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INTERNATIONAL JOURNAL OF VIOLENCE AND SCHOOLS, 16, OCTOBRE 2015, 67-95
LES « JEUX DANGEREUX » EN CYCLE 3 : ÉTAT DES LIEUX AU
SERVICE D’UNE POLITIQUE DE SENSIBILISATION ET DE
PRÉVENTION DES RISQUES ENCOURUS AVANT L’ENTRÉE AU
COLLÈGE
"DANGEROUS GAMES" OF PRIMARY SCHOOL KEYSTAGE 2
PUPILS: AN INVENTORY IN THE SERVICE OF A POLICY OF
AWARENESS AND PREVENTION OF THE RISKS BEFORE
SECONDARY SCHOOL
MICKAËL VIGNE
LABORATOIRE RECIFES (EA 4520), ESPE/LILLE NORD DE FRANCE
RÉSUMÉ
Les « jeux dangereux », phénomène en recrudescence au regard des
annonces médiatiques régionales ou nationales. Pour autant, il n’existe pas
d’enquête sociologique sur ce sujet. Cet article propose une première approche
quantitative et comparative à propos de la connaissance et de la pratique de ces
« jeux » chez les jeunes de 6 à 15 ans. Après la présentation des différents
modes de pratique et un questionnement terminologique de l’expression elle-
même, nous proposons une réflexion sur ces pratiques physiques méconnues.
Par exemple, ces « jeux » sont-ils le reflet d’une société en mal de vivre ? À
travers cette interrogation se pose la question de la sensibilisation auprès des
jeunes scolarisés. En effet, la sensibilisation constitue-t-elle un risque de
pratique initiatique ou permet-elle vraiment de limiter les dangers ?
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de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
MOTS-CLÉS
Sensibilisation, « jeux dangereux », jeu du foulard, violence, école, jeux
d’apnée.
ABSTRACT
"Dangerous games" is, according to the many regional and national
headlines, a phenomenon on the rise. However, no sociological surveys have
been conducted on this topic. This article proposes a first quantitative and
comparative approach about the knowledge and practice of these "games"
played by the young between 6 and 15 years old. After the presentation of the
different kinds of practice and some terminology questioning on the expression
itself, we propose a reflection on these quite unusual physical practices. For
example, can these "games" be the reflexion of an anxiety-provoking society?
And this question leads to another reflection on our young pupils’awareness.
Indeed, does awareness represent a risk of initiatory practice or does it really
allow to limit potential risks?
KEYWORDS
Awareness, "dangerous games", « jeu du foulard » (choking game),
violence, school, apnea games.
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de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
1. INTRODUCTION
Le jeu est souvent associé à la notion de plaisir, tandis que l’école renvoie
plutôt à des notions de sérieux ou de travail. C’est le lieu où les enfants doivent
apprendre une multitude de compétences disciplinaires et fournir
concomitamment d’importants efforts de comportement ou de concentration. A
priori le monde ludique et l’espace scolaire s’opposent à tous égards. Pour
autant, le jeu s’est toujours invité à l’école et leur pratique est fortement
encouragée par les programmes en Education Physique (Instructions Officielles
de 2008 et de 2012). Dès lors que l’enfant n’est plus au travail, c’est tout
naturellement qu’il joue. En effet, un enfant qui ne joue pas est un enfant
mutilé. C’est en ce sens que le jeu constitue un outil d’éducation par lequel
l’individu peut accéder à l’autonomie en société. Il participe à la fabrication
des citoyens de demain en permettant le développement de la « débrouillardise
motrice » (Rainis, 2001, p. 24), en contribuant au maintien de la santé et en
favorisant la découverte d’un patrimoine culturel, ainsi que de nouvelles
pratiques sociales de référence. D’une manière ou d’une autre, par son
omniprésence, le jeu demeure l’un des piliers majeurs de l’existence d’un
individu en le modelant à travers lui et sa pratique.
Cependant, le jeu ne renferme pas seulement quelques vertus épanouissantes
mais peut être également source de souffrance ou de traumatisme. Il devient
alors un élément de dysfonctionnement individuel ; il est alors déviance. La
société fait de l’école un lieu qui n’échappe pas à ce constat. En effet, depuis
quelques années les cours d’école sont le théâtre de jeux devenus de plus en
plus dangereux, vécus parfois selon Yan Bour comme des « rites de passage »
par les enfants qui, « dans la tradition, équilibrent les rapports sociaux et
scandent, bien souvent de façon douloureuse, l’entrée dans la vie adulte »
(2008, p.161). Derrière cela se cache une problématique largement développée
par Le Breton (2002) : celle des conduites à risques. Qu’ils s’agissent de jeux
ou de rites (Bour, 2008), de plaisirs ou de souffrances, ces pratiques corporelles
d’un nouveau genre, qui dateraient d’un peu plus de trente ans selon
Debarbieux (1996), renvoient à un phénomène actuel très largement développé
: celui des violences à l’école. Au sein de celles-ci, les « jeux dangereux »
constituent en 2015 un indicateurs de premier ordre pour rendre compte de
l’augmentation « du phénomène de violence à l’école en France qui s’est
constitué en problème social dans les années 1990 » (Carra, 2009, p.1).
D’ailleurs, Pierre Parlebas annonce le jeu comme « un révélateur social »
(1999, p.199). Pour l’auteur, la pratique des jeux apparait comme un miroir de
la société dans laquelle ils sont mis en œuvre. Quel sens prend alors
l’accroissement de la pratique des « jeux dangereux » à l’école ? Que nous dit
la société de ces pratiques largement installées dans les écoles de France ?
Sont-elles l’expression d’un mal être croissant qui viendrait déteindre sur la
jeunesse par le prisme de pratiques dites ludiques ? Les vertus éducatives des
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jeux sont ici bouleversées par l’augmentation de la pratique des « jeux
dangereux » qui font plusieurs victimes chaque année. Yan Bour apporte un
élément de réponse sur ces nouvelles pratiques : « les épreuves ludiques qu’ils
(les jeunes) s’imposent traduisent très certainement une incompréhension, un
manque de confiance à l’égard d’autrui, de l’avenir, voire un mal-être
existentiel en lien avec l’insuffisance, l’absence, voire la disparition des rites
de passage dans les systèmes sociaux marqués par le changement et le
progrès » (2008, pp.154-162). Ce regard anthropologique apporte certes un
éclairage sur les causes de ce nouveau phénomène mais n’interroge pas la
manière dont nous pourrions en limiter les effets. Si ces pratiques sont, comme
le montrent différentes études, en augmentation, il nous semble alors
important, dans un cadre pédagogique scolaire, de nous poser la question de la
sensibilisation de la pratique des « jeux dangereux » à l’école. Il ne s’agit pas
tant de savoir si les enseignants doivent sensibiliser les enfants de cycle 3 à la
pratique des « jeux dangereux » – les instructions officielles de janvier 2012
sont très claires à ce sujet – mais davantage de savoir comment les enfants
doivent-ils être « avertis » des conséquences auxquelles ils s’exposent. Face au
jeune âge des enfants du primaire (cycle 3), à l’appétence qu’ils ont parfois à
vouloir braver l’interdit et à la méconnaissance dont ils font preuve à propos
des « jeux dangereux », une question demeure : faut-il exposer les jeunes aux
effets (parfois mortels) qu’engendrent ces pratiques d’un nouveau genre ? À
cette question, l’hypothèse que nous émettons renvoie clairement à la
sensibilisation puisque nous supposons que les effets d’une telle démarche
permettraient de mieux identifier les risques, et donc peut-être de les atténuer !
Afin d’apporter un premier éclairage à cette problématique, nous appuierons
notre réflexion sur les résultats de deux enquêtes : l’une, lancée à l’initiative de
l’association APEAS1 et réalisée par l’institut de sondages IPSOS en 2011 ;
l’autre, une enquête que nous avons menée dans le secteur arrageois (62)
auprès de l’Inspection Académique en 2014. Ces deux études distantes de
plusieurs années permettent de s’interroger sur la pratique des « jeux
dangereux » par le prisme du « jeu du foulard » à l’école primaire2, parfois au
collège, et d’en comprendre ses évolutions. L’analyse comparative entre deux
études quantitatives nous parait être la meilleure méthode pour appréhender les
éventuelles transformations du phénomène dans la mesure où il n’existe pas
d’études sociologiques semblables portant sur la question des « jeux
dangereux » à l’école primaire.
1 APEAS : association de parents d’enfants accidentés par strangulation. Nous remercions à
cette occasion la présidente, Madame Françoise Cochet, de nous avoir permis le traitement des
résultats de l’enquête IPSOS parus en janvier 2011 sur le « jeu du foulard » pour réaliser cet
article. 2 Une enquête du même type a été réalisée en 2007 auprès de jeunes âgés de 15 ans et plus.
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2. UNE DEFINITION DES « JEUX DANGEREUX » ET UN
PARADOXE ?
La notion omniprésente du « vivre ensemble », développée dans bon
nombre de textes officiels, perd tout son sens dès lors que l’école devient un
lieu de vie menaçant. En effet, moqueries, insultes, coups, exclusion ou
indifférence font naître des comportements dangereux et autres pratiques à
risques. Les « jeux dangereux » font partie de ces pratiques qui opèrent dans
les écoles. Nous ne parlons pas des jeux qui nous semblaient innocents comme
les billes, les petites voitures, la corde à sauter ou la marelle ; il s’agit du « jeu
du foulard », du « jeu de la canette », du « rêve indien », du « jeu de la
tomate »… Mais que sont réellement ces pratiques dénommés « jeux » ?
Leur nombre est méconnu d’autant que certains « jeux » identiques
portent des noms différents, ce qui rend la constitution d’un répertoire
exhaustif très difficile. Cependant, il est possible de les classer selon trois
types : les jeux d’agression, les jeux de défi et les jeux dits d’évanouissement
ou d’apnée. Ces dernières pratiques dangereuses provoquent des souffrances
cérébrales et conduisent bien souvent à des syncopes, voire coma, de gravité
variable. Ce sont ces pratiques physiques d’asphyxie qui feront l’objet des
analyses de cet article. Le docteur Romano explique qu’elles sont pratiquées de
trois manières différentes : la première, « freiner, de façon volontaire,
l’irrigation sanguine du cerveau par strangulation, apnée ou compression des
carotides, du sternum ou de la cage thoracique, pour ressentir des sensations
intenses et des visions pseudo-hallucinatoires » (2012, p. 67). Cette manière de
faire conduit parfois à la mort, c’est celle-ci qui est associée au « jeu du
foulard ». Une hypothèse qui demande à être vérifiée évoque que la privation
d’oxygène accentuerait un plaisir d’ordre sexuel qui faciliterait alors une
dépendance (Resnick, 1972). La deuxième manière de pratiquer se fait par une
hyperventilation alors que le pratiquant est en position accroupie. Ce dernier
remonte rapidement, nez pincé, en forçant l’air hors de ses poumons, par ses
soins ou à l’aide d’un camarade qui exerce une forte poussée sur le sternum.
Enfin, la troisième pratique, plus connue, consiste à se mettre en apnée
prolongée, soit en retenant sa respiration, soit en se plongeant la tête dans un
sac hermétique. C’est l’augmentation importante en gaz carbonique qui peut
rapidement conduire à une perte de conscience et entrainant parfois des lésions
irréversibles. Le risque de ces pratiques d’asphyxie est d’autant plus grand
lorsque l’individu qui s’y adonne est seul. En effet, l’hypoxie est obtenue assez
rapidement et les lésions sont plus ou moins graves selon que l’anoxie soit plus
ou moins longue. De fait, lorsqu’il n’y a pas de témoins, le malaise persiste
(parce que personne ne peut vous ramener à la vie !), c’est ainsi que le
pratiquant encourt le coma avec des séquelles variables ou la mort.
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À propos de l’expression en elle-même, le mariage des termes « jeux
dangereux » mérite une réflexion. Le B.O. du 5 janvier 2012 reprend cette
formule « interdiction aux jeux dangereux » ; « jeux » et « dangereux » ne
constituent-ils pas une expression antinomique ? Dans l’esprit d’un enfant,
comment le ludisme peut-il demeurer un danger pour la santé ? De manière
simplifiée, le dictionnaire Larousse (2011) définit le jeu comme étant une
« activité d'ordre physique ou mental, non imposée, ne visant à aucune fin
utilitaire, et à laquelle on s'adonne pour se divertir, en tirer un plaisir ».
Concernant le terme « dangereux », les définitions sont les suivantes : « qui
peut nuire, être redoutable ; qui constitue un danger ou qui expose à un risque,
à un mal ». Indépendamment l’une de l’autre, les deux définitions sont
parfaitement claires et compréhensibles, mais dès lors qu’elles sont associées,
elles deviennent beaucoup moins limpides de sens. Ce malentendu peut
constituer le premier danger chez l’enfant qui pratique ou souhaite découvrir
ces « jeux » peu ordinaires. La difficulté de poser clairement du sens sur une
pratique ne peut-il pas favoriser son exploration ? Le manque de connaissances
peut être un alibi suffisant pour minimiser les risques encourus à l’égard d’une
activité physique. À l’instar du docteur Romano, nous posons clairement la
question : est-il judicieux de maintenir l’utilisation terminologique « jeux
dangereux » ? Il y a une opposition trop importante des termes pour que la
confusion ne s’installe pas dans l’esprit des jeunes enfants. Cette contradiction
pourrait agir auprès d’eux comme une marche en avant vers un processus
d’euphémisation de la prise en compte des risques auxquels ils s’exposeraient.
Le manque de clarté lexicale de ce que définissent les « jeux dangereux »
constitue pour nous les premiers pas vers cette pratique physique encore trop
mal connue. D’autant que cette appellation est très récente, puisqu’elle date des
années 1990. « Lorsque la violence s’agit avec des comportements pouvant
conduire à la mort, le terme jeu ne peut plus y être associé car il n’y a plus
aucune co-construction intersubjective, plus aucun espace potentiel pour
penser, plus de plaisir, plus de jeux » (Romano, 2012, p. 66). Le simple fait
que la mort soit parfois l’issue fatale de la pratique des « jeux dangereux »
suffit à légitimer l’idée qu’il serait nécessaire de changer cette expression
douteuse. Celles de « pratique physiques dangereuses » ou « pratiques
dangereuses » sembleraient bien mieux convenir. Au moins elles excluent
quelques doutes. Avec des termes plus forts comme « jeux de mort » par
exemple, les enfants seraient choqués. La peur n’évitant pas le danger, il s’agit
davantage de mettre en place une démarche de prévention plutôt que de
répression où d’ailleurs le spectre de la peur ne produit jamais les effets
attendus.
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3. ASPECTS METHODOLOGIQUES
L’étude3 a été réalisée entre le 29 novembre et le 8 décembre 2011. C’est
l’Association des Parents d’Enfants Accidentés par Strangulation (APEAS) qui
a démarché auprès de l’institut de sondages d’opinion français dans le but
d’obtenir davantage de précisions sur les pratiques et les connaissances des
enfants de 6-15 ans. Cette enquête a permis d’obtenir les premiers résultats
quantitatifs concernant le « jeu du foulard » à l’école primaire. 1012 enfants
ont répondu au questionnaire. Ce corpus représente un échantillon national
représentatif d’une tranche de la population âgée de 6 à 15 ans. L’enquête a été
réalisée on-line via le panel de l’organisme de sondages4. L’étude présente des
résultats soumis aux marges d'erreur inhérentes aux lois statistiques5. Nous
avons délibérément choisi de mener une analyse comparative à partir de cette
enquête (APEAS) et de nouveaux résultats obtenus récemment à partir d’une
enquête par questionnaires que nous avons menée auprès des élèves de cycle 3
de la circonscription d’Arras 16. Cette enquête arrageoise contribuera à
dévoiler les contours que prend le phénomène « jeux du foulard » pour des
enfants âgés de 8 à 11 ans. L’étude s’est concentrée sur 14 écoles (10 urbaines
et 4 rurales), elle représentait un corpus théorique de 1236 élèves7. Nous avons
procédé par questionnaires en respectant l’anonymat et en demandant
systématiquement aux enseignants référents de sortir de la classe pendant la
passation. Les résultats ont été traités avec le logiciel « Sphinx ». Le
questionnaire comporte 136 questions réparties en quatre sections (une partie
pour climat scolaire et trois parties sur les types de « jeux dangereux »). Nous
l’avons dit, seuls les résultats des jeux d’apnée ou d’évanouissement feront
l’objet de notre analyse. Enfin, l’enquête s’est déroulée de mars 2014 à fin juin
20148. Les résultats obtenus portent sur 1067 répondants, avec un taux de
3 « Ipsos Public Affairs / A.P.E.A.S »
4 Aucune base de données n’existant sur le sujet, c’est la méthode des quotas qui a été
suivie. Notons que cette méthode peut parfois présenter quelques inconvénients. En effet, cette
dernière peut parfois fournir un échantillon biaisé. En pratique, il faut considérer cependant que
la marge d’erreur des sondages par quotas est égale ou inférieure à celle des sondages
aléatoires. Cela a permis de s’assurer de la représentativité du corpus au regard de la population
française dans son ensemble, ainsi que d’obtenir rapidement des données quantitatives sur le
sujet. La distinction des répondants s’est faite par le biais de différentes variables telles que le
sexe, l’âge, la profession de la personne de référence du foyer, la région et la catégorie
d’agglomération. 5 Ce rapport a été élaboré dans le respect de la norme internationale ISO 20252 « Etudes de
marché, études sociales et d’opinion ». 6 Ce territoire compte 4 circonscriptions. Les premiers résultats de la circonscription
d’Arras 1 ont suscité un vif intérêt auprès de Monsieur le Directeur Académique. En
conséquence, l’enquête se poursuit sur plusieurs années auprès des autres circonscriptions
(Arras 2, Arras 3 et Arras 4). Nous estimons pouvoir interroger un corpus avoisinant les 7000
élèves. 7 408 élèves en CE2, 412 en CM1 et 416 en CM2
8 Nous tenons à remercier très sincèrement l’investissement de 5 étudiantes de notre
séminaire de recherche de Master 1 pour la passation des questionnaires qu’elles ont réalisée :
Elvire Baelden, Emilie Maerten, Charlotte Baudens, Audrey Top et Elise Dernaucourt. Sans
ces étudiantes, cette enquête n’aurait jamais abouti avant la fin de l’année scolaire 2014/2015.
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participation de 86,3 %. Après avoir distribué les autorisations parentales au
préalable, nous avons fait face à 6,7 % de refus. Les parents appartenant aux
professions régaliennes (gendarmerie, police…), de la santé (infirmière…) et
de l’éducation (professeurs de collège ou lycée…) sont ceux qui ont davantage
refusé à ce que leur(s) enfant(s) participe(nt) à l’enquête. L’écart de 7 % qu’il y
a pour garantir la totalité du corpus théorique correspond au pourcentage des
élèves absents lors de différents passages dans les écoles. Nous avons choisi les
questionnaires sur la violence à l’école pour le rôle critique que consent cet
outil. L’enquête de victimation permet de donner la parole aux enfants et
mieux orienter les actions éducatives qui peuvent être mises en place après les
premiers résultats. En effet, « les enfants sont les meilleurs experts en
violence » (Canada, 2001). Ce sont les individus les mieux placés pour dire
comment ils sont en danger, par qui et à quel(s) endroit(s). Enfin, la
« quantification de la violence a un rôle à la fois diagnostique et évaluatif »
(Debarbieux, 2011). Il s’agit pour les pédagogues et autres professionnels de
l’éducation de savoir où porter l’action après les premiers diagnostiques. Ce
procédé a permis d’orienter les réflexions sur la question de la sensibilisation
des élèves et implicitement de la formation des enseignants. Par cette analyse
comparative, il s’agit pour nous de comprendre l’évolution du phénomène et
d’informer objectivement les responsables académiques sur les réalités de
terrain9 d’aujourd’hui. Ainsi, la compréhension évolutive du phénomène est
facilitée par la mise en perspectives de notre enquête quantitative menée dans
l’une des quatre circonscriptions d’Arras avec celle lancée trois années
auparavant par l’APEAS auprès d’un organisme de sondage. La partie suivante
sera donc parfois agrémentée de quelques résultats statistiques concernant le
collège issus de la même enquête APEAS/IPSOS. Il ne s’agit donc pas d’une
enquête des « jeux dangereux » d’une circonscription mais bien d’une enquête
menée à partir des « jeux dangereux » ayant pour mobile une meilleure
compréhension d’un phénomène social émergeant et en pleine progression.
4. RESULTATS ET ANALYSES
4.1. CONNAISSANCE DES JEUX D’APNEE OU D’EVANOUISSEMENT
Les premiers résultats de l’enquête IPSOS montrent qu’une bonne partie des
enfants ont connaissance des jeux d’apnée ou d’évanouissement (56 %). Sur 14
jeux proposés10
, le « jeu du foulard » et le « jeu de la tomate » représentent les
9 Ce travail est d’ailleurs en cours avec les différents inspecteurs de l’ensemble des
circonscriptions d’Arras. 10
Jeu du foulard, jeu de la tomate, jeu de la serviette, jeu du sandwich, jeu de la grenouille,
Rêve indien, jeu des poumons, jeu de la pince, jeu du coma, jeu du sommeil, 30 secondes de
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jeux les plus connus. Un enfant sur deux, âgé de 6 à 15 ans connaît le « jeu du
foulard » ou le reconnaissent lorsqu’on leur décrit. La description du jeu se
substitue parfois à son nom, mais dans ces deux cas, l’enfant possède une
connaissance ou même bien une représentation de ces différents jeux, sans pour
autant en mesurer les effets. Au sein de cette majorité d’enfants, qui
connaissent au moins un jeu d’évanouissement, ce sont plutôt les adolescents
de 12 à 15 ans qui connaissent davantage le « jeu du foulard » (79 %), le « jeu
de la tomate » (43 et le « jeu de la serviette » (23 %) que les enfants de 6 à 11
ans. Pour autant, le tableau ci-dessous le démontre, un enfant de 6 à 11 ans sur
deux connait le « jeu de la tomate » ainsi que le « jeu du foulard ». Cette forte
proportion interroge et doit interpeller les différentes structures éducatives, tant
au niveau de l’école que des centres de loisirs, des colonies de vacances et des
clubs sportifs. Les enfants passent fréquemment d’une structure à l’autre dans
leur vie quotidienne, ce qui a pour effet de favoriser le maintien des pratiques
physiques dangereuses de moins en moins à la marge.
Tableau 1 : répartition de la connaissance qu’ont les enfants sur les 3 jeux d’apnée ou
d’évanouissement les plus connus (APEAS/IPSOS, 2011). Les résultats en rouge sont ceux
obtenus lors de l’enquête réalisée dans la circonscription d’Arras 1 en 2014.
Les adolescents (12-15 ans) connaissent mieux les trois jeux cités dans le
tableau 1 que les plus jeunes. De ce point de vue, le passage au collège
constitue une étape majeure, importante dans la socialisation de la jeunesse.
Les probabilités de côtoyer la violence s’accentuent à cette période. C’est ce
que montre la première enquête IPSOS pour l’association APEAS de 2007 : 48
% des 1013 répondants indiquent avoir pratiqué le « jeu du foulard » pour la
première fois entre 10 et 14 ans. L’entrée dans le collège constitue une rupture
critique avec l’école primaire quant à la découverte de pratiques physiques plus
ou moins dangereuses. De fait, la méconnaissance des « jeux dangereux » en
général et des « jeux » de non-oxygénation en particulier des plus jeunes doit-
elle inciter à la mise en place d’une sensibilisation de la part des différents
acteurs éducatifs (parents, enseignants, éducateurs…) ? Les résultats de
l’enquête d’Arras 1 semblent donner quelques éléments de réponse puisque
nous constatons une forte augmentation du taux de connaissance des jeux
bonheur, jeu de la sieste, jeu du sternum et jeu du cosmos. À signaler : ce sont plus d’une
centaine de dénominations différentes dans le monde qui définissent ce genre de pratiques dites
d’évanouissement.
Enfants de 6 à 11 ans Enfants de 12 à 15 ans
APEAS APEAS/IPSOS ARRAS 1
Jeu du foulard 32 % 51,2 % 79 %
Jeu de la tomate 27 % 50,7 % 43 %
Jeu de la serviette 3 % 9,7 % 23 %
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d’asphyxie. Le passage de 32 % à 51,2 % en trois années nous permet de
penser que les jeunes connaissent malheureusement de mieux en mieux ce type
de jeux. Cette augmentation n’est pas un effet lié à un plan de formation, ni à
des actions de sensibilisation programmée. Reste à voir ce que les effets dits
« Internet » pourraient avoir sur la question portant sur la connaissance des
jeux d’apnée ou d’évanouissement.
Parmi les enfants ne connaissant aucun des noms des 14 jeux proposés (n =
276), un peu moins d’un quart (24 %) reconnaît toutefois au moins l’un d’entre
eux dès lors que l’on procède à une description des formes de pratique11
. Les
enfants semblent davantage attirés par la règle ou la pratique que par le nom du
jeu. Entre eux, ils ne parlent pas ou peu du jeu, ils le vivent, le font vivre ou
l’observent. Il s’agit peut-être alors, pour l’enfant, de faire comme tout le
monde. Un enfant s’investit dans une pratique « nouvelle » sous prétexte que
les autres le font. À ce propos, une étude menée en 2007 pour l’association
« SOS Benjamin » montre que 26 % des enfants se sont déjà vus proposer de
participer à un « jeu » dangereux. Nous pouvons ainsi émettre l’hypothèse
selon laquelle la méconnaissance des pratiques considérées comme ludiques
mais risquées accentuerait leur dangerosité ou au moins leur fréquence
d’engagement dans l’action par les jeunes. A fortiori si cet enfant pense jouer,
le danger s’intensifie de fait. Ainsi, comme le montre l’enquête
IPSOS/APEAS, 63 % des jeunes connaissent au moins un jeu d’apnée ou
d’évanouissement. Cela représente 49 % des enfants de 6 à 11 ans et 84 % des
jeunes de 12 à 15 ans. Peut-on en conclure que la connaissance ou
méconnaissance d’un jeu oriente plus aisément les jeunes vers les différentes
formes de pratiques plus ou moins connues et potentiellement dangereuses ?
Nous émettons l’hypothèse qu’un enfant informé est un enfant mieux
préparé aux dangers et, donc, plus sécurisé pour lui-même. Pour autant, bon
nombre de parents et d’enseignants sont réticents à la sensibilisation. Ils
pensent que les enfants qui ne connaissent pas de « jeux dangereux » seraient
tentés de les essayer. À cette crainte nous répondons que les enfants ont toutes
les capacités pour comprendre qu’une activité présente ou non un danger. Il ne
s’agit pas pour autant de mésestimer ces craintes, au contraire, cela doit nous
inciter à bien penser les actions de sensibilisation auprès des jeunes. Le B.O. du
5 janvier 2012 (compétence ICM) constitue en ce sens une excellente base de
départ pour organiser des séquences d’apprentissage à l’instar des « jeux
dangereux », sans même exposer les enfants à ces pratiques. Il s’agit de
réfléchir de la manière dont nous souhaitons prévenir des risques encourus en
cas d’éventuelle tentative. Il ne s’agit pas de former aux jeux mais d’informer
aux risques. Pour Patrice Huerre, « la prise de risque existe dès l’enfance, alors
11
« Bloquer sa respiration jusqu’à devenir tout rouge », « Prendre de grandes inspirations
et arrêter de respirer en se pinçant le nez », « bloquer sa respiration en se serrant le cou avec
une petite corde, une écharpe, une ceinture », « bloquer sa respiration en se faisant serrer le
cou ou la poitrine par un copain ».
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qu’elle semble surtout présente à l’adolescence. Dans la plupart des cas, il
s’agit d’un non contrôle du comportement, d’une agitation non régulée, qui
conduisent l’enfant à se mettre en danger en grimpant, en sautant, avec, à la
clé, le risque d’accident » (2007, p. 11). Ainsi, la prise de risque appartient au
développement de l’enfant et de sa construction personnelle. Elle est même
nécessaire pour que l’enfant prenne conscience de ses actions, mais elle doit
pouvoir être mesurée en étant apprise. De plus, l’auteur rappelle qu’un enfant
de moins de 8 ans « n’a pas une conscience claire de la mort, et surtout de son
caractère irréversible » (Huerre, 2007, p. 12) ; c’est pourquoi les Instructions
Officielles ne permettent pas d’évoquer les conséquences mortelles des « jeux
dangereux » avant la classe de CM2. Les enseignants ont trois années pour que
la sensibilisation constitue un accélérateur pédagogique dans la capacité des
enfants à pouvoir mesurer les risques encourus. Précisons que nous n’avons
recensé aucun enfant sur les 1067 interrogés s’essayant à la pratique d’un jeu
dangereux après avoir distribué nos questionnaires dans les 14 écoles
arrageoise.
4.2. FACTEURS ET RISQUES DE LA PRATIQUE DES JEUX D’APNEE
OU D’EVANOUISSEMENT
4.2.1. Les copains et Internet
L’école primaire semble être le lieu dans lequel les enfants entendent
parler pour la première fois des jeux d’apnée ou d’évanouissement. Sur le
corpus IPSOS/APEAS des enfants ayant répondu avoir déjà entendu parler
d’un tel jeu (n = 636), l’enquête révèle que 82 % d’entre eux affirment avoir
pris connaissance de ces pratiques avant la 6ème
. La période capitale se situe
donc entre le CE2 le CM2 puisque cumulé, cela représente 54 % des élèves. Le
cycle 3 constitue une période charnière à bien des égards (socialisation,
connaissances culturelles, savoirs…), notamment pour optimiser l’entrée au
collège. Cette proportion importante du nombre d’élèves, connaissant au moins
une pratique dangereuse, montre que leur prise en compte d’un point de vue
pédagogique devient une nécessité d’utilité publique. En effet, les enfants
connaissant les « jeux dangereux » n’en sont pas pour autant aussi éclairés
quant aux conséquences qu’ils génèrent :
- d’une part, 6% de ces connaisseurs chez les enfants de 6-11 ans disent que
leur première fois était en maternelle. Ce constat amène diverses interrogations
: le phénomène de la violence est-il en train de se déplacer en touchant des
enfants de plus en plus jeunes et notamment dès la maternelle ? Nous pourrions
supposer que le partage des cours de récréation entre la maternelle et le
l’élémentaire inciterait les plus jeunes à reproduire les pratiques de leurs ainés.
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 78
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
Hormis ces relations plus ou moins amicales de cour d’école, qui incitent la
mise en jeu des corps en action par le jeu notamment, cette question des
influences se pose aussi entre les fratries : ces dernières sont-elles facilitatrices
des pratiques dangereuses ?
- d’autre part, une distinction entre les deux tranches d’âge : les 6-11 ans
affirment plutôt avoir entendu parler des jeux d’apnée ou d’évanouissement
entre le CP et le CE1 (62 %), tandis que les 12-15 ans prétendent en avoir pris
connaissance entre le CM1 et la 6ème
(64 %). Peut-on en déduire que les risques
soient supérieurs au collège qu’à l’école ?
Quelques éléments de réponse apparaissent : la connaissance de ce type de
« jeux dangereux » se transmet essentiellement par les copains/copines (71 %
des 6-15 ans). Ce qui parait plus surprenant c’est qu’un tiers (33 %) de
l’ensemble12
des répondants affirment en avoir pris connaissance par un adulte.
Internet ne constitue pas encore une source d’information majeure à ce sujet
puisque ce sont « seulement » 5 % des enfants de 6-11 ans et 11 % des enfants
de 12-15 ans qui disent en avoir eu recours pour découvrir ces pratiques
d’apnée. La sensibilisation récurrente des problèmes relatifs aux dérives du net
explique probablement en partie ce résultat. Les formations proposées au B2i et
au contrôle parental constituent des outils pédagogiques de premier ordre pour
limiter les abus ou les mauvaises rencontres.
En revanche, les résultats de l’enquête d’Arras 1 sont deux fois plus
importants que ceux de l’APEAS puisque 11,6 % (contre 5 %) des enfants
disent avoir connu ces jeux par Internet. Cette augmentation relative est à
prendre très au sérieux auprès des générations qui sont nées avec le numérique.
Les enfants maîtrisent de plus en plus tôt les outils informatiques, ce qui pose
quelques problèmes au regard de ce que la toile du net peut mettre à disposition
du public et l’usage qu’il peut en faire. En effet, un nombre important de
vidéos malsaines et dangereuses pour les enfants sont disponibles sur le net et
constituent de véritables enseignements techniques aux différentes pratiques
des « jeux dangereux » (Rêve indien, jeu de l’aérosol13
…). À propos des
pratiques dites « Internet » se pose une question simple : un recours à la loi
permettrait-il de pouvoir imposer des interdictions de diffusion de vidéos trop
explicites quant à la pratique des « jeux dangereux » ? L’objectif étant de
protéger les enfants les plus vulnérables des risques encourus par toutes ces
pratiques dangereuses. De ce point de vue, la sensibilisation semble constituer
la toute première arme de défense de ces jeunes enfants trop souvent en
manque de connaissances sur le sujet. La loi constituerait alors une seconde
armure.
12
L’ensemble représente l’union des résultats concernant les 6-11 ans d’une part et les 12-
15 ans d’autre part. 13
Une adolescente ayant tenté l’expérience du jeu de l’aérosol a trouvé la mort lors de
l’écriture de cet article.
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 79
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
4.2.2 Rapports entre « jeux dangereux », famille et témoins ?
Environ 40 % des enfants qui connaissent au moins un jeu d’apnée ou
d’évanouissement disent n’en avoir jamais en parlé à un adulte. Cette
proportion non négligeable renforce l’idée selon laquelle la sensibilisation
semble être une nécessité pour atténuer le nombre d’accident annuel. En effet,
combien d’articles de presse révèlent que les parents ayant un enfant victime
d’une pratique de « jeux dangereux » les découvrent au moment où les
accidents proviennent ? Ceci montre combien la part du travail de
sensibilisation est importante si celle-ci est orientée à plusieurs niveaux :
enfants, parents, enseignants, personnels médical ou social… Ce travail, qui
vise l’ensemble des partenaires socio-éducatifs, doit être organisé de manière
adaptée à chacun des publics concernés. Ainsi nous parlerons de formation
auprès des professionnels et de sensibilisation auprès des jeunes. Ceci étant dit,
l’enquête IPSOS révèle par ailleurs que ceux qui osent aborder le problème
ouvertement le font en priorité avec un parent. En effet, 96 % des 6-15 ans en
ont parlé à leur papa et/ou maman. Seuls 14 % disent en avoir parlé à leur
professeur. Après les parents, ce sont les frères et/ou sœurs qui constituent le
deuxième choix pour les confidences (18 %). Les méthodes de sensibilisation
et leur orientation doivent donc prendre en compte l’omniprésence des frères et
des sœurs. En effet, l’influence positive que peut exercer une fratrie sur chacun
des individus la constituant permet d’envisager qu’elle peut engendrer un outil
efficace dans la lutte contre la pratique des jeux d’apnée. L’enquête d’Arras 1
apporte les mêmes enseignements avec d’autres proportions : un peu moins de
55 % des enfants qui connaissent un jeu d’apnée ont appris la pratique par un
ou une camarade. 49 % de ces enfants disent n’en avoir jamais parlé à un
adulte. Ce silence, qui concerne un enfant sur deux, représente ainsi un risque
mortel majeur. Un enfant mal informé est un enfant en danger. L’importante
proportion d’enfants enfermés dans une certaine loi du silence n’est-elle pas un
alibi suffisant pour convaincre les professionnels indécis à transmettre les
connaissances nécessaires pour limiter toute forme de risques ? Notre enquête
montre que les enfants qui osent en parler le plus facilement le font auprès de
leurs parents (39,8 %). Nous avons observé, lors de nos différents passages
dans les écoles arrageoises, que les parents sont beaucoup moins réticents que
les enseignants à affronter la réalité des chiffres. Autrement dit, plus de 85 %
des parents ont accepté que l’on interroge leurs enfants. Il y a là une piste
sérieuse d’un travail collaboratif possible. En effet, si le dernier référentiel de
compétences des professeurs14
incite au rapprochement école/famille15
,
pourquoi ne pas tenter des expériences de sensibilisation aux « jeux
14
BO n°30 du 25 juillet 2013. 15
(Compétence 12 : Œuvrer à la construction d’une relation de confiance avec les parents)
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 80
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
dangereux » en partenariat avec les parents ? Cela serait peut-être une manière
de rassurer l’ensemble de la communauté éducative.
Les résultats sont plus importants lorsque l’on demande aux enfants
s’ils connaissent quelqu’un qui aurait déjà « joué » à un jeu d’apnée ou
d’évanouissement. En effet, dans l’enquête de l’APEAS, un enfant sur trois
l’affirme. Plus précisément, cela représente 32 % (n = 636) des enfants des
cours d’écoles et des collèges réunis (27 % des 6-11 ans et 40 % des 12-15
ans). Ces résultats pourraient laisser penser que la pratique est plus intense au
collège qu’à l’école. Ils ne s’établissent que sur une certaine forme de croyance
dans la mesure où la diffusion de la connaissance se réalise principalement sur
le simple mode du « bouche à oreilles ». Par contre, les chiffres se précisent
puisque nous observons que c’est un enfant sur quatre qui affirme avoir déjà vu
quelqu’un pratiquer un « jeu » d’apnée ou d’évanouissement. Pour l’ensemble
des 636 répondants, cela représente 26 % des enfants (23 % des 6-11 ans et 30
% des 12-15 ans). Basé sur l’observation directe des faits, nous constatons que
la réalité de la pratique de cette forme de « jeux dangereux » est loin d’être un
épiphénomène. Ce qui surprend en revanche c’est la faible communication de
ce problème de société, que ce soit de la part des médias (même si la tendance
semble s’inverser actuellement, notamment dû au travail des associations) ou
pire encore, du corps pédagogique et/ou scientifique. L’institution publique
aurait-elle à se préserver de tabous qui pourraient discréditer sa légitimité
éducative ? Un certain nombre de documentaires journalistiques ont souligné
l’omerta de certains responsables éducatifs face aux violences scolaires16
. Il
semble préférable (souvent pour des raisons de carrière professionnelle
individuelle ou d’image de marque de l’établissement (Debarbieux, 2006) de
tenter de résoudre les problèmes en « interne » que de s’exposer
médiatiquement en recherchant des solutions collectives. Le poids de la
hiérarchie est peut-être un élément explicatif aux réticences voire aux craintes à
exprimer les problèmes de violence. De surcroit, lorsque l’issue d’un acte de
détresse est rendue fatale. Si tel était le cas, il semble alors légitime de penser
que la sensibilisation (dite pédagogique) aux phénomènes de violence doit être
menée à tous les niveaux institutionnels, c'est-à-dire des surveillants de cour de
récréation aux chefs d’établissement, des médecins aux assistantes sociales, des
juges aux jeunes coupables, des enseignants aux parents et des victimes elles-
mêmes17
.
16
Pour des raisons de confidentialités et par respect de la famille nous resterons
volontairement imprécis sur une affaire de harcèlement qui se terminera par le suicide d’une
collégienne de 12 ans dans un collège du Pas-de-Calais en 2012. Les parents porteront plainte
contre l'établissement en estimant que l'équipe éducative n'avait pas pris en compte le
harcèlement dont leur fille faisait l'objet de la part de trois élèves. La plainte est classée sans
suite. 17
Lorsqu’il s’agit de harcèlement scolaire le problème est beaucoup plus difficile à
affronter. En effet, les preuves matérielles sont souvent difficiles à faire valoir. Il est très
délicat de faire un lien direct entre le harcèlement dont est victime un enfant et son suicide.
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 81
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
4.2.3 L’école, les clubs et les colos ?
L’école représente le lieu « d’apprentissages » ou de découverte des
pratiques des « jeux » d’apnée ou d’évanouissement. Selon l’enquête IPSOS,
parmi les enfants ayant répondu avoir été témoin (n = 263), 92 % d’entre eux
disent avoir vu cette pratique dans la cour de récréation (89 % des 6-15 ans) ou
à la cantine (15 % des 6-15 ans). Cependant, les directeurs et animateurs de
centres aérés ou de colonies de vacances, ainsi que les responsables des
organismes d’éducation doivent à présent être conscients du phénomène des
« jeux dangereux » ou des jeux d’apnée, puisque 11 % des jeunes disent avoir
vu pratiquer dans ces lieux de vacances (7 % des 6-11 ans et 16 % des 12-15
ans). La teneur de ces résultats montre qu’un potentiel danger se développe
parallèlement hors de l’école. Ce phénomène semble plus sournois puisqu’il est
encore plus discret que ce que nous en savons pour l’école. La formation
touche alors tous les acteurs du milieu de l’éducation populaire (Ceméa,
Francas, UFCV…). Sur les 636 enfants ayant affirmé avoir vu un autre enfant
pratiquer le « jeu du foulard », 4 % d’entre eux disent avoir constaté un
évanouissement (3 % des 6-11 ans et 6 % des 12-15 ans). Parallèlement et de
manière inquiétante, ce sont près de 30 % des élèves d’Arras 1 qui ont pu
constater un évanouissement ! La comparaison des deux tranches d’âges
montre une nouvelle fois que le collège semble être le lieu où la mise en œuvre
de la pratique du « jeu du foulard » est la plus active. La taille de ce type
d’établissement pourrait expliquer les différences quantitatives. Nous pouvons
émettre l’hypothèse que la grandeur des établissements, comparativement à la
taille moyenne des écoles, poserait davantage de problème de surveillance, ce
qui faciliterait la pratique des « jeux » illicites et dangereux. Ceci montre
également que le passage de l’école au collège constitue une étape importante
et risquée pour les ex-élèves de CM2 ; d’autant plus, s’ils sont peu ou pas
informés de la dangerosité de certaines de ces pratiques que l’on nomme
usuellement « jeux ».
Un article du journal « l’Express » datant du 3 décembre 2009 indique que
le « jeu du foulard » a tué 13 enfants cette même année, après une douzaine en
2008 selon Isabelle Thomas18
. Rapporté à l’ensemble de la population, nous
pouvons affirmer que ces profils dont l’issue fut fatale, correspondent à la
catégorie des 6-15 ans de l’enquête IPSOS (n = 636) qui représentent 16% de
pratiquants. Un enfant sur dix (pour les 6-15 ans) affirme avoir essayé au
moins une fois la pratique d’un jeu d’apnée ou d’évanouissement et 6 % ont
Dans ce cas, il ne s’agit plus que d’un problème exclusivement éducatif mais relevant
également de la justice. De ce point de vue, outre les acteurs œuvrant dans le secteur social,
éducatif ou médical, c’est à présent ceux de la justice qu’il faut intégrer dans un processus
global de formation à la sensibilisation des « jeux dangereux » en particulier et des violences
scolaires en général. 18
Vice-présidente de l’APEAS
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 82
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
tenté l’expérience plus d’une fois. En rapportant ces résultats à l’ensemble de
la population, ce sont 10 % des enfants de 6-12 ans qui ont déjà pratiqué un jeu
de ce type. En revanche, l’enquête d’Arras 1 permet d’observer une évolution
du phénomène. En effet, à la même question posée auprès des 1067 élèves en
2014, 19,2 % (n = 205) ont répondu avoir déjà joué au moins une fois. 10,7 %
disent avoir pratiqué plusieurs fois et 8,5 % ont joué une fois à l’un de ces jeux.
Parmi cette population de pratiquants, 60 % sont des garçons. Nos travaux
montrent que la pratique des jeux d’apnée dans les écoles semble être un
phénomène en augmentation. L’intégration des « jeux dangereux » au B.O. du
mois de janvier 2012 montre que les pouvoirs publics se sont emparés de la
gestion du problème en orientant les pratiques pédagogiques des professeurs
des écoles avec une série de prescriptions. Ceci étant, nos observations de
terrain, notamment lors des passations, conduisent à penser que peu
d’enseignants abordent la question des « jeux dangereux ». Ils disent très
souvent avoir peur de devenir l’initiateur d’éventuelles pratiques des enfants ne
connaissant pas le phénomène. C’est, selon nous, cet élément factuel qui est à
la source de la problématique de la sensibilisation. La question n’est donc plus
de savoir s’il faut sensibiliser puisque les I.O. invitent chaque enseignant à le
faire, mais plutôt de savoir comment faire, et surtout, comment l’initier en
prenant en compte le niveau de la classe ?
Une des réponses envisageables se trouve dans les programmes de 201219
:
en effet, en CE2 la sensibilisation portera davantage sur la notion de risque et
de sécurité en apprenant à respecter « les principales règles de sécurité de la
vie quotidienne ». Il s’agit pour l’enseignant de « faire découvrir à ses élèves
les objets, les matériels familiers et leur condition d’usage pour éviter les
traumatismes, saignements, brulures, asphyxie ou intoxication ». En CM1,
c’est la posture comportementale qui est abordée. Les enfants doivent
apprendre à adapter leur conduite « face à des situations spécifiques pour se
protéger et préserver les autres ». Ils doivent prendre conscience de la
nécessité de « s’interdire toutes formes de violences, verbales comme
physiques, notamment dans la cour de récréation ». En CM2, sera étudiée la
notion de conséquences au regard des actes engagés. Les enfants doivent savoir
en quoi leurs « comportements sont bénéfiques ou nocifs pour leur santé et
celle des autres ». Les programmes stipulent clairement que les « jeux
dangereux » devront être identifiés en connaissant les conséquences de leur
pratique. Il s’agira pour le futur collégien de « savoir si une activité ou un geste
de la vie courante présente un danger vital ». Cette progression dévoile une
adaptation des connaissances à acquérir au regard du développement
psychologique des enfants. Il ne s’agit pas de les traumatiser mais bien de les
informer aux risques qu’ils encourent. Considérons qu’un enfant informé est un
enfant moins exposé au danger.
19
BO n°1 du 5 janvier 2012.
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 83
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
Les autres élèves constituent aussi une part potentielle importante du
danger. Les enfants doivent savoir dire non aux plus âgés. Considérant que la
« violence se construit dans la répétition oppressive de la loi du plus fort »
(Debarbieux et al., 2003 ; Rubi, 2005), nous concevrons que le devoir des
enseignants est d’apprendre aux enfants des écoles primaires à se protéger
contre les dangers d’une vie future et proche au collège. La transition dans ce
modèle d’établissement si différent de l’école constitue incontestablement une
charnière à haut risque pour les enfants. Pour le sociologue François Dubet, un
enjeu majeur pour le collège réside dans « notre capacité de faire des
établissements des endroits éducatifs, des endroits accueillants. Des
établissements dans lesquels la vie collective a une fonction éducative, dans
lesquels on apprend à vivre avec les autres, où être gentil, coopératif avec les
autres est une vertu, reconnue scolairement. C’est une notion très difficile à
faire passer, notamment tant que le métier d’enseignant sera défini uniquement
autour de la maîtrise disciplinaire. Mais on pourrait imaginer que l’école ne se
donne pas pour unique objectif de fabriquer des gens savants : elle pourrait
fabriquer des citoyens confiants, épanouis »20
. Gageons que le nouvel élan de
l’esprit d’une culture commune permette d’unifier deux mondes
(écoles/collèges) que tout oppose ou presque !
4.3. PRATIQUE, PERCEPTION DES JEUX D’APNEE ET
ENVIRONNEMENT
4.3.1 Ces enfants qui jouent seuls
Sur la totalité des enfants ayant répondu à l’enquête 102 enfants (10,1
%) évoquent leur pratique effective du « jeu du foulard ». Ces pratiquants
confirment l’un des précédents résultats obtenu avec les enfants qui se
déclaraient avoir été témoin : 86 % ont pratiqué le jeu à l’école (89 % des 6-11
ans et 82 % des 12-15 ans). En conséquence, c’est avec les copains que 91 %
déclarent avoir expérimenté la pratique du « jeu du foulard » (89 % des 6-11
ans et 95 % des 12-15 ans). 85% de ces derniers ont tenté l’expérience avec un
copain plus âgé. 11% évoquent une pratique en mode « solo » (11 % des 6-11
ans et 9 % des 12-15 ans) et 6 % avec leur(s) frère(s) ou sœur(s) (7 % des 6-11
ans et 5 % des 12-15 ans). Un risque majeur est exprimé à travers ces résultats
lorsque l’on constate qu’un enfant sur dix dit avoir essayé seul. Cela constitue
pour nous la source de risque la plus importante dont il faut résolument porter
la plus grande des attentions. En effet, dans ce cas de pratique isolée, personne
ne peut intervenir auprès d’un enfant qui s’évanouit puisque celui ou celle qui
s’essaie à l’expérience le fait à l’abri des regards. C’est précisément dans ce
20
Site « le Lab’ » : http://www.lab-afev.org/francois-dubet-lecole-pourrait-fabriquer-des-
citoyens-confiants-epanouis/
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 84
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
genre de cas que des séquelles irréversibles surviennent, et parfois la mort.
Pour les pratiquants dits « isolés », le résultat de l’enquête d’Arras 1 interpelle
au premier rang puisqu’il est supérieur à celui de l’enquête IPSOS (15,2 %).
De ceux qui annoncent pratiquer seuls, c’est à la maison que le « jeu » se
déroule. Cette tendance confirme que les parents doivent être intégrés aux
différents programmes de sensibilisation notamment pour savoir détecter les
signes avant-coureurs de la pratique du « jeu du foulard » et autres « non-
jeux ». Les résultats de l’enquête d’Arras sur ces questions imposent une
importante réflexion de la part des professionnels. Nous l’avons vu, nos
chiffres indiquent que 19,2 % des enfants du corpus arrageois (n =1067) disent
avoir pratiqué au moins une fois. Cette proportion représente près de 53 % des
connaisseurs des jeux d’apnée (205 joueurs/pratiquants sur 387 connaisseurs).
Entre les deux enquêtes distantes de trois années, nous constatons une
augmentation de près de 10 %. Les quelques entretiens informels réalisés
auprès de certains enseignants montrent là encore que ces derniers préféraient
s’abstenir de parler des « jeux dangereux » de peur d’inciter les non-initiés aux
risques de la pratique. Sans agir, les résultats révèlent qu’un enfant sur deux
connait déjà (avant le CM2) au moins un jeu dangereux. À l’instar de ces
résultats, devons-nous persévérer dans une posture favorisant la loi du
silence ou encore celle de l’évitement ?
4.3.2. Motivations et pratiquants
Trois principales raisons sont évoquées par les 102 protagonistes
quant aux motivations qui les poussent à tenter l’expérience du « jeu du
foulard » : la première fait référence à la notion de groupe et aux effets de
mode qu’il peut en générer. Pour la moitié d’entre eux, il s’agit de faire comme
les copains à un moment propice (50 % des 6-11 ans et 51 % des 12-15 ans).
Ensuite, c’est le caractère amusant de la pratique qui attire les jeunes : 32 %
des enfants trouvent « rigolo » le « jeu du foulard » (31% des 6-11 ans et 32 %
des 12-15 ans). Enfin, la troisième raison importante renvoie aux sensations
ressenties : 16 % des « joueurs » évoquent les « effets particuliers et bizarres »
que le jeu procure (15 % des 6-11 ans et 17 % des 12-15 ans). Le « jeu du
foulard » renvoie à un certain modèle de jeu que Roger Caillois classait en
1958 dans une des quatre familles de sa classification nommée « Ilinx ». Pour
l’auteur, ces jeux de vertige provoquent un certain affolement des sens.
Initialement Caillois faisait référence aux sports de glisse, aux manèges de
fêtes foraines et autres balançoires. Aujourd’hui le « jeu du foulard » semble
procurer (avant l’évanouissement ou le coma) un étourdissement lié à l’absence
prolongée d’oxygène. Pour la professeure Anne Corrêa Guedes, l’hypoxiphile
« ne recherche que l’euphorie induite par la diminution de l’apport d’oxygène
au cerveau et l’état modifié de conscience qui s’ensuit. Il semble naturel qu’y
soient éventuellement associés des fantasmes érotiques, que l’on aurait tort
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 85
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
d’assimiler ou de réduire à une simple sexualité autocentrée » (2010, p. 98).
La typologie d’Olivenstein sur les produits psychoactifs, reprise par Porchet
(1995), permet de distinguer des usages récréatifs, abusifs ou toxicomaniaques.
Les effets « bizarres » que certains enfants expliquent pourraient conduire à
cette troisième catégorie. Le plaisir ressenti serait une des sources du besoin ou
de la nécessité de répéter le geste. À ce stade de réflexion, aucune étude
épidémiologique ne permet d’avancer des éléments de réponse. Pour autant la
piste addictive des conduites à risques constitue une hypothèse sérieuse depuis
la fin des années 1990 et le début des années 2000. C’est à cette même époque
que Pommereau (1997 et 2001) constate une augmentation importante des
troubles des conduites chez les jeunes en recherche de plaisir. La psychologue
Sylvianne Spitzer21
propose une approche très intéressante du phénomène
appelé asphyxie auto-érotique. Pour l’auteur, ces pratiques seraient liées à la
montée de la pulsion sexuelle chez les jeunes, ainsi qu’à la personnalité.
Historiquement, la pratique de l’asphyxie auto-érotique remonterait au Moyen-
âge dès lors que l’on constata une érection suivie d’une éjaculation chez les
hommes pendus. Ces pratiques sont d’ailleurs détaillées dans certaines œuvres
littéraires écrites par des auteurs aussi divers que le Marquis de Sade (1791) ou
Samuel Becket (1952). Dans la même lignée, et plus récemment, Elise
Pelladeau et Pierre G. Coslin en 2013 se sont interrogés sur le caractère
ordalique du « jeu du foulard » et aux risques d’addiction. Les études sur le
sujet se développent mais demeurent encore à la marge. Elles semblent
cependant apporter une hypothèse commune qui consiste à penser que la
pratique du « jeu du foulard » pourrait être liée à un plaisir d’ordre sexuel qui
conduirait à la répétition du geste, et donc, à l’augmentation du risque encouru.
Cette piste est une tentative d’explications que des études scientifiques, de type
psychologiques ou épidémiologiques par exemple, devront développer et
affiner davantage. Enfin, une autre réponse pour la moins surprenante est
signalée : 9 % des répondants disent jouer pour se « décontracter ». Faut-il y
voir les prémices d’éventuelles recherches de solutions face au stress subi par
les enfants dans les différents établissements scolaires ? À l’instar de l’enquête
IPSOS, les résultats de l’enquête arrageoise montrent que la notion de groupe
est une nouvelle fois un facteur facilitateur de la mise en pratique du « jeu du
foulard ». Juste après les 32,2 % de réponses évoquant l’aspect « rigolo » du
jeu, ce sont 30,3 % des enfants qui avouent vouloir « faire comme les
copains ». Vient ensuite le facteur lié aux émotions et au plaisir que nous
évoquions plus haut. Enfin, ce sont 11,2 % des élèves qui pratiquent le jeu pour
se décontracter. Nous le constatons, les résultats des deux enquêtes montrent
que les motivations des enfants sont assez similaires par leur nature et leur
degré d’importance. Ainsi, l’effet groupe constitue un déterminant initiatique
des pratiques important. Les résultats ici obtenus confirment les propos tenus
dans le guide de la Direction Générale de l’Education Nationale « jeux
21
http://profiling.free.fr/article%20autoerotisme%20investigation.htm
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 86
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
dangereux et pratiques violentes » qui précise : « l’influence négative des pairs
est indéniable dans l’expérimentation des conduites à risques et donc des jeux
dangereux, mais aussi et surtout dans la poursuite, voire l’aggravation, de ces
comportements risqués » (2007, p.18). D’ailleurs, Zuckerman et Cloninger
(1996) ont démontré que certains jeunes développaient favorablement des traits
de personnalité propices à la recherche de nouvelles sensations fortes dans des
situations sportives, dangereuses ou de désinhibition. Pour Michel et Purper-
Ouakil (2006), ce profil type favorise les conduites d’expérimentation et de
maintien des comportements à risque pour ceux qui renouvellent sans cesse
l’expérience. Ce même Michel avec Aubron (2008 et 2009) affirment que ce
sont ceux qui sont avides de fortes stimulations qui entrent plus aisément dans
un processus de renouvellement, même de façon solitaire.
À travers les résultats de l’enquête d’Arras, nous avons montré
ultérieurement que le risque majeur chez les jeunes se situait surtout auprès de
ceux qui pratiquent en mode « solo », à l’abri des regards (15,6 %).
4.3.3. Jeu du foulard et connaissances des risques encourus
Nous l’avons largement décrit, les résultats de l’enquête arrageoise
peuvent paraitre alarmant au regard de l’évolution qu’ils affichent par rapport à
l’enquête IPSOS de 2011. Mais, ce qui peut susciter davantage d’inquiétude
réside dans le fait qu’une grande partie des pratiquants du « jeu du foulard » ne
connaissent pas les conséquences d’une telle pratique. En effet, la question des
risques a été posée. Comme l’indique le tableau 2 ci-dessous, les enfants ont
une importante méconnaissance des dangers auxquels ils s’exposent quand ils
entrent dans le jeu. Environ 60 % (IPSOS) admettent qu’il y a bien une
possibilité d’évanouissement. C’est peut-être pour cette raison que les enfants
essaient le « jeu du foulard » sans trop se poser de questions ? Après tout, un
évanouissement ce n’est guère mortel ! Pourquoi donc ne pas tenter sa chance ?
Cette hypothèse se confirme lorsque l’on s’aperçoit que plus d’un enfant sur
deux ignore qu’il peut en mourir ou subir des séquelles irréversibles pour le
cerveau. En réunissant les deux enquêtes, 40 % des jeunes répondants
admettent être conscients de la mort. Au regard de cette proportion importante
de ces jeunes lucides, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur les
motivations qui animent ces jeunes bien au fait des risques à « jouer » malgré
tout !
L’ignorance s’exprime davantage lorsque qu’est évoquée la question
du handicap ou des convulsions. De ce point de vue, les trois quarts des enfants
répondent qu’ils ne courent pas de risques. 75 % des répondants pensent qu’ils
ne peuvent pas devenir handicapés à la suite d’un jeu d’apnée. Les résultats de
l’enquête arrageoise sont moins importants en proportion mais montrent de la
même manière que la méconnaissance des risques encourus constitue un réel
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 87
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
danger pour qui accepte d’entrer dans une pratique dangereuse. À cet égard,
32,7 % des enfants de la circonscription d’Arras 1 pensent qu’ils ne risquent
rien en jouant au « jeu du foulard ».
Il parait intéressant de poser cette même question dans deux ou trois ans,
dans la même circonscription, après la mise en place d’une démarche
pédagogique de sensibilisation afin d’en mesurer, comme nous le pensons, les
possibles bénéfices d’une telle action. Nous sommes convaincus que les
premiers effets bénéfiques se mesureraient sur l’observation d’une meilleure
connaissance des risques qui impliqueraient de facto une baisse du nombre de
pratiquants.
Tableau 2 : Connaissances des risques encourus à la pratique du « jeu du foulard ».
Synthèse des résultats les plus significatifs selon les enquêtes IPSOS et Arras 1 (Vigne,
2014)22
.
« D’après toi, en jouant à ce
jeu, risques-tu : » IPSOS/APEAS ARRAS 1
De t’évanouir ou de perdre
connaissance 60 % 49.8 %
De faire arrêter ton cœur 50 % 30.7 %
De mourir 48 % 33.2 %
D’abîmer ton cerveau 36 % 14.1 %
De rester handicapé ou paralysé 23 % 15.6 %
Rien - 32.7 %
Pour autant, la sensibilisation ne règlerait pas tout de manière aussi
systématique. En effet, au-delà des risques encourus, se pose la question du
plaisir ressenti et celle de l’addiction. Pour Caillois, les jeux de l’Ilinx
permettent de rechercher une forme de vertige par une « tentative de détruire
pour un instant la stabilité de la perception et à infliger à la conscience lucide
une sorte de panique voluptueuse » (1958, p. 67). Pour l’auteur « il s’agit
d’accéder à une sorte de spasme, de transgression ou d’étourdissement qui
anéantit la réalité avec une souveraine brusquerie » (1958, p. 68). C’est la
volonté de rompre avec la monotonie quotidienne qui pousserait les enfants à
agir ainsi. Pour les adolescents, le « jeu du foulard » serait-il un substitut aux
substances illicites qui permettent également une « panique voluptueuse » ?
22
La réponse « Rien » n’avait pas été proposée lors de l’enquête IPSOS mais nous avons
délibérément fait le choix de l’insérer dans la colonne Arras 1 de notre tableau comparatif pour
la simple raison que 32,7 % constitue un résultat important dans la méconnaissance des
conséquences de la pratique de jeux d’apnée. Cette proportion devrait interpeler les plus
réticents à la sensibilisation.
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 88
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
À l’instar des nouvelles pratiques physiques des années 1980 décrites
par Le Breton, le « jeu du foulard » représente un produit dérivé de ces
activités que les jeunes générations utilisaient jadis pour dominer le vertige.
Bon nombre d’études actuelles relèvent le problème de la consommation de
drogue et/ou d’alcool chez les adolescents en quête d’un autre « moi ». Ces
pratiques constituent pour l’auteur un signe inquiétant d’une certaine difficulté
à intégrer le monde social (Le Breton, 2002). Valérie Debrot explique que
« tout ce qui est désiré est susceptible d’être dangereux pour soi-même ou pour
autrui, et que la paire « désir-danger » nécessite la formulation d’interdits »
(2004, p. 8). Ceci expliquerait en quoi la notion de risque soit indissociable de
celle des limites. Nous faisons l’hypothèse que le « jeu du foulard » s’inscrit
dans cette logique. Pour nous, l’ignorance accroit les risques. Une
connaissance plus affinée permettrait aux pratiquants de s’imposer des limites
qui, in fine, les exposeraient moins aux pratiques risquées. Dit simplement, il
s’agit dans ce cas de prévenir pour mieux guérir. Prévenir à l’école pour guérir
des « dangers » potentiels du collège que représentent les « jeux dangereux ».
L’adolescence est une période propice aux confrontations avec soi et avec les
autres. Il existe dans cette période-là un besoin fort d’éprouver ses limites. Pour
Pommereau, le terme « éprouver » est « ici à saisir dans une double
acception : mettre à l’épreuve, c’est-à-dire tester la solidité et la permanence
des limites internes et externes ; les ressentir, c’est-à-dire les reconnaitre et
admettre leur réalité, qu’elle soit matérielle ou psychique. L’heure des
premières vraies prises de risques – qui constituent autant de vérifications de
ces repères – est bien celle de l’adolescence » (1997, p. 123). Pour se sortir de
l’emprise des parents pour exister en tant qu’individu à part entière,
l’adolescent doit explorer de nouveaux espaces qui, parfois, comportent des
risques. Cette confrontation force à en distinguer les limites. Pour que le jeu de
cette confrontation ne soit pas inégal entre le jeune et une pratique physique à
risques, il conviendra à l’adulte d’apporter toutes les armes de la connaissance
afin que chaque adolescent puisse prendre les mesures de la portée de chacun
de ses actes. Ainsi, le danger serait moindre. Pour Debrot, « mieux sont
représentés les seuils à ne pas franchir et moins l’adolescent est amené à se
mettre en danger pour en ressentir la consistance. Pour l’adolescent, la
question ne se pose pas en terme de respect scrupuleux de tous les interdits,
avec l’objectif de ne prendre aucun risque. L’essentiel est plutôt de donner du
sens à ces interdits, de pouvoir se situer face à eux, et en fonction de cela
expérimenter ou pas ». Ceux qui ne sont pas en mesure de donner du sens aux
pratiques dangereuses sont les plus vulnérables. D’ailleurs l’auteure
ajoute « certains adolescents, incapables de trouver ‒ en eux et autour d’eux ‒
les limites et les étayages susceptibles de donner un cadre à leur existence,
vont jusqu’à se transformer en véritables « têtes brulées », en multipliant les
conduites à risques » (2004, p. 9).
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 89
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
Les résultats ci-dessous abondent en ce sens. Ils montrent combien il
est nécessaire et urgent de mettre en place des actions concertées et communes
de sensibilisation. Nous connaissons ce que les drogues et alcools provoquent
chez les jeunes par le biais des médias et des campagnes de sensibilisation
ministérielles ; malgré cela, les résultats ne sont guère satisfaisants. Le nombre
de morts ou de comas annuels ne diminue pas de manière systématique, bien au
contraire. L’ignorance d’une grande majorité de la population française quant
aux méfaits et même à l’existence des « jeux dangereux » en général et du « jeu
du foulard » en particulier peut laisser envisager une recrudescence de ces
modes de pratique dans les années à venir. Il s’agit bien en l’état d’un
problème national de santé publique qu’il conviendrait de combattre
instamment. En affinant les résultats de la question du tableau 1, l’étude montre
que les risques encourus par ignorance ne s’arrangent pas avec l’âge. En effet,
les adolescents ont à peine plus conscience des dangers que les plus jeunes
enfants. La différence la plus importante entre les 6-11 ans et les 12-15 ans est
portée par la perte de connaissance ou l’évanouissement : 77 % des enfants de
12-15 ans ont conscience de ces conséquences contre 48 % chez les plus
jeunes. En revanche, il n’y a pas de différence significative à propos des
risques mortels, de paralysies ou de convulsions (cf. figure 1 ci-dessous).
Figure 1 : conscience des risques encourus selon les catégories d’âge
(APEAS/IPSOS).
Plus globalement, les résultats des deux enquêtes réunies montrent
clairement qu’un tiers des enfants et adolescents connaissent mal les risques
auxquels ils s’exposent en pratiquant un jeu d’apnée ou d’évanouissement.
Cette proportion n’inciterait-elle pas à la mise en place de mallettes
pédagogiques pour aider les enseignants, par exemple, à aborder la délicate
question des « jeux dangereux » à l’école ?
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 90
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
CONCLUSION
Le « jeu du foulard » et le « jeu de la tomate » sont les jeux les plus connus
des jeux d’apnée ou d’évanouissement. C’est principalement à l’école
élémentaire, dans les cours de récréation ou les toilettes, que les enfants
découvrent pour la première fois ce type de jeux. Le mode de transmission ou
de découverte se fait par l’intermédiaire d’un copain (71 % de ceux qui
connaissent un jeu). 10 % d’entre eux ont réellement joué à des jeux d’apnée
ou d’évanouissement. Ce résultat nouveau doit appeler à la plus grande des
vigilances : nous l’avons vu, l’enquête arrageoise montre que ce sont un peu
plus de 19 % de jeunes enfants qui ont pratiqué au moins une fois le « jeu du
foulard ». Le nombre de pratiquants a donc quasiment doublé en moins de cinq
ans. Dans la même lignée, les résultats d’une récente thèse en médecine sur
« Pratique des jeux d’asphyxie en milieu scolaire chez les jeunes enfants »
(2014) de Caroline Cortey dirigée par Isabelle Claudet23
, confirment la
tendance observée sur la circonscription d’Arras 124
. Ces deux enquêtes
montrent que nous devons considérer, avec la plus grande vigilance, les
hausses respectivement observées dans deux régions françaises diamétralement
opposées. Ces résultats en progression ne peuvent être le fruit du hasard.
Enfin, il semble que ce soit davantage les garçons qui tentent l’expérience
que les filles25
. C’est essentiellement à partir d’un effet de mode, « pour faire
comme les copains », que la mise en jeu du corps dans ce type d’expérience se
réalise. L’élément le plus troublant s’exprime par le fait qu’une majorité des
enfants ne soit pas consciente des risques encourus (51% IPSOS/APEAS).
Dernier élément troublant ressortant de l’enquête d’Arras est la proportion des
pratiquants à jouer « seuls » à la maison au « jeu du foulard » : en effet, le
caractère solitaire de cette pratique renforce l’exposition au danger de mort. D’une manière générale, l’enquête montre combien les enfants des écoles
sont exposés aux jeux d’apnée ou d’évanouissement. Malgré la prise de
conscience des institutions (B.O. du 5 janvier 2012), puisque l’interdiction des
« jeux dangereux » au cycle 3 a été intégrée dans la compétence « estime de
soi », le chemin n’est pour autant pas abouti. Il reste toute l’action pédagogique
des acteurs du système éducatif à mettre en ordre de bataille afin que les
enfants apprennent à se protéger, à dire non et surtout à connaître la
dangerosité de telles pratiques. Il conviendrait donc de former les futurs
23
Responsable « Equipe médicale des Urgences Pédiatriques » l’hôpital de Toulouse. 24
Auprès de 1023 enfants répondants d’une moyenne d’âge de 8,2 ans, l’auteure observe
« une prévalence de 40% de pratiquants parmi les interrogés. Les trois jeux les plus connus
sont : le jeu de la Tomate (65 %), le jeu du Foulard (61 %), Jouer à s’étrangler (58 %) – Les
trois jeux les plus pratiqués sont les mêmes respectivement 59, 50 et 26 % ». Cette enquête
relève également une augmentation, bien plus élevée que celle que nous observions avec
l’enquête d’Arras 1 (un peu moins de 20 %), par rapport aux résultats de l’enquête IPSOS de
2011. Le caractère fortement accentué de ces résultats incite à la prudence. 25
Observation également faite dans l’enquête de Caroline Cortey
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 91
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
enseignants à la sensibilisation des pratiques dangereuses26
. Il s’agit bien de
fait d’une question de formation. C’est au travers des Ecoles Supérieures du
Professorat et de l’Enseignement (ESPE) qu’une réponse émerge : en effet,
former l’ensemble des futurs professeurs permettrait, sûrement à terme, de
canaliser le phénomène inquiétant de la pratique des « jeux dangereux ».
Par ailleurs, le nouvel esprit de « culture commune », impulsé par le
ministère, est une mise en œuvre opportune pour répondre et faire face au
problème des « jeux dangereux » dans la mesure où la sensibilisation aux
pratiques dangereuses pourra s’effectuer de l’école primaire au lycée.
L’interdisciplinarité peut à cet égard constituer un bon levier pour la mise en
œuvre pédagogique du principe de sensibilisation : par exemple, les
enseignants peuvent travailler la question de l’apnée à travers les sciences et
notamment le phénomène physiologique de la respiration en cycle 3. L’EPS
permettrait aussi de travailler le concept de respiration à partir d’un travail
mené dans différentes Activités Physiques Sportives ou Artistiques (APSA)
telles que la natation ou la course de longue durée. L’approche
interdisciplinaire permettrait ainsi de ne pas affronter directement le sujet par
une entrée à partir des « jeux dangereux ». Il ne s’agit pas de transformer une
sensibilisation sensée protéger les enfants en « guide technique » qui exposerait
tous les enfants (initiés et non-initiés) à des dangers certains. Nous le pensons,
confortés par les résultats de notre enquête, la sensibilisation aux risques des
pratiques des « jeux dangereux » constitue le moyen le plus efficace dans la
lutte contre des violences inter et intra-personnelles d’une part, et la possibilité
de voir baisser le nombre de pratiquants d’autre part. Maîtriser le phénomène
nécessite d’en connaitre ses contours. La sensibilisation doit faire l’objet d’un
travail réfléchi et organisé en progression dans le cadre des apprentissages,
l’instruction civique et morale (ICM) est une autre piste27
.
Dans le cadre des actions pour prévenir les violences à l’école et améliorer
le climat scolaire, le ministère de l’éducation nationale a mis en place des outils
concrets pour accompagner les démarches éducatives des enseignants. Ainsi,
un site Internet collaboratif dédié au climat scolaire propose des ressources en
ligne ; un guide28
pratique est à la disposition des professionnels ; des
« groupes académiques climat scolaire » et « lutte contre le harcèlement » ont
été créés dans toute la France. Des personnels sont à la disposition des équipes
éducatives, au niveau des rectorats, pour apporter leurs connaissances et leur
aide technique sur tous les problèmes relevant des violences à l’école. Nous le
constatons, les autorités prennent le sujet à bras le corps afin d’aider les
26
A partir de la rentrée 2014/2015 les « jeux dangereux » seront intégrés dans la maquette
de formation des futurs professeurs des écoles de l’ESPS Lille Nord de France. 27
Cf. BO n°1 du 5 janvier 2012, p.30/34 28
Guide d’intervention en milieu scolaire (2007), Jeux dangereux et pratiques violentes,
Ministère de l’éducation nationale ; Direction générale de l’enseignement scolaire ; Bureau de
la santé, de l’action sociale et de la sécurité. CNDP.
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 92
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
enseignants qui se sentent démunis dans la mise en place d’action de
prévention, de sensibilisation ou de protection dans le cadre de la lutte contre
les violences à l’école.
Certes, la sensibilisation n’évitera pas les risques de pratique mais, à
l’inverse, l’absence d’action pédagogique de prévention ne permettra pas
d’affaiblir un phénomène que nous estimons en expansion. Il est important que
les équipes éducatives s’inscrivent plus généralement dans un travail qui vise à
améliorer le climat scolaire29
. C’est pourquoi nous préconisions plus haut que
le travail de formation des personnels devait se faire auprès de toutes les
professions de l’éducation nationale, allant aussi bien du chef d’établissement
qu’aux personnels d’animation des activités périscolaires ou des agents de la
cantine. Au-delà de l’éducation nationale, ce sont tous les personnels de
l’éducation en général et de la santé qui sont aussi concernés : ainsi, les
formations BAFA et BAFD, les entraineurs des clubs sportifs, les médecins
urgentistes pour préciser les bilans diagnostiques d’admission, les étudiants des
ESPE, les CPE des collèges/lycées, les infirmières, les psychologues… Aux
trois propositions faites par Pommereau, nous y en ajouterons une quatrième :
la gestion des espaces des cours de récréation. Nous pensons que la régulation
de l’utilisation des espaces de jeux des cours des écoles permettrait de limiter
significativement la violence en général et donc de la pratique des « jeux
dangereux » en particulier.
Trop de personnels de diverses institutions éducatives ignorent les
conditions et modalités de mise en œuvre des « jeux dangereux » et encore trop
d’acteurs et responsables institutionnels ferment les yeux sur ces pratiques.
Bien souvent l’inaction est guidée par la peur du fait d’une méconnaissance
profonde du phénomène des « jeux dangereux », qu’il conviendrait de nommer
autrement. Gageons que les résultats de nouvelles enquêtes, comme celles du
docteur Isabelle Claudet de l’hôpital de Toulouse, puissent convaincre les
acteurs les plus réticents de l’ensemble du système éducatif, de l’impérieuse
nécessité de sensibiliser les élèves aux risques des pratiques violentes et
dangereuses, ne serait-ce que pour les protéger…
29
http://www.reseau-canope.fr/climatscolaire/accueil.html
Les « jeux dangereux » en cycle 3 : état des lieux au service d’une politique 93
de sensibilisation et de prévention des risques encourus avant l’entrée au collège International Journal of Violence and Schools – 16 – Octobre 2015
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