sociologie du risque : une introduction christian thuderoz centre des humanités

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SOCIOLOGIE DU RISQUE : UNE INTRODUCTION Christian THUDEROZ Centre des Humanités

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Page 1: SOCIOLOGIE DU RISQUE : UNE INTRODUCTION Christian THUDEROZ Centre des Humanités

SOCIOLOGIE DU RISQUE : UNE INTRODUCTION

Christian THUDEROZ

Centre des Humanités

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Plan de la séance

1. QUESTIONS DE VOCABULAIRE …

2. RISQUE ET DANGER

3. UN PARADOXE…

4. UNE HYPERSENSIBILITE AU RISQUE...

5. LES DIFFERENCES DE PERCEPTION DU RISQUE

6. CULTURES ET PERCEPTION DU RISQUE

7. MATRICE DU RISQUE

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1. QELQUES QUESTIONS DE VOCABULAIRE …

Ne pas confondre :

• danger : une menace réelle à laquelle on est physiquement exposé

• risque : la probabilité d’être exposé à ce danger

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Risque, incertitude et indétermination

• univers risqué = la situation d’un joueur qui sait quels événements peuvent se produire et qui connaît leur probabilité de survenue (pile / face)

• univers incertain : le joueur sait quels événements peuvent se produire, mais ne connaît pas leur probabilité (le tiercé)

• univers indéterminé : le joueur ne connaît pas les événements possibles, ni par conséquence leur probabilité (l’entrepreneur, qui investit…). (d’après Patrick Peretti-Watel, La Société du risque, éd. La Découverte, 8,50 euros...)

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2. RISQUE ET DANGER …

Qu’est-ce que le risque ?

La double origine du mot :• risco, en italien (ou riesgo, en espagnol), dérivé

du latin resecum, « ce qui coupe », soit l’écueil qui menace les navires, puis tout danger auquel sont exposées les marchandises en mer.

• rixicare, se quereller, ce qui a donné « rixe », soit une situation sociale de danger…

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Donc, le risque est :

associé à l’idée de danger…

– … mais d’un danger qu’on peut maîtriser (puisqu’on peut le probabiliser)…

– … et où, parfois, aucune faute (humaine, notamment) n’est imputable à quiconque…

– D’où l’impression d’un danger sans cause, d’un « danger accidentel »…

Page 7: SOCIOLOGIE DU RISQUE : UNE INTRODUCTION Christian THUDEROZ Centre des Humanités

Exemple : les accidents du travail à la fin du XIXe siècle lors du take-

off industriel…

• La faute des patrons ? Ou la faute à l’ouvrier ?• Fin du XIXe siècle, accidents du travail = « un

danger inhérent à l’industrialisation », voire un « risque nécessaire », « inévitable »…

• On peut donc réparer le dommage (allouer une allocation à la famille de l’ouvrier accidenté), sans condamner un « coupable »…

• Et calculer une fréquence d’accidents, donc un coût associé, donc une prime assurantielle…

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3. UN PARADOXE  :

Notre existence : jamais été si sûre ! – des milliers de voyages par avion chaque jour– espérance de vie : 83 ans pour les femmes (elle était à 45

ans en 1900 !)– disparition, en Europe, des famines et des épidémies

mortelles

Mais, dans le même temps :

hypersensibilité au risque !

POURQUOI ?

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Pourquoi cette hypersensibilité au risque ?

• Sur médiatisation des catastrophes et du risque « moderne » ?

• Une exposition au risque plus longue, du fait de cette longévité ?

• Émergence de nouveaux risques (SIDA, grippe aviaire…) inconnus il y a 50 ans ?

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Certes. Mais aussi…

• Une exposition au risque de moins en moins socialement acceptée : mourir au travail ? (cf. le travail dans les mines de charbon)

• Remise en cause de la notion de « progrès » (Il génère de nouveaux risques !)

• Contrepartie du calcul des probabilités et à la qualité du travail des prévisionnistes ?

• Laïcisation de nos sociétés (le SIDA et grippe aviaire : une punition de Dieu ? Non, bien sûr ! Quoique..)

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Extension progressive de la notion de risque…

… à diverses sphères d’activité humaine ou à des domaines très diversifiés :

• à l’origine, la sphère marchande, puis la sphère financière…

• puis reconnaissance des risques liés au travail industriel...

• Plus récemment : prise en compte des risques climatiques / environnementaux…

Page 12: SOCIOLOGIE DU RISQUE : UNE INTRODUCTION Christian THUDEROZ Centre des Humanités

D’où…

… des lectures sociologiques du risque

(donc une sociologie du risque en 5 Gen!) et une question :

Nouveaux dangers ou

nouveaux regards sur ces risques?

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4. UNE HYPERSENSIBILITE AU RISQUE...

… du fait de « la mise en risque » d’un nombre croissant de... dangers :

– Des risques probabilisables (d’où des formidables outils statistiques...)

– ou moins probabilisables (catastrophes naturelles, mais qu’on veut probabiliser – cf. les tsunamis en Asie du Sud-Est)

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Extension des regards disciplinaires :

• à l’origine : économie et finances• puis : psychologie. Une prédisposition aux

accidents ? Des attitudes de défi, de déni du danger dans divers corps de métier

• Puis : « psychopathologie » = étude des comportements en milieux de travail exposés

• puis : risk management et risk managers ! • puis géographes et urbanistes (avons-nous tiré

les leçons de Lisbonne 1755 – ou de la Nouvelle-Orléans, 2005 ?)

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5. LES DIFFERENCES DE PERCEPTION DU RISQUE

(cf. Mary Douglas, Risk and Culture) :

• les sociétés à dominante hiérarchique = risquophobes ?

• et les sociétés à dominante individualiste = risquophiles ?

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6. CULTURES ET PERCEPTION DU RISQUE

Quatre types organisationnels, selon Mary Douglas, au croisement du degré de hiérarchie et des frontières des groupes entre eux (cf. Mary Douglas, Risk and Blame, 1992):

• La bureaucratie, la structure hiérarchique• L’individualisme• Le sectarisme égalitaire• L’isolement.

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A ces 4 types correspondent :

• des conceptions différentes du savoir…

• et des conceptions différentes de la nature…

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des conceptions différentes du savoir… 

• La bureaucratie, la structure hiérarchique respect des autorités et du savoir scientifique des savants qui les conseillent

• L’individualisme idem, mais plutôt respect et suivi des savants innovateurs, ou des entrepreneurs…

• Le sectarisme égalitaire grande méfiance vis-à-vis des savants « officiels », mobilisation des sources du savoir du groupe sectaire lui-même

• L’isolement pas vraiment d’opinion, mais méfiance générale, sur fond d’ignorance…

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Et des conceptions différentes de la nature…

(Cf. schéma de Mary Douglas)• une nature… robuste, mais à contrôler (par

l’Etat et ses savants…)• une nature… robuste ++ (son homéostasie est

grande : « les bienfaits compenseront les méfaits »)

• une nature… fragile (les équilibres sont instables et le pire peut survenir)

• une nature… capricieuse (on ne sait pas vraiment ce qui se produit, et tout peut arriver).

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Donc une relation entre un rapport au savoir, un rapport à la culture et

des types organisationnels… • La bureaucratie = respect des savants,

perception d’une nature robuste (« l’Etat et ses experts sauront bien trouver la solution… »)

• L’individualisme = respect des innovateurs et perception d’une nature très robuste (« Le vent d’ouest l’emportera sur le vent d’est »)

• Le sectarisme égalitaire = conservatisme et respect d’une nature fragile (« conservons ces précieux équilibres, et tous ensemble, agissons avec prudence »)

• L’isolement = « méfions-nous des docteurs Folamour, on ne sait jamais ce qui peut arriver… »

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Dès lors…

• Si des nouveaux risques surgissent, à qui faire confiance ?

– à l’Etat et aux savants ?

– à l’action individuelle et au marché ?

– Aux ingénieurs GEN ?

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7. MATRICE DU RISQUE(d'après Anthony Giddens, 1996, The Third Way)

1) et 2) = faces positives

du risque

3) besoin de se protéger

4) Assumer la prise de risque

1.

Opportunités

2.

Innovations

3.

Sécurité

4.

Responsabilité