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1 E.health FORUM • Synthèse des débats du mardi 19 septembre 2017 Les temps forts Les planètes semblent alignées pour que la France transforme l’essai en matière de e-santé. Mi-septembre, la ministre de la Santé Agnès Buzyn annonçait une concertation sur les quatre priorités de la stratégie nationale de santé du gouvernement, opérationnelle dès 2018 : la prévention et la promotion de la santé, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins, la nécessité d’accroître la pertinence des soins et l’innovation. Intelligence artificielle, médecin augmenté, collaboration entre acteurs de la santé, fluidification du parcours de soin, sécurisation des données… Si le marché a un fort potentiel économique, l’Hexagone peine à développer la santé 2.0. Pourtant, face aux révolutions démographiques et la pénurie de médecins dans certaines zones, nous n’avons plus le choix : il faut agir et envisager la e-santé comme un facteur incontournable d’une révolution déjà en marche. 09:15 - 10:00 | Digital health management : comment réussir la révolution digitale de la santé ? Justement, comment faciliter la mise en place de cette révolution digitale, de sorte que les acteurs de la santé eux- mêmes se l’approprient ? Pour Éric Jarrousse, ce qu’il perçoit davantage comme une « évolution » qu’une révolution doit s’organiser autour de trois grands axes : « intégration, cas d’usage et accompagnement ». Et ce afin « d’éviter la rupture dans le parcours de soins ». Il estime primordial de concentrer ses efforts sur « les outils qui permettent aux établissements de travailler ensemble ». Et ces solutions doivent obligatoirement être parfaitement intégrées au logiciel du médecin, afin de lui faciliter la tâche pour « coordonner les soins ». La e-santé, Michel Paoli « y croit beaucoup sans beaucoup y croire ». Pour lui, les outils numériques sont « un mode d’entrée » qui nécessite absolument un « accompagnement humain pour intervenir en support du digital ». Une synergie d’autant plus nécessaire que les Français sont prêts à redevenir les acteurs de leur santé et sont très demandeurs de ces services ciblés, du coaching préventif au suivi personnalisé. Dans un contexte de vieillissement de la population et de transition démographique, « nous remplissons une part qui n’est pas du soin, mais participons à la santé », affirme Michel Paoli, qui rappelle que notre système sanitaire est certes efficace, mais pas sans lacune. Cependant, qui dit digitalisation de la vie quotidienne dit forcément données, qui sont d’ailleurs un des « moteurs » de cette révolution e-santé, assure Thomas Dautieu. Et puisque la protection de ces Disruption, innovations, éthique, quel sera le visage de la santé de demain ? Mardi 19 septembre 2017 Le Nework - Paris Éric JARROUSSE, Vice-président, CEGEDIM HEALTHCARE SOFTWARE Thomas Dautieu, Directeur adjoint de la conformité, CNIL Michel PAOLI, Directeur médical délégué efficience, télémédecine, innovation et santé, GROUPE IMA

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E.health FORUM • Synthèse des débats du mardi 19 septembre 2017

Les temps fortsLes planètes semblent alignées pour que la France transforme l’essai en matière de e-santé. Mi-septembre, la ministre de la Santé Agnès Buzyn annonçait une concertation sur les quatre priorités de la stratégie nationale de santé du gouvernement, opérationnelle dès 2018 : la prévention et la promotion de la santé, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins, la nécessité d’accroître la pertinence des soins et l’innovation.

Intelligence artificielle, médecin augmenté, collaboration entre acteurs de la santé, fluidification du parcours de soin, sécurisation des données… Si le marché a un fort potentiel économique, l’Hexagone peine à développer la santé 2.0. Pourtant, face aux révolutions démographiques et la pénurie de médecins dans certaines zones, nous n’avons plus le choix : il faut agir et envisager la e-santé comme un facteur incontournable d’une révolution déjà en marche.

09:15 - 10:00 | Digital health management : comment réussir la révolution digitale de la santé ?

Justement, comment faciliter la mise en place de cette révolution digitale, de sorte que les acteurs de la santé eux-

mêmes se l’approprient  ? Pour Éric Jarrousse, ce qu’il perçoit davantage comme une «  évolution  » qu’une révolution doit s’organiser autour de trois grands axes : «  intégration, cas

d’usage et accompagnement  ». Et ce afin «  d’éviter la rupture dans le parcours de soins ». Il estime primordial de concentrer ses efforts sur « les outils qui permettent aux établissements de travailler ensemble ». Et ces solutions doivent obligatoirement être parfaitement intégrées au logiciel du médecin, afin de lui faciliter la tâche pour « coordonner les soins ».

La e-santé, Michel Paoli « y croit beaucoup sans beaucoup y croire ». Pour lui, les outils numériques sont «  un mode d’entrée  » qui nécessite absolument un « accompagnement humain pour intervenir en support du digital  ». Une synergie d’autant plus nécessaire que les Français sont prêts à redevenir les acteurs de leur santé et sont très demandeurs de ces services ciblés, du coaching préventif au suivi personnalisé. Dans un contexte de vieillissement de la population et de transition démographique, « nous remplissons une part qui n’est pas du soin, mais participons à la santé », affirme Michel Paoli, qui rappelle que notre système sanitaire est certes efficace, mais pas sans lacune.

Cependant, qui dit digitalisation de la vie quotidienne dit forcément données, qui sont d’ailleurs un des « moteurs » de cette révolution e-santé, assure Thomas Dautieu. Et puisque la protection de ces

Disruption, innovations, éthique,quel sera le visage de la santé de demain ?

Mardi 19 septembre 2017 Le Nework - Paris

Éric JARROUSSE, Vice-président,CEGEDIM HEALTHCARE SOFTWARE

Thomas Dautieu, Directeur adjoint de la conformité,CNIL

Michel PAOLI,Directeur médical délégué efficience,

télémédecine, innovation et santé,GROUPE IMA

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informations est « garante » d’une relation de confiance entre patients et praticiens, un nouveau règlement général doit être appliqué en mai 2018 au niveau européen, articulé autour de trois idées fortes :1) crédibiliser les CNIL européennes. D’abord via un mécanisme

de coopération, afin de fournir une seule et même réponse aux entreprises, ensuite en augmentant fortement le montant des amendes que les CNIL peuvent infliger ;

2) renforcer l’information et le droit des personnes, notamment avec la création d’un droit à la portabilité des données ;

3) responsabiliser les entreprises. Le nouveau règlement réduit les formalités préalables et obligatoires à effectuer auprès des CNIL, mais en échange, les entreprises doivent prouver leur conformité via la nomination d’un délégué et la réalisation d’études d’impact.

Développer les usages, déployer la médecine à distance pour lutter contre les déserts médicaux, mettre à disposition les données des patients tout en les sécurisant, élargir

l’écosystème de la santé… Pour Philippe Cirre, cette ère de la santé 2.0 constitue un véritable «  changement culturel  ». Il juge donc indispensable de « mettre de la cohérence et animer une démarche globale pour arriver à une stratégie commune et convergente » de tous les acteurs de la santé. En «  levier » de cette transformation, le numérique doit se développer autour de quatre axes : mettre le patient au cœur de l’e-santé, afin qu’il fasse levier auprès des médecins ; faciliter les pratiques des professionnels et définir un cadre d’interopérabilité ; simplifier la vie de tous les acteurs économiques de la e-santé, des praticiens aux industriels en passant par les start-ups, et dégager un modèle économique ; enfin, moderniser les outils de régulation de l’Etat. En somme, résume Philippe Cirre, mettre en place une «  stratégie lisible et compréhensible  » en associant « l’ensemble des parties prenantes, pouvoirs publics et investisseurs ».

10:00 - 10:45 | Complémentaires de santé et nouvelles technologies : se réinventer face aux nouveaux enjeux ?

Les complémentaires santé ont-elles aussi un rôle à jouer dans la révolution e-health ? Pour Yanick Philippon, elles

doivent se saisir d’un enjeu majeur : la prévention. Attention, cependant, « à ne pas réfléchir à la prévention en terme d’économie future, mais en terme de fidélisation de nos clients », prévient-il.

François Couton, ne dit pas autre chose : pour «  transformer l’avenir de notre métier  », il faut «  impliquer  » et «    responsabiliser  » les adhérents, afin de «  les aider à développer des comportements plus vertueux et leur faciliter les parcours de santé  ». Il regrette néanmoins que «  tout le monde reste sur son rocher  » alors qu’aujourd’hui, «  l’enjeu d’écosystème et d’interopérabilité est moins technologique que culturel », affirme-t-il.

Pourtant, « le digital permet de favoriser une culture de l’expérimentation  », rappelle David Giblas. Le coaching personnalisé, c’est bien, mais c’est insuffisant, estime-t-il, car il faut

être « vigilant sur la valeur d’usage ». Pour cela, il préconise de « faire le lien avec des données presque médicales » à travers trois chantiers : faciliter l’accès à l’information, pour mieux piloter ses dépenses de santé, visualiser son reste à charge et être orienté vers des réseaux soins ; améliorer les parcours de soins, en «  humanisant  » et en «  horizontalisant  » le système pour une meilleure coordination et une prise en charge plus pertinente ; enfin, améliorer la prévention, avec des conseils personnalisés, certes, mais aussi en privilégiant absolument « un modèle hybride, offline et online » – par exemple une plate-forme de coaching reliée à des professionnels.

11:30 - 12:30 | Transformation numérique : quel impact sur le système de soins et le parcours patient ?

Si le patient doit être au cœur de cette révolution digitale, où faut-il concentrer ses efforts en matière d’e-santé pour lui faciliter la vie ? Frédéric Bouvier, rappelle que «  tout le monde n’est pas égal dans sa capacité à se mouvoir dans ce système complexe  » qu’est la santé.

François COUTON, Directeur des opérations et de la

transformation,HARMONIE MUTUELLE

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Mardi 19 septembre 2017 Le Nework - Paris

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E.health FORUM • Synthèse des débats du mardi 19 septembre 2017

Yanick PHILIPPON, membre du comité exécutif, en charge des clients entreprises collectives, GENERALI FRANCE

Frédéric BOUVIER, Directeur des solutions healthtech,

de la stratégie & du new business development, PHILIPS FRANCE

Philippe CIRRE, Délégué adjoint,DSSIS

David GIBLAS, membre du Comex, Directeur de l’innovation, du digital et du data,MALAKOFF MÉDÉRIC

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Il est convaincu que la santé 2.0 permettra de « déverrouiller » le parcours de soins pour une meilleure prise en charge des Français et de « revisiter la relation et le dialogue entre patient et médecin » – sans pour autant remplacer ce dernier.

Force est de constater qu’aujourd’hui, l’entrée du numérique dans cette relation patient-praticien s’est traduite en premier lieu via la prise de rendez-vous en ligne. D’ailleurs, Stanislas

Niox Château évoque pour sa part une segmentation de la e-santé en quatre parties : mieux organiser cabinets et établissements de santé ; améliorer la relation patient-médecin ; améliorer la collaboration entre praticiens ; faire du patient un acteur de sa santé.

Si le public, lui, s’est laissé convaincre, il déplore la difficulté « d’évangéliser les professionnels  ». Pourtant, dit-il, «  la priorité c’est l’usage dans les cabinets  ; sans efficacité opérationnelle chez eux, il ne se passera rien  ». Charlotte Puechmaille croit elle aussi « au côté ambassadeur des médecins, qui peuvent être moteur de ce changement » et ont un rôle à jouer « dans l’accompagnement et le suivi à distance » des patients. Alors comment faire entrer la transformation numérique au sein des cabinets et des hôpitaux  ? Stanislas Niox Château se montre optimiste sur l’évolution de la e-santé en France : le bouche-à-oreille fonctionne, dit-il, tout en reconnaissant qu’il reste à «  faire évoluer les pratiques » de la communauté médicale. Et pour cela, rien ne vaut le concret. «  Si on ne peut pas démontrer le temps gagné, le nombre de patients en plus, l’amélioration des conditions de leur pratique, c’est perdu », estime Frédéric Bouvier, de Philips France.

Michel Gagneux tient cependant à souligner l’importance de la pédagogie, « un des enjeux du succès » de l’e-santé en France : « Une mutation est en cours, mais qui mérite encore un effort d’accompagnement colossal de la

part des pouvoirs publics, des industriels et des fournisseurs de solutions. » Car la France a déjà pris le virage du numérique. Sur ce point, Michel Gagneux est catégorique : « Les technologies ne sont plus un problème ; le défi est culturel, organisationnel et dans la pratique.  » Car ces dix dernières années, la France a beau avoir bâti un socle technologique, reste aujourd’hui « à le traduire en usage », insiste-t-il. D’ailleurs, le rôle du patient, il en est convaincu, « va être de plus en plus déterminant dans la manière de faire évoluer les pratiques du système de santé ». Mais veillons à ne pas mettre la charrue avant les bœufs : « Avant même de penser comment articuler l’usage des objets connectés dans la vie quotidienne, il faut que l’organisation du système de santé change sa façon de faire  ». Ce n’est pas à la e-santé qu’échoit cette tâche. «  Il ne faut pas considérer l’outil comme étant la seule solution », prévient Michel Gagneux. S’il est certes facteur d’accélération, «  sans évolution des mentalités, il ne se passera rien ».

14:00 - 14:30 | Regards d’investisseurs : comment devenir un futur leader des biotechs ?

Incertitude, spéculation, coûts élevés… Le secteur des biotechs est un cas à part qui constitue pourtant l’avenir de la pharmacie. Comment tirer son épingle du jeu et attirer les investisseurs  ? Rafaèle Tordjman tient à rappeler que «  le potentiel du marché est tel, avec un tel bénéfice pour le patient » que contrairement à d’autres secteurs, « une biotech peut être achetée plusieurs milliards sans même disposer d’un produit  »  !

Il est donc nécessaire, pour les entrepreneurs, d’avoir confiance en leur projet, de développer d’autres compétences, notamment managériales (ou embaucher des profils adéquats) et de «  provoquer la rencontre avec les acteurs de l’écosystème  », indispensables au développement de leur société. Du côté des financiers, dit-elle, il s’agit «  d’accompagner ces entrepreneurs avant même d’investir », puis de « partager le gâteau et d’aider, sans être trop intrusif ».

Thierry de Catheu insiste lui sur cette «  part de risque  » inéluctable lorsqu’on décide d’investir dans les biotechs, puisque, rappelle-t-il, «  à

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Mardi 19 septembre 2017 Le Nework - Paris

Stanislas NIOX CHÂTEAU, CEO,DOCTOLIB

Michel GAGNEUX, Directeur général,ASIP SANTÉ

Thierry DE CATHEU, Président,BIOTECH AGORA

Charlotte PUECHMAILLE, Directrice B2B Europe,

NOKIA

Rafaèle TORDJMAN, Fondatrice & Présidente,

WOMEN INNOVATING TOGETHER IN HEALTHCARE

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E.health FORUM • Synthèse des débats du mardi 19 septembre 2017

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un stade précoce, repérer un futur leader est un pari ». En outre, dit-il, financer des essais cliniques coûte extrêmement cher, pour des chances de succès très faibles (entre 8 et 10 %). Les investisseurs qui souhaitent entrer au capital d’une biotech devront donc changer leurs habitudes, prévient Rafaèle Tordjman, et se montrer patients.

14:45 - 15:45 | Sécurisation et authentification des données de santé : où en est-on ?

Si e-santé rime avec données, qu’en est-il, aujourd’hui, de la sécurisation de ces informations personnelles à forte valeur ? Daniel Kadar tient d’abord à rappeler la définition paneuropéenne

d’une donnée de santé : «  Une donnée qui a trait à l’état physique et mentale d’une personne et peut-être utilisée dans le cadre d’un parcours de soins, pour son suivi et l’évolution de son état de santé.  » Et de préciser que la réglementation relative à l’hébergement des données, très exigeante, est une «  spécificité bien française  ». Attention, néanmoins, aux données enregistrées par les applications de coaching ou de bien-être : elles ont beau avoir «  le même poids  » aux yeux du consommateur, prévient Christophe Richard, elles ne constituent pas pour autant, juridiquement, des données médicales. Il rappelle d’ailleurs que « le trou de sécurité le plus important est souvent entre le clavier et la chaise  » – c’est-à-dire l’utilisateur, qui fait déjà circuler ces données confidentielles via les services fournis par les GAFA.

En France, si les données de santé sont donc relativement bien protégées contre les attaques informatiques, en revanche, tempère Rogier Van der Wal « il reste un aspect très important et pourtant négligé : la sécurisation des accès physiques  ».

Concrètement, au niveau de l’AP-HP par exemple, des cartes professionnelles de santé personnalisées ont été déployées pour ajouter une couche supplémentaire de sécurité en plus

des traditionnels login/mots de passe pour l’authentification des médecins, précise Laurent Tréluyer. Or, « culturellement, les médecins n’avaient pas l’habitude de gérer la sécurité  », dit-il, en raison notamment du turnover important des internes-externes. Une «  vraie difficulté pratique  », abonde Daniel Kadar, qui nécessite un «  effort  » de la part des praticiens et, surtout, un «  fonctionnement unifié  » entre les systèmes d’information.

D’autant que les hôpitaux, qui partagent déjà des dossiers patients avec d’autres établissements ou professionnels de santé, aimeraient pouvoir davantage échanger afin d’améliorer la prise en charge, insiste Laurent Tréluyer. Il précise d’ailleurs que «  ce besoin d’accéder aux données est une demande importante des patients » et nécessite la « construction de plates-formes territoriales ». À ce sujet, il regrette que le consentement du patient soit bien réglé par la loi, mais « pas dans la pratique ». «  À quel moment est-ce qu’on l’acquiert, à quel moment est-ce qu’on l’informe ?  », interroge-t-il. Christophe Richard, de Santeos, estime lui indispensable de trouver un « équilibre de confiance  » afin d’améliorer la qualité des soins. Il préconise l’abandon d’un « système à la Fort Knox » au profit d’un cadre plus «  dynamique  ». «  La sécurité doit être un prérequis, mais positionnée au bon endroit » pour être plus efficace, assure-t-il.

Quid de la monétisation et la valorisation de ces données, au cœur du débat notamment lorsqu’on évoque les GAFA, qui eux évoluent hors de ce cadre réglementaire exigeant ? Pour Christophe Richard, « la question n’est pas de savoir si on doit ou non les valoriser (…) mais comment faire en sorte que cela puisse bénéficier à l’individu  ». Il bat d’ailleurs en brèche les idées reçues : « Si c’était la quantité de données qui faisait la valeur, ça se saurait ! » Laurent Tréluyer ne dit pas autre chose : l’AP-HP dispose déjà d’un mécanisme de valorisation des data, « mais ce n’est pas un tas d’or ! » Et Christophe Richard de conclure qu’« il ne faut pas prendre la notion de valorisation en terme de monétisation, mais en terme de connaissance ».

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Mardi 19 septembre 2017 Le Nework - Paris

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E.health FORUM • Synthèse des débats du mardi 19 septembre 2017

Daniel KADAR, Avocat et Associé,REED SMITH

Christophe RICHARD, Directeur médical,

SANTEOS

Laurent TRÉLUYER, Directeur des systèmes d’information,

AP-HP

Rogier VAN DER WAL, Directeur des ventes et du marketing, INTERXION

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16:45 - 17:30 | Intelligence artificielle : quel sera le visage de la santé de demain ?

Si l’intelligence artificielle (IA) continue d’alimenter les fantasmes, elle est d’ores et déjà utilisée au quotidien par le monde médical, de façon plus pratique que spectaculaire. Le

programme Watson, développé par IBM, analyse par exemple la documentation scientifique pour en extraire le sens et le restituer à des professionnels de santé débordés par les milliers d’articles publiés chaque jour. Pascal Gené explique que cette IA, couplée aux données des patients, permet depuis 2014 de « proposer une liste de traitements classés par ordre d’efficacité probable ». Un cas d’usage qui a depuis essaimé dans le secteur bancaire ou la grande distribution.

Jérôme Vétillard évoque de son côté les «  services cognitifs  » de l’IA, c’est-à-dire «  la capacité de la machine à comprendre son environnement  ».

En pratique, des compétences à la fois visuelles, utiles pour l’imagerie médicale ou la reconnaissance faciale, et sémantiques – chatbots, recommandations de soins, gestion d’agenda… Ou encore une IA très « étroite » qui peut effectuer une tâche unique, mais extrêmement précise. Une technologie qui vient donc « augmenter la productivité du système de santé » en «  prémâchant la tâche  » aux professionnels. En somme, explique Pascal Gené, l’IA est là pour « proposer des outils qui déchargent les gens sans remplacer les êtres humains », de toute manière indispensables pour améliorer ces IA.

L’humain, d’ailleurs, doit être remis au cœur de ces innovations, puisqu’en libérant du temps au médecin, dit Pascal Gené, il pourra « se consacrer davantage à son patient ». « On a rendu la médecine très technologique, désormais il faut renvoyer le balancier dans l’autre sens et faire un peu plus de place à l’humain », insiste-t-il. À l’avenir, l’IA pourrait également « niveler vers le haut l’accès aux soins  » notamment pour lutter contre les déserts médicaux, un aspect qui n’a pas été exploré pour le moment.

Si les bénéfices de l’IA sont indubitables, le système de santé, lui, tarde à s’adapter à ce que Christophe Marques décrit comme une « innovation de rupture très forte ». Or, dit-il, cette rigidité organisationnelle

et cette «  inertie  » empêchent sa bonne intégration. Parmi ces blocages, citons la rémunération, qui pose aujourd’hui question  : si médecin et IA travaillent en binôme, qui faut-il rémunérer ? Ou encore, s’interroge Pascal Gené, «  comment financer le droit d’utilisation des algorithmes » ?

17:30 - 18:15 | Transhumanisme, jusqu’où peut-on aller dans l’innovation en médecine ?

Les nouvelles technologies rendront-elles bientôt obsolètes les maladies, la vieillesse et même la mort ? C’est ce que prêche en tous cas le mouvement transhumaniste, dont le centre névralgique est aujourd’hui basé au cœur de la Silicon Valley californienne. Leur mot d’ordre, résume Anne-Laure Boch : « Réparer l’homme et l’augmenter », voire « hybrider l’homme et la machine ». Les transhumanistes n’étant pas forcément des scientifiques, pas étonnant dit-elle, qu’ils « voient la science et la technique comme des prestataires de service pour assouvir leurs fantasmes  ». Sont-ils pour autant dupes de leur propre discours  ? Pas sûr, car «  la recherche permet de découvrir toutes sortes de choses » bien au-delà des seuls intérêts transhumanistes.

Bernard Stiegler est nettement plus sévère. À ses yeux, le transhumanisme n’est qu’un «  marketing stratégique de la Silicon Valley ». Rien à voir avec la technologie, dit-il, tout cela n’est qu’un « discours » qu’il faut « réévaluer, puisque l’Homme, par essence inachevé, s’est toujours augmenté ». Cependant, le philosophe estime que nous sommes aujourd’hui dans la

«  réendosomatisation  ». C’est-à-dire que l’humain produit des extensions qu’il insère désormais dans son corps, ce dernier devenant alors « un marché

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Pascal GENÉ, Watson Health Sales Executive, IBM

Jérôme VÉTILLARD, Microsoft Digital Architect - Worldwide Health Industry,

MICROSOFT

Anne-Laure BOCH, Neurochirurgienne et Praticienne,

HÔPITAL DE LA PITIÉ-SALPÊTRIÈRE (AP-HP)

Christophe MARQUES, Économiste,ASTERÈS

Bernard STIEGLER, Directeur,INSTITUT DE RECHERCHE ET D’INNOVATION

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de réaménagement  » comme autrefois l’environnement. Des améliorations qui font dire à Anne-Laure Boch qu’il y aura « plus d’effets secondaires que de bénéfices », à commencer par un «  aspect utilitariste  » à l’encontre des promesses de bien-être véhiculées par les transhumanistes. «  Je ne crois pas au transhumanisme de plaisir », dit la neurochirurgienne, craignant plutôt des « contraintes » de performance qui ne feraient que renforcer les inégalités.

De son côté, Guy Vallancien fustige la « schizophrénie ambiante » qui pousse

à envisager les « anabolisants numériques » tout en interdisant les produits dopants… D’après lui, un des problèmes de la vision transhumaniste est qu’elle «  ne parle pas de densité d’être, d’amour ou de haine, mais de quantitatif ». Quoiqu’il en soit, Guy Vallancien ne voit de toute manière aucun intérêt à l’immortalité, car « il n’y a plus de désir si le temps vous est donné pour toujours ».

CONCLUSION

Tous les ingrédients nécessaires à cette transformation numérique sont réunis. Désormais, c’est aux pouvoirs publics d’encourager et d’accompagner le développement de la e-santé, grâce à des dispositifs structurels et organisationnels actualisés pour une meilleure convergence des luttes. Sans oublier les professionnels de santé, qui constituent un levier majeur mais qu’il faut encore convaincre en les accompagnant et en tenant compte de leurs usages. Car le public, lui, est fin prêt, conscient des bénéfices indubitables que lui apportera cette révolution digitale.

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Guy VALLANCIEN, Membre de l’ACADÉMIE DE MÉDECINE ; Président de la CONVENTION ON HEALTH ANALYSIS AND MANAGEMENT