocables ; à ce sujet, voir Eigenmann, La réalisation des sûretés, p. 139 s. ; Rüetschi, Schuldbetreibungs� und Konkursrecht, p. 14 ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 497 s., n. 93 s.

136 L’extourne concernée par l’art. 29 al. 5 LTI est celle du crédit qui a lieu sur le compte de l’acquéreur de bonne foi, à la différence de l’extourne visée à l’art. 29 al. 1 let. b LTI qui est celle du crédit effectué sur le compte de l’aliénateur et qui concerne la transaction précédente ; sur cette dernière, voir infra chap. V, § 3, E, p. 413.

137 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8877 ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 206 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 461, n. 43 ss ad art. 29 LTI.

138 A ce sujet, voir infra chap. V, § 3, C. 3, p. 389.139 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8877 s. ; voir, à cet égard, la critique de Foëx, FISA

& HSC Commentary, p. 461, n. 44 ad art. 29 LTI.

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372 Joël Leibenson

donnée, son pouvoir de disposition est inexistant, l’acquéreur de bonne foi qui traite directement avec cet aliénateur est tout de même protégé dans son acquisition 140, sauf si un cas d’extourne est également réalisé. En réa-lité, le risque que le législateur a voulu éviter ne peut pas se réaliser. En effet, les normes sur les extournes sont là pour corriger des défauts affec-tant l’instruction du disposant ou l’exécution de cette instruction dans la chaîne d’intermédiation 141. Elles n’ont pas pour objet l’absence de pou-voir de disposer qui pourrait affecter un acte de disposition. En réalité, le champ d’application des extournes ne se recoupe pas avec le champ d’ap-plication de la protection de l’acquisition de bonne foi. Ainsi, si un acte de disposition est accompli sans pouvoir de disposer et qu’en outre un défaut tel que ceux constituant les cas d’extournes survient, l’art. 29 LTI ne peut, à lui seul, permettre de maintenir l’acquéreur dans son acquisition. La discussion qui précède illustre l’imbrication entre les règles tou-chant la validité de l’instruction du disposant et le mécanisme de protec-tion de la bonne foi. A ce titre, il nous semble nécessaire de clarifier le statut d’une instruction tendant à la bonification des titres sur un compte, lorsque celui qui la donne n’a pas le pouvoir de disposer. En droits réels, un acte de disposition sur une chose mobilière accompli sans pouvoir de dis-poser est nul 142. Si l’on considère que l’instruction du disposant est l’acte de disposition sur des titres intermédiés, l’on se retrouve en face d’une sé-rieuse difficulté touchant à la conception même de la LTI. En effet, une telle instruction sans pouvoir de disposer serait nulle. Cette nullité entraînerait l’extourne du débit qu’elle a provoqué (art. 27 al. 1 let. b ch. 1 LTI), qui elle-même entraînerait l’extourne du crédit correspondant sur le compte de l’acquéreur (art. 28 al. 1 let. a LTI). Et l’extourne de ce crédit primerait systématiquement l’acquisition de bonne foi en application de l’art. 29 al. 5 LTI. Ainsi, un acte de disposition effectué par crédit en compte de titres sans pouvoir de disposer ne pourrait jamais donner lieu à une acquisition

140 Voir Stark, Berner Kommentar, p. 351 s., n. 57 et 59 ad art. 933 CC, Steinauer, Droits réels I, p. 158, n. 430 ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 875 ss, n. 798 ss ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 461, n. 44 ad art. 29 LTI.

141 Voir les motifs qui concernent l’existence, la validité et l’exécution d’une instruction, posés à l’art. 27 al. 1let. a à c LTI en lien avec les motifs énumérés à l’art. 28 al. 1 let. a et b LTI.

142 Steinauer, Droits réels I, p. 163, n. 443 ; voir par ailleurs von Tuhr / Peter, Allge�Allge�meiner Teil, I/1, p. 217 et Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 859, n. 757 ad art. 884 CC, qui considèrent que l’acte de disposition accompli sans pouvoir de dispo�ser est “unwirksam”.

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373Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

par un tiers de bonne foi qui soit maintenue. L’élément qui permet d’éviter un tel effet circulaire de l’art.  29 al.  5 LTI repose sur la qualification de l’acte de disposition sur des titres intermédiés par bonification en compte en tant qu’acte bilatéral. Dans ce cas, c’est l’acte bilatéral qui est nul, mais non l’instruction donnée par le disposant. La bonification ne peut dès lors pas être extournée au motif de l’absence de pouvoir de disposer et l’acqui-sition de bonne foi est possible.

B. Protection en cas d’absence de pouvoir de disposer

1. L’objet de la bonne foi

L’art. 29 al. 1 let. a LTI désigne l’absence de pouvoir de disposer comme ob-jet de la bonne foi de l’acquéreur. Cela signifie que l’acquéreur qui croit de bonne foi à l’existence du pouvoir de disposer de la personne qui accomplit l’acte de disposition est protégé dans son acquisition, si le disposant n’avait en réalité pas le pouvoir de disposer des titres intermédiés concernés 143. L’absence de pouvoir de disposer peut reposer sur différentes raisons. Il s’agit tout d’abord des situations où l’auteur de l’acte de disposition n’est pas titulaire des titres intermédiés visés, ce qui est le cas s’il n’est au béné-fice que d’un droit réel limité ou d’un droit contractuel sur eux, ou s’il agit purement et simplement sans droit 144. L’absence de pouvoir de disposer peut également résulter d’une restriction du pouvoir du légitime titulaire des titres intermédiés. Une telle restriction existe soit par l’effet de la loi, soit par décision de justice, soit résulte de l’existence d’un droit réel limité grevant les titres visés par un acte de disposition 145.

143 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 79 s. ; Conseil Fédéral, Mes�sage LTI, p. 8875 s. ; von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 205 s. ; Piotet, Titres intermédiés, p. 110 s.

144 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 454, n. 16 s. ad art. 29 LTI.145 Il s’agit notamment des cas relevant de l’exécution forcée où les titres intermédiés

ont été saisis (art. 96 LP), séquestrés (art. 275 LP), lorsque le disposant est un failli (art. 204 LP), et des cas découlant du droit matrimonial et des successions (art. 178, 201 al. 2, 227 al. 2, 491, 517 ss, 554 et 593 CC) ; à ce sujet, voir par exemple van de Sandt, L’acte de disposition, p. 176 ss, n. 529 ss ; Steinauer, Droits réels I, p. 161 s., n. 435 à 437a ; Piotet, Titres intermédiés, p. 110 s. ; Bauer, Zivilgeset�buch II, p. 2056, n. 116 ad art. 884 CC ; Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 876 s., n. 799 ss ad art. 884 CC ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 454 s., n. 18 s. ad art. 29 LTI.

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374 Joël Leibenson

2. L’étendue de la bonne foi en cas de crédit en compte de titres

L’étendue de la bonne foi de l’acquéreur s’apprécie selon la nature et l’in-tensité de l’attention qui est exigée de lui dans l’acquisition concernée, afin que sa bonne foi ne soit pas remise en cause. Cette analyse implique premièrement d’évaluer la nature des circonstances dans lesquelles la croyance à l’existence du pouvoir de disposer naît, à savoir la nature des éléments de publicité du/des droit(s) en jeu. Il convient en second lieu de tirer les conséquences qui découlent de la nature de ces circonstances pour déterminer le degré d’attention qui peut être exigé de l’acquéreur.

a. Le crédit en compte comme support de la bonne foi de l’acquéreur ?

Nous avons posé que la publicité des droits sur les biens vise, d’une part, la légitimation de l’opposabilité des droits absolus et, d’autre part, l’informa-tion sur l’étendue du patrimoine d’une personne 146. Nous avons également posé que le contrôle sur les biens est un moyen suffisant pour atteindre ces buts, notamment parce qu’il permet aux tiers d’inférer que celui qui contrôle l’actif est titulaire d’un droit sur celui-ci. Le crédit en compte de titres reprend ces fonctions car il correspond à un pouvoir juridique d’instruire le dépositaire et de procéder à un trans-fert de titres intermédiés dans le cadre du système d’intermédiation prévu par la LTI. L’élément central de la “publicité” des titres intermédiés est la tenue du compte de titres. C’est autour de ce concept que le contrôle s’exerce. Bien que des droits puissent être créés par convention de contrôle et puissent primer, à certaines conditions, la maîtrise exercée par le titu-laire de compte, le contrôle que ce dernier exerce reste pertinent. Si le dé-positaire, qui est également partie à d’éventuelles conventions de contrôle en faveur de tiers ou en sa propre faveur, donne suite à une instruction de transfert, cela signifie que le titulaire du compte est en droit d’y procéder. Le dépositaire ne saurait en effet se comporter intentionnellement de façon contraire au droit. Cette analyse de la portée du crédit en compte comme support de la bonne foi de l’acquéreur nécessite de distinguer deux types de situation. Ces

146 Voir supra chap. II, § 4, C, p. 131.

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375Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

deux situations ne font pas intervenir de la même manière l’information véhiculée par le crédit en compte.

i. L’acte de disposition repose sur un mécanisme d’acquisition indirecte

La première perspective vise les cas d’acquisition de titres intermédiés sur le marché par le biais du dépositaire. Dans ces cas, le contact de l’acquéreur avec la publicité que véhicule le crédit des titres sur le compte de l’aliénateur est inexistant. Dans cette configuration, si celui qui accomplit l’acte de dis-position en faveur de l’acquéreur n’a pas le pouvoir de disposer, ce dernier ne peut que se fier au fait que le dépositaire n’est censé participer qu’à des transactions conformes au droit. C’est dans cette perspective, d’ailleurs, que l’on peut considérer que la protection ancrée à l’art. 29 LTI vise princi-palement à protéger l’acquéreur contre les erreurs qui peuvent se produire dans l’exécution des transactions sur les titres intermédiés 147. La base de la confiance de l’acquéreur se situe donc dans le fonctionnement du sys-tème d’intermédiation, par opposition à l’apparence de légitimation d’un partenaire contractuel en particulier 148. Cette confiance repose sur deux éléments principaux : le statut d’entité soumise à surveillance prudentielle que le dépositaire possède et l’absence d’information de l’acquéreur sur le déroulement de la transaction visée ou sur la légitimation des participants impliqués dans cette transaction 149. En d’autres termes, les circonstances de l’exécution des transactions dans le système d’intermédiation sont, d’une manière générale, inconnues de l’investisseur. Ceci se traduit par le fait que la protection de la bonne foi d’un acquéreur ne repose pas, dans ce cas, sur l’existence d’un crédit sur le compte de l’aliénateur.

147 Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 154.148 Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 164 ; Zbinden, Pfandrecht

an Aktien, p. 72 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 458 s., n. 34 s. ad art. 29 LTI ; Roth, Zukunft des Wertpapierrechts, p. 181 ; Kuhn, Handkommentar �um Schwei�er Privatrecht, p. 901, n. 13 ad art.24�30 LTI ; Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungs�Kreditsicherungs�recht, p. 492 s., n. 83. Le paradigme de la protection de la confiance du titulaire de compte n’est pas nouveau. Il alimente depuis longtemps les réflexions menées en doctrine sur la dématérialisation des titres, voir Meier�Hayoz, Abschied, p. 396 et p. 398 ; Zobl / Lambert, Zur Entmaterialisierung, p. 134 ; Kleiner, Zäher Abschied, p. 293.

149 Kuhn, Schwei�erisches Kreditsicherungsrecht, p. 494, n. 86.

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376 Joël Leibenson

S’agissant de la représentation indirecte, la question se pose de savoir si le représentant et le représenté doivent les deux être de bonne foi pour que l’acquisition visée soit protégée 150. Avant l’entrée en vigueur de la LTI, la question était controversée. Pour Christoph Brunner, le titulaire de compte de bonne foi n’est protégé que si le dépositaire qui le représente est également de bonne foi 151. Daniel Guggenheim estime quant à lui que seule importe la bonne foi du titulaire de compte et que l’éventuelle mauvaise foi du dépositaire ne peut pas être imputée à l’investisseur 152. Selon nous, l’art. 29 LTI ne soumet pas la protection de la bonne foi de l’investisseur à la condition que le dépositaire soit également de bonne foi. Une telle exigence irait tout d’abord bien au-delà de la lettre de la loi, mais contredirait également le but de la protection, qui est justement fondé sur la confiance que le titulaire de compte a dans le système d’intermédiation, et donc, sur la confiance qu’il a en son dépositaire.

ii. L’acte de disposition repose sur un mécanisme d’acquisition directe

La deuxième perspective à apprécier concerne les situations dans les-quelles l’acquéreur noue lui-même un contact direct avec l’aliénateur. Ceci peut aussi bien concerner les cas dans lesquels l’acte de disposition se fait par crédit en compte de titres que les cas où il est accompli au moyen d’une convention de contrôle. Dans de telles configurations, les circonstances sont fondamentalement différentes de celles où l’acte de disposition est le fruit d’une opération conclue sur le marché avec un aliénateur anonyme. Lorsque les parties sont en relation directe, elles échangent des informa-tions qui peuvent contenir des éléments propres à conforter ou infirmer la bonne foi de l’acquéreur de titres intermédiés ou d’un droit sur des titres intermédiés. Dans un tel cas, la teneur du relevé de compte peut jouer un rôle dans la détermination de la bonne foi de l’acquéreur 153.

150 En droits réels mobiliers, cette question est discutée en doctrine ; pour un résumé récent des positions existantes, voir Wieser, Gutgläubiger Fahrniserwerb, p. 109 s. ; voir également Steinauer / Bieri, Commentaire romand, CC I, p. 67, n. 18 ad art. 3 CC, et les réf. citées, au sujet de l’imputation de la mauvaise foi du représentant indirect au représenté.

151 Brunner, Wertrechte, p. 34.152 Guggenheim, Pratique bancaire, p. 182.153 Foëx, Les actes de disposition, p. 86 et p. 90.

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377Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

Le fait que le statut juridique réel des titres figurant sur le compte ne puisse potentiellement être perceptible que pour un cercle limité de per-sonnes n’empêche pas de légitimer l’opposabilité des droits existants. En effet, les personnes devant être protégées sont justement celles qui ont accès aux informations leur permettant d’établir la situation juridique réelle sur la base du lien direct avec le compte de titres, conformément aux art. 24, 25 et 26 LTI.

iii. Le degré de l’attention due par l’acquéreur

Conformément à l’art. 3 al. 2 CC, l’acquéreur ne peut invoquer sa bonne foi que si elle est compatible avec les circonstances. Les circonstances condi-tionnent donc le degré d’attention qui est requis de l’acquéreur afin que sa bonne foi ne puisse pas être remise en cause. S’agissant du droit des papiers-valeurs, le fait que des titres au porteur aient été volés n’empêche pas une acquisition de bonne foi immédiate, au contraire de ce qui prévaut pour les choses mobilières 154. En outre, lorsque l’acquisition de bonne foi porte sur des titres à ordre, l’attention exigée de l’acquéreur n’a pas besoin d’être exempte de tout reproche, seule une faute lourde est à même d’en-traîner l’absence de protection 155. Ni l’art. 29 LTI ni le Message accompa-gnant la loi ne précisent le degré d’attention qui est attendu de l’acquéreur d’un droit sur des titres intermédiés 156. Vu le régime juridique des papiers-valeurs que la LTI remplace pour les instruments financiers intermédiés et vu l’état de fait déterminant en cas de mécanisme d’acquisition indi-recte, il peut être retenu que, dans le cas d’une acquisition faite au travers d’un négociant en valeurs mobilières, l’acquéreur n’a pas de devoir de se renseigner 157. Le devoir (l’incombance) de se renseigner est contraire au concept de la protection de la bonne foi et doit rester une exception liée aux circonstances d’un cas d’espèce 158. Ainsi, à moins d’une faute lourde de l’acquéreur, sa bonne foi ne pourra pas être remise en cause. Si ce qui précède vaut pour le mécanisme d’acquisition indirecte, dans les situa-tions d’acquisition directe dans lesquelles deux investisseurs négocient

154 Cf. art. 934 et 935 CC.155 Voir l’art. 1006 al. 2 CO.156 Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 71.157 Lanz, Aktientransfers, p. 220.158 Wiegand, Erkundigungsobliegenheiten, p. 637 et p. 646.

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378 Joël Leibenson

directement l’objet de l’acte de disposition, les circonstances peuvent justi-fier d’attendre de l’acquéreur qu’il se renseigne sur l’arrière-plan juridique de l’opération 159.

b. Le Contractual Settlement et l’absence de pouvoir de disposer

Selon nous, les crédits opérés en compte sur la base du Contractual Settle-Settle-ment ne permettent pas d’accomplir un acte de disposition régulier, selon l’art. 24 al. 1 LTI 160. En d’autres termes, la bonification effectuée selon le Contractual Settlement n’opère pas l’effet constitutif d’un acte de dis-position. Dès lors, la question se pose de savoir si le titulaire du compte crédité peut tout de même acquérir immédiatement les titres, parce qu’il serait protégé dans sa bonne foi. Pour au moins deux raisons, nous ne pensons pas que cela soit le cas. La première tient aux circonstances en-tourant ce crédit et à la mauvaise foi qui en découle. La seconde repose sur des considérations structurelles fondamentales de la LTI. En tout état, une prise en compte d’un des buts fondamentaux de la LTI étaye notre analyse des effets juridiques du crédit opéré sur la base du Contractual Settlement.

i. La mauvaise foi du titulaire de compte

Conformément à la pratique des dépositaires suisses, lorsque l’avis d’exé-cution d’un crédit en compte de titre est opéré sur la base du Contractual Settlement, le caractère précaire de la bonification doit apparaître dans une mention qui l’accompagne. En effet, selon les recommandations de l’As-sociation suisse des banquiers, le crédit en compte est accompagné de la phrase suivante : “nous comptabiliserons les titres dans votre dépôt”, “Wir werden die Titel in Ihr Depot einbuchen”. Selon l’ASB, l’investisseur peut donc estimer que les titres achetés seront disponibles dans son dépôt le jour du règlement ou à la date valeur et ceci indépendamment du fait que la banque reçoive ou non de la contrepartie les titres le jour même, étant

159 Foëx, Les actes de disposition, p. 86 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 459, n. 36 ad art. 29 LTI.

160 Voir supra chap. III, § 3, D. 1, p. 234.

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379Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

donné qu’elle est la contrepartie 161. L’acquéreur est donc averti que le dé-positaire n’a pas encore reçu dans son dépôt les titres acquis sur le marché. Ceci a une conséquence majeure : l’investisseur ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi quant au fait que le dépositaire aurait le pouvoir de disposer des titres qu’il lui crédite.

ii. L’impossibilité structurelle d’une acquisition de bonne foi

Outre ce qui précède, la structure même du système d’intermédiation et la place qu’il réserve au Contractual Settlement empêchent matériellement que ce procédé puisse donner lieu à une acquisition de bonne foi. Les positions disponibles que le dépositaire doit tenir, conformément à l’art. 11 al. 3 LTI, doivent être distinguées des titres intermédiés 162 crédités sur les comptes de titres des investisseurs ou se trouvant sur le compte Nostro que le dépositaire tient en ses livres. Les positions disponibles ne remplissent pas nécessairement les conditions de la définition des titres intermédiés 163. En outre, le système d’intermédiation ne peut fonctionner que si les crédits en comptes de titres des investisseurs ou les positions fi-gurant au compte Nostro que le dépositaire tient en ses livres sont couverts par des titres disponibles. En d’autres termes, les droits des investisseurs doivent correspondre à des droits crées par l’émetteur. En effet, en vertu du principe de l’intégrité de l’émission, le dépositaire ne peut pas créer sua sponte des droits contre l’émetteur 164. Selon nous, cette caractéristique empêche d’ailleurs que l’on puisse appliquer, directement ou par analogie, l’art. 468 al.  1 CO au Contractual Settlement 165. En effet, par le crédit en compte de titres, le dépositaire ne constitue pas un titre intermédié comme

161 Circulaire ASB no  7215, Contractual Settlement ; voir aussi Hess, Bankengeset�, p. 366 s., n. 32 ad art. 16 LB.

162 Voir supra chap. II, § 3, B. 2. c. ii, p. 116.163 Les titres disponibles peuvent être soit des titres intermédiés inscrits au crédit d’un

compte de titres que le dépositaire détient auprès d’un sous�dépositaire, soit des titres que le dépositaire conserve lui�même sous la forme de papiers�valeurs en dépôt collectif, de certificats globaux ou de droits�valeurs inscrits à son registre principal, soit des titres dont le dépositaire peut librement exiger la remise par d’autres dé�positaires pendant la durée prescrite ou usuelle du règlement régulier sur le marché correspondant, mais au plus pendant huit jours.

164 Thévenoz, Saut épistémologique, p. 693.165 Pour une telle application, voir Guggenheim, Pratique bancaire, p. 183.

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380 Joël Leibenson

il constituerait une créance en faveur d’un assignataire, auquel l’absence de couverture ne serait alors pas opposable. Ce paradigme intègre le mécanisme du Contractual Settlement comme outil de maintien de la liquidité sur les marchés en reconnaissant à l’art. 11 al. 3 let. c LTI, qu’une prétention en livraison de titres intermédiés est une position suffisante pour couvrir un crédit en compte de titres de l’inves-tisseur. Cependant, la LTI ne consacre pas un tel crédit en compte comme une acquisition des droits dirigés contre l’émetteur, ni n’en fait un cas d’acquisition de bonne foi. L’art.  17 al.  1 let. c LTI, applicable aux cas de Contractual Settlement 166, prévoit que c’est la prétention du dépositaire en livraison des titres, que ce dernier a acquise en son propre nom, qui doit être distraite au profit de l’investisseur en cas de faillite. Ceci démontre bien, non seulement que l’investisseur n’a pas acquis de titres intermédiés au moment de la bonification sur son compte par le biais du Contractual Settlement, pas même en raison de sa bonne foi, mais encore qu’il n’existe pas de titres intermédiés dans le patrimoine de l’investisseur en relation avec le crédit anticipé opéré par le dépositaire. Le crédit qui a été opéré sur le compte de l’investisseur ne devient effectif qu’une fois que le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire est crédité des titres disponibles. C’est en effet à ce moment-là que les titres que le dépositaire a acquis tombent dans son patrimoine, le temps d’ “une seconde logique”, avant de passer dans celui de l’investisseur. Avant cela, l’investisseur n’a qu’une créance découlant du contrat de commission à l’exécution de l’instruction qu’il a communiquée au dépositaire et n’acquiert pas de bonne foi les titres intermédiés concernés.

iii. La justification au regard du but de la LTI

La justification du fait que le mode du Contractual Settlement n’a pas d’ef-fet constitutif d’une acquisition des titres, ni régulière, ni en raison de la bonne foi, repose également sur une interprétation fondée sur un des buts principaux de la LTI. L’art.  1 al. 2 LTI prescrit en effet comme but de la LTI de contribuer à assurer l’efficience du règlement des opérations sur titres ainsi que la stabilité du système financier. Or, il est démontré dans

166 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8862 ; Hess / Sägesser, FISA & HSC Commentary, p. 304, n. 27 ad art. 17 LTI.

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381Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

la pratique des transactions opérées sur le marché par les dépositaires que le Contractual Settlement est essentiel à l’efficience des opérations sur les titres intermédiés et à la stabilité générale du système de règlement de ces opérations 167. Il découle de ce qui précède que si l’on soutient que le crédit anticipé permet une acquisition de bonne foi par l’investisseur, l’on se place en opposition avec l’exécution efficiente des transactions sur les marchés. En effet, dans une telle perspective, le dépositaire ne pourrait pas exécuter les transactions de façon efficiente, puisque le risque systématique de faire face à une divergence entre une simple prétention tendant à la livraison de titres et une acquisition de bonne foi l’obligerait à attendre d’avoir les titres en compte avant de les créditer, afin d’être sûr que l’opération soit pas en- tachée d’une irrégularité quant à la livraison effective de titres concernés. Un argument supplémentaire tiré des règles applicables sur le marché plaide en faveur d’une approche flexible de l’effet juridique du crédit en compte exécuté au moyen du Contractual Settlement. Le dépositaire est pris dans une certaine contradiction entre les normes d’autorégulation reconnues comme standards minimaux par l’Autorité fédérale de sur-veillance de marchés financiers et les règles de la LTI. En effet, d’un côté la pratique opérationnelle des marchés et les buts de la LTI requièrent le Contractual Settlement, de l’autre les Règles de conduite pour négociants en valeurs mobilières applicables à l’exécution des opérations sur titres 168 font obligation au dépositaire de procéder le plus vite possible à l’alloca-tion des titres acquis et de rendre compte de la transaction effectuée. En règle générale, la confirmation et le décompte doivent être effectués dans la journée et envoyés à l’adresse convenue avec le client dans un délai d’un jour ouvrable bancaire après l’exécution de la transaction conformément au contrat 169. De l’autre côté, l’art. 24 al. 1 let. b LTI prescrit l’effet consti-tutif du crédit en compte de titres sans distinguer les effets du Contractual

167 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8855 ; Witmer, FISA & HSC Commentary, p. 243, n. 12 ad art. 11 LTI ; Circulaire ASB no 7215, Contractual Settlement.

168 Règles de conduite pour négociants en valeurs mobilières applicables à l’exécution des opérations sur titres, du 22 octobre 2008, entrées en vigueur le 1er juillet 2009, édictées par l’Association suisse de banquiers et considérées par la FINMA comme standards minimaux en application de la Circulaire FINMA 2008/10, Normes d’auto�régulation reconnues comme standards minimaux, du 20 novembre 2008, en vigueur au 1er janvier 2009.

169 Art. 6 al. 2 des Règles de conduite pour négociants en valeurs mobilières applicables à l’exécution des opérations sur titres.

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382 Joël Leibenson

et de l’Actual Settlement. A notre avis, la LTI, qui est censée offrir une très large prise en compte des pratiques établies dans la comptabilisation et le transfert des valeurs intermédiées 170, doit être interprétée dans le sens de ces pratiques et le crédit en compte opéré selon le Contractual Settlement doit être compris comme ne pouvant pas entraîner acquisition de titres intermédiés, même de bonne foi, tant que le dépositaire n’a pas lui-même reçu ces titres sur son compte auprès du sous-dépositaire. En dépit de l’absence de distinction qu’il peut y avoir en apparence entre une bonification fondée sur le Contractual Settlement et sur l’Actual Settlement, les droits des investisseurs sont complètement protégés par le système. Premièrement, il faut relever que la situation de “latence” entre la bonification et l’acquisition effective des titres intermédiés n’est qu’une conséquence technique du fonctionnement efficient des systèmes de règle-ment des opérations sur les titres intermédiés 171. Ensuite, la brièveté de la situation assure aux investisseurs la stabilité des écritures comptables qui leurs sont communiquées par leur dépositaire 172. Par ailleurs, l’art. 11 al. 2 LTI prescrit une obligation au dépositaire de procéder sans délai à un achat de couverture (Buy-in) pour le cas où le tiers obligé de livrer les titres au dépositaire serait en retard 173. Enfin, l’investisseur est au bénéfice du droit de distraction de la prétention du dépositaire en livraison des titres non encore livrés, conformément à l’art. 17 al. 1 let. c LTI.

c. Le Drawing-from-the-pool comme cas d’absence de pouvoir de disposer

D’un point de vue opérationnel, le crédit anticipé sur le compte de l’in-vestisseur lui donne la disponibilité des titres crédités quand bien même ceux-ci n’ont pas encore été juridiquement acquis par le dépositaire pour

170 von der Crone / Bilek, Aktienrechtliche �uerbe�üge, p. 195.171 Circulaire ASB no  7215, Stock de titres insuffisant à court terme, pour des raisons

techniques (Shortfalls).172 Dans 99 % des cas, l’achat est exécuté le jour du règlement, soit 3 jours après la

conclusion de la transaction, le reste l’est le jour suivant (Circulaire ASB no 7215, Con-tractual Settlement) ; voir également Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8854 s.

173 Conseil Fédéral, Message LTI à ce sujet, voir également la Circulaire ASB no 7622, du 7 septembre 2009, Entrée en vigueur de la Loi sur les titres intermédiés, le 1er janvier 2010 et son annexe : Loi fédérale sur les titres intermédiés – Réponses aux questions en suspens, ch. 6.

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383Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

l’investisseur. Ce mécanisme ne repose donc que sur les relations contrac-tuelles entre le dépositaire et l’investisseur, puisque la bonification repré-sente la disponibilité des titres alors qu’il est au bénéfice que d’un simple engagement de livraison 174. Cette flexibilité permet au titulaire de compte de “disposer” immédiatement des titres qui ont été crédités sur son compte de titres 175. En cas de revente immédiate par le titulaire de compte, le dépositaire n’a pas encore reçu les titres sur son compte auprès du sous-dépositaire. La revente entraîne donc ce que l’on appelle un Drawing-from-the-pool : le compte de titres du dépositaire est débité alors qu’il n’a pas encore été crédité de l’acquisition faite plus tôt. Dans un tel cas, les positions des autres investisseurs sont touchées si le dépositaire n’a pas lui-même un stock propre suffisant de titres du même genre pour couvrir l’opération 176. Concrètement, cela signifie que le titulaire de compte qui a procédé à la vente des titres, a aliéné des titres intermédiés qui n’étaient pas dans son patrimoine, mais dans celui d’autres titulaires de compte liés au dé-positaire concerné. Un tel acte de disposition est donc fait sans pouvoir de disposer et peut tout de même donner lieu à une acquisition si l’ac-quéreur remplit les conditions de la protection de la bonne foi figurant à l’art. 29 LTI.

3. L’étendue de la bonne foi en cas de convention de contrôle

a. La fonction d’information de la convention de contrôle

La fonction qui revient à la convention de contrôle est celle de permettre au titulaire du droit constitué d’exercer une maîtrise sur l’objet de son droit de façon à ce que celui-ci puisse être opposable aux tiers. Dans le cas de la constitution d’un gage, cela implique donc une maîtrise sur les titres intermédiés qui permette au gagiste d’exercer son droit et faire réaliser les titres afin d’être désintéressé en cas défaut du débiteur de l’obligation

174 Lombardini, Droit bancaire suisse, p. 694, à la note 56.175 Witmer, FISA & HSC Commentary, p. 243, n. 15 ad art. 11 LTI.176 Circulaire ASB no  7215, Stock de titres insuffisant à court terme, pour des raisons

techniques (Shortfalls) ; dans un tel cas, les titres disponibles, à savoir les positions créditées sur le compte du dépositaire auprès du sous�dépositaire ne couvrent plus les titres crédités sur les comptes de titres des investisseurs auprès du dépositaire.

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garantie. Cela implique également que le contrôle empêche que le consti-tuant ne dispose du bien contrairement aux intérêts du créancier gagiste, à savoir, qu’il ne l’aliène ou ne le grève en faveur d’un tiers de bonne foi. Ainsi, l’information assurée par le contrôle sur les titres intermédiés doit empêcher que le droit d’un titulaire de titres intermédiés ou d’un créancier gagiste de rang antérieur ne se fasse primer par un gage créé en faveur d’un créancier venu postérieurement à qui aucune information ne serait par-venue au sujet de l’absence de pouvoir de disposer du constituant ou au su-jet du droit grevant déjà les titres concernés. L’information doit également empêcher que le droit d’un titulaire de titres intermédiés ou d’un créancier gagiste sur des titres intermédiés ne soit éteint par l’acquisition de bonne foi de la titularité des titres 177. S’il y a un risque que des créanciers gagistes nouveaux venus priment chaque créancier antérieur parce que le dépositaire ne serait pas dans l’obligation de révéler l’existence de sûretés antérieures de tiers, alors les créanciers antérieurs ne seraient au bénéfice d’aucun contrôle sur les titres grevés qui leur permette de jouir des fonctions que la publicité assure tra-ditionnellement. Le contrôle ne jouerait aucun rôle et la maîtrise qu’il pro-cure au créancier garanti n’en serait pas véritablement un. Si cela était le cas, tout le système des conventions de contrôle serait mis en échec.

b. La mise en œuvre de la fonction d’information au sujet des droits existants et son incidence sur la bonne foi de l’acquéreur

Nous avons démontré ci-dessus que le dépositaire doit connaître le contenu et le rang des droits à la constitution desquels il participe et qu’il ne peut pas cumuler les conventions de contrôle sans se soucier de la préservation du contrôle qu’il s’est engagé à procurer au(x) bénéficiaire(s) d’une telle convention 178. Nous avons également posé que cette nécessaire connais-

177 L’extinction résulte de ce que le droit antérieur n’est pas compatible avec le droit acquis de bonne foi, voir Stark, Berner Kommentar, p. 365, n. 89 ad art. 933 CC ; Steinauer, Droits réels I, p. 166, n. 449 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 137 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 462 s., n. 52 ss ad art. 29 LTI ; pour l’influence éventuelle du mode utilisé pour l’acte de disposition sur la bonne foi de l’acquéreur, voir infra chap. V, § 3, D. 4, p. 407, les développements consacrés à la protection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’existence d’un droit antérieur.

178 Voir supra chap. V, § 2, C. 3. b. i, p. 355.

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385Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

sance devait être accompagnée d’une information des titulaires de droits sur les titres intermédiés lorsque l’un d’entre eux souhaite exercer son droit. Le corollaire de ce mécanisme permettant l’effectivité du rang des droits sur les titres intermédiés est que l’information au sujet des droits existants doit également être communiquée lorsqu’un acte de disposition est accompli postérieurement à ceux-ci. Afin d’éviter la situation que nous venons de décrire dans la section précédente, il nous apparaît que la mise en œuvre de la fonction d’infor-mation et de contrôle de la convention de contrôle doit être développée au moyen d’une interprétation de l’art. 25 al. 1 LTI à la lumière d’un des buts fondamentaux de la LTI, celui de la protection de la propriété conférée par les droits sur des titres intermédiés, qui est ancré à l’art.  1 al. 2 LTI. Ce but de la LTI détermine les devoirs découlant de la conclusion d’une convention de contrôle dans la perspective de la préservation des droits sur les titres intermédiés. Le cadre contractuel qui permet la maîtrise exer-cée par le bénéficiaire d’une convention de contrôle existant garantit à ce dernier que le dépositaire doit tout mettre en œuvre afin de respecter les engagements pris en sa faveur. Il est difficile de concevoir que le déposi-taire puisse prendre l’engagement de suivre les instructions d’un second bénéficiaire sans l’informer de l’existence d’une convention de contrôle déjà conclue ou, à tout le moins, sans avoir reçu du constituant la preuve que le futur créancier garanti a été dûment informé des droits existants 179. Ceci est d’autant plus justifié si l’on considère que la convention de contrôle peut servir à transférer la titularité (fiduciaire) au bénéficiaire avec pour conséquence non la perte de rang, mais la perte du droit du premier bénéficiaire. En conséquence, en tant que mécanisme de substitution à la publicité traditionnelle d’un droit absolu, la convention de contrôle doit assurer que l’information relative aux droits existants soit communiquée à l’acquéreur afin d’éviter un cas d’acquisition de bonne foi du droit postérieurement

179 Afin d’éviter cette solution, certains auteurs soutiennent que l’acquéreur de titres intermédiés qui sont grevés d’une convention de contrôle en faveur d’un tiers acquiert les titres sans la sûreté préexistante et cela même s’il connaissait son existence, à savoir même s’il était de mauvaise foi (cf. Dalla Torre / Germann, 12 Antworten, p. 578, à la note 56) ; selon nous, cette position méconnaît le fait que soit l’acquéreur connaît l’existence du droit antérieur et il ne peut acquérir qu’un rang postérieur à celui�ci, soit l’acquéreur ignore de bonne foi le droit antérieur et ce dernier ne peut lui être opposable, tertium non datur.

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constitué. En effet, si le dépositaire qui procure le contrôle au bénéficiaire d’une convention déjà en place ne communique pas son existence au futur bénéficiaire de l’acte de disposition, il viole son devoir découlant de la pre-mière convention de contrôle. Le système d’intermédiation formé par les dépositaires sert donc de garantie que l’information circule correctement entre les parties impliquées dans un acte de disposition. Si l’on est dans la situation où le droit antérieur est celui d’un dépositaire, l’incitation à la communication découle des art. 26 al. 2 et 30 al. 2 LTI, qui prévoient res-pectivement la perte du droit sur les titres ou sa subordination au droit du tiers protégé, si la convention de contrôle en faveur du dépositaire n’a pas été signalée. Par ailleurs, si le droit constitué en second lieu l’est en faveur du dépositaire, ce dernier ne peut en aucun cas être de bonne foi puisqu’il a nécessairement participé à la constitution du droit antérieur en crédi-tant les titres sur le compte du constituant ou participé à la convention de contrôle antérieure à celle conclue en sa faveur. La résultante du système de publicité des droits par l’information au sujet de conventions de contrôle existantes est que l’acquéreur n’est pas dans l’obligation de prêter une attention particulière aux droits préexis-tants lors de son acquisition. Comme pour le crédit en compte, sa bonne foi repose sur la confiance faite au dépositaire de ne pas assumer d’obliga-tions envers lui qui lèseraient les intérêts d’autres titulaires de droits sur les titres intermédiés concernés. Le dépositaire devant fournir l’information relative à l’existence d’éventuels autres droits grevant les titres, l’acquéreur n’est donc pas tenu de se renseigner à ce sujet.

C. Protection de la bonne foi en cas d’inefficacité du titre d’acquisition et en cas d’extourne selon l’art. 28 al. 3 LTI

1. Systématique de l’analyse

A priori, les questions qui touchent à la protection en cas d’inefficacité ju-ridique du titre d’acquisition ne font pas partie du champ couvert par les dispositions sur les extournes figurant dans la LTI. En effet, celles-ci ne sont prévues que dans un certain nombre de situations figurant aux art. 27 et 28 LTI qui ne concernent pas directement les transactions reposant sur un titre d’acquisition nul ou annulable, mais seulement pour des défauts

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387Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

affectant l’instruction d’un disposant ou le processus de débit ou de crédit effectués par le(s) dépositaire(s) concerné(s) 180. Cependant, deux éléments justifient d’aborder en parallèle les deux si-tuations. Le premier est qu’il est possible qu’une transaction soit affectée d’un défaut au niveau du titre d’acquisition et de l’instruction. En second lieu, le droit boursier connaît un cas d’inefficacité du titre d’acquisition (le Mistrade) qui donne lieu à une extourne de l’acquisition opérée en bourse par le dépositaire commissionnaire. Ces deux situations seront abordées dans la même perspective puisque dans les deux cas le défaut de la transac-tion irrégulière donne lieu à l’extourne d’un crédit et pose la question de la protection de la bonne foi ancrée à l’art. 28 al. 3 LTI. Après avoir exposé le cas de base que constitue l’absence de protec-tion en cas d’inefficacité du titre d’acquisition, nous introduirons ensuite brièvement le régime des extournes et aborderons le cas de l’acquéreur de bonne foi lorsque son titre d’acquisition ainsi que l’instruction du dispo-sant sont défectueux ou inexistants, puis nous examinerons le traitement de la problématique du Mistrade, autant dans la perspective du dépositaire que dans celle de l’investisseur.

2. Régime de protection de la bonne foi en cas d’inefficacité du titre d’acquisition hors des cas de Mistrade

a. L’absence de protection

Traditionnellement, lorsque le disposant est au bénéfice du pouvoir de dis-poser et que le titre d’acquisition sur lequel repose la transaction est nul ou annulable, l’acquéreur qui croit de bonne foi que l’opération est valable n’est pas protégé 181. L’acquéreur est protégé seulement contre l’absence de pouvoir de disposer, mais non contre les motifs qui invalident l’acte géné-rateur d’obligations, comme l’absence de capacité de discernement ou les vices du consentement.

180 Conseil Fédéral, Message LTI, p.  8873 ; Blum, Rechtsmängel, p.  695 ; Kuhn, Prel. Cmts Arts. 27�28, FISA & HSC Commentary, p. 411, n. 29.

181 Stark, Berner Kommentar, p. 327, n. 7 ad art. 933 CC ; Guisan, La protection de l’ac�quéreur de bonne foi en matière mobilière, p. 65 ; Steinauer, Droits réels I, p. 163, n. 442.

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388 Joël Leibenson

A teneur du texte de l’art. 29 al.  1 let. a et b LTI, il en va de même pour les titres intermédiés, puisque la protection de la bonne foi prévue par cet article n’est donnée qu’en cas d’absence de pouvoir de disposer ou si la bonification des titres intermédiés a été extournée dans le compte de l’aliénateur 182. En outre, un titre d’acquisition défectueux ne peut, en principe 183, pas donner lieu à une extourne du débit du compte du dispo-sant (art. 27 LTI) ni, donc, à une extourne du crédit correspondant sur le compte de l’acquéreur (art. 28 LTI). Une telle situation ne serait envisa-geable, pour les cas régis par la LTI, que lorsque le défaut de capacité ou le vice de la volonté affecte à la fois le titre d’acquisition et l’instruction, ce qui sera rarement le cas 184.

b. Détermination du régime de restitution

Pour le cas où seul le titre d’acquisition serait défectueux sans qu’un Mistrade soit en cause, le principe de causalité commande qu’une telle transaction n’opère pas d’effet translatif des titres intermédiés ni consti-tutif d’un droit sur eux. Par conséquent, l’acquéreur de bonne foi n’est pas protégé. Dans un tel cas, aucune base légale topique ne vise la restitution des titres à l’aliénateur. Selon nous, cette restitution doit être opérée en ap-plication analogique de l’art. 29 al. 2 à 4 LTI et cela que l’acte de disposition ait revêtu la forme d’une bonification ou d’une convention de contrôle, puisque l’art.  29 LTI est applicable à ces trois formes. La restitution de titres dont on a disposé par une bonification se fera logiquement par une bonification inverse initiée par la personne tenue à restitution. Pour la res-titution de titres qui ont fait l’objet d’une convention de contrôle, le dispo-sant dont l’acte de disposition n’est pas venu à chef en raison de l’invalidité du titre d’acquisition devra agir en constatation de l’inexistence du droit sur les titres visés par la convention de contrôle et, partant, en constatation de l’inexistence des obligations du dépositaire envers le bénéficiaire de la

182 L’extourne dans le compte de l’aliénateur, possible aux conditions de l’art. 28 al.  1 let. a ou b LTI, concerne l’acquisition que l’aliénateur a faite antérieurement à l’aliéna�tion litigieuse. Il n’est donc pas question du titre d’acquisition de l’acquéreur poten�tiellement protégé en raison de sa bonne foi.

183 Voir l’exception concernant les Mistrades fondée sur le droit boursier, supra chap. III, § 1, D. 5. b, p. 184.

184 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8872.

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389Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

convention de contrôle 185. La qualité de partie à la convention de contrôle, qui assume des obligations propres dans ce cadre, donne au dépositaire la légitimation passive pour défendre à l’action aux cotés du bénéficiaire cette convention.

3. La protection de la bonne foi en cas d’extourne selon l’art. 28 al. 3 LTI

a. Le régime d’extournes des écritures en comptes de titres

Les transactions sur les titres intermédiés reposent de façon centrale sur des crédits en compte de titres constitutifs des droits transférés ou consti-tués. Il est donc nécessaire de prévoir des mécanismes de correction en cas d’irrégularités dans le processus de bonification. Le régime des extournes figurant aux art. 27 et 28 LTI prévoit les rectifications qu’il est possible d’apporter sur demande d’un titulaire de compte ou directement par les dépositaires aux débits et crédits qui sont passés en comptes dans l’exécu-tion des transactions sur les titres intermédiés. La mesure réelle des effets qu’engendrent ces normes n’a pas encore été envisagée 186. En particulier, les tenants et les aboutissants des extournes effectuées dans des transac-tions impliquant deux dépositaires distincts et un sous-dépositaire com-mun n’ont pas du tout été évalués 187. Ceci est tout de même fort surprenant, compte tenu de l’importance centrale de ces dispositions, qui servent à la protection du système d’intermédiation 188. Si un motif d’extourne d’une bonification est donné conformément à l’art. 28 al. 1 LTI, l’al. 3 du même article prévoit que l’extourne est exclue lorsqu’aucun titre intermédié du même genre ne figure plus au crédit du compte ou lorsque des tiers ont acquis des droits sur ces titres de bonne

185 Dans le même sens, Foëx, Les actes de disposition, p. 97.186 Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektengeset�, p. 114 s.187 Voir Kuhn, Prel. Cmts Arts. 27�28, FISA & HSC Commentary, p. 410, n. 24 : “The situ-

ation is much more difficult when two or more custodians are involved in the transfer of intermediated securities, as is usually the case. In such a situation the link between Arts. 27 and 28 FISA may work, but in many instances it will not.” ; et p. 411, n. 28 : “On the whole it is fair to say that Arts. 27 and 28 FISA do not mesh perfectly when a transaction involves more than one custodian.”.

188 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8871 ; Hess / Friedrich, Das neue Bucheffektenge�Bucheffektenge�set�, p. 114.

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foi. Dans ce cas, le dépositaire a droit à la contrevaleur des titres crédités, sauf si le titulaire du compte s’est dessaisi des titres de bonne foi ou ne pou-vait s’attendre à être tenu de les restituer. Cet alinéa introduit une certaine protection de la bonne foi du titulaire de compte qui a vu une bonification sur son compte extournée. Nous examinons dans les sections qui suivent les incidences principales de cette protection et du régime de restitution qui lui correspond.

b. Le régime de restitution en cas d’invalidité concomitante du titre d’acquisition et de l’instruction

Bien que la situation où le titre d’acquisition et l’instruction du disposant sont les deux invalides soit potentiellement rare 189, l’on ne peut totalement exclure qu’elle se produise. En pareil cas, la détermination du régime de restitution ne serait pas sans conséquences. A la différence de ce que nous avons retenu pour l’hypothèse où seul le titre d’acquisition fait défaut 190, le fait que l’instruction soit également défectueuse entraîne l’application de l’art. 28 al. 1 let. a ou b LTI au crédit opéré sur le compte de l’acquéreur ignorant de bonne foi les défauts de l’opération 191. Ainsi, premièrement, si le titulaire de compte doit restituer les titres, cela a lieu par une extourne et non une action en justice, comme cela est le cas dans le cadre de la restitution prévue par l’art. 29 al. 2 à 4 LTI. En-suite, il découle de l’art. 28 al. 3 LTI a contrario que l’acquéreur de bonne foi n’est pas protégé si les titres figurent encore sur son compte après la transaction litigieuse et qu’ils sont libres de droits que des tiers auraient pu acquérir de bonne foi, puisque dans ce cas-là l’extourne peut être ef-fectuée. Il en va différemment si les titres ne figurent plus sur son compte où si des tiers ont acquis de bonne foi des droits sur ces titres. Dans ce cas, l’extourne de la bonification ne peut avoir lieu 192. Le titulaire du compte est

189 Voir supra chap. V, § 3, C. 2. a, p. 387.190 Voir supra chap. V, § 3, C. 2. b, p. 388.191 La raison de l’extourne du crédit résidera dans l’extourne du débit consécutif à l’acte

de disposition sur la base de l’art. 27 al. 1 let. a, b ou c, en fonction de la situation défectueuse concernant l’instruction.

192 Cette impossibilité est permanente et l’extourne ne peut pas intervenir plus tard, lorsque des titres du même genre sont à nouveau crédités sur le compte de titres, cf. Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 445, n. 28 ad art. 28 LTI.

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391Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

alors tenu de dédommager le dépositaire sauf s’il s’est dessaisi des titres de bonne foi ou ne pouvait s’attendre à être tenu de les restituer. La ratio legis du système des extournes est clairement perceptible dans ce régime : seule compte en premier lieu la possibilité d’extourner. La bonne ou mauvaise foi du titulaire de compte ne vient qu’en second plan, si l’extourne n’est pas possible. Il convient de relever que le dédommagement qui intervient en cas d’impossibilité d’extourne doit, selon nous, être fait au partenaire contrac-tuel direct du titulaire du compte visé par l’extourne. Si le crédit est in-tervenu sur la base d’une pure erreur de la part du dépositaire ou suite à une opération de commission à l’achat passée au nom du dépositaire mais pour le compte du titulaire de compte, c’est bien le dépositaire qui a droit au dédommagement compensant l’absence de restitution. En revanche, si le titulaire de compte est en relation contractuelle directe avec une autre personne que le dépositaire qui tient le compte, alors c’est cette autre per-sonne qui est en principe légitimée à recevoir la contre-valeur des titres qui ne peuvent pas être extournés. Il ne peut en aller différemment que si le(s) dépositaire(s) concernés replace(nt) d’office le titulaire du compte débité à tort dans la situation qui devrait être la sienne en extournant le débit. Dans un tel cas, c’est bien au dépositaire qui a fourni les titres au légitime ayant droit de recevoir le dédommagement compensant l’absence de restitution des titres 193. Enfin, le fait que l’art. 29 et ses al. 2 à 4 LTI ne soient pas applicables ne pose pas de problème majeur si le titulaire du compte concerné par l’extourne du crédit fait l’objet une procédure d’exécution forcée tendant à l’exécution générale. L’absence d’un droit de distraction dans l’art. 28 LTI, tel que prévu à l’art. 29 al. 3 LTI, ne péjore pas la situation de la personne qui a droit aux titres. Une telle norme est en effet inutile car si les titres sont sur le compte, ils doivent être extournés et s’ils n’y figurent plus, il n’y a plus d’actifs sur lesquels exercer le droit de suite. On n’imagine pas que l’extourne puisse être opposée au titulaire de compte, mais non à la masse dans l’éventualité de sa faillite, car dans les deux cas l’intérêt à la protec-tion du système d’intermédiation est le même.

193 Dans le même sens, Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 441, n. 8 et p. 445 n. 31 ad art. 28 LTI.

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392 Joël Leibenson

c. Le régime de restitution en cas de Mistrade

i. Les particularités découlant du droit boursier

Lorsque survient un Mistrade dans le cadre d’une transaction boursière, la situation est différente de celle qui prévaut habituellement en cas d’ineffi-cacité du titre d’acquisition 194. La règlementation boursière prévoit en effet que le commissionnaire n’est pas maintenu dans son acquisition et que la transaction doit être extournée, puisque le titre d’acquisition est nul. Nous avons démontré plus haut que le motif d’extourne repose dans un tel cas seulement sur la nullité du titre d’acquisition du commissionnaire et non pas sur un motif qui concernerait l’instruction, faisant du Mistrade un motif d’extourne ayant son siège hors de la LTI 195. A cela s’ajoute que, d’un point de vue opérationnel, le cas de Mistrade est usuellement annoncé très rapidement, généralement une demi-heure après la transaction en cause ou, exceptionnellement, une demi-heure après la clôture du négoce 196, soit toujours le même jour que la transaction. Dans ces conditions, les titres intermédiés concernés ne sont pas encore crédités sur le compte du dépo-sitaire auprès du sous-dépositaire lorsque l’extourne de ce crédit devrait intervenir 197. L’opération de révocation de la transaction que le commis-sionnaire est tenu de rentrer dans le système de bourse (Trade Reversal) a pour effet que son compte auprès du sous-dépositaire ne sera pas crédité. Les positions qui restaient à exécuter de part et d’autre entre les déposi-taires sont simplement supprimées 198. Il s’ensuit que l’art. 28 al. 3 LTI n’est pas applicable au dépositaire pour le protéger contre l’extourne. Il faut bien saisir que, dans un tel cas, la position juridique du dépo-sitaire se situe entre son devoir d’extourner la transaction passée en son nom sur le marché et l’éventuel droit aux titres concernés dont bénéficie-rait l’investisseur pour le compte duquel la transaction a été conclue. La protection du dépositaire découle de la protection du titulaire de compte. Si ce dernier est protégé et que le dépositaire ne l’est pas dans ses rapports avec sa contrepartie sur le marché, ce sera au dépositaire de supporter les

194 Voir supra chap. V, § 3, C. 2. a, p. 387.195 Voir supra chap. III, § 1, D. 5, p. 182.196 Voir l’art. 6.3 al. 2 let. a et b de la Directive Régulation du marché de la SIX Swiss

Exchange.197 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 420, n. 20 ad art. 27 LTI.198 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 112.

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conséquences du Mistrade. Au contraire, si le régime de protection de l’in-vestisseur est coordonné au régime de restitution qui peut être appliqué au dépositaire dans le prolongement du cas de Mistrade, la position du dépo-sitaire ne sera pas péjorée. En d’autres termes, afin de connaître la position du dépositaire, qui est commissionnaire à l’achat, nous devons nous poser la question de savoir si sa position est opposable au titulaire de compte, le commettant à l’achat, ou bien si ce dernier est au bénéfice de la protection de l’acquéreur de bonne foi de l’art. 29 LTI ou de la protection découlant de l’art. 28 al. 3 LTI.

ii. La nécessité du Contractual Settlement et l’absence de protection de la bonne foi de l’investisseur

Selon nous, l’analyse du régime de restitution des titres en cas de Mistrade doit reposer sur l’idée de l’harmonisation entre le droit boursier et les dis-positions de la LTI. En premier lieu, il faut relever qu’un Mistrade n’entre en ligne de compte que lorsque le commissionnaire se procure les titres sur le marché, puisque ce phénomène ne peut se produire qu’en cas de transac-tion passée dans le système de bourse. L’acquisition des titres sur le marché par le commissionnaire peut intervenir lorsqu’il ne se porte pas contre-partie du commettant, mais également lorsqu’il se porte contrepartie du commettant par une opération dite Nostro technique 199. Dans le premier cas, l’achat est opéré au nom du commissionnaire et pour le compte du commettant, sur la base d’un rapport de représentation indirecte. Dans le second cas, le commissionnaire effectue l’achat en son nom et conclut cette opération pour son propre compte. Dans les deux cas, le commissionnaire doit ensuite transférer les titres à son client. Si l’acquisition a eu lieu pour le compte du commettant, ce transfert intervient en exécution de l’obligation de restitution du commissionnaire, conformément aux art. 400 al. 1 et 425 al. 2 CO. Si l’acquisition par le commissionnaire à eu lieu pour son propre compte parce qu’il se porte contrepartie du commettant, l’obligation de

199 Voir supra chap. III, § 1, C. 3, p. 170. Les développements qui suivent n’entrent pas en considération si un commissionnaire s’est porté contrepartie par une opération dite Nostro véritable, à partir de son stock commercial de titres, ou s’il a procédé à une internalisation. Dans ces deux cas, l’exécution de la commission n’implique pas de passer une transaction en bourse pour exécuter les instructions du commettant.

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transférer découle des règles du contrat de vente, qui sont applicables à ce cas de figure 200. L’arrêt du Tribunal fédéral rendu en relation avec la pratique du Mistrade 201 nous permet de décomposer les étapes de l’acquisition et de mettre en évidence leur interaction. L’état de fait soumis au Tribunal fédéral mentionne que le commissionnaire devait acquérir les titres en bourse. Ceci pourrait impliquer qu’il ne s’est pas porté contrepartie du commettant 202. Cette affirmation doit cependant être relativisée dans la mesure où, bien que le commissionnaire ait procédé à une acquisition sur le marché, il a immédiatement crédité le compte de titres du titulaire de compte. L’acquisition des titres par le commissionnaire ne devant interve-nir que trois jours après la transaction, les titres n’ont pas encore été crédité sur son compte auprès du sous-dépositaire et il n’a donc jamais reçu les titres au moment où le Mistrade est annoncé et où l’opération devrait être extournée 203. Il découle de ce fait deux possibilités au sujet de la nature du crédit opéré par le dépositaire dans le compte de titres de l’investisseur. Soit le dépositaire s’est porté contrepartie du commettant et s’est conformé aux recommandations de l’Association suisse des banquiers relative au dé-roulement des opérations d’achat et de vente de titres 204 en créditant les titres par anticipation sur le délai pour la livraison des titres, soit le dépo-sitaire ne s’est pas porté contrepartie et a crédité les titres par anticipation bien que le risque de livraison repose sur un tiers (Drittliefergeschäft), en opposition avec les recommandations de l’ASB. Dans tous les cas, le dé-positaire a nécessairement procédé à un crédit anticipé selon le mode du Contractual Settlement. Comme nous l’avons vu plus haut, un crédit opéré sur la base du Contractual Settlement conformément aux recommanda-tions de l’ASB ne permet en principe pas au titulaire de compte de se pré-valoir de sa bonne foi et d’être maintenu dans son acquisition 205.

200 Art. 436 al. 3 CO ; voir Pache, Le contrat de commission appliqué au commerce des valeurs mobilières, p. 94 ; Rüegg, Der Effektenb�rsenauftrag, p. 75 ss ; von Planta / Lenz, Obligationenrecht I, p. 2689, n. 9 ad art. 436 CO ; Lombardini, Gestion de fortune, p. 95, n. 9 ; Zobl / Kramer, Kapitalmarktrecht, p. 459 s., n. 1233.

201 ATF 133 III 221/228 = SJ 2007 p. 320 ss ; voir supra chap. III, § 1, D. 5, p. 182.202 Lombardini, Opérations en bourse.203 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 420, n. 20 ad art. 27 LTI ; voir aussi Hess / Stöckli,

Optik des Kapitalmarktrechts, p. 112.204 Voir la Circulaire de l’Association suisse des banquiers (ASB) no 7215, “Déroulement

des opérations d’achat et de vente de titres”, du 27 novembre 2002 (ci�après : Circu�laire ASB no 7215) ; voir supra chap. III, § 3, B. 2, p. 221.

205 Voir supra chap. V, § 3, B. 2. b, p. 378.

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395Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

iii. L’application de l’art. 28 al. 3 LTI à l’investisseur ?

Si le droit boursier prévoit le motif d’extourne du crédit qui devrait être opéré sur le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire, il ne pres-crit en revanche rien quant à la coordination des rapports de protection et de restitution entre le dépositaire tenu à l’extourne et son éventuel client. Ainsi, il convient de se référer à l’art. 28 al. 1 LTI afin de vérifier si la surve-nance du Mistrade constitue un motif d’extourne du crédit anticipé opéré sur le compte de l’investisseur. Dans ce cas, seul l’art. 28 al. 1 let. a LTI entre en considération 206. L’extourne peut être opérée sur le compte de l’inves-tisseur lorsque le débit correspondant à lui-même été extourné. Dans une situation impliquant deux dépositaires, le débit correspondant peut être celui qui devrait intervenir sur le compte du dépositaire commissionnaire aliénateur auprès du sous-dépositaire 207. Cependant, l’ordre non séquentiel d’exécution des écritures en comptes de titres fait que le débit sur le compte du dépositaire auprès du sous-dépositaire n’interviendra jamais, puisque la transaction sera extournée avant ce débit. Formellement, il n’y a donc pas de motif d’extourne du crédit opéré sur le compte de l’investisseur au sens de l’art. 28 al. 1 let. a LTI. Il serait cependant injustifié de retenir que le crédit fait sur le compte de l’investisseur ne peut pas être extourné parce que le débit du compte du dépositaire de l’aliénateur n’a pas été extourné, car il n’a pas été exécuté et ne le sera jamais. Cela serait une conséquence inacceptable de l’absence de lien juridique nécessaire entre les écritures au crédit et au débit des comptes de titres qui n’a clairement pas été voulue par le législateur 208. Il convient donc de retenir que le cas d’extourne issu du droit boursier vaut comme extourne du “débit correspondant” au sens de l’art. 28 al. 1 let. a LTI, même si le débit n’a jamais eu lieu en raison du fait que le prononcé du Mistrade en a empêché la survenance. Si le débit du compte de l’investisseur aliénateur a été effectué avant le prononcé du Mistrade, cette écriture doit être extournée en raison de la règlementation

206 En effet, l’art. 28 al. 1 let. b LTI où l’instruction ne correspond pas à la bonification n’est pas applicable puisque, comme nous l’avons vu plus haut (voir supra chap. III, § 1, D. 5. b, p. 184), le Mistrade ne repose pas sur une divergence entre l’instruction donnée et le crédit intervenu ensuite.

207 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 441, n. 8 ad art. 28 LTI.208 S’agissant de la ratio de l’absence de lien nécessaire entre les différentes écritures en

compte pour qu’elle déploient leurs effets juridiques, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8867.

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boursière qui s’impose au dépositaire de l’aliénateur. Ce débit peut dès lors également être considéré comme le débit correspondant au crédit devant être extourné sur le compte de l’investisseur acquéreur 209. Sur la base de ce qui précède, en cas de Mistrade, le dépositaire peut ex-tourner le crédit des titres opéré sur le compte de l’investisseur acquéreur d’après l’art. 28 al. 1 LTI. Cependant, le régime prévu à l’art. 28 LTI diverge de la simple extourne prévue par le droit boursier. En effet, d’après l’art. 28 al. 3 LTI, l’extourne est exclue si les titres ne figurent plus au crédit du compte de l’investisseur. A ce moment-là, l’investisseur ne peut être tenu à indemniser le dépositaire que s’il a disposé des titres de mauvaise foi ou s’il pouvait s’attendre à être tenu de les restituer. Cette formulation reprend, en des termes quelque peu différents, la même idée que celle ancrée à l’art. 3 al. 2 CC 210. L’objet de la bonne foi est la croyance que le processus de transaction est effectif et ne peut pas être remis en question pour des motifs opération-nels. En général, les circonstances du déroulement technique des transac-tions sont inconnues de l’investisseur qui se voit créditer les titres sur son compte 211. Ainsi, si l’investisseur revend les titres qui lui ont été crédités avant que le Mistrade ne soit déclaré et que sa bonne foi quant au carac-tère définitif de la transaction ne peut être remise en cause, il ne sera pas tenu d’indemniser le dépositaire. Cependant, un élément fondamental de la transaction permet de remettre en cause la bonne foi de l’investisseur. Si le dépositaire s’est conformé aux recommandations de l’Association suisse des banquiers concernant le déroulement des opérations d’achat et de vente de titres, il a communiqué au titulaire de compte le crédit opéré selon le mode du Contractual Settlement en l’accompagnant de la mention explicitant que les titres seront disponibles dans son dépôt. D’après l’ASB, le client peut donc estimer que les titres achetés seront disponibles dans son dépôt le jour du règlement ou à la date valeur 212. Il ressort de cette pra-tique établie que le client ne peut s’attendre à être au bénéfice d’une trans-action définitive qu’au jour du règlement, soit trois jours après la trans-

209 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 441, n. 8 ad art. 28 LTI.210 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 446 s., n. 35 ad art. 28 LTI.211 Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 111 ; voir aussi, Foëx, Les actes de

disposition, p. 86 ; Zbinden, Pfandrecht an Aktien, p. 73.212 Voir la version allemande de la Circulaire ASB no 7215, Contractual Settlement, “Der

Kunde kann davon ausgehen, dass die gekauften Titel am Settlement� b�w. Valutatag in seinem Depot verfügbar sein werden […]”.

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397Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

action, excluant par-là la bonne foi de l’investisseur. Dès lors, le dépositaire qui peut procéder à l’extourne du crédit des titres acquis en raison d’un Mistrade a droit à la contrevaleur des titres si ceux-ci ne figurent plus sur le compte de titres l’investisseur.

D. Protection en cas d’existence d’un droit antérieur

1. Les différentes problématiques en présence

La protection en cas d’existence d’un droit antérieur implique plusieurs problématiques. Il s’agit tout d’abord de la traditionnelle distinction entre l’acquisition de bonne foi de la titularité ou la constitution d’un droit li-mité sur les titres intermédiés dans l’ignorance de l’existence d’un droit antérieur sur les mêmes titres. A cet égard, il convient en premier lieu de relever que le fait que des titres intermédiés soient déjà grevés d’un droit li-mité au moment où le constituant en dispose une seconde fois ne constitue pas un cas d’absence de pouvoir de disposer 213. En effet, le légitime titulaire d’un actif grevé peut valablement l’aliéner ou le grever d’un deuxième droit limité, subordonné à un droit antérieur par les règles de priorités appli-cables. La bonne foi de l’acquéreur du second droit limité porte donc sur l’absence d’existence d’un droit antérieur. En second lieu, les effets de l’ac-quisition dépendent du contenu du droit acquis de bonne foi. Cela signifie que l’acquisition peut engendrer la perte du droit antérieur ou sa subor-dination au droit postérieurement acquis. L’extinction du droit antérieur interviendra si son maintien est incompatible avec le droit postérieur 214, ce qui sera le cas si le droit postérieur est la titularité des titres. En revanche, l’acquisition d’un droit limité en second lieu n’est pas de nature à provo-quer l’extinction des droits déjà existant. La titularité sera primée en raison

213 Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 864 s., n. 764 ad art. 884 CC et p. 893, n. 846 ad art. 884 CC ; voir toutefois, Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 454 s., n. 18, troisième tiret, ad 29 LTI, qui semble assimiler le fait que les titres soient déjà grevés à une absence de pouvoir de disposer.

214 Voir Stark, Berner Kommentar, p. 365, n. 89 ad art. 933 CC ; Steinauer, Droits réels I, p. 166, n. 449 s. ; Foëx, Les sûretés sur les titres, p. 137 ; Foëx, FISA & HSC Com�mentary, p. 462 s., n. 52 ss ad art. 29 LTI ; pour l’influence éventuelle du mode utilisé pour l’acte de disposition sur la bonne foi de l’acquéreur, voir infra chap. V, § 3, D. 4, p. 407, les développements consacrés à la protection de l’acquéreur de bonne foi en cas d’existence d’un droit antérieur.

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de la théorie dite de la charge 215 et un droit limité ne sera pas opposable à l’acquéreur de bonne foi si l’exercice des deux droits est incompatible. Ces deux distinctions sont ensuite rendues plus complexes encore par le fait que, dans le cadre de la LTI, les actes de disposition peuvent être accomplis selon deux modes distincts (le crédit en compte et la conven-tion de contrôle), qui présentent des particularités propres dans leur mise en œuvre de la publicité du droit antérieur ou dans leurs possibilités de prise en compte opérationnelle du droit existant antérieurement à celui qui est créé. L’analyse de la prise de rang des actes de disposition accomplis par crédit en compte de titres met en évidence les problématiques que nous venons de soulever. A cet égard, Hans Kuhn interprète restrictivement l’art. 30 al. 1 LTI et pose que le législateur n’a pas envisagé les droits consti-tués par crédit en compte dans le régime de priorité retenu 216. Il déduit de ce constat un régime de priorité multiple 217. Premièrement, la priorité dans le temps selon l’art. 30 al. 1 LTI vaudrait pour les conflits impliquant seulement des actes de disposition accomplis au moyen de conventions de contrôle (art. 25 et 26 LTI) et le droit de rétention du dépositaire (art. 21 LTI) 218. En second lieu, lorsqu’un crédit en compte de titres entre en conflit avec le droit de rétention du dépositaire ou une convention de contrôle en sa faveur le conflit serait réglé par les art. 21 al. 2 et 26 al. 2 LTI 219. Enfin, le rang des droits constitués par crédit en compte de titres serait gouverné par l’art. 29 LTI lorsque surgit un conflit entre deux crédits en compte ou entre une convention de contrôle en faveur d’un tiers (25 LTI) et un crédit sur un autre compte de titres que celui visé par la convention de contrôle 220. Selon cette interprétation, l’application de l’art. 29 LTI implique que si l’acqué-reur du droit constitué en second lieu est de bonne foi, il acquiert son droit sur les titres qui ne sont plus grevés du droit constitué en premier lieu. S’il est de mauvaise foi, l’acquéreur n’est pas au bénéfice d’un rang préférable à celui du premier titulaire 221.

215 Voir supra chap. V, § 2, A. 2, p. 330.216 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 470 s., n. 9 s. ad art. 30 LTI.217 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 470 s., n. 10 et p. 476 s., n. 34 ss ad art. 30 LTI.218 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 471 s., n. 13 ss ad art. 30 LTI.219 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 477, n. 40 s. ad art. 30 LTI.220 Sans distinguer si un crédit intervient sur un compte tenu auprès du même déposi�

taire ou d’un autre.221 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 476 s., n. 35 et n. 37 ad art. 30 LTI.

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399Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

Le résultat de cette interprétation, à savoir l’inapplicabilité du prin-cipe de la priorité dans le temps dans le cas d’un conflit impliquant un droit constitué par crédit en compte de titres, est compréhensible dans la perspective de la praticabilité des opérations qui ont lieu dans le système d’intermédiation. Cependant, selon nous, l’analyse des cas de figures envi-sagés ne nous semble pas permettre de conduire à un résultat d’ensemble qui soit satisfaisant en l’état actuel des solutions prévues par la LTI, en particulier au vu des objectifs de sécurité juridique devant être atteints par l’introduction de normes adaptées aux pratiques opérationnelles des dépositaires 222. L’examen de chacune des situations évoquées ci-dessus le confirmera 223.

2. Existence d’un droit antérieur en cas d’acte de disposition postérieur accompli par une convention de contrôle

a. Les sûretés antérieures du dépositaire

i. Les sûretés visées

L’art. 30 al. 2 LTI prévoit une exception au régime de la priorité dans le temps concernant “les sûretés antérieures du dépositaire”. Si ce dernier conclut une convention de contrôle en faveur d’un tiers sans l’informer de l’existence de la sûreté antérieure, la sûreté en faveur du tiers bénéficiaire prime la sûreté du dépositaire bien qu’étant constituée postérieurement. Le texte de l’art. 30 al. 2 LTI semble a priori concerner toutes les sûretés du dépositaire, à savoir celles conclues par convention en sa faveur selon l’art. 26 al. 1 LTI, mais également le droit de rétention qui pourrait exis-ter aux termes de l’art. 21 al. 1 LTI. Toutefois, les considérations figurant dans le Message du Conseil fédéral ne visent que la convention de contrôle conclue en application de l’art. 26 al. 1 LTI 224. Selon Hans Kuhn, les sûretés visées par l’art. 30 al. 2 LTI ne sont que celles constituées par convention de contrôle selon l’art. 26 al. 1 LTI 225. Cependant, la justification donnée par le Conseil fédéral à la règle de l’art. 30 al. 2 LTI repose sur la préservation

222 Voir supra chap. II, § 2, A. 2, p. 80.223 Voir infra chap. V, § 3, D. 2 à 4, p. 399 à p. 412.224 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878.225 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 473, n. 19 ad art. 30 LTI.

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400 Joël Leibenson

de la sécurité des transactions et a une portée générale puisque, sans in-formation émanant du dépositaire, le tiers bénéficiaire d’une conven-tion de contrôle ne peut pas connaître l’existence de la sûreté du dépo-sitaire, quelle qu’elle soit. Le tiers qui acquiert un droit par convention de contrôle doit donc se fier à la représentation de la situation qui lui est donnée par le titulaire de compte et le dépositaire afin de déterminer son rang 226. A cet égard, l’argument que les motifs qui sous-tendent la règle de l’art. 30 al. 2 LTI ne justifient pas que le droit de rétention du dépositaire soit également soumis à cette base légale 227 ne nous semble pas corres-pondre à la réalité de la situation. En effet, que la source de la sûreté pré-existante soit légale ou conventionnelle, celle-ci a toujours pu naître sans que le tiers au bénéfice d’une convention de contrôle postérieure n’en ait connaissance. Si la possibilité qu’une sûreté légale soit née est toujours connue des tiers, il en va de même de la possibilité qu’une sûreté conven-tionnelle soit constituée. En définitive, ce qui est déterminant est l’annonce d’une sûreté existante. La situation étant au demeurant la même que l’on se trouve en présence d’une sûreté conventionnelle ou légale du dépositaire, nous sommes d’avis que la subordination en cas d’absence d’information du bénéficiaire de la convention de contrôle couvre également le droit de rétention du dépositaire 228. A cela s’ajoute que l’invocation du droit de ré-tention qui naîtrait seulement après que la sûreté en faveur du tiers ait été constituée ne serait pas possible. Dans un tel cas, le droit de rétention ne naît pas, car il est contraire aux obligations assumées par le dépositaire dans la convention de contrôle 229.

226 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 473, n. 18 ad art. 30 LTI.227 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 473, n. 19 ad art. 30 LTI ; voir aussi, Bärtschi,

Rechtliche Umset�ung, p. 1082 ; Dalla Torre / Leisinger / Mosimann / Rey / Schott / Weber, Sicherheiten, p. 25 ; Hess / Stöckli, Bestellung von Sicherheiten, p. 160, qui considèrent que le droit de rétention n’est pas couvert par l’art. 30 al. 2 LTI.

228 Du même avis, Lanz, Aktientransfers, p. 210, à la note 74 ; Foëx, Les actes de dispo�sition, p. 92 et 96 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 336 s.

229 Foëx, Les actes de disposition, p. 95 s., qui se réfère à la teneur de l’art. 896 al. 2 CC : le droit de rétention “ne naît point, s’il est incompatible […] avec une obligation assumée par le créancier […]”.

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401Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

ii. L’acquisition d’un rang préférable comme cas de la protection de la bonne foi

Lorsqu’un investisseur acquiert un droit sur des titres intermédiés au moyen d’une convention de contrôle selon l’art. 25 al. 1 LTI et que le dé-positaire est déjà au bénéfice une sûreté antérieure selon l’art. 21 ou 26 LTI sans le révéler à cet investisseur, l’art. 30 al. 2 LTI prescrit que le droit constitué en second lieu prime le droit constitué en premier lieu. Il s’agit donc d’un mécanisme d’acquisition d’un rang préférable à la sûreté du dépositaire. Plusieurs auteurs estiment qu’il n’y a pas besoin que le bé-néficiaire de la convention de contrôle postérieure soit de bonne foi pour que la subordination ait lieu 230. Nous ne sommes pas de cet avis. Nous estimons qu’un tel dispositif est un cas de protection du tiers bénéficiaire d’une convention de contrôle qui nécessite sa bonne foi. En effet, ne pas exiger la bonne foi du bénéficiaire postérieur reviendrait à mieux traiter celui qui acquiert une sûreté de mauvaise foi par convention de contrôle que par crédit en compte de titre. Le second serait tenu à restitution tan-dis que le premier serait protégé dans tous les cas 231. L’on pourrait nous opposer que celui qui acquiert une sûreté par crédit en compte de titre est protégé contre la sûreté du dépositaire par l’effet des art. 21 al. 2 et 26 al. 2 LTI qui entraîne l’extinction de la sûreté sans que le crédité soit de bonne foi. Si l’on se rallie à cet argument, il en découle une distinction injustifiée, puisqu’un dépositaire au bénéfice d’une sûreté antérieure ne serait pas pro-tégé contre un acquéreur subséquent de mauvaise foi, tandis qu’un autre investisseur le serait. En d’autres termes, la sûreté du dépositaire serait moins bien traitée que la sûreté d’un investisseur tiers, puisque celle-ci, en l’absence de norme équivalant aux art. 30 al. 2 et 26 al. 2 LTI, ne pourrait être éteinte ou primée par un droit postérieur que si l’acquéreur est de bonne foi. Il faut rappeler que le fondement de la protection de l’investisseur qui interagit avec le dépositaire est le fait qu’il se fie à ce que le dépositaire lui

230 Piotet, Titres intermédiés, p.  109 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 334 ; Steinauer, Droits réels III, p. 522 s., n. 3214i.

231 En outre, cela reviendrait à donner une valeur différente à l’information de l’acquéreur selon que l’acte visé est une convention ou un crédit en compte de titres, ce qui est impensable puisque le but ultime n’est pas le moyen de fournir une information, mais bien la connaissance effective d’un fait affectant un acte juridique.

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402 Joël Leibenson

communique pour déterminer le statut de son droit 232. Ainsi, bien que le texte de l’art. 30 al. 2 LTI ne pose aucune exigence quant à la bonne foi de l’acquéreur, les critères retenus par le législateur mentionnent clairement le défaut d’information en évoquant l’absence de publicité. En réalité, il n’y a absence de publicité que si le dépositaire ne mentionne pas l’existence du droit. S’il le fait, la fonction d’information que vise le contrôle des actifs est alors assurée et il ne devrait pas y avoir de protection ou de privilège. Le centre du mécanisme est donc bien l’ignorance du bénéficiaire de l’acte de disposition postérieur, ce qui constitue par nature un mécanisme de pro-tection de la bonne foi dont le fondement est l’ignorance non fautive d’une situation concernant l’acquisition en cause.

b. Sort du droit antérieur d’un bénéficiaire de convention de contrôle

Ce cas de figure concerne un conflit entre des droits constitués en faveur d’investisseurs chacun au moyen d’une convention de contrôle selon l’art. 25 al. 1 LTI. Contrairement à ce qui prévaut pour les droits en faveur du dépositaire, la LTI ne prévoit pas de mécanisme spécifique destiné à arbitrer entre les intérêts du titulaire du droit antérieur et ceux d’un ac-quéreur subséquent qui ignore l’existence du droit antérieur. Ainsi que cela ressort du texte de l’art. 29 al. 1 let. a et b LTI, le cas d’un acquéreur ignorant de bonne foi l’existence d’un droit limité grevant l’objet de l’acte de disposition ne figure pas dans l’état de fait couvert par cette base lé-gale. Nous sommes d’avis que l’état de fait en cause permet une applica-tion analogique de l’art. 30 al. 2 LTI en retenant en outre l’exigence de la bonne foi de l’acquéreur. Ainsi, si l’acquéreur d’un droit limité ignore de bonne foi qu’un droit limité antérieur grève les titres sur lesquels le dépo-sitaire lui a conféré le contrôle au moyen d’une convention selon l’art. 25 al. 1 LTI, il doit être maintenu dans l’acquisition qu’il croyait faire. Autre-ment dit, son droit doit primer tout droit antérieur dont l’acquéreur n’avait pas connaissance au moment de l’acquisition, peu importe que ce défaut d’information soit le fait du constituant ou du dépositaire. Cette solu-tion est celle qui présente à nos yeux l’atteinte la moins incisive aux droits du titulaire des titres et au(x) droit(s) limité(s) existant(s) antérieurement,

232 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878 ; Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 473, n. 18 ad art. 30 LTI.

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403Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

ainsi que celle qui s’insère le mieux dans le fonctionnement du système d’intermédiation.

3. Existence d’un droit antérieur en cas d’acte de disposition postérieur accompli par un crédit en compte de titres

a. Sort de la sûreté antérieure du dépositaire en cas de crédit postérieur sur un autre compte

i. Conflit entre le droit de rétention du dépositaire et un crédit subséquent sur un autre compte

Dans le cas du droit de rétention, la loi ne pose pas une exception au prin-cipe fixé à l’art. 30 al. 1 LTI. En effet, l’art. 21 al. 2 LTI ne prévoit pas un autre critère de priorité que la date de constitution des droits concurrents. Il prescrit simplement l’extinction du droit de rétention ensuite du cré-dit sur un autre compte de titre. A cet égard, il faut bien distinguer entre les considérations qui constituent le fondement du choix législatif opéré à l’art. 21 al. 2 LTI 233 et les effets juridiques de cette norme. Ainsi, il n’y pas une présomption, ni même une fiction, de renonciation à son droit par le dépositaire. Le crédit sur un compte de titres entraîne ipso jure l’extinction du droit de rétention, que le dépositaire titulaire du droit ait provoqué le crédit en compte volontairement ou non 234. Les travaux préparatoires ne donnent pas d’indications précises quant au fondement de l’extinction du droit de rétention. En particulier, il n’est pas indiqué si celui-ci s’éteint parce qu’à ce moment-là les conditions d’existence du droit de rétention ne sont plus remplies. Bénédict Foëx est d’avis que le droit ne s’éteint pas si le titulaire du deuxième compte de titres crédité est le dépositaire qui est au bénéfice du droit de rétention 235. S’appuyant sur le Message du Conseil fédéral, il mentionne également que le dépositaire peut maintenir son droit de rétention sur les titres s’il ré-serve celui-ci avant que les titres ne soient crédités sur un autre compte de titres. Si elle ne ressort pas du tout du texte de l’art. 21 al. 2 LTI 236, la prise

233 Voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8865.234 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 344, n. 35 ad art. 21 LTI.235 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 344, n. 34 ad art. 21 LTI.236 Ce que relève Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 344 s., n. 35 ad art. 21 LTI.

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404 Joël Leibenson

en compte de la volonté du dépositaire de conserver la maîtrise des titres grevés nous semble correspondre au but du droit de rétention sur des titres intermédiés puisque, selon les travaux préparatoires 237, c’est l’idée de resti-tution des titres qui est déterminante. La situation ne présente donc pas de difficultés en cas de crédit sur un compte de titres que le dépositaire tient lui-même, que ce soit pour lui ou pour un tiers. Dans ces cas là, le dépositaire conserve la possibilité de maintenir un contrôle opérationnel sur les titres. La situation est différente si ceux-ci sont crédités sur un compte de titres qui n’est pas tenu par le dépositaire et dont il n’est pas titulaire. En effet, dans une telle situation, le maintien du contrôle sur les titres ne peut être assuré que par le biais d’une convention de contrôle conclue en la faveur du dépositaire. Selon nous, la solution posée par l’art. 21 al. 2 LTI constitue un cas d’extinction du droit de rétention qui ne requiert pas la bonne foi du ti-tulaire du crédit en compte et qui est destiné à favoriser la sécurité des transactions. L’idée de l’extinction du droit de rétention en raison de la perte de contrôle sur l’objet grevé vaut d’ailleurs également pour le droit de rétention sur les choses mobilières 238.

ii. Conflit entre une convention de contrôle en faveur du dépositaire et un crédit subséquent sur un autre compte

Dans le cas d’un droit constitué par convention de contrôle en faveur du dépositaire sur des titres intermédiés qui sont crédités par la suite sur un autre compte de titres, la position des différentes parties est similaire à celle qui prévaut en cas de droit de rétention. Le dépositaire ne fait pas que tenir les positions juridiques des autres parties, il assure également le maintien du rang de son propre droit. Le régime applicable à la convention de contrôle du dépositaire, ancré à l’art. 26 al. 2 LTI, pose la problématique sous l’angle du comportement du dépositaire qui exécute une instruction de crédit des titres grevés sur un autre compte.

237 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8865 : “[…] si le dépositaire restitue ces biens vo-lontairement et sans réserve, plus rien ne justifie qu’on ne lui accorde un privilège sur eux” ; il s’agit ainsi plutôt de l’idée que c’est le renoncement à la maîtrise de l’objet du droit (et non pas le renoncement au droit) qui fait perdre la nécessité du maintient de celui�ci.

238 Rampini / Schulin / Vogt, Zivilgeset�buch II, p.  2118, n.  9 ad art.  895 CC ; Zobl, Berner Kommentar II, p. 186 s., n. 291 ss.

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405Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

Dans cette hypothèse, la LTI prévoit un régime d’extinction du droit du dépositaire en assimilant la perte de contrôle que ce dernier a sur l’objet à une renonciation à son droit 239. Comme nous venons de le voir pour le droit de rétention, le fondement du choix législatif opéré à l’art. 26 al. 2 LTI 240 et les effets juridiques de la norme ne doivent pas être confondus. Ainsi, l’art. 26 al. 2 LTI n’instaure ni une présomption ni une fiction de renonciation à son droit par le dépositaire. Le crédit sur un autre compte de titres entraîne ipso jure l’extinction du droit du dépositaire, que celui-ci ait exécuté volontairement une instruction tendant à faire créditer les titres sur un autre compte ou que cela résulte d’une erreur opérationnelle. Une telle issue radicale au lieu d’une subordination au droit constitué en se-cond lieu s’explique par le fait que le dépositaire est totalement maître du sort factuel des titres et du sort juridique de son droit sur eux. L’art. 26 al. 2 LTI prévoit ainsi un cas d’élimination du conflit potentiel avec le droit postérieur par l’extinction du droit antérieur. Il ne s’agit pas d’un cas de protection de la bonne foi de celui qui acquiert le droit constitué en second lieu. Ce régime est adapté au fait que le rang des droits ne peut a priori pas être maintenu sur plusieurs comptes de titres. Il trouve également sa justification dans le rôle du dépositaire dans l’acte qui provoque l’extinc-tion de son droit. La modification de l’état de fait relatif à la publicité du droit du dépositaire est répercutée sur l’existence de son droit. La même situation prévaut pour le gage mobilier, selon l’art. 888 al.  1 CC, lorsque le gagiste perd la possession du gage 241. L’art. 26 al. 2 LTI consacre ainsi l’extinction du droit en raison de la perte du contrôle du dépositaire 242. La position de ce dernier justifie qu’il supporte la conséquence de cette perte de contrôle.

239 Voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8871.240 Voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8871.241 La perte définitive de la possession du gage peut intervenir pour des motifs juridiques

ou de fait, cf. Zobl, Berner Kommentar II, p. 33, n. 3 ad art. 888 CC, et peut décou�ler d’un comportement volontaire ou involontaire du gagiste, cf. Bauer, Zivilgeset��Zivilgeset��buch II, p. 2079, n. 7 ad art. 888 CC.

242 Cette conception est corroborée par le fait que l’art. 30 al. 2 LTI prévoit que le droit du dépositaire n’est que primé par le droit constitué en second lieu si les titres ne sont pas crédités sur un autre compte de titres ; dans ce cas, en effet, le contrôle n’est pas perdu par le dépositaire.

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406 Joël Leibenson

b. Conflit entre un crédit et un crédit subséquent sur un autre compte ou entre une convention de contrôle pour un tiers et un crédit subséquent sur un autre compte

Le conflit qui peut survenir entre un droit constitué en premier lieu par un crédit en compte ou par une convention de contrôle en faveur d’un tiers et un droit constitué en second lieu par un crédit de titres sur le compte de titres d’un deuxième acquéreur n’est pas expressément visé par la LTI. Ces cas ne sont en réalité ni plus ni moins visés par l’art. 30 al. 1 LTI que les autres actes de disposition. Compte tenu de sa position dans la systé-matique de la loi, au sein de la section 3 du chapitre 5 concernant tous les actes de disposition, l’art. 30 al. 1 LTI a une portée générale et établit, en principe, l’ordre de priorité entre les différents droits constitués, quel que soit le mode de leur création. En outre, le législateur a prévu spécifiquement des dérogations au régime de base. La dérogation est soit directe, soit indirecte. Elle est di-recte lorsqu’elle prévoit un autre ordre de priorité que l’antériorité dans le temps. C’est le cas de l’art. 30 al. 2 LTI qui fait prévaloir le droit constitué en second lieu par une convention en faveur d’un tiers sur le droit consti-tué en premier lieu par une convention en faveur du dépositaire. Elle est indirecte lorsque la loi supprime le conflit en prévoyant l’extinction d’un des deux droits concurrents. C’est le cas des art. 21 al. 2 LTI et 26 al. 2 LTI. Le législateur a donc pensé à instaurer un régime dérogatoire pour la constitution de certains droits, y compris en distinguant les effets à donner au crédit en compte de titres. Il ne semble dès lors pas que la problématique n’ait pas été envisagée, mais plutôt que seuls les effets d’un crédit subsé-quent sur les droits antérieurs du dépositaire aient été envisagés. Puisque le cas d’un conflit impliquant un droit constitué en second lieu par un crédit en compte de titres ne fait pas l’objet d’une dérogation expresse, il devrait logiquement en découler que le régime de la priorité dans le temps y est applicable. L’exemple que nous donnons ci-dessous 243 met pourtant en lumière que la conception des actes de disposition sur les titres intermédiés localise le système des rangs au niveau d’un compte de titres. En effet, la fixation de la priorité entre les différents droits concur-rents est mise en œuvre par le crédit et les conventions de contrôle qui concernent un même compte de titres et aucune disposition de la loi ne

243 Voir infra Chap. V, § 3, D. 4. a, p. 407.

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407Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

règle les difficultés opérationnelles qu’engendrerait le respect du principe de la priorité le dans le temps en cas d’implication de plusieurs comptes de titres. La teneur du Message du Conseil fédéral reflète cette conception limitée à un seul compte de titres. Lla comparaison avec le registre foncier donne à penser que, dans l’esprit du législateur, le compte de titres assure – d’un point de vue notionnel et non pas juridique – la même fonction qu’un feuillet du registre foncier 244. En conséquence, la problématique du rang des sûretés constituées sur les mêmes titres successivement sur plu-sieurs comptes de titres, auprès du même ou de différents dépositaires, n’a pas été spécifiquement prise en compte par le législateur – que cela soit par un régime ordinaire ou par une acquisition de bonne foi.

4. Incidence du mode d’accomplissement de l’acte de disposition sur la bonne foi de l’acquéreur et sur l’effet de l’acquisition ?

a. La problématique de la prise de rang des crédits en compte de titres

L’application du principe de priorité dans le temps à tous les actes de disposi-tion, quel que soit leur mode d’accomplissement, entraîne des conséquences qui s’inscrivent non sans mal dans le système de détention intermédiée. Il s’agit, par exemple, du cas dans lequel une sûreté est constituée en premier rang au moyen d’une convention de contrôle sur des titres, puis le constituant confère une sûreté en deuxième rang à un second créancier, cette fois au moyen d’un crédit sur le compte de titres du bénéficiaire de la deuxième sûreté. Dans ce cas, la question de la préservation du rang du premier créancier s’avère délicate. Le maintien du contrôle en sa faveur est une question en grande partie opérationnelle si le compte du créancier est maintenu par le même dépositaire. Ce dernier doit alors faire porter la convention de contrôle sur le compte du second créancier 245. En revanche,

244 Voir Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878 : “Le système des actes de disposition par inscription dans un compte de titres tel qu’il est prévu par la LTI ouvre la possibilité de constituer divers droits sur les mêmes titres intermédiés, comme c’est le cas pour les immeubles. Des droits en concurrence peuvent donc naître, par exemple, lorsque des titres intermédiés sont mis en gage plusieurs fois ou sont d’abord grevés d’un droit réel limité et ensuite aliénés en pleine propriété”.

245 Cela n’est possible que si les données relatives au compte de titres visé dans la conven�tion de contrôle sont modifiées afin d’identifier le compte de titres du bénéficiaire de la seconde sûreté.

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408 Joël Leibenson

le maintien du rang devient une question juridique plus difficile à résoudre si le compte de titres du titulaire du droit constitué en second lieu est tenu par un autre dépositaire que celui qui a constitué le droit en premier rang. En effet, la LTI ne prévoit pas de subrogation légale du second dépositaire aux obligations assumées par le premier dépositaire dans la convention de contrôle en faveur du premier créancier 246. D’après le texte de l’art. 30 al. 1 LTI et la teneur du Message du Conseil fédéral, le principe de priorité dans le temps vaut pour tous les actes de disposition accomplis en application de la LTI, que ce soit par crédit en compte de titres ou par convention de contrôle en faveur d’un tiers ou du dépositaire 247. La plupart des auteurs ne remettent pas en question l’appli-cation uniforme de ce régime 248. Le système du rang des droits qui grèvent des titres intermédiés dans la LTI repose également sur la notion d’actes de disposition grevant les mêmes titres intermédiés, ces actes étant com-pris comme étant ceux qui concernent les titres qui sont crédités sur un même compte de titres 249. La même problématique existe dans la Conven-tion de Genève sur les titres. L’art. 19 de la Convention détermine le rang entre les droits sur les mêmes titres intermédiés rendus opposables aux tiers conformément aux art. 12 ou 13, à savoir par convention de contrôle, par identification des titres grevés sur le compte ou par un moyen prévu par le droit national non couvert par la Convention. La constitution de droits au moyen du crédit en compte de titres n’est donc pas couverte par le ré-gime de priorité dans le temps retenu dans la Convention 250. La justifica-

246 Voir cependant, supra chap. IV, § 2, B. 1. b. ii, p. 300, et B. 2. b. ii, p. 313. 247 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878 ; art. 30 al. 1 LTI : “Entre les actes de dispo-

sition relatifs à des titres intermédiés ou à des droits sur des titres intermédiés qui ont été effectués selon les dispositions de la présente loi, l’acte antérieur prime l’acte postérieur”.

248 Voir, par exemple, Bärtschi, Rechtliche Umset�ung, p. 1081 ; Lanz, Aktientransfers, p. 213 ; Foëx, Les actes de disposition, p. 99 s. ; Piotet, Titres intermédiés, p. 109, qui retient même que le principe de la priorité dans le temps est applicable à la cession de titres intermédiés, au contraire de ce que prévoit l’art. 30 al. 3 LTI ; Hess / Stöckli, Optik des Kapitalmarktrechts, p. 82 ; Bensahel / Micotti / Villa, L’objet et le rang, p. 334.

249 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878 : “Le système des actes de disposition par inscription dans un compte de titres tel qu’il est prévu par la LTI ouvre la possibilité de constituer divers droits sur les mêmes titres intermédiés, comme c’est le cas pour les immeubles” ; voir également Thévenoz, FISA & HSC Commentary, p. 172, n. 47 ad art. 3 LTI et Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 470, n. 9 ad art. 30 LTI.

250 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 470, n. 7 ad art. 30 LTI.

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409Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

tion donnée dans le Commentaire officiel de la Convention est fondée sur le fait que l’art. 19 détermine la priorité des droits portant sur les mêmes titres intermédiés, ceux-ci étant les titres de même genre qui sont crédités sur le même compte de titres. Ainsi, selon cette conception, le crédit des titres sur un autre compte de titres n’entraînerait pas la création d’un droit concurrent sur les mêmes titres intermédiés 251. En dépit des considérations qui précèdent, la fonction qui est dévolue par la LTI au compte de titres tenu par un dépositaire permet de traiter les actes accomplis sur le compte selon le principe de priorité dans le temps 252. A notre avis, le périmètre du compte de titres ne détermine pas la notion d’identité des titres intermédiés qui sont l’objet d’un acte de disposition. Ainsi, il n’est pas pertinent de qualifier d’actes de disposition accomplis sur les mêmes titres intermédiés seulement les actes qui concernent des titres crédités sur un même compte de titres. Cela pour plusieurs raisons. Pre-mièrement, si l’on dispose de titres intermédiés qui figurent au crédit du compte no 1 en les faisant créditer sur un compte no 2, les titres qui sont cré-dités sur le compte no 2 sont les mêmes. En effet, ils sont du même genre que ceux qui ont été débités du compte no 1 et sont crédités sur le compte no 2 parce que le titulaire du compte no 1 en a donné l’instruction et a conclu un titre d’acquisition 253 dans ce but avec le titulaire du compte no 2. En second lieu, il s’agit des mêmes titres qui arrivent sur le compte no 2 parce que le dépositaire tenant le compte no 1 sait si des titres de ce genre étaient ou non grevés d’un droit limité lorsqu’ils étaient sur le compte no 1, droit limité qui

251 Kanda / Mooney / Thévenoz / Béraud, Commentaire officiel UNIDROIT, p. 177, n. 19�9. Cette caractéristique permet de comprendre que, conformément à l’art. 18 ch. 6 de la Convention, la protection de l’acquéreur de bonne foi ne peut pas modifier les rangs des droits acquis antérieurement, cf. Kanda / Mooney / Thévenoz / Béraud, Commentaire officiel UNIDROIT, p. 173, n. 18�19.

252 Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8878 ; voir aussi Zellweger�Gutknecht, Verm��Verm��genswerte im Finan�marktrecht, p. 96, qui mentionne à juste titre que les opéra� im Finan�marktrecht, p. 96, qui mentionne à juste titre que les opéra�tions en comptes de titres peuvent être retracées dans le temps en dépit d’une ex�tourne, puisque cette dernière n’efface pas le crédit, mais le compense par un débit correspondant.

253 Dans la perspective de la discussion du rang, ce titre d’acquisition ne peut être qu’un contrat de gage. En effet, si le titre d’acquisition vise à transférer la titularité, il n’est alors pas question de prise de rang, mais de la primauté du droit réel limité sur la titularité acquise postérieurement (théorie de la charge) ou de l’acquisition de la titularité de dans l’ignorance de bonne foi de l’existence du droit limité antérieur, ce qui entraîne l’acquisition des titres libres de tout droit antérieur.

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410 Joël Leibenson

est antérieur au droit limité qui sera créé par le crédit au compte no 2 254. Enfin, aucune disposition dans la LTI n’empêche de constituer un droit réel limité de rang postérieur au moyen d’un crédit sur un autre compte de titre que celui auquel est rattaché un droit limité déjà constitué. Le pro-blème ne se situe donc pas au niveau juridique. La difficulté réside dans le fait qu’une telle faculté juridique n’est pas adaptée au système de détention intermédiée. En effet, on imagine mal deux dépositaires devoir gérer en commun et successivement deux comptes qu’ils tiennent respectivement afin de maintenir sur le compte no 2 le rang de droits qui ont été constitués sur les titres lorsqu’ils figuraient au crédit du compte no 1. Il faut donc se rendre à l’évidence, le droit des titres intermédiés autorise plus que ce que permet l’exploitation opérationnelle du système de détention intermédiée. Les difficultés opérationnelles et juridiques qui naissent des actes de dispo-sition qui sont exécutés au moyen du crédit de titres sur plus d’un compte de titres ne sont pas spécifiquement traitées dans la LTI. De telles situa-tions sont-elles dès lors systématiquement réglées par le recours aux règles applicables à la protection de l’acquéreur de bonne foi ?

b. Une application systématique de l’art. 29 LTI ?

D’après la position soutenue par Hans Kuhn, le rang des droits consti-tués par crédit en compte de titres serait gouverné par l’art. 29 LTI lorsque surgit un conflit entre deux crédits en compte ou entre une convention de contrôle en faveur d’un tiers non dépositaire et un crédit sur un autre compte de titres que celui visé par la convention de contrôle 255. Selon cet avis, le deuxième acquéreur serait protégé dans son acquisition en raison de sa bonne foi et acquerrait les titres libres de tout droit 256. Cette interpré-tation présente cependant plusieurs faiblesses. Selon nous, la gestion du rapport de priorité dans ce cas de figure ne peut pas être réglée par l’application analogique de l’art. 29 al. 1 LTI à l’ac-quisition d’un rang. Si l’on applique cette norme, la nécessité pour le titu-laire du deuxième droit constitué d’être de bonne foi, ainsi que la consé-quence juridique qui en découlerait s’agissant de l’acquisition d’un rang ne

254 Voir supra chap. V, § 2, C. 3. b, p. 355, la question de la connaissance par le dépositaire du rang des droits qui grèvent des titres se trouvant sur un compte qu’il tient.

255 Voir supra chap. V, § 3, D. 1, p. 397.256 Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 476 s., n. 35 et n. 37 ad art. 30 LTI.

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411Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

nous semblent pas appropriées pour fournir une solution au problème. Si le titulaire du droit constitué en second lieu sait qu’un droit antérieur existe, il est de mauvaise foi et ne peut être protégé dans l’acquisition d’un rang préférable. Le droit constitué en second lieu demeure en second rang et le problème qui consiste à avoir des droits possédant des rangs différents sur les mêmes titres intermédiés en raison d’actes de disposition relatifs à leur crédit sur différents comptes de titres subsiste. Ensuite, l’utilisation de l’art. 29 LTI, en retenant une acquisition libre de tout droit antérieur pour fixer un rang entre plusieurs droits concur-rents, présente une incohérence majeure. En effet, cet article prévoit que l’acquéreur est protégé dans son acquisition. L’objet qu’il acquiert doit cor-respondre à la représentation qu’il se fait de bonne foi de la réalité. Or, si l’acquéreur du droit constitué en second lieu acquiert un gage et qu’il croit être le seul à être au bénéfice d’un tel droit la protection de sa position juri-dique n’implique, par exemple, aucunement qu’un droit de gage constitué antérieurement soit éteint. Il se justifierait au contraire que le droit consti-tué en second lieu soit seulement positionné en rang préférable au droit constitué en premier lieu 257. Cela permettrait à l’acquéreur protégé de faire valoir pleinement son droit tout en portant atteinte le moins possible à la position du titulaire du droit antérieur. Ce raisonnement repose sur la prise en compte des buts de la LTI ancrés à l’art. 1 al. 2 LTI, parmi lesquels figure notamment la garantie des droits de propriété des investisseurs, dont bénéficie le premier acquéreur qui ne serait pas protégé 258. On le sait, l’art.  29 al.  1 LTI est une norme d’arbitrage entre les in-térêts divergents de l’acquéreur et du titulaire d’un droit existant anté-rieurement 259. Il ne s’agit pas d’une norme qui permettrait de faire pri-mer le fonctionnement des mécanismes généraux de la LTI sur les intérêts de toutes les personnes qui participent au système d’intermédiation, en supprimant la difficulté opérationnelle que représenterait le maintient du

257 Cf. Zobl / Thurnherr, Berner Kommentar I, p. 893, n. 846 ad art. 884 CC.258 Le but de garantie des droits de propriété prévu à l’art. 1 al. 2 LTI correspond à la

garantie constitutionnelle de la propriété qui figure à l’art. 23 Cst. féd. et qui englobe tous les droits patrimoniaux visant les titres intermédiés, y compris des droits relatifs, cf. Conseil Fédéral, Message LTI, p. 8844 et p. 8911 s. ; Graham�Siegenthaler, FISA & HSC Commentary, p. 143, n. 14 ad art. 1 LTI.

259 Dans les cas d’acquisition de bonne foi, il s’agit d’opérer une pesée des intérêts entre la garantie de la propriété et la sécurité des transactions, cf. Hartmann, Fahrniserwerb vom Nichtberechtigten, p. 137 et les réf citées.

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412 Joël Leibenson

rang des droits sur plusieurs comptes. Ainsi, l’art. 29 LTI n’est pas à même de résoudre le problème opérationnel qui se pose puisque le résultat de l’application de son alinéa 1 laisserait subsister la problématique de droits concurrents constitués par des actes en lien avec plusieurs comptes de titres.

c. L’appréciation de la bonne foi en fonction du mode de disposer

Dans le cas où une personne a acquis un droit sur des titres au moyen d’une convention de contrôle en sa faveur selon l’art. 25 al. 1 LTI, en croyant de bonne foi que les titres n’étaient grevés d’aucun droit antérieurement constitué, cette personne est protégée dans son acquisition, si, par ailleurs, toutes les autres conditions d’une acquisition de bonne foi sont remplies 260. A ce moment-là, le droit antérieurement constitué ne disparaît pas, mais se retrouve en rang subordonné à celui du deuxième créancier. Dans un tel cas, la responsabilité du constituant sur la base du contrat de sûreté et du dépositaire sur la base de la convention de contrôle nous semble clairement engagée 261. Selon Bénédict Foëx, le mode par lequel l’acte de disposition est ac-compli joue un rôle sur la bonne foi de l’acquéreur. Une acquisition faite par un investisseur au moyen d’une convention de contrôle empêcherait potentiellement ce dernier d’avoir connaissance de droits préexistants sur les titres concernés et cette ignorance devrait être imputée à l’investisseur, ce qui aurait pour effet de l’empêcher d’invoquer sa bonne foi 262. Selon nous, cette opinion ne peut pas être suivie pour au moins deux raisons. En premier lieu, nous avons posé que le dépositaire doit informer le bé-néficiaire d’un acte de disposition des droits existants. Il ne pourrait donc pas être reproché à un acquéreur de ne pas avoir reçu l’information per-tinente par celui qui est chargé de coordonner les actes de disposition au moyen du contrôle procuré aux titulaires de droits antérieurs. En second lieu, la distinction que cet auteur fait entre le crédit en compte de titres et la convention de contrôle nous paraît injustifiée. La référence à la situation qui prévaut en matière mobilière lors d’une acquisition reposant sur un

260 Voir supra chap. V, § 3, A. 3, p. 366, l’aperçu de ces conditions.261 Dans le même sens, Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 477, n. 39 ad art. 30 LTI ; voir

supra chap. V, § 2, C. 3. b. i. bb, p. 358. 262 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 460, n. 40 et p. 463, n. 56 ad art. 29 LTI.

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413Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

transfert de possession opéré par constitut possessoire ou délégation de possession 263 nous semble devoir être écartée, puisque le modèle ordinaire de publicité des droits sur les titres intermédiés qui a été retenu n’est pas un modèle direct comme l’est celui de la possession. Le contrôle sur les titres intermédiés s’exerce en effet toujours indirectement, par le biais du dépo-sitaire, que cela soit en cas de convention de contrôle ou en cas de crédit en compte de titres. Une acquisition par convention de contrôle ne peut et ne doit pas susciter une méfiance plus grande dans l’esprit de l’acqué-reur que s’il avait acquis son droit par crédit en compte de titres. En outre, les deux modes de constitution permettent de créer un droit limité ou de transférer la titularité à fin de sûreté et sont chacun dotés d’un mécanisme d’incitation du dépositaire à informer l’acquéreur au sujet de ses sûretés antérieures (art. 26 al. 2 et 30 al. 2 LTI). Ainsi, que ce soit en cas de crédit en compte ou en cas de convention de contrôle conclue par le dépositaire du disposant, le bénéficiaire de l’acte de disposition ne peut se voir opposer un droit antérieur du dépositaire du disposant que s’il lui a été com muniqué. En conséquence, la méthode d’acquisition d’un droit sur les titres inter-médiés ne joue, dans son principe, aucun rôle dans l’appréciation de la bonne foi de l’acquéreur relativement à l’existence d’un droit antérieur sur les titres concernés.

E. Protection en cas d’extourne du crédit antérieur chez l’aliénateur

1. L’objet de la bonne foi

Selon l’art.  29 al.  1 let. b LTI, l’acquéreur de bonne foi (que nous appel-lerons ci-après l’acquéreur de bonne foi ou l’acquéreur protégé) de titres intermédiés ou de droits sur des titres intermédiés est protégé même si la bonification des titres intermédiés a été extournée dans le compte de l’alié-nateur. Ce cas de figure concerne les effets sur l’acquisition de bonne foi d’un défaut touchant le processus d’exécution de la transaction impliquant le disposant (que nous appellerons ci-après l’aliénateur 2) et la personne de laquelle le disposant a acquis les titres concernés (que nous appellerons

263 Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 460, n. 40 ad art. 29 LTI, à la note 36, qui se réfère à Stark, Berner Kommentar, p. 362 ss, n. 84 et 87 ad art. 933 CC ; voir aussi Steinauer, Droits réels I, p. 163 s., n. 443a.

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414 Joël Leibenson

ci-après l’aliénateur 1). L’objet de la bonne foi de l’acquéreur protégé est le fait qu’une extourne du crédit des titres intervient chez l’aliénateur 2 qui a acquis ces titres antérieurement à l’aliénation protégée. Dans l’avant-projet de loi sur le dépôt et le transfert de titres inter-médiés conçu par le Groupe d’experts, l’art. 26 AP-LTI mentionnait que l’acquéreur de bonne foi était protégé dans son acquisition même si celle-ci résultait d’une instruction défectueuse 264. Cette règle de l’avant-projet vi-sait l’instruction du disposant (l’aliénateur 2), tandis que l’art. 29 al. 1 let. b LTI concerne l’extourne du crédit opéré chez l’aliénateur 2 et vise le défaut potentiel qui affecte l’instruction de l’aliénateur 1 qui a transféré les titres à l’aliénateur 2, mais également tout défaut ou erreur qui affecte le processus de mise en compte qui constitue l’exécution de l’instruction à l’origine de cette transaction entre l’aliénateur 1 et 2. Il s’ensuit que ce sont tous les motifs réunis aux art. 27 et 28 LTI qui sont couverts par la protection de la bonne foi. L’objet de la bonne foi est donc l’ignorance d’un vice dans une transaction antérieure à celle à laquelle l’acquéreur de bonne foi est partie et qui concerne le processus d’instruction et de mise en compte à l’origine de cette transaction antérieure.

2. L’étendue de la bonne foi

a. Incidence du mode d’acquisition sur la bonne foi de l’acquéreur ?

L’objet de la bonne foi consistant dans des défauts qui affectent des transac-tions antérieures qui ne sont, en principe, pas accessibles aux participants à la transaction qui sera protégée, l’étendue de la bonne foi, à savoir les circonstances qui sont à même de remettre en cause la bonne foi de l’ac-quéreur, sera déterminée de façon très souple. Il ne peut être exigé ni du titulaire de compte ni du bénéficiaire d’une convention de contrôle de se renseigner, puisque le dépositaire qui tient le compte n’est peut-être lui-même pas en mesure d’obtenir un renseignement auprès du dépositaire de l’aliénateur 2 quant au statut du crédit opéré antérieurement sur son compte.

264 Groupe de travail LTI, Rapport explicatif LTI, p. 130 ; voir également Eigenmann, Aspects choisis, p. 115.

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415Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

En conséquence, il s’agit ici de déterminer si les circonstances particu-lières découlant des différents modes de disposer prévus par la LTI (crédit en compte ou convention de contrôle) sont à même d’affecter la bonne foi de l’acquéreur. En d’autres termes, existe-t-il une différence entre une ac-quisition par crédit en compte de titres et acquisition par une convention de contrôle quant à l’attention que les circonstances permettent d’exiger de l’acquéreur ?

i. L’acquisition par crédit en compte

La situation de l’acquéreur protégé en faveur duquel l’acte de disposition a été accompli au moyen d’un crédit en compte de titres est la situation de base à laquelle la règle prévue par l’art. 29 al. 1 let. b LTI trouve application. L’acquéreur protégé a vu les titres crédités sur son compte, tandis que le crédit antérieur des titres sur le compte de l’aliénateur a été extourné. Dans un tel cas, à moins d’avoir une information directe quant aux défauts po-tentiels et à l’extourne qu’ils peuvent provoquer, il nous semble difficile de fonder un devoir de l’acquéreur de bonne foi de se renseigner ou d’envisa-ger des circonstances qui feraient peser un tel devoir sur lui de sorte que sa bonne foi doive être niée s’il ne prenait pas ces renseignements.

ii. L’acquisition par convention de contrôle

D’après le texte de l’art. 29 al. 1 LTI, 1re phrase, la lettre b de cet article est également applicable à un acquéreur de bonne foi qui a acquis son droit au moyen d’une convention de contrôle selon l’art. 25 al. 1 LTI. Cette configuration est cependant impossible en faveur d’un investisseur qui n’est pas dépositaire. En effet, l’aliénateur 2 qui confère un droit au bé-néficiaire d’une convention de contrôle est le titulaire du compte touché par la convention. Or, la LTI prévoit déjà une règle spéciale dans le régime des extournes qui vise le cas où le crédit des titres opérés sur ce compte devrait être extourné. Il s’agit de l’art. 28 al. 3 LTI, 1re phrase, qui empêche l’extourne du crédit afin de préserver les droits de celui qui est un tiers par rapport à la relation existant entre le titulaire de compte qui a constitué la convention de contrôle et le titulaire de compte précédent qui lui avait fait transférer les titres.

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Le dépositaire qui a acquis un droit par convention en sa faveur selon l’art. 26 LTI est également couvert par l’art. 28 al. 3 LTI, 1re phrase, s’il est un tiers par rapport à la transaction conclue entre le titulaire de compte (l’aliénateur 2) qui a constitué la convention de contrôle et le titulaire de compte précédent (l’aliénateur 1) qui lui avait fait transférer les titres. Cela sera le cas si le dépositaire acquéreur de bonne foi par convention de contrôle n’est pas également le dépositaire de l’aliénateur 1, et pour autant que l’erreur dans l’exécution de l’instruction de transfert en compte en faveur de l’aliénateur 2 n’ait pas été faite par le dépositaire acquéreur de bonne foi. A ces conditions, le dépositaire ignore de bonne foi le défaut affectant la transaction antérieure à celle qui lui procure un droit et à la-quelle il n’est pas partie 265. Dans un tel cas, le dépositaire n’est pas tenu de se renseigner et doit être protégé dans sa bonne foi selon l’art. 28 al. 3 LTI, 1re phrase.

b. Le moment déterminant

Le cas de protection de l’art. 29 al. 1 let. b LTI ne semble viser une extourne qui ne peut survenir qu’après le crédit chez l’acquéreur 266. Cependant, il ne faut pas oublier deux caractéristiques importantes du système d’inter-médiation. La première est que l’aliénateur 1, l’aliénateur 2 et l’acquéreur peuvent avoir des dépositaires différents, ce qui rendrait la coordination entre les différentes écritures en compte très difficile et peut avoir pour conséquence que les écritures ne sont pas exécutées dans un ordre séquen-tiel chronologique. De plus, un des éléments centraux des écritures en compte, qui découle de la première caractéristique citée, est que seule la bonification en compte a un effet constitutif dans le processus de dispo-sition. Il est ainsi parfaitement possible d’envisager que l’aliénateur 2 ait donné une instruction de transfert des titres crédités sur son compte qui soit transmise au dépositaire de l’acquéreur protégé, puis que le dépositaire de l’aliénateur 2 extourne le crédit en compte de l’aliénateur 2 et qu’enfin

265 Ce dépositaire ne serait d’ailleurs pas celui qui peut réclamer la contrevaleur des titres crédités qui ne peuvent pas être extournés, en application de l’art. 28 al. 3 LTI, 2e phrase, mais bien plutôt le dépositaire de l’aliénateur 1 dont le débit du compte doit être extourné, cf. Kuhn, FISA & HSC Commentary, p. 445, n. 31 ad art. 28 LTI.

266 Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p.  154 ; Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 455, n. 21 ad art. 29 LTI.

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417Chapitre V : L'effet à l'égard des tiers

le dépositaire de l’acquéreur crédite les titres sans avoir été averti de l’ex-tourne opérée par le dépositaire de l’aliénateur 2. Selon nous, le cas d’extourne contre lequel l’acquéreur de bonne foi est protégé peut donc se produire avant ou après son acquisition, sans que l’aliénateur 2 n’ait à donner une instruction en relation avec des titres qui ne figurent déjà plus au crédit de son compte 267.

267 Sur ce cas de figure, voir Foëx, FISA & HSC Commentary, p. 455, n. 21 ad art. 29 LTI.

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419Conclusion

CONCLUSION

Lors de notre analyse des actes de disposition sur les titres intermédiés, nous avons mis au jour plusieurs éléments décisifs pour comprendre le régime juridique applicables aux titres intermédiés. Arrivés au terme de cette étude, nous souhaitons poser ici les principaux points que nous avons mis en évidence. Pour ce faire, nous suivrons le fil des thématiques abor-dées au cours des chapitres centraux de notre analyse.

Le contexte et l’objet de la LTI. La loi fédérale sur les titres intermédiés crée un cadre juridique moderne en adéquation avec les standards opération-nels et les pratiques qui ont cours sur les marchés financiers internationaux et suisse.– Pour parvenir à ce résultat, la LTI crée une nouvelle institution sui

generis : le titre intermédié. Le mécanisme de création des titres inter-médiés au moyen de la remise et de la conservation des instruments financiers (dépôt de valeurs physiques ou enregistrement de valeurs dématérialisées) met évidence le cœur de la définition du titre inter-médié. Un titre intermédié est un ensemble de droits qui sont de deux natures. Les premiers, ceux qui forment la substance économique des titres intermédiés, sont les droits sociaux ou de créance. Ils sont dé-nommés sous-jacents et sont créés par des émetteurs et conservés au-près d’un dépositaire. Le second type de droits comprend les droits qui découlent de la LTI contre ce dépositaire lorsque celui-ci a porté les droits sous-jacents au crédit du compte de titres qu’il tient pour l’investisseur. L’ensemble forme un actif sui generis qui est le titre intermédié 1.

Les actes de disposition par crédit en compte de titres. L’étude de l’acte de disposition sur des titres intermédiés accompli au moyen d’un crédit en compte de titres, selon l’art. 24 LTI, nous a permis de décomposer les conditions auxquelles répond la validité d’un tel acte. Compte tenu de son importance en pratique, nous avons centré notre analyse sur les actes de disposition accomplis dans le cadre du contrat de commission.

1 Voir chap. II, § 3, p. 98.

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420 Joël Leibenson

– L’examen des manifestations de volonté dans le contexte de la conclu-sion et de l’exécution du contrat de commission nous a permis de dé-montrer que l’acte de disposition sur les titres intermédiés n’est pas une instruction unilatérale du disposant, mais est un acte bilatéral. En effet, les différentes variantes que permet le contrat de commission impliquent nécessairement la manifestation de volonté, au moins ta-cite, du bénéficiaire de l’acte de disposition afin que l’effet patrimonial voulu par le disposant puisse s’accomplir 2.

– L’analyse des spécificités opérationnelles de l’acquisition de titres inter-médiés sur les marchés boursiers, en particulier les règles relatives aux Mistrades, a révélé que la validité de l’acte de disposition nécessite la validité du titre d’acquisition. Il en découle que l’acte de disposition au moyen d’un crédit en compte de titres est causal 3.

– Nous avons enfin observé les différents procédés opérationnels utili-sés par les dépositaires afin d’effectuer le crédit en compte de titres. Nous avons mis cet acte matériel qui parachève le processus de dispo-sition en lien avec l’information qu’il véhicule. A cet égard, nous avons démontré que le crédit opéré au moyen du Contractual Settlement n’est pas à même d’entraîner l’acquisition des titres intermédiés. Pour que cette acquisition se produise, il convient que les titres crédités se trouvent d’abord dans le patrimoine du dépositaire qui les crédite sur le compte de l’acquéreur 4.

La constitution de sûretés au moyen des conventions de contrôle. L’examen de l’acte de disposition sur des titres intermédiés au moyen des conven-tions de contrôle prévues aux art. 25 al.  1 et 26 LTI, nous a permis d’en dégager les caractéristiques fondamentales.– L’interprétation du texte légal a démontré que ce mode de disposer

permet de constituer les sûretés mobilières connues traditionnelle-ment du droit suisse, telle que le gage régulier, le transfert de titula-rité aux fins de sûreté et le gage irrégulier. Nous sommes arrivés à la conclusion que la LTI ne crée pas une sûreté sui generis 5.

– Nous avons également repris les éléments d’analyse relatifs à la causa-lité des actes de disposition effectués par bonification. Cette analyse

2 Voir chap. III, § 2, A, p. 186.3 Voir chap. III, § 1, D, p. 172.4 Voir chap. III, § 3, p. 219.5 Voir chap. IV, § 1, B, p. 244.

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421Conclusion

a permis de confirmer que l’acte de disposition accompli au moyen d’une convention de contrôle est causal 6.

– L’analyse de la structure juridique de la convention de contrôle a per-mis de démontrer que l’acte de disposition stricto sensu, à savoir l’acte juridique qui affecte techniquement le patrimoine du disposant, est un acte bilatéral qui intervient entre le disposant et le bénéficiaire. Lorsque la convention de contrôle est conclue avec le dépositaire en faveur d’un tiers preneur de sûreté, la stipulation pour autrui conte-nue dans la convention ne constitue pas l’acte de disposition. Celui-ci est ainsi composé d’un acte juridique bilatéral entre le disposant et le bénéficiaire, et qui est généralement tacite. Lorsque la convention de contrôle est conclue avec le dépositaire en faveur de ce dernier, l’acte de disposition bilatéral se recoupe avec l’octroi du contrôle par le consti-tuant au dépositaire 7.

– La notion centrale du contrôle sur les titres qui forment l’objet de l’acte de disposition nécessite que le bénéficiaire de l’acte de disposition, lorsqu’il n’est pas partie à la convention de contrôle, ait un droit à la connaissance de la conclusion de la convention de contrôle conclue en sa faveur. Cette connaissance est ce qui permet de donner une assise effective au contrôle conféré. En effet, la maîtrise ne peut exister que si le bénéficiaire est mis au courant de son droit afin de pouvoir l’exercer. Le contrôle signifie que le bénéficiaire a le droit de donner tout type d’instruction en vue de la réalisation de la sûreté conférée. Ce pou-voir de contrôle, qui doit primer la relation qui repose sur le mandat régissant l’activité du dépositaire, crée une relation sui generis entre ce dernier et le bénéficiaire de la convention de contrôle. Le dépositaire ne peut en effet pas refuser d’exécuter une instruction si une conven-tion contrôle valable est en place, à la différence de ce qui a cours dans le contrat de mandat, où le mandataire n’est pas tenu d’exécuter toutes les instructions. En outre, le bénéficiaire a droit au maintien de la sû-reté tant que celle-ci n’est pas reportée sur un autre compte ; ainsi, une résiliation en tout temps, comme cela a cours dans le droit du mandat, n’est pas possible 8.

6 Voir chap. IV, § 1, C, p. 265.7 Voir chap. IV, § 2, A, p. 271.8 Voir chap. IV, § 2, B, p. 294.

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422 Joël Leibenson

Les effets des actes de disposition à l’égard des tiers. Nous avons fait le choix d’analyser les plus importants effets des actes de disposition à l’égard des tiers. Il s’agit du rang et de la protection de l’acquéreur de bonne foi.– Le mécanisme de la prise de rang repose sur le principe de la priorité

dans le temps et est influencé par la nature immatérielle des titres in-termédiés. Bien que la prise de rang ne puisse s’effectuer que lorsque toutes les conditions d’existence du droit concerné sont remplies, la définition de la priorité ne peut être rattachée qu’au moment de l’ac-complissement des éléments constitutifs centraux que sont le crédit en compte de titres et la conclusion de la convention de contrôle, puisqu’ils assurent les fonctions dédiées à la publicité du droit 9.

– L’examen des possibles dérogations au principe de la priorité dans le temps met en évidence que l’apparente survivance de l’application des règles sur la cession de créances aux titres intermédiés n’est pas souhaitable et n’est en réalité pas possible si l’on applique la LTI dans le respect du système qu’elle met en place 10.

– Nous avons identifié les conditions de l’effectivité du rang des droits sur les titres intermédiés en mettant en évidence les difficultés liées aux caractéristiques de leurs instruments de publicité, conditionnées par la nature immatérielle des titres intermédiés. En nous appuyant sur le rôle central que la LTI fait jouer au dépositaire, nous en avons déduit les obligations essentielles qui incombent à ce dernier et qui permettent aux titulaires de droits sur des titres intermédiés d’obtenir les informations nécessaires à l’exercice de leur droit et à la préserva-tion de celui-ci face à des titulaires de droits concurrents postérieurs dont l’exercice serait incompatible avec le leur 11.

– En ce qui concerne la protection de l’acquéreur de bonne foi de titres intermédiés, le crédit en compte de titres opéré selon le mode du Contractual Settlement ne permet pas une acquisition protégée. En ef-fet, une telle protection est impossible soit en raison de la mauvaise foi du titulaire de compte, soit, en tout cas, parce que la LTI ne consi-dère pas le Contractual Settlement comme l’attribution de titres inter-médiés, mais comme une prétention en livraison de ces titres et la pro-tège en tant que telle. Si l’investisseur qui n’est au bénéfice que d’une

9 Voir chap. V, § 2, A, p. 330.10 Voir chap. V, § 2, B, p. 339.11 Voir chap. V, § 2, C, p. 347.

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423Conclusion

prétention en transfert des titres les revend avant d’en être titulaire, cette revente est faite sans pouvoir de disposer et est à la charge du dépôt que le dépositaire tient (Drawing-from-the-pool). Dans ce cas, l’acte de disposition est accompli sans pouvoir est susceptible de servir de base à une acquisition de bonne foi par l’acquéreur des titres 12.

– L’examen des conditions de la bonne foi de l’acquéreur en cas de convention de contrôle a illustré les modalités de la publicité assurée par le dépositaire dans la mise en œuvre de la fonction d’information de la convention de contrôle. Cette publicité se traduit par un devoir du dépositaire d’informer l’acquéreur qui doit permettre d’éviter les acquisitions au détriment de titulaires de droits existants 13.

– L’examen de la protection de la bonne foi en cas d’inefficacité du titre d’acquisition nous a permis d’aborder les interactions entre le pro-cessus de l’acte de disposition et le mécanisme correctif que sont les extournes des écritures passées en compte. Bien qu’en droit privé un acquéreur ne soit pas protégé contre un titre d’acquisition défectueux, la combinaison entre les pratiques de représentation indirecte pour les acquisitions sur le marché et la protection de la bonne foi d’un tiers en cas d’extourne sur un compte a pour effet que l’acquéreur est pro-tégé en cas d’inefficacité du titre d’acquisition dans les cas de Mistrade suivis d’un dessaisissement de bonne foi 14.

12 Voir chap. V, § 3, B, p. 373.13 Voir chap. V, § 3, D, p. 397.14 Voir chap. V, § 3, C, p. 386.

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425Table des abréviations

TABLE DES ABRÉVIATIONS

AISUF Arbeiten aus dem iuristischen Seminar der Universität Freiburg

aLB Loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne, du 8 novembre 1934 [RS 952.0] avant la modification intro-duite par loi fédérale sur les titres intermédiés

AP-LTI Avant-projet de Loi fédérale sur le dépôt et le transfert des titres intermédiés, du 15 juin 2004

art. articleASR Abhandlungen zum schweizerischen RechtAT Allgemeiner TeilATF Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéralBBA Berner Bankrechtliche AbhandlungenBEHG Bundesgesetz über die Börsen und den Effektenhandel

(LBVM) [RS 954.1]BJIBFL Butterworths Journal of International Banking and Fi-Fi-

nancial LawBOCE Bulletin officiel du Conseil des EtatsBOCN Bulletin officiel du Conseil nationalBSR Basler Studien Zur RechtwissenschaftCC Code civil suisse, du 10 décembre 1907 [RS 210]chap. chapitrecm chiffre marginalCO Loi fédérale complétant le code civil suisse (Livre cin-

quième : Droit des obligations), du 30 mars 1911 (Code des obligations) [RS 220]

CP Code pénal suisse, du 21 décembre 1937 [RS 311.0]ESB Etudes suisses de droit bancaireetc. et caeteraFF Feuille fédéraleGesKR Gesellschafts- und Kapitalmarktrecht

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426 Joël Leibenson

JdT Journal des TribunauxJO L Journal officiel des Communautés européennes, Lé-

gislationLB Loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne, du

8 novembre 1934 [RS 952.0]LBN Loi fédérale sur la Banque nationale suisse, du 3 octobre

2003 [RS 951.11]LBR Luzerner Beiträge zur RechtswissenschaftLBVM Loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs

mobilières, du 24 mars 1995 [RS 954.1] (BEHG)LDIP Loi fédérale sur le droit international privé, du 18 dé-

cembre 1987 [RS 291]LFP Loi fédérale sur les fonds de placement, du 18 mars 1994 [abrogée au 1er janvier 2007]LFus Loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et

le transfert de patrimoine, du 3 octobre 2003 [RS 221.301]let. lettrelit. literaLMCLQ Lloyd’s Maritime and Commercial Law QuarterlyLP Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du

11 avril 1889 [RS 281.1]LPCC Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux, du

23 juin 2006 [RS 951.31]LTI Loi fédérale sur les titres intermédiés, du 3 octobre 2008

[RS 957.1]n. numéroN.B. Nota benenCO Code des obligations modifié par la loi fédérale sur les

titres intermédiés, du 3 octobre 2008 [RO 2009, p. 3591 s.]OB Ordonnance sur les banques et les caisses d’épargne, du

17 mai 1972 [RS 952.02]OBVM Ordonnance sur les bourses et le commerce des valeurs

mobilières, du 2 décembre 1996 [RS 954.11]

Page 424: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

427Table des abréviations

OBVM-FINMA Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières, du 25 octobre 2008 [RS 954.193]

OPC-FINMA Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur les placements collectifs de capi-taux, du 21 décembre 2006 [RS 951.312]

OPCC Ordonnance sur les placements collectifs de capitaux, du 22 novembre 2006 [RS 951.311]

OR Obligationenrechtp. ex. par exemplePJA Pratique juridique actuelleréf. référence(s)RC Règlement de cotation édicté par le Regulatory Board de

la SWX Swiss Exchange, du 12 novembre 2010 et entré en vigueur le 1er avril 2011

RDCB Revue de droit commercial belgeRDS Revue de droit suisseRDU Revue de droit uniformeRJB Revue de la Société des juristes bernoisRN Règlement relatif au négoce, du 15 février 2011, édicté par

le Regulatory Board de SIX Swiss Exchange, entré en vi-gueur le 1er juillet 2011

RNRF Revue suisse du notariat et du registre foncierRO Recueil officiel des lois fédéralesRS Recueil systématique du droit fédéralRSDA Revue suisse de droit des affaires (anciennement SAS)RSJ Revue suisse de jurisprudenceRz RandzifferSAS La Société anonyme suisses.d. sans dateSJ La Semaine judiciaires.l. sans lieuSSB Schweizer Schriften zum Bankrecht

Page 425: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

428 Joël Leibenson

SSHW Schweizer Schriften zum Handels- und WirtschaftsrechtSyst. T. Systematischer TeilTit. fin. CC Titre final du Code civil suisseUNIDROIT Institut international pour l’unification du droit privéZR Blätter für zürcherische RechtsprechungZSR Zürcher Studien zum Privatrecht

Page 426: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

429Bibliographie

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Page 462: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

465Table des matières

TABLE DES MATIÈRES

Introduction 13-16

Chapitre I : Infrastructure des opérations sur les valeurs immobilisées et dématérialisées 17-57

§ 1 Généralités ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 19§ 2 Le système d’intermédiation des valeurs mobilières --------------------------------------------------------------------------------------- 21 A. La notion de valeurs mobilières 22 1. Généralités 22 2. Définition légale 23 3. La fongibilité des droits 24 4. Synthèse 26 B. Le dépôt collectif 26 1. Genèse et fondement du système 26 2. Le principe 27 3. La propriété du déposant 29 4. La possession et le déplacement des titres 30 5. L’intégration du système dans la loi 31 C. Les certificats globaux 33 1. Notion et définitions 33 2. La propriété du déposant 35 3. La possession du certificat global 36 4. La qualité de papier�valeur du certificat global 37 D. Les droits�valeurs 38 1. La notion 38 2. Le rattachement au marché des capitaux 39 3. La définition en droit privé 40§ 3 Les transactions portant sur les valeurs immobilisées et dématérialisées non soumises à la loi sur les titres intermédiés ------------------------------------------ 44 A. Transfert de valeurs en détention indirecte 44 1. La propriété des titres en dépôt collectif et des certificats globaux 44 2. La titularité des droits�valeurs 47 a. L’application des règles de la cession de créances 47 b. L’intention non concrétisée du législateur 48

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466 Joël Leibenson

c. Possibilité de lege ferenda d’une inscription constitutive dans le processus de disposition sur les droits�valeurs ? 49 B. Mise en gage 51 1. Les titres en dépôt collectif et les certificats globaux 51 2. Les droits�valeurs 52 a. La constitution du gage 52 b. Considérations sur la publicité des droits�valeurs et la protection de l’acquisition de bonne foi 53 i. La “publicité” du registre des droits�valeurs 53 ii. Légitimation découlant du droit matériel régissant les droits�valeurs 54 iii. Synthèse 55§ 4 Conclusion -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 56

Chapitre II : Contexte et objet de la loi fédérale sur les titres intermédiés 59-151

§ 1 Le contexte international ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 61 A. La Convention de La Haye sur la loi applicable à certains droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire 62 1. Chronologie 62 2. Les fondements de la Convention 63 B. La Convention UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés 66 1. Chronologie 66 2. Fondements et méthode d’harmonisation 67 3. Les règles essentielles prévues dans la Convention 69 C. L’Union Européenne 71 1. Les directives européennes 71 a. La Directive concernant le caractère définitif du règlement 72 b. La Directive concernant les contrats de garantie financière 73 2. Les groupes de travail 74 a. Le Groupe Giovannini 75 b. Le Groupe Sécurité juridique 76 3. Le projet de législation européenne sur la certitude juridique de la détention et du transfert des titres 78

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467Table des matières

§ 2 Les fondements et le champ d’application de la loi sur les titres intermédiés ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 79 A. Généralités 79 1. Chronologie 79 2. Principes à la base de la loi sur les titres intermédiés 80 a. La dimension internationale 81 b. La relation entre l’émetteur et l’investisseur 82 c. La protection du fonctionnement de la place financière suisse 83 B. Le champ d’application de la loi 86 1. Champ d’application personnel 86 2. Champ d’application matériel 87 3. Champ d’application temporel 90 4. Champ d’application géographique 91 a. La loi fédérale sur le droit international privé 91 b. Les dépositaires étrangers 91 c. Les instruments financiers étrangers 92 i. L’émission et le dépôt ou l’enregistrement selon un droit étranger 93 ii. Les situations mixtes 95 iii. Considérations pratiques 96 d. La Convention d’UNIDROIT sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés 96§ 3 La notion de titre intermédié --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 98 A. L’intermédiation, la conversion des valeurs déposées et l’extinction des titres intermédiés 99 1. La création des titres intermédiés 99 2. La conversion des sous�jacents 101 3. L’extinction des titres intermédiés 103 a. Conditions de l’extinction 103 b. Effets de l’extinction 104 B. La définition légale du titre intermédié 105 1. La fongibilité des droits à l’encontre d’un émetteur 106 2. Les droits crédités et la possibilité d’en disposer selon la LTI 106 a. Le crédit en compte 106 b. Typologie des droits crédités : les droits contre l’émetteur et les droits correspondant aux sous�jacents 107 i. Les droits correspondant aux sous�jacents 108 aa. Le crédit au compte de titres documente les droits contre l’émetteur 108

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468 Joël Leibenson

bb. Le crédit en compte de titres ne peut créer des droits que contre le dépositaire 109 cc. La notion de droits correspondant et la titularité des droits contre l’émetteur 110 ii. Le titre intermédié : un ensemble de droits 111 iii. �uestions terminologiques 112 iv. Synthèse 114 c. La possibilité de disposer des droits crédités selon la LTI 115 i. Une tautologie ? 115 ii. Nécessité d’un véritable pouvoir de disposer ? 116 aa. Distinction entre titres intermédiés et titres disponibles 117 bb. Conséquences de l’exigence du pouvoir de disposer 119 iii. La faculté de transférer les instruments financiers par un crédit en compte de titres 121 iv. Synthèse 122§ 4 Les actes de disposition en droit privé --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 123 A. La manifestation de(s) volonté(s) 123 1. Un acte unilatéral ou bilatéral ? 124 2. Distinction avec les actes matériels et les actes formateurs 126 3. Perspectives pour les titres intermédiés 127 B. Le pouvoir de disposer 128 1. Le pouvoir du titulaire du droit 128 2. Le pouvoir conféré à un tiers 129 3. Perspectives pour les titres intermédiés 130 C. Un acte matériel de publicité 131 1. Les droits réels 131 2. Les droits de créance 134 3. La fonction de maîtrise assurée par l’instrument de publicité et le contrôle sur l’objet grevé 135 4. Perspectives pour les titres intermédiés 136 D. Les principes de causalité, d’abstraction et de spécialité 138 1. Les principes de causalité et d’abstraction 139 a. Les droits réels 140 b. Les droits de créance 140 c. Perspectives pour les titres intermédiés 142 2. Le principe de spécialité 144 a. Les droits réels 144 b. Les droits de créance 145

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469Table des matières

c. Perspectives pour les titres intermédiés 146 E. Le cadre de l’analyse 147 1. Le contexte de droit privé 147 2. La signification pour la LTI 149

Chapitre III : La bonification de titres intermédiés en compte de titres selon l’art. 24 LTI 153-237

§ 1 Le titre d’acquisition à la base du crédit en compte de titres ------------------------------------------- 156 A. Le contenu du titre d’acquisition 156 1. La LTI ne régit pas le contenu du titre d’acquisition 156 2. La titularité, une sûreté ou un usufruit sur des titres intermédiés 157 a. La simple titularité 158 b. Une sûreté 159 i. La titularité fiduciaire à fin de sûreté et le gage irrégulier 159 ii. Le gage mobilier 159 iii. Consignation à titre de sûreté et Escrow Agreement 161 c. Un usufruit 163 B. Bref aperçu des processus de transactions sur les marchés financiers 164 1. La conclusion de la transaction (Trade) 164 2. Les erreurs de transaction (Mistrades) 165 3. Le Clearing et le Settlement 166 C. Statut des participants et nature juridique de la transaction : examen du contrat de commission 167 1. Le contrat de commission 168 2. Le commissionnaire ne se porte pas contrepartie 169 a. Commission à l’achat 169 b. Commission à la vente 170 3. Le commissionnaire se porte contrepartie 170 D. La nature causale du crédit en compte de titres 172 1. L’absence de base légale et la volonté du législateur 172 2. La causalité des actes de disposition en droit des biens 174 3. Un élément de politique législative en faveur de la causalité : la sécurité des transactions par la protection de l’acquéreur de bonne foi 175 4. Le statut et la portée des règles sur l’enrichissement illégitime 177

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470 Joël Leibenson

a. En droit des biens 177 b. Dans la LTI 178 i. La signification de l’enrichissement illégitime comme correctif de l’absence du pouvoir de disposer 178 ii. Les règles sur l’enrichissement illégitime comme seul régime de restitution approprié ? 179 iii. Nature juridique du renvoi aux règles sur l’enrichissement illégitime 181 iv. Conclusion 181 5. Le régime des extournes et la signification des règles boursières sur les Mistrades 182 a. La nullité du titre d’acquisition du dépositaire 183 b. L’effet de la nullité : un cas d’extourne hors LTI 184§ 2 L’instruction -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 186 A. La manifestation de(s) volonté(s) 186 1. L’acte de disposition stricto sensu 186 2. Contenu et forme 187 a. Le “transfert” des titres intermédiés 187 i. Le contenu du transfert 187 ii. L’absence d’assignation 189 b. Une manifestation de volonté inconditionnelle ? 190 c. La forme de l’instruction 192 3. Destinataire de l’instruction et acte de disposition uni� ou bilatéral 193 a. Le contexte de l’instruction 193 b. Le contrat de commission 194 i. Le commissionnaire se porte contrepartie 194 aa. Le titulaire de compte dispose de ses titres intermédiés 194 bb. Le dépositaire dispose de ses titres intermédiés 195 cc. L’internalisation 196 ii. Le commissionnaire ne se porte pas contrepartie 197 iii. Les ordres donnés par le client aux contreparties de la banque 198 c. Les contrats du titulaire de compte avec les tiers 198 d. Prise de position 200 i. Distinction entre instruction et acte de disposition 200 ii. Caractère bilatéral de l’acte de disposition 202 aa. Les fondements de droit des biens 202

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471Table des matières

bb. Les fondements issus du système d’intermédiation 203 4. La révocation de l’instruction 205 a. Le moment de la révocation 205 b. La forme de la révocation 207 B. La vérification de la cause de l’instruction 207 1. L’obligation d’exécuter l’instruction 207 2. Les devoirs d’information, de conseil et de mise en garde 208 C. Le pouvoir de disposer 210 1. Distinction entre le pouvoir d’instruction et le pouvoir de disposer 210 2. Nécessité du pouvoir de disposer 212 D. L’identification des titres intermédiés et le principe de spécialité 212 1. Les difficultés liées à l’intermédiation et à la dématérialisation 212 2. La portée du principe de spécialité 214 a. Le besoin d’identification 214 b. L’identification des titres et les circonstances de l’acte de disposition 215 c. Des modes d’identification spécifiques 216§ 3 La bonification --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 219 A. Généralités 219 B. Les procédés de bonification 220 1. L’Actual Settlement 221 2. Le Contractual Settlement 221 C. La “livraison” des titres intermédiés 223 1. L’identification des patrimoines touchés 223 a. Les règles d’intermédiation 224 b. La réglementation boursière 225 c. Les règles de surveillance prudentielle 226 2. L’accomplissement de l’acte de disposition 227 a. Le commissionnaire ne se porte pas contrepartie 228 i. Commission à l’achat 228 ii. Commission à la vente 228 b. Le commissionnaire se porte contrepartie 229 c. Lien entre procédé de bonification et acquisition des titres intermédiés 230 i. L’Actual Settlement 231 ii. Le Contractual Settlement 231 iii. Prise de position 232

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472 Joël Leibenson

D. Un acte matériel de “publicité” 234 1. L’avis d’exécution 234 2. L’attestation des titres inscrits au crédit du compte 235

Chapitre IV : La constitution de sûretés sur des titres intermédiés par convention de contrôle selon les art. 25 et 26 LTI 239-325

§ 1 Le titre d’acquisition à la base des conventions de contrôle – le contrat de sûreté --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 242 A. La LTI ne régit pas le titre d’acquisition 243 B. La nature juridique des sûretés constituées par convention de contrôle 244 1. La désignation “fonctionnelle” des sûretés 244 2. La nature des droits conférés par convention de contrôle 246 a. La titularité fiduciaire à fin de sûreté 247 i. En général 247 ii. Compatibilité fonctionnelle avec la convention de contrôle 248 iii. Compatibilité structurelle avec la convention de contrôle 249 b. Le gage mobilier 254 i. En général 254 ii. Compatibilité fonctionnelle avec la convention de contrôle 254 iii. Absence de sûreté sui generis et détermination du régime juridique applicable 255 c. Le gage irrégulier 258 d. Consignation à titre de sûreté et Escrow Agreement 260 i. En général 260 ii. Compatibilité fonctionnelle avec la convention de contrôle 261 3. La désignation de la sûreté créée dans le titre d’acquisition 263 C. La nature causale de l’acte de disposition par convention de contrôle 265 1. L’absence de base légale et la volonté du législateur 265 2. Les éléments objectifs de politique législative – la sécurité des transactions 266 a. Le régime de restitution 267 b. Absence d’extournes et unité du régime des actes de disposition 268

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473Table des matières

3. Conclusion 269§ 2 L’acte de disposition au moyen des conventions de contrôle -------------------------------------------- 270 A. La manifestation des volontés 271 1. La conclusion de la convention de contrôle 271 a. La forme de la convention 271 b. Les parties à la convention 273 i. En cas de convention en faveur d’un tiers 273 ii. En cas de convention en faveur du dépositaire 275 2. La convention de contrôle et la manifestation de volonté du bénéficiaire de l’acte de disposition 276 a. En cas de convention en faveur d’un tiers 277 i. La stipulation pour autrui 278 aa. L’ “acte de disposition” sur une créance 279 bb. L’ “acte de disposition” sur un droit réel 280 cc. Synthèse 283 ii. L’effet de la stipulation pour autrui dans la convention de contrôle 284 aa. L’octroi d’une créance sui generis en faveur du bénéficiaire permettant d’instruire le dépositaire 284 bb. Le droit du bénéficiaire à la connaissance de la conclusion de la convention de contrôle 285 cc. Nécessité de la manifestation de volonté du bénéficiaire et absence de droit de refus 287 b. En cas de convention en faveur du dépositaire 289 i. La distinction avec le contrat de sûreté 289 ii. La double fonction : l’octroi du contrôle et l’acte de disposition stricto sensu 293 B. L’octroi irrévocable du contrôle 294 1. En cas de convention en faveur d’un tiers 294 a. La nature du contrôle 294 i. L’étendue du pouvoir d’instruire en vue de la réalisation de la sûreté 294 ii. La relation sui generis entre le dépositaire et le bénéficiaire de la convention de contrôle 297 iii. Le droit d’être renseigné 297 b. Le caractère irrévocable du contrôle 299 i. Au moment de la constitution de la sûreté 299 ii. Au terme de la convention de compte 300

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474 Joël Leibenson

c. Le pouvoir d’instruction résiduel du constituant de la sûreté 302 i. La problématique 302 ii. Le traitement du pouvoir résiduel du constituant 303 aa. Le contrôle exclusif 304 bb. Le contrôle dual 304 iii. Prise de position 306 2. En cas de convention en faveur du dépositaire 308 a. La nature du contrôle 308 i. L’interprétation de l’art. 26 al. 1 LTI 308 ii. La relation sui generis entre le dépositaire et le titulaire de compte 311 b. Le caractère irrévocable du contrôle 312 i. Au moment de la constitution de la sûreté 312 ii. Au terme de la convention de compte 313 c. Le pouvoir résiduel du constituant 313 C. La désignation des titres intermédiés et le principe de spécialité 314 1. En général 314 2. L’acte de disposition sur certains titres déterminés 315 a. La désignation de l’objet 315 b. Le maintien du droit constitué 316 3. L’acte de disposition sur une assiette flottante de titres 317 a. L’acte de disposition sur tous les titres figurant au crédit d’un compte de titres 317 i. La désignation de l’objet 317 ii. Le maintien du droit constitué 319 b. L’acte de disposition à concurrence d’une valeur déterminée 320 i. La désignation de l’objet 320 ii. Le maintien du droit constitué 320 4. La nécessaire possibilité d’un acte de disposition anticipé 322 D. Le pouvoir de disposer 324 1. Distinction entre le pouvoir de conférer le contrôle et le pouvoir de disposer 324 2. La nécessité du pouvoir de disposer 324

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475Table des matières

Chapitre V : L’effet des actes de disposition à l’égard des tiers : quelques perspectives 327-417

§ 1 Généralités -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 329§ 2 Le rang des droits acquis sur des titres intermédiés ---------------------------------------------------------------------------------- 330 A. La priorité dans le temps 330 1. Le principe 330 2. Relation entre la titularité des titres et les droits réels limités qui les grèvent 330 3. La prise de rang 332 a. Le moment de la perfection de l’acte de disposition 332 b. Le moment de la prise de rang 333 i. Les actes de disposition par crédit en compte ou par convention de contrôle 333 ii. Le droit de rétention du dépositaire 337 c. Influence du mode d’identification de l’objet de la sûreté sur son rang ? 338 i. Des titres déterminés 338 ii. Tous les titres d’un compte 338 iii. Des titres à concurrence d’une valeur déterminée 339 B. Les exceptions au principe de la priorité dans le temps 339 1. Les actes de disposition par cession de titres intermédiés 340 a. La réserve indirecte en faveur des règles sur la cession 340 b. L’insécurité juridique créée par la réserve en faveur de la cession 340 c. Le caractère insoluble des conflits créés par la réserve en faveur de la cession 342 2. Les conventions de modification de rang 343 a. L’absence d’effet erga omnes 343 b. La ratio de la norme 344 c. La variabilité de l’effet relatif de la convention 345 3. L’acquisition de bonne foi d’un rang préférable (renvoi) 346 C. L’effectivité du rang des droits sur les titres intermédiés 347 1. But et contexte du régime des rangs 347 2. Le droit de préférence à l’exemple de la réalisation du gage mobilier 349 a. L’information des titulaires de droits de gage concurrents 349 b. Les principes de l’offre suffisante, de la liquidation des charges et le ius offerendi 350 c. Le maintien des rangs dans la réalisation privée 351

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476 Joël Leibenson

3. Le maintien du rang des droits sur les titres intermédiés 352 a. Les difficultés de maintien du rang liées au régime de la LTI 353 i. Distinction entre détermination de l’assiette d’un gage et son rang 353 ii. Le contrôle des titres intermédiés et leur caractère immatériel 353 b. Les obligations en relation avec l’exercice des droits sur les titres intermédiés 355 i. La coordination de l’exercice des droits sur les titres intermédiés 355 aa. L’articulation du système d’intermédiation 356 bb. L’effectivité du contrôle sur les titres intermédiés 358 ii. L’obligation d’informer en cas de réalisation privée de gage 359§ 3 La protection de l’acquéreur de bonne foi ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ 361 A. Contexte et fondements de la protection de la bonne foi 362 1. En matière mobilière 362 2. En matière de titres intermédiés 364 3. Aperçu des conditions de protection de l’acquéreur de bonne foi selon l’art. 29 LTI 366 a. En général 367 b. L’acquisition à titre onéreux 368 i. La problématique 368 ii. Prise de position 370 c. L’opposabilité de l’extourne d’une bonification à l’acquéreur de bonne foi 371 B. Protection en cas d’absence de pouvoir de disposer 373 1. L’objet de la bonne foi 373 2. L’étendue de la bonne foi en cas de crédit en compte de titres 374 a. Le crédit en compte comme support de la bonne foi de l’acquéreur ? 374 i. L’acte de disposition repose sur un mécanisme d’acquisition indirecte 375 ii. L’acte de disposition repose sur un mécanisme d’acquisition directe 376 iii. Le degré de l’attention due par l’acquéreur 377 b. Le Contractual Settlement et l’absence de pouvoir de disposer 378

Page 474: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

477Table des matières

i. La mauvaise foi du titulaire de compte 378 ii. L’impossibilité structurelle d’une acquisition de bonne foi 379 iii. La justification au regard du but de la LTI 380 c. Le Drawing-from-the-pool comme cas d’absence de pouvoir de disposer 382 3. L’étendue de la bonne foi en cas de convention de contrôle 383 a. La fonction d’information de la convention de contrôle 383 b. La mise en œuvre de la fonction d’information au sujet des droits existants et son incidence sur la bonne foi de l’acquéreur 384 C. Protection de la bonne foi en cas d’inefficacité du titre d’acquisition et en cas d’extourne selon l’art. 28 al. 3 LTI 386 1. Systématique de l’analyse 386 2. Régime de protection de la bonne foi en cas d’inefficacité du titre d’acquisition hors des cas de Mistrade 387 a. L’absence de protection 387 b. Détermination du régime de restitution 388 3. La protection de la bonne foi en cas d’extourne selon l’art. 28 al. 3 LTI 389 a. Le régime d’extournes des écritures en comptes de titres 389 b. Le régime de restitution en cas d’invalidité concomitante du titre d’acquisition et de l’instruction 390 c. Le régime de restitution en cas de Mistrade 392 i. Les particularités découlant du droit boursier 392 ii. La nécessité du Contractual Settlement et l’absence de protection de la bonne foi de l’investisseur 393 iii. L’application de l’art. 28 al. 3 LTI à l’investisseur ? 395 D. Protection en cas d’existence d’un droit antérieur 397 1. Les différentes problématiques en présence 397 2. Existence d’un droit antérieur en cas d’acte de disposition postérieur accompli par une convention de contrôle 399 a. Les sûretés antérieures du dépositaire 399 i. Les sûretés visées 399 ii. L’acquisition d’un rang préférable comme cas de la protection de la bonne foi 401 b. Sort du droit antérieur d’un bénéficiaire de convention de contrôle 402 3. Existence d’un droit antérieur en cas d’acte de disposition postérieur accompli par un crédit en compte de titres 403

Page 475: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

478 Joël Leibenson

a. Sort de la sûreté antérieure du dépositaire en cas de crédit postérieur sur un autre compte 403 i. Conflit entre le droit de rétention du dépositaire et un crédit subséquent sur un autre compte 403 ii. Conflit entre une convention de contrôle en faveur du dépositaire et un crédit subséquent sur un autre compte 404 b. Conflit entre un crédit et un crédit subséquent sur un autre compte ou entre une convention de contrôle pour un tiers et un crédit subséquent sur un autre compte 406 4. Incidence du mode d’accomplissement de l’acte de disposition sur la bonne foi de l’acquéreur et sur l’effet de l’acquisition ? 407 a. La problématique de la prise de rang des crédits en compte de titres 407 b. Une application systématique de l’art. 29 LTI ? 410 c. L’appréciation de la bonne foi en fonction du mode de disposer 412 E. Protection en cas d’extourne du crédit antérieur che� l’aliénateur 413 1. L’objet de la bonne foi 413 2. L’étendue de la bonne foi 414 a. Incidence du mode d’acquisition sur la bonne foi de l’acquéreur ? 414 i. L’acquisition par crédit en compte 415 ii. L’acquisition par convention de contrôle 415 b. Le moment déterminant 416

Conclusion 419-423

Table des abréviations 425

Bibliographie 429

Page 476: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

479Index alphabétique

A

Absence de pouvoir de disposer– et Drawing from the pool 382

Abstraction (principe de l’) 138�144

Acte de disposition– acte bilatéral en droit privé 124�126– bilatéral en cas de bonification 200�

205– bilatéral en cas de convention de

contrôle 287�289, 293�294– stricto sensu 186, 288, 293

Actions nominatives liées 54– moment de la perfection de l’acte de

disposition 332– négociabilité 122

Actual Settlement– définition 221– et acquisition des titres intermédiés

230�234– et exécution du contrat de commis�

sion 228�230

Assignation 189�190, 233, 379�380

Attestation 234�235, 299– et légitimation envers l’émetteur 252

Avis d’exécution 195, 201, 204, 234– et Contractual Settlement 378

B

Bonne foi (voir protection de l’acqué�reur de bonne foi)

C

Causalité– de l’acte de disposition par bonifica�

tion 172�186– de l’acte de disposition par conven�

tion de contrôle 265�270

Causalité (principe de) 138�144

Certificats globaux 33�38

Cession de titres intermédiés 340�343

Champ d’application de la LTI– géographique 91�98– matériel 87�90– personnel 86�87– temporel 90�91

Clearing 166�167

Commission (contrat de)– effets sur l’instruction 194�198– en général 167�172– et mode de bonification 227�234

Consignation à titre de sûreté 161�163, 260�263

INDEX ALPHABÉTIQUE

Les numéros renvoient aux pages

Page 477: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

480 Joël Leibenson

Contractual Settlement– définition 221�223– et absence de pouvoir de disposer

378�382– et acquisition des titres intermédiés

231�234– et exécution du contrat de commis�

sion 228�230– et Mistrades 393�394

Contrôle– distinction avec l’acte de disposition

284�289– droit d’être renseigné 297�299– du dépositaire 308�311– irrévocabilité 299�302, 312�313– octroi par acte bilatéral 293�294– octroi par stipulation pour autrui

284�289– pouvoir d’instruction résiduel du

constituant 302�308– pouvoir d’instruire 294�296– relation sui generis 297, 312�312

Contrôle (principe du) 135�138

Convention de contrôle– distinction avec le contrat de sûreté

289�293– consentement du tiers non�déposi�

taire 287�289– forme 271�273– parties 273�276

D

Dépôt collectif 26�32

Drawing from the pool 382�383

Droit de rétention 104, 244, 337, 357, 398, 399, 400, 403, 404

Droits�valeurs– mise en gage et publicité 52�56– notion et définition 38�43– transfert de titularité 47�50

E

Escrow 161�163, 260�263

Extournes– en cas d’inefficacité du titre d’acqui�

sition 395�397– en général 389– opposabilité à l’acquéreur de bonne

foi 371�373

F

Fonction de circulation des titres inter�médiés 208, 250, 265

Fonction de légitimation des titres in�termédiés 251�253

Fonction de transport des titres inter�médiés 250�251

Fongibilité– des sous�jacents aux titres intermé�

diés 106– des valeurs mobilières 24�26

G

Groupe Giovannini 75�76

Groupe Sécurité juridique 76�78

I

Instruction– contenu et forme 187�193– dans le cadre du contrat de commis�

sion 194�198

Page 478: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

481Index alphabétique

– distinction avec l’acte de disposition 186�187, 200�202

– révocation 205�207– vérification et obligation d’exécuter

207�210

Intégrité de l’émission 83, 117– et Contractual Settlement 366, 379

Intermédiation 83, 99, 102, 104, 212, 224, 256, 342

Intermédiation (système d’) 21, 64, 67, 70, 83, 92, 102, 103, 104, 109, 111, 116, 127, 138, 142, 190, 191, 203, 205, 206, 210, 215, 224, 232, 237, 307, 335, 340, 342, 355, 356, 364, 375, 386, 389, 391, 411

Interprétation de la LTI 147�151, 255�258

J

Journal des valeurs mobilières 226�227

M

Mistrades 165, 182�186– et Contractual Settlement 393�394– protection de la bonne foi de l’ac�

quéreur 392�397

P

Pouvoir de disposer– distinction avec le pouvoir d’ins�

truire 210�212– du titulaire de compte de titres 122,

210�212– en cas d’acte de disposition par boni�

fication 212– en cas d’acte de disposition par

convention de contrôle 324

– en général 128�130

Priorité dans le temps– en général 330– exceptions 339�347

Propriété– dans le dépôt collectif 29– distinction avec la titularité des

titres intermédiés 158– garantie constitutionnelle 356, 411– protection des droits des investis�

seurs 80�81, 82�83, 85, 356, 385– sur le certificat global 35– suspension pendant l’intermédiation

105

Protection de l’acquéreur de bonne foi– à titre onéreux 368�371– aperçu des conditions 366�367– en cas d’absence de pouvoir de dis�

poser 373– en cas de Mistrade 395�396– en cas d’existence d’un droit anté�

rieur 397– en cas d’extourne sur le compte de

l’aliénateur 413– en général 362– en matière de titres intermédiés 364

R

Rang des droits sur des titres intermé�diés

– maintien du rang par le dépositaire 352�361

– moment de la prise de rang 333�337– perfection de l’acte de disposition

332�333

S

Settlement 166�167

Page 479: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

482 Joël Leibenson

Sous�jacents des titres intermédiés 99�102

Spécialité (principe de) 144�147– application à la bonification 212�218– application à la convention de

contrôle 314�324

Stipulation pour autrui 278�288

T

Titres intermédiés– création 99– définition légale 105�122– droits correspondant aux sous�

jacents 107�111– extinction 103

Titularité des titres intermédiés– distinction avec la propriété 158

U

UNIDROIT, Convention sur les règles matérielles relatives aux titres inter�médiés 66�71

Union européenne– législation et travaux relatifs aux

titres intermédiés 71�79

Usufruit 157, 163, 179, 188, 250– quasi�usufruit 250

V

Valeurs mobilières 19�26, 39, 42, 56, 72, 89, 106, 259

Page 480: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

Publications du Centre de droit bancaire et financier, Genèveparues chez Schulthess Médias Juridiques, Genève · Zurich · Bâle

Joël Leibenson : Les actes de disposition sur les titres intermédiés (2013).

Hideki Kanda, Charles Mooney, Luc Thévenoz, Stéphane Béraud & Thomas Keijser : Commentaire officiel de la Convention d'Unidroit sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés (Convention de Genève sur les titres) (2012).

Aude Peyrot : Le trust de common law et l’exécution forcée en Suisse (2011).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2010 de droit bancaire et financier (2011). Avec des contributions de Christian Bovet, Louis Gaillard, Lucia Gome� Richa, Maurice Harari, Jacques Iffland, Nicolas Jeandin, Fabien Liégeois, Isabelle Romy, Luc Théveno� et Dario Zanni.

Ursula Cassani & Anne Héritier Lachat (éd.) : Lutte contre la corruption internationale – The never ending story (2011). Avec des contributions de Bernard Bertossa, Ursula Cassani, Christine Chappuis, Paul H. Dembinski, Maurice Harari, Anne Héritier Lachat, Valsamis Mitsilegas et Mark Pieth.

Delphine Pannatier Kessler : Le droit de suite et sa reconnaissance en Suisse selon la Convention de La Haye sur les trusts – Tracing en droit suisse (2011).

Samantha Meregalli Do Duc : Rémunération et conflits d’intérêts dans la distribution des placements collectifs de capitaux (2010).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2009 de droit bancaire et financier (2010). Avec des contributions de Rashid Bahar, Yaël Benmenni, Alessandro Bi��o�ero, Christian Bovet, Anath Guggenheim, Anne Héritier Lachat, Isabelle Lebbe, Xavier Oberson, Alexandre Richa et Luc Théveno�.

Luc thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2008 de droit bancaire et financier (2009). Avec des contributions de Lionel Aeschlimann, Gerhard Auer, Christian Bovet, Ursula Cassani, Benoît Chappuis, Bénédict Foëx, Lucia Gome� Richa, Nicolas de Gottrau, Anne Héritier Lachat, Philipp M. Hildebrand, Luc Théveno� et Jean�Baptiste Zufferey.

Page 481: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

Luc thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2007 de droit bancaire et financier (2008). Avec des contributions de Mark Barmes, Pierre Besson, Christian Bovet, Jacques Iffland, Carlo Lombardini, Samantha Meregalli Do Duc, Aude Peyrot et Luc Théveno�.

Alexandre Richa : Pensions de titres (repos) et autres cessions temporaires (2008).

Luc Thévenoz & Rashid Bahar (eds) : Conflicts of Interest – Corporate Governance and Financial Markets (2007). Avec des contributions de Sandro Abegglen, Rashid Bahar, Guido Bolliger, Michel Dubois, Pascal Dumontier, Tamar Frankel, Manuel Kast, Marc Kruithof, Karim Mai�ar, Leo Th. Schrutt, Luc Théveno�, Rolf Watter, Stefan Wieler, Eddy Wymeersch, et Jean� Baptiste Zufferey.

BF 2007 : Réglementation et autoréglementation des banques, bourses, né-gociants, placements collectifs, assurance et marchés financiers en Suisse. Publié par Luc Thévenoz & Urs Zulauf (2007).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2006 de droit bancaire et financier (2007). Avec des contributions de Christian Bovet, Mario Giovanoli, Nicolas Jeandin, Saverio Lembo, Vincent Martenet, Xavier Oberson, Luc Théveno� et Urs Zulauf.

Bénédict Foëx, Luc Thévenoz & Spiros V. Bazinas (éd.) : Réforme des sûretés mobilières : Les enseignements du Guide législatif de la CNUDCI – Reforming Secured Transactions : The UNCITRAL Legislative Guide as an Inspi-Inspi-ration (2007). Avec des contributions de Lionel Aeschlimann, Georges Affaki, Spiros V. Ba�inas, Antoine Eigenmann, Bénédict Foëx, Nicolas de Gottrau, Nicolas Jeandin, Gerard McCormack et Henricus J. Snijders.

BF Assurance : Réglementation et autoréglementation de l’assurance en Suisse. Publié par Luc Thévenoz & Urs Zulauf (2006).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2005 de droit bancaire et financier (2006). Avec des contributions de Lionel Aeschlimann, Alessandro Bi��o�ero, Christian Bovet, Bénédict Foëx, Anne Héritier Lachat, Syvain Marchand, Jean�Christophe Pernollet, François Rayroux, Alexandre Richa et Luc Théveno�.

Claude Laporte : La titrisation d’actifs en Suisse – Asset-Backed Securisa-Securisa-tion (2005).

Page 482: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2004 de droit bancaire et financier (2005). Avec des contributions de Christian Bovet, Claude Bretton�Chevallier, Ursula Cassani, Jacques Iffland, Romain Marti, Luc Théveno� et Alexandre Richa.

Rashid Bahar : Le rôle du conseil d’administration lors des fusions et acqui-sitions – Une approche systématique (2004).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2003 de droit bancaire et financier (2004). Avec des contributions de Christian Bovet, Claude Bretton� Chevallier, Jean�Claude Dufournet, Xavier Favre�Bulle, Bénédict Foëx, Daniel Girsberger, Florence Guillaume, Jacques Iffland et Luc Théveno�.

BF Blanchiment : Réglementation et autoréglementation de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en Suisse. Publié par Luc Thévenoz & Urs Zulauf (2004).

Publications du Centre d’études juridiques européennes, Genève parues chez Schulthess Médias Juridiques, Genève · Zurich · Bâle

Daniel Kraus : Les importations parallèles de produits brevetés (2004).

Julia Xoudis : Les accords de distribution au regard du droit de la concur-rence (2002).

Claude Bretton�Chevallier : Le gérant de fortune indépendant : Rapports avec le client, la banque dépositaire, obligations et responsabilités (2002).

Luc Thévenoz : Trusts en Suisse : adhésion à la Convention de La Haye sur les trusts et codification de la fiducie – Trusts in Switzerland : ratification of the Hague Convention on trusts and codification of fiduciary transfers (2001).

Christine Chappuis & Bénédict Winiger (éd.) : La responsabilité fondée sur la confiance – Vertrauenshaftung (2001). [Journée de la responsabilité civile 2001].

Vincent Jeanneret (éd.) : Aspects juridiques du commerce électronique (2001). [Séminaires de l’Association genevoise de droit des affaires].

Page 483: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

Christine Chappuis, Henry Peter & Andreas von Planta : Responsabi-lité de l’actionnaire majoritaire (2000). [Séminaires de l’Association gene�voise de droit des affaires].

Christian Bovet (éd.) : Libéralisation des télécommunications : concentra-tions d’entreprises (1999). [Journée du droit de la concurrence 1998].

Luc Thévenoz & Marcel Fontaine (éd.) : La monnaie unique et les pays tiers – The euro and non-participating countries (1999). [Colloque international].

Vincent Jeanneret (éd.) : Le séquestre selon la nouvelle LP (1997).

Gérard Hertig (éd.) : Le fonctionnement des sociétés et le respect des règles (colloque Alain Hirsch) – Die Führung der Gesellschaften und die Einhaltung der Regeln (Kolloquium Alain Hirsch) (1996).

Martin Anderson & thierry Hertig : Institutional investors in Switzerland : their behavior and influence on financial markets and public companies (1992).

Annette Althaus : Die Lex Friedrich im Lichte der EG. Julia Xoudis : La demeure de débiteur de l’acheteur ayant conclu un contrat de vente interna-tionale (1992).

Gérard Hertig & Marina Hertig�Pelli (éd.) : L’avant-projet de loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (colloque) – Vorentwurf eines Bundesgesetzes über die Börsen und den Effektenhandel (Kolloquium) (1992).

Oliver Guillod (éd.) : Développements récents du droit de la responsabilité civile (col loque) – Neuere Entwicklungen im Haftpflichtrecht (Kolloquium) (1991).

Luc Thévenoz : Error and fraud in wholesale funds transfers : U.C.C. ar-ticle 4A and the uncitral harmonization process (1990).

Xavier Oberson : Issues in the tax treatment of international interest rate and currency swap transctions : ananalysis of the tax treatment of interest rate and currency swap transactions in the United States, Switzerland and under the OECD model (1990).

Anne�Catherine Imhoff�Scheier & Paolo Michele Patocchi : Torts and unjust enrichment in the new Swiss confl ict of laws – L’acte illicite et l’enri- enrichment in the new Swiss confl ict of laws – L’acte illicite et l’enri-enrichment in the new Swiss confl ict of laws – L’acte illicite et l’enri- in the new Swiss conflict of laws – L’acte illicite et l’enri-chissement illégitime dans le nouveau droit international privé suisse (1990).

Page 484: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

Bernd Stauder (éd.) : Liberalization and regulatory reform in the field of banking services in Europe : the Swiss consumer’s point of view (symposium) – Libéralisation des services financiers bancaires en Europe : le point de vue du consommateur suisse (col loque) (1989).

Journées de droit bancaire et financier parues chez Staempfli Editions SA, Berne

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2002 de droit bancaire et financier (2003). Avec des contributions de Giorgio Behr, Christian Bovet, Nicolas Jeandin, Henry Peter, François Rayroux, Luc Théveno� et Daniel Zuberbühler.

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2001 de droit bancaire et financier (2002). Avec des contributions de Christian Bovet, Louis Gaillard, Nicolas de Gottrau, Olivier Hermand, Jacques Malherbe, Xavier Oberson, Marc Siegel, Luc Théveno� et Urs Zulauf.

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2000 de droit bancaire et financier (2001). Avec des contributions de Christian Bovet, Jacques Iffland, Catherine Kessedjian, Luc Théveno�, Gilles Thieffry, Henri Torrione, Rita Trigo Trindade et Jean� Baptiste Zufferey.

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 1999 de droit bancaire et financier (2000). Avec des contributions de Rashid Bahar, Christian Bovet, Claude Bretton� Chevallier, Hans Caspar von der Crone, Daniel Guggenheim, Maurice Harari, Jacques Iffland, Sylvain Matthey, Nicolas Merlino, Peter Nobel, Xavier Oberson et Henry Peter.

Luc Thévenoz (éd.) : Journée 1997 de droit bancaire et financier (1997). Avec des contributions de André Cuendet, Marco Franchetti, Anne Héritier Lachat, Jacques Iffland, Claude�Alain Margelisch, Xavier Oberson, Shelby du Pasquier, Riccardo Sansonetti et Blanche Sousi.

Luc Thévenoz (éd.) : Journée 1996 de droit bancaire et financier (1996). Avec des contributions de Alessandro Bi��o�ero, Christine Chappuis, Alain Hirsch, Alain B. Lévy, Patri�io Merciai, Andreas von Planta, Luc Théveno� et Jean� Baptiste Zufferey.

Page 485: LEIBENSON, Joºl Philippe GØrard

Luc Thévenoz (éd.) : Journée 1995 de droit bancaire et financier (1995). Avec des contributions de Daniel Guggenheim, Alain Hirsch, Gabrielle Kaufmann�Kohler, Sylvain Matthey, Xavier Oberson, Renate Pfister�Liechti, Bernhard Strauli, Luc Théveno� et Urs Zulauf.

Luc Thévenoz (éd.) : Journée 1994 de droit bancaire et financier (1994). Avec des contributions de Richard Barbey, Ursula Cassani, Maurice Harari, Xavier Oberson, Urs Philipp Roth, Claudia Spiess et Luc Théveno�.