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Algerian Journal of Engineering Architecture and Urbanism Vol. 1. Nr. 1 . 2017 Medina of Tunis, ambivalence in its conservation Imen BEN SAID Received: 6 March 2017 • Revised: 15 May2017 • Accepted: 31 May 2017 Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License (CC BY-NC-ND) 3 MEDINA OF TUNIS, AMBIVALENCE IN ITS CONSERVATION Imen BEN SAID Lecturer, researcher, Dr, Arch, Institute of Arts and Crafts of Gafsa, National School of Architecture and Urbanism of Tunis, e-mail: [email protected] Abstract: The Medina of Tunis is specific by the harmony of its urbanism with traditions, cultures, beliefs and practices. Its conservation has gone through different stages from the colonial period to the present day. This conservation is characterized by ambivalence. We propose to demonstrate this ambivalence by using the historical method based on the literature on the subject to identify the preservation attitude. First, in the colonial period, there was more interest in the antiquities that preceded the Arab conquest. Then, we explore the attitude after independence characterized by political and social disinterest. Then, in the 60s to 80s, we study the expansion of restorations in the Medina and its inscription on the World Heritage List. Then, in the 90s and 2000s, we focus on the limits of the heritage code and the beginning of private sector interest in the Medina. Finally, after the revolution, we present the project of inventory of the built heritage of the Medina and the urban rehabilitations that are not always well integrated by the local population. We are interested to the legislative texts relating to the protection of the Medina, the actors on heritage and the new conservation measures. Key words: Medina of Tunis, conservation, ambivalence, restauration. Introduction La Médina de Tunis située au nord-est de la Tunisie à proximité de la mer dans une plaine fertile, est considérée parmi les premières villes arabo-islamiques du Maghreb (698 ap J.C) et les mieux conservées jusqu’à nos jours. Elle était la capitale de plusieurs dynasties qui ont marqué leurs traces à travers son architecture. Elle s’étale sur 280 ha et intègre environ sept cent monuments qui l’ont enrichie pendant douze siècles d’histoire, composés de mosquées, zaouias, médersas, demeures… Par ses souks, son tissu urbain, ses quartiers résidentiels, ses monuments et ses portes, elle constitue un prototype parmi les mieux préservés du monde islamique. En effet, « La Médina est non seulement un témoignage du passé, mais aussi un immense quartier en évolution dont l’avenir est indissociable de celui de la capitale». (AkroutYaïche, 2002). Cet avenir est assuré à travers la conservation des différents monuments et des parcours de la Médina, de leur entretien, de leur restauration et mise en valeur. Cette préservation est caractérisée par une ambivalence depuis la période coloniale jusqu’à nos jours. Nous allons montrer dans cet article cette ambivalence en présentant un aperçu historique sur les outils de conservation de la Médina de Tunis du XIXème siècle jusqu’au XXIème siècle.

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Algerian Journal of Engineering Architecture and Urbanism Vol. 1. Nr. 1 . 2017

Medina of Tunis, ambivalence in its conservation Imen BEN SAID

Received: 6 March 2017 • Revised: 15 May2017 • Accepted: 31 May 2017

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MEDINA OF TUNIS, AMBIVALENCE IN ITS CONSERVATION

Imen BEN SAID

Lecturer, researcher, Dr, Arch, Institute of Arts and Crafts of Gafsa, National School of Architecture and Urbanism of Tunis, e-mail: [email protected]

Abstract: The Medina of Tunis is specific by the harmony of its urbanism with traditions, cultures, beliefs and practices. Its conservation has gone through different stages from the colonial period to the present day. This conservation is characterized by ambivalence. We propose to demonstrate this ambivalence by using the historical method based on the literature on the subject to identify the preservation attitude. First, in the colonial period, there was more interest in the antiquities that preceded the Arab conquest. Then, we explore the attitude after independence characterized by political and social disinterest. Then, in the 60s to 80s, we study the expansion of restorations in the Medina and its inscription on the World Heritage List. Then, in the 90s and 2000s, we focus on the limits of the heritage code and the beginning of private sector interest in the Medina. Finally, after the revolution, we present the project of inventory of the built heritage of the Medina and the urban rehabilitations that are not always well integrated by the local population. We are interested to the legislative texts relating to the protection of the Medina, the actors on heritage and the new conservation measures. Key words: Medina of Tunis, conservation, ambivalence, restauration. Introduction

La Médina de Tunis située au nord-est de la Tunisie à proximité de la mer dans une plaine fertile, est considérée parmi les premières villes arabo-islamiques du Maghreb (698 ap J.C) et les mieux conservées jusqu’à nos jours. Elle était la capitale de plusieurs dynasties qui ont marqué leurs traces à travers son architecture. Elle s’étale sur 280 ha et intègre environ sept cent monuments qui l’ont enrichie pendant douze siècles d’histoire, composés de mosquées, zaouias, médersas, demeures… Par ses souks, son tissu urbain, ses quartiers résidentiels, ses monuments et ses portes, elle constitue un prototype parmi les mieux préservés du monde islamique. En effet, « La Médina est non seulement un témoignage du passé, mais aussi un immense quartier en évolution dont l’avenir est indissociable de celui de la capitale». (AkroutYaïche, 2002). Cet avenir est assuré à travers la conservation des différents monuments et des parcours de la Médina, de leur entretien, de leur restauration et mise en valeur. Cette préservation est caractérisée par une ambivalence depuis la période coloniale jusqu’à nos jours. Nous allons montrer dans cet article cette ambivalence en présentant un aperçu historique sur les outils de conservation de la Médina de Tunis du XIXème siècle jusqu’au XXIème siècle.

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Medina of Tunis, ambivalence in its conservation Imen BEN SAID

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Période coloniale : intérêt aux antiquités antérieures a la conquête arabe quelques monuments de la Médina

En 1886, le service des antiquités a été créé et un texte général sur les antiquités antérieures à la conquête arabe a été préparé et publié en 1920. Dans la période entre 1886 et 1920, même si le texte ne concerne que les monuments construits avant la conquête arabe, certaines mosquées dans la Médina de Tunis, vu leur importance architecturale et artistique, comme la Mosquée Zitouna, ont été classés comme monuments historiques.

Le souci d’une éventuelle organisation et protection de la Médina a commencé avant la publication de ce texte, avec la publication du décret du 30 Août 1858 où « la municipalité a été créée avec un conseil municipal de douze membres choisis par les notables » (Sebag, 1998). Certains monuments dans la Médina de Tunis ont été classés comme monuments historiques en 1922 et 1928. En 1929, un décret qui interdit toute publicité sur les immeubles classés et des zones protégés a été publié. Durant cette période, les demeures étaient entretenues par leurs habitants et les édifices publics sont pris en charge par les fondations « habous » qui représentent l’immobilisation de fonds au profit d’une fondation religieuse, mosquée, médersa, zaouia, de sorte qu’elles ne peuvent être ni vendues ni données pour assurer l’entretien et la prise en charge de ces monuments religieux. Cet équilibre a été rompu après l’indépendance avec l’abolition des « habous » et le départ des habitants qui entretenaient régulièrement leurs biens. Médina après l’indépendance : désintérêt politique et social Mutations législatives et socio-économiques

Après l’indépendance en 1956, des mutations législatives et socio-économiques ont affectées la Médina de Tunis. En 1957, le décret portant sur l’abolition du régime des « habous » a été promulgué, ce qui a brutalement coupé les moyens d’existence à de nombreux bâtiments publics et privés. De multiples zaouias et medersas se sont retrouvés occupées par des services ou des habitants de faible revenu non concernés par l’entretien.

Parmi les mutations socio-économiques et sociales, on trouve le départ de nombreuses familles tunisoises de leurs grandes demeures ancestrales de la Médina pour s’installer dans les cités jardins ou la ville européenne tout en laissant derrière eux s’installer des migrants, souvent pauvres, à la recherche d’un refuge. « La conséquence de cette transformation sociale dont il faut souligner la rapidité a été une violente dégradation de l’espace historique. Les maisons abandonnées, mais louées à la pièce, sont dépouillées de leur parure architecturale : zliss, marbres, pierres de taille, colonnes et chapiteaux, fers forgés et bois sculptés, arrachés et vendus, deviennent des éléments de décor dans les villas de haut standing des banlieues résidentielles ». (Abdelkafi, 1989).

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Désintérêt politique

Le désintérêt social était accompagné par un désintérêt politique qui se manifestait dans le lancement d’un concours international portant sur l’étude d’aménagement dans la ville de Tunis en Novembre 1959 avec l’idée de percer la Médina et de prolonger l’avenue Habib Bourguiba jusqu’à la Kasba (Fig.1).

Cinquante-quatre architectes ont répondu à ce concours en proposant une percée qui coupe la Médina en deux et l’a fait perdre son homogénéité. Nous présentons ci-dessous une des propositions présentées. Heureusement que le jury s’est rendu compte du danger de ce concours et explique dans son rapport publié en Janvier 1961 que « le but proposé ne semblait pas pouvoir être atteint par une percée plus ou moins brutale à travers la Médina, qui aurait pour effet de la couper en deux sans apporter une solution à l’objet final et au problème essentiel, qui est de créer la symbiose entre l’ancienne ville indigène et la ville européenne, et qui n’aboutirait ni à décongestionner un quartier qui souffre d’un excès de densité, ni même à résoudre les problèmes d’hygiène et de circulation de ce quartier ». (Abdelkafi, 1989).

Fig1. Proposition de la percée de la Médina de Tunis

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Ce résultat de concours déclaré forfait a déclenché une prise de conscience pour protéger la Médina et trouver des solutions contre sa dégradation accélérée en promulguant le décret d’organisation de l'Institut National d'Archéologie et d'Art «INAA» et en mettant en place une commission municipale à Tunis en 1967 qui a fondé l’association de Sauvegarde de la Médina (ASM). Années 60-80: élargissement de la restauration et inscription sur la liste du patrimoine

mondial Restaurations de l’INAA (INP) et de l’ASM

En 1957, le service des antiquités a été remplacé par l'Institut National d'Archéologie et d'Art «INAA», qui n’a commencé ses missions qu’en 1966 après la promulgation du décret d’organisation de l’INAA, rattaché au ministère des affaires culturelles, qui devient la seule institution chargée de toutes les questions relatives à la protection du patrimoine, de préserver, sauvegarder et restaurer les sites archéologiques, les monuments historiques et les tissus urbains traditionnels.

En 1967, suite au concours de réaménagement de la ville de Tunis lancé en 1959 et déclaré forfait en 1961, la mise en place d’une commission municipale à Tunis a permis la fondation de l’Association de sauvegarde de la médina de Tunis, l’ASM, qui avait pour mission de se préoccuper de la restructuration des zones dégradées, de la réhabilitation des logements sociaux et de la restauration de demeures d’intérêt historique et architectural. Ces institutions créées ont commencé à penser de manière adéquate à traiter les problèmes de taudification et d’oukalisation dans la Médina de Tunis en restaurant les monuments publics comme les mosquées, les mausolées, les médersas ou des monuments privés comme des grandes demeures, qui étaient en général rachetées par l’état puis classées et restaurées. L’INAA s’est concentré sur la restauration des monuments publics et à la réhabilitation urbaine (les souks), durant les années 60 et 70. Les demeures menaçant ruine n’ont commencé à être restaurées par l’INAA qu’à partir des années 80. Le premier projet de l’ASM, considéré comme projet référence, était la restauration de Dar Lasram entre 1970 et 1972 pour abriter son siège. L’ASM a continué par la suite la restauration des demeures durant les années 80 et 90 en s’intéressant aussi aux parcours urbains et aux monuments publics. L’intérêt qu’a porté les instituts et les associations concernant le patrimoine au sein de la Médina de Tunis a permis en partie, avec les moyens de bord, de préserver et sauvegarder les monuments historiques ainsi que l’ensemble urbain traditionnel ce qui a commencé à rendre à la Médina son importance et son intérêt et surtout après son inscription par l’UNESCO sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité en 1979.

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Inscription de la Médina de Tunis sur la liste du patrimoine mondial

La Médina de Tunis a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial sous les critères ii, iii et v :

• Critère ii : « Le rôle de relais qu’a joué la Médina de Tunis entre le Maghreb, le Sud de l'Europe et l'Orient a favorisé les échanges d'influences dans le domaine des arts et de l'architecture, et ce pendant des siècles ».

• Critère iii: « En tant que ville importante et capitale de différentes dynasties (depuis les Banu Khurassan, jusqu'aux Husseinites), la Médina de Tunis offre un témoignage exceptionnel sur les civilisations de l'Ifriqiya (essentiellement à partir du Xe siècle) ».

• Critère v: « La Médina de Tunis est un exemple d'établissement humain qui a conservé l'intégrité de son tissu urbain avec toutes ses composantes typo-morphologiques. Les effets des mutations socio-économiques rendent vulnérable cet établissement traditionnel qui doit être intégralement protégé ». (UNESCO, 2010)

Selon le rapport de l’UNESCO « les attributs qui expriment la Valeur universelle exceptionnelle incluent des bâtiments mais aussi le tissu urbain cohérent de la ville. […] Au moment de l’inscription du bien, 50% du patrimoine immobilier de Tunis était considéré comme étant en mauvais état de conservation ou menaçant ruine. Les monuments individuels et la cohésion de l’ensemble du tissu urbain sont restés en parties vulnérables aux effets des changements socio-économiques ». Cette inscription sur la liste du patrimoine mondial et les différentes restaurations réalisées ont encouragé les privés à investir dans la Médina à partir des années 90. Années 90 et 2000 : promulgation du code du patrimoine et intérêt du secteur prive Promulgation du code du patrimoine en 1994 et ses limites

Le code du patrimoine archéologique, historique et des arts traditionnels est sous forme de loi adoptée le 24 Février 1994 (Loi n°94-35). Il comporte quatre-vingt-dix-sept articles et dix titres. Selon l’article premier du code, « est considéré patrimoine archéologique, historique ou traditionnel tout vestige légué par les civilisations ou les générations antérieures, découvert ou recherché, en terre ou en mer qu’il soit meuble, immeuble, document ou manuscrit ou autres en rapport avec les arts, les Sciences, les croyances, les traditions, la vie quotidienne, les événements publics ou autres datant des époques préhistoriques ou historiques et dont la valeur nationale ou universelle est prouvée. Le patrimoine archéologique, historique ou traditionnel fait partie du domaine public de l’Etat à l’exception de celui dont la propriété privée a été légalement établie » (Gouvernement Tunisien, 1994).

Ce patrimoine se compose de quatre éléments :

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• Les sites culturels sont les sites qui témoignent des actions de l’homme ou des actions conjointes de l’homme et de la nature, y compris les sites archéologiques qui présentent du point de vue de l’histoire, de l’esthétique, de l’art ou de la tradition, une valeur nationale ou universelle. Ils seront protégés grâce à l’élaboration d’un Plan de Protection et de Mise en Valeur (PPMV). Après la délimitation du site culturel par arrêté, un délai de cinq est attribué pour l’élaboration du PPMV qui sera approuvé par décret.

• Les ensembles historiques et traditionnels sont les biens immeubles, construits ou non, isolés ou reliés, tels que les villes, villages et quartiers qui, en raison de leur architecture, de leur unité, de leur harmonie ou de leur intégration dans leur environnement, ont une valeur nationale ou universelle quant à leur aspect historique, esthétique, artistique ou traditionnel. Ils seront protégés grâce à l’élaboration d’un Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV). Après la délimitation de l’ensemble historique par arrêté, un délai de cinq est attribué pour l’élaboration du PSMV qui sera approuvé par décret.

• Les monuments historiques sont les biens immeubles construits ou non, privés ou relevant du domaine public, dont la protection et la conservation présentent du point de vue de l’histoire, de l’esthétique, de l’art ou de la tradition, une valeur nationale ou universelle. Ils comportent deux moyens de sauvegarde qui sont la protection (par arrêté) et le classement (par décret) en y ajoutant les abords des monuments historiques protégés ou classés sous contrôle de l’INP. Le classement concerne les monuments historiques qui sont en état de péril ou lorsque leur occupation est incompatible avec leur préservation. Il entraîne la participation financière de l’état aux travaux de restauration avec un taux ne dépassant pas 50% du coût global des travaux. Les abords des monuments historiques incluent les zones se trouvant dans un rayon de deux cent mètres autour des monuments historiques protégés ou classés. Ce rayon peut être étendu si nécessaire.

• Les biens meubles sont les biens meubles, y compris les documents et les manuscrits qui constituent, quant à l’aspect historique scientifique, esthétique, artistique ou traditionnel, une valeur nationale ou universelle. Ils sont constitués d’éléments isolés ou de collections. Ils seront conservés par un arrêté de protection.

Pour chaque composante du patrimoine, le code explique les définitions, les dispositions de protection, les moyens juridiques, les conditions, les travaux soumis à autorisation, les travaux interdits, le contrôle des travaux et les incidences diverses avec les mesures coercitives pour les contrevenants et les mesures incitatives pour les protecteurs du patrimoine. Nous pouvons constater qu’il n’y a aucune indication dans aucun article sur la manière de procéder pour une restauration ou les principes à suivre. Bien que la Tunisie n’ait promulgué le code du patrimoine que tardivement, en 1994, par rapport à sa signature de la charte de Venise en 1964, elle ne l’a pas doté d’une force de loi et de moyens pour définir et appliquer

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les principes de restauration. Nous n’avons pas réellement un outil de travail qui dirige et contrôle les interventions sur le patrimoine. Malheureusement vingt ans après, aucun PPMV ou PSMV n’a été promulgué, l’état n’a pas classé les monuments privés et n’a pas activé la participation financière, seulement des monuments propriété de l’état ont été classés et quelques monuments privés ont été protégés. La restauration reste une action sur les monuments sans appui juridique national, sans explication claire de ses principes. En l’absence de plan de sauvegarde pour la Médina de Tunis, l’Association de Sauvegarde de la Médina (ASM) a préparé un plan de sauvegarde partiel qu’elle prend en considération en interne dans ses projets de restauration et de réhabilitation urbaine. La municipalité contrôle l’intervention des privés à travers les permis de bâtir. L’Institut National du Patrimoine (INP) contrôle l’intervention des privés grâce à l’article des abords des monuments historiques du code du patrimoine qui indique la présence d’un périmètre de sauvegarde de 200 mètres autour des monuments historiques classés ou protégés. Vu qu’une centaine d’édifices sont classés comme monuments historiques dans la Médina de Tunis, grâce aux abords, un périmètre important est sous le contrôle de l’INP. Mais cela n’empêche pas que l’établissement d’un plan de sauvegarde global qui émet une stratégie de conservation à court, à moyen et à long terme est indispensable pour la préservation de la Médina. En effet cette mesure a été proposée par l’UNESCO en 2009 qui explique que « la Médina de Tunis bénéficie du classement national de 88 monuments historiques. Elle jouit également de la protection nationale de 5 monuments, 14 rues (dont 3 souks) et une place. Sa protection est aussi assurée par la Loi 94-35 relative à la protection du patrimoine archéologique, historique et des arts traditionnels, et par le plan d'aménagement urbain de la Médina de Tunis. La Médina de Tunis est dotée d’une structure de sauvegarde et de gestion relevant de l’Institut National du Patrimoine et d’une Association de Sauvegarde de la Médina dépendant de la Municipalité de Tunis. Une zone tampon est proposée afin d’assurer une protection efficace du bien qui tienne compte de ses valeurs et de son intégration au contexte environnemental. Les mesures règlementaires pour assurer la gestion du site et de sa zone tampon ainsi que les mécanismes de mise en œuvre devraient être spécifiés ». (UNESCO, 2010).

Intérêt du secteur privé à la Médina de Tunis La reconnaissance de valeur à l’échelle internationale et « le succès de la mise en valeur

du patrimoine monumental ont eu un effet d’entraînement sur les propriétaires privés. Certains ont pris l’initiative de restaurer ou de réaffecter leurs demeures en galeries d’art ou marchandes, librairies et restaurants de luxe. Les hommes d’affaire, qui savent anticiper sur les besoins et les tendances de la société, « flairent » dans le patrimoine un créneau d’avenir, un créneau porteur ». (Gritli, 2005). En effet, les premières demeures restaurées et

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réaménagées en restaurants étaient Dar Hammouda Pacha et Dar El Jeld au début des années 90. A partir des années 2000, une nouvelle tendance a été créée et on a vu l’installation d’une population aisée et l’émergence des premiers hôtels de charme qui ont réussi à créer une dynamique au sein de la Médina comme Dar El Medina, Dar Ben Gacem et Dar Traki. « Depuis quelques temps, un mouvement de retour vers la Médina est en train de prendre forme spontanément. De nombreux intellectuels et artistes décident d’acquérir des maisons abandonnées qu’ils restaurent avec patience et fantaisie. On joue avec les couleurs, la lumière et la matière. On introduit de nouvelles compositions contemporaines qui mettent en valeur, peut-être d’avantage, les espaces traditionnels ».(Binous, 2002).

Après la révolution : projet d’inventaire du patrim oine bâti de la Médina de Tunis et

réhabilitation urbaine Projet d’inventaire du patrimoine bâti de la Médina de Tunis

Depuis 2012, le service de la conservation de la Médina de Tunis qui est une entité spécifique au sein de l’Institut National du Patrimoine (INP), faisant partie de la division de la conservation des monuments et des sites, prépare un projet d’inventaire du patrimoine bâti de la Médina de Tunis PIPBMT. Les deux premières phases du travail sont élaborées, le recueil des données et la vérification et l’évaluation architecturale et patrimoniale. Les procédés de gestion à court, à moyen et à long terme sont en cours d’élaboration. Ci-après une carte de la Médina (Fig.2) présentant l’inventaire de l’état des bâtiments (bâtiments réaménagés, en ruine, rasés, monuments classés, monuments jugés importants)

Fig2. Inventaire de l’état des bâtiments dans la Médina de Tunis préparé par la Conservation de la Médina de Tunis - (Ben nejma, 2014)

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Réhabilitation urbaine favorisant l’investissement privé Les projets de réhabilitation urbaine ont encouragé les investissements privés.En effet,

le premier projet date des années soixante, après l’indépendance, mettant en valeur les souks. Le deuxième a été réalisé entre 2008 et 2010 par l’Association de Sauvegarde de la Médina (ASM) s’appelant l’opération pilote de restauration urbaine et de mise en valeur du circuit culturel et touristique. Ce circuit se trouve dans le côté Nord de la Médina centrale, «la Municipalité et l’ASM ont jugé le moment propice pour la réalisation d’une opération pilote d’embellissement urbain susceptible de rendre compte du potentiel considérable du paysage traditionnel. […] Le choix fut enfin porté sur un circuit long de plus d’un kilomètre reliant deux symboles de la ville : la Mosquée Zitouna entourée de ses souks et la zaouia de Sidi Ibrahim Riahi ». (Akrout Yaïche, 2013). Les travaux réalisés consistaient à l’enterrement des fils électriques, la restauration du système d’évacuation des eaux, le ravalement des façades, la piétonisation des passages qui ont été pavés, l’harmonisation des enseignes de publicité et la mise en valeur des différents monuments publics comme la Médersa Bir Lahjar et le Palais Kheireddine. La réhabilitation de ce circuit culturel a encouragé la restauration des monuments par les privés. Malheureusement après la révolution, la population locale, par excès de sentiment de liberté, n’a plus respecté la piétonisation des passages pavés et a réintégré la voiture ce qui est en train de dégrader encore une fois le pavage. En Novembre 2014, des travaux de ravalement des façades d’un parcours dans la partie Sud de la Médina centrale ont commencé, touchant principalement la rue des Andalous. Le maître d’ouvrage délégué de ce projet est l’Agence de Réhabilitation et de Rénovation Urbaine (ARRU) et le réalisateur est une entreprise privée. Ce projet est réalisé pour promouvoir l’investissement privé dans ce côté Sud, car il est plus condensé dans la Médina centrale et ses souks et dans le côté Nord où il y a le parcours réhabilité par l’Association de Sauvegarde de la Médina (ASM). On trouve par exemple dans le groupement de la Rue Sidi Ben Arous, la Rue du Pacha et la Rue Dar El Jeld, une agglomération de trois restaurants touristiques, deux hôtels de charme et une galerie d’art. Ceci contrairement au circuit touristique « Dar Ben Abdallah » au côté Sud qui a subi des restaurations publiques des monuments historiques et quelques restaurations privées tels que Dar Bayram et Dar Traki. Pour équilibrer la mise en valeur entre les côtés Nord et Sud dans la Médina centrale, l’Institut National du Patrimoine (INP) a proposé en 2015 la mise en valeur d’un parcours à vocation culturelle allant de Bab Jedid à la Mosquée Zitouna. Les investissements privés sont généralement des reconversions d’anciennes demeures, dans la carte ci-après, nous indiquons l’emplacement des demeures restaurées par l’INP, l’ASM et les privés (Fig3).

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Fig3. Carte des parcours urbains réhabilités, en cours de réalisation et projetés et des demeures restaurées dans la Médina de Tunis (Ben Said, 2016)

Conclusion

Certes l’intérêt pour la Médina de Tunis a évolué de l’indépendance à nos jours, mais il existe encore une ambivalence dans sa protection de point de vue social, législatif et politique. Les textes de loi manquent de mesures applicables pour la restauration. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur n’est pas encore établi. Parfois la population locale ne garde pas les avantages des réhabilitations urbaines comme la réintégration de la voiture au sein de la Médina. Bien qu’il existe des efforts réalisés par les institutions publiques, les associations et les privés, en l’absence d’une volonté politique de mise en valeur efficiente de la Médina et d’un plan d’action général visant le développement économique et social à travers des projets et des investissements importants, ces efforts restent ponctuels et sans une vision globale. Références Abdelkafi J. (1989), La Médina de Tunis, espace historique, Edition Presses du CNRS, Paris. Akrout-Yaïche S. (2002), La Médina de Tunis : stratégie de sauvegarde durable. Archibat N°05 Tunis de la ville à la métropole, Tunis. Akrout-Yaïche S. (2013), Tunis patrimoine vivant conservation et créativité Association de Sauvegarde de la Médina (1980-2012), Editions de l’ASM, Tunis. Ben Nejma A. (2014), Stratégies pour un développement durable de l'ensemble historique de Tunis, Archibat N°33 Tunis la Médina en question(s), Tunis. Ben Said I. (2016), Restauration des demeures dans la Médina de Tunis après l’indépendance, principes et acteurs : entre restitution, innovation et confort. Thèse de doctorat. Architecture. Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis ENAU, Tunis. Binous J. (2002), Maisons de la médina de Tunis, Dar Ashaf Editions, Tunis.

Page 11: MEDINA OF TUNIS AMBIVALENCE IN ITS CONSERVATION · En 1967, suite au concours de réaménagement de la ville de Tunis lancé en 1959 et déclaré forfait en 1961, la mise en place

Algerian Journal of Engineering Architecture and Urbanism Vol. 1. Nr. 1 . 2017

Medina of Tunis, ambivalence in its conservation Imen BEN SAID

Received: 6 March 2017 • Revised: 15 May2017 • Accepted: 31 May 2017

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