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108 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011 DOSSIER THÉMATIQUE Cancérologie et ORL Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers des voies aéro- digestives supérieures The role of imaging in the management of ear, nose and throat cancer J. Blustajn*, L. Mabille** * Service d’imagerie médicale, Fon- dation ophtalmologique Adolphe- de-Rothschild, Paris. ** TEP Paris-Nord, Sarcelles ; service de médecine nucléaire, hôpital amé- ricain, Neuilly-sur-Seine. L’ imagerie joue un rôle essentiel, complé- mentaire à celui de l’examen clinique et de l’endoscopie, dans la détermination précise de l’extension locorégionale et à distance des cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS), ce qui permet d’établir le stade et de planifier la prise en charge thérapeutique. L’évaluation de la réponse au traitement et la surveillance postthérapeutique sont, grâce à l’imagerie, possibles. Il existe plusieurs modalités d’imagerie (imagerie par résonance magnétique [IRM], tomodensitométrie [TDM], tomographie par émission de positrons-TDM [TEP-TDM]) ; chacune a ses avantages et ses limites. L’objectif de cet article est de préciser les indications des différentes modalités dans la prise en charge des cancers des VADS. Diagnostic et bilan locorégional L’imagerie en coupe des cancers des VADS apporte des précisions sur leur extension aux structures profondes, inaccessibles à l’examen clinique. Elle permet l’examen des régions difficilement explorées cliniquement ou par endoscopie en raison de la confi- guration anatomique de certains patients. La TDM, grâce à sa haute résolution spatiale et à son accessibilité, est généralement la première technique d’imagerie employée devant des signes ORL non spécifiques. Du fait de la densité similaire des tumeurs et des tissus mous, l’emploi d’un produit de contraste iodé est nécessaire pour mieux délimiter ces lésions. Cette technique est idéale pour détecter une extension aux structures de densité très différente de celle de la tumeur, telles que l’os compact et les tissus adipeux qui entourent les structures vasculo-nerveuses et qui séparent les plans tissulaires profonds. La TDM présente une très bonne résolution tempo- relle, rendant possible la pratique de manœuvres dynamiques pour mieux exposer des sites anato- miques difficiles à explorer (fossettes de Rosenmüller, sinus piriformes ou ventricules laryngés). L’IRM possède une meilleure résolution en contraste que la TDM, sauf pour l’os compact ; elle permet de distinguer le cancer des tissus mous. On peut augmenter cette résolution en utilisant des produits de contraste à base de chélate de gadolinium et des techniques d’IRM qui effacent exclusivement le signal des tissus adipeux. En cas de suspicion d’un cancer des VADS, l’examen locorégional doit être complet ; il doit explorer les régions allant de la base du crâne au défilé cervico- thoracique, à la recherche de lésions synchrones et de localisations ganglionnaires cervicales. En IRM, l’exploration d’un tel volume nécessite l’utilisation d’une antenne dédiée “tête et cou”. Pour le diagnostic de la tumeur primitive, l’intérêt de la TEP-TDM au 18 fluoro-désoxy-glucose ( 18 FDG) reste limité, puisque sa sensibilité est similaire à celle des autres techniques d’imagerie (1). Les Standards,

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Page 1: Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers des voies … · L’imagerie en coupe des cancers des VADS apporte des précisions sur leur extension aux structures profondes,

108 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 2 - février 2011

DOSSIER THÉMATIQUE

Cancérologie et ORL

Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers des voies aéro-digestives supérieuresThe role of imaging in the management of ear, nose and throat cancer

J. Blustajn*, L. Mabille**

* Service d’imagerie médicale, Fon-dation ophtalmologique Adolphe-de-Rothschild, Paris.

** TEP Paris-Nord, Sarcelles ; service de médecine nucléaire, hôpital amé-ricain, Neuilly-sur-Seine.

L’imagerie joue un rôle essentiel, complé-mentaire à celui de l’examen clinique et de l’endoscopie, dans la détermination précise

de l’extension locorégionale et à distance des cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS), ce qui permet d’établir le stade et de planifi er la prise en charge thérapeutique. L’évaluation de la réponse au traitement et la surveillance postthérapeutique sont, grâce à l’imagerie, possibles.Il existe plusieurs modalités d’imagerie (imagerie par résonance magnétique [IRM], tomodensitométrie [TDM], tomographie par émission de positrons-TDM [TEP-TDM]) ; chacune a ses avantages et ses limites. L’objectif de cet article est de préciser les indications des différentes modalités dans la prise en charge des cancers des VADS.

Diagnostic et bilan locorégionalL’imagerie en coupe des cancers des VADS apporte des précisions sur leur extension aux structures profondes, inaccessibles à l’examen clinique. Elle permet l’examen des régions diffi cilement explorées cliniquement ou par endoscopie en raison de la confi -guration anatomique de certains patients.La TDM, grâce à sa haute résolution spatiale et à son accessibilité, est généralement la première technique d’imagerie employée devant des signes ORL non spécifi ques.

Du fait de la densité similaire des tumeurs et des tissus mous, l’emploi d’un produit de contraste iodé est nécessaire pour mieux délimiter ces lésions. Cette technique est idéale pour détecter une extension aux structures de densité très différente de celle de la tumeur, telles que l’os compact et les tissus adipeux qui entourent les structures vasculo-nerveuses et qui séparent les plans tissulaires profonds.La TDM présente une très bonne résolution tempo-relle, rendant possible la pratique de manœuvres dynamiques pour mieux exposer des sites anato-miques diffi ciles à explorer (fossettes de Rosenmüller, sinus piriformes ou ventricules laryngés).L’IRM possède une meilleure résolution en contraste que la TDM, sauf pour l’os compact ; elle permet de distinguer le cancer des tissus mous. On peut augmenter cette résolution en utilisant des produits de contraste à base de chélate de gadolinium et des techniques d’IRM qui effacent exclusivement le signal des tissus adipeux.En cas de suspicion d’un cancer des VADS, l’examen locorégional doit être complet ; il doit explorer les régions allant de la base du crâne au défi lé cervico-thoracique, à la recherche de lésions synchrones et de localisations ganglionnaires cervicales. En IRM, l’exploration d’un tel volume nécessite l’utilisation d’une antenne dédiée “tête et cou”.Pour le diagnostic de la tumeur primitive, l’intérêt de la TEP-TDM au 18 fl uoro-désoxy-glucose (18FDG) reste limité, puisque sa sensibilité est similaire à celle des autres techniques d’imagerie (1). Les Standards,

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Figure 1. Bilan diagnostique d’une lésion du rhinopharynx découverte devant une otite séreuse unilatérale. A. IRM, coupe axiale pondération T1 avec injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse. Petite prise de contraste au fond de la fossette de Rosenmüller gauche avec une adénopathie rétropharyngienne latérale gauche nécrosée et une deuxième adéno-pathie rétropharyngienne latérale droite, homogène. B. TDM, coupe axiale avec injection de produit de contraste iodé. Aspect fermé de la fossette de Rosenmüller gauche et effacement du liseré graisseux rétropharyngien latéral gauche.

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Points forts » Souligne les avantages et inconvénients des différentes modalités d’imagerie en coupe.

» Définit la place de l’imagerie dans les différentes étapes de la prise en charge des cancers des VADS.

» Préciser les indications du TEP scan dans la prise en charge de ces pathologies.

Mots-clésImagerieCancerORLVADSTEP scan

Highlights » Underlines the advantages

and inconveniences of the different imaging modalities.

» Defi nes the role of imaging at the various stages of managing ENT cancers.

» Prec ise indicat ions of PET scan of managing ENT cancers.

KeywordsImagery

Cancer

ENT

PET scan

options : recommandations lui accordent une place importante, en cas de tumeur suspecte et de biopsie négative, afin de guider de nouveaux gestes de prélèvement ; mais, en pratique quotidienne, cette situation reste exceptionnelle.Certains travaux ont tenté de corréler l’intensité de la captation du traceur par la tumeur au pronostic de la maladie (2, 3). Cette corrélation reste non complètement démontrée.L’indication de la TDM ou de l’IRM dans le bilan d’extension locorégionale des cancers des VADS est, en grande partie, fonction de la localisation tumorale.

Exploration des cancers naso-sinusiens

Devant des symptômes non spécifiques d’un dysfonctionnement naso-sinusien, la TDM peut montrer des lésions osseuses et/ou une infi ltration tissulaire des structures de voisinage (fosse ptérygo-palatine, fosse infra-temporale, orbite, base du crâne) évoquant une lésion agressive. Cependant, sa résolution en densité ne permet pas, à la TDM, de distinguer le cancer de lésions non cancéreuses, souvent associées, telles que l’inflammation, la rétention ou les polypes. L’IRM, en revanche, grâce à son excellente résolution en contraste, est capable de les distinguer. Elle permet aussi de mieux défi nir les limites entre la tumeur et les structures extra-naso-sinusiennes, notamment une extension périnerveuse ou intracrânienne. Chez les patients porteurs de matériel métallique dentaire, l’explo-ration de cette région par l’IRM peut être limitée en raison des perturbations du champ magnétique. L’imagerie TDM est également dégradée par les artéfacts dus au matériel dentaire, mais souvent à un moindre degré.

Exploration des cancers du rhinopharynx

La TDM est souvent pratiquée en première intention pour explorer des symptômes naso-sinusiens ou otologiques non spécifiques provoqués par un cancer du rhinopharynx. La détection au scanner d’une petite lésion, au fond de la fossette de

Rosenmüller, est parfois diffi cile. Grâce à la bonne résolution temporelle de la TDM (acquisition centrée sur le rhinopharynx en 10 secondes), la manœuvre de Valsalva (qui consiste à souffl er à travers le nez pincé) ouvre le fond des fossettes de Rosenmüller, permettant d’exposer une petite tumeur qui, sinon, passerait inaperçue (4). La TDM permet également de détecter une érosion osseuse de la base du crâne.L’IRM est la modalité d’imagerie de choix pour établir le stade, notamment pour les exten-sions périnerveuse, musculo-rachidienne et endo crânienne.La manœuvre de Valsalva n’est pas possible en IRM en raison de la durée de l’examen, mais l’excellente résolution en contraste de l’IRM permet la détection des lésions au fond d’une fossette de Rosenmüller sans avoir recours à des manœuvres particulières (fi gure 1).Pour les formes très avancées cliniquement, la TDM peut suffi re pour évaluer la tumeur primitive et l’extension ganglionnaire.

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Figure 2. Bilan locorégional d’une lésion de l’oropharynx découverte devant une dysphagie et une otalgie gauches chroniques. L’IRM avec injection de gadolinium et satu-ration du signal de la graisse montre une prise de contraste et un épaississement du voile gauche et de la paroi postéro-latérale gauche de l’oropharynx, s’étendant au plan musculaire prérachidien, avec adénopathies rétropharyngiennes latérales, bilatérales.

Figure 3. Bilan locorégional d’une lésion glotto-sous-glottique découverte devant une dysphonie avec fi xation de la corde vocale gauche. TDM du larynx dans le plan axial, en respiration spontanée, avec injection d’un produit de contraste iodé. A. Condensation de la partie gauche du chaton cricoïdien, associée à une corde vocale fi xée en adduction. B. Épaississement du revêtement muqueux de la sous-glotte gauche en rapport avec une extension tumorale.

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Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers des voies aéro-digestives supérieures

DOSSIER THÉMATIQUE

Cancérologie et ORL

Exploration des cancers de l’oropharynx et de la cavité buccale

L’IRM est l’examen d’imagerie de première intention en cas de suspicion d’un cancer de l’oro-pharynx ou de la cavité buccale, en raison de sa résolution supérieure en contraste, permettant de visualiser avec précision les structures anato-miques envahies en profondeur et les extensions à la médullaire osseuse de la mandibule ou les extensions périnerveuses (figure 2). La TDM est indiquée en complément, lorsque la lésion arrive à proximité de structures osseuses, afi n d’explorer l’os cortical et/ou lorsqu’une plastie mandibulaire est envisagée (5, 6).Chez les patients porteurs de matériel métallique dentaire, l’exploration de cette région par l’IRM peut être limitée par la perturbation du champ magnétique. Les séquences en écho de gradient

et la technique de saturation spectrale du signal adipeux sont particulièrement sensibles aux inhomo-généités du champ magnétique, entraînant une perte de signal. Ce phénomène est atténué en utilisant les séquences à écho de spin (spin echo). Il existe, sur certaines IRM de nouvelle génération, une technique permettant d’obtenir des images sélectives tissu-laires (eau, graisse) grâce à l’asymétrie des échos, tant en T1 qu’en T2. Ces images peuvent ensuite être soustraites, supprimant alors le signal de la graisse sans produire d’artéfact (7). L’imagerie TDM est également dégradée par les artéfacts liés aux amalgames dentaires, souvent très importants au niveau de la cavité buccale et de l’oropharynx, qu’il est parfois possible de déplacer en ouvrant la bouche du patient pendant l’acquisition (4).

Exploration des cancers du carrefour pharyngo-laryngé

Devant des signes d’une atteinte du carrefour pharyngo-laryngé (dysphagie, dysphonie, otalgie, etc.), la TDM est l’examen d’imagerie de première intention.L’exploration d’une dysphonie nécessite une étude du larynx au cours d’une manœuvre dynamique de phonation, permettant l’évaluation de la mobilité des cordes vocales et l’ouverture des ventricules laryngés (4). Grâce à sa bonne résolution tempo-relle, la TDM permet, en 10 secondes, d’obtenir une acquisition centrée sur le larynx, au cours de cette manœuvre. La reconstruction de cette acqui-sition dans le plan coronal permet de déterminer avec précision les niveaux concernés par le cancer (glottique, supra-glottique ou sous-glottique).L’évaluation des cartilages laryngés est essen-tielle dans le bilan d’extension des cancers, car l’envahissement des structures aryténoïdiennes et/ou cricoïdiennes est une contre-indication aux traitements conservateurs partiels du larynx. La meilleure indication de l’envahissement d’une articulation crico-aryténoïdienne est l’immobilité d’une corde vocale. Cependant, lorsque sa mobilité est réduite, on ne peut plus juger de son état, et l’imagerie devient indispensable. La TDM présente une excellente valeur prédictive positive lorsque la tumeur se situe de part et d’autre d’un cartilage, lorsqu’il y a une sclérose asymétrique du cartilage cricoïdien (fi gure 3) [8]. La sclérose d’un cartilage aryténoïdien isolé ou du cartilage thyroïdien est peu spécifi que, pouvant correspondre à une réaction infl ammatoire (9).

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Figure 4. Bilan locorégional d’une lésion de l’hypopharynx droit découverte devant une dysphagie. TDM dans le plan axial avec injection d’un produit de contraste iodé. A. L’acquisition en respiration spontanée montre une tuméfaction mal défi nie du sinus piriforme droit, rehaussée par le contraste.B. L’acquisition en Valsalva montre une masse bourgeonnante de la paroi postérieure droite de l’hypopharynx, débordant sur la paroi latérale gauche du sinus piriforme, sans extension à l’angle antérieur ou au mur pharyngo-laryngé.

A B

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DOSSIER THÉMATIQUE

La TDM présente également une excellente valeur prédictive négative lorsque l’articulation crico-aryté-noïdienne est mobile.L’IRM est plus sensible que la TDM dans la détection de l’envahissement des cartilages laryngés, mais elle est moins spécifi que (10).Par ailleurs, l’IRM de cette région est soumise à de multiples artéfacts (mouvements de déglutition, respiration, pulsations vasculaires et hétérogénéité du champ magnétique local en raison de l’interface entre tissu et air) qui rendent la qualité de cet examen très aléatoire.L’exploration d’une dysphagie haute nécessite une étude de l’hypopharynx au cours d’une manœuvre dynamique de Valsalva modifi ée (souffl ant dans les joues comme dans un ballon), qui permet l’ouverture des sinus piriformes et, parfois, la séparation de la paroi postérieure du pharynx de la région rétro-crico-aryténoïdienne (4). Grâce à sa bonne résolution temporelle, seule la TDM permet d’explorer l’hypo-pharynx en pratiquant la manœuvre de Valsalva modifi ée (fi gure 4).

Bilan d’extension des chaînes ganglionnaires cervicalesAprès le contrôle local des cancers primitifs des VADS, l’extension ganglionnaire est le facteur pronostique le plus important (11). En effet, en cas d’adénopathie cervicale métastatique, la survie à 5 ans est diminuée de 50 % ; lorsqu’il existe une deuxième adénopathie controlatérale, la survie à 5 ans est de 25 % (12-15).Seule l’analyse histologique permet de détecter la présence de métastases ganglionnaires micros-copiques. L’imagerie en coupe ne peut exclure la présence de métastases ganglionnaires. Des études montrent que 15 % des patients atteints d’un cancer primitif des VADS sans adénopathie cervicale détectée cliniquement ou par l’imagerie en coupe présentent des métastases ganglionnaires microscopiques (11).En revanche, lorsque les métastases ganglionnaires sont suffisamment volumineuses pour être décelées par l’imagerie, il existe des critères permettant de les identifier : taille, forme, nécrose centrale, regroupement ganglionnaire dans le territoire de drainage du cancer primitif et rupture capsu-laire (16-23).Lorsque l’ensemble des critères TDM est utilisé, la détection des métastases ganglionnaires augmente de 7 à 19 % par rapport à la palpation (16-23).

La rupture capsulaire est un critère de mauvais pronostic qui diminue de 50 % la survie à 5 ans.La TDM représente le gold standard pour la détection d’une rupture capsulaire, avec une sensibilité de 100 % (16-23). Le diagnostic repose sur le rehaus-sement capsulaire du ganglion, qui présente des limites floues, à distance de toute intervention chirurgicale, de radiothérapie ou d’infection active dans la région.Le critère de taille de l’adénopathie correspond à la limite du plus petit diamètre (supérieur à 11 mm pour le groupe II [jugulo-digastrique], supérieur à 10 mm pour les autres groupes, sauf pour le groupe des cancers rétropharyngiens, pour lequel il s’agit d’une taille supérieure à 6 mm) [24].Le regroupement de 3 ganglions ou plus (8-10 mm) dans le territoire de drainage du cancer primitif est très évocateur d’une atteinte métastatique (17, 18).Le critère d’imagerie par TDM le plus prédictif de la présence de métastases ganglionnaires est la nécrose centrale, qui se traduit par une diminution de l’atténuation au centre du ganglion, et l’aspect est accentué par le rehaussement de la périphérie du ganglion après l’injection d’un produit de contraste iodé (16-23).L’IRM utilise les mêmes critères de taille et de morphologie que la TDM pour la distinction des adénopathies cervicales métastatiques, et semble aussi performante (25).En revanche, les multiples artéfacts de la région cervicale (déglutition, respiration, pulsation vasculaire, susceptibilité magnétique) rendent la qualité de cet examen plus aléatoire que celle de la TDM.

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Figure 5. Bilan préthérapeutique d’une tumeur de la base de la langue à gauche avec adénopathies homolatérales. Découverte d’une seconde tumeur du quart supérieur de l’œsophage.

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Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers des voies aéro-digestives supérieures

DOSSIER THÉMATIQUE

Cancérologie et ORL

L’évaluation de l’extension des adénopathies cervicales métastatiques aux structures vasculo-nerveuses de voisinage est un critère important dans la décision d’opérer. La rupture extracapsulaire peut envahir la paroi d’un vaisseau au contact, et rendre le patient inopérable. Bien que certains auteurs aient décrit une corrélation entre le degré de contact circonférentiel d’une tumeur autour d’une artère et le risque d’envahissement (26), de nombreux cas cliniques individuels montrent l’absence de fi abilité des techniques d’imagerie (TDM ou IRM) pour détecter l’envahissement vasculaire (27).La TEP-TDM possède une sensibilité et une spéci-fi cité identiques ou supérieures à celles des autres techniques d’imagerie pour la détermination de l’atteinte ganglionnaire (1). Sa supériorité concer-nerait surtout l’étude des chaînes rétropharyn-giennes, des chaînes ganglionnaires controlatérales à la tumeur et des adénopathies envahies en dehors des sites de drainage classiques (28, 29).En revanche, une TEP négative ne permet pas d’éli-miner une micrométastase, et ne doit donc en aucun cas modifi er l’attitude d’analyse systématique du ganglion sentinelle par prélèvement spécifi que après marquage au cours du curage fonctionnel.L’adénopathie en apparence primitive, en rapport avec une métastase épidermoïde dont la locali-sation primitive n’est pas retrouvée au terme du bilan clinique, constitue un cas particulier.Le bilan par TDM est systématique, explorant les régions cervicale et thoracique. Il permet de rechercher des signes évocateurs de localisation métastatique ainsi que la lésion primitive et d’évaluer le niveau d’extension de celle-ci (30).L’intérêt de la TEP-TDM est ici bien démontré. En effet, elle permet de mettre en évidence la tumeur primitive dans 25 % des cas, alors que le bilan d’ima-gerie (TDM ou IRM) et la panendoscopie restent négatifs (31).

Recherche de métastases ou d’un second cancerLa détection de métastases lors du bilan initial modifi e le pronostic et la prise en charge d’un cancer des VADS. En raison du faible taux de métastases au moment du diagnostic, il est recommandé de les rechercher uniquement chez des patients à haut risque : adénopathies cervicales de diamètre supérieur ou égal à 3 cm, bilatérales ou jugulaires basses (groupe IV des chaînes ganglionnaires cervi-cales), de diamètre supérieur ou égal à 6 cm, tumeur synchrone. Les études montrent que la TDM thora-cique est la modalité de référence pour le dépistage initial des localisations à distance des cancers des VADS à haut risque métastatique (32). La TDM thoracique permet aussi la détection des cancers bronchiques, des métastases hépatiques et des cancers de localisation osseuse thoracique.La TEP-TDM a un intérêt majeur dans cette indication. En effet, étant un examen “corps entier”, elle devrait être réalisée pour chaque tumeur N2 ou N3 devant la fréquence des métastases et chez tous les patients atteints d’une tumeur ayant un haut potentiel de prolifération à distance (tumeurs du cavum) [33, 34].La fréquence d’un second cancer associé, lié en particulier au tabac, varie selon les séries de 7 à 20 % (fi gure 5). Dans le cas particulier du cancer bronchique, la TEP-TDM est indiquée pour la caracté-risation de nodule(s) pulmonaire(s), la recherche d’un envahissement médiastinal ainsi que le diagnostic de métastases à distance.Sa réalisation doit être systématique avant toute chirurgie ORL lourde (1).

Évaluation de la réponse au traitementLa stratégie thérapeutique de préservation d’organe est le traitement de choix pour les patients porteurs d’une tumeur primitive localement avancée. Ce type de traitement fait appel à la chimiothérapie néo-adjuvante et/ou adjuvante. L’évaluation de l’effi cacité d’une telle chimiothérapie est à la fois clinique (endoscopie pour les lésions superfi cielles) et radiologique (principalement la TDM pour les lésions infi ltrantes).L’évaluation des variations de la charge lésionnelle nécessite de pratiquer les TDM de contrôle dans des conditions strictement identiques à celles de l’examen de référence préthérapeutique.

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DOSSIER THÉMATIQUE

Selon les nouvelles recommandations RECIST (35), défi nissant les critères d’évaluation de la réponse des tumeurs solides aux traitements, la ou les lésions primitives doivent être mesurées selon leur plus grand diamètre dans le plan axial. Seules les lésions dont le diamètre maximal est supérieur ou égal à 10 mm peuvent être mesurées de façon fi able et reproductible sur des coupes TDM inférieur ou égal à 5 mm. Bien que les ganglions soient consi-dérés comme pathologiques lorsque leur diamètre minimum est supérieur ou égal à 10 mm, seules les adénopathies dont le diamètre minimal est supérieur ou égal à 15 mm sont comptabilisées dans le calcul de la charge lésionnelle.La charge lésionnelle calculée par la somme de ces mesures est comparée avant et après traitement pour établir les 4 catégories de réponse : réponse complète (absence de lésion résiduelle identifi able), réponse partielle (≥ 30 % de réduction), stabilité (< 30 % de réduction et < 20 % d’augmentation) et progression (≥ 20 % d’augmentation et ≥ 5 mm en mesure absolue).La place de la TEP-TDM est encore mal défi nie.La diminution de l’activité métabolique précédant largement la diminution de la taille des tumeurs, la TEP-TDM est l’examen de référence pour évaluer la réponse thérapeutique, que cela soit précocement après 1 ou 2 cures de chimiothérapie ou, de manière plus classique, en fi n de traitement (3 à 4 mois après la fi n de la radiothérapie).L’intérêt de l’examen repose sur son excellente valeur prédictive négative tant en ce qui concerne le site tumoral que les sites métastatiques ganglionnaires cervicaux ou à distance (36, 37).

Surveillance

Le risque de développer un deuxième cancer pour les patients atteints d’un cancer des VADS, estimé comme allant de 3 à 7 % par an, impose une surveillance à vie (38).Les études rapportent que le bénéfi ce de la surveillance systématique des cancers des VADS par l’imagerie en coupe est faible (39). La surveillance post-thérapeu-tique des cancers des VADS est avant tout clinique, évaluant la réponse thérapeutique et la cicatrisation lors de l’examen précoce, et cherchant à dépister une récidive locorégionale, une lésion métachrone des VADS, bronchique ou œsophagienne, ou une extension métastatique lors des examens ultérieurs.Il est généralement admis qu’un examen d’imagerie en coupe (TDM et/ou IRM), servant de référence, est

souhaitable 3 à 6 mois après la fi n du traitement, surtout chez des patients difficiles à examiner cliniquement et en cas de traitement non chirur-gical (40).Par la suite, l’imagerie en coupe n’est indiquée qu’en cas d’apparition de signe d’appel clinique, de surveillance clinique diffi cile ou de possibilité thérapeutique à visée curative. En cas de suspicion clinique de récidive locale ou de lésion métachrone des VADS, l’imagerie en coupe (TDM et/ou IRM) doit être pratiquée avant l’endoscopie afi n de guider les biopsies et pour éviter de créer de fausses images lésionnelles en réalisant ces dernières. Certains auteurs ont montré l’intérêt de l’IRM de diffusion pour la détection de lésions résiduelles ou de la récidive de cancers des VADS (41).La surveillance clinique est complétée par une radio-graphie pulmonaire systématique en raison du risque de métastases aux poumons, ceux-ci représentant 80 % des localisations métastatiques, devant l’os et le foie. La majorité des métastases (85 %) se déclare pendant les 2 premières années après le diagnostic du cancer initial. Il est recommandé de pratiquer 2 radiographies pulmonaires la première année, puis 1 par an (40).La TDM thoracique est indiquée devant la détection d’une anomalie lors de la radiographie pulmonaire de surveillance (40).Si la TDM se révèle normale, la surveillance par simple radiographie pulmonaire annuelle se poursuit. Si la TDM montre un nodule de diamètre supérieur à 1 cm, une concertation pluridisciplinaire s’impose.Si la TDM montre un nodule de diamètre inférieur à 1 cm, un contrôle à 3 mois par TDM est indiqué. Si ce contrôle est stable, la surveillance par simple radiographie pulmonaire annuelle se poursuit. Si ce contrôle montre une évolution, une concertation pluridisciplinaire s’impose.La recherche de métastases osseuses ou hépatiques doit être guidée uniquement par la clinique.La découverte d’une métastase tardive (passé 3 ans) sans récidive locale doit inciter à chercher un autre cancer primitif.La TEP-TDM, du fait de sa très forte valeur prédictive négative, est l’examen de surveillance par excel-lence (42), qu’il s’agisse de la recherche d’une récidive ou du dépistage d’un second cancer. Ce seul examen permet de rechercher une éventuelle récidive et d’en faire le bilan.Il existe en revanche des faux positifs, et la décou-verte d’un foyer hypermétabolique incite à la poursuite des investigations (endoscopie avec

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Figure 6. Découverte d’une atteinte osseuse pétreuse chez un patient présentant une récidive clinique monofocale d’un carcinome laryngé.

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Place de l’imagerie dans la prise en charge des cancers des voies aéro-digestives supérieures

DOSSIER THÉMATIQUE

Cancérologie et ORL

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Références bibliographiques

biopsies guidées, ponction de nodules pulmonaires, médiastinoscopies).Sa prescription dépend de sa disponibilité, mais devrait se faire au moins 2 fois par an dans les 2 premières années (4 mois après la fin du traitement, puis tous les 6 mois) [43].

Une autre attitude recommande la réalisation de l’examen en cas d’apparition d’anomalies sur le bilan de suivi radiologique “classique”.Des études prospectives randomisées devraient être publiées dans les mois à venir (fi gure 6).

Conclusion

La TDM et l’IRM sont des compléments impor-tants à l’examen clinique et endoscopique pour le bilan locorégional des cancers des VADS, aidant à définir leur stade et à planifier leur prise en charge. La TDM joue un rôle dans l’évaluation de la réponse au traitement et, à un moindre degré, dans la surveillance post-thérapeutique. Chaque technique a ses avantages et ses inconvénients selon les régions explorées.L’examen TEP-TDM au 18FDG est très utile dans le bilan d’extension, l’évaluation de la réponse thérapeutique et la surveillance des tumeurs des VADS. D’autres traceurs sont en cours d’évaluation, en particulier des traceurs de l’hypoxie, qui indiquent, au sein de la tumeur, les régions hypoxémiques. Cette cartographie plus fi ne permettra d’optimiser les traitements, et notamment la radiothérapie (44). ■

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■ 4th European Symposium on Ovarian Cancer 23-24 juin 2011 – Palais des congrès de Reims, France

Information, inscription et soumissions :www.esocreims2011.com