les deux vies de guilhemine cours d'amour, veuvage et

17
HAL Id: hal-00653784 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00653784 Submitted on 20 Dec 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Les deux vies de Guilhemine Frédéric Boutoulle To cite this version: Frédéric Boutoulle. Les deux vies de Guilhemine: Cours d’amour, veuvage et politique à Benauges au XIIIe siècle. De Benauge à Verdelais. 12e colloque L’Entre-deux-Mers et son identité, Oct 2009, Arbis, France. CLEM, pp.31-46, 2011. <hal-00653784>

Upload: tranthien

Post on 05-Jan-2017

228 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

HAL Id: hal-00653784https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00653784

Submitted on 20 Dec 2011

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Les deux vies de GuilhemineFrédéric Boutoulle

To cite this version:Frédéric Boutoulle. Les deux vies de Guilhemine : Cours d’amour, veuvage et politique à Benaugesau XIIIe siècle. De Benauge à Verdelais. 12e colloque L’Entre-deux-Mers et son identité, Oct 2009,Arbis, France. CLEM, pp.31-46, 2011. <hal-00653784>

Page 2: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

31

Les deux vies de GuilhemineCours d’amour, veuvage et politique

à Benauges au XIIIe siècle

FRÉDÉRIC BOUTOULLEUniversité de Bordeaux-UMR Ausonius 5607

S itué dans l’aire de la lyrique occita-ne, le Bordelais a été un foyer de lapoésie des troubadours des XIIe et

XIIIe siècle1. Derrière les auteurs les plusréputés, comme Jaufre Rudel, le seigneurde Blaye des années 1130-1140 qui a cé-lébré l’amour lointain en la personne dela pr incesse de Tr ipoli , d’autres sontmoins célèbres, comme les Médocains,Ai-meric de Belenoi et son oncle Pierre deCorbian qui ont vécu au XIIIe siècle2.C’est moins connu mais, en Entre-deux-Mers, Benauges a été un foyer de cette ly-rique courtoise au début du XIIIe siècle.En effet, Savary de Mauléon, le grand trou-badour poitevin mort en 1233, a chantéla beauté de la vicomtesse de BenaugesGuil le lma (dite aussi Guilhemine ouGuillemette), dont l’époux, Pierre de Ga-barret, est probablement le troubadourconnu sous le nom de Peire de Gavarret.Benauges est donc un des rares châteauxdu Bordelais au XIIIe siècle ayant été, demanière étayée, un foyer de création,d’inspiration et de dif fusion de cetteforme de culture profane.

Cette partie de l’histoire du château etde la seigneurie de Benauges est connuedepuis longtemps par l’érudition locale3.Mais les auteurs qui l’ont abordée se sontdésintéressés de Peire de Gavaret et ontpris les écrits de Savary de Mauléon au pied

de la lettre, sans voir qu’ils véhiculent ungrand nombre de lieux communs atténuantla précision du portrait de la Dame dontils célèbrent la beauté. Cela ne doit pasnous détourner de ces textes, au contrai-re, car ils révèlent la véritable fonction descours d’amour de cette époque et les va-leurs d’une société aristocratique soucieusede légitimer sa domination sociale. De sur-croît, la destinée des acteurs de cette courseigneuriale nous offre de précieux éclai-rages sur l’histoire du duché de la premièremoitié du XIIIe siècle et sur la place desfemmes dans les lignées aristocratiques decette période, dont Guilhemine est parfai-tement représentative.

I. PEIRE DE GABARRET

De la production littéraire de Peire deGabarret, un seul texte a été conservé, « Pei-ronet, en Savartes ». Le personnage est éga-lement attesté dans la tenson, une sorte dejoute oratoire, écrite par le troubadourPeire Durban en réponse à la demande quePeire de Gabarret lui avait adressée (« Pei-ronet, ben vos es pres », voir pièces justifi-catives)4. Comme Peire Durban, seigneurde Montaigut, est connu pour avoir étéporte-enseigne du comte de Foix en 1217,pendant la croisade des Albigeois, nous endéduisons que Peire de Gabarret a vécudans le premier quart du XIIIe siècle.

Ce qui complique l’identification de cePeire est l’existence, à la même époque, dedeux Pierre de Gabarret (fig. 1). Le premierest, sur notre schéma de filiation, Pierre IV,seigneur de Benauges et vicomte de Be-zeaumes (avant 1195-1234). Le second,Pierre V est signalé à partir de 12425. Leurlien de parenté est indiqué dans une re-connaissance de 1274 passée par Guilhemde Bouville, seigneur pour une part deLangon6. Ce texte permet en effet de re-constituer la généalogie de la famille desGabarret-Bouville, seigneurs de Langon etde Saint-Macaire, sur trois générations.Pierre V de Gabarret est le fils de Roger deGabarret, frère cadet de Pierre IV de Ga-barret.

Les vicomtes de Gabarret, chefs d’uneimportante seigneurie aux confins de l’Ar-magnac et de l’Agenais, sont seigneurs deLangon depuis au moins la fin du XIe

siècle7. Dans le courant du XIIe siècle, cettefamille connaît deux évènements impor-tants. D’abord l’union avec le Béarn, pré-parée par le mariage entre Pierre II Sori-guers (1097-1125) et Guiscarde, fille ducélébrissime Gaston IV le Croisé, puis ef-fective avec leur fils, Pierre III de Gabarret(1134-1153), à la fois vicomte de Gabarretet de Béarn. Seconde étape importanteavec le détachement du Langonnais auprofit d’une branche cadette ; celui-ci sur-vient au moment du mariage de Gisla, fille

Page 3: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

32

de Pierre II et sœur de Pierre III de Béarn-Gabarret, avec le vicomte Bernard II deBouville8.

La famille de ce dernier, originaire del’Agenais, possède depuis au moins le débutdu XIe siècle la vicomté de Bezeaumes enEntre-deux-Mers bazadais et s’est alliée auxseigneurs de Benauges et Saint-Macairedepuis la fin du XIe siècle9. Signe de l’im-portance de cette union entre les Bouville-Benauges et les Gabarret : les changementsanthroponymiques. C’est en effet à cemoment qu’entrent les noms de Pierre etRoger dans une famille où l’on appelait lesfils plus volontiers Guillaume Amanieu ouBernard. D’un point de vue stratégique, l’al-liance Gabarret-Bouville crée un bloc surla moyenne vallée de la Garonne dont ilscontrôlent des deux rives.

Pierre IV de Gabarret est donc vicomtede Bezeaumes et le premier des seigneursde Benauges à porter le titre vicomtal10.Son père, Bernard II de Bouville, seigneurde Benauges et vicomte de Bezeaumes, estdécédé entre 1190 et 119511. On suit PierreIV de Gabarret, à partir de 1195, dans lesactes des cartulaires de La Réole, Sainte-Croix de Bordeaux, La Sauve,Villemartin,Cours et Romestaing et Sainte-Maried’Auch, ainsi que dans les lettres émanantde la chancellerie anglaise. En 1228, ilprend ses dispositions en cas de décès12.Mais, en 1231, il peut assister à la consé-cration de la nouvelle église de La Sauve-Majeure, pour laquelle il accorde des lettresde sauf-conduit13. En 1233 il est assignépar le roi pour répondre d’un conflit surla justice de Saint-Macaire14. Il décède dansles premiers jours de 123415.

Par son nom et en raison de sa fonctionseigneuriale, Pierre de Gabarret occupeune place de choix sur l’échiquier régio-nal. Au titre de seigneur de Benauges, ilcontrôle une vaste seigneurie couvrant lesud-est de l’Entre-deux-Mers bordelais, cor-respondant aux actuels cantons de Targonet Cadillac, jusqu’à Sallebruneau16. En tantque vicomte de Bezeaumes, il domine unterritoire s’étendant au sud de l’Entre-

deux-Mers Bazadais, entre le Drot et la Ga-ronne, jusqu’à Saint-Macaire. En Langon-nais, la famille contrôle la justice et lespéages de Langon ainsi que des fiefs dechevalerie dans les paroisses voisines(Saint-Pierre-de-Mont, Saint-Loubert)17.Toutcela permet à Pierre IV de faire partie dela dizaine de comtes et puissants baronsdont l’abbé de La Sauve-Majeure sollicitedes lettres de sauf-conduit pour les fidèlesse rendant aux fêtes de la consécration del’église abbatiale, prévue le 24 août 123118.Les alliances conclues par ses aïeux fontde Pierre le cousin du vicomte de BéarnGaston V (1153-1170) et de Marie, la vi-comtesse de Béarn qui fait passer lamaison de Béarn aux Moncade19.Tout celaexplique le souci royal de contrôler cetteseigneurie et, par voie de conséquence,les tentatives de la famille pour se déga-ger de cette tutelle en prenant une partactive aux conflits entre Plantagenêts etleurs adversaires.

Il est vrai que la présence du roi-duc sefait particulièrement pesante dans les pre-mières années de Pierre IV, soit en raisonde la participation de son père aux révoltesdu baronnage aquitain contre le roi-duc,soit en raison de son jeune âge20. Mais sile 2 août 1206 le château de Benauges estconfié par le roi Jean sans Terre au séné-chal du Poitou, Savary de Mauléon, c’estplus certainement parce que Pierre a fait,comme l’abbé de La Sauve et le vicomtede Fronsac, le choix de suivre le roi de Cas-tille, Alphonse VIII, dans sa tentative des’emparer de la Gascogne en 1205-120621.En ce mois d’août 1206, le roi Jean descenden Bordelais et prend une série de mesuresde saisies à l’encontre de grands seigneursde la région22; la motivation de ces déci-sions n’est pas explicitée, mais leur sommeen si peu de temps et dans ce contexte po-litique tendu laisse imaginer qu’il s’agit desanctionner les partisans d’Alphonse VIII,au premier rang desquels Pierre IV de Ga-barret, qui a nettement subi, dans ses pre-mières années, l’appesantissement de lapuissance ducale.

Près de vingt ans plus tard, Pierre IV sedétourne une nouvelle fois du Plantagenêten choisissant le parti du roi de France lorsde la tentative de conquête de la Gascognemenée par Louis VIII durant l’été 1224. Enseptembre, alors que le roi et son princi-pal allié, le puissant comte de La Marche,Hugues X de Lusignan, conquièrent Niortet surtout La Rochelle, Pierre de Gabarretremet au comte de La Marche les castra deLangon, Saint-Macaire et, de concert avecles bourgeois de ces deux villes, laisse s’ins-taller des garnisons françaises23. Le chan-gement d’obédience ne passe pas l’hiverpuisque le frère d’Henri III Plantagenêt, Ri-chard de Cornouailles, parvient à recon-quérir le Bordelais et à reprendre Saint-Ma-caire le 25 avril 1225. Pierre de Gabarretrentre alors dans le rang des « tenants enchefs », nettement placés dans une situa-tion de subordination vassalique24.

Autre signe de cette puissance régio-nale, la cour de Pierre IV a fière allure, cedont témoignent les actes passés en sa pré-sence.Ainsi le règlement du conflit contrel’abbé de Sainte-Croix de Bordeaux sur ladîme de Lignan, est-il obtenu « du conseilde mes chevaliers », dont la liste des té-moins donne les six noms (Armand deMontpezat, Baraud de Monprinblanc, G. deBenauges, B. de Rions, P. de La Roque, B. deBarsac)25. Preuve, s’il était besoin, que cesmilites sont des vassaux du seigneur de Be-nauges, la vente de la dîme d’un quartierde paroisse de Sainte-Croix du Mont, en1229, révélant une pyramide de fiefs, avecà la base deux milites (Bertrand du Montet Pierre de Laferreyre) tenant leurs partd’un autre miles (Gerald de Monprimblanc)et lui-même du « noble homme » Pierre deGabarret26. Cette cour est épisodiquementélargie à la fine f leur de l’aristocratie ré-gionale comme en témoigne le règlementd’un conflit sur Saint-Macaire entre Pierrede Gabarret et les bourgeois de Saint-Ma-caire, qui avaient pris l’initiative, avec l’ac-cord de l’abbé de Sainte-Croix de Bor-deaux, de tendre des chaînes en travers lesrues de la ville pour, peut-on penser, mieux

Page 4: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

33

matérialiser les divisions du bourg et en-traver les galopades des milites du château.L’accord, réalisé en l’absence du vicomteet de l’abbé, permet aux milites SanctiMacari de déposer les chaînes, avec l’ac-cord de Pierre de Gabarret et de l’abbé, àcondition de les remettre le quatrième jour,soit le mercredi, ce qui est une forme dematérialisation dans l’espace de la trêvehebdomadaire imposée par les anciennesdispositions de trêve de Dieu27. Or, parmiles milites qui président à cet accord setrouvent non seulement des chevaliers desenvirons (Pierre de Laroque, Gaillard deGrésillac,Amanieu de Laroque ), mais aussile vicomte de Castillon et les seigneursd’autres grandes seigneuries comme Guil-hem Seguin de Rions, Bernard d’Escous-sans ou Bertrand de Bouville.

II. LA DAME DES TROUBADOURS

Guillelmine ou Guilelma est probable-ment une sœur de Géralda, l’épouse du sei-gneur de Bergerac et Gensac, Hélie RudelII, et une fille de Guilhem Raimond II deGensac, le plus important des seigneurs dunord Bazadais28.Tous les textes de naturediplomatique, actes de cartulaires, mande-ments de la chancellerie anglaise qui laconcernent sont placés entre 1228 et 1243.C’est une autre vie qu’ils révèlent d’elle.Car les poèmes dont elle est l’objet ont étéécrits une vingtaine d’années auparavant.

Le troubadour qu’elle a inspiré à aumoins deux reprises est Savary de Mauléon(ca. 1180-1233). Savary est un bel exempledu chevalier-troubadour poitevin, presti-gieux et déroutant. Il appartient à une desquatre plus grandes familles seigneurialespoitevines et la sienne contrôle une partimportante du littoral atlantique avec lesseigneuries de Talmond et Châtelaillon.Chevalier célèbre pour sa vaillance dont lavie agitée est ponctuée de nombreux faitsd’armes, Savary de Mauléon est aussi connupour sa versatilité puisqu’il sait tirer profitda la longue guerre entre Capétiens et Plan-tagenêts pour virer casaque à au moins six

reprises29. Il est au service du Capétien en1202, puis à celui de Jean sans Terre dontil devient le sénéchal de Poitou et de Gas-cogne (1205-1209). Il revient vers Philip-pe Auguste en 1212-1213, après quoi il re-tourne du côté des Plantagenêts, grâce àqui il redevient sénéchal de Poitou et deGascogne (1221-1224). Il fait ensuite hom-mage à Louis VIII (1224) et à la mort de cedernier revient dans l’allégeance anglaise(1226).

Ce « maître en traîtrise », réputé encorepour sa prodigalité, se pique aussi depoésie. Il cherche manifestement à incar-ner le chevalier idéal, preux et courtois. Savie littéraire se situe dans les années 1200-1211. Là, il joue les mécènes protégeantdes troubadours (Gausbert de Puycibot,Uc de Saint-Circ), établit des relations avecd’autres (Uc de la Bacalaria, GaucelmFaidit) et compose lui-même30. De cesœuvres, il reste trois textes : une cobla (unechanson très brève) et deux partimens31.Ce dernier genre, appelé aussi joc partit,est une discussion en vers autour d’unequestion précise énoncée au préalable.

C’est dans les deux partimens qu’il estquestion de Guilhemine de Benauges (voirannexes). Savary connaît bien Benauges.Nous avons vu plus tôt que c’est à lui quele roi Jean remet le castrum de Benaugesen garde, le 2 août 1206, pour une duréequi n’est malheureusement pas connue32.Savary rencontre-t-il Guilhemine en cetteoccasion ? C’est probable, mais l’âge tardifde la première maternité de la vicomtesse(c. 1223) pose question. Soit le sénéchalcroise en cette occasion une très jeune vi-comtesse éprouvant par la suite des diffi-cultés à avoir des enfants. Soit le mariageest ultérieur à sa garde de Benauges etSavary ne connaît pas la femme dont ilparle, à l’instar de Jaufre de Blaye chantantla beauté de la lointaine comtesse de Tri-poli. À cette époque, Savary n’est qu’audébut de sa longue et tumultueuse carriè-re. À un peu plus de 25 ans, alors qu’il estdéjà sénéchal du Poitou et marié à Belle-Assez de Chantemerle, Savary a guerroyé

en Poitou et fait parler de lui en Angleter-re. Mais il n’a pas encore reçu l’héritagepaternel, toujours aux mains de son oncleen vertu du droit de viage. Il n’est donc pasencore le puissant seigneur qu’il sera à lamort de son oncle, mais il n’est pas nonplus un poète sans le sou en attente des fa-veurs d’un mécène ou d’une riche héri-tière, ce que sont beaucoup de troubadoursde l’époque. Il ne fait que prendre à soncompte la posture classique du chevaliercourtois, pour mieux incarner cet idéal.

Dans le premier partimen « Savaric e.usdeman » Savary joute avec le prévôt de Li-moges afin de décider quelle est la Damequi a le plus de mérite. Est-ce celle qui sefait désirer et n’accorde rien, ou bien cellequi succombe immédiatement, séduite parla valeur et le mérite du chevalier ? Guil-hemine de Benauges apparaît dans la tor-nade , une des dernières strophes dupoème, plus courtes que les précédentes,dans laquelle le troubadour en appelle aujugement d’une cour d’amour composéede trois nobles dames : Na Guillelma deBenauges, Na Maria de Ventadour et ladomna de Montferand, « parce que toutesles trois sont sans tromperie ». Le secondpartimen « Gaucelm, tres jocs enamoratz »(Gaucelm, voici trois jeux amoureux) estplus connu. Il développe les argumentsprêtés à Gaucelm Faidit et Uc de la Baca-laria en réponse à la requête de Savary.Celui-ci leur demande quelle est la plusbelle preuve d’amour qu’une dame adres-se à chacun de ses trois soupirants : unregard, un contact de la main ou un frôle-ment du pied ? Gaucelm défend la premièrealternative, Uc soutient la deuxième, Savaryla troisième. Ne pouvant se départager, ilss’en remettent au jugement de trois dames,dont Guilhemine de Benauges, choisie parGaucelm Faidit en raison « de ses parolescourtoises et amoureuses ».

Les razos de ces deux partimens, c’est-à-dire le texte en prose précédant et com-mentant le poème, récités par le jongleuravant d’interpréter la chanson, dressent unautre portrait de la vicomtesse. Ils ont été

Page 5: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

34

composés par Uc de Saint-Circ, un modes-te chevalier de l’entourage du comte deRodez au service de qui il participe auxopérations militaires de la croisade des Al-bigeois et qui devient jongleur. Ses rela-tions avec Savary de Mauléon qui le pro-tège se placent entre 1211 et 121333. Ucfait de son protecteur le portrait d’unmaître en courtoisie, expert en amour eten souffrance d’amour. Alors que danschacun des deux partimens, Guilheminen’est évoquée qu’à la tornade, pour prési-der une cour d’amour et débattre des casexposés, les razos font d’elle l’actrice cen-

trale de la relation amoureuse. Ils l’identi-fient d’abord à la Dame dispensant lessignes d’amour à trois courtisans : Savarylui-même, Jaufre Rudel IV de Blaye, le suc-cesseur du célèbre troubadour des années1130, et Hélie Rudel II de Bergerac et deGensac, le plus puissant des seigneurs dela vallée de la Dordogne34.

« Savary de Mauléon s’en alla à Benaugesvoir la vicomtesse, ma domna Guilheminedont il était amoureux ; il y avait avec luile seigneur Hélie Rudel de Bergerac, etJaufre Rudel de Blaye. Tous les trois im-ploraient son amour. Et avant que cela n’ar-

rivât, elle avait tenu chacun d’eux par labride de son cheval, ce qu’ils ne savaientpas.Tous les trois se sont assis près d’elle,l’un sur le côté, l’autre en face, et le troi-sième devant.Tous les trois la regardaientamoureusement. Et elle, comme la dame laplus audacieuse qui se fut jamais vue, com-mença à regarder amoureusement JaufreRudel de Blaye, parce qu’il était assisdevant; et elle prit la main d’Hélie Rudelde Bergerac et la serra amoureusement ; età mon seigneur Savary, elle posa son piedsur le sien, en souriant et soupirant.Aucund’eux n’a remarqué le plaisir de l’autre jus-

Gaston IV le Croisé vic. Béarn

(1090-1131)=Talèse d'Aragon

Centulle VI vic. Béarn

(1131-1134)

Guiscarde

(1134-1154)

Pierre II Soriguers vic. de Gabarret

(1097-1126)

Pierre Ier vic. de Gabarret

Roger vic. de Gabarret

Arnaud Roger

Pierre III vic. Gabarret et Béarn

(1126- 1153)= Matelle de Baux

Gaston V vic. Gabarret et Béarn

(1153-1170)Marie (1170-1173)

= Guillaume de Moncade

Gaston VI (1173-1214)

= Petronille de BigorreGuilaume Raimond

(1214-1224)

Guillaume III Moncade

(1224-1229)

Gaston VII Moncade

(1229-1290)

Gilia = Bernard II de Bouville, vic.

(1155/1182-1195)

Guillaume Amanieu IV de Benauges

vic. Bezeaumes et dom. Benauges

(1155-1182)

= Amauvine

Guilhem Amanieu V de Benauges

(1155-1182)

Pierre IV de Gabarret

vic. Bez. et Benauges

(1195-1234)

Bernard III de Bouville

Roger de Gabarret

Pierre V de Gabarret

Guilhem de Bouville

= Guilhemine, vicomtesse

fille de Guilhem Raimond II de Gensac

= fille de Hugues de Vivonne

=

Ermengarde,

prieure de CoyrouxGéraud

LA PLACE DE GUILHEMINE,VICOMTESSE DE BENAUGES, DANS LES FAMILLES DE GABARDAN-BÉARN ET BENAUGES-BEZEAUMES

Page 6: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

35

qu’à ce qu’ils soient sortis, lorsque JaufreRudel dit à Savary comment la dame l’avaitregardé et Hélie comment elle lui avaittenu la main. Et Savary, quand il eut en-tendu qu’elle avait fait autant de plaisir àtous, fut attristé et ne parla pas de ce qu’el-le lui avait fait, sinon en appelant GaucelmFaidit et Uc de la Bacalaria, pour leur sou-mettre une joute, afin de savoir à qui elleavait montré le plus de plaisir et d’amour.Et la joute de la question commence ainsi :Gaucelm, voici trois jeux amoureux»35.

Le razo du partimen « Savaric e.usdeman » évoque les prouesses faites parSavary pour séduire Guilhemine de Be-nauges, l’épouse de Pierre de Gabarret, pourqui il se rend souvent en Gascogne, attirépar la fausse promesse de recevoir le plai-sir d’amour (fazia plazer d’amor). Ses amisreconnaissant la tromperie (engan) lui pré-sentent une dame de Gascogne, « joyeuse,belle et avenante » en la personne de l’épou-se de Guiraut de Manchac, dont Savarytombe amoureux. C’est parce que la vi-comtesse, piquée de jalousie, appelle Savaryà elle le jour où il a prévu de rencontrer ladame de Manchac, qu’il s’ouvre à Uc deSaint-Circ et au prévôt de Limoges pour leurexposer son dilemme36.

La prudence s’impose. L’anecdote à labase de laquelle, selon le razo Gaucelm,tres joc enamorat a peut-être un écho dansle Peironet, en Savartes dans lequel Peirede Gabarret se plaint de la trahison de troishommes anonymes. Mais on ne peut man-quer de souligner la discordance entre lespartimens de Savary et les razos. Il n’estpas inenvisageable que, pour présenter lesfaits sur lesquels s’appuient les partimens,Uc de Saint-Circ ait ultérieurement mis enscène la vicomtesse de Benauges unique-ment parce que celle-ci était évoquée dansles deux tornades des partimens. Il y adonc matière à douter de la véracité de ceque les razos attribuent à Guilhemine. D’au-tant que la fidélité aux thèmes de la litté-rature courtoise des œuvres engage à nepas prendre au pied de la lettre toutes lesinformations qu’elles contiennent.

Si l’on s’en tient aux informations despartimens, Guilhemine eut à présider aumoins deux « cours d’amour ». Il s’agitd’une forme de métaphore des cours sei-gneuriales où se règlent les conflits entreseigneurs selon un rituel huilé et dont lespartimens reprennent les étapes, avecexposé des faits, débat contradictoire etsentence judiciaire prononcée collective-ment37. À l’instar des fictions d’aujourd’huidont les auteurs trouvent, avec les procèsqu’ils mettent en scène, les meilleurs in-grédients de leurs narrations, les œuvreslittéraires des XIIe et XIIIe siècle transpo-sent des sessions de plaids où s’exprime,selon une procédure coutumière et nonsans tension dramatique, le souci d’habillerles conflits des traits distinctifs de l’aris-tocratie. Ces textes doivent donc être vuscomme des miroirs des pratiques socialeset des préoccupations de ce groupe. Ilsévoquent d’ailleurs directement quelquesunes des valeurs cardinales de l’aristocra-tie : la fidélité (« franchement, sans cœurfélon »), la recherche de l’honneur (« l’hon-neur est cent fois supérieur »), le repous-soir de la vilainie (« et si une dame de cœurvil me touchait le pied »), enfin la courtoi-sie (« avoir des courtoises paroles amou-reuses », « de faire la cour du pied »).

Les œuvres qui mettent Guilhemine enscène, partimens et razo, s’inscrivent dansles canons de la poésie courtoise et de laculture profane de l’époque dont l’aristo-cratie laïque fait un usage massif pour y va-loriser son idéologie, cultiver une positionmorale et prétendre, grâce au sentiment desupériorité que confère l’usage de l’écrit,à la domination sociale38. La courtoisie danslaquelle baigne Guilhemine désigne à la foisla vie de cour (sens large) et le savoir-vivre(sens étroit). La culture de cour est à l’ori-gine de la naissance de la littérature profa-ne qui abandonne le latin des clercs pourles langues vulgaires, afin d’exalter les va-leurs chevaleresques de l’exploit individueldans la guerre ou l’aventure, ainsi que la fi-délité au seigneur ou à sa dame. Le déve-loppement de cette culture spécifiquement

nobiliaire tient à la volonté de pacifier lesrelations au sein de la noblesse, surtout dansles cours seigneuriales, par un auto-contrô-le personnel et une intériorisation indivi-duelle des normes morales. Mais comme lemontre le partimen, la courtoisie procèdeaussi du désir de distinguer le noble ducommun des mortels, par ses gestes, ses at-titudes et ses paroles.

L’émanation suprême de la courtoisieest l’amour courtois, appelé fin’amors dansla lyrique d’oc et amour fin au nord, voire« amour pur et vrai ». Le thème est récurentdans l’ensemble de cette production litté-raire, au point d’avoir fait l’objet d’un traité(le De amore d’André le Chapelain, c. 1190).On peut caractériser cet amour exigeanten quelques points, bien représentés dansles partimens et dans les faits qui sontcensés les avoir inspirés. Dans l’amour cour-tois la relation découle d’un choix libre etvolontaire des amants (ce que n’est pas lemariage). La dame est obligatoirementmariée, ce qui est le cas de Guilhemine.L’amour courtois est donc adultère puisquele lien matrimonial est contraire à l’exi-gence du libre choix, de la distanciation etde la sublimation de l’amour fin. Les razossoulignent aussi le rang vicomtal de Guil-hemine, ce dont ne peut pas se prévaloirSavary. En effet, dans l’amour courtois laDame est de condition supérieure ; elle estl’épouse du seigneur qui attire sur elle lesregards des juvenes vivant dans l’entoura-ge du seigneur et qui aspirent à s’élever,par les prouesses qu’elle leur inspire.

Par rapport à la femme aimée, l’amant seplace ainsi dans une situation de dépendancequi n’est pas sans rappeler la subordinationvassalique. Guilhemine est Na, domna.L’amant engage sa foi sans tromperie niengan. La transposition des codes de la vas-salité est un trait fréquent de la littératureprofane de cette époque. Les troubadourset leur public restent dans la métaphore ducode féodal : le chevalier prête hommage àla dame, à genoux, les mains jointes. Enfin,malgré la proximité des amants, voire la pro-miscuité que suggèrent bien razos et parti-

Page 7: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

36

men, la relation se situe essentiellement surun registre spirituel. L’amour fin impose uneascèse, une souffrance devant les atermoie-ments d’une Dame qui demeure inacces-sible. Quant aux allusions érotiques, fré-quentes à vrai dire, elles ont vocation àmieux sublimer l’amour inassouvi. L’amourfin apprend la mesure, la modération, la pa-tience endurante, la loyauté et l’obéissance.Il est considéré comme une source de pro-grès moral et spirituel.

Il serait donc téméraire de s’arrêter àces œuvres pour tenter de brosser un por-trait de la vicomtesse de Benauges et d’endéduire quoi que ce soit sur sa vie privéeou sa sexualité car l’empreinte des topoi,ces lieux communs recyclés dans ces pro-ductions littéraires, ne peut pas être au-trement que bien appuyée. Il reste que sic’est sur Guilhemine que le choix deSavary s’est d’abord porté ce n’est pas seu-lement parce qu’il l’a peut-être connue en1206 et dans les années ultérieures. Il a dûapprécier la cour de Benauges, ouverte àl’art de « trouver » comme le montre la pro-duction de Peire de Gabarret. Avec sonépoux, Guilhemine a probablement reçuassez d’éducation littéraire pour être sen-sibles aux compositions courtoises, ac-cueillir des jongleurs, écouter les compo-sitions des troubadours de l’époque etorganiser des cours d’amour.

III. LA VEUVE EXEMPLAIRE

La suite et la fin de la vie de Guilhemi-ne sont documentées par des textes diffé-rents. Ils donnent à voir une vicomtessesur la défensive s’efforçant d’être uneveuve exemplaire.

Les problèmes de santé de son épouxla font passer en pleine lumière. En 1228,un mandement informe le sénéchal de Gas-cogne que le roi Henri III a promis à Willel-ma, épouse de Pierre de Gabarret, vicom-tesse de Byeaumes, de conserver le douaire(dos) que son époux lui a assigné au casoù « Pierre survivrait » et même après samort39. Le 21 janvier 1234, elle est veuve.

À cette date, le roi ordonne au sénéchalHugues de Vivonne de mettre en garde laterre du défunt Pierre de Gabarret et d’or-ganiser l’union entre son fils (Bernard IIIde Bouville) et la propre fille du sénéchal40.Son successeur, le sénéchal Henri de Tru-beville, mène une politique matrimonialecomparable en obtenant, pour sa fille, lamain du seigneur de Blaignac41. En atten-dant, comme le rappelle un mandement du11 janvier 1235, à une époque où le ma-riage n’est pas encore conclu, c’est Huguesde Vivonne qui a la garde de la seigneurie,pendant la minorité du fils de Guilhemine,ce qui suscite des réticences à en juger parla réitération de ces mandements le 5 jan-vier et le 13 mars 123642.

Le douaire de la vicomtesse, que le roidéfend encore le 4 février 1236, lui évited’être reléguée au second plan et lui offreles moyens de se battre pour la défense dela seigneurie de son fils43. En 1237, elles’oppose aux moines de Sainte-Croix ausujet de la justice de Saint-Macaire puis àceux de La Sauve sur la dîme de Sainte-Croix-du-Mont (1240)44. La grande enquê-te de 1236-1237 l’accuse d’avoir « acheté »au sénéchal Henri de Trubleville desgroupes d’hommes francs du roi dans lesparoisses de Loupiac, Cadillac et Sainte-Croix-du-Mont45.

Mais il est surtout question d’elle dansles mandements de la série des premiersRôles gascons, pour les années 1242-1243.Le roi Henri III qui est arrivé en Gascognepour tenter de reconquérir les territoiresperdus par son père Jean sans Terre, duPoitou à la Normandie, profite de son séjour(17 mai 1242-14 septembre 1243) pour res-serrer la bride sur les seigneurs. Pas moinsde huit textes extraits de cette série concer-nent la vicomtesse de Benauges. Ils illus-trent bien cette politique aux multiples fa-cettes, militaires, judiciaires ou fiscales.

Le 12 novembre 1242, la vicomtessefigure dans la liste des quarante-quatregrands seigneurs convoqués à l’ost du roi-duc pour être à Sainte-Bazeille le vendrediaprès l’octave de saint Martin46. Le roi

cherche à prêter main forte à son allié lecomte de Toulouse contre leur adversairecommun, le roi de France saint Louis. Encette occasion, Guilhemine est la seulefemme répondant à une telle convocation,tous les autres vicomtes ou seigneurs châ-telains sont des hommes. Cette singularités’explique probablement par l’absence deson jeune fils, puisque c’est à Bernardqu’avaient été adressées d’autres convoca-tions à l’ost, les 25 mai et 11 septembre124247. Le 4 septembre 1243, il rentre d’unpèlerinage dont la destination n’est pas pré-cisée et s’arrête, à Bergerac, chez sa tante48.

Guilhemine occupe la première lignependant ces quelques mois, face à un roiqui entend faire valoir son droit de garde.Le 6 et le 21 février 1243 (n.st.), puis le 12mars 1243 (n.st.), trois mandements lui sontadressés, enjoignant de livrer les castra deBenauges et Saint-Macaire et d’y accueillirdes garnisons royales49. C’est probablementla raison pour laquelle, en ce même moisde février 1243, le roi convoque les milicesurbaines à La Sauve le lendemain du mer-credi des Cendres50. Au même moment,l’autre branche de la famille s’agite. Rogerde Gabarret, le frère cadet de Pierre IV, faitl’objet de deux autres mandements. Le 7avril le roi ordonne de faire libérer un bour-geois de Langon que Roger de Gabarret re-tient prisonnier et de n’accepter ce dernierdans aucun des châteaux de la région51.Trois mois plus tard, les prud’hommes deSaint-Macaire, Langon, et Rions, le prévôtde Barsac, les seigneurs de Langon et deRions, ont ordre de ne pas recevoir Rogerde Gabarret, qui a « attenté à la paix du roi »,et de se saisir de lui52.

Les empiètements du roi dans la sei-gneurie de Benauges et Saint-Macaire n’ontpas l’heur de plaire à la vicomtessepuisque, le 21 février 1243 (n.st.), elle estsemoncée pour être à la cour du roi avecson fils, le lendemain de la fête desCendres, car elle « refuse de rendre son dûau roi à propos du château de Benauges etde son fils »53. Elle s’oppose clairement auprincipe de reddition des châteaux, au nom

Page 8: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

37

duquel un prince peu étendre son contrô-le sur le réseau castral et s’assurer de laneutralité d’un puissant seigneur en cas deconflit.Au cas où les choses ne seraient pasassez claires, en cette fin du mois de février1243, la vicomtesse et son fils sont desti-nataires d’un autre mandement royal, adres-sé aux barons et milites, visant à faire payerun fouage à leurs hommes et à le verseraux percepteurs du roi54.Au-delà des be-soins de trésorerie indéniables d’un roi auxabois, ce nouvel impôt prouve que la fis-calité royale sert la même politique de miseau pas des grandes seigneuries.

Le conflit sur la juridiction de Saint-Ma-caire offre un moyen de plus pour amoin-drir la seigneurie de Benauges. L’antago-nisme est ancien. Saisi pour arbitrer laquerelle entre le seigneur de Benauges etl’abbaye de Sainte-Croix de Bordeaux quidispose d’un prieuré à Saint-Macaire, le 13janvier 1237 (n.st.), le sénéchal Henri deTrubleville donne droit à Bernard de Bou-ville qui peut prouver par témoins idoinesque son père, Pierre de Gabarret, possédaitla justice de Saint-Macaire pendant le règnede Jean sans Terre55. Mais le 9 septembre1243, le roi fait savoir qu’il prend en samain la justice du sang de Saint-Macairetoujours disputée entre l’abbé de Sainte-Croix, la vicomtesse et son fils : Guilhemi-ne et Bernard ne s’étant pas présentés aujugement de la cour du roi, la justice deSaint-Macaire est remise à l’abbé et au cou-vent de Sainte-Croix56. Pourtant, le mêmejour, Guilhemine et son autre fils, Gérard,acceptent une composition dont on ignoreles clauses avec l’abbé de Sainte-Croix surla justice du sang de Saint-Macaire57. Enfin,quelques semaines plus tard, un mande-ment est adressé à l’abbé de Sainte-Croixpour se présenter devant le roi le vendre-di avant le 30 novembre afin de savoir cequ’il tient de la justice de Saint-Macaire ; ily est dit que cette justice a été prise enmain par le roi pendant le sénéchalat deHubert Hoese (septembre 1237-début1238) et que la vicomtesse de Benaugesprétend avoir encore des droits58. L’ordre

des faits déroulés entre septembre et no-vembre 1243 laisse deviner le scénario sui-vant. Profitant de l’absence de Bernard deBouville, l’abbé de Sainte-Croix ranimed’anciennes prétentions à Saint-Macaire etparvient à obtenir du roi, sous prétexte dedéfaut de comparution, une décision fa-vorable. Dans un second temps, Guilhemi-ne réagit en recherchant, avec son deuxiè-me fils, un accord avec Sainte-Croix. Enfin,dans un dernier temps, réconfortée par leretour de Bernard, elle peut réclamer cequi avait été saisi.

En l’état de nos investigations, c’est ladernière apparition dans les textes de cettevicomtesse dont la vie « publique », au pre-mier plan de la scène politique régionale,dure donc une dizaine d’années, de 1234 à124359. De fait, dès 1244, Bernard livre uneguerre à Amanieu d’Albret pour obtenir delui l’hommage pour les biens tenus enCernès et à Pissos60. Sa mère est définitive-ment reléguée dans l’anonymat des sources.

Somme toute, le destin de Guilheminen’échappe pas aux conditions dans les-quelles les femmes de la haute aristocratiede cette époque peuvent exercer des res-ponsabilités de premier plan, comme Alié-nor d’Aquitaine ou Blanche de Castille :une fois devenues veuves et seulementpendant la minorité ou l’absence de leurfils61. Grâce au douaire (dos) dont Guilhe-mine obtient reconnaissance par le roi, ellepeut rester une « bonne veuve » selon lescanons nobiliaires de l’époque, c’est-à-diredemeurant dans le foyer d’adoption,n’abandonnant pas ses enfants et qui n’obli-ge pas, en se plaçant à nouveau sur lemarché matrimonial, la famille qui l’a ac-cueillie à restituer la dot.

CONCLUSION

Comme si elle avait connu plusieursvies, cette vicomtesse a successivementporté plusieurs visages. Celui de la jeuneépouse d’un grand seigneur territorial, pro-bablement courtisée par les troubadours,et qui fait honneur à la mode des cours

d’amour. Puis celui de la veuve exemplai-re qui défend virilement l’honneur familialcontre une monarchie soucieuse de lami-ner la puissance de l’aristocratie châtelai-ne, à la manière de ces maîtresses femmessur lesquelles s’arrêtent les auteurs de gé-néalogies seigneuriales, voire des modèlesde combattantes puisés dans l’Ancien tes-tament, comme celui de Déborah (Juges,4-5)62. Entre les deux, et pour la postérité,Guilhemine devient la femme des écritsd’Uc de Saint-Circ, dont l’image est noircieà dessein pour mieux faire valoir les qua-lités du protecteur de ce jongleur sans lesou. Il faut donc prendre garde aux illu-sions d’optique. La vicomtesse décrite parles razos d’Uc de Saint-Circ est probable-ment une fiction. Mais la veuve exemplai-re ne joue-t-elle pas un autre rôle en sepliant aux normes de son groupe social ?En somme, loin de représenter une ana-chronique femme libérée, Guilhemine estavant tout guidée par le souci de suivre lescodes et les représentations d’une noblessedont la traditionnelle domination socialeest de plus en plus remise en cause.

Le choix du prieuré de Coyroux, en Li-mousin, pour accueillir Ermengarde, la fillede Guilhemine et de Pierre IV, est aussi sug-gestif. Ce monastère de femmes créé parÉtienne d’Obazine en 1142, ne procède pasd’une valorisation d’une image de la femme,au contraire d’un autre monastère doubleplus célèbre, Fontevraud, pour lequel Alié-nor d’Aquitaine éprouvait une dilection par-ticulière. Dans celui-ci, le fondateur Robertd’Arbrissel avait osé placer les moines sontla direction d’une abbesse et se faisait fortd’accueillir des femmes ayant été mariées.À Coyroux, les moniales vivent dans unestricte réclusion, volontairement laisséesdans l’ignorance, entassées dans un espaceétroit et soumises à une très étroite dépen-dance vis-à-vis des moines de l’abbaye cis-tercienne d’Obazine63. En participant à cechoix pour sa fille, Guilhemine promeutdonc une autre image de la femme du XIIIe

siècle, à l’opposé des modèles qu’elle a au-trefois incarnés ou contribué à représenter.

Page 9: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

38

[I] Peironet, en SavartesVai a.n Per de Durban irE digas li que vers esQue la gensser ses mentir

Ab si.m colguet una nuoich per amorE no.ill fi, de qe sui en error.Per ti me man si es dreitz que m’auciaO, s’ill me trac, si me fai cortesia.

[II] Trahitz sui per aquels tresDon plus me cuidei gauzirE car aissi m’ant perpresFui vergoignos al partirE pregui Dieu qe.don ir’e dolorE que ja mais no.m don joi senes plor,E si no.m fos tengut a vilania,Eu me meira monges en l’abadia

[III] Ben volgra tot mon arnesAver donat ses mentir,Que a las dompnas plaguesQe.degnesson captenirDel faillimen q’ai fach vas la genssor

E non per so c’anc no.m viriei aillor ,C’ab si.m colguet una nuoich par pariaE ges no.m puosc vanar qe sos drutz sia

[IV] Dompna, s’oimais vos lais de drudaria,Vostr’er lo dans e l’anta sera mia !

Peironet, va-t-en en SabartésVoir Pierre de DurbanEt dis lui que la plus belle des femmesSans mentir, par amour, coucha [voulut coucher ?] avec moi unenuitEt je n’en fis rien, ce pour quoi je fus fautif.Si c’est moi qu’elle aime à travers toi, alors tu as le droit de metuerOu alors, en paraissant m’aimer, elle me trompe.

Je suis trahi par ces trois-làDe la part desquels je croyais pouvoir attendre le plus de joieEt parce qu’ils m’ont séduit [pour me tromper]Au moment de partir, je me trouvai honteuxEt je prie Dieu de me donner Colère et DouleurEt de ne jamais me donner joie sans pleursEt ainsi, pour ne pas être taxé de vilenieJ’irai me faire moine à l’abbaye

Je veux bien, sans mentir,Avoir donné tout mon harnaisS’il plaisait aux damesDe daigner me soutenirPour les fautes que j’ai commises devers la plus belle desfemmesEt non pas parce que jamais je n’irai voir ailleursMais bien pour qu’elle accepte une nuit en ma compagnieQue je ne puisse jamais plus me vanter d’être son amant

Dame, si je vous laisse en paix, à l’avenir, avec mon amourJe vous ferai tort et me couvrirai de ridicule

PIÈCES JUSTIFICATIVES

Peironet, en SavartesPeire de Gavaret

éd. KOLSEN (Adolf), Dichtungen der trobadors, I, Halle, 1916, p. 72-73,traduction David Escarpit

Page 10: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

39

[I] Peironet, ben vos es presCar sai vos a faich venirGavaretz, si m’ajut fesCar vol de sidonz auzirConsel d’aisso, don estai en error ;Q’ieu sai jutgar los tortz e.ls dreitz d’amor,E la dompna non fara ja foillia,Anz faillira, si mon conseill cambia.

[II] Eu jutge que razos es,Com no m’o pot contrarir,Qe.ls rend’a sidonz totz tresPer desfar e per aucir ;Que nuills rics hom non deu auzir traichor,Que traichers es qui faill a son seignor,E la dompna fara gran cortesia,Si.n fai tot so q’ieu l’aconseillaria.

[III] Eu conseill que sion presE c’om los fasa ferir,E l’uns dels tres sia mesEn loc, don mon vei’eissir,E.il doi sion pendut sotz cobertor,Car failliron a la cocha major,E si per so uns dels tres no.s chastia,Mal perda Dieu, qui mais en lor se fia,

[IV] Maivatz compaignos ac tresGavaretz, q’anc venc ferirQue l’us fo fals e mespresDe so qe.l degr’envazir,E.il dui foron trepan ab lorE.l terz pica sul portal de la torE puois agron del tot la seignoria,E done s’en als dos l’acala via’ !

[V] Amics Engles, la vostra trichariaMi fai estar ses dompn’e ses amia.

Peironet, je vous ai bien priéDe m’envoyer Gabarret iciCar il veut entendreConseil à propos de ce qui l’a mis dans l’embarrasCar je sais juger les torts et les vertus d’AmourEt la dame ne fera plus jamais d’erreurOu bien elle faillira, si elle dévie de mon conseil.

Je tiens pour justeQu’il ne puisse même pas contesterQu’il soit soumis à ses trois maîtressesPour être détruit et anéantiCar nul gentilhomme ne doit prêter l’oreille à un traitreIl est un traitre, celui qui faillit vis-à-vis de son seigneurEt la dame entretiendra une bonne relation amoureuseSi elle suit tous mes conseils.

Je conseille qu’ils soient prisEt qu’on les fasse châtier corporellementEt que l’un d’entre eux soit emprisonnéEn un lieu dont il ne pourra jamais sortirEt que les deux autres soient pendus en cachetteCar ils ont failli à l’épreuve principaleEt c’est pour ça que, si’ un des trois n’était pas châtiéQue Dieu perde qui se fierait jamais à eux [qui ne les ont paschâtiés],

Ce sont trois mauvais compagnonsQu’eût Gabarret, que jamais il ne vint punir.Car l’un fut faux et méprisable,De telle sorte qu’il devrait bien l’attaquer,Et que le deuxième soitEt qu’ils battent le troisième devant la porte de la tourAinsi, ils auront le contrôle de toutEt que leur soit donné à tous deux de faire bonne route.

Ami Engles, votre tricherieMe fait rester sans compagne et sans amie

Peironet, ben vos es presPeire de Durban

éd. KOLSEN (Adolf), Dichtungen der trobadors, I, Halle, 1916, p. 75-76,traduction David Escarpit

Page 11: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

40

[I] Gaucelm, tres jocs enamoratzPartisc a vos et a N’Ugo,E chascus prendetz lo plus boE laissatz me qual que.us volhatz :

Una domn’a tres preiadors,E destrenh la tan lor amorsQue, quant tuit trei li son denan,A chascun fai d’amor semblan :L’un esgard’amorozamen,L’autr’estrenh la man doussamen,Al tertz caussiga.l per rizen.Digatz : al qual, pos aissi es,Fai major amor de toz tres ?

[II] Senh’En Savaric, ben sapchatzQue l’amics recep plus gen doQu’es francamen, ses cor felo,Dels bels olhs plazens esgardatz.Del cor mou aquela doussors,Per qu’es cen tans maier honors.E del man tener dic aitan,Que non li ten ni pro ni dan,Qu’aital plazer comunalmen,Fan domnas per acolhimen.E del caussigar non entenQue la domn’amor li fezes,Ni deu per amor esser pres.

[III] Gaucelm, vos dizetz so que.us platz,For que non mantenetz razo,Qu’en l’esgardar non conosc proA l’amic, que vos razonatz ;E s’el i enten, es folors,Qu’olh esgardan lui et alhorsE nulh autre poder non an.Mas quan la blanca man ses ganEstrenh son amic doussamen,L’amors mou del cor e del sen.

E.N Savarics, car part tan gen,Mantenga.l caussigar cortesDe pe, qu’eu no.l mantenrai ges.

[ Savary ] À vous Gaucelm [Faidit],Et à vous Uc [de la Bacalaria], je me permets de choisir troisjeux d’amour ;À chacun je demanderai le meilleur et vous me laisserez ce quevous voudrez.Une dame a trois suppliants Et son amour la presse tant Que lorsqu’elle les a tous les trois devant,À chacun elle montre de l’amour.Elle regarde l’un amoureusement,Elle tient l’autre de la main avec douceur Et elle presse le pied du troisième en souriant.Dites, puisqu’elle fait ainsi,Auquel des trois montre-t-elle le plus d’amour ?

[ Gaucelm] Seigneur Savary, sachez Que l’ami reçoit un don plus gentil Quand franchement, sans cœur félon,Il est regardé par de beaux yeux agréables.Cette douceur procède du cœur,Parce que l’honneur est cent fois supérieur.À propos de tenir la main, je vous disQue cela n’apporte ni profit ni dommage Puisque habituellement les dames autorisent Ce plaisir comme une marque d’accueil.Et sur le fait de toucher du pied, on ne voit pasQu’avec cela la dame montre de l’amourOu doive être prise d’amour.

[ Uc] Gaucelm, vous dites ce qu’il nous plait,Sauf que vous ne défendez pas la raison,Puisque que dans le regard que vous défendez,Je ne vois rien de probant pour l’ami.Et si celui-ci l’entend ainsi, c’est une sottise,Parce que les yeux le regardent lui et bien d’autres choses,Sur lesquels ils n’ont aucun pouvoir.Mais quand la blanche main sans gants Étreint doucement son ami,L’amour surgit du cœur et du sens.Et, vous seigneur Savary qui proposez si gentiment [cettejoute],Défendez le fait de faire la cour du pied,Parce que je ne le défendrai pas.

Gaucelm, tres jocs enamoratzSavary de Mauleon

éd. De RIQUER (Martín), Los Trovadores, Historia literaria y textos, n°185, Barcelona, 1975, p. 944-948.

Page 12: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

41

[IV] Senher, pos lo melhs mi laissatz,Mantenrai.l eu, ses dir de no ;Don dic que.l caussigars que foFaitz del pe fo fin’amistatz,Celada de lauzenjadors,E par be, pos aital socorsPres l’amics rizen caussigan,Que l’amors es ses tot enjan.E qui.l tener de la man prenPer maior amor, fai nonsen.E d’En Gaucelm no m’es parvenQue l’esgart per melhor prezes,Si tan com ditz d’amor saubes.

[V] Senher, vos que l’esgart blasmatzDels olhs e lor plazen faisso,No sabets que messatgier soDel cor que.ls i a enviatz ;Qu’olh descobron als amadorsSo que reten el cor paors,Don totz los plazers d’amor fan.E maintas vetz rizen gabanCaussiga.l pe a mainta genDomna ses autr’entendemen.E N’Ugo mante falhimen,Que.l teners de man non es res,Ni non cre qu’anc d’amor mogues.

[VI] Gaucelm, encontr’amor parlatzVos e.l senher de Malleo,E pareis ben a la tenso ;Que.ls olhs que vos avetz triatzQue razonantz pels melhorsAn trahitz mains entendedors.E de la domn’ab cor truan,Si.m caussigava.l pe un an,Non auria mon cor jauzen.E de la man es ses contenQue l’estrenhers val per un cen,Car ja, si al cor non plagues,L’amors no l’algr’al man trames

[VII] Gaucelm, vencutz etz el contenVos e N’Ugo, certanamen,E volh que.n fassa.l jutjamenMos Gardacors que m’a conques,E Na Mari’, on bos pretz es.

[ Savary ] Seigneur, vous me laissez le meilleur Et je le défendrai sans me renier.Je dis que presser du pied Fut une démonstration de réelle amitié,En cachette des médisants.Il est évident que l’ami reçoit une aide aussi manifeste du piedet d’un sourire,Parce que l’amour est libre de tromperie.Et celui qui considère que prendre la main Donne plus d’amour n’est pas sensé.Quant à Gaulcelm, s’il connaissait l’amour Autant qu’il en parle,Il ne parlerait pas aussi bien du regard.

[ Gaucelm] Seigneur, vous qui dénigrez le regard Des yeux et son agréable semblant,Vous ne savez pas que ce sont des messagers Qui ont envoyé le cœur ;Parce que les yeux découvrent aux amoureux Ce que la crainte retient dans le cœur.C’est pour quoi ils accordent tous les plaisirs de l’amour.Et beaucoup de fois, la dame en plaisantant,Sans autre intention, presse du pied beaucoup de gens.Uc défend une erreur,Parce que retenir la main n’est rien Et je crois que cela ne procède jamais de l’amour.

[ Uc] Gaucelm, vous et le seigneur de Mauléon, parlez contrel’amour,Et cela est évident dans la discussion.Parce que les yeux, que vous avez choisis Et que vous défendez comme ce qui est meilleur,Ont trahi beaucoup d’amoureux.Et si une dame de cœur vil me pressait du pied pendant un an,Je n’aurais pas le cœur joyeux.Mais étreindre la main, sans dispute,Cela vaut cent fois mieux,Puisque s’il ne satisfait pas le cœur,L’amour ne sera pas transmis à la main.

[Savary] Gaucelm et vous, Uc,Avez été totalement vaincus dans la lutte,Et je veux que jugent [maintenant],Mos Gardacors, qui m’a conquis et Marie, en qui réside le bon mérite.

Page 13: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

42

[VIII] Sehner, vencutz no sui nien,Et al jutgar er ben parven,Per qu’eu volh qu.i si’eissamenNa Guilhelma de BenauguesAb sos ditz amoros cortes

[IX] Gaucelm, tant ai razo valenQu’amdos vos fortz e mi defen ;E sai un’ab gai cors plazenEn que.l jutjamens fora mes,Mas pro, vei, n’i a mais de tres

[Gaucelm] Seigneur, je ne suis pas absolument vaincu Mais il est manifeste que l’on arrive au jugement,C’est pourquoi je veux qu’intervienne aussiGuilhemine de Benauges Avec ses courtoises paroles amoureuses.

[Uc] Gaucelm : ma raison est tellement puissante Que je vous force tous les deux et que je me défends.Et je connais même une dame ayant un corps agréable À qui on peut soumettre le jugement.Mais je vois qu’il y en a assez de trois.

[I] Savaric e.us demanQue.m digatz en chantanD’un cavallier valen,Qu’a preiat longamenUna dompna prezan,Et ill met l’en soan,Puois prega n’autra q’esdeven s’amiaE dona.il jorn c’ab lieis siaPer penre tot son voler ;E qand l’autra.n sap lo ver,Manda.il q’aquel mezeis diaLi dara.l joi, qe.il queria.D’engal pretz e d’un semblanSon, e chauzetz a cal an.

[II] Prebost, li fin amanNon van lor cor camjan,Anz amon leialmen ;Si tot si fant parvenC’anon aillors preian,Ges per tant no.s partranDe lai on an assis lor drudaria,Car ges per una fadiaNo.n deu hom son cor mover,Anz atenda.l bon esperDe lieis q’en car se tenia.Lai se prend’e teingna via,Qu’eu non pens q’ella l’engan,Pois er. vengutz a son man.

Savaric, je vous demandeDe me parler en chantantD’un cavalier vaillantQui a prié longuementUne dame digne d’amourQui l’a humiliéAlors il en prie une autre de devenir son amieEt qu’elle consacre tout le jour pour être avec luiPour prendre tout son amour ;Et quand l’autre sait la véritéElle lui promet que ce même jourElle lui donnera la joie qu’il voulaitCe deux-là sont de même valeur et faits d’égale façonDevinez laquelle.

Prebost, les amants sincèresNe changent pas leur cœur,Au contraire, ils aiment loyalementMême s’il y a apparenceQu’ils aillent voir ailleurs.Jamais, cependant, ils ne partirontCar jamais sous prétexte d’un refusUn homme ne doit détourner son cœur Mais au contraire, doit attendre le bon vouloirDe celle qu’il tient pour chèreLà il retient et renonce à son amourMais je ne crois pas qu’elle l’ait trompéQuand, après, elle s’est rendue à ses invitations.

Savaric e.us demanSavary de Mauléon

éd. KOLSEN (Adolf), Dichtungen der trobadors, I, Halle, 1916, p. 14-15,traduction David Escarpit

Page 14: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

43

[III] Seigner, et aura.i dan,S’ella, q’a son coman,L’a trobat avinenNi n’intra son covenPer so car l’am’e blan !Ben aura sen d’enfan,S’a lieis non vai, q’en grat lo retenia,E lais lieis que l’aucizia ;C’anc jorn no.il volc pro tenerNi.l plac sos precs retener.Mas ar qand ve que viuriaSens lieis, mor de gelosiaE per als no.il vai mandanMas car no.n vol que bel l’an.

[IV] Dompna’ab leugier talanNon ama tan ni qan,Prebost, ni non entenQue puosc’aver gran sen.Car ges dompnas non fanSo c’om vol, tro que anConogut c’om las ama ses bausia ;Mas cella, c’amors non liaVol a totz faire plazerE promet tost lo jazer,E qe.m pes, s’autre venia,C’atressi lo.s colgaria,Et es miells c’om moir’amanC’aia lieis, don tuich l’auran.

[V] Seigner, amor desfanDompnas, que vant loignanLor don e prometen ;Car qui dona breumen,Fai son don aut e gran ;Q’us dos val atretanC’om dona tost cum cel c’om loignaria,

Pois la sazos passaria.Car dos non pot tant valerCum qand hom lo vol aver,E vos tenetz a foilliaSo c’om plus grazir deuria ;Que sen fai, qand don’avan

Dompna c’om n’auja.l masan

Seigneur, il y aura peineSi elle, qui a le commandement sur luiL’a trouvé avenantEt ne respecte pas son engagement d’amourParce qu’elle l’aime et le séduit !Il serait alors bien infantileS’il ne va pas vers elle, qui est attentive et cède à ses désirsEn laissant celle qui le tuaitQui jamais ne voulut lui être utileNi ne lui fit le plaisir de tenir compte de ses prières.Mais maintenant, comme il s’aperçoitQu’il doit vivre sans elle, il en meurt de jalousieMais elle n’écoute pas sa prièreCar elle ne souhaite pas son bien.

Une dame éprouvant un faible désirNe s’attache à personne,Prebost, et ne peut comprendreQu’on puisse avoir de l’attachement,Car jamais les dames ne fontCe que veut un homme,Qu’elles n’aient acquis la certitude qu’il les aime sans faussée.Mais celle que l’amour ne lie pasVeut donner plaisir à tousEt promet bien vite le plaisir amoureux.C’est pour ça que je pense, si un autre venaitQu’elle coucherait aussi bien avec luiEt il vaut mieux, comme on peut mourir d’amour,Avoir laissé tomber celle-ci, que tous auront.

Seigneur, elles défont l’amourCes femmes qui promettentEt repoussent le moment du don ;Car qui donne rapidementGrandit et transcende son don ;Cela coûte pourtant la faveur À un homme quand il anticipe sur celle qui, du coup, lerejettera.Puis la saison passera.Car le don ne peut garder longtemps autant de valeurQue quand on le désire.Et vous tenez pour folieCe qu’un homme devrait estimer le plusCar une dame fait un commerce censé quand elle vous accordesa faveurSans écouter ce que disent les gens.

Page 15: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

44

[VI] Prebost, li dur afanE.il greu maltraich pesan,C’ai sofert, e.il tormentMi serion plazen,

Si.m trameti’un ganMa dompn’e.m mandes tanC’una vetz, anz que moris, la veiria ;Q’a son mandamen iriaO de maitin o de ser,Per c’ab leis vuoil remanerPer cuis ai que m’avenria,Si joi per amor avia.Mas mi art e licis escanAmors e muor sofertan.

[VII] Seigner, d’aisso jutge.l verNa Guillelm’a son plazerDe Benaug’e na MariaDe Ventadorn vuoill qu’i siaE.il dompna de Monferran ;Qe las très son ses engan.

[VIII] Prebost, d’amor sabon tanQu’eu n’autrei so q’en diran

Presbost, les dures peinesEt les graves maltraitances pèsent.Car j’ai souffert, et les tourmentsMe seraient agréablesSi ma maîtresse me faisait passer un gant [me donnait signe devie]Et me parlait, ne serait-ce qu’une foisJe la verrais une dernière fois avant de mourirCar sur son ordre, j’iraisMatin ou soirCar je veux mourir pour elleElle pour qui je le voudrais bienSi j’avais seulement la joie d’amour.Mais en moi brûle un feu alors qu’en elle, elle l’étouffeJe souffre l’amour et la mort.

Seigneur, le bon jugement

Veut que l’on se rende au plaisir de Guilhemine de BenaugesEt veut qu’on en fasse de même avec Marie de VentadourEt avec la dame de MontferrandCar toutes trois sont sans tromperie.

Prebost, elles en savent tant sur l’amourQue je ne puis parler après elles.

Page 16: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

45

1. Je remercie Guy Latry et David Escarpit, doctorant enLettres, musicologie et occitan à l’université de Toulou-se, CECAES (équipe d’accueil TELEM), pour ces traduc-tions.

2. KOLSEN (Adolf), éd., Dichtungen der trobadors, I, Halle,1916, p. 14-21 (Savary de Mauléon), p. 45-61 (Aimeric deBelenoi), p. 72-77 (Peire de Gavarret) ; De RIQUER (Martin),Los trovadores. Historia literaria y textos, II, Barcelone,1975, p. 940-950 (Savary de Mauléon), p. 1299-1308 (Ai-meric de Belenoi) ; KLINGEBIEL (Kathryn), « À la recherchedes troubadours: la Gascogne », dans La voix occitane :actes du VIIIe Congrès de l’Association internationaled’études occitanes, Bordeaux, 12-17 octobre 2005, s.d.Latry (Guy), Bordeaux, 2009, p. 131-140 ; ROSENSTEIN (Roy),« Retour aux origines du troubadour Jaufre Rudel : L’es-cola N’Eblo », dans Studia in honorem M. de Riquer,1987, t. 2 p. 603-611 ; ID, « Les années d’apprentissage dutroubadour Jaufre Rudel, de l’escola n’eblo a la seguraescola », Annales du Midi, t. 100, n°181, janvier-mars1988 ; ID, « New Perspectives on Distant Love : JaufreRudel, Uc Bru ad Sarrazina », dans Modern Philologie, 87,1990, p. 225-238 ; ID, « La vida es siieno : grammaires d’ab-sence et de présence dans la vida sostenguda de JaufreRudel », dans La voix occitane : actes du VIIIe Congrèsde l’Association internationale d’études occitanes, Bor-deaux, 12-17 octobre 2005, s.d. Latry (Guy), Bordeaux,2009, p. 171-184 ; NOTZ (Marie-Françoise), « A cercar lasua morte... : la fascination de Jaufre Rudel », dans La voixoccitane p. 185-194 ; LEFEVRE (Yves), « Deux poètes mé-doquains du XIIIe siècle (Aimeric de Belenoi et Pierre deCorbian) », Revue historique de Bordeaux et de la Gi-ronde, t. XIII nouvelle série, n°2, avril-juin 1964, p. 123-131 ; DUMITRESCU (Marie), Poésies du troubadour Aime-ric de Belenoi, Paris, 1935. À quoi il faut ajouter Peire deLadils le troubadour Bazadais du XIVe siècle dont l’ouvreet la famille viennent d’être étudiés : ROMIEU (Maurice),« Pèire de Ladils. Œuvres », dans Les Cahiers du Baza-dais, 138-139, 3e-4e trimestre 2002, p. 5-73 ; MARQUETTE

(Jean-Bernard), « Bazas au temps de Pèire de Ladils », LesCahiers du Bazadais, 138-139, 3e-4e trimestre 2002, p. 73et sq. ; MARQUETTE (Jean-Bernard), « Une famille de bour-geois bazadais : les Ladils (vers 1150-1315) », Les Cahiersdu Bazadais, 140, 1er trimestre 2003, p. 5-39 ; PÉPIN (Guil-hem), « Le sirventés el Dugat. Une chanson méconnuede Pey de Ladils sur l’Aquitaine anglo-gasconne », dansLes Cahiers du Bazadais, n°152, 2006, p. 5-27.

3. DROUYN (Léo), La Guienne militaire, 1865 [2000], p. 237-238, ou BOULANGÉ (Raymond), Les seigneurs de Benauges,des origines à la révolution, Lyon, 1954, p. 34-35.

4. KOLSEN (Adolf) éd., Dichtungen der trobadors, I, Halle,1916, p. 72-73 (Peironet, en Savartes), p. 75-76 (Peironet,ben vos es pres).

5. FRANCISQUE (Michel), éd., Rôles Gascons (1242-1254), 1,Paris, 1885 [désormais Rôles Gascons], n°159 (Pierre deGabarret convoqué le 25 mai 1242 à Pons avec 3 cheva-liers), n°407 (28 août 1242, Bernard de Bouville et Pierrede Gabarret assistent avec 15 autres barons du Bordelaiset du Bazadais à une alliance entre Henri III et le comtede Toulouse, à Bordeaux), n°594 (11 septembre 1242, Ber-nard de Bouville, seigneur de Benauges, et P. de Gabarretconvoqués par le roi pour se rendre à Sainte-Bazeille avec20 autres barons), n°1344 (15 mars 1243, depuis Bor-deaux, le roi ordonne au prévôt de Langon de contraindreP. de Gabarret).

6. BÉMONT (Ch.), éd., Recueil d’actes relatifs à l’adminis-tration des rois d’Angleterre en Guyenne au XIIIe siècle.Recognitiones feodorum in Aquitania, Paris, Imprime-rie Nationale, 1914, n°270.

7. HIGOUNET (Ch. et A.), éd., Grand cartulaire de La SauveMajeure, 2 t., Bordeaux, 1996 [désormais La Sauve], n°947(1079-1095), donation d’un droit de passage à Langon,par Pierre Roger, vicomte de Gabarret ; BRUTAILS (J.A.), éd.,Le cartulaire de l’église collégiale Saint-Seurin de Bor-deaux, Bordeaux, 1897, n°103(1170), allusion de la do-

nation d’une terre à Langon par le vicomte de Gabarret ;HARDY (Th. D.), éd., Rotuli chartarum in turri Londi-nensi asservati, vol.I, pars I, anno 1199-1226, Londres,1837, p. 98 (Petrus de Gabarret habet litteras dominiregis commonitorias directas homminibus de Langonet de Sancto Makario et auxilio habendo). LETTERON

(Maëlys), Monographie lignagère et territoriale des vi-comtes et vicomtés de Gabardan et de Brulhois (XIe-XIIe siècles), mémoire de mastère 2, s.d. Fr. Boutoulle etPh.Araguas, université Michel de Montaigne-Bordeaux 3,2007.

8. Du BOURG (M.A.), éd., Ordre de Malte, Histoire du Grandprieuré de Toulouse et des diverses possessions de l’Ordrede Saint-Jean,Toulouse, 1883, p. XL, cartulaire de l’Hô-pital du Nom de Dieu : vicecomitissa de Bolevilla nomineGilia (…) et predictam donationem confirmavit prae-dictus Gasto, nepos dominae predictae.

9. BOUTOULLE (Frédéric), Société laïque en Bordelais et Ba-zadais des années 1070 à 1225 (Pouvoirs et groupessociaux), Thèse de doctorat de l’université Michel deMontaigne-Bordeaux III s. d. Marquette (J.-B.), 2001, t. II,p. 949-953 ; ID, Le duc et la société. Pouvoirs et groupessociaux dans la Gascogne bordelaise au XIIe siècle,Au-sonius, Bordeaux, 2007, p. 359.

10. DUCAUNNÈS-DUVAL éd., Cartulaire de l’abbaye Sainte-Croixde Bordeaux, Archives Historiques du département dela Gironde, t. XXVII, Bordeaux, 1892 [désormais Sainte-Croix] n°64 (1195-1235), P. de Gavarreto vicecomes Ve-zalmensis et dominus de Benaujas (…) in manu Guillel-mi Amanevi avi mei. HARDY (Th. D.), éd. , Rotulichartarum in turri Londinensi asservati, vol.I, pars I,anno 1199-1226, Londres, 1837, p. 98.

11. GRELET-BALGERIE (Ch.), éd., « Le cartulaire du prieuré Saint-Pierre de La Réole », Archives Historiques du départe-ment de la Gironde, t.V, Bordeaux, 1863, n°119 (1195),donation de Pierre de Gabarret en faveur du prieuré Saint-Pierre de La Réole. DU LAURA (Étienne), Histoire de l’ab-baye de La Sauve Majeure Entre-deux-Mers, éd. Duclot(Jean-François), Larcher (Jean-François) et Tillier (Jean-Claude), Camiac-et-Saint-Denis, [1683], 2003, p. 120 as-siste à l’assemblée plénière réunie par Othon de Bruns-wick pour marquer la canonisation de Gérard de Corbie,3 avril 1198 à Bordeaux ; LACAVE LAPLAGNE-BARRIS (C.), Car-tulaire du chapitre cathédral d’Auch (Cartulaire noir),Paris-Auch, 1899, n°105, p. 133 (1205, donation de Pierrede Gabarret d’un cens en Magnoac en faveur du chapitrede Sainte-Marie d’Auch).

12. Patent rolls of the reign of Henri III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1901-1913, vol. II 1225-1232, p. 232 (1228) Rex senescallo suo Wasconie, salu-tem. Sciatis quod concessimus dilecte nobis Willelme vi-cecomitisse de Byeaumes, uxori dilecti et fidelis Petride Gaveret, quod si forte ipsum Petrum virum suumsupervixerit, rationabilis dos sua, quas idem Petrus se-cundum legem et consuetudinem terre ei assignavit,post mortem ipsius Petri bene et in pace ei remaneat.

13. La Sauve, n°1468-1478 (1231),, Petrus de Gavareto vi-cecomes de Bezaumes. La même année, il confirme depuisSaint-Macaire une donation sur la dîme de Faleyras (op.cit., n°142).

14. Close rolls of the reign of Henry III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1902-1938, vol. 2, 1231-1234 p. 238 (1233) Wasconia. De contentionibus se-dandis. Rex H. de Vivon’, senescallo Wasconie, salutem.Volentes debitum finem imponi contentioni orte interPetrum Gaveret et abbatem Sancte Crucis de justiciaSancti Macarii, quam uterque eorum ad se vendicat dejure pertinere et de nobis tenere in capite, vobis man-damus quod, convocatis coram vobis in curia nostrabaronibus et magnatibus nostris partium illarum. Op.cit., p. 239 (1233) Rex Hugoni de Vivon’, senescallo suoWasconie, salutem. Volentes debitum finem inponicontentioni orte inter nos et dilectum et fidelem nos-

trum Petrum Gaueret de prepositis et pacificariis po-nendis in Benaugeis, que est de terra ipsius Petri, quodnos dicimus ad nos de jure pertinere.

15. Close rolls of the reign of Henry III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1902-1938, vol. 2, 1231-1234, p. 548 (1234), et terram que fuit Petri Gaveretcapiat in manum regis et salvo custodiat ad opus regis,donec rex aliud preceperit. Cum autem constiterit regide voluntate matris filii ipsius Petri et parentum ipsiusfilii, an consentire velint quod ducat in uxorem filiampredicti senescalli, gratiam ei inde faciet, per quam etc.(Clarendon 20 janvier).

16. MARQUETTE (Jean-Bernard), Le cartulaire de la comman-derie des hospitaliers de Villemartin, DES, sd. Ch. Hi-gounet, Faculté des Lettres de Bordeaux, 2 vol., 1956,n°163 (1213-1227) Notum sit omnibus hominibus quodP. de Gavared vicecomes de Bedaumes fecit multa maladominibus Hospitalis de VilIamartini e de Salebrunentrecto numero novem milia solidorum ; SOUNY (David),Habitat et société aristocratique dans l’ancienne sei-gneurie de Benauges, XIe-XVe siècles, Faleyras, 2010.

17. BÉMONT (Ch.), éd., Recueil d’actes relatifs à l’adminis-tration des rois d’Angleterre en Guyenne au XIIIe siècle.Recognitiones feodorum in Aquitania, Paris, Imprime-rie Nationale, 1914, n°270 (évoque le partage de ces biensentre Roger et Pierre IV).

18. La Sauve, n°1468-1478 (Raimond VII, comte de Toulou-se, Hugues de Lusignan, comte de La Marche et d’An-goulême, Archambaud, comte de Périgord, Hélie Rudelseigneur de Bergerac,Amanieu d’Albret, Hugues seigneurde Taillac, Pierre de Gabarret, vic. de Bezeaumes, G. deRancon, seigneur de Taillebourg, G. Rudel seigneur deBlaye, Henri de Trubleville, sénéchal de Gascogne, le maireet la commune de Bordeaux).

19. En 1200, le roi d’Angleterre fait de Pierre de Gabarret lefrère de Gaston de Béarn alors qu’ils ne sont que cou-sins : HARDY (Th. D.), éd., Rotuli chartarum in turri Lon-dinensi asservati, vol.I, pars I, anno 1199-1226, Londres,1837, p. 74), Johannes (…) preposito Burdegale... Preci-pimus tibi quod Petro Gavaret fratri Gastoni de Bearc’facias habere ad Natale Domini 100 £.

20. Un sirventes de Bertran de Born, daté par Gérard Goui-ran des années 1185-1187, évoque le contrôle de Benaugesou Bezeaumes « près de Bordeaux », sans donner de dé-tails : GOUIRAN (Gérard), L’amour et la guerre, l’œuvre deBertran de Born, Aix-en-Provence, 1985, p. 518 ( Moltm’es descendre car col : Pos lo coms Richarts mais vol,Beïermes sai pres Bordel, Qe Conhat ni Mirabel). Confir-mation par Richard Cœur de Lion, le 4 février 1190 de lapossession de la dîme du pain des castella de Benaugeset Saint-Macaire, faite autrefois par les vicomtes de Be-zeaumes en faveur de la chapelle Notre-Dame de Verde-lais : DE ROUVRAY (Rév. P.), Histoire du pèlerinage Notre-Dame de Verdelais, 1953, p. 281). Demande de prêt, parle même Richard, aux hommes de Saint-Macaire en mars1190 (Sainte-Croix, n°72). Séjour de Mercadier, le chefdes mercenaires de Richard, à Saint-Macaire, le 6 mars1195 n.st. (LANDON (Lionel), The itinerary of king Ri-chard I, Pipe roll society, London, 1935, p. 101, GÉRAUD

(Hercule), « Les routiers au XIIIe siècle », Bibliothèque del’École des Chartres, 1842, n°1, p. 445).

21. HARDY (Th. D.), éd,. Rotuli litterarum patentium in turriLondinensi asservati, Londres, 1835, vol. I, pars I, 1201-1226, p. 66b.

22. Arrêts du roi Jean à Bourg-sur-Mer le 5 aôut, La Réole le11 et Saint-Emilion le 13 (Rot. litt. pat., p. 66 b.). Ordrede saisie d’une embarcation du vicomte de Fronsac à LaRochelle le 25 juin (Rot. litt. pat., p. 66-66b ). Ordre, le 11août, à la municipalité Bordeaux de remettre au sénéchal,Renaud de Pons, les biens et le fils de Guillaume Raimondde Bourg (Rot. litt. claus., p. 73). Remise en garde, le 30septembre, du castrum de Fronsac à Baudouin de Cassel

NOTES

Page 17: Les deux vies de Guilhemine Cours d'amour, veuvage et

46

(Rot. litt. pat., p. 67b). Le ralliement de l’abbé de La Sauveau roi de Castille se traduit par des confirmations de pri-vilèges de l’abbaye : Gallia C., t. II, col. 871 (22 mai 1206) ;A.D. Gironde, H. 7, f 1, confirmation des privilèges, sau-veté et coutumes donnés à La Sauve par les rois d’An-gleterre et les ducs d’Aquitaine depuis Burgos.Voir ALVIRA

CABRER (Martin), BURESI (Pascal), « Alphonse par la grâcede Dieu, roi de Castille et de Tolède, seigneur de Gascogne.Quelques remarques à propos des relations entre Cas-tillans et Aquitains au début du XIIIe siècle », Aquitaine-Espagne (VIIIe-XIIIe siècle), Civilisation médiévale, XII,CESCM-Université de Poitiers, Poitiers, 2001, p. 219-232.

23. SHIRLEY (Walter.W.), éd., Royal and other historical let-ters illustrative of the reign of Henri III, t. I, (1216-1235),London, 1862, p. 237-238.

24. Close rolls of the reign of Henry III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1902-1938, vol. 2, 1231-1234 p. 238 (1233). Wasconia. De contentionibus se-dandis. Rex H. de Vivon’, senescallo Wasconie, salutem.Volentes debitum finem imponi contentioni orte interPetrum Gaveret et abbatem Sancte Crucis de justiciaSancti Macarii, quam uterque eorum ad se vendicat dejure pertinere et de nobis tenere in capite.

25. Sainte-Croix, n°64.

26. Sainte-Croix, n°16.

27. Sainte-Croix, n°65 (1209-1222).

28. Hommage de Géralda, domina de Gensac et épouse deHélie Rudel de Bergerac, en faveur de son nepos Bernardde Bouville, à Bergerac, le 4 septembre 1243 (Bibl. nat.Fra., fonds Périgord, n°46, f. 179, source : mss Duchesneet Oyhenart). Repéré grâce à SMANIOTTO (Michel), Vicomtesen Aquitaine du XIe au XVe siècle. Essai généalogiquesur les premiers vicomtes de Benauges, Bezeaume, Fron-sac, Castillon, Castets. Familles de Grailly et de Pom-miers du XIe au XVe siècle, mémoire dactyl., 1996, Floi-rac, p. 9 et 10.

29. CAO-CARMICHAEL DE BAIGLIE (M.), « Savary de Mauléon (ca.1180-1233), chevalier troubadour poitevin : traitrise etsociété aristocratique », Le Moyen Âge, 1999, t. 105, 269-305.

30. Ibidem, p. 287-291.

31. KOLSEN (Adolf), éd., Dichtungen der trobadors, I, Halle,1916, p. 14-21 (Savary de Mauléon), p. 45-61 ; de RIQUER

(Martín), éd. Los Trovadores, Historia literaria y textos,n°185, Barcelona, 1975, p. 944-950.

32. HARDY (Th. D.), éd,. Rotuli litterarum patentium in turriLondinensi asservati, Londres, 1835, vol. I, pars I, 1201-1226, p. 66b. dilecto et fideli nostro S. de Maloleone velcerto nunci suo litteras patetes deferenti castrum deBennag’ cum pertiientis suis quod ei commisimus cus-todiendum.

33. CAO-CARMICHAEL DE BAIGLIE (M.), « Savary de Mauléon (ca.1180-1233), chevalier troubadour poitevin : traitrise etsociété aristocratique », Le Moyen Âge, 1999, t. 105, p.289-290.

34. JULIAN-LAFERRIÈRE (Pierre) et SMANIOTTO (Michel), « Les siresde Blaye du XIe au XIVe siècles », Cahiers du Vitrezais,42, 1982, 138-152 ; FARAVEL (Sylvie), « Deux seigneuriesnord Bazadaises des bords de la Dordogne : Civrac etGensac (XIe siècle-1254), dans Les Seigneuries dans l’es-pace Plantagenêt, c. 1150-c. 1250, dir. M.Aurell et Fr. Bou-toulle, Bordeaux, 2009, p. 385.

35. De RIQUER (Martín), éd. Los Trovadores, Historia litera-ria y textos, n°185, Barcelona, 1975, p. 944, n°185.

36. RAYNOUARD (François-Just), Choix des poésies originalesdes troubadours, Paris, 1816-1821, t.V, p. 440-442.

37. BOUTOULLE (Frédéric), Le duc et la société. Pouvoirs etgroupes sociaux dans la Gascogne bordelaise au XIIe

siècle,Ausonius, Bordeaux, 2007, p. 229-237.

38. GUERREAU-JALABERT (Annita), « Le temps des créations, XIe-XIIIe siècles », dans Histoire culturelle de la France, t. I,coll. SOT (Michel) et BOUDET (Jean-Patrice), Paris, 1997,p. 233-240.

39. Patent rolls of the reign of Henri III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1901-1913, vol. II 1225-1232 (1228) (voir note 12 supra). En 1231 il confirmeencore la donation de la dîme de Faleyras, DU LAURA (Étien-ne), Histoire de l’abbaye de La Sauve Majeure Entre-deux-Mers, [1683] 2003, vol. 2, p. 401.

40. Close rolls of the reign of Henry III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1902-1938, vol. 2, 1231-1234 p. 548 (1234) voir note 15 supra. La naissance dece fils était attendue avec impatience si l’on en juge parles donations de Pierre et Guilhemine en faveur desmoines de Verdelais pour les remercier de leur interces-sion auprès de la Vierge (donation datée du correcteurBernard del Bosc (1210-1243), GOBILLOT (Philippe), Notre-Dame de Verdelais, Paris, 1926, p. 10 à partie des notesdu P. Chare). Pierre et Guilhemine ont deux autres en-fants, Aymengarde, qui devient prieure du monastèredouble de Coyroux en limousin BÉMONT (Charles), RôlesGascons, supplément et tome premier (1254-1255),Paris, 1896, n°4492, Aymengarda, priorissa de Coyros,in pacifica stetit possessionne per triennium de decemlibris pedagio Sancti Maccarii de dono Bernadi de Bi-visvilla, fratris sui. Et Géraud (Bibl. nat. Fra, Ms fra. 20685(Gaignières) f. 159).

41. Petit cartulaire de La Sauve-Majeure, Bibliothèque muni-cipale de Bordeaux, ms 770, pp. 130-131, Castrum de Bla-gnac quod homines terre propriis laboribus et expen-sis compulsi fuerunt ab eodem senescalco construere,et aulam et alias officinas castri ad opus, Helie de Bla-gnac cui filiam suam illegitimam matrimonialiter co-pulavit, cui etiam justiciam tocius terre de Blanhadespropter hoc dedit, que erat domni regis, ita quod nullusbajulus regis ibi ausus est comparere, vel aliquam jus-ticiam exercere ; Item senescalcus qui dederat filiamsuam in uxorem Helie de Blagnac compulit ipsos, etalios homines domni regis, ad faciendam et carreian-dam aulam et domum apud Blanhac.

42. Patent rolls of the reign of Henri III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1901-1913, vol. 3,A.D. 1232-1247, p. 88 (1235), Grant to Hugh de Vivona of the cus-tody of the land late of Peter de Gavaret, during the mi-nority of the heir and of the custody and marriage ofthe heir (11 janvier), p. 135 (4 février 1236), p. 139 (13mars).

43. Patent rolls of the reign of Henri III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1901-1913, vol. 3,A.D. 1232-1247, p. 135 (1236), Mandate to H. de Trubleville senes-chal of Gascony, to cause H. de Vivonia to have fullseisin of all castles & lands of Peter de Gaveret, the kinghaving commited to him the custody of the same & tothe heir of the said Peter, with the marriage of the heir;saving to the wife of the said Peter reasonnable doxerof the lands (4 février).

44. Patent rolls of the reign of Henri III preserved in thePublic Record Office, Londres, 1901-1913, vol. 3,A.D. 1232-1247, p. 191 (6 août 1237) ;AD Gironde, H 266, f. 79 v ;DU LAURA (Étienne), Histoire de l’abbaye de La Sauve Ma-jeure Entre-deux-Mers, [1683] 2003, vol. 1, p. 245.

45. Petit cartulaire de La Sauve-Majeure, Bibliothèque muni-cipale de Bordeaux, ms 770, pp. 130-131, Item domnusHenricus vendidit in hoc anno vicecomitisse de Bena-vias parrochias de Cadilhac, de Lopiac, et SanctaeCrucis deu Mont homines domni regis francos, et abomni servitute liberos.

46. Rôles Gascons, n°1587.

47. Rôles Gascons, n°159, 594.

48. Bibl. nat. Fra., fonds Périgord, n°46, f. 179, source : mss Du-chesne et Oyhenart).

49. Rôles Gascons, n°821, 858, 889.

50. Rôles Gascons, n°1587, Justiciario et probis hominibusde Langon. Majori et juratis commune Burdegalensis.Consilio et probis hominibus de Regula. Juratis et probishominibus de Sancto Makario. Justiciario et probis ho-minibus Vasatansibus. Mandatum est istis quod totumservicium regi debitum tunc ibidem venire faciant (…)

51. Rôles Gascons, n°929, mandatum est Beraldo de Boe-villa et Willelmo Segini de Riuns quod Vitalem Areman,burgensem de Lengono, quem Rogerus de Gaveret tenetin prisona sine omni occasione, a prisona deliberarifaciant, quia rex dicit quod potestatem habent ipsumdeliberandi. Mandatum est etiam eisdem quod ipsumRogerum in nullo castrorum suorum, vel alibi in po-testate sua receptari permittant (7 avril).

52. Rôles Gascons, n°1051. La conduite du seigneur de Langonne semble pas liée à l’attitude du vicomte de Béarn, GastonVII, qui entretient encore des relations pacifiques avecson suzerain, ce qui n’est plus le cas en 1254 : TUCOO-CHALA (Pierre), La vicomté de Béarn et le problème desa souveraineté des origines à 1620, Bordeaux, 1961,p. 60 : rappelle la convocation à l’ost de Gaston VII (Rôlesgascons,n°158-159), le 15 mai 1242 et l’hommage le 23décembre 1242.

53. Rôles Gascons, n°1208.

54. Rôles Gascons, n°1597.

55. Bibl. nat. Fra., Périgord 46, f. 176, d’après mss Duchesneet Oyhenard.

56. Rôles Gascons, n°1227.

57. Bibl. nat. Fra., Ms fr. 20685, f. 159.

58. Rôles Gascons, n°1589.

59. Elle serait inhumée à La Sauve-Majeure : DU LAURA (Étien-ne), Histoire de l’abbaye de La Sauve Majeure Entre-deux-Mers, [1683] 2003, vol. 1, p. 250.

60. MARQUETTE (Jean-Bernard), Les Albret. L’ascension d’un li-gnage gascon (XIe-1360), Bordeaux, 1979 [2010], p. 378.

61. BOUTOULLE (Frédéric), « Les femmes dans les cartulairesgascons au siècle d’Aliénor d’Aquitaine. À propos de l’ex-clusion des filles dotées », dans L’Aquitaine au féminin,numéro spécial Revue historique de Bordeaux et du dé-partement de la Gironde, actes du colloque FédérationHistorique du Sud-Ouest, dir. C. Le Mao, Bordeaux 4-5 oc-tobre 2008, n°15, 2009, p. 11-22.

62. Par exemple Élisabeth, la grand-tante d’Henri II Planta-genêt, veuve du seigneur d’Amboise : HALPHEN (Louis),POUPARDIN (René), Chroniques des comtes d’Anjou et desseigneurs d’Amboise, Paris, 1913.

63. BARRIÈRE (Bernadette), « Coyroux, doublet féminin de l’ab-baye d’Obazine (Limousin, XIIe-XIIIe siècle) », dans Les re-ligieuses dans le cloître et dans le monde, Actes du 2e

colloque international du CERCOR, Poitiers 29 sep-tembre-2 octobre 1988, Pub. Université de Saint-Etienne,1994, p. 131-139 ; ID.« Les cloîtres des monastères d’Oba-zine et de Coyroux en Bas-Limousin » rééd. dans Limou-sin médiéval. Le temps des créations, Recueil d’articles.Pulim, 2006, p. 425-445 ; MAGNOU-NORTIER (Élisabeth)« Formes féminines de vie consacrée dans les pays duMidi jusqu’au début du XIIe siècle », La femme dans lavie religieuse du Languedoc (XIIIe-XIVe siècles), Lafemme dans la vie religieuse du Languedoc (XIIIe-XIVe

siècles), Cahiers de Fanjeaux, n°23, Privat, 1988 ; DALA-RUN (Jacques) « Pouvoir et autorité dans l’ordre doublede Fontevraud », dans Les religieuses dans le cloître etdans le monde, Actes du 2e colloque international duCERCOR, Poitiers 29 septembre-2 octobre 1988.