les rendez-vous magiques de l’hiver russe · d’or en troïka à l’héliski dans le lointain...

8
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Distribué avec Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux Mercredi 18 décembre 2013 Tiksi, ou la beauté retrouvée de l’Arctique L’indépendance en jeu à Kiev La photographe Evgenia Arbugaeva expose à Paris les glaces de sa ville natale. Dans un pays partagé, les pro-européens restent mobilisés contre le rejet de l’accord avec l’UE. P. 7 P. 2 Produit de Russia Beyond the Headlines MARIA KARNAOUKH POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Un tiers des Russes de moins de 45 ans vivent chez leurs parents. L’accès à l’indépen- dance immobilière est entravé par le taux élevé des hypothè- ques et le déficit de l’offre. L’accession à la propriété souvent hors de portée Logement La cherté du crédit et l’insuffisance des aides de l’État handicapent les Russes Hériter est évidemment le moyen le plus simple de devenir pro- priétaire de son logement. Il s’agira peut-être de l’apparte- ment récemment libéré par un proche, ou bien du domicile pa- rental dont on a décidé de « se SUITE EN PAGE 4 Le rêve des jeunes ménages. Nous avons sélectionné sept destinations offrant une variété d’activités hi- vernales dans la beauté virginale de la nature sep- tentrionale : de l’Anneau d’or en troïka à l’héliski dans le lointain Kamtchat- ka, en passant par l’insolite de l’Oural et du lac Baïkal. Les rendez-vous magiques de l’hiver russe RENDEZ-VOUS EN PAGE 3 Reflet en photos des événements, grands ou petits, qui ont marqué l’année 2013 en Russie : Miss Univers à Moscou, l’affaire Snowden, la visite de François Hollande, le parcours de la flamme olympique... LES IMAGES FORTES DE 2013 MIROIR DE L’ANNÉE EN RUSSIE RÉTROSPECTIVE À PARCOURIR EN PAGE 8 séparer » pour quelque chose de plus modeste ou de plus éloigné. Selon l’agence immobilière Me- trioum-Group, la somme néces- saire à l’achat d’un appartement particulier à Moscou s’élève au minimum à 83 000 euros. Avec cette somme, il est possible d’ac- quérir un logement neuf de 38,8 mètres carrés en périphérie de la ville. Selon Maria Litinetskaïa, directrice de Metrioum-Group, le sud et le sud-ouest de Moscou sont les endroits qui connaissent aujourd’hui la plus forte activi- té immobilière. Les logements déjà meublés sont, eux, plus oné- reux : d’après un analyste de l’agence Income-Immobilier, pour un cagibi de 20 m2 en pé- riphérie, vous devrez débourser 77 000 euros. Les coûts sont deux fois moins élevés en banlieue : au lieu des 3 000 euros au m2, il est possible d’y trouver des prix tournant au- tour de 1 500 euros. Cependant, ces tarifs plus modestes s’accom- pagnent des fameux embouteil- lages moscovites... Problème ma- jeur des habitations situées hors de la ville : l’accessibilité. Les prix sont encore plus bas en province. Ainsi, pour 31 000 euros, il est possible d’acheter un studio neuf à Ekaterinbourg, tandis qu’à Kazan, on vous en demandera 37 000 euros. en 2014 Rendez- vous La Dentelle de Vologda : entre mythe et modernité Les souliers rouges de l’Holocauste larussiedaujourdhui.fr/27031 larussiedaujourdhui.fr/26175 À lire sur notre site Web PHOTOXPRESS GETTY IMAGES/FOTOBANK RIA NOVOSTI AP

Upload: others

Post on 28-Jun-2020

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Distribué avec

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux

Mercredi 18 décembre 2013

Tiksi, ou la beauté retrouvée de l’Arctique

L’indépendance en jeu à Kiev

La photographe Evgenia Arbugaeva expose à Paris les glaces de sa ville natale.

Dans un pays partagé, les pro-européens restent mobilisés contre le rejet de l’accord avec l’UE.

P. 7

P. 2

Produit de Russia Beyond the Headlines

MARIA KARNAOUKHPOUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Un tiers des Russes de moins de

45 ans vivent chez leurs

parents. L’accès à l’indépen-

dance immobilière est entravé

par le taux élevé des hypothè-

ques et le déficit de l’offre.

L’accession à la propriété souvent hors de portée

Logement La cherté du crédit et l’insuffisance des aides de l’État handicapent les Russes

Hériter est évidemment le moyen le plus simple de devenir pro-priétaire de son logement. Il s’agira peut-être de l’apparte-ment récemment libéré par un proche, ou bien du domicile pa-rental dont on a décidé de « se SUITE EN PAGE 4Le rêve des jeunes ménages.

Nous avons sélectionné sept destinations offrant une variété d’activités hi-vernales dans la beauté virginale de la nature sep-tentrionale : de l’Anneau d’or en troïka à l’héliski dans le lointain Kamtchat-ka, en passant par l’insolite de l’Oural et du lac Baïkal.

Les rendez-vous magiques de l’hiver russe

RENDEZ-VOUS EN PAGE 3

Reflet en photos des événements, grands ou petits, qui ont marqué l’année 2013 en Russie : Miss Univers à Moscou, l’affaire Snowden, la visite de François Hollande, le parcours de la flamme olympique...

LES IMAGES FORTES DE 2013 MIROIR DE L’ANNÉE EN RUSSIE

RÉTROSPECTIVE

À PARCOURIR EN PAGE 8

séparer » pour quelque chose de plus modeste ou de plus éloigné. Selon l’agence immobilière Me-trioum-Group, la somme néces-saire à l’achat d’un appartement particulier à Moscou s’élève au minimum à 83 000 euros. Avec cette somme, il est possible d’ac-quérir un logement neuf de 38,8 mètres carrés en périphérie de la ville. Selon Maria Litinetskaïa, directrice de Metrioum-Group, le sud et le sud-ouest de Moscou sont les endroits qui connaissent aujourd’hui la plus forte activi-té immobilière. Les logements

déjà meublés sont, eux, plus oné-reux : d’après un analyste de l’agence Income-Immobilier, pour un cagibi de 20 m2 en pé-riphérie, vous devrez débourser 77 000 euros.

Les coûts sont deux fois moins élevés en banlieue : au lieu des 3 000 euros au m2, il est possible d’y trouver des prix tournant au-tour de 1 500 euros. Cependant, ces tarifs plus modestes s’accom-pagnent des fameux embouteil-lages moscovites... Problème ma-jeur des habitations situées hors de la ville : l’accessibilité.

Les prix sont encore plus bas en province. Ainsi, pour 31 000 euros, il est possible d’acheter un studio neuf à Ekaterinbourg, tandis qu’à Kazan, on vous en demandera 37 000 euros.

en 2014

Rendez-vous

La Dentelle de Vologda : entre mythe et modernité

Les souliers rouges de l’Holocauste

larussiedaujourdhui.fr/27031 larussiedaujourdhui.fr/26175

À lire sur notre site Web

PHO

TOX

PRESS

GETTY IMAGES/FOTOBANK

RIA NOVOSTI

AP

02LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Politique & Société

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DE S.PAULO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS,

AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE. 

EMAIL : [email protected]. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)

NIKA GUITINELA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Kiev est en proie à des manifes-

tations massives contre la volte-

face du pouvoir, qui a tourné le

dos à l’Europe et est aujour-

d’hui victime de sa précédente

campagne pro-européenne.

L’indépendance se joue-t-elle sur le Maïdan ?

Ukraine Le pays reste géographiquement et politiquement partagé entre une partie proche de l’Europe, l’autre de la Russie

Le mouvement, plutôt estudian-tin au départ, amorcé au moment où le Président Ianoukovitch a refusé de signer le traité d’asso-ciation avec l’Union européenne fi n novembre, a pris de l’enver-gure après une intervention vio-

lente des forces anti-émeutes, pour devenir une contestation ouverte du régime de Viktor Ia-noukovtich, un cri de colère contre l’arbitraire du pouvoir. Selon un sondage de l’Institut Gorshenin, 37,9% des manifes-tants exigent la démission du chef de l’ État et de son gouver-nement, 29,1% veulent l’intégra-tion à l’UE, tandis que 28,2% jugent que le soutien à la contes-tation est un devoir citoyen.

Le député du parti d’opposi-tion Oudar, Sergei Kapline, ex-plique la position des manifes-

tants : « La signature de l’accord d’association, ce n’est pas un choix entre l’Europe et la Rus-sie. C’est une question de sur-vie pour l’État. Nous sommes noyés dans la corruption, nous avons des problèmes à l’échelle étatique. La seule solution que je voie, c’est la mise en place de nouvelles normes légales, celles des pays européens. Le peuple ne fait plus confi ance au pré-sident ». Mais la situation ne paraît pas aussi simple, et le choix du rapprochement avec l’Europe comporte aussi des

risques pour la stabilité de l’Ukraine.

Tout d’abord, il n’existe pas, aujourd’hui, de consensus natio-nal sur les manifestations dans la capitale. Comme le montrent plusieurs sondages, l’intégration dans l’UE n’est pas revendiquée par une majorité absolue de la population, mais seulement 46% des Ukrainiens. La contestation à Kiev est soutenue par 49% des répondants, tandis que 45% se sont exprimés contre. Les diver-gences dans l’opinion refl ètent celles de la géographie : l’ouest

et le centre du pays, où le natio-nalisme ukrainien est fort, sont majoritairement solidaires de la contestation, contrairement à l’est et au sud russophones, tra-ditionnellement tournés vers la Russie. Or, les habitants du sud-est sont loin de se mobiliser pour défendre Ianoukovitch.

« L’opposition est peu active dans ces territoires, fi ef électo-ral du Parti des régions ; elle tra-vaille peu avec l’électorat local », commente le politologue Evgue-ny Magda. Ensuite, « Ianoukov-tich a vraiment déçu son électo-rat, explique un autre politologue, Roman Travin. Les relations avec la Russie ne sont pas idéales, le niveau de vie ne cesse de chuter, le président n’a pas tenu sa pro-messe électorale d’accorder le statut de langue nationale au russe ».

Or l’Ukraine de l’est a son mot à dire, ne serait-ce que parce que cette moitié du pays nourrit l’autre (la région industrielle de Donetsk représente à elle seule un quart du budget national). En cas d’accord avec l’UE, la rup-ture des relations économiques avec la Russie sonnerait le glas d’un grand nombre de partena-riats industriels vitaux pour les domaines d’excellence ukrai-niens (aéronautique, chimie, mé-tallurgie, nucléaire, défense).

Mais selon toute vraisem-blance, l’Ukraine n’a pas encore choisi, d’autant plus que la si-tuation est un peu plus complexe qu’un choix entre les normes lé-gales et la nourriture. L’ouest et l’est ont des visions totalement différentes de l’avenir du pays et de son orientation politique. Cette scission est profondément ancrée dans l’histoire. L’Ukraine n’existe dans ses frontières actuelles que depuis 20 ans. C’est un État « bri-colé » par les bolcheviks à partir d’un territoire oriental russo-phone assujetti à la Russie, et d’une partie occidentale ratta-

chée pendant des siècles à l’Au-triche ou à la Pologne. Ces moi-tiés ont donc une perception différente des archétypes et de l’histoire de la nation.

L’indépendance acquise, les di-rigeants ukrainiens étaient par-faitement conscients du risque de schisme, sans parvenir à ras-sembler les deux parties du pays sur des thèmes et des centres d’intérêts communs. Ianouko-vitch avait choisi, pensait-il, la voie simple, en substituant à l’idée nationale une dimension supranationale. L’intégration dans l’UE est ainsi devenue la raison d’être de l’État ukrainien, le pouvoir l’ayant imposée comme une panacée à tous les maux. Les Ukrainiens ont fi ni par croire qu’il suffisait de tenir jusque là et que tout irait bien ensuite, grâce à l’instauration de « nouvelles normes légales, celles des pays européens », et à l’aide fi nancière européenne.

De son côté, l’Europe refuse de verser des milliards d’euros pour sauver l’économie ukrai-nienne. « Les contribuables eu-ropéens ne sont pas enchantés par la perspective de payer pour les méfaits et la corruption de l’élite de Kiev », écrit l’ancien conseiller à la sécurité nationale du président américain Jimmy Carter, Zbigniew Brzezinski.

La volte-face de Ianoukovitch l’a aussitôt exposé aux résultats de sa campagne en faveur de l’Europe : fl ouée, la population est descendue dans la rue. Le président ukrainien tente au-jourd’hui de calmer les pro-eu-ropéens en se disant prêt à re-prendre les pourparlers avec l’UE. Mais les pressions exercées désormais sur lui par les diri-geants occidentaux, leurs me-naces de sanctions et leur sou-tien ouvert aux manifestants mettent en péril l’établissement d’un consensus national dont l’absence brouille les cartes.

À Kiev, des

dizaines de

milliers de

personnes

ont envahi

la place de

l’Indépen-

dance, le

« Maïdan ».

Le centre

de la capi-

tale a vu se

dresser des

barricades

de fer et de

glace.

TAMARA CHAROVAPOUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

En marge d’une exposition

consacrée aux 70 ans du régi-

ment Normandie-Niemen, l’un

des mécaniciens qui le compo-

saient, Valentin Ogourtsov, a été

décoré de la Légion d’honneur.

Hommage à ces héros cachés de la bataille du ciel

Mémoire La France salue un vétéran russe

Valentin Ogourtsov fait remar-quer qu’il est sûrement le seul Chevalier de la Légion d’honneur à Iaroslavl. Le vétéran de l’esca-dron Normandie-Niemen a été décoré à 86 ans, le 10 décembre dernier au musée d’histoire de sa ville, 68 ans après la fi n de la Se-conde Guerre mondiale. Il a aussi reçu la Médaille d’or de la Re-naissance française, une organi-sation culturelle fondée en 1916 par le Président Poincaré.

L’homme nous a ouvert sa porte. Valentin Ogourtsov se met en quatre et offre de multiples petits pâtés que sa femme Olga vient de préparer, ou du miel récolté par leurs soins – il a hérité des dons d’apiculteur de son père. « Ne soyez pas gênée, tout est désin-fecté ! », plaisante Olga. Valentin, Olga et leur fi ls Alexandre sont tous trois médecins.

savaient qu’ils pouvaient s’ap-puyer sur leurs mécaniciens, qu’ils appelaient leurs « anges gar-diens ». Et nous respections beau-coup les Français, c’étaient des gens très courageux, prêts à af-fronter la mort pour notre patrie. Seulement un sur deux a survécu jusqu’à la Victoire ».

Yves Mourier, premier pilote de l’avion Yak-3 n° 16, dont Va-lentin était le mécanicien, avait été nommé commandant de la 2ème escadrille « Le Havre ». Il a à son compte neuf avions « fas-cistes » abattus. Il dut quitter le front à cause d’une maladie qu’il tint cachée tant qu’il le put.

Le second pilote de l’avion, Georges Henry, sous-lieutenant

de 25 ans, a 5 avions ennemis à son palmarès, dont celui d’un as allemand de l’aviation, qui avait quant à lui abattu 174 appareils.

« Il voulait tellement l’annon-cer au commandement qu’il est parti en courant vers le poste radio sans faire attention au pi-lonnage, se souvient Valentin. J’ai tenté de le retenir, mais il m’a échappé. Quelques secondes après, Henry a été mortellement blessé par un éclat d’obus ».

Le vétéran russe pouvait en une seule nuit remettre un avion en état. Il connaissait en détail la fa-brication des chasseurs sovié-tiques Yak et des américains Ai-racobra. Son service dans le régiment Normandie-Niémen lui valut plusieurs médailles.

Démobilisé en 1951, Valentin Ogourtsov est entré à l’Institut médical puis a travaillé toute sa vie comme chirurgien-gynéco-logue : « J’ai sans doute eu ma dose de sang et de souffrance à la guerre. Je voulais soigner les gens, les aider à lutter pour la vie ».

Valentin Ogourtsov (au centre) à la remise de sa Légion d’honneur.

« Les jeunes osent plus » qu’à l’Ouest

ENTRETIEN

AVEC CHARLES GOUT

En affaires, les jeunes Russes prennent plus de risques que leurs homologues occidentaux, juge Charles Gout qui, à 26 ans, a trouvé un tremplin profession-nel à Moscou : trois ans après son arrivée, ce recruteur et dé-veloppeur d’affaires franco-ita-lien, directeur du développement chez Injob Russie, gagne près de cinq fois le SMIC français.

Dans quelles circonstances êtes-

vous venu en Russie ?

Je sortais en 2011 d’un stage de deux mois chez Michael Page [un cabinet de recrutement] à Milan. On m’a proposé Moscou où j’ai mené pendant deux ans une ac-tivité commerciale et des entre-tiens de recrutement. Puis j’ai été engagé par une start-up ita-lienne. L’idée de lancer une start-up représentait un sacré défi . La maîtrise du russe est-elle né-

cessaire dans votre profession ?

Ce n’est pas un handicap pro-fessionnellement, mais le russe représente une forte valeur ajou-tée. Je suis des cours de russe . Je baragouine, mais ma langue de travail, c’est l’anglais. Parlez-nous de votre marché.

Ici faut être très patient, tenace et ne pas hésiter à frapper à toutes les portes, à relancer 15

fois un client. La tendance est désormais de recruter localement plutôt que des expatriés en rai-son du coût très lourd de ces der-niers pour les entreprises. En outre, la Russie a établi des quo-tas stricts sur les employés étran-gers. Un des gros problèmes, c’est la rotation rapide du personnel. Les jeunes osent et bougent beaucoup plus qu’en Occident . C’est parce que le chômage est très bas ici. Il est du coup très difficile pour une société de re-tenir les talents . Le dynamisme du marché fait que la jeune gé-nération a tendance à se sures-timer. Les Russes ne réalisent pas la chance qu’ils ont !

Propos recueillis parPaul Duvernet

« J’ai sans doute eu ma dose de sang et de souffrance », dit celui qui a ensuite voulu soigner ses semblables

larussiedaujourdhui.fr/27057Valentin a rejoint le front comme engagé volontaire à 17 ans. Après avoir suivi des cours pour devenir mécanicien en aé-ronautique à Ivanovo, où il étu-dia les avions américains Airaco-bra, il a été envoyé dans le premier régiment français autonome d’avi-ons de chasse, « Normandie ». Il y a servi comme mécanicien de la 2ème escadrille, responsable de l’état technique des avions Yak-9T et Yak-3. Le vétéran se sou-vient que les mécaniciens s’adres-saient aux pilotes en leur disant « Mon Capitaine », mais il n’a pas appris le français. Les échanges se faisaient grâce à un interprète – un émigrant russe.

Valentin explique que « les ap-pareils étaient réparés à propre-ment parler avec des pièces récu-pérées. Souvent, les mécaniciens ne dormaient pas deux nuits de suite – il n’était possible de répa-rer les avions de jour que pendant les accalmies. Le plus dur était l’hiver. Lorsqu’il gelait, l’avion était couvert d’une toile, un petit poêle posé à côté, et le fuselage et les ailes étaient « rapiécés » à la main, en dévissant et vissant de multiples boulons. Les pilotes

SERV

ICE D

E PRESSE

ARCHIVES PERSONNELLES

AP

03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Régions

Loisirs Une sélection de destinations hors des chemins battus offrant des activités hors du commun pendant la saison froide

DARIA GONZALESLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Sept recettes pour savourer l’hiver russe

L’insolite dans les monts Oural

Résistance au froid : jusqu’où ?Bains sibériens sur le Baïkal Héli-ski dans la

KamtchatkaL’Oural, c’est la frontière entre l’Europe et l’Asie, les montagnes les plus anciennes du monde, une quantité innombrable de parcs et de pistes de ski alpin, des récits d’extra-terrestres et d’anomalies naturelles, le mys-tère de la mort des randonneurs menés par Dyatlov en 1959 ou de ceux qui ont ensuite tenté de refaire l’itinéraire du groupe. Dans les monts Oural, vous pourrez, entre autres, visiter des usines abandonnées ou en acti-vité, dormir dans un ancien gou-lag ou découvrir l’une des ca-vernes les plus longues du monde .

Dans beaucoup d’endroits en Russie, les températures infé-rieures à -40°C n’ont rien d’ex-ceptionnel. Ce sont des « pôles de température » proposés à qui souhaite tester sa résistance au froid. On les retrouvce dans les lieux les plus inhospitaliers de la planète qui soient habités en permanence. Le record de froid peut atteindre -77°C. Ces tem-pératures provoquent des phé-nomènes étonnants, comme ce que les Iakoutes appellent « le chuchotement des étoiles » : un doux bruissement constant... ve-nant de la condensation expirée, qui gèle instantanément.

Le relief de la presqu’île de Kamtchatka est tellement contrasté qu’un professionnel du snowboard n’en ferait pas le tour en vingt ans. L’hiver cor-respond à la saison haute d’une région réputée pour la pratique de l’héli-ski, du ski ou du snow-board de randonnée. On peut skier non seulement le long de montagnes, mais aussi sur les fl ancs des volcans. Des excur-sions en 4x4 sont aussi propo-sées, ainsi que des randonnées pédestres sur les volcans ou au-près de geysers sans crainte des ours. Bien sûr, ce n’est pas donné...

Faire de la luge ou de la troï-ka, descendre en snowboard les pentes d’un volcan, se bai-gner dans des lacs non gelés, autant d’activités parmi d’autres qui vous distrairont du froid et vous feront aimer l’hiver russe. Profi tez d’une saison pas comme les autres dans la beauté virginale de la nature septentrionale !

L’anneau d’or en troïkaLe Caucase et les JOL’itinéraire de l’Anneau d’or au-tour de Moscou, qui comprend une douzaine de villes anciennes dont deux fi gurent au patrimoine mondial de l’Unesco, est magni-fi que en toutes périodes de l’an-née. Mais mieux vaut le parcou-rir en hiver pour deux raisons. La première est que Kostroma et Ouglitch, qui fi gurent sur cet itinéraire, accueillent le Grand-père Froid et Snegourotchka (le Père Noël russe et sa petite-fi lle). Si vous voyagez avec des enfants, une visite au Grand-père Froid sera pour eux inoubliable. La se-conde est que les villes de l’An-neau d’or proposent un éventail très large de loisirs typiques, dont une virée en troïka dans les bois enneigés ou en luge des tsars.

Partie de pêche sous la glace L’Altaï, la chaîne de montagnes située au sud de la Sibérie, est tout simplement l’écrin des di-vertissements hivernaux répon-dant à toutes les fantaisies. Vous aurez la possibilité d’y faire des randonnées à cheval, à ski ou en scooter des neiges, de vous livrer à une partie de pêche hivernale sur le lac Teletski, de vous offrir une partie de chasse, de trans-pirer dans un bain russe et, bien sûr, de faire du ski alpin ou du snowboard.

En outre, l’hiver est le seul mo-ment de l’année où l’on peut voir des cavernes de glace situées en haute montagne, et tester sa ré-sistance en se baignant dans l’eau du lac Golouboï, qui ne gèle pas, même par -30°C !

L’hiver s’annonce « chaud » dans le Caucase. Non seulement parce que les températures y sont réel-lement différentes de celles du reste du pays, mais aussi parce que c’est à Sotchi que se dérou-leront en 2014 les Jeux Olym-piques d’hiver. Même sur le pour-tour de la mer Noire, les visiteurs attendus pour les Jeux trouveront de la neige tout en pouvant se promener au milieu de palmiers et visiter d’anciennes forêts d’eu-calyptus avant de monter à la sta-tion alpine de Krasnaya Polyana pour y faire du ski ou du snow-board. Le Caucase abrite d’ail-leurs le plus haut sommet d’Eu-rope et l’une des stations de ski les plus célèbres de Russie – celle du mont Elbrous (5 642 m).

Voilà dix ans que le lac Baïkal accueille un marathon interna-tional, dont les participants par-courent les 42 km sur la glace. Pas de loisirs classiques ici, sur des pistes de ski ou des congères sibériennes. Par contre, l’eau du lac est tellement pure qu’il est possible de voir à trois mètres sous la surface des algues gelées et des bulles d’air emprisonnées. De nombreux photographes viennent exprès l’hiver pour pho-tographier la glace. Le lac se prête bien sûr au patinage, propose un cours de phytothérapie sibérienne et l’on peut s’y soigner grâce aux qualités curatives de ses eaux.

DÉCOUVREZ LA VILLE QUI ACCUEILLE LES J.O. 2014

Les bons restaurants, les sites à ne pas manquer et les magasins de souvenirs

larussiedaujourdhui.fr

REUTERS

GETTY IMAGES/FOTOBANK

RIA NOVOSTIPHOTOXPRESS

04LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Économie

Le dur chemin de l’accession à la propriété

Prendre un crédit immobilier est une solution populaire en dépit des taux faramineux par rap-port à la France. En moyenne, ils sont de 14% par an (10,5% pour les offres les moins chères avec un taux à 50% lors du pre-mier versement). Depuis la crise de 2008, les experts notent une sensible augmentation du nombre de crédits immobiliers. Pour la seule année dernière, ce marché a doublé de volume à Moscou et dans sa région. Selon les estimations des spécialistes, un million de Russes souscrivent chaque année un crédit de cette nature. La Russie reste cepen-dant loin derrière l’Europe où, toujours selon l’agence Black-wood, ce type d’emprunt est l’ins-trument privilégié pour les pri-mo-accédants. Seuls 24% des Russes y ont recours.

L’État fédéral propose de son côté des aides au logement. Les militaires, les enseignants et les jeunes foyers peuvent prétendre à des conditions préférentielles pour un crédit immobilier. Parmi les ayants droit, les jeunes fa-milles sont les plus avantagées. Le gouvernement russe offre de leur rembourser entre 30 et 40% de la valeur de leur logement. La limite d’âge est de 35 ans (les foyers monoparentaux sont éga-lement éligibles). L’essentiel est que la famille soit inscrite sur la liste officielle des personnes mal logées. Le nombre de personnes profi tant des programmes gou-

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE AVIS D’EXPERT

Investir dans l’immobilier en Russie

L’appréciation des biens immobi-liers a connu un bond sans précé-dent durant cette dernière décen-nie : un actif acquis au début des années 2000 se sera revendu près de dix fois l’investissement initial aujourd’hui. Cela s’explique par une décennie de forte croissance économique. En outre, la fiscalité est très douce, avec la possibilité d’être exonéré d’impôt sur la plus-value après trois ans de détention contre 22 ans en France.Pour savoir s’il est pertinent d’in-vestir avec pour objectif une plus-value à la revente, il faut étudier plusieurs variables, à savoir : les perspectives de croissance et les agrégats monétaires ; la sécurité juridique ; l’emplacement et l’évo-lution de la surface disponible ;

Gérald

AutierAUDACIS ADVISORS

Qui se risque à emprunter ?

Le crédit immobilier profite sur-tout aux jeunes couples avec en-fants (45%). En général, les deux conjoints remboursent l’emprunt. Les jeunes cadres moyens (moins de 35 ans) représentent 15% des

souscripteurs et utilisent souvent leurs parents comme garants. Le pourcentage des femmes céliba-taires avec enfants est aussi de 15%. Les 20% restants sont les pa-rents prêtant à leurs enfants.

enfin, deux effets qui influencent les prix de l’immobilier : l’effet de mode et l’effet rattrapage. À ces égards, les perspectives de reva-lorisation et de plus-value à la re-vente nous paraissent illusoires sur ces prochaines années.ll existe toutefois une autre ap-proche que celle de la plus-value à la revente où le marché immo-bilier russe recèle d’opportunités : celle de la valorisation immédiate par augmentation de la valeur ajoutée. C’est dans cette optique qu’il faut aborder l’investissement immobi-lier résidentiel en Russie : recher-cher des biens centraux où il est possible de travailler sur la réno-vation, l’agencement et l’aména-gement intérieur. Il est préférable de créer une va-leur ajoutée immédiate et certaine à l’opposé d’une plus-value hypo-thétique.

vernementaux est dérisoire : selon les informations de l’agence Inkom, les clients de ce type ne représentent que 2,5% des tran-sactions.

Les Russes qui ne peuvent se permettre d’acheter leur loge-ment à crédit demeurent loca-taires ou restent vivre chez leur parents. Mais la location est par-ticulièrement onéreuse, surtout

à Moscou. Ainsi, pour un petit appartement situé dans une des « cités dortoirs » en périphérie de la capitale, il faut débourser autour de 500 euros par mois. Pour environ 750 euros mensuels, il est possible de louer un appar-tement meublé à cinq minutes à pied du métro, mais en péri-phérie. Dans le centre, les loyers pour un logement dans un état

correct démarrent à 1 000 euros. Or le salaire mensuel moyen à Moscou est d’environ 860 euros. Renat Layshev, président d’une association à but non-lucratif pour l’éducation et la santé, ex-plique que « face aux prix éle-vés sur le marché de la location, les faibles revenus d’un jeune technicien à peine sorti de l’école ne lui donnent pas la possibilité de vivre seul. Dans 67% des cas, c’est en effet le manque d’argent qui motive le choix de rester au domicile parental ».

Mises à part les raisons écono-miques, le contexte historique et culturel est également à prendre en compte. Il faut se souvenir qu’en URSS, le logement com-munautaire était la norme. La majorité des appartements mos-covites n’étaient pas privés mais partagés ; chaque famille occu-pait une pièce, jusqu’à quatre gé-nérations simultanément ! Et plu-sieurs familles partageaient la même cuisine et la même salle de bain. Voilà pour le paradis des travailleurs ! Les familles dispo-sant de la totalité d’un apparte-ment faisaient fi gure de privilé-giées jusqu’au début des années 90. La génération arrivant au-jourd’hui à la majorité est la pre-mière à ne pas connaître ce genre de problème, alors que les étu-diants qui la composent en bonne partie commencent à peine à voler de leurs propres ailes. Se posera bientôt à eux la question du lo-gement, mais ils n’imaginent pas un instant les conditions de l’ère soviétique...

ALEXANDRE EMELIANENKOVPOUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le dernier Conseil du projet, qui

a eu lieu fin novembre, confirme

que le chantier de Cadarache

auquel participent sept grands

acteurs internationaux se heurte

à un défi technologique.

Le projet ITER face aux écueils qui perturbent la tenue du calendrier

Nucléaire Le réacteur thermonucléaire expérimental international ne serait achevé qu’en 2020 pour une mise en service en 2027

nal Thermonuclear Experimental Reactor), les questions de gouver-nance du projet ont été âprement débattues lors du dernier Conseil. Les participants se sont accordés sur les conclusions d’une exper-tise indépendante selon laquelle

l’ambitieuse entreprise connaît actuellement une accumulation de défi s, notamment ceux liés au dépassement des échéances.

Selon des accords pris précé-demment, le lancement de l’ITER était prévu pour 2019. Au-

Les problèmes rencontrés néces-sitent la stricte exécution des en-gagements pris par les différents membres du projet. Il ne s’agit pas seulement de l’aspect fi nan-cier du chantier (le budget atteint désormais les 15 milliards d’eu-ros), mais également des délais prévus pour la production, la vé-rification et la livraison de ces équipements hors du commun sur le site de Cadarache (sud de la France). Comme l’a affirmé le bu-reau russe de l’ITER (Internatio-

jourd’hui, sa réalisation est envi-sagée pour 2020, son fonctionne-ment effectif et continu pour 2027. Afi n de rattraper leur retard, les partenaires se sont entendus sur la défi nition d’un plan d’action commun qui devra entrer en vi-gueur début février 2014, lors du prochain Conseil de l’ITER.

Souvenons-nous que cette col-laboration internationale repose sur sept acteurs principaux : l’Union européenne, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis. De par son envergure, elle s’apparente aux projets de la Station spatiale internationale et du Grand colli-sionneur de hadrons.

Cet automne, on a appris que la construction de la partie clé de l’ITER – la chambre torique – a été confi ée à la société japonaise

« Mitsubishi Heavy Industries ». La chambre torique, ou « toka-mak », permet de confiner des champs magnétiques afin de contrôler un plasma qui, à son tour, sera en mesure de produire de l’énergie nucléaire. Selon le plan prévu, la construction en acier, qui prend la forme d’un D, devrait atteindre 14 mètres et peser 300 tonnes.

Lors de la réunion du Conseil fi n novembre, une importante dé-cision technique au sujet du to-kamak de l’ITER a été prise grâce aux travaux de chercheurs russes

du centre Efremov et des expé-riences menées à l’aide du toka-mak JET (Joint European Torus). L’essentiel de ces conclusions se résume au fait que, dès sa pre-mière utilisation, le tokamak de l’ITER ne doit pouvoir fonction-ner qu’avec un alliage en tungs-tène, et non pas avec un autre en fi bre carbone qui, par conséquent, est supposé être remplacé lors du deuxième stade du projet. Selon l’avis général, cette mesure per-mettra d’économiser des moyens qui seront ainsi utiles à la solu-tion d’autres problèmes.

Car les défis sont plus que considérables. Selon les membres du projet, la réussite d’un tel réacteur permettrait de disposer d’une source d’énergie propre et inépuisable. L’objectif fi nal de l’ITER serait de multiplier par dix l’énergie investie et de pro-duire moins de déchets. Anatoli Krassilnikov, directeur de l’agence russe dédiée au projet, souligne que dans les années 90, les investissements en matière de réacteurs expérimentaux pro-venaient surtout des États-Unis et de la Grande Bretagne. Tou-tefois, les rendements n’attei-gnaient, dans le premier et dans le second cas, que 25 et 67% des moyens investis. « La grande fi -nalité de l’ITER, affirme Kras-silnikov, ce serait de décupler la valeur des moyens investis ».

L’engagement de la Russie, en tant que pays membre du projet ITER, prévoit la fabrication et la livraison de 21 composants de haute technologie. L’exécution de ces commandes mobilisera plus de trente centres de recherche et entreprises de pointe du pays.

En ce qui concerne la partici-pation fi nancière de la Russie, elle a augmenté en 2013 de 12% par rapport à l’année précédente et atteint 1,25 milliard d’euros.

Le projet porte sur les technologies relatives à la fusion nucléaire.

Les partenaires (dont l’Union européenne et la Russie) prévoient un nouveau plan d’action pour rattraper le retard

30 entrepreneurs de moins de 30 ans vous racontent leur réussite professionnelle

Rendez-vous sur larussiedaujourdhui.fr/30_entrepreneurs_de_moins_de_30_ans

ITAR-TASS

AFP/EA

STNEW

S

05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Réalisé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSELA NOUVELLE VOIX DE LA RUSSIE

Par décret, Vladimir Poutine a démantelé l’agence de presse RIA Novosti et la radio La Voix de la Russie, pour former l’agence internationale « Rossiya Segodnya ». Deux raisons sont invoquées : économies budgé-taires et nécessité de promouvoir une image positive de la Russie à l’étranger. La direction de la nouvelle structure a été confiée à Dmitri Kiselev, l’un des présen-tateurs de la télévision russe les plus loyaux à l’égard du pouvoir.

LA VÉRITÉ, RIEN QUE LA

VÉRITÉ

ÉditorialGAZETA.RU / 09.12La réorganisation du mécanisme de propagande d’État, Ria Novos-ti, à la veille des JO de Sotchi, té-moigne du fait que les ressources idéologiques et financières de l’État russe sont sur le point de se tarir. Il reste de moins en moins de gens auxquels le pouvoir peut confier la création d’une image positive de la Russie. Dans un contexte de stagnation écono-mique, la Russie est en manque de fonds, même pour financer sa propagande. Il devient de plus en plus difficile d’expliquer nos inté-rêts nationaux au reste du monde, parce que ces intérêts ne sont pas compréhensibles pour la nation elle-même, et même parfois pour le pouvoir.

LA VOIX DE MOSCOU

Piotr TverdovNEZAVISIMAÏA GAZETA / 10.12

La décision de Poutine est logique dans un contexte de consolidation de l’élite autour de valeurs conser-vatrices. Pendant les trois mois où Poutine s’est battu pour la Syrie, il a dû passer son temps à expliquer aux pays occidentaux la politique russe, dont personne n’avait cure. Au cours de son troisième man-dat, Poutine a fini par formuler les intérêts nationaux du pays. D’où la nécessité de créer une agence d’information étatique, « Rossiya Segodnya », pour expliquer, clai-rement et sans contradictions, à l’étranger proche et lointain ce que sont ces intérêts. La politique étrangère russe devrait paraître plus prévisible et logique qu’elle ne l’est aujourd’hui.

PROPAGANDISTE-EN-CHEF

Gueorgy BovtTHE MOSCOW TIMES / 11.12

La nomination de Kiselev est l’une des réponses les plus prévisibles du Kremlin aux événements en Ukraine. Pour l’élite dirigeante, les événements de Kiev sont une conspiration occidentale contre les intérêts de la Russie dans l’espace post-soviétique. Kiselev ne cesse d’expliquer dans ses journaux té-lévisés que Kiev est devenu « le dernier champ de bataille », que les manifestants pro-européens sont en fait en « guerre contre la Russie ». Pour les leaders russes, maintenant que la confrontation avec l’Occident est irréversible, pourquoi faire semblant? Pourquoi rester respectable si pour l’Ouest, la Russie est un ennemi géopoli-tique qui doit être vaincu?

ENTRE KIEV ET MOSCOUAlexandre

BaounovJOURNALISTE

L’Ukraine se plaint que le gouvernement, pourtant élu par son peuple, ne laisse pas le pays intégrer

l’Union européenne. L’Europe est fâchée que le Kremlin empêche l’Ukraine d’intégrer l’Union eu-ropéenne. L’UE n’est pas la pa-nacée, mais on ne dit rien à ce sujet. Ni sur certaines réalités du triangle Ukraine-Russie-UE. La vérité est que la famille euro-péenne ne brûle pas du désir d’accueillir l’Ukraine dans son cercle intime, comme bien d’autres pays d’ailleurs. Il y a dix ans, rappelons-nous l’indigna-tion des Grecs, vexés que l’Eu-rope se proclame descendante de l’Empire de Charlemagne. Je par-tage l’indignation des Grecs, mais je comprends Bruxelles.

L’Europe se serait bien passée de parents pauvres comme la Roumanie, la Bulgarie, la Ser-bie, la Macédoine, l’Albanie, de la Lettonie, de la Lituanie et même de la Grèce et de Chypre, pourtant traditionnellement ca-pitalistes. Elle tend aujourd’hui à dénigrer ces pays : qu’est-ce qu’ils font chez nous, qu’est-ce qu’ils nous apportent ? « La Rou-manie et la Bulgarie doivent se réjouir d’avoir sauté à temps dans le train en marche », me disait en 2007 l’ambassadeur de l’Union européenne à Bucarest. Aujourd’hui, le tableau de la page 23 de l’Eurobaromètre montre bien que la grande ma-jorité des pays membres, anciens

et nouveaux, considèrent que le processus d’élargissement de l’UE est terminé, selon un son-dage pourtant effectué peu après le début de la révolution orange de 2004 en Ukraine. La famille européenne ne se soucie pas vrai-ment de l’Ukraine. C’est la Rus-sie qui la préoccupe. Elle pré-tend s’intéresser à l’Ukraine mais n’a que la Russie en tête.

Si les frontières de l’Ukraine débouchaient drectement sur le Caucase, s’il y avait seulement un océan et non un pays de l’autre côté de ces frontières,

l’Europe agirait en fonction de ses rapports avec l’Ukraine uni-quement et déciderait si celle-ci est une nation suffisamment fra-ternelle et européenne pour l’in-viter ou non à rejoindre l’Union. Mais que ce soit pour l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie ou la Bié-lorussie, la famille européenne base ses décisions sur ses rela-tions avec la Russie – même pas sur les dites relations d’ailleurs, mais sur le fait même que la Rus-sie existe à la place de l’hypo-thétique océan, qui aurait évi-demment été bien préférable.

Dans le triangle formé par l’Europe, la Russie et les voisins de celle-ci, on n’imagine pas que

la Russie devienne soudain plus proche de l’Europe que l’Ukraine ou quelque autre pays parmi nos voisins communs. Quels que soient le régime, le pouvoir ou l’idéologie en place à Moscou, l’Europe sera toujours plus proche d’un voisin de la Russie que de la Russie elle-même. Bien sûr, il y a un nouveau marché à explorer parmi d’autres enjeux, mais la raison majeure d’une as-sociation avec l’Ukraine ne ré-side pas tant dans l’attrait que représente Kiev pour l’Europe que dans la répulsion que celle-

ci éprouve à l’égard de Moscou. L’image d’une Europe se portant au secours de l’Ukraine face à l’autoritarisme russe est fausse. L’Europe se prononcerait en fa-veur de n’importe quel autre voi-sin de la Russie plutôt que de la Russie elle-même quels que soient les occupants du Krem-lin ou la façon dont ils se com-portent. Ses frontières ne se si-tueront jamais ni le long du Pacifi que ni de l’Oural. La fron-tière en question passe quelque part dans les environs du fl euve Dniepr à quelques kilomètres près.

Voilà pourquoi l’Europe pense à la Russie quand elle parle de

l’Ukraine. Elle veut que l’Ukraine s’extraie du giron de la Russie et en assume les conséquences. Elle est parfaitement consciente que le jeu qui consiste à séparer l’Ukraine de la Russie aura un coût, mais elle veut que l’Ukraine le prenne à sa seule charge, em-portée par son enthousiasme et sa croyance à un rêve.

Car l’Europe qu’imagine l’Ukraine est évidemment un rêve – celui d’une famille dont tous les membres sont égaux, se tiennent bien et vivent dans la prospérité. Cette Europe-là n’existe pas. L’Europe a aussi ses riches et ses pauvres, et certains de ses pays membres sont plus égaux que d’autres. Une poignée de signatures prestigieuses au bas d’un document officiel ne peut pas changer les conditions sociales, l’importance numérique ou la qualité d’un peuple, le pro-duit intérieur brut d’un pays ou son taux d’endettement par rap-port à ses réserves. Quels que soient les sentiments qu’il ins-pire, le président biélorusse Alexandre Loukachenko entre-tient avec le Kremlin des rela-tions qui sont plus d’égal à égal que celles des Grecs avec Mer-kel : imaginez ce qui se passe-rait si le patron d’une grosse en-treprise allemande était arrêté en Grèce.

À ce jour, il n’est pas un seul pays d’Europe orientale dont l’accession à l’Union européenne en ait fait un pays d’Europe oc-cidentale.

Article initialement publié sur le site Slon.ru.

LA DIPLOMATIE RUSSE S’AFFIRME

Andreï

IlyashenkoPOLITOLOGUE

Avec la fi n de la Guerre froide, les menaces se sont déplacées au ni-veau régional ; aussi le

fait que le monde a réussi à évi-ter de nouvelles guerres régio-nales est-il le principal succès de l’année 2013. Une guerre dite « humanitaire » contre la Syrie et une frappe préventive contre l’Iran étaient bien à l’ordre du jour, mais les efforts diploma-tiques ont permis, au minimum, de reporter ces confl its. Dans les deux cas, Moscou a joué un rôle de premier plan, dicté par ses intérêts nationaux.

Dans le cas syrien, la position fondamentale russe consistait à dire que le confl it intérieur ne devait pas servir de prétexte à un changement de régime sous la pression extérieure, même avec l’aval des Nations unies, comme ce fut le cas en Lybie. L’ONU n’a pas été créée dans ce but. L’avenir politique syrien doit être décidé par les Syriens avec l’aide, le soutien et la mé-diation de la communauté in-ternationale dans le cadre d’un dialogue politique.

L’été dernier, il est devenu clair que la principale force de l’op-position armée au régime d’el-Assad était désormais composée d’organisations islamiques radi-cales qui partagaient les prin-cipes et les méthodes d’Al-Qaï-da, ce qui va à l’encontre des intérêts de l’Occident, des ré-gimes arabes laïques et de la Rus-sie. Moscou et Washington se sont rapidement entendus pour or-ganiser une conférence de la paix sur la Syrie. Cependant, l’utili-sation d’armes chimiques dans les environs de Damas, imputée aux troupes gouvernementales, a contraint Obama à s’engager sur la voie qu’il évite soigneuse-ment, la voie militaire. Lavrov, le chef de la diplomatie russe, l’a sauvé. Moscou a convaincu el-Assad d’accepter la liquida-tion totale de son arsenal chimique, ce qui a permis de neu-traliser les arguments de ceux qui souhaitaient entrainer les États-Unis dans une nouvelle guerre régionale.

La stabilité du Proche-Orient est préservée. Le régime de la non-prolifération des armes de destruction massive est renfor-cé, tout comme le rôle de l’ONU et du Conseil de sécurité en ma-tière de maintien de la paix.

Le scénario militaire a été évité dans le cas iranien également.

Dans le triangle Ukraine-UE-Russie, Moscou pèse plus lourd que Kiev dans les décisions européennes

La famille européenne a aussi ses riches et ses pauvres et certains de ses membres sont plus égaux que d’autres

Tout en soutenant les sanctions de l’ONU à l’égard de l’Iran, Mos-cou a toujours exigé que le pro-blème du nucléaire iranien soit réglé autour de la table des né-gociations. La Russie, qui par-tage une frontière commune avec l’Iran, cherche à empêcher non seulement le déploiement d’un programme d’armes nucléaires, mais aussi les troubles provoqués par les sanctions occidentales et le chaos généré par les frappes militaires. Le « Plan Lavrov », déjà élaboré depuis deux ans, prévoit l’abandon progressif du programme nucléaire contre celui des sanctions, pour s’éloi-gner, étape par étape, de la « ligne rouge ». Rien ne laisse présager des négociations faciles sur l’ac-cord principal qui devrait ras-surer la communauté internatio-

nale et permettre à l’Iran de développer son industrie nu-cléaire civile en toute quiétude et, surtout, éliminer la menace du confl it qui pèse sur la région. L’année 2014 sera décisive.

Il faut souligner que la diplo-matie russe doit ces succès prin-cipalement au fait que ses ob-jectifs coïncident avec les intérêts fondamentaux des principaux acteurs mondiaux. Mais parfois, cela ne suffit pas.

L’année 2013 a aussi été mar-quée par une crise dans les re-lations russo-américaines avec l’affaire Snowden. Le Washing-ton officiel est très contrarié que le lanceur d’alerte sur l’espion-nage de la NSA soit hors de por-tée de la justice américaine. Mais il est difficile de croire que là est la vraie raison de l’annulation de la visite d’Obama à Moscou comme au temps de la Guerre froide. Le président américain ne pouvait risquer de rentrer de Moscou sans Snowden. N’em-pêche que Poutine et Obama se sont entretenus en privé lors du sommet du G20 à Saint-Péters-bourg. Une autre rencontre est prévue à Sotchi en été 2014, à l’occasion du prochain sommet du G8. D’ici là, les diplomates des deux pays trouveront peut-être la base d’un compromis.

L’auteur est un spécialiste du Proche-Orient.

CE SUPPLÉMENT DE HUIT PAGES EST ÉDITÉ ET PUBLIÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIÈRE RESPONSABILITÉ DU CONTENU. SITE INTERNET WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EMAIL [email protected] TÉL. +7 (495) 775 3114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, ÉTAGE 7, MOSCOU 125 993, RUSSIE. EVGENY ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH), PAVEL GOLUB : RÉDACTEUR EN CHEF DES RÉDACTIONS INTERNATIONALES, MARIA AFONINA : RÉDACTRICE EN CHEF DE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI, JEAN-LOUIS TURLIN : DIRECTEUR DÉLÉGUÉ, DIMITRI DE KOCHKO : CONSEILLER DE LA RÉDACTION, ANDREÏ CHIMARSKI : DIRECTEUR ARTISTIQUE, ANDREI ZAITSEV : SERVICE PHOTO. JULIA GOLIKOVA : DIRECTRICE DE PUBLICITE & RP ([email protected]) OU EILEEN LE MUET ([email protected]). MARIA TCHOBANOV : REPRÉSENTANTE À PARIS ([email protected], 07 60 29 80 33 ). TRADUCTEURS : VERONIKA DORMAN, PAULINE NARYSHKINA.© COPYRIGHT 2013, AFBE "ROSSIYSKAYA GAZETA". TOUS DROITS RÉSERVÉS.ALEXANDRE GORBENKO : PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DIRECTION, PAVEL NEGOITSA : DIRECTEUR GÉNÉRAL, VLADISLAV FRONIN : DIRECTEUR DES RÉDACTIONS. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF À USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR ÉCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUÊTES À [email protected] OU PAR TÉLÉPHONE AU +7 (495) 775 3114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINION” RELÈVE DE LA RESPONSABILITÉ DES AUTEURS OU DES ARTISTES. LES LETTRES DESTINÉES À ÊTRE PUBLIÉES DOIVENT ÊTRE ENVOYÉES PAR ÉMAIL À [email protected] OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYÉS.LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES POUR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE.

LE COURRIER DES LECTEURS, LES OPINIONS OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINIONS” PUBLIÉS DANS CE SUPPLÉMENT

REPRÉSENTENT DIVERS POINTS DE VUE ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT LA POSITION DE LA RÉDACTION DE LA RUSSIE

D’AUJOURD’HUI OU DE ROSSIYSKAYA GAZETA. MERCI D’ENVOYER VOS COMMENTAIRES PAR COURRIEL :

[email protected].

Opinions

IGOR DEMKOVSKY

Le Kremlin doit ses succès internationaux au fait que ses objectifs recoupent les intérêts des autres acteurs

06LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Culture

QUESTIONS & RÉPONSES

Le cinéma, « guerre d’idéologies »Le fi lm L’Amour en URSS sor-tira à Paris le 8 janvier 2014 au cinéma l’Espace Saint-Michel. Son réalisateur, Karen Chakhna-zarov, est également directeur des studios Mosfi lm. À quelques semaines de la première, La Rus-sie d’Aujourd’hui l’a rencontré pour l’interroger sur les défi s du cinéma russe actuel.

Dans vos derniers films, vous vous

tournez vers l’histoire de l’URSS. Ce

qui se passe dans la Russie contem-

poraine ne vous inspire pas ?

Je ne dirai pas que je reviens uni-quement sur l’histoire soviétique. Seuls deux de mes quinze der-niers fi lms y sont consacrés, Le Tigre blanc sur la Deuxième Guerre mondiale, et L’Empire disparu, sur la dernière période de l’Union soviétique. De ma-nière générale, je ne dissocie pas l’URSS de la Russie, et je pense que c’est une pratique vicieuse que l’on essaie de nous imposer. L’empire russe, l’URSS et la Rus-sie d’aujourd’hui sont un seul et même pays, avec une histoire unique.

Dans le fi lm L’Amour en URSS, qui est une version remixée de L’Empire disparu, tourné en 2007, l’action se déroule dans les an-nées 1970, du temps de ma jeu-nesse. C’est ce qui m’a préoccu-pé : ces années-là, nous vivions dans l’insouciance, sans pouvoir nous imaginer que quelque chose de crucial pouvait arriver à notre pays. Il n’y avait alors pas le moindre signe avant-courreur de ce qui allait se produire au début des années 1990.

La deuxième version de ce fi lm, qui sort sur les écrans en France, est plus lyrique, plus courte, moins politisée. Elle est moins liée aux réalités historiques et politiques de la Russie. C’était un choix délibéré, car je suis ar-rivé à la conclusion que l’URSS n’avait en fait pas disparu, que la Russie actuelle est une héri-tière naturelle de l’URSS qui a

tion des spectateurs. Une sortie sur les écrans est une nouvelle dose d’adrénaline, toujours agréable.

De manière générale, l’ab-sence de fi lms russes dans les cinémas français s’explique par le fait que la Russie ne possède aucune stratégie pour promou-voir son cinéma à l’étranger. À l’époque soviétique, il existait une structure qui diffusait les films à l’étranger, avec une chaîne de salles spécifique, y compris à Paris. La vente de films russes était rigoureuse-ment indexée à l’achat de fi lms français. C’était une politique étatique pour la promotion du cinéma, très efficace par rap-port à la situation actuelle. Il y a tant de fi lms dans le monde aujourd’hui que leur diffusion ne peut se faire toute seule. Les Américains ont des leviers puis-sants dont ils savent se servir. Le marché libre est une illusion. Le cinéma est étroitement lié à la conjoncture politique, aux re-lations entre les pays.

Si vos films sont présents en

France, est-ce le résultat de vos

efforts personnels ?

Mosfilm possède son départe-ment international ; nous avons notre propre politique, dans la-quelle nous investissons de l’énergie et de l’argent. Nous ga-rantissons toujours la qualité à l’exportateur, nous sous-titrons nous-mêmes les bandes. Mosfi lm a une bonne réputation, et c’est le seul studio russe à ne pas re-cevoir de subventions de l’État. Nous vivons par nos propres moyens. Nos ventes nous per-mettent de dégager des bénéfi ces. Il ne s’agit évidemment pas de centaines de millions comme les studios américains, mais ce n’est pas négligeable.

Comment évaluez-vous cinéma

russe actuel ?

Le cinéma russe est très peu

puissant, même si le niveau tech-nique est très bon. Cette année, seulement 40 longs-métrages ont été produits en Russie, contre 70 l’année dernière. C’est risible pour un pays aussi vaste. Avec de tels chiffres, il est absurde de compter sur une niche sérieuse aussi bien à l’étranger que chez soi. La Russie devrait produire au moins 250 fi lms par an pour prétendre sérieusement à une présence sur la scène internatio-nale. Sur tout ce qui est tourné en Russie, une quinzaine de fi lms par an méritent une large diffu-sion. On ne peut rien faire sur le marché avec une si faible quan-tité. Il faut avant tout organiser correctement l’industrie cinéma-tographique ; ce n’est même pas une question d’argent.

Le cinéma russe jouit d’une répu-

tation particulière en France, où il

est considéré comme long et lent,

difficile à regarder…

Malheureusement, pour les grands festivals, on sélectionne des fi lms refl étant une certaine idéologie, une présentation par-ticulière de la Russie. Je travaille dans le cinéma depuis longtemps, je suis passé par toutes les illu-sions, et je suis convaincu qu’au-jourd’hui de l’existence d’un seul objectif : consolider les clichés sur la Russie qui prévalent dans la conscience occidentale. Il faut reconnaître que dans cette am-bition, l’Occident est très bien organisé et solidaire. Il faut être naïf pour ne pas le voir.

Nous avons des fi lms qui cor-respondent aux « standards » oc-cidentaux ; par exemple, Lé-gende numéro 17, un fi lm bien fait. Mais je doute qu’il soit dif-fusé en France, parce qu’il est positif, il présente la Russie sous son meilleur jour. Le cinéma, c’est une guerre d’idéologies. Ici on le comprend parfaitement ; chez nous, non.

Propos recueillis parMaria Tchobanov

Une scène du film L’Amour en URSS.

NOTE BIOGRAPHIQUE

Karen

Chakhnazarov

Karen Chakhnazarov est réalisa-teur, producteur et scénariste . Il dirige les studios Mosfilm depuis 1998. Ses deux derniers films (La Salle n° 6 et Le Tigre blanc) sont sortis sur les écrans français.

FONCTION : DIRECTEUR DES

STUDIOS MOSFILM

ÂGE : 61

perdu une partie de ses marges. Peut-être que cette nouvelle ver-sion est aussi moins moralisante. Je la préfère, entre nous soit dit.

Les films russes parviennent rare-

ment sur les écrans français. Pour-

quoi votre film a-t-il attiré l’atten-

tion des diffuseurs ?

Plusieurs de mes fi lms sont sor-tis en France, y compris à l’époque soviétique. La compa-gnie « Baba Yaga Films » a déjà diffusé en 2010 ma Salle n°6, qui est resté un mois en salle à Paris, ce qui n’est pas mal. C’est sûre-ment ce qui a servi d’argument pour continuer notre collabora-

tion. Et puis il y a la thématique. Les Français sont très curieux : ils s’intéressent à l’URSS. Pen-dant le Festival du fi lm russe de Honfl eur, mon fi lm a également été projeté à Deauville et il pa-raît que la salle de 400 places était pleine à craquer. Pour un réalisateur, l’essentiel est la réac-

IOULIA KOUDINOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le ministère russe de la Culture

a fixé les grandes lignes de sa

politique pour l’année à venir,

visant à faire rayonner le patri-

moine culturel sur tout le

territoire ainsi qu’à l’étranger.

Au programme : l’axe franco-russe et la décentralisation

Culture L’action en 2014 portera sur les liens historiques avec la France et sur l’animation culturelle dans toutes les régions de la Russie

ment pour nos soldats tombés en France pendant la Première Guerre mondiale », a indiqué le ministre, historien de formation, en insistant sur ce dernier mo-nument en l’honneur du corps expéditionnaire russe, des vo-lontaires qui ont combattu aux côtés de la France contre l’Alle-magne et ses alliés : « Pour notre très pragmatique XXème siècle, il s’agit d’une histoire fantas-tique. Ils ont combattu même après le renversement du tsar en 1917. Beaucoup d’entre eux sont morts. Une telle attitude est difficilement imaginable au-jourd’hui ! »

En dehors de ces événements, selon M. Medinski, « en ce qui concerne la France, il n’y a rien de spécial relativement à l’année de la culture, mais quelques-uns de nos grands théâtres seront en tournée en France, dans le cadre des saisons théâtrales franco-russes. Plusieurs festivals de ci-néma seront organisés, dont les principaux sont Honfl eur, Paris, Lyon et Cannes. Je veux bien sûr parler non pas du Festival inter-national de Cannes, mais du fes-tival consacré au cinéma russe ».

tage, qui ouvrira une deuxième annexe (après Kazan) dans la ville sibérienne d’Omsk. Par ail-leurs, « le directeur du Musée Russe m’a promis qu’il ouvri-rait dix fi liales en province au cours des quatre prochaines an-nées », assure le ministre. Enfi n, une partie des collections conservées aujourd’hui dans les grands musées des « deux ca-pitales culturelles » (Moscou et St-Pétersbourg) sera déplacée en province.

Interrogé sur les rapports conflictuels entre la scène de l’art contemporain et les auto-rités russes, Vladimir Medinski ne mâche pas ses mots. « Ce qu’on appelle habituellement l’art contemporain ne couvre qu’une minuscule couche de la création actuelle. Pour moi, l’art contemporain ne se limite pas aux gribouillis, aux chiffons et autres œuvres destinées à n’être comprises par personne. Il en-globe également ceux qui créent aujourd’hui dans les styles clas-sique ou impressionniste, par exemple ». Après avoir visité la 5ème biennale d’art contempo-rain de Moscou, M. Medinski avoue que ses impressions furent « très pénibles » et que « prati-

quement rien » ne lui a plu. « Pour autant, je n’ai rien fait interdire. Il n’y a pas de censure. Mais bon, je regrette que tant d’argent

[versé par le ministère] ait été ainsi dépensé ! »

Le ministre de la Culture Vla-dimir Medinski s’est ouvert à une poignée de journalistes étrangers venus l’écouter début décembre dans un restaurant huppé de Moscou, niché dans l’enceinte de la célèbre Galerie Tretiakov. Il a livré les détails du programme de l’année cultu-relle 2014 et quelques déclara-tions croustillantes sur l’art contemporain.

Vladimir Medinski a précisé la place qu’accorderait le pro-gramme à l’axe franco-russe. Il s’agira surtout de mettre en va-leur les liens historiques entre les deux pays. Des liens qui passent par les armes et furent aussi confl ictuels. « Nous allons ériger en France trois monu-ments en l’honneur des soldats tombés lors les guerres napo-léoniennes, ainsi qu’un monu-

conservation de l’héritage his-torico-culturel et le rôle de la culture russe dans le monde en-tier ». Selon le ministre, « nous étendrons notre action cultu-relle vers les villes de province, les petites villes. La politique culturelle, aujourd’hui braquée sur Moscou et Saint-Péters-bourg, va porter ses efforts sur la province. Des sommes impor-tantes y seront dépensées, dans toutes les régions sans excep-tion. Aujourd’hui, nous subven-tionnons déjà 50 festivals de ci-néma, en concert avec les

gouverneurs régionaux. Cette année, nous avons octroyé cent enveloppes de 200 000 dollars [142 000 euros, ndlr] chacune pour des projets régionaux, qui vont à des théâtres et des mu-sées ». M. Medinski a annoncé l’ouverture d’annexes des grands musées (Galerie Tretia-kov, Musée Russe, Musée Pouchkine, Ermitage) dans de nombreuses villes de province. À commencer par l’Ermi-

Les grands musées ouvriront de nombreuses annexes en province.

Le ministre a insisté sur l’ef-fort de décentralisation de la culture au cours de l’année à venir. Le décret signé par le Pré-sident Vladimir Poutine défi nit ainsi la mission de la manifes-tation : « attirer l’attention de la société sur les questions de développement de la culture, la

En dehors des monu-ments militaires, la France accueillera des tournées théâtrales et des festivals de cinéma

Le ministre russe de la Culture ne cache pas son agacement envers « ce qu’on appelle [...]l’art contemporain »

larussiedaujourdhui.fr/

26277

MARIA TCHOBANOV

KINOPOISK.RU

LOR

I/LEGIO

N M

EDIA

07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Culture

À L’AFFICHE

FESTIVAL RUSSENKO 2014

DU 24 AU 28 JANVIER 2014,KREMLIN-BICÊTRE

Le festival RussenKo lancera sa cinquième édition en jan-vier 2014 au Kremlin-Bicêtre. Au programme : présentation exclusive et en avant-première de la nouvelle série du pho-tographe Alexandre Gronsky, « Norilsk », des Journées lit-téraires et du projet Jeunes réalisateurs russes. RussenKo accueillera cette année l’exposi-tion La Russie au-delà des my-thologies, dont la commissaire est Olga Sviblova, du 24 janvier au 22 février 2014 au Grand Ré-servoir de l’Hôpital Bicêtre. Organisation en partenariat avec le MAMM (Musée d’Art Multimédia de Moscou, ex-Mai-son de la Photographie). › www.larussiedaujourdhui.fr/27041

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

LES CINQUIÈMES JOURNÉES

DU LIVRE RUSSE À PARIS

LES 31 JANVIER ET 1 ER FÉVRIER,MAIRIE DU VÈME, PLACE DU PANTHÉON, LYCÉE HENRI IV, PARIS

Cette année, la ville de Saint-Pé-tersbourg sera à l’honneur. Des écrivains russes, russophones et français seront là pour des ren-contres et des tables rondes. La journée du 1er février s’achè-vera par la remise du 8ème Prix Russophonie. Un salon du livre ac-cueillera des éditeurs, libraires et auteurs indépendants.Des concerts, des pièces de théâtre et un festival de cinéma complèteront le programme. › www.journeesdulivrerusse.fr

En littérature, le voyage est toujours une quête ; celle-là est essentielle, vitale, fondatrice. Dès la toute première ligne le ton est donné : « Je me trouve à l’extrémité de l’Europe. Ici on voit, à nu dans chaque fa-laise, l’os jaune de la pierre et une terre ocre ou fl amboyante, semblable à de la chair ». On sait déjà, que l’auteur va nous entraîner dans des limites géo-graphiques, géologiques et hu-maines, dans une nature d’une beauté hallucinante et son pen-dant, la cruauté humaine, en-semble mélangées.

Le narrateur de La limite de l’oubli a passé son enfance sous la coupe protectrice de l’Autre Grand-Père, un étranger peu à peu devenu un proche de ses parents. L’homme s’est immis-cé dans leur vie, a pris en quelque sorte possession du gamin. Il a assis une autorité évidente, glacée : « Je sentais qu’à l’intérieur il était mort, séparé du monde des vivants. Il n’était ni un fantôme ni un esprit, plutôt un défunt, incar-né, solide », dit le narrateur. Pourtant, c’est à cet homme qu’il ne pourra jamais aimer qu’il doit sa naissance et plus tard la vie : l’Autre Grand-Père donne son sang de vieillard pour lui permettre de vivre et succombe. Reste le sentiment diffus de l’horreur de ce sang qui coule en lui dont le narra-teur évoque « l’impureté abso-lue ». Déjà enfant, il prenait contre l’Autre Grand-Père « le parti des mauvaises herbes contre les fraises… ces fruits semblables à des cœurs char-nus… », refusant d’être « un maillon dans la chaîne des dé-vorations » qu’il pressentait.

Quelques indices lancent le narrateur sur les traces de l’Autre Grand-Père. L’homme a été marié, il a eu un fi ls. An-cien directeur de camp zélé, seul coupable de la mort tra-gique de son fi ls et de sa femme, par un esprit de vengeance to-talement arbitraire, il fi t em-mener vers une île inconnue une barge de détenus disparus à jamais. Commence pour le narrateur un voyage halluciné, toujours plus au nord à la re-cherche de l’île. En chemin il croise des créatures fantoma-tiques, des êtres oubliés par l’Histoire, rescapés des camps désormais prisonniers de la toundra. Enfi n le narrateur at-teint l’île et le souterrain glacé où ont péri les disparus, sans sépulture. Ce n’est qu’au bout de cette longue quête, aux li-mites de l’expérience du corps et de l’esprit humain, alors que sa chaleur vivante est venue réchauffer les corps morts ou-bliés que le narrateur est déli-vré de l’emprise de l’Autre Grand-Père et qu’il peut en-trer en écriture.

Christine Mestre

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Le voyage et la révélation

AUTEUR : SERGUEÏ LEBEDEV TITRE : LA LIMITE DE L’OUBLI

ÉDITION : VERDIER

TRADUIT PAR L. JURGENSON

larussiedaujourdhui.fr/

chroniques/litteraire

DARIA MOUDROLIOUBOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Née à Tiksi, la photographe

Evgenia Arbugaeva présente sa

série du même nom lors de sa

première exposition person-

nelle à Paris, à la galerie In

Camera (jusqu’au 8 février).

Photographie Après la biennale Photoquai, Evgenia Arbugaeva expose à Paris les paysages de son enfance

À Paris Photo, l’ambiance sur le stand où est présentée la série rappelle les grands magasins un jour de soldes plutôt que l’in-térieur d’une galerie : une foule piétine devant des clichés aux étiquettes barrées, un couple se dispute presque, le mari voulant acheter une photo, la femme une autre... Finalement, ils prendront les deux.

Les galeristes sont dépassés : pas le temps de changer les éti-quettes – les tirages partent l’un après l’autre, et certaines pho-tos ont doublé de prix depuis le début du salon. Encore un peu, et ils viendraient à manquer de points rouges... voire de clichés à vendre. L’héroïne de la fête est une photographe russe de 28 ans, Evgenia Arbugaeva. Sa série Tiksi, qui mêle le monde mer-veilleux des enfants à celui, tout aussi irréel, de l’hiver arctique, semble avoir touché une corde sensible chez les amateurs pari-siens les plus blasés.

Des maisons colorées comme des bonbons se détachent sur l’avant-plan d’un paysage ennei-gé. Plus loin, une silhouette em-mitoufl ée traverse la rue. Il y a, dans l’amour avec lequel la scène est composée, quelque chose des scènes d’hiver du peintre fl amand Bruegel l’ancien. Vu de Paris, c’est un étonnant spectacle que ces personnages évoluant dans un paysage glacial avec autant de joie et de naturel : l’hiver pourrait-il être la saison préfé-rée de quelqu’un ? Oui, répond Evgenia Arbugaeva : c’est la sai-son rêvée des enfants. Et surtout, des enfants de la toundra. Ima-ginez seulement : un terrain de jeu perdu au milieu d’une tem-pête de neige, où le ciel blanc se fond avec le sol enneigé et la

Entre blanc intégral et couleurs nuancées, Evguenia Arbugaeva expose les glaces de son enfance.

ligne d’horizon n’existe plus… et vous voilà presque en apesanteur, en train de vous rêver cosmonaute. Surtout lorsque vous voyez vos parents enfi ler, façon scaphandre, un costume de chasse blanc censé devenir invisible dans le paysage arctique, pendant que les aurores boréales drapent le ciel de cou-leurs cosmiques. Alors, debout dans la cuisine, vous portez un télescope en plastic à vos yeux, et vous vous imaginez grand voyageur au seuil d’immenses découvertes.

Evgenia Arbugaeva se l’était-elle imaginé, elle aussi ? Petite fi lle de Tiksi, une bourgade de 12 000 âmes sur la côte arctique russe, avait-elle rêvé de voyager un jour jusqu’à Iakoutsk, vivre à Moscou, déménager à New York et exposer à Paris ?

Ce voyage n’a guère été facile. Âgée de huit ans lorsque sa fa-mille décide de déménager dans une grande ville, la petite Evge-nia pleure à chaudes larmes, n’imaginant pas quitter Tiksi. Mais la toundra est un lieu ma-gique : de temps en temps, elle

rappelle ses enfants… À la fi n de ses études à Moscou, la jeune fi lle est vouée à une carrière dans la publicité qui soudain ne l’at-tire plus guère. Elle part re-joindre les éleveurs de rennes en Iakoutie. Un court séjour se transforme alors en un an de voyages avec les tribus nomades qui la fascinent. C’est là qu’Evge-nia réalise ses premiers clichés et décide d’étudier sérieusement la photographie.

Photographe indépendante à New York, sa carrière déjà lan-cée, elle se demande alors si le pays de son enfance existe en-core. Escale sur la route mari-time du grand Nord, dont l’at-trait s’est effondré avec l’URSS, Tiksi a vu la plupart de ses ha-bitants l’abandonner pour le confort des grandes villes.

Il est parfois dangereux de re-

tourner dans un endroit où l’on a été heureux ! Evgenia prend le risque et est à nouveau émer-veillée… mais n’en retrouve au-cune trace sur les clichés qu’elle rapporte. Sauf sur l’un d’eux : installée près d’un feu de bois avec sa mère, une fi llette jette des cailloux dans la mer. Evgenia la retrouve et tombe sous le charme de sa famille – « cela pourrait être la mienne », se dit-elle.

C’est alors à travers les yeux de Tania qu’elle redécouvre le monde de son enfance, au fi l de-quatre voyages – un pour chaque saison. Ce qui, au départ, n’était qu’une quête personnelle dépasse vite cet unique enjeu. Tout d’abord, l’Arctique est de nou-veau à la mode. Pendant que les puissances mondiales le convoi-tent pour ses trésors, le public, lui, s’enfl amme pour la vie sau-

vage dans l’Alaska à travers « Into the Wild » de Sean Penn, s’enivre de la lecture du journal d’un ermite Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson et rêve d’un voyage au Groenland « avant qu’il ne soit trop tard ». Dans cette recherche d’authen-ticité, d’abstraction voire d’as-cèse, rien ne l’incarne aussi bien qu’un paysage de neige à perte de vue, avec pour tout jouet un ballon, pour tout confort une couette douillette et, pour tout contact, la bienveillance des proches. En fi n de compte, ce sont peut-être des envies de rigueur en temps de crise : se calfeutrer à la maison, faire le vide et… contem-pler une image.

Tiksi, ou la beauté retrouvée de l’Arctique

La toundra est un lieu magique qui parfois rappelle ses enfants. Mais le pays de l’enfan-ce existe-t-il encore ?

larussiedaujourdhui.fr

/14634

EVGENIA ARBUGAEVA(2)

08LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Magazine

Un miroir russe de l’année 2013Rétrospective La Russie d’Aujourd’hui vous fait revivre en images quelques événements qui ont émaillé les douze derniers mois

LA FLAMME OLYMPIQUE DU KAMTCHATKA À SOTCHI

MISS UNIVERS 2013 SACRÉE À MOSCOU

POLÉMIQUE VUITTON SUR LA PLACE ROUGE

UNE MÉTÉORITE DÉCHIRE LE CIEL DE L’OURAL

La Russie se prépare pour les Jeux d’hiver de Sotchi 2014. La flamme olympique traverse le territoire national dans toutes les dimensions, avec un détour par le pôle Nord, un autre au fond du lac Baïkal et même une incursion dans l’espace. Ce parcours de la flamme est le plus long de l’histoire olympique : 65 000 km.

La capitale russe accueille en novembre le concours de beauté Miss Univers 2013. Les plus belles filles du monde arpentent la Place Rouge. À l’issue de la compétition organisée pour la première fois à Moscou, la Vénézuélienne Gabriela Isler est couronnée.

L’installation d’une gigantesque malle Louis Vuitton sur la place Rouge cause en novembre un scandale en raison de son caractère publicitaire : elle est rapidement démontée.

Une météorite explose au-dessus de Tcheliabinsk, dans l’Oural. Il s’agit de la plus grosse du genre observée depuis 1947, qui avait vu la météorite Sikote-Aline entrer dans l’atmosphère terrestre. En octobre, un fragment pesant plus de 570 kg est repêché au fond d’un lac.

G20 À ST-PÉTERSBOURG

HOLLANDE EN RUSSIE

La cité impériale accueille en septembre le sommet des 20 pays les plus industrialisés. Poutine et Obama abordent la question syrienne malgré les retombées du cas Snowden.

Avec Vladimir Poutine lors de sa visite officielle à Moscou fin février, le président français évoque principalement les su-jets économiques, notamment les investissements croisés.

DEPARDIEU LE RUSSE

L’acteur français reçoit la ci-toyenneté russe et un apparte-ment en Mordovie. Il rencontre un accueil chaleureux partout où il se rend en province.

VISA POUR SNOWDEN

En août, l’ancien employé de la NSA Edward Snowden, auteur de fuites sur l’espion-nage américain, débarque à Moscou où il obtient l’asile.

RIA NOVOSTI

GEOPHOTO

ITAR-TASS

PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO

AP

PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO

SERVICE DE PRESSE

REUTERS