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1 2020 NOTE DE CONJONCTURE La situation économique au Luxembourg Évolution récente et perspectives

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NOTE DE CONJONCTURELa situation économique au LuxembourgÉvolution récente et perspectives

Page 2: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

Responsable de la publicationDr Serge Allegrezza

RédactionFerdy AdamTom HaasBastien LaruePauline PerrayCathy SchmitVéronique Sinner

Juin 2020Date de clôture statistique:19 mai 2020ISSN 1019-6463

STATECInstitut national de la statistique et des études économiques

Centre Administratif Pierre Werner13, rue ErasmeL - 1468 Luxembourg-Kirchberg

+352 247 - [email protected]

© Photos: Shutterstock

La reproduction totale oupartielle de la présente noteest autorisée à condition d’en citer la source.

IMPRESSUM

statec.lu−

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Préface 3

Résumé et faits principaux 4

1. Conjoncture internationale 7

2. Activité économique 13

3. Inflation et salaires 27

4. Marché du travail 35

5. Finances publiques 41

6. Études thématiques 51

6.1 Impact de la crise Covid-19 sur l’activité économique au Luxembourg 52

6.2 Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie 59

6.3 Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier 72

6.4 Émissions de gaz à effet de serre: une bouffée d’air frais qui ne perdurera pas 82

Liste des études publiées dans les dernières Notes de conjoncture 87

Sommaire

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3Note de conjoncture

N° 1-2020

Cette Note a été rédigée pendant le confinement dû à la crise sanitaire du coronavirus, à un moment exceptionnel où les 2/3 des travailleurs (selon une enquête ad hoc du STATEC) découvraient les avantages du télétravail.

La Note de conjoncture ne présente pas, à vrai dire, de "prévisions" au sens traditionnel, mais expose des scénarios, dessinant des schémas d’évolution possibles de l’activité économique au cours de cette année et de l’année prochaine. La difficulté d’imagi-ner les perspectives économiques, sociales et environnementales tient à l’irruption soudaine de la pandémie sur le continent européen et à l’oubli des conséquences des grandes catastrophes sanitaires ("grippe espagnole"), qui ont certes jalonné l’histoire de l’humanité, mais qu’on croyait, à tort, appartenir à un passé révolu.

Comme de nombreuses institutions en charge des prévisions, le STATEC a élaboré deux scénarios possibles aboutissant à deux récessions, l’une sévère tablant sur une maîtrise de la pandémie (PIB: -6%), l’autre plus sévère encore tablant sur une nouvelle propagation du virus en hiver (PIB: -12%).

Une première version des "prévisions" a été transmise au gouvernement fin avril en vue de préparer les programme de stabilité et programme de réforme dans le cadre du Semestre européen. La présente Note de conjoncture affine et approfondit ces analyses, même si elle n’a pas pu prendre en compte les dernières mesures d’aides annoncées par le gouvernement. Il faudra procéder à une analyse plus approfondie des effets du paquet d’aide, dont certains éléments peuvent être évalués plus aisément (chômage partiel, congé familial extraordinaire, moratoire sur les remboursements des prêts) et d’autres nécessitent plus d’informations (aides aux entreprises, garantie de prêt).

Il faut aussi reconnaître que le mode de collecte traditionnel des statistiques n’est pas assez véloce pour livrer des informations utiles aux décideurs qui comptaient en jours alors que la statistique traditionnelle est mensuelle, voire trimestrielle. Le STATEC va amplifier son effort dans les métriques de type "big data" utilisant des données à haute fréquence pour traquer le pouls de l’activité.

La reprise de l’activité économique et sociale normale est conditionnée par les courbes épidémiologiques que le STATEC suit avec beaucoup d’attention. Actuellement, le Luxembourg déplore 110 décès et compte près de 4 000 personnes testées positivement depuis le mois de mars. Ce problème vient s’ajouter aux nombreux défis structurels comme l’accès au logement et la mobilité.

La nette hausse des demandeurs d’emploi et le ralentissement significatif de la création d’emplois révèle l’ampleur de la crise, malgré les mesures prises par le gouvernement qui non seulement laisse jouer les "stabilisateurs automatiques" (déficit public) mais prend en plus des mesures discrétionnaires spécifiques (élargissement du chômage partiel, aides aux entreprises). La hausse du chômage annonce des baisses de revenu qui va de pair avec, très probablement, une montée des inégalités. La politique économique et sociale, au Luxembourg et dans la zone euro, peut amortir le choc et permettre de relancer l’activité dans l’espoir d’éviter une crise sociale.

Dr Serge Allegrezza

Préface

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4Note de conjonctureN° 1-2020

Résumé et faits principaux

Tableau 1Prévisions macroéconomiques

1995-2018 2019 2020 2021 2019 2020

Évolution en % (ou spécifié différemment)

Révisions (points de % ou spécifié

différemment)1

PIB (en vol.) 3.4 2.3 -6.0 7.0 -0.5 -8.4Emploi total intérieur 3.2 3.6 0.8 1.0 -0.1 -2.4

Taux de chômage (% de la pop. active, déf. ADEM) 4.5 5.4 6.7 7.3 0.1 1.4

Indice des prix à la consommation (IPCN) 1.9 1.7 0.6 1.6 - -1.0

Coût salarial nominal moyen 2.8 1.8 -5.4 4.6 -0.7 -8.0

Capacité/besoin de financement (% du PIB)2 1.9 2.2 -5.9 -2.8 -0.6 -7.2

1 Par rapport à la NDC 2-19, publiée le 3 décembre 2019 2 Prévision du STATEC 2020-2021Source: STATEC (1995-2019: données observées; 2020-21: prévisions)

Récession mondiale

L’économie mondiale est fortement impactée cette année par les conséquences de la pandémie de coronavirus. Les mesures de confinement mises en œuvre dans de nombreux pays entraînent un repli très marqué de l’activité au 1er semestre et les mesures de soutien monétaire et budgétaire adoptées ne pourront empêcher une récession profonde sur l’ensemble de l’année.

Dans la zone euro, cette récession serait encore plus forte que celle de 2009, mais s’étalerait sur une période moins longue. Un rebond est attendu en 2021, dont l’ampleur dépendra de l’évolution de la situation sanitaire. Cette dernière constitue un facteur d’incertitude majeur sur les résultats des prévisions, tant pour 2020 que pour 2021.

L’économie luxembourgeoise coupée dans son élan

L’activité économique au Luxembourg a été relativement soutenue sur les deux premiers mois de l’année, mais elle s’est fortement réduite à partir de mars avec la mise en place des mesures de confinement. Les secteurs les plus touchés sont ceux qui ont été directement visés par une interdiction totale ou partielle d’exercer (construction, Horeca, commerce) et/ou pour lesquels les possibilités de télétravail sont limitées. La sortie progressive du confinement devrait permettre à l’activité de rebondir à partir du 3e trimestre.

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5Note de conjoncture

N° 1-2020

Grâce au travail à distance, le secteur financier a apparemment pu préserver le niveau d’occupation de ses effectifs, mais le repli des marchés boursiers et la dégradation conjoncturelle viendront impacter ses résultats. La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée en volume devrait enregistrer un repli sensible sur l’ensemble de l’année.

Le PIB luxembourgeois en volume devrait enregistrer un repli de 6% cette année, suivi d’un rebond de 7% en 2021. Cette configuration implique une normalisation de la situation sanitaire et une reprise progressive de l’activité. Cette dernière resterait cependant à la fin de 2021 encore inférieure de 3% à la trajectoire qui se dessinait avant l’émergence de cette crise.

L’inflation et les salaires impactés à la baisse

Au Luxembourg, les prix à la consommation ont considérablement freiné suite à l’in-troduction de la gratuité des transports publics et l’effondrement des prix pétroliers sous le choc Covid-19. La dégradation conjoncturelle devrait également se traduire par des tendances désinflationnistes sur les prochains trimestres, suite à une demande faiblissante. À court terme et pour certains secteurs, des difficultés d’approvision-nement peuvent cependant exercer des pressions haussières sur les prix, ce qui est actuellement le cas pour l’alimentation. Le redressement projeté des prix pétroliers, bien que très graduel, contribuerait au rebond de l’inflation de 0.6% pour 2020 à 1.6% l’année prochaine.

Suite à la révision vers le bas des prévisions d’inflation, la prochaine tranche indiciaire serait repoussée en 2022, freinant mécaniquement la croissance des salaires anticipée pour l’année prochaine au Luxembourg. Malgré l’indexation de janvier 2020, le coût salarial moyen devrait baisser d’environ 5% en 2020 (et même de 8% dans le secteur privé) suite à la prise en charge par l’État de la masse salariale des personnes au chô-mage partiel ou en congé pour raisons familiales. Le revenu disponible des ménages progresserait en revanche, même si près de 140 000 personnes ont probablement subi des baisses de salaire sur un ou plusieurs mois.

Malgré des mesures de soutien inédites, le marché du travail accuse nettement le coup

Le dévissage de l’activité économique à partir de mars s’est très vite répercuté sur le chômage en zone euro, malgré la mise en place de dispositifs de chômage partiel dans presque tous les pays européens. Les conséquences de la pandémie du Covid-19 ne vont se révéler toutefois que progressivement et les mesures gouvernementales ne vont pas pouvoir absorber le choc dans son entièreté. La Commission européenne table ainsi sur une baisse de l’emploi de la zone euro inédite en 2020 (-4.7% 2020, après +1.2% en 2019). Le taux de chômage dans la zone euro devrait quant à lui passer à 9.6% en 2020, une hausse d’environ 2 points par rapport à 2019.

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6Note de conjonctureN° 1-2020

Au Luxembourg, l’emploi et le chômage ont également été fortement impactés par le choc de la crise sanitaire. La hausse du chômage en mars est surtout à mettre en lien avec la fermeture des chantiers et la baisse de l’emploi intérimaire. Sur les prochains mois, la situation devrait se stabiliser. Les mesures de maintien en emploi prises par le gouvernement pendant le confinement (chômage partiel, congé pour raisons familiales) devraient largement limiter les effets négatifs sur les effectifs salariés, avec un emploi qui devrait encore progresser de 0.8% en 2020 dans le scénario d’un confinement limité, après +3.6% en 2019 (et contre une baisse de 2.2% sans les mesures de maintien en emploi). La durée de travail sera par contre significativement impactée (-3.7% en 2020).

Les finances publiques considérablement dégradées

L’affaissement conjoncturel se traduira par une nette dégradation des finances publiques. Côté recettes, un ralentissement était déjà prévu avant l’émergence de la crise Covid-19; désormais, le STATEC s’attend à un repli marqué de plus de 5% cette année, suivi d’un rebond de taille similaire l’année prochaine. La révision à la baisse pour 2020 reflète essentiellement l’effondrement des bases fiscales et découle dans une moindre mesure des initiatives gouvernementales.

Selon le STATEC, les mesures prises pour contrer le choc économique pèseraient lourd du côté des dépenses (avec environ 1.5 Mia EUR, soit 2.5 points de PIB). Combinées au coût des mesures sanitaires, elles devraient entraîner une hausse des dépenses publiques de 12% cette année. En 2021, ces dernières stagneraient suite au caractère non récurrent des mesures prises jusqu’à présent.

Le solde public se dégraderait fortement, de +2.2% du PIB en 2019 à -6% cette année (soit -3.5 Mia EUR). Il s’agirait d’un déficit inédit: sur les 25 dernières années, le Luxembourg ne s’est retrouvé que trois fois en situation de déficit et pour à peine 1% du PIB à chaque fois. L’année 2021 connaîtrait encore un déficit de l’ordre de 3%, mais beaucoup d’éléments d’incertitude entourent cette projection.

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L’économie mondiale est fortement impactée cette année par les consé-quences de la pandémie de coronavirus. Les mesures de confinement mises en œuvre dans de nombreux pays entraînent un repli très marqué de l’activité au 1er semestre et les mesures de soutien monétaire et budgétaire adoptées ne pourront empêcher une récession profonde sur l’ensemble de l’année.

Dans la zone euro, cette récession serait encore plus forte que celle de 2009, mais s’étalerait sur une période moins longue. Un rebond est attendu en 2021, dont l’ampleur dépendra de l’évolution de la situation sanitaire. Cette dernière constitue un facteur d’incertitude majeur sur les résultats des prévisions, tant pour 2020 que pour 2021.

Conjonctureinternationale 1

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8Note de conjonctureN° 1-2020

1. Conjoncture internationale

Une crise inédite

L’expansion du Covid-19 à l’échelle mondiale a débouché sur une crise sanitaire majeure. Et les mesures de prévention engagées pour y faire face ont largement contribué à plonger les économies dans une récession d’une ampleur inédite. De nombreux pays ont mis en place des plans de lutte reposant notamment sur le confinement de la population à domicile, la limitation des déplacements de personnes ou l’interdiction temporaire de certaines activités jugées incompatibles avec l’impératif sanitaire. Ces mesures ont immédiatement porté un coup brutal à l’activité économique.

Contrairement à d’autre crises passées, celle-ci n’est pas d’origine économique. Une crise économique classique éclate souvent suite à un dysfonctionnement ou un déséquilibre de(s) marché(s) que l’on a mal apprécié, mal anticipé, et qui débouche sur une correction majeure. Ici, l’origine de la crise est parfaitement connue, c’est la priorité donnée à la santé des populations face au coronavirus et l’application de mesures préventives drastiques (avec certes des différences notables selon les pays). Ce qui est incertain, c’est la manière dont la situation sanitaire va évoluer et les conséquences que cela aura sur les économies, à court terme et à long terme.

Une récession mondiale et de grande ampleur en 2020

D’ores et déjà, et même dans les scénarios les moins pessimistes, l’année en cours se caractérisera par une récession marquée et quasi généralisée à l’échelle mondiale. Seules certaines économies émergentes, comme la Chine ou l’Inde, y échapperaient (mais avec des taux de croissance bien inférieurs à leurs performances habituelles).

Selon le Fonds monétaire international1, le PIB mondial devrait se replier de 3% en 2020, soit bien plus que lors de la grande récession (-1.7% en 2009). D’après la même source, le repli de l’activité serait proche de 6% dans l’ensemble des économies avancées. À la différence de la crise financière de 2009, le rebond serait cependant bien plus fort et rapide, avec une croissance mondiale de quelque 6% en 2021 (et de 4.5% dans les économies avancées), à la condition toutefois que la situation sanitaire reste sous contrôle, c’est-à-dire sans nouvelle recrudescence des cas d’infection.

1 Perspectives de l’économie mondiale - Avril 2020.

Tableau 1.1Prévisions de la Commission européenne

PIB à prix constants Prix implicites de la consommation privée

Nombre de chômeurs Solde de la balancedes paiements courants

2019 2020 2021 2019 2020 2021 2019 2020 2021 2019 2020 2021Variation en % En % de la pop. active En % du PIB

Belgique 1.4 -7.2 6.7 1.4 0.8 1.5 5.4 7.0 6.6 -0.7 -0.1 -0.3Allemagne 0.6 -6.5 5.9 1.3 0.3 1.4 3.2 4.0 3.5 7.6 6.1 7.4Irlande 5.5 -7.9 6.1 2.2 -1.0 0.9 5.0 7.4 7.0 -9.4 4.6 4.4Grèce 1.9 -9.7 7.9 0.6 -0.6 0.5 17.3 19.9 16.8 -0.3 0.1 -1.2Espagne 2.0 -9.4 7.0 1.2 -0.2 1.1 14.1 18.9 17.0 2.0 3.2 2.7France 1.3 -8.2 7.4 1.1 0.6 1.0 8.5 10.1 9.7 -0.1 -0.1 -0.4Italie 0.3 -9.5 6.5 0.5 -0.3 0.7 10.0 11.8 10.7 3.0 3.4 3.3

Luxembourg1 2.3 -5.4 5.7 1.9 1.7 2.0 5.6 6.4 6.1 4.5 4.5 4.5

Pays-Bas 1.8 -6.8 5.0 2.4 0.8 1.3 3.4 5.9 5.3 10.2 9.0 8.4Autriche 1.6 -5.5 5.0 1.6 1.1 1.5 4.5 5.8 4.9 2.3 0.9 1.6Portugal 2.2 -6.8 5.8 1.0 0.5 1.4 6.5 9.7 7.4 0.0 -0.6 -0.2Finlande 1.0 -6.3 3.7 1.1 0.5 1.4 6.7 8.3 7.7 -0.8 -1.3 -1.5Danemark 2.4 -5.9 5.1 0.8 0.6 1.5 5.0 6.4 5.7 7.9 6.2 6.7Suède 1.2 -6.1 4.3 1.9 0.3 1.0 6.8 9.7 9.3 4.4 3.7 4.0

UE 1.5 -7.4 6.1 1.4 0.5 1.3 6.7 9.0 7.9 3.2 3.1 3.4Zone euro 1.2 -7.7 6.3 1.2 0.3 1.2 7.5 9.6 8.6 3.3 3.4 3.6

Royaume-Uni 1.4 -8.3 6.0 1.3 1.2 1.5 3.8 6.7 6.0 -3.8 -4.1 -4.3États-Unis 2.3 -6.5 4.9 1.4 0.1 1.3 3.7 9.2 7.6 -2.3 -3.0 -3.0Japon 0.7 -5.0 2.7 0.3 0.2 0.1 2.3 4.3 4.5 3.5 3.6 3.21 Les prévisions de la Commission européenne pour le Luxembourg peuvent diverger de celles du STATEC. Source: Commission européenne (6 mai 2020)

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9Note de conjoncture

N° 1-2020

1. Conjoncture internationale

La zone euro fortement impactée

Selon le FMI et la Commission européenne2, la zone euro pourrait enregistrer une récession de l’ordre de 7 à 8% cette année. Ce repli est plus important que celui retenu par le STATEC (baisse de 5% environ, cf. tableau 1.2), ce qui tient en partie à la date de clôture des prévisions. Au fur et à mesure de l’avancée dans 2020, les perspectives économiques ont eu tendance à se dégrader (particulièrement entre les mois de février et mars), et ce à l’échelle mondiale.

Il faut aussi considérer, et ce point est largement mis en avant dans les différentes prévisions dévoilées récemment, l’incertitude exceptionnellement élevée qui entoure les résultats. Ceci découle notamment de la nature inédite de cette crise, pour laquelle les modèles de prévision couramment utilisés sont mis en difficulté, car les compor-tements des agents économiques sont susceptibles d’évoluer de manière très différente que dans une crise classique. L’évolution du facteur "confiance" notamment (celui-ci a été lourdement impacté, cf. graphique 1.1) sera déterminant.

Les prévisions des différentes institutions pour chacun des États membres affichent des différences sensibles. Sans aller dans le détail, on peut retenir un impact a priori bien plus marqué en 2020 pour les pays qui représentent des destinations touristiques majeures de l’Europe (France, Italie, Espagne, Grèce) et qui devraient souffrir davan-tage de la limitation des flux internationaux de voyageurs. Pour l’ensemble des pays, la récession subie cette année serait plus forte que lors de la grande récession. Elle s’étalerait cependant sur une période moins longue, de deux trimestres (contre 4 trimestres consécutifs à l’époque). En résumé, une crise très concentrée.

Le PIB de la zone euro a chuté de 3.8% sur un trimestre au 1er trimestre et le recul devrait être encore bien plus prononcé au 2e, les contraintes liées aux mesures de confinement ayant pesé davantage. Avec le déconfinement progressif, le 3e trimestre devrait enregistrer un rebond marqué, mais qui se produira à partir d’un point extrê-mement bas en termes d’activité. Avec une certaine normalisation par la suite, cette configuration induit un fort rebond du PIB sur l’ensemble de 2021 dont l’ampleur est sujette à beaucoup d’incertitudes (+6.3% prévus par la Commission européenne, +4.6% retenus par le STATEC au 9 avril).

Graphique 1.1La confiance plonge en zone euro

1151101051009590858075706560

Indicateur du sentiment économique (éch. de gauche)Indice PMI composite (éch. de droite)

Janv

.-18

Avr.-

18

Juil.

-18

Oct

.-18

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

En points En points656055504540353025201510

Sources: Commission européenne, Markit

Graphique 1.2Le PIB de la zone euro déjà largement affecté au 1er trimestre

123

118

113

108

103

98

17 T

1

17 T

2

17 T

3

17 T

4

18 T

1

18 T

2

18 T

3

18 T

4

19 T

1

19 T

2

19 T

3

19 T

4

20 T

1

PIB en vol., 2017 T1 = 100

Zone euroÉtats-Unis

JaponChine

Source: Eurostat

2 Prévisions économiques du printemps 2020 – 6 mai 2020.

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10Note de conjonctureN° 1-2020

1. Conjoncture internationale

Les marchés financiers ont clairement accusé le coup

Les principaux indices boursiers ont enregistré une forte chute entre la fin février et la mi-mars (cf. chapitre 2). Ils se sont redressés par la suite, jusqu’à la mi-avril, sans regagner tout le terrain perdu, et affichent depuis une certaine stabilité. Ceci affecte bien entendu l’hypothèse retenue pour l’indice Euro Stoxx pour l’ensemble de l’année (et pour l’année prochaine), qui est un élément important dans la trajectoire de la valeur ajoutée du secteur financier pour le Luxembourg.

La réaction rapide des autorités monétaires (voir ci-après) a sans doute permis de calmer le jeu. Et les mesures de soutien budgétaire aussi. En tout cas, contrairement aux signaux envoyés par les enquêtes d’opinion, qui se sont largement dégradées en avril (en Europe et dans la plupart des économies avancées), les marchés financiers ne donnent pas l’impression d’être entrés dans une spirale pessimiste. Cependant, d’autres éléments témoignent de la dégradation de l’environnement financier, comme par exemple la remontée des écarts sur les taux souverains ou la hausse des primes de risque sur les titres émis par les entreprises. La crise actuelle devrait aussi entraî-ner une hausse de l’endettement privé (entreprises et ménages) et du risque de défaut de paiement sur les crédits.

L’orientation des politiques monétaires devrait rester très accommodante à moyen terme, ce qui exclut notamment toute remontée significative des taux d’intérêt avant 2022 en zone euro. Et ce d’autant plus que les tendances désinflationnistes se sont renforcées avec l’effondrement du prix des matières premières (notamment du pétrole) et le fait que cette crise devrait laisser des traces durables sur la demande et les capacités productives. La crise liée au Covid-19 a certes pu entraîner des tensions sur l’offre dans certains domaines et donc provoquer des hausses de prix isolées, mais l’effet demande (en baisse) devrait l’emporter largement sur l’évolution des prix des biens et services (cf. chapitre 3). Le rebond de la consommation devrait être limité par les conditions plus difficiles du marché du travail. D’après les prévisions de la Commission européenne, le taux de chômage devrait en effet nettement s’accroître cette année dans la zone euro et atteindre 9.6% de la population active (contre 7.5% en 2019).

Tableau 1.2Principales hypothèses internationales

1990-2018 2019 2020 2021 2019 2020

Environnement international2Évolution en %

(ou spécifié différemment)Révisions (points de % ou

spécifié différemment)1

PIB zone euro (vol.) 1.6 1.2 -5.1 4.6 0.1 -6.2Demande mondiale, biens (vol.) 4.5 1.5 -4.6 7.1 -0.6 -6.2Demande mondiale, services (vol.) 4.6 4.6 -7.2 10.3 2.4 -9.6Indice boursier européen Euro Stoxx 4.6 1.4 -14.6 7.0 1.2 -19.1

Prix PIB zone euro 1.9 1.7 1.4 1.3 0.1 -

Prix pétroliers (baril/USD) 49.0 64.4 29.9 35.2 -0.4 -33.0Taux de change (EUR/USD) 1.21 1.12 1.09 1.09 - -

Taux de chômage Grande Région (% de la pop. active) 8.7 6.5 8.9 8.7 -1.4 1.0

Taux d'intérêt court terme EUR 3.5 -0.4 -0.4 -0.4 - -

Taux d'intérêt long terme EUR 4.7 0.4 0.3 0.6 - -

Source: STATEC (1990-2019: données observées; 2020-21: prévisions)1 Par rapport à la NDC 2-19, publiée le 3 décembre 2019.2 Le scénario international est présenté sous la responsabilité du STATEC et se base sur les projections d’Oxford Economics avec qui le STATEC a une relation contractuelle. La date de clôture est le 9 avril.

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11Note de conjoncture

N° 1-2020

1. Conjoncture internationale

Le commerce mondial s’essouffle malgré la baisse des tensions protectionnistes

Les mesures de confinement ont débuté en Chine à la mi-janvier puis se sont étendues à de nombreux pays au fil de la propagation de l’épidémie. Elles ont créé une onde de choc sur l’offre et la demande mondiale – déjà affaiblie par l’intensification des tensions géopolitiques et du protectionnisme en 2019 – affectant encore davantage le commerce international (-3% sur un an en février). Les importations japonaises et américaines se sont particulièrement réduites en début d’année (-12% et -5% respectivement sur un an), confrontées à des exportations chinoises et d’Europe de l’Est en repli de 5%. Les évolutions des taux de change sont légèrement à l’avantage des États-Unis (l’EUR/USD est ainsi passé de 1.11 en janvier à 1.09 en avril), mais en défaveur des pays exportateurs de matières premières.

Les impacts économiques du confinement sont déjà visibles en Chine: chute du PIB de 7% sur un an au 1er trimestre, -9% de production industrielle, -12% de consom-mation des ménages et baisse des revenus/personne de 4%. Les indices PMI chinois ont plongé à leur plus bas niveau en février, en particulier pour les services. Ils ont rebondi dès le mois de mars avec la reprise de l’activité, mais l’indicateur pour les services reste encore bien inférieur à son niveau d’avant-crise. Les États-Unis devraient être plus impactés au 2e trimestre. Au 1er trimestre, leur PIB a reculé de 1.3% sur un trimestre, la production industrielle de 2% et la consommation des ménages a chuté de 7.6% en mars (en particulier sur les achats de voitures, l’habillement et les loisirs). Le marché du travail américain étant très flexible, les arrêts d’activité liés au confi-nement ont entraîné des pertes d’emplois massives et sans précédent (881 000 en mars puis 20.5 Mio en avril).

L’activité mondiale devrait reprendre au 2e semestre sous l’effet du déconfinement et des plans de stabilisation mais elle sera fortement limitée par l’affaiblissement de la demande domestique et extérieure. Malgré l’engagement sino-américain du 8 mai visant à mettre en œuvre l’accord commercial signé en début d’année, les conflits politiques habituels pèseront encore sur l’incertitude économique. La Commission européenne prévoit que le commerce mondial chuterait de 11% en 2020. Cette prévision, ainsi que le rebond prévu pour 2021, sont bien entendu soumis aux mêmes incertitudes que celles entourant les perspectives de croissance.

Graphique 1.3L’affaiblissement du commerce mondial s’aggrave sous l’effet du confinement chinois

130

125

120

115

Volume du commerce mondialTendance (moyenne mobile sur 3 trimestres)

Janv

.-17

Juil.

-17

Janv

.-18

Juil.

-18

Janv

.-19

Juil.

-19

Janv

.-20

Indice 2010 = 100

Source: Centraal Planbureau (www.cpb.nl)

Graphique 1.4Les activités de services plus impactées en Chine

60

55

50

45

40

35

30

25

20

PMI Industrie ChinePMI Services Chine

Janv

.-19

Mar

s-19

Mai

-19

Juil.

-19

Sept

.-19

Nov

.-19

Janv

.-20

Mar

s-20

En points

Source: Macrobond

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12Note de conjonctureN° 1-2020

1. Conjoncture internationale

Des mesures de soutien budgétaire et monétaire d’urgence

Dès le début du confinement, les États ont mis en place des plans de stabilisation de trésorerie plutôt que des plans de relance, dans la mesure où il est inutile d’accroître la demande immédiate lorsqu’il existe une contrainte sur l’offre. Les plans européens consistent principalement en des aides au financement des entreprises et le recours au chômage partiel. Les États-Unis soutiennent aussi le financement des entreprises mais misent en revanche sur la flexibilité du marché du travail américain (pas de chômage partiel) et sur des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages. La composition des plans de soutien varie largement selon les pays (cf. graphique 1.5). Au Luxembourg, les dépenses directes annoncées représentent 3% du PIB, les reports 8% et les garanties 4%3.

Le 19 mars, la Commission européenne a parallèlement confirmé un régime d’aides temporaires pour soutenir les plans nationaux via des subventions directes, des avantages fiscaux, des avances remboursables, des garanties sur les prêts bancaires et des prêts publics à taux réduits. Le Luxembourg s’est doté de 300 Mio EUR et d’un nouveau système de garantie de crédits aux entreprises. D’autres instruments ont été créés par l’Eurogroupe: une ligne budgétaire au Mécanisme européen de stabilité (MES) qui peut accorder des prêts jusqu’à 2% du PIB de chaque État membre, le mécanisme de prêt SURE de la Commission européenne pour abonder les programmes de chômage partiel et les prêts de la BEI aux PME de l’UE. Au total, les pays de la zone euro disposeront de 480 Mia EUR (4% du PIB) de capacité de financement additionnel.

En complément des plans fiscaux, des mesures de soutien monétaire ont été rapide-ment adoptées par les banques centrales pour limiter les risques d’instabilité financière: abaissement ou maintien de taux d’intérêt directeurs bas, achats de titres privés et publics à long terme4, élargissement des opérations de refinancement régulières, assouplissement des exigences réglementaires et des actifs acceptés en garantie, aide aux banques dans l’apport de liquidité aux entreprises et achats de titres de dette des entreprises sur les marchés de capitaux5. D’après une estimation fournie par la banque privée Pictet, les liquidités fournies par les banques centrales pour soutenir l’économie pourraient atteindre 12% du PIB mondial6.

3 Dans les prévisions des dépenses et recettes publiques du STATEC, l’impact est plus faible notam-ment car il se base sur une approche SEC des encaissements de TVA et de cotisations sociales (qui seront réaffectées à 2020 même en cas d’encaissement postérieur). Cf. chapitre 5 pour plus d’explications (tableau 5.2).

4 En plus de l’enveloppe de 120 Mia EUR consacrée à des achats d’actifs dans le cadre de l’Asset Purchase Programme, la BCE a introduit un programme d’achats d’urgence "Pandemic Emergency Purchase Pro-gramme" de 750 Mia EUR. La Fed a annoncé un programme d’achats illimités et la BoE un programme de 200 Mia GBP.

5 La BCE a relevé les montants d’achats de titres du secteur des entreprises (CSPP) et effectuera des achats supplémentaires d’obligations émises par les entre-prises via le PEPP. La Fed a intro-duit pour la 1re fois des facilités d’achat d’obligations d’entreprises et la BoJ, seule banque centrale à acheter des actions d’entreprises, a doublé ses achats de fonds négociés en bourse en actions.

6 Cf. https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-finan-ciers/a-mille-lieues-de-lecono-mie-reelle-la-bourse-signe-son-meilleur-mois-davril-depuis-longtemps-1200022

Graphique 1.5Des plans de stabilisation nationaux face à la crise

30

25

20

15

10

5

0

Dépenses directes et non remboursablesReports d'impôts, de cotisations et de remboursements des créditsGaranties (éch. de droite)

En % du PIB 201930

25

20

15

10

5

0DE IT PT FR US LU DK HU UK NL BE GR ES

Sources: Bruegel (au 16 avril), FMI, Ministère des Finances du Luxembourg (au 30 avril)Note: Les montants s’appliquant au Luxembourg sont ceux annoncés par le gouvernement et peuvent diverger de ceux retenus par le STATEC dans ses projections.

Graphique 1.6Les taux d’intérêt directeurs se plient aux besoins de liquidité

8

7

6

5

4

3

2

1

0

-1

Janv

.-07

Janv

.-08

Janv

.-09

Janv

.-10

Janv

.-11

Janv

.-12

Janv

.-13

Janv

.-14

Janv

.-15

Janv

.-16

Janv

.-17

Janv

.-18

Janv

.-19

Janv

.-20

En %

Zone euroÉtats-Unis

AngleterreChine

CanadaJapon

Source: Macrobond (principaux taux directeurs fixés par les banques centrales)

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L’activité économique au Luxembourg a été relativement soutenue sur les deux premiers mois de l’année, mais elle s’est fortement réduite à partir de mars avec la mise en place des mesures de confinement. Les secteurs les plus touchés sont ceux qui ont été directement visés par une interdiction totale ou partielle d’exercer (construction, Horeca, commerce) et/ou pour lesquels les possibilités de télétravail sont limitées. La sortie progressive du confinement devrait permettre à l’activité de rebondir à partir du 3e trimestre.

Grâce au travail à distance, le secteur financier a apparemment pu préserver le niveau d’occupation de ses effectifs, mais le repli des marchés boursiers et la dégradation conjoncturelle viendront impacter ses résultats. La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée en volume devrait enregistrer un repli sensible sur l’ensemble de l’année.

Le PIB luxembourgeois en volume devrait enregistrer un repli de 6% cette année, suivi d’un rebond de 7% en 2021. Cette configuration implique une normalisation de la situation sanitaire et une reprise progressive de l’activité. Cette dernière resterait cependant à la fin de 2021 encore inférieure de 3% à la trajectoire qui se dessinait avant l’émergence de cette crise.

Activitééconomique 2

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14Note de conjonctureN° 1-2020

2. Activité économique

L’année commençait plutôt bien

Jusque début février 2020, de nombreux éléments laissaient espérer un arrêt de la dégradation conjoncturelle européenne entamée en 2018. Les enquêtes de conjonc-ture en zone euro indiquaient une remontée de la confiance dans les services et la construction et le moral des industriels et des consommateurs semblait avoir atteint un plancher. Des tendances à peu près similaires ressortaient des enquêtes de conjoncture luxembourgeoises, à l’exception des services non financiers où la confiance s’était nettement repliée à partir de janvier. L’environnement financier continuait à s’éclaircir, les indices boursiers des grandes places financières poursuivant sur le sentier haussier du 4e trimestre 2019.

Cette stabilisation de l’environnement conjoncturel transparaissait notamment dans les prévisions de la Commission européenne publiées le 12 février, qui tablaient sur une croissance de 1.2% en 2020 pour la zone euro, identique à celle de 2019. Mais aussi dans celles du STATEC pour le Luxembourg (projections dites "de moyen terme"1, publiées début mars mais finalisées en février): hausse du PIB de 2.8% en 2020 tout comme en 2019 (le résultat de 2019 a entre-temps été revu à 2.3% sur base de la première estimation réalisée par les comptables nationaux, cf. tableau 2.1). L’expan-sion du Covid-19, avec une mutation en pandémie, y était dans les deux cas évoquée comme risque, qui s’est malheureusement matérialisé depuis.

Les choses se sont ensuite rapidement dégradées avec l’expansion mondiale du corona-virus, mais on retrouve bien dans les statistiques "dures" du début 2020 des éléments positifs au Luxembourg: remontée de la production industrielle en janvier et février, idem pour celle de la construction, net rebond du chiffre d’affaires en volume sur la même période pour les services aux entreprises, les activités informatiques, l’Horeca, le transport aérien et poursuite de la croissance des actifs nets d’OPC en janvier. Sur l’ensemble de 2020 cependant, ces éléments ne pèseront pas lourd dans la balance face à la déflagration liée aux conséquences de la pandémie du Covid-19 sur l’activité économique à partir de mars.

1 Économie et statistiques N° 111/2020, Projections économiques à moyen terme 2020-2024.

Tableau 2.1PIB et composantes de la demande

Année Trimestre2015 2016 2017 2018 2019 19 T1 19 T2 19 T3 19 T4

Variation annuelle en %

Dépense de consommation finale des ménages 1.8 3.4 2.2 3.3 2.8 3.1 3.6 2.8 1.8

Dépense de consommation finale des adm. pub. 1.6 1.0 4.7 4.1 4.8 3.2 4.8 5.6 5.5

Formation brute de capital fixe -7.7 4.6 5.6 -5.9 3.9 -0.5 0.7 8.6 7.6

Exportations de biens et de services 4.7 2.6 0.7 0.5 0.8 -1.4 0.9 2.7 1.3

Exportations de biens -9.6 0.0 0.5 -1.2 -0.9 1.6 0.1 -1.1 -4.3

Exportations de services 9.9 3.8 1.4 0.3 1.8 -2.3 1.9 4.5 3.2

Exportations de services financiers 4.2 -0.2 -2.8 1.6 -2.7 -3.0 -3.8 -2.3 -1.6

Exportations de services non financiers 18.5 9.0 6.5 -1.0 6.9 -1.4 8.7 12.8 8.1

Importations de biens et de services 3.4 1.6 0.6 -0.3 0.9 -1.3 0.5 3.0 1.5

Importations de biens -1.8 1.4 1.6 -0.4 1.8 -0.3 -0.3 3.7 4.1

Importations de services 5.2 2.3 1.4 -0.5 1.7 -1.4 1.9 4.5 1.8

Importations de services financiers 2.9 -1.7 -5.5 0.5 -4.1 -2.8 -4.8 -4.4 -4.4

Importations de services non financiers 7.1 5.3 6.3 -1.2 5.3 -0.4 6.4 10.6 5.3

PIB 4.3 4.6 1.8 3.1 2.3 0.3 2.9 3.0 3.0Source: STATEC (données en volume)

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15Note de conjoncture

N° 1-2020

2. Activité économique

Des mesures drastiques pour lutter contre le virus, avec un fort impact sur l’activité

Au Luxembourg comme dans la majorité des autres pays européens, des mesures inédites ont été prises afin d’éviter la propagation du coronavirus. Celles-ci passent notamment par la limitation des déplacements de personnes et la distanciation des individus, que l’on peut regrouper sous le terme de "mesures de confinement". Elles ont eu pour conséquence l’arrêt de certaines activités, notamment celles opérées dans des lieux recevant du public, ce qui inclut de fait l’Horeca (à l’exception de la vente à emporter), et les activités culturelles, sportives et récréatives. Les activités de commerce ont été limitées aux besoins jugés essentiels (alimentation, pharmacie,...). Ces mesures sont entrées pour la plupart en vigueur le 16 mars2, parallèlement à la fermeture des établissements scolaires. Par après, les chantiers de construction ont été mis à l’arrêt (le 20 mars au soir) et le trafic aérien passager au Findel suspendu (23 mars). À côté des mesures directement décidées par les pouvoirs publics, les autres acteurs (entreprises, ménages, administrations) ont aussi pris des dispositions de nature préventive, en favorisant le télétravail par exemple et en limitant les déplacements aux besoins jugés nécessaires.

Même si l’on n’en a pas encore une quantification exacte, il est évident que toutes ces mesures ont de par leur nature eu un effet très négatif sur l’activité économique. Le STATEC estime qu’au plus fort du confinement, elle aurait été amputée d’un quart environ3 par rapport à une situation jugée "normale" (cf. tableau 2.2).

Les statistiques habituelles pour juger du niveau d’activité (production dans l’industrie et la construction, chiffre d’affaires dans les services) ne sont pas encore disponibles pour mars et avril. Dans la plupart des branches, les enquêtes de conjoncture du mois de mars ne révélaient pas encore de signal inquiétant, sans doute parce que les entrepreneurs interrogés l’avaient été avant l’annonce des mesures de confinement (les résultats ont été collectés avant le 15 mars). Celles du mois d’avril en revanche ne laissent aucun doute sur la puissance du choc subi (cf. tableau 2.3). Comme dans l’ensemble de la zone euro, la confiance des acteurs économiques luxembourgeois s’est littéralement effondrée. Dans la plupart des domaines, elle atteint un plancher historique, en particulier pour les activités de services, ou son plus bas niveau depuis la grande récession de 2009 (industrie, consommateurs).

2 Pour le détail des mesures, voir l’arrêté ministériel n° 149 du 16 mars 2020 portant sur diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

3 Cf. étude 6.1 dans cette Note de conjoncture.

Tableau 2.3Chute des indicateurs de confiance en avril

Moy. histo.

2019 Févr-20

Mars-20

Avr-20

En points

Industrie -13.8 -17.8 -19.3 -20.8 -52.3

Construction -15.9 13.1 21.8 21.0 -3.7

Commerce de détail 4.4 9.6 -13.6 -7.3 -65.8

Services non financiers 18.7 28.5 -7.6 -9.7 -64.0

Services financiers (zone euro) 11.4 11.9 12.4 -2.6 -51.9

Consommateurs -6.7 -0.9 -2.8 -8.9 -19.7

Sources: STATEC, Commission européenne (services financiers)

Tableau 2.2Estimation de l’impact de la crise Covid-19 sur l’activité au Luxembourg*

Part dans la valeur ajoutée

(VAB) en %

Impact

En %

En points de % de

VAB

Agriculture 0.2 -10 0.0

Industrie 7.6 -47 -3.6

Construction 5.6 -90 -5.0

Commerce 8.1 -39 -3.2

Transports et entreposage 5.4 -60 -3.2

Horeca 1.5 -90 -1.4

Info. et communication 10.4 -20 -2.1

Activités financières 23.9 -10 -2.4

Activités immobilières 8.4 -17 -1.4

Services aux entreprises 12.5 -21 -2.6

Services à dominante non marchande 17.8 -5 -0.9

Économie totale 100.0 - -25.8

Source: STATEC* Dans une situation de confinement comparable à celle de fin mars/début avril et par rapport à un niveau d’activité normal.

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16Note de conjonctureN° 1-2020

2. Activité économique

Les services non financiers impactés à des degrés divers

Les services autres que financiers avaient largement soutenu la progression de l’ac-tivité sur les années passées, mais ils ne sont pas épargnés par les conséquences du Covid-19. Au plus dur du confinement, ils auraient supporté environ 60% de la perte d’activité globale (15 points de % de PIB sur un total de 25 points, cf. tableau 2.2), ce qui correspond grosso modo à leur poids dans l’économie. Ils devraient cependant être touchés, selon les domaines, dans des proportions très variables4.

Les enquêtes de conjoncture signalaient déjà un repli de la confiance dans les activités de services sur les premiers mois de 2020, mais celui-ci s'est largement accentué en avril (cf. graphique 2.2). En cause, une nette détérioration des opinions concernant l’évolution de la demande (récente et attendue à court terme) et la situation de l’entreprise. Une question spécifique a été intégrée à l’enquête d’avril demandant si le Covid-19 constituait un facteur limitatif sur l’activité actuelle: à de très rares exceptions (programmation et diffusion, services d’information), les entreprises ont répondu par l’affirmative (94% au total).

Les possibilités de travail à distance permettront à certains de mieux résister…

Dans les services aux entreprises, ceux liés à l’information et la communication et à l’immobilier, la perte d’activité a été estimée à environ 20% pour chacune de ces catégories.

Parmi les services aux entreprises, les conséquences des mesures de confinement devraient être contrastées. L’impact le plus fort concernerait le travail intérimaire, car en cas de retournement rapide de l’activité à la baisse, les entreprises y ayant habituellement recours ajustent leurs besoins de main-d’œuvre en priorité par ce biais (plutôt que par celui de leurs propres salariés, pour lesquels ils peuvent demander le chômage partiel). Dans d’autres domaines, notamment tout ce qui concerne les activités comptables, juridiques, le conseil en gestion, la capacité d’instaurer le télé-travail permettrait de conserver un potentiel d’activité important. Ceci vaut également pour les services d’information et communication, dont la nature des prestations est largement dématérialisée.

4 Les services non marchands (ou à dominante non marchande) seront peu impactés en termes de valeur ajoutée, car celle-ci est du point de vue comp-table estimée en grande partie au travers des salaires (qui ne devraient pas réagir).

Graphique 2.1Les services non financiers, principale source de croissance sur les dernières années…

6

5

4

3

2

1

0

-1

Industrie et constructionServices non financiers

Contributions à l'évolution de la valeur ajoutée en vol.(en points de %)

Secteur financierTotal

2016 2017 2018 2019

Source: STATEC

Graphique 2.2… mais actuellement dans une très mauvaise passe

60

40

20

0

-20

-40

-60

-80

Commerce de détailIdem, moy. historique

Janv

.-18

Juil.

-18

Janv

.-19

Juil.

-19

Janv

.-20

Indicateur de confiance dans les services non financiers, en points

Autres services non fin.Idem, moy. historique

Source: STATEC

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17Note de conjoncture

N° 1-2020

2. Activité économique

Pour l’immobilier, il est très probable que les opérations de location et d’achat enre-gistrent une baisse lors du confinement (pour des raisons évidentes liées aux contraintes de distanciation physique et de mobilité), mais la valeur ajoutée sera soutenue par l’inertie des loyers imputés5.

… mais l’Horeca et le commerce seront beaucoup plus impactés

La fermeture des cafés et le seul maintien de la vente à emporter pour les restaurants entraîneront bien entendu une forte baisse de leur activité. Ces activités font partie de celles qui seront déconfinées en dernier et, qui plus est, ne pourront pas bénéficier d’un effet "rebond" aussi important que d’autres (elles enregistreront des pertes qui ne seront pas compensées par la suite). Le secteur de l’hébergement n’a pas été contraint de fermer, mais il est évident que sa fréquentation aura fortement accusé le coup du fait des restrictions sur la mobilité internationale.

Beaucoup de commerces ont dû rester fermés au public du 16 mars au 11 mai. Et pour ceux qui pouvaient rester ouverts, ils ont sans doute pu bénéficier d’une hausse des ventes sur certains types de produits (alimentaire et hygiène entre autres). Mais dans l’ensemble, les dépenses globales de consommation des ménages devraient avoir fortement baissé6 (les ventes de voitures ont quant à elles sombré). La limitation des flux transfrontaliers aura par ailleurs lourdement impacté les ventes de tabacs et de carburants (cf. chapitre 5). Sur la fin du mois de mars, le trafic routier s’est lourdement affaissé, de l’ordre de 75% pour les voitures et de 50% pour les camions (par rapport à la même période de l’année passée).

Cette baisse du trafic de camions reflète certainement en partie celle de la demande adressée au secteur du transport routier. Le transport aérien, malgré la fermeture du Findel au trafic passagers à partir du 23 mars, aura pu bénéficier d’un regain d’activité sur le fret en mars7, une véritable performance dans ce contexte. Selon les données recueillies par l’IATA (l’Association internationale du transport aérien), le volume du fret aérien en Europe aurait baissé de presque 20% sur un an en mars.

Graphique 2.3Les nouvelles immatriculations de voitures en chute libre

120

100

80

60

40

20

0

Zone euroLuxembourg

Janv

.-19

Févr

.-19

Mar

s-19

Avr.-

19

Mai

-19

Juin

-19

Juil.

-19

Août

-19

Sept

.-19

Oct

.-19

Nov

.-19

Déc.

-19

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

Avr.-

20

Indice jan. 2017 = 100

Sources: SNCT, ACEA, STATEC (données désaisonnalisées)

Graphique 2.4Transports aériens: le fret résiste

78

76

74

72

70

68

66

64

Fret (éch. de gauche)Passagers (éch. de droite)

Janv

.-19

Févr

.-19

Mar

s-19

Avr.-

19

Mai

-19

Juin

-19

Juil.

-19

Août

-19

Sept

.-19

Oct

.-19

Nov

.-19

Déc.

-19

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

En milliers de tonnes En milliers de passagers

450

400

350

300

250

200

150

100

Sources: ANA, STATEC (données désaisonnalisées)

5 La moitié environ de la valeur ajoutée de la branche de l’immobilier relève de loyers imputés (il s’agit de loyers fictifs que les propriétaires se versent à eux-mêmes).

6 Le montant des paiements au moyen de cartes bancaires (émises au Luxembourg) aurait diminué de plus de 40% entre la mi-mars et la mi-avril par rapport au début du mois de mars.

7 Le volume de fret aérien progresse de 3.5% sur un an en mars (mais baisse de 0.7% sur un an pour l’ensemble du 1er trimestre 2020).

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18Note de conjonctureN° 1-2020

2. Activité économique

Des marchés financiers préoccupés par les risques sur l’activité réelle mais sou-tenus par les plans de stabilisation et la résilience des valeurs technologiques

Les premières mesures de confinement en Chine et en Italie, accompagnées d’un plongeon du cours du pétrole, ont rapidement résonné sur les marchés financiers. Entre la mi-février et la mi-mars, les indices boursiers ont brutalement chuté de 37% en zone euro et de 30% aux États-Unis. Le pic de volatilité enregistré sur les marchés est identique à celui observé suite à la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers en septembre 2008. Si les bourses ont très vite pris au sérieux les risques de la crise sanitaire, elles ont aussi vite rebondi suite aux annonces de plans de soutien monétaires et budgétaires massifs à la mi-mars. En avril, alors que le confinement était toujours en cours dans la plupart des pays, et que la confiance des sociétés financières européennes tombait à son plus bas niveau, l’indice américain S&P 500 est reparti à la hausse (+13% sur un mois, sa meilleure performance depuis 1987) et l’Euro Stoxx 50 – plus exposé aux secteurs touchés par la crise (industrie, matériaux, énergie) – a malgré tout progressé de 5%.

La reprise des bourses peut être troublante en ce début de crise économique historique mais les investisseurs ne sont pas pour autant déconnectés de la réalité. Ils ont soldé leurs positions risquées (secteurs directement impactés par la crise, petites entreprises, obligations "high yield" mal notées) en faveur d’actifs plus sûrs (les grosses capitalisations plus résilientes, les secteurs gagnants du confinement comme la télécommunication et les titres bien notés "investment grade"). Le confinement a particulièrement profité aux Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) qui comptent désormais pour 22% du S&P 5008. L’indice boursier NASDAQ, qui regroupe majoritairement des sociétés liées à l’informatique et aux technologies, a même dépassé son niveau d’avant-crise. Les incertitudes sur l’évolution de l’épidémie et les impacts de la crise pourraient toutefois secouer à nouveau les bourses tout au long de l’année. Les actifs des organismes de placement collectif luxembourgeois (OPC) n’ont pas diminué autant que les indices boursiers en mars (-11% sur un mois contre -16% pour l’Euro Stoxx) car ils n’investissent pas que dans des actions cotées (il y a aussi 35% de fonds obligataires, 26% de fonds mixtes et 3% de fonds immobiliers). La perte mensuelle pour l’industrie des fonds d’investissement est malgré tout historique: -390 Mia EUR sous l’effet du krach boursier, 130 Mia EUR net retirés des fonds.

8 Ces 5 entreprises techno–logiques ont été les premières à profiter du plus long marché haussier du S&P 500 (entre 2009 et 2020). Leur concentration est nettement supérieure à celle atteinte lors de la "bulle Internet" (18.5% avec Microsoft, General Electric, Cisco, Intel et Walmart) en 2000.

Graphique 2.5Les bourses subissent un krach historique puis se redressent lentement

120

110

100

90

80

70

60

NASDAQS&P 500Euro Stoxx 50

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

Avr.-

20

Mai

-20

Indice 01.01.2020 = 100

Source: Macrobond (données en EUR)

Graphique 2.6Les fonds d’investissement luxembourgeois encaissent le choc et liquident les actifs risqués

200

100

0

-100

-200

-300

-400

-500

-600

Valorisation des actifsÉmissions nettes d'actifsEuro Stoxx 50 (éch. de droite)

Janv

.-19

Févr

.-19

Mar

s-19

Avr.-

19M

ai-1

9Ju

in-1

9Ju

il.-1

9Ao

ût-1

9Se

pt.-

19O

ct.-

19N

ov.-

19Dé

c.-1

9Ja

nv.-

20Fé

vr.-

20M

ars-

20Av

r.-20

Variation mensuelle en Mia EUR Variation mensuelle en %

10

5

0

-5

-10

-15

-20

-25

-30

Sources: CSSF, Macrobond (données en fin de période)

Page 20: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

19Note de conjoncture

N° 1-2020

2. Activité économique

Grâce aux performances des 12 mois précédant la crise, la moyenne des actifs détenus au 1er trimestre reste malgré tout de 6% supérieure au montant sous gestion au 1er trimestre 2019. La réorientation des fonds vers des actifs plus sûrs et le rebond des bourses devraient être bénéfiques en avril et en mai, mais les prévisions pour le reste de l’année sont beaucoup plus incertaines.

Malgré le krach boursier et le confinement, les assurances ne se sont pas effondrées non plus au 1er trimestre. Les primes encaissées sur les produits d’assurance vie en unités de compte – dont les rendements sont liés aux fluctuations boursières – sont restées stables (-0.2% sur un an). Les produits vie à rendement garanti sont liés à des taux d’intérêt toujours très faibles et restent peu attractifs (-16%, la majorité de cette baisse provenant toutefois d’un effet de base suite à un transfert de portefeuille au début de 2019). L’assurance non-vie a quant à elle vu ses primes augmenter de 5%, une progression qui n’est plus exclusivement tirée des relocalisations liées au Brexit – "ces compagnies ayant atteint à présent leur régime de croisière" selon le Commissariat aux assurances – mais aussi des compagnies du marché luxembourgeois.

Davantage de crédits bancaires aux entreprises

Les encours de crédits aux sociétés non financières et aux banques, qui avaient ralenti au début de l’année, ont rebondi en mars (+9% et +15% respectivement sur un an). La hausse des crédits aux entreprises entre février et mars (+7%) provient principalement de prêts de court terme (échéance de moins d’un an) octroyés à des sociétés de la zone euro. Les prêts aux ménages ont progressé à leur rythme haussier de 7% sur un an mais les banques interrogées pour l’enquête sur le crédit bancaire prévoient une baisse de la demande et un durcissement des critères d’octroi dans les mois à venir. Elles s’attendent en revanche à davantage de demandes de crédit à court terme par les entreprises touchées de près ou de loin par la crise.

Pour faire face aux risques de baisse des revenus du secteur privé et de défaut sur les prêts encourus, les banques européennes augmentent leurs provisions et la banque centrale assouplit les conditions de refinancement. Les fluctuations boursières impac-teront de l’autre côté les revenus sur commissions (cf. étude 6.3).

Graphique 2.7L’assurance résiliente au premier trimestre

100

80

60

40

20

0

-20

-40

Primes d'assurance non-viePrimes d'assurance vie à rendement garantiPrimes d'assurance vie en unités de compte

18 T

1

18 T

2

18 T

3

18 T

4

19 T

1

19 T

2

19 T

3

19 T

4

20 T

1

Contributions à la variation annuelle en points de %

Sources: STATEC, CAA

Graphique 2.8Rebond des crédits aux banques et aux sociétés non financières

25

20

15

10

5

0

-5

-10

Crédits interbancairesCrédits aux sociétés non financièresCrédits aux ménages

Janv

.-19

Févr

.-19

Mar

s-19

Avr.-

19

Mai

-19

Juin

-19

Juil.

-19

Août

-19

Sept

.-19

Oct

.-19

Nov

.-19

Déc.

-19

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

Variation annuelle en %

Source: BCL

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20Note de conjonctureN° 1-2020

2. Activité économique

Régime de crise pour l’industrie

L’industrie luxembourgeoise, comme celle de la zone euro, est dans un contexte difficile depuis 2018. En 2019, la montée des tensions protectionnistes à l’échelle mondiale et les difficultés de l’industrie automobile européenne (à la fois conjoncturelles et structurelles) ont pesé sur les exportations de produits industriels du Luxembourg, notamment vis-à-vis de l’Allemagne9. Des signaux plus positifs arrivaient au croisement de 2019 et 2020, avec une stabilisation du moral des industriels et une production qui repartait à la hausse en janvier (+4.7% sur un mois) et février (+4.8%)10, après quatre mois consécutifs de baisse.

Le répit n’a été que de courte durée. La crise du Covid-19 s’est matérialisée dans un premier temps par une désorganisation des chaînes de production mondiales liée aux perturbations de l’économie chinoise. Puis l’expansion du coronavirus en Europe est venue impacter, de manière bien plus forte, à la fois l’offre et la demande des industriels européens. Les enquêtes de conjoncture ont pleinement intégré ces effets à partir d’avril, la confiance retombant à un niveau très proche du creux de la grande récession (mars 2009). Hormis pour certains biens de consommation non durables, ce sont toutes les catégories de produits industriels qui devraient se retrouver impactées par les conséquences des mesures de confinement. Ceci est confirmé au travers d’une question spécifique intégrée à l’enquête d’avril: 86% des industriels luxembourgeois estiment que leur activité a été impactée par les conséquences liées au coronavirus, les secteurs les moins touchés (mais tout de même à hauteur de 50% environ) étant ceux des machines et équipements et des boissons. Pour ces derniers, la fermeture des cafés et restaurants et l’interdiction d’événements grand public ont tout de même pesé sur leur production, en particulier de boissons alcoolisées. Par ailleurs, 14% des industriels estiment que les difficultés de l’industrie automobile européenne ont affecté leur activité, surtout dans les domaines des produits informatiques et électroniques, des produits textiles et des produits minéraux non métalliques.

Les perspectives de l’industrie à court terme dépendront évidemment de la levée des mesures de confinement, au Luxembourg et à l’international (surtout en Europe) et des retombées positives qu’on peut en attendre sur la consommation et l’investissement.

Graphique 2.10Baisse de la production, hausse des stocks

40

20

0

-20

-40

-60

-80

Perspectives d'évolution de la productionCarnets de commandesNiveau des stocks (éch. de droite)

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Soldes d'opinions

40

30

20

10

0

-10

-20

Source: STATEC - Enquêtes de conjoncture dans l’industrie

Graphique 2.9Le moral des industriels au plus bas en avril

20

10

0

-10

-20

-30

-40

-50

-60

Zone euroLuxembourg

Janv

.-17

Juil.

-17

Janv

.-18

Juil.

-18

Janv

.-19

Juil.

-19

Janv

.-20

En points

Sources: Eurostat, STATEC - Enquêtes de conjoncture dans l’industrie

9 Cf. étude 6.1 "Montée des tensions commerciales: quelles retombées au Luxembourg", Note de conjoncture 2-19, STATEC.

10 Cette hausse de la produc-tion concernait à la fois les biens intermédiaires (notamment les produits métalliques, en caoutchouc, et les textiles) et les biens d’équipement.

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21Note de conjoncture

N° 1-2020

2. Activité économique

L’activité de la construction mise en stand-by

La construction a été dynamique sur le tout début de 2020. La production a augmenté de 8% sur un an sur les deux premiers mois, où les domaines du bâtiment et du génie civil ont été favorisés en partie par des températures relativement clémentes (janvier 2019 avait été très froid et février 2020 a été très doux), mais aussi par une demande soutenue. Celle-ci transparaît notamment dans l’évolution des prix de vente des loge-ments qui a pulvérisé un record l’année passée avec une hausse de plus de 10%, contre 7% en 2018 (et quelque 5% par an en moyenne sur les cinq années précédentes).

Bien que l’activité de la construction ait largement dévissé avec l’arrêt temporaire des chantiers (fin mars – mi-avril), la bonne tenue des carnets de commandes a amorti le choc sur la confiance. La production n’a pas été impactée par un brutal affaissement de la demande, comme cela a pu être le cas pour d’autres secteurs d’activité, mais tout simplement parce qu’elle n’était pas réalisable. Les projets arrêtés ou reportés seront effectués par la suite, et l’on peut même attendre un phénomène de rattrapage.

Avec la réouverture des chantiers, la production devrait donc se redresser nette-ment, même si les conditions de précaution sanitaire imposées aux travailleurs sont susceptibles de jouer à la baisse sur leur productivité (et à la hausse sur les coûts de production). Les autorisations de bâtir délivrées en 2019 sont demeurées élevées et devraient avoir des retombées positives sur les chantiers de 2020.

En attendant, environ 80% des effectifs de la branche (hors travailleurs intérimaires) se sont retrouvés au chômage partiel en mars et avril, représentant 30% environ du total des bénéficiaires de ce dispositif et aussi 30% du coût total associé (cf. étude 6.2).

Graphique 2.12… mais le potentiel de rebond est élevé

9 000

8 000

7 000

6 000

5 000

4 000

3 000

2 000

1 000

0

Construction résidentielleConstruction non résidentielle

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Autorisations de bâtir, volume en 1 000 m3

Source: STATEC

Graphique 2.11L’arrêt des chantiers aura un fort impact à court terme…

403020100

-10-20-30-40-50

ActivitéCarnets de commandesEmploi

Janv

.-18

Avr.-

18

Juil.

-18

Oct

.-18

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Solde des opinions +/-

Source: STATEC - Enquêtes de conjoncture dans la construction (données désaisonnalisées)

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22Note de conjonctureN° 1-2020

2. Activité économique

Graphique 2.13Les consommateurs inquiets pour l’économie et leurs finances personnelles

20

10

0

-10

-20

-30

-40

-50

Indicateur de confianceSituation financière personnelle à venirSituation économique générale à venir

Janv

.-19

Févr

.-19

Mar

s-19

Avr.-

19

Mai

-19

Juin

-19

Juil.

-19

Août

-19

Sept

.-19

Oct

.-19

Nov

.-19

Déc.

-19

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

Avr.-

20

En points

Source: BCL

À l’heure du déconfinement

Depuis le 20 avril, certains pans de l’économie ont été de nouveau autorisés à reprendre leur activité, les plus notables pour le moment étant ceux de la construc-tion et des commerces qui n’avaient pas été considérés comme "indispensables" et avaient dû fermer. Ceci va entraîner un regain d’activité dans d’autres branches. On peut cependant s’attendre à ce que les choses ne reviennent pas immédiatement à la normale dans ces secteurs (et dans l’économie en général). Dans les commerces par exemple, le redémarrage semble timide pour le moment, les consommateurs n’étant pas forcément pressés d’aller au contact d’autres personnes et de prendre le risque d’être contaminés pour acheter des biens ou des services dont ils n’ont pas un besoin impérieux. Un rebond de la consommation est probable à court terme, mais il pourrait être limité par une hausse de l'épargne de précaution. L’indicateur de confiance des consommateurs a en effet sensiblement baissé en mars et avril, sur fond d’inquiétudes concernant les perspectives pour l’activité économique et leur situation financière11. L’ampleur du rebond de la consommation des ménages n’est pas forcément primordiale pour la croissance luxembourgeoise (une grande part des produits consommés étant importés). C’est surtout l’ampleur du rebond de la consommation en Europe qui sera déterminante, car elle y conditionnera en grande partie la vigueur de la reprise sur laquelle reposeront nos exportations.

Les établissements du système éducatif rouvrent également progressivement leurs portes12. Ceci va lever en partie les restrictions sur l’offre de travail liées au congé pour raisons familiales.

Pour le Luxembourg, et pour la plupart des autres pays européens (où le calendrier des mesures de confinement est assez comparable), le PIB devrait déjà avoir baissé au 1er trimestre. C’est confirmé pour la zone euro, avec une première estimation de -4% sur un trimestre. Et la baisse attendue pour le 2e trimestre devrait être bien plus élevée vu que les contraintes du confinement y auront été plus présentes. C’est seulement à partir du 3e trimestre que le PIB devrait reprendre une trajectoire ascendante, sauf bien entendu s’il devait y avoir une nouvelle vague de contamination.

11 Des tendances similaires sont relevées à l’échelle de la zone euro, où les intentions d’achat en biens d’équipement ont également sensiblement reculé (ce mouvement est moins prononcé au Luxembourg).

12 Partiellement pour les lycées et l’Uni depuis le 4 mai, à partir du 11 mai pour l’enseignement secondaire et à partir du 25 mai pour l’école fonda-mentale et les crèches.

Tableau 2.4Reprise de certaines activités

20 avril

Remise en route des chantiers, des activités d'aide et d'assistance dans l'éducation, des jardiniers et paysagistes, réouverture des commerces de bricolage et centres de recyclage

11 mai

Réouverture intégrale des commerces (les cinémas, les salles de sport et les restaurants restent fermés) Réouverture de certains lieux culturels (musées, centres d'exposition, archives et bibliothèques)

31 juillet Échéance de l'interdiction des événements rassemblant de nombreuses personnes

Source: Ministère de l'Économie

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23Note de conjoncture

N° 1-2020

2. Activité économique

Des inconnues nationales et internationales traduites en scénarios de prévision

Pour élaborer une prévision de l’activité, une trajectoire probable de la stratégie de déconfinement a dû être établie pour 2020 et 2021 (cf. étude 6.1). Si l’activité était réduite d’un quart environ au moment où les mesures de confinement étaient les plus strictes, cet effet baissier se réduirait progressivement avant l’été, sans pour autant complètement disparaître. L’activité au 2e trimestre s’effondrerait ainsi de 17% — en variation trimestrielle — avant de rebondir mécaniquement aux 3e et 4e trimestres (+21% et +2% respectivement). En glissement annuel, ce profil impliquerait une baisse du PIB en volume de 6% en 2020, et un rebond tout aussi mécanique de 7% en 2021. Ces rebonds, en l’apparence plus forts que les baisses qui les précèdent, sont le reflet des niveaux très bas atteints au plus fort de la crise. Fin 2021, l’activité resterait en revanche toujours de quelque 3% inférieure à celle d’avant-crise.

Les mesures de confinement, notamment les fermetures d’enseignes commerciales et la limitation de la mobilité, impacteraient avant tout les activités marchandes — hors activités financières — qui baisseraient de 7% en 2020. Les activités financières, qui ont globalement continué de fonctionner, baisseraient tout de même de 8%, surtout en raison de la chute boursière et de la dégradation conjoncturelle. Sur toute l’année, l’Euro Stoxx baisserait de 14% en 2020, avant de rebondir de 7% en 2021, engendrant une hausse d’une ampleur comparable de la VAB (valeur ajoutée brute) du secteur financier (cf. graphique 2.14).

À l’image des mesures de confinement qui sont l’hypothèse charnière pour l’activité dans la construction ou le commerce, les cours boursiers internationaux sont la principale hypothèse qui conditionne l’évolution des activités financières. Dans le scénario plus pessimiste "confinement prolongé" d’Oxford Economics, où la crise économique serait suivie d’une crise financière internationale, la baisse de l’Euro Stoxx serait beaucoup plus prononcée (-50% et -10% en 2020 et 2021). Côté luxembourgeois, cela se tra-duirait par une baisse de près de 30% de la VAB du secteur financier, entraînant le reste de l’économie dans une récession sans précédent (-12% et -2% respectivement). Si un tel scénario catastrophe ne peut être exclu, rien n’indique pour l’instant qu’il se matérialisera. Le scénario privilégié est dès lors celui du "confinement limité".

Tableau 2.5Principales évolutions macroéconomiques

1995-2019 2019 2020 2021 2019 2020

Évolution en % (ou spécifié différemment)

Révisions (points de % ou spécifié différemment)1

Principaux agrégatsPIB valeur (mia EUR) . 63.52 59.27 64.98 0.76 -6.63Idem, évolution en % 6.0 5.8 -6.7 9.6 1.3 -11.7RNB (mia EUR) . 40.49 38.06 39.98 0.18 -2.94Idem, évolution en % 4.4 5.8 -6.0 5.0 0.4 -7.7PIB potentiel (vol.)4 2.9 2.0 1.8 1.8 -0.5 -0.9Écart de production (en % du PIB pot.)4 0.6 3.1 -4.8 0.1 0.3 -7.3PIB (en vol.) 3.4 2.3 -6.0 7.0 -0.5 -8.4Emploi total intérieur 3.2 3.6 0.8 1.0 -0.1 -2.4Taux de chômage (% de la pop. active. déf. ADEM) 4.5 5.4 6.7 7.3 0.1 1.4Indice des prix à la consommation (IPCN)4 1.9 1.7 0.6 1.6 - -1.0Échelle mobile des salaires 1.8 1.4 2.5 0.0 -0.3 0.2Coût salarial nominal moyen 2.8 1.8 -5.4 4.6 -0.7 -8.0

Finances publiques2

Recettes totales 6.3 4.4 -5.3 5.7 -2.7 -8.3Dont: impôts3 6.3 6.0 -6.5 6.0 -1.7 -9.2Dépenses 6.2 6.6 12.4 -0.4 -0.3 5.8Capacité/besoin de financement (% du PIB) 1.9 2.2 -5.9 -2.8 -0.6 -7.2Source: STATEC (1995-2019: données observées; 2020-21: prévisions)1 Par rapport à la NDC 2-19, publiée le 3 décembre 20192 Prévisions du STATEC3 Impôts directs, indirects et cotisations sociales effectives 4 Évolution moyenne de 2000-2019 au lieu de 1995-2019

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24Note de conjonctureN° 1-2020

2. Activité économique

L’effondrement de la consommation et sa contrepartie: la hausse de l’épargne

Les mesures de maintien en emploi et de soutien aux entreprises et indépendants auront non seulement comme effet de limiter la hausse du chômage mais également de soutenir la progression des revenus des ménages. Le revenu disponible moyen13 des ménages augmenterait ainsi de près de 3% sur les deux années 2020 et 2021. Malgré une hausse des revenus, les dépenses de consommation s’effondreront. Pen-dant le confinement, la consommation était, comme l’activité, fortement contrainte. La baisse maximale a été estimée à 20% sur le 2e trimestre, conduisant à un recul de 6% sur toute l’année 2020. La contrepartie: une épargne supplémentaire "contrainte" d’environ 1 Mia EUR qui s’accumulerait en 2020. Le taux d’épargne monterait ainsi de 7 points de % — à près de 28% par rapport au revenu disponible — un taux qui n’a jamais été observé auparavant.

L’usage futur de cette épargne est incertain. Un effet de rattrapage pourrait se produire, notamment au niveau des achats de biens, qui seraient alors simplement reportés à une date ultérieure. Un tel rattrapage est moins probable pour les dépenses en énergie et services: les moindres déplacements, visites de restaurants ou dépenses de loisirs pourraient tout au plus retrouver progressivement des niveaux proches de la normale. Se pose dès lors la question sur le recyclage de l’épargne ainsi accumulée: elle pourrait se transformer en une épargne de précaution, qui augmente empirique-ment avec le (risque de) chômage; se convertir en investissement (résidentiel ou en produits durables) ou alors être réaffectée et donc se répartir simplement sur les autres produits de consommation.

Tous ces arguments ont été pris en compte et expliquent, en 2021, le rebond de la consommation (+10%) et la baisse du taux d’épargne à un niveau légèrement plus élevé qu’avant la crise. Ce dernier incorpore une hausse de l’épargne de précaution en partie neutralisée par une désépargne liée aux effets de rattrapage et de réaffectation.

Graphique 2.15Les contraintes de consommation engendrent une hausse historique de l’épargne

121086420

-2-4-6-8

Taux d'épargne (éch. de droite)Consommation finale des ménagesRevenu disponible moyen (nominal)

2018

2019

2020

2021

Varitation annuelle en % En % du revenu disponible

28

27

26

25

24

23

22

21

20

Source: STATEC

13 Au niveau individuel, les personnes concernées par le chômage partiel pourraient subir néanmoins des pertes de salaire allant jusqu’à 20% sur les mois concernés. Ces baisses ont été considé-rées pour projeter le revenu disponible moyen.

Graphique 2.14Forte baisse des activités marchandes

1086420

-2-4-6-8

-10

VAB secteur financierVAB privé non financierVAB secteur public

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Variation annuelle en %

Source: STATEC

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25Note de conjoncture

N° 1-2020

2. Activité économique

Forte baisse du commerce international

Le commerce international est fortement touché par la pandémie mondiale. La faible demande extérieure limite les exportations du Luxembourg, ce qui freine par ricochet les importations (les exportations ayant un très fort contenu en importations). Ces dernières sont également touchées par l’effondrement de la consommation finale des ménages (cf. page précédente) et des investissements (cf. ci-dessous). Les importations de biens baisseraient ainsi encore davantage que les exportations de biens. Le cas de figure inverse se produirait au niveau des services où les exportations sembleraient davantage touchées que les importations. Comme les services représentent 80% des exportations, ce deuxième effet domine et l’équilibre extérieur se solde par une contri-bution sur la croissance du PIB de -4.5% en 2020, avant de rebondir à +3% en 2021.

Des investissements publics contra-cycliques en 2020

À l’aube d’une crise économique majeure, où des surcapacités deviennent la règle, le besoin d’investissement se réduit. Les investissements en machines et équipements déclineraient ainsi de 9% en 2020. À l’inverse, les investissements publics étaient pro-grammés à des niveaux records, avant même l’avènement de la crise, ce qui permettra de donner des impulsions contra-cycliques importantes. Les investissements dans leur ensemble baisseraient encore de 2% en 2021 mais cette trajectoire n’intègre pas encore un éventuel plan de relance au Luxembourg. Ces derniers devraient également se concrétiser à l’échelle internationale et compléter les plans de soutien établis au moment des mesures de confinement (qui visaient principalement les problèmes de trésorerie des entreprises et le maintien en emploi des salariés).

Afin de contrer les effets de second tour de la crise économique, les institutions internationales se sont prononcées pour un établissement rapide de ces plans de relance qui devraient être à la hauteur de la crise économique et compatibles avec les objectifs climatiques14. La Commission européenne a dû repousser l’annonce du sien à la fin mai, le montant et les modalités de financement n’ayant pas encore fait l’objet d’un consensus.

Graphique 2.17Investissements publics: le roc dans la tempête

15

10

5

0

-5

-10

Investissements en équipements et machines Investissements publicsInvestissements totaux

2020

2021

Variation annuelle en %

Source: STATEC

Graphique 2.16Contributions à la croissance du PIB

8

6

4

2

0

-2

-4

-6

-8

ConsommationCons. publiqueÉquilibre extérieur

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Contributions en points de %

InvestissementsVar. de stocksPIB en vol. (var. ann. en %)

Source: STATEC

14 http://www.oecd.org/coro-navirus/policy-responses/from-containment-to-reco-very-environmental-res-ponses-to-the-covid-19-pandemic-92c49c5c/

https://www.imf.org/~/media/Files/Publications/covid19-special-notes/en-special-series-on-covid-19-greening-the-recovery.ashx

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Au Luxembourg, les prix à la consommation ont considérablement freiné suite à l’introduction de la gratuité des transports publics et l’effondrement des prix pétroliers sous le choc Covid-19. La dégradation conjoncturelle devrait également se traduire par des tendances désinflationnistes sur les prochains trimestres, suite à une demande faiblissante. À court terme et pour certains secteurs, des difficultés d’approvisionnement peuvent cependant exercer des pressions haussières sur les prix, ce qui est actuellement le cas pour l’alimentation. Le redressement projeté des prix pétroliers, bien que très graduel, contribuerait au rebond de l’inflation de 0.6% pour 2020 à 1.6% l’année prochaine.

Suite à la révision vers le bas des prévisions d’inflation, la prochaine tranche indiciaire serait repoussée en 2022, freinant mécaniquement la croissance des salaires anticipée pour l’année prochaine au Luxembourg. Malgré l’indexation de janvier 2020, le coût salarial moyen devrait baisser d’environ 5% en 2020 (et même de 8% dans le secteur privé) suite à la prise en charge par l’État de la masse salariale des personnes au chômage partiel ou en congé pour raisons familiales. Le revenu disponible des ménages progresserait en revanche, même si près de 140 000 personnes ont probablement subi des baisses de salaire sur un ou plusieurs mois.

Inflationet salaires 3

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28Note de conjonctureN° 1-2020

3. Inflation et salaires

Graphique 3.1L’énergie et la gratuité des transports publics plombent l’inflation au Luxembourg

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

-0.5

-1.0

ÉnergieAlimentation (y compris alcool et tabac)Biens industriels non énergétiques

Janv

.-18

Avr.-

18

Juil.

-18

Oct

.-18

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Variation annuelle en % / Contribution en points de %

ServicesIndice généralSous-jacente

Source: STATEC

Graphique 3.2L’inflation ralentit aussi en zone euro

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

-0.5

Services (contribution en points de %)Indice généralHors énergie et aliments non traités

Janv

.-16

Avr.-

16Ju

il.-1

6O

ct.-

16Ja

nv.-

17Av

r.-17

Juil.

-17

Oct

.-17

Janv

.-18

Avr.-

18Ju

il.-1

8O

ct.-

18Ja

nv.-

19Av

r.-19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Variation annuelle en %

Source: Eurostat

Un début d’année mouvementé pour l’inflation au Luxembourg

Encore proche de 2% en début d’année, l’inflation au Luxembourg a considérablement reculé depuis, ne s’élevant plus qu’à 0.6% sur un an en avril. L’entrée dans 2020 a été marquée par la tranche indiciaire payée en janvier – stimulant les prix de certains services – et la forte hausse du prix de l’électricité de près de 10%1 (il faut remonter à 2009 pour retrouver une augmentation similaire). Avec un pétrole brut relativement cher à ce moment, l’énergie soutenait l’inflation de 0.5 point de % en janvier (cf. graphique 3.1). Depuis, la crise Covid-19 a touché le marché pétrolier de plein fouet (cf. ci-après). Les carburants coûtent près de 25% moins cher en avril qu’en janvier, le prix du mazout – moins taxé – a même chuté de 40%. Ainsi, l’énergie plombe l’inflation très significativement en avril, à hauteur d’1 point de %, et ce en dépit du soutien des prix de l’électricité (de presque 0.2 point de %).

L’inflation sous-jacente résiste pour le moment, revenant même à 1.8% en avril, après être tombée à 1.4% en mars sous l’effet de l’introduction de la gratuité des transports publics. Ce rebond s’explique majoritairement par la nette accélération des prix alimentaires (cf. ci-après).

Chocs partagés, en partie, avec la zone euro

La chute des prix de l’énergie et la flambée des prix alimentaires sont des phéno-mènes également observés au niveau de la zone euro, provoqués par le choc partagé de la pandémie (et du confinement qui l’accompagne). L’inflation dans la zone euro a reculé de 1.4% sur un an en janvier à 0.4% en avril, avant tout à cause de la chute considérable des prix de l’énergie. Elle était systématiquement inférieure à celle du Grand-Duché sur les derniers trimestres, principalement en raison d’une inflation des services relativement atone en zone euro. Cette dernière avait légèrement accéléré sur la fin de 2019 (1.7% au dernier trimestre, cf. graphique 3.2), mais ceci était notamment dû aux prix des voyages (très volatils). La progression des prix des services a marqué le pas depuis (1.2% en avril). Le ralentissement anticipé des salaires et des loyers2 pourrait davantage freiner les prix des services dans le futur. Il n’est cependant pas exclu que des règles de distanciation sociale impliquent des coûts plus élevés pour certains prestataires de services, qui pourraient les répercuter sur leurs clients.

1 Cette hausse résulte de relèvements sur les 3 composantes du prix: le prix de l’énergie (+13%), les tarifs d’utilisation du réseau (+7%) et les taxes et redevances (10%), cf. Communiqué de presse de l’ILR du 13 février 2020.

2 Les loyers étaient un facteur de dynamisme sur les der-niers trimestres, mais dans ses prévisions du printemps, la Commission européenne suggère que des réduc-tions de loyer pourraient être accordées en réaction à des pertes de revenus (afin d’éviter des vacances potentiellement plus coû-teuses). De plus, un repli du tourisme impliquerait dans certaines villes une hausse de l’offre de propriétés sur les marchés locatifs (à orientation domestique), tirant les loyers vers le bas.

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29Note de conjoncture

N° 1-2020

3. Inflation et salaires

Les prix des matières premières encaissent le coup

Avant même l’enregistrement du premier cas infecté, l’inflation au Luxembourg a été touchée par les conséquences du Covid-19 via le prix du pétrole. Proche de 70 USD/baril au tout début d’année, ce dernier a commencé à marquer le pas en janvier, sous l’effet d’un apaisement des tensions États-Unis – Iran, mais également suite aux mesures de confinement décidées en Chine. En mars, le prix s’est effondré (cf. graphique 3.3) suite à un excès d’offre estimé à 30%. La réduction de la production a été insuffisante pour s’ajuster à une demande en chute libre causée par la réduction des déplacements et la récession économique. Le prix de l’or noir est même tombé à moins de 20 USD/baril en avril, avant de se redresser légèrement vers 30 USD à la mi-mai.

Les autres prix des matières premières n’ont pas été épargnés. Les cours des métaux industriels ont dégringolé de 16% entre janvier et avril. La Chine, touchée en premier par le Covid-19, représente environ la moitié de la demande mondiale.

Ces baisses de prix des matières premières, combinées au freinage des salaires, pro-voqueront sans doute un recul également des coûts de production et donc des prix finaux. Selon l’enquête auprès des directeurs d’achat (PMI), les replis des prix payés mais aussi facturés par l’industrie manufacturière et les prestataires de services dans la zone euro en avril étaient les plus prononcés depuis l’été 2009.

Pressions haussières sur l’alimentaire suite à des goulets d’étranglements

Alors que les reculs des prix de l’or noir et des métaux s’étaient déjà amorcés en 2018 suite au ralentissement économique, les prix alimentaires mondiaux avaient atteint en janvier un plus haut depuis fin 2014. Ils se sont repliés de 10% depuis, reflétant en partie l’évolution du pétrole, l’affaiblissement étant le plus marqué pour des produits utilisés également dans la production de biocarburants (notamment huiles et sucre).

Cette évolution contraste avec celle des prix à la consommation au Luxembourg qui accélèrent par rapport au début d’année, pour 70% des catégories d’aliments enquêtées (dont certaines figurent au tableau 3.1).

Graphique 3.3Les matières premières sous le choc de la crise Covid-19

120

100

80

60

40

20

0

AlimentationMétaux industrielsPétrole (Brent, en USD/baril)

Janv

.-18

Avr.-

18

Juil.

-18

Oct

.-18

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Indices janv-18 = 100

Sources: Macrobond, FAO Food Price Index

Tableau 3.1Beaucoup de mouvement dans les rayons alimentaires

Jan-20 Feb-20 Mar-20 Apr-20Var. ann. en %

Légumes frais -4.6 -2.3 1.0 13.9

Fruits frais 2.7 1.2 4.4 16.4

Riz 3.0 6.5 6.1 8.9

Fruits de mer surgelés -2.0 -0.8 3.4 8.0

Pâtes 0.0 4.3 2.5 6.0

Poisson frais 6.0 6.5 8.1 -13.4

Aliments non traités 2.0 2.2 4.2 6.2

Aliments traités 1.0 1.5 1.9 2.5

Total alimentation 1.5 1.8 3.0 4.3

Source: STATEC

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30Note de conjonctureN° 1-2020

3. Inflation et salaires

Ces tendances inflationnistes sont le reflet d’un marché avec une demande maintenue face à une chaîne d’approvisionnement qui connaît des goulets d’étranglement suite aux mesures de lutte contre le Covid-19. En Europe, par exemple, l’agriculture manque de main-d’œuvre suite aux fermetures des frontières. Ces dernières, combinées au repli des trajets en général, devraient faire augmenter les coûts de transport. Les plus fortes hausses de prix concernent d’un côté les produits frais, mais aussi les produits non périssables ou surgelés (cf. tableau 3.1) suite à une adaptation des préférences du consommateur. À l’opposé, le poisson frais est devenu moins cher, probablement à cause d’une baisse de la demande suite à la fermeture des restaurants et de marchés et d’une moindre fréquentation des régions côtières où le tourisme s’est effondré.

En avril, l’alimentaire contribuait pour 0.5 point de % à l’inflation au Luxembourg, contre moins de 0.2 point encore en janvier (cf. graphique 3.4). Cet impact plus marqué provient surtout des aliments non traités, qui progressent de 6% sur un an au Luxembourg en avril et de près de 8% dans la zone euro.

Quelles perspectives pour l’inflation?

Selon l’enquête de conjoncture du mois d’avril, les consommateurs – européens mais aussi luxembourgeois – s’attendent désormais à une plus forte progression des prix, alors que les prévisionnistes institutionnels enquêtés par la Banque centrale européenne ont révisé leurs anticipations vers le bas (cf. graphique 3.5). Ce contraste pourrait s’expliquer par l’alimentaire, surpondéré actuellement par le consommateur, ses autres dépenses étant largement confinées. Comme le taux d’inflation est calculé avec des pondérations fixes, basées sur les dépenses moyennes de 2019, l’écart entre inflation perçue et inflation mesurée risque de s’agrandir.

Le STATEC a révisé ses prévisions d’inflation pour le Luxembourg fortement vers le bas et ne table plus que sur 0.6% en 2020 (contre 1.9% dans les projections de moyen terme publiées en mars), reflétant principalement l’effondrement des prix pétroliers. Ces derniers ne se rétabliraient que très graduellement, atteignant 40 USD/baril sur la fin de 2021 (prévision d’Oxford Economics). Cette légère remontée soutiendrait l’inflation l’année prochaine, impliquant un redressement à 1.6%.

Graphique 3.5Opinions divergentes sur l’inflation future dans la zone euro entre consommateurs et prévisionnistes

1.81.61.41.21.00.80.60.40.2

Prévisionnistes prof.: inflation prévue - cette annéeIdem - année suivanteConsommateurs: évolution des prix sur les 12 prochains mois (éch. de droite)

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Taux d'inflation en % Solde des opinions

35

30

25

20

15

10

5

0

Sources: DG ECFIN (Enquêtes de conjoncture), BCE (Enquête trimestrielle auprès des prévisionnistes professionnels)

Graphique 3.4Contributions de l’alimentaire à l’inflation en forte augmentation

0.5

0.4

0.3

0.2

0.1

0.0

-0.1

ViandeLégumesLait

Janv

.-18

Avr.-

18

Juil.

-18

Oct

.-18

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Contrib. à l'inflation ann. en points de %

Poissons et fruits de merFruitsAutres

Source: STATEC

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31Note de conjoncture

N° 1-2020

3. Inflation et salaires

Selon le scénario de base du STATEC qui sous-tend ces prévisions d’inflation, l’offre de biens et de services devrait se rétablir en grande partie à la sortie du confine-ment, grâce notamment aux mesures de soutien déployées par le gouvernement. La demande agrégée devrait par contre s’affaiblir plus durablement: la consommation et l’investissement des acteurs privés, en perte de revenus, devraient être modérés par le rétablissement voire l’augmentation de l’épargne de précaution. Un tel déséquilibre entre offre et demande a déjà fait chuter les prix des matières premières et les coûts de production (cf. ci-avant) et devrait engendrer un ralentissement de l’inflation sous-jacente sur les prochains trimestres.

Comme on vient de le voir pour l’alimentaire, le confinement peut à court terme gripper l’engrenage de production et de distribution de certains produits et de la sorte faire grimper leurs prix. Il devrait s’agir de phénomènes temporaires et isolés (car présupposant aussi une demande suffisante). L’expérience récente a aussi mis en évidence le risque de chaînes mondialisées pour l’approvisionnement de certains produits, comme les médicaments par exemple. À l’avenir, les productions locales pourraient être privilégiées, engendrant une hausse des coûts.

L’inflation sous-jacente devrait ralentir, mais jusqu’à quel point?

La plupart des observateurs s’accordent pourtant sur un impact à prédominance désinflationniste de la crise récente, avec – chez certains – même une réapparition de craintes de déflation. Il s’agirait d’une baisse durable du niveau général des prix, allant donc beaucoup plus loin qu’un taux d’inflation négatif (qu’on frôlerait sur les prochains mois, cf. graphique 3.6) suite à une baisse temporaire du prix du pétrole. À l’instar de l’avis des prévisionnistes enquêtés par la BCE, le STATEC anticipe un impact modéré sur l’inflation sous-jacente. Au Luxembourg, elle ralentirait de 1.5% pour 2020 à 1.4% pour 2021 (quelques dixièmes de moins par rapport aux prévisions antérieures). En cas de réalisation du scénario moins bénin (confinement prolongé), l’inflation sous-jacente tomberait en-dessous de 1% en 2021.

Le degré d’incertitude entourant ces prévisions est plus élevé que d’habitude. Ainsi, il faut garder en mémoire que de nombreux produits du panier de consommation sont actuellement non disponibles à l’achat3 (restaurants et commerces fermés, avions cloués au sol, etc.) et qu’il est difficile de prévoir le comportement des agents économiques à la sortie de cet état de confinement inédit.

Graphique 3.6… mais vers le haut l’année prochaine

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

-0.5

-1.0

-1.5

Produits pétroliersInflation sous-jacenteIPCN (variation annuelle en %)

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Juil.

-20

Oct

.-20

Janv

.-21

Avr.-

21

Juil.

-21

Oct

.-21

Contributions en points de %

Prévisions

Source: STATEC (prévisions du 04/05/2020)

Tableau 3.2Les prix pétroliers tireraient l’inflation vers le bas cette année…

Prévisions - scénario central

2019 2020 2021Inflation (IPCN) 1.7 0.6 1.6

Inflation sous-jacente 1.8 1.5 1.4

Produits pétroliers 0.2 -16.2 6.3

Cote d'application 1.4 2.5 0.0

Cote d'application (1.1.1948=100) 814.4 834.8 834.8

Déclenchement tranche indiciaire - Jan-20 -

Prix du Brent (USD/baril) 64.3 29.0 35.2

Taux de change EUR/USD 1.12 1.09 1.09

Source: STATEC (prévisions du 04/05/2020)

3 Cf. https://statistiques. public.lu/fr/actualites/ economie-finances/prix/

2020/05/20200506/ 20200506.pdf

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32Note de conjonctureN° 1-2020

3. Inflation et salaires

Zone euro: les salaires sous pression

Les salaires ont continué à ralentir dans la zone euro sur la fin de 2019 (de +2.2% au 3e à +1.7% au 4e trimestre, cf. graphique 3.7) et cette tendance devrait se poursuivre sur les prochains trimestres. La Commission européenne table sur une progression des salaires de 1.1% en 2020 dans la zone euro, puis de +0.4% en 2021. En termes réels (donc en soustrayant l’inflation), les salaires baisseraient ainsi de 0.7% l’année prochaine. En 2020, un tiers des pays de la zone devrait connaître une baisse des salaires, dont la Belgique et l’Allemagne (-1.4% et -0.6% respectivement), mais aussi la Grèce, l’Italie et l’Irlande.

Luxembourg: repli des salaires pendant le confinement

Au Luxembourg, la progression des salaires s’est peu à peu atténuée en 2019 (de +3.5% au 4e trimestre 2018 à une stagnation un an plus tard). Cette évolution s’explique en grande partie par le fait que l’indexation de 2018 (+2.5% en août) ne joue plus depuis août 2019.

D’après les premiers chiffres disponibles pour le 1er trimestre 2020, les deux premiers mois de 2020 auraient encore connu une progression salariale plus poussée, d’envi-ron +3% sur un an, soutenue par l’indexation des salaires et traitements (+2.5%) au 1er janvier 2020. Le mois de mars afficherait toutefois un recul de 2.4% sur un an, suite à la crise sanitaire. Le chômage partiel (financé par l’État) expliquerait un peu plus de la moitié de cette baisse. Ainsi, en mars 2020, presque 80 Mio EUR (chiffre provisoire) auraient été payés pour chômage partiel. En contrepartie, le coût salarial pour les entreprises est de 85 Mio EUR plus bas qu’en février (cf. graphique 3.8). Pourtant, d’autres facteurs auraient également joué, comme p.ex. moins d’heures supplémen-taires rémunérées, moins de primes et gratifications ou une baisse du salaire de base.

Alors que les personnes qui ont dû rester avec leurs enfants suite à la fermeture des écoles (du 16 mars au 25 mai) ont pu profiter d’un congé pour raisons familiales extraordinaire, entièrement pris en charge par la Caisse nationale de santé, les salariés concernés par le chômage partiel ont probablement dû encaisser une baisse de leur rémunération.

Graphique 3.7Les salaires continuent à ralentir dans la zone euro

3.0

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

Zone euroMoyenne pays voisins*

12 T

1

12 T

3

13 T

1

13 T

3

14 T

1

14 T

3

15 T

1

15 T

3

16 T

1

16 T

3

17 T

1

17 T

3

18 T

1

18 T

3

19 T

1

19 T

3

Coût salarial moyen par personneVariation annuelle en %

Sources: Eurostat, STATEC - Comptes nationaux* Moyenne arithmétique: Allemagne, Belgique, France, Pays-Bas

Graphique 3.8Luxembourg: le chômage partiel allège le coût salarial des entreprises

2 0001 8001 6001 4001 2001 000

800600400200

0

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

En Mio EUR

Indemnités payées pour heures chôméesSalaires payés pour heures travailléesTotal (somme des deux)

Source: IGSS

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33Note de conjoncture

N° 1-2020

3. Inflation et salaires

Graphique 3.10Des revenus stables mais une consommation contrainte

10

8

6

4

2

0

-2

-4

-6

Consommation privéeRevenu disponible des ménages

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Variation annuelle en %

Source: STATEC

Les dernières estimations du STATEC tablent sur un manque à gagner pour les salariés allant jusqu’à 250 Mio EUR, sous l’hypothèse forte que les employeurs ne payent que le minimum soit les 80%, plafonnés, remboursés par l’État, sur un confinement allant du 16 mars au 25 mai. Ceci aurait un impact sur l’évolution des salaires de -0.7 point de % au 1er trimestre et de -2.5 points de % au 2e trimestre. D’après les premières données provisoires disponibles pour le mois de mars, certaines branches marquent d’importantes baisses des coûts salariaux moyens. Les plus fortes sont enregistrées pour l’Horeca (-24% sur un an), la construction (-19%), l’industrie (-13%), les autres activités de services (-12%) et le commerce (-10%).

Les coûts salariaux impactés par la crise

Pour l’ensemble de l’année 2020, le STATEC table sur une baisse du coût salarial moyen de 5.4% (après +1.8% en 2019), suivie d’une remontée en grande partie mécanique en 2021 (+4.6%). Le recul sera plus accentué dans le secteur privé non financier (-8.3%), seul éligible au chômage partiel. La baisse projetée pour le secteur financier (-2.9%) s’expliquerait par une baisse de la part variable de la rémunération, soit les primes et gratifications, qui comptent pour près de 18% de la masse salariale. Les salaires du secteur public continueraient en revanche à progresser en 2020 (+1.4%), vu que le secteur non marchand n’est pas concerné par le chômage partiel et que la rémunération ne dispose pas de partie variable.

Un gonflement de l’épargne des ménages

Le revenu disponible des ménages serait moins chahuté par la crise et progresserait de 2.8% en 2020 et 2.7% en 2021. La consommation finale, contrainte par le confi-nement et les fermetures d’enseignes, baisserait néanmoins de 6% en 2020, ce qui se solderait par une hausse de l’épargne d’environ un milliard d’EUR. La hausse de la consommation projetée en 2021, de près de 10%, s’expliquerait en premier lieu par l’effet de base mécanique, mais aussi par le rattrapage de dépenses sur certains produits et services.

Graphique 3.9Une évolution différenciée du coût salarial moyen

8

6

4

2

0

-2

-4

-6

-8

-10

Activités financièresAutres activités marchandesActivités non marchandes

2017

2018

2019

2020

2021

Variation annuelle en %

Source: STATEC

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Le dévissage de l’activité économique à partir de mars s’est très vite réper-cuté sur le chômage en zone euro, malgré la mise en place de dispositifs de chômage partiel dans presque tous les pays européens. Les conséquences de la pandémie du Covid-19 ne vont se révéler toutefois que progressivement et les mesures gouvernementales ne vont pas pouvoir absorber le choc dans son entièreté. La Commission européenne table ainsi sur une baisse de l’emploi de la zone euro inédite en 2020 (-4.7% 2020, après +1.2% en 2019). Le taux de chômage dans la zone euro devrait quant à lui passer à 9.6% en 2020, une hausse d’environ 2 points par rapport à 2019.

Au Luxembourg, l’emploi et le chômage ont également été fortement impactés par le choc de la crise sanitaire. La hausse du chômage en mars est surtout à mettre en lien avec la fermeture des chantiers et la baisse de l’emploi inté-rimaire. Sur les prochains mois, la situation devrait se stabiliser. Les mesures de maintien en emploi prises par le gouvernement pendant le confinement (chômage partiel, congé pour raisons familiales) devraient largement limiter les effets négatifs sur les effectifs salariés, avec un emploi qui devrait encore progresser de 0.8% en 2020 dans le scénario d’un confinement limité, après +3.6% en 2019 (et contre une baisse de 2.2% sans les mesures de maintien en emploi). La durée de travail sera par contre significativement impactée (-3.7% en 2020).

Marché du travail 4

Page 35: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

36Note de conjonctureN° 1-2020

4. Marché du travail

Graphique 4.1Zone euro: fort ralentissement de l’emploi…

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

-0.2

-0.4

-0.6

-0.8

-1.0

13

12

11

10

9

8

7

Emploi salarié* (éch. de gauche)Taux de chômage (éch. de droite)

00 T

101

T1

02 T

103

T1

04 T

105

T1

06 T

107

T1

08 T

109

T1

10 T

111

T1

12 T

113

T1

14 T

115

T1

16 T

117

T1

18 T

119

T1

20 T

1

Variation trimestrielle en % En % de la population active

Source: Eurostat, données désaisonnalisées (*20 T1 = estimation rapide du 15.5)

Graphique 4.2… et hausse du chômage en mars 2020 (zone euro)

12

11

10

9

8

7

6

Zone euroItalieZone euro, sans l'Italie

Janv

.-17

Avr.-

17

Juil.

-17

Oct

.-17

Janv

.-18

Avr.-

18

Juil.

-18

Oct

.-18

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

En % de la population active

Sources: Eurostat, Calculs STATEC

Zone euro: hausse du chômage en cours

Le marché du travail réagit en général avec un certain retard à l’activité économique. Toutefois, l’ampleur du choc pandémique – arrêt brutal de la production économique sur la deuxième quinzaine de mars – s’est très vite répercutée sur les données du chô-mage. Dès mars, il a notamment augmenté de 0.9 point de % en Espagne, de 0.5 point en France et de 0.8 point au Luxembourg. Les mesures prises par les gouvernements pour préserver l’emploi, en premier lieu le chômage partiel, ont limité dans un premier temps les effets néfastes sur le marché du travail.

En Italie, lourdement frappée par la crise sanitaire, le chômage a en revanche, et de manière étonnante, nettement diminué en mars. Ce mouvement s’expliquerait par l’incapacité de nombreux citoyens italiens à rechercher activement du travail1 (ils sont alors considérés comme inactifs et non au chômage). Il faut rester circonspect sur ce point, les statisticiens italiens ayant indiqué que la situation sanitaire d’urgence a posé des difficultés lors de la collecte des données2. Sans cette baisse du chômage en Italie (-0.9 point de % en mars), le taux de la zone euro aurait augmenté de 0.3 point de % entre février et mars (cf. graphique 4.2), à opposer à la hausse officielle de seulement 0.1 point3.

Presque tous les pays européens ont mis en place des dispositifs de chômage partiel. En France, plus de 11 millions de personnes seraient concernées, et en Allemagne 10 millions. La Suisse serait, avec presque la moitié des salariés concernés, le pays ayant le plus recours à cette mesure en termes relatifs4. Cette utilisation massive du chômage partiel entraîne une très forte baisse de la durée de travail. Au Luxembourg, elle diminuerait de 3.7% en 2020, à comparer à une baisse tendancielle de 0.2% par an.

Malgré ce large recours au chômage partiel, l’emploi de la zone euro aurait baissé de 0.2% sur un trimestre au 1er trimestre 2020 (estimation rapide, cf. graphique 4.1), après une hausse de 0.3% au 4e trimestre 2019. L’Espagne aurait connu une baisse de l’emploi d’1% sur un trimestre (après +0.8% fin 2019) et l’Autriche de 0.2% (après +0.4%). En Allemagne il aurait stagné.

1 https://ec.europa.eu/ eurostat/documents/ 2995521/10294732/ 3-30042020-CP-EN.pdf/ 05df809c-7eb8-10c7-efcf- 35325c84f56e

2 https://www.istat.it/en/ archivio/242063

3 En plein vif de la crise 2008/2009, le chômage de la zone euro avait même augmenté de 0.4 point de % sur un mois (de 8.3% en décembre 2008 à 8.7% en janvier 2009).

4 ETUI, Policy Brief N° 7/2020, “Ensuring fair short-time work – a European overview”.

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37Note de conjoncture

N° 1-2020

4. Marché du travail

Les conséquences de la pandémie du Covid-19 ne vont se révéler toutefois que pro-gressivement et les mesures gouvernementales ne vont pas pouvoir absorber le choc dans son entièreté. Selon les prévisions de printemps de la Commission européenne, l’emploi de la zone euro se replierait de façon inédite, à savoir de 4.7% en 2020 (après +1.2% en 2019). La France (-9.1%), l’Espagne (-8.7%) et l’Italie (-7.5%) connaîtraient les reculs les plus marqués, tandis que le Luxembourg serait le seul pays de la zone où l’emploi continuerait à augmenter en 2020 (+0.9%5).

Le taux de chômage dans la zone euro devrait quant à lui passer de 7.5% en 2019 à 9.6% en 2020, puis retomber à 8.6% en 2021. Malgré les mesures de soutien déployées, cette hausse en 2020 serait du même ordre que lors de la crise de 2008/2009, où le chômage avait augmenté de 7.6% en 2008 à 9.7% en 2009. Le chômage devrait accélérer très fortement dans certains États membres (notamment en Espagne et en France), dû à une proportion plus importante de travailleurs sous contrat de courte durée ou d’une main-d’œuvre dépendante du tourisme. Pour les jeunes sur le point d’entrer sur le marché du travail, trouver un premier emploi sera également plus difficile.

Luxembourg: forte baisse de l’emploi en mars

En mars 2020, l’emploi salarié a chuté au Grand-Duché de 1.6% sur un mois (ce qui est inédit), après encore +0.2% en février, ramenant la hausse du 1er trimestre à +0.4%, après +0.8% fin 2019 (taux trimestriels). Sur les prochains trimestres, l’emploi devrait d’abord stagner (des baisses mensuelles isolées n’étant pas exclues) puis recommencer à croître, mais à un rythme bien inférieur à celui d’avant la crise.

Les mesures de maintien en emploi prises par le gouvernement (chômage partiel, congé pour raisons familiales) devraient largement limiter les effets négatifs sur le nombre de salariés. Par contre, les heures ouvrées seront lourdement impactées. Sans ces deux mesures phares, l’emploi intérieur compterait, en 2020, en moyenne annuelle, environ 15 000 personnes de moins, du fait de la baisse d’activité touchant les entreprises, et il en découlerait un repli de l’emploi de 2.2% (cf. étude 6.2).

En mars, c’est surtout l’emploi intérimaire qui trinque. Les services aux entreprises (dont font partie les activités intérimaires) accusent une chute de 7.6% sur un mois (-4 000 personnes en moins sur un an, cf. graphique 4.3) après encore +0.5% en février.

Graphique 4.3Luxembourg: des créations nettes d’emploi divisées par deux en mars 2020

20 000

15 000

10 000

5 000

0

-5 000

CommerceTransports et entreposageHorecaConstruction

Janv

.-19

Févr

.-19

Mar

s-19

Avr.-

19

Mai

-19

Juin

-19

Juil.

-19

Août

-19

Sept

.-19

Oct

.-19

Nov

.-19

Déc.

-19

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

Services aux entreprisesAutres branchesTotal

Sources: IGSS, STATEC

Graphique 4.4Luxembourg: répartition de l’emploi salarié intérieur en mars 2020

Secteur public*Secteur financier

Chômage PartielAutres**

21%

12%

31%

36%

Sources: STATEC, IGSS, ADEM* Administration publique, défense, éducation et santé (OPQ) ** Emploi salarié intérieur, hors secteur public et financier et hors chômage partiel

5 Le STATEC prévoit une hausse de 0.8%, à la condition qu’il n’y ait pas de deuxième vague pandémique et de nouveau confinement.

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38Note de conjonctureN° 1-2020

4. Marché du travail

L’Horeca marque également un recul (-1.5% sur un mois, après +0.5% en février), tout comme l’agriculture (-0.5%), les autres activités de services (-0.4%), les transports (-0.3%), les arts, spectacles et activités récréatives (-0.3%), le commerce (-0.2%) et les TIC (-0.1%). Les premières données agrégées pour avril pointent dans la même direction, même si la baisse est moins forte qu’en mars, avant une stabilisation attendue pour mai/juin, suite au déconfinement.

Début 2020, environ un tiers des salariés au Grand-Duché étaient occupés dans les secteurs les moins touchés par la pandémie (et donc non éligibles au chômage partiel: secteur public et secteur financier, cf. graphique 4.4). Un autre tiers se retrouvait en chômage partiel (soit 140 000 personnes en moyenne en mars et avril). Environ 70% des actifs auraient été en télétravail (y.c. les indépendants) suite au confinement6. Peu de données sont encore disponibles sur la part des travailleurs en congé pour raisons familiales (des estimations tablent sur 30 000 foyers, soit 6.5% de l’emploi, qui seraient concernés par ce dernier).

Luxembourg: forte hausse du chômage depuis mars

En dépit des mesures prises par le gouvernement pour soutenir l’emploi, le taux de chômage augmente rapidement: de 5.5% en février (chiffres désaisonnalisés) à 6.9% en avril (cf. graphique 4.5).

La forte progression du nombre de chômeurs en mars (+12% sur un mois) est à mettre en lien avec la fermeture des chantiers du 20 mars au 20 avril. En effet, la hausse touche principalement les personnes recherchant un emploi dans la construction ou dans le support à l’entreprise (notamment le domaine de l’intérimaire, qui offre principalement ses prestations à l’industrie et la construction), ainsi que les hommes de nationalité portugaise (cf. graphique 4.6) qui sont surreprésentés dans la branche de la construction. Une partie de la hausse pourrait s’expliquer par la prolongation exceptionnelle des droits à l’indemnité de chômage. En avril, le chômage a continué à augmenter (+14% sur un mois), alors que les chantiers avaient déjà repris, essen-tiellement à cause d’une baisse des sorties vers l’emploi (et non pas d’une hausse des nouvelles inscriptions). Reste à voir si la reprise des activités pourra atténuer l’impact sur le chômage à partir de mai.

Graphique 4.5Le chômage au Luxembourg augmente fortement avec les mesures de confinement

7.5

7.0

6.5

6.0

5.5

5.0

4.5

4.0

3.5

Janv

.-08

Janv

.-09

Janv

.-10

Janv

.-11

Janv

.-12

Janv

.-13

Janv

.-14

Janv

.-15

Janv

.-16

Janv

.-17

Janv

.-18

Janv

.-19

Janv

.-20

En % de la population active

Sources: STATEC, ADEM (données corrigées des variations saisonnières)

Graphique 4.6Le chômage a particulièrement augmenté suite à la fermeture des chantiers

706050403020100

-10-20-30

TotalHommes

Avr.-

19

Mai

-19

Juin

-19

Juil.

-19

Août

-19

Sept

.-19

Oct

.-19

Nov

.-19

Déc.

-19

Janv

.-20

Févr

.-20

Mar

s-20

Variation annuelle en %

Nationalité portugaiseConstruction

Source: ADEM (Sélection des profils contribuant le plus à la hausse en mars 2020)

6 STATEC, Statnews n° 15 du 19.5.2020.

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39Note de conjoncture

N° 1-2020

4. Marché du travail

Deux années de très faible croissance pour l’emploi (scénario: "confinement limité")

Les derniers indicateurs précurseurs de l’emploi7 confirment la faiblesse du marché du travail (cf. graphique 4.7). Ce sont surtout la forte baisse de l’activité en zone euro (le PIB y passant d’une croissance de +1.0% sur un an en T4 2019 à -3.3% en T1 2020), les opinions des employeurs bien plus pessimistes (cf. graphique 4.8) et le recul du travail intérimaire qui en sont à la base.

L’envergure de la crise est illustrée par le fait qu’un tiers des salariés se sont retrou-vés en chômage partiel en mars et avril, alors que lors de la "grande crise" de 2009 "seulement" 3.4% étaient concernés. Depuis le redémarrage des chantiers à partir du 20 avril, le chômage partiel se réduirait de près de 30%. À la fin mai, après la réouverture de l’ensemble des commerces le 11 du mois, seuls les domaines de l’Horeca (un peu moins de 5% de l’emploi) et de l’événementiel restent fortement contraints par les mesures d’interdiction de certaines activités.

Les mesures de maintien en emploi sans précédent (cf. étude 6.2) permettront pro-bablement d’éviter une baisse de l’emploi en moyenne annuelle (dans le scénario d’un confinement limité). Néanmoins, l’emploi croîtrait à peine en 2020 et 2021 (+0.8% et +1.0% respectivement, contre encore +3.6% en 2019). Cette perte de dynamique concernerait aussi bien les activités financières, relativement épargnées par la crise, que les autres branches du secteur marchand. Seul l’emploi dans les activités non marchandes progresserait encore, avec près de 4% en 2020. Mais cet envol est basé sur des prévisions de recrutement rattachées à un budget de l’État établi avant la crise, avec une orientation à l’expansion qui pourrait se voir remise en question dès 2021.

Comme le but des mesures prises par le gouvernement est la préservation de l’emploi, ce seront les heures ouvrées (volume de travail) et la durée de travail qui encaisseront le choc. Suite aux mesures de confinement, le secteur privé devrait ainsi connaître une baisse de la durée de travail de 4.5% en 2020. Cette dernière serait moins prononcée (-1.3%) dans le secteur financier et le public, moins touchés directement par la crise.

Graphique 4.7L’indicateur synthétique confirme le fort freinage de l’emploi

4.5

4.0

3.5

3.0

2.5

2.0

1.5

2.0

1.0

0.0

-1.0

-2.0

-3.0

-4.0

-5.0

Emploi salarié intérieurIndicateur synthétique (éch. de droite)*Idem, avec indicateurs précurseurs partiellement disponibles

11 T

1

12 T

1

13 T

1

14 T

1

15 T

1

16 T

1

17 T

1

18 T

1

19 T

1

20 T

1

21 T

1

Variation annuelle en %

Sources: STATEC, IGSS, Eurostat* Moyenne des 4 indicateurs précurseurs: Heures supplémentaires, Travailleurs intérimaires, Perspectives d’emploi des entrepreneurs, PIB de la zone euro.

Graphique 4.8Les entreprises revoient leurs perspectives d’emploi à la baisse

40

30

20

10

0

-10

-20

-30

-40

-50

-60

IndustrieConstruction

18 T

1

18 T

2

18 T

3

18 T

4

19 T

1

19 T

2

19 T

3

19 T

4

20 T

1

En points

Commerce de détailAutres services non financiers

20 T

2(1

moi

s)

Source: STATEC - Enquêtes de conjoncture

7 Cf. étude 6.1 "Indicateurs précurseurs pour l’emploi au Luxembourg", pp. 50-57 dans la Note de conjoncture 1-19 du STATEC.

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40Note de conjonctureN° 1-2020

4. Marché du travail

Actuellement, il n’y a pas encore de données disponibles sur les heures ouvrées ou perdues pendant le confinement. Les dernières estimations du STATEC (datant du 4 mai) tablent sur 43.5 millions d’heures chômées entre le 16 mars et le 25 mai.

L’emploi du secteur financier, déjà en perte de vitesse sur les derniers trimestres (+2.7% sur un an en T1 2020, après encore +4.5% en T4 2018), notamment à cause d’un plafonnement des créations de postes liées au Brexit, devrait souffrir davantage sur les prochains trimestres. Il afficherait ainsi sur l’ensemble de 2020 une quasi-stagnation par rapport à l’année précédente (-0.1%).

L’emploi public, déjà dynamisé par les nouveaux postes prévus dans le dernier budget (+56% par rapport à 2019, dont beaucoup pour la Police) devrait augmenter à court terme suite aux mesures accompagnatrices de la crise. Le ministre de l’Éducation a ainsi déjà annoncé le recrutement de quelque 500 personnes dans le cadre de la réouverture, sous contraintes, des écoles. En 2021, l’emploi public devrait toutefois freiner, en grande partie puisque les mesures exceptionnelles de 2020 ne seront pas reconduites, mais a priori aussi sous l’effet de probables futures mesures de conso-lidation budgétaire.

Le recul de l’activité, mais aussi les restrictions aux frontières, auront comme effet de freiner les migrations et l’emploi frontalier (hausse prévue de 0.6% en 2019 pour ce dernier, soit -3.7 points de % par rapport aux projections pré-crise, cf. tableau 4.1). La main-d’œuvre étrangère a en effet tendance à réagir plus fortement aux fluctua-tions du cycle conjoncturel du fait que beaucoup de frontaliers et d’immigrés sont présents dans les activités à caractère marchand. Le taux d’activité des résidents serait également en baisse, mais la crise se matérialiserait avant tout dans le déclin de la durée du travail (-3.7% en 2020). La hausse du nombre de chômeurs serait pronon-cée cette année (+28%) et se poursuivrait en 2021 (+10%), illustrant une certaine hystérèse du chômage suite aux effets de second tour que cette crise économique majeure engendrera.

Tableau 4.1Marché du travail

2019 1990-2019 2019 2020 2021 2019 2020

Niveau (nombre de personnes)

Évolution (en % ou en points de %)

Évolution (en % ou spécifié différemment)

Révisions (points de % ou spécifié

différemment)2

Population totale1 626 108 1.7 2.0 1.9 1.8 -0.1 -Solde migratoire (% de la pop. tot.)3 11 075 0.03 1.8 1.6 1.6 0.1 0.1Population en âge de travailler (20-64 ans)1 401 913 1.7 2.1 1.6 1.4 0.2 -0.2Population active 287 364 1.9 2.5 2.4 1.5 0.1 0.1Taux d'activité (% de la pop. en âge de trav.) 71.5 0.1 71.5 72.0 72.1 - 0.2dont femmes4 67.4 0.7 67.4 67.4 67.4 -1.7 -1.7Emploi total intérieur 464 919 3.2 3.6 0.8 1.0 -0.1 -2.4dont: frontaliers entrants 206 045 6.4 4.7 0.6 1.1 -0.3 -3.7 emploi national 271 981 1.8 2.6 0.9 0.9 - -1.4Durée de travail moyenne … -0.3 -0.3 -3.7 3.4 0.4 -3.4Nombre de chômeurs (ADEM) 15 383 7.7 0.9 27.9 9.9 2.0 25.6Taux de chômage (ADEM, % de la pop. act.) … 0.1 5.4 6.7 7.2 0.1 1.4Source: STATEC (1990-2019: données observées; 2020-21: prévisions)1 Au 31 décembre2 Par rapport à la NDC 2-19, publiée le 3 décembre 20193 Niveau 2019 en nombre de personnes4 Sur base des données administratives (IGSS, STATEC)

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L’affaissement conjoncturel se traduira par une nette dégradation des finances publiques. Côté recettes, un ralentissement était déjà prévu avant l’émergence de la crise Covid-19; désormais, le STATEC s’attend à un repli marqué de plus de 5% cette année, suivi d’un rebond de taille similaire l’année prochaine. La révision à la baisse pour 2020 reflète essentiellement l’effondrement des bases fiscales et découle dans une moindre mesure des initiatives gouvernementales.

Selon le STATEC, les mesures prises pour contrer le choc économique pèseraient lourd du côté des dépenses (avec environ 1.5 Mia EUR, soit 2.5 points de PIB). Combinées au coût des mesures sanitaires, elles devraient entraîner une hausse des dépenses publiques de 12% cette année. En 2021, ces dernières stagneraient suite au caractère non récurrent des mesures prises jusqu’à présent.

Le solde public se dégraderait fortement, de +2.2% du PIB en 2019 à -6% cette année (soit -3.5 Mia EUR). Il s’agirait d’un déficit inédit: sur les 25 dernières années, le Luxembourg ne s’est retrouvé que trois fois en situation de déficit et pour à peine 1% du PIB à chaque fois. L’année 2021 connaîtrait encore un déficit de l’ordre de 3%, mais beaucoup d’éléments d’incertitude entourent cette projection.

Financespubliques 5

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42Note de conjonctureN° 1-2020

5. Finances publiques

Le ciel s’obscurcit pour les recettes

Sur l’ensemble de 2019, les recettes fiscales encaissées par l’État s’étaient accrues de 7.3%, des hausses étant enregistrées dans toutes les principales catégories. Les impôts sur les sociétés avaient très largement contribué à cette progression suite surtout à leur envolée sur le début d’année (+15% sur l’ensemble de 2019). Sur les 4 premiers mois de 2020, les rentrées fiscales reculent de 7.4% sur un an, subissant notamment le contrecoup de cette envolée. En outre, les premières conséquences de la crise déclenchée par la pandémie ont déjà fait dérailler certaines recettes, notamment la TVA, les droits d’accise et, dans une moindre mesure, les impôts sur les ménages. Il s’agit pour l’instant majoritairement d’impacts directs liés aux mesures prises (possibilité de reports d’impôts, confinement, fermeture des frontières). À terme, ce sera la dégradation conjoncturelle qui frappera les bases fiscales et ainsi les recettes à encaisser. Les reports d’impôts accordés vont rendre l’interprétation conjoncturelle des encaissements plus compliquée, comme il sera difficile de séparer les différents effets.

Les cotisations sociales souffriront de la dégradation du marché du travail

Les cotisations sociales, qui constituent plus d’un quart des recettes publiques totales, évoluent en général en tandem avec la masse salariale. En ligne avec cette dernière, les cotisations sociales se sont accrues de 5.6% en 2019, ce qui correspond à leur rythme de croisière. Dans les projections de moyen terme de mars, le STATEC s’attendait encore à ce qu’elles accélèrent en 2020, sur base principalement d’un gonflement des salaires impulsé par la tranche indiciaire de janvier. Mais l’avènement de la crise a fortement dégradé les perspectives. La très faible croissance anticipée pour l’emploi en 2020, combinée au recul du salaire moyen (cf. chapitres 3 et 4), induirait un repli des cotisations sociales de l’ordre de 4% cette année, suivi mécaniquement par un fort rebond l’année prochaine. Les cotisations reviendraient ainsi en 2021 à un niveau proche de celui de 2019, alors que la progression annuelle moyenne s’élevait à 5% sur les dernières années.

Tableau 5.1Recettes fiscales et cotisations sociales

2018 2019 Évolution 2019/2018 2019 4 mois

2020 4 mois

Évolution 2020/2019 mois 1-4

En Mio EUR En % En Mio EUR En %

Taxes du type TVA 3 724 3 948 224 6.0 1 293 1 076 -216 -16.7

Impôts sur les ménages 5 618 5 864 246 4.4 1 927 2 063 136 7.0

Impôts sur les sociétés 3 437 3 958 521 15.2 1 289 1 003 -287 -22.2

Taxe d'abonnement 1 027 1 036 10 1.0 469 486 17 3.6

Droits d'accise 1 494 1 618 123 8.3 504 445 -59 -11.6

Autres 1 519 1 622 103 6.8 604 560 -44 -7.2

Recettes fiscales totales* 16 819 18 047 1 228 7.3 6 086 5 633 -453 -7.4Cotisations sociales** 7 304 7 713 409 5.6

Sources: Administration des contributions directes (ACD), Administration de l’enregistrement et des domaines (AED), Administration des douanes et accises (ADA), Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS)* Données en base caisse, différentes des données des comptes nationaux** Données trimestrielles produites selon l’optique SEC2010, celle des comptes nationaux.

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43Note de conjoncture

N° 1-2020

5. Finances publiques

Impôts sur les ménages – freinage amorcé

Suite à la progressivité et la non-indexation systématique des barèmes, les impôts sur les ménages progressent habituellement plus vite que la masse salariale, qui consti-tue la majeure partie de la base imposable. Depuis la réforme fiscale de 2017, cette relation a quelque peu été brouillée, avec des hausses des impôts sur les ménages relativement faibles en 2017 et 2019, mais une envolée en 2018 (cf. graphique 5.1). Cette année, la masse salariale devrait reculer de près de 5%, le choc anticipé sur les recettes étant pourtant moindre puisque l’État prend en charge une partie des salaires (cf. étude 6.2). Le STATEC prévoit ainsi une stabilisation des recettes en 2020, suivie d’une croissance modérée proche de 4% en 2021.

En avril 2020, les impôts collectés ont nettement ralenti, à +1.4% sur un an, après +8.6% à l’issue du 1er trimestre. Ce freinage devrait refléter en partie celui des salaires payés au pic du chômage partiel (recul de l’impôt retenu sur salaires de 1.2% sur un an). Par ailleurs, la chute de l’impôt fixé par voie d’assiette (-85%) devrait refléter la baisse du nombre de déclarations fiscales traitées (la date limite pour la remise de la déclaration d’impôt ayant été reportée au 30 juin).

Net recul des impôts sur les sociétés pour cette année

Après une croissance de près de 20% par an sur les 3 dernières années – suite notam-ment à un encaissement accéléré des arriérés – les impôts sur les sociétés devraient connaître un tournant cette année. Une décrue pour 2020 avait déjà été anticipée avant l’émergence de la crise Covid-19, mais le dérapage devrait désormais être flagrant (-15% prévus). À côté de l’effet de base négatif en début d’année (cf. graphique 5.2), le recul anticipé des profits des entreprises de 10% et la possibilité de demander l’annulation des avances trimestrielles (cf. partie mesures) plombent les perspectives. La dégradation conjoncturelle devrait continuer à peser sur les recettes au-delà de 2020, de sorte que les rentrées de 2021 seraient encore de 10% inférieures à celles de 2019.

Suite à l’effet de base précité, les encaissements ont reculé de 22% sur un an à l’issue des 4 premiers mois de 2020, bien qu’ils se comparent très favorablement aux années antérieures (+31% par rapport à 2018, cf. graphique 5.2).

Graphique 5.1Les impôts sur les ménages devraient stagner cette année

20

15

10

5

0

-5

-10

Impôts sur les ménagesMasse salarialePrestations sociales en espèces

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Variation en %

Sources: ACD, STATEC

Graphique 5.2Impôts sur les sociétés – un fort effet de base négatif sur le début d’année

600

500

400

300

200

100

0

2017

Janv

.

Févr

.

Mar

s

Avr.

Mio EUR

2018 2019 2020

Sources: ACD, STATEC

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44Note de conjonctureN° 1-2020

5. Finances publiques

Les rentrées de TVA encaissent le coup

Les recettes nettes de TVA ont plongé à partir de mars (cf. graphique 5.3), et enre-gistrent un recul de 17% sur un an sur les 4 premiers mois de 2020. Cette évolution ne devrait pas encore refléter l’impact du confinement sur les ventes, mais découlerait des mesures prises par le gouvernement dans le cadre du programme de stabilisation de l’économie. Pour soutenir les entreprises en manque de liquidités, des remboursements accélérés de la TVA payée en amont ont été mis en place dès mars (+80% sur un an en mars et avril). Par ailleurs, les encaissements de TVA (brute) ont subi une baisse prononcée, surtout en avril, suite aux délais supplémentaires accordés aux entreprises pour déclarer et payer la TVA.

Pour 2020 dans son ensemble, le STATEC anticipe un recul de plus de 7% provenant de l’affaissement de la consommation sur le territoire, principalement pendant la période de confinement quand les pays voisins ont décrété une limitation des déplacements. Un net rebond est prévu pour 2021, de l’ordre de +12%, mais le niveau atteint serait tout de même de 5% inférieur à celui qui avait été anticipé dans le cadre des projections de moyen terme publiées en mars.

Effondrement des ventes de biens soumis aux accises

Le confinement et les limitations de déplacements transfrontaliers ont fait dégringoler les ventes de biens accisables, dont la majorité est destinée aux non-résidents. Suite à un délai d’encaissement de 2 semaines, l’impact du confinement sur les accises n’apparaît qu’en avril, où celles relatives au carburants ont reculé de plus de moitié (cf. graphique 5.4). Quant aux tabacs, l’impact du confinement devrait également être très significatif, mais il est plus difficile à identifier, comme la hausse des taux de février a parallèlement créé des perturbations (mises en vente anticipées suivies d’un contrecoup à partir de mars).

Le STATEC anticipe un repli des accises totales de 13% pour 2020 (puis +15% pour 2021). Ces perspectives sont surtout déterminées par les produits pétroliers, dont les ventes avaient déjà commencé à diminuer après la hausse des taux d’accises de mai 2019 et dont la dégradation conjoncturelle limitera le rebond.

Graphique 5.3Les recettes de TVA chutent déjà suite aux aménagements de perception des recettes

600500400300200100

0-100-200-300

TVA bruteRemboursements (-)TVA nette

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Mar

s-20

Mio EUR

Sources: AED, STATEC (données désaisonnalisées)

Graphique 5.4Les recettes d’accises dévissent sous le confinement

90

80

70

60

50

40

30

20

Produits pétroliersTabacs

Janv

.-18

Avr.-

18

Juil.

-18

Oct

.-18

Janv

.-19

Avr.-

19

Juil.

-19

Oct

.-19

Janv

.-20

Avr.-

20

Mio EUR

Sources: ADA, STATEC (données désaisonnalisées)

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45Note de conjoncture

N° 1-2020

5. Finances publiques

La chute des bourses pèsera sur la taxe d’abonnement

Vu la détérioration de l’environnement boursier, le bilan intermédiaire positif (+3.4% sur un an à l’issue des 4 premiers mois de 2020) peut surprendre. Pour comprendre cela, il faut savoir que la valeur des actifs gérés par les fonds d’investissements (OPC – organismes de placement collectif) à la fin d’un trimestre constitue la principale base fiscale pour la taxe d’abonnement payée, en principe, au mois suivant. Ainsi, la dégringolade des bourses sous le choc Covid-19 ne se reflète dans les recettes qu’à partir du mois d’avril (-8.5% sur un an). Les rentrées des 3 premiers mois se sont par contre encore affichées très favorablement par rapport à celles du début 2019 (+15%). Pour 2020, le STATEC table sur un repli des recettes de taxe d’abonnement de près de 7% suivi par un très léger rebond de moins de 2% seulement (-15% et +7% pour 2020 et 2021 pour l’Euro Stoxx).

Les recettes publiques baisseraient au total de plus de 5% cette année

Au total, le STATEC anticipe que les recettes publiques se replieraient de plus de 5% cette année avant de rebondir d’autant l’année prochaine. Ainsi, elles retrouveraient en 2021 quasiment leur niveau de 2019, après s’être accrues en moyenne de plus de 5% par an sur les 5 dernières années (le pic ayant été dépassé en 2018). L’évolution des recettes resterait globalement en ligne avec celle du PIB nominal (cf. graphique 5.6), mais elles rebondiraient moins nettement en 2021. Les pertes de revenus actuelles des ménages et des entreprises affecteraient en effet les impôts versés sur les prochaines années (encaissements décalés, possibilités de report de pertes).

Il ne faut cependant pas oublier que les prévisions du PIB – et des bases fiscales en général – sur lesquelles fondent les prévisions des recettes, sont entourées d’une plus grande marge d’incertitude que d’habitude (cf. chapitre 2). En cas de confinement prolongé, les recettes publiques baisseraient beaucoup plus fortement cette année (-12%) et, au lieu de rebondir, enregistreraient une nouvelle légère baisse en 2021.

Graphique 5.5L’effondrement des bourses se reflète dans les recettes de taxe d’abonnement d’avril

40

30

20

10

0

-10

-20

Taxe d’abonnementActifs nets des OPC*Euro Stoxx*

Avril

15 T

1

16 T

1

17 T

1

18 T

1

19 T

1

20 T

1

Variation annuelle en %

Sources: AED, CSSF, Macrobond, STATEC* Valeurs du dernier mois du trimestre

Graphique 5.6L’évolution des recettes publiques resterait en ligne avec celle du PIB nominal

15

10

5

0

-5

-10

PIB en valeurRecettes publiques

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Variation en %

Source: STATEC (2020-2021 prévisions)

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46Note de conjonctureN° 1-2020

5. Finances publiques

Impact des mesures sur les recettes : -500 Mio EUR d’après une 1re estimation

Le STATEC s’attend à un effet total négatif sur les recettes publiques dû aux mesures de ± 500 Mio EUR. Celui-ci tient d’une part des mesures ciblant directement les impôts (comme le report des avances) et découle d’autre part d’effets indirects, liés aux mesures en matière de dépenses. Troisièmement, on peut présumer un effet de bouclage positif, en raison du soutien apporté aux acteurs économiques par l’ensemble du dispositif, mais ces effets de second tour sont à ce stade difficiles à estimer et à distinguer des autres effets. Le STATEC y reviendra dans la prochaine Note de conjoncture.

Le STATEC anticipe un impact négatif direct sur les recettes dû aux mesures de 300 Mio EUR suite à la possibilité pour les entreprises de demander l’annulation des avances d’impôts directs pour les deux premiers trimestres1. Comme il s’agit d’un report de la dette fiscale, le STATEC présume un effet symétrique positif en 2021 (+300 Mio EUR).

S’y ajoute la perte en cotisations sociales et impôts liée au chômage partiel et au congé pour raisons familiales, que le STATEC estime à grosso modo -200 Mio EUR.

Pour comparaison, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) intègre un impact négatif de toutes les mesures sur les recettes publiques de -1.85 Mia EUR (STATEC: -0.5). La différence principale tient dans le fait que dans le PSC, des prélèvements comme les cotisations sociales et la TVA sont également censés être affectés directement par des reports de paiement alors que le STATEC ne les a pas pris en compte. Alors que les délais accordés pour payer ces contributions (ainsi que le remboursement accéléré de la TVA) soulagent sans doute les entreprises rencontrant des soucis de trésorerie, le STATEC considère qu’ils n’affecteront pas les recettes de l’année 2020 dans son ensemble. Ceci s’explique par le fait que dans l’optique SEC (système européen de comptabilité), selon laquelle le STATEC établit ses prévisions, les recettes de TVA et de cotisations sociales seront réaffectées à l’année 2020, même en cas d’encaissement postérieur2. En revanche, l’évaluation figurant dans le PSC ne tient pas compte des effets de bouclage. Ceux-là doivent a priori atténuer l’estimation très négative figurant dans le PSC, en raison des effets de stabilisation économique que les mesures, aussi bien celles concernant les recettes que les dépenses, sont censées produire.

1 L’estimation dévie subs-tantiellement de celle faite par le gouvernement, de 1.25 Mia EUR. Ce montant correspondant à une annu-lation du total des avances du 1er semestre, jugé peu réaliste au vu des impôts encaissés sur les premiers mois de l’année et de l’im-portance du secteur finan-cier (environ ¾ des impôts concernés), relativement peu affecté (cf. chapitre 2).

2 S’y ajoute que même dans l’optique "caisse", dans laquelle sont présentées au début de ce chapitre les recettes fiscales des 4 premiers mois de 2020, il est probable que les retards accumulés seront résorbés sur le restant de l’année, du moins partiellement.

Graphique 5.7Les recettes prévues pour 2020 seront peu affectées par les mesures prises

6

4

2

0

-2

-4

-6

+ Impact de la dégradation conjoncturelle (stabilisateurs automatiques)

+ Impact annulation avances (impôts sur les sociétés)+ Impact indirect: chômage partiel et congé pour raisons familiales= Prévision actuelle

Prévision 2020 des projections de moyen terme (publ. mars 20)Ré

visi

on t

otal

e

Croissance des recettes en %

Source: STATEC

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47Note de conjoncture

N° 1-2020

5. Finances publiques

Impact des mesures sur les dépenses: +1.5 Mia d’EUR d’après le STATEC

Le STATEC a regroupé les mesures en matière de dépenses en deux grandes catégories: (a) celles concernant le chômage partiel et le congé pour raisons familiales, et (b) celles rassemblant toutes les autres mesures, dans la majorité des dépenses au bénéfice des petites ou moyennes entreprises, remboursables (sous forme d’avances) ou non.

En établissant ses prévisions, le STATEC n’a pris en compte que ces deux catégories de mesures (ce sont les plus conséquentes), ainsi que les garanties d’État en matière de prêts bancaires aux sociétés non financières3,4.

Les mesures relatives au chômage partiel et au congé pour raisons familiales sont commentées dans l’étude 6.2. Le STATEC présume que ces deux mesures vont aug-menter les dépenses publiques d’environ 1 Mia EUR, essentiellement des prestations sociales qui se substitueront à la partie de la masse salariale dont les entreprises sont délestées. Ce chiffrage restant provisoire, le principal effet des mesures est le maintien dans l’emploi des personnes concernées qui autrement se retrouveraient au chômage.

Les autres mesures devraient grever le budget de l’État d’environ 500 Mio EUR. La plus grande partie concerne l’avance remboursable, de 300 Mio EUR, de laquelle le STATEC a présumé que 20% ne serait pas recouvrés, car certaines des entreprises bénéficiant de cette aide devraient faire faillite ou ne seraient pas en mesure de la rembourser pour d’autres raisons, du moins pas en 2021. Le reste est constitué d’aides non remboursables, notamment l’indemnité d’urgence pour les indépendants (enve-loppe budgétaire de près de 30 Mio EUR)5 et les aides accordées en deux phases aux petites entreprises (plus de 150 Mio EUR).

En regroupant les mesures concernant les recettes et les dépenses, le STATEC parvient à un impact total sur le solde public de -2 Mia EUR (quelque 3.5 points de PIB). Cela est notablement moins que l’évaluation figurant dans le PSC (-3.5 Mia EUR). Comme évoqué précédemment, une raison pour cette différence tient au fait que le PSC ne prend pas en compte des effets de bouclage positifs. Mais ces derniers sont difficiles à évaluer, à un stade aussi précoce du lancement des mesures et de la crise économique.

3 La garantie d’État est supposée faciliter l’accès au crédit, ce qui est modélisé en abaissant la prime de risque sur les crédits aux entreprises non financières. De ce fait, elle supporte-rait les investissements en machines et équipements dans la prévision du STATEC. Le STATEC reviendra dans la Note de conjoncture 2-2020 sur cette mesure.

4 Toutes les autres mesures de stabilisation, surtout celles engagées par la Banque centrale européenne, sont censées agir de façon indirecte, par exemple à travers les hypothèses internationales qu’Oxford Economics met à disposition du STATEC.

5 Le montant total ne com-prend pas la nouvelle aide aux indépendants lancée dans la semaine du 4 mai, pour des raisons de délais (montant approximatif: 55 Mio EUR). De la même manière, les mesures relatives au paquet "Neistart Lëtzebuerg" n’ont pas encore été intégrées.

Tableau 5.2Principales mesures de soutien économique affectant les dépenses

Dénomination de l’aide

Informations supplémentaires

Catégorie de dépense publique affectée

Estimations provisoires (Mio EUR)

Chômage partiel + congé pour raisons familiales cf. étude 6.2 Prestations en espèces 1 000

Subvention en capital sous forme d’avance <500 000 EUR remboursables Transferts en capital 300

Aide financière non remboursable 5 000 EUR aux entreprises éligibles de <10 salariés Transferts en capital 50

Idem, 2e phase 5 000 EUR aux entreprises éligibles de <10 salariés; 12 500 EUR à celles de <20 salariés Transferts en capital 105

Indemnité d'urgence pour indépendants 2 500 EUR aux indépendants éligibles occupant <10 salariés Transferts en capital 28

Idem, 2e phase pas encore intégré (3 000, 3 500 ou 4 000 EUR en fonction de tranche de revenu cotisable) Transferts en capital 55

Paquet "Neistart Lëtzebuerg" pas encore intégré Divers 700-800

Sources: Ministère des Finances, Ministère de l’Économie, STATEC (date de clôture pour les prévisions: 4.5.20)

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48Note de conjonctureN° 1-2020

5. Finances publiques

Forte accélération des dépenses publiques en 2020

Les projections de moyen terme avaient été publiées juste avant l’émergence de la crise du Covid-19 au Luxembourg. À l’époque, le STATEC avait anticipé une hausse des dépenses publiques de 7% en 2020, un peu au-dessus de la moyenne historique. Cette progression était tirée par l’investissement (+11.5%) et des hausses uniformément élevées auprès des autres agrégats (de 5.5% pour les prestations sociales en nature à 9% pour les transferts). Mais la crise est venue tout chambouler.

Les mesures prises pour contrarier les chocs économique et sanitaire (estimés fin avril à 230 Mio EUR) se répercutent en particulier sur l’investissement (+15%, équipements médicaux surtout), les prestations sociales en espèces (+19%, chômage partiel et congé pour raisons familiales) et les transferts en capital (+82%, aides remboursables et non remboursables). Au total, les dépenses devraient augmenter de 12.4% en 2020, soit environ le double de la progression annuelle moyenne.

Dans le scénario de base, les effets de la crise sanitaire sont censés s’estomper6 à la fin de l’année – ce qui ne préjudicie pas d’effets économiques plus durables. Les mesures en revanche revêtent actuellement un caractère non récurrent, ce qui serait de nature à exercer par la suite un contrecoup négatif sur les dépenses totales, qui seraient en 2021 proches de leur niveau de 2020. Sur ces deux années, les dépenses publiques progresseraient ainsi de près de 7% en moyenne, ce qui correspond à leur tendance historique.

Cette prévision est établie à politique inchangée et sera amendée au fur et à mesure que de nouvelles dispositions seront éventuellement annoncées, de nouvelles données statistiques seront disponibles (actuellement, les dépenses reposent encore largement sur des estimations, clôturées le 4 mai) ou suite au dépôt du budget 2021 (en octobre 2020).

6 Hypothèse liée à l’évolution bénigne de l’état sanitaire ("confinement limité") mais aussi inhérente au pro-gramme de mesures établi par le gouvernement. En cas d’aggravation de la crise sanitaire (2e vague), on peut présumer que le gouvernement prendra de nouvelles mesures, mais elles ne sont pas pré-vues dans la trajectoire des dépenses publiques "confinement prolongé" (hypothèse de politique inchangée).

Tableau 5.3Compte simplifié des recettes et dépenses de l’État

1995-2019 2019 2020 2021 2019 2020

Évolution en % Révisions par rapport à la NDC 2-191

Total des dépenses 6.2 6.6 12.4 -0.4 -0.3 5.8Consommation intermédiaire 6.7 8.7 6.3 0.2 -2.3 -2.0Formation de capital 6.6 14.7 15.2 -1.7 3.3 3.7Rémunération des salariés 6.1 7.4 5.4 2.6 1.1 -0.7Prestations sociales 5.9 5.7 16.1 -3.3 -0.1 10.1Autres dépenses 6.4 1.6 15.2 4.2 -4.3 9.9

Total des recettes 6.1 4.4 -5.3 5.7 -2.7 -8.3Impôts sur la production et les importations 6.1 3.8 -9.6 10.3 -2.2 -14.0Impôts courants sur le revenu, le patrimoine, etc. 6.5 3.7 -5.7 4.1 -6.1 -5.1Cotisations sociales 6.3 5.6 -4.4 4.7 -0.4 -10.5Autres recettes 4.7 4.9 5.1 3.4 -2.8 3.9

Capacité/besoin de financement (en % du PIB en valeur) 1.9 2.2 -5.9 -2.8 -0.6 -7.2

Source: STATEC (2020-2021 prévisions)1 NDC 1-20 - NDC 2-19 (un chiffre positif indique une révision à la hausse).

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49Note de conjoncture

N° 1-2020

5. Finances publiques

Graphique 5.8Les dépenses publiques devraient bondir cette année

14

12

10

8

6

4

2

0

-2

Baseline: confinement limitéDownside: confinement prolongéProjections de moyen terme (publ. mars 2020)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Variation en %

Source: STATEC (2020-2021 prévisions)

Graphique 5.9Solde public sous pression

4

2

0

-2

-4

-6

-8

-10

-12

Baseline: confinement limitéDownside: confinement prolongéProjections de moyen terme (publ. mars 2020)

2018

2019

2020

2021

En % du PIB

Source: STATEC (2020-2021 prévisions)

7 L’impulsion budgétaire corres-pond à la différence entre le niveau du déficit public d’une année et celui de l’année sui-vante. Si ce déficit est réduit, l’impulsion budgétaire est néga-tive et tend à restreindre l’acti-vité; s’il augmente, au contraire, elle est positive et tend à relancer l’activité. Cette impulsion budgé-taire est mesurée normalement en termes "structurels", c’est-à-dire apurée des effets du cycle économique. C’est la façon dont sont appréciés les efforts réalisés par les États par les institutions européennes. Signalons que les règles en la matière ont été suspendues temporairement en réaction à la crise.

8 L’évaluation de l’impulsion bud-gétaire dépend donc du solde structurel qui, lui, est fonction du PIB potentiel et de l’écart de production. Pour sa projection macroéconomique, le STATEC a supposé que le PIB potentiel était bien affecté par le choc négatif, ce qui a porté sa croissance à un peu moins de 2% en 2020/2021, soit un point de moins que dans la projection de moyen terme pré-crise. L’écart de production est évalué à -5% du PIB environ en 2020, ce qui porte le solde structurel à environ -3.5 (pour rappel, solde nominal à -5.9%).

Dans le scénario "confinement prolongé", les dépenses publiques ne devraient pas aug-menter beaucoup plus en 2020 (+13% au lieu de +12.4% pour le confinement "limité") car là aussi, l’hypothèse est celle que les dispositions politiques restent inchangées. Le STATEC n’anticipe par principe pas sur les réactions de la politique budgétaire et fiscale, mais la trajectoire des dépenses publiques tient compte de certains mécanismes endogènes qui découlent des équations du modèle Modux. On peut par exemple citer le lien avec l’inflation, via l’échelle mobile des salaires, ou les stabilisateurs automa-tiques. Ces derniers se traduisent par une progression plus élevée des prestations en espèces (Fonds pour l’emploi, + 4 points en 2020 sur le total et +1.2 point en 2021).

Dans le PSC, les dépenses augmenteraient davantage en 2020 que dans les deux scénarios du STATEC (confinement "limité" et "prolongé") – de 15%, soit 3 points de plus – sans doute en lien avec une quantification différente des mesures.

Un déficit public inédit

Selon la projection du STATEC, le solde public atteindrait -3.5 Mia EUR en 2020 dans le scénario "confinement limité", après +1.4 Mia en 2019. Exprimée en termes structurels, cette différence traduit l’impulsion budgétaire7 de la politique gouvernementale. Elle avoisinerait 5 Mia EUR, soit 4.5 points de PIB. C’est encore plus élevé que l’impact expansif de la réforme fiscale en 2002 (3.5 points)8 et 3 à 4 fois plus que les autres grandes impulsions données sur les deux dernières décennies.

Le PSC intègre un solde budgétaire de -5 Mia EUR, qui se compare davantage avec le scénario "confinement prolongé" du STATEC (-5.4). En 2021, les deux soldes (PSC et confinement limité du STATEC) sont à nouveau très proches: -2 Mia EUR pour le PSC et -1.8 Mia pour le STATEC. Cela traduit le fait que la différence principale provient en 2020 des mesures, qui gonflent le déficit du PSC en 2020, et qui, sous l’hypothèse qu’elles ne sont pas prolongées au-delà de 2020, ramènent les deux grandeurs à des niveaux très proches l’année prochaine.

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6.1Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique

au Luxembourg

6.2Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales:

une opération à cœur ouvert de l’économie

6.3Risque de propagation de la crise Covid-19

du secteur réel au secteur financier

6.4Émissions de gaz à effet de serre:

une bouffée d’air frais qui ne perdurera pas

Étudesthématiques 6

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ÉTU

DES

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6.1Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique au Luxembourg

Le recoupement de diverses sources de données permet d'estimer un repli de l'activité d'un quart environ en lien avec l'épidémie de Covid-19 au plus fort du confinement. Cet impact serait plus faible que dans les pays voisins, du fait notamment de l'importance du secteur financier dans la structure économique luxembourgeoise et de la baisse relativement contenue de son activité. Ces résultats ont été exploités dans le cadre des projections du STATEC, en y associant une trajectoire de déconfinement sur l'horizon de prévision. Le modèle macroéconomique Modux, qui permet de formaliser les inter dépendances entre les différentes variables économiques, a permis de fournir une cohérence d'ensemble et de développer différents scénarios.

L'épidémie de Covid-19 et les mesures prises pour endiguer son expansion viennent peser lourdement sur l'activité éco-nomique. Les statistiques habituelles pour juger du niveau d'activité (production dans l'industrie et la construction, chiffre d'affaires dans les services) ne sont pas encore disponibles pour mars et avril. Les résultats des enquêtes de conjoncture du mois d'avril n'ont été dévoilés qu'à la fin du même mois et ceux de mars ne montraient pas de signal inquiétant, sans doute parce que les entrepreneurs interrogés alors l'avaient été en début de mois et donc avant l'annonce des mesures gouvernementales de confinement.

Une approche "bottom-up"

Le STATEC a par conséquent tenté d'évaluer entretemps la baisse d'activité par d'autres moyens. Plusieurs éléments ont été pris en compte, sur base notamment d'études du même type effectuées par différentes institutions pour d'autres pays tels que la France (Insee1, OFCE2), l'Allemagne (Econpol-ifo3) et la Belgique (BFP-BNB4). Il s'agit d'une approche de type "bottom-up", qui vise à estimer la perte d'activité dans les différentes branches de l'économie et d'agréger ces résultats pour aboutir à un impact sur l'ensemble de l'économie (sur le PIB) en tenant compte du poids respectif de chaque branche dans la valeur ajoutée.

1 Point de conjoncture du 26 mars, Insee: https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/4473294/Point_de_conjoncture_ INSEE_mars_2020.pdf

2 Policy brief n° 65, Évaluation au 30 mars 2020 de l’impact économique de la pandémie de Covid-19 et des mesures de confinement en France, OFCE.

3 Policy brief 21, The Economic Costs of the Coronavirus Shutdown for Germany: A Scenario Calculation, European Network of Economic and Fiscal Policy Research (headed by ifo Institute), March 2020.

4 Communiqué de presse du 8 avril 2020, Impact économique de la crise sanitaire "Covid-19": un scénario, Bureau fédéral du Plan et Banque Nationale de Belgique.

Plusieurs sources, dont certaines sortent du champ des statistiques officielles, ont été exploitées: d'une part, des remontées d'information de la part des entreprises5, soit à titre individuel soit par le biais d'organisations patronales, d'autre part, des informations en provenance d'autres administrations ou institutions, comme par exemple les données relatives aux demandes de chômage partiel. En outre, des indicateurs à haute fréquence (i.e. disponibles sur une base journalière ou hebdomadaire), concernant les paiements par carte bancaire, les importations d'électricité et le trafic routier, ont été utilisés pour affiner l'impact dans certaines branches.

Le recours à des sources d'informations inhabituelles

Le but est ici de déterminer l'impact économique de la pandémie et des mesures de confinement, l'indicateur ciblé étant la valeur ajoutée. Celle-ci est représentée compta-blement par la différence entre la production (output) et la consommation intermédiaire (input). Et la somme des valeurs ajoutées de toutes les branches de l'économie, augmentée des impôts sur la production et diminuée des subventions à la production, aboutit au produit intérieur brut (le PIB).

5 Ces informations ont notamment été recueillies dans la presse et au cours d'entretiens bilatéraux.

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Les entreprises ne donnent cependant pas d'informa-tion sur la perte en termes de valeur ajoutée, qui est un concept de comptabilité nationale, mais sur des indicateurs d'activité tels que le chiffre d'affaires ou la production (industrie, construction), qui s'apparentent plus à la notion de production au sens de la comptabilité nationale. Par simplification, on a extrapolé la baisse estimée sur le chiffre d'affaires ou la production à celle de la valeur ajoutée. C'est une approximation, justifiée par le fait que ces variables sont relativement bien corrélées historique-ment (cf. graphique A).

Graphique AProduction et valeur ajoutée en volume

15

10

5

0

-5

-10

Var. annuelle en %

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

12

8

4

0

-4

-8

ProductionValeur ajoutée (éch. de droite)

Source: STATEC (comptes nationaux)

Pour certaines branches, les demandes de chômage partiel ont été un élément déterminant pour estimer l'impact de la perte d'activité. Ceci s'est fait dans un premier temps en extrapolant la proportion de salariés concernés par ces demandes dans l'effectif salarié de chaque branche à la perte d'activité en termes de valeur ajoutée.

Dans un deuxième temps, qui a nécessité le développement de traitements spécifiques, les demandes de chômage partiel ont été recoupées entreprise par entreprise avec les estimations de la valeur ajoutée (grâce aux données individuelles d'entreprises, qui servent de base statistique pour l'établissement des comptes nationaux annuels) pour en dériver un impact. Il s'agit là encore d'extrapolations, car les demandes de chômage partiel ne renseignent pas directement sur la perte d'activité des entreprises concer-nées et, quand bien même, elles comporteraient certains biais dans cette optique:

• À côté du chômage partiel, les salariés en congé de maladie ou en congé pour raisons familiales, ne participent plus à l'activité de l'entreprise;

• Les entreprises peuvent ajuster leurs effectifs par d'autres moyens comme le non-renouvellement des contrats à durée déterminée ou un moindre recours au travail intérimaire (les personnes concernées tomberont alors dans le chômage classique);

• Certains emplois ne sont pas éligibles au chômage partiel (indépendants, travailleurs intérimaires, salariés du secteur financier);

• À l'inverse, le nombre de demandes enregistrées (c.-à-d. de salariés concernés) peut très bien être supérieur à celui qui fera effectivement l'objet d'une indemnisation. Dans les faits c'est souvent le cas, les entreprises effectuant parfois des demandes à titre de précaution. Mais dans la configuration actuelle, il est possible que le taux d'indemnisation effectif soit très différent de ce que l'on observe en temps normal;

• Enfin, les données individuelles d'entreprises élabo-rées pour les comptes nationaux (qui ont servi pour le recoupement entreprise par entreprise avec les données de chômage partiel) s'arrêtent en 2017. Les demandes de chômage partiel effectuées par les entreprises créées depuis n'ont donc pas pu faire l'objet d'un recoupement direct (des extra-polations ont dû être effectuées).

6.1

Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique au Luxembourg

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En se basant sur les données du chômage partiel (plus précisément des demandes relatives au mois de mars), la mise en correspondance avec les micro-données de valeur ajoutée aboutirait à une perte d'activité de 16% environ. Ceci étant, c'est surtout pour certaines branches où d'autres indications n'étaient pas disponibles (ou jugées insuffisantes) qu'elles ont été utilisées.

Les résultats d'études menées dans d'autres pays (référen-cées ci-avant) ont également permis d'avoir une base de comparaison pour l'estimation de la perte d'activité par branche. Elles ont aussi permis de juger de l'influence de la structure de la valeur ajoutée des pays sur l'impact final. À titre d'exemple, en reprenant les impacts estimés pour chaque branche de l'étude BFP-BNB pour la Belgique et en les appliquant à la structure de l'économie luxembour-geoise, la perte d'activité serait de l'ordre de 25% au final (contre 33% avec le schéma de pondération de la valeur ajoutée de la Belgique).

Pour certains segments d'activité, l'analyse a été enrichie par l'intégration d'indicateurs à haute fréquence. Les paiements par carte bancaire indiquent ainsi au plus fort du confine-ment (depuis la fin du mois de mars jusqu'à la mi-avril) un recul d'environ 45% tant pour le nombre de transactions que pour les montants correspondants par rapport au début du mois de mars. La consommation d'électricité témoigne sur la même période d'un repli de l'ordre de 15-20% par rapport à l'année précédente. Le trafic routier, pour sa part, montre sur la fin du mois de mars une baisse d'environ 70% par rapport à l'année passée (-75% pour les voitures, -45% pour les camions). Ces informations ont été exploitées de manières diverses. Celles sur les transactions par cartes bancaires et le trafic routier ont par exemple permis de calibrer et/ou de conforter les impacts sur la valeur ajoutée de certaines composantes des branches du commerce et des transports. Les importations d'électricité montrent pour leur part une relation assez forte avec l'évolution du PIB en volume (cf. graphique B). La baisse de la consom-mation relevée – majoritairement composée d'importations d'électricité – constitue à ce titre une donnée de cadrage indicative, bien que des travaux d'analyse plus poussés seraient nécessaires pour confirmer la teneur de la relation statistique entre les variables.

6.1

Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique au Luxembourg

D'une manière générale, ces données à haute fréquence ont été collectées ou fournies de manière ad hoc et elles ne sont pas forcément disponibles sur une période assez longue ou sous un format idéal pour ce type d'analyse. Mais elles ont l'avantage d'être disponibles très rapide-ment par rapport aux indicateurs conjoncturels classiques et fournissent des indications utiles dans le cadre d'une rupture aussi soudaine de l'activité.

Graphique BImportations d'électricité et PIB en volume

15

10

5

0

-5

-10

-15

-20

-25

Var. annuelle en %09

T1

10 T

1

11 T

1

12 T

1

13 T

1

14 T

1

15 T

1

16 T

1

17 T

1

18 T

1

19 T

1

8

6

4

2

0

-2

-4

-6

-8

Importations d'électricité (éch. de gauche)PIB en vol. (éch. de droite)

Source: STATEC

Des extrapolations et une part de subjectivité inévitable

Comme évoqué ci-avant, l'estimation de la perte d'activité liée à cette situation de crise inédite repose sur beaucoup d'extrapolations. Et pour une même branche d'activité, il faut parfois réaliser des arbitrages pour savoir quel type d'information privilégier, ce qui requiert une part de subjectivité avec laquelle les statisticiens ne sont pas habitués à composer. Aussi, les résultats obtenus sont par nature discutables, mais c'est un prix à payer pour pouvoir les mettre à disposition rapidement pour l'exercice de prévisions (les projections du STATEC ont été communi-quées en date du 23 avril au ministère des Finances afin d'élaborer le Programme de Stabilité et de Croissance et le Programme de Réforme).

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Résultats: l'activité amputée d'un quart environ au plus fort du confinement

Les estimations d'impact sur les différentes branches de l'économie luxembourgeoise sont reprises dans le tableau A. Il en ressort un impact total de l'ordre de -25% par rapport à une situation sans crise, pendant la période de confine-ment aigu allant du 23 mars (après la décision de l'arrêt des chantiers de construction) au 17 avril (avant la remise en route des chantiers et la reprise de certaines activités de services6). Cette baisse d'un quart de l'activité se com-pare plutôt favorablement par rapport à celle relevée en moyenne dans les autres pays, plus proche d'un tiers. La différence s'explique par différents facteurs, et en premier lieu par le poids élevé du secteur financier au Luxembourg, qui représente environ un quart de la valeur ajoutée totale, contre à peine 5% en moyenne dans les trois pays frontaliers. Pour celui-ci, la baisse d'activité est estimée à quelque 10% (un chiffre proche de celui relevé dans les autres pays). Ce chiffre peut sembler faible, car l'on sait que l'environnement boursier s'est fortement dégradé au cours du mois de mars et que cela va impacter les résultats des activités financières. Mais il faut garder à l'esprit qu'une forte baisse des indices boursiers va comptablement se matérialiser par des effets de prix, alors que l'on cherche ici à estimer un effet sur la valeur ajoutée en volume (i.e. en faisant abstraction de l'évolution des prix). Et il semble au vu des informations collectées que le volume d'activité de cette branche aurait été relativement bien préservé (grâce notamment à un recours important au télétravail, à l'instar de nombreuses autres activités de services).

La notion de valeur ajoutée doit bien rester présente à l'esprit pour certaines branches où l'impact estimé pour-rait sembler également faible. C'est notamment le cas des activités à caractère non marchand, où la valeur ajoutée est souvent calculée selon l'hypothèse d'une valorisation par les coûts de production (autrement dit les salaires), ce qui la rend pratiquement insensible à un événement de ce type. Pour la branche de l'immobilier, l'impact estimé peut également paraître modéré, compte tenu du fait que les agences immobilières ont tourné au ralenti (arrêt des chantiers, nombre de transactions a priori fortement réduites). Ceci découle notamment du fait que la valeur ajoutée de cette branche est composée pour moitié de loyers imputés (i.e. des loyers fictifs que les propriétaires se versent à eux-mêmes), qui vont demeurer quasiment inertes.

6 Activités d'aide et d'assistance dans l'éducation, activités des jardiniers et paysagistes, commerces de bricolage et centres de recyclage.

À contrario, certaines branches sont fortement impactées, comme la construction, l'Horeca, les transports et l'indus-trie, mais cet effet ressort parfois peu sur la VAB totale par le jeu des pondérations (c'est notamment le cas pour l'industrie par rapport aux autres pays7).

Tableau AEstimation de l'impact de la crise Covid-19 sur l'activité au Luxembourg*

Part dans la valeur ajoutée

(VAB)

ImpactEn % En points

de % de VAB

Agriculture 0.2 -10 0.0

Industrie 7.6 -47 -3.6

Construction 5.6 -90 -5.0

Commerce 8.1 -39 -3.2

Transports et entreposage 5.4 -60 -3.2

Horeca 1.5 -90 -1.4

Info. et communication 10.4 -20 -2.1

Activités financières 23.9 -10 -2.4

Activités immobilières 8.4 -17 -1.4

Services aux entreprises 12.5 -21 -2.6

Services à dominante non marchande 17.8 -5 -0.9

Économie totale 100.0 - -25.8

Source: STATEC * Dans une situation de confinement comparable à celle de fin mars/début avril et par rapport à un niveau d'activité normal.

En supposant que l'activité soit bridée à ce régime pendant un mois, le PIB annuel de 2020 serait impacté à la baisse de 2 points environ (25 points/12 mois). En étendant cette période à deux mois, l'impact est doublé (et ainsi de suite). La question majeure dans une optique de prévisions est donc de savoir avec quelle ampleur et pendant combien de temps ces effets vont jouer. Cela dépendra avant tout de l'évolution de la situation sanitaire et de l'implémentation des mesures de déconfinement.

7 La part de l'industrie dans la VAB totale est proche de 7% au Luxembourg, elle est de l'ordre du double en Belgique et en France et du triple en Allemagne.

6.1

Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique au Luxembourg

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De l'impact statique aux prévisions

L’évaluation de l’impact statique du confinement, tel que décrit ci-avant, représente la pierre angulaire de la prévision pour les années 2020 et 2021. Des jugements et hypothèses supplémentaires sont néanmoins requis: sur la nature de la contrainte que représente le confinement, sur la stratégie de déconfinement probable, ou encore sur les effets de retour du bouclage macroéconomique.

Identifier les contraintes d’offre et/ou de demande

Pour estimer l’impact direct du confinement sur l’activité des différentes branches, de nombreuses sources d’informa-tion ont été mobilisées. La hausse des salariés en chômage partiel suite à la fermeture de chantiers et de commerces est une conséquence directe d’une contrainte ordonnée pour raisons sanitaires. L’estimation du nombre de personnes en congé pour raisons familiales (et les congés de maladie) représente en revanche une baisse de la main-d’œuvre disponible, qui agit comme une contrainte sur l’offre des entreprises. Des informations statistiques sur une baisse des déplacements ou des importations d’électricité témoignent quant à eux d’un effondrement de la demande.

Toutes ces contraintes peuvent coexister alors que pour chaque branche (ou entreprise) il y en a probablement une qui domine et constitue ainsi le goulet d’étranglement qui limite le niveau de l’activité. Les données ne permettent néanmoins pas d’identifier précisément la nature du facteur limitatif. Cette dernière détermine néanmoins l’impact économique: une contrainte d’offre tend à renchérir les prix de vente alors qu’une demande limitée se solde générale-ment par une baisse des prix. Les fermetures d’enseignes, quant à elles, suspendent le marché (et génèrent alors une épargne) ou le déplacent (commandes en ligne, achats d’alimentation au lieu de la restauration).

Cette analyse, difficilement quantifiable, est néanmoins nécessaire afin d’identifier correctement le ou les chocs économiques qui sont en train de se propager et d'assurer la cohérence des scénarios développés. Il va de soi que la situation est différente non seulement selon les branches mais évoluera aussi au fil du temps.

Déterminer un profil temporel

L’impact du confinement initial, une baisse d’activité d’un quart environ, a été réparti à des degrés variables au cours du temps. Il a donc fallu supposer un scénario de déconfinement avant que celui-ci n’ait été décidé. À défaut d’informations, des hypothèses ont été émises sur un confinement limité dans le temps (cf. graphique C):

• Un début du déconfinement avant la fin du mois d’avril (la réouverture des chantiers à partir du 20 avril avait été annoncé le 15 avril, donc avant la fin des travaux d’évaluation);

• Un déconfinement progressif qui se concentre sur les premiers mois: le degré de confinement est réduit à 80% au mois de mai, puis 60% en juin, 40% en juillet et 20% seulement en août;

• Un impact permanent, traduisant des effets durables sur l'offre et la demande, mais limité (à moins de 20% de l’impact total) jusqu’à la fin de l’année 20218, ce qui correspond à une activité réduite de près de 5% par rapport à une situation normale.

Le profil mensuel ainsi tracé de la baisse d’activité en 2020 et 2021 est alors raccordé au PIB trimestriel. Le confinement se traduit en une baisse de 16% au 2e trimestre (par rapport au 1er trimestre 2020). Partant d’un niveau extrêmement bas, le rebond du 3e trimestre serait de 18%. Cet effet mécanique jouerait encore légèrement au quatrième trimestre, avec +4%. En 2021, les taux de croissance se normaliseraient davantage avec +0.5% en moyenne. En glissement annuel (Graphique D), ce profil trimestriel entraîne une hausse de plus de 20% au 2e trimestre 2021, ce qui reflète l’impact maximal du confinement au 2e trimestre 2020 et laisse anticiper le fort effet de base que cela engendrera sur l'ensemble de 2021.

8 Une multitude de trajectoires sont compatibles avec le scénario du PIB envisagé: celle représentée dans le graphique montre par exemple une légère hausse de l’impact pendant l’hiver, ce qui pourrait correspondre à quelques restrictions dans les commerces. Une activité réduite de 5% pourrait aussi refléter un absentéisme plus élevé.

6.1

Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique au Luxembourg

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Graphique CL'impact sur l'activité se réduirait au cours du temps

Impact mensuel sur la VABDegré de confinement (éch. de droite)

0

-10

-20

-30

100

75

50

25

0

Mar

s-20

Mai

-20

Juil.

-20

Sept

.-20

Nov

.-20

Janv

.-21

Mar

s-21

Mai

-21

Juil.

-21

Sept

.- 2

1

Nov

.-21

Déviation en points de % En %

Source: STATEC

Ce profil trimestriel chahuté équivaut à une évolution, en moyenne annuelle, de -6% en 2020 et +7% en 2021. Le rebond de 2021, plus élevé que la baisse projetée pour 2020, s’explique par le faible niveau du PIB atteint au moment du confinement: c’est un effet mécanique et non pas le reflet d’une reprise dynamique. Même si à la fin de l’année 2021 le niveau du PIB de 2020 T1 était dépassé, il resterait encore de 4% inférieur à celui d'un scénario sans crise (où le PIB aurait poursuivi sur sa croissance tendancielle historique).

Le lien, décrit-ci avant, entre le calcul bottom-up de la perte d’activité et la prévision annuelle du PIB dans le scénario “confinement limité” peut se résumer ainsi: -6% du PIB équivaut à l’impact de 4 mois de confinement complet en 2020, et le rebond de +7% en 2021 intègre une perte d'activité liée à la crise d'une ampleur équivalente à 2 mois de confinement complets qui seraient répartis sur toute l’année. Le PIB projeté est ainsi directement lié aux mesures du déconfinement mais les incertitudes autour de cette projection sont particulièrement élevées vu l’imprévisibilité, au-delà de plusieurs semaines, des conditions sanitaires.

Graphique DLe (dé)confinement se traduirait par une évolution chahutée du PIB

PIB trimestrielDegré de confinement (éch. de droite)

2520151050

-5-10-15-20-25

100

75

50

25

0

Mar

s-20

Mai

-20

Juil.

-20

Sept

.-20

Nov

.-20

Janv

.-21

Mar

s-21

Mai

-21

Juil.

-21

Sept

.- 2

1

Nov

.-21

Variation annuelle en % En %

Source: STATEC

Anticiper les effets de retour à l’aide du bouclage macroéconomique

Pour élaborer ses prévisions, le STATEC se base tradition-nellement sur son modèle macroéconomique Modux. La situation particulière de cette crise du Covid-19 l’avait néanmoins mis de côté, dans un premier temps. L’arrêt brusque de l’activité, quasiment du jour au lendemain, ainsi que des conditions de confinement et de déconfinement pouvant évoluer d’une semaine à l’autre, ne peuvent pas être pris en compte aisément dans un modèle alimenté par des données à fréquence annuelle. Des calculs sup-plémentaires, effectués à l’aide d’indicateurs à plus haute fréquence, ont été nécessaires. Les plus importants sont décrits dans les études de cette Note de conjoncture, et concernent: l’évolution de la VAB au niveau des branches et l’impact sur le PIB, les principales mesures de support et leur impact sur le marché du travail et les finances publiques, ou encore les ventes de carburants et leur l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre.

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Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique au Luxembourg

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Les avantages d’un modèle macroéconomique se trouvent ailleurs. L’activité économique y est le résultat d’un très grand nombre d’interdépendances entre le marché du travail, les finances publiques, la demande étrangère, et ainsi de suite. Le modèle a ainsi permis, dans un deuxième temps, de garantir la cohérence entre tous les agrégats économiques, d’intégrer les mesures de supports décidées, et de prendre en compte les effets de second tour. Ces derniers concernent par exemple la dynamique de l’inflation et des salaires, mais aussi de l’épargne qui s’accumule suite à une baisse de la consommation alors que les revenus continuent de progresser en moyenne, entre autres grâce à des mesures comme le chômage partiel. C’est ainsi que le modèle permet d'affiner un scénario initialement basé sur la seule hypothèse de l’impact du confinement et du chemin du déconfinement associé.

Le second scénario développé, baptisé confinement pro-longé, a été construit sur base d’un profil trimestriel du PIB, mais a bénéficié encore davantage du modèle éco-nométrique Modux, dans lequel a été intégré un scénario de crise développé par Oxford Economics. Ce scénario s’appliquerait en cas de résurgence de la pandémie (avec des mesures de reconfinement), auquel cas une crise économique mondiale majeure et prolongée ne pourrait probablement pas être évitée. Une spirale récessive serait déclenchée avec des allers-retours néfastes entre la sphère réelle et la sphère financière. Un tel scénario se solderait par une baisse de l’activité en zone euro, et au Luxembourg par effet de contagion, de plus de 10% en 2020 et tout au mieux une légère croissance en 2021.

6.1

Impact de la crise Covid-19 sur l'activité économique au Luxembourg

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6.2Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

La mise en chômage partiel d’environ un tiers des salariés au plus fort de la période de confinement constitue une mesure sans précédent de sauvegarde de l’emploi, du pouvoir d’achat et des capacités productives des entreprises. S’y ajoutent environ 30 000 salariés occupés par la garde de leurs enfants et donc en inactivité professionnelle.

Le maintien en emploi des travailleurs se répercute sur la durée de travail qui baisse avec une ampleur également sans précédent, d’environ 5.5% selon une première estimation qui évoluera avec la disponibilité de données plus précises sur le recours effectif aux deux mesures. La préservation du pouvoir d’achat se concrétise par un transfert de la masse salariale des employeurs vers l’État à hauteur d’environ 2 points de PIB, grevant d’autant les dépenses publiques. Les salariés quant à eux devraient renoncer tout de même à une partie de leurs salaires (estimée à 0.3 point de PIB) en compensation du maintien dans l’emploi. De ce fait, la consommation privée baisserait certes, mais beaucoup moins que si ces mesures n’avaient pas été prises.

Les deux mesures permettraient d'amoindrir la hausse du taux de chômage à hauteur d’environ 1 point en 2020, sur l’ensemble de l’année, et se concrétiseraient d’autre part par un impact favorable sur le taux d’emploi.

La description statistique des deux mesures mais aussi l’évaluation macroéconomique restent en cours au moment de la publication de cette Note de conjoncture et les chiffres rapportés dans cette étude ne peuvent constituer qu’un bilan intermédiaire. La suite des travaux permettra de se baser sur des données reflétant le déconfinement, sans que l’on puisse anticiper à ce stade si le coût final pour l’État sera plus élevé ou plus faible que nos estimations.

1. Les faits: un lockdown complet entraînant des mesures compensatoires

À partir du 16 mars 2020, le gouvernement suspend toutes les activités dans le secteur scolaire et éducatif. En contre-partie, les parents qui restent à la maison pour encadrer un enfant de moins de 13 ans peuvent bénéficier d'un congé pour raisons familiales extraordinaire1.

Au même moment, cafés et restaurants doivent fermer jusqu’à nouvel ordre. Les services de take-out, de drive-in ou de livraison à domicile ne sont pas visés par cette inter-diction. Tandis que les grandes surfaces et les commerces à dominante alimentaire peuvent continuer à assurer les services de première nécessité, tous les autres magasins de détail sont obligés de fermer leurs locaux. Une semaine plus tard, tous les chantiers de la construction sont mis à l’arrêt2. Pour éviter des licenciements de masse, comme on a pu les voir aux États-Unis par exemple, le régime du chômage partiel est étendu à toutes les branches et activités concernées par ces suspensions d’activité.

1 Avis officiel du gouvernement aux parents des élèves de l’enseignement fondamental, Luxembourg, le 12 mars 2020.

2 Arrêté ministériel du 16 mars 2020 portant sur diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19 et Règlement grand-ducal du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

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6.2

Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

Sont éligibles pour le chômage partiel tous les salariés c.-à-d. les personnes sous CDI ou CDD employés par une entreprise légalement établie au Luxembourg lors de la survenance du chômage, aptes au travail et âgés de moins de 68 ans et qui ne jouissent pas d'une pension de vieillesse ou d'une pension quelconque. Ils doivent être occupés sur un lieu de travail au Luxembourg et assurés en qualité de salariés auprès de la sécurité sociale luxem-bourgeoise. Sont exclus les intérimaires (les entreprises d’intérim sont toutefois éligibles en ce qui concerne leurs salariés dont le contrat de mission perdure mais qui ne peuvent plus exercer leur activité)3.

Par ailleurs, les règles générales en matière d'application du chômage partiel continuent de prévaloir: épuisement des moyens propres de l'entreprise (non reconduction des CDD ou recours à de nouveaux contrats de ce type, épuisement du congé restant, non recours à des salariés intérimaires ou mise en place de prêts temporaires de main-d'œuvre) ainsi que l'interdiction de procéder à des licenciements pour des raisons non inhérentes à la personne.

3 Par contre, et en vue de continuer à motiver les entreprises à participer activement à l'apprentissage à système dual, les apprentis sont éligibles de même que les personnes en mesures en faveur de l'emploi dont notamment les contrats d'initiation emploi et les contrats réinsertion emploi pour la partie du salaire à charge de l'employeur. Pour ce qui est des demandes adressées par les crèches, elles sont en principe non éligibles puisque le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse continue à contribuer à leurs frais de fonctionnement à raison de 70%.

Encadré A

Conditions d’éligibilité au chômage partiel

Pendant la période de chômage partiel, l'État prend en charge l’indemnité de compensation à hauteur de 80% des salaires antérieurs pour les heures chômées. Le remboursement est limité à 250% du SSM (5 355 EUR). Suite à l’urgence de la situation, l’indemnité de compen-sation ne peut désormais être inférieure au montant du SSM, la différence éventuelle étant prise en charge par le Fonds pour l’emploi.

Durant la période de chômage partiel, l'employeur continue de verser aux salariés des indemnités dues au titre d’heures travaillées voire un complément de salaire facultatif pouvant aller au-delà du plafond.

L'employeur continue également de verser les cotisa-tions sociales (salariales et patronales) et les retenues d'impôts correspondant aux salaires versés au titre des heures travaillées.

Il est dispensé en revanche de verser les charges patronales suivantes: cotisations d'assurance accident et cotisations en matière de prestations familiales.

En cas de maladie du salarié durant la période de chô-mage partiel, l'employeur continue de verser le salaire et l'indemnité de compensation comme pour toute incapacité de travail.

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Le chômage partiel étendu au cas de force majeure "coronavirus"

Une procédure accélérée de recours au chômage partiel pour l’ensemble des entreprises ayant dû arrêter complètement ou partiellement leurs activités est mise en place comme première mesure de soutien aux entreprises.

Avant la crise, on distinguait quatre motivations de recours au chômage partiel: (a) conjoncturelle (uniquement pour les secteurs éligibles); (b) structurelle; (c) cas de force majeure et (d) lien de dépendance économique.

Deux cas de figure nouveaux sont venus s’y ajouter:

• Cas de force majeure "coronavirus" – procédure accé-lérée;

• Cas de force majeure "coronavirus" – procédure nor-male.

La procédure accélérée est réservée aux entreprises qui ne peuvent plus exercer leurs activités suite aux décisions gouvernementales de mars 2020. Ces demandes sont directement traitées par l’ADEM pour en accélérer l’exé-cution et le paiement des indemnités correspondantes.

Toutes les autres demandes – régulières ou de type Covid-19 – doivent être acceptées par le comité de conjonc-ture qui se réunit une fois par semaine (au lieu d'une fois par mois habituellement) pour faire face à l’afflux exceptionnel de demandes. On en dénombre en effet actuellement plus de 14 000 contre plusieurs dizaines en temps normaux. Peuvent y recourir toutes les entreprises qui rencontrent des problèmes suite à la pandémie, p.ex. d’approvisionnement en matières premières, de recul important de la demande, de manque de main-d’œuvre (travailleurs en quarantaine, en congé pour raisons familiales, …), etc.

Les règles générales d’éligibilité restent inchangées (cf. encadré A) avec la seule nouvelle clause que les sala-riés en télétravail ou en congé pour raisons familiales ne peuvent pas toucher le chômage partiel. Prenant conscience d’une situation exceptionnelle, marquée par des besoins de liquidités flagrants, l’État a décidé de verser des avances aux entreprises concernées.

Les modalités du congé pour raisons familiales

Le congé pour raisons familiales (CPRF) permet aux parents de rester à domicile et de s’occuper de leurs enfants. Il peut être pris s’il n’existe pas d’autre option pour assurer la garde de l’enfant. Si par exemple l'un des deux parents se trouve en chômage partiel, le conjoint n’a pas droit au congé pour raisons familiales. Le CPRF reste en vigueur tant que les écoles, crèches, maisons relais, etc. sont fermées ainsi que pendant la phase transitoire de reprise des cours.

Ce congé s'adresse à tous les parents affiliés au régime luxembourgeois de sécurité sociale (y compris les non-ré-sidents) d’un ou de plusieurs enfants âgés de moins de 13 ans (ou plus s’il s’agit d’un enfant en situation de handicap).

Le CPRF est assimilable à une période d’incapacité de travail pour cause de maladie ou d'accident. De ce fait, durant ce congé, les employeurs continuent de verser la rémunération intégrale à leurs salariés. L’indemnité pécuniaire de maladie est calculée par référence à la rémunération brute que le salarié aurait gagnée en cas de continuation du travail pendant le CPRF (voire aux indemnités pécuniaires des travailleurs indépendants) tout en étant plafonnée à 5 fois le salaire social minimum (SSM). En temps normal, l’indemnité de ce congé doit être avancée par l’employeur et ce dernier se fait rembourser par les services de l’État. Comme pour le chômage partiel, l’État a décidé de verser des avances aux entreprises concernées.

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Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

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Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

Tableau ADemandes de chômage partiel approuvées

Chômage partiel - Demandes approuvées

Total Cat.1: Covid-19 Procédure accélérée

Cat.2: Covid-19 Procédure normale

Cat.3 - Régime normal

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Jan-20 26 2 374 3 001 818 0 0 0 0 0 0 26 2 374 3 001 818

Feb-20 27 2 268 3 175 290 0 0 0 0 0 0 27 2 268 3 175 290

Mar-20 11 287 133 294 192 057 403 5 529 65 804 90 635 621 5 728 65 220 98 453 944 30 2 270 2 967 839

Apr-20 11 481 135 506 387 535 833 5 545 69 824 191 872 709 5 909 63 926 193 310 127 27 1 756 2 352 997

Sources: ADEM, comité de conjoncture (données provisoires au 4.5.2020)

2. Les données statistiques traduisent l’exceptionnalité de la situation

Un tiers du salariat en chômage partiel

Pour les besoins de l’analyse, nous distinguons trois caté-gories de chômage partiel:

• Cas de force majeure "coronavirus" – procédure accé-lérée (catégorie 1);

• Cas de force majeure "coronavirus" – procédure normale (devant être approuvée par le comité de conjoncture, catégorie 2);

• Autres demandes suivant la procédure habituelle (catégorie 3).

Selon les dernières données disponibles (clôture statistique au 4 mai), 14 690 entreprises ont introduit une demande de chômage partiel, touchant 135 500 salariés (51.5% dans la catégorie 1, 47.2% dans la catégorie 2 et 1.3% dans la catégorie 3, cf. tableau A), soit un tiers environ de l’emploi salarié total. L’Horeca et la construction sont les branches les plus touchées: 80% des salariés y sont en arrêt de travail forcé (cf. graphique A) et quasiment toutes les entreprises ont dû fermer (ou cesser la majeure partie de leur activité) suite à la décision gouvernementale.

Graphique APart des salariés en chômage partiel

Mars 2020

En % de l'emploi salarié 2019

Avril 2020

Construction

Horeca

Activités immobilières

Commerce

Autres activités de services

Industrie

Total

Transports et entreposage

Services aux entreprises

Arts, spectacles et activités récréatives

Agriculture, syviculture et pêche

Information et communication

Santé humaine et action sociale

Enseignement

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

Sources: ADEM (données provisoires au 4.5.20), STATEC

Pour ces 3 catégories de chômage partiel, 192 Mio EUR ont été dépensés pour le mois de mars et 387 Mio pour le mois d’avril, soit 580 Mio au total contre environ 3 Mio par mois en temps normaux. Les branches qui ont com-mencé avec le déconfinement le 20 avril4, notamment la construction, réduiront d’environ 30% les effectifs en chômage partiel ainsi que le coût correspondant, mais ces effets n’apparaîtront que dans les données de mai.

4 Règlement grand-ducal du 17 avril 2020 portant modification du règlement grand-ducal modifié du 18 mars 2020 portant introduction d’une série de mesures dans le cadre de la lutte contre le Covid-19.

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Sur base des développements les plus récents, le CPRF ne devrait pas prendre fin avant le 25 mai, date de la réou-verture des écoles et des maisons relais5. Ainsi, la perte en heures ouvrées se monterait à 10.7 millions, la baisse de la durée de travail à 1.6% en 2020 et le coût pour l’État à 220 Mio EUR (cf. tableau B).

Résumé: 165 500 personnes en inactivité fin mars, début avril

Avant la réouverture des chantiers, environ 165 500 per-sonnes seraient concernées par les deux mesures chômage partiel et congé pour raisons familiales, soit plus d’un tiers de l’emploi salarié.

Cette inactivité correspond à 43.5 millions d’heures chô-mées entre le 16.3 et le 25.5 (réouverture complète des écoles), ce qui réduit la durée de travail de 5.7% en 2020 et engendrera un coût pour l’État de plus d’1 Mia d’EUR.

5 Exposé du ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch, du 16 avril 2020, sur la reprise par étape des activités dans les écoles et les structures d’accueil. Un retour en classe "en alternance", alliant la protection des élèves et la qualité des apprentissages.

Une image statistique évolutive du chômage partiel, illustrant confinement, déconfinement et reprise économique progressive

Le STATEC reviendra dans ses publications ultérieures (Note de conjoncture n° 2-2020, Conjoncture Flash) sur l’évolution statistique du chômage partiel à partir de mai et sur les mois d’été, marqués par le déconfinement et une reprise progressive de l’activité économique. Pour cette Note de conjoncture, il a fallu se contenter d’estimations et une première clôture statistique a dû être imposée au 10 avril, afin de pouvoir alimenter les travaux de modélisation et de prévision pour le Programme de stabilité et de croissance (les projections macroéconomiques afférentes ont été communiquées au gouvernement le 23 avril). À titre de comparaison, pour illustrer les différences avec les données les plus récentes arrêtées en date du 4 mai pour les besoins de la clôture de rédaction de cette Note de conjoncture, les données arrêtées au 10 avril sont brièvement commentées dans un encadré ci-après car elles font l’objet des travaux de simulation commentés dans la suite de cette étude.

Congé pour raisons familiales extraordinaire (Covid-19)

Dans le cas du congé pour raisons familiales, l’image statistique est également brouillée car la saisie est faite en fonction des déclarations ex post des employeurs au Centre commun de la sécurité sociale (CCSS) et non pas sur base de demandes d’avances comme c’est le cas pour le chômage partiel. Ces commentaires se basent donc exclusivement sur des estimations.

Selon l'Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS), 30 000 foyers seraient concernés par le congé pour rai-sons familiales (CPRF). Sur base de l'historique des heures travaillées par salarié, le STATEC a estimé les heures perdues à cause du CPRF. Selon les données arrêtées en date du 10 avril, avec l’hypothèse d’un confinement jusqu’au 4 mai (1.5 mois), 7.2 Mio d'heures ouvrées seraient perdues, entraînant une baisse de la durée de travail de 1.1% en 2020. Le coût pour l’État s’élèverait à 160 Mio EUR.

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Au 10 avril, 5 310 demandes de catégorie 2 avaient été approuvées (dont 3 760 pour le mois de mars et 1 550 pour avril), tandis que 68 430 personnes étaient concernées (53 130 pour le mois de mars et 15 300 pour avril). Comme les demandes pour la catégorie 1 faisaient encore défaut, des hypothèses avaient été établies sur les branches en question concernant le pourcentage de travailleurs concernés.

En incorporant ces estimations aux autres demandes, au total, 131 710 personnes seraient concernées par le chômage partiel au mois de mars 2020. Pour une durée de confinement de 1.5 mois (soit jusqu’au 4 mai 2020), il en résulterait un coût pour l’État de 630 Mio EUR.

En supposant que les entreprises ne payent pas plus que les 80% remboursés par l’État et en tenant compte du plafond d’indemnisation, les salariés devraient accepter au total une baisse de la masse salariale de 160 Mio EUR pour ces 1.5 mois.

Encadré B

Bilan intermédiaire du chômage partiel au 10 avril

Tableau BEstimations au 10.4.20 (clôture de la prévision) et au 4.5.20 (clôture de rédaction)

Congé pour raisons familiales Chômage partiel Total

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10.4* 1.5 mois 4.5 30 000 7 195 160 131 708 23 746 631 161 708 30 941 791

4.5** 10 semaines 25.5 30 000 10 738 220 135 506 32 773 799 165 506 43 512 1 019

Sources: STATEC, ADEM, IGSS, Comité de conjoncture* Le 10.4 est la date de clôture des prévisions pour le PSC. À ce moment, on partait encore d'une durée du confinement de 1.5 mois (jusqu'au 4.5). On ne disposait pas encore de données sur les demandes de chômage partiel de la cat.1 (procédure accélérée), qui ont été estimées.** Le 4.5 est la date de clôture de rédaction de cette étude. À ce moment, on part d'une durée du confinement de 10 semaines (jusqu'au 25.5).

Situation sans commune mesure avec la crise de 2008/2009, déjà jugée exceptionnelle à l’époque

En mars et avril 2020, plus de 14 000 entreprises ont eu recours au chômage partiel, avec plus de 135 500 per-sonnes concernées, soit 30% de l’ensemble des salariés du pays. Ces proportions sont largement plus importantes que lors de la crise financière de 2009: 12 fois plus de personnes sont concernées si l'on compare le pic d’avril 2020 au pic de juin 2009 (cf. graphique B). Au mois de juin 2009, "seulement" 3.4% des salariés de l’économie luxembourgeoise étaient concernés (si l’on tient compte des personnes qui au final y ont effectivement recouru, le taux se réduit à 1.7%).

Les demandes approuvées en 2009 correspondaient à un coût de 134 Mio EUR contre 799 millions d’après les dernières estimations pour 2020 (confinement jusqu’au 25.5 sauf pour les branches rouvertes le 20.4). Notons qu'à peine la moitié des demandes approuvées en 2009 ont effectivement donné lieu à indemnisation et qu’au final, le coût s’est élevé à seulement 61.5 Mio EUR (46% du coût prévisionnel).

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Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

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Graphique BNombre de personnes concernées par le chômage partiel*

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Sources: Comité de conjoncture, ADEM (*demandes approuvées)

Il est toutefois difficile d’anticiper la proportion des demandes qui donneront actuellement lieu à indemnisation. Premièrement, on ne sait pas encore combien de demandes se recoupent avec des congés (CPRF, maladie etc.) ou sur combien de temps les salariés ont effectivement chômé sur ces mois. Deuxièmement, les demandes actuelles se font en "temps réel", alors que les demandes de 2009, comme c’était toujours le cas sur les dernières années, devaient être introduites un mois à l’avance.

3. Implémentation des deux mesures dans la prévision

Emploi

Les deux mesures "chômage partiel" et "congé pour raisons familiales" ressemblent à une opération à "cœur ouvert" de l’économie. Elles touchent l’un des principaux "organes" (lire: "facteurs") de production, à savoir l’emploi et le degré d’utilisation de ce dernier (la durée de travail). L’emploi est mis en suspens pour une durée limitée, en abaissant la durée de travail, tout en maintenant les salariés en emploi.

La relation concernée s’articule ainsi:

L = EMP * HO

où L = emploi effectif ou heures totales ouvrées; EMP = emploi en nombre de personnes; HO = durée de travail moyenne.

Un ajustement vers le bas des heures totales travaillées (L) s’impose au vu de l’affaissement de la demande et de la production. La mesure du chômage partiel permet de maintenir les travailleurs en emploi (EMP), en faisant passer l’ajustement par une baisse des heures travaillées en moyenne (HO).

Pour ce qui concerne le chômage partiel, l’hypothèse retenue par le STATEC est qu’il touchera 14 200 personnes en équivalent année pleine6, ce qui correspond à environ 1.5 mois de chômage partiel en confinement maximal, et ce sur base des demandes comptabilisées jusqu’au 10 avril7.

6 Pour des raisons de comparabilité, les principaux chiffres relatifs aux mesures (nombre de personnes, coût) ont été exprimés en équivalents annuels moyens. Ainsi, à titre d’exemple, un mois de chômage partiel à 130k (130 000) salariés correspond à 10.8k personnes en équivalent annuel moyen. Le chiffre retenu de 4.2% correspond aux 5.7% établis avec les données les plus récentes (cf. p. 67).

7 La date précoce s’explique par les délais serrés qui ont dû être observés pour la réalisation de la projection macroéconomique afin qu’elle puisse servir à l’établissement du Programme de stabilité et de croissance (PSC). Par après, le souci a été de ne plus modifier la projection jusqu’à la finalisation de la Note de conjoncture. Une confrontation avec des chiffres plus récents figure dans le texte (p. 64).

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Or en date du 20 avril, la construction a rouvert. Il y a donc eu à peine un peu plus d’un mois de confinement maximal (et non pas 1.5). Le redémarrage des chantiers à lui seul réduirait le nombre de personnes en chômage partiel de 30% (environ 40 000 personnes). L’hypothèse du STATEC (1.5 mois en confinement strict) devrait être équivalente à un confinement moins strict mais plus long, comme ce sera sans doute le cas, mais l’impact final est très difficile à déterminer ex ante.

L’autre hypothèse est que 5 200 personnes en équivalent annuel sont concernées par le congé pour raisons familiales (CPRF), ce qui correspond à environ 3 mois de fermeture des écoles, probablement un peu plus que ce qui peut être avancé en date du 4 mai.

D’après les calculs du STATEC, le nombre total de personnes concernées par ces deux mesures serait de 19 400 en équi-valent annuel moyen, soit un peu plus de 4% de l’emploi en 2020. Trois quarts environ sont à mettre en lien avec le chômage partiel et le reste avec le congé pour raisons familiales. En d’autres mots, sans ces deux mesures, il en résulterait dans un premier temps un impact négatif sur l’emploi de 4 points de %.

Suite aux mesures décidées pour éviter cette baisse très forte de l’emploi, équivalente à près de 20 mille personnes (en équivalent temps plein), c’est la durée de travail qui doit s'ajuster et qui baisserait théoriquement de 4%, garantissant aux personnes concernées le maintien en emploi. Pour permettre aux entreprises de maintenir leur effectif en emploi, l’État prend en charge la majeure partie des salaires.

En raison de cette forte baisse de la charge salariale, l’emploi effectif (heures totales ouvrées) pourrait même être légèrement plus important dans le cas de "crise avec mesure chômage partiel" que "sans mesure"8 (de l’ordre de 0.6%, cf. tableau C). Ainsi, la baisse effective de la durée moyenne totale ne serait que de 3.5%, ce qui est toujours dix fois plus qu’en temps normaux, sur une année (la durée de travail baisse d’environ 0.2% par an). Elle se répartit à raison d’un tiers entre le congé pour raisons familiales et de deux tiers pour le chômage partiel.

8 Cela est dû à une réaction endogène du modèle qui substitue de l’emploi au capital lorsque les prix relatifs se modifient fortement. Il n’est pas sûr que cette réaction corresponde à ce qui pourra se passer en réalité, vu la complexité des interactions et le caractère extraordinaire de la crise.

Coût salarial

En vertu des hypothèses établies pour cette étude (et sous-tendant les projections de la Note de conjoncture), la mise en chômage partiel des travailleurs directement concernés par la crise du Covid-19 coûterait 630 Mio EUR sur l’année à l’État. Il s’agit de la reprise de la masse salariale suite à la réduction de la durée de travail. Cette estimation est fondée sur une durée de confinement complet d’envi-ron 1.5 mois (comme expliqué ci-avant). Des estimations plus récentes permettent d’avancer un coût plus faible, de l’ordre de 545 Mio EUR (pour la même durée). Mais il s’agit toujours d’estimations. Des extrapolations sur l’année entière sont encore très délicates à établir car il faut, tout comme pour la trajectoire du PIB, anticiper un chemin de reprise de l’activité économique. La remise en activité du bâtiment et des magasins de bricolage aura réduit le coût mensuel pour l’État de près de 100 Mio EUR. Ces estimations seront donc affinées, tout comme les autres simulations et projections, au fil des prochaines semaines9.

Comme l’État ne prend en charge les salaires des travail-leurs en chômage partiel qu’à raison de 80% et jusqu’à un plafond de 2.5*SSM (soit environ 5 400 EUR bruts), les travailleurs concernés peuvent perdre une partie de leur rémunération. Il est possible toutefois que certaines entreprises continuent de payer à certains ouvriers spé-cialisés, employés ou cadres, des compléments de salaires portant leur rémunération totale au-delà de ce plafond. Toutefois, cette éventualité n’a pas été incluse dans les estimations du STATEC car elle a été jugée peu probable en raison notamment des problèmes de liquidité et de trésorerie des entreprises10. La perte sèche de rémunération salariale se monterait ainsi à 160 Mio EUR extrapolés à l’année entière, pour l’hypothèse de base de 1.5 mois de chômage partiel en régime plein.

9 En raison de la contrainte d’établir une projection macroéconomique pour l’établissement du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), la prévision a été clôturée le 23 avril. Seules des retouches légères ont été apportées sur les semaines suivantes, destinées à établir des scénarios plus robustes pour la Note de conjoncture. La projection sera retravaillée de fond en comble au cours des mois d’été afin de servir l’établissement du Budget de l’État 2021 (début octobre).

10 À strictement parler, le fait que les salariés doivent renoncer à la partie du salaire supérieur au plafond indemnisé par l'État ne fait pas partie de la mesure chômage partiel (car il n'y a justement pas de remboursement par l'État) mais se doit de figurer dans les simulations dans une optique de comparaison avec une situation "sans crise". C'est l'une des raisons pour lesquelles les salaires sont tirés vers le bas, mais il s'agit à proprement parler d'une réaction endogène des entreprises, en lien avec le chômage partiel.

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4. Chiffrage macroéconomique

Les mesures chômage partiel et congé pour raisons fami-liales telles qu’implémentées dans cette projection sont supposées expirer complètement au plus tard à la fin de l’année. De cette façon, toutes les variables décrivant les impulsions ou les chocs (emploi, durée de travail, salaires) devraient retourner en 2021 à leur niveau "normal" (i.e. sans mesures). Toutes les autres variables sont supposées encaisser le résultat de ces mesures et peuvent donc diverger, aussi bien en 2020 qu’en 2021, de la trajectoire "sans mesures", même si les mesures arrêtent de produire des effets directs à la fin de 2020.

Dans l’ensemble, hormis quelques variables bien spéci-fiques, l’impact des deux mesures est limité. Cela découle du fait que le but des mesures est justement de préserver l’emploi et le pouvoir d’achat des ménages et donc la consommation privée en premier lieu. Évidemment, l’État en paie le prix fort.

Tableau CImpact des deux mesures sur le marché du travail (2020)

Personnes concernées1 Emploi total (B-A) Durée moyenne (A)2 Heures totales (B)Impact de la mesure par rapport à une situation "crise, sans mesure"

1 000 pers. En % du total En points de %

Congé pour raisons familiales (CPRF) 5.2 1.1 -1.1 0.0

Chômage partiel (CP) 14.2 3.0 -2.4 0.6

Les deux mesures (CPRF + CP) 19.4 4.2 -3.5 0.6

Source: STATEC1 En moyenne équivalent-annuelle 2 La mise en chômage partiel de 14 200 personnes équivalent-annuel réduit la durée de travail moyenne de l'économie entière de 2.4%

Tableau DImpact des deux mesures sur les flux financiers (2020)

Entreprises Ménages ÉtatMasse salariale Revenu disponible Solde public

Impact de la mesure par rapport à une situation "crise, sans mesure", en points de % du PIB

Congé pour raisons familiales (CPRF) -0.7 0.0 -0.5

Chômage partiel (CP) -1.4 -0.3 -1.3

Les deux mesures (CPRF + CP) -2.0 -0.3 -1.9Source: STATEC

Le coût du congé pour raisons familiales a été estimé initialement par le STATEC à 380 Mio EUR (sur base des premières indications du ministère des Finances). Cette estimation s’avère trop élevée par rapport au plan de réouverture des écoles présenté par le gouvernement à la mi-avril. Il pourrait être surestimé de 150 Mio EUR si tout le système éducatif fonctionne plus ou moins pleinement après le 25 mai. Ce dernier reste cependant soumis aux même aléas sanitaires que le fonctionnement du reste de la société et de l’économie.

Pour résumer (cf. tableau D), d’après les estimations du STATEC concernant ces deux mesures, la masse salariale des entreprises serait allégée de quelque 2 points de PIB. Le gros serait supporté par l’État (1.9 point de PIB) sous forme de prestations sociales en espèces, de sorte que le revenu disponible des ménages serait largement préservé. Ces derniers ne devraient encaisser ainsi qu’une baisse du revenu disponible de 0.3 point de PIB.

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Sans ces deux mesures phares, l’emploi intérieur compterait, en 2020, en moyenne annuelle, environ 15 000 personnes de moins, du fait de la crise qui frappe les entreprises de plein fouet. Il en découlerait un repli de l'emploi de 2,2%, après une hausse d'un peu plus de 3.5% constatée en 2019. Pour mieux illustrer cet impact brutal, ou la force de freinage subie par le marché du travail, il convient de considérer la différence seconde, donc 3.5-(-2.2)=5.7 points! C’est inouï et à titre d’exemple bien plus que lors de la grande récession de 2008/2009. Entre 2008 et 2009, le taux de croissance de l’emploi total était passé de 4.8% à 1.0%, donc une différence de 3.8 points. Mais ce freinage de l’époque tient compte des mesures prises (qui furent grosso modo les mêmes qu’aujourd’hui, cf. chômage partiel). Avec les mesures prises en 2020, le freinage de l’emploi ne sera "que" de 3 points, aboutissant à une hausse "y.c. mesures" de 0.8%, soit un freinage davantage comparable avec celui de 2008/2009.

L’impact des mesures sur le PIB en volume est très limité, légèrement positif. L’effet positif découle du fait que la mise en place des mesures permet de soutenir la consom-mation privée et l’investissement, surtout résidentiel. En dépit des deux mesures, suite au confinement économique et social, la consommation privée baisserait dans l’absolu de 6% environ. Sans les mesures, les ménages consom-meraient encore moins et devraient reporter des projets d’investissement résidentiel. L’ampleur plutôt faible de l’impact des mesures sur le PIB découle du fait que les deux agrégats ont un contenu en importations élevé et une part comparativement faible dans le PIB (par rapport aux exportations par exemple).

Les salariés frontaliers sont quasiment autant concernés par les deux mesures que les salariés résidents. Par contre, pour les raisons connues (confinement, contrôles aux frontières), ils risquent à court terme de dépenser moins d’argent au Luxembourg. De toute façon, l’effet multipli-cateur11 via les dépenses des non-résidents est plus faible que pour les résidents.

11 Par "multiplicateur", on entend l'impact que la modification d'une variable quelconque exerce sur les autres variables faisant partie du modèle macroéconomique, avec possibilité de rétroaction sur la variable à l'origine du choc ("effets de bouclage").

Pour ces derniers, on note comme résultat des simulations d’impact des mesures une hausse du taux d’épargne. Cette hausse constitue un obstacle majeur à un plus grand impact positif sur la consommation privée découlant du fait du paiement des revenus de substitution (chômage partiel) aux salariés. Le taux d’épargne augmente non pas en raison de la hausse du chômage, ce dernier étant plus faible avec mesures que sans, mais du fait de la baisse générale des prix qui fait augmenter les taux d’intérêt réels. Or les prix diminuent car les coûts des entreprises sont tirés vers le bas par la prise en charge de la masse salariale par l’État. Il s’agit d’une réaction endogène typiquement produite par le modèle et difficile à chiffrer hors modèle. Une deuxième explication pour la hausse du taux d’épargne "avec crise et mesures" est l’hypothèse (intrinsèque au modèle) que les revenus (de remplacement additionnels) ne sont pas consommés de suite, mais avec un certain décalage, ce qui augmente mécaniquement le taux d’épargne. Cela n’a rien à voir directement avec la crise, mais découle de la façon dont la relation entre revenus et consommation privée est modélisée dans Modux12 (c.-à-d. via des équations à correction d’erreur qui traduisent un ajustement progressif aux chocs subis).

Les mesures analysées ici ont également un impact favorable sur le taux d’emploi13 qui serait, avec mesures, d’environ 0.7 point plus élevé en 2020. À noter que le taux d’emploi, qui est un concept national, ne concerne que les salariés résidents.

Le corollaire du taux d’emploi plus élevé est le taux de chômage plus faible. Ce dernier est abaissé d’environ 1 point de % en 2020, dû surtout à la mesure du chômage partiel. Il serait en 2021, encore de 0.2 point de % plus faible que dans le scénario "crise sans mesures", en raison de l’évitement d’un effet d’hystérèse (risque de persistance dans le chômage).

12 Modux est l'un des deux modèles macroéconomiques du STATEC utilisé pour effectuer des prévisions et des simulations économiques.

13 Emploi résident/population en âge de travailler.

6.2

Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

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Summa summarum, l’impact des deux mesures après bouclage serait de -1.8 point de PIB sur le solde public. L’impact sur les recettes serait de -0.1 point, surtout en provenance du chômage partiel. La perte de revenu disponible des ménages se monterait à environ 0.3 point de PIB, il s’agit de la partie des rémunérations perdues car supérieures au plafond.

Graphique CEmploi total, avec et sans mesures

480

475

470

465

460

455

450

445

1 000 personnes

2019 2020 2021

Baseline "crise" sans mesuresIdem, avec mesures chômage partiel et chômagepour raisons familiales

Source: STATEC

Graphique DTaux de chômage, avec et sans mesures

8.0

7.5

7.0

6.5

6.0

5.5

5.0

En % de la population active

2019 2020 2021

Baseline "crise" sans mesuresIdem, avec mesures chômage partiel et chômagepour raisons familiales

Source: STATEC

Les deux mesures, le chômage partiel et le congé pour raisons familiales, impliquent la prise en charge par l'État d'une partie des salaires des entreprises. La masse salariale auprès des entreprises diminuerait donc, et les dépenses de l’État (prestations sociales en espèces ou Fonds pour l'emploi) augmenteraient. Dans un premier temps, suite à la crise, la masse salariale auprès des branches marchandes non financières diminuerait de 3%. Dans les prévisions de moyen terme14, réalisées avant la crise, la masse salariale devait encore progresser de près de 7%. En implémentant les mesures chômage partiel et congé pour raisons familiales, la masse salariale à charge des entreprises baisserait de 8% environ, et cela en dépit du maintien dans l’emploi des travailleurs concernés qui tire la masse salariale de plus de 4% vers le haut15.

En dépit de cette forte baisse des charges salariales, la part salariale augmente dans un premier temps (à savoir en 2020, cf. graphique E). Cela est dû à la chute encore plus forte de la valeur ajoutée: -9.5% (par rapport à 2019). Ainsi, la part salariale augmente pour passer de 57% à 60%. La situation était pareille en 2008/2009: à l’époque, la part salariale avait d’abord augmenté, de 3 points également, avant de diminuer jusqu’en 2016. En 2008/2009, la masse salariale avait également fortement ralenti (elle n’avait pas baissé dans l’absolu) mais moins que la valeur ajoutée.

De façon simplifiée, les deux mesures se résument en un transfert temporaire de charge salariale des entreprises marchandes vers l’État. Les salariés peuvent perdre une partie de leur rémunération supérieure au plafond. Il y a donc aussi pour partie une perte de cotisations sociales et d’impôts. Après, Modux permet de simuler les effets induits sur les impôts du fait de la baisse de la consommation, due par exemple à la hausse du taux d’épargne. Les simulations dans Modux permettent aussi de tenir compte des effets positifs, comme par exemple le maintien de la consomma-tion privée, supportée par les revenus de remplacement, en comparaison avec une situation "crise sans mesures".

14 Économie et statistiques n° 111/2020: "Projections économiques à moyen terme 2020-2024".

15 En d’autres mots, à emploi constant, la baisse de la masse salariale serait de 12%.

6.2

Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

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Graphique EPart salariale et part de l'excédent des entreprises

6058565452504846444240

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

En %

Part salariale, économie entièreIdem, secteur privé non financierPart de l'excédent des entreprises dans la valeur ajouté

Source: STATEC

Graphiques FPrincipales variables macroéconmiques

1.0

0.5

0.0

-0.5

-1.0

-1.5

En points de %

PIB en volumeConsommation réelle (par tête)Investissement en volume

Écart entre la projection "crise avec mesures" et "crise sans mesures"

2020 2021

Source: STATEC

Graphiques GPrincipales variables macroéconomiques

0.8

0.6

0.4

0.2

0.0

-0.2

-0.4

En points de %

Écart entre la projection"crise avec mesures" et "crise sans mesures"

2020 2021

Taux d'épargneTaux d'emploi (résidents)

Source: STATEC

Graphiques HImpact sur les finances publiques (parts dans le PIB)

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

-0.5

-1.0

-1.5

-2.0

-2.5

En points de %

Écart entre la projection"crise avec mesures" et "crise sans mesures"

2020 2021

Dépenses publiquesRecettes publiquesSolde public

Source: STATEC

6.2

Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

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71

5. Conclusions et perspectives

Le but de cette étude est de tirer un premier bilan statis-tique et économique des deux mesures phares que sont le chômage partiel, étendu aux entreprises et salariés touchés par la pandémie, et le congé pour raisons familiales. Nous n’allons pas revenir dans cette conclusion sur les chiffres, déjà foisonnants dans le corps du texte. Le but est plutôt d’exprimer quelques réserves, mais aussi de donner des perspectives quant à la suite des travaux dans ce domaine.

De nombreuses incertitudes persistent quant à l’impact de la crise sanitaire et économique sur le comportement des agents, aussi bien les entreprises que les ménages. Un modèle macroéconomique comme Modux fonctionne a priori avec des comportements figés, incorporés dans les paramètres estimés sur longue période. Ce n’est pas un outil pour prévoir des changements de comportements en temps de crise, mais ces derniers, s’ils peuvent être répercutés sur les paramètres et les variables, peuvent tout de même être anticipés et intégrés ainsi dans les résultats. Les réflexions doivent continuer dans ce sens, en portant une attention particulière au taux d’épargne, qui est affecté par les deux mesures, et qui augmente largement dans la prévision. Une hausse moins forte du taux d’épargne se traduirait par une consommation privée plus élevée.

Un deuxième volet d’incertitudes concerne les données statistiques de base. Comme indiqué dans le texte, elles sont provisoires et évolutives, au gré de la régression du virus et de la reprise de l’activité économique et sociale, accompagnées de menaces de deuxième vague. Il faudra donc revenir sur les données définitives, surtout celles des prochains mois, et les réintégrer dans le modèle, pour ré-estimer les effets des mesures. Il faudra également son-ger à donner un cadre comptable plus rigide aux données et aussi aux simulations car Modux ne comporte pas de matrice de comptabilité sociale. Or ces dernières se prêtent à donner une cohérence comptable aux mesures (en cas de transfert de revenus entre agents, par exemple, comme c’est le cas des deux mesures).

6.2

Chômage partiel de masse et congé pour raisons familiales: une opération à cœur ouvert de l’économie

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72

6.3Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

Les mesures de confinement sanitaire ont suspendu toutes les activités nécessitant une proximité physique et ont engendré des besoins de liquidité sans précédent. Si les sociétés financières ont moins été affectées par ces mesures car elles ont pu réorganiser leur activité en télétravail, elles sont indirectement impactées par les problèmes de solvabilité du secteur privé qui augmentent les risques de défaut sur les crédits, la volatilité sur les marchés bour-siers et impactent la demande. Grâce au renforcement de la supervision bancaire depuis 2008 et l'apport de liquidités par les banques centrales, les établissements de crédit sont aujourd'hui en mesure de faire face au choc. Toutefois plus la crise sera longue, plus elle dégradera la solvabilité du secteur privé et exacerbera les risques pour la sphère financière.

Les entreprises et les ménages sont les premiers touchés par la crise sanitaire

Le confinement a fortement réduit l’activité économique et la consommation des ménages. Toutes les sociétés qui produisent des biens finaux ou durables voire qui pro-posent des services avec des contraintes de proximité sont directement impactées (cf. étude bottom-up). Selon un son-dage de la Chambre de commerce réalisé au Luxembourg du 8 au 15 avril auprès de 2 600 entreprises1, près de 60% déclaraient que leur activité a été complètement arrêtée, soit en lien direct avec la décision du gouvernement d’inter-dire certaines activités (41%), soit sur initiative personnelle (17%) après constat de l’effritement de la demande ou de l’impossibilité d’exercer l’activité à distance.

Les entreprises impactées ont dû puiser dans leurs réserves pour pallier la perte de revenus pendant le confinement2. Au Luxembourg, 60% des commerces hors alimentation sondés par la Chambre de commerce et 72% de l’Horeca prévoyaient ne plus avoir de réserves de liquidités dès le 1er mai. Un quart des entreprises interrogées n’en avaient déjà plus au moment de l'enquête3. L'allongement des délais de paiement entre clients et fournisseurs augmente d’autant les problèmes de liquidité et le risque de faillite.

1 Cf. https://www.cc.lu/covid19/news/article/detail/la-chambre-de-commerce-plaide-pour-un-prolongement-du-soutien-aux-entreprises-et-un-ajustement-des-a/

2 Plus de 40% des entreprises interrogées ont déploré une perte de plus de la moitié de leur chiffre d'affaires, 55% ont reporté des pertes de revenus liées à des reports de projets ou commandes, et 35% ont subi des pertes sèches de revenus.

3 Le besoin de liquidités médian serait de 18 000 EUR mais 5% des sociétés interrogées auraient besoin de plus de 350 000 EUR de liquidités pour poursuivre leur activité.

À cela s’ajoutent les effets indirects d’une hausse du taux de chômage due aux licenciements par des entreprises qui sont obligées de réduire leur activité (cf. chapitre 4), comme par exemple des comportements d’épargne de précaution et le report de projets d’investissement. Le taux d’épargne des ménages, qui s'accroît mécaniquement avec la baisse de la consommation, diminuera progressivement après le confinement. Mais il pourrait ne pas revenir rapidement à son niveau d'avant-crise à cause des craintes sur la reprise économique et le marché du travail (qui poussent à l’épargne de précaution)4. Ce phénomène risquerait de maintenir l'activité économique sous son potentiel. Le taux d’épargne des ménages résidents est d’ailleurs l’un des plus élevés d’Europe. Il représentait 21% du revenu brut disponible en 2018 contre 10% dans l’UE5, et il pourrait augmenter de près de 7 points au Luxembourg, à 27.6% en 2020 selon les prévisions du STATEC.

4 Selon les économistes d'Allianz (2020), le taux d'épargne des ménages pourrait s'accroître de 20 points en moyenne dans l'UE au 2e trimestre 2020 (à 36%) et resterait fin 2020 de 6 points supérieur à son niveau d'avant-crise.

5 Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&init=1&plu-gin=1&pcode=tec00131&language=fr

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73

Le choc sur le secteur privé affecte les actifs financiers

Les pertes définitives de chiffre d'affaires vont peser sur les ratios financiers des entreprises et risquent d’accroître le nombre de défaillances et de faillites, augmentant alors les coûts du risque pour les banques ou les prêteurs. Des entreprises aux finances fragiles se sont largement endet-tées ces dernières années pour profiter de taux d'intérêt historiquement faibles, mais elles auront de grandes difficultés à rembourser leurs emprunts si l’activité et les revenus chutent. Il en va de même pour les particuliers qui peuvent avoir davantage de difficultés pour rembourser leurs prêts à cause d’une baisse des revenus et/ou d’une perte d’emploi. Le taux d’endettement des ménages est particulièrement élevé au Luxembourg (à 174% du revenu disponible brut en 2018 contre 94% en zone euro), poussé par la flambée des prix immobiliers ces dernières années.

Les défauts de paiement pourraient augmenter le volume de prêts non performants6 qui pèse sur la profitabilité des banques car ces crédits doivent faire l‘objet de provisionne-ment. Une augmentation massive des provisions réduirait la capacité des banques à accorder de nouveaux crédits. Ces prêts défaillants sont toutefois encore très faibles au Luxembourg et ne représentaient que 0.7% des encours de crédits à la fin de 2019, contre une moyenne de 3% en zone euro. Les banques ont aussi fortement augmenté leurs fonds propres et leurs réserves de liquidités depuis la crise de 2008. À la fin de 2019, le capital et les réserves totales des banques au Luxembourg s’élevaient à 50 Mia EUR, portant le ratio moyen de capital réglementaire à 21%7 (contre un minimum exigé de 8% sans tenir compte des coussins réglementaires). Avec ces capitaux excédentaires par rapport aux exigences légales, les banques de la place sont en mesure d’absorber des pertes supplémentaires, y compris les provisions pour couvrir les risques.

6 Un prêt est considéré comme non performant s'il est impayé depuis plus de 90 jours ou s'il ne peut probablement pas être recouvré sans recours à la réalisation de la garantie, qu’il présente ou non des impayés.

7 Selon les données publiées par la Banque centrale du Luxembourg: http://www.bcl.lu/fr/statistiques/series_statistiques_luxembourg/index.html

La hausse des risques de défaut pourrait cependant conduire les banques à être plus prudentes dans leurs décisions d’octroi de crédits et les amener à exiger des primes de risque plus élevées, des apports plus conséquents. Les mesures de soutien de la Banque centrale européenne – à savoir le maintien de taux directeurs au plus bas, les injections de liquidités aux banques, l’assouplissement de la qualité des titres acceptée en collatéral – permettent de limiter l’augmentation des primes de risque, mais la dispersion va probablement s’accroître selon les secteurs auxquels appartiennent les entreprises et leur solvabilité à moyen terme.

D'après l’enquête sur le crédit bancaire8 au Luxembourg, les critères d’octroi de crédits devraient davantage se durcir pour les ménages que pour les entreprises. Ils restent tou-tefois fixés au cas par cas en fonction de la vulnérabilité de l’emprunteur, que ce soit une entreprise ou un ménage. Pour le 2e trimestre 2020, les banques prévoient une plus forte demande de financements à court terme des entreprises pour couvrir les besoins de liquidité d’urgence liés à la crise, mais un recul de la demande de prêts à long terme dû au report des projets d’investissement du secteur privé.

8 Enquête conduite par les banques centrales des pays de la zone euro depuis janvier 2003. La Banque centrale du Luxembourg assure le volet domestique de l’enquête auprès d’un échantillon de sept grandes banques de la place financière. Cf. http://www.bcl.lu/fr/Recherche/enquetes/credit_bancaire/index.html

6.3

Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

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Graphique ALes banques s’attendent à une hausse des demandes de financement à court terme par les entreprises

70

60

50

40

30

20

10

0

-10

-20

-30

-40

Solde de réponses +/- en %

07 T

1

08 T

1

09 T

1

10 T

1

11 T

1

12 T

1

13 T

1

14 T

1

15 T

1

16 T

1

17 T

1

18 T

1

19 T

1

20 T

1

100

80

60

40

20

0

-20

-40

-60

-80

07 T

1

08 T

1

09 T

1

10 T

1

11 T

1

12 T

1

13 T

1

14 T

1

15 T

1

16 T

1

17 T

1

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1

19 T

1

20 T

1

Solde de réponses +/- en %

Critères d'octroi des crédits à long terme prévusCritères d'octroi des crédits à court terme prévus

Demandes de crédits à long terme prévuesDemandes de crédits à court terme prévues

Source: Enquête sur le crédit bancaire (BCE), prévisions des banques au Luxembourg pour les 3 prochains mois

Graphique B… mais à moins de demandes de crédit des ménages et prévoient des critères d’octroi plus durs

80

60

40

20

0

-20

-40

Solde de réponses +/- en %

07 T

1

08 T

1

09 T

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10 T

1

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1

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1

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1

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1

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1

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1

40

20

0

-20

-40

-60

-80

-100

07 T

2

08 T

2

09 T

2

10 T

2

11 T

2

12 T

2

13 T

2

14 T

2

15 T

2

16 T

2

17 T

2

18 T

2

19 T

2

20 T

2

Solde de réponses +/- en %

Critères d'octroi des crédits à la consommation prévusCritères d'octroi des crédits à l'habitat prévus

Demandes de crédits à la consommation prévuesDemandes de crédits à l'habitat prévues

Source: Enquête sur le crédit bancaire (BCE), prévisions des banques au Luxembourg pour les 3 prochains mois

6.3

Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

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75

Pour soutenir financièrement les entreprises, un moratoire de 6 mois sur le remboursement des crédits a été accordé par les banques de la place qui participent au mémorandum d’accord mis en place par l’Association des Banques et Banquiers au Luxembourg (ABBL). Des garanties publiques soutiendront par ailleurs de nouveaux crédits bancaires à hauteur de 85% pour une enveloppe totale de 2.5 Mia EUR (sur une durée maximale de 6 ans). Les banques seront libres de fixer les taux d’intérêt qu’elles jugent utiles selon le risque encouru sur chaque crédit, a précisé le ministre des Finances Pierre Gramegna, qui estime que ces taux pourraient se situer entre 2 et 3%9. À cela s’ajoutent des garanties pour l’obtention par les PME de nouvelles lignes de fonds de roulement auprès des banques, des prêts indirects aux entreprises, des subventions en capital sous forme d’avances remboursables et des primes financières immédiates.

La Banque centrale européenne (BCE) soutient et renforce ces mesures via un programme d’achat de titres privés qui finance les entreprises sans augmenter la dette des États10, un assouplissement sur la qualité des créances d’entreprises acceptées en garantie11, des prêts ciblés de long terme (à un taux pouvant aller jusqu’à -1%) aux banques qui prêtent à l’économie réelle et le maintien de taux directeurs proches de 0%. Elle a également lancé le 18 mars un nouveau programme d’achat d’urgence de titres publics et privés pour un montant de 750 Mia EUR d’ici la fin de 202012.

9 Cf. https://gouvernement.lu/fr/gouvernement/franz-fayot/actualites.gouvernement%2Bfr%2Bactualites%2Btoutes_actualites%2Bcommuniques%2B2020%2B04-avril%2B17-conseil-gouvernement.html

10 En plus de l’Asset Purchase Programme (réactivé à hauteur de 20 Mia EUR d’achats nets à compter de novembre 2019, et dont l’encours atteignait 2 732 Mia EUR au 29 février 2020), une enveloppe supplémentaire de 120 Mia EUR sera dévolue d’ici la fin de l’année 2020 à des achats de titres émis par le secteur privé de la zone euro (soit entre 12 et 13 Mia EUR par mois).

11 Cf. https://www.bourse.lu/pr-luxse-waives-listing-fee-for-covid-19-response-bonds

12 Les banques pourront emprunter de l'argent auprès de la BCE en contrepartie de titres de créance d'entreprises d'une qualité de crédit supérieure ou égale à "BB", c'est-à-dire deux crans en dessous de la note minimale actuelle.

Afin de soutenir les émetteurs qui se tournent vers les marchés des capitaux pour lever des fonds, la bourse de Luxembourg renonce jusqu’au 30 septembre 2020 aux frais de cotation sur les obligations émises par des gou-vernements, des banques ou des entreprises pour récolter des fonds pour soutenir les secteurs directement touchés par la crise13.

La chute brutale des indices boursiers de près de 40% entre la mi-février et la mi-mars reflète dans quelle mesure les marchés financiers ont anticipé une baisse de la profita-bilité des entreprises à court et moyen terme. Les plans de soutien massifs des grandes banques centrales et de la plupart des gouvernements au niveau mondial ont permis de stopper la chute, mais des pics de volatilité sont à prévoir tout au long de la crise sanitaire. L’indicateur PMI composite, qui mesure la confiance des entreprises en zone euro, a en revanche continué de s’effondrer en avril pour atteindre son plus bas niveau historique de 13.5 points (contre 51.6 en février). Les premiers indicateurs avancés sur la consommation privée, notamment la confiance des ménages, montrent aussi sans surprise une détérioration significative de 16 points entre février et avril.

13 Cf. https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2020/html/ecb.pr200318_1~3949d6f266.en.html

6.3

Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

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Graphique CDes marchés financiers et des crédits bancaires dépendants de la confiance du secteur privé

4 600

4 200

3 800

3 400

3 000

2 600

2 200

1 800

En EUR En points En points

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.-07

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.-08

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.-10

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.-11

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.-15

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.-20

30

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0

-10

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-1

-5

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1

Variation annuelle en %

Euro Stoxx 50Confiance des consommateurs en zone euro (éch. de droite)

Encours de crédits aux entreprises dans les bilansdes banques au LuxembourgPMI zone euro retardé de 3 trimestres (éch. de droite)

Sources: Macrobond, DG ECFIN, BCL, Markit Economics

Perte de vitesse du marché immobilier?

Pendant le confinement, les professionnels de l’immobilier ont été dans l'incapacité de réaliser leurs transactions, les agents ne pouvaient plus faire de visites et les promoteurs et constructeurs ont dû interrompre leurs chantiers. La baisse des revenus et de la confiance du secteur privé risque aussi d’allonger le report des achats/ventes de biens immobiliers ou des projets de construction et ainsi diminuer le volume d'activité sur le marché de l'ancien et du neuf. La demande est toutefois structurellement supérieure à l’offre au Luxembourg (via une immigration nette supérieure à 10 000 habitants/an depuis plusieurs années), et sera encore soutenue par des effets de rattra-page après le confinement des personnes ayant besoin de se loger, des investisseurs qui achètent pour relouer et des constructeurs de bâtiments non résidentiels pour les besoins de bureaux existants.

Au Luxembourg, les prix de l'immobilier suivent une ten-dance haussière forte (+5% par an en moyenne depuis 2010), avec une nette accélération sur les deux dernières années (+11% sur un an au 4e trimestre 2019, la plus forte hausse de l’UE). Selon Julien Licheron, coordinateur de l'Observatoire de l'Habitat au Luxembourg, cette très forte accélération devrait s'interrompre, mais rien n'indique que l'on aura une baisse des prix14. Le STATEC prévoit quant à lui un ralentissement de la hausse des prix immobiliers à quelque +2% sur un an en 2020.

Au Luxembourg, les prêts immobiliers ne représentaient que 7% des actifs des banques en 2019 contre 14% en moyenne dans l’Union européenne. Les taux d’intérêt sur ces crédits sont historiquement faibles grâce aux mesures d’assouplissement monétaire déployées par la BCE depuis plusieurs années. Ils ont atteint en février 2020 un point bas de 1.75% en moyenne au Luxembourg15. Les conditions d’octroi pourraient cependant se durcir et la demande fortement diminuer au 2e trimestre selon l’enquête sur le crédit bancaire au Luxembourg.

14 https://5minutes.rtl.lu/actu/luxembourg/a/1497468.html?utm_source=5mi-nutes&utm_medium=email&utm_campaign=5m_20200410_10

15 Pour les nouveaux crédits immobiliers octroyés en février 2020, le taux fixe moyen appliqué se situait entre 1.0 et 1.4%, et le taux variable à seulement 1.38% en moyenne.

6.3

Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

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Les phases d’expansion et de contraction des actifs financiers comme l’immobilier, les actions boursières et les crédits au secteur privé peuvent se résumer en un indicateur synthétique: le cycle financier16. Cet indicateur est corrélé et avancé par rapport au cycle d’activité du secteur financier: les aléas des prix des actifs financiers et des crédits se répercutent sur les principaux revenus des sociétés financières à moyen terme.

Graphique DSynchronisation de l’activité du secteur financier luxembourgeois avec le cycle financier*

0.10

0.05

0.00

-0.05

-0.10

Cycle en log

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1

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1

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1

0.0015

0.0008

0.0000

-0.0008

-0.0015

Cycle des affaires du secteur financierCycle financier (éch. de droite)

Sources: STATEC, BCL, Macrobond (calculs STATEC)* Le cycle d'activité représente les phases d'expansion et de contraction de la valeur ajoutée brute en volume du secteur financier tandis que le cycle financier reflète le cycle moyen des actifs financiers (actions en zone euro, immobilier et crédits au secteur privé luxembourgeois).

16 Pour déterminer le cycle, un filtre Hodrick-Prescott a été appliqué sur les crédits bancaires aux ménages, aux sociétés non financières et au secteur privé non financier dans son ensemble, les crédits totaux au secteur privé non financier, les prix immobiliers au Luxembourg et l’Euro Stoxx 50, tous déflatés par l’indice des prix à la consommation, normalisés, en log et en différences premières. Le cycle financier est calculé comme la moyenne des cycles de court terme de ces variables.

Les risques sur le secteur financier dépendent de la durée de la crise

Comme les activités du secteur financier ont été relative-ment moins affectées par les mesures de confinement17, l’impact à court terme sur sa valeur ajoutée en volume sera moins fort que pour les autres secteurs. La baisse des valorisations boursières au début du confinement impactera davantage la valorisation des portefeuilles titres que le volume d’activité trimestriel. En revanche, si la crise dure, ce secteur peut être touché par les problèmes de solvabilité du secteur privé qui affectent non seulement le prix des actifs financiers, mais aussi les activités auxiliaires, la qualité des crédits et la demande pour de nouveaux contrats. Plus la crise sanitaire sera longue, plus le risque de contagion de l’économie réelle à la sphère financière sera élevé.

L’évolution des marchés et de la confiance des investis-seurs sera déterminante pour la valeur ajoutée du secteur financier. Les fonds d’investissement, les banques privées et dépositaires, les services financiers auxiliaires (gestion de fonds, conseil, courtage) et les assureurs-vie en dépendent directement. Les organismes de placement collectifs (OPC) ont directement été impactés par le krach boursier de mars via la baisse des valorisations de leurs actifs mais aussi par les rachats (-8 points de % et -3 points de % de février à mars respectivement). La performance des OPC se répercute sur les commissions reçues par les banques dépositaires qui gardent leurs actifs et la valeur ajoutée des auxiliaires financiers qui sont rattachés à leurs activités. Les banques privées et de finance d'entreprise rémunèrent aussi leurs services via des commissions qui varient en fonction de la valeur des actifs financiers et des bourses. Ces banques pourraient toutefois recevoir plus de commissions via l’envolée des transactions qui compenseraient en partie la perte liée à la dévalorisation des actifs sous gestion.

17 Le télétravail a été recommandé dès le 2 mars par la CSSF. Des plans de continuité des activités ont été mis en place et toutes les forces productives (excepté les personnes en congé pour raisons familiales ou maladie) ont pu continuer leurs activités à distance.

6.3

Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

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Graphique ELes fluctuations boursières impactent les OPC, les auxiliaires et les commissions bancaires

60

40

20

0

-20

-40

-60

Variation annuelle en %

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20 T

1

Actifs nets des organismes de placement collectifVAB vol. des auxiliaires financiersCommissions nettes des banquesEuro Stoxx 50

Sources: STATEC (comptes nationaux), CSSF, Macrobond (données en fin de trimestre)

Les assureurs-vie dépendent aussi des marchés boursiers via les produits en unités de compte qui ont généré 42% des primes encaissées en 2019 et qui sont privilégiés en période de taux d’intérêt faibles. La hausse de la volatilité en bourse peut freiner les épargnants à placer dans des produits d'assurance-vie liés et accroître les décollectes sur ces contrats. Au 1er trimestre, les primes encaissées sur les produits d’assurance-vie en unités de compte ont fait du surplace (-0.2% sur un an) alors qu’elles ont reculé sur les produits à rendement garanti (-16%).

Au second trimestre, les compagnies d’assurance pourraient être impactées par une baisse de la demande de nouveaux contrats. L’Association des Compagnies d´Assurances et de Réassurances (ACA) a signalé dans un communiqué du 23 avril18 "une baisse très importante du chiffre d’af-faires puisque le confinement a marqué le quasi-arrêt des nouveaux contrats", et une moins-value des actifs de l’ordre de 15% par rapport à fin 2019 du fait de la chute des marchés financiers. Les contrats d’assurance non-vie ne couvrent toutefois pas le risque d'un arrêt des activités d'une entreprise par l'État ni celui d'une pandémie. Pour aider les entreprises en difficulté, certains gestes commer-ciaux sont accordés: des reports de primes, une suspension des contrats ou des extensions de garanties.19

Plusieurs sociétés de participations financières se sont par ailleurs déclarées en difficulté en raison de l’arrêt des activités des entreprises qu’elles financent et ont demandé à bénéficier du chômage partiel. Au 14 avril, plus de 370 sociétés financières avaient demandé du chômage partiel car elles estimaient être touchées de près ou de loin par la crise. Le gouvernement a estimé que ce secteur n’était pas en crise et a globalement refusé ces demandes20, certaines pouvant toutefois être étudiées plus en détail.

À moyen terme, les marges d'intérêt des banques risquent d’être réduites par les difficultés de remboursement ou le report des projets d'investissement (qui peuvent être financés par des crédits à long terme) du secteur privé. Les marges d'intérêt perçues sur les crédits – mesurées via les services d’intermédiation indirectement mesurés (SIFIM) dans la valeur ajoutée bancaire – représentaient un tiers de la production des banques en 2019. Plus de 50% de la production bancaire repose sur les revenus de commissions sur la gestion d’actifs.

18 Cf. https://www.aca.lu/media/5ea1ade810397_cp_aca_covid19_oblig_etat_20200423.pdf

19 Cf. https://paperjam.lu/article/marc-lauer-foyer-assureurs-por?utm_me-dium=email&utm_campaign=20-04-20-Matin&utm_content=20-04-20-Ma-tin+CID_ada10170a5925b8814121ed5242b86e1&utm_source=Newslet-ter&utm_term=Les%20assureurs%20portent%20leur%20charge

20 Cf. https://gouvernement.lu/fr/actualites/toutes_actualites/ar-ticles/2020/04-avril/14-briefing-kersch.html

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Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

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Graphique FUne baisse de la demande de prêts affecterait les services d’intermédiation sur crédits à moyen terme

Encours de prêts aux sociétés non financièresEncours de prêts aux ménagesSIFIM des banques (éch. de droite)

30

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10

0

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65

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1

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1

20 T

1

Variation annuelle en %Variation annuelle en Mia EUR

Sources: BCL, STATEC (comptes nationaux)

Le ministre des Finances Pierre Gramegna a indiqué le 23 avril que les banques avaient accordé des moratoires à près de 10 000 entreprises pour une valeur de prêts totaux cumulée supérieure à 3 Mia EUR21. À court terme, les moratoires sur les remboursements de prêts n’auront pas d’impact financier significatif pour les banques, puisqu’il s’agit uniquement d’un décalage dans le temps du paiement des intérêts. Si l’on applique un taux d’intérêt moyen de 1.5% aux crédits concernés, le report d’intérêts s’élèverait à 45 Mio EUR (soit seulement 0.3% des intérêts perçus en 2019). L’État se porte par ailleurs garant de 2.5 Mia EUR de nouveaux crédits à hauteur de 85% et les banques inter-viennent pour le reste. Les 15% de risque restants seront probablement couverts par des collatéraux demandés par les banques et ne pèseraient donc pas directement sur les établissements de crédit.

21 Cf. https://twitter.com/pierregramegna/status/1253332505479933952

Les sociétés financières européennes se préparent à la crise

L’enquête de conjoncture du mois d’avril laisse penser que le secteur financier ne sera sûrement pas épargné par la crise. Les sociétés financières de la zone euro sont particulièrement inquiètes de l’évolution de l’activité, de la demande, de leurs résultats et des dépenses en capital. L’indicateur de confiance a même plus fortement chuté que pendant la crise financière de 2008. Mais contrairement à la crise de 2008, ayant pour origine un certain nombre de pratiques imprudentes au sein des banques améri-caines et européennes, la crise actuelle fait apparaître les banques comme un élément de solution pour faire repartir l’économie. Les banques européennes présentent en effet des bilans plus sains et davantage de fonds propres pour faire face aux chocs (grâce aux règles prudentielles mises en place depuis 2013), ce qui devrait leur permettre de répondre aux besoins de financement des entreprises et des ménages induits par la crise.

Graphique GLa confiance des sociétés financières européennes plonge à son plus bas niveau

40

20

0

-20

-40

-60

Indicateur de confiance en points

Janv

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.-08

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.-10

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.-17

Janv

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Janv

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Janv

.-20

Source: DG ECFIN

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Les résultats du 1er trimestre publiés par certaines banques européennes et américaines sont pour la plupart assez mauvais et révèlent de fortes hausses des provisions pour faire face au risque d’impayés22. Le secteur bancaire luxembourgeois est toutefois assez particulier du fait de sa spécialisation dans la gestion d’actifs (titres de dette principalement), les banques privées et dépositaires repré-sentant la moitié des banques de la place. Les résultats de ces banques seront surtout liés à la fluctuation des marchés financiers mondiaux. Un tiers des établissements luxembourgeois est par ailleurs spécialisé en finance d’entreprise, 11% peuvent être considérés comme des banques universelles et seulement 7% sont spécialisés dans la banque de détail.

Les PME européennes révèlent de leur côté des craintes sur l’accès au financement: leurs anticipations d’octobre 2019 à mars 2020 relatives à l’accès aux prêts bancaires ont fortement baissé dans la zone euro (-11% de solde favorable, contre 4% au cours du semestre précédent), le niveau de détérioration variant selon les pays. Les PME italiennes ont fait état de la détérioration la plus forte en termes nets (-13 %, contre 9 %), suivies des PME fran-çaises et espagnoles (-9 % et -12 %, contre 8 % et -1 %, respectivement).23

La situation actuelle étant inédite, les estimations d’impact de la crise réalisées en zone euro sont très aléatoires et dépendent de diverses hypothèses concernant sa durée et la reprise qui suivra. Le STATEC estime que l’impact sur l’activité du secteur financier serait de l’ordre de -10% Luxembourg (par rapport à une situation sans crise, cf. étude 6.1), contre -16% en France selon l’OFCE, -12% selon la Banque de France et -20% en Belgique selon la BNB. Comparé à la moyenne en zone euro, le secteur financier luxembourgeois repose moins sur les banques qui sont liées au secteur réel (57% de la valeur ajoutée du secteur contre 66% en zone euro en 2018) et davantage sur les activités liées aux fonds via les auxiliaires financiers (34% contre 17% en zone euro). Le Luxembourg a par ailleurs relativement mieux progressé ces dernières années, en doublant sa part de marché de 1.1% à 2.2% de la valeur ajoutée du secteur financier de l’UE entre le début de 2005 et la fin de 2019.

22 Les règles comptables IFRS 9 conduisent à provisionner des pertes "attendues", mais pas forcément avérées.

23 Enquête de la BCE sur l’accès des entreprises au financement dans la zone euro, https://www.banque-france.fr/communique-de-presse/enquete-sur-lacces-des-entreprises-au-financement-dans-la-zone-euro-les-petites-entre-prises-font

Dans un premier temps, le secteur financier ne souffrirait pas trop mais si la crise dure plus longtemps, l’impact sera plus grand dans l’UE et au Luxembourg aussi. Le scénario le plus pessimiste d’Oxford Economics table sur une reprise des mesures de confinement au 3e trimestre en cas de résurgence de l’épidémie, suivie d’une reprise de l’activité plus lente. Le choc sur le chômage serait amplifié, ce qui augmenterait alors davantage l’épargne de précaution et pèserait plus longtemps sur la demande. Par les méca-nismes vus précédemment, la baisse de la confiance et de la demande se refléterait sur les prix et les bourses, affectant alors le secteur financier et sa capacité à prêter à l’économie réelle. Une spirale négative pourrait ainsi s’enclencher via le mécanisme d’accélérateur financier24: les primes de risques augmenteraient fortement, limitant davantage les investissements des entreprises et la crois-sance. Le STATEC estime que dans ce scénario bas, le secteur financier luxembourgeois pourrait voir sa valeur ajoutée diminuer jusqu’à -30% en 2020.

L’importance des contreparties étrangères dans les bilans bancaires au Luxembourg (67% des crédits en 2019) lie particulièrement les risques des pays voisins au secteur financier luxembourgeois à moyen terme. Par ailleurs, les banques privées, dépositaires et les fonds d’investissement de l’UE dépendent tous de la performance des marchés financiers européens. Le cycle du secteur financier luxem-bourgeois est ainsi corrélé et retardé de deux trimestres par rapport à celui de l'UE (avec une corrélation forte de 0.81).

24 STATEC, Économie et statistiques N° 101/2018, A simple financial accelerator in a standard macro-econometric model.

6.3

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Graphique HLe cycle du secteur financier du Luxembourg est en retard par rapport à celui de l’UE

0.04

0.03

0.02

0.01

0.00

-0.01

-0.02

-0.03

Cycle en log

99 T

1

01 T

1

03 T

1

05 T

1

07 T

1

09 T

1

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1

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1

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1

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1

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1

0.013

0.010

0.007

-0.004

-0.001

-0.002

-0.005

-0.008

LuxembourgUE28 (éch. de droite)

Sources: STATEC (Comptes nationaux), Eurostat (données à prix courants)

Conclusions

Les incertitudes sur les impacts de la crise sanitaire et sur l'évolution de l'activité économique se sont directement reflétées sur les marchés financiers. Les indices boursiers ont notamment subi un krach historique au début du confi-nement puis se sont en partie redressés. Mais les indices pourraient repartir à la baisse si la crise se prolonge et les défauts d’entreprises s’accentuent, ce qui impacterait directement les activités des organismes de placement collectif, des banques privées et dépositaires, des auxiliaires financiers et des assureurs-vie.

Les entreprises ayant dû limiter voire arrêter leurs activités pendant le confinement pourraient à terme avoir des dif-ficultés à rembourser leurs crédits et reporter leurs projets d'investissement. Les banques au Luxembourg présentent un niveau de solvabilité plutôt solide, dans la mesure où elles ont fortement augmenté leurs fonds propres depuis la crise financière de 2008, mais elles vont faire face à des risques de défaut accrus et probablement à une moindre demande de prêts à long terme.

On ne voit pour le moment rien dans les données qui traduirait un effet d’accélérateur financier, c’est-à-dire un durcissement brutal des conditions de crédits au sec-teur privé qui augmenterait le coût de financement des entreprises et limiterait davantage la reprise de l’activité et l’investissement. Les nombreuses mesures de soutien monétaires et budgétaires mises en place ont permis de garder le canal du crédit ouvert mais aussi de calmer la volatilité sur les marchés financiers. À long terme, la crois-sance du secteur financier reflète la croissance économique. Les risques qui pèsent sur ce secteur dépendent donc de la durée de la crise sanitaire et de la reprise qui suivra.

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Risque de propagation de la crise Covid-19 du secteur réel au secteur financier

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6.4Émissions de gaz à effet de serre: une bouffée d’air frais qui ne perdurera pas

Le Luxembourg s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20% à l’horizon 2020. Suite à l’effondrement des ventes de carburants pendant le confinement, quel sera l’impact final de la crise du Covid-19 sur les émissions? Malgré le contexte hautement incertain, le STATEC a élaboré une réponse quantifiée en ligne avec ses scénarios macroéconomiques: le Luxembourg respecterait ainsi ses objectifs en 2020, mais doit s’attendre à un rebond des émissions en 2021.

Un des trois objectifs du "paquet sur le climat et l'éner-gie à l’horizon 2020"1 de l’Union européenne (UE) est la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20% par rapport à celles de 1990. À l’horizon 2030, les émissions de l’UE devraient baisser d’au moins 40% selon l’Accord de Paris. D’après le "Pacte vert pour l’Europe" la Commission européenne veut proposer de porter l’objectif de réduction pour les États membres à 50%, et si possible à 55%2, toujours à l’horizon 2030 mais par rapport à 2005.

Au sein de l’UE, les émissions sont typiquement divisées en deux catégories.

D’une part, le système d’échange de quotas (Emission Trading Scheme, ETS en anglais) couvre environ 45% des émissions de GES de l’UE. C’est l’instrument utilisé pour réduire les émissions des grandes entreprises industrielles, des producteurs d'électricité et de l’aviation. Les émissions provenant de ces secteurs devraient être inférieures de 21% en 2020 (par rapport à 1990) et de 43% en 2030 par rapport à celles de 2005. La réduction des émissions est imposée en retirant du marché européen un certain nombre de quotas d'émission, ce qui permet d’atteindre globalement les objectifs. En fixant ainsi la quantité des droits d’émissions, les objectifs ETS devraient de facto être atteints au niveau européen: elles ne font dès lors pas l’objet de cette étude.

1 https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2020_fr2 https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2030_fr

D’autre part, environ 55% du total des émissions de l’UE sont couvertes par les objectifs nationaux adoptés en vertu de la "décision relative à la répartition de l’effort"3 (Effort Sharing Decision, ESD). Les objectifs pour les émissions ESD varient en fonction du PIB par habitant des États membres tout en étant plafonnés. Pour le Luxembourg, une réduction de 20% des émissions de GES a été fixée pour 2020 (par rapport aux niveaux de 2005). Pour 2030, une réduction contraignante de 40% est actuellement en vigueur. En vue d’un renforcement des ambitions au niveau européen, le "Plan national intégré en matière d’énergie et de climat pour le Luxembourg pour la période 2021-30" (PNEC) comporte comme objectif une réduction de 55%4.

La présente étude s’intéresse à ce 2e volet, c’est-à-dire le champ des émissions ESD pour lesquelles les États membres disposent d’objectifs de réductions.

3 https://ec.europa.eu/clima/policies/effort_fr4 https://environnement.public.lu/dam-assets/actualites/2020/05/Plan-national-

integre-en-matiere-d-energie-et-de-climat-du-Luxembourg-2021-2030- version-definitive-traduction-de-courtoisie.pdf

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Graphique AÉmissions observées, émissions allouées et balance cumulée des émissions

10.5

10.0

9.5

9.0

8.5

8.0

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Émissions de GES en Mio de tCO2e

Émissions "ESD" (hors ETS)Émissions annuelles allouées

0.0

-0.5

-1.0

-1.5

-2.0

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Émissions de GES en Mio de tCO2e

Balance cumulée des émissions

Sources: Inventaire des gaz à effet de serre, Commission européenne, calculs du STATEC

L’inventaire des émissions et l’objectif 2020

Les émissions sont recensées dans "l’inventaire des gaz à effet de serre"5 qui est basé sur le principe du territoire: les émissions sont attribuées au pays où les produits émettant des GES ont été vendus, indépendamment de l’endroit où ils sont consommés. Le Luxembourg se voit ainsi attribuer les émissions des carburants vendus sur son territoire. En même temps, les GES émis lors de la production de l’électricité qui est importée au Luxembourg sont comptabilisés dans les pays exportateurs et non au Luxembourg.

La dernière observation publiée de l’inventaire concerne l’année 2018. À l’heure actuelle, il n’est donc pas possible de dresser le bilan des objectifs à l’horizon 2020. On peut en revanche se baser sur des estimations pour les années 2019 et 2020. Les objectifs contraignants ne couvrent d’ailleurs pas la seule année 2020, mais toute la période allant de 2013 à 2020. Pour ces années, une "allocation annuelle d’émissions"6 a été attribuée au Luxembourg, suivant une tendance linéaire décroissante jusqu’à atteindre l'objectif de -20% en 2020 (cf. graphique A).

5 https://environnement.public.lu/fr/loft/air/inventaires-emissions/inven-taire-ges.html et https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-datasets/product?code=env_air_gge

6 https://ec.europa.eu/clima/policies/effort/framework_fr

En cumulant les différences annuelles entre les émissions autorisées (en orange) et les émissions observées (en bleu), on peut déduire la balance cumulée des émissions sur toute la période. Entre 2013 et 2017, les émissions observées étaient inférieures aux émissions allouées: la balance des émissions accumulait ainsi -1.5 Mio de tonnes de CO2 équivalent7 (tCO2e). Les émissions de 2018 étaient en revanche de 0.5 Mio de tCO2e trop élevées et la balance cumulée s’est ainsi réduite à -1 Mio de tCO2e (cf. partie de droite du graphique). Pour respecter les objectifs d’émissions sur toute la période, il faudra solder la période avec une balance négative ou nulle. Les émissions des années 2019 et 2020 pourraient ainsi se situer au maximum à 1 Mio tCO2e au-dessus des émissions allouées pour ces deux années.

7 Les émissions de CH4 et de N2O sont multipliées par un facteur de conversion avant d’être additionnées aux émissions de CO2.

6.4

Émissions de gaz à effet de serre: une bouffée d’air frais qui ne perdurera pas

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Graphique BDécomposition des émissions du Luxembourg par usage

8

7

6

5

4

3

2

1

0

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Émissions de GES en Mio de tCO2e

TransportHors transport

Source: Inventaire des GES

Graphique CLes ventes de carburant rebondiraient avec le déconfinement

220

200

180

160

140

120

100

80

Mio de litres de carburants En %

Janv

.-20

Avr

.-20

Juil.

-20

Oct

.-20

Janv

.-21

Avr

.-21

Juil.

-21

Oct

.-21

1009080706050403020100

Ventes de carburantsDegré de confinement (éch. de droite)

Source: Calculs du STATEC

Au-delà de l’inventaire: des ventes de carburants aux émissions

Le total des émissions ESD peut être décomposé en deux parties (cf. graphique B): les deux tiers proviennent du domaine du transport et consistent essentiellement en émissions attribuées aux ventes de carburants8. Le tiers res-tant est lié aux bâtiments (chauffage, etc.) et aux activités économiques (industrie et production d’électricité hors ETS, agriculture, etc.). Ces émissions ne sont pas très volatiles d’une année à l’autre: pour simplifier, elles sont supposées constantes dans les projections pour les années 2019 et 20209. Cette étude se focalise sur la prévision des émissions liées au transport pour 2019, 2020 et 2021 pour plusieurs raisons: le poids prépondérant des carburants, les mesures récentes correspondantes (accises, biocarburants) ainsi que la forte chute de ces ventes pendant le confinement.

Le STATEC modélise depuis de nombreuses années les ventes de carburants: elles évoluent en fonction de l’efficience des moteurs, du nombre de frontaliers, du transport de marchandises en Europe ou encore des prix (luxembour-geois et étrangers). Les émissions relatives aux carburants ont été estimées en multipliant les volumes physiques par les facteurs d'émission, et en considérant également la hausse de la part réglementaire des biocarburants au 1er janvier 2020.

En 2018, les ventes de carburants ont augmenté de 6.5%, générant une hausse des émissions du même ordre de grandeur. En 2019, ces émissions liées au transport n’ont augmenté que de 2.6%: les ventes de carburants, avant tout celles de diesel, avaient décéléré suite aux hausses des accises du 1er mai 2019, et une hausse de la part des biocarburants a induit que, pour chaque litre vendu, moins d’émissions étaient comptabilisées.

8 Pour passer des émissions dues aux ventes de carburants aux émissions du domaine du transport de l’inventaire (CRF1A3b), les carburants destinés à d’autres usages que le transport sont retirés. Il s’agit notamment du diesel utilisé sur les chantiers, par le rail, la navigation fluviale et l’agriculture (CRF1A2g, CRF1A3c, CRF1A3d et CRF1A4c respectivement).

9 Alternativement chaque composante peut être projetée à l’aide d’un modèle ARIMA qui permet de considérer les tendances particulières de chaque série. Comme les résultats agrégés sont très similaires, une méthode plus simple et transparente a été choisie.

6.4

Émissions de gaz à effet de serre: une bouffée d’air frais qui ne perdurera pas

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Graphique DL’objectif des émissions à l’horizon 2020 sera probablement atteint

11.0

10.5

10.0

9.5

9.0

8.5

8.0

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Émissions de GES en Mio de tCO2e

Émissions annuelles allouéesObservéSans Covid-19 / sans hausse des accisesSans Covid-19 / avec hausse des accisesAvec Covid-19 / sans hausse des accises

1.0

0.5

0.0

-0.5

-1.0

-1.5

-2.0

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Balance cumulée des émissions de GES en Mio de tCO2e

ObservéSans Covid-19 / sans hausse des accisesSans Covid-19 / avec hausse des accisesAvec Covid-19 / sans hausse des accises

Sources: Inventaire des GES, Commission européenne, calculs du STATEC

Pour 2020, les projections10 élaborées juste avant la crise sanitaire du Covid-19 tablaient sur une baisse des ventes de carburants de 7% en raison d’une hausse annoncée des accises11. Vu que la hausse de la part réglementaire des biocarburants avait été ajustée au 1er janvier12, les émissions auraient même pu baisser de 9% en 2020.

Suite au confinement économique et social à partir de la mi-mars, les ventes se sont littéralement effondrées, en lien aussi avec les limitations de déplacement instaurées par les pays voisins. Sur base des données des mois de mars et d’avril, l’effondrement des ventes de carburants est estimé à environ 55%, au moment du confinement maximal. À cet impact statique on peut appliquer la tra-jectoire de déconfinement utilisée pour l’estimation de l’activité économique (voir étude 6.1). Sur toute l’année 2020, les ventes de carburants reculeraient ainsi de 22%. Les émissions baisseraient même de 24% par rapport à 2019, en raison de la hausse de la part des biocarburants évoquée ci-avant.

10 https://statistiques.public.lu/catalogue-publications/economie-statis-tiques/2020/111-2020.pdf (pp. 26-27)

11 Le STATEC avait considéré le milieu des fourchettes annoncées, soit une hausse de deux cents sur l’essence et de quatre cents sur le diesel.

12 La part réglementaire a augmenté de 5.85 à 7.70%. La part des biocarburants effectivement observée, prise en compte dans l’inventaire des GES, est typiquement plus élevée pour le diesel et plus faible pour l’essence. Les parts respectives ont été ajustées proportionnellement dans les projections du STATEC.

L’heure d’un premier bilan

Les projections du STATEC, aussi bien celles réalisées avant la crise Covid-19 que la mise à jour élaborée dans le cadre de cette Note de conjoncture, permettent de dresser un premier bilan des objectifs d’émissions sur la période 2013 à 2020. Ce bilan provisoire est entouré de nombreux risques et incertitudes, et il est conditionnel aux hypothèses qui ont été faites, par exemple sur la part des biocarburants en 2019 et 2020. Les résultats quantifiés doivent donc être interprétés avec prudence, mais des conclusions qualitatives peuvent être tirées:

• Sans crise du Covid-19, l'objectif des émissions n'aurait été rempli qu’en recourant à des crédits externes13. Sans hausse supplémentaire des accises la balance cumulée aurait dépassé les 0.7 Mio de tCO2e environ, en bleu). Avec une hausse des accises, (milieu des fourchettes annoncées) la balance cumu-lée aurait été réduite à 0.4 Mio de tCO2e (en rose).

• Suite à la crise du Covid-19, l’objectif des émissions sera probablement atteint (balance cumulée de -0.7 Mio de tCO2e, en orange), sous condition que l’évolution des ventes de carburants suive effecti-vement la trajectoire du déconfinement qui a été supposée.

13 Il s’agit de transferts statistiques qui peuvent être acquis auprès d'États membres qui émettent moins que les émissions qui leur ont été allouées.

6.4

Émissions de gaz à effet de serre: une bouffée d’air frais qui ne perdurera pas

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Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour avoir une meilleure vue sur l’après-crise et les objectifs à l’horizon 2030

Sur base des projections établies pour cette Note de conjoncture, en 2021, les ventes de carburants seraient toujours d'environ 4% inférieures aux niveaux de 2019. En glissement annuel, après une baisse de 21% en 2020, les ventes rebondiraient de 16% en 2021. Dans le scénario de "confinement prolongé"14 en revanche, non seulement les ventes s’effondreraient davantage en 2020 (-30%), mais elles baisseraient encore en 2021 (-2%) suite à une spirale récessive traduisant une grave crise économique internationale. Surtout la baisse très prononcée et continue des transports de marchandises dans l’UE expliquerait que les ventes de carburants resteraient en 2021 d’un tiers en dessous des niveaux de 2019.

Les scénarios précités, élaborés en période d’incertitude, sans disposer d’une visibilité conjoncturelle suffisante, ne permettent évidemment pas de se prononcer sur l’évo-lution des émissions à moyen terme. Vu toutefois que l’année 2021 constitue le point de départ de la prochaine période de notification, il est intéressant de la mettre en rapport avec les objectifs à plus long terme de réduction des émissions ESD du Luxembourg (cf. graphique E): d’un côté l’objectif de -40% (2030 par rapport à 1990) qui est encore en vigueur, et de l’autre côté l’objectif de -55% (2030 par rapport à 2005) énoncé dans le PNEC adopté le 20 mai 2020. Ce dernier est l’instrument pour mettre en œuvre les objectifs climatiques à l’horizon 203015. À travers les scénarios développés, il apparaît que la reprise économique, censée avoir lieu dès 2021 ou 2022, relan-çant notamment le transport de marchandises au niveau européen, risquera tôt ou tard de mettre en péril lesdits objectifs des émissions.

14 Ce scénario s’appliquerait en cas de résurgence de la pandémie (avec des mesures de reconfinement).

15 Pour atteindre l’objectif de -40% la réduction annuelle moyenne des émissions devrait être de 3%. L’objectif de -55% requiert quant à lui que les émissions baissent en moyenne de 6% par année.

Précisons toutefois que l’évolution des ventes de carbu-rants proposée dans les deux scénarios pour 2020 et 2021 résulte d’une trajectoire encore hypothétique, traduisant le confinement puis le déconfinement sanitaire et social et la façon dont ils sont censés affecter l’activité économique (cf. étude 6.1). Dans une prochaine étape, cette trajectoire devra être affinée en recourant à des équations empiriques à fréquence trimestrielle. Notons également qu’aucun des deux scénarios ne prend en compte une éventuelle hausse supplémentaire de la part des biocarburants en 2021. L’introduction de la taxe de CO2 au Luxembourg, prévue pour le 1er janvier 2021, n’a pas été considérée non plus, faute d’informations sur les modalités précises. Les deux types de mesures pourraient évidemment limiter le rebond projeté des émissions en 2021 et au-delà.

Graphique EObjectifs d’émissions pour la période de 2021 à 2030

11

10

9

8

7

6

5

4

2005

2007

2009

2011

2013

2015

2017

2019

2021

2023

2025

2027

2029

En tCO2e

Émissions ESD dans le scénario "confinement limité"Émissions ESD dans le scénario "confinement prolongé"Trajectoire de réduction -40%Trajectoire de réduction -55%

Source: Calculs du STATEC

6.4

Émissions de gaz à effet de serre: une bouffée d’air frais qui ne perdurera pas

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Liste des études publiées dans les dernières Notes de conjoncture

NDC 02-2019 Novembre 2019Montée des tensions commerciales: quelles retombées au Luxembourg? Page 44

Performance des banques selon leur type d’activité 49

Potential growth for Luxembourg: review of alternative methods 59

Forecast revisions: what to expect for 2020? 68

NDC 01-2019 Juin 2019Indicateurs précurseurs pour l’emploi au Luxembourg 50

Évaluation macroéconomique des principales mesures de politique économique et budgétaire 58

À la recherche du consensus entre prévisions mensuelles, trimestrielles et annuelles 60

Analyse structurelle "shift-share" de la productivité horaire apparente du travail du Luxembourg en comparaison internationale 70

NDC 02-2018 Décembre 2018Mieux prévoir la consommation intermédiaire et l’investissement publics grâce à une approche par fonction 46

Pertinence des enquêtes qualitatives pour anticiper les évolutions dans le secteur financier 53

Pourquoi le taux d’investissement du Luxembourg est-il si faible par rapport à ses pays voisins? 60

Improving year-ahead forecasts using panel regression 71

Les dessous de la baisse du taux d’emploi au Luxembourg 76

Risques macroéconomiques liés aux différends commerciaux 85

NDC 01-2018 Juin 2018À la recherche de la productivité perdue 50

Pourquoi la valeur ajoutée du secteur financier ne repart-elle pas à la hausse? 55

Différents indicateurs pour passer au crible le ralentissement actuel de l’inflation sous-jacente 64

D’où provient le ralentissement de l’emploi public sur les dernières années? 69

NDC 02-2017 Décembre 2017La crise a favorisé de l’augmentation du chômage, mais aussi du sous-emploi 54

La marge d’intérêts des banques au Luxembourg dans un contexte de taux faibles 60

Mieux capter les effets du cycle économique dans les prévisions d’inflation 67

Modélisation des recettes fiscales : la taxe d’abonnement 72

NDC 01-2017 Mai 2017Une consommation des ménages encore timide 43

Des exportations de services non financiers en nette progression 49

Impact de l’indexation sur l’inflation sous-jacente 51

Projections à moyen terme 2017-2021 56

Impact de la réforme fiscale en faveur des entreprises 59

Uncertainty and forecast errors 66

NDC 02-2016 Novembre 2016An evaluation of STATEC’s forecasting performance 62

Le processus de Brexit et l’estimation de son impact 71

Prévisions d’inflation: vers une meilleure cohérence entre court et moyen termes 80

Qualité des prévisions mensuelles d’inflation 84

Un accélérateur financier pour Modux 87

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88

NDC 01-2016 Mai 2016Prévisions d’inflation: que révèlent les anticipations? Page 66

Transmission des prix des matières premières alimentaires aux prix à la consommation 69

Incidences directes et indirectes de la rechute du prix du pétrole sur l’inflation 72

Income gains for households, corporations and government through falling oil prices 74

Impact des flux de demandeurs de protection internationale sur les principaux agrégats macroéconomiques 82

Secteur financier luxembourgeois: la résilience dans la mutation 87

Fluctuations boursières et performance économique 93

Impact de la réforme fiscale en faveur des ménages 96

NDC 02-2015 Novembre 2015Les économies émergentes dans une période de troubles: est-ce inquiétant pour le Luxembourg? 14

Relèvement de la TVA: un effet perturbateur sur la dynamique des indicateurs de court terme 28

Des investissements qui manquent encore de ressort 32

Prix des matières premières métalliques et énergétiques: pourquoi ont-ils encore plongé? 41

Impact de la hausse de la TVA sur l’inflation – mise à jour 47

Scénario alternatif: un ralentissement plus sévère qu’anticipé en Chine 89

NDC 01-2015 Juin 2015Transmission du prix du pétrole aux prix à la consommation énergétique 31

Impact de la hausse de la TVA sur l’inflation 33

Les effets potentiels de l’indexation et du salaire social minimum sur l’inflation au Luxembourg 35

Les soparfis – locomotive de l’emploi du secteur financier 50

Moins de créations d’emplois dans le secteur public 52

TIC et logistique: un impact mitigé en termes d’emploi 54

Une évaluation des mesures du "Zukunftspak" à l’aide des modèles du STATEC 86

Impact d’un choc de croissance favorable dans la zone euro 94

NDC 02-2014 Novembre 2014Impact des révisions des comptes nationaux et de la balance des paiements 16

La Garantie pour la Jeunesse et son impact potentiel sur le chômage 68

On the relationship between unemployment and employment in Luxembourg 70

NDC 01-2014 Mai 2014La perception de l’évolution de prix à la consommation par les ménages 53

Une tendance désinflationniste confirmée par différents indicateurs d’inflation sous-jacente 55

Réductions d’effectifs dans le secteur bancaire: un impact à la hausse sur le coût salarial 62

Une relation modifiée entre chômage et emploi? 92

Potential growth for Luxembourg : recent evolutions and projections until 2018 according to different sources 115

Impact de la disparition de la TVA issue du commerce électronique 136

Impact de la hausse de la TVA 138

NDC 02-2013 Octobre 2013L’emploi intérimaire: un indicateur précurseur pour le marché du travail au Luxembourg? 71

Un indicateur de tensions sur le marché du travail pour le Luxembourg 83

Marché du travail: une précarisation accrue avec la crise? 84

Impact de l’introduction de l’échange automatique pour les paiements d’intérêts au sein de l’UE 118

Liste des études publiées dans les dernières Notes de conjoncture

Page 87: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

89

NDC 03-2012 Novembre 2012Évolution conjoncturelle des heures payées Page 56

Mesures budgétaires, activité économique et solde des finances publiques: petit précis de multiplicateurs keynésiens 95

NDC 02-2012 Juillet 2012Modification des données sur le marché du travail luxembourgeois: définitions, explications, impacts 69

Analyse comparative de la productivité (Luxembourg, zone euro) depuis le début de la crise 91

NDC 01-2012 Avril 2012Nouvelle gouvernance économique pour l’Union européenne 10

Analyse des différentes versions successives des prévisions élaborées dans le cadre du semestre européen 37

NDC 03-2011 Décembre 2011Les révisions des comptes nationaux annuels publiés à l’automne 2011 19

Analyse rétrospective sur les révisions du PIB nominal 22

Réorientation des exportations de services vers les marchés à forte croissance: une réalité pour le Luxembourg? 24

Cyclicité des mesures pour l’emploi 85

Le chômage au Luxembourg prend un caractère de plus en plus structurel 90

Effets de la population des travailleurs handicapés et/ou à capacité de travail réduite sur la structure du chômage ADEM 94

Un scénario alternatif basé sur une aggravation substantielle de la crise financière 116

Quelle est la portée pour l’économie luxembourgeoise de la baisse des indices boursiers observée depuis le printemps 2011? 118

NDC 02-2011 Juillet 2011L’écart inflationniste entre le Luxembourg et les pays frontaliers 49

Transmission des prix du pétrole aux prix à la consommation 52

Taux d’inflation par catégorie de ménage 58

Impact macro-économique de la modulation du mécanisme de l’indexation automatique des salaires en 2011 106

Impact macro-économique de la baisse de 10% de l’indice boursier européen Eurostoxx 111

NDC 01-2011 Mai 2011Comparaison des taux de croissance potentiels et des écarts de production pour le Luxembourg 29

Modulations de l’indexation automatique et inflation 51

Les équations liant le PIB de la zone euro et les variables de demande étrangère dans Modux 63

NDC 02-2010 Novembre 2010Le Luxembourg dans la crise: retour sur 2008 et 2009 15

Utilité de l’enquête d’opinion du secteur de la construction pour l’analyse conjoncturelle 28

Impact observé de la tranche indiciaire sur le prix de certains services 49

Impact de la conjoncture sur les recettes fiscales 86

NDC 01-2010 Juin 2010Analyse statistique des révisions du PIB trimestriel du Luxembourg 14

Évolution des parts de marché à l’exportation du Luxembourg entre 2002 et 2009 56

Les entreprises actives dans le domaine informatique et celui de l’information peu touchées par la crise 61

Crise financière et interventions gouvernementales 90

Impact de la rétention importante de main-d’œuvre sur les perspectives à court terme du marché du travail 115

Prise en compte du modèle d’indicateurs précurseurs du STATEC pour l’établissement de la prévision du PIB 130

Liste des études publiées dans les dernières Notes de conjoncture

Page 88: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

90

NDC 02-2009 Novembre 2009Relation entre les enquêtes conjoncturelles et les enquêtes d’activité: une application sur la production industrielle luxembourgeoise Page 19

Recours massif au chômage partiel en 2009 64

Effet des mesures pour l’emploi sur le taux de chômage 72

NDC 01-2009 Mai 2009Indicateurs avancés: que suggèrent-ils pour l’évolution du PIB à court terme 8

Évolution récente de l’activité de crédit 69

Les profils des travailleurs frontaliers et résidents 112

NDC 02-2008 Novembre 2008L’ampleur de la crise économique actuelle comparée à la période de ralentissement 2001-2003 17

Les prix des matières premières en recul 49

L’impact mécanique de l’indexation automatique sur l’évolution des salaires 56

Opérations de sauvetage dans le secteur financier 74

Conséquences macroéconomiques suite à l’introduction du "statut unique" 86

NDC 01-2008 Juin 2008La faible diversification de l’économie luxembourgeoise est-elle un facteur de risque? 50

Comparaison européenne de l’inflation sur les dix dernières années 75

Écarts entre prévisions et réalisations effectives des soldes publics pour les années 2005-2007 125

NDC 03-2007 Mars 2008Évolution récente du pouvoir d’achat au Luxembourg 39

L’impact du secteur financier sur le reste de l’économie 70

NDC 02-2007 Octobre 2007La hausse des taux se répercute sur le coût des crédits immobiliers 23

Productivité du travail dans les branches: comparaison entre le Luxembourg et la zone euro 35

Influence de la structure de consommation sur l’inflation 47

NDC 01-2007 Mai 2007Dynamique du cycle des affaires au travers des branches: l’influence du secteur financier 62

Implications de la réémergence de la Chine sur l’économie mondiale et sur celle du Luxembourg 72

Modulation du système de l’échelle mobile des salaires 84

D’une analyse des stocks de salariés vers une analyse des flux de main-d’œuvre 108

Le passage du budget institutionnel au déficit/surplus de l’administration centrale 134

NDC 03-2006 Février 2007Volatilité et croissance: une approche comparative par pays 69

Évolution de la durée de travail au Luxembourg 77

NDC 02-2006 Octobre 2006Prise en compte des grandes orientations de politique économique et budgétaire pour l’établissement des prévisions 20

2000-2005: retour sur 5 années d’inflation 44

Enregistrement dans les comptes économiques des opérations d’échange d’actions Arcelor-Mittal 68

Liste des études publiées dans les dernières Notes de conjoncture

Page 89: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

91

NDC 01-2006 Mai 2006Révision des comptes nationaux luxembourgeois - description et impact Page 16

Impact des mesures annoncées par le gouvernement 24

Impact sur l’économie luxembourgeoise d’un choc sur les prix pétroliers 31

Pétrole cher et biocarburants 93

Hausse du chômage: effets structurels 122

NDC 03-2005 Février 2006Évolution des tarifs publics 39

La problématique des emplois "fictifs" 50

NDC 02-2005 Octobre 2005Perception du chômage et confiance des consommateurs 22

Inflation au Luxembourg: comparaison détaillée avec la zone euro (1996-2004) 39

Inflation et cycle économique: comparaison Luxembourg/zone euro 42

NDC 01-2005 Mai 2005La libéralisation des services en Europe 35

NDC 03-2004 Février 2005Prix du pétrole et prix des carburants 34

Inflation: comparaison entre le Luxembourg et la zone euro 50

Évolution contrastée des principales composantes de l’indicateur synthétique de compétitivité 58

NDC 02-2004 Octobre 2004Les nouveaux États membres 11

Croissance et chômage: que dit la loi d’Okun pour le Luxembourg? 26

Les ventes de cigarettes au Luxembourg 38

Indices boursiers et croissance économique 48

Nouvelle loi sur la concurrence et libéralisation des prix 56

Les grands pays émergents – défis et opportunités à moyen terme 62

Influence de la saisonnalité du travail intérimaire sur l’emploi et le chômage 70

NDC 04-2003 Janvier 2004Enquête de conjoncture dans l’industrie: tendance de la production et carnets de commandes 16

Confiance des consommateurs: une relation étroite entre chômage et situation économique 22

NDC 03-2003 Octobre 2003Utilité des indicateurs conjoncturels internationaux pour la prévision économique au Luxembourg 9

Seuils de création d’emplois et taux de chômage 56

NDC 02-2003 Juin 2003Les risques potentiels de déflation 10

NDC 01-2003 Avril 2003La baisse récente des exportations de la zone euro liée à l’appréciation de l’euro? 5

Les produits luxembourgeois concernés par la future directive sur les revenus de l’épargne 106

Liste des études publiées dans les dernières Notes de conjoncture

Page 90: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

92

NDC 04-2002 Janvier 2003Le Luxembourg en récession? Page 13

L’apport des enquêtes d’opinion à l’analyse de l’évolution de l’activité dans l’industrie 17

Taux de chômage et emploi frontalier 44

NDC 03-2002 Octobre 2002De nouvelles orientations dans le domaine de la politique de logement 16

NDC 03-2001 Octobre 2001Analyse de la productivité multifactorielle du secteur marchand non bancaire luxembourgeois 33

Un NAIRU pour le Luxembourg? 43

NDC 02-2001 Juillet 2001Le PIB potentiel du Luxembourg 9

NDC 01-2001 Avril 2001Points de retournement de la conjoncture 12

Liste des études publiées dans les dernières Notes de conjoncture

Page 91: NOTE DE CONJONCTURE - gouvernement...La crise actuelle le met à contribution via la hausse des demandes de crédit à court terme de la part des entreprises, mais la valeur ajoutée

Institut national de la statistique et des études économiques

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