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ÉTHIQUE JURIDIQUE ET PROFESSIONNALISME - ANTOINE GODIN-LANDRY PROF. HELENA LAMED – AUTOMNE 2016 Éthique juridique et professionnalisme Prof. Helena Lamed – Automne 2016 Plan de cours (selon le syllabus) I. Introduction : le rôle de l’avocat (semaine 1) II. La pratique professionnelle du droit (2-3) III. L’accès à la justice (5) IV. L’autorégulation de la profession d’avocat : introduction générale (4) V. L’autorégulation de la profession d’avocat : l’éducation et l’admission au barreau (4) VI. L’autorégulation de la profession d’avocat : les normes de conduite (6-10) a. La relation privilégiée entre l’avocat et le client (6-7) b.Le devoir de confidentialité et le privilège du secret professionnel (8) c. Le devoir de loyauté et les conflits d’intérêt (9-10) VII. Les domaines de pratique du droit : application des normes éthiques et légales (11-12) a. Le litige (11) 1

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ÉTHIQUE JURIDIQUE ET PROFESSIONNALISME - ANTOINE GODIN-LANDRYPROF. HELENA LAMED – AUTOMNE 2016

Éthique juridique et professionnalismeProf. Helena Lamed – Automne 2016

Plan de cours (selon le syllabus)I. Introduction : le rôle de l’avocat (semaine 1)II. La pratique professionnelle du droit (2-3)III. L’accès à la justice (5)IV. L’autorégulation de la profession d’avocat : introduction générale (4)V. L’autorégulation de la profession d’avocat : l’éducation et l’admission au barreau (4)VI. L’autorégulation de la profession d’avocat : les normes de conduite (6-10)

a. La relation privilégiée entre l’avocat et le client (6-7)b. Le devoir de confidentialité et le privilège du secret professionnel (8)c. Le devoir de loyauté et les conflits d’intérêt (9-10)

VII. Les domaines de pratique du droit : application des normes éthiques et légales (11-12)a. Le litige (11)b. Le droit criminel (11)c. La pratique interne/gouvernementale (12)

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I. Introduction : prémisses philosophiques (semaine 1)a. Conception classique du rôle de l’avocat : neutralité partisane ; différence entre l’avocat et la personne

(« deux chapeaux »)i. Neutralité superficielle par rapport à la valeur morale de la demande de son client ;

ii. Partisannerie envers son client ; défense de ses droits avec hyper zeal sur la forme, mais mere zeal sur le fond.

iii. Non-responsabilité morale pour la valeur morale de la demande de son client : lorsque je travaille comme avocat, je ne travaille pas en mon nom personnel.

b. Contre-exemple : Stockwell Day qui affirme que l’avocat d’un prédateur sexuel juvénile pourrait bien être enclin à consommer de la pornographie juvénile ; l’avocat poursuit SD en diffamation et gagne ; favorise la primauté du droit en :

i. Réitérant la présomption d’innocence et le droit à une défense juste et équitable.ii. Précisant le rôle de l’avocat comme celui d’un mandataire, pas d’un complice du client.

c. Critiques de la conception classique : (problème : elles prennent pour acquis que le vœu de tous les avocats est de faire avancer leurs valeurs personnelles, et ignorent le fait que c’est une valeur importante que de croire au droit à une représentation efficace – cf Marie Henein, l’avocat n’est pas un psychologue ou un travailleur social, il doit faire preuve d’un peu plus de sang-froid)

i. Aliénation morale de l’avocat : du point de vue personnel de l’avocat, la meilleure solution au litige n’est pas nécessairement la solution privilégiée par son client.

ii. Incompatibilité avec l’éthique de la vertu : l’avocat n’est plus libre de choisir ce qui est juste, il répond à des ordres = ne développe pas vraiment, en pratique, son identité professionnelle.

Luban, Legal Ethics and Human Dignity

Recherche d’une pratique « digne » ; rejet de la neutralité

Rôle premier de l’avocat : perpétuer la primauté du droit. Pourquoi c’est important ?o C’est une condition nécessaire au maintien des droits de la personne et de la dignité humaineo Stabilité, prévisibilité : les gens sont en confiance dans un état de droit.

Pourtant, le travail des avocats est vs dignité humaine, à cause de la manière dont il instrumentalise les avocatso D’une part, par la bureaucratie qui s’installe dans les cabinets (c’est nocif, on devient des robots)o D’autre part, par la neutralité partisane : les avocats ne réfléchissent pas au POURQUOI, mais seulement

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partisane au COMMENT (favoriser les intérêts de leurs clients). Je ne suis pas d’accord que c’est un manque de réflexion morale, au contraire, c’est signe d’une certaine forme de moralité : je crois en le droit à une représentation efficace, dans les limites du droit, et ce droit à la représentation est plus important que mes idéaux personnels dans le cadre de mon travail. Parallèle à faire avec le représentant d’une association politique : s’il fait passer ses opinions personnelles d’abord, l’intégrité du système est en danger.

Concession : si on rejette la neutralité partisane comme guide de conduite, alors comment « prendre des décisions moralement » ? Rachels fournit quelques pistes de réflexion, mais rien n’est coulé dans le béton.

Rachels, Introduction of Ethical Theory 2

Absence de consensus en philo morale (duh)

Utilitarisme : rechercher le « plus grand bien » (greatest good). Failles : théorie exigeante (il y a toujours de meilleures solutions), ne concorde pas toujours avec des principes de justice (ex. tuer pour réussir 5 greffes d’organes vitaux), ignore l’aspect humain

Intuitionnisme : agir selon des devoirs intuitifs (tenir ses promesses, retourner les faveurs, partager) Éthique de Kant : agis de telle manière que la maxime de ton action puisse devenir une loi universelle de la nature.

Selon Rachels, il y a beaucoup de préceptes impératifs rigides qui y sont associés. Théorie de la vertu : recherche de caractéristiques qui font une bonne personne (character)

Dare, The Standard Conception

Vision positive de la neutralité partisane; role-differentiation

Séparation de la personne qu’est l’avocat et de l’avocat lui-même : role-differentiation« The excuse is as good as the adversarial system itself » = dans la mesure où on croit en le système adversarial, la conception distincte du rôle de l’avocat et de l’homme est « bonne ».

Principe de la partisannerie (zealous partisanship) : la seule allégeance de l’avocat est envers son client (devoir fiduciaire)

o Faire preuve de zèle (Code international d’éthique juridique!)o Zèle modéré : les droits des clients sont défendus, pas les caprices.o Zèle excessif : TOUT ce qu’on peut gagner, on cherche à le gagner.o Compromis : défendre les droits du client avec zèle excessif (attitude)

Principe de neutralité (neutrality) : les valeurs personnelles de l’avocat ne doivent jamais affecter la vigueur avec laquelle il défend les intérêts de son client ; en ce sens, la cab-rank rule, applicable en UK, prend tout son sens.

Principe de la non-responsabilité (moral unaccountability) : la moralité des demandes du client n’est pas la moralité de l’avocat

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II. Conditions de la pratique professionnelle du droit (2-3)a. L’avocat est à la fois un « homme de bien » et un « homme d’affaires » : tension perpétuelle. b. À l’heure actuelle : centré sur une éthique du « capitalisme » (Aydoghu), l’élitisme (Susskind)

i. Compétition dès l’entrée dans une faculté de droit : énorme « production » d’avocats ambitieux vs diminution des offres d’emplois.

ii. Ironiquement, l’accès à la justice demeure une problématique bien vivante, parce que la majorité des gens qui vivent des problèmes juridiques n’ont pas les moyens de se payer un avocat.

iii. Priorité : profit, billable hoursiv. Système adversarial : chaque avocat veut ramasser celui de la partie adverse ; est-ce qu’il répond

vraiment mieux aux besoins de son client s’il réussit ?c. Mais on remarque un mouvement vers un retour à la pratique plus « humaine du droit, par la hausse de

médiation, justice participative, etc. (McFarlane) On remarque aussi une certaine démocratisation de l’information juridique appliquée, mais ça ne fait pas l’affaire des avocats qui tiennent au «  vieux modèle » pour des motivations pécuniaires (Susskind)

i. Recherche de méthodes alternatives de résolution de conflits : c’est la prémisse du nouveau code de procédure civile au Québec.

ii. Révolution technologique : les particuliers peuvent s’informer par eux-mêmes en ligne (ex. Éducaloi)d. Enfin, l’avocat qui a un poste prestigieux et qui fait de gros profits n’est pas nécessairement l’avocat le plus

heureux, bien au contraire (Rhode). Selon les études empiriques, les avocats les plus heureux sont ceux qui ont l’intention

Aydogdu, La Responsabilité sociale de l’avocat : une éthique du capitalisme ?Avocat homme de bien vs homme d’affaires

Tension historique : l’avocat comme « homme de bien » (travaillant pour protéger les droits des citoyens, sans intérêt marchand) vs l’avocat comme « homme d’affaires » (travaille pour un client qui va le payer !)

Historiquement, les avocats travaillaient en échange d’une contribution volontaire : ils étaient des « hommes de bien »

Au XXe siècle, cette conception s’effrite au profit d’intérêts capitalistes : l’avocat est un « homme d’affaires » Résultat : hypocrisie des cabinets d’avocats d’aujourd’hui

o « Protection de droits » en surface... pour attirer des clients (exemple de la page d’accueil de Goldwater

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Dubé)Rhode, The Conditions of Practice

Changements institutionnels/culturels nécessaires pour que les avocats soient heureux dans leur travail

Détérioration des conditions de travail de l’avocat : il faut améliorer la work-life balance. Compétition grandissante : entre étudiants, entre nouveaux avocats, entre firmes, entre avocats et professionnels

(ex. vs les comptables) Le travail juridique payant n’est pas nécessairement le travail juridique le plus intéressant (le droit des affaires,

c’est payant, mais c’est plate) Pression assortie aux billable hours  : moins l’avocat est disponible, moins le client ET le patron est content.

Résultat : semaines de 50-60 heures par semaine en moyenne aux US. Selon les sondages, les avocats sont malheureux : 60-70 % quitteraient leur carrière pour une autre. Les plus

malheureux sont les avocats des grandes firmes.o People are happiest when they feel they are being effective, exercising strenghts and virtues, meeting life’s

challenges, and contribution to socially valued ends that bring meaning and purpose (p 17)o Ce qui déçoit le plus : désillusion par rapport à l’image jet set projetée par la culture populaire ; système

adversarial compétitif, all work and no play makes you a valued employee ; priorité argent et statut, pas bien commun.

Suggestions de l’auteur pour des avocats plus heureux : besoin d’un changement de culture de travail (la norme de référence doit cesser d’être l’avocat tout feu tout flamme en Cour mais qui passe des nuits blanches chaque semaine et qui fait des crises de panique)

o Horaires de travail moins chargés (favoriserait l’embauche et la rétention) ; le problème des horaires trop chargés ne provient-il pas de la culture populaire (ex. Suits – série TV qui renvoie l’image qu’un avocat qui réussit est un avocat qui passe des nuits blanches et cache ses attaques de panique / parallèle à établir avec les memes de la Faculté de droit : quand on publie des memes d’étudiants qui travaillent trop et qui sont épuisés, on normalise ce genre de comportement)

o Augmentation du pro bono, plus valorisant (Expérience vécue : LICM)o Stratégies individuelles : choisir un emploi qui s’accorde avec ses valeurs (expérience vécue : Kéno)o Mettre en pratique nos prétentions : on dit que les avocats connaissant le plus de succès font preuve

d’une bonne work-life balance, et pourtant, ils travaillent 50 heures par semaine !o Stratégies éducatives : préparer les étudiants à la réalité du marché du travail.

MacFarlane, The New Lawyer

L’identité professionnelle des avocats doit être remise en question par le mouvement courant en faveur de la négociation, de la médiation et des arrangements à l’amiable.

Actuellement : système centré sur la confrontation (c’est la nature du système adversarial)

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Critique du système purement adversarial

Sources de l’identité professionnelle de l’avocat : pas seulement le code de déontologie

Évolution : vers un système centré sur la collaboration (ADR) Sources de valeurs : médias et culture populaire / éducation juridique / communautés de pratiques / expériences

personnelles (avoir pratiqué le droit permet une meilleure conception critique de l’ensemble du système) / mentors / codes de conduite professionnels, dont la prémisse est l’importance de favoriser la primauté du droit, l’intégrité du système de justice, et les intérêts de son client (p 42) MAIS :

o Ce sont des idéaux très généraux, qui peuvent être interprétés de différentes manièreso Minimisent l’importance du jugement personnel (on se concentre trop sur la règle à respecter)o S’adaptent mal à l’évolution de la pratique.o Bref : codes de déontologie font partie de l’identité professionnelle, mais n’en sont pas la pierre

angulaire.Susskind, Tomorrow’s Lawyers : An introduction to your future

Avocat homme d’affaires vs avocat pour la justice

Résistance des avocats à la démocratisation des services juridiques, justifiée par des intérêts pécuniaires. Réalité de la profession : disponibilité croissante de services juridiques « routiniers » (ex. modèle de contrat

d’embauche, modèle de projet de divorce) ; la révolution technologique y participe grandement. Les avocats sont fachés parce que the cost of legal service comes down, the price becomes more certain, the time

taken to complete work reduces, and the quality – surprisingly for some – goes up (the collective expertise of many professionals invariably outclasses even the most talented bespoke performance) (p 28)

Selon Susskind, les avocats doivent work in the interests of society and not of lawyers. (p 164) ; a-t-on vrm besoin d’une profession juridique ? Le vieux modèle n’est pas accessible au grand public ! L’internet, lui, l’est !

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III. L’accès à la justice (5)a. Situation actuelle, simplifiée à outrance : les riches envahissent les tribunaux pour récupérer les

milliers/millions de dollars qu’ils se sont fait « voler » par leurs adversaires vs les pauvres, qui ont des problèmes de moindre « valeur », ne sont pas capables de se payer un avocat

i. C’est la loi de l’offre et la demande qui fixe le prix des services juridiques, comme le modèle dominant est un modèle d’affaires.

ii. Les populations plus pauvres et marginalisées deviennent de plus en plus vulnérables aux problèmes juridiques auxquels elles pourraient éventuellement faire face.

iii. Multiplication des problèmes : violence conjugale = divorce = pension alimentaire = droit administratif, etc

iv. Intersectionnalité des problèmes : juridiques, psychologiques, sociaux, etc.v. Le système juridique est bureaucratique (expérience personnelle : comment divorcer ? – LICM)

b. Pas d’obligations positives, mais l’accès à la justice est une notion invoquée dans le préambule du CDAQ et dans le CTDP :

i. 4.1-1 CTDP comm 2.ii. Préambule no 2 CDAQ.

c. Solutions : un enjeu politique en constante évolution ! i. Développer une meilleure culture d’assistance aux parties qui se représentent elles-mêmes.

ii. Simplifier les procédures judiciaires.iii. Créer des centres de justice multi-services.iv. ***Encourager le travail pro bono ; obligatoire ? Pas pour l’instant : cf article de Woolley.

AG Canada c Christie, 2007, CSC

Accès à la justice =/= principe constitutionnel

- C fournit seulement services aux plus démunis

- Taxe de 7 % sur les services juridiques : ses clients ne peuvent plus le payer !

- C dit que c’est une entrave à

- Argument par analogie : BCGEU c CB – piquets de grève devant un tribunal limitent l’accès aux tribunaux ; taxe = piquet de grève. REJETÉ.- Argument subsidiaire : Droit à l’assistance d’un avocat = corolaire de la

- Pas de droit constitutionnel général à l’assistance d’un avocat devant un tribunal.- Situations spécifiques où l’accès à un avocat est garanti :* Défense criminelle (10b Charte)

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général un principe constitutionnel : l’accès à la justice.

primauté du droit. REJETÉ : les corolaires de la primauté du droit sont recensés dans Re Droits linguistiques Manitoba – quoiqu’ils ne soient pas exclusifs.- Rien dans la Constitution formelle ou substantielle n’indique le droit général à l’assistance d’un avocat.- Seul droit : défense criminelle (10b) Charte )

* Cas par cas : NB c G, 1999

Rapport du Forum Canadien sur l’accès à la justice civile et familiale

Exemples : problèmes et solutions p/r à l’accès à la justice

Étude des lacunes actuelles du système de justice en matière d’accès à la justice, et propositions de solutions concrètes (n’empêche, ça reste un papier théorique)- Quelques lacunes :

o Beaucoup de cas : Près de 12 M Canadiens connaitront au moins un problème juridique en trois ans / 40 % des mariages se terminent en divorce

o Multiplication des problèmes : violence conjugale = divorce = garde des enfants = problèmes psycho, etc.o Manque de financement : services d’aide juridique inadéquats (il faut être vrm pauvre pour y avoir accès)

- Quelques suggestions de solutions concrètes (beaucoup de principes directeurs peu utiles)o Services de « première ligne » : éducation juridique, triage, bénévolat, centres de justice communautaire. Plus

on règle nos problèmes loin du tribunal, moins ça coûte cher, plus c’est rapide.o Améliorer le financement de l’aide juridique.o Transformer les tribunaux en centres multiserviceso Centres de services multidisciplinaires

Woolley, Access to Justice

Accès à la justice  : problématique tenace, solution pro bono

Problématique bien vivante d’accès à la justice : la solution à privilégier serait d’encourager le travail pro bono, face à l’immobilisme des gouvernements successifs et à l’insuffisance des services d’aide juridique.- Christie : l’État n’a pas d’obligation constitutionnelle d’assurer l’accès à la justice ; les gouvernements connaissent

la problématique, mais ne sont pas pressés de s’y attaquer.- Aide juridique : une partie de la solution, mais ce n’est pas tout ; elle ne couvre pas tous les types de conflits

judiciaires, n’est pas disponible pour tous. Les avocats ne veulent pas y travailler pcq ça paye mal.- Pro bono : une autre solution concrète qui devrait gagner en importance ; doit-on le rendre obligatoire ?

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o Arguments favorables : les avocats ont le monopole des services juridiques : pro bono serait le prix à payer (give back) ; améliorerait la légitimité du système juridique, le bonheur, la compétence des avocats.

o Arguments défavorables : autonomie des avocats ; c’est exigeant, et les avocats travaillent déjà trop ; injuste pour les firmes qui ont moins de ressources ; ultimement, ça augmenterait le coût des services juridiques ; contradiction logique, pro bono = volontaire, pas obligatoire ; pourquoi le bénévolat juridique serait plus important que le bénévolat ailleurs ?

- Compromis : ENCOURAGER le travail pro bono ; en accord avec la mission du Barreau (servir l’intérêt public)The Cost of Uncertainty : Navigating the Boundary bw Legal Info and Legal Services...

Crise d’accès à la justice au Canada : échec du système de justice à s’adapter aux besoins de personnes à faible revenu, issues de minorités linguistiques, avec déficiences, marginalisées, etc.

Étude de cas : programme d’assistance aux réfugiés de l’uOttawa ; une solution à l’accès à la justice freinée par le monopole du Barreau quant aux services juridiques – illustration du fait que le manque de clarté quant à la limite entre l’information et le service juridique décourage les initiatives indépendantes pour améliorer l’accès à la justice : it is ironic to imagine an under-resourced NGO incurring significant legal expenses in order to defend a project aimed at making justice more accessible (23)

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IV. L’autorégulation de la profession d’avocat : introduction générale (4)a. Modèle canadien : les ordres professionnels de juristes filtrent l’offre de services juridiques (elles en ont le

monopole), en règlementant notamment :i. L’éducation permettant d’accéder à la profession

ii. La conduite des avocats ; les mesures disciplinairesiii. L’assurance-responsabilité civile

b. Pourquoi l’autorégulation :i. Théorie du contrat social : l’État concède le monopole des services juridiques aux avocats (pour s’assurer

que les avocats soient indépendants de la pression de l’État lorsqu’ils réalisent leur travail), et en contrepartie, les avocats doivent s’assurer de fournir des services de qualité.

ii. Seuls les avocats connaissent les besoins particuliers de la profession juridique.iii. Internalisation des coûts.

Woolley et al, The Legal Profession and Lawyer Regulation in Canada

Essai sur les principaux mécanismes d’autorégulation de la profession d’avocat- Concept de base : résultat d’un contrat social en vertu duquel l’État confère aux avocats une entité indépendante en

échange de quoi ces avocats ont le mandat de veiller à la qualité du service qu’ils offrent au public. L’indépendance se justifie par le besoin de privilégier les services au client, sans pression extérieure, sans enligner son travail selon l’idéologie de l’État. (critiqué : c’est un argument rhétorique, une façon de donner un air plus noble à la profession – not so much, si l’État était responsable de sanctionner la conduite des avocats, on peut douter que ceux-ci se sentiraient autant en confiance ; est-ce la raison pour laquelle le standard de révision judiciaire est celui du caractère raisonnable, et non pas de l’exactitude ? ) + les professionnels sont les mieux placés pour comprendre les besoins de leur milieu (critiqué : c’est un argument circulaire – ex. Parizeau ; le tribunal des professions renverse un jugement du comité des requêtes, or le tribunal des professions n’est pas formé d’avocats) + c’est une façon d’internaliser les coûts de l’administration de ces mécanismes, comme les avocats sont ceux qui payent (critiqué : au final, c’est le client qui paye)

- Système d’éducation : 1. Admission (compétitive) à l’Université, Faculté de droit – différentes approches à travers le Canada 2. École du Barreau et examen final 3. Stage obligatoire, vestige de la période historique où les futurs avocats étaient en fait des apprentis 4. Exigence de bonne moralité (concept vague, mais pour y satisfaire, il faut répondre à un questionnaire – il faut vraiment être épais pour échouer parce que c’est une forme d’auto-dénonciation)

- Système disciplinaire : Code de conduite professionnelle (à la fois idéologique et concret) – critiqués parce que l’éthique demeure pour plusieurs une question de choix personnel / code = instrument inefficace, trop vague, mal

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appliqué / peu d’avocats s’y réfèrent vraiment pour résoudre les dilemmes auxquels ils sont confrontés. Justification pour les sanctions : effet déterrent, PAS punition – on sanctionne parce que l’avocat s’est comporté de manière à porter préjudice à l’intégrité du système de justice, à diminuer la confiance du public.

- Procédure disciplinaire : 1. Plainte 2. Enquête 3. Audition 4. Sanction et possibilités d’appels- L’avocat peut aussi être poursuivi en OC ou OEC (ex. Roberge c Bolduc)

Finney c Barreau du Québec, 2004, CSC

Immunité du Barreau du Québec pour les poursuites encourues contre des actes accomplis de BONNE FOI (= sans insouciance)

- F victime de nombreux actes « d’intimidation judiciaire » par Belhassen (abus de procédures, 17 chefs d’accusation criminels liés à sa pratique, menaces auprès de l’avocat de F)

- F dépose de nombreuses plaintes, les réitère, tarde énormément à recevoir une réponse.

- Allègue que B a fait preuve de négligence : victime d’un préjudice moral + économique, à cause des frais d’avocat qu’elle a encouru contre le « cirque » de Belhassen.

- Applicabilité de 1457 CcQ selon 1376 CcQ : les règles du livre sur les obligations s’appliquent aux personnes morales de droit public, sous réserves des autres règles de droit applicables.

- Immunité selon 193 Code des professions : interdiction des poursuites contre ordres professionnels pour actes accomplis de bonne foi – n’est PAS une immunité totale. Objectif de l’immunité : le Barreau doit avoir la conscience tranquille quand il accomplit sa mission.

- Présomption de bonne foi (2805 CCQ) REPOUSSÉE : le Barreau a fait preuve d’INSOUCIANCE – la norme de faute n’est pas une norme de mens rea subjective – sinon ce serait contraire à l’objectif fondamental de protection du public.

- Para 42 : Négligence + indifférence du Barreau.

Fondement de l’autorégulation de la profession juridique par le Barreau : protéger le public, PAS la profession !

Immunité RELATIVE du Barreau par rapport aux actes qu’il accomplit de bonne foi : si le Barreau fait preuve d’insouciance et de négligence, il peut être obligé de compenser des victimes.

Exemple d’insouciance négligente : longue absence de réaction à une plainte par rapport au comportement dangereux (prouvé) d’un membre.

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Parizeau c Barreau du Québec, 2001, QCCA

Standards de révision des décisions de comités de discipline du Barreau

- P suspendue du Barreau pour 5 ans – après quoi elle demande à être réinscrite au tableau de l’ordre par application de l’art 70 Loi sur le barreau.

- Comité des requêtes : pcq P ne montre pas de remords p/r à ses fautes passées, on lui refuse la réinscription.

- TP : Ce qui compte, c’est la « bonne moralité » ACTUELLE, pas passée ; révision selon le standard de correctness.

- CSQ : applique la norme de correctness pour renverser le jugement du TP ; on trouve que c’était pertinent de référer au passé.

- Objectif du tribunal des professions : tribunal administratif général d’appel ayant le pouvoir de renverser l’interprétation des FAITS. (art 192 Code des professions) – para 43 ; critère de l’exactitude.

- La décision du tribunal était RAISONNABLE – pourtant la CSQ est allée trop loin en appliquant le même standard que celui du tribunal des professions, alors qu’en sa qualité de tribunal judiciaire, elle n’avait que compétence pour valider le caractère raisonnable de la décision sur le plan JURIDIQUE, pas sur le plan de l’appréciation des FAITS ; critère du caractère raisonnable.

- Ce que le TP a jugé, c’est que le CR avait un parti pris vs P – il n’appartenait pas à la CSQ de commenter cette appréciation factuelle, en l’absence d’erreur de droit.

- Processus disciplinaire : une audience pour réinscription au tableau de l'ordre n’est pas une nouvelle étude des raisons pour lesquelles l’avocat a été radié. Ce qui compte, c’est la «   bonne moralité   » actuelle de l’avocat.

- Tribunal des professions : pouvoir de révision de l’appréciation des FAITS (correctness standard)

- Cours d’appel : pouvoir de révision de l’appréciation du DROIT (reasonableness standard)

- Pourquoi cette distinction entre le pouvoir de révision du TP et des Cours d’appel ? Suggestions :

o Les juges ne sont pas aussi spécialisés que les décideux administratifs

o Ce n’est pas le rôle de l’État de sanctionner les avocats – cf Woolley

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V. L’autorégulation de la profession d’avocat : l’éducation et l’admission au barreau (4)a. Processus d’admission au Barreau :

i. Faculté de droitii. École du Barreau

iii. Stage obligatoireiv. Examen du Barreau + Exigence de bonne moralité (Burgess)

Bhaba, Towards a Pedagogy of Diversity in Legal Education

Critique de l’approche monolithique en Faculté de droit

L’approche monolithique de l’étude du droit dans les différentes Facultés ne fournit pas aux étudiants le contexte nécessaire pour comprendre l’aspect « humain » de leur curriculum ; dévaluation de l’expérience personnelle comme instrument de réflexion- Manque de diversité ; pas assez d’efforts pour que les cohortes étudiantes et les programmes d’études reflètent la

diversité culturelle de la sociétéo Moyen privilégié 1 : Admettre plus d’étudiants issus de minorités ; mais ce n’est pas encore assez + ça crée

une ghettoïsation, comme les expériences personnelles de ces étudiants ne sont pas « utiles » pour critiquer le raisonnement juridique traditionnel.

o Moyen privilégié 2 : Créer des cours optionnels ayant pour thème le droit et les minorités ; mais ça renvoie le message que les minorités sont moins importante que la majorité

- Manque de contexte en étude de cas, ex : Spaulding v Zimmerman- Augmenter diversité substantielle = augmenter la constitution d’une identité professionnelle personnalisée

Nicholson and Webb, Making Lawyers Moral ? Ethical Codes and Moral Character

Critique des codes de conduite professionnelle

Les Codes de conduite professionnelle ne sont pas des outils suffisants pour guider le jugement moral des avocats.- Ils évacuent le jugement personnel au profit de l’application de règles strictes.- Ils créent l’impression que si la situation à laquelle l’avocat est confrontée n’est pas régie par le Code, alors ce n’est pas

un dilemme éthique, alors peu importe la décision qu’il prend, les conséquences seront négligeables sur le plan moral.- La menace de sanction n’est pas suffisante pour effrayer l’avocat qui veut prendre une décision qu’on pourrait qualifier

de douteuse sur le plan éthique, surtout lorsque cette décision risque de passer inaperçue pour le public.- Solution : un code « contextuel », i-e une liste de facteurs qui devraient être pris en considération par l’avocat qui est

confronté à un dilemme éthique ; il lui appartiendrait alors de mettre ces facteurs en balance.o Problème subsistant : sans menace de sanction, il demeurera probablement des avocats entêtés qui

dépasseront les bornes de la civilité, et qui, par leur comportement, inciteront le justiciable à perdre confiance en le système de justice. Ex : Belhassen dans Finney c Barreau du Québec.

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LSUC v Burgess, 2006, LSUCHP

Exigence de bonne moralité

- UofT : B commet deux infractions de plagiat.

- Test de bonne moralité : déclare seulement le moins pire, celui d’auto-plagiat.

- Ment de manière persistante, au Barreau et aux gens qui lui fournissent des références.

- Exigence de bonne moralité, art 27 Law Society Act : Good character is that combination of qualities or features distinguishing one person from another. Good character connotes moral or ethical strenght, distinguishable as an amalgam of virtuous attributes or traits which would include, among others, integrity, candour, empathy and honesty.- Problème en l’espèce : pas le plagiat, mais le mensonge persistant.- Il faudra attendre une certaine période pour que B soit admise (ex. 3 ans, supporté par expertise psych, dans Peyra v LSUC)

Exigence de bonne moralité : très vague, mais en gros, ça veut dire « ne mens pas »

Si mensonge : admission possible seulement après un certain laps de temps, et potentiellement expertise psych.

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VI. L’autorégulation de la profession d’avocat : les normes de conduite (6-10)- Code type de déontologie professionnelle : modèle de code de déontologie produit par la Fédération des juristes

professionnels du Canada ; son contenu est essentiellement le même que celui des codes de déontologie provinciaux, à quelques exceptions près.

o Raison pour laquelle les codes de déontologie sont émis par les provinces : l’administration de la justice est une compétence provinciale – les barreaux sont créés par des lois provinciales (ex. Loi sur le barreau du Québec)

o Approche à la fois idéaliste, fondée sur des principes d’éthique, ET directrice (règles de droit assorties de sanctions pour non respect)

Préface : ce code se présente comme un mécanisme d’autorégulation de la profession juridique, laquelle fait l’objet d’un monopole indépendant, au nom de la primauté du droit (Woolley et al, chap 2).

Commentaire : a +/- valeur de jurisprudence. Pour le code de déontologie québécois, ce serait en fait la jurisprudence qui constituerait le commentaire.

Fil conducteur : maintien de l’intégrité de la profession (2.1 CTDP), i-e maintien de la relation de confiance entre le public et les avocats. C’est dire que la conduite professionnelle doit projeter une image positive de la profession. Le cas de la conduite qui sort du cadre de la pratique (ex. Anne-France Goldwater et ses commentaires sur les hommes qui ne servent à rien) ne font généralement pas l’objet de sanctions, quoique le CTDP est relativement vague là-dessus. NB : Dire à un juge que « les insultes suivantes sont à titre strictement personnel » n’est pas suffisant (Doré c Barreau du Québec)

o Question à réflexion : le simple fait de respecter le code d’éthique permet-il d’affirmer que je suis un avocat aux pratiques éthiques ? Cf Nicholson & Webb : la stricte référence à un code de déontologie nuit à la formation d’une identité professionnelle personnelle.

a. La relation privilégiée entre l’avocat et le client (6-7)Woolley, The Lawyer-Client Relationship (chapt 3)

Étude des divers facteurs éthiques déterminant la relation entre l’avocat et le client (sélection du client, écoute/conseils/droit de retrait) – l’avocat doit prendre en considération plusieurs facteurs avant d’accepter un mandat de représentation, mais à partir du moment où il accepte, il devrait respecter sa promesse en faisant

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Facteurs influençant la représentation d’un client par un avocat – exercice discrétionnaire moral

preuve de compétence.1. Sélection des clients : devoir d’éviter les conflits de valeur pouvant limiter la compétence de l’avocat

a. Droit discrétionnaire de refuser : permet d’éviter des conflits de valeurs prima facieb. Obligation de refuser dans certaines situations (conflits d’intérêt, témoins au cas du client, incompétence,

demande frivole)c. Protection vs discrimination des clients : art 15 Charte D&L – ATTENTION, situations difficiles, ex. avocat

ne veut pas représenter un religieux ultraconservateur dans un cas de hate speech = discriminatoire ?i. Règle du conflit de valeurs (p 49) = solution au dilemme.

ii. Devoir de compétence = 2e solution possible (je ne suis pas à l’aise, je ne crois pas à la cause, donc je ne vais pas faire un bon travail)

d. Pour un avocat pour qui la cause associée au client est importante, peut-être qu’il serait préférable de choisir de travailler à son propre compte (choix des clients au cas par cas) plutôt que dans un environnement professionnel (ex. in-house counsel ou grande firme – où l’avocat n’a pas le choix de prendre ce qui passe)

e. Cab-rank rule  : dans certaines juridictions (ex. UK), il y a moyen de la contourner, ex. par l’imposition de frais ou la spécialisation. Avantages de la cab-rank rule  : empêche les avocats de rejeter des clients pour des motifs douteux, même discriminatoires.

f. Avantages, sur le plan moral, de la capacité d’un avocat à choisir ses clients : 1. Se sentir « en paix » sur le plan moral et 2. Augmenter la qualité du service offert (cf solutions au problème de la discrimination)

2. Stratégie dans le cas d’un litige : devoir général de collaborationa. Certaines décisions doivent ABSOLUMENT être prises en consultant le client (brimer un de ses droits,

divulguer de l’info confid, plea deal, offre de règlement hors cours)b. Mais les autres peuvent être prises par l’avocat, sans consulter le client (appel de témoins, interrogatoires,

etc) – Spaulding v Zimmerman  : à quel point l’avocat devrait-il pouvoir prendre des décisions sans consulter son client ?

c. Woolley n’est pas d’accord : pp 57-58 ; we shouldn’t cling to the position that lawyers know best (paternalisme) – c’est une question de dignité

3. Conseils/avis juridiques aux clients : doivent être fondés sur le droit ; faire preuve d’empathie, mais sans fournir de thérapie

a. Codes de déontologie : JAMAIS encourager la malhonnêteté, la fraude, le crime, l’illégalité – mais c’est possible de donner de l’info, par exemple, sur les sanction pénales applicables à une infraction X (p 62), sous réserve d’un devoir de diligence ; il FAUT encourager les règlements à l’amiable (justice participative

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– p 60)b. Conseils « moraux » : ça vaut la peine de faire preuve de franchise et de délicatesse, mais il faut faire

attention à ce que les clients ne prennent pas les conseils « moraux » pour des conseils juridiques. Vs Marie Henein « I’m not your fucking therapist »

4. Rétractation du mandat : seulement pour un motif raisonnable (CTDP 3.7-1)a. Règles générales : voir art 48 et 49 Code de déontologie Qc.b. Règles spécifiques au contexte criminel : il faut demander à la Cour, qui va souvent refuser si la cause est

non-paiement des honoraires ou qu’il y a un risque de préjudice. Mais la Cour va accepter « pour des raisons éthiques » (non divulguées en raison du devoir de confidentialité)

Proulx & Layton, Choosing and Refusing Clients (chapt 2)

Justifications à une représentation (ou pas) d’un client par un avocat – exercice discrétionnaire

Le droit (discrétionnaire) de refuser un client fournit la latitude nécessaire pour répondre aux critiques contre un avocat qui choisit un client impopulaire, ou encore qui refuse un client populaire.

1. Motifs codifiés qui devraient guider l’exercice de la discrétion de l’avocat dans la sélection d’un client : a. Conflit d’intérêtb. L’avocat pourrait être un témoin de l’affairec. Manque de compétence de l’avocatd. Le client est présentement représenté par un autre avocate. Le client formule des demandes illégales ou abusives

2. Limites à l’exercice de la discrétion de l’avocat quant à la sélection ou au renvoi d’un client :a. Ordonnances des tribunaux (ex. l’avocat a tenté de renvoyer son client pour une raison autre que celles qui

se trouvent ci-dessus = le tribunal refuse)b. Charte canadienne des droits et libertés : art 15 (discrimination)

3. Justifications à une décision d’un avocat de représenter un client impopulairea. Tout le monde a droit à un procès juste et équitable (surtout dans un contexte criminel – art 11 Charte

D&L)b. Cab-rank rule dans certaines juridictions (ex. UK)c. Freedom of choice (USA) : un avocat peut toujours refuser, sauf s’il est le « last lawyer in town »

4. Impacts de la discrétion de l’avocat dans la sélection des clients :a. Peut-on vraiment affirmer que les avocats font preuve de « neutralité » dans la représentation d’un client

qu’ils ont pu choisir, entre autres, selon leurs valeurs morales ? Cf art 4.1-1 comm 4 CTDP : « D’une façon générale, il ne refuse pas ses services au seul motif que la personne qui le sollicite ou que la cause qu’elle défend est impopulaire ou de notoriété publique, que des intérêts puissants ou des accusations

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d’inconduite ou de méfait son en cause, ni encore qu’il s’est fait une opinion sur la culpabilité de l’accusé. »b. Dans la même perspective : les avocats devraient se servir de ce pouvoir discrétionnaire pour refuser de

représenter des clients dont les demandes s’opposent à leurs valeurs morales, du fait qu’ils ne seraient alors pas aptes à leur garantir des services de qualité.

c. Risque que les avocats soient influencés par l’opinion publique ou d’autres facteurs qui n’ont pas rapport avec leur compétence dans la sélection d’un client (ex. Marie Henein – le fait que Ghomeshi soit la proie des médias a eu une influence négative dans son choix de le représenter)

5. Lorsqu’un avocat met fin à un mandat de représentation, il doit...a. En informer clairement son client.b. Aider son client à trouver un autre avocat.c. Retourner tout document et information pertinents au client.d. Respecter son devoir de confidentialité (qui lui, continue d’exister même après le terme du mandat)

i. Art 1.1 CTDP/3 CDAQ : Définition du CLIENT comme ... personne qui a) consulte un juriste et pour le compte de qui le juriste rend ou accepte de rendre des services juridiques; ou b) après avoir consulté un juriste, conclut raisonnablement que le juriste a accepté de rendre des services juridiques en son nom. Cela comprend un client d’un cabinet juridique où le juriste est un partenaire ou un associé dudit cabinet juridique, peu importe que le juriste traite les affaires juridiques du client ou non. ATTENTION – COMMENTAIRE :

1. Une relation entre un juriste et client peut être établie sans formalités.2. Une personne qui consulte un juriste en tant que représentant n’est pas le client ; le client, c’est la

société/senc/organisme/personne morale représentée.3. Un « quasi-client » n’est pas un client. Exemples : entité affiliée, administrateur, actionnaire,

employé, membre de la famille – à moins de preuve matérielle qui démontre qu’on s’attendait raisonnablement à ce qu’une relation avocat-client soit établie.

4. C’est donc la perspective du client raisonnable qui détermine si une relation a été conclue ou non.ii. Choix du client : c’est plutôt le client qui choisit l’avocat...

1. Règle générale, lawyers should be slow to refuse a client.

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2. Art 24 CDAQ : L’avocat doit respecter le droit du client (éventuel) de choisir son avocat 3. Art 25 CDAQ : L’avocat doit reconnaître le droit du client de consulter un autre avocat.4. Art 33 CDAQ : Mais l’avocat a aussi le droit de refuser d’agir pour un client, sous réserve des

ses obligations déonotologiques5. Art 4.1-1 CTDP, comm 4 : le droit de refuser d’agir pour un client doit être exercé avec prudence,

tout particulièrement si, de ce refus, il deviendrait difficile pour le client d’obtenir un avis ou une représentation juridique. On ne peut pas refuser un client pour des motifs personnels du (cf Woolley : avoir une opinion pré faite sur la culpabilité, impopularité de la cause, etc)

iii. Circonscription du mandat de l’avocat1. Art 23 CDAQ : l’avocat agit toujours dans le meilleur intérêt du client, dans le respect des

règles de droit, et de manière à établir et à maintenir une relation de confiance mutuelle.2. Art 27 CDAQ : l’avocat agit en vertu du mandat qui lui est confié par le client . Il peut aussi agir

dans le cadre d’un mandat qui lui est confié par un autre avocat pour un client – dans ce cas, le client de l’autre avocat est aussi considéré comme son client.

3. Art 28 CDAQ : l’avocat et le client déterminent ensemble l’étendue du mandat qui lui est confié. 4. Art 29 CDAQ : l’avocat tient compte des limites de sa compétence dans la détermination de

l’étendue du mandat avec son client. Il peut demander le consentement de son client à obtenir de l’assistance (ex. un autre avocat va m’aider)

iv. Mandat à portée limitée :1. Art 31 CDAQ/3.2-1A CTDP : obligation de le mettre par écrit, pour que ce soit clair.2. Selon le Barreau de Montréal, le mandat à portée limitée est un moyen de favoriser l’accès à la

justice puisqu’il coute moins cher qu’un mandat complet (ex. partie litige seulement associée au divorce, mais pas préparation des documents)

v. Fin du mandat de l’avocat (à part lorsque la mission confiée à l’avocat est venue à terme, ex. fin du procès)

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1. 3.7-1 CTDP : n’est possible que pour « des motifs valables » et « après en avoir convenablement avisé le client ».

a. Commentaire : un avocat ne pourrait pas, par exemple, abandonner son client à une étape critique du processus judiciaire auquel il est confronté (ex. quelques jours avant son audience, quand c’est un accusé au criminel)

2. Art 48 CDAQ/3.7-2 à 3.7-6 CTDP : droit de se rétracter d’un mandat dans des situations codifiées

a. Perte du lien de confiance entre l’avocat et le client.i. Exemples : le client n’est pas joignable, ignore les instructions, se fout de l’avocat...

b. Malhonnêteté du client, défaut de collaboration, client qui agit sans tenir compte de l’avis de l’avocat.

c. Refus de payer des honoraires professionnels.i. ATTENTION : Le devoir de confidentialité commande à l’avocat de ne PAS révéler de

raisons précises pour lesquelles il souhaite abandonner son client. Devant un tribunal, par exemple, il devrait dire quelque chose comme « il y a érosion de confiance et manque de communication » pour dénoncer le fait que son client ne le paye pas.

d. Situation de conflit d’intérêts (* obligatoire selon le CTDP)e. Substitution d’avocats : autorisation du tribunal nécessaire dans le cas d’un mandat de

défense criminelle (3.7-6 CTDP)3. Art 49 CDAQ  : obligation de se rétracter d’un mandat dans des situations codifiées

a. Client révoque son mandat – lien avec le droit du client de choisir, art. 24b. Client agit illégalement malgré les avis de l’avocatc. Avocat manque de compétence – lien avec le devoir de compétence, art 3.1 CTDPd. Client insiste sur des procédures abusivese. CTDP : demande du client est frivole

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f. CTDP : demande du client est déraisonnable4. Art 52 CDAQ : obligations de l’avocat lorsqu’il abandonne un client pour un motif codifié /

3.7-4 CTDP : obligations spécifiques au contexte de la défense criminelle...a. Remettre tous les documents auxquels le client a droit.b. Remettre tous les renseignements dont il dispose relativement au mandat.c. Remettre les avancesd. Informer le client des honoraires impayése. Efforts raisonnables pour faciliter le transfert de dossier

vi. Mise en situation : You have a small general practice. You meet with the friend of a person who suffered paralysis following an operation, and who wants to know if there are grounds for an action in medical malpractice. Following an hour-long interview, and a review of the medical records, you explain to the friend that in your opinion there are no grounds for the action against the doctor or the hospital, and you say goodbye. A year later you are sued by the injured person for negligence in the performance of legal services, because another lawyer says there were grounds and the limitation period has passed. Is there a lawyer-client relationship?

1. Problème 1 : la personne qui a consulté l’avocat était-elle un « quasi-client », puisque c’était l’ami du client potentiel, et non pas le client potentiel lui-même (commentaire no 3 art 1.1 CTDP) ? La consultation pour le compte d’autrui est très fréquente : il faut savoir s’il s’agit d’une « relation de mandat ».

2. Problème 2 : l’avocat consulté n’avait pas nécessairement tous les faits de l’affaire à sa disposition. Il a passé une heure avec l’ami du client potentiel, alors que l’autre avocat, qui le poursuit maintenant au nom du client, a peut-être eu accès à plus d’information qui lui a permis de conclure à la négligence de la part du médecin.

3. Problème 3 : l’avocat consulté avait-il l’expertise nécessaire pour fournir une opinion informée, en conformité avec le devoir de compétence (3.1-1 CTDP) – ou aurait-il dû référer l’ami à un autre avocat, plus spécialisé en la matière ?

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a. Pour pallier au manque de compétence des avocats pour une partie d’une affaire, il est possible de conclure un mandat à portée limitée: cela doit être précisé par écrit dans le contrat de services (3.2-1A CTDP)

b. Devoirs professionnels générauxi. Devoir de compétence : 3.1-1 CTDP / art 21 CDAQ ; Obligation de développer et de tenir à jour ses

connaissances et ses habiletés professionnelles, d’avertir le client lorsqu’il croit ne pas pouvoir fournir un service de qualité.

1. Corolaire : obligation de fournir des services de qualité (22 CDAQ)2. Commentaires 4-5 3.1-2 CTDP : si l’avocat doute de sa compétence, il ne doit pas accepter le

mandat ; cela dit, il est possible qu’il réfère à un avocat d’expertise.3. 3.2-7 : Jamais l’avocat ne doit favoriser ou faciliter sciemment la fraude, la malhonnêteté, le

crime ou la conduite illégale.4. Relation avec le droit du client de choisir son avocat / le droit de l’avocat de refuser un

client.5. Ce n’est pas un standard de perfection, mais plutôt du caractère raisonnable de l’acceptation du

mandat. L’avocat n’a pas à être un expert en la matière qui lui est confiée par son client, mais il doit être en mesure de dire qu’il sera capable de faire le travail.

6. Autrement dit, on n’accepte pas un cas simplement parce qu’on a besoin d’argent.ii. Devoir de franchise et d’honnêteté : art 37 CDAQ / 3.2-2 CTDP

1. Corolaire du devoir de loyauté : R c Neiliii. Devoir de ne pas charger des honoraires injustes ou déraisonnables, n’ayant pas été annoncés au

client dans un délai raisonnable : 3.6-1 CTDP, art 101 CDAQ1. 102 CDAQ : Facteurs déterminant les honoraires – norme générale de proportionnalité2. 103-104 CDAQ + Proulx&Layton : obligation d’écrit.

iv. Devoirs relatifs à la commercialisation des services professionnels :

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1. 4.1-2 CTDP / 8 CDAQ : Éviter d’offrir des services par (a) moyen faux ou trompeur (b) corecition/harcèlement (c) exploitation d’une personne vulnérable (d) de manière à discréditer l’administration de la justice.

2. 4.2-1 CTDP / 10 CDAQ : exigence d’honnêteté quant à la qualité du service offert dans la publicité. Exemples de malhonnêteté au commentaire 1 : « Je suis supérieur », « Je suis un combattant », « Les autres sont nuls », « Telle personne me recommande ! »

c. Le devoir de confidentialité et le privilège du secret professionnel (8)i. Distinction préliminaire (source : Canadian Bar Association) :

1. Devoir de confidentialité : devoir négatif codifié, correspond à l’obligation de ne pas révéler d’information obtenue dans le cadre du mandat de l’avocat pour un client, peu importe la source de cette information.

2. Privilège du secret professionnel : droit du client que toutes ses communications envers son avocat restent PRIVÉES, sauf exceptions codifiées / étudiées dans la jurisprudence.

ii. Introduction : Spaulding v Zimmerman ; le cas sur papier vs l’histoire complète

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Spaulding v Zimmerman, 1962, Minnesotta

Devoir de confidentiaité  : potentiel destructeur sur le plan moral

- S, mineur à l’époque, est victime d’un accident de voiture.

- S (son père – parce qu’il était mineur) poursuit Z (la compagnie d’assurance) pour obtenir paiement des frais médicaux.

- Un témoin expert de S examine la victime ; un témoin de Z l’examine aussi et découvre un aneurisme (danger de mort), ce que le témoin de S n’avait pas identifié.

- Règlement approuvé par le tribunal : 6000 $.

- Plusieurs années plus tard, on demande une révision du règlement, après que S ait été opéré pour l’aneurisme.

1. S tente de faire la preuve d’une omission frauduleuse par l’avocat de Z de l’aneurisme, au moment de la conclusion du règlement.

2. REJETÉ : l’information était privilégiée (témoin expert de Z travaillait pour le compte de Z, n’était pas le médecin de S) – c’est la nature du système adversarial que de garder des éléments de preuve à son avantage pour soi.

3. Il était de la responsabilité de l’avocat de S de demander une copie du rapport du témoin expert de Z, mais cet avocat ne l’a pas fait.

4. PAR CONTRE, comme S était mineur au moment de conclure le règlement hors-cour, la Cour accepte de rouvrir le dossier, du fait que les mineurs sont plus vulnérables aux règlements injustes.

- Devoir de confidentialité = corolaire du système adversarial, dans le cadre duquel chaque partie a son propre témoin expert qui fournit de l’information à son avocat, et cette info n’a PAS à être divulguée à l’autre partie (sujet aux règles de procédures, ex. si l’avocat de S avait demandé une copie du rapport, il l’aurait prob. Obtenue)- Beaucoup de réponses éthiques à cette histoire, qui se résument en une tension entre le devoir de confidentialité et l’obligation morale de venir en aide à une personne en danger.

- L’avocat de S était-il vraiment incompétent ou simplement inexpérimenté ? A-t-il choisi de ne pas demander de copie du rapport, pour ne pas avoir à divulguer le sien ?- Le témoin expert de S était-il compétent ? S ne pouvait-il pas se fier à son expertise ?- Le témoin expert de Z aurait-il dû, moralement, penser à révéler la présence de l’aneurysme ?

Floyd & Gallagher, The Story of David Spaulding, 2008

« Agir moralement » devrait parfois être priorisé par rapport à l’obéissance aux règles de droit/déontologie. Cf Webb, The good lawyer / Nicholson & Webb : jugement moral personnel vs codes de déontologie. Une histoire comme celle de David Spaulding (comprise dans son contexte, pas seulement dans le cadre des faits résumés dans le jugement), illustre cette thèse : la vie d’un MINEUR a été mise en GRAVE danger en raison (notamment) de l’entêtement d’un avocat à respecter son devoir de confidentialité envers son client.

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Tension  : obligations professionnelles vs obligations morales personnelles, dans un contexte extrême (vie d’un enfant mise en danger – et on ne peut pas le soigner - entre autres par application du devoir de confidentialité)

- Le devoir de confidentialité de l’avocat ne peut pas, en droit, être brisé simplement pour protéger un tiers d’un danger. Spaulding a failli mourir entre autres parce que l’avocat de la partie adverse avait l’obligation de maintenir confidentielle une information cruciale quant à sa vie.

- Ce genre d’histoire devrait au moins avoir une certaine influence sur la « personnalité professionnelle » (professionnal identity / character), faire réfléchir les avocats dans des situations de dilemmes similaires.

- Des obligations éthiques/morales ne se rapportent pas simplement à des « règles » : ce sont des idéaux.- Histoire complète de David Spaulding – qui ne peut pas être comprise simplement en lisant l’arrêt

o Famille de S pauvre MAIS ne voulait pas initialement poursuivre leur ami Z : ils n’avaient simplement pas le choix de le faire s’ils voulaient être en mesure de payer les frais médicaux, d’autant plus que c’était l’assureur qui allait payer.

o S a appris qu’il était victime d’un aneurisme plusieurs années après l’affaire, lors d’un examen médical obligatoire pour rentrer dans l’armée.

o S a dû se faire opérer d’urgence (et l’opération a couté cher, d’où le litige de 1962) o L’opération l’a laissé avec une voix si faible qu’il a du abandonner son rêve de devenir enseignant.

- Problèmes avec la décision formelle selon les auteurs :o Fait complètement abstraction de « l’histoire » complète – les faits pertinents ne rendent pas compte des vies

qui ont été brisées par toute cette histoire (c’est probablement le cas de la plupart des litiges privés en fait)o La question du devoir de confidentialité n’est pas la seule à l’étude : que dire du manque de collaboration

entre l’avocat des défendeurs et les clients, i-e du fait que l’avocat de Z n’a jamais informé Z, mais seulement leur compagnie d’assurance, de l’existence de l’aneurisme ? Probablement que si Z avait été informé, il aurait accepté de divulguer l’information ! Que dire du manque de compétence de l’avocat de S ?

- Bottom line : la séparation rigide entre les règles de conduite professionnelle et les obligations morales personnelle est à la fois personnellement destructrice et moralement douteuse : est-ce là le résultat de la standard conception énoncée par Dare, et fondée sur la role-morality ? (NON, à mon avis, pour les raisons énoncées ci-dessous)

- Commentaire : attention, il ne faut pas entièrement rejeter la faute sur le devoir de confidentialité. Le témoin-expert choisi par S et l’avocat de S ont aussi une part de responsabilité – de même que S lui-même, qui avait le droit de demander des comptes à son avocat.

- Disccsusion et réflexions en classe : attention, si on ouvrait la porte au bris d’obligations déontologiques professionnelles codifiées comme le devoir de confidentialité pour des motifs moraux personnels, on mettrait l’intégrité du système de justice en péril – et cette intégrité est un principe FONDAMENTAL des règles de déontologie

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– cf Art 2 CTDP. Ce cas-ci frappe certes l’imaginaire parce que l’histoire est touchante et le risque pour S était extrême, mais il y a probablement beaucoup de cas où des avocats pourraient être mal à l’aise avec la connaissance

d’une information déterminante présentant un risque moins élevé pour un tiers. LA SOLUTION serait peut-être, comme il est suggéré par Floyd et Gallagher, d’obliger les avocats de collaborer davantage avec leurs clients (si l’avocat de Z ne s’était pas limité à consulter la compagnie d’assurance, Z aurait probablement consenti à briser la confidentialité) – cf Woolley, chap. 3 (absurde de permettre aux avocats de prendre certaines

décisions sans consulter leurs clients) Bref   : représentation zélée =/= uniquement l’avancement des intérêts pécuniaires du client, mais aussi, vérifier ses intérêts moraux.

Hutchinson, Being Confidential (chap. 7)

Devoir de confidentialité de l’avocat =/= absolu

Le devoir de confidentialité de l’avocat est une composante fondamentale du système de justice. Il ne s’agit toutefois pas d’un devoir absolu : il existe des situations où les avocats ont le droit, voire ont l’obligation, de ne pas le respecter.

1. Sources du devoir de confidentialité (général) de l’avocata. Le droit de la preuve : les communications entre l’avocat et son client, en préparation à un procès,

demeurent strictement confidentielles. Tout ce que le client dit à l’avocat ne peut pas être retenu contre lui. Exemple typique : un criminel se confie à un avocat avant de se confier à la police, l’avocat ne peut pas divulguer cette information à la police, sauf s’il juge que le criminel risque de récidiver (Smith v Jones). Mêmes les tiers consultés dans le contexte d’un litige sont protégés (exemple du témoin-expert dans Spaulding v Zimmerman). Un avocat ne peut pas répondre à une question qu’il se fait poser avec de l’information fournie par son client sans autorisation de son client.

b. La règle générale d’éthique professionnelle : beaucoup plus large que le privilège du secret professionnel propre aux avocats, s’applique de manière générale, même aux communications qui ne sont pas de nature juridique, avec les clients.

2. Bris OBLIGATOIRE du devoir de confidentialité dans des cas où celui-ci porterait préjudice à l’administration de la justice

a. Le bris de l’obligation est nécessaire pour prévenir la mort ou des blessures physiques ou psychologiques graves et imminentes envers un groupe de personnes ou une personne identifiables : Smith v Jones.

b. Les communications sont elles-mêmes criminelles ou sont de nature à demander de l’aide pour faciliter la commission d’un crime.

c. Les communications pourraient permettre l’acquittement d’un accusé tiers : R v McClure.

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d. La loi ou l’ordonnance du tribunal l’exige.3. Bris DISCRÉTIONNAIRE du devoir de confidentialité :

a. Crainte raisonnable d’un danger imminent de blessures graves ou de mort pour un tiers.b. Le bris permettrait à l’avocat de se défendre lui-même contre des allégations de responsabilité

criminelle ou civile, ou lors d’une audience pour professional misconduct/malpractice.c. Le bris est nécessaire afin de réclamer le paiement d’honoraires professionnels

4. Le client a toujours le droit de relever l’avocat de son devoir de confidentialité (consentement).

iii. Historique du privilège de l’obligation de confidentialité1. Philosophie de l’obligation : confiance totale du client envers son avocat (réitéré maintes fois dans

la jurisprudence). De cette manière, l’avocat peut défendre les intérêts de son client avec plus de confiance. C’est une manifestation du rule-utilitarianism.

2. À l’origine, c’était une règle de preuve : durant un procès, un avocat avait l’obligation de s’opposer à toute demande de la partie adverse d’avoir accès à des communications entre un avocat et un client (autrement dit, on ne peut pas demander/recevoir de réponse à la question « avez-vous dit à votre avocat/avez-vous demandé à votre client »)

3. C’est devenu une règle de droit substantif : le secret professionnel sort de la salle d’audience, s’applique en tout temps (c’est logique : si on ne veut pas que de l’information se retrouve entre les mains de la partie adverse, il ne faut pas se limiter à la passer sous silence entre les murs du palais de justice)

4. Statut quasi-constitutionnel du privilège du secret professionnel :a. Art 9 Charte D&L Qc.b. R v McClure  : protégé par l’art 7 (droit à la liberté)c. Canada c Chambre des notaires, 2014 : protégé par l’art 8 (protection contre les fouilles et

les saisies abusives – c’est abusif que le gouvernement se permette d’obliger des notaires à fournir des copies de documents comptables confidentiels)

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5. Privilège du secret professionnel lié au litige (litigation privilege) : tous les témoins consultés par l’avocat en préparation pour un procès ont droit au privilège du secret professionnel – mais le privilège s’éteint à la fin du litige.

iv. Ce qui est confidentiel : « tous les renseignements relatifs aux affaires et activités d’un client qui sont

portés à (la connaissance de l’avocat) à l’occasion de la relation professionnelle  » - art 60 CDAQ/voir aussi art 3.3-1 CTDP + commentaire. Faits saillants :

1. Universalité : confidentialité envers tous les clients, formels ou non (comm 3 + 4)2. L’identité du client est protégée (comm 5)3. Écran déontologique nécessaire si risque de divulgation entre deux avocats travaillant dans la

même firme (comm 7 – Succession MacDonald)

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PG Canada & Agence du Revenu du Canada c Chambre des notaires, 2016, CSC

Statut quasi constitutionnel du privilège du secret professionnel  : art 8

- Dispositions de la Loi sur l’impôt sur le revenu prévoit que l’ARC peut exiger que les notaires lui fournissent des informations ou des documents confidentiels, relativement à leurs clients, à des fins de vérification des prélèvements d’impôts.

- Exception pour les docs protégés par le privilège du secret professionnel... MAIS les archives de comptabilité des notaires ne sont PAS protégés.

- Notaires contestent le droit de l’ARC de perquisitionner les archives de comptabilité sur la base de l’art 8 Charte D&L  : protection vs fouilles et saisies abusives.- Les perquisitions permises sont effectivement abusives : elles interfèrent avec le privilège du secret professionnel sans qu’elles soient absolument nécessaires, en plus :

- Les clients des notaires ne sont même pas informés de ces perquisitions, qui constituent une atteinte à leur vie privée.- L’exception est trop large + mal définie. Pas de limites claires.

Statut quasi constitutionnel du privilège du secret professionnel : l’art 8 protège les documents privilégiés, qui ne peuvent faire l’objet de perquisitions que lorsque le gouvernement fait la preuve que c’est absolument nécessaire.

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4. Éviter le commérage/gossip (comm 8)5. Contentement implicite du client pour que l’avocat transmette aux auxiliaires/autres avocats de la

firme qui travaillent avec lui sur le dossier les informations confidentielles (61 CDAQ / comm 9)v. Sources en droit québécois :

1. Art 9 Charte D&L Qc  : toute personne a droit à la non divulgation d’informations confidentielles ; s’applique à toutes les professions, ex. des prêtres, des psychologues, etc

2. Art 60.4 Code des professions  : tout professionnel doit garder secrètes les informations confidentielles qui lui sont révélées dans le cadre de la pratique de sa profession.

a. Exception 1 : consentement du client.b. Exception 2 : menace de préjudice ; prévention d’actes violents. Cf Smith v Jones.

3. Art 131(3) Loi sur le barreau du Québec  : exceptions au privilège du secret professionnel.4. Attention : TOUTES les conversations entre un avocat et un client ne sont pas « privilégiées », ex.

conversation dans un 5 à 7, discussions sur des sujets de connaissance généralevi. Art 65 CDAQ : droit (pas OBLIGATION) de communiquer un renseignement confidentiel dans

certaines situations :1. (3.3-6 CTDP) Pour demander conseil à un autre avocat2. (3.3-1) Autorisation expresse ou implicite du client3. (3.3-1) Si la loi l’ordonne ou l’autorise4. (3.3-5) Pour recouvrer, devant un tribunal, des honoraires impayés5. (3.3-4) Pour se défendre, en cas de poursuite, de plainte ou d’allégations mettant en doute sa

compétence ou conduite professionnelle6. Pour identifier ou résoudre un conflit d’intérêt – mais attention, il y a des règles à respecter7. (3.3-3) ***en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsque l’avocat a un

motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiables. TEST de Smith v Jones  :

Jones c Smith, 1999, CSC

- J subit un procès pour plusieurs crimes.

- Para 44 : substitution du privilège du secret professionnel de l’avocat à celle

Levée du privilège du secret professionnel dans l’espoir de prévenir

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Levée du secret professionnel en cas de danger imminent

- Psychiatre l’évalue.- J révèle qu’il a un plan

méticuleusement préparé pour enlever des prostituées du centre-ville de Vancouver, les agresser sexuellement, puis les tuer (sadisme)

- J renchérit : la première agression qu’il a commise était un ESSAI.

- J était sous libération conditionnelle au cours des derniers mois, et a brisé l’une des conditions : ne pas se rendre au centre-ville de Vancouver.

du psychiatre.- Para 49 : reconnaissance du privilège du secret professionnel, doit être respecté envers les tiers, pas seulement en cour.- Para 63 : sécurité publique = exception au privilège.- Critères d’application de l’exception liée à la sécurité publique :

1. CLARTÉ : personne/groupe précis doit être la cible d’attaques éventuelles. – OK, J visait les prostituées de Vancouver.2. GRAVITÉ : menace de blessures physiques ou psycho graves ou mort. – OK, J voulait les agresser/tuer. 3. IMMINENCE : sentiment d’urgence associé à la menace (pas d’exigence de délai précis) – OK, la libération conditionnelle de J achève, il ne sera plus surveillé.

un acte de violence :1. CLARTÉ (victime)2. GRAVITÉ (blessures/mort)3. IMMINENCE (sentiment

d’urgence)

Attention, seuls les faits pertinents à la détermination du danger que présente l’accusé pour la sécurité publique peuvent être divulgués.

Art 66 CDAQ : seules les potentielles victimes de l’acte de violence et les personnes pouvant lui venir en aide peuvent être alertées.

Art 67 CDAQ : Étapes à respecter.

Dissidence : il faudrait limiter encore plus ce qui peut être divulgué, dire seulement « selon mon opinion d’expert, X présente un danger pour Y ».

Lamed : The possibility of disclosure might refrain people from confessing – c’est vrai, puisque le fondement du privilège du secret professionnel, c’est l’établissement d’un lien de confiance total entre l’avocat et son client.

8. Lorsque c’est la seule façon de prouver l’innocence de son client : TEST de R c McClureR c McClure, 2001, - M accusé de plusieurs - Reconnaissance du privilège du secret Levée du privilège du secret

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CSC

Levée du secret professionnel dans un cas d’ «  innocence at stake »

agressions sexuelles.- JC allège être une victime.- M pense que les comms

entre JC et son avocat lui permettraient de prouver que JC a inventé des faits (= doute raisonnable quant à sa culpabilité)

- L’avocat de M invoque l’art 11d) Charte canadienne D&L (droit à une défense pleine et entière) pour demander une levée du privilège.

professionnel : para 32.- Droit à une défense pleine et entière = limite au privilège (art 11d) Charte D&L)- TEST APPLICABLE :

1. L’accusé doit fournir au juge une preuve qui permet de conclure à l’existence d’une communication entre un avocat et un tiers qui pourrait susciter un doute raisonnable quant à sa culpabilité.2. Le juge doit étudier la communication en question pour évaluer s’il est probable qu’elle suscite un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé.

- Problème en l’espèce : AUCUNE PREUVE que les communications entre JC et son avocat pourraient soulever un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé (seulement spéculation)

professionnel en ultime recours pour prouver l’innocence d’un accusé :

1. Preuve que la communication pourrait soulever un doute raisonnable (critère de « possibilité »)

2. Vérification par le juge selon la prépondérance des probabilités (critère de « probabilité »)

3. Levée du privilège.

Il est RARE que ce test soit satisfait, et c’est conséquent au fondement philosophique du privilège, en vertu duquel celui-ci doit être le plus absolu possible, dans le but de maintenir une confiance presque totale du public envers les avocats à qui ils se confient.

vii. Les preuves matérielles ne sont PAS protégées par le privilège du secret professionnel – voir R v Murray.

viii. Critiques du privilège du secret professionnel :1. Absence de preuve empirique quant à son efficacité comme outil pour bâtir une solide relation de

confiance entre l’avocat et le client2. Beaucoup des exceptions sont fondées sur l’intérêt de l’avocat (lawyer-centric)

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3. Caractère mythique du privilège.

d. Le devoir de loyauté, qui s’oppose aux conflits d’intérêt (9-10)i. « L’avocat, dans l’accomplissement de son devoir, ne connait qu’une personne au monde, et cette

personne est son client » (Trial of Queen Caroline, 1821) ; que dire d’un avocat qui a DEUX clients ? S’ils ont des intérêts opposés, il doit s’assurer d’avoir leur consentement pour poursuivre le travail concurrent. « No man can serve two masters; either he will hate the one and love the other; or else he will hold to the one and despise the other. Ye cannot serve God and mammon. » (Mathieu, 6  :24, Nouveau Testament)

ii. Le devoir de loyauté est le corolaire du devoir fiduciaire   : 3.4-1 comm 5 CTDPiii. Exemples de situations initialement sans problème, et éventuellement problématiques

1. Notaire prépare les testaments d’un couple. Les deux époux s’entendent très bien. Une semaine plus tard, l’un des deux revient voir le notaire pour lui demander de changer certaines dispositions, de manière à désavantager son époux.

2. Avocat qui prépare une demande conjointe de divorce sur projet d’accord – les époux n’arrivent finalement pas à s’entendre sur la question de la garde des enfants.

3. Avocat qui défend simultanément des coaccusés : l’un va certainement finir par pelleter la faute sur l’autre ; R c Neil.

iv. Composantes actuelles du devoir de loyauté : R c Neil ; CN c McKercher1. (Devoir de confidentialité – discuté ci-dessus)2. Dévouement pour la cause de son client ; fin du mandat seulement pour l’un des motifs valables

énoncés à l’art 48 CDAQ/3.7-1 CTDP.3. Franchise : aviser son client de toute information pouvant affecter la qualité du service qu’il lui

offre, comme le fait d’avoir été approché par un client aux intérêts juridiques opposés (3.2-2 CTDP / CN c McKercher)

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4. Éviter les conflits d’intérêts : ne pas représenter deux clients aux intérêts juridiques opposés, sauf consentement libre et éclairé de ces clients (3.4-1 CTDP/72 CDAQ)

a. Test de l’observateur raisonnablement informé : remarquerait-il un risque que l’avocat se serve d’informations confidentielles recueillies au cours du mandat de représentation de X contre celui-ci, maintenant qu’il représente son adversaire Y ? (Succession MacDonald c Martin)

b. Règle de la démarcation claire : un avocat ne travaille pas pour deux clients aux intérêts JURIDIQUES DIRECTEMENT opposés (R c Neil ; CN c McKercher)

i. Par contre, art 87 CDAQ : L’avocat ne doit pas agir contre un ancien client dans la même affaire, dans une affaire connexe ou dans tout autre affaire si l’avocat a obtenu, en agissant pour cet ancien client, dans renseignements confidentiels et qu’il puisse résulter un PRÉJUDICE pour ce dernier ou lorsque la connaissance des aspects personnels de l’ancien client ou de la conduite de ses affaires procurerait un avantage indu au nouveau client, à moins d’obtenir le CONSENTEMENT de l’ancien client. Voir aussi 3.4-2 CTDP.

ii. Donc, art 88 CDAQ : ce n’est pas interdit de travailler contre un ancien client dans une nouvelle affaire si l’intérêt de la justice le justifie, en tenant compte des facteurs suivants :

1. Mesures mises en place pour s’assurer qu’aucun renseignement confidentiel obtenu par l’ancien avocat ne soit divulgué (ex. « écran déontologique ») – mais selon Succession MacDonald, ce n’est pas suffisant de se limiter à dire « je ne dirai rien ! »

2. Étendue du préjudice potentiellement causé3. Bonne foi des parties4. Disponibilité d’un autre avocat compétent – en jeu dans CN c McKercher5. Autres questions d’intérêt public

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c. Risque substantiel que l’avocat favorise les intérêts d’un client au détriment d’un autre, ou de ses intérêts personnels (R c Neil, para 31)

d. L’avocat ou le cabinet, c’est du pareil au même : art 72 CDAQ et Succession MacDonald.v. Catégories de situations constituant un bris du devoir de loyauté / un conflit d’intérêt :

1. 63 CDAQ / 3.3-2 CTDP : L’avocat est tenté d’utiliser de l’information obtenue de manière confidentielle pour son propre bénéfice.

2. (Protection d’information confidentielle) Risque d’utilisation d’information confidentielle recueillie auprès d’un client au bénéfice d’un nouveau client aux intérêts opposés : Succession MacDonald.

3. (Règle du risque substantiel) Représentation simultanée de deux clients, et la représentation de l’un se fait au détriment de l’autre : R c Neil, 3.4-1 comm 2 CTDP.

4. (Règle de la démarcation claire) Représentation successive de clients aux intérêts juridiques directement opposés : CN c McKercher, 3.4-1 comm 1 CTDP.

5. (Règle contre le bénéfice personnel) Utilisation de la relation fiduciaire pour le bénéfice personnel de l’avocat : Strother, Szafer v Chodos, LSUC c Hunter, 3.4-1 comm 11 CTDP

Succession MacDonald c Martin, 1990, CSC

Conflit d’intérêt  : risque d’utilisation d’info confidentielle d’un ancien client au bénéfice d’un nouveau client aux intérêts opposés

- D a longtemps travaillé pour M.

- Embauchée par le cabinet d’avocats qui représente SM, en litige contre M.

- M dénonce une situation de conflit d’intérêt.

- D et ses nouveaux collègues jurent sous serment que jamais ils n’ont discuté entre eux de l’affaire, et qu’ils ne le feront pas.

- Principes à mettre en balance dans l’appréciation des obligations déontologiques des avocats :

o Souci de préserver l’intégrité du système judiciaire, dans le but d’instaurer et de préserver la confiance du public

o Droit du justiciable de ne pas être privé sans raison d’un droit

o Mobilité raisonnable des avocats ; réalité moderne = cabinets de plus en plus gros.

- Conception du conflit d’intérêt selon le

- Présence de conflit d’intérêt si une personne raisonnablement informée constaterait une possibilité apparente que l’avocat se serve d’informations confidentielles au profit de son nouveau client, contre un ancien client.

TEST (fardeau de preuve très bas)1. Connaissance d’infos

confidentielles par l’avocat ?

2. Présomption de risque qu’il

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CTDP : risque que l’avocat favorise certains intérêts à ceux d’un client actuel ou éventuel = dimin qualité représentation

- Client = client de l’avocat ou du cabinet.- Test (revue de jurisprudence) privilégiant

la protection de la confiance du public :o L’avocat a appris des faits

confidentiels ? Preuve suffisante : représentation antérieure du client par l’avocat.

o Risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du plaignant ? Présomption pouvant être renversée par la preuve que la PR ne s’inquièterait pas. Réfutation insuffisante : « je ne dirai rien, promis ! » (Posner)

- Application :o 1ère étape : D a avoué connaitre

des informations confidentielles.o 2e étape : D n’a pas repoussé la

présomption selon laquelle les associés d’un même cabinet d’avocats connaissent tous la même information.

les utilise contre son ancien client – peut être repoussée.P 1261 : Peu importe qu’il donne l’assurance ou qu’il promette de ne pas utiliser les renseignements. L’avocat ne peut pas compartimenter son esprit de façon à trier les renseignements appris de son client et ceux obtenus d’autre sources. Au surplus, il risquerait de s’abstenir d’utiliser des renseignements obtenus licitement, par crainte de donner l’impression qu’ils proviennent du client.Critiquée par Cory en dissidence : pour tenter de repousser la présomption, l’avocat poursuivi devrait révéler de l’info confid.

- Hiérarchisation des valeurs guidant l’appréciation des obligations déontologiques de l’avocat : préservation de la confiance du public > mobilité des avocats.

R c Neil, 2002, CSC

Conflits d’intérêt

- L a été avocat de N.- N porte plainte contre L

pour conflit d’intérêt dans deux affaires :1. L aurait défendu les

- Objectif : préserver la confiance du public en s’assurant qu’un avocat travaille pour son client, ne puisse pas utiliser ses infos à l’avantage d’autrui (Trial of Queen

Trois éléments du devoir de loyauté : dévouement, franchise, éviter les conflits d’intérêt. Objectif : protéger l’intégrité du système, la confiance du public ; freiner la

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1. Bright line rule : pas de représentation de deux clients aux intérêts directement opposés.

2. Principe du risque substantiel de diminution de la qualité de la représentation

intérêts de LA (sa co-accusée) à son détriment : lui aurait conseillé de confier de l’info confid incriminante à son égard, pour se dégager d’accusations.

2. L aurait recommandé à une autre victime de porter plainte précisément au policier qui s’occupait de l’autre affaire, pour renforcer l’impression que c’est N le vrai criminel, pas LA.

Caroline, 1821 ; R v McClure)- Bris du devoir de loyauté dans trois

situations :o Manque au devoir de dévouement

à la cause de son client (zeal)o Manque au devoir de franchise.o Manque au devoir d’éviter les

conflits d’intérêts.- Y a-t-il conflit d’intérêt ? - Règle de la démarcation claire (bright

line rule)  : un avocat ne peut PAS défendre deux clients aux intérêts directement opposés, même dans deux affaires différentes, sauf consentement (para 26 – Davey c Wolley ; para 29)

- En l’espèce, pas vraimen de conflit d’intérêt en l’espèce : les intérêts de N et LA, par exemple, n’étaient pas « directement » opposés (l’un ne poursuivait pas l’autre).

- « Alternative » : risque substantiel que la représentation d’un client soit significativement affectée par l’intérêt de l’avocat ou celui d’un autre client ? (para 31)

- En l’espèce : L représentait « deux maitres à la fois », ce qui a engendré un détriment pour l’un de ceux-ci, à l’avantage de l’autre :

o LA a été encouragée à incriminer N

mauvaise utilisation de renseignements confidentiels.

Règle de la démarcation claire : un avocat ne peut pas représenter deux clients aux intérêts directement opposés. Application théorique :- Deux clients actuels aux intérêts

opposés, dans une même affaire : NON

- Client actuel vs ancien client aux intérêts opposés dans une même affaire : NON.

- Deux clients actuels aux intérêts opposés, dans une affaire différente   : NON, sauf consentement des deux.

- Client actuel vs ancien client aux intérêts opposés dans une nouvelle affaire   : OK !

La règle de la démarcation claire énoncée ci-dessus est critiquée : on ne sait pas si l’absence de risque substantiel est une défense, quels intérêts doivent être opposés (commerciaux ou juridiques) : voir McKercher.Alternative : risque substantiel (« défense traitresse »)

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o Autre victime à été encouragée à renforcer cette incrimination

Canadian National Railway c McKercher, 2013, CSC

Conflits d’intérêt

1. Bright line rule : pas de représentation simultanée de clients aux intérêts JURIDIQUES directement opposés

- M (cabinet d’avocats) représente le CN dans 3 affaires différentes.

- Alors qu’il est encore en train de représenter le CN, M accepte de représenter W pour un recours collectif (1,75 M$) de fermiers en colère contre le CN.

- M boucle rapidement ses derniers dossiers avec le CN pour pouvoir commencer avec W.

- Quand le CN l’apprend, tant M que CN font des efforts pour mettre fin à toutes leurs relations.

- M était considéré comme le cabinet d’avocats privilégié de CN.

- M a manqué à respecter les TROIS composantes du devoir de loyauté envers CN :

o Dévouement : M a mis fin à toutes ses relations avec CN pour pouvoir représenter W.

o Franchise : M a caché avoir reçu l’offre de représentation à CN, c’est évident que le CN était fâché.

o Conflit d’intérêt : voir ci-dessous.- Application du test de R c Neil.- Première étape : Clarification de la règle

de la démarcation claire de R c Neil ; un avocat ou un cabinet d’avocats ne peut représenter des clients aux intérêts JURIDIQUES IMMÉDIATEMENT et DIRECTEMENT opposés, même dans deux affaires différentes (para 27)

- Exceptions à cette règle (ne s’appliquent pas en l’espèce) :

o Intérêts opposés sur le plan commercial slm.

o Abus par une partie.o Attente déraisonnable d’un client.

- Application : CN et W ont des intérêts juridiques immédiatement, directement opposés (W poursuit CN pour 1,75M $ !)

- (Obiter ?) Deuxième étape confirmée : si la

Trois éléments du devoir de loyauté : dévouement, franchise, éviter conflits d’intérêt.

Clarification de la bright line rule de R c Neil  : elle s’applique surtout dans un contexte de litige ; des intérêts JURIDIQUES immédiats doivent être directement opposés (ex. l’un poursuit l’autre), même si ce sont deux affaires différentes – et si c’est le cas, GAME OVER, le critère du risque substantiel n’est PAS une défense.

3 exceptions :- Intérêts opposés sur le plan

commercial- Règle invoquée de manière

abusive par une partie (c’est une tactique, ex. j’engage un avocat de la firme X pour que personne d’autre ne puisse me poursuivre avec cette firme)

- Attente déraisonnable d’un client qui veut l’invoquer (ex. gouv/banque est TJRS en Cour et leur avocat est le seul en ville)

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règle de la démarcation claire ne s’applique pas (i-e, les deux clients n’ont pas d’intérêts juridiques immédiatement et directement opposés), il faut vérifier la présence d’un risque substantiel que la qualité de la représentation d’un client diminue en raison de l’autre ?

Si la règle de la démarcation claire ne s’applique pas : risque que la qualité des représentations simultanées soit affectée ? En l’espèce, la question de la sanction est renvoyée en première instance en raison de facteurs atténuants (ex. pas bcp d’autres avocats disponibles pour représenter W / bonne foi de M)

Strother v 3464920 Canada Inc, 2007, CSC

Devoir de loyauté = devoir de franchise

- S travaille pour la firme D, il est très bon pour sauver de l’impôt.

- S, travaillant pour D, fournit des services à M, cie qui veut sauver de l’impôt.

- Nouvelle loi : S dit à M que ce n’est plus possible de sauver de l’impôt.

- Après, M reste cliente de D, mais sous un mandat plus limité (pas de clause d’exclusivité) signé en 1998.

- DA, ancien exec de M, propose à S une nlle manière de sauver de l’impôt en créant une nlle compagnie, Sentinel :

BINNIE MAJ :1. ll n’y a pas que l’étendue du mandat

contractuel qui spécifie les obligations de l’avocat, il y a aussi la loi.

2. Le devoir de loyauté d’un avocat envers son client fait partie de la loi.

3. S et D, en travaillant pour M, ne s’empêchaient pas per se à travailler aussi pour Sentinel – la clause d’exclusivité de services était expirée, et il n’y avait pas de conflit d’intérêts JURIDIQUES, seulement commerciaux.

4. S a manqué à son devoir de FRANCHISE : it was part of S’s duty to provide candid advice on all matters relevant to the continuing 1998 retainer.

a. S a dit à M : « il n’y a plus moyen de sauver de l’impôt ».

b. S a découvert qu’il y avait finalement un moyen d’en

Devoir de loyauté = plus large que ce qui est écrit dans le contrat de services.

Devoir de franchise : si A dit à C que la loi dit X, mais que finalement la loi dit Y, et que le mandat n’est pas terminé, il a l’obligation de révéler le changement de situation à C.

Il n’est pas interdit de travailler à deux clients ayant des intérêts d’affaires (pas juridiques) concurrents, sujet à certaines conditions :

1. Le mandat ne prévoit pas de clause d’exclusivité.

2. Les deux clients reçoivent des avis juridiques d’aussi bonne qualité.

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profit$$$ pour S si ça marche.

- Ça marche ! S le cache à D et M, démissionne, est riche avec DA.

sauver.c. S ne l’a pas dit à M, mais l’a

plutôt dit à qqn d’autre, pour son bénéfice personnel   : si S le disait à M, M deviendrait une + forte compétition à sa nouvelle compagnie.

5. S a ainsi placé ses intérêts financiers à ceux du client de sa firme : S faisait plus d’argent avec Sentinel qu’en servant M.

3. L’intérêt d’un client n’est pas favorisé plutôt qu’un autre.

DISSIDENCE MCLACHLIN : pas d’obligation positive, seulement « if asked » ; en l’espèce, le mandat de 1998 n’exige pas spécifiquement des avis sur les façons de sauver de l’impôt. «   Duty of loyalty is not in the air   »

Szarfer v Chodos, 1986, ONSC

Couche pas avec la femme de ton client !

- C représente S dans une affaire de congédiment injustifié. Interview sa femme pour justifier des problèmes psycho.

- C finit par avoir une occasion de coucher avec sa femme – relation à plusieurs reprises.

- S l’apprend, est en tabarnak, développe encore + de prob. psycho, poursuit C.

1. Préjudice psychologique de S prouvé.

2. Devoir fiduciaire = (entre autres) l’avocat ne peut pas se servir d’info confidentielle à son propre avantage (source : droit des fiducies)

3. C l’a brisé : il était au fait de la situation tendue entre S et sa femme de par son travail, et en a profité (critiqué)

- Devoir de loyauté inclut de ne pas se servir d’informations confidentielles confiées par son client pour son propre intérêt personnel/vs l’intérêt de son client (parallèle avec l’opportunité d’affaires dans Strother) - Analyse teintée de jugements de valeurs/suppositions : c’est vraiment parce qu’il savait que le couple était malheureux que C a sauté sur la femme de S ? Lien de causalité +/-- Part de responsabilité de la femme ?- 3.4-1 comm 11 CTDP

LSUC v Hunter, 2007, ONLSHP

Couche pas avec ta cliente ! Sauf si elle

- H avocat d’une mère divorcée, développe une relation avec elle, ne l’informe pas des risques quant à la qualité de sa

1. Notion de conflit d’intérêt : relation intime avec sa cliente = altération de sa capacité à fournir un avis juridique objectif + de la capacité du

- Devoir de loyauté inclut de conserver une certaine distance émotionnelle avec son client, sans quoi la qualité de son avis juridique peut être affectée.

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sait que c’est mal. représentation que cela engendre.

- 2 ans plus tard : fait signer un document d’acceptation des risques, puis met fin à la relation.

client à questionner les avis juridiques qu’il reçoit.

2. Possibilité d’éviter le conflit par consentement éclairé.

3. Problème : H a demandé à sa cliente de consentir beaucoup trop tard + n’a jamais discuté des risques sur la qualité de son travail + a pris avantage de sa « vulnérabilité ».

- Un client peut toutefois consentir aux risques associés à une relation intime.

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VII. Les domaines de pratique du droit : application des normes éthiques et légales (11-12)a. Le litige (11)

i. Contexte : juges se plaignent de plus en plus du manque de politesse et de civisme dans les tribunaux (Doré, Groia) vs. Conception paternaliste, « sois sage, ne sois pas méchant avec ton adversaire, il travaille fort lui aussi »

ii. 5.1-1 CTDP / 112 CDAQ : Devoir de représenter le client avec « fermeté et dignité, conformément à la loi » i-e tension entre le devoir de « représentation zélée » et le devoir de « faire preuve de civilité »

iii. 5.1-2 CTDP : Longue liste de comportements qui constituent un « manque de civilité ». Exemples :1. Demandes de nature malicieuse (faire du mal à l’autre partie)2. Déclarations fausses ou trompeuses devant le tribunal3. Tenter d’intervenir dans le cadre du processus de délibération4. Soulever des objections frivoles et vexatoires, tenter de tirer profit de l’étourderie de la partie

adverse.iv. 111 CDAQ : Supporter l’administration de la justice et l’autorité des tribunaux.v. Détachement émotif de l’avocat obligé par la norme de civilité :

1. Doré  : l’avocat va être choqué dans le cadre de son travail, mais s’il choisit de répliquer, il doit faire preuve de sang-froid.

Woolley et al, The Practice of Advocacy

Devoirs spécifiques de l’avocat dans le contexte de représentation de son client devant le tribunal- Supporter l’autorité du tribunal et l’administration de la justice (111 CDAQ)

o Ne pas intenter de recours/procédures motivés par la malice plutôt que la simple volonté d’obtenir la juste part du client.

o Honnêteté envers le tribunal : vs preuve trompeuse / vs destruction de preuve / vs omission de citer autorités juridiques moins favorables à son propre client / vs citer à tort des autorités juridiques

- Devoir général de civilité, un devoir transcendant à toutes les obs déontologiques de l’avocat (4 CDAQ)o Les juges se plaignent que les avocats sont de moins en moins polis devant leur Cour – Doré : le manque de

civilité devant le tribunal est un problème grandissant.o Exemples d’incivilité :

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Attaques personnelles envers l’avocat de la partie adverse (Groia) Langage exagéré, rude, profane, sarcastique, hyperbolique, provocant

Drolet-Savoie  : « C’est plus que David contre Goliath. C’est David contre deux ou trois Goliaths. », en référence au système de justice familiale.

Histed  : « Judge A, frankly, is a bigot. » Gianni  : « Il n’y a plus aucune raison de prolonger le délibéré »

Expression de critiques acerbes et mal informées à l’égard de la compétence, du comportement ou des avis fournis par un avocat. (Allali  : critique de manière un peu excessive la longueur du délibéré et le fait que le jugement ait été livré en anglais)

o Tension : devoir de civilité vs devoir de représentation zélée. Woolley ne trouve pas que c’est une énorme tension puisque le devoir de représentation zélée ne

signifie pas qu’il est nécessaire d’insulter les parties adverses. Représentation zélée = persévérer au meilleur de ses capacités et à l’intérieur du cadre juridique pour

favoriser les intérêts de son client, même devant l’adversité. Manque de civilité = exagérer son comportement, formellement. C’est conséquent à la conception de Dare : mere zeal sur la forme, hyper zeal sur le fond.

Doré c Barreau du Québec, 2012, CSC

Incivilité dans les communications professionnelles

- D insulté par juge en Cour et dans jugement.

- Réplique : lettre « personnelle », le traite « d’être excécrable »

- D sanctionné pour avoir manqué d’objectivité, de modération et de dignité.

- D invoque art 2b) Charte ; la sanction est déraisonnable (?)

- Obligations prévues au CDAQ, dont modération/objectivité/dignité limitent la liberté d’expression de manière raisonnable (test de Oakes) : objectif urgent et réel d’assurer la civilité devant les tribunaux.- Réprimande raisonnable ? Non pcq équilibre entre :

- Importance d’une critique ouverte de nos institutions publiques judiciaires- Nécessité d’assurer la civilité

- En l’esp, para 60 + : droit (devoir) d’exprimer opinion librement... mais en respectant les attentes raisonnables du

Obligations de civilité = limite raisonnable à la liberté d’expression des avocats

Avant de sanctionner : mise en balance 1. Du droit (devoir) de l’avocat de critiquer les institutions publiques2. De l’attente raisonnable du public

à ce qu’il fasse preuve de sang-froid.

Insultes = ça dépasse les bornes. Probablement que demander des

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public, i-e éviter de faire preuve d’un degré excessif de vitupération.

excuses aurait été plus approprié. « Les avocats doivent encaisser les coups avec dignité »

LSUC v Groia, 2015, ONSC ***SLM para 66-78

Incivilité devant le tribunal

- G défend un client poursuivi pour white collar crime.

- Se moque sans arrêt de l’incompétence du procureur.

- Juge n’intervient pas.- G va se plaindre à la LSUC.- Ironie : LSUC le sanctionne

pour avoir undermined the integrity of the profession by communicating with the prosecutors for the OSC in a manner that was abusive, offensive, or otherwise inconsistent with the proper tone of a professional communication from a lawyer.

- Pouvoir de la LSUC de sanctionner l’incivilité, indépendamment de l’appréciation du juge du procès :

o Préoccupation gén : hausse des cas d’incivilité.

o Rôle diff de celui du juge : même si un juge ne sanctionne pas, la LSUC peut s’en mêler. The unprofessional conduct of counsel is a matter for the LSUC. (40)

- Test applicable, gardant en tête que a trial is not a tea party  :

o Comportement incivil ? I-e rude/abrasif/sarcastique/abusif/attaque l’intégrité professionnelle / mauvaise foi ?

o Si oui : la conduite met-elle en péril l’administration de la justice ?

- C’est le test qui a été appliqué par les juridictions inférieures - donc raisonnabilité OK

Test d’incivilité : I. Remarque-t-on un

comportement incivil ?II. Ce comportement met-il

en péril l’administration de la justice (test de l’observateur raisonnable)

Le cas est présentement devant la Cour suprême.

Mise en balane du devoir de représentation zélée et du devoir de civilité***

b. Le droit criminel (11-12)

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i. Rôle du procureur : Le procureur agit pour le public et l’administration de la justice (5.1-3 CTDP / 112(2) CDAQ)

1. Son objectif est de s’assurer que la justice soit servie, pas de condamner à tout prix  : Boucher v The Queen

2. Cela ne limite pas pour autant la nature adversariale du système de justice pénale : R v Rose, 1998.ii. R v Stinchcombe : la preuve dont dispose le procureur est la propriété du public, donc doit être

divulguée à la défense si celle-ci en fait la demande et qu’il y a une possibilité que la non divulgation entrave le droit à la défense pleine et entière.

iii. Rôle de l’avocat de la défense : pas de juger la moralité des actions de son client, mais plutôt, lui garantir une défense pleine et entière (art 11 Charte D&L ; 5.1-1 comm 9-10 CTDP) ; mettre au défi la Couronne, parce que c’est ELLE qui a le devoir de prouver HTDR la culpabilité, et si l’avocat de la défense ne s’assure pas au moins que tous les éléments soient prouvés HTDR, on abaisse le standard de preuve, et on met la présomption d’innocence/primauté du droit en péril.

iv. Enjeux éthiques relatifs à la représentation d’un accusé :1. Devoir de compétence : ne jamais dire au client « ne me dis rien, comme ça je ne saurai rien et je

ne vais pas mentir »2. Devoir de franchise envers la Cour3. Devoir de confidentialité

v. Enjeux constitutionnels relatifs à la représentation d’un accusé :1. Droit vs auto incrimination2. Privilège du secret professionnel (art 9 Charte D&L Qc, R v McClure, Chambre des notaires)3. Droit à une défense pleine et entière, avec l’aide d’un avocat (art 11, Christie)

vi. Réflexion : comment réagir dans une situation où le client admet sa culpabilité ?1. Option 1 : cesser de le représenter. Ce serait stupide, parce que ça veut dire pelleter le

problème dans la Cour d’un autre avocat, comme le client a le droit constitutionnel à une défense pleine et entière, avec l’aide d’un avocat.

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2. Option 2 : rechercher des moyens de soulever un doute raisonnable – garder en tête que le rôle de l’avocat est de mettre au défi l’État, qui a des ressources beaucoup plus imposantes que l’accusé pour prouver sa culpabilité (cf Marie Henein, interviewée par Peter Mansbridge)

a. Formulation de Blackstone : « Better that ten guilty persons escape than that one innocent suffers »

b. Si on permet une condamnation alors qu’il y a moyen de soulever un doute raisonnable, donc que la preuve présentée est incomplète, on abaisse le fardeau de preuve de la Couronne à long terme !

c. Réplique aux arguments « oui mais Ghomeshi les a violées ces femmes-là, c’est un fait, c’est la vérité, c’est tellement injuste qu’il ne soit pas condamné, et surtout, c’est tellement dégueulasse qu’un avocat l’aide à être acquitté » : pas si vite – l’avocat n’endosse pas nécessairement les gestes que l’accusé a commis, mais il croit en un système de justice pénal (valeurs supérieures) ; ce ne serait certainement pas plus « juste » de faciliter les condamnations par un abaissement du fardeau de preuve.

3. Option 3 : recommander un plaidoyer de culpabilité – 5.1-7 CTDP. Attention, il ne faut pas pour autant que le client et l’avocat souhaite inscrire un plaidoyer de culpabilité strictement dans l’objectif de se débarrasser du travail le plus rapidement possible. Il y a une longue liste de conditions à respecter (5.1-8 CTDP).

R v Stinchcombe, 1991, CSC

Preuve récoltée par la Couronne

- S, procureur, interroge un témoin.

- Interrogatoire = valeur disculpatoire, mais la Couronne estime que le témoin n’est pas fiable, donc refuse de s’en servir.

- L’avocat de la défense n’a pas accès au contenu de cet interrogatoire, malgré

- Obligation du procureur de divulguer à la défense tous les renseignements pertinents :

o La preuve récoltée par la Couronne appartient au public.

o Obligation de divulgation si poss. rais. d’atteinte au drt de défense pleine et entière.

o Possible de refuser de divulguer en invoquant le secret

Preuve récoltée par procureur = information appartenant au public = doit être divulguée à la demande de l’avocat de la défense, surtout si possibilité raisonnable que la non divulgation entraine une atteinte au droit à une défense pleine et entière de l’accusé.

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requêtes. professionnel... MAIS peut faire l’objet d’un examen judiciaire pcq ça doit être une limite RAIS du drt à déf pleine et entière

- En l’esp : AUCUNE justification du refus de divulguer, excepté crédibilité, qui est une question du juge des faits.

R v Murray, 2000, ONSC

Preuve matérielle incriminante non protégée

- M trouve des vidéos qui montrent son client en train de commettre viol + meurtre avec sa femme.

- Selon M, vidéo allège sa respo pénale pcq femme participante.

- M ne détruit pas les vids, mais ne révèle jamais leur existence.

- M accusé d’obstruction de la justice après avoir demandé au Barreau quoi faire avec les vids.

- Défense : M voulait se servir des vids comme strtégie de défense.

I. Privilège du secret professionnel ne couvre pas la preuve matérielle, seulement les comms.

II. Discussions entre B et M étaient privilégiées, mais pas cassettes elles-mêmes.

III. Cependant, obstruction de la justice = infraction criminelle = standard de preuve HTDRa. AR : commettre un geste qui

a tendance à obstruer le cours normal de la justice (OK, cacher des cassettes très incriminantes)

b. MR : intention d’obstruer le cours de la justice en cachant les cassettes – DOUTE RAIS : stratégie de défense.

Preuve matérielle n’est pas couverte par le privilège du secret professionnel.

Ne pas révéler existence d’une preuve matérielle incriminante =/= automatiquement obstruction de la justice, il faut avoir l’intention de nuire au cours de la justice (Ex. en détruisant la preuve. S’en servir comme moyen de défense peut créer un doute raisonnable.)

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c. La pratique interne/gouvernementale (12)i. Pourquoi : pour payer moins de frais juridiques ! L’avocat peut être payé à un salaire fixe de 170k$ par

année par la compagnie plutôt que d’être chargé à plus fort tarif horaire plusieurs fois par année. AUSSI  : parce que l’avocat devient mieux placé pour interpréter facilement et efficacement les demandes qui se présentent à lui, comme il connaît mieux la culture de la société.

ii. Qui est le patron ? 3.2-3 CTDP : la compagnie, pas les officiers qui confient des tâches à l’avocat (personnellement)

iii. Tension entre la défense des intérêts économiques de la société ET le devoir de soutenir l’administration de la justice. Comment décider qu’il faut dénoncer l’illégalité ?

1. C’est un judgment call. Énorme risque professionnel vs veiller à la primauté du droit.2. (Secteur privé) Depuis les scandales d’Enrron, Martha Stewart, etc. : législation protégeant les

sonneurs d’alarmes, voire obligeant les avocats internes à dénoncer les activités illégales qui présentent une sérieuse menace aux tiers.

3. (Secteur public) L’exemple d’Edgar Schmidt : dénonce le fait que le ministère de la justice, sous Harper, ne respecte pas la loi voulant que lorsqu’un projet de loi a de fortes chances de porter atteinte à des droits cristallisés dans la Charte canadienne des droits et libertés, ils doivent l’indiquer aux parlementaires. À cause du privilège du secret professionnel, Schmidt ne peut pas étayer suffisamment sa thèse, alors il est forcé à « prendre sa retraite » plus tôt que prévu.

Sung Hui Kin, The Ethics of In-House Practice

Arbre décisionnel : dénoncer ou ne pas dénoncer ? ATTENTION : Auteure étasunienne.1. Action légale + risque négligeable de dommage : NON.2. Action légale + risque réel de dommage à la société : NON. L’avocat n’est pas un conseiller d’affaires. Il doit se

concentrer sur l’évaluation des risques juridiques.3. Action illégale + risque négligeable de dommage à la société : NON. Les règles déontologiques prévoient en effet

que seules les actions ci-dessous fassent l’objet de dénonciation.4. Action illégale + risque sérieux de dommages à la société ou aux tiers : OUI. Dénoncer de bas en haut de l’échelle,

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et dénoncer aux autorités concernées si le CA néglige l’avis. 3.2-8 CTDP : pas de dénonciation expressément protégée au Canada, le CTDP dit seulement que l’avocat doit démissionner.

Exemple : Alayne Fleischmann, avocate de JP Morgan, qui dénonce publiquement l’émission d’hypothèques frauduleuses, après avoir :1. Alerté ses superviseurs2. Alerté l’administrateur-gérant3. Écrit une lettre à d’autres administrateurs

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