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    Bulletin danalyse phnomnologique VI 2, 2010 (Actes 2), p. 204-218ISSN 1782-2041 http://popups.ulg.ac.be/bap.htm

    Merleau-Ponty et la critique des fondementsphilosophiques de la Nature cartsienne

    Par MARIANA LARISONUniversit de Paris I Universitad de Buenos Aires

    Au dbut de la deuxime partie du cours consacr la notion deNature au Collge de France pendant lanne universitaire 1956-1957 ( Lascience moderne et lide de Nature ), Merleau-Ponty tablit de maniresynthtique mais trs claire toute la porte que garde ses yeux la discussionautour de la notion deNature. Daprs notre auteur, il y aurait trois momentsdcisifs dans la construction historico-philosophique de cette notion.Dabord, une premire conception, issue de lhritage aristotlicien et sto-cien 1, selon laquelle la Nature est une forme vers laquelle tendent tlo-logiquement les natures particulires. Ensuite survient un deuxime moment, qui bouleverse lide de Nature 2, accompli par ceux que Merleau-Pontyappelle les cartsiens 3. Cette vision gnrale culminerait avec Kant, aprsqui une troisime voie serait ouverte. Selon Merleau-Ponty, cette voie serait

    celle de Schelling, de Bergson et de Husserl

    4

    .Merleau-Ponty ne sarrtera point sur le premier grand moment decette histoire, ni dans ce sminaire ni ailleurs. Il sattachera, en revanche,trs soigneusement suivre lvolution du concept de Nature tant dans la tradition cartsienne que dans le troisime moment qui lui est oppos.Le tournant des cartsiens , dira Merleau-Ponty, est caractris par laradicalisation de la notion dinfini propre la tradition judo-chrtienne et

    1La Nature. Notes de cours du Collge de France, textes tablis et annots parDominique Sglard partir des notes dtudiants, de notes personnelles et desrsums de cours de Merleau-Ponty, Paris, ditions du Seuil, collection Tracescrites , 1995. Dsormais notN.2N, p. 117.3Ibid.4 Cf.N, p. 59-110.

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    par la conception qui sensuit dun natur extrieur tant Dieu qulhomme. Comme nous le verrons par la suite, cette ide de Nature rebonditdans une conception objective de ltre 1. Mais elle met galement en

    relief un problme qui traverse lhistoire de la notion : la place inclassable delorganisme vivant, et plus particulirement du corps, dans ltude de laNature. En effet, soutient Merleau-Ponty, de Descartes au Kant de la Critiquedu jugement, la place des corps vivants sera toujours motif dembarras. Elleconstitue le problme pos par les rsidus de lopration inaugure parDescartes 2.

    Cette tension lintrieur du projet cartsien donne ainsi lieu unedouble conception de la Nature, le problme de lorganisme venant question-ner le type de production spcifique dont il sagit dans la Nature. La maniredont nous pensons la production naturelle, remarque Merleau-Ponty, supposedj un certain rapport ltre. Il y aurait, donc, chez Descartes, une

    double conception de la Nature, estime Merleau-Ponty, parce quil yaurait aussi deux manires diffrentes de considrer ltre lui-mme.Cette dualit sera manifeste, pour notre auteur, dans la diffrence poseentre ltre de la Nature physique en gnral et ltre de lexistant enparticulier. Dans le premier cas, la Nature est conue comme une exis-tence en soi, sans orientation, sans intrieur3, elle est la ralisationextrieure dune rationalit qui est en Dieu 4. Dans le second cas, uneseconde Nature qui chappe lentendement sentrevoit dans lunion delme et du corps et ne nous permet plus de parler dune ontologie delobjet mais dune ontologie de lexistant.

    Nous essayerons ici de voir quel est le sens de la critique merleau-pontienne des cartsiens, et en quel sens elle peut constituer un clairage utile

    du projet merleau-pontien. cette fin, il nous faudra dabord analyser le sensde la critique merleau-pontienne des cartsiens. Ce qui nous contraindra dterminer, en tout premier lieu, la nature de cette tradition en tant que telle,ou, plus exactement, ce que des philosophes comme Descartes et Leibnizpartagent de commun aux yeux de Merleau-Ponty. Ensuite, il sagira de voirdans quelle mesure cette tradition sinscrit dans un contexte plus vaste, celuide lontologie de lobjet. Enfin, nous tenterons de comprendre pourquoicette tradition laisse nanmoins la place, aux yeux de Merleau-Ponty, une deuxime conception de la Nature et de ltre, et nous tirerons les

    1N, p. 117.2N, p. 118.3N, p. 27.4Ibid.

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    conclusions de ces critiques pour le dernier projet ontologique merleau-pontien.

    Le projet des cartsiens

    Linnovation cartsienne

    Ce qui distingue, aux yeux de Merleau-Ponty, la conception moderne de laNature inaugure par Descartes au XVIIe sicle de celle des anciens et desmdivaux, cest lincorporation et la radicalisation de lide dinfini judo-chrtienne.

    Llment neuf rside dans lide dinfini, due la tradition judo-chrtienne. partir de ce moment, la Nature se ddouble en un naturantet un natur.

    Cest alors en Dieu que se rfugie tout ce qui pouvait tre intrieur laNature. Le sens se rfugie dans le naturant; le naturdevient produit, pureextriorit. [] Cest Descartes qui va poser, le premier, la nouvelle ide deNature, en tirant les consquences de lide de Dieu1.

    La Nature comme consquence de lide de Dieu peut se rsumer, daprsMerleau-Ponty, dans lide dune Nature-nature conue comme tendue,tendue divisible indfiniment et tout homogne, compose de partes extra

    partes, sans limites. Elle est pure extriorit et pure existence actuelle. Or silapparat vident que la notion cartsienne dtendue peut se rsumer parfaite-ment laide des caractristiques prcdemment voques, ce lest beaucoupmoins dans le cas de Leibniz. Cependant, dans ses notes de travail, Merleau-

    Ponty considre plusieurs reprises la pense de Leibniz comme un casparticulier de celle des cartsiens. Cest ainsi quil peut affirmer, dans lesnotes prparatoires du plan de travail de son uvre posthume Le Visible etlinvisible : Je dois donc dans lintroduction montrer que ltre de lascience est lui-mme partie ou aspect de lInfini objectiv [] De l le cha-pitre sur Descartes, Leibniz, lontologie occidentale [] 2 ; ou encore plusclairement : Jclaire mon projet philosophique par recours Descartes etLeibniz 3. Mais quest-ce qui peut justifier cette gnralisation de positions

    1N, p. 26.2 Le Visible et linvisible, texte tabli par Claude Lefort, Paris, ditions Gallimard,1964, p. 230. Dsormais not VI.3Ibid.

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    a priori aussi diverses que celles de Descartes et Leibniz, et leur runion sousle qualificatif de tradition cartsienne ?

    Il convient, en effet, de bien faire la part des choses. Descartes, la

    diffrence des anciens et des mdivaux, mais surtout de ses contemporains,propose une conception non atomiste de la matire. Il dissocie la notion dematire de celle de corporalitet lidentifie celle de substance. Ce faisant,il propose comme lment physique ultime la matire, non pas au sens duncorps, mais au sens dune tendue mathmatique. Parce que la matire estcomprise dans un sens essentiellement mathmatique, elle est tendue, con-tinue et homogne. Et parce que llment primaire de la physique est lamatire, la Nature au sens physique est pense partir de ces caract-ristiques.

    Contre Descartes, Leibniz soutient que ltendue nest pas une sub-stance. Il spare la notion dtendue de celle de substance, et le concept de

    substance de celui de matire physique. Il appellera monade la substancesimple, celle o selon le 3 de la Monadologie il ny a point departies, il ny a ni tendue, ni figure, ni divisibilit possible 1. Ltendue comprise comme ce qui na pas de limites , le continu mathmatique etlinfini renvoient, chez Leibniz, Dieu. Comme laffirme le 42 de la

    Monadologie : Il sensuit aussi que les cratures ont leurs perfections delinfluence de Dieu, mais quelles ont leurs imperfections de leur naturepropre, incapable dtre sans bornes. Car cest en cela quelles sontdistingues de Dieu . Ces monades sont les lments atomiques des choses,dont les corps sont composs. Or, tant donn que, par principe, tout tre crest sujet au changement et que les monades ne peuvent tre modifies defaon externe, il sensuit que les changements naturels des Monades

    viennent dun principe interne 2

    . Leibniz appelle entlchies ces sub-stances simples ou monades cres, qui obissent une certaine perfection etautarcie et qui ont, en elles-mmes, la source de leurs mouvements3. Onretrouve donc, ici, lme absente du monde physique de Descartes, non pasdans la matire mais dans la substance. Leibniz confre ainsi la substancele mouvement perdu, et au possible sa place dans la constitution du monde.

    Quest-ce que les conceptions de linfini de Descartes et Leibnizpartagent alors de commun, aux yeux de Merleau-Ponty, si le contenu de lanotion de Nature diffre chez ces deux philosophes ? La question qui sim-

    1 Leibniz,La Monadologie, dition annote, et prcde dune exposition du systmede Leibniz par mile Boutroux, Librairie Delagrave, Paris, 1978.2 Leibniz,Monadologie, op. cit., 11.3 Cf. Leibniz, Monadologie, op. cit., 18.

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    pose est de savoir quoi pense Merleau-Ponty lorsquil affirme que ll-ment neuf [de la pense cartsienne] rside dans lide dinfini . Cela nesignifie certainement pas que la notion mme dinfini constitue la nouveaut.

    Comme Merleau-Ponty le dit avec justesse, et comme cela a t largementdmontr, cette notion appartient la tradition judo-chrtienne. Si linfinidont il est question pour les modernes ne peut tre assimil celui des Grecs,cest prcisment parce quil est dj proprement chrtien. Il nous semble dslors plus plausible de penser que, daprs Merleau-Ponty, il sinscrit dans lanotion chrtienne dinfini un lment que Descartes prlve et qui ouvrelespace une nouvelle faon de penser la Nature partage par ceux queMerleau-Ponty appelle les cartsiens .

    Mais quel serait alors cet lment inhrent la notion dinfini qui nesidentifie pas elle ? Lequel de tous les aspects qui composent la notiondinfini constitue-t-il, aux yeux de Merleau-Ponty, linnovation cartsienne

    lgard de la Nature ? Pour rpondre ces questions, il nous faut dabordtablir les traits fondamentaux de lvolution historico-philosophique de ceconcept.

    La notion dinfini

    Si lon parcourt trs rapidement larchologie de la notion dinfini depuis lapense hellnistique jusquau XVIIe sicle, on remarque quelle a subi touteune srie de transformations qui aboutissent une inversion totale de sonsens classique chez les Grecs. On le sait, lide dinfini qui prvaut dans lapriode hellnistique classique est celle dAristote, pour qui linfini nexiste

    quen puissance

    1

    . Dans le kosmos ancien, totalit ferme dont les lmentsconstituants formaient une unit organique, linfini se trouvait du ct de lapuissance, cest--dire de ce qui navait pas de forme, en opposition la pureet parfaite entlchie2.

    La pense mdivale, ds lorigine, opre lintrieur de ce kosmosune profonde scission entre lordre de la transcendance divine et ternelle,identifie linfini, et le monde terrestre et corruptible, identifi, lui, au fini 3.

    1 Cf. Aristote, Physique. Tome I (I-IV), texte tabli et traduit par Henri Carteron,Paris, Les Belles Lettres, 1926, l. III, ch. 6, 206a 1 sq.2 Cf. Aristote,Mtaphysique, traduction par J. Tricot, Paris, Vrin, 1933, 1071a 36 sq.3 Ds les premiers Pres de lglise, cette vision a caractris la pense mdivale.Cf., par exemple, Origne,De principii, II, 9, I. Origne est un bon exemple dans lamesure o, comme le dit Gilson, il offre pour nous cet intrt de reprsenter assezexactement la version chrtienne dune vue de lunivers dont la version paenne peut

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    Cette identification, acheve par les noplatoniciens, pose la question de lanotion mme dinfini dans ce nouveau contexte. Linterdiction aristotli-cienne dun infini en acte est rsolue par lide dun Dieu infini, qui peut tre

    en acte en tant quil nappartient pas au monde mais le transcende. Cetteinfinit, notre entendement fini ne peut la comprendre. Lapproche de linfinisera la plupart du temps pense de faon ngative par la philosophie mdi-vale1. Comme Gilson la bien montr2, cest Henri de Gand qui labore, lafin du XIIIe sicle, une conception positive de linfini. Linfini devient alorsun traitpositif : est infini celui qui possde la perfection comme lun de sesattributs3. Duns Scot dveloppera plus tard cette notion, et fera de cetteperfection une obligation dexistence pour le sujet dont elle est prdique.Face la contingence du fini, linfini est, lui, ncessaire4.

    Au XVe sicle, Nicolas de Cuse accomplira un grand pas vers laModernit en radicalisant la conception positive de linfini et en faisant de

    celle-ci la voie de la connaissance du fini. Sous linfluence du noplatonisme,Dieu sera considr comme lunit absolue qui contient tous les lmentsopposs de lunivers. Lunivers, quant lui, ne sera pas autre chose que le

    se lire dans les Ennades de Plotin (. Gilson,La philosophie au Moyen ge. DesOrigines patristiques la fin du XIVe sicle, deuxime dition revue et augmente,Paris, Payot, 1999, p. 58).1 Bien videmment, il conviendrait de distinguer au sein mme de cette pensemdivale toute une srie de nuances lgard de cette voie ngative. Ainsi, lors-que Plotin nie dans les Ennades la possibilit de la comprhension de lUntranscendant, cela est d au fait que, en tant que transcendant, il est au-del de ltreet partant incomprhensible (cf. EnnadeV, ch. 4-5, dans Ennades, texte tabli etdit par . Brhier, Paris, Les Belles Lettres, 1931). Augustin, en revanche, dira queDieu, bien que transcendant, participe de ltre. Sil ne nous est pas permis daccder cet tre transcendant, cest parce que, celui-ci tant infini, notre entendement finine peut pas le comprendre (Cf. Cit de Dieu, L. XII).2 . Gilson, History of Christian Philosophy in the Middle Ages, New York etLondon, 1955, p. 571-72.3 Le mot infini, non pas seulement en Dieu mais aussi dans les cratures, signifieprincipalement que quelque chose est pos ou affirm ; En Dieu ainsi que dansles cratures, le mot infini implique une affirmation, mme sil lexprime sous laforme dune ngation ou dune privation (de limites) , H. de Gand, Summa II, art.44, qu. 2, in I. Leclerc, The Nature of Physical Existence, George Allen and Unwin,Londres, 1972, p. 67-68 (nous traduisons).4 Further, for Duns Scotus, because God is infinite being he is necessary being.Created being is contingent, dependent, so by contrast with God, finiteness impliesthe contrary of necessity, namely contingency (I. Leclerc, The Nature of PhysicalExistence, op. cit., p. 68).

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    dploiement divin. Si Dieu est infini, lunivers, en tant que premire mani-festation de son dploiement, sera indfini. La totale transcendance divine,caractristique de la pense mdivale, est donc remise en question. La trans-

    position totale de linfini en acte lunivers ne sera pourtant accomplie quepar Giordano Bruno. Cest lui qui mettra radicalement en cause lidearistotlicienne dun univers limit, et affirmera lunivers comme tendueinfinie et actuelle. Il la caractrisera, la suite de Nicolas de Cuse, commeune tendue mathmatique, car selon un ordre admirable, les lments sontconstitus par Dieu, qui a tout cr en numro, poids et mesure 1.

    Descartes et Leibniz

    Quest-ce que Descartes fait alors, selon Merleau-Ponty, de cette ide ? Bruno [...] prlude aux Temps modernes en entrevoyant lide duneinfinit du Monde et dune pluralit des Mondes possibles, mais, cependant,il parle encore dune me du Monde 2. En effet, en tant que manifestationet dploiement de Dieu, lunivers de Bruno conservait encore une certaineprofondeur. De son ct, Descartes ne laisse plus dpaisseur possible lasubstance tendue. Or si linnovation de Descartes consiste, dune part, soustraire lme lide de matire comme ctait encore le cas chezBruno , et, dautre part, la penser malgr tout sous le modle duncontinu mathmatique la diffrence des atomistes , cest prcismenten raison de cette innovation quil doit faire dpendre lordre des existencesde la ncessit divine. La Nature nayant plus dintrieur, la finalit setrouvera tout entire en Dieu. Le monde, affirme Merleau-Ponty, nest ainsi

    quune suite de ce surgissement illimit quest Dieu, et la Nature unencessit qui ne peut pas tre autre que ce quelle est 3. Le monde est uneide ncessaire qui drive de linfinitude divine, celle-l tant comprisecomme le tout des essences.

    Je fis voir [affirme Descartes cit par Merleau-Ponty] quelles taient les loisde la nature ; et, sans appuyer mes raisons sur aucun principe que sur lesperfections infinies de Dieu, je tchai [] voir quelles sont telles quencoreque Dieu aurait cr plusieurs mondes, il ny en saurait avoir aucun o ellesmanquassent dtre observes [] . Si Dieu est infini, il en rsulte certaines

    1 N. de Cuse,La docte ignorance, introduction, traduction et notes par Herv Pascua,Paris, Payot & Rivages, 2007, II, ch. 13.2N, p. 23-24.3N, p. 171.

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    lois, lois de tout Monde possible. La Nature, cest lautofonctionnement deslois qui drivent de lide dinfini. Or, quand on admet que lexistence duMonde est contingente, suspendue un acte crateur, alors, une fois pose

    lexistence dun Monde, lessence de ce Monde drive, de faon ncessaire etintelligible, de linfinit de Dieu1.

    Ltre du monde se drive ncessairement de lessence divine sur le mode deltre qui est compltement ce quil est, ou qui nest pas du tout.

    Une telle philosophie est ncessairement travaille par le doute et par uncertain strabisme. /Ce strabisme, on le voit mieux dans le dilemme de ltre etdu nant. Ainsi Descartes dit-il que, lorsquil pense ltre, cest demble ltre infini quil pense, et cela parce que la notion dtre comporte tout ou necomporte rien2.

    Descartes, laide dune mthode de purification, parvient tablir unetendue qui est lessence du monde physique. Elle est la ralit objective quelon saisit lorsque lon pense de manire claire et distincte. Cette tendue estdivisible indfiniment, elle est pure actualit dans chacune de ses parties. Sonessence, affirme Merleau-Ponty, se distingue pourtant objectivement de cellede Dieu, qui est lobjet vraiment objet. Ce que semblerait donc viserMerleau-Ponty lintrieur de la conception cartsienne, ce nest pas tantle contenu objectif de lessence monde que le sens dtre de cetteessence : ltre de lessence monde est, au mme titre que ltre delessence divine, pens formellement sur le mode dune ide-limite ou, entermes merleau-pontiens, dun objet.

    Cette distinction [entre ralit objective et ralit formelle] doit sabolir auniveau de lobjet vraiment infini, lessence de Dieu enveloppant son exis-tence. La preuve a priori est le point extrme de la pense essentialiste, elletouche lobjet le plus plein, linfini en tout genre, qui contient en lui-mmeltoffe de toute espce dessence3.

    Le monde ne peut gure diffrer de ce quil est parce quil drive nces-sairement dune ide et parce quil est essentiellement une ide. ChezDescartes, la ralit objective de lide compose lordre du rel, cest--dire du monde causal, au point de rclamer, par principe, une cause de son

    1N, p. 27.2N, p. 171.3N, p. 170.

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    existence dans lide. Ainsi, lide mme dinfini trouvera-t-elle sa cause enDieu, qui est cause de soi, dans une version moderne de largumentontologique.

    Nulle part, dit Descartes, on ne trouve une chose qui ait pour fin sadisparition. Il y a l lide que lessence se pose delle-mme. De mme quily a inertie en physique (le mouvement rectiligne uniforme se rduisant soi-mme), de mme il y a une espce dinertie ontique de lessence. Pas deprincipe qui, de lintrieur, conduit ce qui est au non-tre. Ce qui est en tantque cela est, est vrai. Surgissement dun tre quon appelle le Monde et qui nepeut pas tre un tre vrai. Donc lide de la Nature rsulte de la prioritdonne linfini surle fini. Aussi entrera-t-elle en crise ds que cette prioritsera remise en cause1.

    On comprend donc pourquoi Leibniz tombe aussi sous le coup de la critique

    merleau-pontienne. En effet, mme sil confre la substance le mouvementperdu, et au possible sa place dans la constitution du monde, cela ne suffitpas pour chapper la critique, dans la mesure o le possible de Leibniz nesoppose pas du tout lide de ltre comme pure actualit, autrement ditdun tre driv ncessairement de lessence divine comprise comme le toutdes possibilits. En fonction de la perfection relative de ces possibilits et deleur compossibilit, cest--dire du principe de non-contradiction interne,lun de ces mondes est le ntre. La ncessit de ce monde rside dans lemoindre degr dimperfection par rapport la perfection divine. Son exis-tence est ainsi une ncessit dessence.

    La coupure tablie par Leibniz, affirme Merleau-Ponty, entre le Monde et

    Dieu nest pas telle. Dieu ne ralise pas tout le possible ; mais cette coupurene peut pas tre absolue, car il y a des raisons du choix : le meilleur possible.Ce qui signifie que le Monde ralis est celui qui possde le plus de plnitude.Cest l un problme de minimum et de maximum, mais qui na pas t rsoluque par une sorte de mcanique divine grce laquelle le possible le pluslourd est pass lacte2.

    En effet, la ralit des essences devant se soutenir chez Leibniz en quelquechose dexistant et dactuel ce quelque chose tant, videmment,lentendement divin elles puiseront leur fondement dans la ralit delentendement divin.

    1N, p. 31.2N, p. 28.

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    Car il faut bien que sil y a une ralit dans les essences ou possibilits, oubien dans les vrits ternelles, cette ralit soit fonde en quelque chosedexistant et dactuel, et par consquent dans lexistence de ltre ncessaire,

    dans lequel lessence renferme lexistence ou dans lequel il suffit dtrepossible pour tre actuel1.

    Descartes et Leibniz sont tous les deux, aux yeux de Merleau-Ponty, tribu-taires de lide dinfini positif. Lun dans le vocabulaire de lessence et dufait, lautre dans celui du possible et de lactuel. Dieu, ou linfini, est penscomme la totalit des essences do drivent ncessairement les faits ou comme le tout des possibles do il faut driver le rel, aussi ncessaireque lessence par son poids de perfection. Dsormais le rel, ltre vrai dumonde physique, cest un tre pens sous le modle de l essentiel ,rsistant au non-tre en raison de son poids de perfection. DaprsMerleau-Ponty, Descartes et Leibniz fournissent donc une bonne illustration

    du problme de linfini positif, prcisment parce que leurs points de dpartsont diffrents. Bien qutant de contenu diffrent, ils partagent une ide dela Nature o le monde, pour exister, est tout entier soutenu dans lide deDieu ou, pourrait-on dire, dans lIde tout court.

    Descartes : la ngation du possible, lide que ltre est ncessaire, quildrive avec ncessit dune position illimite de lui-mme, que la figurecosmologique, la donne historique, drive avec ncessit de la donnethorique, laffirmation dune finalit qui nest pas un lien entre les chosesmais un nom donn au rsultat de la ncessit divine ou une maniredesquisser quil nest pas son gard une contingence et une surprise.

    Leibniz, dans toute la mesure o il scarte de la ncessit : lide dunpossible qui ne part pas comme une flche de Dieu titre de consquence, vrai dire de consquence ncessaire, lide dun possible qui nest pas seulmais rparti et lide que cependant lun deux est de soi plus prsdexister, privilgi parce que plus pesant, que son poids de ralit, sentendcompte tenu de certaines incompossibilits dont lorigine partir de Dieu estmystrieuse, qui donc ne sont pensables qu partir du monde, lide doncentre ltre ncessaire etce monde, dune diffrence radicale qui est celle delinfinit et de lexistence2.

    1 Leibniz,Monadologie, op. cit., 44.2 Note indite, Bibliothque Nationale de France, Fonds Maurice Merleau-Ponty, VIII(NAF 26991), F. 230.

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    Lide positive de linfini est lide dinfini entendu comme perfection, laperfection ntant autre chose, selon le 41 de la Monadologie, que lagrandeur de la ralit positive prise prcisment, en mettant part les limites

    ou bornes dans les choses qui en ont. Et l o il ny a point de bornes, cest--dire en Dieu, la perfection est absolument infinie . Le modle de ltrecomme ide est donc, comme le dit bien Merleau-Ponty, celui de lensrealissimum1.

    Si lon reprend prsent les choses depuis le dbut, on comprendmieux en quel sens Merleau-Ponty considre que Descartes a t le premier tirer de faon radicale les consquences de la conception positive de linfini lgard du monde physique. Leibniz, quant lui, a t lun des cartsiens leplus en mesure dentrevoir les problmes de cette actualit sans aucuneprofondeur dans le monde physique, do sa tentative de rintroduction dumouvement, au sens dynamique que le mot revtait chez les Grecs. Mais il

    na gure chapp, lui non plus, aux consquences de ltablissement duneconception de ltre qui empche, par dfinition, lintgration du non-tre ltre ds lors quil est dfini par rapport une perfection comprise, elle,comme pure actualit sans limites. Cest dailleurs avec Leibniz que lepropos de Merleau-Ponty gagne en clart : le problme ne rside pas dans laconception de la matire ou de la substance physique, mais dans celle delinfini comme actualit sans bornes. Et dans lide positive de linfini quientre en vigueur au XIIIe sicle avec Henri de Gand, et dont Descartes a tireffectivement toutes les consquences lgard de la notion de Nature ausens physique du mot.

    Conclusion : Le rsidu de lopration cartsienne ou la rsistance dusensible

    Les cartsiens voient la Nature comme la manifestation dun tre infini qui sepose lui-mme, qui nest certes pas Nature au sens ordinaire du terme, maisdont la production, le natur, possde les mmes caractres de ncessit etdautonomie par rapport lhomme. [] Mais cette conception objective deltre laisse un rsidu. [] la Nature rsiste. Elle ne peut stablir tout entiredevant nous. Le corps est une nature au travail au-dedans de nous2.

    Ce que Merleau-Ponty qualifie de seconde inspiration cartsienne de lanotion de Nature, cest en effet le rsidu involontaire des analyses cart-

    1 Cf. Merleau-Ponty, VI, p. 264.2N, p. 117.

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    siennes du corps et du monde sensible. Ce rsidu saffirme nanmoins davan-tage comme un problme que comme une assertion positive. En effet, sou-tient Merleau-Ponty, une certaine rsistance du sensible se glisse dans les

    analyses cartsiennes lorsque vient le moment de confronter sa pense delentendement pur aux oprations du monde actuel, et sa conception deltendue intelligible ltendue relle et la mcanique qui la gouverne.Ltendue relle, souligne Merleau-Ponty, ne peut pas tre entirementconue par lentendement. Lorsquil parle du point de vue mcanique,Descartes ne parle pas de penses mais de ralits qui ne se laisseraientpas rduire un simple acte pens :

    Il y a dans les objets de lespace quelque chose qui rsiste au pur entende-ment. Au regard de lentendement pur, le sensible apparat comme privation ;ce nest que labstraction du dcoup, du non-tre, dira Spinoza. Mais en unautre sens, le non-tre, la non-pense, est. Ce qui est du ngatif pour

    lintelligence est du positif pour la vie1.

    Cest donc partir du point de vue de lexistant actuel, du corps humain, ducompos me-corps, quune seconde conception de la nature va prendreforme dans la pense cartsienne et, par ce moyen, dans la traditionphilosophique occidentale. compter de la Troisime Mditation, estimeMerleau-Ponty, un tout nouveau rapport au monde et lespace sera rvlsous la forme de lanalyse du corps propre. Cest travers celui-ci que lemonde se fera sentir dans toute son paisseur et sa difficult. Ni tenduespirituelle, ni tendue de parties extrieures les unes aux autres, on trouveau niveau de lhomme au moins une nature qui ne prsente pas le caractrede lobjet, qui est pour nous 2. Cette nouvelle nature est, soutient Merleau-Ponty, invitablement contradictoire dans le cadre gnral de la pensecartsienne. Dune part, la pense cartsienne est en effet pense de lvi-dence et en tant que telle, elle nentend pas confrer une valeur ce qui estobscur. Elle pense alors lme et le corps comme deux choses dis-tinctes. Mais, dautre part, la pense cartsienne se rend, travers lephnomne du corps, lvidence du monde. Cest ainsi quelle conoit lecorps humain avec des attributs de lme (indivisibilitet unit fonctionnelle)et fonde la lumire naturelle dans la vision du corps3. Finalement, [Des-

    1N, p. 34.2N, p. 35.3 Le cours de lanne 1958-1959 sur Lontologie cartsienne et lontologiedaujourdhui est prcisment consacr au dveloppement des consquences

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    cartes] rejette le problme, cause de sa position. On ne peut pas concevoirle compos : do lirrationalisme de la vie comme contrepoids du rationa-lisme rigoureux, qui ne peut tre quanalyse 1. Il existe donc un rsidu de la

    pense cartsienne qui est finalement rabsorb par la premire notion deNature, celle en faveur de laquelle tranche, au final, Descartes. Ce rsidu est,nous semble-t-il, ce que la dernire philosophie de Merleau-Ponty essayerade penser de faon radicale. Si nous avons raison, le sens et la fonction de lacritique merleau-pontienne des cartsiens prend un tournant trs spcifiquedans le cadre du dernier projet merleau-pontien.

    Les consquences qui dcoulent ainsi de la premire conceptioncartsienne de la Nature sont capitales dans ltablissement dune pensecritique de lontologie, linstar de celle quentend raliser Merleau-Ponty. La premire dentre elles est dimportance et tient, comme nouslavons vu, au rapport intime quentretient lide dinfini une notion

    dessence et dtre entendue comme pure positivit. une conception delinfini positif, caractris sur le mode de la perfection objective, corres-pond une conception de lessence et de ltre, remarque Merleau-Ponty,comme objet.

    La seconde consquence de la critique merleau-pontienne de la pre-mire conception cartsienne de la Nature renvoie, en revanche, la

    fonction de linfini dans ce rseau conceptuel : il occupe la place de laproductivitde la Nature. Chez les cartsiens, cette place est occupe parDieu. Cela tant, toute la question pour Merleau-Ponty sera alors desavoir comment penser, de manire autre, la productivit naturelle. Plusprcisment : comment penser la productivit afin quelle ne sidentifiepas linfini positif ?

    Linfini : certes cest une conqute davoir conu lunivers comme infini ou du moins sur fond dinfini (les cartsiens) /Mais les cartsiens lont-ilsfait vraiment ? La profondeur de ltre, qui nest reconnue quavec lanotion dinfini [un fonds inpuisable de ltre qui nest pas seulement ceci etcela, mais aurait pu tre autre (Leibniz) ou est effectivement plus que nous nesavons (Spinoza, les attributs inconnus)] lont-ils vraiment vue ? /Leur notionde linfini est positive. Ils ont dvaloris le monde clos 2 au profit dun infini

    dune lecture approfondie de cet autre aspect de la philosophie cartsienne.Cf.Notes de cours 1959-1961, Paris, Gallimard, 1996, p. 221-267.1N, p. 39.2 La premire dition de louvrage dAlexandre Koyr, From the Closed World tothe Infinite Universe (Baltimore, Johns Hopkins University Press) date de 1957 ; la

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    positif, dont ils parlent comme on parle de quelque chose, quils dmontrenten philosophie objective les signes sont renverss : toutes les dtermi-nations sont ngation au sens de : ne sont que ngation Cest plutt luder

    linfini que le reconnatre Infini fig ou donn une pense qui le possdeau moins assez pour le prouver. /Le vritable infini ne peut tre celui-l : ilfaut quil soit ce qui nous dpasse ; infini dOffenheitet non pas Unendlich-keit Infini duLebensweltet non pas infini didalisation Infini ngatif,donc Sens ou raison qui sontcontingence1.

    Il faut donc penser un infini ngatif. On commence alors comprendre lepropos merleau-pontien dont nous sommes partis : Jclaire mon projetphilosophique par recours Descartes et Leibniz . En effet, contre linfinipositif de cartsiens, le dernier projet merleau-pontien sera un effort pourpenser un infini ngatif, et contre lide de ltre comme objet, il propose-ra une pense de ltre de profondeurs etde lessence sauvage.

    Mais un dernier lment de la critique merleau-pontienne des cart-siens doit tre nanmoins soulign : lide dune profondeur du monde nestpas compltement trangre au cartsianisme, comme en tmoigne, daprsnotre auteur, la seconde conception cartsienne de la Nature. Ce quil fau-drait alors entendre du strabisme auquel Merleau-Ponty faisait rfrence,chez les cartsiens, cest que la sortie dune perspective objectiviste de ltreest lune des possibilits immanentes de cette perspective elle-mme. Cest lestrabisme quelle gnre qui fonde la possibilit dune sortie de lobjecti-visme, et cest l que Merleau-Ponty va la chercher. Cest ainsi que lon peutdiscerner chez Descartes, et bien malgr lui, cette obscurit que la lumirenaturelle ne peut pas atteindre : Retour de ltre, dit Merleau-Ponty deDescartes, (comme Freud dit retour du refoul) 2.

    Tout se droule alors comme si, pour Merleau-Ponty, se faisait jourune contradiction dans la pense cartsienne qui est moins un dfaut de celle-ci quune vrit incontournable de la chose elle-mme. En effet, ce que lescartsiens mettent en relief, cest lexistence dune dimension de ltre quisurgit au moment de penser la Nature mais qui chappe la lumire delentendement. Si lon souscrit la critique merleau-pontienne des cartsiens,cette impossibilit est moins un problme de cette pense quunecaractristique de ltre lui-mme : Ny a-t-il pas un rsidu que la connais-

    traduction franaise (Du monde clos lunivers infini, Paris, P.U.F.) paratra en1962, trois ans aprs la rdaction de cette note de Merleau-Ponty (17 janvier 1959).1VI, p. 223.2Notes de cours 1959-1961 , op. cit., p. 226.

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    sance selon notre nature npuise pas ? Mise en question de cette Na-ture ? 1.

    Il y aurait donc deux questions penser en relation ce rsidu :

    quest-ce qui, en lui, est consquence dune pense qui chasse lobscurit etquest-ce qui, au sein mme de cette obscurit, appartient ltre lui-mme ?Quest-ce qui correspond une conception de linfini positif et que faut-ilmettre au compte de la rsistance du sensible ? Comment est-il donc possiblede penser une productivit non positive de la Nature, un infini ngatif?Quest-ce quune dimension non positive de ltre ? Comment lintgrer lide de Nature ? Telles sont les questions qui accompagnent, daprs nous,le dernier projet de Merleau-Ponty et qui surgissent dune critique pro-fonde, mais aussi dune reprise radicale, de la pense cartsienne.

    1Ibid., p. 224.