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d0c101a52d59169a012d5c2ed81122b1 DOCTRINE LIDC Rapport belge sur le droit de la concurrence déloyale Andrée Puttemans Avocate au Barreau de Bruxelles (De Corte & Puttemans) Maiˆtre de conférences à l’Université libre de Bruxelles I. Preliminary questions relating to unfair competition law 1. Is there at all a specific field of law called « unfair competi- tion law »? Oui. Si aucune loi ne porte un tel intitulé (droit de la concurrence déloyale – oneerlijke mededingingsrecht), la doctrine (1) et la jurispru- dence (2) utilisent habituellement cette appellation pour couvrir l’en- semble des dispositions légales applicables en la matière. Pour des raisons de fond, certains auteurs lui préfèrent l’appellation de « concurrence illi- 3 Ing.-Cons. – n o 1, 2003 (1) A. Puttemans , Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruylant, Bruxelles, 2000; L. Gar- zaniti et D. Vandermeersch, « L’effet limitatif du droit de la concurrence sur le droit de la concurrence déloyale : état de la question », R.D.C., 1997, pp. 4-10; B. Francq , « Le décloisonne- ment progressif du droit relatif à la concurrence déloyale en Belgique », GRUR Int., 1996, pp. 448- 453; B. Michaux , « Concurrence déloyale et anciens co-contractants – Les mises au point de la dernière jurisprudence », R.D.C., 1994, pp. 578-591; B. et C. Francq , « L’élargissement du concept de la concurrence déloyale. La prise en compte, conjuguée des intérêts des professionnels, des inté- rêts des consommateurs et des intérêts des pouvoirs publics » in La promotion des intérêts des consommateurs au sein d’une économie de marché, Bruxelles, Story-Scientia, 1993, pp. 323-348; M. Buydens, « La sanction de la piraterie de produits par le droit de la concurrence déloyale », Journal des Tribunaux, 1993, pp. 117 et s.; L. De Gryse , « Observations sur la liberté de copier et la concurrence déloyale », note sous Civ. Charleroi siég. cons. (cess.), 30 mai 1967, J.C.B., 1968, pp. 145-149; Ph. Coppieters de Gibson , « La concurrence déloyale », in Les Novelles, Droits intel- lectuels, Bruxelles, Larcier, 1936, I, pp. 473-577; L. Frédéricq , Principes de droit commercial belge – La concurrence déloyale, Gand, Ed. Rombaut-Fecheyr, 1935. (2) Voyez, par exemple : Cour d’arbitrage, 9 janvier 2002, M.B., 19 mars 2002, p. 11505; Cass., 31 mai 2001, RG n o C000383F; Liège, 10 septembre 2002, RG n o 1999/RG/12 (ces décisions peu- vent être consultées à l’adresse Internet suivante : http://www.cass.be/cgi—juris/jurf.pl). this jurisquare copy is licenced to UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES

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d0c101a52d59169a012d5c2ed81122b1

DOCTRINE

LIDC – Rapport belge sur le droit de la concurrence

déloyale

Andrée Puttemans

Avocate au Barreau de Bruxelles (De Corte & Puttemans)

Maitre de conférences à l’Université libre de Bruxelles

I. Preliminary questions relating to unfair competition law

1. Is there at all a specific field of law called « unfair competi-

tion law »?

Oui. Si aucune loi ne porte un tel intitulé (droit de la concurrence

déloyale – oneerlijke mededingingsrecht), la doctrine (1) et la jurispru-

dence (2) utilisent habituellement cette appellation pour couvrir l’en-

semble des dispositions légales applicables en la matière. Pour des raisons

de fond, certains auteurs lui préfèrent l’appellation de « concurrence illi-

3

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(1) A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruylant, Bruxelles, 2000 ; L. Gar-zaniti et D. Vandermeersch, « L’effet limitatif du droit de la concurrence sur le droit de laconcurrence déloyale : état de la question », R.D.C., 1997, pp. 4-10 ; B. Francq , « Le décloisonne-ment progressif du droit relatif à la concurrence déloyale en Belgique », GRUR Int., 1996, pp. 448-453; B. Michaux , « Concurrence déloyale et anciens co-contractants – Les mises au point de ladernière jurisprudence », R.D.C., 1994, pp. 578-591 ; B. et C. Francq , « L’élargissement du conceptde la concurrence déloyale. La prise en compte, conjuguée des intérêts des professionnels, des inté-rêts des consommateurs et des intérêts des pouvoirs publics » in La promotion des intérêts desconsommateurs au sein d’une économie de marché, Bruxelles, Story-Scientia, 1993, pp. 323-348;M. Buydens, « La sanction de la piraterie de produits par le droit de la concurrence déloyale »,Journal des Tribunaux, 1993, pp. 117 et s. ; L. De Gryse , « Observations sur la liberté de copier etla concurrence déloyale », note sous Civ. Charleroi siég. cons. (cess.), 30 mai 1967, J.C.B., 1968,pp. 145-149; Ph. Coppieters de Gibson , « La concurrence déloyale », in Les Novelles, Droits intel-lectuels, Bruxelles, Larcier, 1936, I, pp. 473-577; L. Frédéricq , Principes de droit commercialbelge – La concurrence déloyale, Gand, Ed. Rombaut-Fecheyr, 1935.(2) Voyez, par exemple : Cour d’arbitrage, 9 janvier 2002, M.B., 19 mars 2002, p. 11505 ; Cass.,31 mai 2001, RG no C000383F; Liège, 10 septembre 2002, RG no 1999/RG/12 (ces décisions peu-vent être consultées à l’adresse Internet suivante : http://www.cass.be/cgi—juris/jurf.pl).

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cite » (3) mais il faut bien admettre que, dans l’usage, cette dernière n’a

jamais réussi à supplanter la dénomination « droit de la concurrence

déloyale » (4).

2. Which practices do normally fall under « unfair competitionlaw »?

En Belgique, la notion de concurrence déloyale est conçue de manière

large. Elle comprend tout d’abord une double norme générale de confor-

mité aux usages honnêtes, laquelle impose aux entreprises un comporte-

ment correct et légal sur le marché, tant à l’égard des autres entreprises

que des consommateurs. Elle englobe également la réglementation de

l’indication des prix et des quantités, de l’appellation d’origine, de la

publicité, des clauses abusives, des promotions et méthodes de vente(offres conjointes, annonces de réduction de prix, ventes en liquidation,

ventes en solde, bons de valeur, ventes publiques, achats forcés, contrats

à distance, interdiction des ventes en chaîne, réglementation des ventes

conclues en dehors de l’entreprise du vendeur).

La violation de toute norme légale ou réglementaire (quel que soit le

domaine de celle-ci ou son but) est considérée comme constitutive d’un

acte de concurrence déloyale (violation de la norme générale) dès lors

qu’elle est le fait d’un « vendeur » au sens de la loi (5) et qu’elle est de

nature à porter atteinte aux intérêts professionnels d’un ou plusieurs

autre(s) « vendeur(s) » ou aux intérêts (même non économiques) d’un ou

plusieurs consommateurs. On parle d’« effet catch all » de la norme géné-

rale inscrite dans le droit belge de la concurrence déloyale : toutes les dis-

positions du droit positif ont vocation à être aspirées dans cette norme

générale.

La question des relations du droit de la concurrence déloyale avec les

droits intellectuels, d’une part, et avec le droit contractuel, de l’autre,

sera traitée dans la réponse à la question suivante.

4

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(3) I. Verougstraete, « Le rôle des magistrats dans l’application de la loi sur les pratiques ducommerce », in Les pratiques du commerce, l’information et la protection du consommateur. Premierbilan et perspectives d’application de la loi du 14 juillet 1991, notamment au regard du droit européen,Bruxelles, Bruylant, 1994, pp. 27-58; J. Stuyck, « L’acte contraire aux usages honnêtes en matièrecommerciale », in Les pratiques du commerce et l’information et la protection du consommateur, éd.Jeune Barreau, Bruxelles, 1991, pp. 152, nos 34 et s.(4) En ce qui concerne l’usage de cette dénomination, voyez A. Puttemans, Droits intellectuels etconcurrence déloyale, op. cit., pp. 101 et s.(5) Sur cette notion, voyez plus loin, question I, 8.

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3. Relation to other branches of law

a) En Belgique, le droit de la concurrence déloyale ne fait plus partie

intégrante du droit de la responsabilité civile depuis l’adoption de l’arrêté

royal no 55 du 23 décembre 1934 « protégeant les producteurs, commer-

çants et consommateurs contre certains procédés tendant à fausser les

conditions normales de la concurrence ». Cet arrêté comprenait une

norme générale de conformité aux usages honnêtes en matière industrielle

et commerciale et introduisait dans notre droit une action en justice tout

à fait nouvelle permettant de mettre fin rapidement et efficacement aux

actes contraires à cette norme : l’action en cessation.

L’idée, qui existait déjà à l’époque, d’élaborer une loi bien plus large,

comprenant cette norme générale mais réglementant aussi les principales

pratiques du commerce, se réalisa près de quarante ans plus tard, par

l’adoption de la loi du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce.

Cette dernière fut remplacée en 1991 par la loi qui est toujours en

vigueur actuellement, la LPCC (voyez à ce sujet la réponse à la question

suivante).

Le lien de parenté du droit de la concurrence déloyale avec le droit de

la responsabilité civile, et donc avec l’article 1382 du Code civil, a toute-

fois toujours été souligné. Ainsi, par un arrêt prononcé en 1943 (6), la

Cour de cassation a-t-elle énoncé que la notion de concurrence déloyale

se limite au domaine de l’article 1382 du Code civil, à l’exclusion de celuide la responsabilité contractuelle. La jurisprudence plus récente de la

Cour rappelle également cette parenté (7). Il n’en reste pas moins que la

technique juridique et les conditions d’application de l’action en cessation

d’un acte de concurrence déloyale diffèrent profondément de ceux qui

gouvernent l’action en responsabilité civile. On remarquera en particulier

que la mise en œuvre du droit de la concurrence déloyale ne suppose pas

que le demandeur ait subi un préjudice effectif : un dommage potentiel

suffit à cet effet (8).

b) La question des rapports entre le droit contractuel et le droit de la

concurrence déloyale est délicate. D’une part, la jurisprudence considère

5

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(6) Cass., 25 novembre 1943, Pas., 1944, 70.(7) Cass. 2 mai 1985, Pas., I, p. 1081 ; R.D.C., p. 631, et la note I. V. ; Cass., 31 janv. 1992, Pas.,I, p. 481, obs. ; R.D.C., p. 422, note C.S., « Les usages honnêtes ont-ils un lien avec l’honnêteté ? »,R.W., 1991-1992, p. 1369.(8) Pour plus de détails sur ces questions, voyez A. Puttemans , Droits intellectuels et concurrencedéloyale, Bruylant, Bruxelles, 2000, pp. 145, nos 93 et s.

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de manière constante que la violation d’une obligation contractuelle ne

peut servir de base à l’action en concurrence déloyale, à moins que l’acte

attaqué constitue en soi, c’est-à-dire en l’absence même de contrat, une

pratique contraire aux usages honnêtes et que le dommage qui peut enrésulter ne soit pas purement contractuel (9). Mais de l’autre, il faut bien

constater que le législateur a fait entrer de plain-pied le droit contractuel

dans le droit de la concurrence déloyale (en matière de clauses abusives

et de contrats à distance, par exemple), ce qui incite certains auteurs à

remettre en question cette jurisprudence – dont l’enseignement n’a jamais

été inscrit dans la loi elle-même (10).

c) La relation du droit de la concurrence déloyale avec le droit de la pro-

priété intellectuelle apparaît plus complexe encore (11). En 1939, la Cour

de cassation a décidé que les actes de contrefaçon ne pouvaient faire l’ob-

jet d’une action en cessation en tant qu’acte de la concurrence

déloyale (12). Malgré les profondes réticences de la doctrine, l’enseigne-

ment de cet arrêt fut repris par le législateur dans la loi de 1971 sur les

pratiques du commerce (à l’article 56) puis dans celle qui la remplaça :

la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’informa-

tion et la protection du consommateur (à l’article 96 (13)). Entre-temps, la

jurisprudence avait développé quantité de techniques permettant, dans

une certaine mesure, de contourner cette impossibilité légale d’agir en

cessation (nous verrons plus loin que l’action en cessation est une actionparticulièrement efficace dont beaucoup ont regretté qu’elle ne puisse être

utilisée pour lutter contre la contrefaçon). C’est ainsi que la Cour de cas-

sation elle-même (14) a consacré la jurisprudence qui admettait l’action en

cessation à propos de certaines atteintes à une marque déposée mais pas

à propos d’autres atteintes, qualifiées d’actes de contrefaçon proprement

dits. Par un arrêt du 9 janvier 2002, qui a suscité quelque émoi, la Cour

d’arbitrage – sorte de Cour constitutionnelle belge – a dit pour droit, en

6

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(9) Voyez J. Stuyck, « (Im)possibilité de l’action en cessation à l’encontre du tiers participant àla violation d’une clause de non-concurrence », R.D.C., 1995, pp. 319-323.(10) J. Laenens, « De vordering tot staking herbezocht », in J. Stuyck et P. Wytinck (éd.), Denieuwe wet handelspraktijken, Kluwer, 1992, pp. 160-165.(11) Le rapporteur belge y a même consacré un ouvrage entier, tiré de sa thèse de doctorat :A. Puttemans, Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruylant, Bruxelles, 2000.(12) Cass., 16 mars 1939, Pas., I, p. 150; Ing. Cons., p. 55, concl. av. gén. L. Cornil.(13) Cette disposition exclut de l’action en cessation « les actes de contrefaçon qui sont sanctionnéspar les lois sur les brevets d’invention, les marques de produits ou de services, les dessins oumodèles et le droit d’auteur et les droits voisins ».(14) Cass., 3 novembre 1989, Pas., 1990, p. 272; R.D.C., 1990, p. 216.

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réponse à une question préjudicielle, que l’article 96 précité crée une dis-

crimination inconstitutionnelle en tant qu’il exclut l’action en cessation à

propos de certaines atteintes à la marque et l’exclut pour d’autres (15). La

situation actuelle apparaît très chaotique en la matière, certains jugesadmettant désormais que l’action en cessation en matière de concurrence

déloyale puisse porter sur toute atteinte à la marque tandis que d’autres

n’hésitent pas à ignorer délibérément l’arrêt de la Cour d’arbitrage...

Chacun s’accorde sur un point : une intervention du législateur est néces-

saire et urgente. Le Conseil des ministres l’a compris, qui a adopté, le

28 mars 2003, un avant-projet de loi « relative aux aspects civils de la

protection de certains droits intellectuels », lequel apporte de profondes

modifications au droit de l’action en contrefaçon en général et permet

désormais d’agir en cessation d’un acte de contrefaçon constitutif de

concurrence déloyale. Il faudra cependant attendre la prochaine légis-

lature pour espérer voir aboutir ce projet.

d) Aucune disposition similaire à cet article 96 n’existe pour exclure la

compétence du juge des pratiques du commerce en cas d’infraction au

droit de la concurrence au sens strict (droit anti-trust). Et de fait, de

nombreuses infractions au droit européen et/ou belge de la concurrence

sensu stricto ont fait l’objet d’ordres de cessation en tant qu’ils consti-

tuaient simultanément des actes de concurrence déloyale.

4. What is the basis on which protection from unfair competitionis granted?

La loi du 14 juillet 1991 « sur les pratiques du commerce et sur l’informa-

tion et la protection du consommateur » (ci-après « LPCC » – l’abrévia-

tion usuelle de cette loi en néerlandais est : « WHPC ») réglemente les

pratiques les plus courantes (entre entreprises et envers les consomma-

teurs) et comprend une (double) norme générale de conformité aux

usages honnêtes ; elle organise l’action en cessation ainsi que la procédure

administrative de l’avertissement et prévoit les sanctions pénales appli-cables en cas d’infraction. Les matières plus spécifiques sont régies par

des lois distinctes, dont l’examen excèderait les limites du présent rap-

port.

7

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(15) M.B., 19 mars 2002; R.D.C., 2002, p. 842, note A. Puttemans, « Action en cessation, Courd’arbitrage et droits intellectuels : d’où venons-nous, où en sommes-nous, où allons-nous ? »,pp. 812-818.

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5. Self-control

Le professeur Van Ommeslaghe définit l’autorégulation comme « une

technique juridique selon laquelle des règles de droit ou de comportement

sont créées par les personnes auxquelles ces règles sont destinées à s’ap-

pliquer – soit que ces personnes les élaborent elles-mêmes soit qu’elles

soient représentées à cet effet » (16).

Les cours et tribunaux ne sont pas tenus d’appliquer de telles règles et

une pratique conforme à celles-ci n’est pas nécessairement conforme aux

usages honnêtes en matière commerciale. C’est en ce sens que s’est pro-

noncée la Cour de cassation, dans une affaire relative à une action pro-

motionnelle organisée sous la forme d’un sweepstake, avant que celui-ci

soit expressément interdit par l’article 23.10 de la LPCC (17). Inversement,

la méconnaissance d’un simple code de conduite ne constitue pas en soi

un acte de concurrence déloyale.

On peut citer comme principaux codes de conduite sont ceux qui existent

en matière de publicité (sous le contrôle du Jury d’éthique publicitaire),

de services financiers (banques, d’une part, et assurances, de l’autre), ou

encore de marketing direct. La technique de la médiation, faisant interve-

nir un ombudsman, ou médiateur, pour proposer une solution (non

contraignante) à un conflit, est de plus en plus développée en matière

d’autorégulation des pratiques envers les consommateurs (ex : l’ombuds-

man des assurances, celui des banques et sociétés de bourse). Cette tech-

nique présente toutefois des faiblesses importantes : manque d’indépen-

dance de l’ombudsman – le plus souvent désigné par l’entreprise, ou le

groupe d’entreprises, concernée(s) – et absence de caractère contraignant

de la solution proposée.

Ce sont surtout les véritables modes alternatifs de règlement des conflits

avec les consommateurs qui devraient être promis à un important avenir,

sur le modèle des « commissions litiges ». Celles-ci sont des commissions

paritaires d’arbitrage (composées à parts égales de représentants des

consommateurs et du secteur concerné) qui prouvent leur efficacité

depuis plusieurs années dans les secteurs des voyages, des meubles et de

8

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(16) « Rapport de synthèse », in L’autorégulation, Bruylant, Bruxelles, 1995, p. 238, no 3.(17) Cass., 31 janvier 1992, Pas., I, 481. La pratique incriminée était conforme aux règles établiespar le « Groupement des ventes par correspondance » en collaboration avec le « Jury d’étiquepublicitaire ».

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l’entretien du textile (18). Leurs décisions sont obligatoires et le recours à

leurs services permet d’incontestables gains de temps et d’argent.

6. General Clause

Il existe en Belgique une norme générale de conformité aux usages hon-

nêtes, inscrite dans deux articles fondamentaux de la LPCC :

�L’article 93 :

« Est interdit tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale par

lequel un vendeur porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels

d’un ou de plusieurs autres vendeurs ».

�L’article 94 :

« Est interdit tout acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale par

lequel un vendeur porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts d’un ou de plu-

sieurs consommateurs ».

Toute violation par un vendeur – au sens de la LPCC – d’une quelcon-

que disposition légale, de même que toute méconnaissance de l’obligation

de se comporter en « bon père de famille » dans les relations commer-

ciales (obligation générale de prudence) constitue une infraction :

– à l’article 93 de la LPCC si elle peut porter atteinte aux intérêts profes-

sionnels d’un ou plusieurs autres vendeurs ;

– à l’article 94 de la LPCC si elle peut porter atteinte aux intérêts (même

non économiques) d’un ou plusieurs consommateurs (19).

7. Purpose of protection

a) Comme nous venons de le voir, l’interdiction générale des actes

contraires aux usages honnêtes protège tant les consommateurs que les

entreprises. Le spectre des intérêts protégés est toutefois plus large en ce

qui concerne les premiers (dont les intérêts économiques et non économi-

ques sont protégés, alors que seuls le sont les intérêts professionnels des

entreprises).

9

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(18) On trouvera les coordonnées de ces commissions à l’adresse suivante : http://mineco.fgov.be/redir—new.asp ?loc=/enterprises/vademecum/Vade30—fr-12.htm(19) Sur le caractère impératif, et non d’ordre public, de cette double norme, voyez A. Puttemans,« L’ordre public et la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information etla protection du consommateur », in L’ordre public – Concept et applications, Bruxelles, Bruylant,1995, pp. 139-190.

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Une même loi – la LPCC – assure la protection des consommateurs et

des entreprises. Toutefois, de nombreuses dispositions de cette loi ne sont

pas applicables dans les relations entre professionnels (B2B) : la régle-

mentation de l’information du consommateur, une partie de la réglemen-tation de la publicité, les réglementations des clauses abusives, des offres

conjointes, des annonces de réduction de prix, des ventes en solde, des

ventes publiques (20), des contrats à distance et des ventes conclues en

dehors de l’entreprise du vendeur, ainsi que l’interdiction des ventes en

chaîne.

Indirectement, la réglementation des relations entre professionnels et

consommateurs protège aussi les entreprises puisque la jurisprudence

belge admet qu’une entreprise puisse invoquer la violation d’une règle

protectrice des consommateurs par une autre entreprise.

Le souci de protéger les classes moyennes et le petit commerce, plutôt

que le consommateur, se trouve assurément à l’origine de plusieurs régle-

mentations comprises dans la LPCC (interdiction de principe des ventes

à perte et des offres conjointes, réglementation stricte des ventes en

solde).

b) En ce qui concerne la relation avec le droit de la concurrence au sens

strict (droit anti-trust), on admet généralement en Belgique que la LPCC

réglemente la micro-économie (l’objectif de la LPCC étant d’assainir le

marché des biens et des services au bénéfice des consommateurs et des

entreprises mais aussi dans le souci de l’intérêt général) alors que le droit

de la concurrence sensu stricto concerne la macro-économie (et tend prin-

cipalement à assurer la libre concurrence). Cependant, nous l’avons vu,

le juge des pratiques du commerce peut sanctionner des infractions au

droit de la concurrence sensu stricto en tant qu’actes contraires aux

usages honnêtes (violation de la loi de 1991 sur la concurrence économi-

que ou du droit européen de la concurrence).

On peut considérer, avec le professeur J. Stuyck (21), que la LPCC est une

super-loi, ouvrant une fenêtre sur l’ensemble du droit économique et du

droit de la consommation.

10

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(20) Les ventes publiques « mixtes », s’adressant à la fois à des consommateurs et à des entreprisessont toutefois réglementées au même titre que celles qui ne s’adressent qu’à des consommateurs ;les ventes publiques qui ne s’adressent qu’à des entreprises échappent, elles, à la réglementationcomprise dans la LPCC.(21) « Algemene inleiding en toepassingsgebied », in J. Stuyck et P. Wytinck (éd.), De nieuwe wethandelspraktijken, Bruxelles, Kluwer, 1992, p. 36, no 65.

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8. Scope of application

a) Le champ d’application de la LPCC n’est pas limité aux actes de

concurrence (voyez supra, réponse à la question 2 : la violation de toute

disposition légale – violation du Code de la route, du droit de l’environ-

nement, de la législation relative au respect de la vie privée, etc. – peut

former un acte de concurrence déloyale si elle est de nature à porter

atteinte aux intérêts protégés par la LPCC). C’est ce qui explique que

certains commentateurs préfèrent l’expression « concurrence illicite » à la

dénomination « concurrence déloyale ».

La norme générale de conformité aux usages honnêtes (LPCC, articles 93

et 94) est encadrée par les notions de « consommateur » et de « ven-

deur ». Le consommateur est « toute personne physique ou morale qui

acquiert ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des

produits ou des services mis sur le marché » (article 1.7). La notion de

vendeur comprend tous les commerçants, artisans et autres profession-

nels (à l’exception des titulaires de professions libérales) qui mettent sur

le marché des produits ou des services ainsi que les organismes publics,

associations sans but lucratif et établissements d’utilité publique qui,

exerçant une activité à caractère soit commercial, soit financier, soit

industriel, vendent des produits ou des services (22). Selon la Cour de cas-

sation, c’est la nature même de l’activité ou de l’acte accompli, et non le

but lucratif ou l’objet, qui est déterminante pour la notion de « caractère

professionnel » incluse dans la définition du consommateur (23).

b) D’autres dispositions de la LPCC ont un champ d’application ratio-

nae personae qui n’est pas limité aux « consommateurs » et aux « ven-

11

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(22) Aux termes de l’article 1.6 de la LPCC, sont des vendeurs : « a) tout commerçant ou artisanainsi que toute personne physique ou morale qui offrent en vente ou vendent des produits ou desservices, dans le cadre d’une activité professionnelle ou en vue de la réalisation de leur objet statu-taire ; b) les organismes publics ou les personnes morales dans lesquelles les pouvoirs publics détien-nent un intérêt prépondérant qui exercent une activité à caractère commercial, financier ou indus-triel et qui offrent en vente ou vendent des produits ou des services ; c) les personnes qui exercentavec ou sans but de lucre une activité à caractère commercial, financier ou industriel, soit en leurnom propre, soit au nom ou pour le compte d’un tiers doté ou non de la personnalité juridiqueet qui offrent en vente ou vendent des produits ou des services ».(23) Cass., 11 mai 2001, R.D.C., p. 692, note G. Straetmans, « Wie verkoper is, is geen consu-ment. Wie consument is, is geen verkoper. Maar is daarom Wie geen verkoper is, consument enWie geen consument is, verkoper? ».

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deurs ». Ainsi, la définition de la publicité est-elle tout à fait générale (24)

(toutefois, certaines formes de publicité ne sont interdites que si elles ont

pour annonceur un vendeur et pour destinataire un consommateur).

Quant à la vente à perte, elle est interdite à tous les stades de la distribu-

tion des produits (sauf au stade de la vente par le fabricant) mais seule-

ment dans le chef d’un commerçant (et non d’une association sans but

lucratif, par exemple).

c) En matière de publicité, l’action en cessation ne peut être intentée qu’à

la charge de l’annonceur de la publicité incriminée, sauf lorsque celui-ci

n’est pas domicilié en Belgique et n’a pas désigné une personne respon-

sable ayant son domicile en Belgique, auquel cas l’éditeur de la publicité

écrite ou le producteur de la publicité audiovisuelle pourront également

être assignés (25).

d) Quant aux associations de consommateurs, elles sont soumises aux

règles de la LPCC applicables aux vendeurs dans la mesure où elles peu-

vent, pour certaines de leurs activités, être qualifiées comme telles (ainsi

l’offre conjointe de deux magazines édités par une association de

consommateurs a-t-elle été interdite).

Conformément à ce qu’impose la directive 93/13/CEE sur les clauses

abusives, la LPCC prévoit que les associations de vendeurs qui utilisent

ou recommandent l’utilisation des mêmes clauses contractuelles géné-

rales, ou de clauses similaires, peuvent être assignées en cessation même

si elles ne sont pas des vendeurs au sens de la LPCC (article 98, § 1er, in

fine, de celle-ci).

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

(24) « Est considérée comme publicité, toute communication ayant comme but direct ou indirectde promouvoir la vente de produits ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et lesobligations, quel que soit le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre » (LPCC,article 22).(25) Si l’éditeur ou le producteur n’ont pas leur domicile en Belgique et n’ont pas désigné une per-sonne responsable ayant son domicile en Belgique, l’imprimeur ou le réalisateur pourront égale-ment être assignés. Si ces derniers n’ont pas leur domicile en Belgique et n’ont pas désigné une per-sonne responsable ayant son domicile en Belgique, pourront également être assignées en cessationle distributeur ainsi que toute personne qui contribue sciemment à ce que la publicité produise soneffet (LPCC, article 27).

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II. Sanctions imposed for unfair competition

1. Sanctions

a) Il convient de souligner l’importance, en droit belge de la concurrence

déloyale, de l’action en justice dénommée « action en cessation », laquelle

a été inventée et organisée dès 1934 par le législateur pour les besoins

d’une lutte efficace contre la concurrence déloyale (et qui, depuis quel-

ques années, est organisée aussi, sur le modèle de la LPCC, dans biend’autres branches du droit).

L’ordre de cessation, prononcé par le président du tribunal de commerce

lorsque le demandeur obtient gain de cause au terme de cette action,

constitue en pratique la sanction principale d’un acte contraire à la

LPCC; cette sanction relève du droit privé. Très souvent, l’ordre de ces-

sation est assorti de la condamnation à payer une astreinte au deman-

deur pour le cas où cet ordre ne serait pas respecté ; il peut aussi être

assorti d’un ordre de publication judiciaire. Il s’agit d’une sanction trèsefficace et redoutée par les entreprises qui peuvent se voir interdire, après

quelques jours voire quelques heures de procédure, et sous peine d’as-

treinte, de poursuivre une pratique déloyale.

L’action en cessation sera décrite en détail plus loin ; notons déjà que les

praticiens ont pris l’habitude de dénommer « juge des cessations » le juge

compétent pour connaître, et saisi de, cette action particulière (à savoir :

le président du tribunal de commerce).

Un ordre de cessation fondé sur une violation de la LPCC peut égale-

ment être prononcé au terme d’une action ordinaire en concurrence

déloyale (et non seulement au terme d’une action « en cessation ») et

assorti d’une astreinte mais, nous le verrons, cet ordre ne possédera pas

toutes les caractéristiques de l’ordre prononcé par le juge des cessations.

b) La méconnaissance d’un ordre de cessation prononcé par le juge des

cessations constitue en soi une infraction pénale. Par ailleurs, de nom-

breuses infractions à la LPCC constituent également, en soi, des infrac-

tions pénales. D’autres infractions à la LPCC ne sont pénalement punis-

sables que lorsqu’elles ont été commises de mauvaise foi (c’est le cas des

infractions à l’article 94 de la LPCC – la norme générale protégeant les

consommateurs – alors que, curieusement, les infractions à l’article 93 de

la LPCC – la norme générale protégeant les « vendeurs » – ne forment

13

Ing.-Cons. – no 1, 2003

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pas d’infraction pénale, même lorsqu’elles sont commises de mauvaise

foi).

c) Une infraction peut être poursuivie simultanément devant le président

du tribunal de commerce (action en cessation) et devant le tribunal cor-

rectionnel (action pénale) mais en ce cas, l’action pénale sera suspendue

jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive dans la procédure en ces-

sation. Contrairement à la règle de droit commun, ici, le civil tient doncle pénal en l’état.

d) En vertu de l’article 116 de la LPCC, les contrevenants aux

articles 102 à 104 de la loi du 14 juillet 1991 peuvent se voir proposer,

par les agents commissionnés à cette fin, une transaction, c’est-à-dire lepaiement d’une somme, qui a pour effet d’éteindre l’action publique.

e) Enfin, les agents de l’Inspection générale économique disposent du

pouvoir d’adresser un avertissement à l’auteur de toute violation de la

LPCC. La procédure d’avertissement constitue une procédure adminis-trative préventive, permettant de faire l’économie d’une procédure subsé-

quente mais qui n’a, en cas de refus, pas d’autres suites pour l’intéressé

que la reprise de la procédure normale.

2. Right of action

L’action en cessation est ouverte à tout intéressé, au Ministre des

Affaires économiques (26) ainsi qu’à certains groupements profession-

nels (27) et associations de consommateurs (28) (LPCC, article 98, § 1er).

Par dérogation au droit commun de la recevabilité des actions (29), cesassociations et groupements peuvent agir en justice pour la défense de

leurs intérêts collectifs statutairement définis.

Seule l’action en cessation est ouverte au Ministre, représentant l’Etat

belge, qui ne dispose pas de l’action ordinaire en concurrence déloyale,au contraire des autres parties citées ci-dessus.

14

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(26) Sauf lorsque la demande porte sur un acte visé à l’article 93 de la LPCC (norme générale pro-tégeant les vendeurs).(27) Tout groupement professionnel ou interprofessionnel ayant la personnalité civile, sauf lorsquela demande porte sur un acte visé à l’article 94 de la LPCC.(28) Toute association ayant pour objet la défense des intérêts des consommateurs et jouissant dela personnalité civile pour autant qu’elle soit représentée au Conseil de la Consommation [ouqu’elle soit agréée par le Ministre des Affaires économiques, suivant des critères déterminés pararrêté royal délibéré en Conseil des Ministres], sauf lorsque la demande porte sur un acte visé àl’article 93 de la LPCC.(29) Qui requiert un intérêt personnel à agir.

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3. Which claims can be asserted under civil law?

a) Le demandeur peut obtenir que le juge constate une infraction à la

LPCC et en ordonne – le plus souvent sous astreinte – la cessation. Il

peut également demander que le juge prescrive des mesures de publica-

tion judiciaire.

Devant le tribunal compétent à cette fin, et non devant le juge des cessa-tions, l’action peut aussi avoir pour objet :

– l’allocation de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi

(action en responsabilité civile pour faute – article 1382 du Code civil –

réparation par équivalent) ;

– la formulation de certaines injonctions positives (action en responsabi-

lité civile pour faute – article 1382 du Code civil – réparation en

nature).

b) La LPCC ne prévoit qu’un seul cas d’action préventive, en matière de

publicité : le juge des cessations peut ordonner l’interdiction d’une publi-

cité « lorsqu’elle n’a pas encore été portée à la connaissance du public,mais que sa publication est imminente ». (Article 95, alinéa 2).

Toutefois, le droit commun permet, de manière générale, d’agir « en vue

de prévenir la violation d’un droit gravement menacé » (Code judiciaire,

article 18). Cette règle est applicable à l’action en cessation et à l’action

ordinaire.

4. In particular, claims for a cease and desist

L’action doit être dirigée, le plus souvent, contre un vendeur au sens de

la LPCC. Dans certains cas (application de certaines interdictions en

matière de publicité, réglementation des appellations d’origine), une per-

sonne autre qu’un vendeur pourra être assignée. L’infraction qui fonde

l’action doit être imputable au défendeur ; comme il a été dit plus haut,

seul l’annonceur pourra, en principe, être assigné en cessation d’une

publicité interdite par la LPCC.

La bonne ou la mauvaise foi du défendeur est, en règle, sans influence

en la matière.

La preuve de l’existence d’un risque de répétition est requise pour obtenir

gain de cause en cessation lorsque la pratique incriminée a pris fin avant

que le juge ne se soit prononcé. A défaut, l’action est considérée comme

dépourvue d’objet.

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

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Il suffit au demandeur de démontrer qu’il existe un risque objectif de

récidive. C’est notamment le cas lorsque la répétition de l’infraction n’et

pas matériellement impossible et que le défendeur plaide la légitimité de

la pratique incriminée.

Les juges ne se contentent généralement pas de la seule déclaration du

défendeur.

Ce sont surtout les consommateurs agissant individuellement qui se heur-

tent à la difficulté de démonter un risque de répétition. Dans une affaire

qui mettait en cause une société de time-sharing, le juge des cessations

de Bruxelles a considéré que les consommateurs, demandeurs en cessa-

tion de diverses infractions à la LPCC, avaient déjà été lésés et n’avaientpas d’intérêt à obtenir la cessation des actes dont ils avaient été les vic-

times (30). Cette décision fut vivement critiquée par la doctrine (31),

laquelle considère que le risque de récidive doit s’entendre de manière

large, quelles que soient les victimes potentielles d’une éventuelle répéti-

tion de l’infraction. Le demandeur n’a pas à établir qu’il risque encore

à l’avenir d’être lui-même victime de la pratique incriminée.

5. In particular, claim for damages

a) Le président du tribunal de commerce siégeant en cessation n’est pas

compétent pour allouer des dommages et intérêts (32). Si le demandeur a,en un premier temps, obtenu gain de cause au terme d’une action en ces-

sation, il peut ensuite saisir le tribunal d’une action en dommages et inté-

rêts. Les règles du droit commun de la compétence matérielle des tribu-

naux sont d’application. Le tribunal compétent est généralement le tribu-

nal de commerce, sauf si le défendeur est un « vendeur » au sens de la

LPCC mais non un commerçant ; en ce dernier cas, la demande en répa-

ration du préjudice doit être portée devant le tribunal de première ins-

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

(30) Comm. Bruxelles (cess.), 22 avril 1992, D.C.C.R., 1993, p. 361.(31) E. Balate, « Loyauté et louvoyage. Les articles 93 et 94 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pra-tiques du commerce et l’information et la protection du consommateur », in Les pratiques du com-merce, l’information et la protection du consommateur – premier bilan et perspectives d’application dela loi du 14 juillet 1991, notamment au regard du droit européen, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 172;Th. Bourgoignie, « L’action en cessation des lois du 14 juillet 1991 et du 12 juin 1991 et la miseen œuvre du droit de la consommation : un succès bien illusoire », in J. Van Compernolle , etM. Storme (sous la direction de), Le développement des procédures « comme en référé », Bruxelles,Kluwer – Bruylant, 1994, pp. 50-52.(32) Sauf des dommages et intérêts pour procédure téméraire et vexatoire.

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tance ; quelle que soit la qualité des parties, le juge de Paix connaîtra des

demandes qui n’excèdent pas 1 860 euros.

L’action en dommages et intérêts se fonde sur l’article 1382 du Code

civil. Le jugement prononcé par le juge des cessations lie les autres juri-

dictions à propos de tout point litigieux tranché par le premier ; l’infrac-

tion constatée par le juge des cessations constitue nécessairement une

faute au sens de l’article 1382 du Code civil ; il suffit donc au demandeur

d’établir la réalité et l’ampleur du préjudice qu’il a subi en relation cau-

sale avec cette faute.

b) Mais rien n’oblige le demandeur à agir d’abord en cessation ; il peut

choisir d’engager une seule action, devant le tribunal et non devant le

juge des cessations. En ce cas, le tribunal devra trancher à la fois la ques-

tion de la faute (le défendeur a-t-il commis une infraction à la LPCC? –

remarquons que, cette fois, aucun risque de répétition ne doit être établi

pour l’établissement de la faute) et celles du dommage et du lien de cau-

salité.

c) Le dommage doit être établi selon les règles du droit commun de la

responsabilité civile. Aucune présomption légale n’est prévue en cette

matière. L’estimation de l’ampleur du dommage répond également aux

règles du droit commun : en cas d’impossibilité d’établir mathématique-

ment celle-ci, le tribunal pourra procéder à une évaluation ex aequo et

bono. Il n’existe actuellement aucun système de dommages punitifs ou

d’action en cession des bénéfices en la matière (alors que cette dernière

action est possible en matière de contrefaçon d’une marque ou d’un des-

sin ou modèle et le sera vraisemblablement aussi, prochainement, dans

les autres domaines de la propriété intellectuelle (33)).

d) Dans certains cas exceptionnels, très rares en matière de concurrence

déloyale, des dommages et intérêts peuvent être alloués dans le cadre

d’une procédure d’urgence : le juge des référés peut condamner le défen-

deur au paiement de l’incontestablement dû en cas d’urgence justifiée par

la nécessité impérieuse dans laquelle se trouve le demandeur d’obtenir

une provision (cette procédure est usuellement dénommée « référé-provi-

sion »).

17

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(33) Avant projet de loi « relative aux aspects civils de la protection de certains droits intellec-tuels », adopté en Conseil des ministres le 28 mars 2003.

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Si des commentateurs avisés regrettent la tendance « souvent trop léni-

tive » des tribunaux (34), ils en appellent plutôt à une meilleure applica-

tion des principes de droit commun qu’à une réforme de l’action en répa-

ration des quasi-délits de concurrence déloyale. Mais il faut savoir qu’encette matière, l’action en dommages et intérêts apparaît accessoire en Bel-

gique, face à la « toute puissante » action en cessation. Dans bien des cas,

le demandeur qui a obtenu un ordre de cessation est satisfait de ce résul-

tat ou négocie avec le défendeur l’octroi d’une indemnisation, sans recou-

rir aux tribunaux.

III. The enforcement of rights in court

1. Are there special proceedings for actions against unfair compe-tition? Does a special court have jurisdiction ?

Le législateur belge a créé « sur mesures » l’action en cessation pour lutter

contre la concurrence déloyale. Cette action a très vite connu, et connaît

toujours, un grand succès, dû à sa rapidité et à son efficacité.

Il s’agit d’une action dite « comme en référé », en ce sens qu’elle suit les

formes, procédures et délais du référé mais qu’elle aboutit à un jugement

(et non à une ordonnance) tranchant le fond du litige. Ce jugement n’est

pas provisoire mais est revêtu de la pleine autorité de la chose jugée. Ce

sont les présidents des tribunaux de commerce, siégeant en chambre des

cessations, qui sont compétents pour connaître de ces actions. Leur com-pétence est exclusive dans la mesure où la procédure applicable et le juge-

ment qu’ils prononcent revêtent des caractères spécifiques :

– l’action en cessation tient le pénal en l’état ;

– l’action en cessation est ouverte au Ministre (35) ;– l’action en cessation est formée et instruite selon les formes du référé ;

– le jugement prononcé par le juge des cessations est exécutoire par pro-

vision, nonobstant tout recours et sans caution ;

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

(34) A. De Caluwé, A.-C. Delcorde , X. Leurquin et alii, Les pratiques du commerce, 2e éd.,Bruxelles, Larcier, no 41.7.(35) Il s’agit du Ministre qui a les Affaires Economiques dans ses attributions ; celui-ci peut agirsur le fondement de toutes les dispositions de la LPCC, à l’exception de l’article 93 de celle-ci. Parailleurs, l’article 97 de la LPCC énumère une longue série d’infractions à des dispositions légalesdiverses, lesquelles peuvent faire l’objet d’une action en cessation à la demande du Ministre qui estcompétent en la matière concernée.

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– la méconnaissance d’un ordre de cessation prononcé au terme d’une

telle action est pénalement sanctionnée.

Les tribunaux « ordinaires » peuvent eux aussi connaître d’une demande

en interdiction d’une pratique contraire à la LPCC mais les jugements

qu’ils prononcent sur une telle demande ne revêtent pas ces mêmes carac-

tères.

L’urgence à agir ne doit pas être démontrée.

Il n’existe pas de règle spécifique en ce qui concerne la prescription de

l’action en cessation en matière de concurrence déloyale. S’agissant d’une

action personnelle, elle se prescrit par dix ans (Code civil, arti-

cle 2262bis). La citation en justice interrompt ce délai, ce qui signifie que

le temps déjà écoulé est effacé, jusqu’à la clôture de l’instance.

Nous avons vu déjà que le jugement prononcé au terme de l’action en

cessation peut assortir l’ordre de cessation de la condamnation au paie-

ment d’une astreinte pour le cas où cet ordre ne serait pas respecté. Selon

le droit commun de l’astreinte (Code judiciaire, article 1385bis), le juge

peut accorder au condamné un délai pendant lequel l’astreinte ne peut

être encourue.

2. Assertion of rights in actions before the courts of law?

Ainsi que nous l’avons vu, rien n’empêche le demandeur d’engager une

action en concurrence déloyale selon la procédure ordinaire et non

devant le président siégeant en cessation. Il procédera de cette manière,par exemple, si l’affaire ne présente pas grande urgence pour lui et s’il

souhaite pouvoir demander la cessation de l’infraction et la réparation du

préjudice subi dans le cadre d’une seule et même action. Nous avons vu

plus haut quels sont les tribunaux compétents en ce cas (réponse à la

question II.5).

L’action tendant à la cessation d’un acte de concurrence déloyale se pres-

crit par dix ans mais, depuis une modification du Code civil en 1998,

toutes les actions en réparation d’un dommage fondé sur une responsabi-

lité extracontractuelle se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit

celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son

aggravation et de l’identité de la personne responsable ; elles se prescri-

vent en tout cas par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s’est pro-

duit le fait qui a provoqué le dommage (Code civil, article 2262bis). Les

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actions en réparation d’un dommage causé par un acte de concurrence

déloyale se rangent incontestablement parmi ces actions.

3. Summary proceedings

L’action en référé « ordinaire » (par opposition à l’action « comme en

référé » qu’est l’action en cessation) est théoriquement possible en

matière de concurrence déloyale. Toutefois, l’urgence conditionne la pos-

sibilité d’agir en référé et l’on considère qu’il n’y a pas urgence dans le

cas où le demandeur aurait pu obtenir sur sa demande, dans le même

délai, une décision au fond. Or, comme l’action en cessation suit les

formes et délais de l’action en référé mais constitue une action au fond,

les cas seront rares dans lesquels l’urgence requise pourra être établie.

En revanche, l’action en référé est utile dans les matières où l’action en

cessation est exclue : action purement contractuelle (par exemple : viola-

tion d’une clause de non-concurrence) ou en contrefaçon (sous réserve

des possibilités d’action en cessation ouvertes depuis l’arrêt de la Cour

d’arbitrage commenté plus haut – question I, 3 – et d’une probable modi-fication législative dans les mois à venir).

Ce sont les règles de droit commun de la compétence matérielle qui dési-

gnent le juge des référés : si les deux parties sont commerçantes, seul le

président du tribunal de commerce, siégeant en référé, sera compétent. Siaucune des parties n’est commerçante, seul le président du tribunal de

première instance, siégeant en référé, sera compétent. Un défendeur non

commerçant ne pourra être assigné en référé que devant le président du

tribunal de première instance. Un demandeur non commerçant peut, à

son choix, porter sa demande en référé contre un défendeur commerçant

devant soit le président du tribunal de première instance, soit le président

du tribunal de commerce.

Le juge des référés peut examiner les droits des parties, à la condition

qu’il n’ordonne aucune mesure susceptible de porter définitivement et

irrémédiablement atteinte à ceux-ci ; il peut examiner si l’existence d’un

droit est suffisamment probable pour ordonner une mesure conservatoire

de droit ; il peut refuser la mesure demandée si le droit apparent du

demandeur ou le dommage qu’il subirait à défaut de mesure, n’est pas

suffisamment établi (36). Pourvu qu’il n’applique pas des règles de droit

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

(36) Cass., 31 janvier 1997, Pas., I, 56.

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déraisonnables ou refuse d’appliquer celles-ci dans son raisonnement, le

juge des référés constate souverainement, à la lumière d’une première

appréciation, s’il existe une atteinte illicite apparente justifiant la pronon-

ciation d’une mesure (37).

En principe, les débats sont contradictoires. Toutefois, en cas d’absolue

nécessité, au sens de l’article 584, alinéa 3, du Code judiciaire (ce qui sup-

pose une extrême urgence), l’action en concurrence déloyale peut êtreintroduite par requête unilatérale. En ce cas, le président du tribunal sié-

geant en référé prononce une ordonnance provisoire sans avoir entendu

le défendeur. Ce dernier pourra, après la signification de cette ordon-

nance, former tierce opposition devant le même juge afin de faire

entendre sa défense. Le juge pourra alors maintenir ou annuler, en tout

ou en partie, l’ordonnance qui avait été rendue sur requête unilatérale.

4. Warning notice

Aucune mise en demeure ou autre forme d’avertissement du défendeur

n’est requise par la loi. En pratique, l’action en concurrence déloyale estassez souvent précédée d’une prise de contact, formelle ou informelle,

entre les parties.

Certains auteurs (38) déconseillent le recours à une mise en demeure préa-

lable à l’action en cessation par crainte qu’une interruption temporairede la pratique incriminée ne conduise le juge à exclure tout risque de réci-

dive. Une application correcte de la notion de risque objectif de récidive

doit toutefois permettre de dissiper de telles craintes (voyez la réponse à

la question II, 4).

5. Class action

Nous l’avons vu, une action en concurrence déloyale peut être engagée

par certains groupements professionnels et associations de consomma-

teurs pour la défense d’intérêts collectifs (voyez plus haut, la réponse àla question I.2). De telles actions ne sont toutefois pas assimilables à de

véritables actions « de classe ». Ces dernières se heurtent au prescrit de

l’article 701 du Code judiciaire, lequel ne permet l’introduction, par un

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

(37) Ibidem.(38) A. De Caluwé, A.-C. Delcorde , X. Leurquin et alii, Les pratiques du commerce, 2e éd.,Bruxelles, Larcier, no 38.26.

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même acte, de diverses demandes entre deux ou plusieurs parties, que si

ces demandes sont connexes. Et la jurisprudence n’admet pas la connexité

lorsque les situations des demandeurs ne sont pas identiques, de telle

sorte que des décisions différentes peuvent intervenir sans qu’elles soientcontradictoires.

Les organisations belges de consommateurs plaident pour l’introduction

d’une véritable « class action » : « En effet, les consommateurs indivi-duels ayant subi des dommages à cause d’une infraction à leurs intérêts,

se retrouvent bien trop souvent démunis. Une telle ‘class action ’ doit

permettre à différents consommateurs ayant subi des dommages pour

une cause commune de bénéficier d’une seule action introduite par les

organisations de consommateurs ». Les représentants de la production,

de la distribution et des classes moyennes s’y opposent (39).

6. Costs

La partie condamnée supporte les dépens, lesquels comprennent les frais

de justice et une indemnité de procédure destinée à couvrir quelque peu(très peu, en réalité) les frais d’avocat de la partie qui a obtenu gain de

cause. Ainsi, l’indemnité de procédure applicable au terme d’une action

en cessation devant le président du tribunal de commerce ne s’élève-t-elle

actuellement qu’à la somme de 111,55 euros.

Pour le reste, dans l’état actuel de la jurisprudence, de la doctrine et de

la législation belge, la règle de la non répétibilité des honoraires d’avocat

est très généralement considérée comme étant d’ordre public. Les esprits

évoluent toutefois sur cette question ; des propositions de loi ont été

déposées qui tendent à l’introduction du principe de la répétibilité des

honoraires dans notre droit et certains juges, encore très minoritaires, ont

même déjà admis ce principe (40).

7. Frequency of actions relating to competition law?

Les « statistiques annuelles des cours et tribunaux », publiées par le

Ministère de la Justice, font état de fluctuations étonnantes au cours de

22

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(39) Opinion exprimée dans l’Avis du 28 mars 2002, du Conseil de la consommation, sur leLivre Vert sur la protection des consommateurs dans l’Union européenne.(40) S. Velu, « La non répétibilité des frais et honoraires de conseils est-elle compatible avec lesexigences du droit d’accès à un tribunal ? », in Liber amicorum Lucien Simont, Bruylant 2002,pp. 221 et s.

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ces dernières années. Le nombre total, pour l’ensemble du royaume, de

décisions prononcées au premier degré de juridiction en application de la

LPCC, se serait élevé à 571 décisions en l’an 1999, 2038 en l’an 2000 et

1211 en l’an 2001. Des problèmes de comptabilisation des décisions pour-

raient expliquer ces fluctuations (le détail de ces chiffres fait apparaître

des invraisemblances manifestes – ces statistiques sont donc à utiliser

avec circonspection). Le chiffre cité pour 2001 – 1211 décisions – semble

le plus proche de la réalité.

L’annuaire Pratiques du Commerce & de la Concurrence est une publica-

tion (non officielle), exclusivement consacrée à la jurisprudence pronon-

cée en droit de la concurrence déloyale et en droit de la concurrence

sensu stricto.

On trouve aussi de nombreuses décisions et commentaires de doctrine

dans la Revue de droit commercial belge (RDC-TBH).

IV. Cross-border cases (« multistate competition » ; « cross-border injunc-

tions »)

a) La jurisprudence belge considère encore très généralement que la

LPCC est, au sens du droit international privé, une loi de police ; elle

écarte ainsi la règle du droit commun en matière de conflits de lois. Cette

analyse est remise en question par la doctrine contemporaine (41), laquelle

estime que la règle de droit commun – la lex loci delicti – doit s’appli-

quer.

23

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(41) M. Pertegas-Sender , « L’application de la loi sur les pratiques du commerce à la concurrencedéloyale transfrontière », R.D.C., 2001, pp. 246-248; « De Wet op de Handelspraktijken(W.H.P.C.) : steeds toegepast op transnationale gevallen van oneerlijke mededinging ? », R.D.C.,1999, pp. 394-397. Voyez aussi : H. Van Houtte , « De toepassing van de Wet betreffende de Han-delspraktijken op transnationale gevallen van oneerlijke mededinging » in Liber Amicorum Paul DeVroede, Kluwer, 1994, pp. 1407-1423 ; R. Prioux, « L’application internationale de la loi du 14 juil-let 1991 sur les pratiques du commerce, l’information et la protection du consommateur », in Lespratiques du commerce, l’information et la protection du consommateur. Premier bilan et perspectivesd’application de la loi du 14 juillet 1991, notamment au regard du droit européen, Bruylant, pp. 331-366; A. De Caluwé, « Les effets internationaux de la loi sur les pratiques du commerce », R.D.C.,1994, pp. 592-598 ; P. Wautelet, « Concurrence déloyale internationale : quelques pistes deréflexion sur le champ d’application de la loi sur les pratiques du commerce », D.C.C.R., 1998,pp. 218-242.

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On peut citer, pour illustrer cette question, une affaire tranché par la

Cour d’appel de Bruxelles (42). L’ancien distributeur en Belgique d’une

société américaine avait fait de la publicité pour les produits concurrents

de ceux de son ancienne concédante, tout en se vantant de prix nettementplus bas. Cette publicité avait été diffusée par télécopie au départ de la

Belgique vers certains pays voisins, dont l’Allemagne. La société améri-

caine intenta une action en cessation, se fondant à titre principal sur la

violation de la LPCC et subsidiairement, sur la violation de la loi alle-

mande. Au premier degré, le juge des cessations de Bruxelles avait estimé

que la LPCC ne s’applique qu’à des publicités diffusées sur le territoire

belge et qu’une éventuelle contravention à la loi allemande ne permet pas

d’agir en cessation sur le fondement de la LPCC.

La Cour d’appel de Bruxelles s’est, comme le premier juge et à juste titre,

reconnue internationalement compétente, en tant que juge du siège social

de la défenderesse. Pour déterminer la loi applicable, la Cour d’appel

s’est fondée sur l’idée que la LPCC est une loi de police et a estimé que

celle-ci peut trouver à s’appliquer « soit quand les pratiques visées par

cette loi se localisent sur le territoire belge, soit quand leurs effets sont

appréciables sur ce territoire » (43). Curieusement, la Cour a considéré

qu’aucun de ces deux facteurs de rattachement n’était rencontré en l’es-

pèce, en raison de l’absence de toute communication sur le territoire

belge et malgré le fait que la conception et la commande de la publicitéavaient été faites en Belgique ; elle en a donc déduit que la LPCC n’était

pas applicable au litige. La Cour a également rejeté la demande subsi-

diaire, fondée sur l’application du droit allemand ; selon l’arrêt, à suppo-

ser même que l’on admette que la violation d’une loi étrangère puisse

constituer une violation des usages honnêtes au sens de l’article 93 de la

LPCC (44), encore cette dernière disposition devrait-elle être écartée puis-

que le droit belge n’est pas applicable au litige.

On voit ainsi qu’en pareil cas de figure, la qualification de la LPCC

comme loi de police aboutit à un cercle vicieux. L’application en la

matière de la lex loci delicti permet l’application en Belgique de la loi

24

Ing.-Cons. – no 1, 2003

(42) Bruxelles, 22 décembre 1999, R.D.C., 2001, p. 244, note M. Pertegas-Sender ; Ann. Prat.Comm. 1999, p. 835, note J. Meeusen .(43) Voyez aussi Mons, 29 septembre 1993, R.D.C., 1994, p. 625 : Dès que les effets de la concur-rence illicite se manifestent en Belgique, le juge belge appliquer la loi belge.(44) En ce sens : H. Van Houtte , « De toepassing van de Wet betreffende de Handelspraktijkenop transnationale gevallen van oneerlijke mededinging », in Liber Amicorum Paul De Vroede,note 1, pp. 1422-1423.

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étrangère. Si cette dernière interdit l’acte incriminé, l’action en cessation

prévue par la LPCC est possible en vertu de la loi du for – la loi belge –

applicable aux questions de procédure.

Le travail de la doctrine est lent et difficile mais il est vraisemblable que,

les cas d’actes de concurrence déloyale transfrontaliers se multipliant, il

parviendra peu à peu à porter ses fruits en jurisprudence.

b) La réception du principe de la reconnaissance mutuelle

Le principe de la reconnaissance mutuelle a été vivement discuté, notam-

ment à l’occasion de l’élaboration de la directive sur le commerce électro-nique et des travaux en cours de la Commission européenne en vue de

l’adoption d’un règlement « relatif aux promotions des ventes dans le

marché intérieur ». On craint généralement en Belgique que l’application

de ce principe n’entraîne des discriminations à rebours contre les entre-

prises belges et des conséquences néfastes pour les consommateurs dès

lors que les dispositions de la LPCC sont plus strictes et plus protectrices

des consommateurs que celles de la plupart des autres Etats membres.

Ainsi, le Conseil de la consommation, par un avis du 26 octobre 1999

« concernant les meilleurs moyens à mettre en œuvre pour limiter les

entraves à la libre circulation des communications commerciales relatives

aux rabais », s’est-il exprimé en faveur la voie de l’harmonisation, visant

un haut niveau de protection des consommateurs conformément à l’arti-

cle 100A du traité, de préférence à un système de reconnaissance

mutuelle.

c) Les effets de la directive 98/27/CE

La loi du 26 mai 2002 « relative aux actions en cessation intracommu-

nautaires en matière de protection des intérêts des consommateurs »

(M.B., 10 juillet 2002, p. 30925) transpose en droit belge la directive 98/

27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998, portant le

même intitulé. Cette loi est entrée en vigueur le 20 juillet 2002 et permet

aux organisations de défense des consommateurs des autres pays de

l’Union européenne (figurant sur une liste établie par la Commission

européenne) d’intenter en Belgique des actions en cessation devant le pré-

sident du tribunal de commerce de Bruxelles.

Les infractions dont la cessation peut ainsi être demandée comprennent

toute violation à l’une des dispositions de la LPCC (y compris les

articles 93 et 94, munis de leur effet catch all), des lois sur le crédit à la

consommation, sur les contrats d’organisation et d’intermédiaire de

voyages, sur le time-sharing ainsi que des arrêtés d’exécution de ces diffé-

25

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rentes lois. Sont également énumérées, parmi les infractions visées, diffé-

rentes dispositions applicables en matière de radiodiffusion télévisuelle,

d’une part, et de médicaments, de l’autre.

On ne connaît pas encore de cas d’application de cette nouvelle loi.

V. Evaluation, harmonization

a) L’action en cessation est incontestablement une arme très efficace delutte contre la concurrence déloyale, du moins en tant qu’elle est ouverte

aux vendeurs, aux groupements professionnels et organisations de

consommateurs et à l’Etat belge.

b) La LPCC gagnerait sans doute en clarté et en cohérence si la notionde « vendeur », trop ambiguë et alambiquée, était remplacée par celle

d’entreprise, définie comme « La personne physique ou morale, publique

ou privée, qui met sur le marché un bien, un service ou une communica-

tion y relative, dans l’exercice d’une activité habituelle ou organi-

sée » (45) – même si l’exclusion des professions libérales était maintenue,

à condition d’insérer dans la législation spécifique à ces professions une

norme générale de conformité aux usages honnêtes de la profession.

c) L’action en cessation est moins bien adaptée aux actions individuelles

des consommateurs, en faveur desquels il s’indique assurément de déve-

lopper des modes alternatifs de règlement des litiges, voire certaines

formes de « class actions » (46). On pourrait songer aussi à étendre la

notion de consommateur à toutes les personnes qui acquièrent ou utili-

sent un bien ou un service pour l’acquisition ou l’usage duquel elles n’ont

pas et ne doivent pas avoir la compétence d’un producteur, d’un distribu-

teur ou d’un prestataire professionnel (47).

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

(45) Article 2.4 de la proposition de Code de la consommation : voyez Th. Bourgoignie. (prés.),Propositions pour une loi générale sur la protection des consommateurs – Rapport de la Commissiond’étude pour la réforme du droit de la consommation, Bruxelles, Ministère des Affaires Economiques,1995, p. 361.(46) Certains membres du groupe belge sont cependant opposés à l’idée de développer des formesd’actions de classe.(47) En ce sens : J.-L. Fagnart , « Concurrence et consommation : convergence ou divergence? »,in Les pratiques du commerce et la protection et l’information du consommateur, Bruxelles, Ed. duJeune Barreau de Bruxelles, 1991, p. 29. Voyez aussi, dans le même sens, la définition du consom-mateur à l’article 1er de la proposition de Code de la consommation, Th. Bourgoignie. (prés.),Propositions pour une loi générale sur la protection des consommateurs – Rapport de la Commissiond’étude pour la réforme du droit de la consommation, Bruxelles, Ministère des Affaires Economiques,1995, p. 361.

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d) Quant à l’appréhension des cas de concurrence déloyale transfronta-

lière, celle-ci devrait s’améliorer à l’avenir grâce aux apports de la doc-

trine.

e) Une interdiction des actes contraires aux usages honnêtes, inspirée de

l’article 10bis de la Convention d’Union de Paris, pourrait être introduite

de manière plus claire dans l’accord « TRIPs » (48), ce qui permettrait

d’en étendre l’application à quantité de pays non-membres de l’Union.Mais la Belgique ne serait certainement pas favorable à un nivellement

par le bas du droit de la concurrence déloyale.

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Ing.-Cons. – no 1, 2003

(48) La portée de l’allusion à cette disposition dans l’article 39 est ambiguë.

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