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RÉSUMÉ - H. Ben Hassine, T. Aloui, T. Gallali, T. Bouzid, S. El Amri et R. Ben Hassen. Évaluation quantitative et rôles de la matière organique dans les sols cultivés en zones subhumides et semi-arides méditerranéennes de la Tunisie. Agrosolutions 19 (2) : 4-17. Dans le but d'effectuer un diagnostic général des réserves en matière organique des sols céréaliers du Nord-Ouest de la Tunisie et d'évaluer leur rôle dans l'échange de cations et dans la fixation de P et de K, une vingtaine de points représentant les différents types pédogénétiques de ces sols ont été échantillonnés à deux niveaux dans les 40 centimètres supérieurs. Pour détermi- ner les concentrations en matière organique, trois méthodes d'analyse ont été utilisées. Les résultats obtenus ont permis d'éva- luer les taux de conversion du C organique en teneurs en matière organique totale pour ces sols, taux qui se sont avérés plus élevés que la valeur de 1,724, fréquemment utilisée dans les laboratoires pour effectuer cette conversion. En effet, la méthode de perte de poids a fourni des valeurs légèrement plus élevées par rapport aux deux autres méthodes utilisées. Cette triple analyse a aussi permis d'établir à 87 % le coefficient d'extraction du C organique par la méthode Walkley & Black par rapport à la méthode Anne. Les teneurs en matière organique des sols étudiés sont générale- ment faibles, mais ceux-ci ne sont pas dans un état très appauvri comparativement à d'autres sols intensivement mis en culture de par le monde. Les retours de matière organique au sol en vue de reconstituer les réserves sont insuffisants, ce qui incite à chercher des solutions pour améliorer ces réserves. Par ailleurs, bien que fortement liée à la CEC, la matière organique ne participe que d'une manière limitée à l'échange de cations à cause de ses faibles teneurs. La majorité des processus d'échange sont assurés par la fraction minérale. La rétention en P et en K par cette matière organique est peu importante et est le reflet de l'insuffisance des réserves des sols. Mots-clés : sols céréaliers, matière organique, méthodes d’analyse, CEC, phosphore, potassium ABSTRACT - H. Ben Hassine, T. Aloui, T. Gallali, T. Bouzid, S. El Amri and R. Ben Hassen. Quantitative assessment and parts of organic matter of cultivated soils in mediterranean subhu- mid and semi-arid zones of Tunisia. Agrosolutions 19 (2): 4-17. In order to establish a general diagnostic on the organic matter contents of cereal soils from North-Western Tunisia and to assess their contribution to exchange and fixation of P and K, twenty sam- ples representative of the different soil types of that region were collected from two levels in the upper 40cm. Soil organic matter contents were measured using three different analytical methods. Results obtained showed that conversion rates of organic C to organic matter for these soils were higher than the 1.724 value normally used in several laboratories The weight-loss method showed, in effect, values slightly higher than those obtained from the two other tested methods. This comparison between the three methods also allowed to establish at 87%, the extraction coeffi- cient of organic C by the Walkley & Black method by comparison to that calculated from the Ann method. The organic matter contents measured in the studied soils are generally low but not impoverished in comparison to those of other intensively cultivated soils of the world. Actually, returns of orga- nic residues to these soils are inadequate to maintain or improve their organic matter contents and solutions must be examined to correct such situation. Despite its links to CEC, organic matter plays a minor role in this property due to its low content; exchange processes being mainly ensured by the mineral fraction in these soils. Key-words: cereal soils, organic matter, analysis methods, CEC, phosphorus, potassium 1 École supérieure d’agriculture de Mograne, 1121 Tunisie *Auteur pour la correspondance : courriel : [email protected] 2 Faculté des Sciences de Tunis, Département des sciences de la Terre, 2092 Tunis Évaluation quantitative et rôles de la matière organique dans les sols cultivés en zones subhumides et semi-arides méditerranéennes de la Tunisie H. BEN HASSINE 1* , T. ALOUI 1 , T. GALLALI 2 , T. BOUZID 1 , S. EL AMRI 1 et R. BEN HASSEN 1 Ressources AGROSOLUTIONS DÉCEMBRE 2008 VOL. 19 N o 2

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RÉSUMÉ - H. Ben Hassine, T. Aloui, T. Gallali, T. Bouzid, S. El Amri et R. Ben Hassen. Évaluation quantitative et rôles dela matière organique dans les sols cultivés en zones subhumideset semi-arides méditerranéennes de la Tunisie. Agrosolutions 19(2) : 4-17. Dans le but d'effectuer un diagnostic général desréserves en matière organique des sols céréaliers du Nord-Ouest dela Tunisie et d'évaluer leur rôle dans l'échange de cations et dansla fixation de P et de K, une vingtaine de points représentant lesdifférents types pédogénétiques de ces sols ont été échantillonnésà deux niveaux dans les 40 centimètres supérieurs. Pour détermi-ner les concentrations en matière organique, trois méthodesd'analyse ont été utilisées. Les résultats obtenus ont permis d'éva-luer les taux de conversion du C organique en teneurs en matièreorganique totale pour ces sols, taux qui se sont avérés plus élevésque la valeur de 1,724, fréquemment utilisée dans les laboratoirespour effectuer cette conversion. En effet, la méthode de perte depoids a fourni des valeurs légèrement plus élevées par rapport auxdeux autres méthodes utilisées. Cette triple analyse a aussi permisd'établir à 87 % le coefficient d'extraction du C organique par laméthode Walkley & Black par rapport à la méthode Anne.

Les teneurs en matière organique des sols étudiés sont générale-ment faibles, mais ceux-ci ne sont pas dans un état très appauvricomparativement à d'autres sols intensivement mis en culture depar le monde. Les retours de matière organique au sol en vue dereconstituer les réserves sont insuffisants, ce qui incite à chercherdes solutions pour améliorer ces réserves. Par ailleurs, bien quefortement liée à la CEC, la matière organique ne participe qued'une manière limitée à l'échange de cations à cause de ses faiblesteneurs. La majorité des processus d'échange sont assurés par lafraction minérale. La rétention en P et en K par cette matièreorganique est peu importante et est le reflet de l'insuffisance desréserves des sols.

Mots-cclés : sols céréaliers, matière organique, méthodes d’analyse, CEC,phosphore, potassium

ABSTRACT - H. Ben Hassine, T. Aloui, T. Gallali, T. Bouzid, S. El Amri and R. Ben Hassen. Quantitative assessment andparts of organic matter of cultivated soils in mediterranean subhu-mid and semi-arid zones of Tunisia. Agrosolutions 19 (2): 4-17.In order to establish a general diagnostic on the organic mattercontents of cereal soils from North-Western Tunisia and to assesstheir contribution to exchange and fixation of P and K, twenty sam-ples representative of the different soil types of that region werecollected from two levels in the upper 40cm. Soil organic mattercontents were measured using three different analytical methods.Results obtained showed that conversion rates of organic C toorganic matter for these soils were higher than the 1.724 valuenormally used in several laboratories The weight-loss methodshowed, in effect, values slightly higher than those obtained fromthe two other tested methods. This comparison between the threemethods also allowed to establish at 87%, the extraction coeffi-cient of organic C by the Walkley & Black method by comparisonto that calculated from the Ann method.

The organic matter contents measured in the studied soils aregenerally low but not impoverished in comparison to those of otherintensively cultivated soils of the world. Actually, returns of orga-nic residues to these soils are inadequate to maintain or improvetheir organic matter contents and solutions must be examined tocorrect such situation. Despite its links to CEC, organic matterplays a minor role in this property due to its low content; exchangeprocesses being mainly ensured by the mineral fraction in thesesoils.

Key-wwords: cereal soils, organic matter, analysis methods, CEC, phosphorus,potassium

1 École supérieure d’agriculture de Mograne, 1121 Tunisie

*Auteur pour la correspondance : courriel : [email protected]

2 Faculté des Sciences de Tunis, Département des sciences de la Terre, 2092 Tunis

Évaluation quantitative et rôles de la matièreorganique dans les sols cultivés en zonessubhumides et semi-aridesméditerranéennes de la TunisieH. BEN HASSINE1*, T. ALOUI1, T. GALLALI2, T. BOUZID1, S. EL AMRI1 et R. BEN HASSEN1

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Introduction

La présence de matière organique dans lessols est à l’origine de l’apparition de pro-priétés physicochimiques favorisant ledéveloppement des végétaux cultivés ounaturels. L’augmentation de ses teneurss’accompagne d’une amélioration de lastructure, de la facilité de l’infiltration del’eau, de l’accroissement de la capacité derétention en eau, ainsi que du pouvoir derésistance à l’érosion (Leprun, 1988). Enoutre, avec ses propriétés colloïdales, soncaractère de substance fixatrice d’élémentset son pouvoir de chélatation, elle joue unrôle chimique important dans les sols :libération d’éléments nutritifs aprèsminéralisation et augmentation de lacapacité d’échange cationique. Elle joueaussi un rôle environnemental capital enparticipant à contrer le phénomène dedésertification et en diminuant, lorsque sesteneurs augmentent dans les sols, ledégagement de gaz carbonique pouvantrejoindre l’atmosphère et accroître lesquantités de gaz responsables de l’effet deserre (FAO, 2008). Au niveau agricole, saprésence contribue à une bonne nutritiondes espèces cultivées, ce qui se traduit parl’augmentation des rendements et l’amélio-ration de la production.

Pour les sols céréaliers du Nord-Ouest dela Tunisie issus pour la plupart des débrisd’altération de roches sédimentaires carbo-natées (marnes, calcaires, argiles) et culti-vés sous régime pluvial pour produire uneculture stratégique, ils sont soumis à desconditions favorisant la minéralisation dela matière organique étant donné qu’ilssubissent une série de façons superficiellesallant du labour profond de printemps oud’été, au déchaumage, jusqu’aux diversrecroisements précédant le semis. Ce tra-vail du sol relativement intensifié est lacause de la chute des teneurs en matièreorganique comme l’ont constaté diversauteurs (Cerri, 1988; Arrouays et coll.,1994; Le Villio et coll., 2001; FAO, 2008;Alvaro-Fuentes et coll., 2008). Ainsi, le ryth-me relativement intensif de mise en culture,accompagné de façon quasi-permanented’une fertilisation minérale phosphatée etazotée, est à l’origine de la diminution desteneurs en matière organique suite à unestimulation de l’activité microbienne(N’Dayegamiye, 1995). Les conditions de

climat semi-aride constituent encore unecontrainte pour l’obtention de hauts rende-ments pouvant régénérer même partielle-ment les pertes annuelles par minéralisation.Même si ces sols étaient actuellement dansun état d’équilibre dans lequel les pertesseraient remplacées par la décompositionsur place des racines, des chaumes et desautres résidus de récolte, le milieu restefragile et exposé à la dégradation surtoutpar attaque érosive. La matière organiqueancienne et stable peut ainsi se dégradersuite à l’apparition de tels facteurs d’insta-bilité (Dabin, 1976). La faiblesse desrenouvellements au cours des années dejachères ou de basses productions aggraveencore le problème

La grande utilité de la matière organiquepour ces types de sols destinés presqueexclusivement à la monoculture d’espècesannuelles céréalières, nous a poussé àréaliser un travail de diagnostic et d’évalua-tion de l’état de cette matière organique. Cetravail est devenu nécessaire pour répondreaux questions suivantes : quelles seraientles teneurs actuelles de ces sols en matièreorganique et comment varieraient-elles enfonction des types de sols et des régions?Auraient-elles atteint des seuils dangereuxpouvant déclencher les processus de dégra-dation que Duchaufour (1991) situe autourde 2 %? Ce travail de diagnostic peut aussioffrir l’occasion de comparer diversesméthodes d’analyse de cette matièreorganique, évaluer leurs degrés de dépen-dance et déterminer les coefficients qui leslient. Il peut aussi conduire à juger le rôlede cette matière organique en tant que col-loïde échangeur de cations d’abord, puis àapprécier sa capacité de mobilisation et defixation de certains éléments, comme lephosphore apporté par fertilisation, et lepotassium très abondant sur les colloïdesminéraux (Ben Hassine et coll., 2005).

Matériel et méthodes

Prélèvement des échantillons desols

Une vingtaine de points de prélèvement ontété répartis sur les différentes régions pro-ductrices de céréales en fonction des typesde sols les plus répandus qui s’y trouvent :

sols peu évolués d’apport (typicxerorthents), sols calcimagnésiques (cal-cixerollic ou vertic xerochrepts), vertisols(typic chromoxererts) et sols isohumiques(typic calcixerolls). On n’a pas tenu comptedes sols érodés et de ceux situés sur desformes de modelé défavorisant l’obtentionde bonnes productions. Tous les sols échan-tillonnés sont situés soit dans des plainesalluviales ou continentales, soit sur desunités géomorphologiques à faible pente età relief peu accidenté. Le prélèvement aconcerné les couches de sols de surfacepuisque ce sont celles qui doivent présenterles plus fortes teneurs en matière organiquedans ces zones cultivées. Ainsi, danschaque point, deux échantillons représen-tant les tranches de sol de 0 à 20 cm et de20 à 40 cm ont été prélevés. Au total, 40échantillons ont été rassemblés (figure 1).Ils ont pris les symboles suivants en fonc-tion des lieux où ils ont été prélevés :

• Région de Zaghouan : Za1, Za2, Za3,Za4.

• Région de Siliana : Si1, Si2, Si3, Si4,Si5.

• Région du Kef : Ke1, Ke2, Ke3, Ke4,Ke5.

• Région de Jendouba : Je1, Je2.

• Région de Béja : Bj1, Bj2, Bj3, Bj4.

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Figure1. Localisation des points de prélèvement

sur la carte administrative de la Tunisie.

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Si on répartit ces points de prélèvement enfonction des types de sols, on obtient la dis-tribution suivante :

• Sols peu évolués d’apport : PE-Za1,PE-Za4, PE-Si4, PE-Ke1, PE-Ke2,PE-Je1, PE-Je2, PE-Bj4.

• Sols calcimagnésiques : CM-Za2, CM-Za3, CM-Si1, CM-Si3, CM-Ke5, CM-Bj3.

• Vertisols : VE-Si2, VE-Si5, VE-Bj1,VE-Bj2.

• Sols isohumiques : IH-Ke3, IH-Ke4.

Méthodes d’analyse

L’étude de la matière organique doit com-prendre d’autres paramètres dont elle peutdépendre, étant donné qu’elle peut agirdirectement ou indirectement sur leurprésence dans les sols. Il a donc été jugéutile pour cette étude de déterminer lesvariables suivantes : argile, capacitéd’échange cationique (CEC), phosphoreassimilable (Olsen), potassium échangea-ble et calcaire. Pour la matière organique,trois méthodes différentes ont étéemployées (Anne, perte de poids etWalkley & Black) afin de mener une éva-luation comparative entre leurs différentsrésultats et d’introduire dans les labora-toires une nouvelle méthode moinsconsommatrice de produits d’analyse sou-vent indisponibles sur le marché local.

Avant leur analyse, les échantillons ont étéséchés à l’air libre puis tamisés à 2 mm.

MMaattiièèrree oorrggaanniiqquuee ppaarr llaa mméétthhooddee AAnnnnee :extraction du carbone à chaud par le bichro-mate de potassium en milieu sulfurique.Dosage de l’excès de bichromate par unesolution de sel de Mohr et détermination pardifférence du volume ayant réagi avec lecarbone du sol (Naânaâ et Susini, 1988).

MMaattiièèrree oorrggaanniiqquuee ppaarr llaa mméétthhooddee ddee ppeerrtteeddee ppooiiddss : incinération à 375 °C de 5 g desol durant 16 heures (Moreno et coll.,2001). Détermination du taux de matièreorganique par le rapport de la différenceentre le poids du sol sec et le poids du solincinéré (*100) sur le poids du sol sec; lepoids du sol sec est obtenu par séchage àl’étuve durant 24 heures à 105 °C.

MMaattiièèrree oorrggaanniiqquuee ppaarr llaa mméétthhooddee WWaallkklleeyy&& BBllaacckk : l’extraction du carbone esteffectuée comme la méthode Anne aubichromate de potassium en milieu sulfu-rique mais à froid. Le dosage du carboneextrait est réalisé par colorimétrie (couleurverte des ions Cr trivalents) à 590-600 nm.

LLaa ccaappaacciittéé dd’’éécchhaannggee ccaattiioonniiqquuee ((CCEECC)) :extraction de 10 g de sol par une solutionnormale d’acétate d’ammonium à pH =8,2, lavage à l’alcool puis une seconde per-colation par une solution de NaCl à 10 %.Les ions NH4

+ déplacés sont entraînés parla vapeur, recueillis dans une solutiond’acide borique à 2 % puis titrés par HCl0,01 N. La quantité de NH4

+ exprimée enmeq/100g représente la CEC.

LLee ppoottaassssiiuumm éécchhaannggeeaabbllee : dosé par pho-tométrie de flamme dans l’extrait à l’acé-tate d’ammonium 1 N à pH = 8,2. Cedosage nécessite des points de gamme pré-parés à partir d’une solution de KCl.

LLee pphhoosspphhoorree aassssiimmiillaabbllee ((OOllsseenn)) : extrac-tion par une solution de NaHCO3 0,5 Najustée à pH = 8,5 par la soude. Dosagecolorimétrique à 660 nm de la couleurbleue développée par le complexe phospho-molybdique réduit par l’acide ascorbique.

LLaa tteenneeuurr eenn aarrggiillee : attaque de 20 g de soltamisé à 2 mm par H2O2 à 110 v, dispersionà l’hexamétaphosphate de Na, agitation etprélèvement à la pipette de Robinson de10 ml de la suspension après environ 8heures de décantation (loi de Stockes). Lepourcentage d’argile est calculé aprèsséchage à l’étuve à 105 °C et pesée de lacharge solide contenue dans les 10 mlprélevés à la pipette de Robinson.

LLee ccaallccaaiirree ttoottaall : attaque de 0,5 g de solpar 15 ml de HCl 6N et mesure du volumede CO2 dégagé à l’aide du calcimètreBernard. Détermination du pourcentage deCaCO3 du sol après comparaison avec levolume de CO2 dégagé par 0,3 g de calcairepur.

LLee ccaallccaaiirree aaccttiiff : attaque de 2,5 g de solpar 250 ml d’une solution 0,2 N d’oxalated’ammonium et agitation. Titration de l’ex-cès d’oxalate par une solution de perman-ganate de potassium 0,1 N et déterminationpar différence du volume d’oxalate ayantréagi avec le calcaire actif du sol. Calcul

du pourcentage de calcaire actif en utilisantl’équation d’équivalence entre les volumeset les normalités.

Calculs statistiques

Moyennes et variances

LLeess mmooyyeennnneess : elles ont été calculées pourles rapports MO (pp)/C (Anne), MO (pp)/C(W & B) et C (Anne)/C (W & B). Le calcula concerné la totalité des échantillons (40),les échantillons classés par couche deprélèvement (0-20 et 20-40 cm) et ceuxrangés par type de sol. Les écarts-types desdifférentes moyennes ont été déterminéspour établir les intervalles de confiance desvaleurs de ces rapports [m - σ/(n)1/2, m +σ/(n)1/2].

LLeess vvaarriiaanncceess : les valeurs de la varianceont servi pour accepter ou rejeter l’hypothè-se confirmant ou infirmant les différencessignificatives des rapports MO (pp)/C(Anne) et MO (pp)/C (W & B) et prédirequelles sont les causes probables de cesdifférences si elles existent. Ainsi, le testFischer-Snedecor et le test Student ont étéutilisés pour l’étude comparative des varian-ces des deux rapports (Ministère de laCoopération, 1974).

Régression linéaire simple et multiple

La régression linéaire simple a étéemployée pour dégager le degré de corréla-tion entre divers paramètres analysés prisdeux à deux, dont les teneurs en Corganique obtenues par les trois méthodesd’analyse. La régression multiple a étéutilisée pour établir une équation liant lesrésultats des trois méthodes de l’analyse dela matière organique.

Analyse en composantes principales

Pour étudier la répartition spatiale desteneurs en matière organique et en fonctiondes autres paramètres étudiés, la méthodede l’analyse en composantes principales(ACP) a été utilisée en séparant entre leséchantillons de surface (0-20 cm) et ceuxde la tranche de sol suivante (20-40 cm).Les teneurs en matière organique sontexprimées par la moyenne des trois métho-des d’analyse. Cette procédure permet de

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grouper et de répartir les variables et lestypes de sols avec leurs sites de prélève-ment (tableau 1) autour des axes principauxfacilitant ainsi l’observation d’éventuellesliaisons entre les variables et les endroits oùelles sont le plus représentées.

Résultats

Teneurs des sols en matièreorganique

La matière organique déterminée par laméthode de perte de poids présente desvaleurs variant entre 1 et 3 %. Les valeurs

les plus élevées sont observées dans desvertisols : VE-Bj2 (0-20 cm) avec 3,07 %et VE-Si2 (0-20 cm) avec 2,81 % (tableau1). Les valeurs les plus faibles concernentun sol calcimagnésique (CM-Ke5, 20-40cm) avec 1,25 % et un sol peu évolué (PE-Je2, 20-40 cm) avec 1,43 %. La moyennedes 40 échantillons est de 2,11 % avec un

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écart-type de 0,41. Les valeurs de l’horizonde surface (0-20 cm) sont plus élevées pour14 points de prélèvement sur un total de20. Les points où la situation est inverséeappartiennent à trois sols calcimagnésiques(Za3, Si1 et Bj3), deux sols peu évolués(Za4 et Bj4) et un sol isohumique (Ke4).Ainsi, malgré le travail du sol qui exposel’horizon de surface à plus de minéralisa-tion de la matière organique, celle-ci sem-ble plus séquestrée dans cet horizon quireçoit le maximum de déchets et de sous-produits de récolte (racines et chaumes enparticulier). En effet, en comparant lesmoyennes en matière organique des deuxniveaux de prélèvement, il s’avère quecelle du niveau de surface (0-20 cm) estplus élevée : 2,17 (0-20 cm) > 2,04 (20-40 cm). Il en est de même pour la sommedes taux de matière organique des deuxtranches de sol : 43,44 (0-20 cm) > 40,89(20-40 cm). Ceci est aussi vrai pour lesteneurs en carbone organique déterminéespar analyse chimique.

Pour les deux autres méthodes de dosagechimique (méthode Anne et méthodeWalkley & Black), les valeurs sontexprimées en C organique (tableau 1) pouréviter l’utilisation de coefficients de trans-formation très variables en fonction desmilieux et des types d’humus.

Les valeurs en C organique obtenues selonla méthode Anne sont comprises entre0,67 % (CM-Si3 et VE-Bj1) et 1,71 % (PE-Za1) pour l’horizon 0-20 cm. Pour l’horizonsuivant, les teneurs en C organique variententre 0,55 % (CM-Si3, CM-Ke5 et VE-Bj1)et 1,41 % (VE-Bj2).

Pour les taux de C organique évalués par laméthode Walkley & Black, ils évoluententre 0,55 % (CM-Si1 et PE-Ke2) et 3,4 %(PE-Za1) pour l’horizon de surface; lesteneurs de l’horizon 20-40 cm se dis-tribuent entre 0,5 % (PE-Za4) et 1,3 %(CM-Si3 et VE-Bj1). Il s’avère d’après cesrésultats que :

- Les vertisols (VE-Si2, VE-Si5 et VE-Bj2)et le sol peu évolué noirci ou tirsifié (PE-Za1) sont plus enrichis en matièreorganique. Ces sols sont relativementriches en argile qui stabiliserait mieux lamatière organique en lui assurant uneprotection qui la mettrait plus à l’abri de

la forte activité minéralisatrice à laquelles’exposent les horizons de surface dessols cultivés (Albrecht, 1988).

- Les sols peu évolués (PE-Za4, PE-Si4 etPE-Je2), les sols calcimagnésiques (CM-Za3 et CM-Ke5), le vertisol (VE-Bj1) etles sols isohumiques (IH-Ke3 et IH-Ke4)présentent des teneurs plus faibles enmatière organique. La faible teneur de lamatière organique des sols n’est par con-séquent pas spécifique à la classepédogénétique comme c’est le cas pourles plus fortes teneurs qui ne carac-térisent que des sols montrant des signesde vertisolisation.

Variation des rapports matièreorganique/C organique

Afin d’évaluer la relation entre le Corganique et la matière organique totale dessols étudiés et de vérifier le coefficient1,724 couramment employé pour trans-former les résultats des analyses chimiquesen matière organique, on a procédé auxcalculs des rapports MO par combustionsèche (MO (pp)) aux valeurs de C organiqueobtenues par les méthodes Anne (C (Anne))et Walkley & Black (C (W & B)).

Le rapport MO pp/C (Anne) présente unemoyenne des 40 échantillons analysés de2,36 avec un écart-type de 0,51, ce quidonne un intervalle de confiance comprisentre 1,85 et 2,87. La moyenne du mêmerapport dans l’horizon 0-20 cm est de 2,25avec un écart-type de 0,39. Dans l’horizon20-40 cm, cette moyenne est de 2,48 avecun écart-type de 0,59. La moyenne du rap-port MO pp/C (W & B) est de 2,63 et sonécart-type est de 0,9, ceci fait un intervallede confiance compris entre 1,73 et 3,53.Pour l’horizon 0-20 cm, la moyenne de cerapport est de 2,68 et son écart-type est de1; dans l’horizon 20-40 cm, elle est de 2,58avec un écart-type de 0,8.

Les valeurs ainsi obtenues pour convertir lecarbone organique en matière organiquesemblent plus élevées dans les deux casque le coefficient de 1,724 est employépour évaluer les teneurs en matièreorganique. Une telle différence serait pro-bablement due à ce que la température de105°C pendant 24 heures aurait été insuffi-sante pour chasser la totalité de l’eau hygros-copique. En effet, Moreno et coll. (2001) ont

suggéré le séchage des échantillons à 150°Cà l’étuve pendant 24 heures pour obtenir lespoids secs dans cette méthode.

Variation des rapports matière orga-nique (pp)/C organique en fonction destypes de sols

La répartition de ces rapports en fonctiondes types de sols est illustrée à la figure 2pour le rapport MO (pp)/C (Anne) et à lafigure 3 pour le rapport MO (pp)/C (W & B).Chacune des deux figures comporte troisgraphiques relatifs à la totalité des échantil-lons (0-40 cm), les échantillons de l’horizon0-20 cm et ceux de l’horizon 20-40 cm.

Pour le rapport MO (pp)/C (Anne), lesvaleurs sont relativement élevées et pres-que toujours supérieures à 2 pour les solspeu évolués, les sols calcimagnésiques etles vertisols dans les trois situations. Pourles sols isohumiques, la valeur tend à dimi-nuer pour atteindre ou même descendre en

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Types de sols

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Figure 2. Évolution du rapport MO (pp)/C (Anne) enfonction des types de sols.

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dessous de 2. L’évolution de ce rapport enfonction des horizons est presque identiquepuisque la droite liant les 4 pointsreprésentatifs des quatre types de solsprésente une allure plus ou moins horizon-tale pour les trois premiers points, et chutenettement pour le quatrième point, en l’oc-currence celui des sols isohumiques. Lesécarts-types les plus élevés concernent lessols peu évolués et les sols calcimagné-siques, notamment pour l’horizon 20-40 cm. Les écarts-types les plus faiblesconcernent les sols isohumiques pour lestrois situations.

Pour le rapport MO (pp)/C (W & B), lesvaleurs des moyennes se situent autour de2,5 pour la totalité des échantillons, saufpour les sols calcimagnésiques qui montrentun niveau légèrement plus bas de ce rap-port. Dans le cas des échantillons de l’hori-zon de surface (0-20 cm), les valeurs sontproches de 2,5 pour les sols peu évolués etcalcimagnésiques et ont tendance à

augmenter pour les vertisols et les sols iso-humiques; pour ces derniers, la moyennedu rapport atteint ou dépasse 3. Pour l’hori-zon inférieur (20-40 cm), les moyennes nesont pas identiques pour les quatre typesde sols : de 3 environ pour les sols peuévolués, elle chute jusqu’à 2 pour les solscalcimagnésiques, puis remonte à 2,5 pourles vertisols, et diminue de nouveaujusqu’à moins de 2 pour les sols isohu-miques. Les écarts-types ne sont pas sta-bles et varient en fonction des types de solset des profondeurs de prélèvement. Ilsprésentent des valeurs maximales pour lessols peu évolués et calcimagnésiques dansl’horizon 0-20 cm; leurs valeurs minimalessont observées dans l’horizon 0-20 cm desvertisols et dans l’horizon 20-40 cm dessols isohumiques.

Les valeurs obtenues des deux rapportssemblent relativement éloignées du chiffre1,724 utilisé pour transformer les taux du Corganique analysé par voie chimique enteneurs en matière organique totale dessols et ce, pour les quatre types pédogéné-tiques retenus dans cette étude. En com-parant les résultats des deux horizons, onne voit pas d’énormes différences entre euxhormis les fluctuations constatées dans lesvaleurs relatives aux sols calcimagnésiqueset isohumiques pour le rapport MO (pp)/C(W & B).

Étude des variances des deux rap-ports MO (pp)/C Anne et MO (pp)/C(W & B)

CCoommppaarraaiissoonn ddeess vvaarriiaanncceess ddeess ddeeuuxx rraapp-ppoorrttss : le test utilisé pour comparer lesvariances des deux rapports est celui deFischer-Snedecor qui permet de calculer lerapport des variances des deux para-mètres : d = s²/s’² = 0,316. Ce chiffre estsoumis à un domaine d’acceptation déter-miné à partir des nombres de degrés deliberté (39 et 38) sur les tables à p = 5 %.Le rapport des variances 0,316 est situé endehors du domaine d’acceptation qui est :[0,581; 1,72]. Les variances des deux rap-ports sont par conséquent différentes, cequi laisse supposer que les modes d’extrac-tion différents des deux méthodes d’analyseseraient responsables de l’apparition de cesdissimilitudes étant donné que le nombredivisé (MO (pp)) est le même et que leséchantillons analysés sont aussi les mêmes.

CCoommppaarraaiissoonn eennttrree lleess ddeeuuxx rraappppoorrttss ppaarr llaamméétthhooddee dd’’aappppaarriieemmeenntt : les valeurs desdeux rapports sont rangées en couples devaleurs pour chaque échantillon. On cal-cule à partir des carrés des écarts entre lesdifférences et leurs moyennes (xi-m) etavec le nombre n-1 degrés de liberté unfacteur s = [Σ (xi-m)/k-1]1/2; la valeur de cefacteur est s = 1,01 qui permet de déter-miner un coefficient (m/s/(k)1/2) égal à1,629. Ce coefficient est inférieur à lavaleur « t » lue sur la table de Student, quiest de 2,025 à 38 degrés de liberté et à p =0,05. Le test permet de conclure que l’hy-pothèse d’égalité des variables (les deuxrapports) n’est pas fausse.

Les deux tests aboutissent à des conclu-sions différentes. On admet par conséquentque les différences proviennent probable-ment des échantillons appartenant à destypes de sols et à des milieux écologiquesdifférents.

Variation des rapports C organique(Anne)/C organique (W & B)

Ce rapport est déterminé pour comparer lestaux d’extraction du C organique par lesméthodes Anne et Walkley & Black. Lamoyenne générale de 39 échantillons est de1,15 avec un écart-type de 0,42. Ceciexplique que la méthode Anne extrait enmoyenne 15 % de plus de carbone que laméthode Walkley & Black ou, en d’autrestermes, la méthode Walkley & Black extraiten moyenne 87 % du carbone traité àl’acide sulfurique à chaud selon la méthodeAnne. Ce rapport ne reste pas stable sur lesdeux niveaux de prélèvement, il donne eneffet les valeurs suivantes :

- Une moyenne de 1,20 avec un écart-typede 0,42 dans la tranche supérieure du sol(0-20 cm), ce qui signifie que la méthodeWalkley & Black n’extrait que 83,3 % ducarbone dissous par la méthode Anne.

- Une moyenne de 1,10 avec un écart-typede 0,43 pour les échantillons du niveauinférieur de prélèvement (20-40 cm), soitun taux d’extraction de la méthodeWalkley & Black par rapport à la méthodeAnne de 90,9 %.

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Types de sols

MOpp/CWB

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0,00,51,01,52,02,53,03,54,0

SPE SCM VERT SIH

Types de sols

MOpp/CWB

Figure 3. Évolution du rapport MO (pp)/C (W & B)en fonction des types de sols.

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Répartie en fonction des types de sols, lamoyenne ce rapport ne montre pas unevariation homogène, mais ses valeurs nes’éloignent pas du chiffre moyen 1,15,exception faite de l’horizon 0-20 cm dessols isohumiques où il augmente jusqu’à1,64 (figure 4). On signale aussi la faiblevaleur de ce rapport pour les sols calcima-gnésiques puisqu’il est égal à 1 pour latotalité des échantillons (0-20 cm) et àseulement 0,90 dans l’horizon 20-40 cm. Sipour le sol isohumique, la valeur élevée dece rapport était probablement due au faiblenombre d’échantillons (deux par horizon),celle des sols calcimagnésiques obtenuesur 12 échantillons (6 par horizon) expli-querait un rôle joué par le calcaire, enexcès dans ces sols, pour faire plus oumoins équilibrer les taux d’extraction du Corganique.

En général, le meilleur taux d’extraction duC organique par la méthode Anne est con-firmé dans cette étude. Les chiffres obtenusvarient entre 83,3 et 90,9 %, ce qui

représente des taux supérieurs à celui de77 % communément connu comme pour-centage d’extraction du C organique atteintpar la méthode Walkley & Black(ORSTOM, 1978).

Les corrélations entre les résul-tats des trois méthodes d’analysede la matière organique

Les régressions simples

Pris deux à deux, les résultats des troisméthodes d’analyse de la matière organiqueont révélé les liens suivants (tableau 2) :

- La corrélation la plus étroite apparaîtentre la méthode de perte de poids et laméthode Anne avec un coefficient dedétermination égal à 0,532 et un coeffi-cient de corrélation de 0,729 significatifau seuil 0,001. L’autre corrélation signi-ficative apparaît entre la méthode Anneet la méthode Walkley & Black avec uncoefficient de corrélation r = 0,312 quiest significatif au seuil 0,05. La corréla-tion entre la matière organique par pertede poids et le C organique (W & B) estnon significative;

- Le faible seuil de probabilité 0,05 de lacorrélation entre les deux méthodes dedosage chimique du carbone, en l’occur-rence celles d’Anne et de Walkley &Black, montre que les marges d’erreursexpérimentales sont probablement élevéesnotamment pour le dosage colorimétrique

du carbone qui nécessite plusieursmanipulations et la lecture du résultat parrapport à une droite d’étalonnage.

La régression multiple

Cette opération vise à identifier la variableMO (pp) par l’utilisation simultanée desrésultats des deux autres méthodes d’analy-se pour ces types de sols caractérisés parleurs faibles réserves organiques, leur tex-ture souvent fine et les renouvellementsannuels insuffisants des matièreshumiques. L’équation recherchée n’a puêtre obtenue à cause des faibles valeurs descoefficients de détermination. Seule l’équa-tion suivante a pu être établie :

MO (Anne) = 0,5954 MO (pp) + 0,1326 MO(W & B) + 0,1686

Son coefficient de détermination R2 est égalà 0,4902 et son coefficient de régressionmultiple est de 0,7002. L’existence d’unetelle équation confirme les observations dela régression linéaire simple qui indiquentque le paramètre MO (Anne) est le seul àavoir des corrélations significatives avec lesdeux autres.

Variation spatiale des teneurs enmatière organique en fonction desautres paramètres analysés

L’ensemble des paramètres analysés dechaque tranche de sol associés à lamoyenne de la matière organique des trois

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SPE SCM VERT SIHTypes de sols

CAnne/CWB

Figure 4. Évolution du rapport C (Anne)/C (W & B)en fonction des types de sols.

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méthodes employées pour son évaluationont été traités par une analyse en com-posantes principales.

Résultats de l’ACP des échantillons desurface (0-20 cm)

Les moyennes des variables et leurs écarts-types (tableau 3) confirment les faiblesteneurs en matière organique de ces sols etleur richesse en P2O5 assimilable, en K2Oéchangeable et en calcaire. La contributiondes axes principaux à la variation totale

dans cette ACP est de 34,2 % pour l’axe 1,de 30,1 % pour l’axe 2 et de 15,4 % pourl’axe 3, ce qui fait un total de 79,7 %,valeur qui est relativement acceptable.

Sur le graphique de répartition des variables,on constate que l’axe 1 horizontal opposedeux groupes de variables : le calcaire totalet actif correspondant aux échantillons PE-Ke1, PE-Ke2, CM-Bj3, CM-Si1 et CM-Za2;quant au phosphore assimilable et àl’argile, ils correspondent aux sites de VE-Bj2 et PE-Je1 (figure 5). La matière

organique est isolée par l’axe 2 et s’associeà la CEC pour apparaître en plus forte con-centration dans le sol PE-Za1; ce point estopposé sur l’axe 2 aux points VE-Bj1, CM-Za3, CM-Ke5 et IH-Ke4 où les valeurs decette matière organique et de la CEC ont étéles plus faibles.

Au vu de cette répartition, on constate queles sols céréaliers du Nord-Ouest de laTunisie ne s’agglomèrent pas ensemble,donc leurs propriétés ici étudiées sont trèsvariables. Mais le résultat permet déjà dedégager le lien entre la MO et la CEC etaussi la faiblesse des réserves organiquesdans certains de ces sols. Ces constats reflè-tent des modes de gestion différents (inten-sité du travail du sol, rotations, quantités defertilisants différentes) et probablementaussi des constituants argileux de natureminéralogique différente, qui se répercutentinégalement sur l’état d’accumulation de lamatière organique dans ces sols.

Résultats de l’ACP des échantillons dela couche (20-40 cm)

Les moyennes des sept paramètres étudiéssont légèrement inférieures à celles del’horizon supérieur. On note cependant unléger enrichissement en calcaire actif mal-gré une valeur presque stable du calcairetotal. La matière organique a diminué de0,2 %, ce qui reflète des réserves organi-ques plus élevées en surface malgré lesconditions de minéralisation plus favora-bles (tableau 4).

La contribution des axes à la variationtotale est de 33,2 % pour l’axe 1, 23,3 %pour l’axe 2 et 17,9 % pour l’axe 3. Le totalde la contribution des axes est de 74,4 %,valeur qui est plus faible que celle del’horizon de surface. Sur l’axe 1 sont cor-rélées les variables MO, calcaire total etcalcaire actif qui se projettent sur le plan

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Figure 5. Cercle des corrélations des variables et plan factoriel de la répartition des sites de prélèvement(0-20 cm) autour des axes principaux.

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factoriel des observations sur les sites VE-Si2 et CM-Bj3 (figure 6). Du côté opposédu même axe, se groupent les sites CM-Ke5, PE-Je1 et PE-Je2, correspondantsurtout à des sols peu évolués de la hautevallée de la Mejerda, moins riches enmatière organique et en carbonates.

L’axe 2 isole du même côté les variablesMO, P et K auxquelles correspondent lessols des points VE-Bj2 et PE-Zal montrantle plus fort potentiel de fertilité de ces sols

puisque les trois paramètres en questionfavorisent la bonne production dans cestypes de sols et pour cette catégorie de cul-ture. À l’opposé, apparaissent les pointsPE-Ke2, PE-Za4 et PE-Je1 peu pourvus enMO, P et K, ce qui implique un faiblepotentiel de production dans cet horizon oùpeuvent se concentrer les racines descéréales et où l’eau de pluie peut êtredisponible puisqu’elle est moins sujette àl’évaporation. Il découle de cette analysemultivariée que :

- La matière organique est inégalementrépartie en fonction des types de sols mal-gré des types de gestion qui diffèrent peupar l’intensité de la fertilisation minéraleet de la production. Dans l’horizon de sur-face, elle ne se manifeste nettement quedans un seul type de sol (figure 5). Dansla partie opposée de l’axe, quatre types desols se caractérisant par des teneursinférieures à 2 % apparaissent (tableau 1).Le fait que seul un type de sol a été mis enévidence par les axes signifie que ces solssont pour la plupart peu pourvus enmatière organique et qu’une seule valeurémerge du lot : celle du sol peu évolué àcaractère vertique (PE-Za1). Cette réparti-tion n’est pas la même pour l’horizon sui-vant où les plus fortes réserves organiquessont dans les points VE-Si2 et CM-Bj3(figure 6) qui correspondent à un vertisollithomorphe et à un sol brun calcaire.

- Les liens de la matière organique avec lesautres paramètres sont illustrés dans lacouche 0-20 cm par le rapprochementavec la CEC (figure 5) et dans la couche20-40 cm par le regroupement avec lecalcaire actif et total (figure 6). Si la pre-mière constatation ne peut faire l’objetd’aucune controverse, puisque l’humus atoujours eu un rôle positif dans les pro-cessus d’échange de cations, la deuxièmeobservation aurait pour cause l’effetinhibiteur du calcaire qui peut jouer unrôle de protection de la matière organiquecontre la minéralisation rapide, en for-mant une pellicule entourant la particuleorganique et empêchant les microorganis-mes de l’atteindre (Duchaufour, 1977).

Rôle d’échange de la matièreorganique et ses relations avec lesautres constituants des sols

Les éléments essentiels de la nutrition végé-tale, et surtout céréalière, sont P, K et N,mais comme N est un élément à évolutionrapide dans les sols et que ses teneurs peu-vent varier au cours de courtes périodes, lesdéterminations analytiques n’ont concernéque les deux éléments plus statiques, enl’occurrence P et K, avec la capacitéd’échange cationique ou CEC. L’objectif deces déterminations analytiques est dechercher si la matière organique de ces solset sous ce type particulier de gestion peutavoir un rôle dans les processus de fixationet d’échange de ces deux éléments P et K et

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Figure 6. Cercle des corrélations des variables et plan factoriel de la répartition des sites de prélèvement(20-40 cm) autour des axes principaux.

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aussi de voir son influence sur la variationde la CEC. La démarche suivie est celle del’établissement de corrélations par laméthode de la simple régression linéaireentre ces trois paramètres et la matièreorganique déterminée par la méthode deperte de poids (tableau 5). En outre, commele calcaire est un constituant qui agit surl’évolution de la matière organique et laprotègerait contre les dégradations micro-biennes, une corrélation a été aussi établieentre ses teneurs dans ces sols et celles dela matière organique.

La capacité d’échange cationique

La corrélation entre la matière organique(pp) et la capacité d’échange cationique(CEC) est hautement significative (tableau5). La variation des valeurs de la matièreorganique explique 49,9 % de celle de laCEC. Le seuil de signification à n-2 degrésde liberté (ddl) est très haut avec un niveaude probabilité de 0,001, ce qui explique laforte dépendance de la CEC de la matièreorganique. Même si la participation de lamatière organique à la capacité totaled’échange ne représente que seulement4 meq/100g (en rappelant que l’humus secaractérise par une CEC de 200 meq/100g(Chamayou et Legros, 1989)), son rôle dansles processus d’échange de cations estprépondérant et devrait s’ajouter à celui dela matière minérale pour constituer ensem-ble une plus forte valeur de la CEC totaledu sol. C’est ce qui a été déjà constaté parBigorre et coll. (2000) qui ont établi uneéquation de la CEC en fonction de l’argileet de la matière organique et qui ont insistésur le caractère additif des deux consti-tuants. Il est à signaler que les valeurs dela CEC totale n’ont pas été fortementélevées et que la participation de la matièreminérale (argiles) a été assez limitée pourde nombreux points. Y aurait-il un risquede voir une tendance vers l’illitisation desargiles par fixation du K provenant de la

décomposition des chaumes comme l’aconstaté de Boissezon (1988)?

Le phosphore assimilable

Ce phosphore est extrait par le bicarbonatede Na peu concentré (Olsen) et il estexprimé en mg/kg de P2O5. Les sols étudiésreçoivent au début de chaque campagneagricole une fertilisation phosphatée quirenouvelle les réserves en P disponible,étant donné que les stocks accumulés aucours des campagnes précédentesdevraient être épuisés par les récoltes etl’excès est rétrogradé en des formes insolu-bles en présence de fortes teneurs en cal-caire. Les valeurs trouvées au cours decette campagne d’évaluation effectuée aumois de février 2007, c’est-à-dire deux àtrois mois après l’époque de fertilisation,sont importantes surtout dans l’horizon 0-20 cm. Il y a une légère tendance à ladiminution dans l’horizon 20-40 cm aveccertaines valeurs très faibles comme PE-Ke2 et PE-Za4 (tableau 1). Ce phosphoren’est pas fixé sur la matière organique quipeut offrir des sites de fixation pour cet élé-ment se comportant comme anion en s’as-sociant à l’oxygène (PO4

3-). En effet, l’em-ploi de la méthode de la régression linéairesimple ne confirme aucun lien entre cesdeux paramètres du fait des faibles valeursdes coefficients de corrélation obtenus(tableau 5). En fonction de ce résultat, onpeut conclure que P-organique n’est pastrès important dans ces sols; c’est ce qu’ontconstaté Brossard et Laurent (1988) enindiquant que les cultures intensives con-duisent à privilégier le stockage de P sousforme minérale.

Le phosphore dans ces sols seraitdisponible dans la solution puisque lesdates de fertilisation sont récentes. Lessites minéraux d’échange situés essen-tiellement sur les bordures des argilesparticiperaient aussi à la fixation de cet

élément où il peut être échangé avec lasolution. Mais les réserves aussi impor-tantes soient-elles sont exposées à l’immo-bilisation par le cation Ca++ pouvant êtrelibéré par le calcaire très abondant dansces sols.

Le potassium échangeable

Le potassium échangeable évalué par la mé-thode d’extraction à l’acétate d’ammoniumest celui censé être fixé sur les sitesd’échange présents sur les colloïdesminéraux et organiques. Il a été précédem-ment démontré (Ben Hassine et coll., 2005)que la matière organique évaluée par laméthode de Walkley & Black joue un rôlenégligeable dans les mécanismes d’échan-ge de cet élément, dont la majorité des sitesde fixation seraient situés sur les argilesmicacées. L’expérience est reprise danscette étude pour confirmer ou infirmer lesprécédentes constatations tout en faisantvarier les méthodes d’analyse de la matièreorganique. La recherche de liens entre lesdeux variables est réalisée par la méthodede la régression linéaire simple qui a donnédes valeurs des coefficients de détermina-tion et de corrélation non significatives(tableau 5). De par sa faible teneur, cettematière organique, même si elle peut fixerdu potassium, ne peut pas dominer lesprocessus de fixation et d’échange de cetélément dans les sols étudiés. Elle ne par-ticiperait que par 10 à 20 % seulement auprocessus d’échange évalué par le rapportentre la CEC de la MO et la CEC totale dusol. La CEC de la matière organique estestimée par le produit de son pourcentagedans le sol multiplié par la CEC de 100 gd’humus qui est de 200 meq (Chamayou etLegros, 1989).

En conséquence, même si le potassiuméchangeable est hautement disponible dansles sols céréaliers du Nord-Ouest de laTunisie (tableau 1), ses sites de fixation

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* ddl : degrés de liberté

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sont essentiellement minéraux du fait quela matière organique est de faible teneur et saparticipation à la capacité d’échange cation-ique est proportionnelle à ses réserves.

Le calcaire

Les résultats des tests de corrélation nemontrent aucun lien significatif entre lecalcaire total et la matière organique. Celien a pu être démontré avec le calcaireactif au seuil 0,05 (tableau 5). L’absence decorrélation avec le calcaire total paraît nor-male du fait que ce dernier devrait com-prendre des particules de la taille dessables et même des fractions grossières quin’ont aucun lien direct avec la matièreorganique. La relation positive avec le cal-caire actif à particules fines et très fines(Callot et Dupuis, 1980) suppose l’exis-tence d’un rôle de ce calcaire dans la pro-tection et la conservation de la matièreorganique des sols carbonatés.

Discussion

La matière organique des sols céréaliers duNord-Ouest de la Tunisie est actuellement àdes niveaux relativement faibles avec desteneurs presque toujours inférieures à 2 %,situation qui peut exposer ces sols à ladégradation par l’érosion hydrique lorsqueles pentes deviennent fortes et favorisent unruissellement efficace. Elle a été évaluéepar trois méthodes d’analyse différentes,dont deux par dosage chimique. Le rapportentre la matière organique déterminée parcombustion sèche (pp) et le C organiqueévalué par les deux autres méthodes dedosage chimique (Anne et Walkley &Black) a été souvent élevé et dépasse large-ment le chiffre 2. Ceci pourrait être dû auchauffage insuffisant (105°C pendant 24heures) auquel ont été soumis les échantil-lons pour déterminer les poids secs.

Concernant la comparaison entre les tauxd’extraction du C organique des sols par lesméthodes Anne et Walkley & Black, elle aété illustrée par le rapport C (méthodeAnne)/C (méthode W & B) qui a été égal à1,15 pour une moyenne de 39 échantillons;ceci donne un taux d’extraction du carbonede 87 % par la méthode W & B par rapportà celui de la méthode Anne. Ce rapport est

ainsi variable et la valeur de 77 % souventemployée dans les laboratoires pourestimer les teneurs en matière organiquedes sols n’est pas absolue et doit varier enfonction des types de sols. La valeur de cetaux a atteint 95 % pour des spodosols àtexture sableuse (Jolivet et coll., 1998).

La réalisation de tests de corrélation par larégression linéaire simple a mis en évi-dence un lien hautement significatif entre laméthode Anne et celle de perte de poids.Les valeurs obtenues par la méthodeWalkley & Black ne sont que faiblementcorrélées à celles de la méthode Anne. Letaux d’extraction plus faible de la méthodeW & B et son imprécision (ORSTOM,1978) seraient à l’origine de l’absence decorrélation significative avec la méthode decombustion sèche. La méthode d’extractionAnne attaque presque complètement le car-bone du sol et est achevée par le dosagevolumétrique au sel de Mohr. C’est laméthode qui offre le plus de précision et quipeut être adoptée pour les déterminationsdes matières organiques de ces sols. Laméthode par perte de poids nécessiteraitdavantage d’expérimentation pour préciserla température de séchage la plus adaptéepour ces sols pauvres en matière organique.

Les types de gestion souvent similaires - àpeu près les mêmes travaux de préparationdes sols, mêmes restitutions (avec desquantités variables selon les rendements)de sous-produits de récoltes (chaumes,racines), mêmes types de fertilisantsminéraux appliqués (phosphore, azote) -ayant concerné les sols étudiés depuisplusieurs décennies de cultures céréal-ières, ont probablement laissé leur impactsur les stocks organiques de ces sols quisont généralement faibles. Cet état desteneurs réduites en matière organique dessols utilisés pour la céréaliculture sous desmilieux bioclimatiques différents est con-firmé par divers auteurs (Arrouays et coll.,1994; Cerri, 1988; FAO, 2008). Ces bassesteneurs doivent se répercuter négativementsur la structure des sols qui serait édifiéeessentiellement grâce aux colloïdesminéraux et dont la stabilité est probable-ment imparfaite ce qui pourrait générer denombreuses déficiences de production etde résistance aux facteurs de dégradation.

En outre, comme cette matière organiquecorrespond à un mull calcique à C/N sou-vent très bas (Ben Hassine, 2002) et qu’elleest morphologiquement intimement liée à lafraction minérale, ses particules seraientretenues à plus de 50 % dans la fractionfine (< 5 μm), si on se réfère aux résultatsde fractionnement de cette matièreorganique obtenus par Feller (1988) sur dessols argileux des Petites Antilles dont unvertisol. Elle devrait assurer le stockage del’essentiel de l’azote du sol dont la formeorganique est de loin supérieure à la formeminérale (nitrique et ammoniacale). Cetazote organique serait localisé en majoritédans les humines (Dridi, 2007), bien que lacorrélation entre N et C de ce composéhumique ne soit pas très évidente (BenAissa, 1993).

La corrélation significative trouvée entre lamatière organique évaluée par combustionsèche et le calcaire actif confirme des con-clusions similaires obtenues sur des sols car-bonatés. Ce calcaire actif serait plus retenuautour des particules d’humine puisqu’il aété démontré qu’il est plus corrélé avec lecarbone de ce composé humique (Ben Aissa,1993). Les sols étudiés étant tous carbona-tés, leur calcaire actif devrait jouer un rôleimportant dans le processus d’humificationen séquestrant rapidement les composésorganiques lignifiés sous forme d’huminehéritée ou résiduelle (Duchaufour, 1977). Lemême processus est apparemment valablepour les sols à excès de Na dans les solu-tions qui favorisent l’accumulation del’humine résiduelle (Gallali, 1980). Le cal-caire agirait ainsi comme protecteur contreles dégradations biologiques de la matièreorganique de ces sols pour en faire unephase stable peu sensible même auxapports d’engrais organiques. Cette phasestable de la matière organique est d’ailleurspeu affectée par l’apport de fertilisants,étant donné que la majorité des processusde « turnover » se situent dans la phasedite labile du C organique (Dabin, 1976).

Le renouvellement des réserves organiquesdans ces sols a pour seule origine les sous-produits de récolte, en l’occurrence leschaumes et les racines, qui mettraient dansle sol de 121 à 166 g/m2 de C organique parannée de culture selon les espèces(Bolinder et coll., 1994). De tels chiffres,qui amèneraient entre 2,08 et 2,86 tonnesde matière organique, sont très éloignés de

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ce qui est cité par Jones et Kiniry (1986, inLe Villo et coll., 2001) concernant les resti-tutions organiques stables des culturescéréalières sous un climat tempéré humide(550 kg de restitutions obligatoires et500 kg de restitutions facultatives). Or, enconditions semi-arides, la végétation estmoins développée et les restitutionsdevraient être plus faibles. Ceci dénotel’importance des actions d’intensificationdes apports organiques dans ces sols, mêmes’ils étaient dans une situation d’équilibre,comme l’a constaté Cerri (1988) sous uneculture de canne à sucre. Seul un change-ment de mode de culture pourrait remédierà cette carence en apports organiques. Lestock de matière organique aurait doublé endeux ans dans des vertisols de laMartinique nouvellement exploités en cul-ture prairiale (Chotte, 1988).

Cette matière organique en raison de safaible teneur dans les sols étudiés est peuimpliquée dans le processus d’échangecationique qui reste surtout régi par la frac-tion minérale. Le potassium en provenancede la décomposition des chaumes et quis’insère en position interfoliaire dans lesargiles serait, selon Boissezon (1988), àl’origine du processus d’illitisation de cesdernières, provoquant ainsi une diminutionde la CEC du sol. Ce processus de néofor-mation des illites ne serait cependant pastrès important dans ce type de sol, bien queles restitutions de chaumes soientfréquentes. L’ambiance physico-chimiquedans ces sols devrait être plutôt dominéepar les excès de carbonates qui libèrent duCa++ atténuant fortement l’impact dupotassium. Il en découle que les chargesnégatives dans ces sols sont majoritaire-ment saturées en calcium et en magnésium(Ben Hassine, 2002), appuyant ainsi laprédominance de la genèse de beidellitecalcique (Ben Hassine, 2006).

Ni le potassium, ni le phosphore ne sontfortement mobilisés par la matière organi-que dans ces sols. P est apporté essentielle-ment par fertilisation et sa présence à l’étatsoluble n’est pas durable. K est surtoutlibéré par les espèces minérales présentesdans ces sols et qui sont essentiellementdes illites et des micas.

Si on conseille les techniques de non-labour ou du labour minimal pour conser-ver et accroître la séquestration du carbone

organique dans les sols cultivés (Alvaro-Fuentes et coll., 2008; Franzluebbers etStuedemann, 2008), cette pratique n’estpas applicable pour ce type d’utilisation engrandes cultures qui nécessitent de nom-breuses préparations visant essentiellementà améliorer les propriétés physiques etsurtout la capacité de rétention en eau. Enoutre, des travaux récents ont montré quemême si la technique de non-labour accroîtla séquestration du carbone organique ensurface, elle ne l’accumule pas plus dans latotalité du profil que les sols labourés(Blanco-Canqui et Rattan., 2008). Lessolutions de rechange pour augmenter lesteneurs en matière organique de ces solsseraient les épandages de fumier et dedéchets organiques de toutes sortes, dontles boues des stations d’épuration(Korboulewsky et coll., 2001). Cesdernières ont cependant le double incon-vénient (FAO, 2008) :

- De présenter un risque environnementalde pollution, ce qui nécessite de prendredes mesures spécifiques pour éviter lacontamination des sols, des eaux et ducouvert végétal.

- D’avoir un rendement très bas en carbonestable dans le sol et de nécessiter destechniques de mûrissement par com-postage qui améliorent les fractions decarbone stable pouvant atteindre 0,2 à0,5 tonne de carbone séquestré pour20 tonnes/ha de compost.

Conclusion

La matière organique des sols céréaliers duNord-Ouest de la Tunisie étudiés surplusieurs points de prélèvement répartissur la majorité des types pédogénétiquesprésents dans ces régions, a été analyséepar trois méthodes différentes. Une telleprocédure a permis d’évaluer le coefficientde conversion du C organique en matièreorganique en prenant comme référence laméthode de combustion sèche. Les valeursde ce coefficient ont été exceptionnelle-ment élevées dans cette étude probable-ment à cause d’une légère surestimation decette matière organique par un séchageinsuffisant à 105 °C pendant 24 heures. Unséchage à 150 °C aurait été préférable. Celan’a cependant pas empêché d’obtenir une

corrélation hautement significative avec laméthode Anne. Par ailleurs, les détermina-tions chimiques du carbone du sol ont per-mis de trouver un taux d’extraction du C parla méthode Walkley & Black de 87 % parrapport à la méthode Anne pour la quaran-taine d’échantillons analysés. Un tel chiffreest supérieur à celui de 77 % déjà connucomme taux d’extraction de la méthode àfroid (W & B) par rapport à la méthode àchaud (Anne).

Les teneurs des sols en cette matièreorganique sont souvent inférieures à 2 %avec quelques exceptions où on peut mêmetrouver des valeurs supérieures à 3 %. Sielle influence nettement le pouvoird’échange des sols, cette matière organiqueparticipe faiblement à la dynamiqued’échange de cations du fait de ses faiblesréserves (particulièrement le potassium).C’est grâce à leurs argiles que ces solsacquièrent parfois de fortes CEC pouvantdépasser les 30 meq/100 g.

Le phosphore, malgré des teneurs nonnégligeables sous forme assimilable, n’estpas mobilisé par la matière organique etdoit être exposé à la rétrogradation apati-tique du fait de l’abondance de calcairedans les sols étudiés.

Les sols céréaliers peuvent avoir acquis unéquilibre entre les entrées et les sorties du Corganique, mais au vu des faibles teneurs encet élément, les risques de dégradation de lastructure et le déclenchement de processusérosifs sont possibles. Le meilleur remède àcette situation serait un changement demode de gestion de ces sols qui a montré seseffets positifs dans d’autres milieux. Unetelle éventualité n’est pas applicable dansles conditions actuelles puisque les solssont destinés à produire des grains decéréales dont la demande à l’échelle localeet internationale est sans cesse croissante.L’épandage des boues d’épuration aprèstraitement par compostage est une autresolution qui pourrait être envisagée, enprenant toutes les précautions nécessairespour éviter la pollution du milieu.

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