PUBLIC STRATEGIES FACING A SPLIT TOURISM :

CRUISE FOR AMERICANS, STAY OVER FOR EUROPEANS

SUMMARY

In recent years (1986-1991) tourism in the French Antilles has shown an undeniable

dynamism as much in the cruise sector as in the stay-over sector : visits have grown up

(between 72 % and 315 %) ; the geographic origin of customers is more and more featured by a

clear-cut division between cruise which is still sharp North-American for 90 % and stay over

which is henceforth French for nearly 75 % since the share and the number of North-americans

has shown a vertiginous fall.

Falls-out in each island just in the field of employment (nearly 10,000 jobs) and with respect

to gross incomes (more than one milliard francs) make from now on this activity a driving

economic sector if not the only one.

However, this general dynamism brings sharp spatial contrasts between practices of some

and those of others, as well as between the repartition of lodging structures by which Southern

regions keep their hegemony (except for the particular case of the North-Guadeloupe

dependencies).

Having made the statement of that situation the author analyzes the present policies which

aim to develop that sector :

as regards lodging structures the stimulus given to small and middle scaled hotels and to

guest houses, furnished apartments in particular, owing to incentive less tax laws and to the

renewed expectation for younger, less rich and socially wider customers ;

as regards heavy fittings out the need of performing innovation for suitable harbour and

airport lobbies going with general growth ;

- as regards development, at last, the increasing role devoted to Communes and Regions for a

better definition and a wider diversification of touristic products and a fairer spatial

repartition.

So, the French Antilles are able to develop this economic sector but are they willing to ?

RES UME

Le tourisme dans les Antilles francaises a connu ces dernieres annees (1986-1991) undynamisme indeniable, tant dans le secteur de la croisiere que du sejour : la frequentation s'estaffirm& (entre 72 et 315 %) ; l'origine geographique des clienteles s'est renforcee, opposantune croisiere toujours tres nettement nord-americaine a 90 %, a un sejour desormais frangais apres de 75 %, les Nord-americains subissant une chute vertigineuse, tant en part qu'en nombrede visiteurs.

Les retombees dans chaque ile, ne serait-ce qu'en termer d'emplois (pres de 10 000) et derevenus bruts (plus d'un milliard de francs) font desormais de cette activite un secteureconomique moteur, ninon le seul.

Cependant, ce dynamisme d'ensemble imprime de puissants contrastes spatiaux, dans lespratiques des uns et des autres comme dans la distribution des structures d'hebergement, al'interieur de laquelle les regions meridionales demeurent hegemoniques (sauf pour le casparticulier des dependances du Nord de la Guadeloupe).

Ayant etabli ce constat, l'auteur analyse les politiques actuelles qui tendent a conforter cesecteur :

- en matiere de structures d'hebergement, le coup de fouet donne notamment a la petite etmoyenne hOtellerie et au para-hOtelier, grace aux lois de defiscalisation et a l'attenterenouvelee d'une clientele plus jeune, moires fortunee et socialement elargie ;

- en matiere d'equipements lourds, la necessite de l'innovation performante pour desinfrastructures d'accueil portuaires et aeorportuaires adaptees accompagnant la croissancegenerale ;

- enfin, en matiere d'amenagement, le role accru devolu aux communes et aux Regions pourune meilleure definition, une plus grande diversification des produits touristiques et une plusequitable distribution spatiale.

Ainsi, les Antilles frangaises ont la capacite de developper ce secteur economique ; mais enont-elles la volonte ?

LES STRATEGIES DES ANTILLES FRANCAISESFACE A UN TOURISME A DOUBLE VISAGE :

LA CROISIERE POUR LES AMERICAINS,LE SEJOUR POUR LES EUROPEENS.

Appartenant a l'arc insulaire caraibe, les Antilles frangaises presentent des territoiresnaturellement exigus( 1 ), mais touristiquement varies : la classique balnearite y cOtoie la diversitedes paysages naturels et la richesse du patrimoine. Autant de produits susceptibles d'attirer uneclientele variee et aspirant a la decouverte des mondes insulaires par la croisiere ou le sejour. Aucours des six dernieres annees (1986-1991)( 2), dans les deux Iles, les taux de croissanceconfirment globalement cette premiere approche ; le tourisme est Bien devenu un secteureconomique moteur des Antilles francaises, sinon le seul.

Mais it demeure irregulier dans sa croissance, extraverti dans sa conception, mal accepte partous dans ses principes et le plus souvent trop contrasts dans ses pratiques socio-spatiales.Faute de politiques locales clairement definies et suffisamment longtemps poursuivies, lesAntilles frangaises n'ont pu devenir des "poids lourds" du tourisme caratheen, dans une regionou la concurrence est vive et les modes fugaces. Elles continuent, presque malgre elles, a subir1 'influence dominante de leurs foyers emetteurs ; d'un cote l'Amerique du Nord pour lacroisiere dans cette "mare americanum" ; de l'autre l'Europe et plus specialement la Francemetropolitaine pour le sejour. Le premier foyer agit sur les Antilles frangaises par proximitegeographique et maritime ; le second par connexite historique, politique et aerienne.

Apres avoir dresse le bilan de cette activite, nous analyserons les caracteres originaux etrevolution recente des politiques touristiques publiques et privees et leurs rapports a l'espaceinsulaire.

I. Un dynamisme affirms quoique irregulier.

Sans retracer ici l'historique de la frequentation touristique depuis le debut des annees 1960,nous insisterons sur trois tendances confirmees au cours de la periode 1986-1991 : lacroissance d'ensemble et ses consequences economiques et spatiales.

(1) La Martinique a une superficie de 1080 km 2 ; la Guadeloupe et ses dependances 1780 km2.(2) Afin d'utiliser les memes series statistiques completes, le rapport 1992 du CTO (Caribbean Tourism Organization)

n'etant pas encore disponible.

2

1/ Une reception globalement croissante pour une emission geographiquement plustranchee.

En milliers

450 —

I I I a400 —

I I I I350 —

I I I I I

300 —

250

200 —

150 —

100 —

0 50 —

0

1986 1987 1988 1989 1990 1991

-0- Croisiêre Martinique Croisiêre Guadeloupe

-E- Sejour Martinique 4- Sejour Guadeloupe

Graphique N°1 : Evolution de la croisidre et du sdjouren Martinique et en Guadeloupe (1986-1991)

Le graphique n2 1 met en evidence cette progression globale.- pour la croisiere, le nombre de passagers &barques est passé de 214 000 a 417 000 en

Martinique (+ 94 %) et de 69 000 a 287 000 0) en Guadeloupe (+ 315 %), avec plus de600 escales dans les deux cas.

- pour le sejour, nous sommes passes de 183 000 a 315 000 en Martinique (+ 72 %), de148 000 a 302 000 (+ 104 %) en Guadeloupe.la plaisance, quant a elle, reste secondaire avec moins de 25 000 plaisanciers enMartinique (+ 2 %), certainement plus en Guadeloupe. Cette activite reste cependant malcernee, en l'absence de comptes précis et de sources fiables.

I I

I I

I I

I I

I I

(3 ) Y compris St Barthelemy, avec 88 000 passagers en 1991.

3

M8me si les taux de croissance s'appuient sur des situations insulaires h6t6rogenes,confirment cependant la vitalite de ce secteur, le rapport des touristes a la populationrésidente leur &ant desormais favorable(4). Au dela de ces chiffres bruts, l'originegeographique des touristes revele des oppositions encore plus flagrantes dans lesclienteles (cf. graphique n° 2). Le sejour est desormais une "specificite" francaise a 78 %en Guadeloupe, 72 % en Martinique. Le statut politique de ces Iles, toutes deuxDepartements d'Outre-Mer, les attachements culturels, economiques et financiers a laMetropole, le renforcement des liens aeriens avec 1'Hexagone( 5) expliquent en partie cetteevolution. Cette clientele a tendance a bien s'ëtaler sur l'annee, seuls Mai et Octobreaccusant une nette diminution. Les Nord-Americains connaissent, par contre, une baissevertigineuse, tant en parts qu'en nombre de visiteurs : les Etats-Uniens ne represententplus qu'un touriste sur 50 en Martinique (1 sur 20 en Guadeloupe), contre 1 sur 5 encoreen 1986, les Canadiens passent de 1 a 9 a 1 a 30 en Martinique, 1 a 40 en Guadeloupe.Cette clientele tres sensible trouve incontestablement d'autres destinations toutes aussisecurisantes, mieux desservies directement, moins cheres et plus proches de ses bases,ou leur est reserve un meilleur accueil, sans probleme linguistique, malgre la valeur de la"french touch" et sans probleme de taux de change). Les autres clienteles nationales nese partagent que quelques pourcentages secondaires, aux evolutions peu significatives(Europe de 1'Ouest, pays de la CaraIbe) et souffrent avant tout de l'absence de liaisonsaeriennes directes.La croisiere demeure, elle, incontestablement americaine a 90 %. Concentree surtout entreNovembre et Mars, elle n'offre pour les Iles qu'un tourisme d'excursion, simpleconsommation le temps d'une escale -c'est-h-dire quelques heures- d'un espace recreatifavant tout lineaire, sans grandes retombees economiques sur place( 7). n'est avaleequ'en quelques rapides clichés ; elle n'est qu'escale breve dans la Mediterraneeamericaine ; les centres d'action (San Juan et les compagnies de croisiere) lui sontstrangers.

2/ Un secteur economique desormais vital

Le poids economique du tourisme ne peut &re apprecie qu'a partir de quelques valeursindicatives, etant donne la variete des approches et des sources comptables. Il representeau moins 7 % du PIB en Martinique, pres de 10 % en Guadeloupe. Dans chaque lie, lesd6penses directes des touristes ont depass6 aujourd'hui le milliard de francs par an,

(4) La Martinique comptait au recensement de 1990 (INSEE) 359 572 hbs, la Guadeloupe 386 987 hbs, soft un rapport de2 touristes pour 1 habitant en Martinique et un rapport de 1,5 en Guadeloupe.

(5) Une compagnie nationale (Air France) et quatre compagnies charters desservent regulierement les ?les (Air OutreMer, Minerve, Corsair et Air Liberte).

(6) En une douzaine d'annees, la valeur en francs du $ a double puis diminue de moitie ; pour la seule annee 1991,l'amplitude de la variation a ete proche de 25 %.

(7) La depense moyenne par escale et par croisieriste se situe autour de 30-35$.

4

n USA

El Canada

E France

Autres Europe

❑ Autres Carathe

9 Autres Monde

Martinique 1986 Martinique 1991

Guadeloupe 1986

Guadeloupe 1991

Graphique N°2 :116partition des touristes de sejour par origine geographique

(Martinique-Guadeloupe, 1986-1991)

5

depenses effectuees a 90 % par les touristes de sejour( 8). Ces dernieres constituent entre50 et 60 % des recettes d'exportations, entre 10 et 15 % de la valeur des importations etdu deficit commercial. En termes de revenus bruts, le tourisme peut donc apparaitrecomme une boll& de sauvetage pour les uns, un moindre mal pour les autres, afin decompenser la chute des produits traditionnels de Feconomie de plantation et de financerune partie des importations(9). Mais it est beaucoup plus difficile d'apprecier Factivite entermes de revenus nets, &ant donne la faiblesse de l'investissement du capital local et ladependance economique et financiere globale vis-a-vis de l'exterieur.En termes de travail, le tourisme Onere vraisemblablement pres de 10 000 emplois,directs et indirects( 1°), dans chaque ile, c'est-A-dire presque autant que les agents descollectivites territoriales et les 3/4 des agents de l'Etat. Meme s'ils demeurent le plussouvent peu qualifies, subalternes et saisonniers, leurs poids est incontournable, tant parle taux d'activite qu'ils representent que par la masse des salaires distribues.

3/ Des contrastes spatiaux ties marques.

Les deux Iles presentent a cet egard des points communs et des differences significatives :si le poids des regions meridionales est bien reel, it est contre-balance par une volonte demoindre concentration spatiale en Martinique et par l'influence d'une naturearchipelagique en Guadeloupe.En Martinique, pres des 3/4 des structures d'hebergement se repartissent dans lescommunes du Sud, entre Trois-Ilets et Sainte-Anne, dont le tiers aux Trois-Ilets. Entre

ces deux moles extremes les plus anciens et les plus complets, l'espace cOtier s'estprogressivement rempli ; mais chaque commune concern& a joue sa propre carte, tantdans les structures d'accueil que dans les formes d'activites proposees : le Marin aprivilegie le nautisme ; Sainte-Luce le tourisme social ; le Diamant l'hOtellerie balneaire.En dehors de ce lisere cOtier meridional abrite de la houle atlantique et offrant les plusbelles plages de sable blanc, requipement n'est pas nul et d'autres communes cherchent adrainer une partie de la clientele potentielle, en privilegiant des installations de moindrecapacite mieux integrees dans les paysages et des activites moins exclusivement nautiques(par exemple Mome Rouge et la montagne Pelee, Trinite et la presqu'ile de la Caravelle).Ainsi, 40 % des gites et le quart des meubles se repartissent au Nord d'une ligne Trinite-Lamentin.En Guadeloupe, la Riviera (entre Gosier, Sainte-Anne et Saint-Francois) n'a pas appuyeson aveloppement sur des moles extremes, méme si aujourd'hui deux marinas( 11 ) enponctuent les entrées. Chaque commune a densifie son espace touristique et diversifie ses

(8) Notamment hebergement, restauration et commerces pour les 2/3 d'entre elles.(9) Entre 9 et 10 milliards de francs dans chaque ile en 1991.(10) Non seulement dans l'hOtellerie, la restauration, mais aussi dans les commerces, les locations, les transports,

l'artisanat, les services, la culture.(11) Marina du Bas-du-Fort, 1140 places ; Marina de Saint-Francois 170 places.

6

activites : Gosier a choisi la diversite ; Sainte-Anne le tourisme social ; Saint-Francois letourisme de luxe. Mais a la difference de la Martinique, la dilution s'est peu effectuee surd'autres communes "continentales" : la seule Riviera concentre la moitie du parc hotelier ;les grands projets renforcent l'existant( 12) ; secondairement, ils touchent la cote sous levent (Deshaies, Bouillante, Saint-Claude). Par contre, les dependances de la Guadeloupesont marquees par des contrastes puissants : aucune ouverture a la Desirade et a Marie-Galante ; un actif tourisme d'excursion aux Saintes ; un tourisme de luxe protégé par sondifficile acces a Saint-Barthelemy( 13) ; une denaturation totale et une betonisationoutranciere par lotissements sans originalite et grandes realisations hOtelieres a Saint-Martin (40 % du parc guadeloupeen sur un morceau d'ile de 56 km 2 !).Au total, ce rapide bilan a mis en evidence le dynamisme d'ensemble d'une activitedesormais motrice de ces economies insulaires ; mais celui-ci imprime dans l'espace descontrastes saisissants, fruit de politiques incitatives variees.

II. De ('enclave subie a l'enjeu accepte : des politiques touristiques reconcilier.

Le tourisme a beneficie ces dernieres annees dans les Antilles francaises d'une conjonctionde facteurs favorables :

la liberalisation des transports aeriens et son dereglement tarifaire, profitant a une clienteletoujours en quete d'exotisme ;

- des mesures fiscales incitant a des investissements locaux ;- des pouvoirs accrus devolus aux collectivites locales, favorisant une meilleure approche

des politiques, evitant les exces anterieurs.Le cumul de ces facteurs heterogenes s'est concretise au sein des espaces insulaires parl'application de nouvelles politiques : creation ou extension d'equipements lourds et legers,volonte de diversification des produits et meilleure protection de l'environnement.

1/ L'evolution des structures d'hebergement, pour une meilleure insertion dansl'environnement.

Sur la derniere decennie, le nombre de chambres offertes s'est accru de 67 % enGuadeloupe, de 75 % en Martinique. Depuis 1990, cette croissance s'est activementpoursuivie : 38 % en Guadeloupe, 48 % en Martinique"). En fait, toute la structure aevolue.En Martinique, de 1985 a 1990 (cf. graphique n 2 3), la grande hOtellerie a perdu en partsde marche ce que la petite et moyenne hOtellerie a gagne, les villages de vacances restantstables. En nombre de chambres, si la petite et moyenne hOtellerie gagne pres de 870

(12) Pres de 800 chambres a Saint-Francois.(13) Moins de 30 000 passagers par an a l'aeroport de Saint-Jean.(14) 7016 chambres en Guadeloupe en 1991 contre 5072 en 1990. 5802 en Martinique contre 3911.

7

chambres, la grande htitellerie en gagne deux fois et demi moins et les villages de

vacances cinq fois moins.

Chambres

1 800 --

1 600 —

1400 —

1200 —

1000 —

800 —

600 —

400 —

200 —

0

▪ 1985

• 1990

PMH

GH

Graphique N°3 :Repartition du parc hotelier en Martinique

(1985-1990)

En Guadeloupe, sur un parc actuel de plus de 7000 unites, le poids des dependances du

Nord (et surtout de Saint-Martin) est aujourd'hui majoritaire si l'on compte les meubles.

La capacite d'accueil de la partie frangaise de rile a rattrape desormais celle de la partie

hollandaise, pourtant bade avec une quinzaine d'annees d'avance. Le parc de Saint-

Martin a triple en six ans, ajoutant a l'existant 300 a 400 chambres par an, surtout dans le

domaine de la grande hOtellerie( 15). Si le parc reste volontairement discret et soumis a une

stricte reglementation a Saint-Barthelemy( 16), l'imitation a Saint-Martin de la partie

hollandaise de l'ile (pointe meridionale majeure du "triangle lourd" Bahamas-Jamaique-

Puerto-Rico) a totalement denature l'environnement initial. La position geographique de

l'ile, a mi-chemin entre Puerto-Rico et la Guadeloupe, explique sa croissance.

(15) 100 chambres au Mont Vernon Hotel en 91, 132 a l'habitation Lonvilliers en 92 par exemple.(16) Une capacite d'accueil limitee a 12 chambres ; des investissements et une gestion obligatoirement d'origine

familiale.

8

Cette evolution d'ensemble tres spectaculaire, tient a deux types d'explication : d'unepart, la loi Pons de 1986( 17) a nettement favorise les investissements touristiques : entre1987 et 1989, 26 nouveaux hotels sont ainsi sortis de terre en Martinique, le montant desinvestissements des entreprises dans le secteur de rheitellerie est passé de 15 MF en 1985A 83 MF en 1988 ! La petite et moyenne hOtellerie ainsi que les meubles et les gites rurauxont pu pleinement beneficie de ces mesures ; on compte aujourd'hui 300 meubles et 200gites en Martinique, 250 villas en location a Saint-Barthel6my, 500 a Saint-Martin et 600gites en Guadeloupe ; mais, d'autre part, cette nouvelle offre correspond mieux egalementa la demande d'une clientele plus jeune et moins fortune qu'autrefois. Pour cettederniere, la grande hOtellerie de luxe est financierement inaccessible. Sa quete d'exotismela tourne alors vers des structures moins somptueuses, plus discretes dans les paysages,mieux integrees dans l'environnement et mieux acceptees par les populations riveraines.Dans ces mesures d'accompagnement, les aides des Conseils Regionaux a la petite etmoyenne hOtellerie se sont revelees aussi tres positives( 18). Le parc, largement etoffe parrapport a celui de ses voisins les plus proches et plus vane dans ses formes, ne peutveritablement repondre a sa fonction d'accueil que s'il est complete par des infrastructureslourdes satisfaisantes. Le tourisme est aussi affaire de desserte.

2/ Le rattrapage des equipements lourds de desserte et l'accompagnement des politiquespubliques.

En dehors de l'amelioration constante des reseaux routiers (portions d'autoroutes,elargissement a deux fois deux voies, signalisation et securite) pour le plus grandbenefice des excursionnistes et des touristes de sejour, les equipements lourds touchentavant tout la fonction d'accueil par mer et air. Des efforts indispensables ont ete realisesou sont en cours de realisation dans les deux Iles. La concurrence regionale est vive, lesflux touristiques croissants et les equipements apparaissent vite &passes, inadaptes ouasphyxies. L'imperatif de requipement, base d'accompagnement de la croissance malgrela lourdeur financiere de son coot, a prime sur la lethargie d'un sous-equipement vetuste,synonyme d'effacement progressif de la destination Antilles francaises.Ainsi, les deux aeroports du Lamentin (en Martinique) et du Raizet (en Guadeloupe) ontentame leur totale renovation et extension. Arrivees a saturation avec pres de 1,5 millionde passagers par an ayant largement profite de la areglementation des tarifs, cesinfrastructures pourront presque doubler leur capacite d'ici l'an 2000, en etantoperationnelles des 1994-1995. Le cola de ces operations a ete chiffre respectivement a582 et 770 millions de francs. Leur montage financier associe, dans des proportions

(17) Loi du 11 Juillet 1986, fixant des mesures pour la defiscalisation des investissements, mesures appliquees sur 5 ansavec pourcentage degressif.

(18) Ainsi, en Martinique, entre 1987 et 1990, 133 entreprises ont ete primees, en majorite dans les secteurs del'hebergement et de la restauration, creant 515 emplois pour un investissement de plus de 200 MF.

9

variables le FEDER, 1'Etat, le Departement, la Region, la Chambre de Commerce etd'Industrie, les collectivites locales et meme des capitaux prives defiscalises.De la meme maniere, la fonction portuaire n'a pas ete sous-evaluee : la Guadeloupe atotalement renove son terminal de croisiere a Pointe-a-Pitre et a cherche a diversifier sesescales : en 1990 a Marie-Galante ; en 1993 a Basse-Terre et surtout au Marigot a Saint-Martin, avec son nouveau port en eau profonde( 19), pouvant desormais accueillir des

navires de 25 metres de tirant d'eau. La Martinique, quant a elle, a acheve en 1992 laconstruction de son terminal de croisiere a la Pointe Simon( 20). Celui-ci supprime

desormais les effets penalisants de l'ancrage forain en baie des Flamands, permetl'accostage conjoint de deux navires et offre un acces immediat au centre historique et

commercial de Fort-de-France.Tous ces equipements renforcent bien stir, a terme, les potentialites d'accueil desvisiteurs, la dilution plus aisee du plus grand nombre et favorisent egalement

l'optimisation des retombees economiques.

3/ La diversification du produit et la mise en valeur du territoire.

Au sein d'economies de plus en plus complexes et concurrentielles, un mono-produittouristique ne peut avoir que des effets reducteurs : Fechec de la formule unique plage-hotel en est une preuve eclatante. La clientele d'aujourd'hui, globalement plus jeune maismoins fortunee que sa devanciere, socialement elargie et moins casaniere, reclamed'autres formules. Les Antilles francaises l'ont compris, en jouant non seulement sur ledouble registre de la croisiere et du sejour, mais aussi en cherchant a diversifier lesproduits proposes a ses clienteles : decouverte de la nature tropicale et volcanique (routede la Trace, Montagne Pelee, Soufriere) ; decouverte du patrimoine historique (Saint-Pierre en Martinique, Basse-Terre en Guadeloupe ; les anciennes habitations-distilleries) ;elargissement du produit balneaire aux sports nautiques (plongee sous-marine, planche avoile, surf, moto-nautisme) et a la plaisance. De ce fait, et en dehors des deuxdependances du Nord de la Guadeloupe -ne serait-ce que par effet de micro-insularite-,l'espace parcouru devient plus multiforme et moins mono-centrique, meme s'il est encoretrop lineaire et trop rapidement avale par les excursionnistes. Un tourisme bien compris

ne devrait donc pas chercher a accentuer les disparites, mais a reduire les inegalites, enassurant une complementarite entre ces espaces et une diffusion plus equitable de cesproduits innovants. L'epanouissement de l'activite passe par son integration sociale etspatiale, sans effet d'enclave, ni betonisation outranciere.

(19)D'un coat de 130 MF, associant notamment le FEDER et 1'Etat.(20) D'un coin de 36,9 MF, partages entre la CCIM, la Region et 1'Etat.

1 0

Pour mettre en oeuvre cette politique, deux structures administratives( 21 ) dans chaque ile

ont ete mises en place. Elles sont les emanations dans ces regions francaises mono-

departementales des Conseils Regionaux et des Conseils Generaux et ne formeront une

seule structure dans chaque qu'en cas d'Assemblee unique. Pour le moment, les

agences regionales prennent en charge les secteurs de la planification, de la formation

professionnelle, de l'amenagement et des etudes de suivi ou de faisabilite. Les offices

departementaux, la promotion du produit et de la destination (par exemple par

l'intermediaire de salons ou de foires internationales), l'information, l'accueil et meme les

reservations notamment pour les gites ruraux et la petite hOtellerie. Leur role cumulatif

parait donc essentiel, de l'amont des etudes theoriques a l'aval de l' activite pratique,

meme si deux structures semblent des privileges de pays riches. Leur influence reste

cependant limitee, car l'affirmation de l'activite n'est pas evidente aux yeux de tous : a cet

egard, les S.A.R. -Schema d'Amenagement Regional- eux memes, elabores par les

Conseils Regionaux, ne sont guere convaincants, au dela de leurs louables declarations

d'intention. Leurs orientations demeurent floues( 22) ; leurs propositions s'apparentent

plus a un debat d'hypotheses qu'a des solutions concretes et realistes ; l'insuffisance de

leurs supports cartographiques ne revele ni logique synthetique, ni dynamique spatiale, ni

elargissement a partir du trait de cote, ni complementarites entre les espaces des uns et des

autres(23 ). Il serait urgent, dans ces conditions, de realiser un veritable schema

d'amenagement touristique, en imposant des priorites ; c'est-h-dire une voie mediane le

long de laquelle cette activite ne saurait etre ni exclue, ni exclusive.

Certes, quelques actions vont dans le bon sens : acquisition de sites integralement

proteges(24) grace au Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres (par exemple au

Moyne Larcher sur 64 ha, a la presqu'ile de la Caravelle sur 256 ha en Martinique ou la

Pointe des Chateaux en Guadeloupe) ; inscription de la vine de Saint-Pierre au patrimoine

de l'humanite ; mais elles ne representent que des touches trop ponctuelles d'un decor

trop statique et insuffisamment mfiri par les acteurs eux-memes. En fait, une volonte

politique claire et rigoureuse, validant ou infirmant les objectifs des professionnels ne

s'est jamais veritablement exprimee. Or, it est plus qu'imperatif de concilier la

diversification du produit et sa dilution dans l'espace avec la rigueur de l'amenagement du

territoire, sans enclave artificielle ni surexploitation abusive. Dans le cas inverse,

comment les Antilles francaises pourraient-elles supporter une pression touristique

prevoyant un doublement des visiteurs d'ici a l'an 2000 ? Brader a des interets exterieurs

ne constitue pas une politique de developpement coherente, tout interdire non plus.

(21) L'ARDTM (Agence Regionale de developpement touristique de la Martinique) et 1'ODTM (Office Departemental duTourisme en Martinique) ; 1'AGETL (Agence Guadeloupeenne de 1'Environnement, du tourisme et des loisirs) et1'ODTG (Office Departemental du tourisme de la Guadeloupe).

(22) Queues differences faire, par exemple, dans le S.A.R. de la Martinique, entre des "pOles de developpement a creer",definis a partir des produits et des "localisations preferentielles" ?

(23) Comment croire aux vertus de la visualisation cartographique, quand deux communes comme Fort-de-France etMacouba se retrouvent classees dans la meme rubrique "diversification" ? Leurs atouts sont pourtant bien differents(S.A.R. p.122).

(24) En Martinique par exemple, 5 sites acquis (996 ha), 8 en tours d'acquisition (1390 ha) et 8 a l'etude.

1 1

Merne si elle reste encore economiquement mal cern& et sociologiquement diversement

appreciee, l'activite touristique dans les Antilles francaises constitue bien aujourd'hui un secteur

majeur du PIB marchand, tant en emplois qu'en flux monetaires. Ces "Iles ont beneficie, en fait,

de deux avantages complementaires : leur position de proximite sur la bordure orientale de la

Mer des CaraThes et face au continent nord-americain, attirant naturellement une forte clientele

de croisiere ; leur valorisation de connexite avec la France hexagonale, grace a l'intensite de

leurs liens historiques, economiques, politiques et linguistiques, seduisant plus une clientele

majoritairement francaise.

Mais cette position de carrefour potentiel n'a jamais rite pleinement valorisee. Croisiere et

sejour ont obei, par clienteles interposees, a des logiques exogenes qui les ont plus dissocies

qu'associes. Les politiques touristiques ont toujours rite, de ce fait, definies plus negativement

que positivement : moindre mal, contrainte imposee de l'exterieur, relais par rapport a la chute

de l' economie de plantation. Tous ces termes soulignent une action plus subie que pleinement

volontaire.

Peut-titre les Iles arrivent-elles aujourd'hui a une maturation suffisante pour &fink leurs

priorites en la matiere, diversifier leur gamme de produits et repondre aux exigences d'une

clientele qui, elle aussi, a evolue ? La concurrence regionale s'affirme cependant et joue

d'autant plus contre les Antilles francaises que la qualite de l'accueil et le prix des prestations ne

fidelisent guere les clienteles. Les politiques sont autant affaire de previsions et de dessertes que

de choix et de formation.

T. HARTOGMaitre de Conferences UAG

Mars 1993