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La REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES assure, en accord avec les intéressés, la publication officielle des Actes et documents concernant les organisations internationales suivantes :

L'Association internationale des sciences éco­nomiques ;

L'Association internationale de science poli­tique;

L'Association internationale de sociologie; L'Association internationale des sciences juri­

diques;

L'Association mondiale de recherches sur l'opi­nion publique ( W . A . P . O . R . ) ;

Le Comité international de documentation dans les sciences sociales;

Le Conseil international des sciences sociales.

D E R N I E R S N U M É R O S P A R U S :

Vol. IX, n° 4 : Le Noir aux États-Unis d'Amérique.

Vol. X , n° ï : Conséquences sociales de 1'automation.

Vol. X , n° 2 : Le rôle de l'exécutif dans l'État moderne.

Vol. X , n° 3 : Recherches récentes en matière de rela­tions raciales.

Vol. X , n° 4 : Techniques de médiation et de conci­liation.

Les articles signés n'engagent que leurs auteurs. La reproduction gratuite des articles de ce numéro est autorisée après accord avec la rédaction.

Toute correspondance relative à la présente revue doit être adressée à : M . le Directeur général de l'Unesco, place de Fontenoy, Paris-7e, et porter la mention : « A l'attention du Département des sciences sociales, Rédaction de la Revue ».

PRIX ET CONDITIONS D ' A B O N N E M E N T [A] Prix du numéro : 6oo FF ; $2.00 ; io/-(stg. ). Abonnement annuel : 2 000 FF ; $6.50 ; 32,6 (stg.).

Adresser les demandes d'abonnement aux agents généraux, qui vous indiqueront également les tarifs en monnaie autre que celles qui sont indiquées ci-dessus. Prière d'accompagner tout changement d'adresse de la dernière bande d'expédition.

SS.59.1.41.F C U N E S C O 1951)

REVUE INTERNATIONALE

DES SCIENCES SOCIALES

V O L U M E X I — 1959

U N E S C O

U N E S C O REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES

REVUE TRIMESTRIELLE

V O L . XI, N° I, I959

TABLE DES MATIÈRES

P R E M I È R E PARTIE :

ASPECTS SOCIAUX D E L A S A N T É M E N T A L E

En guise d'introduction, par J. R . Rees 7 Le milieu et la santé mentale, par Marie Jahoda 15 Les effets de l'urbanisation sur la santé mentale, par Tsung-yi Lin aè Les relations humaines dans l'industrie, par R . F . Tredgold 37 Les problèmes de santé mentale à l'hôpital, par P . Sivadon 48 La santé mentale dans les établissements d'enseignement supérieur aux

États-Unis d'Amérique, par Dana L . Farnsworth et Henry K . Oliver . . 58 L'aspect international des problèmes de santé mentale, par E . E . Krapf . . 69

D E U X I È M E PARTIE :

L 'ORGANISATION D A N S LES SCIENCES SOCIALES, C H R O N I Q U E S E T INFORMATIONS

I. É T U D E S E N COURS E T CENTRES D E R E C H E R C H E S

Le stage franco-polonais sur les sondages d'opinion publique, par M . Jollivet 81

Le Center for International Affairs, de l'Université Harvard. . . . 104 Le Centre d'étude des relations sociales, de l'Université d'Aix-Marseille . 105 L'Institut international pour l'étude des problèmes humains d u travail,

N a m u r 106

IL D O C U M E N T S D E S N A T I O N S U N I E S E T C H R O N I Q U E S B I B L I O G R A P H I Q U E S

Documents et publications des Nations Unies et des institutions spécialisées. 109 Chroniques bibliographiques 126 Livres reçus et notes bibliographiques 135

III. I N F O R M A T I O N S DIVERSES

Le Ier Congrès italien de sciences sociales, par Alessandro Pizzorno. . . 141 Réunions tenues en 1958 par l'Association internationale des sciences

économiques 149 La trente et unième session de l'Institut international de statistique,

Bruxelles, a-8 septembre 1958 15a U n colloque international à l'Université de Strasbourg, 24-27 mars 1958. 153 L ' « International Directory of Psychologists » 154 Création d'une société d'histoire de la technologie, Cleveland, Ohio . . 1 5 4 Dotation Carnegie pour la paix internationale (centre européen) : prix

sur l'organisation internationale 155

ONT COLLABORE AU PRÉSENT NUMÉRO :

Dana L . F A R N S W O R T H , Université Harvard. Marie J A H O D A , Brunei College of Technology, Londres. M . JOLLIVET, Centres d'études sociologiques, Paris. E . E . K R A P F , Organisation mondiale de la santé, Genève. T S U N G - Y I LIN, Université nationale, Taiwan. Henry K . O L I V E R , Université Harvard. Alessandro PIZZORNO, Centro per la ricerca operativa, Milan. J. R . R E E S , directeur de la Fédération mondiale pour la santé mentale, Londres. P. S I V A D O N , vice-président de la Fédération mondiale pour la santé mentale, Paris. R . F. T R E D G O L D , University College Hospital, Londres.

P R E M I È R E P A R T I E

ASPECTS SOCIAUX DE LA SANTÉ MENTALE

EN GUISE D'INTRODUCTION

par J. R . REES

« Si la politique générale favorise l'acquisition de connaissances nouvelles, si les praticiens de la santé mentale coopèrent avec les h o m m e s de science à des expériences réfléchies, si l'on parvient à appliquer les conclusions des recherches sans attenter à l'infinie diversité de la nature humaine, alors le souci de la santé mentale contribuera peut-être à améliorer la qualité de l'existence 1. »

Cette notion de « qualité de l'existence » a pour m o i quelque chose de revi­gorant; elle stimule l'imagination et incite à « repenser » les fins de l'action menée dans le m o n d e entier en faveur de la santé mentale. Cette amélioration est peut-être précisément ce que nous recherchons pour la santé — santé sociale, santé physique et santé mentale.

« Améliorer la qualité de l'existence » a sans doute un sens pour les gens de tout âge et de tout milieu culturel. C'est une partie, semble-t-il, de ce que les Nations Unies essaient de faire, dans leur Assemblée générale et leur Conseil de sécurité. L'activité multiforme de l'Unesco vise assurément, elle aussi, à améliorer la qualité de l'existence; et c'est à ce but que tendent les autres institutions spécialisées et la plupart des organisations internationales non gouvernementales.

Les articles qui constituent ce numéro spécial de la Revue internationale des sciences sociales traitent évidemment de différents aspects de cette recherche de la qualité. Les travaux qu'ils décrivent — déjà réalisés ou encore à l'état de projets — visent à améliorer la qualité de l'existence que l'on m è n e dans maints pays.

Les personnes qui s'occupent de recherches sur la santé mentale ou de l'appli­cation pratique des conclusions de ces recherches appartiennent à des profes­sions très diverses. Les sciences du comportement sont nombreuses, et chacune apporte sa contribution particulière à une meilleure compréhension de ce qu'est la santé et à la régression des maladies mentales.

Aussi loin que l'on remonte dans l'histoire, on constate que les h o m m e s ont reconnu les déficiences de la santé mentale. A certaines époques, ils ont montré, dans la façon d'y remédier, de grands éclairs de sagesse; à d'autres, leur action a été entravée par l'ignorance, la négligence, et souvent aussi la superstition. Depuis trente ans, les soins donnés aux malades mentaux et les traitements psychiatriques qui leur sont appliqués ont progressé de façon extraordinaire. Depuis dix ans, on attache beaucoup plus d'importance à la prophylaxie et, par conséquent, aux connaissances et aux techniques qui

I. D r Marie J A H O D A , Current Concepts of Positive Mental Health, p. n o , Basic Books Inc., New York, 1958. (Monograph Series n° / du Joint Commission on Mental Illness and Health.)

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

permettent de prévenir le développement des troubles mentaux et d'accroître, chez les enfants, de génération en génération, la capacité de résistance à ces maladies. O n s'oriente ainsi vers ce que l'on a appelé une « santé mentale positive », c'est-à-dire l'aptitude à améliorer la qualité de l'existence, à la rendre plus satisfaisante dans des circonstances extrêmement variables et malgré l'instabilité du m o n d e contemporain.

Si l'on insiste ainsi sur la santé mentale, aussi bien que sur la maladie mentale, et sur la nécessité de mesures positives et préventives, c'est que, dans la plupart des pays du globe, on est conscient du fait que les problèmes posés par les maladies mentales semblent s'aggraver. Cette aggravation n'est nul­lement certaine et l'on ne pourra se prononcer sur la question que le jour où des enquêtes minutieuses auront permis de fixer certains repères statistiques valables. L'amélioration des méthodes de formation appliquées dans les diverses professions intéressées — notamment en médecine — a aidé à faire mieux comprendre les facteurs génétiques, sociaux et mésologiques qui peuvent pro­voquer des tensions, des angoisses et des troubles psychiatriques plus graves. Il s'ensuit que ces états morbides sont décelés plus vite et que le diagnostic a gagné en exactitude. C'est peut-être l'une des raisons qui font généralement croire à l'aggravation de ces problèmes.

L a modification rapide des structures socio-culturelles — sous l'effet de l'industrialisation et d'autres transformations qui sont en cours dans le m o n d e entier et qui tendent à élever le niveau de vie — peut elle-même susciter de nouvelles formes de tension. Sans doute contri bue-t-elle à réduire la tolérance accordée naguère au comportement anormal d'individus que protégeait leur famille ou leur tribu. Et c'est là une autre raison pour que l'attention publique soit plus fréquemment attirée sur ce genre de maladie ou d'anomalie de la personnalité.

Les activités sociales, éducatives et médicales exercées par l'Organisation des Nations Unies ou dans le cadre de conventions régionales et bilatérales, ainsi que l'intérêt accru des organisations non gouvernementales, ont contri­bué, dans de nombreux pays, à faire admettre par les autorités responsables que ces problèmes existent, qu'ils imposent à la collectivité une charge sociale, financière et humanitaire, et qu'il faut faire quelque chose pour les ré­soudre.

C'est cette modification générale des attitudes et des opinions qui a conduit la Fédération mondiale pour la santé mentale, stimulée par l'exemple de l'Année géophysique internationale, à décider d'organiser en i960 une Année mondiale de la santé mentale afin de donner une impulsion scientifique aux recherches et aux campagnes de santé mentale. L'organisation de l'Année mondiale de la santé mentale a pour but d'encourager le progrès scientifique et l'application pratique des connaissances acquises. Il ne s'agit pas de mettre en vedette l'action de la Fédération mondiale, ni celle d'aucun autre organisme gouvernemental ou non gouvernemental associé aux travaux de cette Année mondiale de la santé mentale.

Il suffira donc, dans le présent article, d'indiquer très brièvement quelle ont été les aspirations et les activités de la fédération, depuis dix ans qu'elle existe. Précisons, à l'intention du lecteur, que la fédération est une organi­sation internationale non gouvernementale, fondée par 22 associations, qui groupe maintenant 111 associations ou sociétés professionnelles de la santé mentale, ainsi que 73 organisations affiliées. L a fédération a toujours eu foi dans les travaux interdisciplinaires et compté, pour le progrès des notions de

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T E M E N T A L E

santé mentale, sur les discussions de groupes plutôt que sur l'enseignement magistral. Ses liens avec l'Organisation des Nations Unies sont allés se resser­rant d'année en année, et elle a coopéré de plus en plus avec un grand nombre d'autres organisations internationales non gouvernementales qui, c o m m e elle, bénéficient du statut consultatif auprès de l'o.N.u. et des institutions spécialisées. Elle a organisé plus de vingt réunions d'experts sur divers sujets, et des réunions régionales dans diverses parties d u m o n d e ; les réunions annuelles de ses asso­ciations membres se sont tenues dans différents pays. Grâce à des entrevues personnelles et à l'envoi de consultants, elle a intensifié ses relations avec les associations membres , avec les gouvernements des 42 pays où elle compte des adhérents, et avec ceux de 20 autres pays.

Parmi les institutions spécialisées, c'est l'Unesco et l'Organisation mondiale de la santé qui ont, à l'origine, réclamé la création de la Fédération mondiale : une organisation privée exerçant son activité dans le domaine de la santé mentale ne pouvait, en effet, que servir leurs fins. A l'Unesco, les départements des sciences sociales et de l'éducation se sont beaucoup intéressés à la santé mentale, bien qu'ils aient parfois estimé plus conforme à leur rôle particulier au sein des Nations Unies d'employer les expressions « développement de l'enfant » ou « problèmes moraux et sociaux », et qu'ils aient hésité à recourir au mot « santé ». L a fédération a eu le privilège de collaborer étroitement avec ces départements à propos de diverses questions — par exemple, le projet relatif aux états de tension et son prolongement, l'étude des techniques des conférences internationales. E n vertu de contrats passés avec l'Unesco, elle a publié un manuel intitulé Sociétés, traditions et technologie, pris des dispositions pour la production de Personnes déplacées, consacré des études spéciales à divers thèmes et présenté, au sujet des programmes de l'Unesco, des suggestions qui ont été retenues. L'Unesco n'a évidemment jamais perdu de vue que « les guerres prennent naissance dans l'esprit des h o m m e s », c o m m e il est dit dans son Acte constitutif.

D'après sa constitution, l'Organisation mondiale de la santé se consacre au « bien-être physique, mental et social » des h o m m e s . Sa section de la santé mentale a été créée en 1949, mais sur un pied trop modeste. Elle n'en a pas moins accompli une œuvre remarquable, depuis neuf ans qu'elle existe. C'est peut-être dans les domaines médicaux de la thérapeutique et de la prévention que l'apport de l'o.M.s., dont l'orientation est essentiellement médicale, a été le plus important, bien que ses activités deviennent de plus en plus multiprofes-sionnelles — c o m m e il se doit si la santé doit bénéficier de la priorité indis­pensable.

Des six bureaux régionaux de l'o.M.s., celui d'Europe est celui qui a eu le moins à s'occuper des grandes maladies mortelles; aussi a-t-il souvent pris l'initiative de travaux sur la santé mentale, et ceux-ci ont toujours été d'une haute qualité. Tout en mesurant parfaitement l'importance de ces questions, les autres bureaux régionaux — essentiellement occupés à lutter, avec des budgets réduits, contre les graves problèmes que posent le paludisme et les autres grandes maladies physiques — n'ont évidemment pas pu se consacrer dans la m ê m e mesure à l'étude des attitudes des h o m m e s et des femmes à l'égard de la maladie et de la santé, et à l'étude de leurs troubles psychiques. Depuis quelques années, il semble que la rapidité avec laquelle évoluent, dans la plupart des pays, les structures socio-culturelles soit génératrice de tensions et d'angoisse. Dans bien des cas, il faudra longtemps pour mettre sur pied les moyens de traitement suffisants ; aussi est-il indiqué d'organiser la

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

prophylaxie des troubles psychologiques en s'inspirant des méthodes appli­quées en matière de santé publique.

D e nombreuses organisations intergouvernementales coopéreront aux tra­vaux de l'Année mondiale de la santé mentale, et des institutions gouverne­mentales de différents pays prêteront également leur concours et leur appui. Tout est donc prêt pour un vaste effort, convergeant de nombreux points différents sur les problèmes de la maladie mentale et l'amélioration des conditions de vie des générations futures.

L a Journée mondiale de la santé, organisée chaque année par l'o.M.s., aura pour thème, en avril prochain, la maladie mentale et la santé mentale dans le m o n d e contemporain; le fait, en lui-même, est significatif et indique un changement de « climat ». Le choix d 'un pareil thème n'aurait pas été possible, il y a quelques années. E n fait, la Journée mondiale fournit une excellente occasion d'appeler l'attention du m o n d e entier sur l'action de l'o.M.s. et sur les nombreux problèmes de santé qui sont encore à résoudre, et de mettre en train des travaux qui se poursuivront, en coopération, jusqu'en 1961 environ. Il est m ê m e certain que beaucoup des entreprises nouvelles de cette période n'arriveront à leur terme que bien des années plus tard.

Tout cela exigera non seulement de l'argent, mais surtout, dans le m o n d e entier, l'intérêt et le zèle des chercheurs et des praticiens de la santé publique et de la santé mentale.

L a Joint Commission on Mental Illness and Health, qui fonctionne aux États-Unis depuis deux ans, a fait connaître, grâce aux efforts de certains de ses membres, divers travaux de recherche judicieusement conçus qui ont été menés à bonne fin et dont les conclusions suggèrent souvent la possibilité d'une action sociale qui permettrait de remédier à certains des faits étudiés. Ces conclusions n'ont pas encore été rendues publiques, mais seront d'un grand intérêt pour nous tous, lorsqu'elles paraîtront.

C e que l'on attend des sciences sociales et de la psychiatrie, ce sont des données et des constatations sur lesquelles on puisse se fonder pour dresser les plans d'une action sociale d'ordre éducatif ou, au besoin, législatif. O n sait que les spécialistes des sciences sociales ont déjà aidé la Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique à prendre une décision extrêmement importante à l'égard du problème racial.

Israël nous a fourni un excellent exemple d'action sociale 1, dans un domaine où certaines données étaient bien connues mais n'avaient encore jamais servi de base à des mesures positives. Tous ceux qui travaillent dans les hôpitaux pédiatriques savent bien que les enfants victimes de violences sexuelles souffrent souvent plus de devoir comparaître devant un tribunal et répondre aux divers interrogatoires que du traumatisme lié aux violences qu'ils ont subies. Il y a quelques années, Israël a pris des mesures pour remédier à cet état de choses : une loi a été votée, aux termes de laquelle aucun enfant de moins de quatorze ans victime de violences sexuelles ne doit être appelé à déposer en justice. Sa déposition devant le tribunal est remplacée par celle d 'un agent des services sociaux qui a d'abord fait raconter toute l'affaire par l'enfant, en privé (ce qui constitue probablement, en soi, une bonne façon de soigner cet enfant). Il semble que le barreau se soit d'abord montré fort hostile à ce genre de témoignage indirect ; mais jamais, jusqu'à présent, l'accusé ne

1. « Sexual Offenses Against Children : A N e w Method of Investigation in Israel i, World Menial Health, vol. g, n° 2, mai 1957, p. 74-82.

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T E M E N T A L E

paraît avoir été, de ce fait, victime d'une injustice. C'est là une véritable action préventive, car les violences sexuelles peuvent avoir des séquelles graves sur le plan psychologique. Elles sont souvent à l'origine de difficultés qui empêchent le mariage, provoquent la frigidité et peuvent, dans une cer­taine mesure, se transmettre à la génération suivante. L a loi en cause est donc de nature à prévenir certaines déformations de la personnalité, non seulement dans u n groupe de personnes relativement restreint, mais dans une section bien plus importante de la population.

Parmi les raisons d'agir, l'une des plus intéressantes appartient au domaine des rapports entre la mère et l'enfant : nous voulons parler du sentiment d'insécurité, aux effets parfois désastreux, que peut provoquer chez l'enfant la brusque interruption de ces rapports. Des recherches faites dans divers pays ont montré que l'enfant souffre souvent de n'avoir avec sa mère — ou celle qui la remplace — que des rapports lointains ou aléatoires, soit en raison des circonstances domestiques, soit à cause d'une hospitalisation, et que les effets de cette frustration sur la personnalité de l'enfant sont parfois irréversibles. Beaucoup des conclusions des travaux de cet ordre ont été recueillies dans une monographie publiée par l'o.M.s. 1, qui a eu beaucoup de lecteurs et a inspiré nombre de mesures pratiques. Dans le m o n d e entier, beaucoup d'hôpitaux pédiatriques qui n'étaient pas organisés de manière à permettre à la mère de voir son enfant régulièrement, ou de séjourner auprès de lui, ont maintenant pris les dispositions nécessaires à cet effet.

Sur la recommandation des pédiatres, on apporte plus de soins à la prépa­ration psychologique des jeunes enfants qui doivent entrer à l'hôpital. Il reste à expliquer, mieux qu 'on ne l'a fait jusqu'ici, pourquoi certains sujets sont moins affectés que d'autres en pareil cas; mais, en attendant, la conscience accrue des dangers psychologiques que courent les jeunes enfants, et les précautions que l'on prend pour en réduire le risque, ont des conséquences qui contribueront certainement à assurer une meilleure santé mentale à ces enfants, au cours de leur croissance.

Les questions d'évaluation ont déjà été examinées dans cette Revue et, bien qu'il soit difficile de procéder à l'évaluation de projets visant à favoriser la santé mentale, il a été possible de réunir une certaine documentation, d'où il ressort que les groupes d'étude et de discussion qui ont traité des sujets de cet ordre ont réussi à susciter une action sociale très importante et très bénéfique.

Le temps n'est plus où l'on pouvait parler sans aucune rigueur scientifique de la santé mentale ou physique et considérer les thérapeutiques c o m m e une nouvelle forme de magie. Le succès de notre entreprise demande des travaux scientifiques minutieux, des plans dressés avec soin et un changement progressif d'attitude de la part des autorités, officielles et autres. Les problèmes dont il s'agit ici réclament les soins les plus diligents de tous ceux qui s'occupent du développement et du comportement humains. Ils présentent des aspects très divers — depuis l'architecture des hôpitaux psychiatriques jusqu'à la vie des communautés nationales et internationales.

Les plans relatifs à l'Année mondiale de la santé mentale ont donc été conçus en vue de progrès dans ce sens. O n espère que tous les pays du globe prendront à cette occasion l'initiative de certaines activités spéciales, qui commenceraient à peu près au m o m e n t de la Journée mondiale de la santé,

I. J. B O W L B Y , Soins maternels et santé mentale, 1952. (Organisation mondiale de la santé, Série de monographies, n° 2.)

II

R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

en avril 1959. N o u s avons d e m a n d é aux pays où il existe des associations affi­liées à la Fédération mondiale d'élaborer, s'ils le peuvent, des programmes nationaux d'action en faveur de la santé mentale, répondant aux besoins de ces pays et visant à combler les lacunes qui y existent, soit dans les connaissances relatives aux problèmes de santé mentale, soit dans les moyens dont on dispose pour résoudre ces problèmes.

Actuellement, le programme central comprend cinq rubriques. Chacun de ces points principaux devra être étudié de très près, de manière à délimiter ce qui a déjà été fait et ce qui reste à faire, et à déceler les lacunes de nos connaissances ainsi que les faiblesses de notre pratique actuelle. Suivant l'importance des fonds dont on disposera pour chacun de ces cinq projets principaux, on désignera un coordonnateur ou l'on constituera une équipe de techniciens ; et, selon le cas, on apportera des additifs ou des modifications aux plans de détail qui sont actuellement prévus pour chaque projet, et qu'il serait trop long de reproduire icil.

Toutes ces activités centrales sont d'ordre international, en ce sens que les participants confronteront les leçons de leur expérience et se c o m m u n i ­queront des renseignements sur les méthodes ou techniques nouvelles qu'ils appliquent. Certains au moins des projets prévus permettront de commencer à recueillir des données dans différents pays aux fins de comparaison et, par conséquent, de fixer des repères objectifs d'après lesquels on pourra, à l'avenir, mesurer de façon plus précise les progrès réalisés dans ces pays, ou les exigences d'une action plus efficace.

Les activités générales d'ordre international sont les suivantes :

1. Les besoins des enfants (les enfants et la famille dans un monde en voie d'évolution).

O n se propose d'encourager les chercheurs à faire des études sur les enfants dans des sociétés en voie d'évolution rapide et dans des groupes minoritaires. O n espère pouvoir procéder à quelques études comparées des causes sociales et psychologiques de la délinquance juvénile et examiner les possibilités offertes aux enfants déficients ou exceptionnels. O n envisage la possibilité d'organiser, dans de nombreux pays, des conférences d'études sur les besoins des enfants et des jeunes, comparables, sur certains points, à la White House Conference des Etats-Unis d'Amérique, laquelle doit avoir lieu de nouveau en i960.

Diverses autres possibilités ont été suggérées : échanges d'informations concernant les recherches sur le développement de l'enfant, encouragement d'études sur les principes dont s'inspire l'éducation dans divers pays, etc.

2. Enquêtes relatives à la santé et aux maladies mentales.

A cet égard, il semble qu'il faudra procéder en trois étapes : a) enquête sur les attitudes à l'égard de la maladie mentale et à l'égard des malades mentaux (adultes et enfants) et enquête sur les ressources dont dispose une communauté donnée ; b) effort de normalisation plus poussée de la nomenclature des maladies et déficiences mentales ; c) enquêtes sur la fréquence des troubles psychiatriques dans le plus grand nombre de pays possible.

T. Pour de plus amples renseignements sur l'Année mondiale de la santé mentale et sur son programme, s'adresser à : The Scientific Director, W . F . M . H . , 19 Manchester Street, London, W . I .

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

Des travaux préparatoires aux activités futures ont déjà c o m m e n c é dans les trois secteurs indiqués ci-dessus. L a Fédération mondiale pour la santé mentale collabore de façon suivie avec l'Organisation mondiale de la santé, qui est plus spécialement chargée des étapes b et c, tandis que c'est au premier chef la F . M . s . M . qui s'occupe de l'étape a. Les deux organisations participent, à titre réciproque, aux conférences qu'elles organisent respectivement sur les méthodes à employer dans le premier et le troisième cas, et elles ont c o m m e n c é à appliquer certains tests visant à déterminer l'utilité des données déjà recueil­lies pour les enquêtes sur les attitudes.

U n e fois ces essais pratiques terminés, u n manuel sera mis au point et l'on espère qu 'un certain nombre de pays souhaiteront que des enquêtes pilotes soient faites, sur leur territoire, par des groupes de personnes qui devront naturellement avoir été préparées à cette tâche. L ' O . M . S . a l'intention, une fois le manuel terminé, de prendre des dispositions pour assurer cette formation.

Les connaissances nouvelles qui seront ainsi accumulées pendant un certain nombre d'années devraient permettre l'élaboration de meilleurs plans à long terme pour les pays intéressés, et l'on espère produire u n manuel sur la planification en matière de santé mentale.

3. L'enseignement des principes de la santé mentale.

Il s'agira d'inclure dans la formation de nombreux groupes professionnels — médecins, spécialistes des sciences sociales appliquées, éducateurs, infir­mières, agents des services sociaux, etc. — u n enseignement approprié sur la santé mentale, no tamment sur la détection rapide des troubles mentaux. Il faudra procéder à u n inventaire soigneux de la documentation existante, rédiger d'autres documents, établir de nouveaux programmes d'études ; en outre, dans de nombreux pays, il sera sans doute nécessaire d'organiser des cours pour permettre à ceux qui auront à instruire les autres de se d o c u m e n ­ter aussi complètement que possible.

4 . La santé mentale et les aspects sociologiques de l'évolution industrielle.

E n ce qui concerne le développement industriel des pays en voie d'évolution rapide, il conviendra d'examiner la situation d'après la documentation exis­tante et à la faveur de missions. Bien des malentendus relatifs au travail industriel ont p u être dissipés grâce à des recherches, et l'on a déjà établi la possibilité de prévenir bien des difficultés. Il est donc important de transmettre à d'autres l'expérience des pays industrialisés. L'aspect psychologique des relations industrielles exigera de longues études, no tamment en raison des divergences de conception et de pratique qui séparent les différents conti­nents et les différents pays.

D e nombreux problèmes — par exemple, les migrations de main-d 'œuvre et leurs conséquences pour les travailleurs et pour leur famille restée au pays, les effets d ' un allongement ou d ' u n raccourcissement de la semaine de travail, le tendance de plus en plus fréquente à faire deux métiers à la fois — seront d 'une étude profitable. Nous espérons que l'on pourra consacrer des m o n o ­graphies à des exemples d'industrialisation plus ou moins réussie.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

5. Les problèmes psychologiques de la migration.

L a situation actuelle n 'a nulle part été étudiée à fond, et les lacunes de nos connaissances sont aussi manifestes que les échecs de nos pratiques. Il sera nécessaire de se concerter avec des organisations qui, dans le m o n d e entier, se sont occupées de réfugiés et d'étudier les documents qui ont trait à la question. Il faudra examiner les problèmes suscités par les migrations volontaires et involontaires, et en faire ressortir les bons et les mauvais côtés. L'étude des problèmes de certains groupes spéciaux — par exemple, ceux des réfugiés adolescents séparés de leur famille, ceux de la population du pays d'accueil et ceux des immigrants — permettra probablement de produire un manuel à jour sur les aspects sociaux et psychologiques de la migration. Cela devrait conduire à traiter les problèmes de cet ordre de façon plus judicieuse, tant sur le plan humain que sur le plan officiel.

Il n'est pas un de ces projets qui ne fasse appel aux sciences du comporte­ment ; aussi comptons-nous, pour le succès de l'Année mondiale de la santé mentale, sur l'aide de tous ceux — où qu'ils soient — qui possèdent des connaissances théoriques ou pratiques applicables à ces questions particulières.

Il nous faut insister encore sur la nécessité de recherches plus actives et d'une documentation objective plus abondante, que les différents pays puissent échanger pour leur bénéfice mutuel.

A l'heure actuelle, nous savons plus de choses que nous n'en utilisons ; autrement dit, nous ne traduisons pas en action tous les éléments étiologiques que nous connaissons. L'exemple des mesures prises en Israël, dont nous avons parlé plus haut, souligne cette vérité.

Les articles publiés dans le présent numéro dela Revue exposent certaines des idées et quelques-uns des problèmes qui nous intéressent. Le projet d 'Année mondiale de la santé mentale, dont ces articles marquent en quelque sorte l'inauguration, offre aux sciences sociales une merveilleuse occasion d'enrichir nos connaissances et de les employer de façon plus judicieuse à améliorer la qualité de l'existence.

H

LE MILIEU ET LA SANTÉ MENTALE

par MARIE JAHODA

Il y a bien longtemps que l ' h o m m e s'intéresse aux maladies mentales ; mais l'intervention des spécialistes des sciences sociales dans ce domaine est toute récente. C o m m e il relève traditionnellement de la médecine et des sciences apparentées, il était à prévoir que les nouveaux venus ne seraient pas toujours accueillis à bras ouverts. M ê m e aux États-Unis, où les sciences sociales jouissent peut-être d 'un plus grand prestige que dans tout autre pays, on envisage encore avec méfiance, dans certains milieux, l'idée qu'elles puissent faciliter la compréhension de ce problème. Le soin jaloux que l'on apporte à défendre les droits exclusifs des sciences biologiques à l'égard des questions de santé et de maladie mentales a une conséquence salutaire : il nous force, tel un défi, à examiner les postulats sur lesquels reposent les recherches sociales de cet ordre et la nature de la contribution qu'elles peuvent raisonnablement pré­tendre apporter. Nous voudrions, dans le présent article d'introduction, relever ce défi, auquel les auteurs des autres articles riposteront de leurs points de vue divers.

Les spécialistes de toutes les disciplines intéressées s'accordent à reconnaître que nous ne savons encore que bien peu de choses sur la santé et les maladies mentales ; cependant les progrès accomplis depuis quelques années par la biochimie font espérer que l'on parviendra à traiter, au moyen de médica­ments, certains au moins des types complexes de comportement que l'on groupe sous le n o m de « maladies mentales ». Il semble de plus en plus, par exemple, que certaines anomalies du métabolisme se rencontrent fréquemment chez les schizophrènes. C e n'est évidemment pas toujours le cas, et certaines personnes dont le métabolisme est anormal ne sont pourtant pas schizophrènes. Cepen­dant Freud semble aujourd'hui plus que jamais avoir eu raison de prédire que la neurologie et la physiologie se substitueraient un jour à la psychothérapie. Dans ce cas, peut-être n'est-il pas trop tard pour que les sciences sociales apportent des éléments utiles à l'étude de la santé et de la maladie mentales. Personnellement, je crois la chose possible. Sur le plan de la pensée scienti­fique abstraite, il est utile d'envisager séparément les facteurs biologiques, mésologiques, culturels et psychologiques qui déterminent le comportement humain. Mais, pour comprendre et traiter des phénomènes tels que la santé et la maladie, il est indispensable de se rappeler que chaque h o m m e est une entité tout à la fois biologique, sociale, culturelle et psychologique. Ceux qui étudient ses modes d'action1 s'attachent surtout actuellement à découvrir des

ï. Les travaux de Talcott Parsons et de ses collaborateurs constituent peut-être l'effort le plus ambitieux d'élabo­ration d'une théorie générale de l'action qui soit applicable à toutes les sciences humaines. Clyde Kluckhohn a traité de ces questions, de façon claire et pénétrante, dans l'ouvrage collectif Handbook of Social Psychology, publié sous la direction de Lindzey, par Addison-Wcsley (Cambridge, 1954).

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

méthodes qui échappent à ce compartimentage, si c o m m o d e qu'il soit dans l'abstrait. E n ce qui concerne la santé et la maladie mentales, cet effort en est encore à ses débuts. Mais, m ê m e si les biochimistes devaient réussir à guérir les maladies mentales, les répercussions de certains facteurs sociaux et culturels sur la chimie de l'organisme — et inversement — sont trop avérées pour que l'on puisse en rester là. Il est nécessaire d'étudier le jeu de ces influences réci­proques, si l'on veut élaborer une science de l ' homme. Il reste à voir si les sciences sociales pourront aider, dans la pratique, à déterminer les éléments non biologiques qui interviennent dans le processus de maladie ou de guérison.

Avant d'étudier quel rôle les sciences sociales peuvent jouer à cet égard, il est utile de se rappeler que l'histoire des idées relatives à la santé et à la maladie mentales est bourrée de magie. Pendant des siècles, jusqu'à ce qu 'Hip-pocrate la leur arrachât, les prêtres et les prophètes furent seuls à détenir l'autorité en ces matières. Cependant, au déclin de la civilisation hellénique, la magie reprit sa place exclusive dans l'explication des maladies mentales. L'ère de la démonologie dura en Europe jusqu'à la seconde moitié du xviiie siècle. Lorsqu'une tradition de « pensée magique » est aussi solidement enracinée, elle a la vie dure. Science et magie peuvent fort bien cohabiter dans l'esprit humain, c o m m e l'a montré Malinowski1, qui a cité l'exemple des Trobrianders : lorsqu'il s'agit de construire et de manœuvrer leurs pirogues, ceux-ci ont recours à un m o d e de pensée rationnel et aux connaissances scien­tifiques rudimentaires qu'ils doivent à leur expérience de la navigation ; en revanche, lorsqu'ils se trouvent en face de problèmes qui dépassent leur intelligence rationnelle, ils se tournent vers la magie. O n a lieu de croire que ces deux démarches de pensée sont également complémentaires dans les civilisations occidentales industrialisées et que les croyances magiques jouent un rôle très important dans le domaine de la santé mentale, où notre ignorance dépasse de beaucoup nos connaissances. L a meilleure façon d'empêcher que notre pensée ne soit contaminée par ces vestiges de magie est d'associer diverses disciplines scientifiques à l'étude du m ê m e phénomène, ne serait-ce que parce que la visibilité relative de la paille et de la poutre dépend de leurs positions respectives.

Nous allons maintenant examiner commen t diverses sciences sociales peuvent contribuer à la compréhension de la santé et de la maladie mentales, et nous étudierons deux genres d'apport, l'un direct et l'autre indirect. Dans le premier cas, il s'agit de réflexions et de recherches sur le phénomène lui-même ; dans le second,.qui déborde le cadre de la santé et de la maladie mentales, il s'agit de la connaissance de certains phénomènes sociaux et culturels qui influent sur le développement de la personnalité.

APPORTS DIRECTS.

Nécessité d'une définition.

Le problème le plus épineux qui se pose dans le domaine de la santé mentale vient peut-être de ce que l'on n'est pas d'accord sur ce qu'il faut entendre par « santé mentale » et « maladie mentale ». Chacune de ces expressions est très souvent définie c o m m e le contraire de l'autre, dont on s'abstient de spécifier

ï. B . M A L I N O W S K I , Magic, Science and Religion, The Free Press, Glencoe (111.), 1948.

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le sens. Stafford-Clark1 admet la définition suivante de la maladie mentale : « ... toute la g a m m e des perturbations que peuvent subir l'affectivité, le juge­ment, le comportement et la personnalité humaine, lorsque ces perturbations sont assez profondes pour être considérées c o m m e anormales ». D u point de vue purement logique, cette définition laisse à désirer. Q u e faut-il considérer c o m m e « anormal », et commen t peut-on dire qu'un comportement est anor­mal, si l'on ignore en quoi consiste l'état normal ? A qui appartient-il d'en juger ? Cependant, ce genre de définition suffit aux fins pratiques des spécia­listes de la santé mentale, aux discussions scientifiques, aux recherches et m ê m e à la thérapeutique ; bien qu'on s'accorde à en reconnaître l'imperfec­tion, elle constitue un point de départ vers l'acquisition de connaissances qui permettront peut-être de formuler une définition plus exacte.

D'autre part, cette définition indique certaines des questions qui ressor-tissent au domaine des sciences sociales. Q u e faut-il considérer c o m m e anor­mal ? Les jugements relatifs à la normalité varient-ils entre les divers groupes sociaux ou culturels, d'une manière assez régulière pour être prévisible ? Quels sont les facteurs qui déterminent ces jugements ? Les historiens, les anthropologues, les sociologues et les spécialistes de la psychologie sociale ont cherché dans bien des cas concrets la réponse à ces questions, et ce travail les a conduits à développer des idées et à présenter des données que l'on ne peut plus ignorer aujourd'hui.

Prenons, par exemple, le cas de l'homosexualité, qui, dans bien des sociétés, est « anormale », au sens statistique c o m m e au sens normatif du terme. Dans de nombreux pays, on discute la question de savoir s'il faut la considérer c o m m e un délit ou c o m m e une maladie. U n e partie seulement du m o n d e scientifique souscrit à l'opinion, exprimée par Freud en 1935, selon laquelle « l ' homo­sexualité n'est certainement pas un avantage, mais elle n'est nullement un sujet de honte, ni un vice, ni un avilissement, et on ne peut pas y voir une maladie; nous la considérons c o m m e une simple variante de la fonction sexuelle » 2. Mais l'anthropologie culturelle jette une lumière nouvelle sur l'opinion, pourtant avancée, de Freud. Selon Kluckhohn 3, l'homosexualité n'est pas partout considérée c o m m e une variante de ce genre : « ... dans cer­taines collectivités, c o m m e les Sewan et les Keraki, tous les sujets mâles pra­tiquent l'homosexualité, passivement pendant l'adolescence et activement à l'âge adulte ; les Marind-Anim ont également fait de l'homosexualité une sorte d'institution... » D'autre part, il n'est nullement certain, à en juger d'après les données recueillies par Kinsey4, que l'homosexualité soit, statistiquement, anormale aux États-Unis.

Bien entendu, il serait arbitraire de déduire de ces constatations que la nature humaine est infiniment variable et que la notion de maladie mentale diffère forcément selon le milieu culturel. C'est, en grande partie, en fonction de ses propres intentions que l'observateur découvre chez les h o m m e s des élé­ments identiques ou, au contraire, des différences. Lorsqu'on s'intéresse non plus à un acte concret, c o m m e la pratique de l'homosexualité, mais à des aspects plus abstraits du comportement humain ou à des processus évolutifs, on a plus de chances de découvrir des caractéristiques universelles. Kluck-

1. D . S T A F F O R D - C L A R K , Psychiatry To-day, Penguin Books Ltd., 1952. 2. Cité par Ernest Jones dans Sigmund Freud, Life and Work, vol. 3, The Hogarth Press, Londres, 1957. 3. Op. cit. 4. A . C. K I N S E Y , W . B . P O M E R O Y et M A R T I N , Le comportement sexuel de l'homme, Éditions du Pavois, Paris, 1948.

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höhn 1 propose, pour distinguer le normal de l'anormal, certains critères univer­sels, applicables à toutes les cultures : « Toutes les cultures doivent forcément considérer c o m m e anormaux les sujets dont le comportement ne peut aucune­ment être prévu d'après les normes culturelles, ou avec lesquels il n'est jamais possible de communiquer, ou qui sont à tout m o m e n t incapables d'exercer un m i n i m u m de contrôle sur leurs pulsions. » Cette façon anthropologique d'aborder le problème de l'identification des anomalies fournit au moins une certaine base, valable pour toutes les cultures. Elle est incontestablement très imprécise encore, et notre connaissance des normes culturelles, nécessaire à l'application de cette définition, est lamentablement insuffisante, surtout — ce qui est peut-être paradoxal — en ce qui concerne les cultures des pays occiden­taux industrialisés, dont la structure est diversifiée et les normes multiples. Néanmoins, la conception de l'anomalie proposée par Kluckhohn présente l'avantage de reconnaître que le verdict d'anomalie dépend de certaines dif­férences d'ordre culturel et de ne pas tomber cependant dans un relativisme culturel extrême. Elle permet d'échapper au dilemme : ou bien considérer c o m m e des malades mentaux tous ceux dont les normes diffèrent des nôtres, ou bien renoncer à chercher, sous des symptômes qui varient avec le milieu culturel, des phénomènes morbides c o m m u n s . Considéré dans son contexte culturel, un phénomène tel que « l'extrême excitabilité de l'âme médiévale », si puis­samment décrit par Huizinga 2, par exemple, diffère complètement de l'ex­trême excitabilité que l'on observe de nos jours chez certains malades mentaux.

D e ce fait, une tâche particulière incombe au spécialiste chargé d'établir u n diagnostic en matière de santé mentale : il doit formuler ses jugements en fonc­tion des normes sociales et culturelles qui donnent sa signification au compor­tement du sujet. D e certaines études faites récemment aux États-Unis, il res­sort que des professionnels compétents ont tendance à porter, sur des troubles identiques du comportement, des diagnostics systématiquement différents, selon les antécédents sociaux du sujet. O n a tout lieu de croire que cette atti­tude n'est pas due à un préjugé de classe, mais à l'ignorance des normes sociales fort diverses qu'observent, aux États-Unis, les différents éléments de la population.

La confusion que l'on crée en dépouillant le comportement de sa signification sociale et culturelle est particulièrement manifeste dans le cas des efforts déployés pour parvenir à une définition à partir du pôle positif, celui de la santé mentale. Kingsley Davies 3 a soutenu de manière assez convaincante que le mouvement en faveur de l'hygiène mentale répond à une conception de la santé mentale fondée plus sur les convictions morales de ses adeptes que sur des notions scientifiques; d'après lui, ces adeptes « identifient la santé mentale avec l'état normal, et l'état normal avec l'adoption inconsciente d'une éthique de « classe ouverte ». « D'autres spécialistes des sciences sociales * ont fait obser­ver que le choix de tel acte ou de tel ensemble d'actes c o m m e critère de santé mentale repose forcément sur des valeurs culturelles. Ces idées, conformes à la pensée médicale moderne et corroborées par des constations anthropologiques, mènent à la conclusion que la santé et la maladie ne peuvent pas être consi­dérées c o m m e des entités ou c o m m e des ensembles bien déterminés de symp-

i. Op. cit. 2. J. H U I Z I N G A , The Waning of the Middle Ages, Doubleday Anchor Books, New York, 1954. 3. K . D A V I E S , « Mental Hygiene and the Class Structure », Psychiatry, I, février 1938. 4. Voir, par exemple : M . J A H O D A , Current Concepts of Positive Mental Health, Basic Books, New York, 1958.

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tomes. Il s'agit de processus évolutifs qu'il faut juger en eux-mêmes , et non pas seulement d'après leur aboutissement. Les formules si judicieuses de Lin-ton — qui parle des « types d'inconduite prescrits par la culture » et des « façons correctes d'être fou » — montrent quel genre de lumière les anthropo­logues ont déjà jetée sur la question, c o m m e n t ils peuvent nous aider à tirer au clair ce que nous savons de la santé et des maladies mentales.

Corrélatifs sociaux de la maladie mentale.

Après avoir lu ce qui précède, le lecteur à l'esprit critique pourra s'étonner que l'on suggère d'examiner les corrélatifs sociaux de phénomènes aussi vagues et fuyants que ceux que l'on groupe sous le n o m générique de « mala­dies mentales ». Nous lui reconnaissons volontiers le droit de le faire. L a prin­cipale qualité nécessaire aux spécialistes des sciences sociales, plus encore qu'à ceux de sciences plus anciennes, est le courage de tolérer l'imperfection. Ceux qui font des recherches sur les corrélatifs sociaux de la maladie mentale pos­sèdent cette qualité à un degré eminent, peut-être m ê m e parfois excessif. Dans l'état actuel de nos connaissances et de nos moyens, la seule mesure dont nous puissions raisonnablement nous servir pour évaluer un travail de recherche sociale consiste à nous demander si ce travail nous aide à mieux poser les questions pertinentes. Jugées de la sorte, les études qui établissent une corré­lation entre certains facteurs sociaux et la fréquence des maladies mentales apparaissent c o m m e valables. Beaucoup des recherches sociologiques consa­crées à ce domaine reposent forcément sur le cas de sujets reconnus malades par des psychothérapeutes. N o u s n'avons pas l'intention de contester la c o m ­pétence des psychiatres en la matière; mais leur qualité de praticiens constitue pour eux un handicap particulier, qu'ils semblent transmettre aux statisti­ciens, sociologues et autres spécialistes qui collaborent avec eux : c'est que leur connaissance de la maladie mentale repose sur l'observation de malades qui sollicitent leur assistance. Il est au moins permis de se demander si cel échantillon est représentatif. L e psychiatre praticien peut se permettre d'igno­rer la partialité d'une telle sélection, car il cherche à aider des individus, sans se soucier de savoir si leur cas est typique. Mais le spécialiste des sciences sociales, qui cherche à établir une corrélation entre certains facteurs sociaux et les maladies mentales, se trouve dans une situation toute différente. Le recours à l'assistance d 'un spécialiste est un acte socialement important, qu'il soit le fait du malade lui-même ou de son entourage. O n ne saurait ignorer ce facteur déformant sans courir u n risque considérable. C'est pourtant ce que font les auteurs de certaines des études les plus intéressantes de sciences sociales consacrées aux maladies mentales. G o l d h a m m e r et Marshall1, par exemple, dans leur passionnante étude sur la fréquence de plusieurs psychoses depuis un siècle, se fondent sur les registres d'admission dans les hôpitaux psy­chiatriques. Leur principale constatation est que « le nombre des sujets de moins de cinquante ans admis pour la première fois dans un hôpital psychia­trique était proportionnellement aussi élevé pendant la seconde moitié du xixe siècle qu'il l'est actuellement ». C e résultat surprenant les porte à conclure qu'il n'y a eu « depuis un siècle aucune augmentation durable de la fréquence des psy­choses parmi les personnes jeunes ou entre deux âges ».

Il convient de noter que cette conclusion, qui paraît signifier implicitement

I. H . G O L D H A M M E R et A . M A R S H A L L , Psychosis and Civilisation, The Free Press, Glencoe (III.), 1949.

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qu;il est vain de rechercher des facteurs sociaux dans la genèse des psychoses, repose sur un postulat, à savoir que le chiffre des premières admissions dans les hôpitaux psychiatriques correspond à la fréquence des maladies mentales ; et, en effet, dans l'analyse à laquelle ils procèdent ensuite, les auteurs admettent que, si le nombre des admissions n'a pas augmenté, c'est que la fréquence est restée la m ê m e . Leur conclusion est peut-être exacte, mais elle ne peut pas être considérée c o m m e prouvée. Discutant ce point1, Cameron, psychiatre devenu sociologue par nécessité, a signalé, après une étude minutieuse de la façon dont sont dépistés les cas de schizophrénie, que « chez les sujets qui font partie de groupes étroitement unis, ces cas sont généralement dépistés dans les dix mois qui suivent l'apparition des premiers symptômes, tandis que les sujets qui appartiennent à des groupes plus lâches et n'ont de rapports qu'avec des collègues, ou des amis et connaissances, commencent rarement à être soignés avant trois ans au moins ». E n conséquence, « si une personne à comportement variable échappe au dépistage, il arrive qu'elle guérisse toute seule, si bien que vous ne pouvez pas dire au juste combien il y a de malades au sein de la collectivité ». D'autres participants ont fait remarquer, au cours des discus­sions de Milbank, qu'en Europe « l'enquête personnelle directe a permis de dépister cinq ou six fois plus de cas de troubles mentaux que les archives des services psychiatriques; au Tennessee, Roth et L u ton ont recensé deux fois plus de cas dans la région qu'ils ont étudiée directement que dans celles pour lesquelles ils se sont contentés d'une documentation de deuxième main ».

Confrontées avec la thèse de Goldhammer et Marshall, ces constations nous contraignent à modifier la question qu'ils ont posée. Obsédés par l'idée que la fréquence des diverses psychoses n'a pas augmenté depuis un siècle — contrai­rement à l'opinion c o m m u n e , suivant laquelle les cas de psychose se seraient multipliés, en raison notamment des tensions que l'on prétend être bien pires à notre époque qu'au milieu du xixe siècle — ces deux auteurs n'envi­sagent pas la possibilité d'une réduction considérable de la fréquence des mala­dies mentales au cours de la période considérée. Il est à peu près certain que cette fréquence est actuellement plus grande que le nombre des admissions dans les hôpitaux psychiatriques le donnerait à penser; et nous n'avons aucune raison de croire que le rapport entre ces deux facteurs soit demeuré constant. A u contraire, de nombreux faits connus portent à croire qu'ils étaient autre­fois encore plus indépendants l'un de l'autre : les services hospitaliers se sont énormément développés et les possibilités de dépistage psychiatriques se sont généralisées; l'opinion publique considère de moins en moins les maladies mentales c o m m e honteuses; de plus en plus on attend des établissements psychiatriques qu'ils soignent leurs malades, au lieu de les mettre simplement hors d'état de nuire; en raison de l'urbanisation croissante, il devient plus dif­ficile aux familles de ne pas faire hospitaliser la personne dont le comporte­ment est bizarre, etc.

Si nous admettons donc c o m m e possible que la constance apparente du rythme des admissions masque une diminution effective de la fréquence des cas nouveaux, c o m m e n t devrons-nous, en conséquence, formuler désormais les questions qui concernent les corrélatifs sociaux des maladies mentales ? Les auteurs et les lecteurs d'ouvrages qui traitent des tensions propres à notre époque conviendront peut-être que ces tensions n'ont jamais été aussi fortes dans le passé. C'est la première fois dans l'histoire que l'humanité voit se

ï. Epidemiology of Msntal Disorder, Milbank Memorial Tumi. N>w York, 1950.

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dresser en face d'elle le spectre d'un anéantissement total, du fait de la guerre nucléaire. Mais, que cela nous convienne ou non, les sondages d'opinion prouvent abondamment que la majorité des gens ne se soucient pas du destin du m o n d e , mais seulement des faits qui touchent directement à leur vie per­sonnelle. O r les tensions auxquelles les soumettent leurs conditions de vie sont incontestablement beaucoup moins fortes aujourd'hui qu'autrefois. Le niveau de vie s'est élevé, la sécurité économique s'est généralisée, la durée de la semaine de travail a diminué de près de moitié, beaucoup de maladies ont pu être maîtrisées, la nutrition s'est améliorée et l'éducation est largement répandue. Sans minimiser les tensions auxquelles chacun de nous est actuellement sou­mis, on peut affirmer que, pour la masse de la population, l'existence est main­tenant moins désespérante et moins écrasante qu'il y a une centaine d'années: Pour examiner les corrélatifs sociaux des maladies mentales, il nous faut donc substituer d'abord, aux postulats gratuits touchant la nature des tensions que subit l'individu, une étude méthodique de ces tensions. •• s ; i : " : -

Malgré l'imperfection dont souffre l'étude des corrélatifs sociaux des maladies mentales — qu'elle se fonde sur les observations des psychiatres pra­ticiens ou sur les archives officielles — cette étude a déjà soulevé mainte ques­tion importante. Prenons, par exemple, les travaux de Hollingshead tt Redlich1 sur les rapports entre maladie mentale et classe sociale dans-une collectivité américaine. Entendant par malade mental « toute personne ' qui reçoit à un m o m e n t donné un traitement psychiatrique », ces deux auteurs Ont constaté qu'il y avait, dans la classe sociale la plus défavorisée, deux fois plus de malades qu'il ne devait y en avoir s'il n'existait aucune corrélation entre l'appartenance à une classe et le fait de recevoir des soins psychiatriques, tandis que, dans la classe la plus favorisée, le pourcentage était seulement le tiers de ce qu'on aurait pu attendre. Des études parallèles ont montré que 'le taux de morbidité mentale est à peu près constant dans une m ê m e profession. Dans l'une des études les plus connues, dont les conclusions, d'abord rej'etéed c o m m e trop improbables, sont devenues en l'espace de dix ans des lieux com­m u n s , Faris et D u n h a m 2 ont établi que, pour tous les genres de maladie m e n ­tale, la fréquence des cas atteint son m a x i m u m au centre d'une ville et va en diminuant vers la périphérie, dans toutes les directions. • •:

O n a constaté une corrélation entre les cas diagnostiqués de maladie m e n ­tale et diverses autres variables sociales, et certaines de ces constatations seront exposées de façon plus détaillée dans d'autres articles de ce numéro. Bornons-nous, pour le m o m e n t , aux questions que soulèvent les études de ce genre. U n e corrélation ne prouve évidemment jamais l'existence d 'un rap­port de causalité. Mais elle incite à spéculer sur le cours des événements: U n sujet prédisposé aux psychoses a-t-il, de ce fait, tendance à échouer dans les bas quartiers urbains, à végéter dans les emplois subalternes, à n'acquérir qu 'un m i n i m u m d'instruction ? Les traumatismes de la vie en taudis, les ten­sions qui s'exercent à l'échelon le plus bas de la hiérarchie sociale, profession­nelle et culturelle, sont-ils générateurs de maladie ? Nous pouvons aussi nous demander — suivant la formule de H e b b 3, pour qui « une névrose ou1

ï. U n livre résumant les travaux de ces auteurs au cours des dix dernières années est en préparation. U n article préliminaire, intitulé « Social stratification and Psychiatrie Disorders », a paru dans Mental Health and Mental Disorder, publié sous la direction de A . M . Rose, par Norton & Co., New York, 1955. - ' ' -' ' ' '

2. R. E . L . FARIS et H . W . D U N H A M , Mental Disordcrsin Urban Areas, Chicago, University of Chicago 'PreSs \ I 9 3 t ) - ' • • •

3. D . O . H E B B , The Organization of Behaviour, Wiley and Sons, 1949. . . . .•:

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une psychose n'est attribuable ni à l'expérience, ni à la constitution du sujet, mais-est la résultante de leur combinaison » — de quelle importance est le rôle du milieu dans l'enchaînement des facteurs qui précèdent la maladie ou la guérison.

Il n'a pas encore été répondu à ces questions. Mais les recherches concer­nant le développement de la personnalité ont suggéré à cet égard diverses hypothèses, dont nous allons examiner quelques-unes.

L E MILIEU E T LE D É V E L O P P E M E N T D E LA PERSONNALITÉ.

il est pratiquement impossible, surtout dans un article d'une longueur limi­tée, de résumer tout ce qui a paru sur les recherches consacrées à cette ques­tion. Tout ce que nous pouvons essayer de faire, c'est donner quelques exemples des méthodes utilisées et examiner rapidement dans quelle mesure elles peuvent nous aider à mieux comprendre la santé et la maladie mentales.

Les premiers travaux sur le développement de la personnalité visaient surtout à déterminer ce que l'enfant sait faire aux différents âges. Des tests c o m m e ceux qui portent les noms de Binet, de Charlotte Bühler ou de Gesell fournissent un m o y e n de déterminer à quel stade de son développement se trouve actuellement le sujet. L'application de ces tests à des conditions sociales diverses montre clairement que la rapidité, le rythme ou la nature du dévelop­pement de la personnalité dépendent, à certains égards au moins, de la situa­tion dans laquelle s'effectue ce développement.

Klineberg 1, par exemple, a démontré que les capacités des enfants noirs sont moindres dans le sud des États-Unis que dans le nord. Charlotte Bühler a constaté, à Vienne, une différence analogue entre les enfants de la classe ouvrière et ceux de la classe moyenne. Cependant, ces démonstrations de l'influence du milieu ne nous apprennent rien de la nature du phénomène. Quels sont les aspects de ces deux situations mésologiques qui agissent sur la psychologie de l'enfant ? Il existe certainement entre elles des différences d'ordre matériel, par exemple en ce qui concerne la qualité de la nutrition. Mais ces différences sont loin d'être les seules et, sauf dans le cas d'extrêmes carences nutritionnelles, elles ne semblent pas déterminantes. Cette consta­tation a été faite, il y a bien des années, par Hetzer 2, qui a comparé le langage d'enfants de deux ans, élevés les uns dans des familles pauvres, les autres dans des institutions très bien équipées et très bien dirigées. Le vocabulaire des premiers était environ dix fois moins étendu que celui des seconds. Bien que répondant à des préoccupations théoriques différentes, cette étude corrobore les résultats des célèbres travaux de Spitz et Wolf sur l'influence dépressive qu'exerce sur le tout jeune enfant son placement précoce en institution 3 . Tandis que Hetzer a considéré surtout le niveau atteint, Spitz et Wolf se sont attachés au phénomène lui-même. Pour le jeune enfant tout au moins, la qualité du milieu humain semble déterminante. C'est lorsque les contacts humains sont insuffisants ou insatisfaisants que des tensions se manifestent.

A. ces travaux psychologiques s'opposent, dans une certaine mesure, ceux

f. O . K L I N E B E R G , Race Differences, N e w York, Harper, 1935. t. H . H E T Z E R , Kindheit und Armut, Leipzig, Hirzl, 1929. 3. Daos : Anna F R E U D et ed.. The Psychoanalytic Study of the Child, vol. 11, N e w York, International Universities

Press, 1946.

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des anthropologues qui étudient, depuis plus d 'un quart de siècle, le déve­loppement de la personnalité d'un point de vue différent. Ruth Benedict et Margaret M e a d , en particulier, nous ont permis de mieux connaître les diverses formes que peut prendre le milieu humain dans lequel vit le jeune enfant. Leurs analyses des différentes manières d'élever les enfants les ont souvent conduites à décrire non pas une personnalité individuelle qui s'est développée dans un milieu culturel déterminé, mais une personnalité « géné­rique », c'est-à-dire les éléments de la personnalité qui sont c o m m u n s à tous les sujets dont la croissance est façonnée par les prescriptions d 'un m ê m e milieu culturel. E n règle générale, ces études laissent de côté les variantes individuelles du type culturel c o m m u n . Des préoccupations analogues ont également conduit à étudier comment la façon d'élever les enfants varie entre divers groupes ethniques ou classes sociales appartenant à la m ê m e culture 1.

Ces travaux ont mis en lumière divers aspects du milieu humain qui sont intéressants du point de vue psychologique. C o h e n 2 , par exemple, oppose la manière dont sont généralement élevés les enfants de la classe ouvrière a m é ­ricaine aux usages correspondants de la classe moyenne : « L'apprentissage de la vie en société est, en général, moins éprouvant pour l'enfant de la classe ouvrière, surtout aux échelons inférieurs. L'activité de l'enfant y a plus de chances de répondre à ses goûts personnels, à la commodité des parents et à leurs impulsions passagères et irréfléchies, ainsi qu'aux exigences de la vie domestique. Le sevrage et l'initiation à la propreté y commencent en général plus tard, et l'on a plus tendance à prendre l'enfant lorsqu'il pleure et à le nourrir lorsqu'il a faim... »

Si important et intéressant qu'il puisse être de mettre en lumière ces aspects de la puériculture qui influent sur la psychologie de l'enfant, ainsi que la personnalité « générique » qui en résulte, ce n'est qu'une étape de plus dans la découverte des mécanismes qu'il est utile de connaître dans l'intérêt de la santé mentale ; mais on n'en tire pas une idée suffisamment nette du mécanisme lui-même. Il faut envisager la santé ou la maladie mentales c o m m e le fait d'individus et non de personnalités « génériques ». C e que le spécialiste de la santé mentale attend des sciences sociales, c'est qu'elles l'aident à comprendre les facteurs mésologiques qui peuvent contribuer à expliquer, par exemple, comment une personne de la classe laborieuse est atteinte d'une maladie mentale, alors qu'une autre, dont la personnalité « générique » est la m ê m e , ne l'est pas. E n d'autres termes, il a besoin de comprendre la psychologie sociale de l'individu et non celle du groupe.

E n fait, certaines hypothèses formulées au cours d'études anthropologiques ont plus ou moins répondu à ce besoin. C'est le cas, notamment, du postulat fondamental de Ruth Benedict, à savoir que le passage de l'individu d'un stade à un autre, en modifiant brusquement les exigences du milieu culturel à son égard, est pour lui la source d'un conflit psychologique. « Dans la mesure où le processus d'adaptation sociale est discontinu, il suscite chez l'individu un conflit psychologique qui n'existerait pas autrement 3. » O r cette discontinuité des exigences du milieu ne concerne pas seulement le comportement prescrit

ï. Voir, par exemple : A . D A V I S et R . J. H A V I C H U R S T , « Social Class and Color Difference in Child Rearing», American Sociological Review, 1946, 11.

2. Albert K . C O H E N , Delinquent Boys, The Free Press, Glencoe (111.), 1955. 3. C'est Child qui résume ainsi l'idée de Ruth Benedict. Voir : Irvin L . C H I L D , « Socialization », dans le Handbook

of Social Psychology, op. cit.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

par le milieu culturel (c'est le cas pour la transition assez soudaine, dans la civilisation occidentale, de la condition d'écolier à celle d'adulte); elle existe également dans le cadre de la famille, où les exigences à l'égard d'un enfant peuvent se modifier brusquement. Qu'elle se manifeste sur le plan culturel ou familial, indépendamment de toute prescription du milieu culturel, cette discontinuité est un facteur mésologique propre à influer sur le développement de la personnalité. E n ce sens, l'hypothèse formulée par Ruth Benedict inté­resse la psychologie sociale de l'individu.

C'est à ce propros qu'il convient de souligner la façon dont la psychanalyse peut aider à comprendre l'influence des facteurs mésologiques sur la person­nalité. O n prétend souvent, à tort, que la théorie freudienne de la personnalité porte uniquement sur les facteurs biologiques et la dynamique interne. C'est certainement fausser à la fois les intentions et les constatations de Freud. Il n'a pas seulement affirmé que « la psychologie individuelle est en m ê m e temps une psychologie sociale » ; les données empiriques sur lesquelles il a fondé sa théorie ont invariablement trait aux influences sociales réciproques qui s'exercent dans le cadre de la famille. Beaucoup des idées de Freud, c o m m e la notion du sur-moi et celle du complexe d 'Œdipe, reposent sur une conception bio-sociale de la personnalité. Elles n'attribuent unrôle exclusif ni à l'organisme, ni au milieu, et ne peuvent être comprises que c o m m e l'explication de phéno­mènes d'interaction.

Pour les premières années de l'enfance, Freud a pleinement élaboré sa psychologie sociale de l'individu. A ce stade, le milieu humain est incontes­tablement ce qui exerce la plus grande influence sur l'organisme bio-social. Les variables sociales habituelles — c o m m e la classe sociale, le niveau de vie, les valeurs et les usages de la collectivité — n'interviennent qu'indirectement dans la vie de l'enfant, et seulement dans la mesure où elles conditionnent les adultes qui s'occupent de lui. Lorsque l'enfant est assez âgé pour qu'il y ait interaction directe entre lui et le milieu matériel et social extérieur à sa famille, et lorsqu'il a appris à réagir non seulement aux êtres et aux choses maté­riellement présents, mais à ce qu'il peut entendre, lire et imaginer à leur sujet, la situation se complique beaucoup.

Sur le plan thérapeutique, la psychanalyse tient parfaitement compte de ces interactions mésologiques postérieures à la petite enfance; mais, sur le plan théorique, elle est moins développée à cet égard. Peut-être n'y a-t-il pas lieu de s'en étonner. Parmi les individus souffrant de troubles affectifs, que le psychanalyste est appelé à soigner, il y en a peut-être beaucoup dont les énergies sont si étroitement associées aux impressions d'enfance qu'ils perçoivent les aspects nouveaux de la réalité dans le cadre de leur enfance. Autrement dit, le psychanalyste praticien n'est peut-être pas bien placé pour recueillir des observations ou élaborer des théories sur l'influence que peut avoir, sur le développement de la personnalité, l'interaction des facteurs mésologiques postérieurs à l'enfance.

Cependant, il serait naïf de supposer que les circonstances ultérieures ne modifient pas les prédispositions acquises pendant l'enfance. Des analyses biographiques et certaines études systématiques ont amplement prouvé que les événements de la première enfance n'aident pas forcément à expliquer l'évo­lution ultérieure 1. C'estpeut-êtrepour cette raison que, depuis quelques années,

I. Voir, par exemple : R . R . S E A R S , Survey of Objective Studies óf Psychoanalytic Concepts, Social Science Research Council, N e w York, 1947 ; H . O R L A N S K Y , « Infant Care and Personality », Psychological Bulletin, 1949, 46 ; Irvin L . C H I L D , « Socialization », Handbook of Social Psychology, op. cit.

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

les psychanalystes et autres spécialistes des questions de pathologie mentale demandent avec de plus en plus d'insistance que l'on étudie la personne dite « normale », afin de pouvoir mieux comprendre la maladie. Il semble qu'il faudrait étendre au-delà de l'enfance les travaux de Freud sur la psychologie sociale de l'individu. Les spécialistes qui ont c o m m e n c é à étudier la santé ont montré que les traumatismes qui servent à expliquer la maladie, lorsqu'on les découvre dans le passé d 'un malade, se rencontrent également dans le passé de personnes dont la santé n'a pas été altérée. Faut-il en déduire que certains échanges ultérieurs avec le m o n d e ont réparé les dégâts des premières années ? Et, dans ce cas, quelle a été la nature de ces échanges ?...

Ces questions demeurent actuellement sans réponse. Il semble — moins d'après les résultats de recherches théoriques que d'après l'expérience pratique de divers établissements psychiatriques — que les interactions sociales posté­rieures à l'enfance — et parfois m ê m e postérieures au début de la maladie — contribuent parfois puissamment à modifier la personnalité. L'idée de « c o m ­munauté thérapeutique » [therapeutic community) 1 trouve des applications n o m ­breuses et variées. A u x Etats-Unis, la conviction que les malades sont sen­sibles non seulement à l'action des médicaments, mais aussi à la qualité de leur milieu, a conduit l'Administration des Anciens Combattants à organiser, pour les spécialistes de la psychologie sociale, des « stages d'internat » dans des hôpitaux psychiatriques, et à charger certains des anciens internes d'étudier de façon suivie le mécanisme de la guérison sous l'influence des conditions sociales.

Recherches et expériences ne suffiront certainement pas à « résoudre » le problème de la santé et de la maladie mentales. Les facteurs biologiques, culturels et mésologiques sont inextricablement enchevêtrés dans tout être humain. A u x fins de la recherche scientifique, il faut dissocier ces facteurs et les étudier séparément — ce qui conduira inévitablement à des réponses fragmentaires; la complexité des facteurs qui influent sur le fonctionnement global de la personnalité obligera à traiter ces réponses avec circonspection. Mais, si on veille à le faire, on peut attendre des recherches de cet ordre qu'elles nous aident de plus en plus à mieux comprendre les problèmes de santé mentale.

I. M . J O N E S , 1953 (BasU Books).

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LES EFFETS DE L'URBANISATION SUR LA SANTÉ MENTALE

par TSUNG-YI LIN

INTRODUCTION.

L'urbanisation représente-t-elle une menace pour la santé mentale ? Cette question relève d 'un problème plus général : s'il est vrai que la santé mentale se détériore, la civilisation moderne en est-elle responsable ? D e nombreux spécialistes de diverses disciplines — psychiatrie, sociologie, anthropologie et psychologie sociale — se sont efforcés de jeter quelque lumière sur ce pro­blème, qui présente une importance capitale pour l'avenir de l'humanité.

Liant donné les difficultés extrêmes que présentent l'analyse, la compré­hension et la mesure des liens très complexes qui existent entre la mentalité d 'un être humain et le milieu, il n'est pas surprenant que la question ne soit pas encore résolue; cependant, des recherches récentes dans le domaine de la psychiatrie sociale nous ont apporté quelque clarté. L'objet du présent article est de faire le point de nos connaissances en ce qui concerne les effets de l'urba­nisation sur la santé mentale, d'étudier les principaux facteurs qui ont des effets néfastes et de rechercher les moyens de prévenir l'apparition de certains de ces inconvénients ou, du moins, de les limiter autant que possible, tout en conservant les effets bienfaisants de l'urbanisation.

Quelques enquêtes ont été faites, au cours des dernières décennies, en vue de comparer la fréquence des troubles mentaux parmi les populations illettrées des sociétés sous-développées avec les taux correspondants constatés chez les occidentaux. E . Faris a affirmé que la schizophrénie, la plus répandue des psychoses, était rare chez les Bantous de la forêt africaine, qui ont peu de contacts avec la civilisation occidentale. Lopez, Devereaux et d'autres auteurs ont abouti à la m ê m e conclusion. Après avoir procédé à des observations au Kenya , Carothers a montré que la fréquence des troubles mentaux était bien plus faible chez les indigènes d'Afrique que chez les Européens, et il a constaté des variations considérables parmi les Africains eux-mêmes : ceux qui vivent dans des réserves sont moins exposés à ces troubles que ceux qui habitent dans les villes. Carothers a estimé aussi que l'absence d'artériosclérose cérébrale à Nairobi était liée à des facteurs culturels. Il s'agit, à son avis, d'une maladie de civilisés, due aux commotions provoquées par la concurrence qui caracté­rise la civilisation moderne (occidentale). Maloney a trouvé très peu d'individus atteints de psychoses parmi les habitants d 'Okinawa, bien que ceux-ci ne soient ni des primitifs ni des illettrés. S h a w et Dhunjiboy, qui ont procédé séparément à des études en Inde, ont montré que la schizophrénie est assez fréquente chez les sujets très occidentalisés. Lopez a fait une observation ana­logue au Brésil. Forster a signalé récemment des variations significatives dans la fréquence de la schizophrénie au G h a n a , dans des groupes exposés à des commotions culturelles différentes.

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

Contrairement à l'opinion exprimée par les auteurs précédents, à savoir que le problème des troubles mentaux ne se pose pas dans les sociétés primi­tives ou sous-développées et que la santé mentale y est meilleure que dans les sociétés plus évoluées, d'autres observateurs affirment qu'il n 'y a guère de différences entre les diverses cultures et sociétés, en ce qui concerne la santé mentale. Kraepelin a déclaré que le tableau clinique des maladies mentales en Orient ne différait pas essentiellement de ce qu'il est en Occident, et que beaucoup d'Orientaux pouvaient être considérés c o m m e des schizophrènes. H u m m e r et Laubscher, après avoir étudié, respectivement, les Indiens d ' A m é ­rique et les Bantous, ont conclu que la schizophrénie n'était pas moins fré­quente chez les peuples primitifs que chez les Américains ou les Européens. Ces observateurs ont été enclins à minimiser l'influence des facteurs socio­culturels sur les troubles mentaux et à considérer plutôt la constitution de l'individu c o m m e la cause principale des psychoses.

Les auteurs modernes n'attribuent d'ailleurs qu'une valeur limitée aux travaux que nous venons de mentionner. A u cours de ces dernières années, on a procédé, en effet, dans divers pays, tant occidentaux qu'orientaux, à des études approfondies qui ont fait progresser notre connaissance des rapports entre la civilisation et les troubles mentaux.

Goldhammer et Marshall ont analysé les statistiques dressées dans les établis­sements psychiatriques du Massachusetts pendant un siècle (de 1840 à 1940) et ils ont constaté qu'il y a cent ans les psychoses n'étaient pas moins fréquentes qu'aujourd'hui, particulièrement chez les sujets âgés de moins de cinquante ans. L'augmentation observée dans le nombre des malades mentaux au Massa­chusetts, ainsi que dans d'autres sociétés modernes, s'explique donc surtout par la présence de ceux qui ont dépassé l'âge de cinquante ans, la durée moyenne de la vie ne cessant d'augmenter. Il semble que l'on puisse tirer de ces recherches deux conclusions différentes : a) l'étiologie des psychoses peut être indépendante du milieu, ou b) les transformations sociales intervenues au Massachussets depuis un siècle n'ont peut-être pas été suffisantes pour provo­quer une augmentation du nombre des psychoses.

A u x États-Unis également, Eaton et Weil ont étudié les Huttérites, afin d'évaluer la santé mentale de cette « société paysanne du xvie siècle qui subsiste au cœur du continent qui représente le plus nettement le xx e siècle ». Ces Huttérites avaient la réputation de constituer une société mentalement saine. O r les enquêteurs ont constaté que les troubles mentaux n'y étaient pas inconnus et que, dans l'ensemble, la fréquence des psychoses y était à peu près la m ê m e qu'ailleurs.

A l'occasion d'une enquête approfondie portant sur trois communautés chinoises de Taïwan (Formose) —• une communauté rurale, une petite ville et une collectivité urbaine — Lin a constaté que la fréquence des psychoses générales était à peu près la m ê m e chez les Chinois que dans d'autres sociétés. A u Japon, Uchimura et ses collaborateurs sont arrivés à des conclusions ana­logues.

Il serait néanmoins prématuré de conclure que l'étiologie des psychoses — et des désordres mentaux, en général — ne dépend pas du milieu socio-culturel et que le facteur héréditaire joue le rôle décisif en cette matière. Il semble prouvé, en effet, que certains types de désordres mentaux sont liés à divers facteurs mésologiques (socio-culturels), et cette relation mérite d'être étudiée attentivement, si l'on veut comprendre les effets de l'urbanisation sur la santé mentale et pouvoir donner à cet égard des indications utiles aux urbanistes.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

L E MILIEU URBAIN ET LES DÉSORDRES MENTAUX.

Les psychoses.

Faris et D u n h a m ont noté une forte concentration de la schizophrénie dans le centre de Chicago, où le niveau économique est sensiblement plus faible que dans les quartiers périphériques. E n revanche, les psychoses maniaco-dépres­sives étaient répandues de façon uniforme. Schroeder et d'autres auteurs ont confirmé ultérieurement ces conclusions.

Hollingshead et Redlich ont montré qu'il existe une corrélation assez nette entre la catégorie de trouble mental et la classe sociale. Les névrosés se ren­contrent, pour la plupart, dans les classes les plus élevées de la société, tandis que les sujets atteints de psychoses, notamment de schizophrénie, appar­tiennent surtout aux classes inférieures.

E n étudiant la population chinoise de Taïwan (Formose), c'est dans la classe inférieure qu 'on a trouvé le taux le plus élevé de troubles mentaux, notamment pour la schizophrénie, la psychose sénile, diverses autres psychoses, la psycho­pathic et la déficience mentale. L a classe supérieure venait en deuxième posi­tion mais présentait le taux le plus élevé de psychoses maniaco-dépressives et de psycho-névroses. L a population de la classe moyenne était la moins atteinte. Ces conclusions paraissent coïncider avec celles des études que nous venons de citer et semblent bien indiquer que le rôle des commotions sociales est déter­minant dans l'étiologie de la schizophrénie et des psychoses.

Dans les enquêtes qu'ils ont faites à Chicago, Faris et D u n h a m ont observé aussi que les troubles mentaux étaient plus fréquents chez les immigrants et au sein des minorités. Oedegaard en Norvège, Dayton et Malzberg aux États-Unis ont fait des constatations analogues.

Tous ces auteurs ont également montré que les psychoses organiques et les psychoses seniles, dans lesquelles les facteurs biologiques jouent un rôle impor­tant, étaient aussi plus fréquentes dans les classes inférieures. C e phénomène peut être expliqué par l'influence indirecte de facteurs sociaux : mauvaises conditions sanitaires, fréquence de la syphilis, alimentation médiocre, etc. O n a dit souvent que la société chinoise et les sociétés orientales, en général, ne connaissent pratiquement pas le problème des psychoses seniles, en raison de la déférence qui s'adresse traditionnellement aux personnes âgées, contrai­rement à ce qui se passe dans les pays occidentaux, où presque la moitié des sujets admis dans les établissements psychiatriques sont atteints de psychose sénile. Toutefois, Lin a constaté que la fréquence de cette affection dans les communautés chinoises n'était pas inférieure aux taux mentionnés par les auteurs occidentaux. C'est la brièveté de la durée moyenne de la vie dans les sociétés sous-développées qui explique le petit nombre des patients âgés signa­lés aux autorités ou aux médecins, d'autant plus qu'en Orient le groupe familial est souvent en mesure de prendre soin de ses vieillards.

Les névroses.

L e corps médical et divers autres groupes professionnels ont été alertés par l'ampleur que prend le problème des névrosés dans la société moderne. Bien que l'on ne dispose pas encore d'études quantitatives précises, maints indices semblent prouver que la fréquence des névroses augmente avec l'ampleur et la rapidité de l'industrialisation et de l'urbanisation. E n fait, près de la moitié

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

des clients des médecins sont atteints de troubles névrosiques, de m ê m e que la plupart des étudiants qui ne peuvent mener leurs études à bonne fin. E n outre, près de la moitié des heures de travail perdues dans l'industrie s'expliquent par la m ê m e cause. Ces faits montrent clairement la gravité du problème et ses liens avec les conditions de la vie moderne. Plusieurs études concernant des pays d'Afrique et d'Asie qui s'industrialisent rapidement montrent que les troubles névrosiques y sont de plus en plus fréquents. A u cours des recherches qu'il a faites à Taïwan, Lin a constaté qu'il y avait plus de névrosés dans les villes que dans les campagnes ; les névroses anxieuses étaient surtout fréquentes dans les villes, tandis que la plupart des cas d'hystérie étaient relevés dans les régions rurales.

Maladies psychosomatiques.

Dans un ouvrage qui a fait sensation, Halliday signale que, si la santé physique s'est améliorée en Grande-Bretagne depuis soixante-quinze ans (diminution de la mortalité générale, les maladies infectieuses — aiguës et chroniques — ayant été à peu près jugulées; amélioration des soins avant et pendant la naissance et développement de la puériculture; amélioration de l'alimentation), la fréquence des affections révélatrices de troubles psychosomatiques (rhuma­tisme non arthritique, gastrite, ulcères de l'estomac, goitre exophtalmique, diabète, etc.) a, au contraire, beaucoup augmenté. Halliday considère ce phénomène c o m m e dû à l'évolution culturelle, qui met trop l'accent sur l'organisation, la propreté et la discipline, ainsi qu 'au m a n q u e de contacts personnels libres entre mères et enfants. Des observations analogues ont été faites dans d'autres pays au sujet de l'augmentation de certains types de maladies psychosomatiques en relation avec l'évolution culturelle. L a diffé­rence frappante entre l'incidence de l'hypertension chez les noirs des États-Unis et chez ceux d'Afrique illustre bien l'influence de l'évolution culturelle sur les affections psychosomatiques.

Le suicide.

Depuis des siècles, les spécialistes de diverses disciplines se penchent sur le problème du suicide, qui fait intervenir un ensemble complexe de facteurs interdépendants. Dans la société moderne, le suicide est devenu nettement plus fréquent; sociologues et psychiatres en ont fait le sujet d'études scientifiques, afin de comprendre, dans leur interaction réciproque et leurs aspects dyna­miques, les relations entre l'individu et la société. A peu d'exceptions près, toutes ces études ont montré que la fréquence des suicides est plus grande dans les villes que dans les régions rurales, et qu'elle augmente avec l'âge. Il en résulte un grave problème dans les sociétés modernes, étant donné que les caractéristiques de ces sociétés (urbanisation et augmentation du nombre des vieillards) ont des liens étroits de corrélation — probablement m ê m e un rapport de cause à effet — avec le suicide. U n e enquête faite récemment à Londres par Salisbury semble bien indiquer que l'isolement social, facteur qui caractérise les relations humaines d 'un certain secteur de la population urbaine, peut jouer un rôle déterminant dans le suicide. Dans le Michigan, Schroeder et Boegle ont fait une observation intéressante : les suicides étaient beaucoup plus nombreux dans les régions rurales que dans les régions urbaines, et la majorité des ruraux de race blanche et de sexe masculin qui se suicidaient

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

avaient un métier caractéristique d'un groupe urbanisé. L'attitude mentale

de cette catégorie de personnes pourrait être qualifiée de « politropisme ».

La débilité mentale.

Si beaucoup de petites occupations ou de tâches non spécialisées peuvent

convenir, dans les villes, aux débiles mentaux, il leur est plus difficile de s'adap­

ter en milieu urbain qu'en milieu rural. D e plus, la concurrence acharnée et

la précipitation qui caractérisent la vie urbaine, l'absence de soins attentifs

prodigués par l'entourage familial et le manque de place pour les loisirs

font que ces gens sont malheureux dans les villes. Ils y sont également exposés à

beaucoup plus de distractions malsaines et de tentations, qui risquent d'inciter

à la délinquance des individus dont le jugement moral est atrophié. Bien que

divers indices semblent montrer que, dans l'ensemble, l'intelligence des

délinquants n'est pas nécessairement inférieure à celle des êtres normaux,

la nature des délits commis par les débiles mentaux mériterait de retenir

davantage l'attention, de m ê m e que les mesures de protection et les conseils

spéciaux dont ceux-ci peuvent bénéficier.

L E S INCIDENCES D E L'URBANISATION SUR LES RELATIONS HUMAINES D A N S LES PAYS

D'ASIE.

Ainsi que le professeur Häuser l'a fait observer au cours d'un stage d'études

organisé par la C . E . A . E . O . , de nombreux pays d'Asie connaissent déjà une

« hyperurbanisation », qui s'accentue rapidement. O n considère qu'il y a

hyperurbanisation quand l'extension que prennent les villes est hors de pro­

portion avec le développement économique du pays. En pareil cas, les villes

ne parviennent plus à remplir la fonction qui était initialement ¡a leur, à savoir

favoriser le progrès économique en fournissant les structures qu'exige une

production efficace. Elles dépassent ainsi leurs possibilités et sortent de leur

rôle qui consiste à régler le rythme du développement national et à remédier

au sous-emploi rural.

U n e autre conséquence de Phyperurbanisation, c'est que la structure, l'orga­

nisation, le mode d'existence et le niveau de vie que l'on trouve dans les villes

d'Asie sont, le plus souvent, calqués sur ceux de l'Occident et que le contraste

entre la vie urbaine et la vie rurale est particulièrement violent; souvent ce

contraste est m ê m e tellement accusé que les villes sont considérées c o m m e

distinctes du reste du pays. Ainsi que Burgess l'a montré dans son article,

quatre grandes particularités caractérisent la société moderne : a) l'énorme

complexité de l'organisation économique et sociale; b) l'accroissement constant

de la mécanisation et de la standardisation; c) la sécularisation croissante de

la vie, qui va de pair avec la mécanisation des services et la standardisation des

produits; d) enfin la dépersonnalisation des relations humaines, conséquence

des trois phénomènes précédents.

U n examen attentif de ces particularités permettra de comprendre combien

les collectivités rurales d'Asie diffèrent des villes modernes et combien il doit

être difficile, pour des paysans, de s'adapter à la vie urbaine. O r , précisément,

les personnes qui font de grands efforts pour s'adapter, ou qui n'ont pas réussi

à réaliser leurs propres espoirs et ceux d'autrui, représentent une fraction de

plus en plus importante de la population des villes d'Asie. Il faut souligner que

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

les nouveaux venus dans les villes ne sont pas les seuls à ressentir les effets des divergences ou des antagonismes culturels et que les citadins de longue date sont, eux aussi, exposés aux changements culturels et aux perturbations qui les accompagnent. E n effet, c'est surtout par l'intermédiaire des villes que les influences étrangères pénètrent dans un pays, et c'est là que sont d'abord adoptés toutes sortes d'idées, d'objets, d'habitudes ou de styles architecturaux d'origine étrangère.

Toute incapacité à s'adapter à l'évolution en cours — évolution qui entraîne un bouleversement des habitudes acquises et exige une constante adaptation à des situations nouvelles — se traduira par une tension affective, caracté­risée par une certaine instabilité et un sentiment d'insécurité ou de désarroi dans les croyances, les attitudes et les activités. Ceux qui ne parviennent pas à s'adapter aux situations nouvelles dans le plus bref délai s'exposent ainsi à subir les graves conséquences d'une tension affective prolongée, qui peut se manifester de diverses façons : comportement antisocial, névroses, dépression mentale, toxicomanie ou troubles psychosomatiques.

L e succès du processus d'urbanisation dépendra, chez un individu donné, de la faculté qu'il aura de s'adapter aux situations nouvelles. Quatre facteurs essentiels entrent en jeu : a) les facultés intellectuelles d'adaptation, la maturité et la souplesse de la personnalité; b) le désir d'adaptation (motivation); c) le but de l'adaptation ou la complexité de l'entreprise; d) les conditions dans lesquelles se fait l'adaptation (milieu).

Les grandes villes offrent divers attraits : possibilité d'y trouver toutes sortes d'emplois, variété des distractions et des magasins, possibilités éducatives et culturelles, etc. Les personnes qui viennent s'installer dans les grandes villes appartiennent à des catégories qui varient d 'un pays à l'autre, d'une ville à l'autre et, pour une m ê m e ville, d'une époque à l'autre. Dans certains pays, ce sont surtout les h o m m e s jeunes et intelligents que l'ambition pousse à venir tenter leur chance dans une ville en plein essor et riche de promesses. Ailleurs, c'est le m a n q u e de travail dans l'agriculture qui oblige les habitants des campagnes à partir pour la ville. O n peut penser que, chez les personnes qui décident d'aller s'installer à la ville ou qui sont attirées par la ville, le niveau d'intelligence et la personnalité sont très variables. Pour sa part, Meyer-Gross avance que les individus d 'un niveau d'intelligence peu élevé sont plus n o m ­breux parmi ceux qui restent dans les régions rurales que parmi ceux qui vont s'installer dans les villes.

Psychiatres et psychologues ont constaté que le vif désir et la volonté de s'adapter (motivation) sont un important facteur de succès. E n outre, cette volonté rend moins pénible l'ensemble du processus d'adaptation, qui ne va pas sans une certaine tension, ni sans déceptions. Les personnes qui vont s'installer dans les villes sans trop se faire d'illusions et qui sont pleinement conscientes des difficultés qui les attendent auront des chances de succès accrues. Celles qui sont « chassées» de leur village, pour des raisons économiques ou autres, et qui sont mal préparées au genre d'épreuves qui les attendent ou qui nourrissent des espoirs excessifs ne réussiront certainement pas à s'adapter.

L e but de l'adaptation ou la complexité de l'entreprise sont des notions variables, qui dépendent de l'expérience ou des compétences de l'individu considéré et du problème à résoudre. L a différence entre la vie urbaine et la vie rurale, aussi bien à l'échelon du pays qu ' à celui de l'individu, en ce qui concerne les aptitudes techniques, l'expérience professionnelle et la formation scolaire, joue u n rôle déterminant dans le succès ou l'insuccès de l'adaptation

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

à la vie urbaine. Les m ê m e s considérations valent en ce qui concerne les dimensions des familles et leur m o d e de vie, les distractions et les activités sociales et la mesure dans laquelle les individus sont familiarisés avec le milieu moderne, les communications et le système économique. Elles s'appliquent à la fois à une économie de subsistance et à une économie monétaire. Les ques­tions de langue jouent, dans l'adaptation, u n rôle qui n'est pas moins capital. Là encore, les conditions varient considérablement selon les pays, les villes et les individus.

Nous avons vu que les nouveaux citadins appartiennent à des catégories très diverses d u point de vue des aptitudes et de la personnalité, de l'expérience acquise, de la formation professionnelle et des raisons qui les poussent à agir. L a complexité de la vie moderne accentue encore la diversité des voies qu'ils empruntent pour s'adapter à la vie urbaine. O n trouvera ci-après une des­cription de quelques-uns des processus que l'on observe le plus fréquemment lorsque certains groupes tentent, avec ou sans succès, de s'adapter aux situations nouvelles qui sont propres aux villes modernes, notamment en Asie.

Il semble que l'on puisse classer en deux grandes catégories les habitants des villages qui vont s'installer dans les villes : a) ceux qui rejoignent des amis ou des parents et s'installent dans un milieu où le m o d e de vie du village est encore prédominant; b) ceux qui partent seuls pour la ville, en qualité de travailleurs non qualifiés ou de domestiques, et qui se trouvent ensuite dissé­minés dans les divers quartiers mais vivent généralement dans les zones les plus pauvres.

Dans le premier cas, la phase initiale d'adaptation est plus facile et s'accom­pagne de moins d'inquiétude et d'un sentiment d'insécurité moins marqué. E n effet, le nouveau venu n'a pas à rompre brutalement avec ses anciennes habitudes et il est à m ê m e d'en acquérir progressivement de nouvelles. Il reste m e m b r e d 'un groupe et continue à bénéficier du soutien que le groupe lui apportait déjà dans son village. Cette situation semble être avantageuse pour le nouveau venu, mais elle n'en présente pas moins un grave inconvénient. Bien souvent, en effet, les nouveaux citadins ont tendance à former un groupe à part, coupé à la fois de la collectivité urbaine — plus moderne et plus dyna­mique — et de la communauté rurale dont ils sont issus. Ils constituent donc un groupe statique de travailleurs non qualifiés, qui se trouvent arrachés à la collectivité de leur village et qui ne cherchent guère à acquérir une formation technique. L e fait que les industries des villes d'Asie sont sous-développées aggrave encore cette situation. E n effet, les possibilités d'emploi pour les tra­vailleurs ou les techniciens qualifiés sont très limitées, ce qui n'encourage guère les nouveaux venus à améliorer leur valeur professionnelle et à perfectionner leurs connaissances.

Les nouveaux citadins du deuxième groupe sont dans une situation encore plus difficile. Contraint de rompre avec ses anciennes habitudes et d'en acqué­rir rapidement de nouvelles, dans des conditions de vie que l'absence de for­mation technique rend pénibles, le nouveau venu se trouve perdu au centre de la vaste machine impersonnelle et complexe qu'est la société moderne, dans laquelle il ne trouve pas sa place. Il est souvent envahi par un sentiment de solitude et de dépaysement, qui fait de lui un être désemparé, instable et déprimé. Certains réussissent à s'adapter, d'autres jugent l'entreprise trop difficile et retournent dans leur village, tandis que d'autres encore essaient de se maintenir quelque temps. C e sont ces derniers qui risquent de manifester plus tard des signes de maladie mentale.

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

Dans la société moderne, la vie de famille traverse partout une période transitoire : on passe de la famille élargie à la cellule familiale proprement dite, d'institutions familiales fondées sur l'autorité à une structure démocra­tique reposant sur la libre association et de la famille considérée c o m m e unité économique à l'indépendance matérielle de chacun de ses membres . Cette évolution est générale; elle est seulement plus ou moins rapide et profonde selon les lieux et les pays. D u point de vue de la santé mentale, la famille élargie présente des avantages et des inconvénients, et il est indispensable de procéder à une enquête approfondie et objective pour déterminer si la famille élargie — au sein de laquelle chaque m e m b r e connaît sans doute une plus grande sécurité mais se trouve aussi placé dans un système de rapports fami­liaux plus complexe — est véritablement plus favorable à la santé mentale que la cellule familiale proprement dite.

Il semble que le deuxième et le troisième aspect de l'évolution de la vie familiale contribuent plus spécialement à provoquer l'instabilité de la famille et à faire naître u n sentiment d'insécurité. D a n s le cas d'une structure familiale traditionnelle, fondée sur l'autorité, la vie de famille est réglée en fonction des notions de hiérarchie, de respect et de devoir, tandis que, dans le cas d'une structure démocratique fondée sur la libre association, les membres de la famille sont unis par des liens d'affection mutuelle et par la satisfaction que procurent de bonnes relations interpersonnelles. Dans les pays industrialisés de l'Occident, où la transition entre ces deux structures s'est faite progressi­vement au cours des derniers siècles, l'instabilité de la famille se manifeste par le grand nombre des foyers détruits et par la délinquance juvénile. Mais il ne faut pas en déduire que la structure familiale démocratique est à l'origine de ces phénomènes. L'instabilité et la confusion semblent plutôt s'expliquer par le fait que le sens de l'évolution n'est pas clairement conçu et par l'absence d'une nouvelle échelle de valeurs. Dans les pays sous-développés, le nombre croissant de foyers détruits et le développement de la délinquance juvénile peuvent être considérés c o m m e une manifestation de cette instabilité de la vie familiale et de cette confusion des valeurs. L'élévation de la condition de la f e m m e et le désir d'indépendance sociale et économique de la jeune génération sont parmi les principales causes de cette instabilité.

Les enfants sont particulièrement sensibles à la forme d'anxiété qui a son origine dans l'instabilité de la vie familiale, dans l'absence d'exemples édifiants, dans l'antagonisme des valeurs culturelles et dans le caractère impersonnel que prennent les relations humaines dans les grandes villes et qu'aggravent encore les dures nécessités de la lutte pour la vie. Si, fort heureusement, beaucoup d'enfants profitent des chances qui leur sont offertes de s'instruire et de déve­lopper leur personnalité, ceux qui ne parviennent pas à triompher de leur anxiété subissent des troubles qui posent des problèmes d'ordre social : a) il arrive qu 'un enfant trouve plus c o m m o d e de ne pas sortir de l'enfance et, n'accédant pas à la maturité, devienne un être faible, ayant besoin d'une tutelle; b) un enfant peut chercher à fuir les réalités et tomber plus tard dans l'apathie, l'alcoolisme ou la toxicomanie; c) les tensions non surmontées peuvent provoquer des névroses ou des troubles psychosomatiques; d) un comportement agressif et antisocial peut résulter de tensions accumulées.

C'est ce comportement antisocial qui a surtout retenu l'attention des admi­nistrateurs, des juges, des services sociaux, des maîtres, etc., mais il ne faut pas oublier que les enfants sont également exposés à trois autres types au moins de troubles mentaux, tout aussi graves pour l'individu et la société.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Pour l'instant, la question des soins aux vieillards ne soulève pas de graves difficultés dans les pays d'Asie, mais le problème prendra de plus en plus d'ampleur avec le passage de la structure familiale traditionnelle à la cellule familiale proprement dite. O n peut, en effet, prévoir que le nombre des vieil­lards ayant besoin de soins ira en augmentant, en raison de l'amélioration des conditions sanitaires et du fait que le taux spécifique, par groupes d'âge, des psychoses seniles observées dans la société chinoise est à peu près le m ê m e qu'en Occident. Il est donc probable que tôt ou tard les pays d'Orient connaî­tront à cet égard de graves difficultés. Il semble cependant, d'après certaines informations, qu'au Japon et au Mexique des sociétés urbaines aient résolu le problème de façon satisfaisante, dans le cadre de l'organisation tradition­nelle, mais nul n'est encore en mesure d'affirmer que ces résultats pourront être maintenus. Il est évident que les personnes âgées éprouvent des difficultés particulières à renoncer à leurs anciennes habitudes et à en acquérir de nou­velles. L'écart culturel qui existe entre les anciennes et les nouvelles géné­rations, la mobilité des jeunes et la dépersonnalisation progressive des relations humaines — tous ces éléments sont de nature à faire naître un sentiment d'anxiété chez les vieillards, notamment dans les pays où les valeurs tradi­tionnelles sont rapidement emportées par de nouveaux courants.

L A PLANIFICATION E N MATIÈRE D E SANTÉ M E N T A L E D A N S L A SOCIÉTÉ M O D E R N E .

Compte tenu de ce qui a été dit plus haut — en simplifiant et en généralisant à dessein — au sujet des incidences de l'urbanisation sur la santé mentale et des principales commotions psychologiques qui accompagnent la modernisa­tion des villes d'Asie, on peut se demander en quoi la psychiatrie sociale peut aider la planification en matière de santé mentale dans la société moderne. Il n'est pas possible de formuler de directives précises à l'intention de ceux qui sont chargés de la planification régionale, car les causes des troubles mentaux sont trop mal connues et la définition de la santé mentale est encore trop vague pour que l'on puisse énoncer aisément des principes théoriques. D e plus, la complexité du processus d'urbanisation et la diversité de la structure socio­culturelle des divers pays rendent plus difficile l'application pratique des principes.

Cependant, la situation est telle qu'il importe de prendre immédiatement des mesures concrètes pour essayer de remonter le courant ou, tout au moins, pour ralentir le rythme rapide auquel la situation s'aggrave. Ces mesures auront, en partie, un caractère expérimental, puisqu'elles reposeront sur des principes incomplets ou insuffisamment vérifiés, mais, étant donné la nature du problème, il ne peut en être autrement. Si elles sont judicieusement appli­quées, elles fourniront certainement de nouvelles indications, qui aideront à élaborer pour l'avenir des programmes mieux conçus.

Il faut bien considérer que l'hyperurbanisation constitue non seulement un grave problème pour le développement socio-économique d'une nation, mais aussi u n danger pour sa santé mentale, en ce sens qu'elle réduit, pour la plu­part des gens, les avantages de la ville et aggrave les effets défavorables que celle-ci produit dans toutes les sphères de la vie humaine, notamment en ce qui concerne la santé mentale.

D e m ê m e que l'équilibre économique entre les régions urbaines et rurales revêt une importance capitale pour le développement économique d'une nation,

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l'équilibre culturel entre ces régions devrait être l'une des premières préoccu­pations des urbanistes. Le fait de construire une ville trop en avance du point de vue industriel et s'écartant trop des valeurs traditionnelles et du niveau de vie de la population risque non seulement d'imposer une charge excessive pour les ressources publiques mais aussi de couper cette ville du reste du pays. S'il est normal que la civilisation urbaine détermine le rythme de l'évolution et stimule la modernisation, il faut avoir soin de préserver les valeurs tradi­tionnelles et de rendre l'évolution acceptable. L'influence culturelle jouera ainsi dans les deux sens, ce qui est indispensable au développement dynamique et harmonieux de l'individu et de la société.

Les commotions provoquées par les changements ne sont cependant pas toujours indésirables ou néfastes. Il arrive souvent qu'elles poussent les inté­ressés à rechercher de nouveaux modes d'adaptation, surtout s'ils désirent vivement s'adapter et se rendent compte des difficultés à surmonter. Il serait sans doute très utile, de ce point de vue, de cultiver, chez les populations rurales, les qualités indispensables au succès de l'urbanisation. Cette prépara­tion — technique, sociale et affective — ne devrait d'ailleurs pas être limitée à la période qui précède l'urbanisation, mais s'étendre à la première phase de l'adaptation à la vie urbaine.

Dans quelle mesure la collectivité peut-elle et doit-elle se substituer à la famille élargie, qui assurait auparavant la protection et l'éducation (au sens large) de l'individu ? Étant donné que la désorganisation sociale joue à l'époque moderne un rôle important dans l'étiologie des maladies mentales, la question peut être posée sous la forme suivante : c o m m e n t faut-il organiser une collectivité urbaine qui soit accueillante aux nouveaux venus et leur assure l'appui du groupe, de façon qu'ils trouvent plus de sécurité et de satisfaction dans l'acquisition de nouvelles habitudes et de nouvelles compétences ? C o m ­ment peut-on organiser une collectivité qui constitue un milieu plus propice au développement normal de la personnalité ?

U n e expérience d'organisation des collectivités a été tentée par S h a w , à Chicago. Elle paraît confirmer la très grande importance, du point de vue de la santé mentale, des considérations qui précèdent. Les habitants de la zone expérimentale ont constitué des comités locaux et assumé l'entière responsabi­lité de l'entreprise. Ils ont mis sur pied des programmes récréatifs ou déve­loppé ceux qui existaient déjà. Ces programmes d'action sociale étaient des­tinés à tous les enfants, une attention particulière — mais non exclusive — étant accordée au cas des jeunes délinquants et surtout des jeunes prédélin­quants. Ceux des programmes dont l'application s'étend sur la période la plus longue (plus de vingt ans) font apparaître u n net recul de la délinquance. Trois autres éléments ont été pris c o m m e critères du succès : a) la collectivité est-elle capable d'élaborer et d'appliquer un programme social en collabora­tion avec l'autorité judiciaire ? b) dans quelle mesure peut-on recruter et for­mer des cadres locaux qui participent effectivement à l'exécution d 'un tel programme ? c) quelle est l'importance de l'appui moral et financier apporté par la collectivité ?

C e n'est là qu'un exemple des projets expérimentaux destinés à introduire,, dans notre société moderne en pleine évolution, un programme concret de préservation de la santé mentale. Il existe de grandes différences entre ces, pro­jets, si l'on considère le domaine sur lequel ils portent, l'ampleur qu'ils revêtent, les moyens mis en œuvre et la méthode employée pour tenter de résoudre ce problème si complexe; cette diversité s'explique par des différences, relatives

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aux besoins des pays considérés, à leur structure socio-culturelle, au niveau de leur développement industriel, à la valeur professionnelle et à l'attitude des personnes chargées de l'exécution des projets, etc. Cependant, les principes sur lesquels reposent ces recherches concrètes ou ces projets expérimentaux sont essentiellement les m ê m e s . C'est ce que fait clairement apparaître L . K . Franck quand il déclare : « C e qu 'on est convenu d'appeler nos problèmes sociaux sont la conséquence des efforts frénétiques de tous ceux qui, incertains de la voie à suivre, manquant de points de repère et ne réglant leur conduite sur aucun principe directeur, tentent, par tous les moyens, de se protéger — voire simplement de survivre — dans une société profondément transformée par la technique. N'éprouvant aucun véritable sentiment d'allégeance, n'ayant pas de solides valeurs ou d'idéal réalisable à poursuivre, l'individu adopte naturellement un comportement incohérent, désordonné, névrosique et antisocial. Il nous faut aujourd'hui reconstituer notre culture et créer notre propre style de vie dans l'espoir d'atténuer, sinon d'éliminer, les souffrances, les déceptions et les privations séculaires. Pour réussir dans cette tâche, nous avons besoin de mieux comprendre la personnalité et la culture et, surtout, il faut que nous ayons foi dans la valeur de cette vie humaine que la nouvelle culture devra servir. » Ces paroles ont été adressées, il y a plus de vingt ans, au peuple américain. Il faudrait beaucoup d'aveuglement pour ne pas recon­naître qu'elles demeurent toujours valables pour l'Amérique c o m m e pour bien d'autres peuples.

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LES RELATIONS HUMAINES DANS L'INDUSTRIE

par R . F. T R E D G O L D

L'une des tendances les plus frappantes qui se manifestent aujourd'hui chez les industriels dans nombre de pays est l'intérêt nouveau porté aux « relations humaines ». Bien entendu, ce qui est réellement frappant, c'est la nouveauté de la chose, car, depuis que Caïn a tué Abel, les problèmes de relations humaines n'ont cessé de se poser, et la malédiction d ' A d a m n'était rien d'autre que l'obli­gation de travailler sans en avoir aucune envie. O n aurait donc pu penser qu'il n'y aurait rien de bien neuf à dire à ce sujet. Serait-il vrai que nous commençons seulement à nous y intéresser ?

H I S T O R I Q U E .

Il est évident que non : en fait, on s'est déjà beaucoup occupé de ces pro­blèmes dans le passé. M ê m e si l'on considère A d a m , Caïn et Abel c o m m e des personnages légendaires, il reste que des h o m m e s tels que Platon, Aristote et Confucius ont pris vigoureusement position dans ce domaine, en exprimant d'ailleurs des opinions analogues. Mais peu d'industriels semblent avoir pensé que Platon avait quelque chose à leur apprendre — tout au moins jus­qu'à notre époque.

C e qui est nouveau, c'est l'expression « relations humaines ». Quoique assez peu satisfaisante, elle semble destinée à durer, car il est difficile d'en trouver une meilleure. U n e formule telle que « psychologie sociale », par exemple, évoque un trop grand nombre de connotations différentes. Ces observations donnent une première idée des difficultés rencontrées. U n siècle après le début de la révolution industrielle, on répugnait encore à parler de besoins humains, de satisfactions humaines, et m ê m e de différences humaines, car ces notions étaient malheureusement à peu près ignorées à l'époque de cette révolution — de sorte que l'on en vint à considérer c o m m e naturelles et c o m m e moralement légitimes des conceptions toutes différentes en matière d'organisation du tra­vail. Il y avait certainement à cela de nombreuses raisons : une hiérarchie sociale très rigide, parfaitement admise par la plus grande partie de la popu­lation, existait alors en Grande-Bretagne, et l'on ne songeait guère à assurer à tous des « chances égales ». L'esclavage ne fut aboli, grâce aux efforts déployés par Wilberforce, qu'en 1807, et l'affranchissement des esclaves dans l'ensemble de l'Empire britannique ne remonte pas au-delà de 1833. N o n seulement dans les prisons, mais aussi sur les navires qui gagnèrent les batailles de Nelson et dans les régiments qui servaient sous Wellington, l'existence continuait à être terriblement dure et misérable. Il n'est donc pas étonnant que, dans les usines, hommes , femmes et enfants aient été outrageusement exploités. Et,

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c o m m e la Grande-Bretagne est le premier pays où la révolution industrielle se soit produite, il est probable que les conditions de vie des travailleurs y ont été pires que dans d'autres pays où l'industrialisation a coïncidé avec l'appa­rition de tendances plus libérales et plus humaines.

L e malheur fut que les attitudes formées à ce m o m e n t subsistèrent ensuite, du fait que certains y trouvaient leur intérêt. Les mauvaises conditions de tra­vail et les bas salaires semblaient permettre aux employeurs de faire plus de profits, de sorte qu'ils invoquaient les traditions, appuyées par l'autorité de la religion, pour s'opposer à tout changement. D'autre part, quand les organisa­tions de travailleurs commencèrent à revendiquer de meilleures conditions de travail, une protection plus efficace contre les accidents et une certaine sécu­rité d'emploi, leurs dirigeants jugèrent naturellement qu'ils avaient avantage à créer ou à renforcer l'antagonisme entre ouvriers et patrons. Toute tentative pour s'accorder avec les employeurs aurait été considérée c o m m e une trahi­son par leurs partisans; ils ne pouvaient réussir qu'à la faveur de conflits sociaux. Dans une telle atmosphère, bien des choses affreuses se passèrent, sans aucun doute; et des modes de comportement fondés sur de violents ressentiments ne peuvent se modifier que très lentement. D e plus, ces compor­tements sont transmis aux nouveaux membres du groupe, d'une génération à l'autre. C'est ainsi que nous pouvons observer aujourd'hui des attitudes d'es­prit qui ne découlent pas d'une appréciation rationnelle des besoins actuels, mais sont de simples héritages du passé.

C'est certainement là l'une des raisons pour lesquelles aucune étude sys­tématique des relations entre individus et entre groupes, ou des moyens à employer pour les influencer, n 'a été entreprise pendant si longtemps. Il faut aussi tenir compte du fait que ces problèmes étaient autrefois étudiés princi­palement par ¿'eminentes personnalités religieuses ou par des philosophes (quoiqu'ils l'aient été parfois aussi, ce qu'on a tendance à oublier, par des chefs militaires ou politiques et par des poètes) ; or la révolte du xixe siècle contre la religion et la philosophie tendait à rejeter les enseignements du passé. Dans d'autres domaines on se tourna alors vers les sciences, mais il s'agissait surtout des sciences physiques, dont le développement était rapide et specta­culaire, alors que les sciences sociales existaient encore à peine.

Vers la fin du xixe siècle, toutefois, l'étude du comportement humain c o m m e n ç a à faire des progrès remarquables, grâce aux travaux de Freud et de Jung sur la psychologie individuelle et aux ouvrages (moins connus) de Le Bon [n] 1 et de Trotter [18] sur la psychologie collective. Cependant, pour diverses raisons inhérentes à la nature du sujet traité, les conclusions de ces chercheurs étaient, pour beaucoup de gens, difficiles à accepter; de sorte qu'il s'écoula encore une longue période pendant laquelle les pionniers de la nouvelle psychologie s'intéressèrent peu à la vie industrielle, tandis que les industries ignoraient sans doute jusqu'à l'existence des psychologues. E n fait, ce sont les conséquences de la première guerre mondiale qui hâtèrent le m o m e n t où les industriels et les spécialistes des sciences sociales devaient entrer en contact.

ï. Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie, à la fin de l'article.

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A S P E C T S S O C I A U X D E LA S A N T É M E N T A L E

L 'ÉTUDE SCIENTIFIQUE DES RELATIONS HUMAINES.

Cette guerre provoqua, en effet, d'une part, un abaissement des barrières sociales et, de l'autre, un accroissement considérable de la productivité indus­trielle. Les deux phénomènes ayant été spécialement accentués aux Etats-Unis, il est normal que les recherches relatives à l'industrie se soient dévelop­pées avec un succès particulier dans ce pays, où les travaux d'Elton M a y o [13] et de Roethlisberger [16] aboutirent à l'expérience dite « du million de dollars », ou, en termes moins grandiloquents, « expérience Hawthorne », qui s'étendit sur vingt ans. Les découvertes faites à cette occasion mirent enfin en lumière l'influence des relations de groupe sur la productivité individuelle, ainsi que la nécessité de fournir aux travailleurs la possibilité de retirer des satisfactions affectives de leur labeur, et l'idée toute nouvelle que les h o m m e s et les femmes travaillent mieux s'ils sont traités c o m m e des êtres humains. (Certains ont souligné avec quelque ironie qu'il n'était pas besoin de vingt ans d'effort et d 'un million de dollars pour le savoir. Mais, en fait, il a fallu plus d 'un siècle d'efforts et d'innombrables millions — sans d'ailleurs que la chose soit encore entièrement admise.) Quoi qu'il en soit, les industriels avaient de plus en plus fréquemment recours aux services des psychologues lorsque la seconde guerre mondiale éclata. Cette fois, de nouvelles barrières furent abattues, et la société se transforma au point de devenir méconnaissable, de sorte qu'à la fin des hostilités les chefs d'entreprise se trouvèrent en présence d'une situation toute nouvelle : l'opinion publique attachait désormais une grande importance au respect des droits de l'individu, la position des syndicats était plus forte que jamais auparavant, le plein emploi était à peu près assuré, et le développement des services médicaux avait attiré l'attention sur l'état de santé des ouvriers.

B o n gré mal gré, les industriels durent donc se préoccuper de trouver des stimulants — des moyens d'inciter les ouvriers à mieux travailler — et aban­donner l'emploi de la contrainte ou de la menace ; en d'autres termes, il leur fallait avoir recours désormais à la carotte plutôt qu'au bâton. Il est juste de dire que la plupart d'entre eux, sensibles à l'influence des idées de leur époque, adoptèrent volontiers une telle ligne de conduite ; mais, en m ê m e temps, ils se méfiaient, bien naturellement, des conceptions nouvelles et ils partageaient l'opinion de leurs contemporains au sujet des spécialistes des sciences sociales. Quelques pionniers se montraient bien prêts à utiliser les services de psycho­logues et de psychiatres, mais le plus grand nombre préférait attendre, non sans quelque scepticisme, de voir si les résultats obtenus seraient bons. C'est probablement en raison de cette attitude de prudence et de méfiance que l'on forgea à cette époque l'expression « relations humaines » pour désigner l'étude du comportement mental et des relations de groupe, de façon à éviter l'emploi des termes u n peu effrayants de psychologie et de sociologie. (De m ê m e , les médecins préfèrent envoyer leurs malades névrosés consulter des « spécialistes des maladies nerveuses » plutôt que des psychiatres.)

Cependant, m ê m e si beaucoup de chefs d'entreprise ne collaboraient pas personnellement avec les spécialistes des sciences sociales, il ne faudrait pas imaginer qu'ils ne faisaient rien pour améliorer les relations humaines. L a plupart de ceux qui avaient acquis une longue expérience s'intéressaient naturellement à la question ; une profession entièrement nouvelle, celle d'administrateur du personnel, était en train de se créer ; les conférences et les débats sur les relations humaines se multipliaient ; on commençait à faire

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usage, à titre de méthode de sélection, de tests d'intelligence, de situation et d'aptitude. Des innovations de ce genre devenaient fréquentes dans maintes entreprises et, parmi les auteurs des nombreux écrits publiés sur ces sujets, on trouvait autant d'industriels que de spécialistes des sciences sociales.

L E C O N C O U R S D E S SPÉCIALISTES D E S SCIENCES SOCIALES EST-IL I N D I S P E N S A B L E ?

E n fait, les progrès réalisés étaient assez considérables pour donner à beaucoup de gens l'impression qu'il était inutile d'avoir recours, dans ce domaine, à des spécialistes des sciences sociales. L a chose mérite examen ; pour faire bien comprendre la situation, le mieux sera sans doute d'établir une comparaison avec les questions de santé publique, et notamment d'épidémiologie. Il est évident qu'à cet égard des résultats très importants ont été obtenus par des h o m m e s qui n'étaient ni des experts, ni des savants. Pour prendre un exemple lointain, on peut rappeler que Moïse réussit à appliquer, dans les campe­ments où vivait un peuple insubordonné et individualiste, des règles d'hygiène qui réduisirent certainement la fréquence de diverses maladies ; et, à toutes les époques, des autorités civiles ou militaires ont imposé une discipline analogue. Il faut m ê m e reconnaître que parfois, pour la plus grande confusion des experts, les profanes se trouvent très en avance sur eux : le cas classique est celui du scorbut, dont les marins savaient se protéger, en consommant du jus de fruit frais, quelque cent cinquante ans avant que la vitamine C eût été isolée. Cependant, d'une manière générale, on ne parvient à triompher d'une maladie qu'à la suite d'une découverte scientifique portant sur la cause du mal (comme pour le bacille tuberculeux), sur son m o d e de propagation (comme pour le paludisme), sur les agents curatifs (comme pour le radium ou la pénicilline), ou sur de nouvelles méthodes de traitement. U n e fois ces découvertes faites, il faut les porter à la connaissance des personnes expéri­mentées et douées de sens pratique qui seront en mesure de leur donner effet. C e qui est le plus efficace, c'est donc la combinaison de la compétence du chercheur avec l'habileté de ceux qui auront à mettre ses conclusions en application, mais cela suppose que les h o m m e s de science aient le moyen de communiquer leurs découvertes aux profanes.

Il est sans aucun doute légitime d'établir un parallèle avec l'activité des spécialistes des sciences sociales, bien qu'à vrai dire les conclusions de ces chercheurs aient des chances d'être moins sensationnelles, moins précises et. par conséquent, moins faciles à communiquer que la découverte de la péni­cilline, par exemple. E n outre, elles se heurtent à une plus vive opposition, c o m m e l'ont amplement démontré les réactions suscitées par les travaux de Freud. Mais, dans l'ensemble, la comparaison reste valable : il apparaît simplement que les spécialistes des sciences sociales doivent consacrer plus de temps et d'efforts que d'autres savants à la diffusion de leurs idées. Nous pou­vons donc demander à présent quels progrès ils ont accomplis à cet égard et quelle est leur situation générale ; et, puisque les plus grands changements se sont produits dans le domaine de la psychiatrie, c'est par là que nous allons commencer.

A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

L E D É V E L O P P E M E N T D E LA PSYCHIATRIE.

La seconde guerre mondiale a incité les psychiatres et les psychologues mobilisés dans les différents pays à se précocuper des h o m m e s normaux plutôt que des malades, et à prévenir plutôt qu 'à guérir. Il est vrai qu'à la fin des hostilités nombre d'entre eux revinrent à leurs cliniques et à leurs hôpitaux ; mais certains entreprirent des études sur les applications de la psychiatrie à l'industrie. L'enquête la plus complète fut celle qu'effectua aux États-Unis le Group for the Advancement of Psychiatry [8], dont les recommandations, publiées en 1948, sont extrêmement judicieuses ; malheureusement, il ne semble pas qu'on ait fait grand-chose pour y donner suite. Quelle est donc la raison de ce retard dans l'application de ces idées ? Voilà ce que nous devons nous demander.

Avant d'essayer de répondre à cette question, voyons ce qui s'est passé dans d'autres pays. A u Royaume-Uni , diverses expériences ont été organisées. Le personnel de la Tavistock Clinic, dont les membres avaient reçu une for­mation psycho-analytique, a fait plusieurs études sur les motifs et les « agres­sions » affectives qui sont à l'origine des conflits individuels et collectifs dans l'industrie. C'est à la suite de ces travaux que fut créé le Tavistock Institute of H u m a n Relations, où des spécialistes tels que Wilson [19] et Jacques [9], notamment, dirigent des recherches d'une grande importance. Certains se sont demandé si les cas de névrose parmi les travailleurs devenaient plus nombreux, ou si simplement on savait mieux les dépister : Rüssel Fraser et ses collabora­teurs [5] se sont efforcés de déterminer l'ampleur du problème. D'autres tra­vaux ont porté sur la mise au point de méthodes de sélection des cadres et des ouvriers qualifiés, qui s'inspiraient, dans une certaine mesure, d 'un système très souvent utilisé pour sélectionner les officiers et les h o m m e s de troupe pen­dant la guerre — système qui était lui-même fort remarquable.

E n matière de médecine du travail, les progrès thérapeutiques les plus importants sont sans doute ceux qui ont été réalisés par Ling [12], qui créa le Rehabilitation Centre de Roffey Park, spécialisé dans le traitement rapide des névroses des travailleurs de l'industrie. O n fut tout naturellement amené à y adjoindre un centre de formation, où les entreprises industrielles envoient des membres de leur haut personnel se renseigner sur les causes des dépressions nerveuses dont leurs employés et ouvriers peuvent être atteints.

Peu de temps après fut établi à Henley un centre de formation, appelé Administrative Staff College, dont le programme était beaucoup plus ambi­tieux. C o m m e l'a souligné l'un des maîtres qui y professaient au début, tous les cours avaient trait, d'une façon ou d'une autre, aux relations humaines, quoique la psychiatrie ne fût enseignée que par des spécialistes venant de l'extérieur. C'est sur ce modèle que furent conçus de nombreux cours analogues mais en général de moins longue durée, organisés tantôt par de grandes sociétés ou institutions — parmi lesquelles on peut citer, à titre d'échantillon représen­tatif, Unilever, i.c.i., Marks and Spencer, B . E . A . et le Coal Board — tantôt par des instituts professionnels (tels que le British Institute of Management) , qui accueillent des représentants de différentes entreprises. Tous ces cours portent sur le problème de la satisfaction des besoins affectifs des travailleurs, tant au cours de l'accomplissement de leur tâche que dans leurs relations de camaraderie, et un psychiatre est d'ordinaire invité à participer aux discus­sions.

Il est assez surprenant que les progrès aient été moins sensibles en ce qui

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concerne les travaux cliniques. Les recherches faites par Maxwell Jones et ses collaborateurs [10] à l'Industrial Rehabilitation Centre créé à Belmont ont beaucoup de valeur, mais elles concernent plutôt (conformément, d'ailleurs, aux intentions des auteurs) des individus vraiment inaptes que ceux — en nombre bien plus grand — dont il serait possible de faire de bons travailleurs, en recourant à des traitements appropriés. Cette orientation est probablement due au fait qu'à la m ê m e époque fut institué le National Health Service — réalisation en elle-même remarquable, mais qui eut, à cet égard, des effets funestes, car Belmont et Roffey Park furent rattachés au nouveau système et perdirent ainsi leur caractère spécifiquement industriel. C o m m e on pou­vait penser que désormais l'ensemble de la population disposerait de ser­vices de consultation médicale satisfaisants, les industriels ne voyaient, en effet, plus guère de raison d'en fournir eux-mêmes. Néanmoins, l'auteur de la présente étude [17] a soutenu qu'en réalité beaucoup de cas de névroses restent ignorés et qu'ils seraient bien plus efficacement traités dans des cliniques psy­chiatriques rattachées aux entreprises industrielles.

A u x États-Unis, une étude beaucoup plus approfondie a été menée à bien par Gordon [7], qui a entrepris d'appliquer pendant cinq ans les théories de Dershimer à la du Pont Company . Il s'est fait une juste idée de l'ampleur du problème, car, ayant interrogé 7 % des employés, il estime qu'il y avait en tout trois ou quatre fois plus de malades qu'on ne croyait ; la productivité de l'en­treprise se trouvait ainsi diminuée dans des proportions considérables. Toutefois, il rappelle fort judicieusement que « la psychiatrie ne constitue nullement une panacée contre tous les m a u x dont souffrent les travailleurs de l'industrie ». E n revanche, dire que le rôle du psychiatre consiste avant tout à diagnostiquer les troubles affectifs dont souffrent les travailleurs et à donner à la direction de l'entreprise l'appui des autorités médicales pour les aider à appliquer des mesures actuellement peu populaires, c'est, à notre sens, adopter un point de vue fâcheusement limité.

Des travaux cliniques analogues ont été effectués en Suède par Mindus, qui avait au préalable défini ses objectifs [14] et qui a bien compris la nécessité, pour le psychiatre, de se fonder sur ses observations cliniques pour donner aux directeurs d'entreprise des conseils en vue de la mise en œuvre des programmes d'hygiène mentale. Le compte rendu complet de ces recherches devrait être extrêmement intéressant.

L A SITUATION A C T U E L L E .

Si les progrès réalisés au Royaume-Uni ont été exposés ci-dessus de façon plus détaillée que les autres, c'est simplement parce que l'auteur les connaît mieux. O n ne saurait, bien entendu, chercher à donner ici un aperçu complet de la situation dans le monde entier. Cependant, à en juger par les écrits de Dastur [4] (Inde) et de Gillon et Planques [6] (France), par les Actes des conférences de l'Organisation mondiale de la santé et de la Fédération m o n ­diale pour la santé mentale — et plus encore par le compte rendu de la confé­rence tenue sous le haut patronage du duc d'Edimbourg [20], l'état de choses existant en Grande-Bretagne se retrouve ailleurs : en bref, dans la plupart des pays, on procède actuellement, tant bien que mal, à une série d'expériences. Les chefs d'entreprise ont clairement conscience des difficultés auxquelles ils doivent faire face en raison de l'évolution des tensions qui se font sentir, non

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

seulement à l'intérieur, mais aussi à l'extérieur de l'industrie (par exemple, du fait de l'accession de nouveaux États à l'indépendance), et ils sont tout prêts à utiliser l'aide que les experts peuvent leur fournir ; mais il est assez naturel qu'ils veuillent mettre à l'épreuve la valeur pratique des conseils techniques avant de les suivre sans réserve.

D u côté des savants, d'autre part, nous voyons qu 'un certain nombre de spécialistes des sciences sociales — sociologues, psychologues et psychiatres — croient pouvoir aider les industriels par leurs recherches, leur enseignement ou leurs études cliniques. E n fait, ils ont déjà obtenu des résultats qui suffisent à démontrer la justesse de leurs prétentions et qui confirment la sagesse des recommandations initiales formulées aux Etats-Unis par le Group for the Advancement of Psychiatry. (L'excellent ouvrage de Brown [ï] constitue une bonne introduction à ces travaux.)

Nous en revenons donc à la question posée plus haut : « Pourquoi ce retard ? » — mais nous en mesurons mieux la portée, puisque nous avons vu que, dans tant de pays, après avoir suivi des voies analogues, on aboutit aujourd'hui aux m ê m e s hésitations.

HÉSITATIONS E T MÉFIANCE D E S REPRÉSENTANTS D E L'INDUSTRIE.

Les raisons de cet état de choses sont de deux ordres : elles tiennent, d'une part, à la nature et à la situation actuelles des entreprises industrielles, d'autre part, à la nature des sciences sociales; mais sans doute serait-il plus exact de dire qu'elles tiennent au caractère et aux habitudes mentales des deux groupes d ' h o m m e s en cause, à savoir les chefs d'industrie et les ouvriers, d'une part, et les spécialistes des sciences sociales, de l'autre.

E n ce qui concerne le premier groupe, il apparaît que tout ce qu'on peut dire pour mettre en lumière la nécessité d'étudier les relations humaines montre, en m ê m e temps, les difficultés qu'on a chance de rencontrer au cours de cette étude. Nous avons déjà vu que des attitudes mentales dues à des événements et des circonstances qui remontent à l'époque de la révolution industrielle subsistent encore aujourd'hui, quoiqu'elles n'aient plus de fondement ration­nel; c'est ainsi que, les travailleurs ayant beaucoup souffert jadis de l'insécurité, il est assez naturel qu'ils continuent à s'inquiéter de leur sécurité matérielle et que la mise au point de nouvelles techniques, telles que l'automation, par exemple, les amène d'abord à se demander « qui va être réduit au chômage ? » Des pratiques restrictives sont encore appliquées; l'antagonisme à l'égard du patronat, m ê m e dans les industries nationalisées, domine toujours les esprits, à tel point qu'il ne saurait disparaître du jour au lendemain, pas plus que les aberrations d 'un névrosé ne peuvent se dissiper au cours d'une seule séance de traitement psychiatrique. E n outre, ces attitudes se rattachent à beaucoup des plus nobles sentiments humains — tels que la solidarité avec les camarades de travail et le dévouement à une cause à laquelle l'ouvrier est prêt à sacrifier ses intérêts immédiats et ceux de sa famille, parce qu'il la croit juste.

L'attitude correspondante chez les patrons est moins ostensible; cependant, un sentiment étrangement répandu chez les chefs d'entreprise est la crainte que l'on n'abuse de leur bonté naturelle. A les entendre, il semblerait que passer pour « m o u » soit un sort pire que la mort. Cette crainte doit être l'un des principaux facteurs qui déterminent leur comportement; elle tend à les empêcher de faire des concessions en période de conflit.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Compte tenu de ces deux attitudes, qui s'opposent sans être contradictoires, il est difficile, pour l'une des parties, de prendre la responsabilité d'une inno­vation ou d'une expérience. L'auteur a conservé le souvenir précis d'une visite faite en 1948 à une entreprise nationalisée, où la nécessité d'une enquête psychiatrique était reconnue et par les responsables locaux et par la direction centrale; les dates avaient été fixées, les présentations faites, mais il fallut finalement y renoncer parce que ni la direction locale ni celle du siège central n'osaient déclarer par écrit que la chose leur paraissait souhaitable. L ' u n e et l'autre auraient approuvé sans réserve une telle proposition ; aucune ne voulait en prendre l'initiative.

D I F F I C U L T É S D E L A P O S I T I O N D E S SPÉCIALISTES D E S S C I E N C E S S O C I A L E S .

Pour être d 'un autre ordre chez les spécialistes des sciences sociales — en parti­culier chez les psychiatres — les difficultés ne sont pas moindres. Beaucoup de ceux-ci, mobilisés pendant la guerre et chargés d'étudier le moral et les troubles psychologiques des soldats, ont trouvé ce travail fort intéressant et semblent avoir obtenu de bons résultats (cf. Rees [15]). Mais, après la guerre, une réaction s'est produite : la plupart d'entre eux sont retournés à leurs malades, et il est évident qu'aux yeux de beaucoup des grands psychiatres de l'heure la psychiatrie n'a rien à apporter à l'industrie. Je signalerai, à ce propos, qu 'à côté de m o n étude sur les cliniques d'entreprise, les Transactions of Industrial Medical Officers ont fait paraître des observations de Curran [3] sur le m ê m e sujet, qui correspondent sans doute aux vues de nombreux collègues. Quoi qu'il en soit, il apparaît peu probable que beaucoup de psychiatres britanniques se spécialisent dans le domaine de la médecine du travail d'ici de longues années. A u x Etats-Unis d'Amérique, Temple Burling a établi un excellent programme d'études de ce genre, mais il attire peu d'étudiants.

L a question présente cependant un caractère urgent, car, à l'heure actuelle, les quelques psychiatres qui s'y intéressent n'osent pas se tourner vers la m é d e ­cine du travail avec trop d'ardeur, de crainte de créer une demande qu'ils ne pourront satisfaire, et de décevoir plus tard les industriels qui s'adresseront à eux. Cependant, s'ils n'agissent pas assez vite, les jeunes psychiatres qui auraient pu trouver u n emploi dans une entreprise devront chercher à se placer ailleurs. Il leur est difficile de savoir au juste ce qu'ils doivent faire. Sans pouvoir faire de prévisions bien assurées, on constate pourtant que, dans les principaux pays industrialisés, le nombre des psychiatres employés dans l'industrie à des titres divers a tendance à s'accroître; et il est permis d'espérer que, d'ici à dix ans, cette évolution se généralisera et s'accélérera. Cet espoir est fondé, en partie, sur les signes déjà tangibles d'une telle évolution, en partie, sur le fait qu 'un autre facteur oblige les industriels à accorder, dans leurs préoccupations, une place de plus en plus importante à la santé mentale : il s'agit de l'augmentation du nombre de cas reconnus de maladies psycho­somatiques. L a délimitation de ce groupe d'affections est encore très contro­versée mais, sans entrer dans des subtilités qui n'intéressent que les spécialistes, on peut dire que beaucoup de chefs d'entreprise ont entendu parler des maladies qui sont provoquées par les « agressions » psychologiques et dont eux-m ê m e s ou leurs collègues risquent d'être victimes. C'est la crainte que leur inspire la thrombose coronaire, par exemple, qui les incite à rechercher de nouveaux moyens de remédier aux sentiments de frustration suscités au cours

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de leur travail, en améliorant les relations humaines au sein de leur entreprise. Cette crainte ne constitue peut-être pas le plus valable des motifs qui devraient pousser les industriels à faire appel au concours des psychiatres, mais c'est grâce à elle, pour le m o m e n t , que ce concours est demandé et il le sera sans doute avec une fréquence croissante. D e ce fait, les psychiatres seront peut-être amenés à effectuer, en collaboration avec les médecins, des recherches dont la nécessité se fait sentir avec urgence.

LES PAYS EN COURS D E DÉVELOPPEMENT.

L a situation est très différente dans les pays en voie de développement rapide. L a où, par exemple, une société de caractère essentiellement agricole est obligée de s'industrialiser, le cadre de la vie familiale ou communautaire peut se trouver brisé. D e m ê m e , un h o m m e ou une f e m m e élevés dans un village écarté ont naturellement de la peine à comprendre les précautions qu'exige le maniement de machines compliquées — sans parler des conventions sociales d'une culture nouvelle. L'élévation rapide du niveau de vie peut m ê m e contribuer à susciter de l'inquiétude et des conflits.

Les médecins et les chefs d'entreprise n'auront sans doute pas de peine à comprendre ces difficultés et à traiter avec bienveillance ceux qui les éprouvent. Mais d'autres problèmes demanderont peut-être beaucoup plus de compré­hension et de tolérance, car ils susciteront une anxiété plus profonde, à la fois chez les supérieurs et chez les subordonnés. Beaucoup de pays en cours de développement ont récemment conquis leur indépendance et en ressentent une vive fierté. D e nombreux travailleurs de ces pays, qu'une domination étrangère, m ê m e bienveillante, a blessés dans leur dignité, risquent d'être exagérément susceptibles et de faire passer des considérations de prestige et d'amour-propre national avant tout autre souci. Cependant, cette attitude ne tardera sans doute pas à se modifier, si on sait la comprendre et agir en consé­quence. Il serait, en effet, vraiment déplorable qu'elle devienne aussi durable que la hantise de la sécurité, qui exerce une si funeste influence dans les États plus évolués.

Dans ces pays neufs, il est certain que de vastes possibilités s'offrent aux spécialistes des sciences sociales : ils peuvent, en effet, y « partir de zéro », sans avoir à tenir compte des préjugés anciens. Les psychiatres, en particulier, ont la possibilité de s'attacher à exercer une action préventive, avant d'être entièrement pris par le traitement des malades qui viennent les consulter, ou m ê m e de ceux qui sont placés dans des asiles — ce qui arrive parfois dans les pays où la psychiatrie s'est développée c o m m e une forme de la médecine clinique, la notion d'hygiène mentale n'étant apparue qu'après coup.

P E R S P E C T I V E S D ' A V E N I R .

Quelles perspectives d'avenir nous ouvre la présente étude ? Il est clair qu'il existe, dans le m o n d e du travail, beaucoup d'agressions psychologiques, dues à des conflits inconscients, qui exercent une influence sur la maladie, l'absen­téisme, le renouvellement de la main-d'œuvre et la productivité, ainsi que sur les antagonismes qui peuvent, lorsqu'ils opposent des individus, provoquer des renvois ou des départs de travailleurs et, lorsqu'ils opposent des groupes,

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

aboutir à des grèves, des lock-outs ou m ê m e des guerres. O n déclare souvent qu'il suffirait, pour éliminer ces difficultés individuelles et sociales, d 'un peu de foi et de bonne volonté. Il est vrai que la foi soulève les montagnes, mais une foi de ce genre est chose rare, surtout dans le m o n d e du travail. Il importe certainement d'essayer de la créer, mais sans négliger pour autant les moyens d'action matériels. D e m ê m e , la bonne volonté peut être d'un grand secours, mais peu de gens accepteraient de se faire opérer de l'appendicite, par exemple, par quelqu'un qui n'aurait d'autres titre que sa bonne volonté. O r il ne faut pas moins de compétence pour déceler et éliminer un foyer d'infection dans une entreprise industrielle que dans un organisme humain.

L'industrie a donc besoin des sciences sociales. Mais il ne s'ensuit pas que les spécialistes des sciences sociales doivent prendre la direction de l'industrie. Ils ne peuvent intervenir qu'en liaison avec les représentants des différentes techniques professionnelles et des intérêts que chaque entreprise met en jeu. E n tout état de cause, ils ne joueront qu 'un rôle consultatif. Il faut donc, avant tout, qu'industriels et spécialistes des sciences sociales apprennent à se connaître et, c o m m e dans toute rencontre entre gens de bonne compagnie, chacun doit être prêt à faire des concessions. Les chefs d'entreprise pourraient commencer par évaluer l'utilité du concours des spécialistes, en leur soumettant tout au moins les quelques questions qui n'ont pu être réglées, en dépit des efforts déployés depuis de nombreuses années pour les résoudre en faisant appel au « bon sens ». Cependant, ils doivent, bien entendu, se garder de considérer la première tentative c o m m e une épreuve décisive, car l ' h o m m e de science ne pourra sans doute pas faire grand-chose avant de s'être familiarisé avec ce nouveau milieu, d'avoir appris à y exercer son métier et de sentir que sa personnalité y est acceptée. Naturellement, cela dépend de lui, dans une large mesure.

Toutefois, c'est aux industriels qu'incombe la plus lourde part des respon­sabilités, ne serait-ce que parce qu'ils sont les bailleurs de fonds. Pour c o m m e n ­cer, il ne leur serait pas difficile de demander, par exemple, à des spécialistes des sciences sociales d'entreprendre tels ou tels travaux de recherche, exac­tement c o m m e ils font avec les physiciens, et ce serait certainement là pour eux une dépense productive.

Ensuite, les spécialistes peuvent décider spontanément d'effectuer certains travaux, sans avoir besoin pour cela que les industriels leur fournissent une aide considérable. U n e équipe comprenant un médecin, un spécialiste de l'endocrinologie et u n biochimiste, en plus d 'un psychiatre, pourrait, par exemple, étudier les maladies psychosomatiques, de plus en plus fréquentes aujourd'hui — ce qui permettrait, sans doute, d'obtenir des précisions sur les facteurs qui influencent la productivité aussi bien que la santé mentale. En troisième lieu viennent les observations cliniques : les recherches de ce genre seraient plus fructueuses si les cliniques d'entreprise étaient plus nombreuses, c o m m e le recommandent Mindus [14], Gordon [7] et Tredgold [17]. Les services de médecine du travail devraient prendre l'initiative, dans ce domaine, et faire appel à des psychiatres.

Enfin, la multiplication des observations cliniques et des recherches entraî­nera un développement de l'enseignement. Certaines entreprises invitent déjà des psychiatres à venir faire des conférences; mais cette pratique est encore récente et ne vise guère jusqu'ici qu 'à ouvrir quelques perspectives nouvelles aux auditeurs. Il est très rare que les grands industriels et les spécialistes les plus éminents des sciences sociales se rencontrent. Si l'on en juge d'après

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

l'intérêt que suscitent les cours d'initiation à la sociologie et à la psychologie,

une action très utile pourrait être exercée à cet égard. Mais, afin d'être en

mesure d'y participer, les psychologues, les sociologues et les psychiatres devront

être assez modestes pour commencer par apprendre à enseigner.

Tout progrès dans l'un de ces domaines provoquerait d'ailleurs, sans aucun

doute, de nouveaux progrès dans les autres, car ils sont étroitement liés. D e

m ê m e , sur le plan des idées c o m m e sur celui des actes, une étroite liaison doit

être établie entre les industriels et les spécialistes des sciences sociales, pour

permettre aux uns et aux autres de conjuguer harmonieusement leurs efforts.

BIBLIOGRAPHIE

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PROBLÊMES DE SANTÉ MENTALE A L'HOPITAL (FACTEURS SOCIOLOGIQUES

ET ARCHITECTURAUX)

par P . S I V A D O N

L'hôpital d'aujourd'hui n'a plus exactement les m ê m e s fonctions que l'hôpital d'autrefois. Naguère encore centre d'hébergement pour les sujets incapables de subvenir à leurs besoins matériels (malades nécessiteux, vieillards, infirmes, incurables et parfois m ê m e indésirables), il est devenu aujourd'hui essentiel­lement un centre de soins et, accessoirement, u n centre d'enseignement et de recherche. Il ne reçoit plus que des malades et il les reçoit pour des raisons techniques et non pour des raisons sociales ou économiques.

C'est abusivement qu'on désigne encore parfois sous le n o m d'hôpitaux des centres de vie collective dont la mission est de pourvoir à l'hébergement d'inva­lides sociaux. Seul, le centre de soins sera envisagé ici — ce qui ne signifie point, du reste, que les notions que nous aurons l'occasion de développer ne soient pas applicables à d'autres institutions. Nous n'avons pas voulu établir de distinction entre les différents types d'hôpitaux. Il nous semble, en effet, que les principes exposés ci-après sont valables, sous réserve de modifications de détail, dans tous les cas. Cependant, nous n'avons pas pris en considération les hôpitaux pour enfants et nous avons insisté sur certains aspects qui ne sont essentiels que pour les hôpitaux de long séjour. Mais ces derniers, du fait de la rapidité d'action des traitements dans les épisodes aigus et de la multipli­cation des affections dégénératives, représenteront de plus en plus la grande majorité.

Nous avons exclu de cette étude les problèmes sociologiques concernant la place de l'hôpital dans la société, pour nous borner aux facteurs humains et aux facteurs architecturaux dont l'hôpital doit tenir compte, s'il veut répondre aux besoins du malade.

L E S BESOINS D U M A L A D E .

La santé consiste essentiellement en une harmonieuse équilibration des deux exigences fondamentales de la vie : se perpétuer sous une forme aussi constante que possible, évoluer grâce à des échanges avec le milieu extérieur.

L a constance du milieu interne, chez les êtres supérieurs et particulièrement chez l ' h o m m e , est assurée par des mécanismes autorégulateurs complexes, dont l'efficacité permet des échanges plus ou moins intenses avec le milieu ambiant. C'est l'homéostasie.

Ces échanges favorisent l'évolution, et leur complexité croissante s'accom­pagne d'une autonomie personnelle accrue qui comporte plus de liberté, mais aussi plus d'insécurité.

Toute maladie consiste en une atteinte à l'intégrité personnelle, donc en

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

une perturbation des mécanismes homéostatiques. Le facteur constance est en danger. Sa protection va nécessiter obligatoirement une limitation du facteur échanges, qui se traduira par un mouvemen t inverse de celui de l'évo­lution, c'est-à-dire par une régression.

Tout malade, quel qu'il soit, tend à régresser en accordant la primauté aux besoins de constance et de sécurité sur les besoins d'échanges et d'autonomie. Cette régression fonctionnelle constitue un réflexe de défense constant qu'on rencontre dans les affections aussi bien chirurgicales que médicales, chez les aigus c o m m e chez les chroniques, et aussi chez les malades mentaux, où elle est particulièrement évidente.

Les attitudes infantiles, le besoin de protection, la réduction des intérêts dans un sens égocentriste, la diminution des capacités d'intégration de l'espace et du temps, en sont les signes les plus constants.

Sur le plan des fonctions physiques, c'est là un fait connu depuis toujours. O n assure la protection du malade, on le confie aux soins maternels des infir­mières et l'on réduit ses échanges thermiques et alimentaires. Mais on omet trop souvent de tenir compte de certaines exigences de ses fonctions mentales, qui ont régressé dans le m ê m e sens. Elles aussi nécessitent une atmosphère de sécurité, des soins de type maternel et une réduction des échanges avec le m o n d e environnant. Mais, cette fois, il ne s'agit plus seulement de tempé­rature et de régime alimentaire, il s'agit aussi de structuration de l'espace et du temps et surtout de relations interhumaines. Certes, on tient habituel­lement compte de ces facteurs, mais souvent à titre accessoire, c o m m e s'il s'agissait d 'un luxe qu 'on justifie par des arguments d'ordre sentimental : le malade a droit à notre sollicitude, certains disent m ê m e à notre amour. C e qu'on a trop tendance à oublier, c'est qu'il s'agit d'une exigence, non d'ordre charitable, mais d'ordre technique. Si, chez l'adulte sain, les fonctions m e n ­tales sont assez fortement différenciées par rapport aux fonctions physiques, la régression fonctionnelle, qui caractérise la maladie, les ramène à un degré d'indifférenciation analogue à celui que l'on constate chez l'enfant. O r les fonctions mentales sont les fonctions supérieures d'intégration et de relation. Elles sont directement liées aux fonctions physiques d'homéostasie et, chez le malade c o m m e chez l'enfant, elles se confondent plus ou moins avec elles. Alimenter et réchauffer le malade, c'est lui donner en m ê m e temps, c o m m e à l'enfant, un sentiment d 'amour et de sécurité. Mais le placer dans un environ­nement qui exclut ces sentiments, c'est aller à l'encontre du but par ailleurs recherché.

C e dont a besoin le malade, sur le plan des fonctions mentales, c'est d 'un environnement matériel et social avec lequel il puisse établir des échanges simples et significatifs. Il faut que le milieu qu 'on lui offre soit aisément c o m ­préhensible et que sa signification soit rassurante. Mais il faut aussi qu'il puisse trouver, au fur et à mesure de son amélioration, la possibilité de conso­lider, de rééduquer et d'affermir ses fonctions de relation. E n le maintenant de façon trop prolongée dans une atmosphère infantile, on s'opposerait à sa guérison. Cette dernière implique, en effet, une reprise de l'évolution vers une plus grande autonomie, grâce à une diversification progressive des échanges avec le m o n d e matériel et social.

Le problème serait relativement simple si cette évolution réalisait un pro­cessus continu. Il suffirait d'offrir au malade, à la phase aiguë de sa maladie, des conditions de vie entièrement protégées, et d'élargir progressivement ses possibilités de contact avec un m o n d e plus complexe. Mais toute évolution

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présente des alternances de progrès et de regrès et il faut qu 'à tout m o m e n t le malade puisse se réfugier dans une atmosphère de sécurité totale, tandis que lui seront offertes en permanence, aussitôt que son état le permettra, des pos­sibilités d'autonomie plus grande.

Tout cela pose des problèmes complexes, auxquels nulle solution simpliste ne saurait être apportée. N o u s nous contenterons d'aborder quelques-uns de ces problèmes et d'indiquer quelques solutions, ces dernières devant, bien entendu, être adaptées à chaque situation particulière.

Assez artificiellement, nous envisagerons successivement : a) les facteurs humains; b) les facteurs architecturaux.

FACTEURS HUMAINS.

L'hospitalisation est imposée habituellement au malade au moment même où il a le plus besoin d'une atmosphère de protection de type familial. Mais son état nécessite des soins qui ne peuvent lui être donnés chez lui, et, de ce fait, le milieu familial ne constitue plus une zone de sécurité d'une qualité suffi­sante. D'autre part, pour favoriser la régression protectrice, il est souvent utile que le malade soit séparé du milieu où il assume des responsabilités.

L a première tâche qui incombe à l'hôpital est de lui offrir les avantages d'un milieu familial dépourvu de responsabilité personnelle.

Ces avantages sont essentiellement des relations simples, avec un groupe restreint, dans un milieu qui puisse rapidement devenir familier. Dans ce nou­veau milieu, la position du malade, on le comprend, s'apparente plus à celle de l'enfant par rapport à des adultes qu'à celle de l'adulte dans un groupe familial. C o m m e un enfant, le malade a besoin de retrouver sans tarder des adultes en petit nombre qui puissent jouer à son égard le rôle des parents : essentiellement le médecin et l'infirmière.

Mais la complexité actuelle des soins hospitaliers oblige à u n travail d'équipe et à une multiplicité de personnel qui sont la garantie m ê m e de la valeur des soins, donc de la sécurité souhaitée par le malade. Dans ces conditions, il faut rechercher des solutions pratiques permettant de concilier ces exigences con­traires. Il faut aussi, nous l'avons vu, permettre au malade, aussitôt que pos­sible, de retrouver des modes de relation plus diversifiés. C e sont des formules d'équilibre qu'il s'agit de mettre au point. Encore faut-il souligner que ces équilibres seront toujours imparfaits et exigeront un effort permanent d'équi­libration, tenant compte des situations particulières et des fluctuations de chaque cas. Nous les envisagerons au niveau de l'accueil à l'entrée, de la rela­tion médecin-malade, de l'unité d'hospitalisation et du milieu hospitalier dans son ensemble.

L'accueil.

E n dehors du cas exceptionnel des petites cliniques privées, tout hôpital possède, à côté de ses installations techniques, un appareil administratif qui a aussi ses exigences. Il est donc souhaitable de prévoir u n personnage spécial, l'hôtesse d'accueil, qui facilite au malade son admission directe au lieu d'hos­pitalisation, sans qu'il ait à répondre à des questionnaires d'identité et à accomplir des formalités compliquées auprès de fonctionnaires anonymes. C'est la m ê m e personne qui prendra en charge ces démarches et installera

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l'entrant dans les lieux où il va devoir séjourner. Sa tâche sera, dès l'abord, de faire sentir au malade qu'il n'est pas un importun mais que sa place l'at­tendait. Puis il s'agira de l'orienter dans l'espace et de le familiariser avec les lieux et les gens de lui indiquer où se trouve son lit par rapport aux instal­lations sanitaires et à la sortie, quelles sont les facilités dont il dispose, quelles sont les traditions de la vie en c o m m u n , ce qu 'on peut demander et à qui, par quel m o y e n , etc. U n e petite brochure, à son n o m et avec un plan som­maire des lieux, contenant les éléments indispensables des règles en usage et des commodités offertes, lui sera remise. Puis l'hôtesse présentera le malade à son infirmière, à son médecin et à ses voisins immédiats. Elle s'ingéniera à fournir à l'entrant tout ce qu'il peut souhaiter et n'ose peut-être pas demander : qu 'on téléphone pour annuler u n rendez-vous, qu 'on lui donne du papier à lettres, etc.

L e rôle de l'hôtesse ne se confond pas avec celui de l'assistante sociale, ni avec celui de l'infirmière. L e reste de son activité pourra être consacré à l'aménagement de la vie sociale du service : distractions individuelles ou col­lectives, etc.

La relation médecin-malade.

L e médecin d'hôpital ne peut être efficace qu'entouré de collaborateurs, spé­cialistes ou simples assistants. Mais la médecine exige un m o d e de relation individuelle, qui semble difficilement compatible avec la médecine d'équipe. Il faut donc prévoir, au sein de l'équipe, une répartition des responsabilités en ce qui concerne les différents malades. Chaque malade doit avoir un m é d e ­cin qui soit entièrement responsable de la conduite du traitement, tout en travaillant en collaboration intime avec ses coéquipiers. C'est ce médecin qui appellera un spécialiste auprès de son malade ou confiera temporairement ce dernier au radiologue ou au chirurgien. L'orientation actuelle de l'organi­sation sanitaire tend à ce que la m ê m e équipe continue à suivre le malade après la sortie et, en collaboration avec le médecin de famille, assure une continuité des soins qui élimine les ruptures successives de traitement et les explorations inutilement répétées.

La relation infirmière-malade.

C o m m e le médecin, l'infirmière a de multiples tâches à remplir et elle ne peut le faire qu'en équipe. Il est tentant, dès lors, de diviser le travail et de le nor­maliser. Telle infirmière distribue les thermomètres, telle autre les relève et remplit la feuille de température. U n e autre fait les pansements, une autre enfin distribue les médicaments ou l'alimentation. O r , le malade a besoin d'une infirmière dont il sache qu'elle est responsable de lui.

Des formules souples doivent donc être trouvées — et peuvent l'être, si on les recherche attentivement — qui confient la responsabilité d ' un groupe res­treint de malades à une infirmière déterminée, sans que cela l'empêche de participer au travail collectif de l'équipe chargée des soins. A la période aiguë, le malade a souvent besoin de son infirmière à tout m o m e n t , aussi bien pour veiller à son alimentation que pour surveiller sa température, redresser son oreiller ou lui administrer les médicaments. Il va de soi que l'infirmière peut se faire aider pour toutes ces tâches, mais c'est elle seule qui en garde la responsabilité.

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A u fur et à mesure de l'amélioration, il sera souhaitable, au contraire, que plusieurs infirmières prennent contact avec le malade à l'occasion d'épisodes divers de son traitement, et qu'il participe lui-même au travail collectif, en rendant à ses voisins de menus services qui économiseront le temps du per­sonnel.

L'unité d'hospitalisation.

Elle doit être prévue avec des dimensions telles que l'ensemble des malades puissent être placés sous la responsabilité d'une m ê m e équipe soignante, sans que cette équipe soit elle-même trop nombreuse. Il faut aussi que la population totale (malade et personnel soignant) soit assez restreinte pour être facilement connue de tous.

L'expérience montre que le chiffre opt imum se situe entre vingt et quarante personnes. O n peut donc prévoir des unités de quinze à vingt malades envi­ron, pour les services où sont donnés des soins intensifs, et des unités de l'ordre de vingt-cinq à trente malades, pour ceux où les soins sont dispensés à un rythme moins rapide. Les services seront utilement subdivisés en groupes de cinq à huit malades, selon le rythme de soins prévu. D e tels groupes sont, en effet, aisément perçus en tant que tels et trente personnes peuvent facilement être connues des membres du personnel.

Ces chiffres ayant une incidence directe sur l'architecture, leur importance sera discutée plus loin. Nous verrons que c'est seulement dans ces limites qu 'on peut espérer assurer au malade le m a x i m u m de sécurité, tout en préservant un m i n i m u m indispensable d'autonomie et de liberté de choix dans ses modes de relations humaines.

Le milieu hospitalier dans son ensemble.

Il doit constituer une unité fortement diversifiée. L a diversification s'impose, d'une part, du fait de la spécialisation toujours plus poussée des techniques, d'autre part, du fait des exigences variées et souvent contradictoires des malades.

Mais l'unité de l'ensemble est un impératif encore plus important. Elle sera réalisée dans la mesure où cet ensemble constituera un « c h a m p social » dans le sens que Kurt Lewin donne à cette expression. O n entend par là u n grou­pement d'individus structuré de telle sorte que toute modification portant sur l'un des éléments soit ressentie par l'ensemble et que toute influence exercée sur le groupe dans sa totalité retentisse sur chacun de ses membres . Ceci se traduit par des exigences d'ordre numérique, de dispositions architecturales et d'organisation fonctionnelle. Plus le nombre des hospitalisés est important, plus la structuration fonctionnelle doit être rigide et plus les dispositions architecturales doivent être concentrées. O n voit donc l'intérêt d 'un nombre restreint. Mais, à l'inverse, une forte diversification nécessite un nombre suf­fisant d'hospitalisés.

L 'op t imum, pour une population peu changeante, se situe autour de trois cents personnes. Si la rotation est plus rapide, c o m m e c'est le cas dans un service chirurgical par exemple, ce nombre op t imum pourra devenir inférieur à cent, tandis qu'il pourra s'élever au-dessus de cinq cents dans les établissements où le séjour moyen est supérieur à six mois.

L'essentiel est que l'ensemble puisse être confié à une équipe directrice

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homogène, dont chaque m e m b r e est plus particulièrement responsable d'un secteur d'activité, et qu'ainsi l'influence de l'équipe soit resssentie à tous les échelons de l'hôpital, sans qu'il soit besoin de multiplier les règlements, les interdictions, les notes de service et les mesures de contrôle.

Des dispositions architecturales, des systèmes de liaison, des réunions de coordination devront être prévus avec soin dans cette perspective. Dans tous les hôpitaux où les séjours sont quelque peu prolongés, un comité des malades sera de la plus grande utilité pour favoriser la participation à la vie collective, donc pour organiser le « c h a m p social ».

F A C T E U R S ARCHITECTURAUX.

Pendant longtemps, les efforts architecturaux ont été orientés, en matière hospitalière, par le désir de concilier le confort matériel, la commodité tech­nique et l'économie d'exploitation. Les solutions recherchées visaient donc à concentrer le plus possible de malades autour des installations techniques, de façon à limiter les circulations, donc les effectifs de personnel. C o m m e , d'autre part, les exigences techniques varient suivant les types de malades, il était naturel de spécialiser certaines zones de l'hôpital dans le traitement de divers types de maladies et de subdiviser ces dernières en aiguës et chroniques.

Cette conception se traduisait — et se traduit souvent encore —- par de massives constructions dans lesquelles se trouvaient superposées les installa­tions nécessitant un appareillage important, tandis qu'étaient refoulés veis les extrémités les services destinés aux malades dits chroniques.

Pour faciliter la surveillance tout en économisant le personnel, d'ingé­nieuses dispositions ont été imaginées : parois transparentes, signaux d'appel lumineux et sonores, systèmes d'interphonie, etc. Par contre, il était admis que les malades devaient se déplacer le moins possible et, mieux encore, rester en permanence dans leur lit — ces solutions permettant d'économiser les « places perdues » (salons de repos, dégagements, etc.).

Pour des raisons d'hygiène et de commodité d'entretien, on recouvrait uniformément les murs de peintures laquées, on bannissait les rideaux et l'on utilisait un mobilier autant que possible métallique.

C e n'est que tout récemment que les administrateurs et les architectes hos­pitaliers ont c o m m e n c é à prendre en considération les exigences psycholo­giques des malades. L e premier effort dans ce sens a consisté à supprimer les grands dortoirs et à les remplacer par des groupes de quatre à six lits. O n a m ê m e pensé réaliser un progrès en adoptant les chambres individuelles et les chambres à deux lits. Mais, pour ce qui est de la disposition d'ensemble de l'hôpital, la plupart des spécialistes de la construction hospitalière ne prennent pas encore conscience des inconvénients des formules habituellement adop­tées. O r , nous l'avons vu, les besoins essentiels du malade peuvent se résumer en deux mots : sécurité, indépendance. Ces deux exigences sont, en grande partie, contradictoires et c'est un compromis entre les deux que doit réaliser l'architecture hospitalière, en accordant d'ailleurs la priorité au facteur sécurité.

Le m o t s'entend ici non pas au sens d'une sécurité technique objective, mais d 'un sentiment de sécurité. C e sentiment naît d'abord du fait que l'en­vironnement qu 'on propose au malade est soit familier, soit au moins aisé­ment compréhensible et que sa signification est claire et rassurante.

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Pour que l'architecture soit familière, il faut que son style soit analogue à celui des autres constructions locales. Cela ne veut pas dire que l'hôpital doive ressembler à une maison d'habitation ou à un bâtiment municipal. Il faut, en effet, que sa signification soit claire : donc qu'on ne puisse pas le confondre avec une gare ou avec une prison. C'est de l'hôtel de séjour que son apparence extérieure devra se rapprocher le plus. Pour que sa signification soit rassurante, il faut éviter les entrées monumentales et les décorations de palais. Monuments et palais sont faits pour écraser le visiteur et le rappeler à l'humilité et à la discrétion. L'hôpital, au contraire, se doit d'être accueillant. Dès l'entrée, il convient qu'il présente au visiteur une structure simple. Le malade doit pouvoir aisément comprendre où il est par rapport au m o n d e extérieur. S'il s'agit d 'un bâtiment unique, une structure symétrique par rap­port à un bloc central sera facilement perceptible. Il faudra redouter, par contre, les étoiles à plusieurs branches et, en général, toute forme donnant une impression de labyrinthe. S'il s'agit d'une construction de type pavillonnaire, c o m m e c'est le cas habituellement pour les hôpitaux psychiatriques, le mieux est de prévoir trois ou quatre groupes de pavillons, disposés de façon légère­ment dissymétrique par rapport à un point central (le centre social), chaque groupe n'étant lui-même composé que de trois ou quatre pavillons, dont cha­cun se singularise par sa forme, sa disposition ou, au moins, sa décoration extérieure. Il faut, en un mot, que le malade s'oriente aisément dans l'espace. O n peut l'y aider par des artifices : couleurs différentes, panneaux indicateurs, etc. Il faut aussi favoriser le plus possible son orientation dans le temps; l'uti­lisation de pendules et de calendriers, l'affichage de programmes hebdoma­daires, l'émission d 'un journal parlé à heures fixes, etc., sont quelques moyens parmi beaucoup d'autres à ne pas négliger.

Pour qu'il éprouve un sentiment de sécurité, il est nécessaire que le malade soit très rapidement familiarisé avec les visages des gens auprès desquels il doit vivre. Cela implique que les sections doivent être de petites dimensions : vingt à trente malades au m a x i m u m . Il faut que le malade puisse reconnaître une personne du plus loin qu'il la voit, ce qui exclut tout couloir dépassant 45 mètres de longueur.

Si tout le m o n d e s'accorde à reconnaître le caractère inhumain des grands dortoirs, on hésite encore sur les solutions à adopter pour les dimensions des chambres de malades. L a chambre individuelle a ses partisans : elle favorise l'indépendance et l'intimité. Mais le malade, souvent anxieux, redoute la soli­tude. Bien souvent, il voudra que sa porte reste ouverte et il accueillera toute visite c o m m e un bienfait. O r les visites, m ê m e celles de l'infirmière, troubleront son repos. C'est donc seulement dans la mesure où le malade pourra être visité souvent ou aura besoin de la présence fréquente de l'infirmière que la chambre individuelle sera souhaitable.

L a chambre à deux lits est également appréciée. Elle évite l'isolement et l'angoisse qu'il provoque. Mais ses inconvénients sont évidents. Être contraint de vivre avec un inconnu entraîne au début une gêne qui se traduit bientôt par une amitié, d 'où les implications homosexuelles — inconscientes ou non — ne sont pas exclues. Mais l'expérience montre qu'avant longtemps cette amitié se transforme en agacements réciproques, si ce n'est en véritable aversion. Enfin, dans les hôpitaux où le mouvement est important, le changement fré­quent de partenaire constitue une épreuve trop souvent renouvelée.

D e ce point de vue, la chambre à trois lits présente moins d'inconvénients. Pourtant l'expérience montre que les groupes de trois se comportent de façon

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assez curieuse. Ils se signalent souvent par du désordre, de l'indiscipline, des bavardages incessants. Le groupe a tendance à se structurer de façon triangu­laire, rarement par la tyrannie d'un leader sur les deux autres, beaucoup plus souvent par l'alliance de deux des membres du groupe contre le troisième (rappel, sans doute, de la situation triangulaire du couple parental et de l'en­fant unique). C e dernier, placé en position infantile dans un m o n d e d'adultes, devient aisément un souffre-douleur.

L a chambre à quatre lits est certainement préférable. Cependant, elle a encore l'inconvénient de permettre trop aisément la division en deux couples qui bientôt peuvent s'opposer. D e ce point de vue, elle est moins bonne que la chambre à deux lits et, d'autre part, le groupe est trop restreint pour per­mettre une indépendance suffisante.

Il faut au moins cinq à six lits pour que les inconvénients du groupe soient compensés par le fait que chacun peut désormais lire ou faire sa toilette sans la participation de tout le groupe 1. A mesure que le groupe augmente en nombre, chacun retrouve, en effet, une certaine indépendance, mais perd en m ê m e temps de son importance en tant que m e m b r e d 'un ensemble. O r le malade a besoin, à la fois, d'être intégré dans un groupe humain qui lui assure un sentiment de sécurité et de garder une indépendance suffisante. L'expérience montre que c'est entre cinq et sept personnes pour les malades et entre cinq et douze personnes pour les bien portants que l'équilibre entre ces deux exigences est le mieux réalisé.

Le boxage de chaque lit, en augmentant l'indépendance, permet de réduire considérablement les inconvénients mentionnés ci-dessus. Il semble bien que si l'on aménage des ensembles de trois à douze lits boxés, en évitant une trop grande monotonie dans la disposition, on donne satisfaction au plus grand nombre. Il restera toutefois nécessaire de disposer de chambres d'isolement pour certains malades — sujets bruyant, contagieux ou moribonds.

Plus le groupe sera important et plus il sera nécessaire de personnaliser chaque malade. Il importe qu'il puisse disposer d 'un meuble fermant à clef, d'une étagère où il placera u n souvenir, une photo, un vase de fleurs. Il sera souvent utile d'inscrire son n o m à l'entrée de son box ou à la tête de son lit, de l'autoriser à porter ses effets personnels, etc. Toutes les fois que des impé­ratifs techniques importants ne s'y opposent pas, l'utilisation, pour le mobilier, de matériaux traditionnels (bois, cuir, étoffe) est recommandable. Des cou­leurs variées permettent également de rompre la monotonie et de favoriser l'orientation.

Est-il besoin d'ajouter que les installations sanitaires doivent être disposées de façon à permettre à chacun d'en user hors de la vue de tous ?

L a sécurité implique la possibilité d'appeler. E n fait, le groupement des malades par ensembles de cinq à sept sujets limite considérablement l'anxiété qui est à l'origine de beaucoup d'appels. D e multiples petits services sont rendus par le voisin, sans qu'il y ait lieu de déranger l'infirmière. Il reste néanmoins nécessaire de prévoir des systèmes de communication qui per­mettent à un personnel restreint d'être à la disposition constante des malades.

ï. Il peut paraître étonnant que de si grandes différences se manifestent du fait qu'un groupe s'accroît d'uneseule unité. Il suffit, pour comprendre ce phénomène, de se rappeler qu'un groupe de deux comporte un seul m o d e possible d'interrelations. U n groupe de trois en comporte déjà six, un groupe de quatre, vingt-cinq et un groupe de cinq, trois fois plus, etc. L'équilibre entre les exigences de sécurité et d'autonomie est obtenu quand le groupe est assez petit pour permettre une intégration facile et assez grand pour permettre une variété suffisante de modes d'interactions.

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Certaines installations fort ingénieuses comportent des signalisations lumi­neuses et parfois sonores, dont les avantages sont certains, mais qui ont aussi l'inconvénient d'offrir au malade un aspect insolite, quelque peu effrayant. Si, en appuyant sur u n bouton, il s'aperçoit qu'il déclenche une mécanique compliquée, il sera loin d'être rassuré. E n ces matières, le dispositif le plus simple est le meilleur.

Le problème du bruit et de la protection d u sommeil mérite une mention spéciale. L'insonorisation des couloirs doit être l'objet de soins particuliers. Les portes et les installations sanitaires doivent être étudiées de façon à pouvoir être utilisées en tout temps, sans troubler le repos des malades. Les transports par chariot doivent également être silencieux.

L a lumière pose des problèmes difficiles. L'impression de sécurité est donnée au malade lorsqu'il est dans l'obscurité et voit ce qui se passe autour de lui. Mais il importe que l'infirmière puisse également le voir. U n e lumière diffuse, au ras du sol, constitue la meilleure formule pour les heures de nuit. Il suffira que le malade puisse aisément allumer lui-même une veilleuse au chevet de son lit pour que la plupart des problèmes soient résolus. Il faut, en effet, éviter que le personnel ne réveille les malades en promenant une lampe ou en allumant un éclairage central.

Nous n'avons envisagé jusqu'ici que l'alitement. Et bien des hôpitaux ont été conçus uniquement c o m m e des ensembles de lits. D e plus en plus, cepen­dant, on considère qu 'un malade ne doit passer au lit que le temps strictement nécessaire. L e lever précoce, au décours des affections aiguës, les soucis de rééducation fonctionnelle dans tous les cas exigent qu'on prévoie des locaux de jour encore plus importants que les locaux de nuit.

A proximité des chambres, les malades doivent pouvoir disposer de petits salons de repos, de lecture, de conversation, de correspondance, de jeux, de musique.

Des ateliers de thérapeutique occupationnelle seront aménagés dans des locaux relativement éloignés des salles de séjour. Il faut, en effet, qu'on puisse y manier des instruments bruyants, sans gêner les autres malades. Il est bon de prévoir des salles de petites dimensions, que les malades puissent aménager à leur gré, sous la conduite de moniteurs.

Dans une zone plus centrale, on pourra prévoir un centre social, où les malades trouveront u n foyer de vie collective, sous forme de salles de jeux, de spectacles, un bar, et quelques boutiques où il leur sera possible de se procurer des journaux, de la papeterie, des articles de toilette, des friandises.

Le problème architectural, à l'hôpital, consiste à aménager l'espace de façon à le rendre significatif. Il faut se rappeler que nos facultés perceptives ont, de ce point de vue, certaines exigences structurales. U n espace rectangu­laire de petites dimensions est plus aisé à saisir qu 'un espace aux formes courbes et surtout qu 'un espace dont les lignes dessinent des angles aigus ou obtus.

O r le malade a besoin de zones de sécurité — chambres, petits salons, patios, terrasses couvertes, etc., qui lui offrent des lignes rectangulaires et des aires de petites dimensions. Mais il a aussi besoin d'espaces plus vastes et de lignes plus complexes, qui l'invitent à faire un effort d'adaptation plus difficile et l'incitent à un nouvel entraînement en matière d'orientation.

C'est dire que les solutions uniformes doivent être rejetées au profit de formules plus diversifiées, la règle étant de favoriser surtout la sécurité dans les parties de l'hôpital où le malade s'abrite, au cours des phases aiguës de sa

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maladie, et de permettre son indépendance dans celles où il sera amené à se diriger dès les débuts de sa guérison.

Certains administrateurs ne manqueront pas d'objecter qu'il s'agit là de points de vue secondaires, qui ne peuvent être mis en balance avec les néces­sités d'une gestion économique.

E n apparence, en effet, ces exigences d'ordre psycho-social semblent s'op­poser à celles d'une organisation « rationnelle ». U n hôpital de grande capacité, une utilisation rigoureuse de l'espace sont plus économiques, pense-t-on, du point de vue du chauffage, de l'alimentation, du blanchissage, qu 'un hôpital plus petit, comportant les facilités de vie sociale que nous préconisons.

C e n'est pas certain. L'expérience montre, en effet, que les hôpitaux de petites dimensions ont des prix de journée souvent inférieurs à ceux d'hôpitaux plus vastes. S'il est vrai qu'on économise du personnel en lui évitant des déplacements inutiles, on multiplie son rendement en favorisant chez lui le sens de la responsabilité. L'absentéisme et surtout le gaspillage — plaies majeures du personnel hospitalier — sont très diminués par une meilleure intégration à la vie de l'hôpital.

Quant aux malades, il est certain qu'ils bénéficient des qualités psycho­sociales du cadre hospitalier jusque sur le plan physique. Toute leur énergie nerveuse peut être consacrée à leur guérison, au lieu d'être mobilisée par les nécessités de l'adaptation à un environnement étrange et, de ce fait, plus ou moins angoissant. L'économie d 'un hôpital ne se mesure pas à son prix de journée mais à son efficacité thérapeutique.

Il pourra se trouver également des psychologues pour contester la valeur scientifique de certaines de nos assertions. Précisons que notre objectif n'était pas d'élaborer des règles précises sur des bases scientifiques incontestées, mais de poser quelques problèmes et de rechercher des solutions parmi celles qui, longuement éprouvées par l'expérience, peuvent se référer aux principes généraux de l'hygiène mentale.

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LA SANTÉ MENTALE DANS LES ÉTABLISSEMENTS

D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR AUX ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

par D A N A L. FARNSWORTH et H E N R Y K . OLIVER

A u cours des trente ou quarante dernières années, la santé mentale de l'étu­diant a été l'objet de l'attention croissante des administrateurs ainsi que des médecins attachés aux établissements d'enseignement supérieur. Cela tient, en partie, au fait qu 'on s'est rendu compte de plus en plus nettement que de nombreux étudiants ne parvenaient pas à mener à bien leurs études univer­sitaires, en dépit de dons intellectuels très supérieurs à la moyenne. Dans certains établissements, d'autre part, la fréquence des suicides a provoqué de fortes inquiétudes. Quant aux mesures prises en vue de répondre aux besoins des étudiants souffrant de troubles psychiques, elles ont donné des résultats très inégaux dans les différentes parties du m o n d e .

Pour permettre une confrontation des idées actuellement professées en la matière dans des milieux très divers, la Fédération mondiale pour la santé mentale et l'Association internationale des universités ont organisé une confé­rence internationale sur la santé mentale de l'étudiant, qui s'est tenue à Princeton (New Jersey), du 5 au 15 septembre 1956. C'était la première fois qu'une réunion de ce genre avait lieu. Elle a bénéficié du concours financier des Fondations Grant et Field. Trente-sept délégués, appartenant à dix pays différents (Australie, Canada, Costa Rica, États-Unis, France, Malaisie, Mexique, Pays-Bas, Philippines et Royaume-Uni ) , y ont examiné divers aspects de la santé mentale de l'étudiant dans leurs pays respectifs. Plusieurs spécialistes ont également apporté leur contribution à l'étude de certains problèmes particuliers.

Tous les délégués ont exprimé l'avis que, dans leur pays, les problèmes de santé mentale étaient les plus graves auxquels les étudiants eussent à faire face. Toutefois, dans deux de ces pays —• la France et les Pays-Bas — ce n'était que tout récemment que ces problèmes avaient pris, à cet égard, la place de la tuberculose. Dans l'ensemble, les perturbations psychologiques qui affectent les étudiants ont été attribuées à des causes extérieures, tenant spéci­fiquement au milieu; dans certains pays, c o m m e l'Australie et la France, il s'agissait, par exemple, de la crainte des examens, de conditions de logement médiocres ou de rapports peu satisfaisants avec le personnel enseignant; aux États-Unis, par contre, c'étaient les conflits d'ordre interne ou intrapsychique qui étaient le plus souvent considérés c o m m e la cause essentielle des troubles psychiques. A u Mexique et dans quelques pays d'Extrême-Orient, les étudiants exercent plus nettement qu'ailleurs une influence sur les professeurs et l'admi­nistration des établissements et cela, fréquemment, au moyen de manifesta­tions et de grèves. Partout le suicide pose un problème. A u x Pays-Bas et en France, on ne procède pas à une sélection de futurs étudiants avant de les admettre dans les universités, et il en résulte qu 'un grand nombre d'étudiant?

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qui ne peuvent se maintenir au niveau exigé sont éliminés, par la suite, pour cause d'insuffisance. D'après les renseignements fournis, l'emploi de stimulants avant et pendant les examens serait courant dans la plupart des pays. A u x Philippines, il y a beaucoup plus d'étudiants diplômés que de situations per­mettant aux intéressés d'exercer leurs capacités professionnelles — ce qui provoque chez ces derniers une profonde frustration. Des cours sur la santé mentale ont donné d'excellents résultats au Costa Rica, mais ce procédé a été d 'un emploi moins fréquent ailleurs.

Les problèmes relatifs à la santé mentale de l'étudiant diffèrent selon les pays, en fonction des effectifs universitaires. Le taux de fréquentation des établissements d'enseignement supérieur est, en effet, extrêmement variable : il peut aller d'un étudiant pour soixante habitants, aux États-Unis, à un étudiant pour six cent quarante habitants, en Angleterre. Cette situation a évidemment donné lieu à une attitude très différente à l'égard des études supérieures dans ces deux pays. E n Angleterre, elles sont considérés c o m m e un privilège ; aux États-Unis, c o m m e un droit.

Les recommandations de la conférence, dont on trouvera plus loin une analyse, ont résumé une longue série de discussions. U n volume sur les actes de la conférence sera publié en 1959.

C'est aux États-Unis que l'on s'est le plus préoccupé jusqu'ici de la santé mentale des étudiants; des programmes spécialement conçus à cet effet y ont été appliqués dans une centaine d'établissements d'enseignement supérieur. L a plupart de ces établissements ont un psychiatre attitré, qui leur réserve une partie de son temps et avec lequel collabore parfois un psychologue médical ou, dans des cas plus rares, un assistant social. Quelques universités comptent, parmi leur personnel, des psychiatres engagés à plein temps, mais, à l'heure actuelle, le nombre total de ces spécialistes ne dépasse pas quarante.

C'est entre 1910 et 1920, à l'Université de Princeton, à l'Université du Wisconsin, au Washburn College et à la United States Military Academy de West Point, qu'ont été faites les toutes premières tentatives pour établir des programmes systématiques. Peu après, des services psychiatriques étaient créés au Dartmouth College et au Vassar College, ainsi qu'à l'Université Yale1.

A la première réunion de l'American Student Health Association (devenue aujourd'hui l'American College Health Association), qui s'est tenue en 1920, Frankwood Williams a insisté pour que les établissements d'enseignement supérieur missent au point des programmes concernant la santé mentale, afin de répondre aux nécessités suivantes : 1. Préserver l'intégrité de la communauté estudiantine, de façon que les sujets

intellectuellement doués ne soient pas inutilement contraints de renoncer à poursuivre leurs études.

2. Prévenir l'échec pour cause de maladie nerveuse ou mentale se déclarant, soit immédiatement, soit à longue échéance.

3. Réduire au m i n i m u m l'échec partiel qui résulte d'un sentiment de médio­crité, d'inadaptation, d'inefficacité et d'insatisfaction.

4 . Faire en sorte que chaque individu soit à m ê m e d'utiliser plus complè­tement ses facultés intellectuelles en élargissant, en ce qui le concerne, le c h a m p de contrôle conscient et, par-là m ê m e , le c h a m p de contrôle social2.

1. F A R N S W O R T H , D . L. , Mental Health in College and University, Harvard, University Press, Cambridge, 1957, p. 10.

-. W I L L I A M S , F., « Mental Hygiene and the College Student », Mental Hygiene 5, avril 1921 : 283-301.

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L'Université Yale a créé, en 1925, dans le cadre de son service de santé à l'usage des étudiants, une section d'hygiène mentale qui est progressivement devenue l'une des institutions les plus perfectionnées qu'il y ait en ce domaine. Depuis 1936, époque à laquelle il a pris ses fonctions, jusqu'à sa mort, survenue en 1955, le D r Clements C . Fry y a déployé une activité remarquable. L ' o u ­vrage qu'il a écrit en collaboration avec E d n a G . Rostow, sous le titre Mental Health in College, résume bien ce qui a été accompli jusqu'en 1942 pour a m é ­liorer la santé mentale des étudiants 1. C'est, en grande partie, grâce à ses efforts qu 'a été conçu un vaste programme de traitement, d'éducation et de recherche, dont l'exécution se poursuit actuellement à l'aide de dotations.

Presque tous les psychiatres qui ont eu l'occasion d'acquérir une expérience étendue en exerçant leurs fonctions dans le milieu universitaire s'accordent à reconnaître qu'environ 10 °/0 des étudiants d 'un établissement d'enseignement supérieur ont toutes chances d'avoir, au cours de l'année, à u n m o m e n t o u à un autre, des difficultés d'ordre psychologique qui nuisent gravement à leur travail. O r très peu d'établissements sont dotés de services psychiatriques suffisamment importants pour pouvoir s'occuper d 'un si grand nombre d'étu­diants. E n fait, le nombre m a x i m u m de consultations psychiatriques et de conseils thérapeutiques susceptibles d'être donnés à l'heure actuelle dans les collèges universitaires et les universités ne dépend pas des besoins, mais du nombre d'heures pendant lesquelles un psychiatre se trouve à la disposition des établissements. L'insuffisance des ressources financières et professionnelles a donc empêché jusqu'ici que soit exactement mise en évidence l'importance véritable des maladies mentales dans une collectivité d'étudiants. D'après des enquêtes officieuses, qui ont été effectuées dans certains établissements, l'ampleur de ces maladies et de la psychothérapie qu'elles réclament dépasse de beaucoup les estimations auxquelles on s'était précédemment arrêté- Il semble bien que ce ne soient pas seulement les étudiants des universités mais aussi ceux des instituts de hautes études qui éprouvent, sans pouvoir les résoudre, de graves difficultés d'ordre psychologique qui nuisent beaucoup à la préparation de leur carrière.

Le psychiatre a un double rôle à jouer dans l'exécution d 'un programme concernant la santé mentale dans une université. U n e tâche importante consiste pour lui à s'occuper des étudiants ou des autres membres de l'établis­sement en proie à des difficultés d'ordre psychologique qui les empêchent de fournir u n travail efficace. Il lui appartient aussi — c'est là une fonction encore plus capitale — de centraliser méthodiquement les connaissances qu'il acquiert en traitant les sujets qui sont en butte à de telles difficultés et, tout en respec­tant le secret professionnel, de les communiquer à l'ensemble de la collectivité intellectuelle, de façon que tous les membres de l'établissement soient mieux avertis des problèmes qui se posent à cet égard.

Les psychiatres attachés à des universités doivent constamment faire face à l'obligation urgente de traiter activement les étudiants qui souffrent de pertur­bations suffisamment graves pour que cela nuise à la bonne marche de leurs études. O r , en obéissant à cette nécessité pressante, ils renoncent à la possi­bilité de faire appel aux principes tirés des sciences sociales pour influer sur le développement des étudiants qui, sans éprouver apparemment de difficultés, n'utilisent pas complètement leurs capacités. A titre de compromis, la plupart des psychiatres cherchent à faciliter le dénouement des crises, soumettent à de

1. F R V , C. C ; R O S T O W , E . G . , Atentai Health in College, Common weal tb Fund, N e w York, 1942.

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brèves séances de psychothérapie les sujets dont la santé mentale ne paraît pas gravement atteinte et envoient se faire soigner à l'extérieur les malades qui ont besoin d 'un véritable traitement. Cela revient à dire que, dans bien des cas, aucun secours ne peut être directement fourni à ceux qui en ont besoin, faute de ressources médicales et financières suffisantes.

L'idée que se fait d 'un établissement d'enseignement supérieur le psychiatre qui traite les étudiants en proie à des conflits psychologiques est différente de celle du professeur, qui est en contact avec les étudiants dans les salles de cours et dans la vie privée. Chacun d'eux se fait une idée incomplète de la réalité. U n psychiatre — c'est un des services les plus précieux qu'il puisse rendre à un établissement du genre considéré — peut contribuer à la mise au point d'un système qui lui permette de procéder à des échanges de vues avec les profes­seurs et les administrateurs de l'établissement, de façon à parvenir à une connaissance plus approfondie des étudiants et à créer des conditions propices à un enseignement et à des études de qualité opt imum.

Depuis bientôt dix ans, un groupe de psychiatres qui ont la pratique des étudiants se réunissent régulièrement deux fois par an au sein d 'un des comités constitués par le Group for the Advancement of Psychiatry. Si la composition de ce groupement a très souvent changé, le thème de ses préoccupations n'a jamais varié; il consiste à rechercher les procédés, les moyens, les méthodes et les techniques qui peuvent contribuer à améliorer l'enseignement et les études dans les universités et, de ce fait, aider les étudiants et les professeurs à acquérir une plus grande maturité psychologique. D e u x rapports ont été publiés, l'un en 1950, sous le titre « T h e Role of Psychiatrists in Colleges and Universities », et l'autre en 1955, sous le titre « Considerations on Personality Development in College Students » 1 . Ces deux rapports témoignent, de la part de leurs auteurs, d 'un effort évident pour dépasser le stade du traitement des sujets atteints de troubles psychiques et appliquer les idées et les principes tirés de l'observation d'étudiants souffrant de tension nerveuse, en vue de mettre au point des méthodes d'enseignement plus efficaces et d'améliorer les relations entre étudiants et professeurs. O n espère qu'ainsi les psychiatres pourront rendre service à tous les étudiants et non pas seulement à ceux qui souffrent de troubles psychiques déjà graves. L e comité a maintes fois souligné l'importance qu'il y a à ce que le psychiatre soit intégré au personnel ensei­gnant de l'établissement, afin de pouvoir s'occuper, en collaboration avec les autres membres de ce personnel, des problèmes d'éducation qui, sans relever directement de la psychiatrie, ont une influence sur le développement de la personnalité. Cette conception est diamétralement opposée aux idées exprimées par de nombreux étudiants européens, d'après lesquels seul un psychiatre privé peut agir vraiment pour le compte de l'étudiant; c'est admettre qu'un psychiatre qui est au service d 'un établissement agira nécessairement avec le souci de défendre les intérêts de cet établissement, ce qui est incompatible avec une psychothérapie bien comprise. Pour leur part, les psychiatres atta­chés aux universités américaines estiment généralement qu'ils peuvent servir les intérêts de l'établissement en m ê m e temps que ceux de chaque patient pris en particulier.

O n a constaté que, dans la plupart des cas, les troubles psychiques qui

ï. G . A . P . Report n° 17, <t The Role of Psychiatrists in Colleges and Universities », 1950, Revu et corrigé en 1957 ; G . A . P . Report n° 32, a Considerations on Personality Development in College Students », mai 1955. Group for the Advancement of Psychiatry, 104 East 25th Street, N e w York 10, N . Y .

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affectent les étudiants tiennent, en définitive, aux conditions existant dans les familles, les collectivités et les milieux sociaux d 'où viennent les intéressés. Il arrive parfois qu 'un contraste entre les valeurs et coutumes d 'un établis­sement et celles de la collectivité d'où l'étudiant est issu contribue à créer un état morbide. Il est rare, en tout cas, qu'une maladie mentale grave puisse être uniquement attribuée aux conditions qui existent dans un établissement donné.

Parmi les éléments défavorables qui jouent dans le cas des étudiants en proie à des conflits psychologiques, on peut citer la mésentente entre les parents, la rigidité, l'intolérance et les préjugés dont les parents ou des membres plus âgés de l'entourage font preuve sur le plan affectif, u n m a n q u e de chaleur chez les parents et les maîtres, un m a n q u e de discipline ou une discipline incohé­rente, ainsi que d'autres influences déprimantes, d'ordre psychologique ou liées au milieu.

Les étudiants qui ont recours à des psychiatres ou à d'autres conseillers peuvent y être incités pour différentes raisons : échecs scolaires évidents, senti­ments d'apathie, de dépression ou d'anxiété excessive, contrainte dans la conduite, idées fixes, symptômes physiques (troubles psychosomatiques) et formes diverses de comportement jugées inadmissibles par l'entourage ou la collectivité. Dans la plupart des établissements, on enregistre en moyenne deux cas de psychose grave par an pour I ooo étudiants inscrits. Les établis­sements où l'on compte en moyenne plus d 'un suicide pour 10 ooo « années d'étudiant » peuvent certainement incriminer les mauvaises conditions qui existent à l'université ou l'insuffisance de leurs services de traitement.

L'élaboration d 'un programme relatif à la santé mentale dans un établis­sement d'enseignement supérieur ne doit être entreprise qu'après une enquête approfondie des membres du personnel enseignant et administratif. Sans l'appui des dirigeants de l'établissement, il est peu probable que des résultats soient obtenus. C e sont généralement les doyens, les médecins d'université, les spécialistes de l'orientation, les psychologues professionnels ou les ministres du culte qui prendront l'initiative de mettre au point un programme spécial. Parfois, c'est un drame provoqué par un étudiant psychologiquement déséqui­libré qui attire impérieusement l'attention sur la nécessité, pour tous les m e m ­bres de l'établissement, de se préoccuper davantage des maladies mentales et de leur prévention.

Il ne suffit d'ailleurs pas de recueillir l'avis des membres du personnel enseignant : il faut également consulter les étudiants. Ceux-ci mesurent sou­vent mieux que les professeurs combien les troubles psychiques sont affligeants et nuisent au travail.

D a n s les pays où les établissements d'enseignement disposent de psychiatres, le programme peut être mis à exécution sous la direction du service médical destiné aux étudiants. L'initiative peut aussi être prise d'heureuse façon par un département de psychologie qui s'intéresse activement à la psychologie médi­cale, ou par un spécialiste de l'orientation, désigné à cet effet. Le principal gage de réussite consiste à maintenir un contact étroit entre tous ceux qui s'occupent de venir en aide aux étudiants en difficulté. L a concurrence entre éléments différents qui se disputent la clientèle des étudiants est regrettable et souvent désastreuse.

D a n s les pays où les services psychiatriques sont extrêmement réduits ou inexistants, le meilleur procédé consisterait à instituer un système d'orientation par entretiens personnels avec l'étudiant. Toutefois, dans beaucoup d'établis-

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sements, l'idée de relations plus étroites entre les étudiants et les membres du personnel enseignant se heurte à une assez forte résistance, et ce n'est que très lentement qu'une amélioration pourra être enregistrée à cet égard.

L'orientation par entretiens personnels diffère de la psychothérapie, en ce sens qu'elle a essentiellement pour objet d'encourager les étudiants à acqué­rir le m a x i m u m de connaissances et de leur faire mieux comprendre qu'il ont à veiller eux-mêmes à leur développement ultérieur, sur le plan intellec­tuel et affectif. U n bon conseiller psychologique est, en fait, un spécialiste de l'éducation indirecte. Il apprécie avec les étudiants les solutions entre lesquelles ils ont le choix quand ils sont sur le point de prendre des décisions revêtant une grande importance pour eux. Il les aide à se mieux comprendre et à formuler les problèmes devant lesquels ils se trouvent, mais il leur laisse le soin de les résoudre. Il ne prodigue pas ses avis et encourage en toutes circons­tances la liberté de jugement des intéressés. Il se garde scrupuleusement de sonder leurs pensées intimes et de juger leur comportement personnel ainsi que d'interpréter leurs motivations inconscientes.

L a psychothérapie consiste à ménager, entre le malade et le médecin, une forme spéciale de relations réciproques en vue de supprimer — ou, tout au moins, d'élucider — les causes qui empêchent un individu d'apprendre ou d'agir d'une façon efficace et satisfaisante. Ces empêchements peuvent prendre la forme de conflits intrapsychiques ou interindividuels. Dans les traitements intensifs, le psychothérapeute cherche à susciter une réorganisation des forces internes d'ordre affectif et psychologique en agissant sur les phénomènes d'auto-défense, de transfert et de résistance, ainsi que sur les rêves, ce qui est un domaine beaucoup trop technique pour u n conseiller psychologique 1.

Il importe beaucoup que l'éducateur n'essaie pas d'être également théra­peute. Le professeur a pour fonction essentielle d'enseigner, d'encourager l'étudiant à apprendre, à penser et à se servir de son intelligence au mieux de ses moyens, que ce soit à des fins pratiques ou par la jouissance de l'esprit. Il s'intéresse chez l'étudiant aux données de la conscience. Aussitôt qu'il essaie d'apprécier des motivations inconscientes, il sort de son propre domaine d'action. L e thérapeute, au contraire, a pour tâche de s'intéresser aux courants sous-jacents qui entravent le fonctionnement de l'intelligence chez l'étudiant. Il lui incombe de libérer l'énergie qui se trouve gaspillée dans des efforts visant à résoudre des difficultés psychologiques ou à leur opposer une résis­tance, afin de permettre le libre jeu des facultés intellectuelles.

L a recherche est souhaitable dans tout programme concernant la santé mentale. Il importe, au premier chef, de recueillir des renseignements sur les raisons qui amènent certains étudiants à abandonner leurs études, sur les pronostics émis en ce qui concerne d'autres sujets atteints de graves maladies, et sur les causes du suicide et les moyens de le prévenir, ainsi que sur les causes d'échec. Il conviendrait de multiplier les expériences portant sur des groupes, soit pour développer la maturité affective des sujets, soit à des fins psychothé­rapiques. Les formes de réussite méritent de retenir l'attention tout autant que les causes d'échec et sont peut-être encore plus significatives pour l'éducation. Il serait très utile pour les professeurs d'avoir une connaissance approfondie du dernier stade de l'adolescence et des premières années de l'âge adulte, mais les psychologues de profession eux-mêmes ne comprennent pas encore très bien cette période de la vie. Il faudra qu'ils parviennent, à cet égard, à des

I. F A R N S W O R T H , D . L. , op. cit., p. 114-137.

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conceptions théoriques beaucoup plus rationnelles, avant de pouvoir parler avec assurance du développement de la personnalité chez les jeunes, à leurs collègues qui sont profanes en la matière.

U n e question de grande importance, qui exigera des recherches très spécia­lisées, est celle de savoir si, en développant le savoir et l'intelligence chez u n grand nombre d'habitants d 'un pays donné, il sera possible de ramener à leur point de départ les causes premières de désordres psychiques et de conflits sociaux qui sont à la fois graves et paralysants. Jusqu'à présent, on n'a pas la preuve irréfutable qu'il soit possible de prévenir les maladies mentales, malgré la conviction contraire des spécialistes de la santé mentale.

A u x États-Unis, les spécialistes considèrent que les théories d'Erik Erikson pourraient très utilement servir de base aux recherches ultérieures sur la formation de la personnalité. Erikson préconise un système de développement progressif qui, en faisant acquérir à l'individu un sentiment de confiance, puis le sens de l'autonomie, de l'initiative, du devoir, de l'identité, de la person­nalité intime, de la responsabilité et de la création, et enfin le sens de l'inté­grité, permet d'organiser de façon cohérente les pensées des jeunes gens, et les leçons qu'ils tirent de leur expérience, sans présenter les inconvénients d'une conception théorique trop restrictive 1.

O n peut, semble-t-il, discerner à l'heure actuelle plusieurs tendances qui laisseraient augurer de bons résultats pour l'avenir. Les présidents d'université, les doyens et les éducateurs s'attachent davantage à faire connaître et c o m ­prendre aux membres du personnel enseignant les facteurs affectifs qui sti­mulent ou entravent l'étude. O n est de moins en moins disposé à s'en remettre uniquement à des formes d'orientation qui ne consistent guère qu'à donner des renseignements sur les programmes ou des conseils sur le choix d'une carrière et à déterminer les aptitudes ou la capacité intellectuelle des intéressés — si utile et nécessaire que cela puisse être. Bien des éducateurs prennent cons­ciences de la nécessité d'utiliser les connaissances dues aux plus récentes études sur le développement de la personnalité ainsi que d'examiner les facteurs qui expliquent que les étudiants tombent malades et ne réussissent pas. Il reste encore à savoir commen t ces connaissances devraient être utilisées.

D e nombreuses disciplines ont leur rôle à jouer, si l'on veut donner une place dans les programmes traditionnels de l'enseignement supérieur à l'exa­m e n des motifs, des émotions, des facteurs inconscients et autres aspects du développement de la personnalité et de la compréhension de l'individu. E n dehors de la psychiatrie et de la psychologie, la sociologie, l'anthropologie, la pédagogie, la théologie et plusieurs autres disciplines peuvent apporter une contribution importante en la matière. Il serait souhaitable d'arriver à une conception ou à une théorie centrale du développement de la personnalité qui soit acceptable dans tous ces domaines. Le système d'Erikson fournit peut-être une solution à cet égard.

Dans les écoles professionnelles, on se préoccupe également davantage des aspects affectifs de la vie des étudiants. L'American Association of Medical Colleges accorde beaucoup d'attention aux difficultés et aux facteurs indivi­duels qui stimulent ou entravent l'acquisition des connaissances chez les étu­diants en médecine.

Quatre écoles de théologie, parmi les plus importantes des États-Unis (la

ï. E R I K S O N , E . H . , Childhood and Society, W . W . Norton, N e w York, 1950 ; Symposium on the Healthy Personality, Senn, M . J. E . (Ed.), Josial Macy Jr. Foundation, N e w York, 1950, p. 15-146.

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Yeshiva University de N e w York, la Loyola University de Chicago, la Har­vard Divinity School et l'Union Theological Seminary) appliquent des pro­grammes intensifs en vue de déterminer les méthodes qui permettraient à a théologie et à la psychiatrie de collaborer à l'amélioration de la santé m e n ­tale. L a faculté de droit de l'Université de Pennsylvanie a récemment établi un plan de coopération avec les psychiatres, dans le dessein d'établir de meil­leurs rapports entre la psychiatrie et le droit de donner aux étudiants en droit une formation dans le domaine des sciences du comportement et de mettre au point des méthodes et du matériel d'enseignement.

Il est urgent d'organiser des programmes de formation à l'intention des jeunes psychiatres, spécialistes de psychologie clinique et assistants sociaux qui voudraient travailler dans ce domaine. A u x États-Unis, plusieurs institu­tions d'enseignements supérieurs ont créé, dans le cadre de leurs programmes sanitaires, des services psychiatriques qui ont suffisamment d'efficacité et d'autorité pour pouvoir être utilisés c o m m e centres de formation. Parmi ces institutions, on peut citer les Universités de Californie, du Wisconsin et du Minnesota, le Massachusetts Institute of Technology et les Universités Yale et Harvard. Il y a lieu d'espérer que divers établissements du Canada, du Costa Rica, du Mexique, des Pays-Bas et du R o y a u m e - U n i seront bientôt en mesure de créer des services de ce genre.

Les programmes de formation appliqués dans des centres de niveau élevé ne présenteraient sans doute pas beaucoup d'utilité pour les personnes venant de pays où les psychiatres sont en nombre très réduit. Il serait plus profitable d'organiser des programmes dans les pays qui en ont absolument besoin, en utili­sant les compétences professionnelles qui se trouvent sur place et en faisant éventuellement appel aux conseils de psychiatres ou de psychologues exerçant dans les centres plus importants. U n e personne formée dans le cadre d 'un vaste programme appliqué avec des moyens assez satisfaisants éprouvera sans doute, en effet, beaucoup de difficultés à adapter ce qu'elle aura appris pen­dant son stage aux conditions peut-être très différentes qui existent dans son propre pays.

Pour ceux qui voudraient instituer des programmes de ce genre dans les établissements d'enseignement supérieur de leur pays, il peut être utile de rappeler ici certains des arguments qui leur ont été opposés aux États-Unis :

ï. E n se préoccupant de la santé mentale des individus, on porte atteinte à leur indépendance et on les empêche ainsi de devenir des êtres libres et capables de se diriger. Ils auront davantage confiance en eux s'ils savent qu'il leur appartient de résoudre leurs propres difficultés.

2. L ' examen attentif, par un individu, des ennuis qu'il éprouve ne peut qu'en accentuer la gravité et les effets, surtout si le sujet s'en entretient avec un psychiatre. Il convient d'éviter ce genre d'introspection.

3. L'attention accordée aux aspects psychologiques du comportement aura finalement pour conséquence d'altérer les normes morales et éthiques de la communauté universitaire.

4. L e soin apporté au développement des intéressés sur le plan affectif et social se traduira par une diminution des efforts consacrés au dévelop­pement de leurs capacités intellectuelles.

5. L'intervention de psychiatres risque de nuire aux réalisations et aux facultés créatrices des intellectuels.

6. L a présence d 'un psychiatre et l'institution d'un programme de santé mentale attireront des étudiants instables ou névropathes.

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7. Les sommes consacrées aux programmes de santé mentale seraient plus utilement employées pour améliorer l'enseignement des disciplines tra­ditionnelles.

8. S'occuper de santé mentale est un luxe et n'est pas du ressort de l'uni­versité.

g. Les personnes chargées de recevoir les inscriptions sont à m ê m e d'identifier les étudiants qui ont des difficultés d'ordre psychologique et de refuser de les admettre. Si un étudiant tombe en proie à des désordres psychiques, il devrait quitter l'établissement.

10. L a psychothérapie servira de prétexte à l'étudiant pour ne pas travailler convenablement.

Ces objections, ainsi que d'autres du m ê m e ordre, se sont révélées dépourvues de fondement1.

L a Conférence internationale sur la santé mentale de l'étudiant, dont nous avons déjà parlé, a formulé certaines recommandations à l'usage de tous les établissements d'enseignement supérieur; ces recommandations ont été adoptées à l'unanimité. Les délégués ont également jugé utile de réfuter cer­tains des arguments invoqués contre les programmes relatifs à la santé m e n ­tale, en précisant ce que ne comporte pas la notion de santé mentale. Il existe de nombreuses définitions de cette notion, mais aucune d'elles ne recueille l'assentiment général. Les délégués ont été unanimes à reconnaître que les caractéristiques de la santé mentale ne se trouvent pas dans l'adaptation à toutes les circonstances, ni dans l'absence d'anxiété et de tension, ni dans l'absence d'insatisfaction, ni dans une attitude conformiste ou un sentiment de bonheur constant. E n outre, l'équilibre mental n'exclut pas les idiosyncrasies et n ' im­plique pas une diminution des facultés ou des activités créatrices ou une dégradation de l'autorité, et il n'est nullement incompatible avec les valeurs religieuses.

Les recommandations et résolutions de la conférence peuvent se résumer c o m m e suit :

1. L'amélioration de la santé mentale à l'université exige le concours de tous ceux qui ont des liens avec l'établissement en cause. Elle doit être considérée c o m m e un élément du problème général de la santé de l'étu­diant et c o m m e un aspect de son bien-être. Il ne suffit pas d'assurer un service d'orientation et un service psychiatrique; il faut également s'ef­forcer, dans toute la mesure du possible, de créer, au sein de l'université, les conditions qui permettent à chaque étudiant de réaliser au m a x i m u m ses possibilités, tant sur le plan scolaire qu'en ce qui concerne son destin d'être humain.

2. U n programme relatif à la santé mentale doit être associé aux activités éducatives courantes de l'établissement. Dans les différents établissements et dans chaque pays, les programmes doivent être conçus en fonction de la situation locale. Les activités expérimentales sont souhaitables, m ê m e dans les établissements qui disposent de ressources très limitées.

3. Des programmes de formation doivent être entrepris dans les diverses parties du m o n d e . Ils doivent être adaptés aux conditions locales, sans que soient jamais négligés les facteurs culturels et sociaux. C e n'est que de cette façon qu'on pourra remédier à la grave pénurie de per­sonnel.

1. F A R N S W O R T H , D . L . , op. ci!., 1957, p. 28-31.

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4. Il convient d'accorder un intérêt particulier au cas des étudiants qui ne réussissent pas à terminer leurs études supérieures et de s'attacher à réduire leurs traumatismes psychiques. E n leur donnant une bonne orientation avant qu'ils ne quittent définitivement l'établissement, on pourra parfois les aider à tirer parti de l'expérience qu'ils auront acquise et leur éviter d'éprouver un sentiment complet de frustration ou d'échec.

5. Il importe d'assurer une coordination étroite entre les services d'orien­tation qui existent dans les établissements d'enseignement secondaire et les services analogues qui fonctionnent dans les établissements d'ensei­gnement supérieur, afin d'éviter de jeter dans la société u n si grand nombre d'individus en proie à l'amertune et à l'insatisfaction.

6. Les établissements d'enseignement supérieur doivent permettre aux étudiants de s'instruire sur le mariage et la vie familiale, soit en suivant des cours, soit autrement. Cette formation devrait être conçue dans le cadre de la santé mentale en général. Elle s'impose particulièrement dans les écoles de médecine et de théologie et les instituts pédagogiques, dont les diplômés sont censés diriger non seulement leur propre vie familiale mais également celle des autres.

7. L a recherche doit faire partie intégrante de tous les programmes concer­nant la santé mentale.

8. Il faut que les administrateurs d'établissements d'enseignement, les pro­fesseurs et les étudiants possèdent quelques notions sur les formes d'altéra­tion du comportement et de la pensée qui, dans une société ou une culture donnée, sont l'indice de troubles psychiques graves exigeant des soins spécialisés. Seul un vaste programme d'éducation, judicieusement conçu et appliqué avec tact, peut permettre d'atteindre ce résultat.

g. Il convient de donner aux membres du personnel enseignant la possibilité d'acquérir les notions de base essentielle en ce qui concerne le fonction­nement de la personnalité, notamment celles qui permettent de mieux comprendre le processus d'acquisition des connaissances et qui mettent ainsi l'enseignant mieux à m ê m e de contribuer au développement intel­lectuel et affectif de l'étudiant.

10. Il importe de soumettre constamment à l'analyse les facteurs qui, dans les établissements d'enseignement, encouragent une attitude de dépendance excessive chez l'étudiant et l'empêchent d'arriver à sa pleine maturité. Certains de ces facteurs sont liés au milieu, d'autres sont d'ordre psycho­logique. Pour ne citer qu 'un exemple, le m o d e de financement des études peut favoriser une attitude de dépendance ou d'indépendance.

11. Sur le plan des études c o m m e sur celui de la moralité, il faut laisser le plus possible aux étudiants le soin de se diriger eux-mêmes, dans certaines limites. Leurs vues sur la politique de l'établissement et l'organisation des programmes doivent être portées à la connaissance des professeurs et de l'administration et il doit en être tenu compte. Les malentendus sont inévitables si de bons rapports ne s'établissent pas entre les étudiants et le personnel de l'établissement.

12. L'étudiant solitaire doit faire l'objet d 'une attention particulière, encore qu'il ne faille pas nécessairement s'inquiéter au sujet de celui qui préfère la solitude. Des programmes d'orientation organisés au début des études supérieures peuvent être utiles et devraient être généralisés.

13. C o m m e le mariage en cours d'études devient de plus en plus fréquent, il convient évidemment de s'attacher tout spécialement à examiner les

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L'ASPECT INTERNATIONAL DES PROBLÈMES DE SANTÉ MENTALE

par E. E. K R A P F

OBJECTIFS ET MÉTHODES.

Bien qu'aucune définition de la santé mentale n'ait encore recueilli l'adhésion générale, la plupart des psychiatres accepteraient sans doute de considérer qu 'à l'instar de la mauvaise santé physique la mauvaise santé mentale résulte de discordances actuelles ou passées entre les stimuli extérieurs et la faculté d'adaptation de l'organisme. Il est indéniable que m ê m e les êtres les mieux adaptés ne sauraient résister à une pression trop forte des agents extérieurs. D'autre part, des individus dont l'organisme n'est pas ou n'est plus aussi adaptable peuvent être affectés par des stimuli d'intensité moyenne ou parfai­tement normale. Il découle de ces constatations que la médecine, en général, et la psychiatrie, en particulier, connaissent deux méthodes pour traiter ou prévenir les troubles de santé : elles peuvent s'appliquer soit à réduire l'inten­sité des stimuli extérieurs, soit à accroître les forces de résistance de l'organisme. L a médecine préventive, dans laquelle il faut comprendre la psychiatrie préventive, peut donc viser à garantir et à favoriser cette « absence de maladie ou d'infirmité » qui est la condition sine qua non pour qu'on puisse parler de « bonne santé ».

O n a fait observer que la santé peut ne pas consister seulement en une absence de maladie ou d'infirmité — et ce point de vue apparaît nettement dans la constitution de l'Organisation mondiale de la santé. Il est certain que, sans souffrir de troubles spécifiques, on peut être loin de se sentir « en pleine forme ». Toute personne valide est théoriquement capable de parcourir vingt-cinq milles en une journée ou de courir un mille en moins de six minutes, mais, pratiquement, cette capacité suppose un entraînement préalable, et la nécessité d'une préparation appropriée est encore plus manifeste s'il s'agit de battre des « records » — de tels exploits étant d'ailleurs réservés à des sujets spécialement doués. L à encore, on peut faire un rapprochement entre la santé physique et la santé mentale, en ce sens qu'il faut également distinguer pour cette dernière entre la santé ordinaire et ce qu 'on a appelé la santé « effective » [positive health). C o m m e l'écrit Dorothy Conrad dans le récent article où elle définit « une conception plus féconde de la santé mentale », on ne peut parler de « santé effective » que « si l'on a la preuve que le sujet utilise à fond une capacité qu'il possède ou s'emploie à y parvenir ».

Toutefois, il est difficile d'admettre qu'il puisse exister une différence d'ordre qualitatif entre l'absence de maladie ou d'infirmité mentales et l'état de « santé mentale effective ». D e m ê m e que le fait d'apprendre à u n enfant les mouvements ordinaires de la marche et de la course ne se distingue qu'en termes quantitatifs de la préparation spéciale que nécessite une compétition

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sportive organisée à l'école, il n'y a qu'une différence de degré entre l'amélio­ration de la santé mentale qui donne à un individu la force de résister aux troubles mentaux et celle qui lui permet d'approcher de l'idéal de plein épanouissement de la personnalité. L a seule concession que l'on puisse faire, c'est qu'il existe peut-être une différence qualitative entre les méthodes à employer pour assurer la santé mentale « ordinaire » et la santé mentale « effective ». S'il est vrai que les meilleurs soins médicaux ne suffiront jamais complètement à préparer quelqu'un à remporter une victoire aux Jeux Olympiques, il est également vrai que l'amélioration de la santé mentale effec­tive dépend généralement des parents, des maîtres, des ecclésiastiques et d'autres agents encore, tout autant que des psychiatres. Peut-être plus encore que dans le domaine physique, l'amélioration de la santé effective dans l'ordre mental nécessite l'intervention d'éléments qui se situent en dehors de la médecine. Sur le plan spirituel, le plein épanouissement de la personna­lité dépend, à vrai dire, dans une large mesure, de la façon dont l'individu réussit à s'identifier avec les valeurs culturelles et, dans l'exercice de sa pro­fession, le médecin est manifestement bien moins compétent encore pour éduquer à cet égard qu'il ne l'est, pas exemple, pour enseigner une bonne technique respiratoire, c o m m e celle qu'il faut posséder pour remporter une épreuve de course à pied aux Jeux Olympiques 1.

M ê m e si l'on admet ces prémisses, on peut encore se demander s'il existe une différence qualitative entre les méthodes à employer pour assurer la santé mentale ordinaire et la santé mentale effective. A vrai dire, nous avons de bonnes raisons de penser que m ê m e la santé mentale ordinaire postule une certaine identification avec les valeurs culturelles et, nulle part sans doute, cette idée n'est pas facilement véritable que sur le terrain de l'action inter­nationale au service de la santé mentale.

NÉCESSITÉ DE RECHERCHES A L'ÉCHELON INTERNATIONAL.

Il est évident que ce n'est pas seulement pour permettre d'apprécier la diver­sité des types de culture nationaux ou régionaux que les recherches intéressant la santé mentale gagnent à être menées sur le plan international. Il est assu­rément possible d'établir des comparaisons entre des régions géographiques diverses pour faire ressortir en quoi leurs systèmes de valeurs se ressemblent ou se distinguent; mais il en va de m ê m e en ce qui concerne les différences de sol, de climat et de conditions économiques ou sociales. E n fait, l'utilité incon­testable d 'un point de vue international dans les recherches intéressant la santé mentale tient surtout aux immenses possibilités qu'offre cette approche sur le plan de l'étiologie comparée.

A quelque conception de la santé mentale que nous accordions notre préfé­rence, nous ne pouvons espérer faire un travail sérieux dans ce domaine si nous ne savons pas exactement quels sont les facteurs favorables ou défavorables à un bon équilibre mental. Toutefois, cette connaissance ne doit pas se borner à une simple classification des stimuli tolérés ou non tolérés et des organismes plus ou moins résistants; il faut également qu'elle permette de comprendre, dans une certaine mesure, le mécanisme de l'interaction fonctionnelle des

ï. Il convient de noter, toutefois, qu'une certaine identification avec les valeurs culturelles de l'Occident est nécessaire pour considérer une telle victoire c o m m e la fin suprême du développement physique.

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

agents externes et des forces internes de résistance et d'adaptation. C e résultat peut sans doute être atteint jusqu'à un certain point par une analyse très serrée de cas d'espèce. Cependant, on risque toujours de négliger un ou plusieurs facteurs déterminants, dont la présence ou l'absence est si intimement liée à la situation d'ensemble qu 'on n'y prend pas garde.

Pour choisir un exemple dans un domaine entièrement différent, il est clair que, dans une région où personne ne consomme jamais de viande, il sera impossible de déterminer si les réactions gastro-intestinales observées sont dues à ce régime alimentaire ou à d'autres causes ou séries de causes qui peuvent intervenir. Pour en décider à bon escient, il peut être nécessaire de comparer la pathologie de la région dont les habitants sont végétariens avec celle d 'un lieu où l'alimentation carnée est de règle, mais qui se trouve, pour le reste, dans des conditions plus ou moins analogues. U n e telle enquête n'est toutefois concevable que si les savants de la région où se pratique le régime végétarien ne sont pas à ce point convaincus du caractère « naturel » de leurs habitudes alimentaires que l'idée d'une étiologie « végétarienne » des troubles gastro-intestinaux n'aient aucune chance de leur venir à l'esprit.

Dans le domaine de la santé mentale, ce danger est particulièrement fré­quent. Lorsqu'il s'agit de l'esprit humain, l'observateur a très souvent ten­dance, c o m m e chacun a pu le constater, à considérer que la structure fonda­mentale de sa personnalité, telle que le milieu dans lequel il vit en a modelé les contours, ne saurait faire l'objet d'aucune discussion de principe. L a diffi­culté est accrue du fait que bien des questions psychologiques importantes sont si étroitement liées au langage — tant de l'observateur que du sujet observé — qu'il est difficile, voire impossible, d'échapper à la douce persuasion de mots chargés d'idées préconçues. Des comparaisons entre des régions différentes ne suffisent sans doute pas à corriger entièrement de telles erreurs de perspective, mais elles y contribuent certainement dans une large mesure. A elle seule, cette considération fournit la preuve manifeste qu'il est nécessaire d'aborder sous l'angle international les problèmes de santé mentale.

Cependant, l'adoption d 'un point de vue international n'est pas moins nécessaire quand il s'agit d'élaborer un plan d'action en vue de protéger et d'améliorer la santé mentale. C'est là, dans une certaine mesure, un corollaire des remarques que nous venons de faire au sujet des recherches sur le plan international. Les mesures à prendre en ce qui concerne la santé mentale d 'un groupe ou d'une région peuvent très souvent se déduire des observations effec­tuées au sujet d 'un autre groupe ou dans une autre région. Le processus de réciprocité qui caractérise l'acquisition des connaissances se retrouve dans le transfert d'activités d 'un contexte dans un autre.

Il paraît indispensable d'insister sur ce point, car on a souvent eu tendance à diviser l'humanité en deux catégories, l'une évoluée, l'autre sous-développée, et à considérer c o m m e naturel que les éléments évolués aient toujours pour mission d'enseigner, alors que les éléments sous-développés auraient perpé­tuellement le privilège d'apprendre. Il est, certes, incontestable que ce genre de relation est fréquent, mais il faut se hâter d'ajouter que nos connaissances sur l'étiologie et la pathogénèse de la mauvaise santé mentale dans les régions évoluées résultent, pour une bonne part, d'études effectuées dans des milieux relativement sous-développés. C'est u n fait qu 'un phénomène pathologique se prête souvent mieux à l'analyse scientifique quand il est encore à l'état naissant; lorsqu'il a évolué et atteint son stade final, l'enchevêtrement des causes et des effets risque toujours d'être inextricable. Rien ne montre plus

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nettement à quel point les troubles mentaux chez les vieillards sont déterminés par le comportement du milieu social que la fréquence croissante de ces troubles à mesure que la société traditionnelle subit les chocs de la « révolution indus­trielle ». Il faut considérer, en outre, que c'est parfois dans les régions sous-développées que sont d'abord conçues et expérimentées de nouvelles formes d'action préventive; sans aucun doute, les résultats ainsi obtenus méritent non seulement d'être protégés contre les ukases de quelque théoricien des pays « évolués », mais encore et surtout d'être examinés de très près sous l'angle de l'utilité qu'ils pourraient présenter pour les régions évoluées. Par exemple, le traitement des malades mentaux en liaison étroite avec leur milieu social habituel, pratiqué « naturellement » dans certaines régions « arriérées », a certainement exercé une influence considérable sur la réforme administrative actuellement en cours dans certains des pays les plus avancés.

Enfin, l'adoption d'un point de vue international est rendue nécessaire pai­la multiplication des facteurs pathogéniques, qui va généralement de pair avec une intensification des contacts humains. Il ne fait pas de doute que c'est l'accroissement de la densité de la population dans certaines régions qui a rendu nécessaires des mesures d'ensemble en matière de santé publique. O n peut donc considérer la protection scientifique de la santé publique c o m m e un corollaire direct du processus d'urbanisation. Toutefois, ce n'est peut-être pas l'urbanisation elle-même, mais le développement des contacts humains qui joue un rôle déterminant à cet égard. Dans cette perspective, il est intéressant de noter que les premières mesures internationales de cet ordre ont été consé­cutives à la multiplication des contacts humains, qui a elle-même résulté de l'expansion rapide du commerce mondial et des migrations du xixe siècle. L a réglementation internationale de la quarantaine et la collaboration entre les différents pays pour lutter contre la fièvre jaune, le choléra et la peste, sont devenues nécessaires lorsqu'un nombre de personnes sans cesse croissant ont commencé à s'expatrier et à franchir les océans.

Il est évident que tels contacts avaient déjà eu quelques répercussions sur la santé mentale. Qu'il suffise de rappeler, à cet égard, l'influence du commerce de l'opium sur l'extension prise par l'usage des stupéfiants, qui a déterminé, en 1912, la signature de la Première Convention internationale de l'opium et, quelques années plus tard, la création du Comité central permanent de l'opium. Toutefois, la nécessité d'organiser sur le plan international la protection de la santé mentale n'est apparue dans toute son ampleur qu'avec le progrès des moyens de communication modernes, qui ont donné la possibilité de voler en quelques jours d'une extrémité à l'autre de la planète — et cela quand, par suite de la deuxième guerre mondiale, des millions de gens, tant militaires que civils, ont eu à se déplacer sur toute la surface du globe. U n h o m m e d'État moderne a pu dire qu'à notre époque l'humanité a commencé à vivre dans un « m o n d e unique ». Pour mesurer la justesse de cette obser­vation, il suffit de considérer à quel point les possibilités de contacts physiques immensément accrues s'accompagnent aujourd'hui, grâce à l'imprimé, à la radio et à la télévision, d'une proximité psychologique dont l'accroissement est encore plus significatif. A u vrai, il est pratiquement impossible de nos jours qu 'un événement se produise dans une partie du m o n d e sans avoir des réper­cussions psychologiques dans une autre partie. C'est assurément là une autre raison profonde qui doit faire considérer maintenant c o m m e impérieuse la nécessité d'aborder d 'un point de vue international les problèmes de santé mentale.

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

ORGANISATION D E L'ACTION INTERNATIONALE.

Nous avons indiqué plus haut que la protection de la santé mentale à l'échelle internationale remonte à l'année 1912, où fut signée la Première Convention internationale de l'opium. L'idée en était née sans doute un peu plus tôt, puisque le mouvement en faveur de l'hygiène mentale, dont Clifford Beers et Adolf Meyer avaient pris l'initiative en 1908, avait dépassé les frontières des États-Unis dès 1910. Entre les deux guerres mondiales, les premiers promo­teurs de l'hygiène mentale se sont montrés conscients de la nécessité d'une action internationale, par exemple en organisant deux congrès internationaux, l'un à Washington en 1930, l'autre à Paris en 1937. Ce n'est toutefois qu'après la deuxième guerre mondiale que l'action internationale dans le domaine de la santé mentale a véritablement pris corps.

Nous avons déjà signalé l'influence de la guerre sur cette évolution; il conviendrait peut-être d'ajouter que cette influence est également discernable dans les cadres eux-mêmes, nombre des nouveaux responsables étant d'anciens officiers des services psychiatriques des armées alliées, qui y avaient occupé des postes de première importance. C'est ainsi que le D r J. R . Rees, ancien chef des services psychiatriques de l'armée britannique, a été chargé d'orga­niser à Londres, en 1948, le Ier Congrès international de la santé mentale (en réalité le troisième), au cours duquel la Fédération mondiale pour la santé mentale a pris officiellement la succession de l'ancien Comité international de l'hygiène mentale.

Quant à la section de la santé mentale de l'Organisation mondiale de la santé, sa création, au début de 1949, a été due, pour une large part, au premier directeur général de cette organisation, un psychiatre, le D r Brock Chisholm, qui avait été chef des services médicaux de l'armée canadienne. Le premier chef de cette section fut le D r G . R . Hargreaves, qui avait été l'adjoint du D r Rees pendant la guerre.

Les deux organisations que nous venons de mentionner ne sont certes pas les seules qui aient encouragé l'adoption d 'un point de vue international en matière de santé mentale. U n certain nombre d'autres institutions ont éga­lement témoigné d'un vif intérêt à cet égard. Il convient de mentionner particulièrement certaines activités de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) dans le domaine des sciences sociales et de l'éducation. Les travaux de cette organisation relatifs à la discri­mination et aux préjugés, ainsi que ses études sur les motifs et mobiles qui expliquent les tensions internationales, ont été étroitement rattachés aux questions de santé mentale. U n e conférence européenne sur l'éducation et la santé mentale des enfants a été organisée en 1952. L'Unesco a également colla­boré avec l'o.M.s. à une étude sur l'hygiène mentale à l'école maternelle (1951) et, de concert avec l'o.M.s. et I 'O.I.T., elle a suscité une réunion mixte d'experts sur l'enfance mentalement déficiente (1954). E n outre, cette organisation s'est activement préoccupée de faire pénétrer les notions de santé mentale dans l'enseignement scolaire et elle effectue actuellement des enquêtes sur l'utilisation des loisirs. Il convient de signaler également le travail remar­quable accompli par la section de la défense sociale de la Direction des affaires sociales de l'Organisation des Nations Unies. Cette section ne s'est pas bornée à l'étude purement juridique des mesures préventives et pénales : elle s'est également livrée à une analyse psychologique et psychopathologique de la motivation du délinquant. E n outre, la Direction des affaires sociales a fourni

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

son concours à l'o.M.s. en vue de l'organisation d'une réunion mixte d'experts sur les problèmes de santé mentale se rattachant à l'adoption (1953). Enfin, de nombreuses questions ayant des rapports avec la santé mentale ont été évoquées dans les études de longue haleine que cette m ê m e direction a entre­prises sur divers problèmes d 'aménagement des collectivités et d'urbanisation.

Toutefois, c'est à l'Organisation mondiale de la santé et à la Fédération mondiale pour la santé mentale (organisation non gouvernementale) que le principal rôle a été dévolu sur le plan de l'action internationale à mener dans ce domaine.

L'Organisation mondiale de la santé s'efforce d'accomplir cette tâche à différents échelons. A Genève, où se trouve son siège, une section de la santé mentale a été chargée d'organiser un très grand nombre de réunions d'experts et de groupes d'étude qui se sont occupés de problèmes généraux et spéciaux intéressant la santé mentale. L a mise en place de services de santé mentale a beaucoup retenu l'attention. Cependant, un certain nombre de réunions ont été principalement consacrées à la recherche. L a liste ci-après donnera une idée de l'importance des tâches entreprises. Comité d'experts de la santé mentale : rapport sur la première session (Prin­

cipes d'action en matière de santé mentale), 1949; rapport sur la deuxième session (La santé mentale et les services de santé publique), 1950; troisième rapport (L'hôpital psychiatrique public), 1952; quatrième rapport (Législation relative à l'assistance psychiatrique), 1954; cinquième rapport (L'hôpital psychiatrique, centre d'action préventive en santé mentale), 1956.

Comité d'experts de l'alcool (1953), Comité d'experts de la santé mentale, Sous-Comité de l'alcoolisme : rapport sur la première session et deuxième rapport, 1950, 1951.

Groupe d'étude sur le développement psychobiologique de l'enfant, 1953, ¡954> 1955. r956-

Groupes d'étude de l'épilepsie juvénile (1955); du traitement médical et social des toxicomanes (1956); des questions de santé mentale que pose l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques (1957); des atara-xiques et des hallucinogènes en psychiatrie (1957) et de la schizophrénie

('957)-E n outre, la section de la santé mentale a patronné un certain nombre d'études sur différents sujets intéressant la santé mentale. Certaines d'entre elles ont été publiées sous forme de monographies, alors que d'autres ont paru dans le Bulletin de l'Organisation mondiale de la santé, c o m m e il ressort de la liste ci-après : G U T T M A C H E R , M . S. , « Aspects médicaux des causes et de la prévention de la

criminalité et du traitement des délinquants », Bull. O.M.S., 2 , 1949,

279-G U T T M A C H E R , M . S. , « E x a m e n psychiatrique des délinquants », Bull. O.M.S.,

2, 1950- 743-B O V E T , L . Les aspects psychiatriques de la délinquance juvénile, Genève, O . M . S . ,

I 9 5 1 -

B O W L B Y , J., Soins maternels et santé mentale, Genève, O . M . S . , 1952. C A R O T H E R S , J. C , Psychologie normale et pathologique de l'Africain, Genève,

O . M . S . , 1953.

G E B E R , M . ; D E A N , R . F . A . (1955), « Les facteurs psychologiques dans l'étio-logie du Kwashiorkor », Bull. O.M.S., 12, 471.

K.RAPF, E . E . , (1957), « L a pathogénie des crises d'épilepsie et des crises d'hystérie », Bull. O.M.S., 16, 749.

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A S r E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

L e bureau régional pour l'Europe, auquel est attaché un spécialiste de la santé mentale, s'est particulièrement intéressé à la psychiatrie et à la psycho­thérapie des enfants, à la prévention de la criminalité et aux traitements des délinquants ainsi qu'aux problèmes de psychiatrie du travail. Il a organisé une série de stages d'études sur la santé mentale qui ont notamment traité de l'orientation de l'enfance, des enfants hospitalisés, des soins infirmiers en psy­chiatrie et de l'alcoolisme.

Avec le concours de la section de la santé mentale qui fonctionne au siège, d'autres stages sur la santé mentale ont été organisés en Amérique latine, en Afrique, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. E n outre, l'Organisation mondiale de la santé a envoyé dans divers pays plus de trente consultants, qui avaient pour mission de collaborer avec les administrations de la santé publique en vue de faire progresser l'action locale en matière de santé mentale. Elle a également attribué des bourses de perfectionnement à de nombreux ressortis­sants d'une trentaine d'États membres , pour leur permettre de faire des études et de faciliter ainsi les échanges de connaissances.

L a Fédération mondiale pour la santé mentale groupe sous son égide plus de cent associations générales ou spécialisées qui s'intéressent à ces questions dans le m o n d e entier. Depuis sa création, en 1948, elle a tenu deux congrès internationaux et dix réunions annuelles. E n outre, elle a patronné, seule, ou en collaboration, un certain nombre d'études internationales sur la santé mentale, qui se sont révélées très utiles (notamment la publication d 'un ouvrage intitulé Sociétés, traditions et technologie) et, de sa propre initiative ou avec le concours d'autres institutions, elle a organisé une série de réunions et de stages d'études internationaux, parmi lesquels on peut citer le stage d'études de Chichester sur la santé mentale et le développement de l'enfant (1952), la Conférence de Princeton sur la santé mentale des étudiants (1956), la Confé­rence de Bournemouth sur le fonctionnement des groupes de discussion et des petites conférences ( 1956) et la Conférence de Princeton sur la méthodologie des études relatives aux comportements favorables à la santé mentale (1958). L a fédération exerce une influence considérable sur la pensée et l'action des milieux compétents de maintes parties du m o n d e . Par l'intermédiaire de nombreuses associations affiliées, elle atteint non seulement les spécialistes de disciplines très diverses, mais encore les simples particuliers qui constituent l'opinion publique. E n outre, son secrétariat, plein d'initiative et d'allant, a souvent stimulé l'activité d'autres institutions et s'est ainsi trouvé à l'origine de bien des progrès significatifs sur le plan de l'action internationale en faveur de la santé mentale, sans que le mérite lui en fût officiellement attribué. A cet égard, il ne faut pas oublier que c'est la fédération qui a décidé d'organiser en i960 une Année mondiale de la santé mentale — initiative qui doit per­mettre de récolter une ample moisson de connaissances nouvelles et susciter un regain d'enthousiasme dont bénéficieront tous ceux qui s'occupent de ce genre de problèmes.

LIMITES D E L ' A C T I O N I N T E R N A T I O N A L E .

Les observations qui précèdent montrent que la nécessité d'adopter un point de vue international a été très largement comprise. E n fait, l'ampleur des activités entreprises dans ce domaine est très encourageante et, selon toute probabilité, elles continueront de se développer dans l'avenir. O n commet-

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

trait cependant une grave erreur en poussant trop loin l'apologie de cette méthode.

Certes, il est souvent utile d'établir des comparaisons entre les problèmes de santé mentale qui se posent dans les différentes régions. Sans doute est-il fréquemment possible d'appliquer, dans une partie du m o n d e , des solutions qui se sont révélées utiles ailleurs. Mais l'expérience internationale des dix dernières années montre très clairement que la possibilité de comparer des situations et d'emprunter des solutions toutes faites a des limites.

Il en est ainsi, tout d'abord, parce que les besoins et les moyens matériels des différentes régions sont loin d'être identiques. Dans une région qui possède déjà un réseau étendu de services sanitaires et des cadres à peu près satisfai­sants, il sera possible d'analyser les problèmes et d'aborder les situations de façon beaucoup plus nuancée et approfondie que dans une région qui ne dispose pas encore d'installations ou de services suffisants, ni d 'un personnel ayant la formation voulue. Il est exclu, par exemple, de pouvoir étudier en détail les causes objectives et psychologiques du suicide, si l'on ne dispose pas d'une documentation suffisante sur la situation sociale et économique de la région considérée, ni d 'un assez grand nombre de personnes capables d'ana­lyser les raisons et les mobiles en question. D e m ê m e , il serait vain de vouloir organiser des consultations psycho-pédagogiques ou une campagne efficace contre l'épilepsie juvénile là où des problèmes de santé mentale autrement essentiels n'ont pas encore reçu de solution.

Toutefois, il s'ajoute à cela d'autres raisons d 'un caractère beaucoup plus fondamental. O n a déjà dit que la santé mentale présuppose vraisembla­blement une certaine identification avec des valeurs culturelles et cette idée n'a jamais été mieux mise en évidence qu'aujourd'hui, où nous constatons la multiplication des facteurs pathogènes qui résulte d'une proximité psycho­logique accrue.

E n fait, de nombreux exemples sont là pour prouver qu'en modifiant à la légère la structure sociale et en introduisant sans discernement de nouvelles valeurs culturelles dans une société donnée on risque de porter gravement atteinte à la santé mentale de ses membres . Il va de soi que ce risque existe également lorsque des recommandations ayant trait à la santé mentale ne concordent pas avec le système de valeurs d'une société. Par conséquent, dans bien des cas, on ne saurait trop se garder d'appliquer purement et simplement dans une région des solutions adoptées ailleurs.

Il ne fait pas de doute que ces considérations valent également, dans une large mesure, pour les recherches intéressant la santé mentale. Il n'est pas jusqu'aux troubles mentaux qui ne soient parfois jugés différemment selon les régions. Ce qui est considéré c o m m e pathologique dans une région ne l'est pas nécessairement dans une autre. Q u a n d il s'agit de définir la santé mentale, les divergences sont encore plus marquées. Les spécialistes de l'anthropologie culturelle ont souvent insisté sur ce point et, si l'on peut parfois leur reprocher quelque exagération, on doit reconnaître que, pour l'essentiel, ils ont raison.

Plus particulièrement encore, si l'on considère la notion de santé mentale « effective » {positive mental health), on est obligé de constater que les valeurs admises en Occident, notamment dans les pays de langue anglaise, ne revêtent absolument pas u n caractère d'universalité autorisant des généralisations au sujet de l'idéal à atteindre. Karl Menninger définit la santé mentale c o m m e « l'adaptation de l'individu à son milieu matériel et humain, avec le m a x i m u m d'efficacité et de bonheur »; de son côté, Ethel Ginsburg y voit « l'aptitude à

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A S P E C T S S O C I A U X D E L A S A N T É M E N T A L E

occuper un emploi, à élever une famille, à se tenir en règle avec la loi et à prendre les plaisirs normalement offerts par la vie ». Ce sont là de magnifiques définitions... à l'usage de l'Occident, mais elles ne sont certainement pas applicables à tous les milieux. C o m m e le dit MarieJahoda, «déclarer « bonnes » certaines qualités psychologiques conduit inévitablement à se poser toute une série de questions : bonnes à quoi ? bonnes selon la morale des classes moyen­nes ? bonnes pour la démocratie ? pour le maintien du statu quo social ? pour le bonheur de l'individu ? pour l'humanité ? pour survivre ? pour l'évolution de l'espèce ? pour l'art et les facultés créatrices ? pour l'encouragement du génie ou de la médiocrité et du conformisme ? » Il suffit, en se posant ces questions, d'évoquer l'infinie diversité des situations humaines dans les diffé­rentes cultures pour comprendre combien il faudra nuancer ses réponses si l'on veut éviter des généralisations abusives. E n définitive, m ê m e 1' « épanouis­sement de 11 personnalité » ne peut être isolé du milieu culturel dans lequel l'individu s'efforce de se développer et de progresser. « L'individuation » complète, jugée si souhaitable en Occident, l'est-elle également ailleurs ? U n Occidental peut-il concevoir la contemplation prescrite par le Yoga c o m m e Ï' « épanouissement de la personnalité », au sens qu'a pour lui cette expression ?

L'ACTION INTERNATIONALE DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ MENTALE ET L'IMPORTANCE DE LA SANTÉ MENTALE.

Parmi ceux qui s'intéressent à la question, les plus avertis ne se sont sans doute jamais dissimulé à quel point la santé mentale est tributaire du système des valeurs. A la différence de certains apôtres bien intentionnés, ils n'ont jamais eu la naïveté de voir dans la santé mentale un abrégé de toutes les qualités souhaitables c o m m e le font certains Occidentaux. Toutefois, rien n'a davantage contribué à ébranler les généralisations simplistes de ces « missionnaires » laïques dépourvus de sens critique que l'adoption d'un point de vue interna­tional, qui a nettement montré que des personnes vivant, par exemple, sur la côte orientale des Etats-Unis d'Amérique, dans la brousse africaine, dans un village italien ou sur les bords de la Tamise, ne se font pas du tout la m ê m e idée de la « santé mentale ».

Peut-être faut-il admettre que, sous toutes les latitudes, la santé mentale suppose une aptitude à saisir la réalité sans la déformer, telle qu'elle se pré­sente dans le monde extérieur et dans l'intimité de l'être humain, et l'art d'observer, dans l'action, une juste mesure entre la satisfaction des besoins physiques et celle des aspirations culturelles. Toutefois, les données de l'expé­rience internationale nous rappellent constamment que la perception lucide et complète de la réalité ainsi que l'action la plus propice à l'épanouissement de la personnalité ne conduisent pas toujours « au bonheur et à l'efficacité », dans l'acception occidentale de ces termes, et n'impliquent pas en tous lieux et en tout temps « l'aptitude à occuper un emploi, à élever une famille, à se tenir en règle avec la loi et à prendre les plaisirs normalement offerts par la vie ». Elles nous enseignent, en fait, beaucoup plus : elles nous font comprendre que, m ê m e là où l'idéal évoqué ci-dessus peut paraître acceptable, la santé mentale, en tant que valeur, ne peut être dissociée du système de valeurs dont elle fait partie intégrante et ne doit être recherchée qu'en parfaite connaissance de son articulation dynamique avec ces autres valeurs.

Il n'est pas nécessaire d'aborder ici la question fort délicate de la place à

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

accorder à la santé mentale dans la hiérarchie globable des valeurs. Person­nellement, je ne crois pas qu'elle se situe au sommet, mais c'est là un problème philosophique qui sort du cadre du présent exposé. Je dois toutefois indiquer ici que, si la santé mentale constitue bien une valeur parmi d'autres, auxquelles elle est intimement liée, il faut reconnaître, du m ê m e coup, que la recherche en ce domaine exige une participation égale de toutes les sciences humaines, notamment des sciences sociales. L ' u n des plus grands avantages de l'adoption d'un point de vue international en cette matière est peut-être de donner au psychiatre le sentiment des limites de son domaine et de lui inspirer une cer­taine humilité.

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D E U X I È M E P A R T I E

L'ORGANISATION DANS LES SCIENCES SOCIALES

CHRONIQUES ET INFORMATIONS

I. ÉTUDES EN COURS ET CENTRES DE RECHERCHES

LE STAGE FRANCO-POLONAIS SUR LES SONDAGES D'OPINION PUBLIQUE

Varsovie, ier-20 septembre 1958

par M . JoLLiVET

U n stage d'études international, consacré à l'utilisation des sondages d'opinion publique, a réuni à Varsovie, du Ier au 20 septembre 1958, des professeurs d'université et des chercheurs, français et polonais.

L'initiative de cette rencontre revenait au gouvernement polonais, qui avait demandé à l'Unesco, dans le cadre du programme de participation aux activités des Etats membres, d'organiser une réunion, de caractère à la fois théorique et pratique, sur les techniques modernes de sondage. E n conséquence, le stage s'est occupé pendant la première semaine de la place que les sondages tenaient ou pouvaient tenir dans la méthodologie des principales sciences sociales. A u cours des deux semaines suivantes, les discussions ont porté sur un certain nombre de sondages effectués en France ou en Pologne. Les dossiers mis à la disposition des participants leur ont permis de prendre connaissance des principaux documents utilisés dans la préparation et la conduite des sondages et d'analyser les résultats obtenus. Les participants ont pu de cette façon suivre pas à pas le déroulement de plusieurs grandes enquêtes et saisir presque sur le vif la complexité et les difficultés de recherches poursuivies dans ce domaine. U n équipement moderne, comprenant une trieuse-comp-teuse électromécanique du type E 12 et une poinçonneuse P . D . R . Bull, leur avait été fourni par l'Unesco.

Les réunions de travail ont eu lieu, sous la présidence du professeur Jan Szcezepanski, à la Dzikanka (Hôtel international des étudiants) de Varsovie, mis gracieusement à la disposition des stagiaires par les autorités polonaises. Trois experts étrangers et trois spécialistes des sondages avaient été invités par l'Unesco à participer aux travaux, qui étaient également suivis par 29 stagiaires (18 Polonais et 11 Français) —les frais de voyage de ces derniers étant assumés par le Ministère français des Affaires étrangères. O n trouvera en annexe une liste complète des participants.

Ainsi organisé, ce stage a permis la confrontation de travaux aussi voisins que possible, réalisés aux États-Unis, en France, en Norvège ou en Pologne. Il a offert aux chercheurs polonais l'occasion de s'initier à certaines appli­cations de la méthode des sondages, encore rares ou m ê m e inconnues dans leur pays. Il a révélé aux participants non polonais la grande valeur des tra­vaux de la sociologie polonaise. Il a prouvé enfin à tous les stagiaires qu 'un dialogue très fructueux pouvait aisément s'instituer entre eux.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

L ' É T U D E DES C O M P O R T E M E N T S É C O N O M I Q U E S .

L e professeur Jean Stoetzel a inauguré le stage par une communication sur l'application des sondages à l'étude des comportements économiques. Après avoir affirmé sa certitude que les sondages apporteront « une contribution importante et m ê m e décisive à l'étude des comportements économiques », M . Stoetzel a passé en revue les résultats déjà obtenus ou les perspectives déjà dégagées dans les trois secteurs de la recherche sur les comportements écono­miques : attitudes et comportements économiques des entrepreneurs, des salariés, des consommateurs.

C e domaine étant très peu exploré en Pologne, les stagiaires polonais ont manifesté un vif intérêt, et le doyen Kuzminski a exprimé, à la séance de clô­ture, sa conviction que les études de psychologie sociale et de sociologie devraient apporter de précieux renseignements aux responsables de l'économie nationale polonaise; il a également émis le v œ u de voir s'instituer une étroite collabo­ration entre les différentes sciences sociales. L'expérience économique polo­naise actuelle suscite, en effet, des préoccupations auxquelles ces sciences peuvent apporter un remède.

Le nouveau modèle économique polonais.

O n sait que de sévères critiques ont été adressées à l'organisation de la vie économique polonaise et qu'une véritable entreprise de reconstruction du système économique est en cours depuis le VIIIe Plenum du Parti ouvrier polonais unifié. C e profond bouleversement modifie tous les mécanismes de décision en matière de production. Les critiques majeures visaient « la bureau­cratisation de la vie économique, la centralisation excessive, le formalisme figé de la planification, les formes impropres et l'extension de l'ingérence des auto­rités dans l'activité des entreprises (aussi bien privées qu'étatiques) x ». Aussi, sans que soit abandonné le principe de la planification centrale, est-ce dans le sens de la décentralisation des responsabilités et des décisions que vont les réformes. L a cellule économique de base, l'entreprise, retrouve une certaine individualité. Les thèses élaborées par le Conseil économique et le projet de statut des entreprises industrielles présenté aux équipes ouvrières pour qu'elles le discutent maintiennent le caractère directeur du plan central, mais désormais le principe fondamental de l'entreprise est le calcul économique; le projet de statut prévoit que « l'entreprise doit être administrée selon les principes de rentabilité et jouir d'une large autonomie dans la disposition de son bien, l'organisation de l'approvisionnement et l'écoulement des produits. U n e plus grande influence sur l'établissement des indices du plan sera assurée à l'entre­prise et l'ingérence des organismes supérieurs limitée 2 ». C'est au directeur et au conseil ouvrier, qui sont invités à collaborer étroitement par les dispo­sitions organiques régissant la structure de l'entreprise, qu'incombent ces nouvelles responsabilités.

Études d'organisation scientifique.

Les problèmes de coordination entre les nouveaux rouages du système écono-

i. Czeslaw B O B R O W S K I , « Vers un nouveau modèle économique », Perspectives polonaises, n° I, mai 1958. 2. « Autour du statut d'entreprise », Perspectives polonaises, n° 1, p. 53.

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L ' O R G A N I S A T I O N D A N S L E S S C I E N C E S S O C I A L E S

mique nécessitent des études d'organisation scientifique du travail. Ces études semblent devoir s'imposer d'autant plus que la thèse de la lutte continue contre la cristallisation bureaucratique, du changement constant et de l'ajustement incessant au développement économique, est un des principes directeurs de la tentative polonaise.

Deux mesures empiriques donnent une idée de cet ordre de préoccupations : d'une part, l'expérience acquise ayant permis de relever des risques de diver­gences entre les administrateurs et les ouvriers des entreprises, on a cherché à les réduire en uniformisant les salaires. Mais il en est résulté une fuite devant l'effort et surtout devant la responsabilité qu'entraînent certains postes et il a fallu à nouveau élargir l'éventail des salaires. Des conflits ayant également surgi entre consommateurs et producteurs, des conseils de surveillance sociale, composés d'ouvriers et d'employés, de consommateurs, de représentants des conseils nationaux, de représentants de la Banque d'État et d'experts, ont été créés, avec mission de réaliser une concordance entre l'intérêt du groupe producteur et l'intérêt collectif des consommateurs.

Élude des attitudes et des comportements économiques des producteurs.

D e plus, dans la mesure où une certaine autonomie est accordée aux organes directeurs des entreprises, l'étude de leurs attitudes et de leurs comportements économiques prend une importance proportionnelle au rôle qui leur est dévolu ou qu'ils rempliront effectivement, notamment dans la détermination des indices du plan et dans les décisions concernant les investissements et les stocks.

O n doit également noter, en liaison avec le souci d'assouplir la planifi­cation, la tendance à minimiser le recours « aux objectifs impératifs imposant aux entreprises des tâches concrètes, chiffrées », en faveur d'une utilisation plus poussée des stimulants économiques. C'est dans cet esprit qu'a été créé le fonds spécial de rémunération, dont la gestion est confiée, dans chaque entreprise, au conseil ouvrier et au directeur, et qui « doit être utilisé pour les besoins collectifs du personnel 1 ».

Cette recherche d'une adhésion psychologique à la production oblige également à mieux apprécier les facteurs de variation des attitudes et dts comportements des salariés en tant que producteurs.

Etude des comportements des consommateurs.

Enfin les responsables de l'économie polonaise ont le souci de connaître les besoins des consommateurs et d'éviter d'imposer à ceux-ci des objectifs prééta­blis. Ils se préoccupent de prévoir l'évolution des dépenses en fonction d'une élévation donnée du niveau de vie. Les études de budgets familiaux polonais ont été abandonnées. Par contre, les économistes étudient les budgets de pays comparables, mais à niveau de vie plus élevé, c o m m e la Tchécoslovaquie.

D e nombreuses études de psychologie sociale portant sur les comportements économiques des consommateurs font ressortir le rôle des modèles sociaux dans la détermination des besoins. Il n'y a pas de goûts spontanés, la consommation est un comportement social. U n e économie planifiée ne devrait-elle donc pas

ï. Czeslaw B O B R O W S K I , op. cit., p. 2.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

profiter de ses possibilités pour guider les consommateurs vers des compor­tements choisis ? O n peut répondre à une telle question qu'elle suppose peut-être une population sans besoin de consommation élémentaire latent, et m ê m e une population isolée de tout exemple. O r il y a en Pologne des aspirations nombreuses influencées par les exemples occidentaux : un niveau d'aspirations élevé et un niveau de satisfaction ressenti c o m m e faible caractérisent le consom­mateur polonais. Cela explique les pressions de l'opinion en faveur de la hausse des salaires et les menaces d'inflation qui ont pesé un m o m e n t sur l'économie polonaise.

Qu'il s'agisse donc de prévoir ou d'orienter l'évolution des besoins des consommateurs, il y a là u n domaine qui ne peut manquer de susciter des recherches qui seront profitables, mais qui n'ont pu encore être entreprises.

L'ÉTUDE DES COMPORTEMENTS POLITIQUES.

E n revanche, l'étude des comportements politiques bénéficie d'ores et déjà d'une plus grande faveur. Les sociologues polonais se préoccupent beaucoup du fonctionnement des institutions locales, dans lesquelles ils voient des rouages essentiels de la démocratie socialiste polonaise en formation.

Le D r Zygmun t Gostkowski a présenté au stage une étude sur « le degré d'intérêt pris par la population de Lodz aux élections municipales » et le D r Jerzy Wiatr a commenté les recherches entreprises par la chaire de socio­logie des relations politiques (Université de Varsovie) sur « la décision élec­torale aux élections générales de 1957 et aux élections municipales de 1958, à Varsovie ».

U n e confrontation méthodologique a été rendue possible grâce à l'exposé du professeur Stein Rokkan sur les méthodes utilisées dans le programme nor­végien de recherches concernant les comportements électoraux.

Definition des objectifs des études polonaises consacrées aux comportements électoraux.

Des études de sociologie électorale peuvent chercher à décrire aussi complè­tement et objectivement que possible une élection en tant qu'événement historique et à des fins historiques. Elles peuvent aussi s'intéresser au proces­sus particulier de la décision électorale en vue de mieux éclairer, sur un plan plus général, les processus de décision. A cette simple préoccupation peut s'ajouter un désir de prévision. Enfin, elles peuvent répondre au besoin de savoir c o m m e n t fonctionne u n régime politique donné. C e sont plus parti­culièrement ces deux dernières préoccupations qui caractérisent les études polonaises.

Les transformations politiques consécutives aux événements de 1956 expliquent cette orientation. No tammen t , les modifications de la législation électorale laissent à l'électeur plus de latitude dans le choix des candidats. D e plus — ceci a trait aux élections municipales de 1958 — les pouvoirs des conseils nationaux ont été sensiblement accrus. Ces conseils « constituent l'au­torité locale compétente pour l'ensemble des affaires importantes, essentielle pour la vie collective. E n tant qu'autorité élue, ils existent depuis 1954... Après les transformations d'octobre 1956, l'augmentation de leurs pouvoirs et de leur autonomie par rapport aux autorités centrales devint u n mot d'ordre. Désormais, les conseils sont « gérants de leur territoire », en m ê m e temps qu'ils

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représentent l'institution principale de la démocratie socialiste, la base du gouvernement du peuple par lui-même 1 ».

Enfin le changement de l'atmosphère politique devait avoir un effet déter­minant sur le comportement des électeurs. Il est naturel qu'après des transfor­mations aussi radicales les sociologues observent avec intérêt le fonctionnement des nouvelles institutions.

Mais cette curiosité n'est pas uniquement d'ordre intellectuel. L e souci de faire de ces institutions de base des institutions profondément démocra­tiques, c'est-à-dire aussi proches que possible des forces et des courants sociaux spontanés, avait été organiquement exprimé. « Émanan t d 'un vote secret et universel, [les conseils] devaient exprimer les besoins et les intérêts de la population, fonctionner sous son contrôle incessant, maintenir avec elle une liaison ininterrompue. A cet effet, la loi électorale prévoit la possibilité de révoquer des conseillers, m ê m e avant la fin de la session 2. » Pour le sociologue conscient de collaborer à l'édification d'une société démocratique, il importe d'examiner si un tel objectif est atteint et de déterminer quels obstacles s'y opposent.

Ainsi l'étude des élections municipales de Lodz cherche à répondre à deux questions : ï. Les électeurs de Lodz , dans leurs expériences quotidiennes, sentaient-ils

le lien qui les unissait aux Conseils nationaux ? Quelle était leur attitude envers ces conseils ?

2. Les électeurs étaient-ils suffisamment renseignés sur les règles électorales, les candidats, etc. ? Quelle était leur attitude générale envers la campagne électorale et les élections ?

Les recherches sur les élections générales de 1957 et les élections municipales de Varsovie concernaient également le degré d'activité politique des électeurs, et les facteurs de leur choix.

Méthodologie des recherches polonaises.

L e modèle de recherche norvégien est très intéressant, en raison de la combi­naison des méthodes utilisées. L'emploi simultané de la description historique des campagnes électorales, de l'analyse écologique cartographiée, du sondage d'opinion à l'échelle nationale et de la description monographique de c o m m u ­nautés-tests permet d'appréhender globalement la situation électorale et l'acte de vote, en recensant et en mettant en rapport les unes avec les autres toutes les variables de nature à influencer le comportement de l'électeur, tel qu'il se manifeste dans le cadre macrosociologique et dans les relations inter­individuelles.

Les études polonaises sont méthodologiquement plus restreintes. L'étude des élections municipales de Lodz n'utilise que le sondage, celle des élections générales de 1957 repose sur l'analyse historique des campagnes et l 'examen écologique des résultats. Seule l'étude des élections municipales de Varsovie combine l'enquête par sondage, l'analyse historique de la campagne électorale et une étude écologique des résultats. L e caractère très limité des objectifs de la recherche restreint également l'appareil méthodologique.

1. Z . G O S T K O W S K I , « Le degré d'intérêt pris par la population d" Lodz aux élections municipales », communication présentée au stage.

2. Z. G O S T K O W S K I , communication présentée au stage.

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Problèmes méthodologiques et techniques.

C'est à propos de ces recherches électorales que sont apparues pour la pre­mière fois les difficultés que rencontre l'application des sondages en Pologne.

Dans l'enquête sur les élections municipales de Lodz, les enquêteurs se donnaient pour les représentants des journaux locaux qui, par un article spé­cial, avaient annoncé le passage de leurs envoyés dans quelques maisons. Le but des interviews, toujours selon la presse, était d'apprendre ce que pensaient du conseil national les habitants de Lodz. Z . Gostkowski a précisé dans son exposé que « ce caractère d'entreprise journalistique conféré aux interviews était nécessaire pour que les enquêteurs n'éveillassent point les soupçons et que leur rôle ne semblât point énigmatique ». Cette insistance à souligner la difficulté des interviews et l'impossibilité de poser certaines questions trop délicates conduisent certains sociologues polonais à affirmer que « les condi­tions spécifiques de la Pologne rendent cette méthode (le sondage) peu utile pour établir le caractère de la décision électorale » (J. Wiatr). Cette assertion est cependant très discutée.

Il n'est pas certain, d'ailleurs, que cette difficulté soit particulière à la Pologne. Elle procède du sondage m ê m e et constitue, en somme, un problème technique d'application de la méthode. U n essai de solution très habile est justement tenté dans l'étude des élections municipales de Lodz. Désireux de connaître l'attitude des électeurs envers les conseils nationaux, les enquêteurs demandaient : « Depuis quelque temps, les journaux de Lodz consacrent beau­coup d'articles à l'activité du conseil national. Croyez-vous que les gens s'y intéressent ? Pourquoi le croyez-vous ? » Cette question n'était pas des plus délicates, mais, afin d'éviter les réponses faites « pour avoir l'air bien » — surtout aux yeux d'un envoyé de la presse (c'est ainsi que se présentaient les enquêteurs) — il avait semblé préférable de demander aux sujets interrogés non pas s'ils s'intéressaient eux-mêmes au conseil national, mais si « les gens » s'y intéressaient (en supposant d'ailleurs que la plupart, tout en parlant des gens, parleraient en fait d'eux-mêmes). L'étude des réponses, selon Z . Gostkowski, a confirmé le bien-fondé de cette supposition.

Le problème du contact entre l'enquêteur et le sujet interrogé est compli­qué : des donnés macrosociologiques et microsociologiques se combinent pour en déterminer les termes. Il s'agit de trouver des procédés techniques appropriés pour le résoudre.

L a discussion des communications sur les recherches de sociologie électo­rale polonaise a permis également d'aborder un autre problème méthodolo­gique : les rapports entre la macrosociologie et la microsociologie.

D u fait de la législation électorale en vigueur, une élection polonaise est très différente d'une élection organisée sous le régime des partis multiples. D e plus, la conjoncture politique, c'est-à-dire le fait que les élections générales se déroulaient quelques mois après les événements d'octobre 1956, et les élec­tions municipales moins d'un an et demi après ces mêmes événements, avait une importance particulière, qui a déjà été signalée. Enfin, notamment en ce qui concerne les élections aux conseils nationaux, l'attitude générale de désaf­fection à l'égard de ces conseils, en raison de leur comportement entre 1954 (date de leur création) et 1958, était déterminante.

Ces données macrosociologiques étaient indispensables pour comprendre l'attitude des électeurs à l'égard aussi bien des conseils que des élections, en février 1958. Selon que le fait de voter constituait un acte d'adhésion au nou-

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veau régime politique, ou signifiait simplement un regain d'intérêt pour des institutions enfin dotées des pouvoirs locaux souhaités, le sens des résultats était bien différent.

C o m m e n t expliquer les 14,3 % d'abstentions enregistrées à ces élections, alors que le taux d'abstention ne dépassait pas 5,8 % aux élections générales de 1957 ? Fallait-il y voir une persistance de la désaffection envers les conseils nationaux ? Devait-on considérer le manque d'information des électeurs c o m m e un indice supplémentaire de cette désaffection ? Etait-ce seulement une conséquence de la nouveauté des institutions ? A Varsovie, les candidats les mieux connus avaient été aussi les plus tenus à l'écart, tandis que le fait d'être nouveau et inconnu assurait une sorte de blanc-seing.

Devait-on penser, au contraire, que les abstentions auraient été encore plus nombreuses sans l'aspect politique du vote ? Devait-on penser que c'était la conscience nette que les conseils seraient l'institution la plus capable de résoudre les difficultés à l'échelon local, jointe à l'espoir que les réformes récentes leur en donnaient le pouvoir, qui avait incité malgré tout 85,7 % des électeurs à voter ? Seule l'étude macrosociologique permettait de sérier ainsi les différentes éventualités qu'il aurait fallu examiner à la lumière de questions appropriées.

Il y a dans l'étude présentée par Z . Gostkowski des éléments de réponse qui tendent à présenter l'intérêt personnel et l'espoir d'une amélioration des conditions de vie (notamment de logement) par les conseils, c o m m e des moti­vations essentielles de la participation électorale. A un jugement négatif sur l'utilité des conseils correspond une totale apathie politique, selon la règle qui veut qu'on ne s'intéresse qu'à ce qu'on approuve ou qui plaît.

Les caractères particuliers de la législation électorale font également que les problèmes de recherche se présentent différemment. Il faut pourtant reconnaître que les modifications apportées à la loi électorale, à la suite des événements de 1956, rapprochent considérablement les possibilités de choix de l'électeur polonais de celles que connaît l'électeur des démocraties sous le régime des partis multiples.

Tout d'abord l'électeur peut choisir entre voter ou s'abstenir. La loi électorale autorise la pluralité des partis. Par contre, elle n'admet

pas « dans la vie politique légale, donc aussi aux élections, des groupements antigouvernementaux qui pourraient activement combattre la politique d'État » (J. Wiatr). Aussi la pratique habituelle est-elle la constitution et la présentation aux électeurs d'une liste unique, dite liste du Front de l'unité nationale. Depuis 1956, cette liste comporte un nombre de candidats supérieur d'un tiers en moyenne à celui des mandats à pourvoir. Les candidats élus sont ceux qui arrivent en tête jusqu'à concurrence du nombre de sièges à pourvoir. L'ordre selon lequel les candidats sont proposés reflète donc le v œ u du Front de l'unité nationale. Il arrive, c o m m e aux élections parlementaires de 1957, que ce v œ u soit explicité : au cours de la campagne électorale, les commissions consultatives des partis ont demandé aux électeurs de ne pas modifier l'ordre des listes. L'électeur peut donc choisir entre le soutien, qui se traduit par l'ap­probation intégrale de la liste, et l'opposition, qui se traduit par le refus en bloc de cette liste.

La liste du Front de l'unité nationale comprend des candidats du Parti ouvrier polonais unifié, du Parti paysan unifié, du Parti démocratique et des candidats sans parti. D e multiples choix partiels s'offrent donc à l'électeur : il peut rayer des candidats en raison de leur appartenance politique, ou pour

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des motifs personnels, ou en vue de favoriser des candidats qui, du fait de leur position sur la liste, risqueraient d'être évincés.

Il convient d'ajouter que, selon J. Wiatr, « le changement d'atmosphère politique a permis à l'électeur de faire usage de ces possibilités de solution alternative, bien que certaines de ces possibilités, d 'un point de vue formel, eussent également existé lors des élections précédentes ».

Le caractère varié de ces choix rend donc un certain intérêt aux études écologiques cartographiées. Il est possible et non dénué d'intérêt d'étudier par ville et voïvodat le pourcentage de votants par rapport aux inscrits, le pourcentage des voix obtenues par les candidats du Front de l'unité nationale par rapport au nombre de votants, le pourcentage des voix obtenues par les candidats occupant des places « à mandat » (c'est-à-dire exerçant déjà une activité politique ou sociale) globalement et en fonction de leur appartenance politique. C e serait malgré tout une profonde erreur de se fonder sur ces res­semblances avec les scrutins des démocraties occidentales pour conclure à une certaine similitude : il est incontestable, par exemple, que la présentation des candidats sur une liste unique dans un ordre préférentiel doive exercer une influence sur le choix de l'électeur. Ainsi, quand la sélection des candidats diminue, c'est-à-dire quand le pourcentage des voix obtenues par les candidats du Front de l'unité nationale c o m m e celui des candidats occupant des places « à mandat » est très élevé, il n'est pas a priori possible de savoir si ce résultat exprime « l'acceptation des candidats qui occupaient les places « à mandat », l'approbation politique générale de l'ensemble de la liste, l'ignorance de la technique de vote ou, enfin, l'indifférence totale » (J. Wiatr).

D e toute façon, on ne saurait assimiler un tel choix à celui de l'électeur français, car l'étape du vote dans l'ensemble de l'opération électorale a un sens foncièrement différent. L'établissement de la liste des candidats s'effectue progressivement au cours d 'un processus destiné à instaurer un dialogue entre les partis et institutions ou organisations diverses qui ont le droit ou le devoir de présenter des candidats, et l'électeur. Chaque organisation propose des candidats au cours de réunions publiques, dans les différentes cellules sociales de base. U n Comité des associations sociales, culturelles et politiques opère une sélection parmi les multiples candidatures. O n organise de nouveau des réunions publiques où les électeurs sont consultés sur le choix des candidats. C'est dire l'intérêt considérable de ces réunions pour la connaissance aussi bien du système électoral que du comportement des électeurs. Ainsi, J. Wiatr a retenu, entre autres critères, le pourcentage des assemblées tenues par rap­port au nombre d'assemblées projetées et le pourcentage d'électeurs qui ont participé à ces réunions, pour déterminer le degré d'activité politique des électeurs au cours des élections municipales de 1958 à Varsovie. L à encore, on ne saurait assimiler ces réunions à celles qui ont lieu en France pendant la campagne électorale.

Cette profonde différence du contexte institutionnel et, d'une façon géné­rale, du contexte politique de l'acte de vote suggère qu 'une des orientations possibles des colloques internationaux groupant des chercheurs venant de pays à régimes politiques différents pourrait être une recherche des liens entre la macrosociologie et la microsociologie, selon un v œ u du professeur Lazarsfeld.

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L E S SONDAGES D E L A PRESSE E T LES T R A V A U X D U C E N T R E D E R E C H E R C H E S SUR

L'OPINION PUBLIQUE D E L A RADIO POLONAISE.

La presse et la radio polonaises jouent un rôle très important dans le pays en ce qui concerne l'introduction de la méthode des sondages dans les recherches sociologiques. Pour comprendre cette singularité, il faut rappeler la situation particulière de la presse dans une démocratie socialiste.

Avant 1955, « la mission fondamentale de la presse était de former, d'une manière didactique et dans un esprit de propagande, l'opinion publique sur un modèle idéologique défini, ainsi que de sélectionner avec soin les matériaux d'information politique et sociale1». Dans le souci d'établir des liens entre le journal et ses lecteurs on encourageait officiellement ceux-ci à écrire à la rédac­tion. E n 1950, Boleslaw Bierut donnait des directives précises à ce sujet.

Conformément à ces directives, chaque journal devait avoir son réseau de correspondants réguliers, recrutés surtout dans les milieux ouvrier et paysan, et la correspondance allait constituer longtemps la forme prédominante des rapports entre journal et lecteurs.

Les lettres reçues par l'intermédiaire de ces correspondants avaient trait soit à des besoins locaux nécessitant une intervention, soit tout simplement à des succès ou insuccès politiques et économiques, tels que les résultats d'une campagne en faveur de la productivité, la marche d 'un cours d'éducation idéologique; ou bien elles démasquaient l'activité nuisible de personnes hostiles au régime ou passant pour telles, etc. Ces lettres étaient essentiellement des réponses aux demandes des organisateurs des réseaux. Et ce n'est que dans une faible mesure qu'elles pouvaient être considérées c o m m e fournissant des indications valables sur les opinions et les attitudes de la population.

Les journaux recevaient d'ailleurs d'autres lettres provenant de lecteurs isolés et concernant des problèmes personnels de logement, de travail, de prestations sociales dues et non reçues, etc., au point qu'ils avaient constitué des bureaux spécialisés, chargés du dépouillement de cette correspondance et fonctionnant c o m m e des centres de réclamations.

L'opinion générale est que, malgré l'institutionalisation de cette correspon­dance, le rôle directeur de la presse avait été conçu de façon trop rigide et qu'il en résultait une presse « unilatérale » et « isolée des sources de l'opinion publique ». Cela devait apparaître d'ailleurs très nettement, car, au fur et à mesure qu'augmentait la liberté de se prononcer sur diverses affaires publiques, l'activité des correspondants réguliers décroissait, en m ê m e temps que se multipliaient les lettres des lecteurs isolés, exprimant leur opinion sur des sujets plus généraux. E n 1956, la plupart des journaux supprimèrent leurs réseaux de correspondants et leurs bureaux de dépouillement : la recherche du contact avec les lecteurs exigeait des moyens nouveaux.

Grâce à la correspondance spontanée qu'ils recevaient, les journaux rejoi­gnaient les courants de l'opinion publique. Ils apprenaient au moins quelles étaient les préoccupations de leurs lecteurs, quels problèmes sociaux les tou­chaient le plus et c o m m e n t ils réagissaient. D e là à considérer la presse c o m m e le porte-parole de la société auprès des services publics, il n'y avait qu 'un pas qui fut vite franchi. Dans leur désir d'obtenir de plus amples informations afin d'être en mesure de lancer des campagnes, les journaux transformèrent les données que leur fournissaient les lettres en quelques questions qu'ils

1. W . PiOfRCKV.^Hi et S. S/osrKii w u ' z , coimu'inir.ili'.,:! -présentée au •Ua'^e.

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proposèrent à l'enthousiasme ou à la bonne volonté de leurs lecteurs. Ainsi naquirent les « sondages de presse », notamment dans les journaux qui ne sont pas des organes officiels du Parti ouvrier, c o m m e £ycie Warszaw (La Vie de Varsovie), Express Wieczorny (L'Express du soir), ou le Sztandar Mlodych (Dra­peau des jeunes).

C e désir de renouer avec l'opinion publique s'inspirait d'ailleurs de motifs intéressés, car les journaux ne pouvaient qu'y gagner une audience plus étendue. A u x sondages d'intérêt général ou portant sur des questions parti­culières s'en sont ainsi ajoutés d'autres, qui demandent aux lecteurs de juger leur journal et de formuler leurs suggestions.

C e bref rappel historique explique que les sondages de presse groupent d'une façon un peu confuse deux types de sondages fort différents : les sondages d'opinion publique à proprement parler, portant sur des sujets aussi divers que possible, et les enquêtes sur les goûts et préférences des lecteurs en tant que tels. Ainsi s'expliquent également le développement du Centre de recherches sur l'opinion publique auprès de la Radio polonaise et le fait paradoxal que le programme d'enquêtes de ce centre n'en comprend pratiquement aucune sur les programmes de la radio, mais en comporte un grand nombre d 'un intérêt général.

Les communications de W a c l a w Piotrowski et Stefan Szostkiewicz sur les sondages de la presse et d ' A n n a Pawelczynska et Andrzej Sicinski sur les travaux du Centre de recherches sur l'opinion publique ont fourni aux sta­giaires une abondante information sur ces sujets.

D u côté français, M . Girard a présenté les enquêtes de l'Institut français d'opinion publique et de l'Institut national d'études démographiques sur l'alcoolisation en France et M . Lévy-Bruhl a commenté l'enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques sur le travail des femmes : exemples très utiles pour des enquêtes sur des sujets précis, dont l'ébauche se trouve dans les sondages qu'effectue la presse et que le Centre de recherches réalise déjà aussi rigoureusement qu'il le peut avec des moyens restreints.

Pour sa part, M . Dogan a exposé les méthodes utilisées en France dans les enquêtes auprès des lecteurs des journaux ou auprès des auditeurs de la radio, en les comparant aux travaux du bureau d'études du programme de la Radio­diffusion polonaise et aux sondages que la presse polonaise effectue auprès de ses lecteurs.

L a présentation de travaux français réalisés par des instituts de recherches expérimentés et matériellement bien équipés, dans des domaines qui éveillent de plus en plus la curiosité des chercheurs polonais et m ê m e l'intérêt de l'opi­nion publique polonaise et où se multiplient des ébauches effectuées dans des conditions difficiles, s'est révélée extrêmement utile par la diversité des pro­blèmes méthodologiques et techniques qu'elle a permis de soulever.

Les sondages d'opinion publique de la presse.

Les journaux soumettent à leurs lecteurs de brefs questionnaires dont les questions sont élaborées à partir de thèmes empruntés à la correspondance qu'ils reçoivent. Tantôt il s'agit d 'un questionnaire général, imprimé dans le journal et s'adressant à tous les lecteurs : répond qui veut. Tantôt le question­naire est envoyé personnellement, par lettre, à des personnalités particuliè­rement compétentes sur un sujet donné. Parfois ce sont des milieux sociaux ou professionnels déterminés qui intéressent les organisateurs de l'enquête. Les

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questions sont généralement en nombre très restreint : les sondages de l'Express

du soir ne comptent jamais plus de cinq questions fermées. Certaines enquêtes ont néanmoins plus d'étendue. Mais les journaux ne s'intéressent pas à la structure sociale des groupes de lecteurs qui leur répondent, à l'exception du Drapeau des jeunes, qui se soucie d'apprécier les caractéristiques sociales des participants à chaque enquête et qui présente des questionnaires plus appro­fondis. C'est ainsi qu'il a été à l'origine d'une grande enquête récente sur les jeunes ménages, comportant un questionnaire de plusieurs dizaines de ques­tions, préparé avec le concours de sociologues. Il est regrettable que ce ques­tionnaire soit distribué à toute personne qui répond à l'appel du journal, sans qu'intervienne aucun souci statistique — et ce d'autant plus que le nombre des personnes ayant accepté de participer à l'enquête dépasse 3 000 et que plus de 75 % des formulaires remplis sont exploitables.

Les sujets des sondages de presse sont extrêmement divers. La Vie de Varsovie

a, entre autres, lancé des enquêtes sur : La jeunesse délinquante; une enquête particulière auprès des pédagogues et

des juristes et une enquête générale auprès de l'ensemble des lecteurs, sous le titre : « Est-ce là une crise de la famille? », ont permis de réunir des matériaux importants. L'enquête générale consistait en sept questions ouvertes sur la solidité du lien familial, les causes de sa dissolution, les moyens de le raffermir, les problèmes d'éducation et de collaboration entre les

parents et l'école, et le travail professionnel des mères de familles. Cette enquête a obtenu à elle seule 700 réponses;

L'initiative privée dans le domaine de la construction et la construction de

maisons particulières, qui constituent une importante tentative de solution à la crise du logement;

Les possibilités de reclassement des fonctionnaires congédiés à la suite de la réduction du personnel administratif;

Les formes d'aide aux ménages où la mère de famille travaille. La liste des sondages effectués par l'Express du soir est également intéressante par la variété des sujets choisis, par leur énoncé, révélateur des préoccupations dominantes du journal et par le nombre des réponses obtenues :

Faut-il limiter à un million les lots du totalisateur sportif ? 7 000 réponses. Faut-il modifier la loi électorale applicable pour l'élection des membres du

Parlement et, si oui, dans quel sens ? 3 600 réponses.

Le président du Conseil national devrait-il porter le titre de maire ? 3 000 réponses.

C o m m e n t trouvez-vous les projets de nouveaux uniformes militaires ? 2 130 réponses.

Quelles danses aimez-vous ? O ù vous amusez-vous ? C o m m e n t vous habillez-vous ? 2 000 réponses.

C o m m e n t combattre le houliganisme ? 1 500 réponses. Êtes-vous pour ou contre le strip-tease ? 1 300 réponses. Lequel des événements internationaux de l'année 1956 considérez-vous

c o m m e le plus important et sensationnel ? 1 200 réponses. Q u e pensez-vous du Spoutnik ? 1 040 réponses.

Faut-il prolonger les études secondaires et, si oui, de combien d'années ? 1 000 réponses.

Quelles sont les questions que devrait discuter en premier lieu le nouveau Parlement ? 860 réponses.

Quel roman aimei iez-vous voir porté à l'écran ? 250 réponses.

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C o m m e n t rédiger les nouvelles dans PExpress du soir Í 340 réponses. Citons également le cas du Drapeau des jeunes. C e journal avait été créé en 1950, c o m m e organe quotidien du comité central de la Z . M . P . (organisation officielle de la jeunesse). E n 1956, à la suite de la crise qui aboutit à la disso­lution de la Z . M . P . , le Drapeau des jeunes se transforma en un journal indépendant, destiné aux jeunes. Il lui fallait désormais reconstituer sa clientèle sans aucun appui officiel et sans l'aide d'aucune organisation. Il adopta à cet effet un nouveau style, une nouvelle présentation et ouvrit de nouvelles rubriques. Pour s'assurer qu'elle était dans la bonne voie, la nouvelle rédaction procéda à des sondages sur les goûts et les besoins des jeunes.

A u cours de l'année 1957, le journal effectua 14 enquêtes et obtint au total plus de 12 000 réponses, soit en moyenne près de goo réponses par enquête. Les problèmes sérieux alternaient avec des sujets de caractère récréatif.

1. L a première enquête qui eut une profonde répercussion fut lancée en février 1957 sous le titre : « Nous autres, jeunes du siècle atomique. » Elle consistait en une série de questions sur les attitudes idéologiques de la jeunesse, par exemple : « Vaut-il la peine de croire aux idéaux et de se sacrifier pour eux ? ». « Vaut-il la peine, au xx e siècle, d'être un héros ? ». « Vous intéressez-vous à la politique ? ». « Q u e pensez-vous des derniers événements mondiaux : vous inspirent-ils de l'optimisme ou du pessi­misme ? », etc. Les 501 participants à cette enquête, qui représentaient toutes les catégories de jeunes (34 % de travailleurs intellectuels, 37 % d'écoliers et d'étudiants, 29 % de travailleurs manuels) fournirent de riches matériaux.

2. L e plus grand succès fut celui de l'enquête « Optimistes-pessimistes », qui portait sur l'attitude envers la vie contemporaine et sur l'appré­ciation personnelle du bonheur, de l'amitié, des perspectives de la vie, etc. (3 349 réponses).

3. Compte tenu du nombre de réponses reçues, c'est l'enquête sur le travail professionnel, les motifs du choix de la profession, les conditions de travail, etc., qui vient au deuxième rang (1 542 réponses).

Mentionnons ensuite : 4. Croyez-vous ?... Enquête semi-sérieuse sur la diffusion des superstitions,

les croyances aux phénomènes surnaturels, la foi dans les charlatans, etc. (1 224 réponses).

5. Mensurations. Enquête anthropométrique sur les dimensions corporelles des participants, leurs goûts et leurs besoins vestimentaires ( 1 156 réponses).

6. Congés. Enquête sur les diverses façons de passer les congés, les possibi­lités offertes et les désirs des intéressés (843 réponses).

7. Rédaction III. Enquête sur la publication la plus intéressante du Drapeau des jeunes (727 réponses).

8. Affaires étrangères. Enquête rédactionnelle sur l'intérêt porté aux diffé­rents pays et à leurs différents problèmes (722 réponses).

9. Rédaction IL Enquête sur la rubrique la plus populaire du Drapeau (682 réponses).

10. O ù et avec qui ? Enquête sur les caractéristiques personnelles préférées chez les camarades de l'autre sexe (521 réponses).

11. Varsovie. Enquête sur les problèmes « varsoviens », effectuée pour la section « Varsovie » du Drapeau (320 réponses).

12. H o m m e s illustres. Enquête rédactionnelle : quels sont les personnages les

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plus populaires et quels sujets faudrait-il aborder avec eux dans les inter­views ? (277 réponses).

13. L e livre le plus intéressant (188 réponses). 14. Rédaction I ( m ê m e que g). Ces exemples pris dans trois journaux différents, qui ont adopté systémati­quement ce m o d e d'information et de contact avec leurs lecteurs, donnent une idée de la richesse des matériaux accumulés du fait de la diversité et de l'inté­rêt des sujets et du nombre des réponses provenant de tous les milieux sociaux.

Les conditions dans lesquelles ces enquêtes ont lieu interdisent évidemment d'en faire un usage scientifique : les journaux s'en servent pour mener des campagnes de presse. Cependant, une fois utilisés par la rédaction, les maté­riaux sont souvent remis à des instituts de recherches ou à des institutions sociales qui s'intéressent aux problèmes traités. Les chercheurs peuvent, à la rigueur, tirer d'une analyse de leur contenu les thèmes d'une éventuelle enquête scientifique sur un problème précis.

L'opinion prévaut parmi les sociologues polonais que, par ces tentatives empiriques et scientifiquement contestables, la presse a ouvert la voie à des sondages plus rigoureux en familiarisant le public avec ce procédé. D'ailleurs, les sciences sociales ont été conviées à apporter leur contribution aux larges discussions ouvertes sur la vie publique, les institutions, l'amendement du socialisme et la recherche d'une nouvelle conception des moyens de l'édifier.

Les travaux du Centre de recherches sur l'opinion publique de la Radio polonaise.

L'évolution des préoccupations du Centre de recherches sur l'Opinion publique de la Radio polonaise, c o m m e le registre de ses préoccupations actuelles, rappelle beaucoup ce qui a été dit pour la presse. Mais ce centre se caracté­rise par des méthodes sensiblement plus satisfaisantes et un effort constant pour les améliorer.

Dès avant 1956, la Radio polonaise recevait, c o m m e les journaux, beaucoup de lettres. Certaines concernaient les programmes : le bureau d'étude du pro­g r a m m e s'en chargeait. D'autres abordaient des sujets politiques, économiques ou sociaux ou énonçaient des revendications personnelles : le bureau des lettres les dépouillait, au m ê m e titre que les bureaux spécialisés des journaux. C'est auprès de ce bureau qu'a été organisé le Centre de recherches sur l'opinion publique. E n 1957, première année de son existence, le centre s'est donc consacré à l'étude des lettres qui lui parvenaient au rythme de dix mille chaque mois. D e février à novembre 1957, 120 929 lettres ont été ainsi ana­lysées et dépouillées statistiquement. Il ne s'agissait évidemment pas de lui demander plus que ce qu'elles apportaient : les chercheurs du centre se conten­taient d'inventorier les caractéristiques sociales de leurs auteurs. Il n'est pas indifférent de savoir que 48,3 % des lettres avaient trait au niveau de vie et que le fonctionnement des institutions publiques (18,3 % ) , la politique du personnel et les problèmes de main-d'œuvre (10 % ) , les problèmes de patho­logie sociale — délinquance juvénile, prostitution, alcoolisme, etc. (8,7 % ) — se partageaient l'essentiel du reste. D e nombreux autres enseignements ont été tirés de cette analyse sans qu'on ait jamais prétendu leur donner un carac­tère rigoureusement scientifique.

Mais, c o m m e les journaux, le centre a utilisé ces données c o m m e points de départ de ses recherches ultérieures. Pour le moins, les lettres suggéraient un thème. Dans les meilleurs des cas, on pouvait m ê m e espérer utiliser les

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résultats de l'analyse de leur contenu c o m m e hypothèses de base. Ainsi, dans la seconde étape de son développement, le centre a-t-il utilisé l'analyse des lettres qui traitaient du fonctionnement des conseils nationaux, pour mener, en liaison avec le périodique Rada Narodowa (Conseil national), une enquête auprès des conseillers et des employés des conseils sur la structure et le fonctionnement de ces organismes, ainsi que sur le principe m ê m e du système.

L'opinion et les responsables, se familiarisant de plus en plus avec la tech­nique des sondages, le centre a obtenu, en février 1958, une organisation auto­n o m e dans le cadre du bureau des lettres de la Radio polonaise. Aussi cherche -t-il, depuis cette date, à procéder à des enquêtes par sondage à l'échelle natio­nale. Les travaux actuels sont effectués à l'aide d 'un réseau d'enquêteurs bénévoles, sélectionnés parmi tous les auditeurs de la Radio polonaise qui avaient répondu à son appel. Sur 3 000 offres de services consécutives aux appels de la Radio pour une collaboration volontaire avec le centre, 1 800 enquêteurs ont été retenus et une sélection permanente permet d ' a m é ­liorer progressivement la qualité du réseau. Certes, des réserves sérieuses peuvent être formulées à l'égard d'un réseau constitué d'enquêteurs volon­taires et bénévoles, qui voient dans cette occupation l'occasion d'une activité militante. Encore convient-il de préciser que 50 % des enquêteurs ont affirmé n'appartenir à aucune organisation politique ou sociale, 27 % se sont déclarés membres du Parti ouvrier et 23 % ont mentionné un lien avec différentes organisations politiques ou sociales.

Ainsi, malgré le manque d'argent, on a pu mettre sur pied un réseau natio­nal principal de 750 enquêteurs, un réseau de réserve de 500 enquêteurs et u n réseau de 250 enquêteurs particulier à Varsovie.

L e problème de la qualité du réseau des enquêteurs aurait une moindre importance si l'échantillonnage ne présentait pas de difficultés et si les enquê­teurs se voyaient assigner nominativement des gens à interroger. Malheureuse­ment, toutes sortes de raisons amènent les chercheurs du centre à considérer que la constitution d'échantillons par chacun des enquêteurs, à partir des fiches d'état civil ou des listes électorales et par simple tirage au sort, est impossible. Aussi se trouvent-ils contraints de déterminer un échantillon général par la méthode des quotas. L à encore, des statistiques déficientes ne permettent pas de calculer avec précision un échantillon bien caractérisé : en effet seuls le sexe, l'âge et le type d'agglomération peuvent être pris en consi­dération. E n l'état actuel des statistiques, ni le niveau d'instruction ni m ê m e la catégorisation socio-professionnelle ne peuvent être retenus. A partir de l'échantillon national ainsi constitué, des échantillons particuliers sont cal­culés pour chaque voïvodat. E n fin de compte, l'enquêteur sait qu'il doit interroger tant de personnes de tel sexe et tant de l'autre, tant de personnes appartenant à tel et tel groupe d'âge, tant de personnes se trouvant dans tel et tel type d'agglomération. Mais, pour le reste, il a toute latitude de choix. Afin de réduire les risques de distorsion, on recommande aux enquêteurs de veiller à ce que les sujets interrogés : a) n'appartiennent pas à leur famille ; b) n'appartiennent pas à la m ê m e famille ; c) n'exercent pas la m ê m e profession ; d) n'habitent pas la m ê m e maison, voire la m ê m e rue; e) ne travaillent pas dans le m ê m e établissement;/) n'aient pas le m ê m e niveau d'instruction.

Ces redressements empiriques ne sauraient évidemment être très satisfai­sants, mais c'est le prix m i n i m u m dont il faut payer la mise en route des pre­miers travaux, dans les conditions actuelles.

Les considérations précédentes expliquent le caractère surprenant des sujets

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des travaux en cours, si l'on se souvient qu'il s'agit d 'un centre rattaché à la Radio. Les préoccupations proprement radiophoniques sont en effet à peu près absentes dans la liste des travaux suivants : Jeunesse et travail; Nouvelle politique du logement; Enquête sur la réduction des heures de travail; Enquête sur l'épargne; Budget-temps des femmes; Choix d'une profession par les jeunes ; Relations germano-polonaises; Investigations sur les besoins des jeunes couples en matière de logement; Besoins et habitudes dans le domaine du ravitaille­ment; Problème du fonctionnement des conseils nationaux; Problèmes des comités d'îlots; Étude des loisirs (besoins et formes); Étude sociologique des lecteurs de Zjycie Warszawy et de leurs goûts; Enquête sur les facteurs de for­mation de l'opinion publique.

Le Centre de recherches sur l'opinion publique de la Radio polonaise a donc suivi la m ê m e voie que les journaux. Partant de la correspondance d'intérêt général, il a abouti à la mise sur pied d'enquêtes traitant indiffé­remment de problèmes économiques, politiques et sociaux, sans rapport avec les préoccupations de programmes. Mais, alors que les sondages de presse, en raison de leur méthode m ê m e , ne peuvent guère constituer des moyens réellement scientifiques de connaissance de l'opinion, le Centre de recherches de la Radio polonaise, grâce à son réseau d'enquêteurs de plus en plus quali­fiés, grâce à des efforts de perfectionnement dans la technique de l'échantil­lonnage, grâce à la collaboration d'un conseil scientifique de professeurs, sociologues, économistes et statisticiens, est en voie de devenir le grand centre polonais de recherches sur l'opinion publique. Déjà l'Institut d'économie sociale, le Ministère de l'instruction publique, l'Institut des sciences juri­diques, le Conseil national de Varsovie, le Conseil central des Syndicats, l'Ins­titut du commerce intérieur, le Ministère de l'industrie lourde et le journal la Vie de Varsovie lui ont confié des études.

Deux enquêtes françaises.

Les chercheurs de ce centre, travaillant dans des conditions parfois difficiles, dans le cadre d'une institution encore récente et dans un pays où il n'existe pas de tradition en matière de sondages d'opinion, ont accueilli avec un vif intérêt les exposés consacrés à des travaux français similaires.

M . Girard a présenté et commenté les enquêtes de l'Institut français d'opi­nion publique sur la consommation de l'alcool sous toutes ses formes. Ces enquêtes ne visaient qu'à décrire les habitudes de consommation et à donner une idée approximative des quantités d'alcool ingurgitées. L e questionnaire avait donc pour seul objet la reconstitution des faits de consommation. Il comportait une série de feuillets qui portaient chacun sur une période de la journée : du lever au petit déjeuner, du petit déjeuner au repas de midi, le repas de midi, du repas de midi au repas du soir, y compris le m o m e n t de l'apéritif, le repas du soir, du repas du soir au lever le lendemain matin. Pour chacune de ces périodes, il s'agissait de retrouver toutes les occasions que le sujet interrogé avait eues de boire quelque chose. O n lui demandait de préciser dans chaque cas la nature de la boisson, la quantité absorbée, en l'exprimant en unités de mesure (verre, demi-verre, litre, etc.) et le lieu de la consommation (domicile, café, restaurant, etc.).

Les stagiaires polonais se sont vivement intéressés à ces études touchant à un problème social également grave pour la Pologne, mais ils ont eu l'air de considérer que les habitudes de consommation de l'alcool présentaient des

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caractères assez particuliers dans leur pays pour qu'il fût préférable d'y uti­liser d'autres méthodes d'investigation.

E n effet, la consommation d'alcool en Pologne n'est pas habituelle et régu­lière mais massive : la vodka titre 45 o et l'on en boit jusqu'à l'ivresse totale dans de nombreuses occasions. Aussi serait-il plus instructif de procéder à la description monographique des comportements de consommation de groupes sociaux précis, voire de groupes de buveurs. E n s o m m e , l'attitude des sta­giaires polonais revenait à dire : « Nous connaissons les habitudes de consom­mation de l'alcool dans notre pays, nous savons comment on s'alcoolise et qui s'alcoolise. C e qui nous intéresse, c'est de savoir pourquoi tel groupe va, dans telle occasion, boire immodérément de la vodka ou une autre boisson alcoo­lisée, jusqu'à l'ébriété totale. Et, pour cela, il nous faut assister au déroulement de la consommation, au jeu du mécanisme qui conduit à l'ivresse et dont l'ex­plication est à chercher plus ou moins exclusivement dans les relations inter­personnelles à l'intérieur du groupe. Nous savons déjà qu 'un élément de pres­tige intervient, mais nous devons en analyser le sens et nous ne doutons pas qu'il n'y ait d'autres motivations que nous connaissons encore imparfaite­ment. Les études monographiques sont celles qui peuvent le mieux nous éclairer. »

O n peut cependant se demander si la connaissance des habitudes de consommation est réellement si poussée et si sûre qu'une enquête c o m m e celle de l'Institut français d'opinion publique soit inutile. Certes, de nombreuses mesures ont été prises pour limiter la vente de l'alcool. Cette vente est inter­dite les samedis et jours de paie. Le prix de l'alcool est élevé. L a vente n'est permise que dans des boutiques spéciales et la localisation de ces boutiques a été soigneusement étudiée : il n'y en a pas auprès des casernes, des arrêts d'autobus et des gares, etc. Mais, quand on voit l'intérêt des conclusions tirées de l'enquête française pour la connaissance des habitudes de consomma­tion de l'alcool en France, on peut douter que les éléments particuliers à la Pologne simplifient à tel point la situation qu'une connaissance précise a priori y soit possible. C'est ainsi que l'enquête a permis, en ce qui concerne la France, de conclure notamment que : 80 % de l'alcool est consommé par des h o m m e s ; la majeure partie d'alcool pur absorbé par les adultes provient du vin; la quantité d'alcool pur ou de boisson alcoolisée consommée varie très sensiblement en fonction du sexe, et également en fonction de la situation socio-professionnelle et du niveau de vie (le vin est l'alcool du pauvre) ; la plus grande consommation de boissons alcoolisées se fait à domicile; le dimanche est le jour où la consommation de boissons alcoolisées est la plus forte ; 51 % de la quantité de vin absorbée en vingt-quatre heures par l'ensemble des adultes sont consommés par 13 % des adultes, chacun de ces derniers buvant plus de 3/4 de litre par jour; par contre, 78 % des adultes absorbent au cours d'une journée 1 /3 seulement du vin consommé.

Des conclusions de ce genre permettent de cerner de très près les données générales du problème de l'alcoolisation et doivent rendre plus précises et précieuses les descriptions monographiques, indispensables par ailleurs. Il y a tout intérêt à faire en sorte que les deux méthodes se complètent plutôt que de s'exclure.

L'enquête sur le travail des femmes, effectuée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, en 1958 pouvait également servir de modèle aux chercheurs du Centre de la Radio polonaise, dans le domaine des enquêtes sociales proprement dites. Il s'agissait, en effet, d'une enquête typi-

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quemen t liée à des préoccupations administratives et destinée, autant que pos­sible, à guider u n e action concrète.

L'Institut national de la statistique et des études économiques procède chaque année à une ou deux enquêtes par sondage sur u n échantillon représen­tatif de la population, afin d'évaluer le vo lume et la structure de la population active, l'importance d u c h ô m a g e , les variations de la durée d u travail, etc. C h a q u e enquête comprend des questions annexes, relatives à u n problème d'emploi présentant u n intérêt particulier. E n 1958, la commission de la main -d 'œuvre d u Commissariat général au plan avait d e m a n d é que ces questions annexes portent sur le travail des f e m m e s ; il en était résulté une véritable enquête.

L e questionnaire établi à ce sujet obéissait à deux préoccupations : 1. Il tendait tout d'abord à apprécier quantitativement l'emploi ou le sous-

emploi des f e m m e s . L'enquête intéressait toutes les femmes de quatorze ans ou plus, interrogées dans le cadre de l'enquête-emploi. Elle distinguait les f emmes : a) Q u i ont u n emploi; b) Q u i sont en c h ô m a g e ; c) Q u i n ' o n t p a s d ' e m p l o i et n ' e n cherchent p a s : qui poursuivent leurs

études; qui o n t m o i n s d e cinquante-cinq ans et sont aptes a u travail; qui ont a u m o i n s cinquante-cinq ans et sont inaptes a u travail.

2 . Il s'intéressait ensuite tout spécialement a u x f e m m e s qui on t u n e m p l o i et à celles qui n ' e n ont pas , n ' e n cherchent pas et qui ont pourtant m o i n s d e cinquante-cinq ans et sont aptes a u travail. Il cherchait à déceler les obstacles réels a u plein e m p l o i d e la f e m m e e n recensant les cas d'interrup­tion temporaire o u d e cessation définitive d u travail et la cause afférente à c h a q u e cas : les enfants et le p r o b l è m e d e leur surveillance p e n d a n t le travail, le m a r i a g e , etc. Il visait à permettre d e prévoir l'efficacité c o m p a r é e d ' u n certain n o m b r e d e solutions concrètes : a) Ouverture, à proximité d u domicile, d 'une crèche ou d ' u n jardin d'en­

fants ; b) Installation d'usines ou de bureaux pouvant offrir u n emploi suffisam­

m e n t proche d u domicile; c) Possibilité d e trouver d u travail à t e m p s partiel, etc.

M a i s le questionnaire devait, m a l g r é tout, dépasser la simple description d e la situation objective dans laquelle se trouvait la f e m m e interrogée; il lui fallait chercher à déterminer les conditions d a n s lesquelles celle-ci envisagerait d e travailler, si elle n e travaillait pas, voire les raisons qui la poussaient o u la pousseraient à travailler. N o u s entrons donc là dans un domaine beaucoup plus délicat, où jouent les attitudes individuelles et les modèles sociaux, c o m m e celui de la f e m m e au foyer.

L e remarquable ordonnancement logique des questions objectives devait certainement donner à l'enquête une grande valeur descriptive. L a rigueur des techniques d'échantillonnage et la qualité d u réseau des enquêteurs convergeaient pour assurer une efficacité m a x i m u m à cette qualité d u ques­tionnaire. Mais , lorsqu'on s'attache aux questions d'attitudes, on ne peut s'empêcher de les trouver sommaires et fondées sur une analyse psychologique très insuffisante. Elles prennent le sujet interrogé dans une situation irréelle, voire gratuite, rejetée dans u n avenir plus qu'hypothétique; elles le placent dans des conditions objectives très simplifiées et presque idylliques et elles pré­tendent tirer de ses réponses des prévisions de comportements. L'étude des

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motivations profondes de ces comportements est à peine esquissée, alors qu'en fin de compte c'est d'elles que dépendra la décision. La psychologie sous-jacente rappelle celle de Y Homo œconomicus.

L a collaboration qui s'est instaurée entre les chercheurs du Centre de la Radio polonaise et l'Office statistique principal doit être poursuivie. Il convient d'éviter les cloisonnements et de multiplier les occasions de colla­boration entre les spécialistes. Le professeur Lazarsfeld, dans sa communi ­cation, a conseillé aux sociologues polonais de tout faire pour éviter que ne s'opère une division du travail entre ceux qui veulent savoir ce que les gens aiment, parce qu'ils leur vendent quelque chose, et qui estiment ne pas avoir à se préoccuper de la formation de ces préférences ni des systèmes de valeurs qu'elles supposent, et ceux qui ne s'attachent qu'à cette étude complexe. Il a affirmé sa certitude que cette division du travail artificielle était néfaste, tant d'un point de vue pratique que du point de vue du développement général des sciences sociales. L'enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques sur le travail des femmes constitue une bonne illustration des risques d'une division du travail mal fondée.

Les enquêtes de la presse et de la Radio polonaises sur les goûts de leur public.

Il est remarquable que « les journaux qui pratiquent les sondages soient sur­tout ceux que leur caractère pousse à chercher un lecteur bénévole, à se l'at­tacher et m ê m e à flatter ses goûts, et il paraît que les enquêtes ont abouti aux résultats attendus » (Piotrowski et Szostkiewicz). Les enquêtes sociales parti­culières ou générales dont nous venons de parler contribuent déjà à réveiller l'intérêt des lecteurs pour leur journal. Mais certains journaux ont eu très pré­cisément le souci de sonder les goûts de leur public, au moyen d'un question­naire spécial. Cette préoccupation s'explique aisément pour le Drapeau des

jeunes, en raison de la conversion à laquelle il a été contraint à la suite de la dissolution de la Z . M . P . Elle apparaît nettement dans la liste des sujets choisis (enquêtes dites : Rédaction I, II, III).

L a Radiodiffusion polonaise se soucie également de connaître les apprécia­tions des auditeurs sur ses programmes, ainsi que leurs préférences. Elle mène cette recherche par trois moyens : a) analyse des lettres parvenant au bureau d'étude du programme; b) étude des matériaux tirés des discussions pério­diques avec les auditeurs; c) enquêtes systématiques.

Les lettres et les comptes rendus des discussions servent en s o m m e d'enquêtes pilotes, les enquêtes permettant ensuite d'apprécier quantitativement la répar­tition des différentes attitudes et des changements d'attitudes qui sont relevés, selon des catégories définies d'auditeurs. Ainsi une étude sur la musique et le théâtre dans les programmes de la Radiodiffusion polonaise a été faite sur la base de 22 discussions (8 en milieu ouvrier, 7 avec des paysans, et 7 avec des intellectuels) et de deux enquêtes (une en décembre 1957, sur les émissions théâtrales, et une en janvier 1958, sur les émissions musicales).

Le bureau d'étude du programme s'est constitué un échantillon particulier répondant à ses besoins. Pour chaque voïvodat, l'échantillon est quantita­tivement proportionnel au nombre des abonnés. Malheureusement la réparti­tion par sexe et par âge est faite à l'échelon national, faute de statistiques locales; quant au niveau d'instruction et à la répartition par catégories socio­professionnelles, ils sont encore plus mal connus, m ê m e à l'échelon national.

Les enquêteurs sont également des volontaires qui ont répondu à l'appel

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lancé par la Radio polonaise. Les problèmes techniques du bureau d'étude rappellent tout à fait ceux du Centre de recherches sur l'opinion publique.

M . Dogan a exposé les méthodes appliquées en France dans certaines en­quêtes auprès des lecteurs de journaux ou des auditeurs de la radio.

Dans les enquêtes menées auprès des lecteurs, on utilise un questionnaire pour essayer de préciser les habitudes de lecture d'une population donnée, soit d'une façon générale (revues, par exemple), soit en ce qui concerne tel ou tel journal. A côté des habitudes de lecture (fréquence et modalités de l'achat, place de tel ou tel journal ou revue dans l'ensemble des lectures, diffusion dans le groupe familial, etc.), le questionnaire vise à déterminer les préférences des lecteurs pour les différentes rubriques. Cette idée de rechercher c o m m e n t le journal est perçu par le lecteur et de comparer cette image subjective du journal avec celle que s'en font les rédacteurs se révèle très féconde, aussi bien pour la connaissance des mécanismes psychosociologiques de perception et de connaissance que pour l'étude de la presse en tant que m o y e n d'infor­mation. Il est certain que des progrès en ces domaines contribueront à donner aux responsables une conception plus précise des différentes fonctions que les journaux remplissent auprès du lecteur, des différents besoins qu'ils peuvent satisfaire chez ce dernier. L a presse polonaise, si soucieuse de renouveler sa vocation, ne peut manquer d'être intéressée par ce genre d'études qu'elle utilise déjà dans la mesure de ses moyens.

Les enquêtes polonaises de la Radio qu 'a présentées M . Andrzej Sicinski utilisent un questionnaire et des questions directes telles que : « Est-ce que la proportion actuelle entre les différents types de musique dans les programmes radiophoniques vous satisfait ? » L a tendance des enquêtes françaises est, au contraire, d'utiliser la carte d'écoute. L'avantage de cette carte est de rensei­gner avec une grande précision sur les comportements des auditeurs et leurs habitudes d'écoute. Elle permet d'établir des graphiques très valables pour apprécier quantitativement l'écoute et les variations des effectifs des auditeurs en fonction des heures de la journée, ou des jours de la semaine, voire selon les mois. Mais les appréciations qualitatives sur les goûts et sur la façon dont les émissions sont reçues par les auditeurs deviennent plus malaisées.

D ' u n e façon générale, on peut dire que les difficultés les plus sérieuses aux­quelles se heurtent les chercheurs du Centre de recherches sur l'opinion pu­blique et du bureau d'étude du programme de la Radiodiffusion polonaise proviennent des faiblesses de l'équipement statistique qui rendent difficile l'élaboration d'échantillons représentatifs. L e recrutement des enquêteurs entraîne également de sérieux risques de distorsion, en raison de la latitude de choix que leur laisse la méthode d'échantillonnage. Il n'est pas exclu que l'utilisation des fichiers d'état civil dans les c o m m u n e s sur lesquelles portent les recherches améliore sensiblement l'enquête sur le terrain.

L'utilisation des lettres c o m m e seuls matériaux de base pour l'établissement des questionnaires ne représente qu'une phase dans l'organisation de la recher­che. Déjà d'autres méthodes, dont l'enquête pilote, sont également utilisées.

Uétude des opinions et des attitudes idéologiques de certains groupes sociaux.

D'intention plus théorique, encore que proches de préoccupations essentielles en régime socialiste, sont les études qui s'intéressent aux opinions idéologiques ou aux attitudes sociales de groupes précis. U n e étude de ce genre a été pré­sentée par A n n a Pawelczynska et Etienne N o w a k . Elle concernait les étudiants.

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L a jeunesse polonaise a été soumise à une expérience autoritaire d'édu­cation politique et sociale. Les méthodes employées contraignaient au moins à un conformisme extérieur. Maintenant que ce système a été abandonné, il est intéressant d'évaluer les résultats auxquels il a abouti, les valeurs dont il a favorisé l'assimilation, et le degré de celle-ci. A l'intérêt socio-politique que présente la connaissance des attitudes idéologiques de la jeunesse étudiante s'ajoute l'intérêt de l'étude proprement dite d'une expérience d'éducation caractéristique. L a sociologie de l'éducation et la sociologie politique sont ici conjointement intéressées.

L'enquête dont il s'agit a été effectuée par des membres du groupe Ossowski. L 'une des préoccupations de ce groupe, dirigé par un eminent logicien, est de transformer en hypothèses de départ pour des recherches empiriques les postulats ou les affirmations théoriques des grands auteurs, c o m m e M a r x ou Durkheim. U n des membres du groupe Ossowski, M . Malexski, a fait une étude sur les attitudes égalitaires chez les ouvriers, dont l'objet était de vérifier la liaison qui, selon le marxisme, existe entre l'origine sociale et les attitudes politiques. O n trouve cette m ê m e préoccupation dans l'enquête consacrée aux étudiants.

U n e autre condition favorable à cette enquête découlait du fait que, titulaire de la chaire de sociologie de l'Université de Varsovie, le professeur Ossowski disposait, outre son groupe de chercheurs, d 'une équipe de vingt-cinq étudiants qui participaient au stage consacré aux techniques de la recherche sur le terrain. Leurs travaux rentraient ainsi dans le cadre universitaire.

D'octobre 1957 à mars 1958, l'équipe des chercheurs a accumulé des maté­riaux divers pour se faire une idée de la façon dont se posaient les problèmes : extraits de presse, lettres, observations et conversations libres dans le milieu universitaire. A l'aide de ces premières investigations a été élaboré un question­naire qui a été utilisé pour soixante-dix interviews. L'étude des renseignements ainsi recueillis a permis de déceler certaines insuffisances du questionnaire, notamment en ce qui concernait les influences auxquelles les étudiants avaient été soumis après la dissolution de la Z . M . P . D e plus, l'évolution des attitudes, commencée en 1956, n'était pas achevée, et il devait se révéler intéressant de chercher à saisir le dynamisme des changements par des questions rétrospec­tives. Ces premières interviews ont permis de reviser les impressions vagues tirées de la première analyse quant aux centres d'intérêt et aux préoccu­pations des étudiants : c'est ainsi qu 'on a pu joindre aux problèmes politiques les problèmes religieux et les perspectives d'avenir. U n nouveau questionnaire est sorti de cette nouvelle phase. Après l'avoir appliqué à soixante étudiants, afin de s'assurer de sa valeur, on l'a légèrement modifié. Il a enfin été soumis dans sa version définitive à un échantillon de huit cents étudiants, pour une population de vingt-cinq mille.

Le questionnaire final mérite une attention particulière, en raison du soin avec lequel il a été élaboré. Il comprend soixante-quinze questions qu 'on peut grouper sous sept rubriques : 1. Les neuf premières questions sollicitent des informations générales sur

l'étudiant. Elles concernent particulièrement la situation financière de ses parents et la sienne propre. U n e question rétrospective a trait à la situation financière des parents avant la guerre. Le but de cette question est de vérifier s'il existe un lien entre les attitudes envers le socialisme et l'origine sociale. C e lien est effectivement supposé par la politique univer­sitaire officielle, selon laquelle chaque classe gouvernante doit avoir sa

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propre intelligentsia. C'est pourquoi un pourcentage fixe d'étudiants appartenant à tel ou tel groupe social est admis à l'université. Il était donc intéressant de vérifier la force de cette corrélation.

2. Les huit questions suivantes cherchent à situer l'étudiant dans l'université. Elles portent sur les motifs (intellectuels, financiers, sociaux, etc.) qui sont à la base du choix qu'il a fait de telle ou telle discipline, et visent à évaluer son degré de satisfaction ou d'insatisfaction envers l'université ou l'école dont il est ou fut l'élève. L e passage par l'université est, de toute façon, un premier pas dans la voie de la promotion sociale et il est évidemment tout à fait justifié de chercher à déterminer c o m m e n t les intéressés per­çoivent cette promotion.

3. Ensuite viennent douze questions sur les opinions et les attitudes religieuses de l'étudiant et de sa famille. O n ne se contente pas de demander quelles sont les opinions religieuses de l'intéressé, on cherche à savoir ce que ces opinions représentent pour lui (morale, sécurité, richesse spirituelle, liberté...); ce sont les enquêtes qui ont amené à ajouter ces questions, en révélant que chez les étudiants les préoccupations religieuses étaient au moins aussi importantes que les préoccupations politiques.

4 . Les huit questions suivantes visent à établir la biographie politique de l'étudiant. L a connaissance des conceptions idéologiques des étudiants constitue le premier objectif de l'enquête et les différentes variables exa­minées par ailleurs ne le sont qu'en vue d'être confrontées avec les opinions politiques des intéressés. Aussi est-il normal que celles-ci fassent l'objet de plus de trente questions. Les huit premières essaient de donner une idée des opinions politiques de l'étudiant avant 1956, soit en lui demandant d'évoquer sa participation aux événements d'octobre, soit en lui faisant juger la situation antérieure et la situation postérieure à ces événements. Les auteurs du questionnaire n'ignorent pas les risques de déformation inséparables des questions rétrospectives, surtout dans le contexte polonais actuel, mais il n'est pas de question parfaite.

5. C e sont les opinions politiques actuelles qui préoccupent le plus les orga­nisateurs de l'enquête. Vingt-huit questions sont consacrées à ce sujet. Ces questions tournent autour du socialisme : chacune d'elles porte sur un des termes que dégage une analyse des sens vulgaires de ce m o t : rôle de l'initiative privée dans l'économie; rôle des conseils ouvriers; rôle de la minorité et de la majorité; liberté individuelle et raison d'État; exploi­tation de l ' h o m m e par l ' h o m m e ; égalité des revenus; patriotisme et inter­nationalisme; pacifisme, etc.

Ces termes ne résultent pas d'une analyse philosophique de la notion marxiste de socialisme; ce sont les slogans les plus répandus qui servent généralement à définir le socialisme et que la Z . M . P . utilisait largement dans ses activités d'éducation idéologique. Il s'agit de déterminer dans quelle mesure il y a eu assimilation de ces thèmes chez les jeunes soumis à l'in­fluence de ce mouvement .

6. Sept questions cherchent ensuite à dégager le système de valeurs personnel qui est sous-jacent à l'adhésion à ces slogans.

7. Les dernières questions visent à connaître les petits groupes en milieu étudiant. D e nombreuses questions dans les différentes parties du question­naire se réfèrent à autrui, afin de permettre de mesurer le degré d'identi­fication au groupe. Les questions de cette dernière rubrique concernent les rapports interindividuels (les trois amis les plus intimes, le cercle d'amis,

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la bande...) et en cherchent le fondement dans des similitudes d'attitudes en face des grands problèmes, de caractères ou de goûts. L'intérêt de ces questions résulte de la dissolution de la Z . M . P . qui redonne toute leur valeur aux groupes primaires spontanés c o m m e cadres d'élaboration des opinions et des attitudes.

Il est remarquable que la grande majorité des questions soient fermées. U n e étude documentaire approfondie et les revisions successives du question­naire après essais ont permis de dégager une quantité impressionnante de thèmes précis transformés en questions ou en réponses possibles. U n e des questions, qui veut déceler la hiérarchie des aspirations des étudiants, ne comporte pas moins de douze thèmes. L a plupart des questions en comportent trois à huit, parmi lesquels l'étudiant doit choisir.

Les auteurs du questionnaire ont systématiquement voulu faire réagir les étudiants au m o t « socialisme », en sachant pertinemment que des conceptions très diverses du socialisme existent sous le couvert du m ê m e mot , mais ils ont estimé à juste titre qu'il était intéressant d'enregistrer une réaction brute, positive ou négative, envers le terme lui-même. Et, de fait, si les étudiants ont eu, dans 70 % des cas, une réaction favorable envers ce terme, les questions précises révèlent qu'ils se font de la chose une idée très variée. Elles manifestent aussi de nombreuses contradictions entre les positions de principe ou l'adhé­sion aux slogans du genre « supprimer l'exploitation de l ' h o m m e par l ' h o m m e » et les réponses aux questions qui mettent en jeu des intérêts personnels.

Il ne s'agit évidemment pas ici d 'un panorama de la recherche sociologique polonaise. Tout d'abord, d'autres méthodes que le sondage sont utilisées par les chercheurs. L a sociologie polonaise demeure, en effet, très influencée par l'œuvre de Znaniecki et conserve un certain attachement pour les méthodes monographiques et autobiographiques. Il en résulte parfois une résistance psychologique envers l'utilisation des sondages, c o m m e nous l'avons vu poul­ies études sur l'alcoolisme. D'autre part, le thème du stage excluait plus ou moins toute une série de recherches utilisant des méthodes autres que le sondage. E n outre, plusieurs recherches au m o y e n de sondages et d'interviews n'ont pas été présentées au cours de la rencontre, ne serait-ce que faute de temps.

Quoi qu'il en soit, l'utilisation des sondages ne semble pas rencontrer de difficultés particulières en Pologne. L a tradition monographique de la socio­logie polonaise ne peut qu'être bienfaisante en fournissant le contrepoids critique indispensable. Quant aux problèmes liés au caractère délicat de cer­taines questions et à la méfiance vis-à-vis de l'enquêteur, ils perdront beau­coup de leur acuité au fur et à mesure que l'opinion publique se familiarisera avec les sondages. O r les sondages de la presse et de la radio, ainsi que la participation des sciences sociales à la discussion dite « nationale », consé­cutive aux événements de 1955-1956, ont largement contribué à la vulgari­sation des enquêtes par sondages; un engouement réel se manifeste m ê m e : les gens ont besoin de s'exprimer. Certes, cela ne peut suffire à résoudre tous les problèmes. M ê m e si, progressivement, les chercheurs réussissent à poser des questions de plus en plus délicates, il est un seuil au-delà duquel on ne peut aller qu'en approfondissant l'art du questionnaire. Il faut savoir trouver les questions simples et anodines qui permettent de sonder les attitudes c o m ­plexes. Si ce problème est plus important en Pologne qu'ailleurs, cela ne peut que contribuer à placer la sociologie polonaise à l'avant-garde sur ce terrain.

102

L ' O R G A N I S A T I O N D A N S L E S S C I E N C E S S O C I A L E S

LISTE DES PARTICIPANTS

Professeurs.

L . K O Z M I N S K I , Institut de planification et statistique, Varsovie. P . L A Z A R S F E L D , Columbia University, N e w York. S. R O K K A N , Chr. Michelsens Institutt for Videnskap og Andsfrihet, Bergen. J. S Z C Z E P A N S K I , Université de Lodz . J. S T O E T Z E L , Faculté des lettres, Paris.

Spécialistes.

M . D O G A N , Centre d'études sociologiques, Paris. A . G I R A R D , Institut national d'études démographiques, Paris. R . L É V Y - B R U H L , Ministère du travail, Paris.

Stagiaires français.

C . A N D R I E T J X , Centre d'études sociologiques, Paris. O . B E N O I T , Faculté de droit, Grenoble. H . C A T R I C E , Institut des sciences d u travail, Paris. L . F R E Y , Faculté des lettres, Aix-Marseille. J. H E C H T , Institut national d'études démographiques, Paris. M . J O L L I V E T , Centre d'études sociologiques, Paris. J. J. L A P I E R R E , Faculté des lettres, Aix-Marseille. J. M A R G O T - D U C L O T , Faculté des lettres, Aix-Marseille. L . W U R M S E R , administrateur, Société des machines Bull, Paris.

Stagiaires polonais.

Z . B A U M A N N , Université de Varsovie. Z . G O S T K O W S K I , Académie des sciences, Varsovie. Z . J O Z E F O W I C Z , Université de Varsovie. A . K L O S K O W S K A , Institut de sociologie, Lodz. A . M A L E W S K I , Université de Varsovie. S. N O W A K , Université de Varsovie. S. O R S I N I - R O S E N B E R G , Université de Cracovie. A . P A W E L C Z Y N S K A , Radiodiffusion polonaise, Varsovie. Z . P A W Z O W S K I , Institut de planification et statistique, Varsovie. W . P I O T R O W S K I , Université de L o d z . A . R A Z N I E W S K I , Radiodiffusion polonaise, Varsovie. A . SICINSKI, Radiodiffusion polonaise, Varsovie. D . S O K O L O W , Académie des sciences, Varsovie. J. S T R Z E L E C K I , Université de Varsovie. S. S Z O S T K I E W I C Z , Académie des sciences, Varsovie. R . T U L L Í , Académie des sciences, Varsovie. J. W I A T R , Université de Varsovie. K . Z Y G U L S K I , Académie des sciences, Varsovie.

Observateur de V Unesco.

D r S. F R I E D M A N , Département des sciences sociales.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

LE CENTER FOR INTERNATIONAL AFFAIRS DE L'UNIVERSITE HARVARD1

NÉCESSITÉ DE LA CRÉATION DE CET ORGANISME.

Pour la première fois dans l'histoire, les relations internationales sont vraiment éta­blies à l'échelle mondiale. Actuellement, aucune région n'est isolée, aucune ne peut être ignorée. N o m b r e de concepts anciens et de façons de penser n'ont plus aucune rai­son d'être. Désormais, deux tâches s'imposent :

L a première est commandée par le besoin urgent d'une connaissance et d'une compréhension élargies, d'une conscience plus exacte de la nature et de la complexité des affaires internationales, d'une meilleure information de l'opinion. L a seconde découle du besoin également urgent de disposer d 'un personnel compétent et avisé. Il faut des experts rompus à l'étude des diverses régions géographiques, ainsi qu 'à d'autres formes de spécialisation; mais aussi —• ce qui est peut-être le plus important — des h o m m e s capables d'analyser les causes profondes des événements et de les saisir dans leur ensemble.

L E P R O G R A M M E DE BASE DU CENTRE.

Le Center for International Affairs est tout désigné pour répondre à la fois aux besoins de la science et à ceux des h o m m e s . Les connaissances relatives à nombre de domaines et processus essentiels sont extrêmement limitées ou font m ê m e totalement défaut. Le programme de travail du centre devra encourager les recherches qui exigeront le concours des universitaires, des fonctionnaires étrangers et de diverses autres person­nalités possédant une expérience des questions internationales.

D e plus en plus, les organisations qui s'intéressent aux activités internationales reconnaissent la nécessité d'une formation poussée et sont à la recherche de méthodes appropriées. Le Harvard Center s'efforce de répondre à ces besoins de trois manières : a) par l'entraînement à l'analyse des faits politiques; b) par l'élargissement des perspec­tives; c) par l'examen de l'évolution des événements.

D O M A I N E S D'ACTIVITÉS D U C E N T R E .

Cinq domaines principaux s'imposent d'eux-mêmes pour faire l'objet de recherches permanentes : a) l'Europe et la Communauté atlantique; b) le développement écono­mique et politique; c) le rôle et le contrôle de la force; d) l'ordre international et les conflits internationaux; e) les problèmes d'Extrême-Orient.

L e centre pense publier un bulletin trimestriel qui servirait de tribune à l'usage des spécialistes des questions internationales.

RELATIONS A V E C L'UNIVERSITÉ H A R V A R D .

Le centre aura plus d'un point de contact avec l'Université Harvard. Il bénéficiera notamment : à) du concours des membres de l'université qui ont mis au service de leurs activités de recherche leur expérience des divers aspects de la politique internatio­nale; b) de la coopération des différents centres d'études régionales, en utilisant les résultats de leurs recherches et en faisant appel au concours de leurs experts les plus éminents; c) des ressources (ouvrages et documents) de la bibliothèque de l'université.

Pour de plus amples renseignements concernant le programme du centre, s'adres­ser à : T h e Center for International Affairs, Littauer Center, Harvard University, Cambridge 38, Mass.

1. D'après Information, n° 18, publication du Bureau international de recherche sur les implications sociales du progrès technique (B. I .R . I .S .P .T . ) .

IO4

L ' O R G A N I S A T I O N D A N S L E S S C I E N C E S S O C I A L E S

LE CENTRE D'ETUDE DES RELATIONS SOCIALES DE L'UNIVERSITE D'AIX-MARSEILLE

Le Centre d'étude des relations sociales assure à des étudiants de la faculté de droit et des sciences économiques, ainsi que de la faculté des lettres et des sciences humaines, une formation de chercheurs dans le domaine des sciences sociales.

Plusieurs organismes et instituts, publics ou privés, demandent pour exécuter leurs travaux des étudiants possédant une bonne formation générale, pourvus de connais­sances théoriques et pratiques spécialisées et entraînés à la recherche sociale et à la pra­tique des enquêtes.

Pour répondre à ces besoins, le Centre d'étude des relations sociales assure une telle formation en établissant une liaison étroite entre les diverses disciplines.

M É T H O D E S D E TRAVAIL.

Conférences de formation.

E n collaboration avec des spécialistes envoyés par divers organismes et instituts de recherches, français ou européens, et avec l'aide des professeurs et chercheurs de l'Uni­versité d'Aix-Marseille, le centre organise des conférences de formation dans les domaines suivants : a) techniques de recherche : statistique appliquée, cartographie, sociométrie;

b) méthodes d'analyse : démographie, économie, géographie et problèmes d'outre­mer, histoire sociale, psychologie sociale, psychotechnique, sociologie, science politique et administrative.

Participation à la recherche.

A u cours d'une première année, les étudiants participent c o m m e enquêteurs à l'une des enquêtes d u centre.

A u cours d'une deuxième année, une bourse de recherche peut être attribuée aux meilleurs étudiants de première année. Ils entreprennent alors des recherches sur u n sujet choisi, dont les résultats sont publiés soit par le centre, soit par l'un des organismes ou instituts avec lesquels il collabore.

Les étudiants peuvent s'inscrire : soit au secrétariat du centre (faculté de droit et des sciences économiques, bureau n° il, rez-de-chaussée) à Aix; soit au bureau d u centre à Marseille, le jeudi de 15 heures à 18 h 30, au centre régional de documentation pédagogique, 55-57, rue Sylvabelle.

Les candidats peuvent participer aux travaux de première année du centre au cours de leur dernière année de licence.

DIRECTEURS DE RECHERCHES.

J. BouLOuis, professeur à la faculté de droit; J. C H E L I N I , assistant à la faculté des lettres ; G . D U B Y , professeur à la faculté des lettres; L . F R E Y , attaché de recherches à l'institut des sciences humaines appliquées; H . I S N A R D , professeur à la faculté des lettres ; J. W . L A P I E R R E , chef de travaux à la faculté des lettres; J. M A R G O T - D U C L O T , chef de travaux à la faculté des lettres; G . NoizET, assistant à la faculté des lettres; J. P A R E N T , agrégé à la faculté de droit; F. S E L L I E R , professeur à la faculté de droit.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

PUBLICATIONS.

Travaux terminés ayant fait l'objet d'une publication.

B E L T R A M O N E : « Changements sociaux et changements économiques en France du Sud-Est »;

B E L T R A M O N E : « Recherche sur l'indice de l'emploi dans le cadre du département des Bouches-du-Rhône » ;

C A N D A U : « Essai d'enquête sur les causes et les conséquences des grèves dans une entre­prise de transports en c o m m u n » ;

P A R O D I : « Essai sur la structure des salaires ouvriers dans les industries des Bouches-du-Rhône ».

Travaux terminés devant faire l'objet d'une prochaine publication.

D E B E L S U N C E : « Enquête sur l'orientation des jeunes travailleurs de l'industrie m a r ­seillaise »;

D U V I L L I E R : « L'incidence de la nationalisation sur les salaires et les relations indus­trielles dans les chemins de fer britanniques »;

J O I G N E R E Z : « L a fonction syndicale dans l'entreprise : enquête sur les aspects pratiques de la défense ouvrière, dans les cas de reconnaissance du syndicat par l'entreprise ».

Travaux et recherches en cours.

B E L T R A M O N E : « Essai méthodologique sur l'analyse des mouvements migratoires »; C A N D A U : « Négociation collective et détermination des salaires (analyse d'un marché

du travail régional) »; M m e C H A R L E S : « Les motivations d'achat de la clientèle d 'un petit commerce »; M m e C R E P Y : « La scolarité dans la population du quartier de Saint-Mauront à M a r ­

seille »; M m e K N E B E L M A N N : « L'âge et l'emploi (enquête effectuée auprès des employeurs

marseillais et portant sur leurs attitudes à l'égard de l'âge de leur personnel et de l'âge des demandeurs d'emploi en cas d'embauché) »;

P A R O D I : « Étude sur l'évolution de la hiérarchie des salaires dans l'industrie de la région marseillaise »;

Q U I N T A R D : « Rôle de la psychotechnique dans l'orientation des élèves d'un centre d'apprentissage et d 'un centre de formation accélérée (bâtiment) ».

L'INSTITUT INTERNATIONAL POUR L'ETUDE DES PROBLEMES HUMAINS DU TRAVAIL

ï, rue Général-Michel, N a m u r

A u cours d'une séance académique qui a eu lieu à Jambes (Namur) , le conseil d'ad­ministration de l'Institut international pour l'étude des problèmes humains du travail (Centre mondial de promotion du travail) a été installé en présence de très nombreuses personnalités du m o n d e diplomatique, scientifique, économique et social.

La réunion était présidée par M . Denis, chef de cabinet de M . Léon Servais, ministre d u travail et de la prévoyance sociale.

Le sénateur-bourgmestre Jean Materne a rappelé que la première séance du comité provincial de promotion du travail, que préside M . Emile Dave , administrateur-

106

L ' O R G A N I S A T I O N D A N S L E S S C I E N C E S S O C I A L E S

directeur général de l'Institut international, s'était tenue à Jambes, en octobre 1947, et que, dix ans plus tard, c'est encore à Jambes, à l'issue du Ier Congrès international de la promotion du travail et des travailleurs, qu'avait été décidée la création du Centre mondial de promotion du travail, devenu l'Institut international pour l'étude des problèmes humains du travail.

Le président général de l'institut, M . Jean Fourmoy, a rappelé le rôle actif que M . Materne n'a cessé de jouer en faveur de la promotion du travail. Il a dit aussi le dévouement de M . Léon Servais, ministre du travail, à la cause de la promotion humaine des travailleurs.

Il a donné des précisions sur les origines, la mission, le fonctionnement et les acti­vités de l'Institut international. Il a déclaré qu'il convenait de remplacer l'empirisme de bonne volonté par des structures plus rationnelles et d'humaniser le travail, c'est-à-dire de réorienter et de structurer l'organisation sociale en s'inspirant, avant tout, des besoins matériels, psychologiques, moraux et spirituels de l ' homme. Il a rappelé ensuite les résolutions votées à l'unanimité à l'issue du congrès de 1947 et s'est félicité de pou­voir procéder à l'installation du conseil d'administration, qui groupe, à l'heure actuelle, les représentants de quatorze pays.

Le premier congrès de la section belge a étudié les « Rapports entre le travail, les sciences et la technique»; le deuxième congrès se tiendra, à Bruges, en juin 1959, et aura pour thème « Travail, fatigue, repos, temps libre, loisirs, délassement ».

Le prochain congrès international aura lieu à N a m u r , en i960. A son ordre du jour seront inscrits les deux importants sujets mentionnés ci-dessus, qui auront été étudiés entre-temps par les diverses sections nationales.

M . Maurice Lambilliotte, rapporteur général de l'Institut, après avoir souligné combien le bilan de l'Exposition universelle de Bruxelles avait mis en évidence le très vif intérêt porté aux sciences et aux techniques, a mis l'accent sur les objectifs d'un m o n d e plus humain. Il a insisté aussi sur la nécessité de promouvoir les valeurs humaines en m ê m e temps que les nouvelles exigences de la technique — toujours, cependant, en fonction de l'épanouissement de l ' h o m m e .

M M . Richard Bonzi et Joseph Storme, députés permanents, ont exprimé respecti­vement, au n o m des autorités provinciales de N a m u r et de la Flandre-Occidentale, tout l'intérêt que portait le pouvoir provincial au développement des travaux et à l'avenir de l'Institut international. M . Bonzi a exprimé aussi le plaisir qu'éprouvaient les autorités provinciales à accueillir le prochain congrès international dans la Maison de la culture.

Quatre délégués étrangers — M . B a u m , président de la Chambre de travail du grand-duché du Luxembourg, le docteur Gauthier, vice-président de la Fondation Frères Lumière (Genève), de Lyon, M . Marsh, premier secrétaire, chargé des affaires sociales près l'ambassade du Royaume-Uni à Bruxelles, et M . Latin, directeur général au Ministère du travail et de l'organisation sociale de la République fédérale d'Alle­magne , se sont réjouis de la création de l'Institut international et ont apporté l'assu­rance de la collaboration de leur pays.

Représentant M . Léon Servais, ministre du travail et de la prévoyance sociale, empêché en dernière minute, M . Denis, chef de cabinet du ministre, a fait part du message ministériel. Il a exposé l'importance du problème dont la solution est étudiée par l'Institut international. La connaissance des problèmes humains est encore impar­faite et l'orateur félicite les dirigeants d u nouvel organisme de lui avoir assigné c o m m e but essentiel le rapprochement des méthodes et des h o m m e s . Il a aussi attiré l'attention sur l'intrusion des sciences sociales dans le monde du travail. Il convient de maintenir aux h o m m e s leur valeur d ' h o m m e et d'éviter qu'une déviation de la technique ne porte atteinte à la personnalité humaine. Nous devons prendre conscience des diffi­cultés de la tâche entreprise, a affirmé l'orateur, qui a proclamé la primauté de la morale sur la technique — primauté qui peut seule assurer la véritable promotion des travailleurs. M . Denis a félicité les créateurs du nouvel organisme et souhaité plein succès à l'Institut international pour l'étude des problèmes humains du travail.

M . Richard Bonzi, au n o m des organisateurs, a adressé quelques mots de remercie­ments aux orateurs et aux personnalités présentes.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

A u cours de la réception qui a suivi cette séance académique, M . Jaminet, député et échevin de N a m u r , s'est réjoui du fait que les dirigeants de l'Institut international aient choisi cette ville pour en être le siège central.

U n exemplaire du numéro spécial de Travail et humanisme, revue de l'Institut inter­national, contenant, en quatre langues, tous les renseignements relatifs au nouvel organisme, a été distribué. Il peut être obtenu gratuitement sur simple demande adres­sée au siège de l'institut, I, rue Général-Michel, à N a m u r (tél. 26387).

Signalons, pour terminer, qu'une excellente formation musicale, l'Orchestre de chambre de Liège, sous la direction du maître Julien Ghyorros et avec la participation de Marcel Debot, lauréat du Concours Reine Elisabeth, assurait la partie musicale de cette séance académique.

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IL DOCUMENTS DES NATIONS UNIES ET CHRONIQUES BIBLIOGRAPHIQUES

DOCUMENTS ET PUBLICATIONS DES NATIONS UNIES

ET DES INSTITUTIONS SPECIALISEES1

ORGANISATION DES NATIONS UNIES

ASSEMBLÉE G É N É R A L E

DROIT INTERNATIONAL.

Commission de droit international. Troisième rapport sur la responsabilité internationale, janvier 1958> 74 pages (A/CN.4 /111) .

[Pr. S e ] Responsabilité de l'État à raison des d o m m a g e s causés sur son territoire à la personne ou aux biens des étrangers. Causes d'exonération de la responsabilité. Cir­constances aggravantes ou atténuantes. Recours. Présentation de la réclamation internationale. Réparation.

RÉFUGIÉS.

Nouveau rapport sur le problème des réfugiés hongrois. 1958, 20 pages (A/AC.79/107) . [Dp. Ej. Pr. Org . St.] L e haut commissaire décrit dans ce rapport la situation au 31 mars 1958 ou, lorsqu'il dispose des éléments d'information voulus, au 30 avril de la m ê m e année. Statistiques générales. Les réfugiés hongrois en Yougoslavie. L a situa­tion en Autriche. Le programme permanent, son application et ses progrès.

Rapport intérimaire sur l'activité de l'Unref, mai 1958, 133 pages (A/AC.79/108) . [Dp. Ej. Pr. Org . St.] C e rapport, présenté par le haut commissaire, décrit la situation au 31 mars 1958. Statistiques sur les réfugiés. Type de logement. État des programmes. Analyse des solutions permanentes adoptées dans la République fédérale d'Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Grèce, en Italie, au Liban, dans la République arabe unie, en Turquie et en Extrême-Orient. Liste des institutions et organisations appliquant des projets de l'Unref.

Note sur l'enquête relative aux cas difficiles vivant en dehors des camps en Autriche, mai 1958, 9 pages (A/AC.79/112) .

[Ej. Pr. Org . St.] Cette enquête porte sur la période août 1957-mars 1958. N o m b r e des cas. Leur situation. Estimation du coût de l'aide nécessaire. Solutions possibles.

1. E n règle générale, nous ne signalons pas les publications et documents qui paraissent de manière en quelque sorte automatique ; rapports administratifs réguliers, comptes rendus de réunions, etc.

Nous avons traduit librement le titre de quelques publications et documents que nous n'avons pu nous procurer à temps en français.

Pour la signification des abréviations conventionnelles utilisées dans ce chapitre, voir p. 146.

IO9

R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Enquête sur les réfugiés classés comme cas difficiles vivant dans les camps en Allemagne, avril 1958, 56 pages et annexes de 136 pages (A/AC.7g/ i 13).

[Ej. Pr. Org . St. D p . ] Rapport définitif établi par M M . Hans Harmsen et K . H . W e b e r . L e but de l'enquête était d'évaluer le nombre des réfugiés vivant dans des camps et des habitations collectives, de déterminer la proportion des cas difficiles, d'examiner les possibilités de placement en ce qui concerne ces cas, de présenter des recommandations sur la nature et l'ampleur de l'aide à envisager.

Programme d'évaluation des camps, mai 1958, 33 pages (A/AC.79/114) . [Dp. Ej. Pr. St. Org.] Cette note du haut commissaire marque son intention de mener à bien l'évacuation des camps dès la fin de i960. Elle décrit la situation actuelle dans ces camps, donne l'effectif des réfugiés et précise les objectifs du programme d'évacuation. Types de projets et affectation des crédits pour l'Autriche et l'Allemagne. Programmes de logement pour ces deux pays et projets relatifs à la Grèce et à l'Italie. Plans de mise en application d u programme.

CONSEIL DE TUTELLE, TERRITOIRES NON AUTONOMES.

ACTIVITÉS D U CONSEIL DE TUTELLE.

Conseil de tutelle : vingt et unième session (30 janvier - 26 mars ¡§58) : résolutions, 1958. imprimé, 35 pages, 0,40 dollar (T/1370).

[Pr. Org.] Résolutions d'ordre général et décisions prises à propos de plus de 120 pétitions.

SOMALIE SOUS ADMINISTRATION ITALIENNE.

Rapport du Conseil consultatif des Nations Unies pour le territoire sous tutelle de la Somalie sous administration italienne, pour la période allant du Ier avril igßj au 31 mars ig^S, avril 1958, 120 pages (T/1372).

[Ej. Pr. Org.] Tâche du Conseil consultatif. Considérations générales. La sécurité et l'ordre public, en ce qui concerne notamment la question de la frontière entre la S o m a ­lie et l'Ethiopie. Progrès dans les domaines politique, économique, social et éducatif. Plusieurs annexes.

L A SITUATION S O C I A L E D A N S L E S T E R R I T O I R E S N O N A U T O N O M E S .

[Ej. D p . Org. St. Pr.] A u cours de sa neuvième session (14 avril - 16 mai 1958), le Comité des renseignements relatifs aux territoires non autonomes a passé en revue dif­férents problèmes sociaux, sur la base d'une documentation spéciale préparée par les Nations Unies, l'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation internationale du travail, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et l'Unesco. Voici quelques-uns des principaux éléments de cette documentation :

Conditions démographiques et évolution de la population. Rapport préparé par le Secrétariat, février 1958, 21 pages (A/AC.35 /L .266) .

Densité de la population, structure selon l'âge et le sexe. Croissance de la population. Statistiques.

Mesures sociales pour le bien-être économique de la famille. Rapport préparé par le Secrétariat, février 1558, 42 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 6 7 ) .

Aide à la vieillesse, assistance familiale, enquêtes récentes de sécurité sociale. Mesures de sécurité sociale.

IIO

D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Les régimes fonciers coutumiers et l'évolution économique. Rapport du Secrétariat, mars 1958, 44 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 6 8 ) .

Caractéristiques générales. Terres vacantes et terres domaniales. Évolution de la situa­tion. Réformes agraires et individualisation de la propriété. Œ u v r e accomplie et mesures envisagées.

Relations raciales dans les territoires non autonomes. Rapport préparé par le Secrétariat, mars >958 , 32 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 6 9 ) .

Participation des membres de différents groupes aux activités des services publics. Développement économique et culturel. Mesures antidiscriminatoires. Méthodes d'éducation.

La délinquance juvénile dans les territoires non autonomes. Rapport présenté par le Secrétariat, mars 1958, 38 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 0 ) .

Définition. Situation. Traitement et prévention.

Santé de la mère et de l'enfant dans les territoires non autonomes. Rapport préparé par l'Organisa­tion mondiale de la santé, mars 1958, 31 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 1 ) .

Territoires pour lesquels on dispose de statistiques. Analyse. Régions où se manifeste un progrès en Afrique, en Asie, dans le Pacifique et aux Antilles.

Programme d'aide à l'enfance dans les territoires non autonomes. Rapport présenté par V Unicef, mars 1958, 16 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 2 ) .

Exemples de programmes d'assistance. Contributions des territoires non autonomes.

Information des masses dans les territoires non autonomes. Rapport présenté par le Secrétariat, mars 1958, 62 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 3 ) .

Journaux et périodiques. Radio, cinéma, bibliothèques, organisations visant à encou­rager la littérature indigène, services d'information. N o m b r e u x tableaux statis­tiques.

Quelques aspects des conditions sociales dans les territoires non autonomes. Rapport préparé par le Secrétariat, mars 1958, 49 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 4 ) .

Développement communautaire et relations industrielles. Syndicats et luttes écono­miques. Logement .

La population et la santé publique dans les territoires non autonomes. Rapport présenté par V Orga­nisation mondiale de la santé, avril 1958, 34 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 5 ) .

Enumeration des maladies et considérations générales. Tableaux statistiques.

Alimentation dans les territoires non autonomes. Rapport présenté par l'Organisation pour l'ali­mentation et l'agriculture en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé, mars 1958, 15 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 6 ) .

Travail des institutions spécialisées dans ce domaine. Formation d u personnel spécia­lisé. Collaboration entre les institutions spécialisées.

Problèmes du logement de l'ouvrier dans les territoires non autonomes. Rapport présenté par V Or­ganisation internationale du travail, mars 1958, 50 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 7 ) .

Situation. Priorité d u logement dans le développement économique. Planification urbaine et rurale. Action des milieux ouvriers, d u patronat et d u gouvernement.

Problèmes et évolution de la famille urbaine en Afrique au sud du Sahara. Rapport présenté par F Unesco, mars 1958, 45 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 8 ) .

Présentation des faits. Changements récents et problèmes créés par l'évolution.

Planification à long terme de la santé. Rapport présenté par l'O.M.S., avril 1958, 73 pages ( A / A C . 3 5 / L . 2 7 9 ) .

1 i l

R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Principes de la planification. Action menée contre les diverses catégories de maladies. Hygiène. Ressources.

Extirpation de l'analphabétisme. Rapport présenté par V Unesco, avril 1958, 10 pages ( A / A C .

35/L ; 2 8°)-Extension de l'enseignement primaire. Aide directe et indirecte. Documentation. Normalisation des statistiques concernant l'analphabétisme et l'éducation.

Aspects sociaux du développement urbain. Rapport préparé par le Secrétariat, avril 1958, 56 pages (A/AC.35 /L .281) .

Urbanisme, protection de la famille, de l'enfance, de la jeunesse dans les aggloméra­tions en voie d'expansion des territoires non autonomes.

Salaires familiaux dans les régions urbaines industrialisées. Rapport de V Organisation interna­tionale du travail, avril 1958, 26 pages (A/AC.35 /L .282) .

Particularités d u travail urbain dans les territoires non autonomes. Facteurs du niveau et de la structure des salaires. Mesures visant à maintenir le niveau de vie familial.

L'assistance technique internationale pour les territoires non autonomes. Rapport préparé par le Secrétariat, avril 1958, 26 pages (A/AC.35 /L .283) .

Programme élargi d'assistance technique. Allocations. Description des projets approuvés pour 1958.

Rapport sur les conditions sociales dans les territoires non autonomes. Neuvième session (1958), mai 1958, 61 pages (A/AC.35 /L .290) .

C e rapport, présenté par la sous-commission pour les conditions sociales du comité d'information pour les territoires non autonomes, caractérise la situation d'ensemble dans plusieurs domaines (logement, famille, santé, évolution démographique et rela­tions raciales) et fait le point des efforts entrepris pour l'améliorer.

CONSEIL É C O N O M I Q U E ET SOCIAL

ACTIVITÉS D U CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL.

Conseil économique et social : Résolutions : vingt-cinquième session, /j avril - s mai 1958, supplément n° 1, 1958, 9 pages, 0,15 dollar (E/3123).

[Ej. Org.] A u cours de sa vingt-cinquième session, le Conseil économique et social a créé une Commission économique pour l'Afrique et invité le Secrétaire général à constituer un comité d'experts chargé d'examiner le programme de travail concernant l'industrialisation et la productivité et de présenter des recommandations à ce sujet; il a également décidé de créer u n comité exécutif du programme d u haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Nombreuses autres décisions.

DROITS DE L ' H O M M E .

Rapports périodiques sur les droits de l'homme, janvier 1958, 95 pages ( E / C N . 4/757). [Dp. Ej. Pr.] R é s u m é préparé par le Secrétaire général à partir des rapports (provenant de 23 gouvernements) présentés avant le 15 décembre 1957.

Etude des progrès accomplis dans le domaine des droits de l'homme au cours de la période 1954-1956 : Organisation internationale du travail, janvier 1958, 104 pages ( E / C N . 4/758/ Add. 1).

[Dp. Ej. Pr.] Étude présentée par le Bureau international du travail. Progrès enregistrés

112

D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

récemment dans les domaines correspondant aux articles de la Déclaration universelle des droits de l ' h o m m e qui se rapportent, directement ou non, aux problèmes d u travail. Normes formulées dans les conventions et recommandations internationales d u tra­vail. Extension du c h a m p d'application géographique de ces conventions. Progrès accomplis dans les pays qui les ont ratifiées.

Liberté d'information, janvier 1958, 8 pages et 122 pages annexes ( E / C N . 4/762). [Ej. Pr. Org.] Rapport du Comité de la liberté d'information de la Commission des droits de l ' h o m m e . Traite notamment des travaux de l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées dans le domaine de la liberté d'information, du développement des moyens d'information dans les pays sous-développés et d u libre échange des informations.

CONJONCTURE ÉCONOMIQUE MONDIALE.

Étude sur l'économie mondiale 1957, 1958, 227 pages, 2,50 dollars (E /3110-ST/ECA/53) [Ej. Pr. St. D p . ] Problème de l'inflation. Aperçu de la politique anti-inflationniste des gouvernements. Relation entre inflation domestique et balance extérieure. Récession. Changements observés dans les économies planifiées.

C O M M E R C E INTERNATIONAL.

Situation économique mondiale, système international de coopération commerciale, mai 1958,

9 pages (E/3127)-[Ej. Pr. D p . ] Rapport d u Secrétaire général établi à partir de renseignements fournis par trente-deux gouvernements et concernant l'efficacité d u système actuel, le nombre des pays membres des divers organismes qui en forment les rouages, le domaine d'acti­vité de ces organismes et leurs méthodes de coordination.

Conférence des Nations Unies pour l'arbitrage commercial international, document terminal, juin 1958, 6 pages (E./Conf. 26/9/Rev. 1).

[Ej. Pr. Org.] Ce document contient la résolution finale adoptée par cette conférence, réunie à N e w York du 20 mai au lo juin 1958. Elle exprime le vœu que les Nations Unies encouragent les mesures de nature à rendre plus efficace l'arbitrage dans les différends de droit privé.

INVESTISSEMENTS A L ' É T R A N G E R E T FISC.

L'imposition des investissements privés internationaux dans les pays exportateurs et les pays impor­tateurs de capitaux, juin 1958, 18 pages (E/3074).

[Pr. Ej.] Passe en revue les récentes mesures adoptées dans les divers pays en ce qui concerne les investissements privés internationaux et la mise en application des plans d'encouragement fiscal à l'importation de capitaux. Rapport établi surtout d u point de vue d u développement des pays les moins favorisés.

L'imposition dans le Royaume-Uni des investissements privés du Royaume-Uni à l'étranger, mars 1958, 60 pages (E/3074/Add.i).

[Pr. Ej.] Se fonde sur la documentation préparée pour établir le volume d u Répertoire fiscal international qui concerne le R o y a u m e - U n i . Aperçu général du système que ce pays applique en matière d'impôts sur le revenu et sur les bénéfices. Principes régissant l'imposition des revenus tirés d'une activité ou d 'un investissement à l'étranger. Dégrè­vements tendant à remédier à la double imposition. Conséquences fiscales de la forme adoptée par l'exercice d'une activité industrielle ou commerciale à l'étranger.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

AFRIQUE.

L'évolution économique en Afrique, 1956-1957, 1958, 96 pages, 0,80 dollar (E/3117 - S T / E C A/56).

[Ej. Pr. St. Dp.] Supplément à VÉtude sur l'économie mondiale pour 1957. Analyse les répercussions, sur l'économie des pays d'Afrique tropicale en 1956-1957, des change­ments qui ont affecté les marchés mondiaux. Passe en revue les événements écono­miques marquants de l'année 1957 en Afrique du Nord, en Afrique tropicale et en Afrique du Sud. Nombreux tableaux statistiques.

A M É R I Q U E LATINE.

Étude économique de l'Amérique latine en 1957. Première partie : L'Amérique latine et l'économie mondiale, mai 1958, 144 pages ( E / C N . 12/489).

[Ej. Pr. St. D p . ] L'économie de l'Amérique latine dans le cadre de l'économie m o n ­diale : les problèmes du marché mondial et leurs incidences pour les produits de cette région; l'activité économique en Europe et aux États-Unis et les exportations de l ' A m é ­rique latine. Ces analyses générales sont suivies d'études concernant huit produits choisis et d'exposés sur le mouvement des capitaux et la capacité d'importation de la région.

La situation économique de l'Amérique latine en 1957. Deuxième partie : La situation écono­mique interne en Amérique latine dans son ensemble ainsi que dans quelques pays sélectionnés, mai 1958, 354 pages ( E / C N . 12/489/Add.i).

[Ej. Pr. St.] Étude générale, portant notamment sur l'agriculture, l'industrie et les mines ; chapitres spéciaux sur l'Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, C u b a et le Mexique.

La situation économique de l'Amérique latine en 1957. Troisième partie : Pressions sur la balance des paiements et étude spéciale sur le commerce des produits agricoles en Amérique latine, mai 1958, 160 pages ( E / C N . 12/489/Add. 2).

[Ej. Pr. St.] Examine d'abord l'évolution de la balance des paiements de l'Amérique latine dans son ensemble au cours de la période 1947-1957. Puis procède à une analyse du m ê m e genre pour chaque pays. Étude spéciale sur le commerce des produits agri­coles, envisagé du point de vue de l'exportation et de l'importation.

L'activité de l'Assistance technique en Amérique latine en 1957, mars 1958, 10 pages ( E / C N . 1 2 / A C 40/5).

[Pr. Org. St. D p . ] Application du programme selon les pays et les types d'activité. Tableaux relatifs au nombre des experts mis à la disposition des pays et aux bourses accordées annuellement par l'Assistance technique, de 1950 à 1957.

Rapport sur la coordination entre la Commission économique pour l'Amérique latine et le Conseil économique interaméricain, avril 1958, 3 pages ( E / C N . 1 2 / A C 40/7).

[Org.] Indications sur la collaboration entre les deux organismes.

ASIE ET EXTRÊME-ORIENT : LOGEMENT.

L'habitation et le développement régional en Asie et en Extrême-Orient, juillet 1958, 23 pages (E/CN. 11/1 et N R / H B W P 5/L.2).

[Ej. Pr. St. Dp.] Cette note du secrétariat décrit la grave situation de la région en ce qui concerne l'habitation. Évolution de la construction et suggestions sur les moyens de remédier aux difficultés spéciales créées par l'accroissement de la population urbaine.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Étude sur les frais de construction et les mesures pour les réduire, mai 1958, 13 pages ( E / C N . 11/1 et N R / H B W P 5/L.3) .

[Pr. St. D p . ] Cette étude porte sur le prix de la construction en Asie et en Extrême-Orient et constate qu'il a considérablement augmenté. Analyse de cette évolution. E n annexe, questionnaire adressé aux gouvernements pour obtenir des informations sur divers projets pilotes relatifs à l'habitation et des indications sur la manière de calculer le prix de construction.

M O Y E N - O R I E N T .

L'évolution économique au Moyen-Orient : 1956-1957, 1958, 179 pages, 1,75 dollar (E/3116. S T / E C A / 5 5 ) .

[Ej. Pr. St. D p . ] Les auteurs du présent rapport ont fait porter leur étude sur les forces économiques qui ont provoqué, ces dernières années, des poussées inflationnistes ou déflationnistes dans la région considérée. Le rapport présente d'abord un bref résumé des données relatives à l'ensemble de la région, puis des exposés portant sur l'évolution économique dans chacun des pays suivants : Egypte, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Liban, Syrie et Turquie. Il est complété par une série de 32 tableaux concernant notamment l'agriculture, l'industrie, le commerce extérieur, le pétrole, les transports et les finances.

UTILISATION RATIONNELLE DES RESSOURCES EN EAU ET DES VOIES FLUVIALES.

Développement intégré des bassins fluviaux, 1958, 69 pages, 0,70 dollar (E/3066). [Ej. Pr. D p . ] Le rapport comprend cinq chapitres de caractère général et cinq annexes plus techniques. Le concept de développement intégré des bassins fluviaux. L'évolution des techniques dans ce domaine. Les problèmes à résoudre actuellement. Les modalités de la coopération qui doit s'instituer entre les pays intéressés.

Développement économique des pays sous-développés : enquête préliminaire sur les services hydro­logiques existants, mars 1958, 33 pages (E/3070).

[Dr. E p . Pr. St.] Le rapport, à la préparation duquel l'Organisation météorologique mondiale a pris une part importante, c o m m e n c e par une analyse de la structure des services hydrologiques; il examine ensuite dans quelle mesure le rassemblement et l'interprétation des données sont satisfaisants et étudie les principaux obstacles qui s'opposent à l'extension de ces activités; enfin, il indique les mesures qui pourraient être prises dans l'état actuel des choses.

Système uniforme de balisage et de signaux de rive pour les voies fluviales en Asie et Extrême-Orient, 1957, 17 pages (E/GN. 11/460).

[Pr.] Descriptions et diagrammes concernant le balisage et les signaux de rive : marques de chenaux, signalisation d'épaves, rives à serrer, etc.

QUESTIONS ÉCONOMIQUES DIVERSES.

Note sur l'utilisation des surplus agricoles pour le développement économique du Japon, ~ 1958. 46 pages (E/CN. 1 i/L. 60).

[Pr. Ej. St.] Aperçu des facteurs qui jouent un rôle déterminant dans le choix des surplus, compte tenu des conventions financières avec les États-Unis. Les procédures administratives et les effets du programme d'utilisation des surplus.

Progrès réalisés en 1956 dans la sidérurgie, 1958, 115 pages, 1 dollar (E/ECE/305; E / E C E / STEEL/119).

[Ej. Pr. Se] Trois articles du document se rapportent à l'U.R.S.S. (l'industrie sidérur­gique en 1956; l'application de la physique nucléaire dans l'industrie métallurgique de

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

l'Union soviétique; la coulée continue de l'acier); les autres concernent la Tchécoslo­vaquie (contribution à l'étude du problème des hauts fourneaux à parois minces et à parois épaisses), la France (progrès nouveaux réalisés dans la réduction directe des minerais de fer), la Norvège (le brassage dans la production de l'acier) et le R o y a u m e -Uni (la régulation automatique de l'épaisseur). Nombreux graphiques et reproductions.

La mécanisation de Vagriculture. Ses effets sur l'élevage clievalin, 1958, 50 pages, 0,40 dollar ( A G R I / M E C H / 9 ) .

[Dp. Ej. Pr. St.] Cette étude, faite conjointement par la Commission économique pour l'Europe et la F . A . O . , présente une analyse de l'évolution à long et à court terme de l'élevage du cheval en Europe orientale et occidentale, des prévisions pour l'avenir immédiat et des effets de cette évolution sur l'agriculture. S'adresse à la fois aux orga­nismes gouvernementaux, aux éleveurs et aux spécialistes des questions agricoles.

Situation de ¡'electrification rurale en Europe en ig¡)6, 1958, 44 pages, 0,30 dollar ( E / E C E / 320; E / E C E / E P / 1 9 3 ) .

[Dp. Ej. Pr. St.] Rapport annuel. Donne des renseignements sur les améliorations dues à l'introduction de l'électricité dans les campagnes, qu'il s'agisse de la vie domestique ou des exploitations agricoles. Electrification et économie de main-d'œuvre. Nombreux exemples empruntés à différents pays.

SECRÉTARIAT

DROITS DE L ' H O M M E .

Annuaire des droits de l'homme pour IQ55, 1958, 430 pages, 4,50 dollars. [Ej. Pr. D p . ] Cette étude générale de l'évolution des problèmes relatifs aux droits de l ' homme dans les divers pays, en 1955, englobe des domaines c o m m e le droit d'auteur, la protection de l'honneur, les lois concernant l'adoption. Le volume est divisé en quatre parties. L a première donne des informations sur chaque pays. La deuxième se rapporte aux territoires sous tutelle ou non autonomes. La troisième et la quatrième traitent de l'activité des organisations internationales dans le domaine des droits de l ' homme . Index.

P O P U L A T I O N .

Annuaire démographique ig$7, 1957, 656 pages, imprimé, 6,50 dollars. [Ej. Pr. D p . St.] C e volume est le neuvième de la série. A signaler des tableaux chrono­logiques pour les vingt dernières années, en ce qui concerne la mortalité, et des tableaux spéciaux sur les migrations. L'annuaire comporte, en outre, les données habituelles sur la population de chaque pays, sa structure et ses activités.

C A R T O G R A P H I E .

La cartographie mondiale, volume V , 1955, 1958, 57 pages, 0,60 dollar (ST/SOA/SER.

L/5). [Pr. Se ] Ce cinquième volume présente une étude préliminaire sur l'établissement de la carte topographique du m o n d e , puis un aperçu de quelques travaux cartographiques entrepris dans des pays d'Asie et diverses observations sur les conférences cartogra­phiques intergouvernementales. Il se termine par une bibliographie des documents de base publiés par les Nations Unies dans le domaine cartographique, de 1947 à 1955.

116

D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

TECHNIQUES DE RECENSEMENT.

Principes et recommandations concernant les recensements nationaux de population, 1958, 35 pages, 0,30 dollar ( S T / S T A T / S E R . M / 2 7 ) .

[Pr. St.] C e document expose les principes modernes des recensements et les règles qu'il convient d'appliquer dans leur préparation, leur exécution et leur utilisation. Il enu­mere les sujets sur lesquels il importe de recueillir des données, traite de la définition et du m o d e de classification de chaque élément et des méthodes de sondage. E n annexe, rapport sur l'avancement des travaux du programme de recensement mondial de la population de i960.

Analyse de tables statistiques concernant le recensement de l'habitation, mai 1958, 32 pages ( S T / S T A T / P / L . 28).

Cette analyse vise à déterminer quels aspects de l'habitation sont habituellement étudiés, c o m m e n t ils sont enregistrés et analysés. Moyens d'appliquer à de vastes régions les formules utilisées à l'échelon local. E n annexe, définitions des termes statistiques se rapportant à l'habitation et aux unités de logement et liste des rapports de recensement consultés pour cette étude.

COMPTABILITÉ NATIONALE.

Annuaire de statistiques des comptabilités nationales, 1957, N e w York, 1958, 236 pages, 2,50 dollars ( S T / S T A T / S E R . H / i 1).

[Dp. Pr. Ej. St.] Estimations détaillées de la comptabilité nationale de 70 pays et terri toires concernant chacun des sujets suivants pour les années 1950-1956 : dépense impu­tée sur le produit national brut, distribution d u revenu national, composition des dépenses de consommation privée, formation du capital,recettes et paiements de l'État, transactions extérieures.

STATISTIQUES D U COMMERCE.

Recommandations internationales concernant les statistiques de distribution, N e w York, 1958; 16 pages, 0,20 dollar ( S T / S T A T / S E R . M / 2 6 ) .

[Pr. St.] Ces recommandations se rapportent aux enquêtes qui pourraient servir à l'élaboration de statistiques sur le commerce de distribution. Données à étudier. Défi­nitions.

DÉVELOPPEMENT DES MINES.

Etude sur les conditions géologiques et le développement minier en Europe et en U.R.S.S., 1958, 215 pages ( S T / T A A / S E R . C/27).

[Pr. St. Dp . ] Rapport présenté à l'occasion de la réunion d'un groupe de géologues et d'ingénieurs des mines d'Asie et d'Extrême-Orient. Décrit l'organisation et la plani­fication des recherches géologiques en U . R . S . S . , en Grande-Bretagne, en France et dans la République fédérale d'Allemagne, et expose le système de formation des géologues et des ingénieurs des mines en vigueur dans ces pays.

F I N A N C E S P U B L I Q U E S .

Revenue administration and policy in Israel : third report (Les finances publiques d'Israël:: troisième rapport), N e w York, 195O, 39 pages, 0,40 dollar (ST/TAA/K/Israël/s).-

[Pr. Ej.] C e troisième rapport, que M . Henry Simon Bloch, désigné par l'Assistance technique des Nations Unies, a préparé pour le gouvernement d'Israël, analyse notam-.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

ment les éléments du revenu de l'Etat, les lois fiscales et les mesures adoptées pour encourager l'épargne.

LOGEMENT.

Stage d'études sur la construction de logements par des organisations non commerciales en Asie et en Extrême-Orient, 1958, 86 pages, 0,80 dollar ( S T / T A A / S E R . C / 2 9 ; I L O / T A P / I N T / R . i ) .

[Dp. Ej. Pr.] Résumé des travaux d'un groupe d'étude réuni à Copenhague en août 1956. Introduction générale au problème de la construction de logements par des organismes sans but lucratif. Situation des pays d'Asie et d'Extrême-Orient à cet égard. Méthodes et techniques. Exemples.

DÉLINQUANCE JUVÉNILE.

Étude comparative sur la délinquance juvénile, première partie : Amérique du Nord, 1958, 134 pages, 1 dollar ( S T / S O A / S D i / R e v . 1).

[Ej. Pr. S e ] Le sens de la notion de délinquance juvénile et son évolution historique aux Etats-Unis. Méthodes appliquées pour l'éducation des jeunes délinquants et la pré­vention de la délinquance juvénile. Rôle et pouvoir des tribunaux.

ENFANTS INADAPTÉS.

L'application des principes du casework dans l'examen et le traitement des enfants socialement inadaptés, Bruxelles, 1957, 238 pages, en français seulement (UNTAA/SEM/1956/ R E P A ) .

[Pr. Ej.] C e rapport a été établi à l'issue d'une réunion organisée dans le cycle européen d'études des Nations Unies concernant le service social et la technique du casework. Intervention d'une autorité tutélaire. Application des principes du casework. L'étude de cas. Le traitement. L a cure libre. Le placement familial. La postcure. La formation des travailleurs sociaux spécialisés.

INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES

ORGANISATION INTERNATIONALE D U TRAVAIL (O.I.T.) •

ACTIVITÉ DE L'O.I.T.

L'O.I.T. face à l'évolution du monde, 1958, 145 pages, 1 dollar. [Ej. Pr. Org.] Rapport du directeur général à la quarante-deuxième session de la Conférence internationale du travail. Inventaire des activités actuelles de l'Organisa­tion internationale du travail. Relations entre ces activités et l'évolution de la situa­tion sociale dans le m o n d e . E n annexe, communication du Conseil d'administration d u B.i.T. au Conseil économique et social concernant le développement et la coordina­tion de l'ensemble des programmes de l'Organisation des Nations Unies et des insti­tutions spécialisées dans le domaine économique et social et dans celui des droits de l ' h o m m e . Liste des documents contenant des informations fournies par I 'O.I .T. aux Nations Unies, de mars 1957 à février 1958 (E/3104/Add. 1).

ï. E n règle générale, les publications de I 'O. I .T . paraissent en anglais, en français, en espagnol et en russe.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

DROIT D U TRAVAIL.

La protection des travailleurs des transports contre les actions en responsabilité civile résultant de leur emploi, août 1958, 18 pages, 0,30 dollar.

[Ej. Pr.] Difficultés compliquant la protection des travailleurs dans le cas considéré. Différentes manières de les surmonter.

R A C E ET SALAIRE.

La structure des salaires selon les races dans certaines régions de l'Afrique, juillet 1958, 43 pages, 0,30 dollar.

[Ej. Pr. St.] Cet article montre, en s'appuyant sur les données statistiques disponibles, qu'il existe en Afrique un écart sensible entre les salaires des travailleurs appartenant aux différentes races. Cependant, au cours des dernières années, cet écart a eu tendance à diminuer dans certains territoires. L'article passe ensuite en revue les circonstances qui ont donné naissance à la structure actuelle des salaires et les facteurs qui tendent à accentuer ou , a u contraire, à atténuer les différences, ce qui permet de déterminer le rôle de chacun d'eux — y compris la discrimination — dans la fixation des salaires.

EMPLOI ET CHÔMAGE.

La situation de l'emploi dans le monde, 1958, 111 pages. [Ej. D p . Pr.] C e document est divisé en trois parties. L a première expose brièvement l'importance et la nature d u chômage actuel. L a deuxième analyse les principaux types de mesures adoptées dans divers pays pour faire face à la situation. L a troisième décrit les grands mécanismes mis en œuvre sur le plan international pour lutter contre le chômage , et examine les besoins éventuels d 'une nouvelle action dans ce domaine.

L'évolution récente de l'emploi et du chômage, septembre 1958, 28 pages, 0,60 dollar. [ D p . Ej. Pr. St.] Cet exposé, qui utilise les statistiques actuellement disponibles, a pour principal objet de délimiter l'ampleur de l'évolution récente de l'emploi et d u chômage dans le m o n d e .

RATIONALISATION D U M A R C H É D U TRAVAIL.

L'organisation planifiée de l'emploi dans l'Inde, par N . Dater, juillet 1958, 16 pages, 0,60 dollar.

[Ej. Pr.] L'organisation planifiée de l'emploi a u n double objectif : créer des emplois pour réduire l'excédent de main-d 'œuvre ; faire en sorte q u ' u n nombre suffisant de travailleurs possédant les qualifications nécessaires soient disponibles là où l'on a besoin d 'eux pour l'exécution des projets de développement. Cet article expose les recherches faites à ce sujet en Inde, où le problème en est encore au stade expéri­mental.

Méthodes de production et création d'emplois dans les économies insuffisamment développées, août 1958, 33 pages, 0,30 dollar.

[Ej. Pr. St.] Cette brochure est divisée en trois parties. L a première expose les diffé­rents critères qui peuvent servir de base au choix des méthodes de production, et l'in­compatibilité éventuelle de ces critères. Les exemples concrets présentés dans la deuxième partie servent à illustrer le genre d'informations à recueillir. L a troisième partie est consacrée à l 'examen de questions de politique économique générale.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

MÉDECINE D U TRAVAIL.

L'organisation des services de médecine du travail dans i'entreprise, 1958, 19 pages, 0,25 dollar. [Ej. Pr. Org.] Cette brochure contient un texte de projet de recommandation concer­nant les services de médecine du travail dans l'entreprise, ainsi qu'un résumé des dis­cussions de la Commission des services de médecine, instituée par la Conférence inter­nationale du travail.

R E L A T I O N S INDUSTRIELLES.

Collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations d'employeurs et de travailleurs au niveau de l'industrie et au niveau international, 1958, 79 pages, 0,75 dollar.

[Dp. Ej. Pr. Org.] Analyse la législation et la pratique des différents pays. Collabora­tion volontaire. Collaboration sur une base légale. U n chapitre est consacré à la situa­tion dans les pays à économie nationalisée et planifiée. E n annexe, principales normes ou dispositions adoptées par les organes de I'O.I.T. en ce qui concerne cette collabora­tion.

A S S U R A N C E S SOCIALES.

L'extension progressive des régimes d'assurance sociale dans les pays d'Amérique latine, septembre 1958, 29 pages, 0,60 dollar.

[Ej. Pr. D p . St.] Les nombreux problèmes que pose l'établissement d ' u n régime d'as­surance sociale contraignent souvent les pays, surtout les moins développés économi­quement, à en restreindre le c h a m p d'application. Dans cet article on étudie les possi­bilités d'extension progressive et rapide de l'assurance.

M È R E S SALARIÉES.

L'aide aux mères salariées, juillet 1958, 20 pages, 0,30 dollar. [Dp. Ej. Pr. St.] Cette brochure répond au besoin exprimé par une résolution sur l 'em­ploi des femmes ayant des enfants en bas âge, adoptée par la Conférence internationale d u travail en 1955. Elle présente u n exposé de la situation actuelle, telle qu'elle se dégage de l'enquête faite en 1957 et d'autres travaux de recherche du Bureau.

RADIATIONS.

La protection des travailleurs contre les radiations, 1958, 61 pages, 0,60 dollar. [Ej. Pr. Org.] Ce rapport comprend un exposé général du problème de la protection contre les radiations ionisantes, un questionnaire et, en annexe, un aperçu de la légis­lation et de la pratique dans différents pays, ainsi que des extraits du rapport d'une réunion d'experts. Projet élaboré par ces experts concernant un « règlement type de sécurité pour les établissements industriels, à l'usage des gouvernements et de l'in­dustrie ».

I N D U S T R I E D U BOIS.

Données de base (industrie du bois), 1958, 135 pages. [Dp . Ej. Pr. St.] Aperçu général sur les ressources forestières d u m o n d e et leur utili­sation. État actuel des problèmes de main-d 'œuvre dans cette industrie. La prévention des accidents dans l'industrie du bois, 1958, 124 pages. [Dp . Ej. Pr.] M o y e n s qui semblent propres à assurer une amélioration de la sécurité

120

D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

du travail dans cette industrie. Rappel des efforts entrepris sur le plan international pour faire progresser la prévention des accidents.

Les relations entre employeurs et travailleurs dans Vindustrie du bois, 1958, 115 pages. [Ej. Pr. D p . ] C e rapport comprend six chapitres. L e premier traite des facteurs qui influent sur les relations professionnelles dans l'industrie d u bois. Le deuxième est consacré aux travailleurs et aux employeurs de l'industrie du bois, et à leurs organisa­tions syndicales. Le troisième étudie les relations entre ces organisations. Le quatrième chapitre traite de la consultation et de la collaboration dans les entreprises et le cin­quième de la limitation des arrêts du travail. Le dernier est un chapitre de récapitu­lation.

Conditions de travail et de bien-être dans les camps de bûcherons, 1958, 162 pages. [Ej. Pr. D p . ] Cette étude expose quelques-uns des problèmes qui se rapportent aux conditions de vie et de travail des ouvriers forestiers, en donnant des exemples de solutions appliquées dans diverses régions. O n y mentionne également les résolutions qui ont été adoptées, sur le plan international, au sujet des problèmes analogues qui se posent dans d'autres industries.

PÊCHE.

Les conditions de travail des pêcheurs, 1958, 36 pages, 0,40 dollar. [Ej. Pr. Ord. ] Projets de textes de trois conventions (âge m i n i m u m d'admission à l'exercice de la profession de pêcheur, e x a m e n médical des pêcheurs, contrat d'enga­gement des pêcheurs) précédés d'extraits d u rapport d 'une commission spéciale.

ORGANISATION DES NATIONS UNIES P O U R L'ALIMENTATION ET L 'AGRICULTURE (F.A.O.)

SITUATION MONDIALE.

La situation mondiale de l'alimentation et de ï'agriculture : 1958, 1958, 246 pages, 2,50 dollars. [Ej. Pr. D p . St.] Cette année le thème principal du rapport de l'Organisation est le contraste entre la situation des pays développés et celle des autres pays. Effets de la politique des prêts agricoles sur cette disparité. Conséquences pour l'avenir, notam­ment du point de vue du commerce international des produits agricoles. Étude spé­ciale sur l'évolution de la situation alimentaire et agricole dans les territoires africains situés au sud du Sahara. Développement des industries forestières mondiales depuis la fin de la guerre; répercussions sur les forêts.

S T A T I S T I Q U E S .

Annuaire de statistiques agricoles et alimentaires : 1957, 1958, 308 pages, 3,50 dollars. [St. Ej. Pr. D p . ] Cette édition de l'Annuaire est, pour l'essentiel de son contenu, sem­blable à celle de 1955, avec quelques modifications (tableaux supplémentaires sur le montant des transactions commerciales).

RÉGIMES FONCIERS.

Faire-valoir direct : le propriétaire exploitant dans l'agriculture moderne, 1958, 67 pages, 0,60 dollar.

121

R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

[Ej. Pr.] Cet ouvrage fait partie de la série des études de la F . A . O . sur les régimes fon­ciers. Le faire-valoir direct. Données de base sur le rôle que ce régime foncier peut jouer dans le développement économique. E x a m e n spécial de la question des investis­sements agricoles et de celle de l'interdépendance du régime foncier et de l'accroisse­ment démographique. Bibliographie.

PÊCHE.

L'Étal et l'industrie des pêches maritimes en Grande-Bretagne, 1958, 141 pages, 1,25 dollar. [Ej. Pr.] La première partie de cette étude décrit la structure et l'organisation actuelle des pêches maritimes (Tableau des services gouvernementaux qui s'en occupent; récent développement des relations entre cette industrie et l'État). La deuxième partie décrit les services officiels qui interviennent aux différentes étapes du circuit du poisson, de la mer au consommateur. La monographie a pour but de mettre en lumière les services qu'assure l'État.

C O P R A H .

La préparation artisanale du coprah, 1958, 127 pages, 1,50 dollar. [Ej. Pr. D p . ] O n trouvera dans cet ouvrage des descriptions, des schémas et des pho­tographies d'installations qui peuvent être réalisées sur place, dans les principales régions productrices de coprah. Considérations sur les utilisations multiples du cocotier et sur l'industrialisation rurale. Bibliographie.

ORGANISATION M O N D I A L E D E LA SANTÉ (O.M.S.)

ACTIVITÉS DE L 'O.M.S.

Rapport de V Organisation mondiale de la santé : activité de V O.M.S. en IQ57, 1958, 183 pages, 1,25 dollar.

[Ej. Pr. Org. D p . ] Rapport annuel du directeur général à l'Assemblée mondiale de la santé et à l'Organisation des Nations Unies. Tableau d'ensemble des actions entre­prises contre le paludisme et en vue du contrôle des maladies transmissibles. Aperçu des études relatives aux effets de l'énergie atomique sur la santé. Autres activités de l'o.M.s. Le rapport donne d'abord une vue d'ensemble des programmes de l'o.M.s., puis montre commen t ils sont appliqués en ce qui concerne chaque continent.

A T O M E ET SANTÉ MENTALE.

La santé mentale et l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, 1958, 53 pages, 0,60 dollar. [Ej. Pr. Se] Rapport d'un groupe d'étude réuni à Genève, du 21 au 26 octobre 1957. Défi historique que l'apparition de l'énergie atomique lance à l ' h o m m e . D o m m a g e s que les radiations peuvent produire sur le cerveau. Effets socio-économiques de l'éner­gie atomique sur la santé mentale. Réactions émotionnelles malsaines provoquées dans l'immédiat par l'avènement de l'énergie atomique. Tâches qui s'offrent aux spécialistes de l'hygiène mentale. E n annexe : a) déclaration du sous-comité pour l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, créé par la Fédération mondiale pour la santé mentale; b) résolution adoptée par le bureau exécutif de cette fédération à Londres, en février 1957; c) examen de l'attitude de la presse.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

SANTÉ ET ENFANCE.

Les centres de guidance infantile, 1958, 149 pages, 4 dollars. [Ej. Pr. Se] Résultats d'un colloque réuni à Lausanne, du 18 au 29 septembre 1956, sous les auspices de I ' O . M . S . L'ouvrage traite de l'organisation des centres de guidance infantile, de leur fonctionnement et de leur programme.

Exposé des techniques spéciales à appliquer dans les centres par le personnel qui a déjà reçu une formation de base en matière de psychiatrie infantile, de psychologie ou de travail social.

Q U E S T I O N S M É D I C A L E S .

Rapport épidémiologique et démographique, vol. 11, n° 7, 1958, 71 pages, 1,75 dollar. [Se. St. Pr. D p . ] Maladies infectieuses : fièvre typhoïde et paratyphoïde, diphtérie, scarlatine, grippe. L a malformation, cause de décès. Statistiques de morbidité de la coqueluche.

Comité mixte F.A.O.jO.M.S. d'experts de la brucellose. Rapports techniques de I'O.M.S. : n° 148, 58 pages, 0,60 dollar.

[Pr. S e ] D e u x précédents rapports de ce comité formulaient des recommandations détaillées en ce qui concernait certains problèmes pratiques et scientifiques d'intérêt fondamental. Celui-ci complète et modifie au besoin ces recommandations, compte tenu des recherches faites sur le terrain depuis 1952.

U N I O N POSTALE UNIVERSELLE

Rapport de V Union postale universelle, 1957, mars 1958, 50 pages. [Dp. Ej. Pr.] Conclusions du Congrès postal universel réuni à Ottawa, en 1957. Acti­vités de l'union; liste des enquêtes effectuées au cours de ces dernières années.

ORGANISATION DES NATIONS UNIES P O U R L 'ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA C U L T U R E (UNESCO)

ACTIVITÉS DE L'UNESCO.

Actes de la Conférence générale. Neuvième session, New Delhi, 1956. Comptes rendus des débats, 1958, 866 pages, 2 400 F .

[Org.] Liste des délégués. Calendrier des séances. Composition des commissions et comités. Liste des documents préparés pour la session. Comptes rendus in extenso des séances plénières et des séances des commissions et comités. Index par sujets et par pays. Existe également en espagnol.

Rapports des États membres, présentés à la Conférence générale lors de sa neuvième session. New Delhi, 1956, 272 pages, 1 750 F .

[Org. D p . ] Informations fournies par 51 pays sur les mesures qu'ils ont prises en 1954-1955 pour mettre en œuvre les résolutions adoptées par la Conférence générale lors de ses sessions antérieures et contribuer au succès des entreprises de l'Unesco.

Rapports des Étals membres, présentés à la Conférence générale lors de sa dixième session, Paris, novembre-décembre 1958, 316 pages, 2 250 F .

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

[Org. D p . ] Volume analogue au précédent, mais portant sur une autre période (1956-1957). Contient les rapports de 49 pays.

Évaluation des programmes de ¡'Unesco à l'intention du Conseil économique et social, étude préliminaire, 14 août 1957, 63 pages (Unesco/ioC/10).

[Org.] Préparé en vue de la dixième session de la Conférence générale de l'Unesco (1958), dans le cadre d'une étude générale demandée par le Conseil économique et social des Nations Unies, ce document traite de la portée des programmes des divers organes des Nations Unies et des institutions spécialisées. Évaluation du développe­ment antérieur des programmes, par branches d'activité (sciences sociales appliquées, éducation scolaire et extrascolaire, etc.), et prévisions.

ÉDUCATION.

Annuaire international de l'éducation, 1957, vol. XIX. Publication conjointe du Bureau international d'éducation et de l'Unesco, n° 18g, 1958, 531 pages, 1 500 F .

[Se. D p . St. Ej.] Bilan des principaux événements d'ordre éducatif qui se sont produits dans le m o n d e en 1956-1957, d'après les rapports fournis par 73 pays. V u e d'ensemble pour chaque domaine de l'administration scolaire et chaque type d'enseignement, puis reproduction des rapports nationaux. Liste des autorités supérieures de l'instruc­tion publique de tous les pays. Statistiques internationales d u nombre des maîtres et des élèves aux différents niveaux de l'enseignement et des dépenses publiques se rap­portant à l'éducation.

Possibilités d'accès à l'éducation dans les zones rurales, étude comparée. Publication conjointe du Bureau international d'éducation et de l'Unesco, n° 191, 1958, 254 pages, 800 F .

[Pr. Se. D p . St. Ej.] V o l u m e préparé par le Bureau international d'éducation, en vue de la Conférence internationale de l'instruction publique de juillet 1958 (Genève). Se fonde sur les réponses fournies à un questionnaire par 71 pays. État actuel de la dis­crimination de fait existant dans presque tous les pays, sous des formes et à des niveaux différents, en ce qui concerne les possibilités d'accès à l'éducation offertes aux enfants qui vivent en dehors des villes. Dans les deux tiers du m o n d e , les enfants des zones rurales ne fréquentent pas du tout l'école, ou doivent se contenter de deux à quatre années d'études.

Élaboration et promulgation des programmes de l'enseignement primaire, étude comparée. Publi­cation conjointe du Bureau international d'éducation et de l'Unesco, n° 193, 1958, 203 pages, 800 F.

[Pr. Se. D p . St. Ej.] V o l u m e préparé par le Bureau international d'éducation à partir des réponses fournies à un questionnaire par 73 pays. Le but recherché était de préciser les modalités actuelles de la préparation et de la réforme des programmes suivant les pays, ainsi que les problèmes qui se posent à ce sujet. U n e question portant sur le nombre d'heures réservées aux différentes disciplines dans les programmes a permis de présenter des tableaux statistiques comparatifs. L'étude a servi de base de discussion lors de la Conférence internationale de l'instruction publique qui a eu lieu à Genève en juil­let 1958.

Stage d'études régional à l'intention des écoles européennes associées appliquant un programme d'éducation pour la compréhension internationale, 30 septembre 1958, 15 pages (Unesco/ E D / 1 6 1 ) .

[Se. Pr. D p . Org.] Fait le point des travaux entrepris en Europe depuis 1953, dans le cadre d 'un programme tendant à promouvoir des études expérimentales sur l'effica­cité comparée des diverses manières d'assurer un enseignement favorable à la compré­hension internationale. A u total 180 institutions — dont une centaine en Europe — participent à ce programme, qui s'étend au m o n d e entier. Historique du programme. Résultats des dernières expériences. Recherche et évaluation. Développements futurs.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Participants. Le stage a eu lieu à Hambourg, à l'Institut Unesco pour l'éducation, du 14 au 22 juillet 1958.

C O M P R É H E N S I O N INTERNATIONALE.

Orient-Occident. Nouvelles du projet majeur relatif à l'appréciation mutuelle des valeurs cultu­relles de l'Orient et de l'Occident, vol. I, n° 3, juin 1958, 16 pages.

[Org.] Troisième numéro d 'un bulletin spécial d'information consacré à ce projet majeur. Passe en revue les différents aspects du programme, en ce qui concerne notam­ment les sciences sociales.

H I S T O I R E D E S CIVILISATIONS.

Rapport biennal du président de la Commission internationale pour une histoire du développement scientifique et culturel de l'humanité, 15 septembre 1958, 4 pages (Unesco/ioc./A).

[Org.] Préparé en vue de la dixième session de la Conférence générale de l'Unesco (1958), par le professeur Paulo E . de Berredo Carneiro. Les manuscrits des six volumes prévus sont très avancés. Réunions d'experts. Système envisagé pour la publication. Budget.

Racovaja problema i obscectvo (Le problème racial et la société), Moscou , 1957, 315 pages, [Se. Ej.] Édition en langue russe d 'un recueil formé des brochures suivantes, parues depuis 1951 sous les auspices de l'Unesco, dans la collection Race et société : Michel Leiris, Race et civilisation; Kenneth L . Little, Race et société; G . M . Morant, Les diffé­rences raciales et leur signification; Juan C o m a s , Les mythes raciaux; Arnold M . Rose, L'ori­gine des préjugés.

BIBLIOTHÈQUES.

Les besoins des bibliothèques des pays insuffisamment développés, 12 septembre 1958, 12 pages (Unesco/10 C. /22) .

[Pr.] Préparé en vue de la dixième session de la Conférence générale de l'Unesco (1958), ce document concerne deux types de bibliothèques particulièrement nécessaires dans les pays en cause : les bibliothèques spécialisées et les bibliothèques publiques. Analyse des réponses à un questionnaire. Inventaire des besoins. Recommandations.

CHRONIQUES BIBLIOGRAPHIQUES

B E U T E L , Frederick K . Some Potentialities of Experimental Jurisprudence as a New

Branch of Social Science, Lincoln, University of Nebraska Press, 1957, xvi + 440 pages.

Le droit doit être fondé sur la réalité sociale, et ses règles doivent être appli­cables : la sociologie juridique — experimental jurisprudence — s'est trop souvent bornée à un long commentaire de ces propositions et, sauf en criminologie, les études rigoureuses de la correspondance entre le droit et la réalité demeurent

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

rares. Après avoir rappelé, dans une première partie, les méthodes de la socio­logie juridique et les résultats qu'elles ont permis d'atteindre, F . Beutel expose un problème qu'il a étudié personnellement : celui de l'émission des chèques sans provision dans l'État de Nebraska et de la répression de ce délit. L'analyse économique, sociologique et juridique de l'émission de chèques sans provision et de ses conséquences est menée avec une grande vigueur, et l'effet des sanctions infligées aux individus reconnus coupables de ce délit est tenu pour négligeable par l'auteur : ces sanctions n'ont pas de valeur formative ou préventive — la plupart des condamnés sont des récidivistes — et le coût de l'application de la loi est supérieur au montant des chèques impayés. L a loi étant donc à la fois trop sévère et mal appliquée, F . Beutel fonde sur son analyse une série de recommandations précises, montrant à partir de ce cas précis quelle contribution la sociologie juridique est en mesure d'apporter à l'amélioration du droit et à l'étude de la réalité juridique.

H A A S , Ernst B . The Uniting of Europe. Political, Social and Economie Forces, 1950-1957. Londres, Stevens and Sons, 1958, xx -j- 552 pages. Bibliogr. (The Library of World Affairs, n° 42.)

L'unification de l'Europe est analysée, du point de vue de la science poli­tique, en tant que phénomène de décomposition de vieilles nations et processus d'intégration.

L'auteur part de la définition de la communauté politique, dont les prin­cipales composantes sont « le conflit et le consensus, l'unité dans la diversité ». L'intégration politique tend à superposer au schéma traditionnel une nou­velle communauté politique. Dans cette évolution, les groupes et les « élites ¡> jouent un rôle de premier plan. Existe-t-il une doctrine « européenne » ? Est-il possible de discerner des valeurs et des intérêts c o m m u n s à ces groupes aux idéologies distinctes ? Dans les cadres nationaux traditionnels, certainement pas (sauf aux Pays-Bas). Mais l'auteur dresse, du point de vue de la science politique, un bilan positif inspiré de cette « logique du pluralisme », en soute­nant que la formation d'une idéologie supranationale et « l'acceptation d 'un schéma fédéral sont facilitées si les États sont fragmentés idéologiquement et socialement ».

O r l'analyse détaillée, au niveau national, des partis politiques, des asso­ciations de producteurs, des syndicats, des gouvernements, conduit à constater l'existence, au-delà des frontières, de valeurs et d'intérêts c o m m u n s .

Sur le plan international, M . Haas examine le processus d'intégration réa­lisé par la C o m m u n a u t é européenne du charbon et de l'acier, en gardant pré­sente à l'esprit l'idée d'un courant réciproque d'influence et de pression entre les institutions de la C E . C A . , d'une part, les groupes et les partis, d'autre part. Considérant la politique de la C E . G . A . , les mesures prises depuis 1952 par la Haute Autorité, les réactions de l'Assemblée c o m m u n e , le fléchissement des oppositions des gouvernements et des groupes qui s'expriment à la Cour de justice, il distingue dans la supranationalité de la C . E . C . A . une tendance à l'expansion : « la logique expansionniste est inhérente au principe de l'inté­gration par secteurs »; les accords de R o m e en font foi. Cet élargissement tient à des raisons économiques qui s'expriment dans u n contexte politique (après la crise de Suez, « l'intégration économique de l'Europe devient le cri de guerre ». Cette tendance se retrouve aussi sur le plan géographique, car la Grande-Bretagne désire, sinon s'intégrer à l'Europe des Six, du moins s'asso­cier aux activités de la C . E . C . A .

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

L'effet expansionniste de l'intégration est lié à la « logique du pluralisme », car celle-ci tend à la formation de « contrepoids » : ainsi les syndicats ouvriers socialistes sont enclins, pour défendre leurs intérêts, à s'unir par-delà les fron­tières nationales, et ils provoquent, par contrecoup, un m ê m e désir d'union chez les employeurs européens.

Cette tendance expansionniste est-elle due non seulement à une logique « opérationnelle », mais aussi à une logique « structurelle » ? Les institutions de la c.E.c.A. ont-elles favorisé ce mouvement , en tant qu'institutions supranatio­nales, mais non réellement fédérales, puisque aucun m o y e n de contrainte sur les gouvernements n'est prévu ? L'auteur répond par la négative.

L e dernier mot revient donc aux groupes, aux partis et aux gouvernements, c'est-à-dire à ceux qui représentent les forces politiques, économiques et sociales. Ceux-ci fondent leur « européanisme » non sur une idéologie, mais sur des avantages matériels. Cette constatation explique pourquoi la plupart d'entre eux se sont convertis à l'idée de l'unification de l'Europe, dans une perspective qui laisse l'initiative aux partis de gauche et qui permet à l'auteur d'évoquer la déviation du fédéralisme. M . Haas n'étudie d'ailleurs pas les réactions des divers partis politiques, car il se place dans une perspective évo­lutive qui laisse de côté le refus permanent des communistes à l'intégration européenne.

L'intérêt essentiel de son ouvrage réside dans une analyse sociologique des données de l'unification européenne, qui met particulièrement en relief la notion de « logique du pluralisme » et l'effet expansionniste, donc dynamique, de l'idée européenne.

H A U S E R , Philip M . , éd. Population and World Politics, Glencoe, 111., T h e Free Press, 1958, 297 pages.

Philip Häuser pose, dans l'introduction, les différents problèmes qui se rap­portent au thème traité dans les diverses études qui constituent ce volume : quel rôle joue le facteur « population » dans le domaine de la politique inter­nationale ?

L ' h o m m e , en développant ses capacités intellectuelles et techniques, n 'a pas seulement adapté la nature à ses besoins, il a aussi changé les conditions de sa propre existence physique : il a modifié le rythme de la balance des naissances et des décès. L e modèle primitif — « haute fertilité, haute mortalité » — a été transformé en u n modèle « basse fertilité, basse mortalité » (mais ceci dans les seules régions fortement industrialisées). Dans beaucoup d'autres, cette balance ne s'est pas encore équilibrée et il existe une divergence toujours accrue entre fertilité et mortalité, d'où un taux élevé de croissance. Les craintes exprimées par l'Essai célèbre de Malthus, à savoir que les ressources maté­rielles ne se révèlent un jour insuffisantes pour la masse croissante des popu­lations — semblent injustifiées en ce qui concerne le m o n d e occidental; pour le reste du globe, la théorie malthusienne n'a encore fait, selon l'auteur, l'objet d'aucune réfutation. A l'échelle mondiale, les écarts entre la répartition des populations et la distribution des ressources se traduisent par d'énormes différences entre les taux de vie moyens. L a conscience de ce phénomène pour les favorisés, d'une part, et les défavorisés, de l'autre, contribue large­ment à créer une situation d'instabilité et de tension dans le m o n d e . C e m o n d e étant le théâtre d'une lutte idéologique, politique et économique entre plu­sieurs blocs, le problème des différents niveaux de vie y revêt une importance primordiale.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

L a politique démographique est m ê m e devenue un élément de la « guerre froide ». Le « néo-malthusianisme » occidental est vivement attaqué par les pays communistes, qui le qualifient d'impérialisme et de colonialisme. Bien que M a r x ait considéré le surpeuplement c o m m e le produit du capitalisme, les communistes affirment maintenant qu'une croissance rapide de la popu­lation non seulement conditionne des niveaux de vie élevés, mais est en outre la conséquence m ê m e d'une économie socialiste saine.

L e problème démographique se pose d'ailleurs sous bien d'autres aspects. Retenons celui des migrations, dont la législation a été réglée dans la plupart des grands pays industrialisés, compte tenu d'intérêts nationaux et écono­miques à courte vue. Et si, par exemple, le programme d'aide accordée à l'étranger par les États-Unis contribue à diminuer les différences de niveaux de vie, la politique de ce m ê m e pays en matière douanière tend à les accentuer.

Ces divers thèmes sont étudiés dans une série de chapitres groupés dans trois parties :

L a première traite de la population et des ressources mondiales. John D . Durand fournit des données sur la croissance démographique. Il précise la notion de « transition démographique », c'est-à-dire les changements inter­venus dans les relations entre mortalité et fertilité. Frank W . Notestein analyse le phénomène de la croissance dans les différentes parties du m o n d e et compare les prévisions faites il y a dix ans à la situation actuelle. Ses constatations sou­lignent la rapidité de la croissance intervenue depuis la dernière guerre m o n ­diale. W . S. Woytinsky examine les prévisions relatives à la croissance d é m o ­graphique en relation avec les ressources mondiales. Il aboutit à la conclusion que la course n'a pas lieu entre croissance démographique et ressources naturelles, mais entre technologie et politique (au sens aristotélicien du terme).

L a seconde partie s'intitule « Population, niveaux de vie et développement économique ». Simon Kuznets confronte les statistiques de la distribution régionale des revenus avec celles de la population. O n constate une inégalité accentuée aussi bien entre les différents pays qu'à l'intérieur de ceux-ci. Cette inégalité est toutefois légèrement atténuée dans les pays relativement déve­loppés.

Poursuivant la m ê m e analyse, Everett E . Hagen examine les changements du revenu national et de la consommation individuelle après la seconde guerre mondiale. Plus particulièrement, il compare les programmes, fondamentale­ment différents, de développement économique en Chine et en Inde —- pro­grammes qui mettent l'accent, d'une part, sur l'industrialisation opérée sui­vant des techniques socialistes et, de l'autre, sur le développement de l'agri­culture.

L a troisième partie, enfin, est consacrée à la politique démographique et à ses applications. Pour Kingsley Davis, le chiffre de la population détermine d'une manière décisive la puissance d 'un État. E n effet, le meilleur moyen de mesurer cette puissance est peut-être de considérer le revenu national. O r celui-ci est fonction de l'importance démographique et de la productivité. Les raisons pour lesquelles la population est un des facteurs essentiels de la puis­sance sont multiples : la main-d'œuvre disponible en dépend; plus une popu­lation est intégrée dans un seul système économique, plus on obtient d'avantages d'une production et d'une distribution de masse; enfin, la force militaire est directement liée au nombre d ' h o m m e s .

D'autres éléments démographiques importants pour évaluer la puissance

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d'un État sont les rapports entre population et ressources, l'état de la mortalité et de la morbidité, le niveau de fertilité, la structure par âge, le taux de migra­tion interne et le degré d'urbanisation.

Irène B . Taeuber souligne qu'il existe encore trop de régions où n'est pas réalisé l'équilibre entre naissances et décès. Mais ce problème est trop lié à des facteurs culturels, religieux, etc., et ne peut être résolu de l'extérieur. Les jeunes peuples doivent lui trouver eux-mêmes une solution à long terme.

Quincy Wright, enfin, étudiant de ce point de vue la politique étrangère des Etats-Unis, montre que celle-ci se fonde moins sur la situation existante que sur des théories, des préjugés, des traditions, etc. C e qu'il faut donc surtout c'est donner une formation solide aux h o m m e s politiques c o m m e au public, pour leur permettre de comprendre les vrais aspects du problème démogra­phique.

L'Integrazione délie scienze sociali. Città e campagna. Atti del Primo Congresso nazio-nale di Scienze sociali, Bologne, Il Mulino, 1958, vu + 699 pages 1.

Le Ier Congrès national italien des sciences sociales, organisé par l'Associa­tion italienne des sciences sociales en collaboration avec la section sociologique du Centre national de prévention et de défense sociale, a étudié deux sujets : l'intégration des sciences sociales, et l'interdépendance entre villes et c a m ­pagnes. E n ce qui concerne le premier thème, les Actes du Congrès rassemblent vingt-sept communications groupées en six parties.

L a première, d'ordre très général, traite de l'origine et de l'évolution des sciences sociales dans leurs rapports avec la philosophie et l'histoire.

L a seconde étudie les méthodes et les techniques c o m m u n e s à ces sciences. L ' u n des meilleurs économistes mathématiciens italiens, F . Brambilla, exa­mine l'usage des mathématiques dans les sciences sociales. Cette communica­tion est complétée par deux rapports, l'un sur la théorie de l'information, l'autre sur les méthodes des sondages d'opinion. Enfin, les autres auteurs s'at­tachent aux moyens pratiques et techniques d'unifier la recherche en matière de sciences sociales.

Les quatre autres parties sont consacrées aux rapports des principaux groupes de disciplines avec les sciences voisines.

Dans la troisième, la sociologie, la psychologie sociale et l'anthropologie culturelles sont rangées parmi les sciences humaines, et les rapports de chacune de ces disciplines avec l'ensemble des sciences sociales font l'objet d'une c o m ­munication. Trois autres communications traitent, de ce m ê m e point de vue, de disciplines plus spécialisées : sociologie religieuse, psychiatrie (en tant que science sociale) et étude des cultures.

L a quatrième partie situe l'économie et la statistique parmi les sciences sociales. L a notion de consommation, étudiée à la fois par l'économiste, le sociologue et le psychologue social, est au carrefour de plusieurs recherches. Les rapports entre l'économie et les diverses sciences sociales sont analysés à travers l'évolution de la pensée économique.

L a cinquième partie est consacrée au droit et à la science politique, ainsi qu'à leurs rapports avec la sociologie. La sixième, enfin, concerne la géogra­phie humaine et la « science de l'urbanisme ».

Ces communications, plutôt courtes, et de caractère très général, n'ont pas la

r. Voir aussi p. 141 infra.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

prétention de résoudre les vastes problèmes qu'elles évoquent; elles ont du moins le mérite de les poser et d'en donner une bonne vue d'ensemble.

L A V E S , Walter H . C ; T H O M S O N , Charles A . Unesco, Purpose, Progress, Pros­pects, Bloomington, Indiana University Press, 1957, xxvi + 469 pages, 7,50 dollars.

Les auteurs se proposent de présenter et d'analyser le programme de cette organisation pendant les dix premières années de son existence, en expliquant ce qu'elle a fait, ainsi que les raisons et l'utilité de son action. L'ouvrage traite d'abord de l'origine et du caractère de l'Unesco, puis des différents points de son programme, enfin des organes chargés de l'appliquer.

L a création de l'Unesco, en 1945, répond à plusieurs idées, dont l'origine remonte à la seconde guerre mondiale : constatation de l'interdépendance croissante des nations, espoir qu'un organisme international peut contribuer à assurer la paix et la sécurité mondiales grâce à des efforts sur le plan de l'édu­cation, de la science et de la culture.

L'Unesco est une organisation intergouvernementale dont les Etats membres , au nombre de 30 en décembre 1946, étaient passés à 80 en décembre 1956. Quelle a été leur attitude ? Les auteurs notent qu'après l'enthousiasme des deux premières années la seule opposition systématique est venue de l ' U . R . S . S . et des pays de démocratie populaire (avant l'entrée de l'Union soviétique à l'Unesco, en 1954), ainsi que des groupes « professionnels » aux États-Unis. Cependant, l'ensemble des États membres n'ont jamais accordé qu'un appui formel à l'organisation.

Dans l'évolution de l'Unesco on peut distinguer trois phases : de 1947 à 1949, c'est la période des tâtonnements et de l'optimisme; de 1950 à 1952, c'est la crise de croissance, l'époque du mécontentement dû à l'inefficacité de l'Organisation et à ses luttes internes; de 1953 à 1956, l'intérêt pour l'orga­nisation croît, cependant que sa structure se précise. A u total, les difficultés ont frustré l'Unesco d'une partie des résultats escomptés à l'origine, mais elles ont finalement permis d'élaborer un programme général.

Les trois principaux objectifs de l'Organisation sont l'approfondissement du savoir, la création du bien-être, grâce à une offensive c o m m u n e contre cer­tains fléaux qui sévissent à l'échelle mondiale, et le développement de la c o m ­préhension internationale.

Quelles tâches ont été menées à bien dans le cadre de ce programme ? Le succès de l'aide spéciale aux pays dévastés par la guerre a dépendu, en fait, de la situation politique et économique. A u développement des connaissances ont contribué l'éducation fondamentale et permanente, les sciences sociales, les sciences exactes et naturelles, les arts, la philosophie; la création de biblio­thèques et de musées a également joué un grand rôle à cet égard. Les résultats ont été satisfaisants dans l'ensemble.

L'existence m ê m e de l'Unesco suppose que l'éducation favorise la compré­hension internationale, et que cette dernière contribue au maintien de la paix. Mais l'accueil réservé des États membres limite l'action de l'Organi­sation dans ce domaine. D'autre part, les gouvernements n'ont pas encouragé l'Unesco à lutter pour la paix aux côtés des Nations Unies.

Les organes directeurs de l'Unesco sont la Conférence générale, le Conseil exécutif et le Secrétariat avec, à sa tête, le Directeur général. L a Conférence générale conserve l'autorité suprême, mais, par suite des oppositions entre États membres, elle a échoué dans une de ses tâches essentielles : la confron-

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

tation comprehensive des idéaux et des problèmes d'éducation, de science et de culture.

L e rôle de l'Unesco a donc été un rôle marginal. Il est significatif, à cet égard, de rapprocher deux faits : l'importance de la place tenue par l ' U . R . S . S . à l'o.N.u., et son absence de l'Unesco jusqu'en 1954. L 'Unesco s'est révélée plus efficace lorsqu'elle a employé les méthodes traditionnelles pour encou­rager la coopération par le développement des connaissances. E n revanche, les efforts qu'elle a tentés pour contribuer à la compréhension internationale n'ont guère été fructueux jusqu'à présent.

Quelles sont, à la lumière de ces dix années d'expérience, les perspectives de l'Unesco ? Son objectif — promouvoir l'éducation, la science et la culture — doit manifester davantage son caractère international : les problèmes sont plus variés, la continuité plus soutenue, que dans le cadre national. L 'Unesco doit insister sur le rôle de l'individu. Enfin, il lui incombe de permettre aux États qui ont récemment accédé à l'indépendance d'occuper dans les relations internationales modernes la place qui leur revient.

L e succès des efforts de l'Unesco dépend, en dernier ressort, de la bonne volonté des États et de leur désir de coopération et de paix.

M O O R E , Barrington, Jr., Political Power and Social Theory. Six Studies, Cambridge, Mass. , Harvard University Press, 1958, xv + 215 pages.

L'auteur a groupé dans ce volume six articles sur la « nature de la politique dans les sociétés industrielles modernes ». Les principaux thèmes traités sont au nombre de trois : 1. Quelle est, dans les sciences sociales, la validité des généralisations qui ne

sont pas trop prétentieuses, et ne se réduisent pas à de simples truismes ? L a meilleure réponse à cette question doit être tirée de l'analyse des faits. Les deux premiers essais du livre tentent de formuler cette réponse à propos de deux problèmes : les procédés d'accession au pouvoir, et les éléments totalitaires dans les sociétés préindustrielles. Peut-on dégager, à partir des faits, un schéma théorique de la prise du pouvoir ? Le totalitarisme est-il u n phénomène spécifique des sociétés industrielles ? L'auteur répond affirmativement.

2. Les sciences sociales doivent-elles, sur le modèle des sciences naturelles, se constituer en une théorie généralisée du comportement humain ? Les deux essais suivants tentent de répondre à cette question. D ' u n e part, l'auteur se refuse au « scientisme » des sciences sociales contemporaines, et affirme qu'il y a encore beaucoup à tirer des grandes synthèses du xixe siècle; d'autre part, il marque très vivement sa méfiance envers les tentatives théoriques et abstraites de Parsons et de ses disciples.

3. Les deux derniers essais se proposent d'étudier la façon dont évolueront dans la société contemporaine, d'une part, une réalité sociale — la famille — d'autre part, « le conformisme » (conformity) des sociétés industrielles. Sur l'évolution familiale, l'auteur adopte des vues légèrement différentes de celles de Parsons et Baies.

Ces essais situent leur auteur dans une position intermédiaire parmi les socio­logues américains; ils le montrent également éloigné des « empiristes » et des « statisticiens », partisan des vues globales et des études d'ensemble, mais rebelle à un formalisme trop abstrait et trop théorique. L e style très vif et le ton parfois polémique de ces essais en rehaussent encore l'intérêt.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

N A F Z I G E R , Ralph O . ; W H I T E , David M . , ed. Introduction to Mass Communications Research, Baton Rouge, Louisiana State University Press (1958), x + 244 pages, 5 dollars.

Jusqu'à une date très récente, les recherches effectuées dans le domaine de l'information et de l'opinion publique avaient un caractère descriptif; elles se limitaient à l'étude des cas particuliers, sans chercher à en extraire des règles théoriques susceptibles d'application générale. L a perspective méthodolo­gique du présent ouvrage, totalement différente, lui confère d'emblée la rigueur des sciences inductives et mathématiques. Cette recherche de la précision dans la démarche et de la systématisation dans les résultats ressort des principales divisions de l'ouvrage, qui analyse l'application des méthodes fondées sur l'expérimentation, l'observation et la statistique, au cas parti­culier de l'information et de ses incidences sur l'opinion.

U n h o m m e politique — le sénateur Kennedy — se plaignait que la vie politique « fût saturée par l'immense pouvoir de l'information et de la propa­gande »; un théoricien, L a Piere (dans Theory of Social Control), pense au con­traire que le contrôle social ne résulte que pour une faible part de ces diffé­rents modes intellectuels et affectifs de communication avec les masses. U n e telle divergence fait ressortir l'intérêt qu'il peut y avoir pour le chercheur à obtenir une réponse objective, fondée sur une méthode expérimentale. Les niveaux de l'expérience sont ceux m ê m e s de toute induction : il faut successivement poser le problème sous la forme d'une hypothèse, effectuer des expériences pour établir une corrélation entre les phénomènes, géné­raliser les résultats, et éventuellement procéder à leur mise en forme logis­tique.

E n effet, pour résoudre un problème, il est nécessaire de le poser, et cette partie n'est ni la plus évidente ni la plus simple du travail. Prenons, à titre d'exemple, quelques travaux déjà effectués sur la corrélation entre les atti­tudes résultant de la lecture de nouvelles d 'un intérêt immédiat ou plus lointain ( W . S c h r a m m ) , le rôle des motivations personnelles dans la sélection et la déformation des informations (H . K a y , T . N e w c o m b , M . A . Turner, P . J. Deutschmann), la diversité des réactions d 'un auditoire en fonction de la manière dont un récit est présenté (R. F . Carter). Il y aura lieu, dans tous ces cas, de dissocier minutieusement les objectifs principaux des objectifs secon­daires, et de déterminer avec précision les éléments de l'induction (variables dépendantes et variables indépendantes) entre lesquels la corrélation devra être établie.

A côté des méthodes expérimentales (susceptibles d'être utilisées au labo­ratoire et en bibliothèque) se placent les méthodes d'observation, qui saisissent phénomènes et sujets dans leur milieu naturel — « sur le vif »; ces deux types de méthodes sont, bien entendu, complémentaires. L'observation peut prendre diverses formes : étude directe du comportement, interview, questionnaire, ou combinaison de ces procédés. Étudiée et utilisée depuis assez longtemps déjà par les instituts de sondages tels que les instituts Gallup, ou les centres de recherches, tels que le National Opinion Research Center, elle dispose d 'un arsenal de méthodes et de techniques lui permettant d'éviter les nombreux pièges qui menacent sociologues et spécialistes de la psychologie sociale : techniques d'échantillonnage (assurant que les échantillons sélectionnés au hasard le sont effectivement), détermination des types d'interviews, du rôle et de la personnalité de l'interviewer, manière de poser les questions (permet­tant d'éviter les équivoques et de ne pas influencer le sujet interrogé, etc.).

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Le courant le plus jeune et le plus révolutionnaire est caractérisé sans contre­dit par l'application de la statistique aux études d'opinion; bien que récente, cette méthode a déjà pourvu la psychologie sociale d'instruments éprouvés, dont J. E . A l m a n , D . White et P . J. Deutschmann étudient les modalités d'utilisation et l'avenir. Cette importance croissante des méthodes quantita­tives et de mesure, qui caractérise tant la psychologie que la sociologie, ne doit pas cependant dissimuler ce fait essentiel que « mesure » ne signifie pas forcément « objectivité », et que la mesure n'est valable et féconde que si les conditions de l'objectivité sont préalablement réalisées.

Gunnar Myrdal soulignait naguère que le sociologue et le spécialiste de psychologie sociale n'échappaient pas aux jugements de valeur résultant de leur situation et de leur perspective propres — problème particulièrement redoutable, si l'on songe qu 'un grand nombre d'études, enquêtes et recherches d'opinion sont effectuées à l'instigation et grâce aux fonds d'organismes privés, relevant du m o n d e de la presse ou des affaires.

Aussi est-ce sur une invitation à l'objectivité scientifique que se conclut cet ouvrage, fondamental pour tous ceux qui s'intéressent aux problèmes de la presse et de l'information, et non moins précieux pour ceux qui s'intéressent à la méthodologie des sciences sociales en général et qui y trouveront des techniques précises et détaillées d'étude de l'opinion.

W I T T F O G E L , Karl A . Oriental Despotism. A Comparative Study of Total Power, N e w Haven , Yale University Press, 1957, xx + 556 pages.

L a majeure partie de cet ouvrage est consacrée à l'étude du despotisme, tel qu'il s'est exercé dans les sociétés traditionnelles, notamment en Orient. Après avoir analysé ce m o d e de gouvernement, l'auteur le rapproche du régime communiste existant à l'heure actuelle en U . R . S . S . et en Chine : la c o m p a ­raison occupe tout un chapitre. L e professeur Wittfogel prend soin de signaler en note que ses articles sur les sociétés asiatiques ont paru jusqu'en 1929 dans la revue officielle du Komintern.

Bien qu'il emploie l'expression usuelle « despotisme oriental » dans le titre de l'ouvrage, il souligne qu'il serait plus juste de parler de « société hydrau­lique » : ce type de société est, en effet, caractérisé par la coexistence de petits producteurs agricoles et d 'un pouvoir central qui effectue de grands travaux d'irrigation et de régularisation des cours d'eaux. Il faut donc, pour qu'il apparaisse, que les conditions géographiques et climatiques rendent de tels travaux nécessaires. E n raison de la disproportion entre la faiblesse des petits cultivateurs isolés et l'étendue du pouvoir et des ressources de l'État, les citoyens sont alors incapables d'exercer la moindre influence sur leurs diri­geants, et le régime évolue rapidement vers le despotisme absolu. Le gouver­nement a un caractère à la fois absolutiste (c'est-à-dire que son autorité n'est pas efficacement limitée par des forces non gouvernementales) et autocratique (c'est-à-dire que les décisions des dirigeants ne sont pas soumises au contrôle de forces intragouvernementales). C e despotisme n'est nullement « bienfai­sant », c o m m e on l'a souvent prétendu; au contraire, il aboutit à une oppres­sion permanente contre laquelle la loi, les traditions culturelles, etc., n'offrent aucune sauvegarde. L'individu se trouve donc condamné à vivre dans la terreur, la soumission et la solitude absolues.

L'auteur passe de l'étude de la « société hydraulique » à celle du régime soviétique, en s'appuyant essentiellement sur l'idée que les bureaucrates constituent, en fait, la classe dominante d'une telle société. Il soutient que sa

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

conception d u despotisme asiatique, où il voit u n type particulier de régime différent des diverses formes d'absolutisme qui ont existé en Occident, et sa notion d 'une classe dominante composée de bureaucrates dont le pouvoir n'est pas fondé sur la propriété privée sont confirmées par les écrits de M a r x , d'Engels et de Lénine, quoique la position prise à cet égard par ces auteurs — et surtout par les deux derniers — ait parfois varié. (Engels adopte u n e autre thèse dans L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État. Lénine a abandonné le concept de « m o d e de production propre à l'Asie », de 1914 jusque vers 1921 — époque où il a c o m m e n c é à être troublé par certaines ressemblances entre le despotisme asiatique, décrit par M a r x , et la situation existant en Russie soviétique, d u fait que dans les deux cas u n pouvoir central fort effectuait de grands travaux et exerçait son autorité sur une masse de petits producteurs isolés.) Selon le professeur Wittfogel, ce sont précisément d'inquiétantes analogies de ce genre qui ont conduit les h o m m e s d'étude et les théoriciens soviétiques (sous l'influence de Staline) à répudier complètement, à partir de 1931, l'idée d ' u n m o d e de production asiatique et à identifier depuis lors le système de gouvernement des sociétés asiatiques traditionnelles avec le féodalisme. Les communistes chinois, pour leur part, s'en sont constam­m e n t tenus à cette conception, n'ayant jamais admis l'existence, dans l'histoire chinoise, de formes particulières de despotisme bureaucratique distinctes d u féodalisme occidental.

C e livre suscitera inévitablement de violentes controverses, et les arguments de l'auteur ne sont pas tous absolument convaincants. Mais il s'agit sans aucun doute d 'une étude originale et brillante, qui doit présenter u n vif intérêt m ê m e pour des lecteurs ne partageant pas les opinions qui y sont exprimées. T o u t c o m m e dans la Study of History de Toynbee , on y trouve de multiples exemples, fondés sur une connaissance approfondie des sociétés chinoise, indienne, polynésienne, amérindienne, etc.

LIVRES REÇUS

A D A M S , Randolph G . Political Ideas of the American Revolution ; Britannic-American Contri­butions to the Problem of Imperial Organization, 1765 to 1775, 3 e éd. (avec un nouveau commentaire de Merrill Jensen), N e w York, Barnes and Noble (1958), in-8°, vin + a 16 pages, fig., ill., bibliogr; 1,50 dollar.

Réédition d'un ouvrage classique, publié pour la première fois en 1952, dont la longue note de Merrill Jensen souligne l'actualité.

ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE EUROPÉENNE. DIVISION ÉTUDES, INFORMATION ET D O C U ­M E N T A T I O N . L'application du traité instituant la C.E.C.A. au cours de la période transitoire (préface de M . Robert Schuman) , Luxembourg, Service des publications des c o m m u ­nautés européennes, 1958, in-8°, 2g4 pages.

Bilan des activités de la C . E . C A . après quatre années de fonctionnement. Problèmes auxquels les pays participants ont dû faire face, en particulier celui des relations exté­rieures de la Communauté .

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

B A R N E T T , Clifford R . ; en collaboration avec Robert J. Feldmann, John C . Fiske, Peter Malof, Florence K . Nie rman . Poland : its people, its society, its culture, N e w H a v e n , H . R . A . F . Press (1958), in-8°, iv 4 - 471 pages, cartes, bibliogr. {Survey or world cultures).

Tableau de la Pologne envisagée sous ses aspects historique, linguistique, religieux, politique, économique, culturel, etc.

C A S T A Ñ E D A , Jorge. Mexico and the United Nations (preparé pour le Colegio de Mexico et la Dotation Carnegie pour la paix internationale), N e w York , Manhat tan publishing C o , 1958, in-8°, xii 4" 244 pages. {National Studies on International Orga­nization) .

Après avoir étudié les diverses prises de position d u Mexique au sein des Nations Unies, l'auteur examine le problème des ententes régionales pour la défense des intérêts des petits pays et le maintien de la paix, et propose n o t a m m e n t une union « p a n latino-américaine » excluant les États-Unis.

C L E M E N S , René . Les relations humaines dans l'industrie. Synthèse des discussions de la conférence de Rome, janvier-février rg$6 (préface de Camillo Pellizzi), Liège, I m p r . H . Vaillant-C a r m a n n e , 1958, in-8°, vin 4 - 96 pages.

Conclusions des principales sous-commissions réunies pendant cette conférence consa­crée à la structure et à l'organisation de l'entreprise, aux principes et aux méthodes de direction du personnel, aux problèmes qui se posent au niveau de l'atelier.

C O H E N , Nathan E d w a r d . Social Work in the American Tradition, N e w Y o r k ( H . Holt and C o . ) T h e Dryden press, 1958, in-8°, x n 4" 404 pages, bibliogr.; 4,75 dollars.

Les diverses étapes d u développement d u travail social étudiées en fonction de l'évo­lution politique, économique et démographique des Etats-Unis.

F R I E D L A N D E R , Walter A . , éd. Concepts and methods of social work. Englewood Cliffs, Prentice-Hall, 1958, in-8°, x 4 - 308 pages, bibliogr., 4,50 dollars. {Prentice-Hall Sociology Series.)

A partir d'exemples concrets, l'auteur analyse le rôle et le but du travail social et en définit les trois principales méthodes d'action.

L U D W I G , Mario, éd. Cotton industry in a world economy {The) ; Official Report on the Inter­national Cotton Conference Held at Venice, Italy, from the ssnd to the 28th September, 1Q57, Manchester, International Federation of Cotton and Allied Textile Industries, 1958, in-8°, 288 pages, fig.

Contient no tamment u n exposé d u D r W . T . Kroese sur l'industrie d u coton en Europe occidentale et sa place dans l'économie mondiale, avec de nombreuses statistiques sur l'évolution de la production, de la consommation et d u c o m m e r c e d u coton et d'autres textiles dans les divers pays européens. D'autres exposés traitent de l'industrie d u coton au Japon, en Inde et aux États-Unis.

D I C K , William E . Atomic Energy in Agriculture, N e w York , Philosophical Library, 1957, in-8°, x 4- 150 pages, fig., pi. hors texte. {The Atoms for Peace Series.)

D a n s l'agriculture, les applications de l'énergie atomique se sont révélées très rapi­dement fructueuses : modifications génétiques, étude de la photosynthèse, lutte contre les parasites, conservation des aliments — tels sont les principaux domaines dans lesquels des résultats encourageants ont été obtenus.

E A R L E , Margaret Jane. Rakau Children From Six to Thirteen Tears, Wellington, Victoria University, 1958, in-8°, 108 pages (Victoria University of Wellington, Publications in Psychology, n° 11. Monographs on Maori social Life and Personality, n° 4 ) .

Verification, en particulier à l'aide du « Children's Apperception Test », d 'une série d'hypothèses concernant la personnalité des enfants maori de six à treize ans, et conclu-

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

sions générales sur la jeunesse maori, à partir des trois études précédemment parues dans la m ê m e série.

E D D I N G , Friedrich. Internationale Tendenzen in der Entwicklung der Ausgaben für Schulen und Hochschulen (Tendances internationales dans l'évolution des dépenses en matière d'enseignement), Kiel, 1958, in-8°, vi + 166 + 156 pages, D M . {Kieler Studien. Forschungsberichte des Instituts für Weltwirtschaß an der Universität Kiel. Hrsg von Fritz Baade, 47.)

Les dépenses consacrées à l'enseignement dans les principaux pays, depuis le début d u xx e siècle, n'ont cessé de s'accroître, en valeur absolue et relative; il en résulte d'impor­tantes conséquences pour l'avenir économique de ces pays et la structure de leur enseignement. U n e annexe de 156 pages donne des tableaux statistiques détaillés.

FiNNiE, David H . Desert enterprise : the Middle East Oil Industry in its Local Environment, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1958, in-8°, xn + 224 page?, pi. hors texte, cartes, bibliogr. ; 5 dollars. (Harvard Middle Eastern Studies.)

Les problèmes humains et politiques qui se posent aux compagnies pétrolières et l'évolution économique des pays d u Moyen-Orient. U n e place importante est réservée à l'étude des conditions de travail, ainsi qu 'à celle de la composition et de l'origine d u personnel employé par chaque compagnie.

F R È R E , Suzanne. Madagascar ; panorama de VAndroy, Paris, Éditions Aframpe, 1958, in-40, 200 pages, fig., pi. h. t., cartes. Bibliogr.

Résultats de la première enquête socio-démographique effectuée à Madagascar, sur la région de l'Androy, dans le sud de l'île. Étude du m o d e de vie et de l'économie, et conclusions du sondage en ce qui concerne le mouvement naturel de la population et les caractéristiques de l'émigration dans cette région.

G A M B A S I N , Angelo. / / Movimento sociale neW Opera dei congressi ( 1874.-1 go4) ; contributo per la storia del cattolicismo sociale in Italia, R o m e , Aedes Universitatis Gregorianae, 1958, in-8°, xx + 743 pages, dépl.; 4 0 0 0 lires. (Analecla Gregoriana cura Pontificia« Universitatis Gregorianae edita, vol. X C I . Series facultatis historia« ecclesiasticae, section

B , n° 16.) L 'Opéra dei Congressi e Comitati Cattolici a fédéré les associations catholiques ita­liennes pendant la période étudiée; son activité sociale a permis à ses animateurs de se forger petit à petit une doctrine, qui a influencé la pensée de l'Église.

G I L L M A N , Joseph M . The Falling Rate of Profit : Marx's Law and its Significance to Twentieth-Century capitalism, N e w York, Cameron associates, 1958, in-8°, xn + 172 pages, fig., dépl. bibliogr.; 5 dollars.

L a loi marxiste de la baisse tendancielle du profit ne s'applique pas de façon automa­tique aux pays de capitalisme évolué, l'impérialisme et l'exportation de capitaux ne suffisant pas à absorber la plus-value dans ces pays : la consommation intérieure doit donc y augmenter. Mais, d u fait qu'ils sont en contradiction avec la logique d u capi­talisme, les moyens utilisés à cette fin contribuent à en intensifier la crise générale.

G O L A Y , John Ford. T/¡e Founding of the Federal Republic of Germany, Chicago, the Uni ­versity of Chicago Press, 1958, in-8°, x n -f 299 pages, bibliogr.; 5 dollars.

Étude de l'influence exercée par les gouvernements alliés lors de l'élaboration de la loi fondamentale allemande de 1949. Principales caractéristiques de cette constitution, qui suit en fait la tradition constitutionnelle et politique de l'Allemagne. E n annexe, texte de la constitution.

G O L D R I N G , M a r y . Economies of Atomic Energy, N e w York, Philosophical Library, 1957, in-8°, 179 pages, pi. hors texte, 3 dollars. (The Atoms for Peace Series.) L'énergie atomique en Grande-Bretagne : les centrales nucléaires, la production d'élec­tricité, les problèmes d'investissement.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

H A A G , William G . The Archeology of Coastal North Carolina, Baton Rouge , Louisiana State University Press, 1958, in-40, xii + 136 pages, ill., bibliogr. ; multigraphié, 3 dollars. {Louisiana State University Studies. Coastal Studies Series, n° 2.)

Étude archéologique, géographique, botanique, géologique de la région d u cap Hatteras sur la côte de la Caroline d u Nord .

H A L N A N , K . - E . Atomic Energy in Medicine, N e w York, Philosophical Library, 1957, in-8°, x + 157 pages, fig., bibliogr. (The Atoms for Peace Series.)

L'utilisation des isotopes radio-actifs a permis de faire progresser très rapidement la recherche biologique, et l'on peut espérer des résultats importants dans de nombreux domaines.

H A M U Y , Eduardo; S A L C E D O , Danilo; S E P Ú L V E D A , Orlando; avec la collaboration d u professeur Guillermo Briones y de Adela de Contreras. El primer satélite artificial; sus efectos en la opinión pública, Santiago du Chili, 1958, in-8°, 132 pages. (Universidad de Chile, Instituto de Sociología, 4.)

C o m p t e rendu détaillé d 'une enquête par sondage sur les réactions de l'opinion publique chilienne au lancement d u premier satellite artificiel soviétique.

H A R O L D L A S K I I N S T I T U T E O F P O L I T I C A L S C I E N C E ( T H E ) . Laski Institute Review, vol. 1,

n° 1, décembre 1956, A h m e d a b a d , 1956, in-8°, 72 pages, portr. hors texte. Première livraison d 'une revue semestrielle, publiée par u n jeune Institut indien de science politique, sous la direction du professeur P . G . Mavalankar. Articles et documents sur H . Laski, et sur la vie politique et constitutionnelle de la République indienne. L e m ê m e institut a publié depuis 1956 plusieurs brochures intéressantes, c o m m e : J. L . D H O L A K I A , Parliamentary Democracy in India, a Symposium ; Some aspects of Economic Growth in Underdeveloped Countries ; Sri P R A K A S A , Democracy and parliamentary government ; Kenneth R I V E T T , Economics and economy, etc.

H A R R Y , George L . , en collaboration avec Moukhtar Ani, Mildred C . Bigelow, John Cookson, Sheila C . Gillen... Jordan ; its People, its Society, its Culture, N e w H a v e n , H . R . A . F . Press, 1958, in-8°, vi + 246 pages, cartes, bibliogr. (Survey of World Cul­tures.)

Monographie fort complète de la Jordanie envisagée sous ses aspects historique, politique, culturel, etc.

K N O X , Robert, An Historical Relation of Ceylon (avec une introduction de S. D . Sapa-r amadu) , M a h a r a g a m a , Samian Press, 1958, in-8°, ex + 304 pages, pi. hors texte, carte dépl. portr. hors texte, bibliogr.; 10 roupies. (The Ceylon Historical Journal, vol. V I , juillet 1956 - avril 1957, n 0 B 1-4.)

Réédition, précédée d 'une biographie de l'auteur (1606-1720), d ' un ouvrage sur le m o d e de vie et l'histoire de Ceylan, paru à Londres en 1681.

L E B E U F , Jean-Paul. Application de l'ethnologie à l'assistance sanitaire, Bruxelles, Institut de sociologie Solvay, 1957, in-8°, 95 pages, bibliogr. (Université libre de Bruxelles, Institut de sociologie Solvay, Études coloniales, fase. IV.)

Modalités d 'une contribution de l'ethnologie aux programmes d'assistance sanitaire. Des exemples précis illustrent la nécessité d 'une telle coopération pour permettre aux peuples primitifs de s'intégrer sans heurts au m o n d e moderne.

L E V Y , H y m a n , Jews and the National Question, éd. américaine revisée, N e w York, C a m e r o n Associates, 1958, in-8°, 96 pages.

Point de vue marxiste sur deux grands problèmes contemporains : la position de l'État d'Israël dans le m o n d e , et la situation des Juifs en Union soviétique.

M A R C H A L , Jean; L E C A I L L O N , Jacques. La répartition du revenu national ; ire partie, Les participants, t. 1, Les salariés, t. 2 , Les entrepreneurs, agriculteurs, prêteurs, bénéficiaires de

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

transferts. Paris, Éditions M . T h . Génin, Librairie de Médicis, 1958, 2 vol. in-8°, 669 et 389 pages, fig., cartes; 3 600 et 2 400 francs.

Première partie d 'un très important ouvrage qui tente de renouveler la théorie de la répartition d u revenu national dans les pays de capitalisme évolué, en intégrant à l'analyse des processus et des catégories de participants les facteurs sociologiques trop souvent négligés par les économistes.

M C I N T I R E , William G . Prehistoric Indian Settlements of the Changing Mississippi River Delta, Baton Rouge , Louisiana State University Press, 1958, in-40, x + 113 pages, ill., cartes dépl., bibliogr. ; multigraphié, 5 dollars. {Louisiana State University Studies. Coastal Studies Series, n° 1.)

Étapes de l'évolution de la civilisation de l ' h o m m e préhistorique sur la côte de Louisiane et renseignements fournis par les vestiges de cette civilisation en ce qui concerne l'évo­lution géologique du delta du Mississipi.

M O O R E , Harry Estill. Tornadoes over Texas ; a study of Waco and San Angelo in Disaster, Austin, University of Texas Press, 1958, in-8°, xxiv + 334 pages, fig., carte; 5 dol­lars. {Research Publication in Mental Health for the Hogg Foundation.)

C o m m e n t les habitants et les différents services des deux villes de W a c o et de San Angelo ont réagi à la catastrophe provoquée par l'ouragan de mai 1953.

N I P P O N S H A K A I G A K U K A I C H O O S A I I N K A I (Comité de recherches de l'Association japo­

naise de sociologie), Nippon Shakai no kaisooteki-Koozoo (La société japonaise contem­poraine : sa structure de classes, Tokyo, Yuhikaku (Lib.), 1958, in-8°, 407 + 23 pages). (Texte en japonais. R é s u m é en anglais.)

Résultats d'une vaste étude sur la structure de la société japonaise contemporaine, effectuée en 1955 par le Comité de recherche de l'Association japonaise de sociologie, en collaboration avec les universités japonaises, et complétant un précédent rapport de 1952. Tableaux et statistiques commentés concernant la répartition des professions et des classes, ainsi que la mobilité sociale; description des enquêtes effectuées dans les grandes villes.

O R R , M y r i a m , Le test de Rorschach et l'image maternelle, Paris, Groupement français du Rorschach, 1958, in-8°, 104 pages. {Monographies du Bulletin du groupement français du Rorschach.)

L a découverte d u « choc au vide » et la relation primitive de l'enfant à la mère; ses conséquences pour l'interprétation des principaux résultats du test de Rorschach.

P A L L A D I N O , Giuseppe, La recessione económica americana. Sinlomi. Cause. Riniedi (presenta­tion de Alberto de Stefani), R o m e , A . Signorelli, 1958, in-8°, 183 pages; 1 500lires.

L a récession américaine de 1958 montre ce qui risque de se produire toutes les fois que l'État cesse d'arbitrer le jeu économique, surtout lorsque participent à ce jeu des entreprises géantes dont l'autofinancement échappe à tout contrôle.

PoTViN, R a y m o n d H , An Analysis of Labor-management Satisfaction within the Enterprise Councils of Belgian Industry. Abstract of a dissertation..., Washington, T h e Catholic University of America Press, 1958, in-8°, vi + 52 pages. {The Catholic University of America. Studies in Sociology. Abstract Series, n° 11.)

Résultats d'une vaste enquête effectuée en Belgique pour étudier les réactions des délégués à l'égard des diverses dispositions prises par les conseils d'entreprise.

Problems Arising from the Teaching of Personality Development {The), Keele, T h e U n i ­versity college of North Staffordshire, 1958, in-8°, 138 pages, bibliogr., 12 shillings. (The Sociological Review, Monograph, n° 1.)

L a pédagogie contemporaine cherche à faciliter l'épanouissement des jeunes; ce livre contient une série de rapports sur les problèmes que pose l'enseignement des techniques utilisables à cet effet.

138

D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

R A U S C H E R , Anton, Subsidiaritätsprinzip und Berufsständische Ordnung in « Quadragésimo Anno ». Eine Untersuchung zur Problematik ihres gegenseitigen Verhältnisses, Munster, Aschendorffsche Verlagsbuchhandlung, 1958, in-8°, 156 pages, bibliogr.; 9,80 D M . {Schriften des Instituts für Christliche Sozialwissenschaften der Westfälischen Wilhelms Universität Munster. Hrsg von Joseph Höffner, vol. 6.)

Partant d'une analyse de l'Encyclique « Quadragésimo A n n o », l'auteur démontre qu'il n'y a pas contradiction entre le « principe de subsidiarité » et l'organisation des corps professionnels; ces derniers ne sont que l'application de ce principe à une écono­mie considérée c o m m e une fonction vitale de la société.

R o N D O T , Pierre, L'islam et les musulmans d'aujourd'hui, Paris, Éditions de l'Orante, 1958, in-12, 375 pages, cartes, dépl., bibliogr. {Lumière et nations, 2.)

U n eminent spécialiste du Moyen-Orient analyse ici les éléments religieux, sociaux et politiques de l'islam à la lumière d u passé, mais surtout en les situant dans le contexte des problèmes contemporains; il décrit les aspects divers et mouvants de l'islam moderne et étudie la possibilité d 'une entente entre musulmans et chrétiens contre le matérialisme moderne.

R O S I E R , R a y m o n d . L'application des lois sociales à Madagascar, Tananarive, 1958, in-40, 375 P a g e s ) bibliogr.; multigraphié. (Université de Bordeaux, faculté de droit, thèse en vue d u doctorat en droit.)

L'auteur ne se contente pas de citer et de commenter les diverses lois sociales en vigueur à Madagascar : il les situe dans leur cadre politique, économique et ethnique; il ana­lyse les problèmes qu'a posés leur élaboration ainsi que les modalités de leur appli­cation dans les diverses régions de l'île.

R O W A N , Margaret Bright, Cooperativas de consumo de Puerto Rico. Análisis socio-economico, Mexico, Colegio de Ciencias Sociales, 1957, in-8°, 247 pages. (Universidad de Puerto Rico, Colegio de ciencias sociales, Centro de investigaciones sociales, Estudio.)

U n e enquête effectuée en 1950-1951 a permis de préciser l'historique, les fonctions économiques et le rôle social des coopératives de consommation, que le gouvernement de Porto Rico encourage activement.

S C H Ü R M A N N , Karl Heinz. Zur Vorgeschichte der christlichen Gewerkschaften, Fribourg, Verlag Herder, 1958, in-8°, iv + 170 pages, bibliogr.

Les différentes étapes de l'histoire d u syndicalisme chrétien en Allemagne, depuis A . Muller et F . von Baader jusqu'à la fin d u xixe siècle; rôle des principaux dirigeants et promoteurs, et coopération entre les deux confessions, catholique et protestante.

T A E U B E R , Irene B . The Population of Japan, Princeton, Princeton University Press, 1958, in-fol., x x + 461 pages, ill., cartes, bibliogr., 15 dollars. (Princeton University, Office of Population Research.)

Étude très documentée et approfondie de la structure de la population au Japon, sur­tout depuis le début d u xx e siècle, et de son évolution dans les différentes régions, par suite des transformations économiques, politiques et sociales. D e nombreux tableaux et statistiques et une importante bibliographie analytique complètent ce très précieux instrument de travail.

Uruguay and lhe United Nations (préparé par le Uruguayan Institute of International L a w pour la Dotation Carnegie pour la paix internationale). N e w York, Manhattan Publishing C o . , 1958, in-8°, xii + 1 2 9 pages. {National Studies on International Organ­ization.)

L'Uruguay a été l'un des premiers promoteurs'd'une organisation internationale pour la paix; il a toujours adopté au sein des Nations Unies des positions claires, qui sont étudiées ici avec précision et à l'aide de textes officiels.

!39

R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

V A L I , F . A . Servitudes of International Law ; a Study of Rights in Foreign Territory, 2 e éd., Londres, Stevens and Sons, 1958, in-8°, xvi + 349 pages, fig., cartes, bibiiogr. ; 2 livres sterling 10 shillings.

Histoire, doctrine et pratique des droits qui limitent le caractère absolu de la souve­raineté territoriale des États.

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III. INFORMATIONS DIVERSES

LE PREMIER CONGRÈS ITALIEN DE SCIENCES SOCIALES

par A L E S S A N D R O P I Z Z O R N O

Les deux thèmes de discussion choisis pour le ïer Congrès italien de sciences sociales — tenu à Milan au début de juin 1958 — n'étaient pas, à pre­mière vue, de nature à contribuer à l'efficacité des travaux. Ni la question de l'interdépendance des diverses sciences sociales, ni celle des rapports entre la ville et la campagne ne pouvaient évidemment être traitées utilement en trois jours. Mais cette sélection n'en était pas moins raisonnée.

L e choix du premier thème (interdépendance des diverses sciences sociales) répondait à une alternative qui se pose à l'Association italienne de sciences sociales depuis sa création, sur le plan des méthodes et sur celui de l'organisa­tion : n'être qu'une association de « sociologie » plus ou moins large, ou admettre l'unité de base de toutes les sciences sociales et la nécessité d'une coordination entre elles; grouper les seuls sociologues, qui ne sont pas très nombreux en Italie, à l'heure actuelle, ou s'efforcer d'établir, entre les divers chercheurs et spécialistes des sciences sociales, des liens et des contacts régu­liers, propres à favoriser dans la pratique leurs activités — qu'il s'agisse d'études, de recherches ou d'enseignement. L a seconde solution ayant prévalu, il était logique que PA. I .S .S . consacrât une partie des travaux de son premier congrès à un examen d'ensemble des principes méthodologiques qui ont présidé à sa fondation. O n ne pouvait certes pas espérer aboutir à des conclusions précises sur ce thème — trop traditionnel à certains égards, trop peu étudié encore dans ses aspects nouveaux. Mais l'essentiel était d'attirer l'attention sur ces pro­blèmes et de tenter de les clarifier.

L e choix du deuxième thème était dicté à la jeune association italienne par des considérations précises. C'est, en effet, non seulement un thème classique de sciences sociales, mais encore l'un de ceux qui, à différents points de vue et dans le cadre de diverses disciplines, ont été le plus étudiés dans le pays, depuis qu'il a réalisé son unité. Certaines communications faites au congrès témoignent amplement de la persistance de cet intérêt. Il convient de signaler aussi à ce propos la tradition politico-culturelle des méridionalisli, de Giustino Fortunato à Guido Dorso et Rossi Doria, le développement des études d'éco­nomie agricole en Italie, et surtout l'effort — désordonné, confus et prématuré certes, mais fécond et unique en son genre — que représentent les « recherches sur l'Italie méridionale ». C e dernier courant — depuis l'ouvrage de Carlo Levi, Le Christ s'est arrêté à Eboli, en passant par Scotellaro, Dolci et bien d'autres — a produit non seulement des œuvres sociologico-littéraires, mais aussi d'authentiques travaux scientifiques, bien que, le plus souvent, ceux-ci n'aient pas dépassé le stade du rassemblement des données, de la documenta­tion, de l'exposé des faits, etc. Nous n'hésitons pas à dire qu'il demeurera la manifestation culturelle la plus représentative de l'Italie depuis la libération

141

R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

et qu'il exprime, au moins en partie, l'exigence actuelle d 'un renouvellement scientifique des études sociales italiennes. C'est également à ce courant que l'on doit d'avoir fait admettre la notion de « civilisation rurale », qui, sans doute, a été maintenant abandonnée au profit de concepts plus adéquats, mais qui a servi en son temps d 'arme de choc contre la vogue des simplifica­tions historiques.

L e thème « ville et campagne » s'imposait donc surtout parce qu'il était temps de systématiser, d'ordonner, dans un effort de généralisation, les données accumulées dans ce domaine, et, tout en continuant à exploiter cette veine encore riche, de marquer le début d'une phase de réflexion et de réorganisation méthodique.

Le congrès est-il parvenu à le faire ? Pour répondre à cette question il faut naturellement tenir compte non seulement des trois jours consacrés aux dis­cussions, mais encore de tous les travaux préparatoires dont fait état le pre­mier volume des actes : recherches, rencontres, échanges de vues, qui ont contri­bué à remuer et à faire progresser la sociologie italienne. A cet égard, nous devons dire que le résultat a consisté sans doute à mettre en place les premiers éléments d'une nouvelle organisation des études sociales en Italie — non seulement parce que des thèmes nouveaux ou renouvelés ont été présentés et discutés, mais encore parce qu 'un terrain de rencontre a été trouvé pour les divers spécialistes, sur un plan nouveau, et qu'il a été possible ainsi de mettre en lumière et de confronter des activités jusqu'alors isolées. Des études et des recherches de sciences sociales se poursuivent en Italie, dans les secteurs les plus divers, en réponse, le plus souvent, à des nécessités pratiques; elles donnent sans doute des résultats positifs, mais ne peuvent servir à constituer un fonds c o m m u n de connaissances et d'expérience. Cependant, le premier volume des actes et les travaux du congrès ont montré aussi qu'en dépit d'incertitudes et d'inégalités inévitables, les études théoriques et méthodologiques ont atteint un haut degré de développement dans certaines branches des sciences sociales. L'ampleur et le nombre des sujets traités au congrès donnent naturellement l'impression d'une certaine dispersion, mais la situation est riche en possibi­lités de développement. Le meilleur m o y e n de rendre compte des travaux du congrès consiste donc à dégager les tendances les plus caractéristiques et les plus intéressantes à cultiver à l'heure actuelle.

D É F I N I T I O N S D E S S C I E N C E S S O C I A L E S .

E n règle générale, lorsqu'une discipline scientifique commence , dans un certain cadre culturel, à se donner une structure — c'est-à-dire à s'organiser sur le plan des institutions et des méthodes — les spécialistes éprouvent encore la nécessité de définir le concept m ê m e de « science ». Notre congrès n'a pas échappé à cette règle : il a réaffirmé la rupture avec la conception idéaliste de la science en général et des sciences sociales en particulier, mais il a voulu, en m ê m e temps, marquer que la science n'est plus considérée c o m m e un absolu : on ne parle plus d'évidences et de nécessités, c o m m e au siècle dernier, mais seulement de conventions et de probabilités; il n'est plus question de connaître la nature des choses, mais seulement les rapports entre des phénomènes observables; on ne distingue plus les diverses disciplines scientifiques en fonction des différents niveaux ou plans de la réalité auxquels elles correspondraient, mais d'après les méthodes, le cadre institutionnel, les conventions de base (un groupe de spé-

142

IN F O R M A T I O N S D I V E R S E S

cialistes de l'anthropologie culturelle ne partage pas cette opinion) ; enfin, il n'y a aucune utilité à opposer l'individu et la société et à adopter pour leur étude des approches scientifiques difFérentes.

Cet effort de précision et d'organisation dans le cadre italien ne pouvait manquer de s'orienter vers l'étude de deux thèmes essentiels : les sciences sociales et la méthode historique; les sciences sociales et l'action sociale.

H I S T O I R E E T S O C I O L O G I E .

L a science italienne s'est fait gloire, au moins depuis une cinquantaine d'an­nées, de sa méthode historique orientée vers la recherche de situations concrètes et opposée à la méthode abstraite ou naturaliste. O n a ensuite voulu élever l'histoire au niveau de la philosophie, provoquant ainsi une grande confusion d'idées. Accessoirement, cette situation a eu pour effet de supprimer presque complètement l'étude des sciences sociales, au point que, dans de nombreux domaines qui auraient pu donner lieu à des recherches positives — non seule­ment en sociologie mais aussi en anthropologie, en ethnologie, etc. — il n 'a rien été publié depuis le début du siècle et, en tout cas, pendant plusieurs dizaines d'années, jusqu'à la reprise récente de ce genre d'activité. E n outre, cette attitude a défavorisé l'emploi des méthodes scientifiques pour l'étude des problèmes de la société contemporaine. Seule conséquence favorable de ce regrettable état de choses : des générations entières de jeunes spécialistes, attirés par la science positive, se sont orientés vers la recherche historique, parce qu'ils étaient sensibles au prestige philosophique de cette discipline et à son incomparable valeur en tant qu'instrument de connaissance, et parce qu'elle leur apparaissait c o m m e la seule méthode d'appréhension de la réalité, du fait qu'ils ignoraient jusqu'à l'existence d'autres méthodes de recherche positive. C'était là, sur le plan sociologique, la conséquence de la prééminence de la méthode historique dans le domaine de la philosophie. L a science ita­lienne s'en ressent encore — c o m m e on le voit, non seulement chez les succes­seurs plus ou moins orthodoxes de Croce, mais aussi chez ceux qui jugent encore nécessaire de partir en guerre contre le spectre de l'idéalisme. U n e solution semble néanmoins s'esquisser, sous la forme d'une synthèse entre les positions les plus solides de 1' « historicisme » — notamment du matérialisme historique — et celles qui résultent d'une application plus stricte des méthodes des sciences de la nature et de la société —• c o m m e les philosophies anglo-saxonnes du pragmatisme et de la logique empirique en donnent l'exemple. Le livre de Giulio Preti, Praxis ed Empirismo, et la discussion féconde dont il a fait l'objet dans la revue Passato e Presente témoignent de cet effort de synthèse.

Le congrès a abordé cette question à plusieurs reprises, mais pas toujours dans le m ê m e esprit et de façon plus ou moins explicite. Passons en revue les principales conclusions qui se dégagent de ces discussions.

Considérons en premier lieu les revendications d'autonomie. Contre les prétentions à l'hégémonie, tant de l'historicisme que du scientisme, il a fallu réaffirmer : a) que les sciences sociales sont en droit de tirer certaines propo­sitions générales et certains modèles de l'analyse de faits particuliers; b) que les « modèles » utilisés dans la méthode historique constituent surtout un cadre de référence permettant de déterminer ce qu 'un événement a d'unique dans l'espace et dans le temps. Cette précision étant établie, il faut reconnaître que la méthode historique, pour être cohérente et valable, devra recourir à des

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

généralisations conformes aux modèles que les sciences sociales ont pour tâche d'élaborer et de présenter dans un ordre méthodique. Bien entendu, le socio­logue, de son côté, doit considérer dans une perspective historique les événe­ments qu'il étudie et compare. L a formule générale par laquelle s'exprime la connaissance scientifique — « étant donné ceci, il se produira cela » — n'ex­clut pas la méthode historique, qui consiste à étudier dans quelles conditions il est probable qu 'un événement ou une série d'événements se produisent régu­lièrement. Naturellement, ce recours aux données historiques est plus ou moins utile selon les différentes catégories de recherche et selon les diverses sciences sociales. Il semble qu'il le soit surtout en matière d'anthropologie culturelle : ce n'est pas par hasard que l'école américaine apparaît actuellement en réac­tion contre certaines traditions naturalistes. D e toute manière, l'un des ensei­gnements du congrès — conforme d'ailleurs à d'autres tendances qui se font jour en Italie — est que les sociologues devraient se préoccuper davantage d'ac­quérir une culture historique, et les historiens accorder plus d'importance aux questions sociologiques et aux généralisations. Les uns et les autres devraient faire un effort de collaboration et de coordination, dans le cadre de recherches précises et en vue de la solution de problèmes déterminés.

S C I E N C E E T A C T I O N S O C I A L E .

Nous avons pu constater que, m ê m e sur le plan de la définition et de la déli­mitation des différentes sciences, la question des rapports entre la science et l'action sociale se pose constamment. C e fait résulte, en partie, de la situation particulière de la sociologie italienne. D e nombreux chercheurs sont influencés par leur appartenance ou leurs liens politiques — ou simplement par leurs inté­rêts et leurs inclinations — au point que chez eux l'activité scientifique répond à des mobiles politiques ou civiques. A cet égard, l'influence directe ou indi­recte du marxisme — qui exige que les actes soient en accord avec la doctrine — est déterminante. Il faut aussi se rappeler qu'en Italie, plus encore que dans d'autres pays, les recherches sociales ont un caractère essentiellement pratique, à la fois pour des raisons financières et parce que les diverses branches de la sociologie sont toujours exclues des programmes d'enseignement. Les recherches sociales sont donc effectuées en fonction de certaines situations particulières et pour résoudre des problèmes urgents : par les centres de service social, les entreprises, les différents secteurs de l'administration publique, les centres de réforme, les instituts d'urbanisme, les syndicats, et, naturellement, les instituts spécialisés dépendant d'organisations privées. L'enseignement de la sociologie est assuré principalement par ces m ê m e s organismes. Il en résulte une hosti­lité générale à l'égard des constructions théoriques, qui contraste avec la « philosophie sociale » des rares sociologues universitaires. Cette situation confère une urgence accrue au problème — déjà important en soi — des rap­ports qui existent, ou qui devraient exister, entre la science de la société et l'action sociale. U n élément important de la question, qui a été souligné et examiné en détail par plusieurs orateurs, est le fait que les études et les recherches sociales peuvent modifier l'objet m ê m e sur lequel elles portent. O n a parlé du « principe d'indétermination sociologique », et une étude a été consacrée à l'analyse de ce phénomène, tel qu'il se manifeste lorsqu'on utilise différentes techniques de recherche — en particulier celle de l'interview; on a évoqué aussi l'importance symbolique des « auto-enquêtes » sur la c o m m u -

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I N F O R M A T I O N S D I V E R S E S

nauté et celle des rapports qui s'établissent entre l'enquêteur et le milieu où se déroule l'enquête. Partant de considérations analogues, on a proposé u n « idéal » pour les sciences d'observation d u fait humain : l'activité scientifique dans ce domaine pourrait permettre une sorte de contrôle social, en suggérant des mesures propres à modifier ou à atténuer les conflits sociaux qu'elle met en évidence. Le ton ironique et désabusé de cette proposition dissimule mal , à notre avis, l'illusion dangereuse que le spécialiste des sciences sociales peut se tenir au-dessus des conflits et travailler à les résoudre par une sorte de cathar­sis, grâce aux instruments de connaissance dont il dispose. Il nous semble, au contraire, qu'il n'existe pas d'alternative inévitable et absolue entre l'attitude scientifique qui consiste à constater les conflits d'une société en perpétuelle opposition dialectique et à se mettre au service de l'une ou de l'autre partie, et la science qui prétend pouvoir découvrir la formule idéale de la société humaine et s'efforce d'y acheminer les h o m m e s par un processus pédagogique. Certes, le m o y e n de dépasser cette alternative n'apparaît ni évident, ni facile, et c'est là un problème que tout chercheur devra continuer à se poser, à moins de s'évader dans le dogmatisme ou le neutralisme empirique. Mais il importe surtout, à notre avis, de reconnaître que, dans de nombreux secteurs de la recherche sociale, il est possible d'aboutir à un large accord, sur le plan pure­ment technique et empirique, quels que soient les objectifs individuels ou col­lectifs des chercheurs. Allons plus loin : ayant admis les propositions scienti­fiques qui expriment les fondements réels et les causes des conflits, ainsi que les conditions probables de leur règlement, le chercheur ne pourra pas logi­quement ne pas en tenir compte dans ses jugements de valeur.

« Les sciences sociales pourraient-elles être aussi bien un instrument de tyrannie et d'oppression ? » Telle est la question qui a été posée en conclusion de l'adresse inaugurale d u congrès. Pour nous, la réponse ne fait guère de doute : la science ne serait plus la science si elle renonçait à se poser les questions de fond, si elle se bornait à décrire en termes généraux les rapports entre les événements, sans chercher à mettre en évidence ceux de ces événements qui, sous une forme ou une autre, à un niveau ou à un autre, manifestent la volonté sociale — laquelle ne peut vouloir l'oppression — et sans faire connaître cette volonté au public et aux autorités. C o m m e nous l'avons dit, la question est complexe et grave; elle n'a pas échappé à l'attention de la jeune sociologie italienne.

P R I N C I P A L E S T E N D A N C E S .

Nous pouvons indiquer quelques-unes des tendances principales qui se sont manifestées dans les communications et les interventions faites au congrès. L a possibilité d 'un accord entre les branches des sciences sociales, si distinctes soient-elles, et la nécessité d'une meilleure coordination pratique entre elles, ont été évoquées par des spécialistes de disciplines aussi différentes que la psychiatrie, la santé publique, la science économique, la géographie, l'urba­nisme et la philosophie. Cet accord n'est pas la caractéristique la moins impor­tante de notre congrès. D e nombreux exemples de collaboration pratique ont été cités, au moins incidemment — notamment dans le vaste domaine des études sur la consommation. A la m ê m e tendance se rattache l'effort entrepris de divers côtés pour dépasser le formalisme qui caractérise encore en Italie certaines disciplines — particulièrement le droit et la science politique — et

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

pour donner une orientation sociologique à ces disciplines, traditionnellement isolées.

Signalons à nouveau le rejet de toute position ontologique et le dépassement de ce qu'on a appelé « l'étape naïvement objectiviste de la science, qui consiste à considérer c o m m e des expressions authentiques de la réalité les divers moments d'une généralisation logico-empirique ».

Enfin la présence de nombreux philosophes a fourni la preuve que la phase absolutiste où la philosophie sociale prétendait se passer de recherches positives est dépassée; elle a marqué aussi l'importance de la nouvelle approche scienti­fique et sociologique, qui a agi en quelque sorte c o m m e une matière explosive à l'intérieur de la pensée contemporaine.

VILLE ET CAMPAGNE.

Nous avons dit que l'étude de ce thème — ou plutôt des phénomènes auxquels il se rapporte — est bien dans la tradition italienne. O n a pu le constater de nouveau au congrès — notamment à propos d'une très intéressante étude rétrospective sur les enquêtes parlementaires depuis l'unification du pays. L ' une de ces enquêtes est célèbre : c'est celle de la commission Jacini, effectuée à partir de 1877. A l'époque, l'Italie commençait à peine sa révolution industrielle et les campagnes paraissaient encore échapper à l'influence et à l'attraction des villes industrielles. O n retrouve dans les rapports, souvent pénétrants, des commissaires nombre d'indications intéressantes. L ' u n d'eux signale, par exemple, la rupture brutale qui s'est produite entre les gens de la campagne et ceux de la ville; le citadin affecte, jusque dans son langage, une attitude distante et méprisante vis-à-vis du paysan. U n rapport parle de cercle vicieux, en évoquant les lamentables conditions de logement dans les campagnes — « l'entassement des familles de journaliers est parfois épouvantable : dans quelques masures vivent, les unes sur les autres, jusqu'à cent familles » — et l'intérêt des propriétaires au maintien de cet état de choses. Enfin, ces rapports indiquent que l'unification a provoqué l'effondrement du prestige et d u respect qui, sous l'ancien régime, entouraient le pouvoir et le patronat : derrière les nouvelles formes politiques on voit apparaître une structure différente de l'autorité et la possibilité d'une attitude critique. Dans une enquête plus récente — effectuée sur l'initiative personnelle de deux jeunes h o m m e s poli­tiques devenus célèbres depuis : Franchetti et Sonnino — le problème de l'habitat se trouve posé dans des termes qui restent actuels, les auteurs dénon­cent les inconvénients de l'habitat groupé en Italie méridionale (Péloignement du lieu de travail fait perdre du temps — parfois des journées entières — oblige à des absences prolongées du domicile etc.); ils préconisent, au contraire, u n habitat dispersé, à proximité immédiate des champs, de façon à développer aussi le sens de la petite propriété. C'est la solution qui a été adoptée depuis, dans les régions auxquelles s'applique la nouvelle réforme agraire (cette dernière expérience, encore en cours, ne tient malheureusement pas compte des possibilités nouvelles qu'offre le progrès technique pour pallier certains inconvénients, sans porter atteinte à la tradition sociale des petites villes du Sud et à leur rôle dans la structuration de la vie collective).

Il est intéressant de suivre à travers les enquêtes parlementaires successives (dont celle de Giolitti, en 1909) les conséquences de la révolution industrielle survenue entre-temps en Italie. Le phénomène le plus apparent est celui de

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I N F O R M A T I O N S D I V E R S E S

l'émigration à l'étranger — qui, à cette époque, approchait de son chiffre m a x i m u m . Les effets en étaient en général bienfaisants : rentrées de devises, investissements de capitaux dans la construction par les emigrants revenus au pays, diminution de l'offre de main-d'œuvre et apparition, en conséquence, de conditions d'emploi relativement plus équitables. D'autre part — ce phénomène a été exactement observé par les enquêteurs parlementaires — on assiste dans les campagnes à un grand développement des diverses formes d'association — politique, syndicale, coopérative, etc. E n conséquence, les paysans prennent conscience de leurs droits et de leur force. Par contrecoup, les propriétaires manifestent aux commissaires du roi leur volonté de défendre leurs privilèges et leur position, en tant que classe, en faisant intervenir le gouvernement.

L E S M I G R A T I O N S I N T É R I E U R E S .

Enfin, les enquêtes parlementaires effectuées depuis la dernière guerre révèlent l'importance d 'un nouveau problème : celui des migrations intérieures. C'est là sans doute aujourd'hui le problème sociologique capital en Italie. O n sait que le fascisme avait tenté de lutter contre ce phénomène par ses lois sur l'urbanisme — qui, en réalité, étaient souvent restées lettre morte. Aussitôt après la dernière guerre, les migrations ont repris et, dans les huit ou dix dernières années, elles ont atteint une ampleur sans précédent. Les migrations se font du sud vers le nord et, dans une moindre mesure, de l'est vers l'ouest, c'est-à-dire des régions agricoles du Midi et de la Vénétie vers le triangle Turin-Milan-Gênes, avec une pointe moins accentuée en direction de R o m e . Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les migrants viennent surtout des campagnes proches des villes d'immigration. A Milan, par exemple, la grande majorité vient des autres provinces lombardes, ensuite de la Vénétie, enfin des provinces méridionales. Il s'agit là d 'un phénomène éminemment positif : on sait que le plan de développement de Vanoni prévoit, entre 1954 et 1964, le transfert d 'un million de travailleurs environ du secteur primaire vers les secteurs secondaires et tertiaires — autrement dit des campagnes vers la ville, et, dans le cas de 600 000 personnes, du sud vers le nord. Mais on peut regretter que ces déplacements s'effectuent au hasard, sans plan préconçu, de façon désordonnée, irrationnelle, souvent clandestine. O n a présenté au congrès quelques comptes rendus de recherches en cours, qui visent à dégager certaines lois auxquelles obéit ce phénomène. Il reste cependant encore beaucoup à faire à cet égard, tant sur le plan des recherches que sur celui de l'action pratique. C'est là, d'ailleurs, un domaine où s'impose particulièrement la nécessité d'une forte organisation, d'une large collaboration des divers groupes, et d'une coordination entre la recherche et l'action administrative. Il convient de souligner que les pouvoirs locaux ont été largement représentés au congrès et qu'ils ont manifesté de diverses façons leur intérêt et leur bonne volonté — ce qui permet de présager pour les mois prochains une coopération féconde entre eux et les spécialistes des sciences sociales.

A U T R E S P R O B L È M E S .

Le congrès a passé en revue de nombreux thèmes de recherches, assez

147

R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

caractéristiques de la conjoncture italienne : réforme agraire, programmes de développement des petits villages et des faubourgs des grandes villes, étude culturelle des groupes de population de niveau inférieur en milieu rural industrialisé. U n e enquête, qui a fait l'objet de deux communications, a porté sur la persistance du caractère statique, propre à la société rurale, dans des villes relativement peuplées, situées dans une région rurale arriérée. O n a présenté notamment une analyse intéressante, concernant le goût du risque. O n a pu mesurer suivant une échelle les variations de ce goût entre le groupe des commerçants et celui des agriculteurs, et on a relevé des exemples presque symboliques de refus du risque : le fait que la construction d'une maison représente l'aspiration essentielle de toute la population, le besoin d'acquérir des objets en or, la tendance à la thésaurisation, etc.

L A N O U V E L L E C U L T U R E SOCIOLOGIQUE.

Il peut être intéressant d'analyser, d'après les enseignements du congrès, l'orientation actuelle de la jeune sociologie italienne. Cette orientation apparaît déjà, en partie, si l'on considère les sujets traités. O n peut dire brièvement que l'influence américaine s'est évidemment substituée à l'influence allemande — bien que l'on constate un réel souci de ne pas se laisser emprisonner dans des schémas américanisés trop étroits. O n observe ainsi, d'une part, une atti­tude polémique, qui tend à mettre en valeur la contribution originale des recherches américaines, et, d'autre part, le sentiment que cette polémique doit rester très mesurée. Cette substitution d'influence apparaît plus tardive, mais plus radicale, que celle qui s'est produite dans le domaine des études philoso­phiques (principalement au profit de la philosophie anglaise). O n observera que la sociologie française, la sociologie anglaise, et m ê m e la tradition socio­logique italienne exercent relativement peu d'influence. O n note bien une tentative pour renouer, dans un esprit nouveau, avec la sociologie du xixe siècle, mais elle reste assez superficielle. L'influence de Pareto n'est sensible que dans une seule communication, présentée par un économiste. O n peut enfin déceler, dans une certaine tendance de la sociologie politique, l'influence de la pensée nominaliste anglaise récente, bien que l'on s'efforce de s'en dégager.

Les recherches les plus récentes sont suivies assez généralement et attenti­vement — qu'il s'agisse de l'économie et de la sociologie du développement, des études sur la consommation, de l'élaboration de nouveaux modèles mathé­matiques, de la théorie des communications, des dernières thèses concernant le problème de la culture, du système interdisciplinaire de Parsons, etc.

C O N C L U S I O N S .

Elles ne peuvent être que provisoires, c o m m e il est naturel après une première étape. Le congrès a donné une remarquable impulsion aux études sociales — grâce à certaines de ses contributions scientifiques, et surtout au retentis­sement qu'il a eu dans un large secteur de l'opinion. L'intérêt qu'il a suscité dans la presse a été très important. Maintenant, il s'agit de donner plus d'ex­tension et de diffusion à l'œuvre commencée. Autrement dit, il faut : a) ren­forcer et coordonner l'organisation des recherches, si possible en créant un

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I N F O R M A T I O N S D I V E R S E S

organe central qui serve de pilote et de modèle , c o m m e c'est déjà le cas dans d'autres pays ; à cet effet, il faut préciser, resserrer et clarifier les rapports avec les organes d'exécution — particulièrement avec les administrations publiques et les pouvoirs locaux; b) c o m m e n c e r à jeter les bases d ' u n enseignement de la sociologie; c) favoriser la centralisation, la communicat ion et la diffusion, à tous les niveaux, de l ' immense matériel de documentation qui présente u n intérêt pour les spécialistes des sciences sociales, les bibliographes, etc. ; d) en­courager l'établissement de contacts organisés et périodiques entre les grou­pements qui s'intéressent, d ' une part, à la recherche et, d'autre part, à l'action sociale; de tels contacts seraient moins étendus mais plus utiles que ceux qui peuvent avoir lieu à l'occasion d ' u n congrès; e) favoriser l'établissement de contacts analogues avec les groupements étrangers.

REUNIONS TENUES EN 1958 PAR L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES SCIENCES ECONOMIQUES

U n e réunion du comité exécutif a eu lieu à Corfou (Grèce), le 3 septembre 1958. Étaient présents : le professeur Erik Lindahl (Suède), président; le professeur Louis

Baudin (France), vice-président; le professeur E . A . G . Robinson (Royaume-Uni), trésorier; le professeur Gottfried Haberler (États-Unis d'Amérique); le professeur W . G . Hoffmann (République fédérale d'Allemagne) ; le professeur W . A . Joehr (Suisse); le professeur Ichiro Nakayama (Japon), membres. Absent : le professeur Eugenio Gudin (Brésil). M . K . Szcerba-Likiernik, du Département des sciences sociales, représentait l'Unesco.

Le comité exécutif a étudié les dispositions à prendre en vue de la réunion du Conseil de I 'A.I.S.E., qui doit avoir lieu en septembre 1959, en m ê m e temps qu'un colloque sur l'inflation.

Le comité exécutif a examiné la possibilité d'organiser de temps à autre des congrès publics à l'occasion des réunions du conseil. L a secrétaire a signalé qu'elle avait reçu du président de l'Association autrichienne une proposition tendant à tenir un congrès soit à Salzbourg, soit à Vienne, en m ê m e temps que la session de 1962 du conseil. Le comité exécutif a estimé qu'en organisant des congrès tous les six ans on contribuerait utilement à faire connaître l'activité de I'A.I.S.E. à un plus grand nombre de membres des associations nationales. Il a décidé de recommander au conseil de prévoir, en éta­blissant les plans de travail pour 1962, la réunion d'un nouveau congrès au cours de cette année, éventuellement en Autriche.

Le président, M . Robinson et M . Haberler ont rendu compte d'une « réunion d'éco­nomistes », organisée à Bursa par l'Unesco, avec le concours de I'A.I.S.E., à laquelle participaient notamment des spécialistes d'Europe orientale. Le comité a examiné les conclusions que l'on pouvait tirer de cette réunion en ce qui concerne les genres de sujets qui se prêtent le mieux à de tels débats. Il est apparu que les discussions ont chance d'être plus faciles lorsque les questions idéologiques restent au second plan et que les différences entre la terminologie classique et la terminologie marxiste ne jouent pas un rôle trop important.

Le trésorier a présenté un bref rapport sur le cours de perfectionnement que I 'A.I.S.E. avait organisé quelques semaines auparavant à Murree (Pakistan), en exécution d'un contrat conclu avec l'Unesco, à l'intention des professeurs de sciences économiques (niveau supérieur) ; les premiers comptes rendus reçus montrent que ce cours, qui ren­trait dans le cadre du programme Unesco de participation aux activités des États

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

membres , a suscité un vif intérêt chez les économistes pakistanais, et que les résultats obtenus semblent satisfaisants.

L e comité exécutif a examiné la question des activités futures : ï. Il a décidé, sur la proposition du professeur J. Dunlop (Université Harvard), de

patronner une conférence d'économistes orientaux et occidentaux sur la producti­vité du travail et de collaborer à l'organisation de cette conférence. L'époque la plus favorable serait Pâques ou le début de l'été de 1960.

2. Le comité exécutif a approuvé les dispositions générales prises en vue de tenir une Conférence sur les problèmes relatifs au développement économique de l'Afrique au sud du Sahara. Il a été proposé que cette conférence ait lieu à Lourenço Marques (Afrique orientale portugaise) et, à titre provisoire, on prévoit qu'elle se réunira en juillet 1959. M . K . Szczerba-Likiernik a déclaré que l'Unesco s'intéressait vivement à ce projet; il s'est engagé à étudier avec ses collègues la possibilité de le faire bénéficier d'une aide financière de l'Organisation.

3. L e comité exécutif a également examiné les plans d'une conférence consacrée au progrès économique et, en particulier, aux problèmes qui se posent à ce sujet dans l'ensemble de l'Extrême-Orient; cette conférence se tiendrait au Japon, avec la participation de représentants des États de la région, de la C . E . A . E . O . et d'autres organisations dont l'action s'exerce dans cette partie du m o n d e .

4 . U n cours de perfectionnement sera organisé à l'intention des ressortissants des États sud-américains qui bordent le Pacifique, y compris surtout la Bolivie, le Pérou, l'Equateur et la Colombie. M . Szczerba-Likiernik a déclaré que l'Unesco portait beaucoup d'intérêt à ce projet.

5. L a question d u choix d u thème de la conférence annuelle de i960 a été examinée. Il a été décidé de définir de façon plus précise trois sujets possibles : a) Les finances publiques : le professeur Peacock a soumis des propositions en vue

de l'étude de cette question. b) Le « démarrage économique » : il a été décidé de charger u n comité d'élaborer

un projet de programme pour l'étude de ce thème. c) Science économique et politique économique : il a été décidé de charger u n

comité d'élaborer u n projet de programme pour l'étude de cette question. 6. Le comité a examiné d'autres projets à plus longue échéance; il s'est notamment

occupé de déterminer quelles sont les régions d u globe où l'organisation de confé­rences ou de cours de perfectionnement semble particulièrement souhaitable, et c o m m e n t ces conférences et cours pourraient être financés. Les régions où il existe en ce domaine des besoins considérés c o m m e spécialement urgents sont l'Europe méridionale et les pays méditerranéens — y compris Il'Afrique d u N o r d — le M o y e n -Orient, enfin l'Amérique centrale et les Antilles.

L e Comité exécutif a accepté les demandes d'adhésion présentées par les associations bolivienne et tchécoslovaque des sciences économiques. Enfin, sous les auspices de I 'A.I .S.E. , les livres ci-après ont paru en 1957-1958 : The Economies of International Migration ; Stability and Progress in the World Economy, publié sous la direction de D . H a g u e ; Classics in the Theory of Public Finance, publié sous la direction des professeurs M u s -grave et Peacock.

Après la réunion d u comité exécutif, un colloque sur la théorie d u capital a eu lieu du 4 au 11 septembre.

Les communications ci-après, dont le texte avait été distribué à l'avance, ont fait l'objet de discussions : « T h e essentials of a theory of capital », par F . Lutz; « T h e measurement of capital in relation to other economic aggregates », par J. Hicks; « Evaluation of« social income »: capital formation and wealth », par P . Samuelson; « Appraisal of the labor-saving and capital-saving character of innovations », par

W . Fellner; « O n measuring capital », par T . Barna; « A Dynamic growth model involving a production function », par D . C h a m p e r -

n o w n e ;

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IN F O R M A T I O N S D I V E R S E S

« T h e capital output ratio: its variation and stability », par N . Kaldor et E . D o m a r ; « S o m e findings and questions regarding the relation of the capital-output ratio to

economic growth in the U . S . A . », par R . Goldsmith; « Long-term growth and capital formation in Germany », par W . Hoffmann; « La combinaison des facteurs productifs et l'intensité du capital », par A . Barreré; « A n analysis of a market for investment goods with special reference to the sensitivity

of investment, and the substitution of capital for labour, to the rate of interest », par B . Thalberg;

« La théorie de la répartition du revenu national et les catégories de capitalistes », par J. Marchai;

« Notes toward a wicksellian model of distributive shares », par R . Solow. Les économistes dont les noms suivent, qui n'avaient pas présenté de communication écrite, ont également pris part aux débats : professeurs Louis Baudin, Jan Drewnowski (Pologne), D . Delivanis (Grèce), Marina Goudi (Grèce), N . Islam (Pakistan), P . W . Joehr (Suisse), Erik Lindahl (Suède), J. M . Little (Royaume-Uni), Malinvaud (France), Ichiro Nakayama (Japon), Piero Sraffa (Royaume-Uni), P . Sylos-Labini (Italie) et D . Todorovitch (Yougoslavie). Le professeur Douglas Hague (Royaume-Uni) a fait fonction de rapporteur.

Dans un compte rendu succinct des débats de ce colloque, il paraît difficile, sinon impossible, de résumer toutes les communications. Le mieux semble être de rapporter les impressions que le président a retenues des discussions.

E n premier lieu, les participants ont étudié la question des investissements du point de vue des entreprises individuelles. Ils sont parvenus à un accord à peu près général au sujet de la maximation du profit. Ils ont paru admettre que la réalité est trop complexe pour que les partisans d'une théorie de ce genre ne soient pas amenés à classer les entreprises suivant les conditions particulières où elles se trouvent. D ' u n autre côté, si l'on est obligé d'adopter une théorie générale, le mieux serait, semble-t-il, d'avoir recours à la notion de maximation de la valeur actuelle des profits, telle qu'elle a été formulée par Irving Fisher. Il a également été reconnu que, dans un « âge d'or » ou en période de stabilité économique, les divers critères de la maximation d u profit reviennent tous au m ê m e . Bien entendu, quelques divergences de vues se sont manifestées. M . Alain Barreré a soutenu que les machines et la main-d'œuvre sont com­plémentaires, tandis que M . B . Thalberg exposait la thèse contraire. Quoique la majo­rité des participants se soit rangée du côté de M . Thalberg, le président, pour sa part, s'est prononcé en faveur de M . Barreré. M . Frederik Lutz a regretté que ses collègues n'aient pas adopté la proposition de M . Barna tendant à élaborer une théorie plus réaliste, étant donné la grande importance que revêt ce problème pour la politique économique. Il importerait de connaître le comportement effectif des h o m m e s d'af­faires : s'ils calculent leurs profits à un taux normal, l'effet d'une modification des taux d'intérêt afférents aux investissements sera très faible.

E n second lieu, les participants ont étudié le problème de la mesure statistique et théorique du capital et du revenu social. L'écart est considérable entre les éléments qui, selon les théoriciens, devraient être mesurés et ceux que les statisticiens peuvent mesurer et mesurent effectivement. Peut-être cet écart est-il inévitable, en raison de la nature m ê m e des choses, et peut-être est-il bon qu'il en soit ainsi. Le théoricien doit fixer un but au statisticien : m ê m e si celui-ci ne peut atteindre ce but, les travaux du théo­ricien l'aident à déterminer dans quelle mesure il lui est possible de s'en rapprocher en utilisant les chiffres dont il dispose. Le débat sur le rapport entre le capital et la pro­duction a été des plus décevants. Les données statistiques fournies avaient un caractère purement empirique; les participants étaient disposés à les accepter, mais ils n'ont pu se mettre d'accord sur la manière de les interpréter. Ils ne sont pas parvenus à établir si le rapport capital-production est ou non constant. Certains paraissaient penser qu'une modification de 30 % est compatible avec la stabilité; d'autres considéraient une telle modification c o m m e l'indice d'un changement considérable. Il est donc clair qu'aucun critère de stabilité universellement admis n'a été découvert, et la question de savoir si des théories peuvent être fondées sur l'existence d 'un rapport entre le capital et la production n'a pu être tranchée. Toutefois, un accord a été réalisé sur certains points

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

précis — par exemple, sur le fait que le progrès technique doit nécessairement abaisser le rapport capital-production; de m ê m e nul n'a contesté la définition donnée par M . W . Fellner des inventions qui économisaient des capitaux et de la main-d'œuvre.

L a troisième grande question examinée a été celle des modèles dynamiques présentés par différents participants. Malgré toute l'admiration que lui inspirait l'habileté de leurs auteurs, M . F . Lutz s'est déclaré préoccupé par la multiplication de ces modèles. E n variant les hypothèses, on pourrait continuer à en construire presque à l'infini. Tout le m o n d e était prêt à admettre, avec M . N . Kaldur, que ces modèles ne doivent pas perdre contact avec la réalité et que les phénomènes observés doivent être expliqués; mais, c o m m e les participants n'ont m ê m e pas pu se mettre d'accord sur la nature des phénomènes observés, cela n 'a pas servi à grand-chose. M . Lutz a proposé que, d'ici dix ou quinze ans, le soin d'étudier tout ce qui a trait à la théorie d u capital soit laissé aux chercheurs empiriques. Il nous faudrait en savoir davantage non seulement sur le rapport moyen capital-production, mais encore sur les rapports capital-production existant dans chaque secteur de l'économie. Il importerait aussi de mieux connaître les modifications de la structure industrielle et de l'importance relative des différents secteurs économiques, les taux de profit et bien d'autres phénomènes du m ê m e genre. Si les chercheurs empiriques pouvaient nous fournir des renseignements sur ces diffé­rents points, nous saurions ce qu'il nous faut expliquer et quelles hypothèses ont un caractère réaliste — ce qui nous permettrait de construire des modèles plus utiles, moins précis peut-être, mais plus conformes aux faits. L e Président a souligné qu'à son sens il n'y a pas lieu de faire de « l'art pour l'art » en matière de sciences économiques. Il n'est pas question de condamner la construction de modèles; mais ceux qui s'y emploient doivent se garder de perdre le contact avec le réel.

Les participants ont, enfin, étudié la possibilité de faire reposer une théorie de la distribution sur la théorie de la productivité marginale. Certains ont admis cette possibilité; d'autres l'ont rejetée. M . Jean Marchai, par exemple, s'est prononcé sans réserve en faveur d'une théorie de la répartition fondée sur la pression des groupes sociaux; mais, jusqu'ici, il n 'a fait que jeter les bases d'une telle théorie. U n e forte majorité des participants s'est déclarée franchement contre le principe marginal, mais sans indiquer par quoi on pourrait le remplacer. Peut-être cette discussion encou-ragera-t-elle ceux que la théorie de la productivité marginale ne satisfait pas à élaborer un système fondé sur des principes nouveaux.

LA TRENTE ET UNIEME SESSION DE L'INSTITUT INTERNATIONAL DE STATISTIQUE

Bruxelles, 2-8 septembre 1958

L'Institut international de statistique a tenu sa trente et unième session à Bruxelles, du 2 au 8 septembre 1958. Des délégations officielles envoyées par 24 gouvernements, 7 organisations internationales, 8 organisations internationales et nationales affiliées à l'i.i.s. et 7 autres organisations s'intéressant à la statistique assistaient à cette réunion. Environ 130 membres de l'institut et 200 autres personnalités ont participé aux tra­vaux. L'Unesco était représentée par M . B . A . Liu, chef de la Division de statistique.

L a cérémonie d'ouverture a eu lieu au « Petit Auditoire », dans l'enceinte de l'ex­position. L'allocution de bienvenue de M . R . Scheyven, ministre des affaires écono­miques de Belgique, a été suivie de discours prononcés par le représentant d u baron M o e n s de Fernig, commissaire général à l'Exposition universelle et internationale, le professeur G . Darmois, président de l'i.i.s., et M . A . Dufrasne, président du Comité d'organisation de la session.

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I N F O R M A T I O N S D I V E R S E S

Les séances de travail ont eu lieu, à raison de deux le matin et deux l'après-midi, au Palais des congrès Albertine, nouveau bâtiment officiel aménagé en vue de servir de siège aux réunions internationales (on y trouve des installations pour l'interpréta­tion simultanée, des services bancaires et postaux, etc.). Parmi les quelque quatre-vingts communications présentées au cours de la session, figurait un document intitulé « Measuring the educational level of the population: a methodological study », rédigé par M . Liu et M l l e Pineda.

Après la clôture de la session, le comité de l'enseignement de la statistique de l'i.i.s. s'est réuni le lundi 8 septembre, à l'Institut national de statistique, pour examiner le programme de l'i.i.s. en matière d'enseignement pour les deux prochaines années; M . Liu a pris part aux débats de ce comité.

Le gouvernement japonais a officiellement invité l'i.i.s. à tenir sa prochaine session à Tokyo en i960; mais c'est au bureau de l'institut qu'il appartiendra de fixer la date et le lieu de cette session.

UN COLLOQUE INTERNATIONAL A L'UNIVERSITE DE STRASBOURG

24-27 mars 1958

U n colloque international a eu lieu à la faculté des lettres de l'Université de Strasbourg, sous la présidence d'honneur de M . Jean Babin, recteur de l'Académie. Le thème en était « Le mouvement ouvrier de 1929 à 1939, de la grande dépression à la deuxième guerre mondiale (la crise économique et les autres facteurs d'évolution du mouvement ouvrier, les modes d'action, les buts visés dans les divers pays, les liens entre la vie syndicale et la conjoncture économique) ».

Cette rencontre était due à l'initiative de l'une des commissions du Comité inter­national des sciences historiques, la Commission internationale d'histoire des mouve ­ments sociaux et des structures sociales, présidée par M . Georges Bourgin, directeur honoraire des Archives de France. Cet organisme est rattaché à l'Unesco par l'inter­médiaire du Conseil international de la philosophie et des sciences humaines. L 'une de ses fonctions est d'assurer la liaison entre les historiens, les économistes et les sociologues notamment. Jusqu'ici il a fait porter ses recherches sur les xixe et xx e siècles. Mais des travaux relatifs aux structures sociales au x v m e siècle sont en cours et des enquêtes sur les mouvements sociaux actuels sont envisagées.

Seize rapports avaient été préparés pour le colloque de Strasbourg par quelques-uns des meilleurs spécialistes des sciences humaines, dans les pays suivants : République fédérale d'Allemagne, Etats-Unis, France, Italie, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni , Suède, U . R . S . S . , Uruguay. Ils avaient trait au mouvement ouvrier entre 1929 et 1939 dans ces pays ainsi qu'en Belgique, en Argentine et au Chili.

Quarante-cinq participants ont pris part au colloque : M . Georges Duveau, vice-président de la commission; M m e Denise Fauvel-Rouif, secrétaire générale de la commis­sion; M M . R . von Albertini, C . Balfour, A . Barjonet, J. M . Bartel, E . Bull, A . Chabert, B . S. Chlepner, J. Colton, W . Conze, E . Coornaert, M . de la Cueva, M . David, G . del B o , J. Dhondt, P . Dollinger; le R . P . P . Droulers; M M . J. Droz, R . Dufraisse, J. T . D u n -lop, U . Fedeli, G . Feltrinelli, W . Fraeys, B . Gille, G . Goriely, W . Haacke, F. de Jong, T . Lindbom, G . Livet, V . Lorwin, E . Lousse, F . Ponteil, R . Portai, A . Protopopov; M m e L . Riva-Sanseverino Gilardi; M M . A . J. C . Ruter, B . Seidel, M . Simon, E . F . So-derlund; M m e E . Stepanova; M M . V . Troukhanovski, L . Valiani, C . Vannutelli; M l l e O . Voilliard. Ils appartenaient à douze pays, quinze institutions nationales et cinq grandes organisations internationales. Les principaux pays de l'Europe occiden­tale, l ' U . R . S . S . , les États-Unis, l'Amérique latine étaient représentés.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

L a séance d'ouverture était présidée par le professeur Félix Ponteil, directeur de l'Institut d'études politiques, président du comité régional de l'Unesco. Dans son allocution, le professeur Ponteil s'est félicité que des représentants de disciplines diffé­rentes eussent consenti à venir discuter en c o m m u n des m ê m e s problèmes.

M . Emile Coornaert, professeur au Collège de France, qui présidait la séance de clôture, a tiré les premières conclusions des exposés et des débats, lesquels avaient été du plus haut intérêt. Il s'est fait aussi l'interprète de tous les délégués pour remercier la secrétaire générale de la commission, M m e Denise Fauvel-Rouif, d'avoir su organiser ce colloque, de s'efforcer, depuis 1953, de faire étudier les mouvements sociaux sous tous leurs aspects et dans toute leur complexité, en recourant aux compétences les plus diverses, et enfin de s'appliquer, c o m m e l'avait préconisé le président Robert Fawtier, à abattre les barrières qui empêchent les synthèses indispensables de s'élaborer.

O n envisage de préparer de nouveaux rapports, destinés à compléter ceux qui avaient été établis pour les entretiens de Strasbourg, en vue de la onzième session d u Congrès international des sciences historiques, qui se tiendra à Stockholm en i960.

L' « INTERNATIONAL DIRECTORY OF PSYCHOLOGISTS »

Cet ouvrage, le premier en son genre, contient de brèves informations biographiques sur 7 000 psychologues originaires de 91 pays autres que les États-Unis; il a paru en juin 1958. Il a été établi par un comité dépendant de la National A c a d e m y of Sciences et du National Research Council des États-Unis d'Amérique, sous la présidence d u professeur E . G . Boring, de l'Université Harvard, avec la collaboration de M . E . H . J acob -son, rédacteur en chef, et H . C . J. Duijker, rédacteur pour les pays européens.

Les psychologues sont classés par pays, dans l'ordre alphabétique des n o m s . Chaque notice fournit les indications suivantes : adresse, date de naissance, titres universitaires, fonctions principales, associations professionnelles dont l'intéressé est m e m b r e , publi­cations qui paraissent sous sa direction, principales activités professionnelles et ques­tions auxquelles il s'intéresse particulièrement.

C e répertoire, dont la préparation a commencé en 1955, a été élaboré avec le concours de l'Union internationale de psychologie scientifique et des grandes sociétés de psycho­logie nationales et internationales.

Prix : 2,50 dollars (2,75 dollars avec les frais de port). Adresser les commandes aux librairies, ou directement à l'éditeur : Royal Vangorcum Ltd., Assen, Pays-Bas. L e paiement peut s'effectuer par mandat.

CREATION D'UNE SOCIETE D'HISTOIRE DE LA TECHNOLOGIE

Cleveland, Ohio

E n vue d'évaluer les incidences de l'évolution technique sur la société, un groupe de spécialistes s'est réuni afin de constituer une nouvelle organisation sous le n o m de Society for the History of Technology. Cette société organisera des réunions d'étude consacrées aux différents aspects de l'histoire technologique et publiera un journal

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I N F O R M A T I O N S D I V E R S E S

trimestriel, Technology and Culture, consacré à l'étude de la technologie et de ses relations avec la société et la culture.

Parmi les membres du comité exécutif, signalons : M M . Melvin Kranzberg, prési­dent (Case Institute of Technology), William Fielding Ogburn (Université de Chicago), et Lynn White, Jr. (Mills College). Et parmi les membres du conseil consultatif : M M . Bert Loewenberg (Sarah Lawrence College), Robert K . Merton (Université Columbia), Lewis Mumford (Amenia, N e w York), et David Riesman (Université de Chicago).

Toutes les demandes de renseignements doivent être adressées au professeur Melvin Kranzberg, R o o m 315, Main Building, Case Institute of Technology, Cleveland 6, Ohio.

DOTATION CARNEGIE POUR LA PAIX INTERNATIONALE

(CENTRE EUROPEEN)

172, route de Ferney, Grand-Saconnex, Genève

P R I X SUR L 'ORGANISATION INTERNATIONALE.

En vue d'encourager en Europe l'étude des organisations internationales, d'aider les jeunes chercheurs à publier leurs travaux et, d'une manière générale, de mettre à la portée du public des écrits intéressants dans ce domaine, la Dotation Carnegie organise chaque année un concours international, dont le dernier a lieu en 1959.

Règlement.

1. Sujet. Les envois pourront traiter de n'importe quel aspect de l'activité des orga­nisations internationales, à condition qu'ils soient basés sur une analyse approfondie de la pratique. Ils ne devront ni constituer de simples considérations abstraites sur la nature et l'utilité des organisations internationales, ni être seulement des descriptions d u fonctionnement de ces institutions. Pour ce concours, on entendra par le terme « organisation internationale » toute institution intergouvernementale de caractère général ou régional.

2 . Date de clôture. Afin d'être pris en considération pour l'attribution des prix de 1959, les envois devront parvenir avant le Ier juillet 1959.

3. Conditions d'admission. C e concours, étant organisé pour encourager les personnes qui n'ont pas encore eu l'occasion de faire connaître leurs travaux, n'est ouvert qu 'à des concurrents n'ayant pas publié plus d 'un ouvrage ayant trait à l'histoire, au droit ou aux sciences sociales. Toutefois une thèse imprimée à u n nombre limité d'exemplaires ne sera pas considérée c o m m e un livre.

Pour faciliter la sélection, il a été prévu de diviser les envois en deux catégories. L a première sera ouverte aux manuscrits et la seconde aux livres déjà imprimés. Toute thèse entrant dans le cadre du concours pourra être admise.

Tous les concurrents devront satisfaire aux conditions suivantes : a) Nationalité : être ressortissant d u R o y a u m e - U n i , de l'Eire ou d ' u n pays de

l'Europe continentale ou avoir résidé dans l'un de ces pays pendant dix ans au moins au Ier juillet 1959.

b) A g e : avoir moins de quarante ans au Ier juillet 1959.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

4 . Langues. Les travaux pourront être rédigés en anglais, en français, en italien ou en allemand.

5 . Présentation de l'envoi. L e s envois d e la section « manuscri ts » doivent être dactylo­graphiés e n d o u b l e interligne sur u n seul côté d e la feuille. L e s copies a u c a r b o n e sont acceptées à condition d'être très lisibles. L e s ouvrages publiés seront envoyés d a n s l'édition définitive i m p r i m é e . L ' e n v o i se fera e n cinq exemplaires d a n s l 'un et l'autre cas.

6. Longueur. Les envois devront comporter environ 90 000 mots, ou 300 pages imprimées. Les travaux seront jugés pour leur valeur et non d'après leur longueur.

7. Le jury. L e jury sera composé de cinq spécialistes des questions internationales, dont trois Européens, un Nord-Américain et u n représentant d ' u n autre continent.

8 . Nature des ¡nix. a) Dans la section « manuscrits », le prix Carnegie comportera une récompense de

cinq cents dollars en espèces; l'ouvrage primé sera en outre publié aux frais de la Dotation;

b) Dans la section « livres », le prix Carnegie comportera une récompense de mille cinq cents dollars en espèces;

c) U n e mention honorable de deux cent cinquante dollars sera également décernée dans chaque catégorie;

d) A u cas où le jury estimerait qu 'aucun envoi n'est digne d u prix Carnegie, il pourrait alors décerner des récompenses spéciales ou distribuer plusieurs mentions hono­rables.

9. Clause éliminatoire. Toute personne étant employée, ou ayant été employée par la Dotation Carnegie, est exclue d u concours.

Tous les envois de la correspondance devront être adressés à l'adresse susmentionnée.

RÉSULTATS DES PRÉCÉDENTS CONCOURS

¡955- Catégorie « Livres » : p r emie r prix, Stanley H o f f m a n n , Organisations inter­nationales et pouvoirs politiques des États ; m e n t i o n honorab le , Pierre F . Brugière, Les pouvoirs de l'Assemblée générale des Nations Unies en matière politique de sécurité. Catégor ie « Manuscrits » : premier prix, David W i g h t m a n , « Economie co-operation »; mention honorable, F . S. Northedge, « Intellectuals and the League of Nations ».

1956. Catégorie « Manuscrits » : premier prix, M o h a m m e d Bedjaoui, « Fonction publique internationale et influences nationales ». Catégorie « Livres » : mention hono­rable : R o m a i n Yakemtchouk, « L ' O . N . U . , la sécurité régionale et le problème d u régionalisme ».

1957- Catégorie « Manuscrits » : premier prix, Jean Salmon, « L e rôle des organi­sations internationales en matière de prêts et d'emprunts ». A u c u n autre prix n 'a été décerné.

1958. Catégorie « Livres » : premier prix, Jean B u c h m a n n , A la recherche d'un ordre international; m e n t i o n hono rab l e : H . P h . Visser't Hoof t , Les Nations Unies et la conser­vation des ressources de la mer. Catégorie « Manusc r i t s » : m e n t i o n honorab le : J. E . H a v e l , « L e s États Scandinaves et l'intégration e u r o p é e n n e » .

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DICEMBRE 1958 A . M A T H I O T - De la IVe à la V e République 549 J. G . K E R W I N - La Costituzione vivente 576

The Living Constitution 598 K . L . H E R C Z E G - II mercato comune, passo avanti verso Tintegrazione europea.... 612

The Common Market, A N e w Stage on the Road to European Integration... 628 A . D E V I T A - I capitali personali e la loro struttura nei paesi del M E C 638

Personal Capital and its structure in the European Common Market Countries. 657

Note e discussioni F . D E B Y S E R - Les bombardements italiens contre les populations civiles françaises. U n e légende qui

renaît 672 P . BiscARETTi D I R U F F I A . - Costituzioni dei passato recente e recentíssimo 680 R . R A I N E R O - L a situazione interna délia Tunisia dall'indipendenza ad oggi 697 G . N I R C H I O - A proposito di vecchia e nuova sociologia 713 Attività degli Istituti Congresso delia M o n t Pèlerin Society (Princeton, 8-13 settembre 1958) 717 B . L E O N I - Economie L a w s and Land Reform in Italy 718 Mesa Redonda dell'Instituto de Investigaciones Sociales y Económicas (Cittã di Messico, 20-27

settembre 1958) 726 Convegno su « L a Coniunità Económica Europea e i Paesi Terzi » 726 Convegno de « II M u lino » sul piano décennale delia scuola 735 Lauree in scienze politiche (Pavia, novembre 1957-dicembre 1958) 740 Recensioni e Segnalazioni (vedi indice pai?. 547). A N N O XXIII N . 4 .

Subscriptions for 1Q59 (4 issues): Students Foreign $4.00; Foreign Regular $5.00. Separate issues: Sr.50; back numbers: $2.00. Mail, subscriptions {checks or money-orders), and requests for separate issues and reprints should be sent to:

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T H E C O M M U N I S T E C O N O M I C A L F E N C E S by R . L . Allen, University of Virginia

D I S E N G A G E M E N T by H . I. Macdonald, University of Toronto

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THE AMERICAN ECONOMIC REVIEW Volume XLVIII December 1958 Number 5

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Review Articles Foreign Trade Policy J. M . LETICHE

Communications T h e Wage-Push Inflation Thesis L. E. C A L L A W A Y The Permanent Income Hypothesis:

Comment R O B E R T EISNER Comment M I L T O N FRIEDMAN Rejoinder H . S. H O U T H A K K E R

The American Economic Review, a quarterly, is the official publication of the American Economic Association and is sent to all members. The annual dues are six dollars. Address editorial communications to Dr. Bernard F. Haley, Editor, American Economic Review, Stanford University, Room 220, Stanford, California; for information concerning other publications and activities of the Association, communicate with the Secretary-Treasurer, Dr. James Washington Bell, American Economic Association, Northwestern University, Evanston, Illinois. Send for information booklet.

acta sociológica Scandinavian Review of Sociology Skandinavische Zeitschrift für Soziologie Revue Scandinave de sociologie

CONTENTS

Vol. 3, Fase, i : Hans L. Zetterberg: Compliant Action Bo Anderson: S o m e Notes on Operationism and the Concept of Validity Joachim Israel: Remarks Concerning Generalization in Group-Experimental

Research Rafael Helanko: Sports and Socialization

In coming issues: Verner Goldschmidt: Social Role of the Judicial Authorities P. Sloth Carlsen and Martin Ulv: A Study in Notability Jergen Andersen: O n the Theory of Social Medicine Sverre Holm and Stein Rokkan: Sociology in N o r w a y Heikki Waris: Sociology in Finland Torben Agersnap: Distance and Internal Migration

A C T A S O C I O L Ó G I C A is published quarterly in English, G e r m a n or French. Subscriptions are by one volume only. Orders should be m a d e to Ejnar Munksgaard, Nörregade 6, Copenhagen, D e n m a r k , or to any international bookseller. T h e subscription price is D a n . K r . 4 0 per volume plus postage.

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Articles de fonds : Science politique, économie politique, économie sociale,

sociologie du travail, sociologie africaine, psychologie sociale, sociographie, etc.

Chronique du mouvement scientifique.

Notices bibliographiques : Notes et documents, comptes rendus critiques.

Acquisitions de la bibliothèque.

Chronique de Vinstitut.

Informations.

S y n t h è s e s Revue mensuelle internationale paraissant à Bruxelles sous la direction de Maurice L A M B ILL IO T T E

Sommaire du numéro 152 de janvier 1959

Editorial : Une étapr de haute libération, par Maurice L A M B I L L I O T T E ; Ver* l'unité du monde,

par René D E K K E R S ; U n écrivain parle d'astrologie, par Henri M I L L E R ; Les lignes fondamen­

tales d'une synthèse du Grand Univers, par Alfred H E R R M A N N ; Résurrection et nouveauté

de Bayreuth (1951-1958), par Jacques F E S C H O T T E ; La révolte de> Barbares, selon A . Toynbee,

par André D E V Y V E R ; Vers un humanisme scientifique, par Liliane R O U S S E L ; Jan Cr hoft",

par Fr. CLOSSET ; Le Yoga, un chemin hindou vers le « soi-même », par X X X .

Chroniques : Paris, spectacle permanent, par Jean L E O ; Chronique littéraire, par Marcel

L E C O M T E ; Chronique des essais, par Fernande L A N C K S W E I R T ; Les livres d'histoire, par

Marc V A R E N N E ; Chronique des revues, par Christiane T H Y S - S E R V A I S ; Synthèses de la

presse étrangère, par D R O G M A N ; Le monde de l'est vu par lui-même, par Guy de B O S S C H E R E .

Secrétaire de rédaction: M » « Christiane T H Y S - S E R V A I S , 230, rue J.-Fr. de Becker, Woluwé Saint-Lambert, Bruxelles

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LA REVUE DE DROIT INTERNATIONAL DE SCIENCES DIPLOMATIQUES ET POLITIQUES

(THE INTERNATIONAL LAW REVIEW) fondée à Genève en 1923 par A N T O I N E S O T T I L E

est la S E U L E revue paraissant en Suisse en matière de droit international, de sciences diplomatiques et politiques. Elle préconise la rénovation du droit international, la renaissance de la justice mondiale, la souveraineté effective du droit, la solidarité internationale, la morale dans la politique internationale, le développement de l'esprit international, le règlement pacifique des conflits internationaux, la défense des droits des petits Etats pour autant que la soi-disant liberté de presse et les devoirs de neu­tralité le consentent. Paraissant au siège européen de l'Organisation des Nations Unies, la R E V U E D E DROIT INTERNATIONAL est à même de faire rapidement connaître et apprécier avec sûreté les règles que stipule la communauté des nations.

La Revue de droit international paraît tous les trois mois, en livraisons de go à 135 pages. Les articles sont publiés dans la langue de leurs auteurs. Numéro spécimen (arriéré) contre envoi de 4,90 fr. suisses net. A B O N N E ­M E N T : Union postale, 61,50 fr. suisses net. —-Suisse, 59,50 fr. net. Tous les abonnements sont annuels et partent du numéro de janvier. Toute c o m m a n d e faite par l'intermédiaire de librairies peut être augmentée de 20 %. (La revue est honorée de souscriptions de gouvernements.)

Directeur : D' Juris Antoine Sottile c. d. Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, consul, lie. en philos.,

anc. docent de droit international à l'Université de Genève, membre de la Société américaine de droit international, de l'Association internationale de droit pénal et de l'Académie diplomatique internationale.

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Social Science Evidence and the School Segregation Cases H E R B E R T GARFINKEL

Edmund Burke's Conception of the Role of Reason in Politics FRANCIS P. C A N A V A N . S.J.

Notes on a Theory of State Constitutional Change: The Florida Experience. . . WILLIAM C. H A V A R D

The Politics of French Christian Labor. . S A M U E L H . B A R N E S Plus short notes, book reviews, and news of the profession.

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SOCIAL RESEARCH Revue trimestrielle internationale fondée en 1934 et publiée par la

GRADUATE FACULTY OF POLITICAL AND SOCIAL SCIENCE de la New School for Social Research, New York

Contents for Winter 1958 ( Volume 25, Number 4)

France from the Fourth to the Fifth Republic. Otto Kirchheimer

Exchange Rates within a C o m m o n Market. . Leland B. Yeager

National Security in a Nuclear A g e . . . . Kenneth W. Thompson

Bacon, Bruno, and the Eternal Recurrence. . Howard B. White

O n 'Americanizing' the American Indian

(Note) Horace M . Kallen

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Revue publiée au printemps, en été, en automne et en hiver. Abonnement annuel : $7.50 ; étranger : $8.00 ; l'exemplaire : $2.00.

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Contains in Volume XII, Number 4, Autumn IQ58

I. Articles Europe and the N A T O Shield Arnold Wolfers T h e Challenge of Regionalism Ernst B. Haas Soviet Policy in E C A F E : A Case Study of Soviet

Behavior in International Economic Organi­zation Alvin Z . Rubinstein

Budget ing for the United Nat ions Gerard J. Mangone and AnandK. Srivastava

II. Comprehensive S u m m a r i e s Recent activities of United Nat ions organs a n d of the Specialized Agencies. Recent activities of major regional a n d functional organizations.

III. Selected Bibliography Pertinent books a n d articles in A m e r i c a n a n d foreign periodicals

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Director: Dr . Lucio Mendieta y Núñez .

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norteamericanos y europeos

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PUBLICATIONS SUR LES SCIENCES SOCIALES MANUELS TECHNIQUES

Guía para la clasificación de los datos culturales {1954, 284 p.), St.00. Adaptation espagnole de Outline of Cultural Materials de G . P . Murdock, à l'usage des Human Relations Area Files. Teoria y práctica del estudio de áreas (1955, 86 p.), $0.50. Adaptation espagnole de Area Research: Theory and Practice, par J. H . Steward, du Social Science Research Council des États-Unis. Guía de campo del investigador social, premier fascicule (1956, 100 p.), So.50 ; deuxième fascicule (r957, 84P-)i So.50 ; troisième fascicule (1958, 85 p.), $0.50. Adaptation espagnole de Notes and Queries on Anthropology d'un comité du Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland.

MONOGRAPHIES Irrigation Civilizations: A Comparative Study (1955, 78 p.), $0.50. Compte rendu d'un colloque, par J. H . Steward, K . A . Wittfogel, etc. La traduction espagnole est en vente. Programa de historia de la América Indígena (1957, 76 p.), So.50; par Pedro Annulas. Première partie : América pre-Colombiana. Studies in Human Ecology (1957, 138 p.), $1.00. Série de lectures données à 1'Anthropological Society de Washington. Bibliografia dê las Plantaciones. (1957. 93 PP-) U.S.$1.00. By Edgar T . Thompson. Middle American Anthropology. (1958, 60 pp.) U.S.So.50. First Part. Special Symposium of the American Anthropological Association. An Archeological Chronology of Venezuela. (1958, 278 pp.) U.S.$1.00. First part. B y I. Rouse and J. M . Cruxent.

RÉPERTOIRES Guía de instituciones y sociedades en el campo de las ciencias sociales : Vol. II : Amérique latine (1954, édition revisée, 184 p.), So.50. Directorio de publicaciones periódicas en el campo de las ciencias sociales : Vol. I : Amérique latine (1955, 83 p.), S0.20.

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THE EASTERN ANTHROPOLOGIST

A QUARTERLY RECORD OF ETHNOGRAPHY, FOLK CULTURE AND GENERAL ANTHROPOLOGY PUBLISHED BY THE ETHNOGRAPHIC AND POLK CULTURE SOCIETY, U.P.

Editor: D . N . Majumdar. Foreign Editor: Professor C . von Furer-Haimendorf.

V O L U M E X I I , N o . 2

Notes and Comments

What is a'Tribe'? by D . N . Majumdar

Social Uses of Funeral Rites . . . . by David G . Maudelbaurn

Features of Kinship in an Asur Village. . by R . K . Jain

'Long Breath' and 'Taking Fire': Cultural

Survivals in Games of Chase . . . . by Paul G . Brewester

Caste and Occupation in a Malwa village . by K . S. Mathur

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Dinámica Social

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Centro de Estudios Económico-Sociales

(Centre d'études économiques et

sociales), paraît mensuellement en

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calle Libertad 1050.

D I N Á M I C A S O C I A L , qui est entrée en septembre 1957 dans sa huitième année

d'existence, est devenue depuis peu une revue largement illustrée, avec

une section de caractère technique, industriel et scientifique, à côté de

ses pages politiques et littéraires habituelles.

Dans cette nouvelle section ont été jusqu'à maintenant présentées de

grandes entreprises industrielles c o m m e Pirelli, Fiat, Cinzano, Italmar,

Celulosa Argentina, Lepetit, etc.

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G . B R A G A , Stratificazione e mobilità sociale nell'Unione Soviética.

F . A L B E R O N I , U n ' indagine psicológica sui fattori culturali dello sviluppo econó­mico e sociale.

A . M I O T T O , Antropologia strutturale e antropologia cultúrale.

G . M I R A , Intorno al carattere bancário dei Monti di Pietà.

Bibliografia italiana dell scienze sociali.

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Indexed in the International Index to Periodicals, N e w York, N e w York, Psycho­logical Abstracts and the Bulletin of Public Affairs Information Service.

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REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES ADMINISTRATIVES

S O M M A I R E D U V O L . X X I V (195 8), N° 4

J. POOBTEHMAN Des diplomates et de leur statut. F. BECKER Les rapports Donoughmore et Franks : deux importantes

tentatives de limiter le pouvoir discrétionnaire de l'admi­nistration britannique *.

P. L E V I T La procédure administrative tchécoslovaque. R. K . G O O C H Le budget américain de 1958 *. A . CocATRE-ZiLGiErv La nature juridique des mesures d'ordre intérieur en droit

administratif français. E . G A R C Í A D E E N T E R R Î A Aspects de l'administration consultative *. J. V A N D E N D R I E S L'influence de la politique dans la vie de l'administration en

Belgique. E. DEVONS L'administration en vase clos *.

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politische Monatsschrift des gebildeten Bürgertums : traditionsbewusst und fortschrittlich. Die

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J. R . Christiansen

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A Rural Community at the Urban Fringe Albert Schaffer

The Place of Returning Migrants in a Stratification System . William H . Form and

Julius Rivera

Church Participation Related to Social Class and Type of Center. . Victor Obenhaus, W . Widick Schroeder and Charles D . England

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Editor : J. Allan Beegle

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Bernard L A V E R G N E : Le raz de marée des élections législatives françaises des •23-30 novembre 1958, ou le massacre des compétences. Le général de Gaulle est-il allé à Canossa ? Le général de Gaulle et le problème algérien.

Geoffrey F R A S E R : Le Maroc à un tournant de son histoire.

V . R A D A : La stratégie du commerce extérieur soviétique.

Maurice R O H A N : La République fédérale allemande à l'heure de la recartellisation.

Bernard L A V E R G N E : La diplomatie du général de Gaulle vis-à-vis de l'Allemagne, de l'Angleterre et des États-Unis.

S P E C T A T O R : Le retour des Xazis dans l'Allemagne fédérale.

Bernard L A V E R G N E : L'hégémonie du consommateur dans l'ordre économique comme dans l'ordre politique.

Bibliographie critique. Table des matières de la XXXI' année.

La revue paraît tous les deux mois. A B O N N E M E N T A N N U E L : F R A N C E E T LTNION FRANÇAISE : 1 800 francs.

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Centre d'études de politique étrangère, 54, rue de Varenne, Paris-7e

POLITIQUE ÉTRANGÈRE La grande revue des questions internationales

N' 5, 1958

M . SZEGEOI Ce que la révolution hongroise était et ce qu'elle n'était pas.

Jean-Michel de L A T T R E L'élévation du niveau de vie et la garantie des inves­tissements en Afrique.

Pierre V E L L A S La conférence de Stresa et la politique agricole

européenne.

Arnold W O L F E R S L'Europe et le bouclier de I ' O . T . A . N .

B. A P R E M O N T Les relations économiques sino-soviétiques.

Le numéro : 330 fr. Abonnements: France et Union française. 1800 F Étranger 2 250 F

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PUBLICATIONS D E L ' U N E S C O : A G E N T S G É N É R A U X

A F G H A N I S T A N ' Panuzai, Press Department, Royal Afghan Ministry of Education, K UlUL.

A L L E M A G N E (République fédérale) E . Oldenbourg' K . G . , Ionesco-Vertrieb für Deutschland Ro^enheimerstrasse 145,

MÜNCHEN 8.

A N T I L L E S F R A N Ç A I S E S Librairie J. Bocage, 15, rue Ledru-Rollin, B . P. 208, F O R T - D E - F R A N C E (Martinique).

A R G E N T I N E Editorial Sudamericana, S. A . , Alsina 500, B U E N O : - A I R K ^ .

A U S T R A L I E Melbourne University Pres-,, 36g Lonsdale Street,

M > L H O V R N K C i (Victoria).

A U T R I C H E Verlag Georg Fromme &. Co. Spengergasse 39, W I E N V .

B E L G I Q U E Office de publicité, S. A . , 16, rue Marcq, B R U X E L L E S 1. N . V. Standard Boekhandel, Belgiélei 151, A N V E R S . Pour * Le Courrier » ; Louis de Lannoy, 22, place de Brouckère, B R U X E L L E S .

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BOLIVIE Librerí.i Seleccionen, avenida C a m a c h o 3(10, casilla <J72. L A V.K?.

B U L G A R I E Raznounos, 1, Tzar Assen, Soi JA.

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C A N A D A L'Imprimeur de la Reine. O T T A W A (Ont.).

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E S T A G N E Librería Científica Medm.icelí, D u q u e de Medinaceli 4, M A D R I D . Pour " Le Courrier * : Ediciones Iberoamericanas S. A . , Pizarro 19,

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ETHIOPIE International Press Agency, P. (). Box 120, A D D I S - A B A B A .

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G R È C E Librairie H . Kauflmann, 28, rue du Stade, A T H È N E S .

HAITI Librairie « A la Caravelle »r

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I R A K McKenzie's Bookshop, B A G H D A D .

I R A N Commission nationale iranienne pour l'Unesco, avenue du Musée, Ti'.HI R A N .

I R L A N D E , The National Press, 2 Wellington Road. Ballsbridge, DUBLIN'.

I S R A E L liíiimstein's Bookstores I t<l., 15 Allenby Road et 48 Nahlat Benjamin Si reer, T E L A V T V .

ITALIE LihreriaCommis ionaria San < mi, via Ginn Cappom 26, carrila postale 552, IriRj;N/ií.

J A M A Ï Q U E Sangslcr's Book Room, qi Harbour Sreet, K I N G S T O N ;

Knox Educational Services, S P ^ L D I N G S .

J A P O N Mariizen Co., Ltd., 6, Torï-Nichome, Nihonbashi, P . O . Box fios, Tokyo Central, T O K Y O .

J O R D A N I E Joseph I. Bahous & Co., Dar-ul-Kutub, Salt Road, P . O . Box 66, A M M A N .

L I B A N Librairie universelle, avenue des Français, B E Y R O U T H .

LIBERIA J. Momolii Kainara, fit) Front & Gurley Streets, M O N R O V I A .

LUXEMBOURG Librairie Paul Brück, 33, Grand-Rue, L U X E M B O U R G .

M A L T E Sapienza's Library, 26 Kmgsway, V A L L E T T A .

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M E X I Q U E E.U.Í .A.P.S.A. , Librería de Cristal, apartado poêlai Kotjz, M É X I C O r, D . F.

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N I G É R I A C . M . S . (Nigeria) Bookshops, P .O . Box 174, L A G O S .

N O R V È G E S.S. Bokhjornet, Stortingspla s 7, O S L O .

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P A N A M A Cultural Panameña, Avenida 7.1* n.° TI-49, apartado de correos 2018, P A N A M A .

P A R A G U A Y Agencia de Librerías de Salvador Nizza, calle Pte. Franco 39/43, A S U N C I Ó N .

P A Y S - B A S N . V . Martinus Nijhoff, Lange Voorhout 9, D E N H A A G .

P É R O U Librería Mejía Baca, Jirón Azangaro 722, L I M A .

PHILIPPINES Philippine Education Co. Inc., 1104. Castillejos, Quiapo, P .O . Box G20, M A N I L A .

P O L O G N E Osrodek Rozpowszechniania WydawniL'tw Naukowych P A N ; Palac Kultury i Nauki, W A R S Z A W A .

P O R T U G A L Dias & Andrade Lda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70, LISBOA.

R É P U B L I Q U E A R A B E U N I E La Renaissance d'Égvpte, q •-h. Adly-Pasha, C A I R O (Egypte).

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R O Y A U M E - U N I H . M . Stationery Office, P .O . Box 569, L O N D O N S.E. I.

S A L V A D O R Manuel Navas & Cía., i.» avenida Sur n.° 37, S A N S A L V A D O R .

S I N G A P O U R Voir : Fédération de Malaisie.

S U É D E A / B C E . Fritz«** Kungl. Hovbdkhandel, Fredseatan 2. S T O C K H O L M 16.

Pour « Le Courrier » ; Svenska Unescrradet, Vasaratan 1517, S T O C K H O L M C.

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